Medsci 20173303 P 283
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médecine/sciences Autophagie
et système
cardiovasculaire
Marouane Kheloufi1,2,4, Pierre-Emmanuel Rautou1-3,
> Les maladies cardiovasculaires sont la Chantal M. Boulanger1,2
REVUES
première cause de mortalité dans le monde.
Les études sur le rôle de l’autophagie dans ces
pathologies mettent en exergue la possibilité de 1
Inserm, U970, Paris
moduler ce processus à des fins thérapeutiques. cardiovascular research center -
Il semble actuellement que le maintien du PARCC, 56, rue Leblanc,
niveau d’autophagie, dans une fenêtre optimale 75015 Paris, France ;
2
Université Paris Descartes,
pour chaque pathologie, soit nécessaire
SYNTHÈSE
Sorbonne Paris Cité, UMR-S 970,
pour préserver la fonction cardiovasculaire. Paris, France ;
3
Cet objectif constitue donc un défi pour le Service d’hépatologie,
DHU unity, Hôpital Beaujon,
développement de stratégies thérapeutiques Assistance Publique-Hôpitaux de
efficaces pour le futur. Cette revue résume les Paris, Clichy, France ;
avancées dans la compréhension du rôle de 4
Université Denis Diderot-Paris
l’autophagie dans l’évolution de ces maladies 7, Sorbonne Paris Cité,
75018 Paris, France.
du cœur et des vaisseaux. < L’autophagie joue un rôle majeur dans chantal.boulanger@inserm.fr
le maintien de l’homéostasie cel-
lulaire, car elle permet l’élimination et le remplacement continuel
des protéines et des organites non fonctionnels. Elle est induite par
différents stress cellulaires (hypoxie, stress oxydant, carences en
Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause nutriments, infections virales) et agit généralement comme un méca-
de mortalité dans le monde. En 2015, on estimait à nisme protecteur qui va promouvoir la survie de la cellule au sein d’un
17,9 millions le nombre de décès imputables à ces environnement défavorable. Néanmoins, un excès d’autophagie, abou-
pathologies, soit plus de 30 % de la mortalité mondiale tissant à la destruction d’une forte proportion du cytoplasme, peut
totale [1]. conduire à la mort cellulaire. On parle alors de mort autophagique (ou
L’autophagie est un processus intracellulaire majeur mort cellulaire de type 2) ou autose [2].
par lequel du matériel cytoplasmique, y compris des Des efforts de recherche considérables ont été mis en œuvre afin
organelles, est dirigé vers les lysosomes pour dégrada- de mieux comprendre le rôle de l’autophagie en physiopathologie
tion. Trois types d’autophagie se distinguent par leurs cardiovasculaire et pour identifier de nouvelles cibles thérapeu-
fonctions physiologiques ainsi que le mode de déli- tiques potentielles. Toutes les cellules du système cardiovasculaire
vrance du matériel cytoplasmique vers les lysosomes : présentent des capacités d’autophagie et de nombreuses études
la microautophagie (mécanisme par lequel le maté- montrent l’implication du processus dans le développement et la pro-
riel cytoplasmique est directement séquestré par le gression des maladies cardiovasculaires. Cette synthèse a pour but de
lysosome à la suite de l’invagination de la membrane discuter les études récentes ayant évalué le rôle de l’autophagie dans
lysosomale), l’autophagie relayée par les protéines ces maladies.
chaperonnes (des protéines cytosoliques portant un
motif peptidique particulier sont alors reconnues par Autophagie et maladies cardiaques
des protéines chaperonnes qui les dirigent vers la
membrane lysosomale), et enfin la macroautophagie Autophagie et vieillissement cardiaque
(mécanisme par lequel du matériel cytoplasmique est Plusieurs études mettent en évidence un rôle essentiel de l’autophagie
isolé au sein d’une vésicule à double membrane qu’on dans le maintien de l’homéostasie cardiaque au cours du vieillisse-
appelle autophagosome, qui va par la suite fusionner ment. L’autophagie cardiaque décroît spontanément avec l’âge. Une
avec un lysosome afin de per- altération de la voie autophagique par déficience d’Atg5 (autophagy-
(➜) Voir la Nouvelle
mettre la dégradation du contenu de E. Morel, page 217 related protein 5), spécifiquement dans les cardiomyocytes, entraîne
séquestré) [56] (➜). de ce numéro une cardiomyopathie hypertrophique caractérisée par une hypertro-
REVUES
cardiaque et améliore la fonction ventriculaire dans un modèle de la rapamycine, qui inhibe mTOR, atténuant ces effets
surcharge de pression [25]. Enfin, l’activation pharmacologique de [32]. Cependant, dans le modèle d’insulinorésistance
l’AMPK par la metformine ou l’AICAR (5-aminoimidazole-4-carboxa- induite par un régime riche en fructose, la perte de
mide ribonucleotide) réduit significativement l’hypertrophie cardiaque cardiomyocytes ainsi que la fibrose cardiaque sont
en augmentant l’activité autophagique via l’inhibition de mTORC1 associées à une activation de l’autophagie résultant
(mammalian target of rapamycin complex 1) [26]. L’autophagie de la suppression de la signalisation Akt (ou protéine
basale apparaît donc protectrice au cours de l’insuffisance cardiaque. kinase B) [33]. Enfin, dans un modèle murin de régime
Cependant à la suite d’un stress, l’excès d’autophagie devient ina- riche en lipides de lait, l’hypertrophie cardiaque dépend
SYNTHÈSE
dapté et délétère. de l’activation du processus autophagique [34]. Ces
Les résultats de nombreuses études restent difficiles à interpréter divergences pourraient s’expliquer par les différences
en raison de l’absence d’évaluation du flux autophagique. En effet, de composition des régimes utilisés et les durées des
l’augmentation du nombre d’autophagosomes peut résulter soit d’un protocoles expérimentaux. Comme c’est le cas pour
accroissement de leur synthèse, soit d’une diminution de leur éli- d’autres études (voir plus haut), l’importance de
mination [27]. Ainsi, dans le modèle murin déficient en LAMP-2, les l’autophagie ne peut être appréciée correctement dans
animaux présentent une contractilité cardiaque sévèrement réduite, ces modèles en raison de l’absence d’évaluation du flux
ainsi que des cardiomyocytes d’ultrastructure anormale avec une autophagique. Xu et ses collaborateurs ont cependant
accumulation d’autophagosomes [28]. De même, chez l’homme, les montré le rôle fonctionnel de l’autophagie dans un
cardiomyocytes différenciés à partir de fibroblastes issus de patients modèle d’obésité induite par un régime riche en lipides,
atteints de la maladie de Danon (une affection génétique rare liée au dans lequel la cardiomyopathie diabétique s’accom-
chromosome X caractérisée par une cardiomyopathie hypertrophique pagne d’une accumulation de vacuoles autophagiques
sévère, causée par une mutation du même gène LAMP-2) reprogram- en raison d’un blocage du flux autophagique [35].
més en cellules souches pluripotentes, ont un blocage du flux auto-
phagique, associé à une augmentation de la taille cellulaire, du stress Autophagie et maladies vasculaires
oxydatif mitochondrial ainsi que de l’apoptose [29].
Autophagie et athérosclérose
Autophagie et cardiomyopathie diabétique La mise en évidence de structures autophagiques au
Dans des modèles murins de diabète de type 1 (diabète induit par sein des plaques d’athérosclérose, à la fois au niveau
l’injection de streptozotocine ou souris diabétiques OVE26), l’auto- des cellules endothéliales, musculaires lisses et des
phagie cardiaque est inhibée [30], le flux autophagique réduit [31] macrophages [36], suggère que l’autophagie joue un
et les niveaux d’expression des marqueurs de la mitophagie PINK-1 rôle important dans le développement de la maladie
(PTEN-induced putative kinase 1), Parkin et BNIP3 (BCL2/adenovirus athéromateuse (Figure 1). Plusieurs facteurs pro-athé-
E1B 19kDa interacting protein 3) sont abaissés. De manière intéres- rogènes stimulent en effet l’autophagie comme les
sante, chez les souris diabétiques dont l’expression de Beclin-1 ou lipoprotéines de faible densité (LDL) oxydées [37], le
Atg16 est altérée, la dysfonction cardiaque est également significa- TNF- (tumor necrosis factor alpha) [38] ou encore le
tivement réduite, tandis que la surexpression de Beclin-1 conduit à 7-kétocholestérol [39].
l’effet inverse. La baisse du niveau d’autophagie et de la mitophagie L’autophagie est impliquée dans la conversion des
apparaît donc comme une réponse adaptative au diabète [31], malgré macrophages en cellules spumeuses6 et dans le déve-
une dysfonction mitochondriale importante. Le traitement chronique loppement de la plaque d’athérosclérose. Elle est
par la metformine (qui active l’autophagie via la voie AMPK et est nécessaire à l’efflux du cholestérol des cellules spu-
utilisée dans le traitement du diabète) améliore cependant la fonction meuses en favorisant la lipolyse lysosomale des gout-
cardiaque dans ces modèles [30]. Ce résultat bénéfique de la metfor- telettes lipidiques [40]. L’inhibition pharmacologique,
mine pourrait s’expliquer par des effets indépendants de l’autophagie. ou moléculaire, de l’autophagie réduit en effet signifi-
cativement l’efflux du cholestérol [40]. Sa suppression
par l’activation de mTOR, favorise la formation des
5
La desmine relie les fibres musculaires au niveau des stries Z et assure la cohésion cellulaire des disques
intercalaires cardiaques. L’absence de desmine fonctionnelle provoque une cardiomyopathie et des
6
défauts vasculaires. Macrophages chargés de gouttelettes de lipides.
REVUES
Cardiaque Améliore la fonction cardiaque chez les souris diabétiques [26]
SYNTHÈSE
Tableau I. Interventions pharmacologiques sur les mécanismes de l’autophagie dans les maladies cardiovasculaires. AICAR : 5-aminoimidazole-
4-carboxamide ribonucléotide ; HTAP : hypertension artérielle pulmonaire.
delage hypertrophique de sa paroi et une défaillance ventriculaire vation de l’autophagie par la rapamycine exacerbe la
droite [50]. Peu d’études ont évalué le rôle de l’autophagie dans cette mort des cellules musculaires lisses induite par l’ostéo-
pathologie. Lee et ses collaborateurs ont observé une surexpression de pontine, tandis que son inhibition par la 3-méthyladé-
la protéine autophagique LC3 (microtubule-associated protein 1A/1B- nine la prévient [53]. Ces observations suggèrent donc
light chain) ainsi qu’une augmentation du rapport LC3II/I (rapport un rôle délétère de l’autophagie. Cependant, in vivo, la
entre formes membranaire et libre de la protéine) dans les poumons rapamycine inhibe la progression de l’anévrisme déjà
de patients atteints d’HTAP et dans un modèle murin [51]. L’auto- établi [54]. L’activation de l’autophagie au niveau
phagie jouerait un rôle protecteur dans cette pathologie, les souris d’autres cellules impliquées dans le développement de
Lc3b-/- développant plus rapidement une HTAP sous l’effet de l’hypoxie l’anévrisme, notamment les cellules inflammatoires, ou
[51]. Cependant, dans un autre modèle d’HTAP induite par la mono- des effets de la rapamycine dépendants de mTOR mais
crotaline chez le rat, l’inhibition de l’autophagie par la chloroquine indépendants de l’autophagie, pourraient expliquer ces
atténue l’installation de la maladie et retarde sa progression, indi- résultats. À noter que le traitement chronique par la
quant ici un rôle délétère pour l’autophagie. L’effet de la chloroquine chloroquine, qui inhibe la phase terminale de l’auto-
reposerait sur l’inhibition de la dégradation lysosomale de BMPR-II phagie, n’a aucun impact sur le développement de la
(bone morphogenetic protein type II receptor), une protéine inhibant pathologie anévrismale [55].
la prolifération et induisant l’apoptose des cellules musculaires lisses
des artères pulmonaires [52]. À noter que ces deux modèles d’HTAP Perspectives thérapeutiques
divergent quant aux mécanismes qui sont impliqués : l’HTAP induite
par l’hypoxie est en effet due essentiellement à une vasoconstriction, L’accumulation des connaissances concernant les
tandis que la monocrotaline utilisée chez le rat induit une HTAP qui mécanismes de régulation de l’autophagie ainsi que
présente une composante inflammatoire importante. son rôle dans la physiopathologie cardiovasculaire
permet d’envisager de cibler cette voie dans un but
Autophagie et anévrisme de l’aorte abdominale thérapeutique. Néanmoins, la complexité des méca-
L’anévrisme de l’aorte abdominale est une maladie inflammatoire de nismes régulant l’autophagie ainsi que ses différents
la paroi artérielle, caractérisée par une dilatation localisée de la por- rôles dans les pathologies cardiovasculaires imposent
tion abdominale de l’aorte, qui survient essentiellement chez l’homme, la prise en compte de plusieurs critères avant d’envi-
à partir de 60 ans. L’analyse d’échantillons humains d’anévrisme a mis sager une intervention. Le choix de la cible dépend
en évidence une augmentation de l’expression de plusieurs gènes de en effet fortement du contexte pathologique, l’auto-
la machinerie autophagique, notamment Atg4b, Beclin-1, Bnip3 (BCL2 phagie pouvant être activée ou inhibée par plusieurs
interacting protein 3) et Vps34 (class III PI3K), ainsi que son activation mécanismes différents. Outre le type cellulaire, l’in-
attestée par l’augmentation du rapport LC3II/I [53]. L’ostéopontine, tensité de modulation de l’autophagie est un autre
une cytokine pro-inflammatoire fortement exprimée au cours de paramètre important, ajoutant un niveau de com-
l’anévrisme, est un puissant inducteur de l’autophagie in vitro. L’acti- plexité. La spécificité des agents pharmacologiques
REVUES
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Q u’est-ce que la guérison ? Des réponses, il y en a. De toutes sortes et de tout temps. Chacun y va de son savoir,
religieux, scientifique, médical... Et de quoi est-on supposé guérir ? D’un symptôme, d’une douleur, d’une maladie,
d’une répétition mortifère, d’un destin mélancolique ? Pour la psychanalyse, la guérison s’insère dans un système
imaginaire et a, comme point de mire, un idéal. « La guérison, c’est une demande... »
précise Lacan. Les auteurs nous invitent ici à découvrir, au-delà du semblant et à partir
de la clinique, les liens entre guérison et vérité du sujet.
Comité éditorial de l’Association Psychanalyse et Médecine (APM) : Martine Dombrosky,
Sophie Dunoyer de Segonzac, Houchang Guilyardi, Josette Olier, Betty Testud
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