Automatistes
Les Automatistes est un groupe d'artistes du Québec, réunis autour de Paul-Émile Borduas, professeur à l'École du Meuble de Montréal, au cours des années 1940.
Le mouvement regroupe les peintres Marcel Barbeau, Jean-Paul Riopelle, Pierre Gauvreau, Fernand Leduc, Jean-Paul Mousseau, et Marcelle Ferron ; les écrivains Claude Gauvreau et Thérèse Renaud ; les danseuses et chorégraphes Françoise Sullivan, Françoise Riopelle et Jeanne Renaud ; la designer Madeleine Arbour ; l'actrice Muriel Guilbault et le photographe Maurice Perron, de même que le psychiatre psychanalyste Bruno Cormier. En 1948, ils signent le manifeste Refus global[1], ouvrage collectif composé notamment du texte Refus global, rédigé par Borduas (1948)[2].
Origine
[modifier | modifier le code]Le mouvement est fondé en 1942 par le peintre Paul-Émile Borduas. Les fondements du mouvement surréaliste et les outils psychanalytiques constituent les bases idéologiques de l'automatisme. À l'encontre des surréalistes, les Automatistes préconisent une approche intuitive expérimentale non représentative conduisant à un renouvellement en profondeur du langage artistique. Les premières œuvres résultant de ces expériences s'apparentent à l'expressionnisme abstrait, malgré l'absence de liens entre les groupes montréalais et new-yorkais.
On reconnaît généralement que l'exposition de quarante-cinq gouaches de Paul-Émile Borduas, au mois d', au Foyer de l'Ermitage, à Montréal, est le point de départ du mouvement. Une jeunesse enthousiaste se joint alors à ce professeur, adoptant ses idées et son projet.
D'abord initié dans le milieu des arts visuels (peinture, dessin, sculpture, etc.), le mouvement s'étend à d'autres disciplines artistiques: la poésie, la danse et le théâtre. La première manifestation publique du groupe a lieu en mars 1946 dans le cadre d'une exposition organisée dans une boutique désaffectée de la rue Amherst à Montréal. La publication du manifeste Refus global, le aux Éditions Mithra-Mythe, définira leur vision esthétique et politique.
Appellation
[modifier | modifier le code]C'est le journaliste et communicateur, Tancrède Marsil Jr., qui, le premier, nomme le groupe « Les Automatistes » dans sa critique de leur seconde exposition à Montréal ( au ). Cet article est publié le 28 février 1947 dans Le Quartier latin, le journal étudiant de l'Université de Montréal[3] sous le titre « Les automatistes. École Borduas »[4]. Ce nom lui a été inspiré par le discours esthétique des exposants eux-mêmes au cours du vernissage, notamment celui de son chef de file, Paul-Émile Borduas, et celui du poète Claude Gauvreau, qui prônaient le recours une écriture automatique inspirée des pratiques surréalistes. Le même Gauvreau signale d'ailleurs que cette appellation journalistique a été adoptée par le groupe : « Le vocable employé par Marcil eut beaucoup de succès et nous nous surprîmes bientôt nous-mêmes à le brandir comme un drapeau[5] ».
Automatismes
[modifier | modifier le code]Paul-Émile Borduas distingue trois modes d'automatismes : mécanique, psychique, surrationnel[6].
- mécanique : « produit par des moyens strictement physiques, plissage, grattage, frottements, dépôts, fumage, gravitation, rotation, etc. »
- psychique : « en littérature: écriture sans critique du mouvement de la pensée. »
- surrationnel : « écriture plastique non préconçue. Une forme en appelle une autre jusqu'au sentiment de l'unité, ou de l'impossibilité d'aller plus loin sans destruction. »
Évolutions individuelles
[modifier | modifier le code]Sans s'être séparés radicalement, les Automatistes ont interrompu leurs activités communes en 1954, après l'exposition La matière chante organisée par Claude Gauvreau. Le départ pour l'étranger de la plupart d'entre eux, particulièrement celui de Borduas pour New York, en 1953, puis Paris, en 1956, a précipité la dissolution effective du groupe. Cependant, les Automatistes ont constamment maintenu des liens entre eux par-delà le temps et l'évolution de leurs recherches esthétiques respectives.
Dans La femme qui fuit, Anaïs Barbeau-Lavalette raconte le parcours de Suzanne Meloche et évoque l'aventure des Automatistes.
Paul-Émile Borduas souhaite détacher l’art de toute convention. Son opposition aux élites et ses revendications lui feront perdre son emploi de professeur à l’École du meuble[7].
Citation
[modifier | modifier le code]« Les Automatistes étaient des paysagistes dans le grand sens du mot, véhiculant les rapports de l'homme avec son milieu géographique, avec sa lumière[8]. »
— Marcelle Ferron
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Collectif, « L’automatisme en mouvement », Études françaises, numéro préparé par Gilles Lapointe et Ginette Michaud, vol. 34, nos 2-3, 1998, 317 p. (http://revue-etudesfrancaises.umontreal.ca/volume-34-numero-2-3/).
- Collectif, « Paul-Émile Borduas. Projections libérantes », Études françaises, vol. 8, no 3, août 1972, 117 p. (http://revue-etudesfrancaises.umontreal.ca/volume-8-numero-3/).
- Ray Ellenwood, Égrégore - Une histoire du mouvement automatiste de Montréal, traduit de l'anglais par Jean Antonin Billard, Éditions du passage, 2014, 342 p.
- François-Marc Gagnon, Chronique du mouvement automatiste québécois : 1941-1954, Outremont : Lanctôt Éditeur, 1998, 1023 p.
- Louis Gill, Art, politique, révolution. Manifestes pour l’indépendance de l’art. Borduas Pellan, Dada, Breton, Rivera, Trotsky, Montréal, M Éditeur, 2012, introduction, p. 9-13.
- Noël Lajoie, Textes sur l'art : articles parus dans Le Devoir (1955-1956) et autres écrits sur l'art, Hurtubise, collection « Cahiers du Québec », 2015, 248 p.
- Gilles Lapointe, La comète automatiste, Fides, 2008, 208 p.
- Michel Nestor, Sur les traces de l’anarchisme au Québec : les années 1940, Ruptures, no 5, printemps 2005, texte intégral.
- Sébastien Dulude, Esthétique de la typographie, Roland Giguère, les éditions ERTA et l'École des arts graphiques, Nota Bene, 2013, 230 p.
- Richard Giguère, Un mouvement de prise de parole : les petits éditeurs de poésie des années 50 et 60 au Québec. Voix et Images, 14 (2), 1989, p. 211–224. https://doi.org/10.7202/200770ar
- Paul-Émile Borduas, Refus global & Projections libérantes, Nouvelle édition augmentée d'une Introduction de François-Marc Gagnon et suivie de Notes biographiques, de Borduas et l'automatisme par Marcel Fournier et Robert Laplante et de Dimensions de Borduas par Claude Gauvreau Montréal: Les Éditions Parti pris, 1977, 155 pp. Collection: “Projections libérantes”, texte intégral.
Références
[modifier | modifier le code]- Paul-Émile Borduas et al. Refus global, Éditions Mythra-Mythe, 1948. Paul-Émile Borduas, Refus global et autres écrits, édition préparée et présentée par André-G. Bourassa et Gilles Lapointe, Montréal, L’Hexagone, 1990.
- Michel Nestor, Sur les traces de l’anarchisme au Québec : les années 1940, Ruptures, no 5, printemps 2005, texte intégral.
- Les Automatistes L'école Borduas
- Tancrède Marsil Jr, « Les automatistes : L'école Borduas », Le Quartier latin, vol. 29, no 34, , p. 4 (ISSN 0832-4131, lire en ligne)
- Claude Gauvreau, L'épopée automatiste vue par un cyclope, in Écrits sur l'art, Montréal, Hexagone, 1996 1969 (ISBN 978-2-89006-530-7), p. 50
- Dans: Commentaires sur des mots courants, deuxième texte du recueil Refus global
- « Refus global : quand des artistes veulent changer la société », sur ici.radio-canada.ca (consulté le )
- Patricia Smart, Marcelle Ferron : Monographie, Éditions Simon Blais, , p. 9.
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Ressource relative aux beaux-arts :
- Les archives de Radio-Canada: Le mouvement automatiste
- L'Encyclopédie canadienne: Automatistes
- Revue de presse sur Les automatistes
- Paul-Émile Borduas. Refus global & Projections libérantes, Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi (1977).