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Spectroscopie_et_imagerie_raman_

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DOSSIER

SPECTROSCOPIE
ET IMAGERIE RAMAN :
DES MATÉRIAUX QUANTIQUES
À LA MATIÈRE VIVANTE
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

Yann GALLAIS1, Alexandr ALEKHIN1, Stéphanie DEVINEAU2


1
Université Paris Cité /Matériaux et Phénomènes Quantiques, Paris, France
2
Université Paris Cité /Biologie Fonctionnelle et Adaptative, Paris, France
*yann.gallais@u-paris.fr, alexandr.alekhin@u-paris.fr, stephanie.devineau@u-paris.fr

La spectroscopie Raman a déjà une longue histoire dans


les études vibrationnelles des structures moléculaires
et cristallines. Après une brève introduction historique,
nous décrivons quelques développements récents de cette
technique dans l’étude des matériaux quantiques comme
les supraconducteurs. Nous abordons ensuite l'extension
de cette technique à l’imagerie Raman confocale qui est
maintenant devenue son application principale et que nous
illustrons sur l’exemple des matériaux 2D et du vivant.

https://doi.org/10.1051/photon/202312131

Article publié en accès libre sous les conditions définies par la licence Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), qui autorise sans restrictions
l’utilisation, la diffusion, et la reproduction sur quelque support que ce soit, sous réserve de citation correcte de la publication originale.

INTRODUCTION HISTORIQUE être élastique mais dans le cas de la de création/destruction d’excitations


La diffusion Raman est un proces- diffusion Raman, elle est inélastique dans l’échantillon (processus Stokes
sus de diffusion inélastique de la lu- et on définit alors le déplacement et anti-Stokes (figure 1)).
mière découvert indépendamment Raman comme étant la différence Initialement la spectroscopie
en 1928 par Raman et Krishnan (en d’énergie entre la lumière incidente Raman était limitée par la faible sec-
Inde) et Landsberg et Mandelstam et celle diffusée ω = ωi – ωs. Le dé- tion efficace du processus et par la
(en URSS). Le principe de l’expé- placement Raman généralement nécessité de filtrer efficacement la
rience est simple : un rayonnement noté en nombre d’onde (unités cm-1) diffusion élastique qui est générale-
incident monochromatique visible correspond à une excitation de ment plusieurs ordres de grandeurs
ou proche infrarouge éclaire un l’échantillon, le cas le plus connu plus intense que la diffusion Raman
échantillon, la majeure partie de la étant les modes de vibrations d’une inélastique. Avec la découverte du
lumière est réfléchie ou transmise molécule ou d’un cristal (phonons). laser dans les années 1960 et le déve-
et une partie infime est diffusée par Dans le cas où le déplacement Raman loppement de spectromètres disper-
l’échantillon. Cette diffusion peut est positif/négatif, on a un processus sifs multi-monochromateurs

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permettant de filtrer efficacement la Figure 1. (a) Principe de la diffusion Raman. (b) Spectre Raman obtenu sur le silicium
raie élastique, la diffusion Raman s’est cristallin montrant la présence d’un phonon optique de nombre d’onde ω0 = 520 cm-1.
progressivement imposée en chimie On notera la présence de processus Stokes à 2 phonons (2ω0).
et en physique pour les études vibra-
tionnelles des molécules et cristaux.
La spectroscopie Raman est ainsi vite Ce développement a permis une Dans la suite de cet article, nous allons
devenue un outil de caractérisation extension majeure de l’utilisation de illustrer avec quelques exemples ces
des matériaux complémentaire aux la spectroscopie Raman dans deux deux avancées.
techniques de diffraction des rayons X directions. La première concerne
pour identifier les phases cristallines l’étude des excitations non vibration- AU-DELÀ DU RAMAN
et détecter des transitions de phases nelles, électroniques ou magnétiques VIBRATIONNEL : L’EXEMPLE
structurales [1]. Pour certaines transi- par exemple, pour lesquels les signaux DES SUPRACONDUCTEURS.
tions plus subtiles comme la transition étaient souvent trop faibles pour être Dans les années 1980, les effets de
paraélectrique ferroélectrique, elle a analysés. La seconde porte sur le dé- résonance apparaissant lorsqu’une
même eu un rôle pionnier dans l’étude veloppement de l’imagerie Raman énergie de laser incident proche
des oxydes de type pérovskites ferroé- permettant de combiner l’information du gap optique du matériau, ont
lectriques comme BaTiO3 et PbTiO3. spectroscopique, par exemple fonc- été mis à profit pour sonder les
Un second pas a été franchi dans les tionnelle pour une molécule, et l’in- excitations électroniques dans les
années 1980 avec le développement formation spatiale par microscopie. semiconducteurs dopés et dans les
des détecteurs CCD à haut rendement
quantique permettant une acquisition
multicanale beaucoup plus rapide des Figure 2. (a) Excitation d’une paire de Cooper brisée par diffusion Raman dans un supra-
spectres par rapport aux détecteurs conducteur à l’énergie 2Δ où Δ est le gap supraconducteur. (b) Spectre Raman dans l’état
monocanaux comme les photomul- supraconducteur (bleu, T<Tc) et dans l’état métallique (rouge, T<Tc) pour deux matériaux
tiplicateurs utilisés précédemment. supraconducteurs à haute température critique.

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hétérostructures de semiconducteurs avec l’instrumentation actuelle [3]. Du


Spectromètres

PUBLI-RÉDACTIONNEL
de type III-V comme GaAs [2]. Ces point de vue fondamental, ces mau-
études pionnières avaient démontré vais métaux sont très intéressants car Raman compacts
que la spectroscopie Raman pouvait ils sont le siège d’ordres électroniques – Pro-Lite
sonder des excitations électroniques. quantiques exotiques dus aux interac-
Plus récemment ces études fondamen- tions électroniques, on parle alors de Pro-Lite propose les spectromètres
tales ont été étendues aux matériaux matériaux quantiques. L’exemple le plus de son partenaire Wasatch, qui
métalliques pour lesquels ces effets de emblématique est celui des matériaux développe des systèmes compacts
résonance sont faibles voire inexistants supraconducteurs qui se comportent hautes performances.
en raison de l’absence de gap optique. comme des conducteurs parfaits (leur Leur large gamme est composée
Il est souvent communément admis résistance électrique est nulle) sous une de spectromètres Raman mono
que la diffusion Raman n’est pas obser- température de transition Tc de l’ordre longueur d'ondes d'excitation (248,
vable dans les métaux. C’est en partie du Kelvin ou moins dans la plupart des 405, 532, 633, 785, 830 et 1064 nm).
vrai pour les « bons » métaux comme métaux. Du point de vue microscopique Chaque système peut être proposé
l’or ou l’argent : la lumière incidente vi- l’état fondamental supraconducteur se avec une source Laser et une sonde
sible pénètre très peu dans le matériau caractérise par un appariement des de mesure.
(quelques nanomètres) et le signal déjà électrons par paires, appelées paires
très faible est souvent dominé par celui de Cooper. Contrairement à un métal
de la couche d’oxyde qui se forme en sur- normal, cet état de la matière possède
face. En revanche pour les « mauvais » un gap dans son spectre d’énergie : le
métaux comme bon nombre d’oxydes premier niveau d’énergie excité en éner-
par exemple, la situation est très diffé- gie correspond à la brisure de paires de
rente : la lumière visible pénètre sur Cooper en deux électrons non-appariés.
plusieurs dizaines voire centaines de Cette excitation de brisure de paires de
nanomètres et les signaux, bien que Cooper est de nature purement électro-
faibles, sont facilement observables nique et non vibrationnelle. Deux À encombrement équivalent, grâce
au choix méticuleux des compo-
sants, ils sont les systèmes les plus
Figure 3. (a) Principe de la microscopie Raman confocale. L'aperture installée dans sensibles du marché et permettent
le trajet du faisceau de signal supprime toutes les contributions du signal provenant la détection de signaux faibles. Cette
des points en dehors du point focal de l'objectif, améliorant ainsi la qualité des images haute sensibilité des spectromètres
Raman. (b) Spectres Raman dans différentes régions d’un dispositif graphène/hBN/SiO2 repose sur 3 éléments principaux :
avec contacts métalliques (image optique en (c)). On notera notamment les phonons • Une plus grande ouverture d'entrée
« G » et « 2D » typiques du graphène. La forme spectrale de la bande 2D sur le spectre 1 que la concurrence (f/1.3 ou f/2).
est typique d’un échantillon de graphène épais (<10 couches). Celle sur le spectre 2 cor- • Des réseaux en transmission bre-
respond à un graphène bi-couche. (d) Variation spatiale de la forme de la bande 2D indi- vetés par Wasatch.
quant un échantillon globalement bi-couche mais avec 2 zones en rouge plus épaisses. • Des optiques en transmission qui
assurent une efficacité de 93%
entre l’entrée et le capteur.
Ces trois éléments permettent la
collection de plus de photons et au-
torisent une plus grande proportion
d’entre eux à rejoindre le détecteur.
Par leur compacité et leur transpor-
tabilité, ils sont adaptés aux applica-
tions de recherche générale visant
à minimiser des ensembles sans
compromis sur la sensibilité.

CONTACT
Pro-Lite Technology France
Nicolas Marlet
05 47 48 90 70
nicolas.marlet@pro-lite.fr
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exemples de spectre Raman de su- micron. On obtient ainsi une infor-


praconducteurs dits à « haute tem- mation spectroscopique, générale-
En physique des matériaux,
pérature de transition critique, Tc » ment vibrationnelle, sur la nature de
sont montrés figure 2 pour l’oxyde de l’échantillon qui est résolue spatia-
l’imagerie Raman a connu
cuivre supraconducteur à haute tem- lement, sans marqueur spécifique. un essor considérable de
pérature Bi2Sr2CaCu2O8+δ (Tc = 90K) Par rapport à d’autres techniques son utilisation suite à la
découvert à la fin des années 1980, et d’imagerie comme la microscopie de découverte du graphène, une
pour le supraconducteur au fer Ba1- fluorescence très utilisée en biolo-
monocouche d’atomes de
xKxFe2As2 (Tc = 31K) découvert plus gie, l’imagerie Raman confocale pré-
récemment en 2008. Dans la phase sente plusieurs avantages : elle est carbone obtenue initialement
métallique (T>Tc) les spectres de ces non-invasive, et très facile à mettre par exfoliation mécanique.
deux supraconducteurs montrent en œuvre car elle ne nécessite pas de
un continuum d’origine électro- préparation de surface ou d’échantil-
nique dû aux excitations de type lon particulière. Elle peut également
électron-trou proche du niveau de être utilisée pour l’observation in situ de dispositifs fonctionnels basés sur
Fermi. Pour T<Tc le spectre Raman d’échantillons biologiques tels que l’empilement de ces matériaux 2D
se transforme radicalement avec des cellules. faiblement couplés (les hétérostruc-
l’apparition d’un pic de paires bri- En physique des matériaux, l’ima- tures de « van der Waals »). Dans le
sées. Le déplacement Raman du gerie Raman a connu un essor consi- cas du graphène, la forme spectrale
pic donne directement l’ « énergie dérable de son utilisation suite à la de la bande de double phonon intra-
de liaison » des paires de Cooper, découverte du graphène, une mono- couche dite « 2D » à 2700 cm-1 est très
une caractéristique essentielle de couche d’atomes de carbone obtenue sensible au nombre de couches de
l’état supraconducteur. initialement par exfoliation méca- carbone, permettant de caractériser
nique. Depuis c’est tout une classe rapidement l’épaisseur de l’échantil-
IMAGERIE RAMAN : de matériaux bi-dimensionnels lon exfolié [4]. Dans le cas d’échantil-
DES MATÉRIAUX 2D AU VIVANT dits « 2D » (comme les dichalcogé- lons micrométriques présentant des
Parallèlement aux études spectros- nures de métaux de transition ou variations spatiales d’épaisseur, ou
copiques fines, l’amélioration de la « TMD ») qui a fait son apparition, bien de l’empilement de différents
détection en diminuant notamment ouvrant la voie à un nouveau type matériaux 2D, l’imagerie Raman
drastiquement les temps d’acquisi-
tion des spectres, a permis l’essor
de l’imagerie Raman. Son principe Figure 4. Images Raman de macrophages, cellules spécialisées du système immunitaire,
repose sur un microscope confocal exposés à des microplastiques de polystyrène. La microscopie Raman permet d’identifier
standard couplé à un spectromètre les lipides (en vert) et les microplastiques de polystyrène internalisés (en rouge) à partir de
visible permettant l’acquisition point leurs vibrations moléculaires spécifiques à 2852 et 3060 cm-1 sans marquage. Les spectres
par point de spectres Raman avec Raman correspondants sont présentés à droite. Les microplastiques de polystyrène de
une résolution latérale inférieure au taille micrométrique sont localisés dans le cytoplasme de la cellule.

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apporte une information vibrationnelle sur la nature


des matériaux et leur épaisseur. Un exemple d’imagerie
Raman des matériaux 2D est présenté en figure 3 dans le
cas d’un dispositif de graphène sur une couche nanomé-
trique isolante de nitrure de bore hexagonal (hBN).
Non destructrice, l’imagerie Raman connait également
un fort développement dans le domaine biomédical, où elle
pourrait être utilisée comme technique rapide de diagnos-
tic basée sur l’analyse spectrale d’échantillons biologiques
[5]. En effet, chaque cellule est composée de centaines
de biomolécules différentes, protéines, lipides, sucres,
acides nucléiques, qui contribuent au spectre Raman d’une
cellule ou d’un tissu. Or, chaque type cellulaire possède sa
propre signature spectrale, ce qui permet par exemple de
distinguer des cellules cancéreuses de cellules non can-
céreuses dans un même tissu ou d’identifier des bactéries
pathogènes. Des recherches sont également menées pour
détecter par imagerie Raman des biomarqueurs sanguins
de maladies neurodégénératives en associant la détection
de biomolécules spécifiques et l’analyse multivariée des
données spectrales. L’imagerie Raman est aussi très utile
en biologie ou en toxicologie pour l’observation in situ de
lignées cellulaires ou d’organismes modèles exposés à
un stress environnemental ou chimique. La détection de
microplastiques de polystyrène dans des macrophages
permet ainsi de suivre la phagocytose de particules par
les cellules spécialisées du système immunitaire (figure 4).

CONCLUSION
Dans cet article, nous avons illustré quelques applications
nouvelles ou originales de la spectroscopie et de l’imagerie
Raman. Les directions futures vont vers l’amélioration
de sa résolution spatiale avec les techniques de champ
proche comme le TERS (tip-enhanced Raman spectrosco-
py), et vers l’imagerie ultra-rapide reposant sur la diffusion
Raman stimulée (SRS). Ces deux techniques encore peu
démocratisées ont un avenir prometteur dans l’imagerie
des nanomatériaux et du vivant.

RÉFÉRENCES
[1] W. H. Weber, R. Merlin, « Raman Scattering in Materials
Science », Springer Series in Materials Science (2000)
[2] G. Abstreiter, M. Cardona et A. Pinczuk « Light scattering
by free carrier excitations in semiconductors», dans Light
Scattering in Solids IV, Springer (1984)
[3] T.P. Devereaux et R. Hackl, Rev. Mod. Phys. 79, 175 (2006)
[4] X. Cong, X. L. Liu, M. L. Lin, P. H. Tan, npj 2D Mater. Appl.
4, 13 (2020)
[5] K. Kong, C. Kendall, N. Stone, I. Notinghe, Adv Drug
Deliv. Rev. 89, 121 (2015)

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