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agents antiplaquettaire

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Anesth Reanim.

2024; 10: 468–474

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www.em-consulte.com/revue/anrea
www.sciencedirect.com

Mise au point
Gestion périopératoire des agents
antiplaquettaires

Fanny Bounes 1,2, Anne Godier 3,4, Stéphanie Roullet 5,6

Disponible sur internet le : 1. Toulouse University Hospital, Anaesthesia Critical Care and Perioperative Medicine
31 août 2024 Department, Toulouse, France
2. Université Paul-Sabatier Toulouse III, équipe Inserm Professeur Payrastre, I2MC,
Toulouse, France
3. AP–HP, hôpital européen Georges-Pompidou, service d'anesthésie réanimation,
Paris, France
4. Université Paris-Cité, Inserm, innovations thérapeutiques en hémostase, Paris,
France
5. AP–HP, hôpital Paul-Brousse, université Paris-Saclay, département d'anesthésie
réanimation, Villejuif, France
6. Université Paris-Saclay, Inserm, hémostase inflammation thrombose HITH U1176,
Le Kremlin-Bicêtre, France

Correspondance :
Stéphanie Roullet, AP–HP, hôpital Paul-Brousse, université Paris-Saclay, département
d'anesthésie réanimation, Villejuif, France.
stephanieroullet@hotmail.com

Mots clés Résumé


Agents antiplaquettaires
Thrombose Les médicaments anti-agrégants plaquettaires (AAP) oraux comprennent l'aspirine, le clopidogrel,
Hémorragie le prasugrel et le ticagrélor, agissant sur différentes voies d'activation des plaquettes. Le risque de
Risque saignement dépend du type de procédure et du traitement AAP utilisé. Les procédures invasives
peuvent être classées en risque élevé, intermédiaire et faible. La gestion périopératoire varie selon
que la procédure est programmée ou urgente. Pour les procédures programmées, différentes
approches sont proposées en fonction de l'indication de l'AAP. En monothérapie, l'arrêt de
l'aspirine est suggéré sauf pour certaines procédures à faible risque. En bithérapie, le risque
de thrombose de stent doit être pesé vis à vis du risque hémorragique et un avis pluridisciplinaire
est conseillé. En cas d'urgence, la possibilité de maintenir l'AAP dépend de la procédure. En cas de
non-faisabilité, la neutralisation de l'effet des AAP repose sur la transfusion plaquettaire, bien que
cela ne soit pas toujours efficace. Le monitorage de l'activité biologique des AAP peut guider la
prise de décision, notamment en chirurgie cardiaque urgente. En conclusion, la gestion pério-
pératoire des AAP nécessite une évaluation du risque thrombotique et hémorragique, avec des
recommandations spécifiques selon les indications et les types de procédures, visant à réduire la
morbi-mortalité périopératoire.

tome 10 > n85–6 > décembre 2024


https://doi.org/10.1016/j.anrea.2024.04.004
© 2024 Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés, y compris ceux relatifs à la fouille de textes et de données, à l'entraînement de
l'intelligence artificielle et aux technologies similaires.
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Mise au point
Keywords Summary
Antiplatelet agent
Thrombosis Perioperative management of antiplatelets agents
Hemorrhage
The oral antiplatelet drugs (antiplatelet agents, APA) include aspirin, clopidogrel, prasugrel, and
Risk
ticagrelor, acting on various platelet activation pathways. The risk of bleeding depends on the
type of procedure and the APA treatment used. Invasive procedures can be classified as high,
intermediate, or low risk. Perioperative management varies depending on whether the pro-
cedure is scheduled or urgent. For scheduled procedures, different approaches are proposed
based on the indication of the APA. In monotherapy, discontinuation of aspirin is suggested except
for certain low-risk procedures. In dual therapy, the risk of stent thrombosis must be balanced
against the bleeding risk, and a multidisciplinary opinion is advised. In emergencies, the
possibility of maintaining APA depends on the procedure. In case of infeasibility, neutralizing
the effect of APA relies on platelet transfusion, although this is not always effective. Monitoring
the biological activity of APA can guide decision-making, particularly in urgent cardiac surgery. In
conclusion, perioperative management of APA requires an assessment of thrombotic and
bleeding risk, with specific recommendations according to indications and types of procedures,
aiming to reduce perioperative morbidity and mortality.

Introduction importants ou de grandes dissections, certains actes de chirurgie


Les agents antiplaquettaires (AAP) agissent sur les différentes thoracique ou hépatique.
voies d'activation des plaquettes et vont inhiber leur activation Pour les cas où il n'existe pas de référentiel ou de consensus
et/ou leur agrégation [1]. Les AAP oraux regroupent l'acide formel pour classer une procédure selon son niveau de risque, il
acétylsalicylique (ou aspirine), inhibiteur irréversible de la est préconisé qu'une équipe référente pluriprofessionnelle défi-
cyclo-oxygénase 1, le clopidogrel et le prasugrel, inhibiteurs nisse une attitude de prise en charge au cas par cas et que les
irréversibles du récepteur plaquettaire P2Y12 de l'ADP, et le décisions apparaissent dans le dossier médical du patient.
ticagrélor, inhibiteur réversible du récepteur plaquettaire
P2Y12 de l'ADP. Les caractéristiques pharmacologiques des Gestion périopératoire en situation
AAP influent sur leur gestion périopératoire, que ce soit en programmée
situation programmée ou en situation urgente [2]. Plusieurs situations classiques sont rencontrées en médecine
périopératoire et nécessitent la mise en balance du risque
hémorragique lié à la procédure et du risque d'accident throm-
Risque lié à la procédure botique lié à l'interruption ou à la modification du traitement
La poursuite péri-procédurale du traitement AAP est susceptible anti-thrombotique habituel.
d'accroître le risque hémorragique en per- et post-procédural L'AAP peut être administré en monothérapie en prévention
selon la procédure invasive réalisée et le type de traitement AAP primaire des évènements cardiovasculaires chez les patients
utilisé. Il est pour cela nécessaire de déterminer les situations au à haut risque [5] ou en prévention secondaire après accident
cours desquelles le risque hémorragique est augmenté et la vasculaire cérébral ischémique (AVCi), en cas d'artériopathie
poursuite des AAP ne serait pas acceptable pour le patient. Le oblitérante des membres inférieurs (AOMI). Les AAP peuvent
Groupe d'intérêt en hémostase périopératoire (GIHP) propose également être administrés en bithérapie chez les patients
de diviser le risque associé à la procédure invasive en risque coronariens porteurs de stent coronaire [6].
élevé, intermédiaire et faible (figure 1) [3]. Ainsi, les procédures Le risque thrombotique lié à l'arrêt du traitement AAP doit être
à faible risque sont définies comme réalisables sous bithérapie évalué en fonction de chacune de ces indications. En effet, l'arrêt
antiplaquettaire (chirurgie de cataracte, certains actes de chi- de ces traitements prescrits au long cours est associé à la
rurgie buccodentaire, certains d'actes d'urologie. . .). Les procé- survenue d'évènements cardiovasculaires et neurologiques va-
dures à risque hémorragique intermédiaires sont définies riables selon les indications du traitement AAP [7].
comme réalisables sous aspirine seule ; il s'agit de la majorité
des procédures invasives. Enfin, les procédures à risque hémor- AAP en monothérapie
ragique élevé sont considérées comme non réalisables sous Prévention cardiovasculaire
AAP, même sous aspirine en monothérapie. Elles incluent, L'effet en péri-procédural de l'acide acétylsalicylique utilisé
par exemple, de nombreux actes de neurochirurgie intracrâ- en prévention primaire ou secondaire n'a été évalué que dans
nienne, les interventions chirurgicales avec des délabrements quelques essais randomisés, excluant la chirurgie cardiaque.

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Figure 1
Synthèse des propositions du GIHP concernant la gestion des AAP en périopératoire [4] (J0 correspond au jour de la procédure)

L'essai PEP visait à évaluer si la prescription d'aspirine initiée démontré sur la réduction de la thrombose veineuse pro-
en préopératoire jusqu'à J35 pour une chirurgie de fracture du fonde, son introduction ne diminuait pas la survenue d'infarc-
col du fémur, comparé à un placebo, diminuait l'incidence de tus du myocarde ni d'accident vasculaire cérébral. De plus,
l'évènement thrombo-embolique veineux [8]. Si l'effet a été l'aspirine augmentait le risque hémorragique avec plus de

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saignements digestifs et plus de recours à la transfusion saignement. L'essai a cependant été arrêté et le manque de
sanguine. puissance vis-à-vis du critère hémorragie a été souligné.
L'essai STRATAGEM a étudié en chirurgie non cardiaque, chez Antécédent d'accident vasculaire cérébral (AVC)
291 patients à risque cardiovasculaire intermédiaire ou élevé, ischémique
une stratégie d'arrêt des AAP (placebo) contre l'administration Dans l'AVC ischémique, les études publiées, peu nombreuses,
d'aspirine [9]. Les agents antiplaquettaires étaient remplacés suggèrent que l'arrêt du traitement antiplaquettaire prescrit en
par de l'aspirine 75 mg/j ou un placebo 10 jours avant la prévention secondaire augmente le risque de survenue d'un
chirurgie. Le critère de jugement principal était un score évènement thrombotique. L'essai PRoFESS avait randomisé
composite évaluant à la fois les évènements majeurs throm- 20 332 patients dans les 4 mois suivant un AVC ischémique
botiques et hémorragiques survenant dans les 30 jours post- pour recevoir soit de l'aspirine (25 mg) et du dipyridamole
opératoires, pondérés selon leur sévérité. Les chirurgies de cet 200 mg à libération prolongée deux fois par jour ou une mono-
essai étaient principalement orthopédiques (52,2 %), abdo- thérapie antiplaquettaire par 75 mg de clopidogrel associé à du
minales (20,6 %) et urologiques (15,5 %). Les auteurs ne telmisartan ou à un placebo [13]. L'analyse secondaire de cette
relevaient aucune différence selon les groupes concernant étude a démontré que les patients ayant interrompu leur trai-
la survenue du critère composite. Mille quatre cent vingt et tement antiplaquettaire présentaient une augmentation du
un patients étaient prévus dans l'analyse, mais l'essai a été risque absolu de récidive d'AVC ou d'évènement cardiovasculaire
stoppé du fait d'un défaut de recrutement et n'a pas pu dans les 30 jours qui suivaient l'arrêt.
atteindre l'objectif fixé a priori.
L'essai POISE-2 a évalué si l'aspirine administrée en préopéra- Artériopathie oblitérante des membres inférieurs
Les patients présentant une artériopathie oblitérante des mem-
toire de chirurgie non cardiaque chez 10 010 patients à risque de
bres inférieurs et recevant des agents antiplaquettaires sont
complications vasculaires réduisait le risque de décès ou
à haut risque d'évènement cardiovasculaire. Cependant, l'inci-
d'infarctus du myocarde non fatal à J30 [10]. Les patients étaient
dence de ces évènements en périopératoire est mal documen-
inclus qu'ils prennent ou non de l'aspirine au long cours et le
tée. Une étude ancienne avait analysé la survenue d'ischémie
protocole prévoyait une stratification en fonction de leur statut
aiguë de membre inférieur chez 181 patients. L'évènement
vis-à-vis du médicament. L'aspirine initiée ou poursuivie en
thrombotique survenait chez 11 patients après arrêt de l'aspirine
périopératoire n'a pas diminué l'incidence du critère de juge-
motivé par une intervention chirurgicale chez 4 d'entre eux [14].
ment composite. Cependant, comme dans l'essai PEP, l'aspirine
En synthèse, concernant la gestion des AAP en monothérapie en
augmentait significativement le risque de saignement majeur.
cas de procédure invasive programmée, le GIHP propose de ne
Même si les auteurs se positionnaient pour la poursuite de
pas initier d'aspirine en préopératoire d'une chirurgie non car-
l'aspirine en périopératoire dans leur article, il faut noter
diaque (à l'exception de l'endartériectomie carotidienne) dans
d'une part qu'un tiers des patients de la cohorte n'avait pas
le but de réduire la survenue d'évènements cardiovasculaires
d'antécédent cardiovasculaire notable et d'autre part qu'étaient
[4]. En cas de prescription en prévention primaire, le GIHP
exclus les patients à haut risque comme ceux ayant reçu un stent
propose d'arrêter l'aspirine en préopératoire. Quand il s'agit
récent et ceux prévus pour une chirurgie d'endartériectomie
d'une prescription en prévention secondaire, il est proposé de
carotidienne puisque l'arrêt de l'aspirine n'était pas recom-
ne pas arrêter l'aspirine en préopératoire à l'exception des
mandé chez eux.
procédures à risque hémorragique élevé. Dans tous les cas, il
Plus récemment, une seconde analyse des patients de la
est proposé que la reprise postopératoire de l'aspirine soit la
cohorte POISE-2 a été publiée et a analysé l'impact à un an
plus précoce possible en fonction du risque hémorragique
de l'administration d'aspirine en comparaison au placebo [11]. À
postopératoire.
un an, la prise d'aspirine n'affectait pas la survenue du décès ou
d'infarctus du myocarde non fatal. Cependant, dans le sous- AAP en bithérapie
groupe des patients qui avaient un antécédent d'intervention La prise en charge des patients traités par bithérapie antipla-
percutanée coronarienne (avec ou sans stent), comme à J30, le quettaire est complexe et repose sur la mise en balance de
bénéfice semblait persister à un an de la prise d'aspirine avec risques : le risque de thrombose de stent, en particulier si la
une réduction du nombre d'évènements. bithérapie est interrompue ; le risque hémorragique péri-pro-
Dans l'essai ASINC, l'aspirine à faible dose (75 mg) a été compa- cédural en particulier lorsque la bithérapie est poursuivie ; et des
rée à un placebo chez 220 patients à haut risque cardiovasculaire conséquences potentielles du report de la procédure invasive.
[12]. Ils étaient administrés 7 j avant la chirurgie et poursuivis Indépendamment de l'arrêt ou de la poursuite des AAP, la
jusqu'à J30 en postopératoire. Le critère de jugement principal période postopératoire est à risque d'événements thromboti-
était la survenue d'évènements cardiaques majeurs dans les ques car la chirurgie induit un état pro-inflammatoire et pro-
30 jours suivant l'intervention. L'aspirine réduisait de 80 % le coagulant favorable à la thrombose coronaire au niveau des
risque d'évènement cardiaque sans majorer le risque de segments stentés, mais aussi du réseau natif non traité. De plus,

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le risque d'événements cardiaques majeurs est plus élevé si la augmente le risque d'hémorragie majeure [10], et le risque
chirurgie a lieu dans les premières semaines post-stenting. Le hémorragique postopératoire est encore augmenté à la ré-
risque thrombotique lié à la transfusion plaquettaire est mal introduction de l'AOD. En absence d'étude robuste mettant en
évalué. Il est donc recommandé de différer la procédure inva- balance ces deux risques, la décision d'introduire ou non de
sive à la fin de la durée recommandée de la bithérapie quand l'aspirine doit être discutée au cas par cas.
cela est possible. Si cela n'est pas possible, la prise en charge
doit être définie de façon multidisciplinaire en cas de procédure
Gestion périopératoire en situation urgente
à risque hémorragique intermédiaire ou élevé. Il est cependant
et neutralisation de l'effet des AAP
recommandé d'attendre au moins la fin de premier mois après Lors de la prise en charge d'un patient sous AAP pour une
l'angioplastie, période où le risque d'évènements cardiaques procédure invasive urgente, la première question à se poser
majeurs est particulièrement élevé. est celle de la possibilité de réaliser le geste sous AAP [19]. Si
Pour les patients à très haut risque de thrombose de stent, en oui, la procédure peut être réalisée sans délai.
particulier ceux nécessitant un arrêt de la bithérapie dans le Si la procédure n'est pas réalisable sous AAP, l'idéal est de
premier mois, la prise en charge doit être réalisée dans un reporter la procédure pour respecter les délais d'arrêt, comme
centre ayant un plateau de cardiologie interventionnelle ouvert en chirurgie programmée (cf. supra). Dans le cadre de la chi-
24 h/24. Un relais avec des AAP parentéraux réversibles peut rurgie de pontage aorto-coronarien, le monitorage de l'activité
être discuté. Les anti-GPIIb-IIIa rapidement réversibles (eptifi- biologique des AAP pourrait permettre de réduire le délai entre
batide ou tirofiban) et surtout le cangrelor, un inhibiteur paren- la dernière prise de l'anti-P2Y12 et la chirurgie.
téral et réversible du récepteur P2Y12, de demi vie très courte, Si le report de la procédure n'est pas possible ou s'il s'agit d'une
sont des options possibles pour ce relais [15]. Cependant, aucun procédure de sauvetage, deux situations sont envisagées :
 en cas de procédure neurochirurgicale : « neutralisation » de
de ces AAP parentéraux n'a l'AMM dans cette indication, leur
maniement ne s'improvise pas, et leur bénéfice pour la réduc- l'effet des AAP par transfusion plaquettaire ;
 en cas de procédure non neurochirurgicale : on débute la
tion des évènements cardiaques périopératoires n'est pas établi.
L'utilisation d'une anticoagulation parentérale concomitante procédure et si le saignement est jugé excessif et attribuable
n'est pas recommandée compte tenu d'une augmentation aux AAP, on propose de « neutraliser » l'effet des AAP.
potentielle du risque hémorragique. En 2024, il n'existe pas d'antidote spécifique des AAP, et la
neutralisation de l'effet pharmacologique des AAP repose sur
Patient coronarien sous AOD la transfusion plaquettaire. Celle-ci est adaptée à l'AAP et à la
Une situation particulière est celle des patients coronariens dernière prise du médicament (tableau I) [19].
stentés et souffrant de fibrillation atriale. En effet, au-delà de
la première année post-stent, ces patients sont le plus souvent Place du monitorage de l'activité
sous anticoagulant oral direct (AOD) seul [16]. La gestion pério- biologique des AAP
pératoire de l'AOD se fait selon les propositions du GIHP [17], Différents appareils de monitorage de l'activité biologique des
mais la question de l'introduction préopératoire pour réduire le AAP sont disponibles. Leurs modes de fonctionnement et leurs
risque d'évènement cardiaque majeur se pose sans réponse valeurs-seuils diffèrent. Les résultats ne sont pas interprétables
claire : la poursuite périopératoire de l'aspirine chez les patients en cas de thrombopénie, même si certains restent utilisables
ayant un stent coronaire diminue les infarctus du myocarde jusqu'à une numération de 80–100 G/L. Plus qu'une activité
[18] ; en revanche, l'introduction préopératoire d'aspirine plaquettaire ou une résistance à un traitement, ces appareils

TABLEAU I
Moyens de neutralisation proposés pour les différents AAP

Agent antiplaquettaire Moyens de neutralisation proposés

Aspirine Transfusion plaquettaire à dose standard (0,5–0,7.1011/10 kg de poids)

Clopidogrel Transfusion plaquettaire : 2  dose standard


Efficacité réduite si dernière prise < 6 h

Prasugrel Transfusion plaquettaire : > 2  dose standard


Efficacité réduite si dernière prise < 6 h

Ticagrelor Dernière prise < 24 h : pas de proposition, transfusion plaquettaire inefficace, discuter rFVIIa
Dernière prise > 24 h : transfusion plaquettaire pour neutralisation partielle

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mesurent une réactivité persistante à l'acide arachidonique ou et du monitorage de l'activité plaquettaire était associé à une
à l'ADP, malgré un traitement par aspirine ou anti-P2Y12 [20,21]. diminution du saignement majeur et de la transfusion de
En périopératoire, c'est surtout en chirurgie cardiaque que ces concentrés de globules rouges et de plaquettes [25].
dispositifs ont été testés. Ainsi, chez des patients traités par
clopidogrel et devant bénéficier d'un pontage aorto-coronarien
Conclusion
de manière urgente, le suivi de l'activité biologique du clopido- La gestion des médicaments antiplaquettaires pour une pro-
grel avait permis d'opérer certains patients plus tôt que le délai cédure invasive urgente ou programmée nécessite de connaître
d'arrêt des 5 jours habituellement préconisé, sans surrisque l'indication du traitement pris par le patient, mais aussi le niveau
hémorragique [22,23]. Les recommandations européennes de de risque hémorragique de la procédure, afin de déterminer le
l'ESA de 2022 suggèrent que les tests préopératoires de fonction niveau de risque périopératoire global, à la fois vis-à-vis de
plaquettaire soient utilisés pour identifier une altération de la l'évènement thrombotique, mais aussi hémorragique. En
fonction plaquettaire de cause médicale ou médicamenteuse. combinant ces 2 approches de niveau de risque, des proposi-
Un test de fonction plaquettaire pourrait être considéré pour tions ont été formalisées par un groupe d'experts à partir des
guider la décision sur le moment de la chirurgie cardiaque chez données actuelles de la littérature dans le but de limiter la
les patients ayant récemment reçu des inhibiteurs de P2Y12 [24]. morbi-mortalité périopératoire.
En peropératoire, l'utilisation peropératoire d'un algorithme Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
transfusionnel basé sur les résultats de thromboélastométrie liens d'intérêts.

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