PATHOLOGIES DU CUIR CHEVELU

Les teignes du cuir chevelu

Dominique Chabassea,*, Nelly Contet-Audonneaub

RÉSUMÉ
Les teignes du cuir chevelu atteignent les enfants d’âge scolaire. La teigne est
SUMMARY
une infection due aux dermatophytes du genre Microsporum et Trichophyton. Tinea capitis
Les manifestations cliniques dépendent de l’origine des espèces: anthropophiles, Tinea capitis commonly affects school children. This
zoophiles ou géophiles. En général, les dermatophytes zoophiles et géophiles infection is caused by members of the genera Mi-
donnent des réactions inflammatoires (kérion et folliculite) alors que les lésions crosporum and Trichophyton. Clinical manifestation
dues aux dermatophytes anthropophiles entraînent de discrètes lésions d’alopé- depends of anthropophilic, zoophilic and geophilic
cie (teignes trichophytiques endothrix). Le favus dû à Trichophyton schoenleinii species. Zoophilic and geophilic dermatophytes, in
se manifeste par des lésions croûteuses et des godets faviques qui peuvent general, tend to form lesions that are more inflam-
gagner tout le cuir chevelu entraînant une alopécie définitive. Actuellement, le matory reaction (kerion, and folliculitis) than those
favus est devenu exceptionnel. Le diagnostic biologique des teignes est indis- formed by anthropophilic dermatophytes which cause
pensable avant de débuter le traitement. L’examen direct du cheveu confirme discrete patches of alopecia (Trichophytic endothrix
le diagnostic. La culture est le complément nécessaire à l’examen direct. Elle Tinea capitis). Tinea favosa caused by Trichophyton
identifie l’agent causal et détermine la source d’infection. Cette identification schoenleinii shows crusts and scutula covering the
est importante pour prévenir et contrôler l’infection dermatophytique. scalp causing cicatricial definitive alopecia. Actually,
Tinea favosa is currently exceptional.
Teignes du cuir chevelu – teignes anthropophiles – teignes zoophiles – Laboratory diagnosis of Tinea infection is important
teignes géophiles – diagnostic au laboratoire – before the initiation of an antifungal therapy, direct
examen direct des cheveux – culture – traitement. examination of hair samples confirms the diagnosis.
Culture is an obligate complement to direct exami-
Les teignes du cuir chevelu sont des mycoses à l’origine nation, to identification the causal agent and the
d’alopécie transitoire, habituellement bénignes (excepté source of infection. This identification is important
dans la rare teigne favique) rencontrées habituellement to prevent and control the dermatophytes infection.
chez les enfants avant la puberté. Nous allons exposer
les aspects épidémiologiques, cliniques et mycologiques Tinea capitis – anthropophilic – zoophilic –
permettant le diagnostic au laboratoire, le démarrage du geophilic species – laboratory diagnosis –
traitement dès la connaissance de l’examen direct des direct examination – culture – treatment.
cheveux parasités et assurer les conseils de prévention.

1. Origine de la contamination Figure 1 – Épidémiologie des dermatophytes

agents de teignes du cuir chevelu.
et espèces incriminées Espèces
anthropophiles

Il est habituel de classer les teignes et leurs agents :

les dermatophytes selon leur habitat originel (figure 1). Cosmopolites
Retrouvées préférentiellement
dans des régions tropicales
ou sub-tropicales

a Laboratoire de parasitologie-mycologie 7WRQVXUDQV 7VRXGDQHQVH

7YLRODFHXP
Institut de biologie en santé 7VFKRHQOHLQLL
Centre hospitalier universitaire 0DXGRXLQLLYDUODQJHURQLL
0IHUUXJLQHXP
4, rue Larrey 7VFKRHQOHLQLL

49933 Angers cedex 9 Épidémiologie des principaux

agents de teignes du cuir chevelu

b Laboratoire de parasitologie-mycologie
Centre hospitalier universitaire de Nancy
Espèces zoophiles Espèces telluriques
54511 Vandœuvre-lès-Nancy cedex

* Correspondance 0J\SVHXP
7PHQWDJURSK\WHVYDUPHQWDJURSK\WHV 0IXOYXP
DoChabasse@chu-angers.fr  FKDWFKLHQFKHYDOODSLQFRFKRQGő,QGH
7PHQWDJURSK\WHVYDUSRUFHOODH FRFKRQG ,QGHř
7HULQDFHL K«ULVVRQ
7YHUUXFRVXP ERYLQVRYLQVFDSULQV
article reçu le 26 février, accepté le 20 mars 2013. 7HTXLQXP FKHYDO
0FDQLV FKDWFKLHQ
© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2013 - N°454 // 49

 1.1. Les teignes anthropophiles tiers Trichophyton mentagrophytes, et avec le hérisson
La répartition est cosmopolite et la transmission pour ces T. erinacei, la contamination directe chez l’homme est
espèces est toujours interhumaine. La contamination se donc chez ce dernier plus limitée. À l’inverse, il convient
fait soit par contact direct ou par l’intermédiaire d’objet de souligner aujourd’hui l’émergence d’un nouveau variant
comme les taies d’oreillers, les bonnets ou casquettes de T. mentagrophytes : T. mentagrophytes var. porcellae
et des objets de coiffure (peignes, brosses à cheveux, qui semble s’être adapté au cochon d’Inde à l’origine
tondeuses, instruments de nattage). En France métro- de contamination humaine (lié au pelage de cet animal)
politaine et tout particulièrement en zone urbaine où provoquant des lésions volontiers inflammatoires de la
vivent les migrants originaires d’Afrique et du Maghreb, peau sur les parties découvertes mais aussi sur le cuir
les souches anthropophiles représentent la très grande chevelu (kérions) [8, 9].
majorité des cas de teignes. Trichophyton soudanense
et Microsporum audouinii var. langeronii sont les princi- 1.3. Les teignes géophiles
pales espèces, sachant que plus de 70 % des patients Ce sont pour la plupart des espèces saprophytes, qui
touchés sont originaire d’Afrique sub-sahélienne où ces vivent aux dépens de la kératine « morte », issue du sol
teignes sont endémiques. Trichophyton tonsurans, espèce (fragments de poils, plumes, sabots, carapace d’insecte,..)
cosmopolite prédominant sur le continent américain volontiers cosmopolites (Trichophyton ajelloi,Trichophyton
notamment en Haïti, voit sa fréquence augmenter en terrestre, Microsporum cookei,…). Ces espèces ne sont,
France. Dans une étude bien documentée [1], une poupée en pratique, quasiment jamais impliquées dans des lésions
mascotte de la classe a été à l’origine d’une petite épi- humaines et animales. Il convient donc d’être prudent lors
démie. La fréquence de T. tonsurans passerait de 1,4 % de l’interprétation d’un examen mycologique, lorsque ces
des isolats en 1997 à 7,1 % en 2000 [2], mais une autre espèces sont isolées à partir de lésions suspectes. Seuls
étude rétrospective sur 5 ans réalisée en 2006 montre Microsporum gypseum et Trichophyton mentagrophytes
en revanche une certaine stabilité, moins de 3 % des (à la fois géophile et zoophile) peuvent être considérés
souches isolées [3]. Certaines espèces ont une répar- comme d’authentiques agents de teignes lorsque le
tition géographique restreinte : Trichophyton violaceum contexte clinique s’y prête. Pour ces derniers, la conta-
prédomine en Afrique du Nord, T. soudanense en Afrique mination est habituellement accidentelle. Elle nécessite,
sub-sahélienne, M. audouinii var. langeronii en Afrique de pour que le dermatophyte s’implante sur son hôte, un
l’Ouest et centrale et M. ferrugineum en Asie. traumatisme direct avec souillure tellurique, d’où la rareté
Concernant les épidémies de teignes observées en France, des cas humains. Mais le contact tellurique n’est pas
on constate que la contamination intrafamiliale est nette- toujours constant, ces dermatophytes géophiles peuvent
ment plus fréquente qu’en milieu scolaire. L’éviction scolaire aussi être véhiculés par un animal transporteur (chien de
ne semble aujourd’hui plus justifiée en raison du risque chasse, souillé de terre par exemple) puis ils vont pouvoir
limité de contamination et des contraintes que cela impose contaminer secondairement leur maître [10].
aux familles concernées [4]. Elle peut être levée lorsque Habituellement, une dermatophytose causée par une
les enfants concernés sont dépistés et que le traitement espèce zoophile ou tellurique n’est pas contagieuse
débuté est bien suivi. La législation évolue à ce sujet avec d’homme à homme, les lésions sont habituellement inflam-
plus de souplesse [5]. matoires, et parfois aussi suppurées. Ce sont des espèces
non adaptées à la kératine humaine [11]. Ainsi, un enfant
1.2. Les teignes zoophiles porteur d’une teigne à Microsporum canis, aussi étendue
La contamination implique de la même manière un contact soit-elle, ne risque pas, a priori, de contaminer son entou-
direct avec le pelage animal comme le museau des chats et rage immédiat. Il existe cependant des exceptions surtout
des chiens [6, 7]. Dans ces cas, les lésions chez l’homme chez les nouveau-nés ou les jeunes enfants, ces derniers
se trouvent dans des zones de contact fréquent (cheve- ont pu être contaminés directement par une infirmière
lure parfois mais aussi visage des enfants qui embrassent elle-même lors de soins à l’hôpital ou leurs parents à par-
leur animal familier, bras des adultes,...). La contamination tir d’une lésion due à une espèce zoophile qu’ils avaient
peut être aussi indirecte par les poils virulents de l’animal eux-mêmes contractée auprès de l’animal porteur, peu
laissés sur un coussin ou un bonnet pour M. canis (par ou pas symptomatique (Microsporum canis, Trichophyton
exemple) ou dans une étable à bovidés (contact, choc verrucosum) [12, 13].
ou frottement sur une porte, une chaîne, un harnais) pour
T. verrucosum [7]. Les animaux contaminateurs n’ont pas 1.4. Les teignes faviques
toujours des lésions cliniquement visibles, ce qui les rend Il convient de mettre à part la teigne favique ou favus due
épidémiologiquement dangereux. à une seule espèce, Trichophyton schoenleinii, qui est
Le chat (particulièrement le chaton), et à un degré moindre contagieuse. Observée jadis dans les campagnes recu-
le chien, sont les animaux familiers les plus souvent incri- lées elle a pratiquement disparu aujourd’hui en France du
minés avec l’espèce M. canis. Dans les milieux de rentes fait de l’augmentation du niveau de vie et d’hygiène. De
ou d’élevage d’ovins ou de bovins, c’est T. verrucosum rares cas importés peuvent toutefois être observés chez
qui est le plus incriminé. Chez les chevaux, on retrouve des sujets originaires d’Afrique (notamment en Afrique
préférentiellement des lésions à Trichophyton equinum, du Nord), mais la prévalence dans ces pays du Maghreb
à l’origine de dermatophytoses cutanées chez les sujets diminue fortement [14-17] avec le développement écono-
qui pratiquent un sport équestre. Chez les petits mam- mique de ces régions, à l’inverse le nombre de teignes à
mifères (cobaye, hamster, souris, lapin), on isole volon- M. canis est en nette augmentation [18].

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 PATHOLOGIES DU CUIR CHEVELU

2. Formes cliniques des teignes Figure 3 – Teigne tondante à petites plaques

due à Trichophyton soudanense.
et diagnostic différentiel
On distingue classiquement [19-21] les formes suivantes.

2.1. Les teignes tondantes

Elles touchent principalement l’enfant d’âge scolaire, entre
4 et 10 ans, surtout les garçons où la guérison à la puberté
est la règle. Chez les filles d’âge adulte, on peut retrouver
des lésions identiques. Il existe aussi de nombreux « por-
teurs sains », notamment chez les femmes adultes, peu ou
pas symptomatiques, assurant la dissémination de l’infection
dans l’environnement familial.
On individualise deux formes cliniques.

2.1.1. Les teignes tondantes sèches

à grandes plaques
Elles sont dues aux dermatophytes appartenant à des Collection du Dr Guy Badillet.
Microsporum (d’où l’appellation : teignes microsporiques).
Les plaques d’alopécie sont peu ou pas inflammatoires
Les teignes du cuir chevelu régressent spontanément à
(figure 2), de 1 à 3 cm de diamètre, les cheveux sont cas-
la puberté excepté chez les femmes surtout originaires
sés à quelques millimètres du cuir chevelu, les plaques
d’Afrique noire.
alopéciques ont un aspect habituellement grisâtre.
Jusqu’au début du XXe siècle, M. audouinii était la principale
2.1.2. Les teignes tondantes
espèce incriminée en Europe, puis avec le développement
à petites plaques d’alopécie
du niveau de vie, les cas autochtones ont disparu. Ce
Ou teignes trichophytiques, (figure 3) elles sont, en
dermatophyte se maintient cependant en zone urbanisée
revanche, uniquement dues à des Trichophyton anthro-
où vit une population d’origine africaine. Des épidémies à
pophiles (T. violaceum, T. soudanense, T. tonsurans,...).
M. audouinii var. langeronii, dont le point de départ est un Les cheveux cassés courts au ras du cuir chevelu sont
cas importé, sont régulièrement décrites [22, 23]. englobés dans des squames ou croûtes. Les zones
Microsporum canis, dans les années 1960-1970, s’est d’alopécie au départ de très petite taille rendent le
imposé, compte tenu de l’engouement pour nos animaux diagnostic difficile. Plus tard, les plaques d’alopécie
familiers, le chien mais surtout le chat, et plus anecdotique- fusionnent donnant de plus grandes plaques mais
ment les lapins, les cobayes, les hamsters. M. canis reste non arrondies. Cependant, des cheveux parfois longs
actuellement le principal agent de teigne microsporique restent présents sur ces plaques. Des zones squa-
en France métropolitaine. meuses et prurigineuses sont souvent bien visibles
Les plaques d’alopécie de ces teignes à grandes plaques au niveau des raies issues de coiffures traditionnelles
sont habituellement fluorescentes en lumière de Wood. notamment chez les petites filles africaines. Dans les
Ces teignes peuvent être associées à des localisations teignes trichophytiques, les cheveux parasités ne sont
cutanées (dermatophytoses circinées). pas fluorescents en lumière de Wood, c’est un critère
distinctif important.
Figure 2 – Teigne tondante à grandes plaques Ces teignes, observées en France, sont pratiquement
due à M. audouinii var. M. langeronii. toujours importées. Les teignes à T. soudanense se
rencontrent volontiers chez les enfants adoptés issus
d’Afrique sub-sahélienne (Éthiopie, Mali,..), celles à
T. tonsurans proviennent surtout du continent améri-
cain notamment des Caraïbes (Haïti,...), enfin celles à
T. violaceum sont issues d’enfants d’immigrants maghré-
bins, de retour de leur pays d’origine. Les teignes à
T. rubrum restent rares et le plus souvent associées à
des localisations cutanées ou des ongles [24].

2.2. Les teignes suppurées

appelées aussi kérions
Les teignes suppurées sont dues surtout aux dermato-
phytes zoophiles (surtout Trichophyton mentagrophytes,
Trichophyton verrucosum) ou telluriques (Microsporum
gypseum) [10, 25], rarement anthropophiles (Trichophyton
violaceum). Chez l’homme, le cuir chevelu est très rarement
Collection du Dr Guy Badillet. atteint, à l’inverse de l’enfant où les kérions ne sont pas

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 Figure 4 – Teignes inflammatoires (kérion du cuir Figure 6 – Teigne favique étendue
chevelu) dues à Trichophyton verrucosum. due à Trichophyton schoenleinii.

Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers. Collection du Dr Guy Badillet.

rares en région d’élevage (figure 4). En revanche, les lésions bactérienne s’est surajoutée, auquel cas une antibiothé-
au niveau de la barbe appelées sycosis (figure 5) et de la rapie sera nécessaire en plus du traitement antifongique.
moustache sont habituelles chez l’adulte. Chez la femme,
les kérions du cuir chevelu ne sont pas exceptionnels. 2.3. La teigne favique ou favus
Les teignes suppurées se présentent comme des pla- Dans la teigne favique à Trichophyton schoenleinii, les che-
cards ronds, très inflammatoires, limités puis confluents veux ne cassent pas, ils se détachent car ils sont atteints
de plusieurs cm de diamètre et volontiers surélevés. Très par la base. L’accumulation du mycélium va entraîner la
rapidement, ces placards se recouvrent de pustules lais- formation d’une petite croûte jaunâtre, friable, centrée par
sant couler un pus jaunâtre. Les cheveux ou les poils un cheveu : « le godet favique » [10]. Les cheveux décollés
s’éliminent spontanément. La présence d’adénopathies vont tomber, donnant une alopécie définitive. Les godets
satellites traduit une surinfection bactérienne. Habituel- peuvent ensuite fusionner donnant des éléments de plus
lement il n’y a pas de fièvre. grande taille : les croûtes faviques (figure 6). Au départ,
L’évolution est spontanément régressive en quelques l’infection, très discrète, est la plupart du temps méconnue.
semaines ou quelques mois. Les cheveux repoussent Elle ne devient cliniquement évidente qu’après des années
habituellement sans séquelles sauf si une surinfection d’évolution, où des plaques d’alopécie se sont formées,
une odeur de souris est classiquement soulignée.
Dans le favus, contrairement aux autres teignes, il n’y a pas
Figure 5 – Sycosis de la barbe de guérison spontanée à la puberté, l’évolution se poursuit
à Trichophyton verrucosum. tant qu’il existe des cheveux. L’alopécie cicatricielle qui
en résulte est définitive.
La recherche d’une fluorescence en lumière de Wood aide
au diagnostic, en effet dans le favus, les cheveux malades
sont fluorescents sur toute leur longueur. Le prélèvement
peut ainsi être réalisé de façon plus efficace sous lumière
de Wood. A l’atteinte du cuir chevelu, peuvent s’associer
des godets cutanés et des onyxis des mains. La teigne
favique est contagieuse, à l’origine de cas intrafamiliaux.

2.4. Diagnostic différentiel

des teignes du cuir chevelu
De nombreuses affections dermatologiques simulent une
teigne, imposant le prélèvement mycologique.
r La pelade mais absence d’anomalie du cuir chevelu,
celui-ci reste lisse, non squameux.
Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers.
r La fausse teigne amiantacée. On y observe des squames
blanches jaunâtres englobant les cheveux par paquets.

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 PATHOLOGIES DU CUIR CHEVELU

r Le Pityriasis capitis, le cuir chevelu est Figure 7 – Arbre décisionnel d’identification morphologique
envahi par des levures du genre Malas- d’un dermatophyte à partir d’un prélèvement du cuir chevelu.
sezia mais les cheveux ne cassent pas.
r Les alopécies cicatricielles. CHEVEUX – POILS
r Les pseudo pelades (lupus érythéma-
teux disséminé, lichen plan, sarcoïdose, ENSEMENCEMENT EXAMEN DIRECT
sclérodermie localisée…). – Sabouraud chloramphénicol ou gentamycine – cheveux-poils :
r Les infections bactériennes lorsqu’il – Sabouraud chloramphénicol cycloheximide chloral-lactophénol
– + Brain Heart Infusion si suspicion de T. verrucosum
s’agit d’un kérion. (ou gélose au sang)
ou noir chlorazol E

3. Diagnostic biologique
Étude du parasitisme pilaire
3.1. Introduction, démarche LECTURE : 2 fois par semaine ne jamais donner
diagnostique (figure 7) une réponse négative avant 4 semaines de culture
La réussite du diagnostic biologique
repose sur le prélèvement qui doit CHAMPIGNON FILAMENTEUX : dermatophyte ?
être de bonne qualité, le préleveur doit
connaître parfaitement la sémiologie
* examen macroscopique : vitesse de pousse,
clinique des lésions. Le prélèvement texture, couleur, pigment
doit être suffisamment abondant pour
pouvoir réaliser correctement l’examen
* examen microscopique : fructifications, structures d’ornementation spécifiques
direct et la culture. L’examen direct des
Si difficultés
produits prélevés, incontournable, per- d’interprétation
met de rendre un premier résultat, quasi
immédiatement.
DIAGNOSTIC REPIQUAGES SUR MILIEUX SPECIAUX
L’identification du dermatophyte fait
appel à des méthodes conventionnelles
[10, 26-30]. L’ensemencement se fait
– suspicion M. canis – M. audouinii : milieux de PDA ou Borelli
d’emblée sur milieu de Sabouraud, mais – T. verrucosum : milieu BHI (pousse +++) – optimum 32 °C
il est parfois nécessaire de repiquer sur – suspicion de T. mentagrophytes : recherche d’organes perforateurs
et milieu à l’urée
des milieux appelés « d’identification ou
de fructification » comme le milieu de DIAGNOSTIC
Baxter, de PDA (potato-dextrose-agar)
ou encore le milieu de Borelli.
D’autres techniques complémentaires pourront aider au Nous préconisons que le prélèvement soit réalisé au niveau
diagnostic d’espèce, la recherche d’uréase et la recherche des laboratoires de biologie médicale où de plus en plus
des organes perforateurs. L’inoculation au cobaye, ou le de biologistes sont formés à la mycologie. Dans le cas
recours à l’anatomo-pathologie (sauf pour les mycétomes contraire, les prélèvements peuvent être réalisés au cabinet
du cuir chevelu), est moins usitée. de consultation. Quel que soit le préleveur, ce dernier doit
être initié à la pratique des prélèvements à visée myco-
3.2. Le prélèvement logique. Les conditions de transports ne sont pas aussi
C’est l’étape incontournable du diagnostic mycologique. rigoureuses que pour la bactériologie ; les fragments de
Il est nécessaire de le réaliser avant tout traitement spé- cheveux doivent être transportés dans des flacons à sec.
cifique. Dans le cas contraire, une fenêtre thérapeutique Ils peuvent être conservés à température ambiante plusieurs
de 15 jours du traitement topique est nécessaire pour le jours voire plusieurs mois ! Le laboratoire receveur, s’il ne
cuir chevelu. pratique pas le prélèvement, devra, outre l’identification
Devant une suspicion de teigne du cuir chevelu, un examen du patient, connaître la date de début de la lésion et son
en lumière de Wood doit être réalisé dans une pièce où siège précis ainsi que les renseignements d’ordre épidé-
l’obscurité est totale. Une fluorescence verte est observée miologique indispensables pour confronter le diagnostic
dans le cas de teignes tondantes microsporiques et dans d’espèce au contexte épidémio-clinique du patient.
la teigne favique.
On prélèvera, à l’aide d’une pince à épiler ou d’une curette, 3.3. L’examen direct
les cheveux suspects (fluorescents) et les squames du cuir Il est indispensable et doit être réalisé rapidement afin
chevelu. On peut aussi frotter les zones d’alopécie avec d’apporter une réponse rapide au clinicien prescripteur.
un écouvillon préalablement humidifié. En cas de teigne On utilise au laboratoire volontiers des liquides éclaircis-
inflammatoire (ou kérion), le préleveur utilisera plutôt des sants (solution de potasse, chlorolactophénol, noir chlo-
écouvillons à frotter sur les zones suintantes, quelques razol E, ou des fluorochromes (Calcofluor®, Blankophor®)
cheveux ou poils pourront être retirés à la pince à épiler. [27, 29, 30]. Pour les teignes du cuir chevelu, l’étude du
En cas de favus, on raclera le fond des godets pour pré- parasitisme pilaire et très prédictif de l’espèce en cause,
lever les cheveux parasités enchâssés dans les croûtes. ce dernier donne des renseignements épidémiologiques

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 Figure 8 – Les différents types de parasitisme pilaire. Figure 9 – Parasitisme pilaire de type endothrix
ou teigne trichophytique.
Type favique Trichophyton schoenleinii
(Wood +)

Type endothrix Trichophyton tonsurans

(Wood -) Trichophyton violaceum
Trichophyton soudanense

Type ecto-endothrix Microsporum canis

microsporique Microsporum audouinii
(Wood +) Microsporum ferrugineum
F. Persat, Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Lyon, CD Rom
ANOFEL 4.

Microïde
(Wood -)
Trichophyton mentagrophytes
Trichophyton mentagrophytes
Figure 10 – Parasitisme pilaire
var. erinacei
Trichophyton mentagrophytes
ecto-endothrix de type microsporique.
var. porcellae

Mégaspore Trichophyton verrucosum

(Wood -)

intéressants (figure 8). Par exemple, les teignes endothrix

sont toutes dues à des Trichophyton anthropophiles (figure 9),
le clinicien pourra proposer un traitement immédiat et déclen-
cher une enquête familiale.
Les teignes ecto-endothrix sont de type microsporique
(figure 10) enfin le type favique (figure 11) signe la teigne à
T. schoenleinii. Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers,
En cas d’examen direct négatif, il conviendra d’attendre le CD Rom ANOFEL 4.

résultat des cultures pour confirmer le diagnostic d’espèce.

Le traitement pourra être ajusté ensuite après l’identification Figure 11 – Parasitisme pilaire de type favique.
du champignon responsable.

3.4. L’examen anatomopathologique

Il est peu usité dans la majorité des cas de teignes du fait du
caractère habituellement superficiel des lésions. Toutefois
dans les formes atypiques notamment chez les patients VIH,
dans les formes sous cutanée (mycétome du cuir chevelu)
ou dans l’exceptionnelle maladie dermatophytique, l’examen
anatomopathologique s’avère indispensable.

3.5. Les cultures

Les produits pathologiques (fragments de cheveux) seront
ensemencés sur les milieux usités en mycologie.
Le milieu d’isolement est celui de Sabouraud, ce dernier est Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers, CD Rom ANOFEL 4.
additionné d’un antibiotique et du cycloheximide qui inhibe la
pousse de moisissures issus du revêtement cutané. Devant incubé à 32 °C, ou la gélose au sang, peuvent être propo-
des cultures stériles, un repiquage sur des milieux sélectifs sés d’emblée. En règle générale, les cultures (en tube ou en
peut être proposé. Le choix de ces milieux dépend de la pra- boîte) sont incubées à 25-30 °C pendant un minimum de
tique du laboratoire ; le Sabouraud dilué (milieu de Takashio), 4 semaines. Elles seront observées 2 à 3 fois par semaine
le milieu de Baxter, le milieu au malt et celui au lactrimel de jusqu’à l’apparition d’une culture identifiable.
Borelli sont les plus utilisés. D’autres milieux « maisons » non Le diagnostic mycologique repose sur des critères culturaux
commercialisés sont aussi usités (milieu pomme de terre macro et microscopique (figures 12 à 21) mais on tiendra
carotte (PDA), pomme de terre glucosé, etc.). En cas de sus- beaucoup compte de l’examen direct (surtout en cas de
picion de Trichophyton verrucosum agent de teignes ou de parasitisme pilaire) et aussi de la clinique et de l’épidémiologie
lésions inflammatoires, le milieu de brain-heart infusion (BHI), pour confronter le résultat des cultures au site du prélèvement.

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 PATHOLOGIES DU CUIR CHEVELU

Figure 12 – Microsporum canis, Figure 16 – Trichophyton soudanense,

culture sur milieu de Sabouraud. culture sur milieu de Sabouraud.

Y. Le Fichoux, Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Nice, CD Rom ANOFEL 4.

Figure 13 – Microsporum canis,

microscopie des cultures.

D. Toubas, Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Reims, CD Rom ANOFEL 4.

Figure 17 – Trichophyton soudanense,

microscopie des cultures.

Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers, CD Rom ANOFEL 4.

Figure 14 – Microsporum audouinii,

culture sur milieu de Sabouraud.

Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers, CD Rom ANOFEL 4.

Figure 18 – Trichophyton violaceum,

culture sur milieu de Sabouraud.

D. Toubas, Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Reims, CD Rom ANOFEL 4. D. Toubas, Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Reims, CD Rom ANOFEL 4.

Figure 15 – Microsporum audouinii, Figure 19 – Trichophyton violaceum,

microscopie des cultures. microscopie des cultures.

Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers, CD Rom ANOFEL 4. Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers, CD Rom ANOFEL 4.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2013 - N°454 // 55

 M. audouinii [35]. D’autres tests sont utilisés pour le dépis-
Figure 20 – Trichophyton tonsurans,
culture sur milieu de Sabouraud. tage direct des dermatophytes dans les échantillons pré-
levés. Toutes ces techniques sont encore expérimentales,
non validées, restent coûteuses, et de ce fait elles sont peu
utilisées en dehors de quelques laboratoires de référence.

3.7. Identification des dermatophytes

par spectrométrie de masse
Les techniques dites « de MALDI-TOF » (matrix- assisted
laser desorption ionization time-of-flight), quel que soit
le système commercial utilisé, sont déjà opérationnelles
pour le diagnostic des levures d’intérêt médical, appor-
tant, entre autres, un gain de temps considérable dans le
résultat rendu au praticien prescripteur. Toutefois cette
technologie, bien que prometteuse pour les dermatophytes
car le délai de réponse est considérablement raccourci
(3 à 6 jours en moyenne au lieu de 2 à 3 semaines avec les
D. Toubas, Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Reims, CD Rom techniques conventionnelles), n’est pas encore totalement
ANOFEL 4. opérationnelle en routine de laboratoire à ce jour [36].

Figure 21 – Trichophyton tonsurans,

microscopie des cultures. 4. Traitement des teignes
du cuir chevelu [5, 18, 37-40]
Il convient au préalable de dégager les cheveux sains et
autour des plaques. On utilise principalement en première
intention chez l’enfant la griséofulvine per os à raison de
20 mg/kg/j pendant une durée de 6 à 8 semaines, à prendre
au milieu d’un repas riche en graisse associé à un traite-
ment local (azolés le plus souvent), par exemple on propo-
sera un shampoing antifongique 3 fois par semaine avec
du kétoconazole (en gel moussant, lotion ou crème) d’un
Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Angers, CD Rom ANOFEL 4.
azolé antifongique : ciclopiroxolamine, tolnaftate, terbinafine
tous les jours. Parmi les azolés locaux qui sont proposés
Pour plus de détails, il convient de se référer aux ouvrages
(crèmes, lotions), et en cas de lésions très croûteuses, on
de références [10, 26].
utilisera plus volontiers une solution huileuse de tolnaftate.
À noter qu’en cas de teigne zoophile à M. canis, les doses
3.6. Apport de la biologie moléculaire [31-35] de griséofulvine peuvent être augmentées jusqu’à 25 mg/j.
Durant ces dernières années, les approches génomiques En cas d’intolérance ou de contre-indication, la griséofulvine
ont démontré leur intérêt d’une part pour résoudre certains peut être remplacée par la terbinafine (Lamisil®), qui n’a pas
problèmes de taxinomie et d’autre part pour parfaire l’iden- l’AMM chez l’enfant de moins de 15 ans, à la posologie de
tification d’une espèce. Concernant les dermatophytes, 3 à 6 mg/kg pendant 4 semaines, à condition de s’assurer
le diagnostic morphologique montre aussi ses limites du de l’intégrité des fonctions hépatiques. Une surveillance
fait des cultures qui sont parfois longues (2 à 4 semaines mensuelle de ces dernières est conseillée. En cas de teignes
peuvent être nécessaires), du pléomorphisme de certaines inflammatoires ou kérions, une corticothérapie par voie géné-
souches (ne produisant aucune sporulation) nécessitant rale n’est justifiée que si elle est très limitée dans le temps
de ce fait de nombreux repiquages, du temps et un per- (pour soulager la douleur) et en association avec le traitement
sonnel bien formé. Il est donc logique que les techniques antifongique. La griséofulvine à dose plus élevée (25 mg/kg/j)
moléculaires puissent suppléer un jour aux difficultés mais a des vertus anti-inflammatoires, certains auteurs la préco-
aussi aux insuffisances du diagnostic morphologique. nisent seule, même en cas d’inflammation, pour éviter l’uti-
Plusieurs méthodes sont proposées : lisation intempestive des corticoïdes. D’autres antifongiques
r l‘étude du polymorphisme de longueur des fragments de peuvent être utilisés dans les teignes du cuir chevelu, il s’agit
restriction enzymatique (RFLP, restriction fragment length du fluconazole (6 mg/kg/j) ou de l’itraconazole (3 à 5 mg/kg/j)
polymorphism) de l’ADN mitochondrial, pendant 4 semaines mais ces derniers n’ont pas l’autorisation
r le séquençage du gène codant pour une enzyme impli- de mise sur le marché (AMM) en France.
quée dans la synthèse de la chitine (chitine synthétase), Aucun antifongique par voie générale n’est autorisé chez
r le séquençage de la région ITS (région transcrite mais la femme enceinte et chez le nourrisson de moins d’1 an.
non traduite) de l’ADN codant pour l’ARN ribosomique, Quel que soit le type de teigne (sèches, inflammatoires),
r des techniques de PCR (polymerase chain reaction) per- un traitement local doit être institué dès la connaissance
mettant l’identification de Trichophyton et de Microsporum. de la positivité de l’examen direct pour stopper tout risque
Récemment des tests PCR sont proposés pour M. canis, éventuel de contamination dans l’entourage.

56 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2013 - N°454

 PATHOLOGIES DU CUIR CHEVELU

Une enquête épidémiologique (recherche des sujets contacts dans une collectivité d’enfants. Conseil supérieur d’hygiène
dans l’entourage immédiat) est aussi nécessaire pour éviter publique de France : séance du 14 mars 2003). La désinfec-
d’éventuelle rechute, tout comme l’éviction scolaire pour les tion des peignes brosses, tondeuses, bonnets à l’aide de
teignes anthropophiles. Cependant cette éviction peut être poudre antifongique est nécessaire pour éviter les récidives.
levée s’il y a présentation d’un certificat médical attestant
d’une consultation et de la prescription d’un traitement adapté Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
(Guide des conduites à tenir en cas de maladies transmissibles conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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