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« Bataille de Navarin » : différence entre les versions

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{{Voir homonymes|Navarin}}
{{Voir homonymes|Navarin}}
{{Infobox Conflit militaire
La '''bataille de Navarin''' est une bataille navale qui s'est déroulée le {{date|20|octobre|1827}}, dans la baie de [[Pylos|Navarin]] (ouest du [[Péloponnèse]]) entre la flotte [[Empire ottoman|ottomane]] et une flotte [[France|franco]]-[[Russie impériale|russo]]-[[Royaume Uni|britannique]] dans le cadre de l'intervention de ces trois puissances lors de la [[guerre d'indépendance grecque]]. À l'issue des combats, la défaite ottomane est totale.
| conflit = Bataille de Navarin
| guerre = [[Guerre d'indépendance grecque]]
| image = Naval Battle of Navarino by Garneray.jpg
| légende = La bataille de Navarin peinte par [[Ambroise Louis Garneray|Garneray]].
| date = {{date|20|octobre|1827}}
| lieu = [[Pylos|Baie de Navarin]], [[Péloponnèse|sud-ouest du Péloponnèse]], [[Grèce]]
| territoires =
| issue = Victoire de la coalition du [[Royaume-Uni]], de la [[France]] et de la [[Empire russe|Russie]]
| combattants1 = {{Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande}}<br />{{France (1815-1830)}}<br />{{Empire russe}}
| combattants2 = {{Empire Ottoman 1453-1844}}<br />[[Image:Flag of the Ottoman Empire (1453-1844).svg|20 px|Flag of the Ottoman Empire (1453-1844)]] [[Province ottomane d'Égypte]]<br />[[File:Flag of Ottoman Algiers.gif|20 px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]<br />[[Image:Flag of the Ottoman Empire (1453-1844).svg|20 px|Flag of the Beylik of Tunis (1831-1881)]] [[Beylicat de Tunis]]
| commandant1 = {{drapeau|Royaume-Uni|government}} [[Edward Codrington]] ([[Royal Navy]])<br />{{drapeau|France|royal}} [[Henri de Rigny]] ([[Histoire de la marine française depuis 1789#Marine de la Restauration|Marine Royale de France]])<br />{{drapeau|Russie|naval}} [[Lodewijk van Heiden|Login Van Geiden]] ([[Marine impériale russe]])
| commandant2 = [[Fichier:Flag of the Ottoman Empire (1453-1844).svg|border|20px]] Tahir Pacha<br />[[Fichier:Flag of the Ottoman Empire (1453-1844).svg|border|20px]] Moharrem Bey (flotte égyptienne)<br />[[Fichier:Flag of the Ottoman Empire (1453-1844).svg|border|20px]] Kiutchuck Mohamed (Tunis)
| forces1 = 27 navires
| forces2 = Entre 80 et 90 navires
| pertes1 = 174 morts<br />475 blessés
| pertes2 = {{nombre|6000}} morts <small>(est.)</small><br />{{nombre|4000}} blessés <small>(est.)</small> <br />60 navires détruits <small>(est.)</small>
| batailles = {{Guerre d'indép. grecque}}
| notes =
| géolocalisation = Grèce
}}


La '''bataille de Navarin''' est une bataille navale qui s'est déroulée le {{date|20|octobre|1827}}, dans la baie de [[Pylos|Navarin]] (ouest du [[Péloponnèse]]), entre la flotte [[Empire ottoman|ottomane]] et une flotte [[France|franco]]-[[Empire russe|russo]]-[[Royaume-Uni|britannique]] dans le cadre de l'intervention de ces trois puissances lors de la [[guerre d'indépendance grecque]]. À l'issue des combats, la défaite ottomane est totale. Et qui avait aussi pour but de détruire la puissance maritime Algérienne et Ottomane.
La bataille de Navarin est considérée comme la dernière grande bataille navale de la marine à voile<ref>''La Révolution maritime du XIXe siècle.'', Service historique de la marine, Lavauzelle, 1987, p. 15.</ref>, avant l'avènement des navires à vapeur, des cuirassés et des obus<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 29-31.</ref>, mais aussi comme une étape décisive vers l'indépendance de la [[Grèce]] et comme l'une des premières « interventions humanitaires » de l'histoire<ref>G. J. Bass, ''op. cit.''</ref>.


La bataille de Navarin est considérée comme la dernière grande bataille navale de la marine à voile<ref>''La Révolution maritime du {{s-|XIX|e}}.'', Service historique de la marine, Lavauzelle, 1987, {{p.|15}}.</ref>, avant l'avènement des navires à vapeur, des cuirassés et des obus{{sfn|Woodhouse|1965|p=29-31}}, mais aussi comme une étape décisive vers l'indépendance de la [[Grèce]] et comme l'une des premières « interventions sous un prétexte humanitaire » de l'histoire{{sfn|Bass|2008}}.
Par le [[Traité de Londres (1827)|traité de Londres]] du {{date|6|juillet|1827}}, la [[France]], le [[Royaume Uni]] et la [[Russie impériale|Russie]] avaient convenu d'intervenir entre les belligérants de la [[guerre d'indépendance grecque]] pour faire cesser les « effusions de sang ». Une flotte tripartite, commandée par [[Edward Codrington]], [[Henri de Rigny]] et [[Login Geiden|Login Van Geiden]] fut envoyée dans ce but. Après avoir réussi à empêcher divers affrontements, les amiraux décidèrent de faire une démonstration de force dans la [[Pylos|baie de Navarin]] où se trouvait la flotte ottomane, composée de navires [[Égypte|égyptiens]], [[Turquie|turcs]] et [[Tunisie|tunisiens]]. Celle-ci était ancrée dans une disposition destinée à impressionner la flotte des puissances qu'elle attendait. Des coups de feu tirés d'un navire ottoman, avant que tout ordre ait été donné en ce sens, entraînèrent une bataille qui n'était prévue par aucun des deux adversaires.

Par le [[Traité de Londres (1827)|traité de Londres]] du {{date|6|juillet|1827}}, la [[France]], le [[Royaume-Uni]] et la [[Empire russe|Russie]] étaient convenus d'intervenir entre les belligérants de la [[guerre d'indépendance grecque]] pour faire cesser les « effusions de sang ». Une flotte tripartite, commandée par [[Edward Codrington]], [[Henri de Rigny]] et [[Lodewijk van Heiden|Login Van Geiden]] fut envoyée avec ce but.

Après avoir réussi à empêcher divers affrontements, les amiraux décidèrent de faire une démonstration de force dans la [[Pylos|baie de Navarin]] où se trouvait la flotte ottomane, essentiellement composée de navires [[Empire ottoman|turcs]] et [[Égypte|égyptiens]]<ref group="N">La présence de navires de la [[régence d'Alger]] n'est généralement pas mentionnée, hormis par quelques sources : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k345645.image.f610.langFR.pagination A. Lacour, « La marine de la régence d'Alger avant la conquête », ''Revue maritime et coloniale'', 1883, {{p.|619}}], {{ouvrage|prénom1=Jean|nom1=Jolly|titre=L'Afrique et son environnement européen et asiatique|passage=85|éditeur=Éditions L'Harmattan|collection=History|année=2008|pages totales=167|isbn=978-2-296-05773-9|lire en ligne={{Google Livres|id=FQDjJ3kv-CwC|page=85}}}}. Elle est contredite par diverses sources : les articles d'André de Voulx, « Coopération de la régence d'Alger à la guerre de l'indépendance grecque », ''Revue africaine. Journal des travaux de la Société historique algérienne.'', {{n°|12}}, 1857 ; Daniel Panzac, ''La course barbaresque'' in ''Les tyrans de la mer: pirates, corsaires et flibustiers'', 2002, {{p.|107}} ([https://books.google.fr/books?id=QrSpAIPTtjQC&pg=PA107#v=onepage&q&f=false lire en ligne]). Enfin, à l'automne 1827, la flotte de la [[régence d'Alger]] tentait sans succès de briser le blocus de ses ports par la flotte française. Toutes les sorties se soldaient par des échecs. Voir Moulay Belhamissi, ''Histoire de la marine algérienne'', Enal, Alger, 1986.</ref>. Celle-ci était ancrée dans une disposition destinée à impressionner la flotte des puissances qu'elle attendait. Des coups de feu tirés d'un navire ottoman, avant que tout ordre ait été donné en ce sens, entraînèrent une bataille qui n'était projetée par aucun des deux adversaires.


Malgré leur infériorité numérique, les navires des puissances étaient largement supérieurs à leurs adversaires. Dans un combat qui se déroula pratiquement à l'ancre et à bout portant, leurs artilleurs firent des ravages dans la flotte ottomane. Les plus petits navires de la flotte des puissances, qui ne s'ancrèrent pas, remplirent avec succès leur mission de neutraliser les [[Brûlot (navire)|brûlots]], l'arme ottomane la plus redoutable, ce qui aida à la victoire finale.
Malgré leur infériorité numérique, les navires des puissances étaient largement supérieurs à leurs adversaires. Dans un combat qui se déroula pratiquement à l'ancre et à bout portant, leurs artilleurs firent des ravages dans la flotte ottomane. Les plus petits navires de la flotte des puissances, qui ne s'ancrèrent pas, remplirent avec succès leur mission de neutraliser les [[Brûlot (navire)|brûlots]], l'arme ottomane la plus redoutable, ce qui aida à la victoire finale.


Sans perdre un seul navire, mais après avoir subi d'importants dégâts, la flotte franco-russo-britannique détruisit une soixantaine de navires ottomano-égyptiens, provoquant un véritable carnage.
Sans perdre un seul navire, mais après avoir subi d'importants dégâts, la flotte franco-russo-britannique détruisit une soixantaine de navires ottomans.

{| class="toccolours" border="1" cellpadding="4" style="width: 300px; float: right; margin: 0 0 1em 1em; border-collapse: collapse;"
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!colspan="2" style="text-align: center; background:#B0C4DE"|Bataille de Navarin
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|colspan="2" style="font-size: 90%; text-align: center;"|[[Image:Naval_Battle_of_Navarino_by_Garneray.jpg|300px]]<br/>La bataille de Navarin peinte par [[Ambroise Louis Garneray|Garneray]].
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| colspan="2" |'''Conflit''' : [[Guerre d'indépendance grecque]]
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| colspan="2" |'''Date''' : {{date|20|octobre|1827}}
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| colspan="2" |'''Lieu''' : [[Pylos|Baie de Navarin]], [[Péloponnèse|sud-ouest du Péloponnèse]], [[Grèce]]
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| colspan="2" |'''Résultat''' : Victoire de la coalition du [[Royaume-Uni]], de la [[France]] et de la [[Russie]]
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!colspan="2" style="text-align: center; background:#B0C4DE"|Combattants
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|width="50%"| {{Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande}}<br />{{France (1815-1830)}}<br />{{Russie impériale}}
|width="50%"| {{Empire Ottoman 1453-1844}}<br />[[Fichier:Flag of Egypt 19th century.svg|20px|border]] [[Égypte]]<br />[[File:Tunisian flag till 1831.gif|20px|border]] [[Tunisie]]
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!colspan="2" style="text-align: center; background:#B0C4DE"|Commandants
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|width="50%"| {{flagicon|Royaume-Uni}} [[Edward Codrington]]<br />[[Fichier:Naval Ensign of the Kingdom of France.svg|20px|border]] [[Henri de Rigny]]<br />{{flagicon|Russie}} [[Login Geiden|Login Van Geiden]]
|width="50%"| [[Fichier:Flag of the Ottoman Empire (1453-1844).svg|20px]] Tahir Pacha<br />[[Fichier:Flag of Egypt 19th century.svg|20px|border]] [[Ibrahim Pasha]]<br />[[Fichier:Flag of Egypt 19th century.svg|20px|border]] Moharrem Bey<br />[[File:Tunisian flag till 1831.gif|20px|border]] Kiutchuck Mohamed
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!colspan="2" style="text-align: center; background:#B0C4DE"|Forces
|-
|width="50%"| 28 navires
|width="50%"| Entre 80 et 90 navires
|-
!colspan="2" style="text-align: center; background:#B0C4DE"|Pertes
|-
|width="50%"| 174 morts<br />475 blessés
|width="50%"| {{formatnum:6000}} morts <small>(est.)</small><br />{{formatnum:4000}} blessés <small>(est.)</small><br />60 navires détruits <small>(est.)</small>
|}


==Contexte==
== Contexte ==
===La guerre d'indépendance grecque===
=== La guerre d'indépendance grecque ===
{{Article détaillé|Guerre d'indépendance grecque}}
{{Article détaillé|Guerre d'indépendance grecque}}


En [[1821]], les Grecs s’étaient révoltés contre l’[[Grèce ottomane|occupation ottomane]]. Ils avaient d’abord remporté de nombreuses victoires et proclamé leur indépendance en [[janvier 1822]]. Les victoires grecques avaient été de courte durée, en partie parce que les insurgés s'étaient rapidement déchirés entre factions rivales au cours de deux guerres civiles. Le [[Dynastie ottomane|sultan]] [[Mahmud II]] avait appelé à l’aide son vassal égyptien [[Mehemet Ali]] qui, en [[1824]], avait dépêché en Grèce son fils [[Ibrahim Pacha]] avec une flotte et d'abord {{formatnum:8000}} puis {{formatnum:25000}} hommes. L’intervention d’Ibrahim fut décisive : le [[Péloponnèse]] avait été reconquis en [[1825]] ; le verrou de [[siège de Missolonghi|Missolonghi]] était tombé en [[1826]] ; [[Athènes]] avait été prise en [[1827]]. Il ne restait plus alors à la Grèce que [[Nauplie]], [[Hydra (île)|Hydra]], [[Spetses]] et [[Égine (île)|Égine]]<ref>''An Index of events in the military history of the greek nation.'', pp. 51 et 54</ref>{{,}}<ref>Georges Contogeorgis, ''op. cit.'', p. 345.</ref>{{,}}<ref>C.M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 19.</ref>.
En [[1821]], les Grecs s’étaient révoltés contre l’[[Grèce ottomane|occupation ottomane]]. Ils avaient d’abord remporté de nombreuses victoires et proclamé leur indépendance en {{date|janvier 1822}}. Les victoires grecques avaient été de courte durée, en partie parce que les insurgés s'étaient rapidement déchirés entre factions rivales au cours de deux guerres civiles. Le [[Dynastie ottomane|sultan]] [[Mahmoud II]] avait appelé à l’aide son vassal égyptien [[Méhémet Ali]] qui, en [[1824]], avait dépêché en Grèce son fils [[Ibrahim Pacha]] avec une flotte et d'abord {{formatnum:8000}} puis {{nombre|25000|hommes}}. L’intervention d’Ibrahim fut décisive : le [[Péloponnèse]] avait été reconquis en [[1825]] ; le verrou de [[siège de Missolonghi|Missolonghi]] était tombé en [[1826]] ; [[Athènes]] avait été prise en [[1827]]. Il ne restait plus alors à la Grèce que [[Nauplie]], [[Hydra (île)|Hydra]], [[Spetses]] et [[Égine]]{{sfn|Hellenic Army General Staff|1998|texte=''An Index of events in the military history of the greek nation''|p=51 et 54}}{{,}}{{sfn|Contogeorgis|1992|p=345}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=19}}.
[[Image:Epanastasi.jpg|thumb|left|''Le Serment à Aghia Lavra.''<br />Ce tableau de [[Theodoros P. Vryzakis]] ([[1865]]) commémore le soulèvement du 25 mars 1821. huile sur toile, National Art Gallery and Alexandros Soutzos Museum, [[Athènes]].]]
Le jeu des puissances européennes était alors ambigu, tout comme celui de leurs représentants au [[Levant]]. Le soulèvement grec, considéré comme libéral et national, ne convenait pas à l’[[Autriche]] de [[Metternich]], principal artisan de la politique de la [[Sainte-Alliance]]. Cependant, la [[Russie impériale|Russie]], autre gendarme réactionnaire de l’Europe, était favorable à l’insurrection par solidarité religieuse [[Christianisme orthodoxe|orthodoxe]] et par intérêt géo-stratégique (contrôle des détroits des [[Détroit des Dardanelles|Dardanelles]] et du [[Bosphore]]). La [[France]], autre membre actif de la Sainte-Alliance (elle venait d’intervenir en [[Espagne]] contre les libéraux), avait une position ambigüe : les Grecs, certes libéraux, étaient d’abord des chrétiens et leur soulèvement contre les Ottomans [[Islam|musulmans]] pouvait ressembler à une nouvelle [[croisade]]. La [[Royaume-Uni|Grande-Bretagne]], pays libéral, s’intéressait surtout à la situation de la région sur la route des [[Indes]] et [[Londres]] désirait pouvoir y exercer une forme de contrôle<ref name=Wood23>C.M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 23-24.</ref>.


[[Image:Epanastasi.jpg|thumb|left|upright|alt=tableau {{s-|XIX}} : une foule autour d'un drapeau blanc à croix bleu|''Le Serment à Aghia Lavra.''<br />Ce tableau de [[Theodoros P. Vryzakis]] ([[1865]]) commémore le soulèvement du {{date-|25 mars 1821}}. huile sur toile, [[Pinacothèque nationale d'Athènes]], [[Athènes]].]]
Cependant, des ressortissants des différents pays européens combattaient en Grèce aux côtés des insurgés. Parmi ces [[Philhellénisme|philhellènes]], on trouvait des militaires français comme le [[Charles Nicolas Fabvier|colonel Fabvier]] ou des marins britanniques comme [[Frank Abney Hastings]] ou [[Thomas Cochrane de Dundonald|Thomas Cochrane]]. De même, les amiraux britannique [[Edward Codrington]] et français [[Henri de Rigny]], commandant la flotte de leurs pays dans la région, n'étaient pas défavorables à la cause grecque. Bien souvent, ils allaient un peu au-delà de la neutralité que leur imposait leur gouvernement pour apporter un soutien aux Grecs. Ils se justifiaient en arguant du fait que la politique de leur gouvernement elle-même était ambiguë<ref name=Wood23 />.


Le jeu des puissances européennes était alors ambigu, tout comme celui de leurs représentants au [[Levant (Proche-Orient)|Levant]]. Le soulèvement grec, considéré comme libéral et national, ne convenait pas à l’[[Histoire de l'Autriche#L'ère Metternich|Autriche de Metternich]], principal artisan de la politique de la [[Sainte-Alliance]]. Cependant, la [[Empire russe|Russie]], autre gendarme réactionnaire de l’Europe, était favorable à l’insurrection par solidarité religieuse [[Christianisme orthodoxe|orthodoxe]] et par intérêt géo-stratégique (contrôle des détroits des [[Dardanelles]] et du [[Bosphore]]). La [[Restauration (histoire de France)|France]] de [[Charles X]], autre membre actif de la Sainte-Alliance (elle venait d’intervenir en [[Espagne]] contre les libéraux), avait une position ambiguë : les Grecs, certes libéraux, étaient d’abord des chrétiens et leur soulèvement contre les Ottomans [[Islam|musulmans]] pouvait ressembler à une nouvelle [[croisade]]. La [[Royaume-Uni|Grande-Bretagne]], pays libéral, s’intéressait surtout à la situation de la région sur la [[route des Indes]] et [[Londres]] désirait pouvoir y exercer une forme de contrôle{{sfn|Woodhouse|1965|p=23-24}}.
===Le traité de Londres===
{{détails|Traité de Londres (1827)}}
[[Image:Canning.jpg|thumb|George Canning.]]
Le [[massacre de Chios]], la mort de [[George Gordon Byron|Lord Byron]] ou la [[Siège de Missolonghi|chute de Missolonghi]] avaient suffisamment ému les opinions publiques occidentales pour que les gouvernements s'en inquiétassent, d'abord diplomatiquement<ref>G. J. Bass, ''op. cit.'', p. 110-122.</ref>. De plus, dès le mois d'août 1824, le gouvernement grec avait demandé au [[Royaume-Uni]] d'intervenir pour faire cesser les hostilités. Le {{date|4|avril|1826}}, [[Arthur Wellesley de Wellington|Wellington]], à [[Saint Pétersbourg]], signa un protocole anglo-russe prévoyant une médiation entre Grecs et Ottomans en vue de régler le conflit. Cet accord, sans volet militaire, n'avait que le mérite d'exister. Il servit cependant au [[Premier ministre du Royaume-Uni|Premier ministre britannique]], [[George Canning]], de point de départ aux négociations suivantes avec les autres pays européens. Les Français étaient prêts à l'accepter à condition que les Autrichiens, mais aussi les [[Prusse|Prussiens]] y consentissent aussi. De plus, les Russes voulaient un accord qui irait plus loin qu'une simple menace de retirer les ambassadeurs de Constantinople mais qui envisagerait une intervention militaire<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 24-26.</ref>{{,}}<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 256.</ref>.


Cependant, des ressortissants des différents pays européens combattaient en Grèce aux côtés des insurgés. Parmi ces [[Philhellénisme|philhellènes]], on trouvait des militaires français comme le [[Charles Nicolas Fabvier|colonel Fabvier]] ou des marins britanniques comme [[Frank Abney Hastings]] ou [[Thomas Cochrane (10e comte de Dundonald)|Thomas Cochrane]]. De même, les amiraux britannique [[Edward Codrington]] et français [[Henri de Rigny]], commandant la flotte de leurs pays dans la région, n'étaient pas défavorables à la cause grecque. Bien souvent, ils allaient un peu au-delà de la neutralité que leur imposait leur gouvernement pour apporter un soutien aux Grecs. Ils se justifiaient en arguant du fait que la politique de leur gouvernement elle-même était ambiguë{{sfn|Woodhouse|1965|p=23-24}}.
Les négociations finirent par aboutir en [[juillet]] [[1827]]. La [[France]], la [[Grande-Bretagne]] et la [[Russie]] signèrent le [[6 juillet]] à [[Londres]] le [[Traité de Londres (1827)|traité de Londres]]. Le texte officiel était pratiquement équivalent au protocole de Saint-Pétersbourg. Cependant, des sanctions étaient cette fois prévues, dans une clause secrète qui fut rendue publique une semaine plus tard dans le ''[[The Times|Times]]''. Cette clause prévoyait qu'en cas de refus de l'Empire ottoman, les puissances reconnaîtraient de fait la Grèce en y envoyant des consuls et qu'elles s'interposeraient entre les belligérants<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 40-41.</ref>.


=== Le traité de Londres ===
Dès le {{date|9|juin|1827}}, l'Empire ottoman avait fait savoir qu'il refuserait toute tentative de médiation et armistice présente ou à venir. Le traité de Londres ne changea rien. De plus, les flottes française et britannique, alors en Méditerranée orientale, n'étaient pas suffisamment fortes pour impressionner la [[Sublime Porte|Porte]] et la pousser à accepter les termes du traité. Le 16 août, le texte du traité fut officiellement présenté au ''[[Raïs|Reis-Effendi]]'', le ministre des affaires étrangères ottoman. Le 30 août, celui-ci nia avoir reçu un quelconque document. Par contre, informé le 2 septembre, le gouvernement grec accepta l'armistice dès le lendemain malgré les réticences de leurs commandants en chef philhellènes [[Richard Church]] et [[Thomas Cochrane de Dundonald|Thomas Cochrane]] qui venaient de mettre sur pied une opération conjointe terrestre et navale<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 79.</ref>{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 57-60.</ref>.
{{article détaillé|Traité de Londres (1827)}}
[[Image:Canning.jpg|thumb|alt=gravure noir et blanc : portrait d'un homme chauve, la main dans le veston|George Canning.]]
Le [[massacre de Chios]], la mort de [[Lord Byron]] ou la [[Siège de Missolonghi|chute de Missolonghi]] avaient suffisamment ému les opinions publiques occidentales pour que les gouvernements s'en inquiétassent, d'abord diplomatiquement{{sfn|Bass|2008|p=110-122}}. De plus, dès le mois d'août 1824, le gouvernement grec avait demandé au [[Royaume-Uni]] d'intervenir pour faire cesser les hostilités. Le {{date|4 avril 1826}}, [[Arthur Wellesley de Wellington|Wellington]], à [[Saint-Pétersbourg]], signa un protocole anglo-russe prévoyant une médiation entre Grecs et Ottomans en vue de régler le conflit. Cet accord, sans volet militaire, n'avait que le mérite d'exister. Il servit cependant au [[Premier ministre du Royaume-Uni|Premier ministre britannique]], [[George Canning]], de point de départ aux négociations suivantes avec les autres pays européens. Les Français étaient prêts à l'accepter à condition que les Autrichiens, mais aussi les [[Prusse|Prussiens]] y consentissent aussi. De plus, les Russes voulaient un accord qui irait plus loin qu'une simple menace de retirer les ambassadeurs de Constantinople mais qui envisagerait une intervention militaire{{sfn|Woodhouse|1965|p=24-26}}{{,}}{{sfn|Brewer|2001|p=256}}.


Les négociations finirent par aboutir en {{date||juillet|1827}}. La [[France]], la [[Grande-Bretagne]] et la [[Russie]] signèrent le {{date|6 juillet}} à [[Londres]] le [[Traité de Londres (1827)|traité de Londres]]. Le texte officiel était pratiquement équivalent au protocole de Saint-Pétersbourg. Cependant, des sanctions étaient cette fois prévues, dans une clause secrète qui fut rendue publique une semaine plus tard dans le ''[[The Times|Times]]''. Cette clause prévoyait qu'en cas de refus de l'Empire ottoman, les puissances reconnaîtraient de fait la Grèce en y envoyant des consuls et qu'elles s'interposeraient entre les belligérants{{sfn|Woodhouse|1965|p=40-41}}.
===L'ambiguïté des ordres donnés aux amiraux===
[[Fichier:Admiral Edward Codrington.jpg|thumb|left|[[Edward Codrington]].]]
Les flottes britannique, commandée par le contre-amiral [[Edward Codrington]], et française, commandée par l'amiral [[Henri de Rigny]], patrouillaient dans les eaux de la Méditerranée orientale depuis de nombreuses années pour y lutter contre la [[piraterie]]. Les ordres plus ou moins précis qu'elles avaient reçus sur l'attitude à adopter dans la situation créée par la guerre d'indépendance grecque laissaient une certaine latitude aux amiraux<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 38.</ref>.


Dès le {{date|9 juin 1827}}, l'Empire ottoman avait fait savoir qu'il refuserait toute tentative de médiation et armistice présente ou à venir. Le traité de Londres ne changea rien. De plus, les flottes française et britannique, alors en Méditerranée orientale, n'étaient pas suffisamment fortes pour impressionner la [[Sublime Porte|Porte]] et la pousser à accepter les termes du traité. Le 16 août, le texte du traité fut officiellement présenté au ''[[Raïs|Reis-Effendi]]'', le ministre des Affaires étrangères ottoman. Le 30 août, celui-ci nia avoir reçu un quelconque document. Par contre, informé le 2 septembre, le gouvernement grec accepta l'armistice dès le lendemain malgré les réticences de leurs commandants en chef philhellènes [[Richard Church]] et [[Thomas Cochrane (10e comte de Dundonald)|Thomas Cochrane]] qui venaient de mettre sur pied une opération conjointe terrestre et navale{{sfn|Douin|1927|p=79}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=57-60}}.
Lorsqu'il rejoignit son poste, en février 1826, Codrington hérita des ordres de son prédécesseur, sir [[Harry Burrard-Neale]] : assurer la sécurité des sujets britanniques et de la [[République des îles Ioniennes]] sous [[protectorat]] britannique. Il devait aussi demander à [[Ibrahim Pacha]] de renoncer à son projet de « barbarisation » de la [[Péloponnèse|Morée]] et, en cas de refus, en informer le souverain britannique<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 35-36.</ref>. Ce projet de « barbarisation » était une rumeur insistante, principalement propagée par [[Dorothea von Benckendorff]], l'épouse de l'ambassadeur de Russie à Londres, le [[Christophe de Lieven|prince de Lieven]]. Cette rumeur aurait été une manœuvre diplomatico-politique afin d'accroître le [[philhellénisme]] en Europe. Ibrahim Pacha était accusé de vouloir intégralement réduire en esclavage la population grecque du Péloponnèse et de la déporter vers ses terres égyptiennes pour la remplacer par des musulmans nord-africains. Si Ibrahim Pacha insista toujours sur le fait que cette rumeur était fausse, elle se perpétua cependant très longtemps, même après la bataille de Navarin<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 36.</ref>{{,}}<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 254.</ref>.


=== L'ambiguïté des ordres donnés aux amiraux ===
L'escadre russe prévue pour s'interposer entre les belligérants grecs et ottomans commença à se rassembler à [[Kronstadt]] un mois avant que le [[Traité de Londres (1827)|traité de Londres]] fût signé. Le tsar [[Nicolas Ier de Russie|Nicolas I{{er}}]], lorsqu'il la passa en revue le 10 juin, déclara qu'« en cas d'opérations militaires, l'ennemi [serait] traité ''à la russe''<ref group=N>En français dans le texte</ref> ». L'ordre était ici plus clair<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 42.</ref>.
[[Fichier:Admiral Edward Codrington.jpg|thumb|left|upright|alt=gravure noir et blanc : portrait d'un homme chauve, en grand uniforme|[[Edward Codrington]].]]
[[Image:Rigny, Henri de.jpg|thumb|[[Henri de Rigny]], peint par [[François-Gabriel Lépaulle]], [[1836]].]]
Les flottes britannique, commandée par le contre-amiral [[Edward Codrington]], et française, commandée par l'amiral [[Henri de Rigny]], patrouillaient dans les eaux de la Méditerranée orientale depuis de nombreuses années pour y lutter contre la [[piraterie]]. Les ordres plus ou moins précis qu'elles avaient reçus sur l'attitude à adopter dans la situation créée par la guerre d'indépendance grecque laissaient une certaine latitude aux amiraux{{sfn|Woodhouse|1965|p=38}}.
Les instructions données aux amiraux français, britannique et russe par leur gouvernement figuraient dans les annexes D et F du traité de Londres. L'hypothèse principalement évoquée était que les Ottomans rejetteraient la proposition d'armistice et de médiation tandis que les Grecs (qui l'avaient demandée en premier lieu) l'accepteraient. Les amiraux devraient alors « prendre les mesures les plus efficaces et les plus expéditives pour mettre fin aux hostilités et aux effusions de sang », « utiliser tous les moyens […] pour obtenir un armistice immédiat » et organiser des escadres chargées d'empêcher tout renfort turc ou égyptien d'atteindre la Grèce. Cependant, la violence ne devait être que le dernier recours si les Ottomans persistaient à vouloir forcer le blocus. Pour tous les cas non prévus dans les instructions, les amiraux avaient toute latitude pour agir<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 42-47.</ref>.


Lorsqu'il rejoignit son poste, en février 1826, Codrington hérita des ordres de son prédécesseur, sir [[Harry Burrard-Neale]] : assurer la sécurité des sujets britanniques et de la [[République des îles Ioniennes]] sous [[protectorat]] britannique. Il devait aussi demander à [[Ibrahim Pacha]] de renoncer à son projet de « barbarisation » de la [[Péloponnèse|Morée]] et, en cas de refus, en informer le souverain britannique{{sfn|Woodhouse|1965|p=35-36}}. Ce projet de « barbarisation » était une rumeur insistante, principalement propagée par [[Dorothea von Benckendorff]], l'épouse de l'ambassadeur de Russie à Londres, le [[Christophe de Lieven|prince de Lieven]]. Cette rumeur aurait été une manœuvre diplomatico-politique afin d'accroître le [[philhellénisme]] en Europe. Ibrahim Pacha était accusé de vouloir intégralement réduire en esclavage la population grecque du Péloponnèse et de la déporter vers ses terres égyptiennes pour la remplacer par des musulmans nord-africains. Si Ibrahim Pacha insista toujours sur le fait que cette rumeur était fausse, elle se perpétua cependant très longtemps, même après la bataille de Navarin{{sfn|Woodhouse|1965|p=36}}{{,}}{{sfn|Brewer|2001|p=254}}.
Les amiraux britannique Codrington et français de Rigny reçurent ces instructions le [[7 août]], alors qu'ils se trouvaient à [[Izmir|Smyrne]]. De Rigny les trouva « bien peu précises »<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 51.</ref>. Afin d'en savoir plus, Codrington demanda des précisions à Stratford Canning, l'ambassadeur britannique à [[Constantinople]]. La réponse fut très claire : même si les puissances désiraient éviter la guerre, le blocus devait, en ultime recours, être imposé à coup de canon<ref>Dans une lettre du 1{{er}} septembre, Steven Schwartzberg, « The Lion and the Phoenix - II », p. 293 et C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 53-54.</ref>. À leur départ de Smyrne, le 17 août, pour [[Nauplie]] où ils devaient présenter le traité aux autorités grecques, les deux amiraux étaient persuadés d'une chose : le traité ne pouvait mener qu'à l'indépendance, à terme, de la Grèce<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 52.</ref>. Le 4 septembre, les amiraux reçurent des ordres complémentaires de leurs ambassadeurs à Constantinople. Ils devaient toujours « empêcher tout secours de parvenir aux Ottomans en Grèce ». Ils devaient de plus protéger, en coopération avec les Grecs, toutes les régions qui avaient pris part à l'insurrection<ref group=N>Au sud d'une ligne [[Missolonghi]]-[[Volos]] pour le continent et les îles adjacentes (en incluant les [[Cyclades]] mais en excluant la [[Crète]] et [[Samos]]). (D. Brewer, ''op. cit.'', p. 323 et C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 61-62.).</ref>. Enfin, ils devaient « encourager » les navires turcs et égyptiens à retourner à Constantinople ou Alexandrie. Si des navires ottomans persistaient à rester en Grèce, le texte des instructions précisait qu'ils devraient « courir les risques inhérents à la guerre »<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 323.</ref>{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 61-62.</ref>.


L'escadre russe prévue pour s'interposer entre les belligérants grecs et ottomans commença à se rassembler à [[Kronstadt]] un mois avant que le [[Traité de Londres (1827)|traité de Londres]] fût signé. Le tsar [[Nicolas Ier (empereur de Russie)|Nicolas {{Ier}}]], lorsqu'il la passa en revue le 10 juin, déclara qu'« en cas d'opérations militaires, l'ennemi [serait] traité ''à la russe''<ref group=N>En français dans le texte</ref> ». L'ordre était ici plus clair{{sfn|Woodhouse|1965|p=42}}.
===Premières applications du traité de Londres===
[[Image:IbrahimBaja.jpg|thumb|upright=0.75|left|[[Ibrahim Pacha]].]]
Après la signature du [[Traité de Londres (1827)|traité de Londres]], un émissaire spécial, le major J. H. Cradock, fut envoyé auprès du vice-roi d'[[Égypte]] pour lui suggérer la neutralité. Les chancelleries savaient qu'une flotte turco-égyptienne prévue pour renforcer Ibrahim Pacha était rassemblée à [[Alexandrie]]. Cradock arriva en Égypte le 8 août, trois jours après le départ de la flotte, forte d'un peu moins de 90 navires et commandée par Moharrem Bey, un beau-frère d'Ibrahim Pacha. Elle était constituée de trois escadres : une ottomane<ref group=N>Deux vaisseaux de ligne, cinq frégates et neuf corvettes. (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 38.)</ref>, une égyptienne<ref group=N>Trois frégates, neuf corvettes, quatre bricks et six sloops. (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 38.)</ref> et une tunisienne commandée par Kiutchuck Mohamed<ref group=N>Trois frégates et un brick. (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 38.)</ref>{{,}}<ref group=N>La flotte comptait de plus six brûlots et quarante vaisseaux de transport à bord desquels se trouvaient {{formatnum:4500}} hommes dont 600 Albanais. (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 38.)</ref>. Deux nouveaux efforts furent faits pour demander à [[Mehemet Ali]] de rappeler la flotte : par de Rigny qui envoya la ''Pomone'' et la ''Rose'' et par Codrington qui envoya la ''Pelorus''. Mais, le vice-roi ne pouvait se le permettre, sauf à rompre définitivement avec le Sultan. Cette flotte rejoignit Ibrahim Pacha dans la baie de Navarin. Une autre escadre, une vingtaine navires<ref group=N>Un vaisseau de ligne de 74 canons, six frégates, sept corvettes et six bricks. (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 38.)</ref>, commandée par Tahir Pacha, avait été croisée par la frégate française ''Armide'' au large de [[Cythère]] le [[6 août]]. Elle arrivait de Constantinople et se dirigeait aussi vers la baie de Navarin<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 48-49, 52 et 56.</ref>. Ibrahim Pacha avait prévu d'utiliser la flotte ainsi rassemblée pour mener une attaque qu'il considérait comme décisive contre [[Hydra (île)|Hydra]], une des dernières places-fortes grecques, et la flotte grecque dont c'était le principal arsenal. Il espérait ainsi achever le conflit à son profit<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 320 et 323.</ref>.


[[Image:Rigny, Henri de.jpg|thumb|upright|alt=tableau {{XIXe}} : portrait d'homme en pantalon blanc et veste d'apparat, une longue-vue sous le bras, appuyé au bastingage d'un navire|[[Henri de Rigny]], peint par [[François-Gabriel Lépaulle]], [[1836]].]]
La flotte ottomane fut au complet dans la baie de Navarin le [[7 septembre]]. En l'apprenant, Codrington quitta [[Nauplie]] et vint s'installer à l'entrée de la baie le [[12 septembre]]. Il put alors obtenir qu'Ibrahim Pacha rappelât une première escadre envoyée contre [[hydra (île)|Hydra]]. La flotte française rejoignit la flotte britannique le [[22 septembre]]. Codrington et de Rigny rencontrèrent Ibrahim Pacha trois jours plus tard. Chacune des parties expliqua ses ordres : attaquer Hydra pour Ibrahim Pacha ; l'en empêcher, en détruisant l'intégralité de sa flotte si nécessaire et lui demander d'évacuer la Grèce pour les amiraux. Ibrahim Pacha convint de suspendre toutes ses opérations jusqu'au moment où il recevrait de nouveaux ordres d'Alexandrie ou Constantinople, vers la mi-octobre. Les flottes occidentales se retirèrent pour aller se ravitailler, ne laissant que deux vaisseaux (un britannique la ''Dartmouth'' et un français l’''Armide'') pour surveiller la baie<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 325-326.</ref>{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 73-82.</ref>{{,}}<ref name="Driault379">Driault et Lhéritier, ''op. cit.'', p. 379-381.</ref>.
[[Image:Karteria.JPG|thumb|La ''Kartería'', aquarelle anonyme datant des années [[1820]], Archives historiques de [[Hydra (île)|Hydra]].]]
Cependant, le ''statu quo'' était fragile. Les Grecs avaient accepté l'armistice, mais, considérant que les Ottomans l'avaient refusé, continuaient à se battre. En septembre 1827, une opération conjointe des forces terrestres et navales grecques avait pour objectif de reconquérir le verrou de [[Missolonghi]]. Le philhellène [[Frank Abney Hastings]] commandait le seul navire de guerre à vapeur de Méditerranée : la ''Kartería''. Il faisait partie de l'escadre grecque de vingt-trois navires commandée par Cochrane qui devait soutenir les forces terrestres commandées par [[Richard Church]]. L'amiral britannique Codrington, conformément aux dispositions du traité de Londres, neutralisa pacifiquement cette flotte grecque, interdisant l'opération terrestre. Hastings resta dans le [[golfe de Corinthe]] avec une petite escadre de six navires. Dans la baie d'[[Amphissa]] (alors appelée Salona), se trouvait une flotte ottomane de onze navires, dont cinq de grande taille, protégée par des batteries côtières. Le [[30 septembre]], l'escadre grecque attaqua. La maniabilité des [[Roue à aubes|roues à aubes]] de la ''Kartería'' lui permettait de tourner quasiment sur place et ses chaudières lui fournissait des boulets rouges. À elle seule, en une demi-heure, elle détruisit les navires ottomans tandis que le reste de l'escadre réduisait au silence les batteries côtières<ref>C. M. Woodhouse, ''The Philhellenes.'', p. 139.</ref>{{,}}<ref name=Brewer237>David Brewer, ''op. cit.'', p. 327.</ref>{{,}}<ref>W. A. Phillips, ''op. cit.'', p. 258-260.</ref>.


Les instructions données aux amiraux français, britannique et russe par leur gouvernement figuraient dans les annexes D et F du traité de Londres. L'hypothèse principalement évoquée était que les Ottomans rejetteraient la proposition d'armistice et de médiation tandis que les Grecs (qui l'avaient demandée en premier lieu) l'accepteraient. Les amiraux devraient alors « prendre les mesures les plus efficaces et les plus expéditives pour mettre fin aux hostilités et aux effusions de sang », « utiliser tous les moyens […] pour obtenir un armistice immédiat » et organiser des escadres chargées d'empêcher tout renfort turc ou égyptien d'atteindre la Grèce. Cependant, la violence ne devait être que le dernier recours si les Ottomans persistaient à vouloir forcer le blocus. Pour tous les cas non prévus dans les instructions, les amiraux avaient toute latitude pour agir{{sfn|Woodhouse|1965|p=42-47}}.
Lorsqu'il apprit la nouvelle de la destruction de ses navires à Amphissa, Ibrahim Pacha entra dans une colère noire et chercha à se venger d'Hastings. Il forma une escadre de 48 navires, dont il prit le commandement, accompagné de Tahir Pacha et Moharrem Bey, et avec laquelle il remonta vers le golfe de Corinthe. Il fut intercepté par Codrington. Les deux flottes se pourchassèrent pendant trois jours, du 4 au 6 octobre autour de l'île de [[Zante]], alors qu'une tempête faisait rage. Codrington réussit à contraindre Ibrahim Pacha de retourner à Navarin, après avoir abattu quelques mâts des navires ottomans avec ses boulets<ref name=Brewer237 />{{,}}<ref>{{en}} Anonyme, « Biographical Sketch of Frank Abney Hastings », ''Blackwood's Edinburgh Magazine'', vol. 53, janvier-juin 1843., p. 512.</ref>{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 82-87.</ref>{{,}}<ref name="Driault379" />.


Les amiraux britannique Codrington et français de Rigny reçurent ces instructions le {{date-|7 août 1827-}}, alors qu'ils se trouvaient à [[Izmir|Smyrne]]. Rigny les trouva « bien peu précises »{{sfn|Woodhouse|1965|p=51}}. Afin d'en savoir plus, Codrington demanda des précisions à Stratford Canning, l'ambassadeur britannique à [[Constantinople]]. La réponse fut très claire : même si les puissances désiraient éviter la guerre, le blocus devait, en ultime recours, être imposé à coup de canon<ref group=N>Dans une lettre du {{date-|1er septembre 1827-}}. ({{harvsp|Schwartzberg|1988|p=293}} et {{harvsp|Woodhouse|1965|p=53-54}}).</ref>. À leur départ de Smyrne, le {{date-|17 août 1827-}}, pour [[Nauplie]] où ils devaient présenter le traité aux autorités grecques, les deux amiraux étaient persuadés d'une chose : le traité ne pouvait mener qu'à l'indépendance, à terme, de la Grèce{{sfn|Woodhouse|1965|p=52}}. Le {{date-|4 septembre 1827-}}, les amiraux reçurent des ordres complémentaires de leurs ambassadeurs à Constantinople. Ils devaient toujours « empêcher tout secours de parvenir aux Ottomans en Grèce ». Ils devaient de plus protéger, en coopération avec les Grecs, toutes les régions qui avaient pris part à l'insurrection<ref group=N>Au sud d'une ligne [[Missolonghi]]-[[Volos]] pour le continent et les îles adjacentes (en incluant les [[Cyclades]] mais en excluant la [[Crète]] et [[Samos]]). ({{harvsp|Brewer|2001|p=323}} et {{harvsp|Woodhouse|1965|p=61-62}}).</ref>. Enfin, ils devaient « encourager » les navires turcs et égyptiens à retourner à Constantinople ou Alexandrie. Si des navires ottomans persistaient à rester en Grèce, le texte des instructions précisait qu'ils devraient {{citation|courir les risques inhérents à la guerre}}{{sfn|Brewer|2001|p=323}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=61-62}}.
[[Image:Sigismund Gustaaf graaf Van Heiden Reinestein.jpg|thumb|upright=0.75|left|[[Login Geiden|Login van Geiden]], vers [[1820]].]]
Vers le [[10 octobre]], la flotte russe, commandée par [[Login Geiden|Login van Geiden]] rejoignit les flottes britannique et française. Au même moment, les amiraux apprirent que les troupes d'Ibrahim Pacha procédaient à une destruction systématique du [[Péloponnèse]]. Depuis la mer, en baie de [[Kalamata]], l'équipage de la ''Cambrian'' pouvait voir les vergers en feu, résultat de cette politique de terre brûlée. Il devenait évident que bloquer la flotte égypto-ottomane en baie de Navarin était insuffisant et surtout n'empêchait pas les déprédations à terre alors que les ordres étaient de protéger les régions qui s'étaient insurgées. Le 18 octobre, les trois amiraux signèrent un protocole qui expliquait leurs intentions. Il s'agissait pour eux de montrer qu'ils continuaient à obéir à leurs instructions. Ils annonçaient leur intention d'entrer dans la baie de Navarin pour renouveler leur offre d'évacuation à Ibrahim Pacha et de l'obliger à obéir, par une simple démonstration de force, sans acte hostile ni effusion de sang<ref>David Brewer, ''op. cit.'', p. 327-329.</ref>{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 94-95 + 104-106.</ref>{{,}}<ref name="Driault379" />.


=== Premières applications du traité de Londres ===
==La bataille==
[[Image:IbrahimBaja.jpg|thumb|upright=0.75|alt=gravure noir et bland : portrait d'un homme barbu avec un turban|left|[[Ibrahim Pacha]].]]
===La baie de Navarin===
Après la signature du [[Traité de Londres (1827)|traité de Londres]], un émissaire spécial, le major J. H. Cradock, fut envoyé auprès du vice-roi d'[[Égypte]] pour lui suggérer la neutralité. Les chancelleries savaient qu'une flotte turco-égyptienne prévue pour renforcer Ibrahim Pacha était rassemblée à [[Alexandrie]]. Cradock arriva en Égypte le {{date-|8 août 1827-}}, trois jours après le départ de la flotte, forte d'un peu moins de {{nobr|90 navires}} et commandée par Moharrem Bey, un beau-frère d'Ibrahim Pacha. Elle était constituée de trois escadres : une ottomane<ref group=N>Deux vaisseaux de ligne, cinq frégates et neuf corvettes. {{harv|Woodhouse|1965|p=38}}</ref>, une égyptienne<ref group=N>Trois frégates, neuf corvettes, quatre bricks et six sloops. {{harv|Woodhouse|1965|p=38}}</ref> et une tunisienne commandée par Kiutchuck Mohamed<ref group=N>Trois frégates et un brick. {{harv|Woodhouse|1965|p=38}}</ref>{{,}}<ref group=N>La flotte comptait de plus six brûlots et quarante vaisseaux de transport à bord desquels se trouvaient {{nombre|4500|hommes}} dont {{nobr|600 Albanais}}. {{harv|Woodhouse|1965|p=38}}</ref>. Deux nouveaux efforts furent faits pour demander à [[Méhémet Ali]] de rappeler la flotte : par Rigny qui envoya la ''Pomone'' et la ''Rose'' et par Codrington qui envoya la ''Pelorus''. Mais, le vice-roi ne pouvait se le permettre, sauf à rompre définitivement avec le Sultan. Cette flotte rejoignit Ibrahim Pacha dans la baie de Navarin. Une autre escadre, une vingtaine de navires<ref group=N>Un vaisseau de ligne de 74 canons, six frégates, sept corvettes et six bricks. {{harv|Woodhouse|1965|p=38}}</ref>, commandée par Tahir Pacha, avait été croisée par la frégate française {{navire|Armide|1821}} au large de [[Cythère]] le {{date|6 août}}. Elle arrivait de Constantinople et se dirigeait aussi vers la baie de Navarin{{sfn|Woodhouse|1965|p=48-49, 52 et 56}}. Ibrahim Pacha avait prévu d'utiliser la flotte ainsi rassemblée pour mener une attaque qu'il considérait comme décisive contre [[Hydra (île)|Hydra]], une des dernières places-fortes grecques, et la flotte grecque dont c'était le principal arsenal. Il espérait ainsi achever le conflit à son profit{{sfn|Brewer|2001|p=320 et 323}}.
[[Image:Navarino_and_the_island_of_Sphagia.png|thumb|La baie de Navarin, ''Le miroir de la Littérature, Amusement, et Instruction'', Vol. 10, illustration n°284, 24 novembre [[1827]].]]
La baie de [[Pylos|Navarin]] est considérée comme la meilleure rade du [[Péloponnèse]]. Elle avait été le premier objectif d'Ibrahim Pacha lorsqu'il avait débarqué dans la péninsule en 1825. La baie, d'un peu plus de cinq kilomètres du nord au sud et de trois d'est en ouest, protégée à l'ouest par l'île de [[Sphactérie]], n'est accessible que par un chenal au sud, large d'un peu plus de {{formatnum:1000}} mètres, protégé par la forteresse de Navarin (dite parfois Néo-Navarino) construite par les Ottomans après leur [[Bataille de Lépante|défaite à Lépante]] au {{s|XVI}} au-dessus de la ville moderne de [[Pylos]]. Ce chenal est de plus parsemé de récifs. Les navires qui y passent sont, selon certaines sources, parfois obligés de passer à portée de pistolet et non plus de canon des systèmes défensifs. Au nord de Sphactérie, le chenal très étroit (au mieux cent mètres) est ensablé, et pas assez profond (pas plus de deux mètres) pour les navires modernes. Il était dominé par la forteresse de Paléo-Navarino, remontant au {{s|XIII}} et quasiment en ruines dans les années 1820, probablement construite sur les ruines de la Pylos de l'époque classique. Au centre de la baie se trouve une petite île assez plate, Khélonaki (la « petite tortue ») ou Marathonisi. Quant au nord de la baie, il est composé de lagons puis de terrains marécageux<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 239 et 329.</ref>{{,}}<ref name=Wood112>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 112.</ref>{{,}}<ref>Gustave Fougères, ''Grèce. « [[Guides Joanne|Guide Joanne]] ».'', Hachette, 1911, p. 451.</ref>.


La flotte ottomane fut au complet dans la baie de Navarin le {{date|7 septembre 1827-}}. En l'apprenant, Codrington quitta [[Nauplie]] et vint s'installer à l'entrée de la baie le {{date|12 septembre 1827-}}. Il put alors obtenir qu'Ibrahim Pacha rappelât une première escadre envoyée contre [[Hydra (île)|Hydra]]. La flotte française rejoignit la flotte britannique le {{date|22 septembre 1827-}}. Codrington et Rigny rencontrèrent Ibrahim Pacha trois jours plus tard. Chacune des parties expliqua ses ordres : attaquer Hydra pour Ibrahim Pacha ; l'en empêcher, en détruisant l'intégralité de sa flotte si nécessaire et lui demander d'évacuer la Grèce pour les amiraux. Ibrahim Pacha convint de suspendre toutes ses opérations jusqu'au moment où il recevrait de nouveaux ordres d'Alexandrie ou Constantinople, vers la mi-octobre. Les flottes occidentales se retirèrent pour aller se ravitailler, ne laissant que deux vaisseaux (un britannique la ''Dartmouth'' et un français l’''Armide'') pour surveiller la baie{{sfn|Brewer|2001|p=325-326}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=73-82}}{{,}}{{sfn|Driault|Lhéritier|1926|p=379-381}}.
===Composition des flottes et disposition===
====Flotte ottomane====
[[File:Navarin, navires ottomans.png|thumb|upright=2.5|Position et composition de la flotte ottomane.]]
Les 80 à 90 navires de l'[[Empire ottoman]] (turcs, égyptiens et tunisiens), de faible tonnage, avec autour de {{formatnum:3500}} canons et {{formatnum:30000}} hommes d'équipage, n'étaient pas tous des navires de guerre, il y avait aussi des transports armés. Au total, les navires de guerre véritables auraient été une soixantaine, pour autour de {{formatnum:2000}} canons et {{formatnum:22000}} hommes d'équipage<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 321.</ref>{{,}}<ref name=Wood111 />{{,}}<ref group=N>On trouve aussi 82 navires {{formatnum:2438}} bouches à feu et {{formatnum:16000}} hommes.</ref>, avec deux navires amiraux : le ''Guhu-Reva''<ref group=N>Ou Ghyu h Rèwan (Anderson, ''op. cit.'', p. 525)</ref>, navire amiral turc de 74 (ou 80 voire 84) canons et la ''Guerrière'' (ou ''Murchid-i-Djihad'') navire amiral égyptien de Moharrem Bey avec 60 canons.


[[Image:Karteria.JPG|thumb|alt=aquarelle ancienne : portrait de navire à voiles et à vapeur|La ''Kartería'', aquarelle anonyme datant des années [[1820]], Archives historiques de [[Hydra (île)|Hydra]].]]
Selon une liste envoyée par l'amiral Codrington à son ministre, elle était constituée de quatre vaisseaux de ligne, quinze frégates, dix-sept corvettes, vingt-quatre sloops et des transports<ref name="Wood71">C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 71.</ref>. Dans le ''Précis de la Bataille de Navarin'', écrit par des officiers français et approuvé par de Rigny, elle était constituée de trois vaisseaux de ligne de 74 canons, vingt frégates, trente-deux corvettes, sept bricks ou sloops et cinq brûlots<ref name="Wood99">C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 99.</ref>{{,}}<ref group=N>D'autres sources donnent : trois vaisseaux de ligne ; vingt frégates dont certaines de 60 canons ; trente corvettes ; vingt-huit bricks ; cinq schooners (ou goélettes) et une demi-douzaine de brûlots.</ref>.


Cependant, le ''statu quo'' était fragile. Les Grecs avaient accepté l'armistice, mais, considérant que les Ottomans l'avaient refusé, continuaient à se battre. En septembre 1827, une opération conjointe des forces terrestres et navales grecques avait pour objectif de reconquérir le verrou de [[Missolonghi]]. Le philhellène [[Frank Abney Hastings]] commandait le seul navire de guerre à vapeur de Méditerranée : la ''[[Karteria]]''. Il faisait partie de l'escadre grecque de vingt-trois navires commandée par Cochrane qui devait soutenir les forces terrestres commandées par [[Richard Church]]. L'amiral britannique Codrington, conformément aux dispositions du traité de Londres, neutralisa pacifiquement cette flotte grecque, interdisant l'opération terrestre. Hastings resta dans le [[golfe de Corinthe]] avec une petite escadre de six navires. Dans la baie d'[[Amphissa]] (alors appelée Salona), se trouvait une flotte ottomane de onze navires, dont cinq de grande taille, protégée par des batteries côtières. Le {{date|30 septembre}}, l'escadre grecque attaqua. La maniabilité des [[Roue à aubes|roues à aubes]] de la ''Kartería'' lui permettait de tourner quasiment sur place et ses chaudières lui fournissaient des boulets rouges. À elle seule, en une demi-heure, elle détruisit les navires ottomans tandis que le reste de l'escadre réduisait au silence les batteries côtières{{sfn|Woodhouse|1969|p=139}}{{,}}{{sfn|Brewer|2001|p=327}}{{,}}<ref>W. A. Phillips, ''op. cit.'', {{p.|258-260}}.</ref>.
Les vaisseaux de ligne turcs étaient : le ''Guhu-Reva'' 84, 80 ou 74 canons (vaisseau amiral de Tahir Pacha), le ''Burj Zafer'' 74 canons, le ''Fatih Bahri'' 74 canons. Il y aurait eu quinze frégates turques : la ''Fevz Nussret'' et la ''Ka'id Zafer'' 64 canons, la ''Keywan Bahri'', la ''Feyz Mi' 'raj'' et la ''Mejra Zafer'' 48 canons, ainsi qu'une dizaine de frégates de 42 canons. Les frégates égyptiennes étaient : la ''Guerrière'' (ou ''Murchid-i-Djihad'') 60 canons (vaisseau amiral de Moharrem Bey), l’''Ihsania'' 64 canons (Hassan Bey), la ''Leone'' 60 canons, la ''Souriya'' 56 canons et deux « corvettes » de 44 canons<ref name="Wood99" />{{,}}<ref>R. C. Anderson, ''op. cit.'', p. 525-526.</ref>.


Lorsqu'il apprit la nouvelle de la destruction de ses navires à Amphissa, Ibrahim Pacha entra dans une colère noire et chercha à se venger d'Hastings. Il forma une escadre de {{nobr|48 navires}}, dont il prit le commandement, accompagné de Tahir Pacha et Moharrem Bey, et avec laquelle il remonta vers le golfe de Corinthe. Il fut intercepté par Codrington. Les deux flottes se pourchassèrent pendant trois jours, du {{date-|4 octobre- 1827-}} au {{date-|6 octobre 1827-}} autour de l'île de [[Zante]], alors qu'une tempête faisait rage. Codrington réussit à contraindre Ibrahim Pacha à retourner à Navarin, après avoir abattu quelques mâts des navires ottomans avec ses boulets{{sfn|Brewer|2001|p=327}}{{,}}<ref>{{en}} Anonyme, « Biographical Sketch of Frank Abney Hastings », ''Blackwood's Edinburgh Magazine'', vol. 53, janvier-juin 1843., {{p.|512}}.</ref>{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=82-87}}{{,}}{{sfn|Driault|Lhéritier|1926|p=379-381}}.
Le vice-roi d'Égypte avait fait appel à la France pour moderniser sa marine. Des officiers français avaient été mis à son service. Il y en avait dans la flotte égypto-ottomane à Navarin. De Rigny leur écrivit le [[15 octobre]] pour leur demander de la quitter afin de ne pas avoir à combattre contre leur propre pavillon si un affrontement devait avoir lieu. Ils partirent à bord d'un navire autrichien. Seul, le capitaine Letellier resta. Il ne descendit du navire-amiral de Moharrem Bey la ''Guerrière'' qu'après le début de la bataille. Ce fut Letellier qui organisa la flotte égypto-ottomane dans la baie. Il lui fallut trois jours pour réaliser son projet. La flotte était embossée<ref group=N>[http://fr.wiktionary.org/wiki/embosser Embosser wiktionary]</ref> en fer à cheval sur trois lignes autour de la petite île du centre de la rade. Les brûlots étaient placés de chaque côté de l'entrée de la baie<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 329.</ref>{{,}}<ref name="Wood99" />{{,}}<ref group=N>Selon les sources, la disposition varie :<br />* à droite les trois vaisseaux de ligne, au fond les frégates de 60, à gauche les frégates de moindre calibre. Les corvettes, bricks et schooners (ou goélettes) composant une deuxième et troisième ligne qui devaient soutenir de son feu la première.<br />* Selon Brewer (''op. cit.'', p. 329), les navires égyptiens étaient à l'est ; les turcs à l'ouest et les tunisiens au fond.<br />* Selon Woodhouse (''Navarino'', p. 99-100) la disposition est similaire à celle évoquée par Brewer : l'aile gauche, entre le fort de Navarin et la petite île au centre de la rade ; l'aile droite, moins forte entre l'île centrale et Sphactérie, Tahir Pacha considérait que le vent pousserait d'abord la flotte des puissances vers son aile gauche. Cette aile comptait les frégates égyptiennes : l’''Ihsania'' et la ''Souriya'' près du fort, en première ligne, deux frégates de 44 canons en deuxième ligne derrière la ''Souriya'', la ''Guerrière'' au nord des deux premières, un peu en retrait puis deux vaisseaux de ligne avec un troisième juste derrière eux en deuxième ligne et la ''Leone'' en troisième ligne ; plus près de l'île centrale, une frégate de 50 canons, un autre vaisseau de ligne [ce qui en ferait quatre et non trois] et une frégate. L'aile droite comptait près de l'entrée de la baie deux frégates turques de 56 canons (dont la ''Belle Sultane'' très puissante) puis deux frégates tunisiennes, puis deux autres frégates turques de 56 canons, puis une frégate tunisienne ; près de l'île centrale, le vaisseau amiral de Tahir Pacha, une frégate de 60 canons avec en deuxième ligne deux frégates de 54 canons. Treize bricks et sloops se trouvaient derrière l'île centrale pour protéger une trentaine de transport, tous armés.</ref>.


[[Image:Sigismund Gustaaf graaf Van Heiden Reinestein.jpg|thumb|upright=0.75|alt=gravure noir et blanc : portrait d'un gros homme en grand uniforme|left|[[Lodewijk van Heiden|Login van Geiden]], vers [[1820]].]]
Les différents commandants de la flotte turco-égyptienne ne désiraient pas affronter la flotte des puissances qu'ils savaient plus puissante (même si numériquement moins nombreuse) que la leur. Ils espéraient que leur placement dans la baie serait suffisamment impressionnant pour que la flotte des puissances hésitât à y entrer ou à y rester. Cependant, au matin du 20 octobre, si Tahir Pacha avait informé ses capitaines qu'il ne donnerait pas le signal d'attaquer, chacun était libre de se défendre s'il se sentait menacé<ref name="Brewer331">D. Brewer, ''op. cit.'', p. 331.</ref>.
Vers le {{date|10 octobre 1827-}}, la flotte russe, commandée par [[Lodewijk van Heiden|Login van Geiden]] rejoignit les flottes britannique et française. Au même moment, les amiraux apprirent que les troupes d'Ibrahim Pacha procédaient à une destruction systématique du [[Péloponnèse]]. Depuis la mer, en baie de [[Kalamata]], l'équipage de la ''Cambrian'' pouvait voir les vergers en feu, résultat de cette politique de terre brûlée. Il devenait évident que bloquer la flotte égypto-ottomane en baie de Navarin était insuffisant et surtout n'empêchait pas les déprédations à terre alors que les ordres étaient de protéger les régions qui s'étaient insurgées. Le {{date-|18 octobre 1827-}}, les trois amiraux signèrent un protocole qui expliquait leurs intentions. Il s'agissait pour eux de montrer qu'ils continuaient à obéir à leurs instructions. Ils annonçaient leur intention d'entrer dans la baie de Navarin pour renouveler leur offre d'évacuation à Ibrahim Pacha et de l'obliger à obéir, par une simple démonstration de force, sans acte hostile ni effusion de sang{{sfn|Brewer|2001|p=327-329}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=94-95 et 104-106}}{{,}}{{sfn|Driault|Lhéritier|1926|p=379-381}}.


== La bataille ==
====Flotte des puissances====
=== La baie de Navarin ===
Les flottes anglaise et française reçurent des renforts en septembre : deux vaisseaux de ligne pour Codrington et trois vaisseaux de ligne et une frégate pour de Rigny<ref group=N>Le ''Trident'', le ''Breslau'' et la ''Provence'' ainsi que la frégate la ''Magicienne'', mais les navires étaient dans un tel état de délabrement que de Rigny décida de conserver la ''Syrène'', une frégate, comme vaisseau amiral. (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 68) La ''Provence'' heurta le vaisseau de ligne dont disposait déjà de Rigny, le ''Scipion'', lorsque les deux navires quittaient la baie de Navarin le 26 septembre. Elle fut endommagée au point que de Rigny la renvoya à [[Toulon]] pour réparations. (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 81-82.).</ref>. Ce même mois, la flotte russe (quatre vaisseaux de ligne et quatre frégates) arriva en Méditerranée<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 56-57 et 68.</ref>. Si chacune des escadres avait un amiral national, il avait été convenu entre les gouvernements que l'amiral britannique Codrington serait commandant en chef. De Rigny en fut informé dès le 26 août et il mit longtemps à accepter le fait : il était dans la région depuis plus longtemps que son homologue britannique ; Geiden n'eut par contre aucun problème à l'accepter<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 70 et 91.</ref>. Au total, la flotte des puissances était constituée de 28 navires, avec seulement un tiers des canons et des hommes de la flotte ottomane. Mais, elle avait plus de vaisseaux de ligne, les plus puissants, et ses marins étaient plus compétents. Ibrahim Pacha lui même la considérait comme plus puissante que la sienne<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 322.</ref>{{,}}<ref name="Wood71" />.
[[Image:Navarino and the island of Sphagia.png|thumb|alt=gravure noir et blanc : paysage de collines avec une forteresse au centre et des navires à voiles au fond|La baie de Navarin, ''Le miroir de la Littérature, Amusement, et Instruction'', Vol. 10, illustration {{n°|284}}, 24 novembre [[1827]].]]
La baie de [[Pylos|Navarin]] est considérée comme la meilleure rade du [[Péloponnèse]]. Elle avait été le premier objectif d'Ibrahim Pacha lorsqu'il avait débarqué dans la péninsule en 1825. La baie, d'un peu plus de cinq kilomètres du nord au sud et de trois d'est en ouest, protégée à l'ouest par l'île de [[Sphactérie]], n'est accessible que par un chenal au sud, large d'un peu plus de {{unité|1000|mètres}}, protégé par la [[forteresse de Navarin]] (dite parfois Néo-Navarino) construite par les Ottomans après leur [[Bataille de Lépante|défaite à Lépante]] au {{s|XVI}} au-dessus de la ville moderne de [[Pylos]]. Ce chenal est de plus parsemé de récifs. Les navires qui y passent sont, selon certaines sources, parfois obligés de passer à portée de pistolet et non plus de canon des systèmes défensifs. Au nord de Sphactérie, le chenal très étroit (au mieux cent mètres) est ensablé, et pas assez profond (pas plus de deux mètres) pour les navires modernes. Il était dominé par la forteresse de Paléo-Navarino, remontant au {{s|XIII}} et quasiment en ruines dans les années 1820, probablement construite sur les ruines de la Pylos de l'époque classique. Au centre de la baie se trouve une petite île assez plate, Khélonaki (la « petite tortue ») ou Marathonisi. Quant au nord de la baie, il est composé de lagons puis de terrains marécageux{{sfn|Brewer|2001|p=239 et 329}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=112}}{{,}}<ref>Gustave Fougères, ''Grèce. « [[Guides Joanne|Guide Joanne]] ».'', Hachette, 1911, {{p.|451}}.</ref>.


=== Composition des flottes et disposition ===
Cette flotte comportait douze navires britanniques (pour 456 canons), sept navires français (352 canons) et huit navires russes (490 canons) formant au total une puissance de feu de près de {{formatnum:1300}} canons<ref name="Brewer330">D. Brewer, ''op. cit.'', p. 330.</ref>{{,}}<ref name=Wood111>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 111-112.</ref>.
==== Flotte ottomane ====
[[Fichier:Navarin, navires ottomans.png|thumb|upright=2.5|alt=carte couleur : une baie fermée, des signes représentants des navires sont positionnés en fer à cheval|Position et composition de la flotte ottomane.]]
Les 80 à 90 navires de l'[[Empire ottoman]] (essentiellement turcs et égyptiens), de faible tonnage, avec environ {{nombre|3500|canons}} et {{nombre|30000|hommes}} d'équipage, n'étaient pas tous des navires de guerre : il y avait aussi des transports armés. Au total, les navires de guerre véritables auraient été une soixantaine, pour environ {{nombre|2000|canons}} et {{nombre|22000|hommes}} d'équipage{{sfn|Brewer|2001|p=321}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=111-112}}{{,}}<ref group=N>On trouve aussi {{nobr|82 navires}}, {{nombre|2438|bouches}} à feu et {{nombre|16000|hommes}}.</ref>, avec deux navires amiraux : le ''Guhu-Reva''<ref group=N>Ou Ghyu h Rèwan {{harv|Anderson|1952|p=525}}</ref>, navire amiral turc de 74 (ou 80 voire 84) canons et la ''Guerrière'' (ou ''Murchid-i-Djihad'') navire amiral égyptien de Moharrem Bey avec {{nobr|60 canons}}.


Selon une liste envoyée par l'amiral Codrington à son ministre, elle était constituée de quatre vaisseaux de ligne, quinze frégates, dix-sept corvettes, vingt-quatre sloops et des transports{{sfn|Woodhouse|1965|p=71}}. Dans le ''Précis de la Bataille de Navarin'', écrit par des officiers français et approuvé par Rigny, elle était constituée de trois vaisseaux de ligne de {{nobr|74 canons}}, vingt frégates, trente-deux corvettes, sept bricks ou sloops et cinq brûlots{{sfn|Woodhouse|1965|p=99}}{{,}}<ref group="N">D'autres sources donnent : trois vaisseaux de ligne ; vingt frégates dont certaines de {{nobr|60 canons}} ; trente corvettes ; vingt-huit bricks ; cinq schooners (ou goélettes) et une demi-douzaine de brûlots.</ref>.
{{Boîte déroulante début|titre=Flotte des puissances|contenu=}}

{| class="wikitable" align="center"
Les vaisseaux de ligne turcs étaient : le ''Guhu-Reva'' 84, 80 ou 74 canons, le ''Burj Zafer'' 74 canons, le ''Fatih Bahri'' {{nobr|74 canons}}. Il y aurait eu quinze frégates turques : la ''Fevz Nussret'' et la ''Ka'id Zafer'' {{nobr|64 canons}}, la ''Keywan Bahri'', la ''Feyz Mi' 'raj'' et la ''Mejra Zafer'' {{nobr|48 canons}}, ainsi qu'une dizaine de frégates de {{nobr|42 canons}}. Les frégates égyptiennes étaient : la ''Guerrière'' (ou ''Murchid-i-Djihad'') {{nobr|60 canons}} (vaisseau amiral de Moharrem Bey), l’''Ihsania'' {{nobr|64 canons}} (Hassan Bey), la ''Leone'' {{nobr|60 canons}}, la ''Souriya'' {{nobr|56 canons}} et deux « corvettes » de {{nobr|44 canons}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=99}}{{,}}{{sfn|Anderson|1952|p=525-526}}. Selon la seule ''Revue maritime et coloniale'' de 1883, la [[régence d'Alger]] aurait envoyé quatre frégates, quatre corvettes et cinq bricks, un total de 13 navires<ref name=":0">[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k345645.image.f610.langFR.pagination A. Lacour, « La marine de la régence d'Alger avant la conquête », ''Revue maritime et coloniale'', 1883, {{p.|619}}].</ref>.
! Nom du navire<ref name="Brewer330" />{{,}}

Le vice-roi d'Égypte avait fait appel à la France pour moderniser sa marine. Des officiers français s'étaient mis à son service. Il y en avait dans la flotte ottomane à Navarin. Rigny leur écrivit le {{date|15 octobre}} pour leur demander de la quitter afin de ne pas avoir à combattre contre leur propre pavillon si un affrontement devait avoir lieu. Ils partirent à bord d'un navire autrichien. Seul le capitaine Letellier resta. Il ne descendit du navire-amiral de Moharrem Bey, la ''Guerrière'', qu'après le début de la bataille. Ce fut Letellier qui organisa la flotte ottomane dans la baie. Il lui fallut trois jours pour réaliser son projet. La flotte était [[wikt:embosser|embossée]] en fer à cheval sur trois lignes autour de la petite île du centre de la rade. Les brûlots étaient placés de chaque côté de l'entrée de la baie{{sfn|Brewer|2001|p=329}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=99}}{{,}}<ref group="N">Selon les sources, la disposition varie :<br />* à droite les trois vaisseaux de ligne, au fond les frégates de 60, à gauche les frégates de moindre calibre. Les corvettes, bricks et schooners (ou goélettes) composant une deuxième et troisième ligne qui devaient soutenir de son feu la première.<br />* Selon {{harvsp|Brewer|2001|p=329}}, les navires égyptiens étaient à l'est ; les turcs à l'ouest et les tunisiens au fond.<br />* Selon {{harvsp|Woodhouse|1965|p=99-100}} la disposition est similaire à celle évoquée par Brewer : l'aile gauche, entre le fort de Navarin et la petite île au centre de la rade ; l'aile droite, moins forte entre l'île centrale et Sphactérie, Tahir Pacha considérait que le vent pousserait d'abord la flotte des puissances vers son aile gauche. Cette aile comptait les frégates égyptiennes : l’''Ihsania'' et la ''Souriya'' près du fort, en première ligne, deux frégates de {{nobr|44 canons}} en deuxième ligne derrière la ''Souriya'', la ''Guerrière'' au nord des deux premières, un peu en retrait puis deux vaisseaux de ligne avec un troisième juste derrière eux en deuxième ligne et la ''Leone'' en troisième ligne ; plus près de l'île centrale, une frégate de {{nobr|50 canons}}, un autre vaisseau de ligne [ce qui en ferait quatre et non trois] et une frégate. L'aile droite comptait près de l'entrée de la baie deux frégates turques de {{nobr|56 canons}} (dont la ''Belle Sultane'' très puissante) puis deux frégates tunisiennes, puis deux autres frégates turques de {{nobr|56 canons}}, puis une frégate tunisienne ; près de l'île centrale, le vaisseau amiral de Tahir Pacha, une frégate de 60 canons avec en deuxième ligne deux frégates de {{nobr|54 canons}}. Treize bricks et sloops se trouvaient derrière l'île centrale pour protéger une trentaine de transport, tous armés.</ref>.

Les différents commandants de la flotte turco-égyptienne ne désiraient pas affronter la flotte des puissances qu'ils savaient plus puissante (même si numériquement moins nombreuse) que la leur. Ils espéraient que leur placement dans la baie serait suffisamment impressionnant pour que la flotte des puissances hésitât à y entrer ou à y rester. Cependant, au matin du {{nobr|20 octobre}}, si Tahir Pacha avait informé ses capitaines qu'il ne donnerait pas le signal d'attaquer, chacun était libre de se défendre s'il se sentait menacé{{sfn|Brewer|2001|p=331}}.

{{Boîte déroulante/début|titre=Flotte de l'Empire ottoman (selon la seule ''Revue maritime et coloniale'' de 1883)}}
{| class="wikitable sortable centre"
|+
!Nom du navires
!Types
!Pays
!Nombre de canons
!Commandant
|-
|''Guhu-Reva''
|Vaisseaux de ligne
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|84, 80 ou 74
|
|-
|''Burj Zafer''
|Vaisseaux de ligne
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|74
|
|-
|''Fatih Bahri''
|Vaisseaux de ligne
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|74
|
|-
|''Fevz Nussret''
|Frégate
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|64
|
|-
|''Ka'id Zafer''
|Frégate
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|64
|
|-
|''Keywan Bahri''
|Frégate
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|48
|
|-
|''Feyz Mi' 'raj''
|Frégate
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|48
|
|-
|''Mejra Zafer''
|Frégate
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|48
|
|-
|?
|Frégate
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|
|
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|?
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|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|
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|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
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|
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|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
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|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
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|?
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|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
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|?
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|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|
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|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|
|
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|?
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|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|
|
|-
|?
|Frégate
|{{Empire Ottoman 1453-1844}}
|42
|
|-
|''Guerrière'' (ou ''Murchid-i-Djihad)''
|Frégate
|[[Fichier:Flag_of_the_Ottoman_Empire_(1453-1844).svg|20x20px|Flag of the Ottoman Empire (1453-1844)]] [[Province ottomane d'Égypte]]
|60
|Moharrem Bey
|-
|''Ihsania''
|Frégate
|[[Fichier:Flag_of_the_Ottoman_Empire_(1453-1844).svg|20x20px|Flag of the Ottoman Empire (1453-1844)]] [[Province ottomane d'Égypte]]
|60
|Hassen Bey
|-
|''Leone''
|Frégate
|[[Fichier:Flag_of_the_Ottoman_Empire_(1453-1844).svg|20x20px|Flag of the Ottoman Empire (1453-1844)]] [[Province ottomane d'Égypte]]
|60
|
|-
|''Souriya''
|Frégate
|[[Fichier:Flag_of_the_Ottoman_Empire_(1453-1844).svg|20x20px|Flag of the Ottoman Empire (1453-1844)]] [[Province ottomane d'Égypte]]
|56
|
|-
|?
|Corvette
|[[Fichier:Flag_of_the_Ottoman_Empire_(1453-1844).svg|20x20px|Flag of the Ottoman Empire (1453-1844)]] [[Province ottomane d'Égypte]]
|44
|
|-
|?
|Corvette
|[[Fichier:Flag_of_the_Ottoman_Empire_(1453-1844).svg|20x20px|Flag of the Ottoman Empire (1453-1844)]] [[Province ottomane d'Égypte]]
|44
|
|-
|?
|Frégate
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Frégate
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Frégate
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Frégate
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Corvette
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Corvette
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Corvette
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Corvette
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Brick
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Brick
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Brick
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Brick
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|Brick
|[[Fichier:Flag_of_Ottoman_Algiers.gif|20x20px|Flag of Ottoman Algiers]] [[Régence d'Alger]]
|
|
|-
|?
|?
|[[Fichier:Flag_of_the_Ottoman_Empire_(1453-1844).svg|20x20px|Flag of the Ottoman Empire (1453-1844)]] [[Régence de Tunis]]
|
|
|-
|
|
|
|
|
|}
{{Boîte déroulante/fin}}

==== Flotte des puissances ====
Les flottes anglaise et française reçurent des renforts en septembre : deux vaisseaux de ligne pour Codrington et trois vaisseaux de ligne et une frégate pour Rigny<ref group=N>Le ''Trident'', le ''Breslaw'' et la ''Provence'' ainsi que la frégate la ''Magicienne'', mais les navires étaient dans un tel état de délabrement que Rigny décida de conserver la ''Syrène'', une frégate, comme vaisseau amiral.{{harv|Woodhouse|1965|p=68}} La ''Provence'' heurta le vaisseau de ligne dont disposait déjà de Rigny, le ''Scipion'', lorsque les deux navires quittaient la baie de Navarin le {{nobr|26 septembre}}. Elle fut endommagée au point que Rigny la renvoya à [[Toulon]] pour réparations. {{harv|Woodhouse|1965|p=81-82}}.</ref>. Ce même mois, la flotte russe (quatre vaisseaux de ligne et quatre frégates) arriva en Méditerranée{{sfn|Woodhouse|1965|p=56-57 et 68}}. Si chacune des escadres avait un amiral national, il était convenu entre les gouvernements que l'amiral britannique Codrington serait commandant en chef. Rigny en fut informé dès le {{nobr|26 août}} et il mit longtemps à accepter le fait : il était dans la région depuis plus longtemps que son homologue britannique ; Geiden n'eut par contre aucun problème à l'accepter{{sfn|Woodhouse|1965|p=70 et 91}}. Au total, la flotte des puissances était constituée de {{nobr|27 navires}}, avec seulement un tiers des canons et des hommes de la flotte ottomane. Mais, elle avait plus de vaisseaux de ligne, les plus puissants, et ses marins étaient plus compétents. Ibrahim Pacha lui-même la considérait comme plus puissante que la sienne{{sfn|Brewer|2001|p=322}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=71}}.

Cette flotte comportait douze navires britanniques (pour {{nobr|456 canons}}), sept navires français ({{nobr|352 canons}}) et huit navires russes ({{nobr|490 canons}}) formant au total une puissance de feu de près de {{nombre|1300|canons}}{{sfn|Brewer|2001|p=330}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=111-112}}.

{{Boîte déroulante/début|titre=Flotte des puissances}}
{| class="wikitable centre"
! Nom du navire{{sfn|Brewer|2001|p=330}}
! Type et pays
! Type et pays
! Nombre de canons
! Nombre de canons
! Commandant
! Commandant
|-
|-
! ''{{Lien|fr=HMS Asia (1824)|trad=HMS Asia (1824)|texte=Asia}}''
! Asia
|Vaisseau de ligne britannique
|Vaisseau de ligne britannique
|84
|84
|Vaisseau amiral : vice-amiral Sir [[Edward Codrington]] ; capitaine Edward Curzon ; [[Capitaine de frégate|commander]] [[Robert Lambert Baynes]]
|Vaisseau amiral : vice-amiral Sir [[Edward Codrington]] ; capitaine Edward Curzon ; ''[[Commander (Royal Navy)|commander]]'' [[Robert Lambert Baynes]]
|-
|-
! {{lien|trad=French ship Breslaw (1808)|fr=Breslaw (1808)|texte=''Breslaw''}}
! Breslau
|Vaisseau de ligne français
|Vaisseau de ligne français
|84 ou 74
|84 ou 74
|Capitaine [[Valdémar Guillaume Nème Botherel de la Bretonnière|Botherel de la Bretonnière]]<ref name=Kerviler>J. M. V. Kerviler, « Souvenirs »</ref>
|Capitaine [[Valdémar Guillaume Nème Botherel de La Bretonnière|Botherel de la Bretonnière]]<ref name=Kerviler>J. M. V. Kerviler, « Souvenirs »</ref>
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! {{Lien|trad=Russian ship of the line Gangut (1825)|langue=en|fr=Gangut (1825)|texte=''Gangut''}}
! Gangut
|Vaisseau de ligne russe
|Vaisseau de ligne russe
|84
|84
|Capitaine [[Alexander Pavlovitch Avinov]]<ref name="Douinplan">G. Douin, ''op. cit'', légende du plan de la bataille.</ref>
|Capitaine [[Alexandre Pavlovitch Avinov|Alexander Pavlovitch Avinov]]<ref name="Douinplan">G. Douin, ''op. cit'', légende du plan de la bataille.</ref>
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! {{navire|Alexandre Nevski|1824}}
! Aleksandr Nevskii
|Vaisseau de ligne russe
|Vaisseau de ligne russe
|80
|80
|Capitaine Bogdanovitch<ref name="Douinplan" />
|Capitaine Bogdanovitch<ref name="Douinplan"/>
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! {{lien|lang=en|trad=Russian ship of the line Azov (1826)|fr=Azov (1826)|texte=''Azov''}}
! Azov
|Vaisseau de ligne russe
|Vaisseau de ligne russe
|80
|80
|Vaisseau amiral : amiral [[Login Geiden]]<ref name="Brewer330" />
|Vaisseau amiral : amiral [[Lodewijk van Heiden|Login Geiden]]{{sfn|Brewer|2001|p=330}}
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! Iezekiil<ref group=N>Ou Ezéchiel.</ref>
! ''Iezekiil''<ref group=N>Ou Ezéchiel.</ref>
|Vaisseau de ligne russe
|Vaisseau de ligne russe
|80
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|Capitaine Zvinkin<ref name="Douinplan" />
|Capitaine Zvinkin<ref name="Douinplan"/>
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! Scipion
! ''[[Scipion (1813)|Scipion]]''
|Vaisseau de ligne français
|Vaisseau de ligne français
|80 ou 74
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|Capitaine [[Pierre Bernard Milius]]
|Capitaine [[Pierre Bernard Milius]]
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! Genoa
! ''Genoa''
|Vaisseau de ligne britannique
|Vaisseau de ligne britannique
|76
|76
|Capitaine Walter Bathurst ; commander Richard Dickenson
|Capitaine {{Lien|Walter Bathurst}} ; commander Richard Dickenson
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! {{lien|lang=en|trad=HMS Albion (1802)|fr=HMS Albion (1802)|texte=''Albion''}}
! Albion
|Vaisseau de ligne britannique
|Vaisseau de ligne britannique
|74
|74
|Capitaine John Acworth Ommanney<ref group=N>ou Omeney. (G. Douin)</ref> ; commander John Norman Campbell
|Capitaine {{Lien|trad=John Ommanney|fr=John Acworth Ommanney}}<ref group=N>ou Omeney. (G. Douin)</ref> ; commander John Norman Campbell
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! {{Lien|trad=French ship Trident (1811)|langue=en|fr=Trident (1811)|texte=''Trident''}}
! Trident
|Vaisseau de ligne français
|Vaisseau de ligne français
|74
|74
|Capitaine Morice<ref group=N>Certaines sources donnent Maurice, mais le monument commémoratif utilise cette graphie.</ref>
|Capitaine Morice<ref group=N>Certaines sources donnent Maurice, mais le monument commémoratif utilise cette graphie.</ref>
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! Sirène<ref group=N>On trouve aussi ''Syrène''</ref>
! {{lien|trad=French frigate Sirène (1823)|fr=Sirène (1823)|texte=''Sirène''}}<ref group=N>On trouve aussi ''Syrène''</ref>
|Frégate française
|Frégate française
|60 ou 52
|60 ou 52
|Vaisseau amiral à deux ponts : contre-amiral [[Henri de Rigny]]<ref name="Brewer330" />, mais commandée par le capitaine de vaisseau Robert<ref>Monument commémoratif.</ref>
|Vaisseau amiral à deux ponts : contre-amiral [[Henri de Rigny]]{{sfn|Brewer|2001|p=330}}, commandée par le capitaine de vaisseau Robert<ref>Monument commémoratif.</ref>
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! Glasgow
! ''Glasgow''
|Frégate britannique
|Frégate britannique
|50
|50
|Capitaine Hon. James Ashley Maude
|Capitaine Hon. James Ashley Maude
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! {{Lien|trad=HMS Cambrian (1797)|langue=en|fr=HMS Cambrian (1797)|texte=''Cambrian''}}
! Cambrian
|Frégate britannique
|Frégate britannique
|48
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|Capitaine Gawen William Hamilton, C.B.
|Capitaine [[Gawen William Hamilton]], C.B.
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! Provornyi
! ''Provornyi''
|Frégate russe
|Frégate russe
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|Capitaine Epantschin, cadet<ref name="Douinplan" />
|Capitaine Epantschin, cadet<ref name="Douinplan"/>
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! Armide
! ''[[Armide (1821)|Armide]]''
|Frégate française
|Frégate française
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|44
|Capitaine Hugon<ref name=Kerviler />
|Capitaine Hugon<ref name=Kerviler/>
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! Konstantin
! ''Konstantin''
|Frégate russe
|Frégate russe
|44
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|[[Capitaine de frégate]] Khrouchtchev<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 95.</ref>
|Capitaine de frégate Khrouchtchev{{sfn|Woodhouse|1965|p=95}}
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! Dartmouth
! ''Dartmouth''
|Frégate britannique
|Frégate britannique
|42
|42
|Capitaine {{Lien|trad=Thomas Fellowes (Royal Navy officer, born 1778)|fr=Thomas Fellowes (1778-1853)|texte=Thomas Fellowes}}, C.B{{sfn|Brewer|2001|p=330}}.
|Capitaine Thomas Fellowes, C.B.<ref name="Brewer330" />
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! Elena
! ''Elena''
|Frégate russe
|Frégate russe
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|38
|Capitaine Epantschin, aîné<ref name="Douinplan" />
|Capitaine Epantschin, aîné<ref name="Douinplan"/>
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! Kastor
! ''Kastor''
|Frégate russe
|Frégate russe
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|36
|Capitaine Sittin<ref name="Douinplan" />
|Capitaine Sittin<ref name="Douinplan"/>
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! Talbot
! ''Talbot''
|Frégate britannique
|Frégate britannique
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|28
|Capitaine Hon. Frederick Spencer
|Capitaine Hon. [[Frederick Spencer (4e comte Spencer)|Frederick Spencer]]
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! Rose
! ''Rose''
|Brick ou schooner britannique
|Brick ou schooner britannique
|18
|18
|[[Capitaine de frégate|commander]] Lewis Davies<ref group=N>ou Devis. (G. Douin)</ref>
|[[Commander (Royal Navy)|commander]] Lewis Davies<ref group=N>ou Devis. (G. Douin)</ref>
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! Alcyone
! ''Alcyone''
|[[Goélette]] française
|[[Goélette]] française
|16 ou 10
|16 ou 10
|Capitaine Turpin
|Capitaine Turpin
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! Brisk
! ''Brisk''
|Brick ou schooner britannique
|Brick ou schooner britannique
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|Commander Hon. William Anson
|Commander Hon. William Anson
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! Mosquito
! ''Mosquito''
|Brick ou schooner britannique
|Brick ou schooner britannique
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|Commander George Bohun Martin
|Commander George Bohun Martin
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! Philomel
! ''Philomel''
|Brick ou schooner britannique
|Brick ou schooner britannique
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|Commander [[Henry John Chetwynd-Talbot|Vicomte Ingestre]]
|Commander [[Henry John Chetwynd-Talbot|Vicomte Ingestre]]
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! Daphné
! ''Daphné''
|[[Goélette]] à deux mâts française
|[[Goélette]] à deux mâts française
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|Capitaine Frézier<ref name=Kerviler />{{,}}<ref group=N>Certaines sources donnent Fraisier, mais le monument commémoratif utilise cette graphie.</ref>
|Capitaine Frézier<ref name=Kerviler/>{{,}}<ref group=N>Certaines sources donnent Fraisier, mais le monument commémoratif utilise cette graphie.</ref>
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! Hind
! ''Hind''
|Cutter britannique
|Cutter britannique
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{{Boîte déroulante fin}}
{{Boîte déroulante/fin}}


====L'entrée de la flotte des puissances dans la baie====
==== L'entrée de la flotte des puissances dans la baie ====
La flotte combinée pénétra dans la baie de Navarin en fin de matinée le 20 octobre 1827, selon une formation discutée la veille entre les amiraux. Le temps était clair et une petite brise soufflait du sud<ref group=N>Les sources divergent : certaines disent sud-ouest, d'autres sud-est. (Anderson, ''op. cit.'', p. 527.)</ref>. Les onze navires britanniques entrèrent les premiers<ref group=N>Les naivres britanniques avaient quatre à cinq milles d'avance sur le reste de la flotte, selon un témoin (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 110.).</ref> ; les trois vaisseaux de ligne (''Asia'', ''Genoa'' et ''Albion'') allèrent se placer pratiquement au centre du fer à cheval formé par la flotte égypto-ottomane tandis que les navires plus légers (corvettes et bricks sous le commandement du capitaine Fellowes de la ''Dartmouth'') devaient surveiller les brûlots à l'entrée de la rade. Les sept navires français se placèrent à l'est des Britanniques, face à la côte et face aux navires égyptiens afin de s'assurer que les marins français prêtés à l'Égypte quitteraient bien la flotte en cas d'affrontement. Les huit navires russes se placèrent à l'ouest de l'escadre britannique où ils formèrent un groupe un peu plus compact que les deux autres<ref name="Brewer330" />{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 106-107.</ref>.
La flotte combinée pénétra dans la baie de Navarin en fin de matinée le {{date-|20 octobre 1827}}, selon une formation discutée la veille entre les amiraux. Le temps était clair et une petite brise soufflait du sud<ref group="N">Les sources divergent : certaines disent sud-ouest, d'autres sud-est. {{harv|Anderson|1952|p=527}}</ref>. Les onze navires britanniques entrèrent les premiers<ref group=N>Les navires britanniques avaient quatre à cinq milles d'avance sur le reste de la flotte, selon un témoin {{harv|Woodhouse|1965|p=110}}.</ref> ; les trois vaisseaux de ligne (''Asia'', ''Genoa'' et ''Albion'') allèrent se placer pratiquement au centre du fer à cheval formé par la flotte ottomane tandis que les navires plus légers (corvettes et bricks sous le commandement du capitaine Fellowes de la ''Dartmouth'') devaient surveiller les brûlots à l'entrée de la rade. Les sept navires français se placèrent à l'est des Britanniques, face à la côte et face aux navires égyptiens afin de s'assurer que les marins français prêtés à l'Égypte quitteraient bien la flotte en cas d'affrontement. Les huit navires russes se placèrent à l'ouest de l'escadre britannique où ils formèrent un groupe un peu plus compact que les deux autres{{sfn|Brewer|2001|p=330}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=106-107}}.


Les amiraux qui s'étaient accordés le 19 octobre avaient été clairs : aucun navire ne devait tirer avant que le signal n'ait été donné, à moins que ce ne fût en réponse à un tir ottoman. Et dans ce cas, le navire ottoman devait être immédiatement détruit. Si jamais une bataille devait se déclencher, les ordres de Codington pour éviter la confusion qui pourrait se créer citaient [[Horatio Nelson|Nelson]] : {{Citation étrangère|lang=en|No captain can do very wrong who places his ship alongside of any enemy.}} (« Un capitaine ne peut pas vraiment se tromper en plaçant son navire à côté d'un ennemi »)<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 107.</ref>. De plus, selon le marin anonyme qui écrivit plus tard ''Life on Board a Man-of-War'', les artilleurs et leurs canons étaient prêts à tirer ; les officiers de la ''Genoa'' passèrent les voir et pour eux, une bataille ne faisait aucun doute<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 110-111.</ref>. Cependant, Codrington expliqua plus tard que s'il était venu avec des intentions réellement belliqueuses, il n'aurait pas ancré son navire au milieu du fer à cheval où il était la cible de tous les navires ennemis<ref name=Wood114>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 114.</ref>.
Les amiraux qui s'étaient accordés le {{date-|19 octobre 1827-}} avaient été clairs : aucun navire ne devait tirer avant que le signal n'ait été donné, à moins que ce ne fût en réponse à un tir ottoman. Et dans ce cas, le navire ottoman devait être immédiatement détruit. Si jamais une bataille devait se déclencher, les ordres de Codrington pour éviter la confusion qui pourrait se créer citaient [[Horatio Nelson|Nelson]] : {{Citation étrangère|lang=en|No captain can do very wrong who places his ship alongside of any enemy.}} ({{citation|Un capitaine ne peut pas vraiment se tromper en plaçant son navire à côté d'un ennemi}}){{sfn|Woodhouse|1965|p=107}}. De plus, selon le marin anonyme qui écrivit plus tard ''Life on Board a Man-of-War'', les artilleurs et leurs canons étaient prêts à tirer ; les officiers de la ''Genoa'' passèrent les voir et pour eux, une bataille ne faisait aucun doute{{sfn|Woodhouse|1965|p=110-111}}. Cependant, Codrington expliqua plus tard que s'il était venu avec des intentions réellement belliqueuses, il n'aurait pas ancré son navire au milieu du fer à cheval où il était la cible de tous les navires ennemis{{sfn|Woodhouse|1965|p=114}}.


En début d'après-midi, entre 13h30 et 14h, les navires des puissances manœuvraient toujours pour se placer. Une barque quitta alors le navire amiral égyptien de Moharrem Bey. Elle apportait à Codrington une lettre lui demandant d'évacuer la rade. L'amiral britannique fit répondre qu'il était venu donner des ordres et non en prendre. La barque ne retourna pas au navire amiral, mais alla directement à terre<ref group=N>Certaines sources considèrent qu'Ibrahim Pacha s'y trouvait et donna lui même l'ordre d'attaquer. Or, il était alors à [[Modon]] et ne revint que dans l'après-midi du 21 octobre (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 145.)</ref>. Un drapeau rouge fut lancé et un coup de canon, à blanc, fut tiré de la forteresse. Il fut interprété comme un signal à la flotte ottomane de se préparer à l'action, les négociations ayant échoué<ref name="Brewer330" />{{,}}<ref name=Wood112 />. À bord de la ''Genoa'', les officiers donnèrent l'ordre de se préparer à tirer, selon le marin anonyme auteur de ''Life on Board a Man-of-War'', les canons furent chargés et les marins qui n'attendaient que l'ordre de tirer voyaient que les artilleurs turcs étaient aussi prêts qu'eux-mêmes<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 113-114.</ref>.
En début d'après-midi, entre {{heures|13|30}} et {{heures|14}}, les navires des puissances manœuvraient toujours pour se placer. Une barque quitta alors le navire amiral égyptien de Moharrem Bey. Elle apportait à Codrington une lettre lui demandant d'évacuer la rade. L'amiral britannique fit répondre qu'il était venu donner des ordres et non en prendre. La barque ne retourna pas au navire amiral, mais alla directement à terre<ref group=N>Certaines sources considèrent qu'Ibrahim Pacha s'y trouvait et donna lui-même l'ordre d'attaquer. Or, il était alors à [[Modon]] et ne revint que dans l'après-midi du {{date-|21 octobre 1827-}}{{harv|Woodhouse|1965|p=145}}</ref>. Un drapeau rouge fut lancé et un coup de canon, à blanc, fut tiré de la forteresse. Il fut interprété comme un signal à la flotte ottomane de se préparer à l'action, les négociations ayant échoué{{sfn|Brewer|2001|p=330}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=112}}. À bord de la ''Genoa'', les officiers donnèrent l'ordre de se préparer à tirer, selon le marin anonyme auteur de ''Life on Board a Man-of-War'', les canons furent chargés et les marins qui n'attendaient que l'ordre de tirer voyaient que les artilleurs turcs étaient aussi prêts qu'eux-mêmes{{sfn|Woodhouse|1965|p=113-114}}.


===Déclenchement===
=== Déclenchement ===
[[Image:Russians_at_navarino.jpg|thumb|''La bataille de Navarin'', tableau de [[1846]] d'[[Ivan Aïvazovski]] ([[1817]]-[[1900]])]]
[[Image:Russians at navarino.jpg|vignette|alt=tableau {{XIXe}} : scène de combat naval|''La bataille de Navarin'', tableau de [[1846]] d'[[Ivan Aïvazovski]] ([[1817]]-[[1900]])]]
Une partie de la flotte, principalement les navires russes qui prirent leur position vers 15h15, n'était pas encore entrée dans la baie<ref name=Wood114 />{{,}}<ref>R. C. Anderson, ''op. cit.'', p. 529.</ref>. Elle ne put s'engager que plus tard dans la bataille. Surtout, elle eut à subir le tir de barrage provenant de la forteresse, de l'île de [[Sphactérie]] et de la flotte ottomane<ref name=Wood136>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 136-137.</ref>.
Une partie de la flotte, principalement les navires russes qui prirent leur position vers {{heure|15|15}}, n'était pas encore entrée dans la baie{{sfn|Woodhouse|1965|p=114}}{{,}}{{sfn|Anderson|1952|p=529}}. Elle ne put s'engager que plus tard dans la bataille. Surtout, elle eut à subir le tir de barrage provenant de la forteresse, de l'île de [[Sphactérie]] et de la flotte ottomane{{sfn|Woodhouse|1965|p=136-137}}.[[File:The Battle of Navarino. REQUIEM.part 1. V.Kosov 120x100 H. m. 2021.jpg|thumb|La bataille de Navarin. REQUIEM.partie 1. V.Kosov|alt=La bataille de Navarin. REQUIEM.partie 1. V.Kosov|225x225px]]


Une chaloupe fut envoyée depuis la terre à un des [[brûlot (navire)|brûlots]] et on le vit immédiatement se préparer. Au bout de la ligne ottomane, il menaçait directement la ''Dartmouth'', qui en était le plus proche, qui venait de jeter l'ancre et qui affalait ses voiles. Une [[pinasse]], commandée par le premier lieutenant, lui fut envoyée pour lui demander de se déplacer. Fellowes rappela à son lieutenant qu'il ne devait en aucun cas se montrer hostile. Le brûlot tira sur la barque britannique, tuant le barreur et une partie des rameurs. L'équipage du brûlot alluma la mèche. Un [[cotre]] fut envoyé, commandé par le lieutenant Fitzroy, toujours pour demander de déplacer le brûlot. Le cotre rencontra la chaloupe qui évacuait une partie de l'équipage du brûlot. Celle-ci ouvrit le feu sur le cotre et le lieutenant Fitzroy fut tué. Au même moment, une corvette égyptienne tira sur la ''Dartmouth'' et la ''Sirène'' qui était en train de jeter l'ancre<ref name="Brewer330" />{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 114-116 qui cite le rapport du capitaine Fellowes. Ce rapport est corroboré par Joseph Kerviler, officier à bord de la ''Syrène''.</ref>{{,}}<ref name=Driault382>Driault et Lhéritier, ''op. cit.'', p. 382.</ref>. La ''Dartmouth'' et la ''Sirène'' répliquèrent avec leurs fusils. La bataille avait commencé alors que les navires amiraux n'avaient pas encore échangé un seul coup de feu, comme le voulait la tradition.
Une chaloupe fut envoyée depuis la terre à un des [[brûlot (navire)|brûlots]] et on le vit immédiatement se préparer. Au bout de la ligne ottomane, il menaçait directement la ''Dartmouth'', qui en était le plus proche, qui venait de jeter l'ancre et qui affalait ses voiles. Une [[pinasse (navire)|pinasse]], commandée par le premier lieutenant, lui fut envoyée pour lui demander de se déplacer. Fellowes rappela à son lieutenant qu'il ne devait en aucun cas se montrer hostile. Le brûlot tira sur la barque britannique, tuant le barreur et une partie des rameurs. L'équipage du brûlot alluma la mèche. Un [[cotre]] fut envoyé, commandé par le lieutenant Fitzroy, toujours pour demander de déplacer le brûlot. Le cotre rencontra la chaloupe qui évacuait une partie de l'équipage du brûlot. Celle-ci ouvrit le feu sur le cotre et le lieutenant Fitzroy fut tué. Au même moment, une corvette égyptienne tira sur la ''Dartmouth'' et la ''Sirène'' qui était en train de jeter l'ancre{{sfn|Brewer|2001|p=330}}{{,}}<ref>{{harvsp|Woodhouse|1965|p=114-116}} qui cite le rapport du capitaine Fellowes. Ce rapport est corroboré par Joseph Kerviler, officier à bord de la ''Syrène''.</ref>{{,}}{{sfn|Driault|Lhéritier|1926|p=382}}. La ''Dartmouth'' et la ''Sirène'' répliquèrent avec leurs fusils. La bataille avait commencé alors que les navires amiraux n'avaient pas encore échangé un seul coup de feu, comme le voulait la tradition.


Selon Codrington, l'idée des amiraux ottomans aurait été de laisser la flotte des puissances s'ancrer au cœur de leur dispositif, de parlementer toute la journée et d'attaquer à la tombée de la nuit avec les brûlots<ref name=Wood116>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 116.</ref>.
Selon Codrington, l'idée des amiraux ottomans aurait été de laisser la flotte des puissances s'ancrer au cœur de leur dispositif, de parlementer toute la journée et d'attaquer à la tombée de la nuit avec les brûlots{{sfn|Woodhouse|1965|p=116}}.


Selon [[Ibrahim Pacha]], la flotte des puissances était entrée dans la rade avec des intentions hostiles. Selon lui, une des frégates alliées, s'était ancrée à angle droit avec les brûlots se trouvant à l'entrée de la rade, et donc les menaçait. Cette attitude se précisa lorsque des marins de cette frégate essayèrent de s'emparer d'un des brûlots. Là, un échange de coups de feu déclencha la bataille qui dura tout l'après-midi. Mais, Ibrahim Pacha ne pouvait déterminer lequel des deux camps avait tiré le premier. Cependant, selon lui, le premier acte hostile fut la tentative de la frégate de s'emparer du brûlot ottoman<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 147.</ref>.
Selon [[Ibrahim Pacha]], la flotte des puissances était entrée dans la rade avec des intentions hostiles. Selon lui, une des frégates alliées s'était ancrée à angle droit avec les brûlots se trouvant à l'entrée de la rade, et donc les menaçait. Cette attitude se précisa lorsque des marins de cette frégate essayèrent de s'emparer d'un des brûlots. Là, un échange de coups de feu déclencha la bataille qui dura tout l'après-midi. Mais Ibrahim Pacha ne pouvait déterminer lequel des deux camps avait tiré le premier. Cependant, selon lui, le premier acte hostile fut la tentative de la frégate de s'emparer du brûlot ottoman{{sfn|Woodhouse|1965|p=147}}.


===Déroulement===
=== Déroulement ===
[[File:Navarin.png|thumb|upright=2.5|Déroulement de la bataille.]]
[[Fichier:Navarin.png|thumb|upright=2.5|alt=carte couleur : une baie fermée, des signes représentants des navires positionnés en fer à cheval ; leurs mouvements vers les côtes sont montrés par des flèches|Déroulement de la bataille.]]
====Une bataille à l'ancre====
==== Une bataille à l'ancre ====
La majeure partie des navires engagés dans cette bataille était à l'ancre : tous les navires ottomans et les plus gros navires des puissances. Certains étaient encore sous toile. Seuls les plus petits des navires de la flotte russo-franco-britannique ne jetèrent pas l'ancre et, manœuvrant dans la baie, furent moins touchés. La flotte égypto-ottomane, embossée, ne manœuvra pas. Les vaisseaux des puissances avaient une marge de manœuvre réduite, mais pouvaient tirer leurs bordées des deux côtés, parfois en même temps. De plus, en jouant sur les longueurs des cables des ancres, ils réussirent à tourner sur place pour changer leurs angles de tir. Ou, comme lorsque l’''Asia'' fut menacée par un brûlot, une [[aussière]] fut amenée depuis la ''Genoa'' qui fit ainsi pivoter son navire amiral. Très rapidement, la fumée des canons emplit la rade, réduisant la visibilité. Les [[Signal|signaux]] par [[Pavillon (marine)|pavillons]] furent très vite inutiles. Codrington dut utiliser un porte-voix et eut des difficultés à se faire entendre, à cause du bruit assourdissant de ces mêmes canons<ref name="Brewer332">D. Brewer, ''op. cit.'', p. 332.</ref>{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 127 et 130-132.</ref>.
La majeure partie des navires engagés dans cette bataille était à l'ancre : tous les navires ottomans et les plus gros navires des puissances. Certains étaient encore sous toile. Seuls les plus petits des navires de la flotte russo-franco-britannique ne jetèrent pas l'ancre et, manœuvrant dans la baie, furent moins touchés. La flotte égypto-ottomane, embossée, ne manœuvra pas. Les vaisseaux des puissances avaient une marge de manœuvre réduite, mais pouvaient tirer leurs bordées des deux côtés, parfois en même temps. De plus, en jouant sur les longueurs des câbles des ancres, ils réussirent à tourner sur place pour changer leurs angles de tir. Ou, comme lorsque l’''Asia'' fut menacée par un brûlot, une [[aussière]] fut amenée depuis la ''Genoa'' qui fit ainsi pivoter son navire amiral. Très rapidement, la fumée des canons emplit la rade, réduisant la visibilité. Les [[Code international des signaux maritimes|signaux]] par [[Pavillon (marine)|pavillons]] furent très vite inutiles. Codrington dut utiliser un porte-voix et eut des difficultés à se faire entendre, à cause du bruit assourdissant de ces mêmes canons{{sfn|Brewer|2001|p=332}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=127 et 130-132}}.


Comme bien souvent pour une bataille, un récit d'ensemble est difficile à construire à partir des récits partiels des témoins oculaires. Tous les récits disponibles sont aussi des récits de marins et d'officiers de la flotte des puissances. De plus, ces mêmes témoins, qui s'accordent plus ou moins sur les incidents qui se produisirent, divergent quant à l'ordre dans lequel ils se produisirent<ref name=Wood116 />. Ainsi, la frégate ''Guhu-Reva'', vaisseau-amiral turc, aurait été détruite par l’''Asia'', vaisseau-amiral britannique, ou par l’''Azof'' (navire-amiral russe), ou par l’''Asia'' et l’''Azof'' ensemble, ou par l’''Asia'', l’''Azof'', l’''Albion'' (vaisseau de ligne britannique) et le ''Breslau'' (vaisseau de ligne français), mais le marin anonyme qui écrivit plus tard ''Life on Board a Man-of-War'', à bord de la ''Genoa'' (vaisseau de ligne britannique) a distinctement vu son chef canonnier tirer et couler cette frégate-amiral turque dont il décrit avec détails la figure de proue (un lion rouge portant un bouclier décoré de trois croissants de lune)<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 331 et C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 119-122, 128 et 137-138.</ref>.
Comme bien souvent pour une bataille, un récit d'ensemble est difficile à construire à partir des récits partiels des témoins oculaires. Tous les récits disponibles sont aussi des récits de marins et d'officiers de la flotte des puissances. De plus, ces mêmes témoins, qui s'accordent plus ou moins sur les incidents qui se produisirent, divergent quant à l'ordre dans lequel ils se produisirent{{sfn|Woodhouse|1965|p=116}} ; la présence de cinq amiraux dans la flotte égypto-ottomane (Tahir Pacha, le Kapudana Bey, le Padrona Bey, le Reala Bey, et Moharrem{{sfn|Douin|1927|p=250}}) est aussi source de confusion car il est parfois difficile d'identifier de quel « navire-amiral » parlent les différents témoins, d'autant plus que les auteurs modernes n'ont pas tous la même interprétation des documents contemporains. Ainsi, le ''Guhu-Reva'', le plus gros vaisseau turc et l'un des adversaires directs de l'''Asia'', est considéré par Anderson{{sfn|Anderson|1952|p=525}} (probablement suivi par Brewer{{sfn|Brewer|2001|p=331}}) comme celui de Tahir Pacha bien qu'il soit désigné comme celui du Kapudana Bey par Codrington{{sfn|Woodhouse|1965|p=120-121}}{{,}}<ref group="N">{{harvsp|Anderson|1952|p=512}} considère que Tahir était effectivement le Kapudana Bey, ce qui contredit les sources contemporaines ainsi que Woodhouse et Douin</ref> et comme celui du Padrona Bey sur le plan de Garneray<ref>Douin, op cit, plan III</ref>. Les récits concernant la destruction du navire de Tahir par le ''Breslaw'' (vaisseau de ligne français) et l’''Azov''{{sfn|Woodhouse|1965|p=119-120 et 137-138}} font au contraire référence à une frégate d'une soixantaine de canons située au niveau de l'aile droite turco-égyptienne. De son côté l'amiral russe Heyden affirme avoir aidé l’''Asia'' à détruire un « vaisseau de {{nobr|80 canons}} monté par Moharrem Bey », qui aurait explosé{{sfn|Woodhouse|1965|p=137}}, mais selon Douin il s'agit d'une méprise de l'amiral russe qui ferait en fait référence à une autre frégate{{sfn|Douin|1927|p=299 note 2}}. De son côté le marin anonyme qui écrivit plus tard ''Life on Board a Man-of-War'', à bord de la ''Genoa'' (vaisseau de ligne britannique) a distinctement vu son chef canonnier tirer et couler « le yacht de l'amiral turc », une frégate dont il décrit avec détails la figure de proue (un lion rouge portant un bouclier décoré de trois croissants de lune){{sfn|Woodhouse|1965|p=128}}.


====Les brûlots====
==== Les brûlots ====
[[File:Battle of Navarino PW4849.jpg|thumb|left|''Combat contre les brûlots'', par [[George Philip Reinagle|G.P. Reinagle]], [[1838]].<br />Au centre, le ''Scipion'' attaqué par un brûlot devant lui, un peu plus à gauche la ''Dartmouth'' ; au premier plan une barque de la ''Philomel'' ; au fond à droite la ''Rose'' et la ''Brisk''.]]
[[Fichier:Battle of Navarino PW4849.jpg|thumb|left|alt=tableau ancien : combat naval|''Combat contre les brûlots'', par [[George Philip Reinagle|G.P. Reinagle]], [[1838]].<br />Au centre, le ''Scipion'' attaqué par un brûlot devant lui, un peu plus à gauche la ''Dartmouth'' ; au premier plan une barque de la ''Philomel'' ; au fond à droite la ''Rose'' et la ''Brisk''.]]
Les amiraux avaient confié aux petits navires de la flotte (''Dartmouth'', ''Rose'', ''Brisk'', ''Philomel'' et ''Mosquito'' pour les Britanniques ; ''Alcyone'' et ''Daphné'' pour les Français) le soin de neutraliser les [[Brûlot (navire)|brûlots]]. Dans ce but, ils ne furent pas ancrés et purent ainsi se rendre partout où une attaque se produisit. Ils furent aussi très souvent visés par les navires ottomans pour les empêcher d'accomplir leur tâche<ref name=Wood139>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 139.</ref>.
Les amiraux avaient confié aux petits navires de la flotte (''Dartmouth'', ''Rose'', ''Brisk'', ''Philomel'' et ''Mosquito'' pour les Britanniques ; ''Alcyone'' et ''Daphné'' pour les Français) le soin de neutraliser les [[Brûlot (navire)|brûlots]]. Dans ce but, ils ne furent pas ancrés et purent ainsi se rendre partout où une attaque se produisit. Ils furent aussi très souvent visés par les navires ottomans pour les empêcher d'accomplir leur tâche{{sfn|Woodhouse|1965|p=139}}.


Le brûlot, cause du déclenchement de la bataille, très dangereux, à côté de la ''Dartmouth'', restait le premier objectif. Des hommes de la ''Dartmouth'' et de la ''Rose'' tentaient de s'en emparer lorsque son équipage le fit exploser, tuant tous les Britanniques et endommageant les navires à proximité. Une frégate égyptienne envoya une bordée à la ''Dartmouth'' qui répliqua de même. Tous ses boulets touchèrent la coque égyptienne. Mais la ''Dartmouth'' était prise sous le feu de trois frégates turques et égyptiennes et d'une corvette. L’''Armide'' vint à sa rescousse. Le capitaine Hugon qui la commandait manœuvra de telle façon à ne jamais gêner le feu britannique. Lorsque le vaisseau français s'empara finalement d'une des frégates turques, il y arbora les drapeaux français et anglais, montrant ainsi qu'il n'avait fait qu'achever le travail commencé par la ''Dartmouth''.
Le brûlot, cause du déclenchement de la bataille, très dangereux, à côté de la ''Dartmouth'', restait le premier objectif. Des hommes de la ''Dartmouth'' et de la ''Rose'' tentaient de s'en emparer lorsque son équipage le fit exploser, tuant tous les Britanniques et endommageant les navires à proximité. Une frégate égyptienne envoya une bordée à la ''Dartmouth'' qui répliqua de même. Tous ses boulets touchèrent la coque égyptienne. Mais la ''Dartmouth'' était prise sous le feu de trois frégates turques et égyptiennes et d'une corvette. L’''Armide'' vint à sa rescousse. Le capitaine [[Gaud-Amable Hugon|Hugon]] qui la commandait manœuvra de telle façon à ne jamais gêner le feu britannique. Lorsque le vaisseau français s'empara finalement d'une des frégates turques, il y arbora les drapeaux français et anglais, montrant ainsi qu'il n'avait fait qu'achever le travail commencé par la ''Dartmouth''.


Si la ''Dartmouth'' avait finalement réussi à échapper au brûlot qui la menaçait, il n'en fut pas de même du vaisseau de ligne français ''Scipion''. En entrant dans la baie, il avait trop tôt réduit sa toile. Il était donc encore soumis au feu de la forteresse quand il fut pris pour cible par des frégates égyptiennes. Surtout, un brûlot réussit à se coincer dans sa proue. Tous les efforts de l'équipage français pour le détacher échouaient. Le navire était face au vent, aussi les flammes commençaient à menacer toute la longueur du ''Scipion'' et grimpaient le long des haubans des mâts avant. Des artilleurs furent tués par les flammes alors qu'ils continuaient à servir leurs pièces qui tiraient sur la citadelle et les autres vaisseaux. Le capitaine Milius laissa filer son ancre pour disposer d'une plus grande marge de manœuvre qui lui permit de commencer à se dégager du brûlot. Il fut aidé par une barque venue du ''Trident'' qui réussit à attacher une amarre au brûlot et avec l'aide de trois navires britanniques (la ''Dartmouth'', la ''Rose'' et la ''Philomel'') à remorquer le brûlot à bonne distance du ''Scipion''. Deux [[goélette]]s françaises, l’''Alcyone'' et la ''Daphné'', coulèrent le brûlot. Si plus aucun brûlot ne réussit ensuite à menacer un navire des puissances, les énormes efforts déployés pour se débarrasser d'un seul prouvent le danger qu'ils pouvaient représenter<ref name="Brewer332" />{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 117-118.</ref>{{,}}<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 287-288.</ref>.
Si la ''Dartmouth'' avait finalement réussi à échapper au brûlot qui la menaçait, il n'en fut pas de même du vaisseau de ligne français ''Scipion''. En entrant dans la baie, il avait trop tôt réduit sa toile. Il était donc encore soumis au feu de la forteresse quand il fut pris pour cible par des frégates égyptiennes. Surtout, un brûlot réussit à se coincer dans sa proue. Tous les efforts de l'équipage français pour le détacher échouaient. Le navire était face au vent, aussi les flammes commençaient à menacer toute la longueur du ''Scipion'' et grimpaient le long des haubans des mâts avant. Des artilleurs furent tués par les flammes alors qu'ils continuaient à servir leurs pièces qui tiraient sur la citadelle et les autres vaisseaux. Le capitaine Milius laissa filer son ancre pour disposer d'une plus grande marge de manœuvre qui lui permit de commencer à se dégager du brûlot. Il fut aidé par une barque venue du ''Trident'' qui réussit à attacher une amarre au brûlot et avec l'aide de trois navires britanniques (la ''Dartmouth'', la ''Rose'' et la ''Philomel'') à remorquer le brûlot à bonne distance du ''Scipion''. Deux [[goélette]]s françaises, l’''Alcyone'' et la ''Daphné'', coulèrent le brûlot. Si plus aucun brûlot ne réussit ensuite à menacer un navire des puissances, les énormes efforts déployés pour se débarrasser d'un seul prouvent le danger qu'ils pouvaient représenter{{sfn|Brewer|2001|p=332}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=117-118}}{{,}}{{sfn|Douin|1927|p=287-288}}.


Selon certaines sources, les brûlots auraient été utilisés par les marins des puissances, une fois qu'ils s'en seraient emparés. Ils les auraient envoyés contre la flotte ottomane<ref>S. G. Howe, ''op. cit.'', p. 450.</ref>.
Selon certaines sources, les brûlots auraient été utilisés par les marins des puissances, une fois qu'ils s'en seraient emparés. Ils les auraient envoyés contre la flotte ottomane<ref>S. G. Howe, ''op. cit.'', {{p.|450}}.</ref>.


====Les vaisseaux amiraux des puissances====
==== Les vaisseaux amiraux des puissances ====
[[File:Navarino.JPG|thumb|L’''Asia'' entre deux navires ottomans.]]
[[Fichier:Navarino.JPG|thumb|alt=tableau ancien : combat naval|L’''Asia'' entre deux navires ottomans.]]
[[File:Navarin, Asia.jpg|thumb|L’''Asia'' entre le ''Guhu-Reva'' et la ''Guerrière'', [[George Philip Reinagle|G.P. Reinagle]].]]
[[Fichier:Asia and other vessels at the Battle of Navarino, 20 Oct 1827, by George Philip Reinagle.jpg|thumb|alt=gravure noir et blanc : combat naval|L’''Asia'' entre le ''Guhu-Reva'' et la ''Guerrière'', [[George Philip Reinagle|G.P. Reinagle]].]]
L’''Asia'' était embossée cap à l'ouest, juste à une encablure du ''Guhu-Reva'' (vaisseau-amiral turc de Tahir Pacha) et une longueur de navire de la ''Guerrière'' (vaisseau-amiral égyptien de Moharrem Bey). Si le navire turc tira, Moharrem Bey fit savoir qu'il n'ouvrirait pas le feu le premier. Codrington répliqua qu'il ferait de même. L’''Asia'' put alors se concentrer sur le navire amiral turc dont elle se débarrassa d'autant plus rapidement qu'elle n'avait pas à se soucier du navire égyptien et que le ''Guhu-Reva'' n'était pas en bon état et ne disposait pas d'un bon équipage. En feu au bout de trois quarts d'heure, il alla s'échouer. Tahir Pacha survécut à la destruction de son navire amiral. Codrington envoya alors un de ses officiers avec un interprète auprès de Moharrem Bey confirmer la trêve. Cependant, l'amiral égyptien avait quitté le navire, avec Letellier. Lorsque la chaloupe s'approcha de la ''Guerrière'', un officier égyptien reconnut l'interprète grec Petros Mikelis, avec qui il était, semble-t-il, en vendetta. Il lui tira dessus par un sabord, faisant de Petros Mikelis la plus célèbre, car la seule identifiée, victime grecque de la bataille de Navarin<ref group=N>Il n'était pas le seul Grec présent : les pilotes des amiraux français et russe étaient grecs. Il y en avait aussi à bord des navires ottomans dont on retrouva les corps les jours suivants.</ref>. L’''Asia'' riposta d'une bordée. La ''Guerrière'' se trouva en flammes en une vingtaine de minutes et alla s'échouer. Après s'être débarrassé de ses adversaires les plus proches et les plus dangereux, Codrington s'aperçut que son navire était pris en enfilade par des petits navires turcs (type bricks et corvettes) de deuxième et troisième lignes qui lui tiraient dans la poupe. L’''Asia'' se tourna alors contre ceux-ci. Ils cédèrent très rapidement, soit détruits soit coupant leurs amarres et allant s'échouer. Le vaisseau britannique fut fortement endommagé : il avait reçu huit boulets dans le [[beaupré]], 18 dans le mât avant, 25 dans le mât central, son [[mât de misaine]] était dans l'eau ; on comptait 125 impacts de boulets sur la coque mais aucun n'avait pénétré grâce à la cuirasse rudimentaire ; elle avait aussi reçu quantités de grenailles, petites bombes et balles. L’''Asia'' fut ensuite la cible d'un brûlot, dont elle réussit à s'échapper grâce à une aussière envoyée depuis la ''Genoa''. Les petits navires ottomans de seconde et troisième ligne avaient pour ordre de viser particulièrement ce navire amiral des puissances. Codrington fut aussi la cible de [[sniper]]s, comme l'admit plus tard Tahir Pacha. Il semblerait aussi qu'une partie des dégâts subis par l’''Asia'' ait été due à la ''Genoa'' qui fut le seul navire blâmé par Codrington dans son rapport<ref name="Brewer331" />{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 120-122, 130-132 et 134.</ref>{{,}}<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 284 et 291-293.</ref>.
L’''Asia'' était embossée cap à l'ouest, juste à une encablure du ''Guhu-Reva'' et une longueur de navire de la ''Guerrière'' (vaisseau-amiral égyptien de Moharrem Bey). Si le navire turc tira, Moharrem Bey fit savoir qu'il n'ouvrirait pas le feu le premier. Codrington répliqua qu'il ferait de même. L’''Asia'' put alors se concentrer sur le navire amiral turc dont elle se débarrassa d'autant plus rapidement qu'elle n'avait pas à se soucier du navire égyptien et que le ''Guhu-Reva'' n'était pas en bon état et ne disposait pas d'un bon équipage. En feu au bout de trois quarts d'heure, il alla s'échouer. Codrington envoya alors un de ses officiers avec un interprète auprès de Moharrem Bey confirmer la trêve. Cependant, l'amiral égyptien avait quitté le navire, avec Letellier. Lorsque la chaloupe s'approcha de la ''Guerrière'', un officier égyptien reconnut l'interprète grec Petros Mikelis, avec qui il était, semble-t-il, en vendetta. Il lui tira dessus par un sabord, faisant de Petros Mikelis la plus célèbre, car la seule identifiée, victime grecque de la bataille de Navarin<ref group="N">Il n'était pas le seul Grec présent : les pilotes des amiraux français et russe étaient grecs. Il y en avait aussi à bord des navires ottomans dont on retrouva les corps les jours suivants.</ref>. L’''Asia'' riposta d'une bordée. La ''Guerrière'' se trouva en flammes en une vingtaine de minutes et alla s'échouer. Après s'être débarrassé de ses adversaires les plus proches et les plus dangereux, Codrington s'aperçut que son navire était pris en enfilade par des petits navires turcs (type bricks et corvettes) de deuxième et troisième lignes qui lui tiraient dans la poupe. L’''Asia'' se tourna alors contre ceux-ci. Ils cédèrent très rapidement, soit détruits soit coupant leurs amarres et allant s'échouer. Le vaisseau britannique fut fortement endommagé : il avait reçu huit boulets dans le [[beaupré (marine)|beaupré]], 18 dans le mât avant, 25 dans le mât central, son [[mât de misaine]] était dans l'eau ; on comptait {{nobr|125 impacts}} de boulets sur la coque mais aucun n'avait pénétré grâce à la cuirasse rudimentaire ; elle avait aussi reçu quantités de grenailles, petites bombes et balles. L’''Asia'' fut ensuite la cible d'un brûlot, dont elle réussit à s'échapper grâce à une aussière envoyée depuis la ''Genoa''. Les petits navires ottomans de seconde et troisième ligne avaient pour ordre de viser particulièrement ce navire amiral des puissances. Codrington fut aussi la cible de [[sniper]]s, comme l'admit plus tard Tahir Pacha. Il semblerait aussi qu'une partie des dégâts subis par l’''Asia'' ait été due à la ''Genoa'' qui fut le seul navire blâmé par Codrington dans son rapport{{sfn|Brewer|2001|p=331}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=120-122, 130-132 et 134}}{{,}}{{sfn|Douin|1927|p=284 et 291-293}}.
[[File:Navarin français.jpg|thumb|left|''Navires égyptiens et français'' [[George Philip Reinagle|G.P. Reinagle]].<br />De gauche à droite : la ''Guerrière'', une frégate turque, la ''Souriya'', l’''Ihsania'', la ''Sirène'' et le ''Trident''.]]
La ''Sirène'' était mouillée cap au sud vergue à vergue avec la première frégate de la ligne égyptienne, l’''Ishania''. Elle était donc aussi entre la terre et les vaisseaux égyptiens (trois frégates et deux corvettes) qui la menaçaient d'un feu concentrique, en plus des canons de terre. Après avoir essuyé, comme la ''Dartmouth'', le tir d'une corvette égyptienne, de Rigny fit héler la frégate égyptienne, déclarant qu'il n'ouvrirait pas le feu si celle-ci faisait de même. Cette dernière répliqua en tirant sur la ''Sirène'' et la ''Dartmouth''. Un homme fut tué sur la ''Sirène'' qui riposta. Le combat dura jusque vers 16h, même si de Rigny considère qu'il disposa de l’''Ishania'' en une demi-heure. La frégate égyptienne, réduite à l'état d'épave, finit par exploser. La ''Sirène'' pivota alors, cap à l'ouest, avec le soutien et la protection des deux vaisseaux de ligne ''Trident'' (embossé, cap au sud-est) et ''Scipion''. Elle se tourna alors par bâbord vers le fort de Navarin, et par tribord contre une frégate ou une corvette turque qui lui tirait jusque-là dans la poupe. Elle la réduisit au silence<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 116-117 et 119.</ref>{{,}}<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 285-291.</ref>.


[[Fichier:Navarin français.jpg|thumb|left|alt=gravure noir et blanc : combat naval|''Navires égyptiens et français'' [[George Philip Reinagle|G.P. Reinagle]].<br />De gauche à droite : la ''Guerrière'', une frégate turque, la ''Souriya'', l’''Ihsania'', la ''Sirène'' et le ''Trident''.]]
La flotte russe entra un peu après les autres dans la baie, après le début de la bataille, mais même sous le feu des navires ottomans, elle alla se placer autant que possible en raison de la fumée aux endroits qui lui avaient été désignés la veille. L’''Azov'' alla donc s'ancrer à la pointe du dispositif, dans l'arrondi du fer à cheval ottoman, aux côtés des vaisseaux de ligne britannique ''Albion'' et français ''Breslau''<ref group=N>Dans d'autres versions, le ''Breslau'' arrivait après l’''Azov''.</ref> avec qui il affronta trois à cinq, les versions varient, navires ottomans. Ensuite, voyant l’''Asia'' engagée contre la frégate de Moharrem Bey, il pivota sur ses ancres, fit transférer quatorze canons vers sa poupe et tira sur le navire égyptien qui s'enflamma. Avec ses fusils, l’''Azov'' empêcha toutes les tentatives des marins de cette frégate d'éteindre l'incendie. Le navire amiral russe eut 24 tués et 67 blessés. Ses mâts avaient été tellement endommagés qu'ils pouvaient à peine supporter les voiles. Sa coque comptait 153 trous de boulets dont sept avaient percé le fond. L’''Azov'' avait coulé deux grandes frégates et une corvette et démâté un navire de 60 canons qui s'échoua avant d'exploser ; et bien sûr, comme les autres, il affirmait avoir coulé le navire-amiral turc<ref name=Wood136 />{{,}}<ref>R. C. Anderson, ''op. cit.'', p. 530.</ref>.


La ''Sirène'' était mouillée cap au sud vergue à vergue avec la première frégate de la ligne égyptienne, l’''Ishania''. Elle était donc aussi entre la terre et les vaisseaux égyptiens (trois frégates et deux corvettes) qui la menaçaient d'un feu concentrique, en plus des canons de terre. Après avoir essuyé, comme la ''Dartmouth'', le tir d'une corvette égyptienne, Rigny fit héler la frégate égyptienne, déclarant qu'il n'ouvrirait pas le feu si celle-ci faisait de même. Cette dernière répliqua en tirant sur la ''Sirène'' et la ''Dartmouth''. Un homme fut tué sur la ''Sirène'' qui riposta. Le combat dura jusque vers {{heure|16}}, même si Rigny considère qu'il disposa de l’''Ishania'' en une demi-heure. La frégate égyptienne, réduite à l'état d'épave, finit par exploser. La ''Sirène'' pivota alors, cap à l'ouest, avec le soutien et la protection des deux vaisseaux de ligne ''Trident'' (embossé, cap au sud-est) et ''Scipion''. Elle se tourna alors par bâbord vers le fort de Navarin, et par tribord contre une frégate ou une corvette turque qui lui tirait jusque-là dans la poupe. Elle la réduisit au silence{{sfn|Woodhouse|1965|p=116-117 et 119}}{{,}}{{sfn|Douin|1927|p=285-291}}.
====Vaisseaux de ligne des puissances====
[[File:Navarin, Albion.jpg|thumb|L’''Albion'' a détruit une frégate turque. G.P. Reinagle.]]
[[File:Navarin, Breslau & Azov.jpg|thumb|L’''Azov'' et le ''Breslau'' contre quatre navires ottomans. G.P. Reinagle.]]
L’''Albion'', vaisseau de ligne britannique, s'était avancé un peu trop loin dans la baie. Lorsque la bataille commença, il n'avait pas fini de jeter ses ancres et dut affronter une frégate turque dont il avait ramassé le beaupré dans son mât d'artimon. Cette dernière subit alors un lourd tir de barrage puis une chaloupe de l’''Albion'' s'en empara et en coupa les amarres. Elle partit à la dérive en flammes. Cependant, l’''Albion'' se retrouva face à trois vaisseaux ottomans (84, 74 et 74 canons). Elle fut sauvée d'abord par l'inefficacité des artilleurs ottomans puis par l'arrivée du ''Breslau''. En effet, La Bretonnière, capitaine de ce vaisseau de ligne français, voyant que son navire amiral n'avait pas besoin de son soutien, coupa ses amarres et prit l'initiative de se rendre au centre de la baie, à la pointe du dispositif des puissances, dans l'arrondi du fer à cheval ottoman, dans l'espace que les amiraux la veille avaient prévu entre les navires russes et britanniques. Il se plaça au nord-est de l’''Albion'', près d'un des deux vaisseaux de 74 canons (à bâbord) et de frégates turques (à tribord). Les deux navires furent ensuite rejoints par l’''Azov'', le vaisseau amiral de la flotte russe qui arrivait seulement, étant entrée dans la baie après les deux autres. Après avoir apporté son aide à l’''Albion'', le ''Breslau'' fila son câble pour se rapprocher de l’''Azov'' et des batteries de Sphactérie. Les trois navires se soutinrent, attaquèrent et coulèrent ensemble cinq navires turcs dont un vaisseau de ligne de 74 canons, les deux autres vaisseaux turcs s'étant neutralisés (incapacité de leurs artilleurs puis mauvaises manœuvres lorsque leurs amarres furent coupées)<ref group=N>Les trois vaisseaux des puissances participèrent peut-être même à la destruction du ''Guhu-Reva'' de Tahir Pacha.</ref>. Les capitaines des ''Albion'' et ''Azov'' reconnurent ensuite que l'aide du ''Breslau'' avait été déterminante, voire leur avait évité la destruction. Dès la fin du combat, [[Login Geiden|van Geiden]] se rendit à bord du vaisseau français pour remercier la Bretonnière personnellement<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 119-120 et 135.</ref>{{,}}<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 291 et 294-297.</ref>.
[[File:Navarin, Genoa.jpg|thumb|left|La ''Genoa'' au milieu de trois navires turcs. G.P. Reinagle.]]
La ''Genoa'', embossée cap au nord, se trouva engagée sur tribord par trois adversaires : deux vaisseaux de 74 canons et une frégate de 60 canons. Elle compta d'ailleurs le plus de victimes avec 26 morts dont son capitaine, Walter Bathurst. Mais, durant les premières heures, la ''Genoa'' ne put concentrer son tir que sur un seul des vaisseaux de 74 sur son travers, alors que celui-ci la pilonnait de boulets de pierre de 110 livres. Les autres, en avant ou en arrière lui tiraient dessus sans qu'elle pût répliquer. Elle fut soulagée vers 15h30 par le ''Breslau'' puis les vaisseaux russes. Ce ne fut qu'après 16 heures, quand les navires ottomans eurent les embossures coupées qu'elle put les prendre en enfilade. Dans son rapport, Codrington critiqua la façon dont ce navire se comporta durant la bataille. Selon l'amiral, le vaisseau de ligne s'était dès le départ ancré dans une mauvaise position : il pointait ses principaux canons vers les navires de sa propre flotte ; seuls les canons de poupe étaient dirigés vers les navires ottomans. La responsabilité de cette erreur ne put être attribuée, le capitaine Bathurst ayant été tué. De plus, Codrington soupçonna le second Richard Dickenson d'avoir falsifié le livre de bord quant à l'heure de la mort de son capitaine. Ces accusations furent démontées lors du procès en cour martiale contre Dickenson qui se déroula deux ans plus tard à [[Portsmouth]]<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 126 et 134-135.</ref>{{,}}<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 293-294.</ref>.
[[File:Navarin, russes.jpg|thumb|left|L'escadre russe. [[George Philip Reinagle|G.P. Reinagle]].<br />De gauche à droite : l’''Aleksandr Nevskii'', l’''Iezekiil'', un brûlot et le ''Gangut''.]]


La flotte russe entra un peu après les autres dans la baie, après le début de la bataille, mais même sous le feu des navires ottomans, elle alla se placer autant que possible, malgré la fumée, aux endroits qui lui avaient été désignés la veille. L’''Azov'' alla donc s'ancrer à la pointe du dispositif, dans l'arrondi du fer à cheval ottoman, aux côtés des vaisseaux de ligne britannique ''Albion'' et français ''Breslau''<ref group=N>Dans d'autres versions, le ''Breslau'' arrivait après l’''Azov''.</ref> avec qui il affronta trois à cinq, les versions varient, navires ottomans. Ensuite, voyant l’''Asia'' engagée contre la frégate de Moharrem Bey, il pivota sur ses ancres, fit transférer quatorze canons vers sa poupe et tira sur le navire égyptien qui s'enflamma. Avec ses fusils, l’''Azov'' empêcha toutes les tentatives des marins de cette frégate d'éteindre l'incendie. Le navire amiral russe eut {{nobr|24 tués}} et {{nobr|67 blessés}}. Ses mâts avaient été tellement endommagés qu'ils pouvaient à peine supporter les voiles. Sa coque comptait {{nobr|153 trous}} de boulets dont sept avaient percé le fond. L’''Azov'' avait coulé deux grandes frégates et une corvette et démâté un navire de {{nobr|60 canons}} qui s'échoua avant d'exploser ; et bien sûr, comme les autres, il affirmait avoir coulé le navire-amiral turc{{sfn|Woodhouse|1965|p=136-137}}{{,}}{{sfn|Anderson|1952|p=530}}.
====Les autres vaisseaux des puissances====
[[File:Navarin, frigates.jpg|thumb|Les frégates au combat. G.P. Reinagle.<br />De gauche à droite : un brûlot, la ''Talbot'' (Royaume-Uni), l’''Armide'' (France), la ''Provornyi'' et l’''Elena'' (Russie).]]
Un brick britannique, très lourdement endommagé et qui avait perdu ses amarres fut remorqué par la frégate russe ''Konstantin'', lui évitant ainsi de s'échouer<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 137.</ref>. Les frégates française ''Armide'' et britannique ''Talbot'' avaient pour objectif les batteries côtières sur Sphactérie. Elles les engagèrent tout en étant sous le feu de deux frégates (dont la ''Grande Sultane'') et cinq « corvettes » turques de l'extrémité ouest du fer à cheval. Les frégates des puissances auraient dû être épaulées par les frégates britanniques ''Cambrian'' et ''Glasgow'' qui n'étaient pas encore revenues d'une mission qui leur avait été confiée. Malgré une erreur initiale de placement (les deux frégates avaient échangé leur position), la coordination entre les deux navires fut parfaite, au point que la ''Talbot'' cessa le feu une minute pour envoyer trois hourras de félicitations à l’''Armide''. Cette dernière est même considérée comme le seul navire des puissances à avoir capturé un vaisseau ottoman : la frégate turque qui lui était opposée. Les deux frégates reçurent finalement le soutien des quatre frégates russes lorsque cette flotte finit par arriver, ainsi que de la corvette britannique ''Rose''. Un brûlot turc leur apporta aussi son soutien involontaire : ses voiles en feu, il manqua son objectif et alla enflammer une frégate turque en seconde ligne. Vers 15h30, les ''Cambrian'' et ''Glasgow'' entrèrent dans la baie sous le feu des batteries côtières et vinrent prendre les places qui leur avaient été assignées. Après avoir participé à la destruction d'une demi-douzaine de navires ottomans, la ''Cambrian'' dirigea ses tirs, par dessus les autres frégates sur la batterie côtière sur Sphactérie et la bombarda jusqu'à la fin du combat, tandis que la ''Glasgow'' tirait sur le fort de Navarin. Cependant, une des frégates russes tirait plus sur les navires alliés que sur les navires turcs. Deux officiers de la ''Talbot'', venus protester, trouvèrent la majeure partie de l'équipage complètement saouls, il semblerait cependant que ce fût le seul cas<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 300-307.</ref>{{,}}<ref name=Wood139 />.


==== Vaisseaux de ligne des puissances ====
La ''Hind'', petit navire britannique sans place assignée, vint se placer aux côtés de son navire amiral. Sur un équipage de trente hommes, elle eut trois morts et dix blessés. Son engagement contre la ''Guerrière'' égyptienne lui valut à l'issue de la bataille le titre de « ''His Majesty's Cutter of the Line'' » (''Cutter (ou [[cotre]]) de ligne de sa Majesté'')<ref name=Wood139 />{{,}}<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 295.</ref>. Dès le début du combat, les frégates tunisiennes, qui auraient dû se trouver en troisième ligne face aux navires russes, coupèrent leurs câbles et allèrent s'échouer dans les marais au nord de la baie. Les équipages y mirent le feu et les détruisirent le lendemain<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 297-298.</ref>.
[[Fichier:Navarin, Albion.jpg|thumb|alt=gravure noir et blanc : combat naval|L’''Albion'' a détruit une frégate turque. G.P. Reinagle.]]
[[Fichier:Navarin, Breslau & Azov.jpg|thumb|alt=gravure noir et blanc : combat naval|L’''Azov'' et le ''Breslau'' contre quatre navires ottomans. G.P. Reinagle.]]
L’''Albion'', vaisseau de ligne britannique, s'était avancé un peu trop loin dans la baie. Lorsque la bataille commença, il n'avait pas fini de jeter ses ancres et dut affronter une frégate turque dont il avait ramassé le beaupré dans son mât d'artimon. Cette dernière subit alors un lourd tir de barrage puis une chaloupe de l’''Albion'' s'en empara et en coupa les amarres. Elle partit à la dérive en flammes. Cependant, l’''Albion'' se retrouva face à trois vaisseaux ottomans (84, 74 et 74 canons). Elle fut sauvée d'abord par l'inefficacité des artilleurs ottomans puis par l'arrivée du ''Breslau''. En effet, La Bretonnière, capitaine de ce vaisseau de ligne français, voyant que son navire amiral n'avait pas besoin de son soutien, coupa ses amarres et prit l'initiative de se rendre au centre de la baie, à la pointe du dispositif des puissances, dans l'arrondi du fer à cheval ottoman, dans l'espace que les amiraux la veille avaient prévu entre les navires russes et britanniques. Il se plaça au nord-est de l’''Albion'', près d'un des deux vaisseaux de {{nobr|74 canons}} (à bâbord) et de frégates turques (à tribord). Les deux navires furent ensuite rejoints par l’''Azov'', le vaisseau amiral de la flotte russe qui arrivait seulement, étant entrée dans la baie après les deux autres. Après avoir apporté son aide à l’''Albion'', le ''Breslau'' fila son câble pour se rapprocher de l’''Azov'' et des batteries de Sphactérie. Les trois navires se soutinrent, attaquèrent et coulèrent ensemble cinq navires turcs dont un vaisseau de ligne de {{nobr|74 canons}}, les deux autres vaisseaux turcs s'étant neutralisés (incapacité de leurs artilleurs puis mauvaises manœuvres lorsque leurs amarres furent coupées)<ref group=N>Les trois vaisseaux des puissances participèrent peut-être même à la destruction du ''Guhu-Reva''.</ref>. Les capitaines des ''Albion'' et ''Azov'' reconnurent ensuite que l'aide du ''Breslau'' avait été déterminante, voire leur avait évité la destruction. Dès la fin du combat, [[Lodewijk van Heiden|van Geiden]] se rendit à bord du vaisseau français pour remercier la Bretonnière personnellement{{sfn|Woodhouse|1965|p=119-120 et 135}}{{,}}{{sfn|Douin|1927|p=291 et 294-297}}.


[[Fichier:Navarin, Genoa.jpg|thumb|left|alt=gravure noir et blanc : combat naval|La ''Genoa'' au milieu de trois navires turcs. G.P. Reinagle.]]
====Fin de la bataille====
Vers cinq ou six heures, à la tombée de la nuit, après quatre heures de combats, la bataille cessa<ref name="Wood140">C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 140-141.</ref>{{,}}<ref name=Driault382 /> mais les marins de la flotte des puissances restèrent à leur poste de combat toute la nuit et des incidents se produisirent. Ainsi, vers 22h30, la ''Genoa'' vit s'approcher une frégate, toutes voiles dehors, et d'où s'élevait de la fumée, ce qui en faisait un brûlot potentiel. Avant même que le navire britannique ait pu faire quoi que ce fût, un navire russe envoya une bordée qui fit exploser la frégate non identifiée<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 144.</ref>. Une autre frégate, elle aussi transformée en brûlot<ref group=N>Ou était-ce la même ? C'est le problème des sources.</ref>, menaça dans la nuit le vaisseau amiral russe ainsi que le ''Gangut''. Ce dernier la prit à l'abordage et le marin turc chargé de la mise à feu fut tué la mèche à la main<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 298.</ref>.


La ''Genoa'', embossée cap au nord, se trouva engagée sur tribord par trois adversaires : deux vaisseaux de 74 canons et une frégate de {{nobr|60 canons}}. Elle compta d'ailleurs le plus de victimes avec {{nobr|26 morts}} dont son capitaine, Walter Bathurst. Mais, durant les premières heures, la ''Genoa'' ne put concentrer son tir que sur un seul des vaisseaux de 74 sur son travers, alors que celui-ci la pilonnait de boulets de pierre de {{nobr|110 livres}}. Les autres, en avant ou en arrière lui tiraient dessus sans qu'elle pût répliquer. Elle fut soulagée vers {{heure|15|30}} par le ''Breslau'' puis les vaisseaux russes. Ce ne fut qu'après {{nobr|16 heures}}, quand les navires ottomans eurent les embossures coupées qu'elle put les prendre en enfilade. Dans son rapport, Codrington critiqua la façon dont ce navire se comporta durant la bataille. Selon l'amiral, le vaisseau de ligne s'était dès le départ ancré dans une mauvaise position : il pointait ses principaux canons vers les navires de sa propre flotte ; seuls les canons de poupe étaient dirigés vers les navires ottomans. La responsabilité de cette erreur ne put être attribuée, le capitaine Bathurst ayant été tué. De plus, Codrington soupçonna le second Richard Dickenson d'avoir falsifié le livre de bord quant à l'heure de la mort de son capitaine. Ces accusations furent démontées lors du procès en cour martiale contre Dickenson qui se déroula deux ans plus tard à [[Portsmouth]]{{sfn|Woodhouse|1965|p=126 et 134-135}}{{,}}{{sfn|Douin|1927|p=293-294}}.
Le lendemain, 21 octobre, Tahir Pacha se rendit à deux reprises à bord de l’''Asia''. La première fois, les amiraux lui présentèrent un ultimatum adressé à [[Ibrahim Pacha]], toujours absent. Les amiraux insistaient sur le fait que leur flotte était entrée dans la rade sans intention hostile mais pour rappeler les termes du traité de Londres. Ils considéraient qu'ils n'avaient la veille fait que venger une attaque ottomane contre le pavillon allié. Ils n'avaient aucune intention de détruire ce qui restait de la flotte ottomane, sauf si un seul coup de canon ou de mousquet était tiré contre leurs navires. Auquel cas, ils couleraient tout le reste de la flotte ottomane et détruiraient aussi les forts à terre. Si un drapeau blanc flottait avant la fin de la journée sur le fort de Navarin, alors les bonnes relations, suspendues un temps la veille, pourraient reprendre. Lors de sa seconde visite, Tahir Pacha promit que sa flotte ne se livrerait plus à un seul acte hostile envers celle des puissances, mais il ne pouvait se prononcer pour les troupes à terre. Cependant, les amiraux ne cherchèrent pas à imposer leur armistice à Ibrahim Pacha qui arriva à Navarin en fin de journée le 21. Les forts ne tirèrent pas non plus sur la flotte<ref name=Wood146 />.
[[Fichier:Navarin, russes.jpg|thumb|left|L'escadre russe. [[George Philip Reinagle|G.P. Reinagle]].<br />De gauche à droite : l’''Aleksandr Nevskii'', l’''Iezekiil'', un brûlot et le ''Gangut''.]]


==== Les autres vaisseaux des puissances ====
La flotte des puissances quitta la baie de Navarin le 25 octobre<ref name=Wood146 />. Ce qui restait de la flotte ottomano-égyptienne partit en décembre<ref name=Wood148>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 148.</ref>.
[[Fichier:Navarin, frigates.jpg|thumb|alt=gravure noir et blanc : combat naval|Les frégates au combat. G.P. Reinagle.<br />De gauche à droite : un brûlot, la ''Talbot'' (Royaume-Uni), l’''Armide'' (France), la ''Provornyi'' et l’''Elena'' (Russie).]]
Un brick britannique, très lourdement endommagé et qui avait perdu ses amarres fut remorqué par la frégate russe ''Konstantin'', lui évitant ainsi de s'échouer{{sfn|Woodhouse|1965|p=137}}. Les frégates française ''Armide'' et britannique ''Talbot'' avaient pour objectif les batteries côtières sur Sphactérie. Elles les engagèrent tout en étant sous le feu de deux frégates (dont la ''Grande Sultane'') et cinq « corvettes » turques de l'extrémité ouest du fer à cheval. Les frégates des puissances auraient dû être épaulées par les frégates britanniques ''Cambrian'' et ''Glasgow'' qui n'étaient pas encore revenues d'une mission qui leur avait été confiée. Malgré une erreur initiale de placement (les deux frégates avaient échangé leur position), la coordination entre les deux navires fut parfaite, au point que la ''Talbot'' cessa le feu une minute pour envoyer trois hourras de félicitations à l’''Armide''. Cette dernière est même considérée comme le seul navire des puissances à avoir capturé un vaisseau ottoman : la frégate turque qui lui était opposée. Les deux frégates reçurent finalement le soutien des quatre frégates russes lorsque cette flotte finit par arriver, ainsi que de la corvette britannique ''Rose''. Un brûlot turc leur apporta aussi son soutien involontaire : ses voiles en feu, il manqua son objectif et alla enflammer une frégate turque en seconde ligne. Vers {{heure|15|30}}, les ''Cambrian'' et ''Glasgow'' entrèrent dans la baie sous le feu des batteries côtières et vinrent prendre les places qui leur avaient été assignées. Après avoir participé à la destruction d'une demi-douzaine de navires ottomans, la ''Cambrian'' dirigea ses tirs, par-dessus les autres frégates sur la batterie côtière sur Sphactérie et la bombarda jusqu'à la fin du combat, tandis que la ''Glasgow'' tirait sur le fort de Navarin. Cependant, une des frégates russes tirait plus sur les navires alliés que sur les navires turcs. Deux officiers de la ''Talbot'', venus protester, trouvèrent la majeure partie de l'équipage complètement saoul ; il semblerait cependant que ce fût le seul cas{{sfn|Douin|1927|p=300-307}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=139}}.


La ''Hind'', petit navire britannique sans place assignée, vint se placer aux côtés de son navire amiral. Sur un équipage de trente hommes, elle eut trois morts et dix blessés. Son engagement contre la ''Guerrière'' égyptienne lui valut à l'issue de la bataille le titre de « ''His Majesty's Cutter of the Line'' » (''Cutter (ou [[cotre]]) de ligne de sa Majesté''){{sfn|Woodhouse|1965|p=137}}{{,}}{{sfn|Douin|1927|p=295}}. Dès le début du combat, les frégates tunisiennes, qui auraient dû se trouver en troisième ligne face aux navires russes, coupèrent leurs câbles et allèrent s'échouer dans les marais au nord de la baie. Les équipages y mirent le feu et les détruisirent le lendemain{{sfn|Douin|1927|p=297-298}}.
==Bilan==
[[File:Battle of Navarino-Auguste Mayer mg 0598.jpg|thumb|''Au soir de la bataille de Navarin'', par [[Auguste Mayer]], [[1848]].]]
Les trois vaisseaux de ligne britanniques avaient à eux seuls tiré cent-vingt tonnes de projectiles et donc utilisé douze tonnes de poudre. Ces chiffres sont en partie dus au fait que les artilleurs ne suivirent pas les règlements. Il était déconseillé (pour ne pas endommager le canon) de tirer plus de deux boulets en même temps. Il semblerait que les artilleurs n'aient pas hésité à mettre plusieurs boulets, avec parfois une charge de mitraille en plus. Ils cherchaient peut-être à être le plus efficace le plus rapidement possible, avec des navires si proches les uns des autres<ref name="Brewer332" />.


==== Fin de la bataille ====
La plupart des navires ottomans avaient explosé, avaient coulé, s'étaient échoués, avaient été capturés ou étaient très endommagés (mâts abattus par exemple)<ref group=N>On montre encore, en 2009, au fond de l'eau de la baie (là où elle n'est pas trop profonde) les épaves des navires turcs (Robin Barber, ''Greece. Blue Guide.'', A & C Black, Londres, 1987, p. 350. {{ISBN|0393303721}}). Cette information a été vérifiée de visu, mais avec difficultés par un des rédacteurs de l'article.</ref>. Quelques uns s'enfuirent vers leur port d'attache [[Alexandrie]]<ref group=N>Une frégate et dix-sept navires de moindre envergure (D. Haws, « 20 octobre 1827 », in ''op. cit.'', p. 117). Une frégate démâtée, quatre corvettes, six bricks et quatre schooners (ou goélettes) selon Letellier (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 141). Le consul britannique à Alexandrie décrit la flotte de 47 navires qui revint le 29 décembre 1827 : un vaisseau de ligne, 4 frégates et 4 corvettes turques ; une frégate de 60 canons, 5 corvettes, 11 bricks et 21 transports égyptiens. (C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 153).</ref>. À la tombée de la nuit, la flotte ottomane avait perdu une soixantaine de navires<ref group=N>J. Dimakis, ''op. cit.'', p. 106, propose 40 navires turcs et 25 navires égyptiens détruits.</ref>, et comptait {{formatnum:6000}} morts et {{formatnum:4000}} blessés selon l'amiral Codrington. Ces victimes étaient d'origines très diverses : on y trouvait des Arabes, des Grecs, des Nord-Africains, des Slaves et même quelques prisonniers britanniques et américains. Les puissances ne déploraient que 174 morts et 475 blessés (respectivement, 75 morts et 197 blessés britanniques ; 40 morts et 141 blessés français et 59 morts et 137 blessés russes). La plupart avaient été blessés par des éclats de bois. Le propre fils de Codrington, Henry, qui servait sous les ordres de son père sur l’''Asia'' reçut un fragment métallique de balustrade (enlevé par un boulet) et une balle de mousquet dans la même jambe ; il eut aussi une clavicule endommagée par un éclat de bois<ref group=N>Certaines sources confondent le père et le fils et attribuent à tort les blessures du fils au père.</ref>. Les blessés furent assez rapidement soignés dans les « infirmeries » des navires, même s'il fallut en amputer certains sur place. [[Eugène Sue]], alors jeune médecin à bord d'un navire français assista à la bataille dont il fit le récit plus tard<ref>[http://www.bmlisieux.com/archives/navarin.htm Transcription du manuscrit. Bibliothèque de Lisieux].</ref>. En plus des blessés, de nombreux marins ne recouvrèrent l'intégralité de leur audition que deux à trois jours après la bataille, tellement le vacarme des canons avait été assourdissant<ref>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 333.</ref>{{,}}<ref name="Wood140" />.
Vers cinq ou six heures, à la tombée de la nuit, après quatre heures de combats, la bataille cessa{{sfn|Woodhouse|1965|p=140-141}}{{,}}{{sfn|Driault|Lhéritier|1926|p=382}} mais les marins de la flotte des puissances restèrent à leur poste de combat toute la nuit et des incidents se produisirent. Ainsi, vers {{heure|22|30}}, la ''Genoa'' vit s'approcher une frégate, toutes voiles dehors, et d'où s'élevait de la fumée, ce qui en faisait un brûlot potentiel. Avant même que le navire britannique ait pu faire quoi que ce fût, un navire russe envoya une bordée qui fit exploser la frégate non identifiée{{sfn|Woodhouse|1965|p=144}}. Une autre frégate, elle aussi transformée en brûlot<ref group="N">Ou était-ce la même ? C'est le problème des sources.</ref>, menaça dans la nuit le vaisseau amiral russe ainsi que le ''Gangut''. Ce dernier la prit à l'abordage et le marin turc chargé de la mise à feu fut tué la mèche à la main{{sfn|Douin|1927|p=298}}.


[[Image:Battle of Navarin (4552424940).jpg|thumb|left|alt= Gravure du {{s-|XIX}} en couleurs : bataille navale|''Bataille de Navarin'', [[Musée d'Histoire nationale d'Athènes]].]]
Le bilan très lourd du côté ottoman s'explique en partie par les règles édictées par l'[[Empire ottoman]] : aucun navire turc ne devait se rendre (aucun ne se rendit) et les navires qui ne pouvaient être réparés devaient être détruits en les faisant sauter. Codrington essaya d'en dissuader Tahir Pacha le 21 octobre, sans succès. De plus, il semblerait que nombre de « marins » de la flotte ottomane aient été littéralement enchaînés à leur navire et périrent avec eux. Enfin, il n'y avait pas de véritable service médical sur ces navires ; les seuls blessés ottomans soignés furent les prisonniers, à bord des navires des puissances<ref name=Brewer334>D. Brewer, ''op. cit.'', p. 334.</ref>{{,}}<ref name="Wood140" />.

Le lendemain, {{date-|21 octobre 1827-}}, Tahir Pacha se rendit à deux reprises à bord de l’''Asia''. La première fois, les amiraux lui présentèrent un ultimatum adressé à [[Ibrahim Pacha]], toujours absent. Les amiraux insistaient sur le fait que leur flotte était entrée dans la rade sans intention hostile mais pour rappeler les termes du traité de Londres. Ils considéraient qu'ils n'avaient la veille fait que venger une attaque ottomane contre le pavillon allié. Ils n'avaient aucune intention de détruire ce qui restait de la flotte ottomane, sauf si un seul coup de canon ou de mousquet était tiré contre leurs navires. Auquel cas, ils couleraient tout le reste de la flotte ottomane et détruiraient aussi les forts à terre. Si un drapeau blanc flottait avant la fin de la journée sur le fort de Navarin, alors les bonnes relations, suspendues un temps la veille, pourraient reprendre. Lors de sa seconde visite, Tahir Pacha promit que sa flotte ne se livrerait plus à un seul acte hostile envers celle des puissances, mais il ne pouvait se prononcer pour les troupes à terre. Cependant, les amiraux ne cherchèrent pas à imposer leur armistice à Ibrahim Pacha qui arriva à Navarin en fin de journée le {{date-|21 octobre- 1827-}}. Les forts ne tirèrent pas non plus sur la flotte{{sfn|Woodhouse|1965|p=145-146}}.

La flotte des puissances quitta la baie de Navarin le {{date-|25 octobre 1827-}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=145-146}}. Ce qui restait de la flotte ottomano-égyptienne partit en décembre{{sfn|Woodhouse|1965|p=148}}.

{{Clr}}

== Bilan ==
[[Fichier:Le soir de la bataille de Navarin en 1827 (Grèce).jpg|thumb|alt=tableau {{XIXe}} : un navire en partie coulé brûle|''Au soir de la bataille de Navarin'', par [[Auguste Mayer]], [[1848]].]]
[[Fichier:Bataille de Navarin, 20 octobre 1827.jpg|gauche|vignette|upright|''Bataille de Navarin, explosion de la frégate égyptienne L'Isonia, 20 octobre 1827'' ([[Friedrich August Bouterwek]], d'après [[Jean-Charles Langlois]], 1837).]]
Les trois vaisseaux de ligne britanniques avaient à eux seuls tiré cent-vingt tonnes de projectiles et donc utilisé douze tonnes de poudre. Ces chiffres sont en partie dus au fait que les artilleurs ne suivirent pas les règlements. Il était déconseillé (pour ne pas endommager le canon) de tirer plus de deux boulets en même temps. Il semblerait que les artilleurs n'aient pas hésité à mettre plusieurs boulets, avec parfois une charge de mitraille en plus. Ils cherchaient peut-être à être le plus efficace le plus rapidement possible, avec des navires si proches les uns des autres{{sfn|Brewer|2001|p=332}}.

La plupart des navires ottomans avaient explosé, avaient coulé, s'étaient échoués, avaient été capturés ou étaient très endommagés (mâts abattus par exemple)<ref group=N>On montre encore, en 2009, au fond de l'eau de la baie (là où elle n'est pas trop profonde) les épaves des navires turcs (Robin Barber, ''Greece. Blue Guide.'', A & C Black, Londres, 1987, {{p.|350}}. {{ISBN|978-0-393-30372-8}}). Cette information a été vérifiée de visu, mais avec difficultés par un des rédacteurs de l'article.</ref>. Quelques-uns s'enfuirent vers leur port d'attache [[Alexandrie]]<ref group="N">Une frégate et dix-sept navires de moindre envergure (D. Haws, « 20 octobre 1827 », in ''op. cit.'', {{p.|117}}). Une frégate démâtée, quatre corvettes, six bricks et quatre schooners (ou goélettes) selon Letellier {{harv|Woodhouse|1965|p=141}}. Le consul britannique à Alexandrie décrit la flotte de {{nobr|47 navires}} qui revint le 29 décembre 1827 : un vaisseau de ligne, {{nobr|4 frégates}} et {{nobr|4 corvettes}} turques ; une frégate de {{nobr|60 canons}}, {{nobr|5 corvettes}}, {{nobr|11 bricks}} et {{nobr|21 transports}} égyptiens. {{harv|Woodhouse|1965|p=153}}.</ref>. À la tombée de la nuit, la flotte ottomane avait perdu une soixantaine de navires<ref group=N>{{harvsp|Dimakis|1976|p=106}} propose {{nobr|40 navires}} turcs et {{nobr|25 navires}} égyptiens détruits.</ref>, et comptait {{nombre|6000|morts}} et {{nombre|4000|blessés}} selon l'amiral Codrington. Ces victimes étaient d'origines très diverses : on y trouvait des Arabes, des Grecs, des Nord-Africains, des Slaves et même quelques prisonniers britanniques et américains. Les puissances ne déploraient que {{nobr|174 morts}} et {{nobr|475 blessés}} (respectivement, {{nobr|75 morts}} et {{nobr|197 blessés}} britanniques ; {{nobr|40 morts}} et {{nobr|141 blessés}} français et {{nobr|59 morts}} et {{nobr|137 blessés}} russes). La plupart avaient été blessés par des éclats de bois. Le propre fils de Codrington, Henry, qui servait sous les ordres de son père sur l’''Asia'' reçut un fragment métallique de balustrade (enlevé par un boulet) et une balle de mousquet dans la même jambe ; il eut aussi une clavicule endommagée par un éclat de bois<ref group=N>Certaines sources confondent le père et le fils et attribuent à tort les blessures du fils au père.</ref>. Les blessés furent assez rapidement soignés dans les « infirmeries » des navires, même s'il fallut en amputer certains sur place. [[Eugène Sue]], alors jeune médecin à bord d'un navire français assista à la bataille dont il fit le récit plus tard<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Sue|prénom1=Eugène|titre=Combat de Navarin|url=http://www.bmlisieux.com/archives/navarin.htm|site=Royal Keepsake.- Paris : Veuve L. Janet, 1842.|date=2001|consulté le=2020-02-18}}</ref>. En plus des blessés, de nombreux marins ne recouvrèrent l'intégralité de leur audition que deux à trois jours après la bataille, tellement le vacarme des canons avait été assourdissant{{sfn|Brewer|2001|p=333}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=140-141}}.

Le bilan très lourd du côté ottoman s'explique en partie par les règles édictées par l'[[Empire ottoman]] : aucun navire turc ne devait se rendre (aucun ne se rendit) et les navires qui ne pouvaient être réparés devaient être détruits en les faisant sauter. Codrington essaya d'en dissuader Tahir Pacha le 21 octobre, sans succès. De plus, il semblerait que nombre de « marins » de la flotte ottomane aient été littéralement enchaînés à leur navire et périrent avec eux. Enfin, il n'y avait pas de véritable service médical sur ces navires ; les seuls blessés ottomans soignés furent les prisonniers, à bord des navires des puissances{{sfn|Brewer|2001|p=334}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=140-141}}.


Parmi les frégates égyptiennes, la ''Guerrière'' s'échoua puis fut sabordée, l’''Ihsania'' explosa, la ''Souriya'' s'échoua puis coula. Seule la frégate ''Leone'', endommagée fut renflouée (puis renommée ''Sir Djihad'').
Parmi les frégates égyptiennes, la ''Guerrière'' s'échoua puis fut sabordée, l’''Ihsania'' explosa, la ''Souriya'' s'échoua puis coula. Seule la frégate ''Leone'', endommagée fut renflouée (puis renommée ''Sir Djihad'').


Si la flotte ottomano-égyptienne évacua la Grèce, ce ne fut pas le cas des troupes terrestres d'Ibrahim Pacha. Elles se fortifièrent dans les différentes places fortes du Péloponnèse<ref name=Wood148 /> dont elles ne furent chassées que par l'[[Expédition de Morée|expédition militaire française de Morée]] en septembre 1829.
Si la flotte ottomane évacua la Grèce, ce ne fut pas le cas des troupes terrestres d'Ibrahim Pacha. Elles se fortifièrent dans les différentes places fortes du Péloponnèse{{sfn|Woodhouse|1965|p=148}} dont elles ne furent chassées que par l'[[Expédition de Morée|expédition militaire française de Morée]] en septembre 1829.


{{Boîte déroulante début|titre=Estimation des pertes sur les navires alliés<ref>G. Douin, ''Navarin'' et ''Life on Board a Man-of-War''</ref>|contenu=}}
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==Réactions diplomatiques et politiques==
== Réactions diplomatiques et politiques ==
Dès le 21 octobre, Codrington rédigea un rapport préliminaire qu'il confia à [[Henry John Chetwynd-Talbot|Lord Ingestre]] qui partit immédiatement pour [[Londres]]. La nouvelle de la bataille arriva à [[Malte]] et [[Constantinople]] le 29 octobre. Les ambassadeurs des puissances auprès de la Porte vinrent présenter leurs excuses le 2 novembre. La nouvelle arriva à peu près en même temps à Londres, Paris et Saint-Pétersbourg : dans la deuxième semaine de novembre. Les journaux français reçurent la nouvelle tard le 8 novembre : elle ne parut que sous forme de brève dans les éditions du 9 novembre. Seul le ''[[Moniteur universel]]'', qui disposait des rapports officiels, fut plus complet. Son récit fut repris intégralement dans la presse du lendemain. La ''London Gazette'' fit un numéro spécial le 10 novembre, publiant le rapport préliminaire de Codrington. Mais, les réactions étaient ambiguës<ref name=Wood146>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 145-146.</ref>{{,}}<ref>J. Dimakis, ''op. cit.'', p. 101-103.</ref>. Ainsi, la nouvelle de la bataille, suivie de rumeurs de guerre contre les Ottomans, fit baisser les différentes bourses européennes, tandis que les commerçants eurent des craintes pour leurs transactions principalement avec l'Égypte<ref>J. Dimakis, ''op. cit.'', p. 108-109 et 121-124.</ref>.
Dès le {{date-|21 octobre 1827-}}, Codrington rédigea un rapport préliminaire qu'il confia à [[Henry John Chetwynd-Talbot|Lord Ingestre]] qui partit immédiatement pour [[Londres]]. La nouvelle de la bataille arriva à [[Malte]] et [[Constantinople]] le {{date-|29 octobre 1827-}}. Les ambassadeurs des puissances auprès de la Porte vinrent présenter leurs excuses le {{date-|2 novembre 1827-}}. La nouvelle arriva à peu près en même temps à Londres, Paris et Saint-Pétersbourg : dans la deuxième semaine de novembre. Les journaux français reçurent la nouvelle tard le 8 novembre : elle ne parut que sous forme de brève dans les éditions du {{date-|9 novembre 1827-}}. Seul ''[[Le Moniteur universel]]'', qui disposait des rapports officiels, fut plus complet. Son récit fut repris intégralement dans la presse du lendemain. La ''London Gazette'' fit un numéro spécial le {{date-|10 novembre 1827-}}, publiant le rapport préliminaire de Codrington. Mais, les réactions étaient ambiguës{{sfn|Woodhouse|1965|p=145-146}}{{,}}{{sfn|Dimakis|1976|p=101-103}}. Ainsi, la nouvelle de la bataille, suivie de rumeurs de guerre contre les Ottomans, fit baisser les différentes bourses européennes, tandis que les commerçants eurent des craintes pour leurs transactions principalement avec l'Égypte{{sfn|Dimakis|1976|p=108-109 et 121-124}}.


===Les cours===
=== Les cours ===
[[Méhémet Ali]], en [[Égypte]] prit la nouvelle assez calmement. Il blâma la flotte ottomano-égyptienne pour son attitude vis-à-vis de la flotte des puissances : {{citation|Je leur avais dit quelles seraient les conséquences ! Croyaient-ils qu'ils n'avaient affaire qu'aux Grecs ?}} Par contre, il considéra que la flotte des puissances était responsable de la bataille et était l'agresseur. Lorsque la nouvelle atteignit [[Alexandrie]], même si les consuls occidentaux craignirent pour la sécurité de leurs concitoyens, il n'y eut pas d'acte hostile des populations locales envers les étrangers. Le {{date-|9 novembre 1827-}}, le ''[[Raïs|Reis-Effendi]]'' demanda aux ambassadeurs des puissances de reconnaître que leur flotte avait commis une erreur et de verser des compensations financières. Le lendemain, les ambassadeurs repoussèrent ces exigences et par contre réitérèrent leur demande de reconnaissance du traité de Londres. Ils essuyèrent un refus. Finalement, le {{date-|8 décembre 1827-}}, les ambassadeurs quittèrent Constantinople et la Russie dénonça la [[convention d'Akkerman]], préfigurant une [[Guerre russo-turque de 1828-1829|guerre russo-turque]] qui commença en mai 1828{{sfn|Woodhouse|1965|p=149-150}}{{,}}{{sfn|Driault|Lhéritier|1926|p=388-395 et 405}}.
[[File:RecepcionMehmetAli.jpg|thumb|Edward Codrington chez Mehemet Ali, peu de temps après Navarin, par [[David Roberts]], [[1839]].]]
[[Mehemet Ali]], en [[Égypte]] prit la nouvelle assez calmement. Il blâma la flotte ottomano-égyptienne pour son attitude vis-à-vis de la flotte des puissances : « Je leur avais dit quelles seraient les conséquences ! Croyaient-ils qu'ils n'avaient à faire qu'aux Grecs ? » Par contre, il considéra que la flotte des puissances était responsable de la bataille et était l'agresseur. Lorsque la nouvelle atteignit [[Alexandrie]], même si les consuls occidentaux craignirent pour la sécurité de leurs concitoyens, il n'y eut pas d'acte hostile des populations locales envers les étrangers. Le 9 novembre, le ''[[Reis-Effendi]]'' demanda aux ambassadeurs des puissances de reconnaître que leur flotte avait commis une erreur et de verser des compensations financières. Le lendemain, les ambassadeurs repoussèrent ces exigences et par contre réitérèrent leur demande de reconnaissance du traité de Londres. Ils essuyèrent un refus. Finalement, le 8 décembre, les ambassadeurs quittèrent Constantinople et la Russie dénonça la [[convention d'Akkerman]], préfigurant une [[Guerre russo-turque de 1828-1829|guerre russo-turque]] qui commença en mai 1828<ref name=Wood149>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 149-150.</ref>{{,}}<ref>Driault et Lhéritier, ''op. cit.'', p. 388-395 et 405.</ref>.


Le tsar [[Nicolas Ier de Russie|Nicolas I{{er}}]] exprima son enthousiasme et écrivit ses félicitations à Codrington. [[Charles X de France|Charles X]] fut aussi ravi de la nouvelle<ref name=Brewer334 />{{,}}<ref name=Wood149 />. Par contre, les gouvernements français et russes étaient plus modérés : ils auraient préféré que les Ottomans cédassent sans combat<ref>G. Douin, ''op. cit.'', p. 313-314.</ref>. Le ''Moniteur universel'' exprima la position officielle du gouvernement français le 10 novembre. Il annonçait que « l'effroyable lutte qui depuis quatre ans attristait l'humanité a pris fin ; d'un seul coup, la paix est rendue au monde ». Ainsi, pour le gouvernement, la Grèce était affranchie et cesserait ses actes de piraterie contre le commerce occidental. Quant à l'Empire ottoman, il continuait d'exister, mais ne devait pas s'en prendre aux ambassadeurs des puissances. Le gouvernement s'il se réjouissait donc, ne se montrait pas totalement hostile aux Ottomans, ou totalement favorable aux Grecs : la même position qu'avant la bataille<ref>J. Dimakis, ''op. cit.'', p. 134-135.</ref>. Dans son discours du trône du {{date|5|février|1828}}, [[Charles X de France|Charles X]] déclara : « Le combat imprévu de Navarin a été à la fois une occasion de gloire pour nos armes et le gage le plus éclatant de l'union des trois pavillons [français, anglais et russe]<ref>Arch. de Vaulabelle, ''Histoire des deux Restaurations, jusqu’à l'avènement de Louis-Philippe, de janvier 1813 à octobre 1830.'', Perrotin, 1860., p. 411-412.</ref>. »
Le tsar [[Nicolas Ier (empereur de Russie)|Nicolas {{Ier}}]] exprima son enthousiasme et écrivit ses félicitations à Codrington. [[Charles X]] fut aussi ravi de la nouvelle{{sfn|Brewer|2001|p=334}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=149-150}}. Par contre, les gouvernements français et russes étaient plus modérés : ils auraient préféré que les Ottomans cédassent sans combat{{sfn|Douin|1927|p=313-314}}. Le ''Moniteur universel'' exprima la position officielle du gouvernement français le {{date-|10 novembre 1827-}}. Il annonçait que {{citation|l'effroyable lutte qui depuis quatre ans attristait l'humanité a pris fin ; d'un seul coup, la paix est rendue au monde}}. Ainsi, pour le gouvernement, la Grèce était affranchie et cesserait ses actes de piraterie contre le commerce occidental. Quant à l'Empire ottoman, il continuait d'exister, mais ne devait pas s'en prendre aux ambassadeurs des puissances. Le gouvernement s'il se réjouissait donc, ne se montrait pas totalement hostile aux Ottomans, ou totalement favorable aux Grecs : la même position qu'avant la bataille{{sfn|Dimakis|1976|p=134-135}}. Dans son discours du trône du {{date|5|février|1828}}, [[Charles X]] déclara : {{citation|Le combat imprévu de Navarin a été à la fois une occasion de gloire pour nos armes et le gage le plus éclatant de l'union des trois pavillons [français, anglais et russe]}}<ref>Arch. de Vaulabelle, ''Histoire des deux Restaurations, jusqu’à l'avènement de Louis-Philippe, de janvier 1813 à octobre 1830'', Perrotin, 1860, {{p.|411-412}}.</ref>.
[[File:WilliamIVWhileLordHighAdmiral.jpg|thumb|left|Le [[Guillaume IV du Royaume-Uni|duc de Clarence]], en tenue de grand amiral, par William James Ward, [[1827]].]]
Les Britanniques exprimèrent aussi des sentiments mitigés. Le [[Guillaume IV du Royaume-Uni|duc de Clarence]] (futur Guillaume IV) prit sur lui de promouvoir Codrington [[:Catégorie:Chevalier grand-croix de l'ordre du Bain|Grand-croix]] de l'[[ordre du Bain]]. Cependant, le roi [[George IV du Royaume-Uni|Georges IV]], dans son discours du trône de 1828 qualifia l'événement de « ''untoward'' » (fâcheux)<ref group=N>{{en}} [http://hansard.millbanksystems.com/lords/1828/jan/29/kings-speech-opening-the-session Discours du trône au Parlement britannique 29/01/1828]</ref>. Les gouvernements [[tory]] de [[Frederick John Robinson|Goderich]] et [[Arthur Wellesley de Wellington|Wellington]] considéraient comme une erreur d'avoir détruit la flotte d'un État avec lequel le Royaume-Uni n'était pas en guerre, pour une cause, l'indépendance grecque, qui n'en valait pas la peine. Codrington fut rapidement mis en accusation pour avoir outrepassé ses ordres, malgré leur ambiguïté. Dès le 17 novembre, le ''Foreign Secretary'' britannique, Lord Dudley, envoya une série de questions (''Queries'') à l'amiral Codrington qui mettaient en cause son attitude. Le roi aurait dit : {{Citation|Je lui ai envoyé un ruban [de l'ordre du Bain], alors qu'il méritait la corde}}<ref name=Brewer334 />{{,}}<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 152-153 et 163.</ref>.


[[Fichier:WilliamIVWhileLordHighAdmiral.jpg|thumb|upright|left|alt=gravure noir et blanc : un homme âgé en grand uniforme, une longue vue à la main|Le [[Guillaume IV (roi du Royaume-Uni)|duc de Clarence]], en tenue de grand amiral, par William James Ward, [[1827]].]]
[[Klemens Wenzel von Metternich|Metternich]], favorable au maintien de l'équilibre – du statu quo – en Europe s'insurgea contre « un outrage sans équivalent », « une épouvantable catastrophe »<ref>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 162.</ref>.


Les Britanniques exprimèrent aussi des sentiments mitigés. Le [[Guillaume IV (roi du Royaume-Uni)|duc de Clarence]] (futur Guillaume IV) prit sur lui de promouvoir Codrington [[:Catégorie:Chevalier grand-croix de l'ordre du Bain|Grand-croix]] de l'[[ordre du Bain]]. Cependant, le roi [[George IV]], dans son discours du trône de 1828 qualifia l'événement de « ''untoward'' » (fâcheux)<ref group=N>{{en}} [http://hansard.millbanksystems.com/lords/1828/jan/29/kings-speech-opening-the-session Discours du trône au Parlement britannique 29/01/1828]</ref>. Les gouvernements [[tory]] de [[Frederick John Robinson|Goderich]] et [[Arthur Wellesley de Wellington|Wellington]] considéraient comme une erreur d'avoir détruit la flotte d'un État avec lequel le Royaume-Uni n'était pas en guerre, pour une cause, l'indépendance grecque, qui n'en valait pas la peine. Codrington fut rapidement mis en accusation pour avoir outrepassé ses ordres, malgré leur ambiguïté. Dès le {{date-|17 novembre 1827-}}, le ''Foreign Secretary'' britannique, Lord Dudley, envoya une série de questions (''Queries'') à l'amiral Codrington qui mettaient en cause son attitude. Le roi aurait dit : {{Citation|Je lui ai envoyé un ruban [de l'ordre du Bain], alors qu'il méritait la corde}}{{sfn|Brewer|2001|p=334}}{{,}}{{sfn|Woodhouse|1965|p=152-153 et 163}}.
===Les opinions publiques===
Les opinions publiques française et britannique furent ravies de cette victoire. Elles s'exaltèrent des actes de bravoure de leurs marins, dont de plus en plus furent inventés pour les satisfaire. La salle de spectacles, le [[Panorama#Fresque en trompe-l'œil|Panorama]] du [[The Strand|Strand]] proposa quelques semaines après la bataille une fresque panoramique l'illustrant et, dès le début de 1828, son directeur en avait fait imprimer des reproductions accompagnées d'un récit. En France, l'annonce de la victoire coïncida avec les élections législatives qui virent la défaite de [[Joseph de Villèle|Villèle]] et la victoire des libéraux. On célébrait de plus le renouveau de la flotte de guerre française<ref name=Wood151>C. M. Woodhouse, ''Navarino'', p. 151.</ref>{{,}}<ref>Driault et Lhéritier, ''op. cit.'', p. 384.</ref>. Les journaux d'opposition en France accusèrent cependant le gouvernement de jouer sur la popularité de la cause grecque, et en se faisant son champion via la victoire de Navarin de l'utiliser à des fins électoralistes. De leur côté, ils appelaient à faire avec des élections<ref group=N>Au [[suffrage censitaire]] pour un peu plus de {{formatnum:80000}} électeurs</ref> le Navarin des « Ibrahim de France »<ref>J. Dimakis, ''op. cit.'', p. 135-151.</ref>.
[[File:News of Navarino.JPG|thumb|''Les Grecs reçoivent la nouvelle du combat de Navarin'', gravure de [[1827]] par [[Hippolyte Bellangé]], Collection R.Puaux, forteresse de Pylos.]]
En Grèce, l'enthousiasme populaire fut immense, jusque dans les rues des quartiers à majorité grecque de [[Constantinople]]<ref>Driault et Lhéritier, ''op. cit.'', p. 384-385 et 388.</ref>.


[[Klemens Wenzel von Metternich|Metternich]], favorable au maintien de l'équilibre — du statu quo — en Europe s'insurgea contre « un outrage sans équivalent », « une épouvantable catastrophe »{{sfn|Woodhouse|1965|p=162}}.
===L'indépendance de la Grèce ?===
La quasi-totalité des ouvrages présente la bataille de Navarin comme ayant entraîné l'indépendance de la Grèce. En fait, l'effet ne fut pas immédiat. La bataille fut une étape décisive : elle paralysa les troupes égyptiennes qui ne pouvaient plus recevoir de soutien logistique. Cependant, il fallut l'[[Expédition de Morée|expédition française de Morée]] (1828-1833) pour les obliger à quitter le territoire grec. Les combats se poursuivaient par ailleurs entre les Grecs et les Turcs comme avec la reconquête grecque de [[Siège de Missolonghi#Épilogue : la reconquête|Missolonghi]] (mai 1829). La Porte n'accepta les termes du [[traité de Londres (1827)|traité de Londres]] de 1827 que dans le [[Traité d'Andrinople]] de 1829 qui mettait fin à la [[guerre russo-turque de 1828-1829]]<ref>Brunet de Presle et Alexandre Blanchet, ''Grèce depuis la conquête ottomane jusqu'à nos jours'', Firmin Didot Frères, Paris, 1860, p. 551-561</ref>.


=== Les opinions publiques ===
==Commémoration==
Les opinions publiques française et britannique furent ravies de cette victoire. Elles s'exaltèrent des actes de bravoure de leurs marins, dont de plus en plus furent inventés pour les satisfaire. La salle de spectacles, le [[Panorama#Fresque en trompe-l'œil|Panorama]] du [[The Strand|Strand]] proposa quelques semaines après la bataille une fresque panoramique l'illustrant et, dès le début de 1828, son directeur en avait fait imprimer des reproductions accompagnées d'un récit. En France, l'annonce de la victoire coïncida avec les élections législatives qui virent la défaite de [[Joseph de Villèle|Villèle]] et la victoire des libéraux. On célébrait de plus le renouveau de la flotte de guerre française{{sfn|Woodhouse|1965|p=151}}{{,}}{{sfn|Driault|Lhéritier|1926|p=384}}. Les journaux d'opposition en France accusèrent cependant le gouvernement de jouer sur la popularité de la cause grecque, et en se faisant son champion via la victoire de Navarin de l'utiliser à des fins électoralistes. De leur côté, ils appelaient à faire avec des élections<ref group=N>Au [[suffrage censitaire]] pour un peu plus de {{nombre|80000|électeurs}}</ref> le Navarin des « Ibrahim de France »{{sfn|Dimakis|1976|p=135-151}}.
===Réactions artistiques===
La bataille inspira de nombreux poètes philhellènes, qui la célébrèrent et, avec elle, la libération de la Grèce. Dans ses ''Orientales'', [[Victor Hugo]] écrivit dès le 23 novembre 1827, le poème « Navarin » qui contient ces vers :


[[Fichier:News of Navarino.JPG|thumb|upright|alt=gravure noir et blanc : une foule en liesse et en costume traditionnel grec devant des colonnes antiques|''Les Grecs reçoivent la nouvelle du combat de Navarin'', gravure de [[1827]] par [[Hippolyte Bellangé]], Collection R.Puaux, forteresse de Pylos.]]
::::{{Citation|La Grèce est libre et dans la tombe<br />Byron applaudit Navarin.<ref group=N>[http://fr.wikisource.org/wiki/Navarin L'intégralité du poème sur Wikisource]</ref>}}


En Grèce, l'enthousiasme populaire fut immense, jusque dans les rues des quartiers à majorité grecque de [[Constantinople]]{{sfn|Driault|Lhéritier|1926|p=384-385 et 388}}.
En 1828, J.C. Amy écrivit une [[ode]], ''La Bataille de Navarin''<ref group=N>[http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5471059t.image.r=navarin.f3.langFR lire sur Gallica]</ref>, tandis qu'un anonyme français, offrait des ''Étrennes aux Grecs. La bataille de Navarin, chant héroïque par M.***''<ref group=N>[http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5467636g.image.r=navarin.f2.langFR# lire sur Gallica]</ref>. Stefano Egidio Petroni, Italien exilé en Grande-Bretagne et auteur de longs poèmes historiques, remania son histoire de la marine anglaise depuis le roi [[Alfred le Grand|Alfred]] pour y ajouter un chant sur Navarin<ref>C. M. Woodhouse, ''op. cit.'', p. 152.</ref>.


=== L'indépendance de la Grèce ? ===
Hormis l'opuscule illustré par le panorama de la salle du même nom sur le Strand, publié dès 1828 par son directeur, Robert Burford, d'autres recueils d'illustrations parurent la même année, pour profiter de l'engouement populaire. L'illustrateur J. T. Lee publia les siennes dès le 18 janvier : il se proposa même de les vendre à Codrington. Le peintre de marine [[George Philip Reinagle]], qui était à bord de la ''Mosquito'' peignit la bataille, mais dès 1828 aussi, il en fit paraître des gravures<ref name=Wood151 />.
La quasi-totalité des ouvrages présente la bataille de Navarin comme ayant entraîné l'indépendance de la Grèce. En fait, l'effet ne fut pas immédiat. La bataille fut une étape décisive : elle paralysa les troupes égyptiennes qui ne pouvaient plus recevoir de soutien logistique. Cependant, il fallut l'[[Expédition de Morée|expédition française de Morée]] (1828-1829) pour les obliger à quitter le territoire grec. Les combats se poursuivaient par ailleurs entre les Grecs et les Turcs comme avec la reconquête grecque de [[Siège de Missolonghi#Épilogue : reconquête|Missolonghi]] (mai 1829). La Porte n'accepta les termes du [[traité de Londres (1827)|traité de Londres]] de 1827 que dans le [[Traité d'Andrinople (1829)|Traité d'Andrinople]] de 1829 qui mettait fin à la [[guerre russo-turque de 1828-1829]]{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=551-561}}.


== Commémoration ==
===Hommages en Grèce===
=== Réactions artistiques ===
Dès sa création, les trois amiraux se virent décerner l'[[Ordre du Sauveur]]. Le {{date|9|juillet|1851}}, après la mort de l'amiral Codrington, le [[parlement hellénique]] vota une motion lui rendant directement hommage. Il y associa les noms des amiraux français, de Rigny, et russe, Heyden. Il décida de poser dans l'enceinte du parlement une plaque commémorative, avec les noms des trois amiraux, surmontés d'une couronne de lauriers, à côté de celle consacrée à Lord Byron<ref>C. M. Woodhouse, ''op. cit.'', p. 177 et 179.</ref>.
La bataille inspira de nombreux poètes philhellènes, qui la célébrèrent et, avec elle, la libération de la Grèce. Dans ses ''Orientales'', [[Victor Hugo]] écrivit dès le {{date-|23 novembre 1827}}, le poème « Navarin » qui contient ces vers :


{{Vers|texte=
Des monuments ont été élevés aux marins des puissances morts pendant la bataille. Le monument aux marins britanniques est sur l'îlot au centre de la baie, Khélonaki. Le monument aux marins russes, élevé en [[1872]] et financé par la [[Olga Constantinovna de Russie|reine Olga]], est sur [[Sphactérie]], au creux de la baie de Panagoula, à côté d'une chapelle grecque blanche et d'une chapelle russe en bois. Un monument sur l'un des îlots-récifs, appelé aussi Pylos, à l'entrée de la baie, datant de [[1890]], recouvre les restes, transférés là pour l'occasion, des marins français tués lors de la bataille, ainsi que des soldats français morts lors de l'[[expédition de Morée]]<ref name="Barb350">Robin Barber, ''Greece. Blue Guide.'', A & C Black, Londres, 1987, p. 349-350 {{ISBN|0393303721}}.</ref>{{,}}<ref>G. Fougères, ''Grèce. Guide Joanne.'', Hachette, 1911, p. 451.</ref>. Un monument aux trois amiraux, accompagné de deux canons, orne le centre de la place centrale de la [[Pylos|Pylos moderne]]<ref name="Barb350" />. Tous les 20 octobre, la ville commémore le souvenir de la bataille. Trois frégates (une française, une britannique et une russe) viennent à cette occasion dans la baie<ref>''Grèce continentale. Guide bleu.'', Hachette, Paris, 2006, p. 376 {{ISBN|201243892x}}.</ref>.
La Grèce est libre et dans la tombe
Byron applaudit Navarin<ref group=N>[[s:Navarin|L'intégralité du poème sur Wikisource]]</ref>.
}}

En 1828, J.C. Amy écrivit une [[ode]], ''La Bataille de Navarin''<ref group=N>[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5471059t.image.r=navarin.f3.langFR lire sur Gallica]</ref>, tandis qu'un anonyme français, offrait des ''Étrennes aux Grecs. La bataille de Navarin, chant héroïque par M.***''<ref group=N>[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5467636g.image.r=navarin.f2.langFR# lire sur Gallica]</ref>. Stefano Egidio Petroni, Italien exilé en Grande-Bretagne et auteur de longs poèmes historiques, remania son histoire de la marine anglaise depuis le roi [[Alfred le Grand|Alfred]] pour y ajouter un chant sur Navarin{{sfn|Woodhouse|1965|p=152}}.

Hormis l'opuscule illustré par le panorama de la salle du même nom sur le Strand, publié dès 1828 par son directeur, Robert Burford, d'autres recueils d'illustrations parurent la même année, pour profiter de l'engouement populaire. L'illustrateur J. T. Lee publia les siennes dès le 18 janvier : il se proposa même de les vendre à Codrington. Le dessinateur français [[Philéas Salvator Lévilly]] produisit également un album. Le peintre de marine [[George Philip Reinagle]], qui était à bord de la ''Mosquito'' peignit la bataille, mais dès 1828 aussi, il en fit paraître des gravures{{sfn|Woodhouse|1965|p=151}}.

Le romancier belge Henri Moke fit paraître en 1832 ''La Bataille de Navarin ou le Renégat''.

=== Hommages en Grèce ===
Dès sa création, les trois amiraux se virent décerner l'[[Ordre du Sauveur]]. Le {{date|9|juillet|1851}}, après la mort de l'amiral Codrington, le [[parlement grec]] vota une motion lui rendant directement hommage. Il y associa les noms des amiraux français, Rigny, et russe, Heyden. Il décida de poser dans l'enceinte du parlement une plaque commémorative, avec les noms des trois amiraux, surmontés d'une couronne de lauriers, à côté de celle consacrée à Lord Byron{{sfn|Woodhouse|1965|p=177-179}}.

Des monuments ont été élevés aux marins des puissances morts pendant la bataille. Le monument aux marins britanniques est sur l'îlot au centre de la baie, Khélonaki. Le monument aux marins russes, élevé en [[1872]] et financé par la [[Olga Constantinovna de Russie|reine Olga]], est sur [[Sphactérie]], au creux de la baie de Panagoula, à côté d'une chapelle grecque blanche et d'une chapelle russe en bois. Un monument sur l'un des îlots-récifs, appelé aussi Pylos, à l'entrée de la baie, datant de [[1890]], recouvre les restes, transférés là pour l'occasion, des marins français tués lors de la bataille, ainsi que des soldats français morts lors de l'[[expédition de Morée]]<ref name="Barb350">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Robin|nom1=Barber|auteur2=John Flower|responsabilité2=maps and plans|titre=Greece|passage=349-350|lieu=London|éditeur=A & C Black|collection=Blue guide|année=1987|pages totales=774|isbn=978-0-393-30372-8}}</ref>{{,}}<ref>G. Fougères, ''Grèce. Guide Joanne'', Hachette, 1911, {{p.|451}}.</ref>. Un monument aux trois amiraux, accompagné de deux canons, orne le centre de la place centrale de la [[Pylos|Pylos moderne]]<ref name="Barb350"/>. Tous les 20 octobre, la ville commémore le souvenir de la bataille. Trois frégates (une française, une britannique et une russe) viennent à cette occasion dans la baie<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Nathalie Pujo|directeur1=oui|titre=Grèce continentale|passage=376|lieu=Paris|éditeur=Hachette Tourisme|collection=Guides bleus|année=2006|date=|pages totales=671|isbn=978-2-012-43892-7}}</ref>.


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File:Monument Codrington.JPG|Monument aux trois amiraux. Place centrale de Pylos : Codrington.
File:Monument Codrington.JPG|alt=Face d'un obélisque de marbre blanc avec un médaillon représentant un profil dans une couronne de laurier|Monument aux trois amiraux. Place centrale de Pylos : Codrington.
File:Monument de Rigny.JPG|Monument aux trois amiraux. Place centrale de Pylos : de Rigny.
File:Monument de Rigny.JPG|alt=Face d'un obélisque de marbre blanc avec un médaillon représentant un profil dans une couronne de laurier|Monument aux trois amiraux. Place centrale de Pylos : de Rigny.
File:Monument Heyden.JPG|Monument aux trois amiraux. Place centrale de Pylos : Heyden.
File:Monument Heyden.JPG|alt=Face d'un obélisque de marbre blanc avec un médaillon représentant un profil dans une couronne de laurier|Monument aux trois amiraux. Place centrale de Pylos : Heyden.
File:Monument France.JPG|alt=obélisque de marbre blanc|Monument aux morts français. Îlot de Pylos.
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File:Monument Russian chapel.JPG|alt=clocher rond d'un bâtiment en bois|Chapelle du monument russe. Île de Sphactérie.
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File:Monument Great Britain.JPG|alt=paysage d'île ; dans la végétation se devine un parallélépipède de marbre blanc au sommet d'une pente aménagée|Monument commémoratif britannique. Îlot de Khélonaki.
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File:Monument France.JPG|Monument aux morts français. Îlot de Pylos.
File:Monument Russian chapel.JPG|Chapelle du monument russe. Île de Sphactérie.
File:Monument Great Britain.JPG|Monument commémoratif britannique. Îlot de Khélonaki.
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=== Hommage en France ===
Une exposition se tient du {{date-|3 novembre- 1927-}} au {{date-|24 novembre 1927}} à la bibliothèque nationale de France<ref>{{lien web|langue=fr|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6533910n/f1.image|titre=Le centenaire de Navarin, 1827-1927 : exposition du 3 au 24 novembre|site=Gallica|consulté le=12 décembre 2013}}</ref>.


== Annexes ==
== Annexes ==
{{Autres projets
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}}

=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Bataille de Sphactérie]], durant l’Antiquité, au même endroit.
* [[Bataille de Sphactérie]], durant l’Antiquité, au même endroit.
Ligne 512 : Ligne 762 :


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
* {{fr}} [http://visualiseur.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96067j/f505.table Traité de Londres sur Gallica (p. 454)]
* {{fr}} [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96067j/f505.table Traité de Londres sur Gallica ({{p.|454}})]
* {{fr}} [http://blog.bnf.fr/gallica/index.php/2013/08/20/navarin-un-plan-de-la-bataille/ Navarin : un plan de la bataille sur Gallica]
* {{en}} [http://hansard.millbanksystems.com/commons/1830/may/24/greece Rappel des ordres donnés aux amiraux, débat à la Chambre des Communes 24/05/1830]
* {{en}} [http://hansard.millbanksystems.com/commons/1830/may/24/greece Rappel des ordres donnés aux amiraux, débat à la Chambre des Communes 24/05/1830]
* {{en}} [http://hansard.millbanksystems.com/commons/1834/jun/17/battle-of-navarino Débat à la Chambre des Communes 17/06/1834]
* {{en}} [http://hansard.millbanksystems.com/commons/1834/jun/17/battle-of-navarino Débat à la Chambre des Communes 17/06/1834]
* {{en}} [http://www.nmm.ac.uk/server/show/conWebDoc.15169 Cartes du National Maritime Museum]
* {{en}} [http://www.nmm.ac.uk/server/show/conWebDoc.15169 Cartes du National Maritime Museum]
* {{fr}} [http://www.bmlisieux.com/archives/navarin.htm Description de la bataille, bibliothèque de Lisieux]. Transcription du manuscrit d'[[Eugène Sue]]
* {{fr}} [http://www.bmlisieux.com/archives/navarin.htm Description de la bataille, bibliothèque de Lisieux]. Transcription du manuscrit d'[[Eugène Sue]]
* {{en}} [http://snowy.arsc.alaska.edu/gutenberg/1/2/4/7/12477/12477-8.txt Description de la bataille par un officier britannique]
* {{en}} [http://snowy.arsc.alaska.edu/gutenberg/1/2/4/7/12477/12477-8.txt Description de la bataille par un officier britannique]
* William James (''Naval History of Great Britain'') propose :
* William James (''Naval History of Great Britain'') propose :
** {{en}} [http://www.pbenyon.plus.com/Naval_History/Vol_VI/P_471.html Un récit détaillé de la bataille]
** {{en}} [http://www.pbenyon.plus.com/Naval_History/Vol_VI/P_471.html Un récit détaillé de la bataille]
** {{en}} [http://www.pbenyon.plus.com/Naval_History/Vol_VI/P_485.html Des chiffres et faits concernant la bataille] dont le rapport par Codrington lui-même à l'Amirauté britannique
** {{en}} [http://www.pbenyon.plus.com/Naval_History/Vol_VI/P_485.html Des chiffres et faits concernant la bataille] dont le rapport par Codrington lui-même à l'Amirauté britannique


=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
====Généralités====
==== Généralités ====
* {{en}} ''An Index of events in the military history of the greek nation.'', Hellenic Army General Staff, Army History Directorate, Athènes, 1998. {{ISBN|960-7897-27-7}}
* {{Ouvrage | langue = en| nom1 = Hellenic Army General Staff| titre = An Index of events in the military history of the greek nation | numéro d'édition = 1 | éditeur = Hellenic Army General Staff, Army History Directorate | lieu = Athènes | année = 1998 | pages totales = 471 | isbn = 978-960-7897-27-5 }}.
* {{el}} Collectif, ''Ὶστορία τοῦ Ὲλληνικοῦ Ἔθνους.'', tome 1, volume 2, ''Η Ὲλληνικὴ Ἐπανάσταση.'', Έκδοτικὴ Άθηνῶν A.E, 1975. {{ISBN|960213108x}}
* {{Ouvrage | langue = el | nom1 = Collectif | titre = Ἱστορία τοῦ Ἐλληνικοῦ Ἔθνους | sous-titre = Ἑλληνικὴ Ἐπανάσταση | éditeur = Ἐκδοτικὴ Ἀθηνῶν A.E | lieu = Athènes | année = 1975 | tome = 1 | volume = 2 | pages totales = 656 | isbn = 978-960-213-108-4 }}.
* {{en}} R. C. Anderson, ''Naval Wars in the Levant.'', Princeton U.P., Princeton, 1952.
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = Roger Charles | nom1 = Anderson | titre = Naval Wars in the Levant (1559-1853) | éditeur = Princeton U. P. | lieu = Princeton | année = 1952 | pages totales = 619 | isbn = }}.
* {{en}} Gary J. Bass, ''Freedom's Battle. The Origins of Humanitarian Intervention.'', Alfred A. Knopf, New York, 2008. {{ISBN|9780307266484}}
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = Gary J. | nom1 = Bass | titre = Freedom's Battle | sous-titre = The Origins of Humanitarian Intervention | éditeur = Alfred A. Knopf | lieu = [[New York]] | année = 2008 | pages totales = 509 | isbn = 9780307266484 }}.
* {{en}} David Brewer, ''The Greek War of Independence. The Struggle for Freedom from Ottoman Oppression and the Birth of the Modern Greek Nation.'', The Overlook Press, New York, 2001. {{ISBN|1585673951}}
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = David | nom1 = Brewer | titre = The Greek War of Independence | sous-titre = The Struggle for Freedom from Ottoman Oppression and the Birth of the Modern Greek Nation | éditeur = The Overlook Press | lieu = [[New York]] | année = 2001 | pages totales = 393 | isbn = 978-1-58567-395-7 | lccn = 2001036211 }}.
* {{fr}} Brunet de Presle et Alexandre Blanchet, ''Grèce depuis la conquête romaine jusqu’à nos jours.'', Firmin Didot, 1860.
* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Wladimir | nom1 = Brunet de Presle | lien auteur1 = Wladimir Brunet de Presle |prénom2 = Alexandre | nom2 = Blanchet | titre = Grèce depuis la conquête romaine jusqu’à nos jours | lien éditeur = Firmin Didot | éditeur = Firmin Didot | lieu = Paris | année = 1860 | pages totales = 589 }}.
* {{en}} Richard Clogg, ''A Concise History of Greece.'', Cambridge U.P., 1992. {{ISBN|0-521-37830-3}}
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = Richard | nom1 = Clogg | titre = A Concise History of Greece | lien éditeur = Cambridge University Press | éditeur = Cambridge U.P. | lieu = Cambridge | année = 1992 | pages totales = 257 | format = poche | isbn = 978-0-521-37830-7 | lccn = 91025872 }}.
* {{fr}} Georges Contogeorgis, ''Histoire de la Grèce'', Coll. Nations d’Europe, Hatier, 1992. {{ISBN|2-218-03-841-2}}
* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Georges | nom1 = Contogeorgis | lien auteur1 = Georges Contogeorgis | titre = Histoire de la Grèce | lien éditeur = Hatier | éditeur = Hatier|collection=Nations d'Europe | lieu = Paris | année = 1992 | pages totales = 477 | isbn = 978-2-218-03841-9 }}.
* {{fr}} Jean Dimakis, ''La Presse française face à la chute de Missolonghi et à la bataille navale de Navarin. Recherches sur les sources du philhellénisme français.'', Institute for Balkan Studies, Thessalonique, 1976.
* {{fr}} {{ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean|nom1=Dimakis|titre=La Presse française face à la chute de Missolonghi et à la bataille navale de Navarin|sous-titre=Recherches sur les sources du philhellénisme français|éditeur=Institute for Balkan Studies|lieu=[[Thessalonique]]|année=1976|pages totales=480}}.
* {{fr}} Édouard Driault et Michel Lhéritier, ''Histoire diplomatique de la Grèce de 1821 à nos jours.'', Tome I, Paris, PUF, 1925.
* {{fr}} {{ouvrage|langue=fr|prénom1=Édouard|nom1=Driault|prénom2=Michel|nom2=Lhéritier|titre=Histoire diplomatique de la Grèce de 1821 à nos jours|sous-titre=L'Insurrection et l'Indépendance (1821-1830)|éditeur=PUF|année=1926|tome=I}}.
* {{fr}} Duncan Haws, ''Les Bateaux et la mer. Histoire de la navigation et des combats sur mer de l'Antiquité à nos jours.'', Plantyn, Annecy-le-Vieux, 1976.
*{{Ouvrage|langue=French|auteur1=|prénom1=Duncan|nom1=Haws|traducteur=Yvette Gogue et Ghislaine Gustin|langue originale=en|titre=Les Bateaux et la mer: histoire de la navigation et des combats sur mer de l'Antiquité à nos jours|lieu=Annecy-le-Vieux|éditeur=Plantyn|date=1976|isbn=|oclc=84439230}}
*{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Samuel Gridley|nom1=Howe|titre=Historical sketch of the greek revolution|éditeur=British Library, Historic|année=2011|année première édition=1828|pages totales=447|isbn=978-1-241-45021-2}}.
* {{en}} Samuel G. Howe, ''An Historical Sketch of the Greek Revolution.'', Xhite, Gallaher and White, New York, 1828.
* {{en}} W. A. Phillips, ''The War of Greek Independence 1821 to 1833.'', New York, Charles Scribner's Sons, 1897.
* {{en}} W. A. Phillips, ''The War of Greek Independence 1821 to 1833.'', New York, Charles Scribner's Sons, 1897.
* {{en}} C. M. Woodhouse, ''The Philhellenes.'', Hodder et Stoughton, Londres, 1969. {{ISBN|34010824x}}
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = C. M. | nom1 = Woodhouse | titre = The Philhellenes | éditeur = Hodder et Stoughton | lieu = Londres | année = 1969 | pages totales = 192 | isbn = 034010824X }}.


====Ouvrages sur la bataille====
==== Ouvrages sur la bataille ====
* {{fr}} Georges Douin, ''Navarin : (6 Juillet-20 Octobre 1827)'', Institut Français d'Archéologie Orientale du Caire, Le Caire, 1927.
* {{fr}} {{ouvrage|langue=fr|prénom1=Georges|nom1=Douin|titre=Navarin|sous-titre=(6 juillet-20 octobre 1827)|éditeur=Institut français d'archéologie orientale du Caire|année=1927}}.
* {{fr}} Eugène Bogdanovitch, ''La Bataille de Navarin d'après des documents inédits des archives impériales russes.'', G. Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1897.
* {{fr}} Eugène Bogdanovitch, ''La Bataille de Navarin d'après des documents inédits des archives impériales russes.'', G. Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1897.
* {{en}} C. M Woodhouse, ''The Battle of Navarino'', Hodder and Stoughton, 1965.
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = C. M. | nom1 = Woodhouse | titre = The Battle of Navarino | éditeur = Hodder et Stoughton | lieu = Londres | année = 1965}}


====Récits de témoin====
==== Récits de témoin ====
* {{en}} ''Life on Board a Man-of-War, including a full Account of the Battle of Navarino. By a British Seaman.'', Blackie & Fullarton, Glasgow, 1829. [http://books.google.com/books?id=kT4IAAAAQAAJ&pg=PA1&dq=life+aboard+a+man+of+war&as_brr=1&hl=fr lire sur Googlebooks]. Réédité par Bastian Books, 2008. {{ISBN|978-0554907550}}
* {{en}} ''Life on Board a Man-of-War, including a full Account of the Battle of Navarino. By a British Seaman.'', Blackie & Fullarton, Glasgow, 1829. [https://books.google.com/books?id=kT4IAAAAQAAJ&pg=PA1&dq=life+aboard+a+man+of+war&as_brr=1&hl=fr lire sur Googlebooks]. Réédité par Bastian Books, 2008. {{ISBN|978-0554907550}}
* {{en}} John Harvey Boteler, ''Recollections of My Sea Life from 1808 to 1830'', 1883 à compte d'auteur. Réédité par la Navy Records Society, 1942. {{ASIN|B001QMFIM6}}
* {{en}} John Harvey Boteler, ''Recollections of My Sea Life from 1808 to 1830'', 1883 à compte d'auteur. Réédité par la Navy Records Society, 1942. {{ASIN|B001QMFIM6}}
* {{fr}} J. M. V. Kerviler, « Souvenirs d'un vieux capitaine de frégate : la bataille de Navarin. », ''Revue de Bretagne et de Vendée'', mars 1891. [http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-453812&M=chemindefer lire sur Gallica]
* {{fr}} J. M. V. Kerviler, « Souvenirs d'un vieux capitaine de frégate : la bataille de Navarin. », ''Revue de Bretagne et de Vendée'', mars 1891. [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k453812d lire sur Gallica]


====Article====
==== Articles ====
* {{en}} Steven Schwartzberg, « The Lion and the Phoenix - II », ''Middle Eastern Studies'', vol. 24, n° 3 (Juillet 1988), pp. 287-311.
* {{Article |langue=en |prénom1=Steven|nom1=Schwartzberg |titre= The Lion and the Phoenix - II |périodique=Middle Eastern Studies |volume=24 |numéro=3 |mois=juillet |année=1988 |pages=287-311 }}.
* {{fr}} André de Voulx, « Coopération de la régence d'Alger à la guerre de l'indépendance grecque », ''Revue africaine. Journal des travaux de la Société historique algérienne.'', {{n°|12}}, 1856 ; {{n°|2}}, 1857 ; {{n°|4}}, 1857 ; {{n°|8}}, 1857 ; {{n°|12}}, 1857. [https://gallica.bnf.fr/searchInPeriodique?spe=indépendance+grecque&arkPress=cb328562033%2Fdate&n=15&p=1&pageNumber=3 Lire sur Gallica]
*{{Article |langue=fr |auteur1=Pierre Grumberg |titre=A Navarin, l'empire Ottoman perd la Grèce |périodique=[[Guerres & Histoire]] N°59 |date=février 2021 |issn=2115-967X |lire en ligne= |pages=72-77 }}


==Notes et références==
== Notes et références ==
=== Notes ===
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===Références===
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=== Références ===
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[[es:Batalla de Navarino]]
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[[ko:나바리노 해전]]
[[nl:Zeeslag bij Navarino]]
[[pl:Bitwa pod Navarino (1827)]]
[[pt:Batalha de Navarino]]
[[ru:Наваринское сражение]]
[[tr:Navarin Deniz Savaşı]]
[[uk:Наваринська битва]]
[[ur:جنگ نوارینو]]

Dernière version du 17 novembre 2024 à 23:33

Bataille de Navarin
Description de cette image, également commentée ci-après
La bataille de Navarin peinte par Garneray.
Informations générales
Date
Lieu Baie de Navarin, sud-ouest du Péloponnèse, Grèce
Issue Victoire de la coalition du Royaume-Uni, de la France et de la Russie
Belligérants
Drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande
Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Drapeau de l'Empire russe Empire russe
Drapeau de l'Empire ottoman Empire ottoman
Flag of the Ottoman Empire (1453-1844) Province ottomane d'Égypte
Flag of Ottoman Algiers Régence d'Alger
Flag of the Beylik of Tunis (1831-1881) Beylicat de Tunis
Commandants
Drapeau du Royaume-Uni Edward Codrington (Royal Navy)
Drapeau de la France Henri de Rigny (Marine Royale de France)
Drapeau de la Russie Login Van Geiden (Marine impériale russe)
Tahir Pacha
Moharrem Bey (flotte égyptienne)
Kiutchuck Mohamed (Tunis)
Forces en présence
27 navires Entre 80 et 90 navires
Pertes
174 morts
475 blessés
6 000 morts (est.)
4 000 blessés (est.)
60 navires détruits (est.)

Guerre d'indépendance grecque

Batailles

Coordonnées 36° 56′ 09″ nord, 21° 41′ 16″ est
Géolocalisation sur la carte : Grèce
(Voir situation sur carte : Grèce)
Bataille de Navarin

La bataille de Navarin est une bataille navale qui s'est déroulée le , dans la baie de Navarin (ouest du Péloponnèse), entre la flotte ottomane et une flotte franco-russo-britannique dans le cadre de l'intervention de ces trois puissances lors de la guerre d'indépendance grecque. À l'issue des combats, la défaite ottomane est totale. Et qui avait aussi pour but de détruire la puissance maritime Algérienne et Ottomane.

La bataille de Navarin est considérée comme la dernière grande bataille navale de la marine à voile[1], avant l'avènement des navires à vapeur, des cuirassés et des obus[2], mais aussi comme une étape décisive vers l'indépendance de la Grèce et comme l'une des premières « interventions sous un prétexte humanitaire » de l'histoire[3].

Par le traité de Londres du , la France, le Royaume-Uni et la Russie étaient convenus d'intervenir entre les belligérants de la guerre d'indépendance grecque pour faire cesser les « effusions de sang ». Une flotte tripartite, commandée par Edward Codrington, Henri de Rigny et Login Van Geiden fut envoyée avec ce but.

Après avoir réussi à empêcher divers affrontements, les amiraux décidèrent de faire une démonstration de force dans la baie de Navarin où se trouvait la flotte ottomane, essentiellement composée de navires turcs et égyptiens[N 1]. Celle-ci était ancrée dans une disposition destinée à impressionner la flotte des puissances qu'elle attendait. Des coups de feu tirés d'un navire ottoman, avant que tout ordre ait été donné en ce sens, entraînèrent une bataille qui n'était projetée par aucun des deux adversaires.

Malgré leur infériorité numérique, les navires des puissances étaient largement supérieurs à leurs adversaires. Dans un combat qui se déroula pratiquement à l'ancre et à bout portant, leurs artilleurs firent des ravages dans la flotte ottomane. Les plus petits navires de la flotte des puissances, qui ne s'ancrèrent pas, remplirent avec succès leur mission de neutraliser les brûlots, l'arme ottomane la plus redoutable, ce qui aida à la victoire finale.

Sans perdre un seul navire, mais après avoir subi d'importants dégâts, la flotte franco-russo-britannique détruisit une soixantaine de navires ottomans.

La guerre d'indépendance grecque

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En 1821, les Grecs s’étaient révoltés contre l’occupation ottomane. Ils avaient d’abord remporté de nombreuses victoires et proclamé leur indépendance en . Les victoires grecques avaient été de courte durée, en partie parce que les insurgés s'étaient rapidement déchirés entre factions rivales au cours de deux guerres civiles. Le sultan Mahmoud II avait appelé à l’aide son vassal égyptien Méhémet Ali qui, en 1824, avait dépêché en Grèce son fils Ibrahim Pacha avec une flotte et d'abord 8 000 puis 25 000 hommes. L’intervention d’Ibrahim fut décisive : le Péloponnèse avait été reconquis en 1825 ; le verrou de Missolonghi était tombé en 1826 ; Athènes avait été prise en 1827. Il ne restait plus alors à la Grèce que Nauplie, Hydra, Spetses et Égine[4],[5],[6].

tableau XIXe siècle : une foule autour d'un drapeau blanc à croix bleu
Le Serment à Aghia Lavra.
Ce tableau de Theodoros P. Vryzakis (1865) commémore le soulèvement du . huile sur toile, Pinacothèque nationale d'Athènes, Athènes.

Le jeu des puissances européennes était alors ambigu, tout comme celui de leurs représentants au Levant. Le soulèvement grec, considéré comme libéral et national, ne convenait pas à l’Autriche de Metternich, principal artisan de la politique de la Sainte-Alliance. Cependant, la Russie, autre gendarme réactionnaire de l’Europe, était favorable à l’insurrection par solidarité religieuse orthodoxe et par intérêt géo-stratégique (contrôle des détroits des Dardanelles et du Bosphore). La France de Charles X, autre membre actif de la Sainte-Alliance (elle venait d’intervenir en Espagne contre les libéraux), avait une position ambiguë : les Grecs, certes libéraux, étaient d’abord des chrétiens et leur soulèvement contre les Ottomans musulmans pouvait ressembler à une nouvelle croisade. La Grande-Bretagne, pays libéral, s’intéressait surtout à la situation de la région sur la route des Indes et Londres désirait pouvoir y exercer une forme de contrôle[7].

Cependant, des ressortissants des différents pays européens combattaient en Grèce aux côtés des insurgés. Parmi ces philhellènes, on trouvait des militaires français comme le colonel Fabvier ou des marins britanniques comme Frank Abney Hastings ou Thomas Cochrane. De même, les amiraux britannique Edward Codrington et français Henri de Rigny, commandant la flotte de leurs pays dans la région, n'étaient pas défavorables à la cause grecque. Bien souvent, ils allaient un peu au-delà de la neutralité que leur imposait leur gouvernement pour apporter un soutien aux Grecs. Ils se justifiaient en arguant du fait que la politique de leur gouvernement elle-même était ambiguë[7].

Le traité de Londres

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gravure noir et blanc : portrait d'un homme chauve, la main dans le veston
George Canning.

Le massacre de Chios, la mort de Lord Byron ou la chute de Missolonghi avaient suffisamment ému les opinions publiques occidentales pour que les gouvernements s'en inquiétassent, d'abord diplomatiquement[8]. De plus, dès le mois d'août 1824, le gouvernement grec avait demandé au Royaume-Uni d'intervenir pour faire cesser les hostilités. Le , Wellington, à Saint-Pétersbourg, signa un protocole anglo-russe prévoyant une médiation entre Grecs et Ottomans en vue de régler le conflit. Cet accord, sans volet militaire, n'avait que le mérite d'exister. Il servit cependant au Premier ministre britannique, George Canning, de point de départ aux négociations suivantes avec les autres pays européens. Les Français étaient prêts à l'accepter à condition que les Autrichiens, mais aussi les Prussiens y consentissent aussi. De plus, les Russes voulaient un accord qui irait plus loin qu'une simple menace de retirer les ambassadeurs de Constantinople mais qui envisagerait une intervention militaire[9],[10].

Les négociations finirent par aboutir en . La France, la Grande-Bretagne et la Russie signèrent le à Londres le traité de Londres. Le texte officiel était pratiquement équivalent au protocole de Saint-Pétersbourg. Cependant, des sanctions étaient cette fois prévues, dans une clause secrète qui fut rendue publique une semaine plus tard dans le Times. Cette clause prévoyait qu'en cas de refus de l'Empire ottoman, les puissances reconnaîtraient de fait la Grèce en y envoyant des consuls et qu'elles s'interposeraient entre les belligérants[11].

Dès le , l'Empire ottoman avait fait savoir qu'il refuserait toute tentative de médiation et armistice présente ou à venir. Le traité de Londres ne changea rien. De plus, les flottes française et britannique, alors en Méditerranée orientale, n'étaient pas suffisamment fortes pour impressionner la Porte et la pousser à accepter les termes du traité. Le 16 août, le texte du traité fut officiellement présenté au Reis-Effendi, le ministre des Affaires étrangères ottoman. Le 30 août, celui-ci nia avoir reçu un quelconque document. Par contre, informé le 2 septembre, le gouvernement grec accepta l'armistice dès le lendemain malgré les réticences de leurs commandants en chef philhellènes Richard Church et Thomas Cochrane qui venaient de mettre sur pied une opération conjointe terrestre et navale[12],[13].

L'ambiguïté des ordres donnés aux amiraux

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gravure noir et blanc : portrait d'un homme chauve, en grand uniforme
Edward Codrington.

Les flottes britannique, commandée par le contre-amiral Edward Codrington, et française, commandée par l'amiral Henri de Rigny, patrouillaient dans les eaux de la Méditerranée orientale depuis de nombreuses années pour y lutter contre la piraterie. Les ordres plus ou moins précis qu'elles avaient reçus sur l'attitude à adopter dans la situation créée par la guerre d'indépendance grecque laissaient une certaine latitude aux amiraux[14].

Lorsqu'il rejoignit son poste, en février 1826, Codrington hérita des ordres de son prédécesseur, sir Harry Burrard-Neale : assurer la sécurité des sujets britanniques et de la République des îles Ioniennes sous protectorat britannique. Il devait aussi demander à Ibrahim Pacha de renoncer à son projet de « barbarisation » de la Morée et, en cas de refus, en informer le souverain britannique[15]. Ce projet de « barbarisation » était une rumeur insistante, principalement propagée par Dorothea von Benckendorff, l'épouse de l'ambassadeur de Russie à Londres, le prince de Lieven. Cette rumeur aurait été une manœuvre diplomatico-politique afin d'accroître le philhellénisme en Europe. Ibrahim Pacha était accusé de vouloir intégralement réduire en esclavage la population grecque du Péloponnèse et de la déporter vers ses terres égyptiennes pour la remplacer par des musulmans nord-africains. Si Ibrahim Pacha insista toujours sur le fait que cette rumeur était fausse, elle se perpétua cependant très longtemps, même après la bataille de Navarin[16],[17].

L'escadre russe prévue pour s'interposer entre les belligérants grecs et ottomans commença à se rassembler à Kronstadt un mois avant que le traité de Londres fût signé. Le tsar Nicolas Ier, lorsqu'il la passa en revue le 10 juin, déclara qu'« en cas d'opérations militaires, l'ennemi [serait] traité à la russe[N 2] ». L'ordre était ici plus clair[18].

tableau XIXe : portrait d'homme en pantalon blanc et veste d'apparat, une longue-vue sous le bras, appuyé au bastingage d'un navire
Henri de Rigny, peint par François-Gabriel Lépaulle, 1836.

Les instructions données aux amiraux français, britannique et russe par leur gouvernement figuraient dans les annexes D et F du traité de Londres. L'hypothèse principalement évoquée était que les Ottomans rejetteraient la proposition d'armistice et de médiation tandis que les Grecs (qui l'avaient demandée en premier lieu) l'accepteraient. Les amiraux devraient alors « prendre les mesures les plus efficaces et les plus expéditives pour mettre fin aux hostilités et aux effusions de sang », « utiliser tous les moyens […] pour obtenir un armistice immédiat » et organiser des escadres chargées d'empêcher tout renfort turc ou égyptien d'atteindre la Grèce. Cependant, la violence ne devait être que le dernier recours si les Ottomans persistaient à vouloir forcer le blocus. Pour tous les cas non prévus dans les instructions, les amiraux avaient toute latitude pour agir[19].

Les amiraux britannique Codrington et français de Rigny reçurent ces instructions le , alors qu'ils se trouvaient à Smyrne. Rigny les trouva « bien peu précises »[20]. Afin d'en savoir plus, Codrington demanda des précisions à Stratford Canning, l'ambassadeur britannique à Constantinople. La réponse fut très claire : même si les puissances désiraient éviter la guerre, le blocus devait, en ultime recours, être imposé à coup de canon[N 3]. À leur départ de Smyrne, le , pour Nauplie où ils devaient présenter le traité aux autorités grecques, les deux amiraux étaient persuadés d'une chose : le traité ne pouvait mener qu'à l'indépendance, à terme, de la Grèce[21]. Le , les amiraux reçurent des ordres complémentaires de leurs ambassadeurs à Constantinople. Ils devaient toujours « empêcher tout secours de parvenir aux Ottomans en Grèce ». Ils devaient de plus protéger, en coopération avec les Grecs, toutes les régions qui avaient pris part à l'insurrection[N 4]. Enfin, ils devaient « encourager » les navires turcs et égyptiens à retourner à Constantinople ou Alexandrie. Si des navires ottomans persistaient à rester en Grèce, le texte des instructions précisait qu'ils devraient « courir les risques inhérents à la guerre »[22],[23].

Premières applications du traité de Londres

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gravure noir et bland : portrait d'un homme barbu avec un turban
Ibrahim Pacha.

Après la signature du traité de Londres, un émissaire spécial, le major J. H. Cradock, fut envoyé auprès du vice-roi d'Égypte pour lui suggérer la neutralité. Les chancelleries savaient qu'une flotte turco-égyptienne prévue pour renforcer Ibrahim Pacha était rassemblée à Alexandrie. Cradock arriva en Égypte le , trois jours après le départ de la flotte, forte d'un peu moins de 90 navires et commandée par Moharrem Bey, un beau-frère d'Ibrahim Pacha. Elle était constituée de trois escadres : une ottomane[N 5], une égyptienne[N 6] et une tunisienne commandée par Kiutchuck Mohamed[N 7],[N 8]. Deux nouveaux efforts furent faits pour demander à Méhémet Ali de rappeler la flotte : par Rigny qui envoya la Pomone et la Rose et par Codrington qui envoya la Pelorus. Mais, le vice-roi ne pouvait se le permettre, sauf à rompre définitivement avec le Sultan. Cette flotte rejoignit Ibrahim Pacha dans la baie de Navarin. Une autre escadre, une vingtaine de navires[N 9], commandée par Tahir Pacha, avait été croisée par la frégate française Armide au large de Cythère le . Elle arrivait de Constantinople et se dirigeait aussi vers la baie de Navarin[24]. Ibrahim Pacha avait prévu d'utiliser la flotte ainsi rassemblée pour mener une attaque qu'il considérait comme décisive contre Hydra, une des dernières places-fortes grecques, et la flotte grecque dont c'était le principal arsenal. Il espérait ainsi achever le conflit à son profit[25].

La flotte ottomane fut au complet dans la baie de Navarin le . En l'apprenant, Codrington quitta Nauplie et vint s'installer à l'entrée de la baie le . Il put alors obtenir qu'Ibrahim Pacha rappelât une première escadre envoyée contre Hydra. La flotte française rejoignit la flotte britannique le . Codrington et Rigny rencontrèrent Ibrahim Pacha trois jours plus tard. Chacune des parties expliqua ses ordres : attaquer Hydra pour Ibrahim Pacha ; l'en empêcher, en détruisant l'intégralité de sa flotte si nécessaire et lui demander d'évacuer la Grèce pour les amiraux. Ibrahim Pacha convint de suspendre toutes ses opérations jusqu'au moment où il recevrait de nouveaux ordres d'Alexandrie ou Constantinople, vers la mi-octobre. Les flottes occidentales se retirèrent pour aller se ravitailler, ne laissant que deux vaisseaux (un britannique la Dartmouth et un français l’Armide) pour surveiller la baie[26],[27],[28].

aquarelle ancienne : portrait de navire à voiles et à vapeur
La Kartería, aquarelle anonyme datant des années 1820, Archives historiques de Hydra.

Cependant, le statu quo était fragile. Les Grecs avaient accepté l'armistice, mais, considérant que les Ottomans l'avaient refusé, continuaient à se battre. En septembre 1827, une opération conjointe des forces terrestres et navales grecques avait pour objectif de reconquérir le verrou de Missolonghi. Le philhellène Frank Abney Hastings commandait le seul navire de guerre à vapeur de Méditerranée : la Karteria. Il faisait partie de l'escadre grecque de vingt-trois navires commandée par Cochrane qui devait soutenir les forces terrestres commandées par Richard Church. L'amiral britannique Codrington, conformément aux dispositions du traité de Londres, neutralisa pacifiquement cette flotte grecque, interdisant l'opération terrestre. Hastings resta dans le golfe de Corinthe avec une petite escadre de six navires. Dans la baie d'Amphissa (alors appelée Salona), se trouvait une flotte ottomane de onze navires, dont cinq de grande taille, protégée par des batteries côtières. Le , l'escadre grecque attaqua. La maniabilité des roues à aubes de la Kartería lui permettait de tourner quasiment sur place et ses chaudières lui fournissaient des boulets rouges. À elle seule, en une demi-heure, elle détruisit les navires ottomans tandis que le reste de l'escadre réduisait au silence les batteries côtières[29],[30],[31].

Lorsqu'il apprit la nouvelle de la destruction de ses navires à Amphissa, Ibrahim Pacha entra dans une colère noire et chercha à se venger d'Hastings. Il forma une escadre de 48 navires, dont il prit le commandement, accompagné de Tahir Pacha et Moharrem Bey, et avec laquelle il remonta vers le golfe de Corinthe. Il fut intercepté par Codrington. Les deux flottes se pourchassèrent pendant trois jours, du au autour de l'île de Zante, alors qu'une tempête faisait rage. Codrington réussit à contraindre Ibrahim Pacha à retourner à Navarin, après avoir abattu quelques mâts des navires ottomans avec ses boulets[30],[32],[33],[28].

gravure noir et blanc : portrait d'un gros homme en grand uniforme
Login van Geiden, vers 1820.

Vers le , la flotte russe, commandée par Login van Geiden rejoignit les flottes britannique et française. Au même moment, les amiraux apprirent que les troupes d'Ibrahim Pacha procédaient à une destruction systématique du Péloponnèse. Depuis la mer, en baie de Kalamata, l'équipage de la Cambrian pouvait voir les vergers en feu, résultat de cette politique de terre brûlée. Il devenait évident que bloquer la flotte égypto-ottomane en baie de Navarin était insuffisant et surtout n'empêchait pas les déprédations à terre alors que les ordres étaient de protéger les régions qui s'étaient insurgées. Le , les trois amiraux signèrent un protocole qui expliquait leurs intentions. Il s'agissait pour eux de montrer qu'ils continuaient à obéir à leurs instructions. Ils annonçaient leur intention d'entrer dans la baie de Navarin pour renouveler leur offre d'évacuation à Ibrahim Pacha et de l'obliger à obéir, par une simple démonstration de force, sans acte hostile ni effusion de sang[34],[35],[28].

La bataille

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La baie de Navarin

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gravure noir et blanc : paysage de collines avec une forteresse au centre et des navires à voiles au fond
La baie de Navarin, Le miroir de la Littérature, Amusement, et Instruction, Vol. 10, illustration no 284, 24 novembre 1827.

La baie de Navarin est considérée comme la meilleure rade du Péloponnèse. Elle avait été le premier objectif d'Ibrahim Pacha lorsqu'il avait débarqué dans la péninsule en 1825. La baie, d'un peu plus de cinq kilomètres du nord au sud et de trois d'est en ouest, protégée à l'ouest par l'île de Sphactérie, n'est accessible que par un chenal au sud, large d'un peu plus de 1 000 mètres, protégé par la forteresse de Navarin (dite parfois Néo-Navarino) construite par les Ottomans après leur défaite à Lépante au XVIe siècle au-dessus de la ville moderne de Pylos. Ce chenal est de plus parsemé de récifs. Les navires qui y passent sont, selon certaines sources, parfois obligés de passer à portée de pistolet et non plus de canon des systèmes défensifs. Au nord de Sphactérie, le chenal très étroit (au mieux cent mètres) est ensablé, et pas assez profond (pas plus de deux mètres) pour les navires modernes. Il était dominé par la forteresse de Paléo-Navarino, remontant au XIIIe siècle et quasiment en ruines dans les années 1820, probablement construite sur les ruines de la Pylos de l'époque classique. Au centre de la baie se trouve une petite île assez plate, Khélonaki (la « petite tortue ») ou Marathonisi. Quant au nord de la baie, il est composé de lagons puis de terrains marécageux[36],[37],[38].

Composition des flottes et disposition

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Flotte ottomane

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carte couleur : une baie fermée, des signes représentants des navires sont positionnés en fer à cheval
Position et composition de la flotte ottomane.

Les 80 à 90 navires de l'Empire ottoman (essentiellement turcs et égyptiens), de faible tonnage, avec environ 3 500 canons et 30 000 hommes d'équipage, n'étaient pas tous des navires de guerre : il y avait aussi des transports armés. Au total, les navires de guerre véritables auraient été une soixantaine, pour environ 2 000 canons et 22 000 hommes d'équipage[39],[40],[N 10], avec deux navires amiraux : le Guhu-Reva[N 11], navire amiral turc de 74 (ou 80 voire 84) canons et la Guerrière (ou Murchid-i-Djihad) navire amiral égyptien de Moharrem Bey avec 60 canons.

Selon une liste envoyée par l'amiral Codrington à son ministre, elle était constituée de quatre vaisseaux de ligne, quinze frégates, dix-sept corvettes, vingt-quatre sloops et des transports[41]. Dans le Précis de la Bataille de Navarin, écrit par des officiers français et approuvé par Rigny, elle était constituée de trois vaisseaux de ligne de 74 canons, vingt frégates, trente-deux corvettes, sept bricks ou sloops et cinq brûlots[42],[N 12].

Les vaisseaux de ligne turcs étaient : le Guhu-Reva 84, 80 ou 74 canons, le Burj Zafer 74 canons, le Fatih Bahri 74 canons. Il y aurait eu quinze frégates turques : la Fevz Nussret et la Ka'id Zafer 64 canons, la Keywan Bahri, la Feyz Mi' 'raj et la Mejra Zafer 48 canons, ainsi qu'une dizaine de frégates de 42 canons. Les frégates égyptiennes étaient : la Guerrière (ou Murchid-i-Djihad) 60 canons (vaisseau amiral de Moharrem Bey), l’Ihsania 64 canons (Hassan Bey), la Leone 60 canons, la Souriya 56 canons et deux « corvettes » de 44 canons[42],[43]. Selon la seule Revue maritime et coloniale de 1883, la régence d'Alger aurait envoyé quatre frégates, quatre corvettes et cinq bricks, un total de 13 navires[44].

Le vice-roi d'Égypte avait fait appel à la France pour moderniser sa marine. Des officiers français s'étaient mis à son service. Il y en avait dans la flotte ottomane à Navarin. Rigny leur écrivit le pour leur demander de la quitter afin de ne pas avoir à combattre contre leur propre pavillon si un affrontement devait avoir lieu. Ils partirent à bord d'un navire autrichien. Seul le capitaine Letellier resta. Il ne descendit du navire-amiral de Moharrem Bey, la Guerrière, qu'après le début de la bataille. Ce fut Letellier qui organisa la flotte ottomane dans la baie. Il lui fallut trois jours pour réaliser son projet. La flotte était embossée en fer à cheval sur trois lignes autour de la petite île du centre de la rade. Les brûlots étaient placés de chaque côté de l'entrée de la baie[45],[42],[N 13].

Les différents commandants de la flotte turco-égyptienne ne désiraient pas affronter la flotte des puissances qu'ils savaient plus puissante (même si numériquement moins nombreuse) que la leur. Ils espéraient que leur placement dans la baie serait suffisamment impressionnant pour que la flotte des puissances hésitât à y entrer ou à y rester. Cependant, au matin du 20 octobre, si Tahir Pacha avait informé ses capitaines qu'il ne donnerait pas le signal d'attaquer, chacun était libre de se défendre s'il se sentait menacé[46].

Flotte des puissances

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Les flottes anglaise et française reçurent des renforts en septembre : deux vaisseaux de ligne pour Codrington et trois vaisseaux de ligne et une frégate pour Rigny[N 14]. Ce même mois, la flotte russe (quatre vaisseaux de ligne et quatre frégates) arriva en Méditerranée[47]. Si chacune des escadres avait un amiral national, il était convenu entre les gouvernements que l'amiral britannique Codrington serait commandant en chef. Rigny en fut informé dès le 26 août et il mit longtemps à accepter le fait : il était dans la région depuis plus longtemps que son homologue britannique ; Geiden n'eut par contre aucun problème à l'accepter[48]. Au total, la flotte des puissances était constituée de 27 navires, avec seulement un tiers des canons et des hommes de la flotte ottomane. Mais, elle avait plus de vaisseaux de ligne, les plus puissants, et ses marins étaient plus compétents. Ibrahim Pacha lui-même la considérait comme plus puissante que la sienne[49],[41].

Cette flotte comportait douze navires britanniques (pour 456 canons), sept navires français (352 canons) et huit navires russes (490 canons) formant au total une puissance de feu de près de 1 300 canons[50],[40].

L'entrée de la flotte des puissances dans la baie

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La flotte combinée pénétra dans la baie de Navarin en fin de matinée le , selon une formation discutée la veille entre les amiraux. Le temps était clair et une petite brise soufflait du sud[N 21]. Les onze navires britanniques entrèrent les premiers[N 22] ; les trois vaisseaux de ligne (Asia, Genoa et Albion) allèrent se placer pratiquement au centre du fer à cheval formé par la flotte ottomane tandis que les navires plus légers (corvettes et bricks sous le commandement du capitaine Fellowes de la Dartmouth) devaient surveiller les brûlots à l'entrée de la rade. Les sept navires français se placèrent à l'est des Britanniques, face à la côte et face aux navires égyptiens afin de s'assurer que les marins français prêtés à l'Égypte quitteraient bien la flotte en cas d'affrontement. Les huit navires russes se placèrent à l'ouest de l'escadre britannique où ils formèrent un groupe un peu plus compact que les deux autres[50],[55].

Les amiraux qui s'étaient accordés le avaient été clairs : aucun navire ne devait tirer avant que le signal n'ait été donné, à moins que ce ne fût en réponse à un tir ottoman. Et dans ce cas, le navire ottoman devait être immédiatement détruit. Si jamais une bataille devait se déclencher, les ordres de Codrington pour éviter la confusion qui pourrait se créer citaient Nelson : « No captain can do very wrong who places his ship alongside of any enemy. » (« Un capitaine ne peut pas vraiment se tromper en plaçant son navire à côté d'un ennemi »)[56]. De plus, selon le marin anonyme qui écrivit plus tard Life on Board a Man-of-War, les artilleurs et leurs canons étaient prêts à tirer ; les officiers de la Genoa passèrent les voir et pour eux, une bataille ne faisait aucun doute[57]. Cependant, Codrington expliqua plus tard que s'il était venu avec des intentions réellement belliqueuses, il n'aurait pas ancré son navire au milieu du fer à cheval où il était la cible de tous les navires ennemis[58].

En début d'après-midi, entre 13 h 30 et 14 heures, les navires des puissances manœuvraient toujours pour se placer. Une barque quitta alors le navire amiral égyptien de Moharrem Bey. Elle apportait à Codrington une lettre lui demandant d'évacuer la rade. L'amiral britannique fit répondre qu'il était venu donner des ordres et non en prendre. La barque ne retourna pas au navire amiral, mais alla directement à terre[N 23]. Un drapeau rouge fut lancé et un coup de canon, à blanc, fut tiré de la forteresse. Il fut interprété comme un signal à la flotte ottomane de se préparer à l'action, les négociations ayant échoué[50],[37]. À bord de la Genoa, les officiers donnèrent l'ordre de se préparer à tirer, selon le marin anonyme auteur de Life on Board a Man-of-War, les canons furent chargés et les marins qui n'attendaient que l'ordre de tirer voyaient que les artilleurs turcs étaient aussi prêts qu'eux-mêmes[59].

Déclenchement

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tableau XIXe : scène de combat naval
La bataille de Navarin, tableau de 1846 d'Ivan Aïvazovski (1817-1900)

Une partie de la flotte, principalement les navires russes qui prirent leur position vers 15 h 15, n'était pas encore entrée dans la baie[58],[60]. Elle ne put s'engager que plus tard dans la bataille. Surtout, elle eut à subir le tir de barrage provenant de la forteresse, de l'île de Sphactérie et de la flotte ottomane[61].

La bataille de Navarin. REQUIEM.partie 1. V.Kosov
La bataille de Navarin. REQUIEM.partie 1. V.Kosov

Une chaloupe fut envoyée depuis la terre à un des brûlots et on le vit immédiatement se préparer. Au bout de la ligne ottomane, il menaçait directement la Dartmouth, qui en était le plus proche, qui venait de jeter l'ancre et qui affalait ses voiles. Une pinasse, commandée par le premier lieutenant, lui fut envoyée pour lui demander de se déplacer. Fellowes rappela à son lieutenant qu'il ne devait en aucun cas se montrer hostile. Le brûlot tira sur la barque britannique, tuant le barreur et une partie des rameurs. L'équipage du brûlot alluma la mèche. Un cotre fut envoyé, commandé par le lieutenant Fitzroy, toujours pour demander de déplacer le brûlot. Le cotre rencontra la chaloupe qui évacuait une partie de l'équipage du brûlot. Celle-ci ouvrit le feu sur le cotre et le lieutenant Fitzroy fut tué. Au même moment, une corvette égyptienne tira sur la Dartmouth et la Sirène qui était en train de jeter l'ancre[50],[62],[63]. La Dartmouth et la Sirène répliquèrent avec leurs fusils. La bataille avait commencé alors que les navires amiraux n'avaient pas encore échangé un seul coup de feu, comme le voulait la tradition.

Selon Codrington, l'idée des amiraux ottomans aurait été de laisser la flotte des puissances s'ancrer au cœur de leur dispositif, de parlementer toute la journée et d'attaquer à la tombée de la nuit avec les brûlots[64].

Selon Ibrahim Pacha, la flotte des puissances était entrée dans la rade avec des intentions hostiles. Selon lui, une des frégates alliées s'était ancrée à angle droit avec les brûlots se trouvant à l'entrée de la rade, et donc les menaçait. Cette attitude se précisa lorsque des marins de cette frégate essayèrent de s'emparer d'un des brûlots. Là, un échange de coups de feu déclencha la bataille qui dura tout l'après-midi. Mais Ibrahim Pacha ne pouvait déterminer lequel des deux camps avait tiré le premier. Cependant, selon lui, le premier acte hostile fut la tentative de la frégate de s'emparer du brûlot ottoman[65].

Déroulement

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carte couleur : une baie fermée, des signes représentants des navires positionnés en fer à cheval ; leurs mouvements vers les côtes sont montrés par des flèches
Déroulement de la bataille.

Une bataille à l'ancre

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La majeure partie des navires engagés dans cette bataille était à l'ancre : tous les navires ottomans et les plus gros navires des puissances. Certains étaient encore sous toile. Seuls les plus petits des navires de la flotte russo-franco-britannique ne jetèrent pas l'ancre et, manœuvrant dans la baie, furent moins touchés. La flotte égypto-ottomane, embossée, ne manœuvra pas. Les vaisseaux des puissances avaient une marge de manœuvre réduite, mais pouvaient tirer leurs bordées des deux côtés, parfois en même temps. De plus, en jouant sur les longueurs des câbles des ancres, ils réussirent à tourner sur place pour changer leurs angles de tir. Ou, comme lorsque l’Asia fut menacée par un brûlot, une aussière fut amenée depuis la Genoa qui fit ainsi pivoter son navire amiral. Très rapidement, la fumée des canons emplit la rade, réduisant la visibilité. Les signaux par pavillons furent très vite inutiles. Codrington dut utiliser un porte-voix et eut des difficultés à se faire entendre, à cause du bruit assourdissant de ces mêmes canons[66],[67].

Comme bien souvent pour une bataille, un récit d'ensemble est difficile à construire à partir des récits partiels des témoins oculaires. Tous les récits disponibles sont aussi des récits de marins et d'officiers de la flotte des puissances. De plus, ces mêmes témoins, qui s'accordent plus ou moins sur les incidents qui se produisirent, divergent quant à l'ordre dans lequel ils se produisirent[64] ; la présence de cinq amiraux dans la flotte égypto-ottomane (Tahir Pacha, le Kapudana Bey, le Padrona Bey, le Reala Bey, et Moharrem[68]) est aussi source de confusion car il est parfois difficile d'identifier de quel « navire-amiral » parlent les différents témoins, d'autant plus que les auteurs modernes n'ont pas tous la même interprétation des documents contemporains. Ainsi, le Guhu-Reva, le plus gros vaisseau turc et l'un des adversaires directs de l'Asia, est considéré par Anderson[69] (probablement suivi par Brewer[46]) comme celui de Tahir Pacha bien qu'il soit désigné comme celui du Kapudana Bey par Codrington[70],[N 24] et comme celui du Padrona Bey sur le plan de Garneray[71]. Les récits concernant la destruction du navire de Tahir par le Breslaw (vaisseau de ligne français) et l’Azov[72] font au contraire référence à une frégate d'une soixantaine de canons située au niveau de l'aile droite turco-égyptienne. De son côté l'amiral russe Heyden affirme avoir aidé l’Asia à détruire un « vaisseau de 80 canons monté par Moharrem Bey », qui aurait explosé[73], mais selon Douin il s'agit d'une méprise de l'amiral russe qui ferait en fait référence à une autre frégate[74]. De son côté le marin anonyme qui écrivit plus tard Life on Board a Man-of-War, à bord de la Genoa (vaisseau de ligne britannique) a distinctement vu son chef canonnier tirer et couler « le yacht de l'amiral turc », une frégate dont il décrit avec détails la figure de proue (un lion rouge portant un bouclier décoré de trois croissants de lune)[75].

Les brûlots

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tableau ancien : combat naval
Combat contre les brûlots, par G.P. Reinagle, 1838.
Au centre, le Scipion attaqué par un brûlot devant lui, un peu plus à gauche la Dartmouth ; au premier plan une barque de la Philomel ; au fond à droite la Rose et la Brisk.

Les amiraux avaient confié aux petits navires de la flotte (Dartmouth, Rose, Brisk, Philomel et Mosquito pour les Britanniques ; Alcyone et Daphné pour les Français) le soin de neutraliser les brûlots. Dans ce but, ils ne furent pas ancrés et purent ainsi se rendre partout où une attaque se produisit. Ils furent aussi très souvent visés par les navires ottomans pour les empêcher d'accomplir leur tâche[76].

Le brûlot, cause du déclenchement de la bataille, très dangereux, à côté de la Dartmouth, restait le premier objectif. Des hommes de la Dartmouth et de la Rose tentaient de s'en emparer lorsque son équipage le fit exploser, tuant tous les Britanniques et endommageant les navires à proximité. Une frégate égyptienne envoya une bordée à la Dartmouth qui répliqua de même. Tous ses boulets touchèrent la coque égyptienne. Mais la Dartmouth était prise sous le feu de trois frégates turques et égyptiennes et d'une corvette. L’Armide vint à sa rescousse. Le capitaine Hugon qui la commandait manœuvra de telle façon à ne jamais gêner le feu britannique. Lorsque le vaisseau français s'empara finalement d'une des frégates turques, il y arbora les drapeaux français et anglais, montrant ainsi qu'il n'avait fait qu'achever le travail commencé par la Dartmouth.

Si la Dartmouth avait finalement réussi à échapper au brûlot qui la menaçait, il n'en fut pas de même du vaisseau de ligne français Scipion. En entrant dans la baie, il avait trop tôt réduit sa toile. Il était donc encore soumis au feu de la forteresse quand il fut pris pour cible par des frégates égyptiennes. Surtout, un brûlot réussit à se coincer dans sa proue. Tous les efforts de l'équipage français pour le détacher échouaient. Le navire était face au vent, aussi les flammes commençaient à menacer toute la longueur du Scipion et grimpaient le long des haubans des mâts avant. Des artilleurs furent tués par les flammes alors qu'ils continuaient à servir leurs pièces qui tiraient sur la citadelle et les autres vaisseaux. Le capitaine Milius laissa filer son ancre pour disposer d'une plus grande marge de manœuvre qui lui permit de commencer à se dégager du brûlot. Il fut aidé par une barque venue du Trident qui réussit à attacher une amarre au brûlot et avec l'aide de trois navires britanniques (la Dartmouth, la Rose et la Philomel) à remorquer le brûlot à bonne distance du Scipion. Deux goélettes françaises, l’Alcyone et la Daphné, coulèrent le brûlot. Si plus aucun brûlot ne réussit ensuite à menacer un navire des puissances, les énormes efforts déployés pour se débarrasser d'un seul prouvent le danger qu'ils pouvaient représenter[66],[77],[78].

Selon certaines sources, les brûlots auraient été utilisés par les marins des puissances, une fois qu'ils s'en seraient emparés. Ils les auraient envoyés contre la flotte ottomane[79].

Les vaisseaux amiraux des puissances

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tableau ancien : combat naval
L’Asia entre deux navires ottomans.
gravure noir et blanc : combat naval
L’Asia entre le Guhu-Reva et la Guerrière, G.P. Reinagle.

L’Asia était embossée cap à l'ouest, juste à une encablure du Guhu-Reva et une longueur de navire de la Guerrière (vaisseau-amiral égyptien de Moharrem Bey). Si le navire turc tira, Moharrem Bey fit savoir qu'il n'ouvrirait pas le feu le premier. Codrington répliqua qu'il ferait de même. L’Asia put alors se concentrer sur le navire amiral turc dont elle se débarrassa d'autant plus rapidement qu'elle n'avait pas à se soucier du navire égyptien et que le Guhu-Reva n'était pas en bon état et ne disposait pas d'un bon équipage. En feu au bout de trois quarts d'heure, il alla s'échouer. Codrington envoya alors un de ses officiers avec un interprète auprès de Moharrem Bey confirmer la trêve. Cependant, l'amiral égyptien avait quitté le navire, avec Letellier. Lorsque la chaloupe s'approcha de la Guerrière, un officier égyptien reconnut l'interprète grec Petros Mikelis, avec qui il était, semble-t-il, en vendetta. Il lui tira dessus par un sabord, faisant de Petros Mikelis la plus célèbre, car la seule identifiée, victime grecque de la bataille de Navarin[N 25]. L’Asia riposta d'une bordée. La Guerrière se trouva en flammes en une vingtaine de minutes et alla s'échouer. Après s'être débarrassé de ses adversaires les plus proches et les plus dangereux, Codrington s'aperçut que son navire était pris en enfilade par des petits navires turcs (type bricks et corvettes) de deuxième et troisième lignes qui lui tiraient dans la poupe. L’Asia se tourna alors contre ceux-ci. Ils cédèrent très rapidement, soit détruits soit coupant leurs amarres et allant s'échouer. Le vaisseau britannique fut fortement endommagé : il avait reçu huit boulets dans le beaupré, 18 dans le mât avant, 25 dans le mât central, son mât de misaine était dans l'eau ; on comptait 125 impacts de boulets sur la coque mais aucun n'avait pénétré grâce à la cuirasse rudimentaire ; elle avait aussi reçu quantités de grenailles, petites bombes et balles. L’Asia fut ensuite la cible d'un brûlot, dont elle réussit à s'échapper grâce à une aussière envoyée depuis la Genoa. Les petits navires ottomans de seconde et troisième ligne avaient pour ordre de viser particulièrement ce navire amiral des puissances. Codrington fut aussi la cible de snipers, comme l'admit plus tard Tahir Pacha. Il semblerait aussi qu'une partie des dégâts subis par l’Asia ait été due à la Genoa qui fut le seul navire blâmé par Codrington dans son rapport[46],[80],[81].

gravure noir et blanc : combat naval
Navires égyptiens et français G.P. Reinagle.
De gauche à droite : la Guerrière, une frégate turque, la Souriya, l’Ihsania, la Sirène et le Trident.

La Sirène était mouillée cap au sud vergue à vergue avec la première frégate de la ligne égyptienne, l’Ishania. Elle était donc aussi entre la terre et les vaisseaux égyptiens (trois frégates et deux corvettes) qui la menaçaient d'un feu concentrique, en plus des canons de terre. Après avoir essuyé, comme la Dartmouth, le tir d'une corvette égyptienne, Rigny fit héler la frégate égyptienne, déclarant qu'il n'ouvrirait pas le feu si celle-ci faisait de même. Cette dernière répliqua en tirant sur la Sirène et la Dartmouth. Un homme fut tué sur la Sirène qui riposta. Le combat dura jusque vers 16 h, même si Rigny considère qu'il disposa de l’Ishania en une demi-heure. La frégate égyptienne, réduite à l'état d'épave, finit par exploser. La Sirène pivota alors, cap à l'ouest, avec le soutien et la protection des deux vaisseaux de ligne Trident (embossé, cap au sud-est) et Scipion. Elle se tourna alors par bâbord vers le fort de Navarin, et par tribord contre une frégate ou une corvette turque qui lui tirait jusque-là dans la poupe. Elle la réduisit au silence[82],[83].

La flotte russe entra un peu après les autres dans la baie, après le début de la bataille, mais même sous le feu des navires ottomans, elle alla se placer autant que possible, malgré la fumée, aux endroits qui lui avaient été désignés la veille. L’Azov alla donc s'ancrer à la pointe du dispositif, dans l'arrondi du fer à cheval ottoman, aux côtés des vaisseaux de ligne britannique Albion et français Breslau[N 26] avec qui il affronta trois à cinq, les versions varient, navires ottomans. Ensuite, voyant l’Asia engagée contre la frégate de Moharrem Bey, il pivota sur ses ancres, fit transférer quatorze canons vers sa poupe et tira sur le navire égyptien qui s'enflamma. Avec ses fusils, l’Azov empêcha toutes les tentatives des marins de cette frégate d'éteindre l'incendie. Le navire amiral russe eut 24 tués et 67 blessés. Ses mâts avaient été tellement endommagés qu'ils pouvaient à peine supporter les voiles. Sa coque comptait 153 trous de boulets dont sept avaient percé le fond. L’Azov avait coulé deux grandes frégates et une corvette et démâté un navire de 60 canons qui s'échoua avant d'exploser ; et bien sûr, comme les autres, il affirmait avoir coulé le navire-amiral turc[61],[84].

Vaisseaux de ligne des puissances

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gravure noir et blanc : combat naval
L’Albion a détruit une frégate turque. G.P. Reinagle.
gravure noir et blanc : combat naval
L’Azov et le Breslau contre quatre navires ottomans. G.P. Reinagle.

L’Albion, vaisseau de ligne britannique, s'était avancé un peu trop loin dans la baie. Lorsque la bataille commença, il n'avait pas fini de jeter ses ancres et dut affronter une frégate turque dont il avait ramassé le beaupré dans son mât d'artimon. Cette dernière subit alors un lourd tir de barrage puis une chaloupe de l’Albion s'en empara et en coupa les amarres. Elle partit à la dérive en flammes. Cependant, l’Albion se retrouva face à trois vaisseaux ottomans (84, 74 et 74 canons). Elle fut sauvée d'abord par l'inefficacité des artilleurs ottomans puis par l'arrivée du Breslau. En effet, La Bretonnière, capitaine de ce vaisseau de ligne français, voyant que son navire amiral n'avait pas besoin de son soutien, coupa ses amarres et prit l'initiative de se rendre au centre de la baie, à la pointe du dispositif des puissances, dans l'arrondi du fer à cheval ottoman, dans l'espace que les amiraux la veille avaient prévu entre les navires russes et britanniques. Il se plaça au nord-est de l’Albion, près d'un des deux vaisseaux de 74 canons (à bâbord) et de frégates turques (à tribord). Les deux navires furent ensuite rejoints par l’Azov, le vaisseau amiral de la flotte russe qui arrivait seulement, étant entrée dans la baie après les deux autres. Après avoir apporté son aide à l’Albion, le Breslau fila son câble pour se rapprocher de l’Azov et des batteries de Sphactérie. Les trois navires se soutinrent, attaquèrent et coulèrent ensemble cinq navires turcs dont un vaisseau de ligne de 74 canons, les deux autres vaisseaux turcs s'étant neutralisés (incapacité de leurs artilleurs puis mauvaises manœuvres lorsque leurs amarres furent coupées)[N 27]. Les capitaines des Albion et Azov reconnurent ensuite que l'aide du Breslau avait été déterminante, voire leur avait évité la destruction. Dès la fin du combat, van Geiden se rendit à bord du vaisseau français pour remercier la Bretonnière personnellement[85],[86].

gravure noir et blanc : combat naval
La Genoa au milieu de trois navires turcs. G.P. Reinagle.

La Genoa, embossée cap au nord, se trouva engagée sur tribord par trois adversaires : deux vaisseaux de 74 canons et une frégate de 60 canons. Elle compta d'ailleurs le plus de victimes avec 26 morts dont son capitaine, Walter Bathurst. Mais, durant les premières heures, la Genoa ne put concentrer son tir que sur un seul des vaisseaux de 74 sur son travers, alors que celui-ci la pilonnait de boulets de pierre de 110 livres. Les autres, en avant ou en arrière lui tiraient dessus sans qu'elle pût répliquer. Elle fut soulagée vers 15 h 30 par le Breslau puis les vaisseaux russes. Ce ne fut qu'après 16 heures, quand les navires ottomans eurent les embossures coupées qu'elle put les prendre en enfilade. Dans son rapport, Codrington critiqua la façon dont ce navire se comporta durant la bataille. Selon l'amiral, le vaisseau de ligne s'était dès le départ ancré dans une mauvaise position : il pointait ses principaux canons vers les navires de sa propre flotte ; seuls les canons de poupe étaient dirigés vers les navires ottomans. La responsabilité de cette erreur ne put être attribuée, le capitaine Bathurst ayant été tué. De plus, Codrington soupçonna le second Richard Dickenson d'avoir falsifié le livre de bord quant à l'heure de la mort de son capitaine. Ces accusations furent démontées lors du procès en cour martiale contre Dickenson qui se déroula deux ans plus tard à Portsmouth[87],[88].

L'escadre russe. G.P. Reinagle.
De gauche à droite : l’Aleksandr Nevskii, l’Iezekiil, un brûlot et le Gangut.

Les autres vaisseaux des puissances

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gravure noir et blanc : combat naval
Les frégates au combat. G.P. Reinagle.
De gauche à droite : un brûlot, la Talbot (Royaume-Uni), l’Armide (France), la Provornyi et l’Elena (Russie).

Un brick britannique, très lourdement endommagé et qui avait perdu ses amarres fut remorqué par la frégate russe Konstantin, lui évitant ainsi de s'échouer[73]. Les frégates française Armide et britannique Talbot avaient pour objectif les batteries côtières sur Sphactérie. Elles les engagèrent tout en étant sous le feu de deux frégates (dont la Grande Sultane) et cinq « corvettes » turques de l'extrémité ouest du fer à cheval. Les frégates des puissances auraient dû être épaulées par les frégates britanniques Cambrian et Glasgow qui n'étaient pas encore revenues d'une mission qui leur avait été confiée. Malgré une erreur initiale de placement (les deux frégates avaient échangé leur position), la coordination entre les deux navires fut parfaite, au point que la Talbot cessa le feu une minute pour envoyer trois hourras de félicitations à l’Armide. Cette dernière est même considérée comme le seul navire des puissances à avoir capturé un vaisseau ottoman : la frégate turque qui lui était opposée. Les deux frégates reçurent finalement le soutien des quatre frégates russes lorsque cette flotte finit par arriver, ainsi que de la corvette britannique Rose. Un brûlot turc leur apporta aussi son soutien involontaire : ses voiles en feu, il manqua son objectif et alla enflammer une frégate turque en seconde ligne. Vers 15 h 30, les Cambrian et Glasgow entrèrent dans la baie sous le feu des batteries côtières et vinrent prendre les places qui leur avaient été assignées. Après avoir participé à la destruction d'une demi-douzaine de navires ottomans, la Cambrian dirigea ses tirs, par-dessus les autres frégates sur la batterie côtière sur Sphactérie et la bombarda jusqu'à la fin du combat, tandis que la Glasgow tirait sur le fort de Navarin. Cependant, une des frégates russes tirait plus sur les navires alliés que sur les navires turcs. Deux officiers de la Talbot, venus protester, trouvèrent la majeure partie de l'équipage complètement saoul ; il semblerait cependant que ce fût le seul cas[89],[76].

La Hind, petit navire britannique sans place assignée, vint se placer aux côtés de son navire amiral. Sur un équipage de trente hommes, elle eut trois morts et dix blessés. Son engagement contre la Guerrière égyptienne lui valut à l'issue de la bataille le titre de « His Majesty's Cutter of the Line » (Cutter (ou cotre) de ligne de sa Majesté)[73],[90]. Dès le début du combat, les frégates tunisiennes, qui auraient dû se trouver en troisième ligne face aux navires russes, coupèrent leurs câbles et allèrent s'échouer dans les marais au nord de la baie. Les équipages y mirent le feu et les détruisirent le lendemain[91].

Fin de la bataille

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Vers cinq ou six heures, à la tombée de la nuit, après quatre heures de combats, la bataille cessa[92],[63] mais les marins de la flotte des puissances restèrent à leur poste de combat toute la nuit et des incidents se produisirent. Ainsi, vers 22 h 30, la Genoa vit s'approcher une frégate, toutes voiles dehors, et d'où s'élevait de la fumée, ce qui en faisait un brûlot potentiel. Avant même que le navire britannique ait pu faire quoi que ce fût, un navire russe envoya une bordée qui fit exploser la frégate non identifiée[93]. Une autre frégate, elle aussi transformée en brûlot[N 28], menaça dans la nuit le vaisseau amiral russe ainsi que le Gangut. Ce dernier la prit à l'abordage et le marin turc chargé de la mise à feu fut tué la mèche à la main[94].

Gravure du XIXe siècle en couleurs : bataille navale
Bataille de Navarin, Musée d'Histoire nationale d'Athènes.

Le lendemain, , Tahir Pacha se rendit à deux reprises à bord de l’Asia. La première fois, les amiraux lui présentèrent un ultimatum adressé à Ibrahim Pacha, toujours absent. Les amiraux insistaient sur le fait que leur flotte était entrée dans la rade sans intention hostile mais pour rappeler les termes du traité de Londres. Ils considéraient qu'ils n'avaient la veille fait que venger une attaque ottomane contre le pavillon allié. Ils n'avaient aucune intention de détruire ce qui restait de la flotte ottomane, sauf si un seul coup de canon ou de mousquet était tiré contre leurs navires. Auquel cas, ils couleraient tout le reste de la flotte ottomane et détruiraient aussi les forts à terre. Si un drapeau blanc flottait avant la fin de la journée sur le fort de Navarin, alors les bonnes relations, suspendues un temps la veille, pourraient reprendre. Lors de sa seconde visite, Tahir Pacha promit que sa flotte ne se livrerait plus à un seul acte hostile envers celle des puissances, mais il ne pouvait se prononcer pour les troupes à terre. Cependant, les amiraux ne cherchèrent pas à imposer leur armistice à Ibrahim Pacha qui arriva à Navarin en fin de journée le . Les forts ne tirèrent pas non plus sur la flotte[95].

La flotte des puissances quitta la baie de Navarin le [95]. Ce qui restait de la flotte ottomano-égyptienne partit en décembre[96].

tableau XIXe : un navire en partie coulé brûle
Au soir de la bataille de Navarin, par Auguste Mayer, 1848.
Bataille de Navarin, explosion de la frégate égyptienne L'Isonia, 20 octobre 1827 (Friedrich August Bouterwek, d'après Jean-Charles Langlois, 1837).

Les trois vaisseaux de ligne britanniques avaient à eux seuls tiré cent-vingt tonnes de projectiles et donc utilisé douze tonnes de poudre. Ces chiffres sont en partie dus au fait que les artilleurs ne suivirent pas les règlements. Il était déconseillé (pour ne pas endommager le canon) de tirer plus de deux boulets en même temps. Il semblerait que les artilleurs n'aient pas hésité à mettre plusieurs boulets, avec parfois une charge de mitraille en plus. Ils cherchaient peut-être à être le plus efficace le plus rapidement possible, avec des navires si proches les uns des autres[66].

La plupart des navires ottomans avaient explosé, avaient coulé, s'étaient échoués, avaient été capturés ou étaient très endommagés (mâts abattus par exemple)[N 29]. Quelques-uns s'enfuirent vers leur port d'attache Alexandrie[N 30]. À la tombée de la nuit, la flotte ottomane avait perdu une soixantaine de navires[N 31], et comptait 6 000 morts et 4 000 blessés selon l'amiral Codrington. Ces victimes étaient d'origines très diverses : on y trouvait des Arabes, des Grecs, des Nord-Africains, des Slaves et même quelques prisonniers britanniques et américains. Les puissances ne déploraient que 174 morts et 475 blessés (respectivement, 75 morts et 197 blessés britanniques ; 40 morts et 141 blessés français et 59 morts et 137 blessés russes). La plupart avaient été blessés par des éclats de bois. Le propre fils de Codrington, Henry, qui servait sous les ordres de son père sur l’Asia reçut un fragment métallique de balustrade (enlevé par un boulet) et une balle de mousquet dans la même jambe ; il eut aussi une clavicule endommagée par un éclat de bois[N 32]. Les blessés furent assez rapidement soignés dans les « infirmeries » des navires, même s'il fallut en amputer certains sur place. Eugène Sue, alors jeune médecin à bord d'un navire français assista à la bataille dont il fit le récit plus tard[97]. En plus des blessés, de nombreux marins ne recouvrèrent l'intégralité de leur audition que deux à trois jours après la bataille, tellement le vacarme des canons avait été assourdissant[98],[92].

Le bilan très lourd du côté ottoman s'explique en partie par les règles édictées par l'Empire ottoman : aucun navire turc ne devait se rendre (aucun ne se rendit) et les navires qui ne pouvaient être réparés devaient être détruits en les faisant sauter. Codrington essaya d'en dissuader Tahir Pacha le 21 octobre, sans succès. De plus, il semblerait que nombre de « marins » de la flotte ottomane aient été littéralement enchaînés à leur navire et périrent avec eux. Enfin, il n'y avait pas de véritable service médical sur ces navires ; les seuls blessés ottomans soignés furent les prisonniers, à bord des navires des puissances[99],[92].

Parmi les frégates égyptiennes, la Guerrière s'échoua puis fut sabordée, l’Ihsania explosa, la Souriya s'échoua puis coula. Seule la frégate Leone, endommagée fut renflouée (puis renommée Sir Djihad).

Si la flotte ottomane évacua la Grèce, ce ne fut pas le cas des troupes terrestres d'Ibrahim Pacha. Elles se fortifièrent dans les différentes places fortes du Péloponnèse[96] dont elles ne furent chassées que par l'expédition militaire française de Morée en septembre 1829.

Réactions diplomatiques et politiques

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Dès le , Codrington rédigea un rapport préliminaire qu'il confia à Lord Ingestre qui partit immédiatement pour Londres. La nouvelle de la bataille arriva à Malte et Constantinople le . Les ambassadeurs des puissances auprès de la Porte vinrent présenter leurs excuses le . La nouvelle arriva à peu près en même temps à Londres, Paris et Saint-Pétersbourg : dans la deuxième semaine de novembre. Les journaux français reçurent la nouvelle tard le 8 novembre : elle ne parut que sous forme de brève dans les éditions du . Seul Le Moniteur universel, qui disposait des rapports officiels, fut plus complet. Son récit fut repris intégralement dans la presse du lendemain. La London Gazette fit un numéro spécial le , publiant le rapport préliminaire de Codrington. Mais, les réactions étaient ambiguës[95],[101]. Ainsi, la nouvelle de la bataille, suivie de rumeurs de guerre contre les Ottomans, fit baisser les différentes bourses européennes, tandis que les commerçants eurent des craintes pour leurs transactions principalement avec l'Égypte[102].

Méhémet Ali, en Égypte prit la nouvelle assez calmement. Il blâma la flotte ottomano-égyptienne pour son attitude vis-à-vis de la flotte des puissances : « Je leur avais dit quelles seraient les conséquences ! Croyaient-ils qu'ils n'avaient affaire qu'aux Grecs ? » Par contre, il considéra que la flotte des puissances était responsable de la bataille et était l'agresseur. Lorsque la nouvelle atteignit Alexandrie, même si les consuls occidentaux craignirent pour la sécurité de leurs concitoyens, il n'y eut pas d'acte hostile des populations locales envers les étrangers. Le , le Reis-Effendi demanda aux ambassadeurs des puissances de reconnaître que leur flotte avait commis une erreur et de verser des compensations financières. Le lendemain, les ambassadeurs repoussèrent ces exigences et par contre réitérèrent leur demande de reconnaissance du traité de Londres. Ils essuyèrent un refus. Finalement, le , les ambassadeurs quittèrent Constantinople et la Russie dénonça la convention d'Akkerman, préfigurant une guerre russo-turque qui commença en mai 1828[103],[104].

Le tsar Nicolas Ier exprima son enthousiasme et écrivit ses félicitations à Codrington. Charles X fut aussi ravi de la nouvelle[99],[103]. Par contre, les gouvernements français et russes étaient plus modérés : ils auraient préféré que les Ottomans cédassent sans combat[105]. Le Moniteur universel exprima la position officielle du gouvernement français le . Il annonçait que « l'effroyable lutte qui depuis quatre ans attristait l'humanité a pris fin ; d'un seul coup, la paix est rendue au monde ». Ainsi, pour le gouvernement, la Grèce était affranchie et cesserait ses actes de piraterie contre le commerce occidental. Quant à l'Empire ottoman, il continuait d'exister, mais ne devait pas s'en prendre aux ambassadeurs des puissances. Le gouvernement s'il se réjouissait donc, ne se montrait pas totalement hostile aux Ottomans, ou totalement favorable aux Grecs : la même position qu'avant la bataille[106]. Dans son discours du trône du , Charles X déclara : « Le combat imprévu de Navarin a été à la fois une occasion de gloire pour nos armes et le gage le plus éclatant de l'union des trois pavillons [français, anglais et russe] »[107].

gravure noir et blanc : un homme âgé en grand uniforme, une longue vue à la main
Le duc de Clarence, en tenue de grand amiral, par William James Ward, 1827.

Les Britanniques exprimèrent aussi des sentiments mitigés. Le duc de Clarence (futur Guillaume IV) prit sur lui de promouvoir Codrington Grand-croix de l'ordre du Bain. Cependant, le roi George IV, dans son discours du trône de 1828 qualifia l'événement de « untoward » (fâcheux)[N 33]. Les gouvernements tory de Goderich et Wellington considéraient comme une erreur d'avoir détruit la flotte d'un État avec lequel le Royaume-Uni n'était pas en guerre, pour une cause, l'indépendance grecque, qui n'en valait pas la peine. Codrington fut rapidement mis en accusation pour avoir outrepassé ses ordres, malgré leur ambiguïté. Dès le , le Foreign Secretary britannique, Lord Dudley, envoya une série de questions (Queries) à l'amiral Codrington qui mettaient en cause son attitude. Le roi aurait dit : « Je lui ai envoyé un ruban [de l'ordre du Bain], alors qu'il méritait la corde »[99],[108].

Metternich, favorable au maintien de l'équilibre — du statu quo — en Europe s'insurgea contre « un outrage sans équivalent », « une épouvantable catastrophe »[109].

Les opinions publiques

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Les opinions publiques française et britannique furent ravies de cette victoire. Elles s'exaltèrent des actes de bravoure de leurs marins, dont de plus en plus furent inventés pour les satisfaire. La salle de spectacles, le Panorama du Strand proposa quelques semaines après la bataille une fresque panoramique l'illustrant et, dès le début de 1828, son directeur en avait fait imprimer des reproductions accompagnées d'un récit. En France, l'annonce de la victoire coïncida avec les élections législatives qui virent la défaite de Villèle et la victoire des libéraux. On célébrait de plus le renouveau de la flotte de guerre française[110],[111]. Les journaux d'opposition en France accusèrent cependant le gouvernement de jouer sur la popularité de la cause grecque, et en se faisant son champion via la victoire de Navarin de l'utiliser à des fins électoralistes. De leur côté, ils appelaient à faire avec des élections[N 34] le Navarin des « Ibrahim de France »[112].

gravure noir et blanc : une foule en liesse et en costume traditionnel grec devant des colonnes antiques
Les Grecs reçoivent la nouvelle du combat de Navarin, gravure de 1827 par Hippolyte Bellangé, Collection R.Puaux, forteresse de Pylos.

En Grèce, l'enthousiasme populaire fut immense, jusque dans les rues des quartiers à majorité grecque de Constantinople[113].

L'indépendance de la Grèce ?

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La quasi-totalité des ouvrages présente la bataille de Navarin comme ayant entraîné l'indépendance de la Grèce. En fait, l'effet ne fut pas immédiat. La bataille fut une étape décisive : elle paralysa les troupes égyptiennes qui ne pouvaient plus recevoir de soutien logistique. Cependant, il fallut l'expédition française de Morée (1828-1829) pour les obliger à quitter le territoire grec. Les combats se poursuivaient par ailleurs entre les Grecs et les Turcs comme avec la reconquête grecque de Missolonghi (mai 1829). La Porte n'accepta les termes du traité de Londres de 1827 que dans le Traité d'Andrinople de 1829 qui mettait fin à la guerre russo-turque de 1828-1829[114].

Commémoration

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Réactions artistiques

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La bataille inspira de nombreux poètes philhellènes, qui la célébrèrent et, avec elle, la libération de la Grèce. Dans ses Orientales, Victor Hugo écrivit dès le , le poème « Navarin » qui contient ces vers :

La Grèce est libre et dans la tombe
Byron applaudit Navarin[N 35].

En 1828, J.C. Amy écrivit une ode, La Bataille de Navarin[N 36], tandis qu'un anonyme français, offrait des Étrennes aux Grecs. La bataille de Navarin, chant héroïque par M.***[N 37]. Stefano Egidio Petroni, Italien exilé en Grande-Bretagne et auteur de longs poèmes historiques, remania son histoire de la marine anglaise depuis le roi Alfred pour y ajouter un chant sur Navarin[115].

Hormis l'opuscule illustré par le panorama de la salle du même nom sur le Strand, publié dès 1828 par son directeur, Robert Burford, d'autres recueils d'illustrations parurent la même année, pour profiter de l'engouement populaire. L'illustrateur J. T. Lee publia les siennes dès le 18 janvier : il se proposa même de les vendre à Codrington. Le dessinateur français Philéas Salvator Lévilly produisit également un album. Le peintre de marine George Philip Reinagle, qui était à bord de la Mosquito peignit la bataille, mais dès 1828 aussi, il en fit paraître des gravures[110].

Le romancier belge Henri Moke fit paraître en 1832 La Bataille de Navarin ou le Renégat.

Hommages en Grèce

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Dès sa création, les trois amiraux se virent décerner l'Ordre du Sauveur. Le , après la mort de l'amiral Codrington, le parlement grec vota une motion lui rendant directement hommage. Il y associa les noms des amiraux français, Rigny, et russe, Heyden. Il décida de poser dans l'enceinte du parlement une plaque commémorative, avec les noms des trois amiraux, surmontés d'une couronne de lauriers, à côté de celle consacrée à Lord Byron[116].

Des monuments ont été élevés aux marins des puissances morts pendant la bataille. Le monument aux marins britanniques est sur l'îlot au centre de la baie, Khélonaki. Le monument aux marins russes, élevé en 1872 et financé par la reine Olga, est sur Sphactérie, au creux de la baie de Panagoula, à côté d'une chapelle grecque blanche et d'une chapelle russe en bois. Un monument sur l'un des îlots-récifs, appelé aussi Pylos, à l'entrée de la baie, datant de 1890, recouvre les restes, transférés là pour l'occasion, des marins français tués lors de la bataille, ainsi que des soldats français morts lors de l'expédition de Morée[117],[118]. Un monument aux trois amiraux, accompagné de deux canons, orne le centre de la place centrale de la Pylos moderne[117]. Tous les 20 octobre, la ville commémore le souvenir de la bataille. Trois frégates (une française, une britannique et une russe) viennent à cette occasion dans la baie[119].

Hommage en France

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Une exposition se tient du au à la bibliothèque nationale de France[120].

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Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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Généralités

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  • (en) Hellenic Army General Staff, An Index of events in the military history of the greek nation, Athènes, Hellenic Army General Staff, Army History Directorate, , 1re éd., 471 p. (ISBN 978-960-7897-27-5).
  • (el) Collectif, Ἱστορία τοῦ Ἐλληνικοῦ Ἔθνους : Ἡ Ἑλληνικὴ Ἐπανάσταση, vol. 2, t. 1, Athènes, Ἐκδοτικὴ Ἀθηνῶν A.E,‎ , 656 p. (ISBN 978-960-213-108-4).
  • (en) Roger Charles Anderson, Naval Wars in the Levant (1559-1853), Princeton, Princeton U. P., , 619 p..
  • (en) Gary J. Bass, Freedom's Battle : The Origins of Humanitarian Intervention, New York, Alfred A. Knopf, , 509 p. (ISBN 9780307266484).
  • (en) David Brewer, The Greek War of Independence : The Struggle for Freedom from Ottoman Oppression and the Birth of the Modern Greek Nation, New York, The Overlook Press, , 393 p. (ISBN 978-1-58567-395-7, LCCN 2001036211).
  • Wladimir Brunet de Presle et Alexandre Blanchet, Grèce depuis la conquête romaine jusqu’à nos jours, Paris, Firmin Didot, , 589 p..
  • (en) Richard Clogg, A Concise History of Greece, Cambridge, Cambridge U.P., , 257 p., poche (ISBN 978-0-521-37830-7, LCCN 91025872).
  • Georges Contogeorgis, Histoire de la Grèce, Paris, Hatier, coll. « Nations d'Europe », , 477 p. (ISBN 978-2-218-03841-9).
  • (fr) Jean Dimakis, La Presse française face à la chute de Missolonghi et à la bataille navale de Navarin : Recherches sur les sources du philhellénisme français, Thessalonique, Institute for Balkan Studies, , 480 p..
  • (fr) Édouard Driault et Michel Lhéritier, Histoire diplomatique de la Grèce de 1821 à nos jours : L'Insurrection et l'Indépendance (1821-1830), t. I, PUF, .
  • Duncan Haws (trad. de l'anglais par Yvette Gogue et Ghislaine Gustin), Les Bateaux et la mer: histoire de la navigation et des combats sur mer de l'Antiquité à nos jours, Annecy-le-Vieux, Plantyn, (OCLC 84439230)
  • (en) Samuel Gridley Howe, Historical sketch of the greek revolution, British Library, Historic, (1re éd. 1828), 447 p. (ISBN 978-1-241-45021-2).
  • (en) W. A. Phillips, The War of Greek Independence 1821 to 1833., New York, Charles Scribner's Sons, 1897.
  • (en) C. M. Woodhouse, The Philhellenes, Londres, Hodder et Stoughton, , 192 p. (ISBN 034010824X).

Ouvrages sur la bataille

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  • (fr) Georges Douin, Navarin : (6 juillet-20 octobre 1827), Institut français d'archéologie orientale du Caire, .
  • (fr) Eugène Bogdanovitch, La Bataille de Navarin d'après des documents inédits des archives impériales russes., G. Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1897.
  • (en) C. M. Woodhouse, The Battle of Navarino, Londres, Hodder et Stoughton,

Récits de témoin

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  • (en) Life on Board a Man-of-War, including a full Account of the Battle of Navarino. By a British Seaman., Blackie & Fullarton, Glasgow, 1829. lire sur Googlebooks. Réédité par Bastian Books, 2008. (ISBN 978-0554907550)
  • (en) John Harvey Boteler, Recollections of My Sea Life from 1808 to 1830, 1883 à compte d'auteur. Réédité par la Navy Records Society, 1942. (ASIN B001QMFIM6)
  • (fr) J. M. V. Kerviler, « Souvenirs d'un vieux capitaine de frégate : la bataille de Navarin. », Revue de Bretagne et de Vendée, mars 1891. lire sur Gallica
  • (en) Steven Schwartzberg, « The Lion and the Phoenix - II », Middle Eastern Studies, vol. 24, no 3,‎ , p. 287-311.
  • (fr) André de Voulx, « Coopération de la régence d'Alger à la guerre de l'indépendance grecque », Revue africaine. Journal des travaux de la Société historique algérienne., no 12, 1856 ; no 2, 1857 ; no 4, 1857 ; no 8, 1857 ; no 12, 1857. Lire sur Gallica
  • Pierre Grumberg, « A Navarin, l'empire Ottoman perd la Grèce », Guerres & Histoire N°59,‎ , p. 72-77 (ISSN 2115-967X)

Notes et références

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  1. La présence de navires de la régence d'Alger n'est généralement pas mentionnée, hormis par quelques sources : A. Lacour, « La marine de la régence d'Alger avant la conquête », Revue maritime et coloniale, 1883, p. 619, Jean Jolly, L'Afrique et son environnement européen et asiatique, Éditions L'Harmattan, coll. « History », , 167 p. (ISBN 978-2-296-05773-9, lire en ligne), p. 85. Elle est contredite par diverses sources : les articles d'André de Voulx, « Coopération de la régence d'Alger à la guerre de l'indépendance grecque », Revue africaine. Journal des travaux de la Société historique algérienne., no 12, 1857 ; Daniel Panzac, La course barbaresque in Les tyrans de la mer: pirates, corsaires et flibustiers, 2002, p. 107 (lire en ligne). Enfin, à l'automne 1827, la flotte de la régence d'Alger tentait sans succès de briser le blocus de ses ports par la flotte française. Toutes les sorties se soldaient par des échecs. Voir Moulay Belhamissi, Histoire de la marine algérienne, Enal, Alger, 1986.
  2. En français dans le texte
  3. Dans une lettre du . (Schwartzberg 1988, p. 293 et Woodhouse 1965, p. 53-54).
  4. Au sud d'une ligne Missolonghi-Volos pour le continent et les îles adjacentes (en incluant les Cyclades mais en excluant la Crète et Samos). (Brewer 2001, p. 323 et Woodhouse 1965, p. 61-62).
  5. Deux vaisseaux de ligne, cinq frégates et neuf corvettes. (Woodhouse 1965, p. 38)
  6. Trois frégates, neuf corvettes, quatre bricks et six sloops. (Woodhouse 1965, p. 38)
  7. Trois frégates et un brick. (Woodhouse 1965, p. 38)
  8. La flotte comptait de plus six brûlots et quarante vaisseaux de transport à bord desquels se trouvaient 4 500 hommes dont 600 Albanais. (Woodhouse 1965, p. 38)
  9. Un vaisseau de ligne de 74 canons, six frégates, sept corvettes et six bricks. (Woodhouse 1965, p. 38)
  10. On trouve aussi 82 navires, 2 438 bouches à feu et 16 000 hommes.
  11. Ou Ghyu h Rèwan (Anderson 1952, p. 525)
  12. D'autres sources donnent : trois vaisseaux de ligne ; vingt frégates dont certaines de 60 canons ; trente corvettes ; vingt-huit bricks ; cinq schooners (ou goélettes) et une demi-douzaine de brûlots.
  13. Selon les sources, la disposition varie :
    * à droite les trois vaisseaux de ligne, au fond les frégates de 60, à gauche les frégates de moindre calibre. Les corvettes, bricks et schooners (ou goélettes) composant une deuxième et troisième ligne qui devaient soutenir de son feu la première.
    * Selon Brewer 2001, p. 329, les navires égyptiens étaient à l'est ; les turcs à l'ouest et les tunisiens au fond.
    * Selon Woodhouse 1965, p. 99-100 la disposition est similaire à celle évoquée par Brewer : l'aile gauche, entre le fort de Navarin et la petite île au centre de la rade ; l'aile droite, moins forte entre l'île centrale et Sphactérie, Tahir Pacha considérait que le vent pousserait d'abord la flotte des puissances vers son aile gauche. Cette aile comptait les frégates égyptiennes : l’Ihsania et la Souriya près du fort, en première ligne, deux frégates de 44 canons en deuxième ligne derrière la Souriya, la Guerrière au nord des deux premières, un peu en retrait puis deux vaisseaux de ligne avec un troisième juste derrière eux en deuxième ligne et la Leone en troisième ligne ; plus près de l'île centrale, une frégate de 50 canons, un autre vaisseau de ligne [ce qui en ferait quatre et non trois] et une frégate. L'aile droite comptait près de l'entrée de la baie deux frégates turques de 56 canons (dont la Belle Sultane très puissante) puis deux frégates tunisiennes, puis deux autres frégates turques de 56 canons, puis une frégate tunisienne ; près de l'île centrale, le vaisseau amiral de Tahir Pacha, une frégate de 60 canons avec en deuxième ligne deux frégates de 54 canons. Treize bricks et sloops se trouvaient derrière l'île centrale pour protéger une trentaine de transport, tous armés.
  14. Le Trident, le Breslaw et la Provence ainsi que la frégate la Magicienne, mais les navires étaient dans un tel état de délabrement que Rigny décida de conserver la Syrène, une frégate, comme vaisseau amiral.(Woodhouse 1965, p. 68) La Provence heurta le vaisseau de ligne dont disposait déjà de Rigny, le Scipion, lorsque les deux navires quittaient la baie de Navarin le 26 septembre. Elle fut endommagée au point que Rigny la renvoya à Toulon pour réparations. (Woodhouse 1965, p. 81-82).
  15. Ou Ezéchiel.
  16. ou Omeney. (G. Douin)
  17. Certaines sources donnent Maurice, mais le monument commémoratif utilise cette graphie.
  18. On trouve aussi Syrène
  19. ou Devis. (G. Douin)
  20. Certaines sources donnent Fraisier, mais le monument commémoratif utilise cette graphie.
  21. Les sources divergent : certaines disent sud-ouest, d'autres sud-est. (Anderson 1952, p. 527)
  22. Les navires britanniques avaient quatre à cinq milles d'avance sur le reste de la flotte, selon un témoin (Woodhouse 1965, p. 110).
  23. Certaines sources considèrent qu'Ibrahim Pacha s'y trouvait et donna lui-même l'ordre d'attaquer. Or, il était alors à Modon et ne revint que dans l'après-midi du (Woodhouse 1965, p. 145)
  24. Anderson 1952, p. 512 considère que Tahir était effectivement le Kapudana Bey, ce qui contredit les sources contemporaines ainsi que Woodhouse et Douin
  25. Il n'était pas le seul Grec présent : les pilotes des amiraux français et russe étaient grecs. Il y en avait aussi à bord des navires ottomans dont on retrouva les corps les jours suivants.
  26. Dans d'autres versions, le Breslau arrivait après l’Azov.
  27. Les trois vaisseaux des puissances participèrent peut-être même à la destruction du Guhu-Reva.
  28. Ou était-ce la même ? C'est le problème des sources.
  29. On montre encore, en 2009, au fond de l'eau de la baie (là où elle n'est pas trop profonde) les épaves des navires turcs (Robin Barber, Greece. Blue Guide., A & C Black, Londres, 1987, p. 350. (ISBN 978-0-393-30372-8)). Cette information a été vérifiée de visu, mais avec difficultés par un des rédacteurs de l'article.
  30. Une frégate et dix-sept navires de moindre envergure (D. Haws, « 20 octobre 1827 », in op. cit., p. 117). Une frégate démâtée, quatre corvettes, six bricks et quatre schooners (ou goélettes) selon Letellier (Woodhouse 1965, p. 141). Le consul britannique à Alexandrie décrit la flotte de 47 navires qui revint le 29 décembre 1827 : un vaisseau de ligne, 4 frégates et 4 corvettes turques ; une frégate de 60 canons, 5 corvettes, 11 bricks et 21 transports égyptiens. (Woodhouse 1965, p. 153).
  31. Dimakis 1976, p. 106 propose 40 navires turcs et 25 navires égyptiens détruits.
  32. Certaines sources confondent le père et le fils et attribuent à tort les blessures du fils au père.
  33. (en) Discours du trône au Parlement britannique 29/01/1828
  34. Au suffrage censitaire pour un peu plus de 80 000 électeurs
  35. L'intégralité du poème sur Wikisource
  36. lire sur Gallica
  37. lire sur Gallica

Références

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  2. Woodhouse 1965, p. 29-31.
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  51. a b et c J. M. V. Kerviler, « Souvenirs »
  52. a b c d e et f G. Douin, op. cit, légende du plan de la bataille.
  53. Monument commémoratif.
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  60. Anderson 1952, p. 529.
  61. a et b Woodhouse 1965, p. 136-137.
  62. Woodhouse 1965, p. 114-116 qui cite le rapport du capitaine Fellowes. Ce rapport est corroboré par Joseph Kerviler, officier à bord de la Syrène.
  63. a et b Driault et Lhéritier 1926, p. 382.
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  71. Douin, op cit, plan III
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  79. S. G. Howe, op. cit., p. 450.
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