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Liberté d'entreprendre - Concurrences

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LIBERTÉ D’ENTREPRENDRE

DÉFINITION AUTEUR
DÉFINITION AUTEUR

PREMIER APERÇU

La liberté d’entreprendre a été consacrée par le Conseil constitutionnel sur le


fondement de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen (Cons. const. 16 janv. 1982, 81-132 DC, Loi de nationalisation). Elle
comprend « non seulement la liberté d’accéder à une profession ou à une
activité économique mais également la liberté dans l’exercice de cette
profession ou de cette activité » (Cons. const. 30 nov. 2012, 2012-285 QPC,
M. Christian S.). Elle implique notamment la liberté de choisir ses
collaborateurs, de licencier, ou de définir la stratégie commerciale de
l’entreprise. Elle profite aux personnes privées et aux entreprises publiques.
À l’instar du critère d’applicabilité du droit de la concurrence, la liberté
d’entreprendre ne peut être invoquée pour les activités hors-marché : par
exemple, le Conseil constitutionnel a jugé ce moyen inopérant à propos des
institutions de retraite supplémentaire ou des régimes d’assurance vieillesse
de sécurité sociale.
:
La liberté d’entreprendre n’est pas absolue : il est loisible au législateur d’y
apporter des limitations « liées à des exigences constitutionnelles ou
justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes
disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. »

Au titre des motifs d’intérêt général pouvant justifier les atteintes portées à
la liberté d’entreprendre, il a par exemple été admis que le législateur
encadre le recours au travail dominical afin d’égaliser les conditions de
concurrence entre établissements d’une même taille, ou qu’il supprime les
dispositifs fiscaux d’incitation aux heures supplémentaires en vue de
favoriser le recours à l’emploi.

Les exigences constitutionnelles qui justifient les limitations à la liberté


d’entreprendre sont diverses : le législateur peut, par exemple, limiter la
publicité des produits du tabac ou réserver à une entreprise l’exploitation
des jeux d’argent et de hasard afin d’assurer la protection de la santé
publique. Dernièrement, le Conseil constitutionnel a précisé que l’exercice
de la liberté d’entreprendre devait être concilié avec l’objectif à valeur
constitutionnelle de « protection de l’environnement, patrimoine commun
des êtres humains », qui justifie d’interdire en France l’exportation de
produits phytopharmaceutiques non approuvés par l’Union européenne.

Le contrôle de la proportionnalité des atteintes portées à la liberté


d’entreprendre varie selon que le législateur poursuit un motif d’intérêt
général ou une exigence constitutionnelle : dans le second cas, il se limite
généralement à un contrôle de la disproportion manifeste, mais se renforce
dans la première hypothèse.

POUR ALLER PLUS LOIN

Depuis l’introduction du contrôle de constitutionnalité a posteriori en droit


français par la QPC (question prioritaire de constitutionnalité), la liberté
d’entreprendre est devenue le moyen privilégié par les requérants pour la
défense de leurs intérêts économiques et la contestation de la
règlementation économique devant le Conseil constitutionnel. Il est
désormais fréquent que le droit de la concurrence soit confronté à la liberté
d’entreprendre. À ce titre, la règlementation relative au contrôle des
opérations de concentrations et aux pouvoirs de l’Autorité de la concurrence
(Cons. const. 12 oct. 2012, 2012-280 QPC, Société Groupe Canal Plus et
autre ; Cons. const. 1er oct. 2013, n° 2013-3 LP, Loi du pays relative à la
concurrence en Nouvelle-Calédonie), ou aux pouvoirs du ministre de
l’économie d’agir afin de faire cesser des pratiques restrictives de
concurrence (Cons. const. 13 mai 2011, 2011-126 QPC, Société Système U
Centrale Nationale et autre) a été examinée et validée sur ce fondement. A
contrario, l’attribution de pouvoirs d’injonction structurelle dans le secteur
du commerce en détail à l’Autorité de la concurrence a été censurée au motif
qu’elle y portait une atteinte disproportionnée (Cons. const. 5 août 2015,
n°2015-715 DC, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économique).

Le juge constitutionnel n’est pas le seul à assurer le respect de la liberté


d’entreprendre par les pouvoirs publics. Le Conseil d’État a précisé qu’il
s’agit également d’une « liberté fondamentale » au sens du référé-liberté de
l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CE ord. 12 nov. 2001,
239840, Commune de Montreuil-Bellay).
:
Le Conseil constitutionnel considère que la liberté d’entreprendre trouve un
équivalent dans l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne qui consacre la liberté d’entreprise conformément au droit de
l’Union et aux législations et pratiques nationales. À cet égard, la Cour de
Justice de l’Union précise que la liberté d’entreprise comporte « la liberté
d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et
la concurrence libre » (CJUE, 22 janvier 2013, Sky Österreich GmbH c.
Österreichischer Rundfunk, C-283/11, pt 42). Pourtant, sur ce dernier point,
la liberté d’entreprendre et la liberté d’entreprise ne se rejoignent pas : telle
qu’elle est reconnue et appliquée en droit français, la liberté d’entreprendre
ne se confond pas avec la libre concurrence. Cette dernière ne bénéficie pas
d’un statut constitutionnel : comme l’a précisé le Conseil d’État, « si la libre
concurrence peut être une exigence, notamment pour garantir le respect du
principe d’égalité ou de la liberté d’entreprendre, elle n’est pas, en elle-
même, au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution » (CE, 2
mars 2011, 345288, Société Manirys).

JURISPRUDENCES PERTINENTES

Cons. const. 16 janv. 1982, 81-132 DC, Loi de nationalisation

CE, ord. 12 nov. 2001, 239840, Commune de Montreuil-Bellay

Cons. const. 12 oct. 2012, 2012-280 QPC, Société Groupe Canal Plus et
autre

Cons. const., 30 nov. 2012, 2012-285 QPC, M. Christian S.

CJUE, 22 janv. 2013, C-283/11, Sky Österreich GmbH c. Österreichischer


Rundfunk

Cons. const. 22 mai 2015, 2015-468 /469/472 QPC, Société UBER France
SAS et autre

Cons. const. 31 janv. 2020, 2019-823 QPC, Union des industries de la


protection des plantes

BIBLIOGRAPHIE

G. Clamour, P.-Y. Gahdoun, « Commerce et industrie », Répertoire de droit


commercial, Dalloz, 2019.

V. Delvolvé, La liberté d’entreprendre, thèse, Paris II, 2002.

G. Drago, M. Lombard (dir.), Les libertés économiques, Éditions Panthéon-


Assas, coll. « Droit public », 2003.

V. Fraissinier-Amiot, La liberté d’entreprendre. Étude de droit privé, thèse, La


Réunion, 2006.
:
G. Marson, Le juge administratif et les libertés économiques. Contribution à
la définition des libertés économiques au sein de la jurisprudence
administrative, thèse, Nanterre, 2012.

J.-L. Mestre, « Le Conseil constitutionnel, la liberté d’entreprendre et la


propriété », D., 1984, chron. I, p. 1-8.

A. Tomadini, La liberté d’entreprendre et la protection de l’environnement.


Contribution à l’étude des mécanismes de conciliation, LGDJ, coll.
« Bibliothèque de droit de l’urbanisme et de l’environnement », t. 12, 2016.

Cet article est en cours de relecture par la Direction Scientifique du


Dictionnaire.

AUTEUR

Mélissandre Talon
University of Montpellier

CITATION

Mélissandre Talon, Liberté d’entreprendre, Dictionnaire de droit de la


concurrence, Concurrences, Art. N° 113500

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