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Joum. d'Agric. Trad. et de Bota Appl.. nouvelle sdrie. 1994, Vol. XXXVl(2) :93-143

-
RÉPARTITION DES CULTIVARS DE NIÉBÉ VZGNA
UNGUZCULATA (L.) WALP.DU CAMEROUN : INFLUENCE
DU MILIEU ET DES FACTEURS HUMAINS

. .
I Remy S. PASQUET* , Martin FOTSO**

R&WMB.- Le niébé au Cameroun a fait l'objet d'une enquête variétale. Celle-ci a permis de
réunir plus de 4000 numéros de collection, appartenant à 4 cultigroupes. CG Textilis et CG
Melanophthalma sont représentés dans la zone soudano-sahélienne. L'aire de CG Biflora est
pratiquement réduite aux monts Mandara. CG Unguiculata se rencontre surtout en zone
guinéenne où son introduction ne remonte pas B plus de deux siècles. Ces 4OOO numéros ont
été attribués à une centaine de cultivars au vu de leurs graines et de leurs gousses, et ces
cultivars ont été cartographiés. Les répartitions observées refletent l'importance de certaines
contraintes écologiques, mais surtout celle de facteurs humains. Ces cartes matérialisent des
zones d'échanges préférentielles et sont le reflet de la répartition des différents groupes
humains. de leurs relations et de leurs mouvements .

MoT~-cL&s.- Légumineuses - Vigna unguiculara (L.) Walp. - niébé - cultivars - Cameroun

ABSTRACT.- Cowpea landraces were surveyed in Cameroon. 4000 accessions were collected
from nearly 900 places. These accessions belong to four cultigroups, namely CG Textilis and
CG Melanophthalma (in the Sudano-Sahelian area), CG Biflora (mainly in the Mandara
Mountains), CG Unguiculata (in the Guinean area, where it was introduced one or two
hundred years ago). Pod and seed characters allowed sorting of accessions into one hundred
cultivars. which were mapped. Cultivar spread is limited by both ecological and human
constraints. The maps show preferential areas of exchange resulting from ethnic distribution,
interchange and migration.

Legume - Vigna unguiculata (L.) Walp. - cowpea - landraces - Cameroon.


KEY-WORDS.-

INTRODUCTION

Le niCb6, Vigna unguiculata (L.) Walp., est une des principales


legumineuses alimentaires. Originaire d'Afrique (NG et MARÉCHAL, 1985), il est
aujourd'hui cultiv6 dans toutes les zones intertropicales et même au dela : bassin
mkditerran&n, Iran, Chine, sud des Etats Unis... A ce titre, cette espece fait l'objet
d'une attention croissante, depuis les annCes soixante avec les travaux de I'IRAT
(SÈNE el NDIAYE, 1971 et 1974), et plus encore depuis les premiers programmes

***ORSTOM, BP 11416, Niamey, Niger


IMPM, Centre de Nutrition, Yaoundé, Cameroun

Fonds DocumentaireORSTOM
94 95

de I'IITA' au debut des annees soixante-dix. Mais I'amelioration du nieM pose un


certain nombre de problkmes.
En effet, il n'y a pas un niebe mais des niCb6s. On distingue d'abord un
certain nombre de morphotypes, identifies dks Linne (1753, 1763) et aujourd'hui
consid6d.s au rang de cultigroupes (WESTPHAL, 1974 ;MARÉCHALet coll., 1978).
L'existence de ces morphotypes est like li une remarquable diversite dans les
usages : suivant les cas, on consommera les feuilles, les gousses vertes, les graines
vertes ou les graines seches, et le feuillage ira Cventuellement alimenter le Stail.
Dans cerlains cas, ce sont les pedoncules floraux qui seront utilises li des fins
textiles (CHEVALIER, 1944).
On observe surtout une remarquable diversid morphologique des organes
consommes (graines et gousses), qui a, jusqu'li present, plutôt C d un frein li la mi%
en place des varietes selectionnks. On a ainsi vu les lignks VITA, presque toutes 3
graines B tegument lisse et +ais, boudees par des consommateurs, habitues en
Afrique de l'ouest li des graines B tegument fin et ride. Dans le même registre, on
pourra citer le cultivar TVX 3236 qui n'a pas eu, dans le nord-Cameroun tout au
moins, le succh que ses performances agronomiques auraient pu laisser presager.
Mais ses petites graines marrons, certes li tegument fin, n'avaient pas les faveurs des
consommateus urbains.
Ces goûts et preferences des consommateurs, plus ou moins affirmes, sont
aussi tres variables suivant les regions. L'enquête varietale effectuee par Stanton
I I C
(1962) dans le Nigeria centre et nord a ainsi montre de grandes distinctions entre les zone sah6bwrudanienne Zone guinknne (lorel)
regions. Aux cultivars li graines rouges du Bomou et aux cultivars 3 graines zone soudanienne zones dannude
z o n e s w d a n v u m k n n e (savane)
blanches du pays haoussa, s'opposaient les cultivars trks colores des regions non
islamisees du plateau Bauchi et des monts Mandara.
Les perspectives offertes par les rksultats de Stanton (1962) autorisaient li
reprendre ce type d'elude sur un territoire plus restreint, mais finalement plus varie,
le Cameroun, et en allant plus loin, tant dans la densite de l'enquête, que dans
l'exploitation de ses r6sultats. 7Banlau (non Equatonal
Le niebe presente en effet au Cameroun une tres forte variabilite BBantw Equatonal
morphologique et de nombreuses formes differentesont et6 rapidement recensks. I1
est aussi tres vite appnru que les preferences culinaires pour tel ou tel type de
graines etaient trbs affirmees et la situation qui en decoulait s'est revelee fort
complexe. Le recensement s'est alors voulu exhaustif et accompagne d'une
cartographieassez fine. I

Des explications aux difffkrents types de repartition ont ete recherchees et


les impacts respectifs des facteursecologiques et humains ont et6 6valuCs.
A l'inverse, on a regard6 si ces repartitions pouvaient servir d'arguments li
cerhines hypoUiEses sur l'histoire du peuplement ou de marqueur de l'evolution des
populations.

CADRE G~OGRAPHIQUEET HUMAIN


Le Cameroun constitue pour ce type de travail un remarquable temain I L
d'etude. Le pays, qui s'&end ciilre 2" et 12" N, constitue un excellent wansect des
zones phytogCographiques guinCennes et soudanicnnes (fig. I), dont l'interêt est
rehausse par l'opposition quasi continuclle entre zones d'altitude et de plaines (fig. Figure 1.- Le Cameroun. Oro-hydrographie et reseau rourtier principal (en haut li
1). II est en outre peupl6 d'une rcmarquablc mosaïque ethnique, regroupant trois gauche), vegetation (en haut 2droite) d'apks Letouzey (1968), provinces
phylums linguistiques diff6rents (fig. 1). Enfin li l'exception des dgions de plaine du administratives(en bas li gauche) et groupes linguistiquesprincipaux (en b" B droite)
d'apks Dieu et Renaud (1983).

International Insiitule of Tropical /\gricullure. institut du CGIAR (Consultalive G~~~ of


International Agricultural Research) responsahle du nidbb, créé en 1967.
91
96

Nord Cameroun ayant subi la colonisation foulbe, les traits de culture materielle se
sont assez bien maintenus. Dans le cas present, on constate que les gens sont
relativement attaches 2 leurs traditions agricoles.

Relief, climat et végétation

Du nord au sud, le pays est traverse par la dorsale camerounaise qui induit
une succession de massifs : les monts Mandara, les monts Alantika et les monts de
Poli, l'Adamaoua qui barre le pays d'ouest en est, et les hauts plateaux de l'ouest
(provinces de l'Ouest et du Nord-Ouest).
Ces massifs separent des espaces de plaines oh on distinguera les plaines
inondables du lac Tchad et du bas Logone, le Diamare 2 l'est des monts Mandara, la
plaine de la moyenne Benout5 centrke sur Garoua, la haute Benou6 au nord de
l'Adamaoua, et au sud de l'Adamaoua, d'ouest en est, la plaine de Mamfe, la plaine
littorale, la plaine du Mbam et celle de la Kadei (pays gbaya et kaka).
La pluviometrie va de 400 mm (1000 mm sur les Mandara) annuels au
niveau du lac Tchad il 8000 mm au pied du mont Cameroun. Les isohyetes 1600-
1800 mm traversent le pays B la hauteur de l'Adamaoua (SUCHEL, 1972).
La longueur de la saison des pluies et l'altitude sont 2 l'origine de la
zonation phytog6ographique. Les plus hauts reliefs deteminent les zones de
vegetation d'altitude, en general inhabitees. En plaine, on rencontre, du nord au sud,
les savanes soudano-saheliennes, les savanes soudaniennes, les savanes guinhnnes
et enfin la forêt.

Populations, groupes ethniques et langues

Le Cameroun n'est pas peuple de maniere reguliere. I1 y a deux pôles de


tres forte densite : les monts Mandara (jusqu'2 200 h a b . h 2 chez les Podokwo) et
les hauts plateaux de l'ouest du Cameroun. Si on excepte les axes routiers, facteur
d'agrkgation recent, les populations se rencontrent prkferentiellement sur et autour
des reliefs dont les proprietes defensives ont toujours et6 propices aux
concentrations humaines.
Hormis le relief, on remarque les fortes densith de la zone entre Mora et
Garoua par rapport au pays kotoko et B la zone entre Garoua et l'Adamaoua, ainsi
que celle du pays bCti par rapport aux pays basa et maka. Ceci illustre le rôle des
systemes de production, qui autorisent ou non des densites fortes. Ce facteur
ethnique explique par exemple l'opposition entre les hauts plateaux de l'ouest et
l'Adamoua qui reste peu peuple malgr6 un contexte Ccologique voisin.
Dun point de vue linguistique, le Cameroun comprend, du nord au sud, une
aire tchadique (sous-famille du phylum afro-asiatique), une aire adamawa (famille
adamawa-oubanguienne du sous-phylum niger-congo) et une aire bantoïde bantou
(famille benod-congo du sous-phylum niger-congo).
Les principaux groupes ethniques sont cartographies en figure 2. Cette carte.
est simplifik car s'il existe une territorialite assez stricte dans les zones de relief, en
plaine, les groupes euiniques s'interpenktrent assez facilement. Par ailleurs les
ethnies non agricoles, pygmCes et surtout Cleveurs foulbb, n'y figurent pas, même si
les foulbes sCdentarisCs OU les groupes "se disant maintenant foulbes" occupent
majoritairementde grandes parties du Diamark et de la moyenne BenouB.
I1 existe en effet, dans tout le nord Cameroun, une opposition entre un
espace "central" aujourd'hui largement islamisd avec des SociCtes aux pouvoirs Figure 2.- Cartes ethniques simplifiees. Les zones en gris6 figurent les ethnies
centralises, aux populations ouvertes aux influences exterieures et des marges montagnardes, les "palbnegritiques" de Froelich (1968).
paleonkgritiques (FROELICH, 1968) avec des soci&& acephales aux' populations
plutôt conservatrices.
98 99

L'ensemble "islamise" inclut les principautes kotoko et le royaume du Systèmes de production


Wandala d'une part, les FoulMs d'autre part. Les premiers se situaient, avant la
@riode coloniale, sur les marges orientales et dans la mouvance de l'empire du . La grande coupure se situe au niveau de l'Adamaoua et dpare la zone ob un
Bomou. Ils etaient en contact direct avec le commerce caravanier sahelien est-ouest. seul cycle de culture est possible (au nord), de la zone ob l'on pratique deux cycles
Les seconds ont conquis, par leur Djihad au debut du XIXe sikle, une bonne partie de culture annuels (au sud). L'Adamaoua correspond aussi, tres approximativement,
du Diamare, de la plaine de la BCnoue et de l'Adamaoua et ont plus ou moins 2la limite nord de l'igname, qui inclut actuellement les monts Alantika, les monts de
"colonid" ces espaces :les populations locales se sont "foulMides" en abandonnant poli et le pays dourou, et pourrait avoir donne lieu B l'assimilation d'anciennes
leur langue au profit du fulfulde et en adoptant la culture materielle foul& et la populations bantoues. L'Adamaoua correspond enfin, toujours tres
religion musulmane. Les Zoumaya par exemple sont alles au bout de ce processus et approximativement,B la limite sud du sorgho qui inclut les hauts plateaux de l'ouest,
n'existent plus aujourd'hui en tant que groupe ethnique. les pays tikar et vutb, le pays mboum, et pourrait matCrialiser l'influence des
A l'inverse, les groupes ethniques d6jB bien structures 2 l'kpoque du Djihad populations adamawa .
(Guiziga, Moundang, Bata, Tchamba, Mboum...) ont mieux conserve leur identit6. Dans les zones inondables, les differentes ethnies (Kotoko, Mousgoum,
Les groupes ethniques localids sur des massifs facilement defendables ont, eux, Massa, Moussey, Mambay, Bata) partagent leurs activites entre la @che, l'elevage et
conserve leur culture materielle pratiquement intacte. l'agriculture, l'activite dominante etant fonction du degr6 d'inondation des terroirs.
L'ensemble paleonegritique se divise entre reliefs et zones inondables A I'intkrieur des terres, les differents groupes, tant tchadiques qu'adamawa,
(Mousgoum et Massa sur le Logone, Mambay et certaines fractions Bata dans le peuvent être consideres comme des agropasteurs, mais 2 des degres trbs varies. Le
bassin de la BCnou6). Mais c'est dans les reliefs que l'on distinguera surtout les fond de population le plus ancien est celui d'agropasteurs 2 taurins, valorisant le
zones linguistiques tchadique (monts Mandara) et adamawa (Tinguelin, monts taureau et occupant l'espace de manibre trbs ponctuelle, comme les Mboum et les
Alantika, monts de Poli). Dooayo, et qui devait subsister, avant la conquête foulbee, dans toute la zone
On divisera en outre les monts Mandara entre massifs au nord et plateaux adamawa, 1'Clevage etant moins valorisb, ou même relictuel en zone tchadique. Sur
au sud, les plateaux, au relief moins tourmente, etant sur de nombreux points ce fond sont venues se superposer diverses populations dont des strates de
intermediairesentre la plaine et les massifs (SEIGNOBOS, 1982). cCr6aliculteurs purs, surtout dans la zone tchadique, mais aussi en zone adamawa
Les massifs regroupent trois ensembles ethniques :les Mafa au nord-ouest, (Tchamba et Kolbila).
les Mofou au sud-est et le "groupe mora" (incluant les Kirdi Mora, les Podokwo, Ceci conduit B une mosaïque d'ethnies dont l'interêt pour l'agriculture est
MinCo, VamC-Breme, Ourza...) au nord-est. Le pays mafa, et plus particulierement tres variable. En zone tchadique, les montagnards du nord des Mandara ont un
les monts Ziver et Oupay, cultives et habites pratiquement jusqu'2 leur sommet, en systbme agraire trbs elabore, avec rotations et fumure, sur des pentes agencks en
constitue le coeur. Les ethnies des plateaux incluent les Kapsiki, l'ensemble daba, terrasses, et des sols finalement assez riches. En plaine, ce sont les Toupouri et les
les Goude... Moussey qui apportent le plus de soin 2 cette activite. En zone adamawa, dans un
Comme le nord des Mandara constitue la zone la plus relictuelle de l'aire autre registre que les Tchamba et Kolbila, les Dourou manifestent aussi un
tchadique, les monts Alantika (avec les differents groupes koma) et, dans une dynamisme agricole tres net.
moindre mesure, les monts de Poli (avec les Dooayo, Pap6 et Doupa), representent L'autre zone tres peuplee du Cameroun, les hauts plateaux de l'ouest, se
l'aire relictuelle adamawa caracterise aussi par des sols riches et une agriculture tres elaboree. Na-t-on pas
L'aire tchadique couvre approximativement la province de l'Extrême-Nord. parle du "bocage bamilkke". En revanche, si le nord des monts Mandara est peuple
L'aire adamawa commence immediatement au sud des Mandara avec les diffkrents d'ethnies repliees sur elles-mêmes, en position defensive, les populations des hauts-
groupes fali et, en plaine, les Moundang et les Toupouri. Elle se termine au sud avec plateaux, organisees en chefferies tres structurees, entretenaient, bien avant la
les Mboum 2 l'est les Nyem-nyem 2 l'ouest et les K e p W isolCs au sud. Au sud-est periode coloniale, d'importantes relations commerciales internes et extemes, qui
de cette zone, l'ensemble gbaya (de langue oubanguienne) est intrusif au Cameroun, prenaient en compte les produits vivriers. Les hauts plateaux constituent surtout la
ob il a recouvert des elements mboum ou kaka. limite sud du modble agricole soudano-sahelien. Contrairement au nord du
L'aire benoue-congo occupe le reste du Cameroun, mais il existait un Cameroun, la banane et les tubercules y sont trbs importants, comme dans toute
certain nombre d'ilôts bantous (ngong, nagumi) en zone adamawa, preuve que les l'aire benou&-congo. Surtout, les plantes d'origine americaine, maïs, arachide,
populations de langue adamawa ont repousse ou assimile des elements de langue Plmseoliis, y ont pris une place preponderante.
MnouC-congo. Dans l'ensemble niger-congo, on dislinguera les hauts plateaux de Dans les autres regions de la zone benou&-congo,l'agriculture est beaucoup
l'ouest avec un ensemble bamileke et bamoun au sud-est et un ensemble grassfields moins poussee que sur les hauts plateaux.
au nord-ouest.
M~ETHODES D~TUDE

Prospections

Des echantillons des differents cultivars de toutes les espbces de


ICgumineuses ont kt6 collectes en 893 points d'enquête. Des prospections, d'une
dur& cumulee de six mois, ont kt6 effectuees entre mars 1985 et decembre 1989,
toujours au cours de la saison &he.
1O0 101

Le maillage de Ia prospection a et6 module en fonction de critbres


ethnolinguistiques mais, dans l'ensemble, une maille de 10 minutes de latitude par
10 minutes de longitude a 616 recherchk, soit un pas de 10 km environ.
Dans le même temps, des enquêtes varielales ont kt6 realisees par le biais
des societks de developpernentparapubliques.
- SODECOTON, Socied de Developpement du Coton. L'enquête se situait dans les
provinces du Nord et de l'Extrême Nord ;
- NEBBP, Nord-Est Benoue Basin Project, dans la province du Nord :
- MIDENO, Mission de Developpement du Nord-Ouest, dans la province du Nord-
Ouest ;
- UCCAO, Union des Cooperatives de Cafe Arabica de l'Ouest, dans la province de
l'Ouest :
- SODECAO, Societk de Developpement du Cacao, dans les provinces du Centre et
du Sud.
Ceci a permis de reunir, aprks division des echantillons constitues de
melanges de graines differentes,environ 4 O00 numeros (tableau 1).
La densite des points d'enquête est illustrk par la Figure 3. Le recours aux
enquêtes variktales a entraîne une correlation sensible entre la densite des points
d'enquête et la densit6 de population.
La carte fait ainsi apparaître le nord des monts Mandara (en fait finement
prospecte pour la remarquable diversite rencontrk) et le sud du Diamare, les hauts
plateaux de l'ouest (avec des diffkrences sensibles entre departemem, dûes aux
personnalids respectives des chefs de secteur) et la zone beti (provinces du Centre
et du Sud).
A l'inverse, on remarquera sur cette carte les blancs logiques que
constituent les zones forestibres de la province de l'Est et les savanes au sud de
l'Adamaoua, ainsi que Ia densitk moyenne de l'Adamaoua et de la plaine de la haute
Benou6 (oÙ se dCtachenl tout de même les monts Alantika et les monts de Poli).
Les discordances notables viennent des regions Sud-Ouest et Littoral d'une
part, du departement du Logone et Chari d'autre part. Dans les deux cas,il s'agit de
regions non couvertes par des sociCtCs de developpement bien organisees, où le
niCbC se trouve historiquement recent ou marginal, avec des cultivars trbs
homogknes.
!
Tableau 1.- Origine (prospections et enquêtes variétales) des numéros du Cameroun. Dans
les enquCtes variitales, un certain nombre de sites n'ont pu être localisés, ou tout au moins Figure 3.-Nombre d'tkhantillons collecds par localid (2 droite). Ce nombre est en
avec précision. Les échantillons provenant de ces sites n'ont pas Bté cartographiés. fait legkrement supkrieur au nombre de cultivars par localid, 2cause des quelques
regroupements effectues a posteriori. La carte de gauche (nombre de localites) permet
nombre de sites nombre de d'appríkier les zones oÙ aucun Cchanlillon de ni6M n'a ed collecd.
localids IocalisCs numCros

Prospections Pasquet et coll. 334 334 1938

Enquêtes SODECOTON 325 264 1448


variCIales NEBBP 70 51 243
MIDENO 35 19 73
UCCAO 43 31 129
SODECAO 85 70 145
. .

102 103

Dans la mesure du possible les noms vernaculaires des differentes espikes RÉSULTATS
ont et6 notes pour chacune des langues du pays.
Les noms de cultivars, sauf quand ils portent un nom d'ethnie, de personne
ou de lieu (indication de provenance), un nom rappelant un usage particulier ou Nombre de cultivars et nombre de cultivars par localité
constituant une indication d'anciennete, ne presentent en general pas d'iqterêt : il
s'agit le plus souvent de qualificatifsde couleur, de forme ou de precocite. Nombre de cultivars
Enfin divers renseignements ont et6 pris : modes culturaux, preparations La quasi totalite des Cchantillons recueillis (prks de 4000) ont kt6 repartis
culinaires, anciennete et provenance eventuelle, usages particuliers, mais aussi entre une centaine de cultivars (Tableau 2). Approximativement 250 khantillom
rituels, interdits, mythes... Sont restes non identifies, car perdus avant une possible identification. Moins d'une
Parmi ces informations, une attention particulikre a Cte donnee B celles sur vingtaine ont kt6 reconnus comme etant issus de croisements entre formes & graines
l'anciennete relative des differents cultivars et es@ces. blanches et formes B graines color6es.
Tableau 2.- Nombre d e numéros par cultivar. HYB correspond à des échantillons de graines
Critères d'identification issues de croisements (Bi = CG Biflora, Me = CG Melanophthalma, Un = CG Unguiculata,
Se = CG Sesquipedalis, T = CG Textilis, S = Self, terme anglo-saxon désignant les cultivars ?I
Chaque tchantillon collecte est d'abord attribue B un des cinq cultigroupes graines colorées sans oeil, E = cultivars à oeil de type "Small Eye").
initialement consi&res :
- CG Sesquipedalis pour les formes photo-independantes B longues gousses
charnues, CG nbr. cy CG nbr.
- CG Unguiculata pour les aurres formes photo-in&@ndantes, cv CG nbr. cv CG nbr. cv
- CG Biflora pour les formes photosensibles ?i graines ?i tegument lisse, NO2208 Me 11 NO3148 Me 13
- CG Melanophthalma pour les formes photosensibles B graines B tegument fin et HYB
NO 11
Me
Bi
17
6
NÖ1331144M 104
NO 1721259M 926 NO2304 Me 9 NO3157 Me 26
ride, NO 173 Me 215 NO2308 Me 44 NO3216 Me 3
NO 106 Bi 3
- CG Textilis pour les formes B longs pedoncules floraux. NO 117 Bi 10 NO 205 Me 2 NO2333 Me 3 NO3256 Me 25
Les echantillons sont ensuite regroup& en cultivars. Le terme "cultivar", NO 183 Bi 35 NO 347 Me 87 NO2348 Me 2
NO2393 Me 4 CS 5 Un 33
habituellement utilise pour designer des lignees de materiel dlectionne, va prendre NO 251 Bi 21 NO 348 Me 63
NO2397 Me 12 CS 15 Un 44
un sens plus etendu. Nous definirons un cultivar comme un ensemble de formes NO 252 Bi 15 NO 359 Me 2
NO1795 Bi 93 NO 471 Me 2 NO2448 Me 4 litCS5 Un 41 ,
cultivees morphologiquement identiques, suivant Ia definition des codes NO2449 Me 27 litOU31 Un 52
NO2063 Bi 8 NO 472 Me 45
internationaux pour qui le cultivar est le rang le plus inferieur ?i l'interieur des Bi 2 NO 574 Me 26 NO2466 Me 2 litOU83 Un 17
NO2253 NO 74 Un 18
formes cultivees. NO2295 Bi 29 NO 582 Me 10 NO2529 Me 70
NO2589 Me 3 NO 90 Un 14
Les caractkres morphologiques retenus sont essentiellement ceux des NO2538 Bi 4 NO 649 Me 16
Un 28
NO 666 Me 20 NO2606 Me 4 NO 125
gousses mûres (forme, dimensions, nombre d'ovllles, coloration et degr6 de NO3336 Bi 5 NO 576 Un 21
dehiscence) et des graines (forme, taille, coloration et texture du tegument). S Bi 126 NO 760 Me 7 NO2751 Me 20
NO2753 Me 17 OU 31 Un 150
Pour la coloration des graines, il sera beaucoup fait mention de l'oeil, qui NO 929 Me 37
NO2757 Me 15 OU 65 Un 24
E Me 205 NOI319 Me 11
est la zone, le plus souvent color&, situ& autour du hile. NO1387 Me 14 NO2767 Me 5 OU 83 Un 86
NO 3 Me 100 Un 1
Chaque cultivar (abrege en cv) est identifie par un numero de la collection NO 5 Me 203 NO1616 Me 41 NO2806 Me 61 OU 130
ORSTOM, khantillon qui constitue le numero de reference du cultivar. Outre sa NO1732 Me 23 NO2807 Me 9 S Un 51
NO 15 Me 24
morphologie, il peut être caracteris6 par un usage, un mode d'insertion dans NO 42 Me 72 NO2844 Me 10
I'agrosystkme et surtout une distribution geographiqueprecise, &partition qui owit 2 NO2905 Me 2 NO1036 Se 2
NO 55B Me 2
des contraintes d'ordre kologique, mais qui est le plus souvent determinee par des NO 95 Me 24 NO2951 Me 11
NO2973 Me 2 NO27D1 T 40
facteurs humains. NO 110 Me 14 NO 40 T 36
~ 0 3 0 2 1 Me 8
Cette repartition geographique permet certains regroupements ulterieurs de NO 198 T 14
numeros ne differant que par un seul caractkre, comme la couleur de la gousse OU de
l'oeil mais occupant exactement la même aire de culture et bien 6videmment non
distingues par les paysans. Le cas kcheant, on parlera ainsi de variantes d'un cultivar
donne.

Cartagraphie

La repartition geographique de chaque cultivar a pu être definie grâce g 765


des 893 points d'enquête, 128 d'entre eux n'ayant pu être localises avec precision
(tableau I).
Les cartes presentent des donnees brutes et un symbole represente un point
d'enquête OD a et6 collecte un tkhantillon de graines du cultivar considere. -
f
104 105

Cette repartition des echantillons est quelque peu subjective. Comme On le rencontre des monts Mandara B l'Adamaoua, même s'il a disparu des
signale plus haut, certains numeros ont et6 attribues B un même cultivar, malgr6 de
plaines. Sa limite sud inclut les Koutin et exclut les Nyem-nyem, inclut les Dourou,
trks legeres differences de coloration, la repartition, le mode cultural et l'usage les Mboum Ngang-Ha, les Laka et les Mboum de la vaIl& de la Vina mais exclut les
n'etant en aucune façon modifies. Ainsi cv NO 40 regroupe des numeros B oeil Mioum Mb62 (fig. 4, pl. 1).
rouge et des numeros B oeil noir ; cv NO 95 quelques rares numeros B gousse Le second cultivar (cv NO 40), avec ses graines blanches, pourrait se
blanche ;S (Bi) regroupe tous les cultivars du CG Biflora h "phenotype sauvage" rattacher au CG Melanophthalma, même si le tegument de ses graines n'est pas B
quel qu'il soit. proprement parler ride (mais il n'est pas lisse et resistant comme celui des CG
D'autres regroupements sont plus artificiels et doivent être consideres Biflora). Le nombre d'ovules est eleve, ce qui fait de ce cultivar un cas un peu B part,
comme provisoires, en attendant la multiplication des numeros correspondants. S intermaiaire entre CG Unguiculata et CG Melanophthalma.
(Un) regroupe ainsi tous les cultivars du CG Unguiculata provenant de la haute I1 est cultive par les Mousgoum (en tant que ni6M textile) et par les
Benou6 et de l'Adamaoua, pour lesquels la gousse est encore inconnue, Pour la Toupouri (fig. 4, pl. 1).Mais ces derniers n'en utilisent pas les fibres et ne le
même raison, E regroupe tous les numeros B oeil de type "Small Eye" et constitue un considerent que comme un cultivar preCoce. I1 est fort possible que ce cultivar ait Cd
ensemble assez varie. produit dans tout le Diamare (et même plus au nord), dans la mesure oÙ les
Zoumaya cultivaient un'niebe textile, dont il etait fait commerce avec les gens du
Nombre de cuIfivarspar localitc! Logone.
La prospection en elle-même constitue deja un resultat. La figure 3 met Le troisikme cultivar (cv NO 198) presente, lui aussi, le nombre d'ovules
ainsi l'accent sur l'opposition entre la zone soudanienne et la zone guineenne, de part eleve de CG Unguiculata mais en même temps la petite taille des graines et la
et d'autre de l'Adamaoua. Au nord il est courant de collecter cinq B dix numeros photosensibilit6de CG Biflora. I1 est cultive par les seuls Massa (fig. 4,pl. 1).
dans un village donne. Au sud, il est rare d'arriver B en collecter quatre. On remarquera l'opposition entre deux zones, par les cultivars rencontres
Cette carte est en partie biaisCe par le zele assez variable des enquêteurs et (proches des formes sauvages au sud-ouest, plus tvolues dans les zones inondables),
par la plus ou moins bonne cooPCration des villageois. Ainsi, la haute Benou6 et par l'usage fait des cordelettes. Dans les zones inondables, CG Textilis etait
constitue sur la carte une zone homogene, alors qu'elle devrait être un peu plus indispensable B toute activitk de pêche au filet et, en dehors de son usage
dense vers l'ouest et l'extrême sud-est. Cette carte montre tout de même la pauvret6 vestimentaire, son importance economique etait certaine. En montagne, au contraire,
en cultivars de la zone kotoko et de l'Adamaoua et, au contraire, la richesse du nord s'il etait utilise pour la confection de divers paniers, il etait avant toute chose le
des monts Mandara et de la zone toupouri. La zone moussey, trks riche mais petite vêtement feminin, B savoir la ceinture, qui pouvait être decoree. A ce titre il
et contrebalancee sur chacun de ses "carrCs" par une aire massa comparativement intervient toujours dans de nombreux rituels, m,ariages et surtout enterrements, ce
pauvre, n'y apparaît malheureusementpas. qui signale unusage tres ancien.
Dans la zone sud, la frange nord des plateaux de l'ouest, les plaines du Dapres Chevalier (1944), on rencontrait CG Textilis sur tout le bassin du
Mbam et du Noun devraient être un peu plus riches que les plateaux et la plaine de Niger,. de la BCnouB, du Logone et du Chari. On le rencontrait aussi au Togo et au
MamfC, ce que ne montre pas la carte. La relative densite du pays bamilekk n'est due Benin (specimen Poisson 73), avec un type de graines different (TO 7 = NI 816).
qu'au zele excessif d'enquêteurs ayant fourni des Cchantillons identiques (et
conserves comme tels dans la collection). En revanche la zone forestiere, % Culligroupe Bifrora
l'exception de la zone littorale et du pays bassa, montre bien la quasi absence de la CG Biflora rassemble des cultivars photosensibles, %portplutôt rampant,
culture du nikbe dans cette region, surtout si l'on compare la carte du nombre gousses plutôt courtes, souvent grises et presentant donc une relative dehiscence, 2
d'echantillonspar localite B la carte de la densite des points d'enquête. faible nombre de locules, et B graines B tkgument lisse et le plus souvent color6.
La zone Sud-Ouest I Littoral presente une exception car on peut y On le rencontrait, d'aprks Chevalier (194% dans toute la zone soudano-
considerer trois cultivars (se distinguant par la taille des graines et des gousses)
sahklienne du nord de l'Afrique ainsi que dans les oasis, mais il tend visiblementh
presentant chacun jusqu'B six variantes (de coloration). A la limite des plateaux, on y
trouve en plus les deux cultivars de cette demikre zone. disparaître au profit du CG Melanophthalma, car, au Cameroun, CG Biflora ne se
sencontre plus que sur les monts Mandara et plus particulierement dans leur partie
Les différents cultigroupes nord (pays mora, mafa, mofou, kapsiki) où l'on recense au moins une dizaine de
cultivars.
Cultigrorrpe Textilis
Le cultigroupe le plus ancien paraît bien être CG Textilis. Dans toutes les - Zone des massifs (monts Mandara)
enquetes où il en a 616 qucstion. il est donne comme antCricur aux nie& ~ ~ l t i ~ c ~Les cultivars les plus primitifs (cv S), avec des gousses grises ICgkrement
pour leurs graines. CG Textilis est caractCrisC par ses longs @doncules floraux dChiscentes, et des graines A coloration similaire B celle des formes sauvages, creme,
(atteignant un mEtre) dont, rouis, on tire des fibres textiles utilisees pour la "gris", marbre ou tachete, ne se rencontrent que dans la partie nord des monts
confection de cordclcttcs. On observe au C'ameroun trois cultivars fort differents. Mandara, et surtout sur les massifs mafa (fig. 5, pl. 1). On ne produit pratiquement
que ces cultivars sur les terroirs les plus eleves du pays mafa (Oupay et Ziver). Les
Le premier culiivar se raltache aux formes sauvages (cv NO 27). la Points de la carte hors de cette zone sont le fait de montagnards r6cemment installes
gousse est souvent blanche et presentr: une dehiscence rCduile. Par ailleurs la taille
des graines est un peu plus grande. Dam certains cas cclles-ci sont partiellement en plaine.
blanches (cv NO 91). Cette microregion, territoire des Mafa et Mofou, correspond B une aire tout
fait relictuelle, il n'est donc pas surprenant d'y trouver des cultivars primitifs,
Proches des formes sauvages.
- -

106
107

A NO 251
V NO 252
O NO 2063

Figure 5.- Cultivars primitifs de CG Biflora. Phenotypes marbre, creme, "gris",


"gfiS+tachet6". Cultigroupe Biflora. Cultivars NO 251, NO 252,NO 2063.
108

On peut considérer cet ensemble comme la deuxième gén&ation des


niébés.

- Zone des plateaux (monts Mandara)


Les autres ~ultivar~ (la troisieme generation), à graines colorées dil’feremment (cv
NO 251, NO 252, NO 183), presentent une distribution similaire mais sont
pratiquement absentsdes hauts massifsmafa (fig. 5 et 6, pl. 1 et 2) autour desquels
leur repartition forme une couronne. Certains sont en revancheétroitement localisés:
cv NO 11 et 106 au pays kapsiki (fig. 6, pl. 2). cv NO 2063 au pays mofou et
guiziga (fig. 5, pl. 1). Les cultivars à graines blanches (cv NO 117 et NO 1795),
quasiment absents du pays mafa, sont au contraire plus repandus et se rencontrent
aussi bien vers les marges nord (Guélebda) et sud des Mandara (Daba...)(fig. 6, pl.
2).
- Cycles bisannuels(monts Mandara)
Un point intéressant est celui des cycles bisannuels, quelquefois trisannuels des
monts Mar&ra, où CG Biflora domine. Dans cette zone, bien étudiée par Hilaire
(1988, 1991), une “année des femmes” avec culture de petit mil (Penniseturn
gfaucwh (L.) R. Br.) et d’éleusine (Eleusinecorucuna (L.) Gaertn.) alterne avec une
“année des hommes” où la ceréale dominante est le sorgho. Ce système maintes fois
\ décrit, est toujours resté en partie inexplique. En effet, l’année des femmes entraîne,
i avec des récoltesquantitativement moins importantes, une année de semi-disette.
Vu sous l’angle des légumineuses,cette rotation à I’échelle du terroir, plus
t souvent d’un massif ou d’un groupe de massifs, est beaucoup plus pertinente.
Pendant l’annéedes femmes, le sol est couvert de niebe, au milieu duquel poussent
‘1 les pieds d’eleusineet de petit mil, qui ne gênent guère la légumineuse.Le ni&? fixe
dans le sol une quantité appréciable d’azote, qui sera surtout disponible pour la
culture suivante, en fait au tout début du cycle suivant car l’azote est assez vite
lessivépar IeS premiéres pluies. Pendant l’annéedeshommes, le sorgho, cérealeplus
exigeante, est plus à même d’appréciercet apport azote en debut de croissance d’où
l’intérêt de faire suivre un cycle de niébe d’un cycle de sorgho, intérêt dejà rele& par
différents auteurs(HALLAIRE, 1991).
! Mais le niébé, culture dominante de I’année des femmes, est trcs sensibleà
I une foule d’insectesphytophages. Aussi est-il judicieux de faire suivre une année de
niébe d’une annee quasiment sansniébé, d’amant plus que le sorgho est plus gênant
pour le ni6be que l’eleusine et le petit mil, afin de briser le cycle de ces insecteset
d’eviter leur pullulalion. Ceci n’est possible que si cette rotation est rép&ée sur une
1 aire suffisamment vaste et qu’une forte densite de population humaine laissepeu de
i terrain inoccupé où les insectes pourraient se reporter facilement sur des
i
Iégumineuses sauvages, ce qui est le cas du nord des monts Mandara. Il est
vraisemblable que la connaissance de ces phénomenes ait contribué à la
synchronisationde la rotation.

Figure 6 Cultigroupe
Biflora. Cultivars à graines blanches à tégument lisse : cv
NO 183, i& 117 et NO 1795. Cultivars NO 11 et NO 106.
c
,
111
110

- Cultivars intermediaires et marge sud


En dehors de cette zone des monts Mandara, qu'il faut bien considerer comme
relictuelle, on rencontre d'autres cultivars photosensibles B graines B tegument lisse,
mais leurs graines sont toujours blanches et de taille plus grande. On pourrait les
considerer comme Ia quatribme gCneration, trks proche de CG Melanophthalma
Deux cas de figure se prksentent. Le premier est celui de cv NO 5,
caractkrise par une graine non plate et souvent lisse, une gousse le plus souvent
violette. I1 occupe une bande de 1,5 A 2 degres de latitude, du milieu du Diamar6 B la
BCnouC, et les deux variantes (a graine lisse ou B graine ridCe) presentent une
distribution similaire (fig. 11,pl. 4). Ce type de rkpartition est caractCristique de CG
Melanophthalma et ilpourrait raisonnablement être considCr6 comme tel. Les 7 112"
,-r I
numeros 8 tegument lisse sont toutefois consideres par les paysans comme un
cultivar precoce, mûrissant avant la fin de la saison des pluies. Ils prksentent tous
une gousse violette, ce qui pourrait Cventuellement laisser penser que les autres
numeros sont des intermkdiaires et que ce CG Biflora n'a subsiste en plaine que
grâce & son exceptionnelle precocit6.
L'autre cas de figure est celui de cultivars situes sur les marges sud de l'aire
du CG Biflora. Ainsi, cv NO 2751 (a tegument des graines lisse) et NO 574
(identique mais B tegument des graines rid61 sont pratiquement sympatriques,.dans
le sud-est de l'aire du CG Biflora. Mais le cultivar B graine ridee occupe surtout la
partie nord de l'aire commune et il est quasi absent de la vallee de la MWrk (fig. 14,
pl. 5).
Un second cas tout li fait similaire est celui de cv NO 2295 (avec NO 3336
et NO 33391, qui caractkrise une aire koutin-nyem-nyem-vouteet constitue l'actuelle
marge sud-ouest de la zone des cultivars photosensibles (fig. 7, pl. 2). Il n'existe pas
d'equivalent B graines li tegument ride sur l'aire considerke, sauf dans la plaine
koutin (encore la forme de la graine n'est elle pas rigoureusement identique) et
l'hypothkse d'un intermediaire avec CG Melanophthalma, inexistant dans la zone,
semble B rejeter. On est bien en pdsence de CG Biflora.
Le troisibme cas est celui de cv NO 2538 et NO 2589, dont quelques rares
numeros ont et6 collectes dans la seule partie nord des monts Alantika (fig. 7, pl. 2).
LB encore, des cultivars li graines B tegument ride susceptibles d'être Quivalents se
rencontrent dans la zone mais la m e t 6 de ces numeros B graine lisse, leur
localisation B des groupes particuliers de "l'ensemble koma", et le caractkre relictuel
des populations de cet "ensemble koma" rendent tres interessants ces quelques
numeros.
Plus B l'ouest, on rencontre d'autres cultivars intermMiaires mais, 18, entre
CG Biflora et CG Unguiculata, sur lesquels nous reviendrons plus loin :cv NO 2304
et OU 31(fig. 15 et 16, pl. 6).
Ceci permet de supposer une ancienne limite meridionale de la culture du
niebe (fig. 18) incluant les hauts plateaux de l'ouest ou tout au moins leur partie
nord, les pays bamoun, tikar et voud, l'est de l'Adamaoua, jusqu'h la vallee de la
MbCrC B cause de cv NO 2751, excluant l'Adamaoua central où les cultivars
actuellementrencontres paraissent assez recen&.
Actuellement, CG Biflora paraît absent du pays dourou, des monts de Poli,
et il est exceptionnel dans la seule partie nord des monts Alantika.
CulfigroupeMelnnoplttIiaIinu

a
CG Melanophthalma rassemble des cultivars photosensibles h gousses B
faible nombre de locules comme CG Biflora mais gousses souvent de grande taille
et surtout B graines S tegument fripe au lieu de lisse, ce qui est trks avantageux d'un
point de vue culinaire : le tkgument est facile B retirer et la cuisson est plus rapide.
I 113
112

En revanche, la graine mûrit mal en climat humide et l'aire de repartition du CG


Melanophthalmaest plus restreinte que ne I'etait celle du CG Biflora
CG Melanophthalma couvre l'ensemble des plaines et n'a pris pied qu'assez
r&emment sur les plus hauts massifs des Mandara, avant la Deriode coloniale_ _ c---
ert~c
---7

mais les informateurs insistent toujours sur son caractere re&nt, par rapport aux CG
Biflora et Textilis

- Cultivars localises
On peut distinguer deux ensembles. Le premier, assimilable B une cinquikme
generation, comprend un nombre important de cultivars aux graines souvent
colortjes, gkographiquement assez localises et surtout peu Ctendus en longitude,
correspondant le plus souvent B un groupe. ethnique. On citera d'abord cv NO 95
pour le pays mousgoum, cv NO 110 pour le Wandala (fig. 8, pl. 2), cv NO 1732
(differencie de cv NO 929 par un tegument e s ride) pour les Moussey, cv NO 2208
pour les Mofou (fig. 8, pl. 3) et cv NO 42/NO 666 B graines jaunes pour les
Toupouri (fig. 9, pl. 3).Dans ce demier exemple, le pays toupouri est nettement
souligne sur la carte, et les points hors de cette zone proviennent de migrants
toupouri. Le cas de NO 2529 (fig. 12, pl. 4) pour les Mboum sera discute plus loin.
Cv NO 1387, cv NO 760/NO 1319 (fig. 8, pl. 3) et cv NO 649 (fig. 9, pl. 3)
sont egalement IocalisCs bien que l'identification B un groupe ethnique precis soit
moins evidente. En fait, beaucoup de ces cultivars apparaissent soit en @ripherie
des monts Mandara, soit sur une zone centree sur le Logone incluant les territoires
mousgoum, moussey et toupouri.
La plus remarquable de ces "aires ethniques" est celle des cultivars B
graines rouges NO 133 (a graines e s ridees) / NO 144 (B graines moins ridks) qui
materialisent au Cameroun la zone d'influence bornouane (fig. 9, pl. 3). Elle inclut la
pays kotoko et se prolonge sur toute retendue de l'ancien royaume du Bomou au
Nigeria (Stanton 1962) et peut être aussi sur celle du Kanem au Tchad.
Toutefois avec un cultivar selectionne du NigCria, Ife Brown ou un de ses
derives, ce type de graines gagne rapidement du terrain, du nord vers la plaine de
Koza et les montagnards descendus en plaine, le long de la bordure nord-est du
massif. I1s'&end ensuite de l'ouest vers la partie sud des Mandara, Kapsiki compris,
chez des populations qui ne le consomment pas, mais qui en cultivent des quantites
importantes pour le marche nigerian et bizarrement en pays toupouri, mais pas chez
les Moundang voisins. Dans les Mandara, B l'exception des MinCo. où le nieh6 ._-- est
-I-

une ancienne culture de rente, les montagnards font bloc et ces 'types n'ont pas
penetre le nord du massif.

- Les "bandes de photopthiode"


Le deuxikme ensemble, que l'on peut considerer comme la demikre generation, est
celui des graines blanches de grande taille, même si des graines violettes comme NO
927 constituent une variante rare de bon nombre de ces cultivars.
Ces culLivars caracterisent les espaces de plaine, aux populations
islamisees, ouvertes aux influences exterieures.
Ces cultivars sont photosensibles. La floraison est declenchCe par la
longueur du jour. Celle-ci commence quand la longueur du jour descend en dessous I
d'un certain seuil. Ceci fait que ces cultivars sont gkneralement cultives dans des
zones oÙ ils fleurissentapproximativement quinze jours avant le fin de la saison des
pluies (SUMMERFIELDet COK, 1985). Une floraison trop tardive soumettrait la
plante B un deficit hydrique. Au contraire, une floraison plus prCcoce entraînerait
une sensibilite plus grande aux insectes B la floraison et un mauvais echage des Figure 8.- Cultigroupe Melanophthalma. Cultivars NO 110, NO 1387, NO 95,
graines A la maturation. Les autres cultivars de CG Melanophthalmaet, dans une NO 2208, NO 1319, NO 760 et NO 1732.
114
115

moindre mesure, ceux de CG Biflora, obkissent ce schema, mais leur faible


extension en longitude rend le phknomkne moins perceptible.
En consequence, la repartition des differents cultivars s'organise en bandes
presque parallbles de 1 degr6 30 B 3 degres de latitude qui se recouvrent et qui
presentent un maximum de densite en leur milieu. Ainsi, en un point donne, on
cultive des melanges de cultivars presentant des differences de photosensibilite,
assurance du CultivateÜr contre la variabilite de la fin de la saison des pluies, le
cultivar dominant etant theoriquement le mieux adapte.
Du nord vers le sud, on observe d'abord le groupe des cultivars B graines
t r k ~ridees, cv NO ,133, cv NO 42NO 666 et cv NO 1732 qui caracterisent la zone
des yaeres et le pays toupouri, puis cv N o 173, surtout repandu dans les Mandara, et
plus sp&ialement sur sa p6ripherie (fig. 10, pl. 3).
Cv NO 3 se rencontre un peu plus au sud, surtout chez les Daba et les
Guiziga. Cv NO 347 et cv NO 1616,B graines de grande taille, sont en plus cultivCs
chez les-Massa,les Moussey, et surtout chez les Guidar, plus au sud (fig. 10, pl. 3).
La carte du cultivar NO 5 le montre trks commun chez les Toupouri (oil il
est considere comme un cultivar precoce), chez les Guidar, mais la zone daba-
guiziga n'apparaît plus de maniere nette. Cv NO 172, avec ses nombreuses variantes,
occupe une aire similaire, mais oil le pays toupouri ne se remarque plus (fig. 11, pl.
4).
L'ensemble cv NO 15 / NO 929, avec de nombreuses variantes, occupe
surtout le pays fali et la zone des monts de Poli et des monts Alantika et aurait pu
figurer avec les cultivars localises, car il est absent de la zone est-Bknoue. Mais sa
distribution se superpose assez bien B celle des "cultivars luzemiformes" B gousse
spiralCe, cv NO 3157 et NO 3206, qui, eux, occupent reellement la bande
correspondante(fig. 11, pl. 4).
Cv NO 348, similaire B cv NO 172 mais B l'oeil toujours noir et aux graines
nettement plus grandes, a pratiquement la même distribution que cv NO 15 / NO
929, mais il est plus commun dans le sud de la zone (fig. 12, pl. 4).
L'ensemble des cultivars B graines plates (cf. infra) occupent une bande de
1 degr6 et demi, entre les Alantika-monts de Poli-pays dourou et l'Adamaoua en
partie inclus (fig. 12, pl. 5).
La serie se termine au niveau de l'Adamaoua par cv NO 2529, bien qu'il
n'occupe pas vraiment une bande. I1 est en effet cultive par tous les groupes mboum
mais on ne le rencontre ni dans la plaine koutin, ni chez les Nyem-nyem. I1 s'agit lh
d'un cultivar qui paraît recent et qui presente des intermediaires avec les cultivars B
graines plates et gousses fines dans les vallees de la Mbed et de la Vina (fig. 12, pl.
4).
L'exception serait le groupe des cultivars E B oeil de type Small Eye. Les
differentes variantes actuellement reconnues sur la taille de la graine, l'extension et
.la couleur de l'oeil, la couleur de la gousse, se rencontrent du nord au sud de la zone
(fig. 12, pl. 4) sur plus de quatre degres de latitude.
Cette organisation en bandes paralleles n'est certes le fait que des cultivars
les plus repandus (graines blanches B oeil; indiscutablement les plus prisees). Mais
on ne peut que supposer la même chose pour les autres cultivars photosensibles, CG
Biflora compris, même si, pour ces derniers, le tegument de leurs graines plus
r6sistant devrait peut-être les rendre moins sensibles B l'humidite et permettre plus
de souplesse dans leur extension en latitude, comme pourraient le 1aisser.supposer

!' Cv NO 5 et cv NO 40, rkcolt6s en pays toupouri, avant la fin des pluies.


Cette organisation en bandes paralleles presente un autre trait particulier.
Une stricte adaptation de chaque cultivar B une photoperiode donnee devrait
entraîner une configuration en bandes orientees est-ouest. Or il n'en est rien, les
bandes sont plutôt orientees ouest-nord-ouest- est-sud-est, ce qui est plus en rapport
~~~~
117

a NOI72

Figure 11.-CG Melanophthalma. Cultivar NO 5, NO 172, NO 15, NO 929, NO


3157 et NO 3226.
118
119

avec la pluviomktrie, et plus prkisement la duree de la saison des pluies (SUCHEL,


1972), qu'avec la photop5riode.
CeCi implique, pour chaque cultivar, une Certaine plasticit6
photoperiodique, qui etait d'ailleurs presque supposke au depart, dans la mesure où
un &art de deux degres n'est pas ,negligeable, considere sous l'angle de la
photopCriode (WIEN et SUMMERFIELD, 1980). Cette manifestation de plasticit6
purrait être induite par des variations hygrometriques.
Sur le plan humain, ceCi a d'autres r6percussions. 11apparaît, en particulier
dans la zone est-BenouC, que les migrants venus du Diamare et des Mandara
abandonnent assez vite leurs cultivars. I1 faut sans doute y vöii'la relative
inadaptation des cultivars B un brutal decalage de deux degres (ou plus) de latitude,
plus qu'une "foulb6ïsation" entraînant l'adoption de cultivars B graines blanches i?ì
tegument ride, car dans ce cas, cv NO 173 en particulier serait plus abondant dans la
zone est-Benou6.

- Marges sud
Sensible B l'exces d'humidite, la limite sud du CG Melanophthalma se situe au nord
de celle du CG Biflora, surtout si l'on tient compte du recul recent du CG Biflora en
zone guineenne.
Plus interessant, les marges sud du CG Melanophtalmus montrent une tres
nette opposition est-ouest (fig. 13 et 14,pl. 5). Tous les cultivars ont en commun le
caractere plat des graines mais ceux de l'ouest ont une gousse normale et ceux de
l'est une gousse aux parois anormalement fines. Le tegument des graines des
cultivars de l'ouest est peu ride, celui des graines de l'est est plus ride, B l'exception
du cv NO 2751 qui presente un tegument lisse. Dans les deux cas, les types d'oeil
sont assez varies.

des gousses est eleve.


Au Cameroun, ils ont et6 introduits sans doute au cours du sikle preddant
la periode precoloniale, via la v a l l k de la Benoue, B l'exception des cultivars de la
region littorale.
Des cultivars se rencontrent sporadiquement dans le Nord-Cameroun, en
particulier dans les Alantika. Un exemple particulier est celui du cv NO 74, B port
krige, mais B gousse pendante, dont Saue est limitee au pays moussey. Sans doute
allochtone, il n'a pas et6 possible de pr&iser son ancienned (fig. 17, pl. 6).
Mais l'aire d'extension du cultigroupe est la zone guinknne, qui permet
deux cycles de culture annuel, ob les cultivars photosensibles n'autorisent qu'un seul
cycle de culture annuel.

- Les hauts plateaux de l'ouest


Le plus ancien de ces cultivars semble être cv OU 31, cultive sur les hauts plateaux,
surtout dans la province du Nord-Ouest et le departement du Noun (fig. 15, pl. 6). I1
est par la suite devenu moins important en pays bamilCk6 où cv OU 100 domine
maintenant
Cv OU 31 est aussi le cultivar du CG Unguiculata qui presente les gousses
les plus courtes et les nombres d'ovules les moins eleves. Proche de cv OU 31, cv
OU 130, rarement observe dans cette zone et non cartographi6 est, lui,
photosensible, avec des nombres d'ovules Clev6s. Cv NO 2304, localise chez les
121

Figure 14.- CG Melanophthalma. Cultivars h graines plates : cv NO 2751, NO


2844, NO 2753, cv NO 574, NO 2951, et NO 2757.
122
123

Wawa (fig. 16, pl. 6), se rapproche, par d'autres Côtes, de CG Billora. Suaout, ces
cultivars atypiques de CG Unguiculata se rencontrent dans une zone oÙ etait
autrefois cultivCCG Biflora.
11 est d'ailleurs possible d'apprecier la chronologie de la substitution
CG Biflora / CG Unguiculata. Les cultivars photo-independants (donc susceptibles
d'être cultiv& deux fois par an au moins) ont remplace, au fur et mesure de leur
progression, des cultivars du CG Biflora photosensibles qui ne fleurissaient qu'avec
des jours decroissants et qui ne permettaient qu'une recolte aIIIILIelle.
Or, dans certaines dgions, on se rappelle plus ou moins ces cultivars que
l'on ne cultivait en premier cycle que; pour une recolte de feuilles. Ainsi le souvenir
en a kt6 perdu dans l'ensemble des Grassfields. Le fait n'a Bt6 releve par aucun des
auteurs ayant travaille dans cette region (KABERRY, 1952 et WARNIER, 1985)
mais, dans la region de Bafoussam, on s'en rappelle encore. Dans le royaume
bamoun, la substitution s'est Oper& fin XIXe, debut XXe sibcle (TARDES, 1980) et,
dans la plaine kondja, on a cultiv6 des cultivars de ce type jusque vers 1950.
L'ensemble des plateaux est maintenant surtout toum6 vers la culture de
Phaseohs vulgaris, introduit peu avant la periode coloniale. Phaseolus lunalus y
etait auparavant trbs cultive puisque son introduction est, elle, antkrieure ilcelle des
cultiv& photo-independants(CG Unguiculata) de niCbC.
__ Un aspect interessant de l'introduction de P. vulgaris reside dans le
glissement des zones de culture des lkgumineuses B graïn'es. En periode
precoloniale, les zones orientees au Sud-Sud-Ouest produisaient du nie& dans un
but commercial (WARNIER, 1985). Avec l'introduction de P . vulgaris, c'est au
contraire les zones les plus froides (pentes NE),impropres ?I toute autre culture, qui
sont devenues trbs productrices de legumineuses ?I graines.
Comme cv OU 31, cv CS 15, surtout rencontre dans les savanes de la
province du Centre, a manifestement 6te introduit via la vallee inferieure de la
BCnouC, ce qui est d'ailleurs aussi le cas du maïs (WARNIER, 1985). I1 p o u d t être,
comme les cultivars CS 5 I CS 14, d'origine prkolonide (fig. 15, pl. 5).

- Cultivars d'origine coloniale


Les cultivars de la zone forestiere sont manifestement d'origine coloniale.
Dans la plaine de Mamfe et sur le rebord nord ouest du plateau, on cultive
cv OU 65 (fig. 15, pl. 6), caracterise par des gousses tres longues depassant 30 cm.
Ce cultivar est recent, dans une zone traditionnellement toumCe vers Ia culture d'une
autre legumineuse il graine, SphenostylissfenocarpaHarms.
La region littorale, plus traditionnellement tournee vers la culture du
voandzou, Vigna subferranea(L.) Verdc., est caract6risee par une serie de cultivars
il graines le plus souvent colorees (fig. 16, pl. 6), assurement introduits au debut de
la periode coloniale. Certains informateurs font ainsi reference 2 la construction du
chemin de fer. Cette zone se situe dans le prolongement de l'aire nigeriane de ces
cultivars (EZUEH et NWOFFIAH, 1984).
II en est sans doute de même pour cv NO 576, dont l'aire de culture
coïncide exactement avec la zone gbaya, ethnie sans grandes traditions agricoles
(fig. 16, pl. 6). I1 correspond au "Crowder pea" des hericains, caracterise par des
graines tres compressees dans la gousse.
Enfin, cv OU 100 (fig. 16, pl. 6) predominant en pays bamiI6kC mais rare
dans les Grassfields, a et6 introduit peu avant ou dans les premieres annees de
l'indkpendance du Cameroun.

- Niebes "aphrodisiaques"
11existe enfin, dans le nord du Cameroun, un demier groupe de cultivars assez
particulier, appartenant au CG Unguiculata, mais d'origine certainement asiatique,
124
125

Figure 17.- CG Unguiculata. Cultivars NO 90, NO 125, NO 74.


126

127

parmi les facteurs humains conditionnant la repartition des cultiyars et des


cultigroupes, il en est d'anecdotiques : la diffusion d'un cultivar vla le retour
chez des travailleurs deplaces pour la construction du chemin de fer 0"
l*appropriationd'un cultivar nouveau que l'on utilise comme ln~wmentde POUV.O+
cedenier exemple, celui des "ni&& aphrodisiaques", Peut paraître lifite Illals l1
illustre rancien rôle rituel de certaines chefferies dans la diffusion des nouvelles
Semences (SEIGNOBOS, 1991).
CONCLUSION plus important,la repartition des cultivars de ni6bbB traduit des aires
d'échange préférenfielles et Sert ainsi de mXqueurs Pour des ethnies ou des groups
d'ethnies. A des &helles diffkrentes, On Citera cv NO 11 I NO 1% p u r certains
villages particuliers du pays kapsiki, CV NO 110 le Wandda Ou CV N o 1732
p u r les Moussey, cv NO 40 et cv NO 95 pour l'ensemble m o ~ s g o ~ m - t O ~ P ~ -
plus i m p m l e de ces aires est celle des Cultivars graines rouges qui caractbls
l'empire du Bomou et sa zone d'influence (STANTON, 1962).
Dans certains cas ces zones sont ethnlquement heterogbnes mais elles
traduisent des spheres d'influences, tout au moins agricoles. Les limites peuvent
alors regeter des coupures culturelles importantes. On citera la forêt de Deng-deng
qui skpare l'ensemble Mti (cv CS 15 et l'extension r6Cente des CUltiVXS du littoral)
de l'ensemble @aya (cv NO 576). Tres nette aussi est l'opposition plateau (CV OU
31) piemont (CVou 65 l'ouest, cultivars du littoral au sud, CV cs 15 a fest) dans
l'ouest du pays (fig. 15). Ce dernier exemple n'est PaS li6 l'altitude mais a la
coh&ion de la zone grassfield. De nombreux paysages du pays bamoun evquent
plus la plaine du Mbam que les hauts plateaux, mais on n'y Cultive que CV ou 31. A
l'inverse, chez les Widekum, on Cultive cv OU 65 (et Sphenostylis stenocarpa) et
non cv OU 31, alors que les terroirs sont situes sur le plateau. Un dernier exemple
est celui de la basse BCnou6 et de l'Adamaoua avec une sphere d'inflpence dourou 2
l'ouest et au centre et une sphere d'influence laka ou peut-être sara 21est.
De la même maniere on peut voir sur certaines cartes le reflet de
tlwiiveinents de populations récents. La figure 18, avec cette avande anachronique
de cultivars de CG Biflora en plaine illustre ainsi la descente des montagnards .&ns
le Diamare. Cv OU 31 et cv OU 100 reflbtent l'avancee de populations ba"!ekk
Cette etude montre que la repartition geographique des cultivars et dans le Mungo (non CchantillonnC pour cette raison) et surtout le pays banen-MU..
cultigroupes de nikbe est like d'une part des facteurs ecologiques, d'autre part et A l'inverse, la distribution geographique des cultivars de ni6M met en rellef
surtout, 2 des facteurs humains. l'hCterogenCit6 de certains grands ensembles. Le cas le plus net est celui des
- Mboum, avec une opposition est-ouest Dour ouLaka-Ngambay et une opposition
nord-sud via l'utilisation Cventuelle de CG Textilis. Un exemple plus complexe est
celui de la domination peule qui entraîne la culture et la consommation de CG
Melanophthalma B grandes graines blanches. Les lamida& peuls constituent des
structures politiques culturellelnent trbs heterogenes dont la composante non
islamisee transparaît via l'usage des graines color&s.
Dans certains cas on pourra parler de nmrqueur du peuplement. Le meilleur
exemple est celui du voandzou en pays ewondo cultive seulement vers l'ouest et qui
matkrialise l'extension de l'ancien pays bassa conquis peu avant la @riode coloniale
par les Beti. On peut aussi citer cv NO 40 et cv NO 95 qui materialisent une
connexion entre Mousgoum et Toupouri et individualisent cet ensemble par rapport
aux Moundang vers l'ouest et aux Massa vers l'est. Ceci pourrait illustrer la
domination de locuteurs adamawa sur un fond de population Mousgoum, comme
dans l'exemple precedent celle de la domination d'une minont6 b& sur un fond de
I29
128

culiure matérielle face au modèle peul. La figure obtenue en spatialisant


l'importance des cultigroupes et des groupes de cultivars est une succession d'aires
concentriquesayant pour centre le nord des monts Mandara (fig. 18).
Les Mafa, un des groupes les plus conservateurs, est le seul i faire un usage
abondant des cultivars B "phenotype sauvage",
ImmMiatement autour se situent l'aire des cultivars du CG Biflora 3 graines
colorees qui correspond aux ethnies des massifs (Mafa, "Mora", Mofou, et
curieusement Kapsiki), puis celle des cultivars du CG Biflora li graines blanches,
cette demikre incluant quelques îlots dans les Alantika et l'Adamaoua
On trouvera ensuite l'aire oh se rencontrent assez couramment des cultivars
color6s du CG Melanophthalma, avec un pôle en pkripherie des monts Mandata et
un pôle sur le Logone. Vient enfin l'aire où l'on ne trouve pratiquement que des
cultivars i graines blanches, qui est en même temps l'aire des cultivars aux graines
les plus grosses, qui correspond au centre du Diamare et B la plaine de la moyenne
BCnouC, c'est-?ì-dire aux zones contrÔl6es et coloniskes par les FoulMs des le dCbut
du Djihad.
Cette carte est finalement celle de l'implantation de l'Islam dans le nord du
Cameroun, le changement de religion allant un peu de pair avec l'adoption de la
culture matt%elle foulbee (architecture,vêtement...). Le même phenomkne s'observe
d'ailleurs avec le seul CG Textilis. Ainsi CG Textilis se rencontre encore assez
facilement chez les montagnards, où son maintien est surtout lit B celui des
pratiques rituelles, plus rarement chez les Massa et Mousgoum, et plus du tout chez
les Kotoko, où on en faisait pourlant un usage tres important.
L'autre point important qui apparaît sur la figure 18 est l'opposition entre la
zone de langues tchadiques et la zone de langues adamawa, d'un grand interêt d'un
point de vue historique. On rencontre dans les deux zones des populations
extrêmement conservatrices et, i ce tire, Saue mafa des monts Mandara se compare
B l'aire koma des mon& Alantika. I1 n'y a pas vraiment de differences quant au CG
Textilis. En revanche, les cultivars de CG Biflom des Alantika sont plus 6voluCs que
ceux des Mandara et CG Biflora y est beaücoup plus difficile i trouver chez les
Koma, preuve qu'il n'est pas aussi ancre dans la culture materielle de ce groupe.
Ainsi, il est fort probable que le nieM soit avant tout la lkgumineuse des
locuteurs de langue tchadique. A l'inverse, chez les locuteurs de langue adamawa,
on constate que c'est le voandzou qui occupe une place plus importante dans la
culture mat&ielle, ainsi que dans certains mythes et rituels. A la chmiere de ces
deux zones, les Toupouri apparaissent, dans ce contexte, beaucoup plus proches des
locuteurs tchadiques.
Les donnees linguistiques (PASQUET, donnees non publiCes) confirment
cet antagonisme entre langues tchadiques et langues adamawa. Le nieb6 est une
plante tchadique et le voandzou une plante plutôt adamawa.
Il est alors possible de conclure sur une histoire des légumirleuses au
Cameroun. La chronologie des cultigroupes est bien attest&. Les informateurs, dans
les Mandara tout au moins, sont unanimes sur ce point. CG Textilis est assurement
le cultigroupe le plus ancien, puis seraient venus CG Biflora et enfin CG
Melanophthalma, pour la partie nord du pays.
CG Textilis est trks vraisemblablement une plante like aux populations de
langue nilo-s'zharienne, adopt& par les populations voisines de langue adamawa.
L'arrivee de CG Biflora est sans doute Me i l'arrivee de cerealiculteurs purs et au
recouvrement de populations de langue adamawa par des populations de langue
tchadique. L'Cmergence de CG Melanophthalma et la mise en place des bandes de
photopCriode sont des phknomknes plus rtcents, mais I'Cvenement n'est pas
.* linguistiquementdatable.
131
130

CG Unguiculata, lui, a "conquis" son aire actuelle au cours de ce siede, et


les demieres avandes sont encore dans les memoires.

REMERCIEMENTS :
Ce travail a et6 realid dans le cadre du projet ORSTOM-MESIRES "Etude des
agrosystemes et diffusion des plantes cultiv6es", initie et coordonne par Christian
Seignobos.
Nous remercions MM. S. Bahuchet, D. Barreteau, M. Dieu, E. Dounias, J.G.
Gauthier, Ch. Seignobos, qui nous ont fourni quelques tkhantillons provenant de
leurs terrains d'etude respectifs. Nous remercions aussi MM. Audebert
(SoDECAo), Gaudard et Mambou (SODECOTON), asters, Dewaele et Mellrillon
(NEBBP), Asah et Parkinson (MIDENO), Piedjou et S i o n (VCCAO), qui ont
permis la realisation des enquêtes vatietales.

BIBLIOGRAPHE
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132
133

i .

Planche 1

. .. _ .
. . .. ... ..
- . .
. .. >'. b . ; . 7
.
.
6 .
> .. . \
' 8
. . .. .
135
134

Planche 2.- CG Biflora (12 premiers) et CG Melanophthalma (2 derniers). De haut


en bas : NO 183 (oeil rouge et oeil noir), NO 117 et NO 1795 (oeil noir et rouge),
NO 1795 (oeil rouge) et NO 106, NO 11 et NO 2538, NO 2589 et NO 2295, NO
3336 et NO 3339, NO 95 et NO 110.

NO 183 Rouge NO 183 Noir


NO 117 NO 1795 Noir et Rouge
NO 1795 Rouge NO 106
NO 11 NO 2538
NO 2589 NO 2295
NO 3336 NO 3339
NO 95 NO 110

- c

Planche 2
136 137

Planche 3.- CG Melanophthalma. De haut en bas :NO 1387 et NO 760, NO 1319


et NO 1732, NO 2208 et NO 42, NO 666 et NO 649, NO 133 et NO 144, NO 173
et NO 3 (oeil noir et oeil rouge), NO 347 et NO 1616. -
NO 1387 NO 760
NO 1319 NO 1732
NO 2208 NO 42
NO 666 NO 649
NO 133 NO 144
NO 173 NO 3 Noir NO 3 Rouge
NO 347 NO 1616

I . Planche 3
138 139

P
1

Planche 4.- CG Melanophlhalma. De haut en bas : NO 5 (tegument 6pais et


gousse violette, tkgument fin et gousse blanche), NO 172 (oeil noir et oeil rouge),
NO 172 (graine violette), NO 15, NO 3157 et NO 3226, NO 929 (noir et rouge) et
NO 348, NO 2529 (gousse violette et gousse blanche), E (oeil rouge et oeil noir).

NO 5 Lisse NO 5 Rid6
NO 172Noir NO 172 Rouge
NO 172 Violet
NO 15 NO 3157 NO 3226
NO 929 Noir NO 929 Rouge NO 348
NO 2529 Violet NO 2529
E Rouge E Noir

I Planche 4
.e

I c

140 141
a

t
-- I

Planche 5.- CG Melanophthalma (11premiers) et CG Unguiculata (3 derniers). De


haut en bas :NO 2806 et NO 2449, NO 2308 et NO 2397, NO 3148 et NO 2751,
NO 2844 et NO 2753, NO 574 et NO 2951, NO 2757 et CS 5, CS 14 et CS 15.

NO 2806 NO 2449
NO 2308 NO 2397
NO 3148 NO 2751
NO 2844 NO 2753
NO 574 NO 2951
NO 2757 cs 5
CS 14 CS 15

Planche 5
142 143

Planche 6.- CG Unguiculata. De haut en bas : OU 65 et OU 31, NO 576 et NO


2304, OU 100et OU 130, cultivars du Littoral (gris et tachete), cultivars du Littoral
("marbre + tachetc et "violet"), cultivar du Littoral (noir) et NO 90, NO 125 et NO
74.

OU 65 OU 31
NO 576 NO 2304
ou 100 OU 130
Li Gris Li Tachee
Li Marbr15+ Tachete Li Violet
Li Noir NO 90
NO 125 NO 74

I. Planche 6

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