Obsidienne
Catégorie | roche magmatique |
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Sous-catégorie | roche volcanique |
Composition chimique |
70–75 % SiO2, plus MgO, Fe3O4 |
Couleur | gris, vert foncé, rouge, noir |
Dureté | 5 à 5,5 |
L’obsidienne est une roche volcanique vitreuse et riche en silice. De couleur grise, vert foncé, rouge ou noire, elle est issue d'une lave acide (type rhyolite). La vitrification en masse est rendue possible par le fort degré de polymérisation de la lave[1]. Ce phénomène n'a rien à voir avec les bordures figées de quelques millimètres à quelques centimètres observées sur des laves basiques (filons, pillows lavas) pour lesquelles la vitrification est due à un refroidissement rapide de la lave (contact avec un encaissant froid ou avec de l'eau).
Selon Pline l'Ancien, son nom viendrait de Obsius, personnage de la Rome antique qui aurait signalé en premier la présence de cette roche, en Éthiopie, mais les linguistes relient ce nom au latin obsidio, « action d'assièger[2] ».
Propriétés physiques, minéralogie
[modifier | modifier le code]L'obsidienne est opaque à translucide et présente une texture et un éclat vitreux[3]. Elle est le plus souvent grise ou noire mais il arrive que l'obsidienne réfléchisse la lumière, selon ses plans internes, de sorte que des reflets verts, violets et argentés apparaissent, ce phénomène est appelé « arc-en-ciel des obsidiennes »[3].
Sa cassure est très nettement conchoïdale, sa dureté sur l'échelle de Mohs étant de 5 à 5,5[4] (comme le verre).
Le verre de l'obsidienne peut recristalliser, ce qui donne des sphérolithes de cristobalite ou, parfois, des obsidiennes « flocon de neige » avec des orbicules de recristallisation.
Gisements, âge et variétés
[modifier | modifier le code]L'obsidienne se forme à partir de coulées de lave très épaisses et riches en silice. Roche peu commune, elle se trouve en abondance :
- En certains points du Massif central français[3]
- sur les îles Lipari (dans l'archipel des îles Éoliennes), en Sardaigne (Monte Arci), d'où elle fut exportée dans tout le bassin méditerranéen dès la préhistoire[5] ;
- en Arménie, entre le lac Sevan et Erevan ;
- en Turquie, au pied du Mont Ararat, où on trouve de l'obsidienne translucide;
- sur l'île de Milos au Sud de la mer Egée, en Grèce ;
- sur l'île de Gyali au large de Nissiros en Grèce ;
- dans les îles Canaries, particulièrement sur l'île de Tenerife, face nord du Teide (« Los huevos del Teide » — « Les œufs du Teide » — sont composés d'énormes masses ovoïdes d'obsidienne presque pure) ;
- dans les environs du Landmannalaugar (Islande) ;
- aux États-Unis, au Mexique et au Pérou ;
- au Kenya, dans la vallée du Grand Rift[6] ;
- en divers lieux du Japon, notamment l'île de Kozushima, le mont Kirigamine sur Honshu, Shirataki (en) au nord d'Hokkaido ou encore au mont Koshidake (ja) sur Kyushu[7] ;
- aux alentours des volcans de l'île de Pâques.
Les obsidiennes sont le plus souvent datées du Pliocène (2 à 4 millions d'années) ; aucune n'est antérieure au Cénozoïque : en effet, cette roche se dévitrifie avec le temps.
Utilisation préhistorique
[modifier | modifier le code]L'obsidienne a été utilisée pour la fabrication de tranchant pour les armes et les outils au cours de la Préhistoire, notamment en Amérique précolombienne (voir plus en détail l'article sur l'utilisation de l'obsidienne en Mésoamérique). Les galets roulés servent à la fabrication de bijoux et la dureté de ce minéral et sa facilité relative de taille permettent d'en faire des lames. En Amérique du Sud sur la côte Pacifique l'obsidienne faisait l'objet d'échanges à longue distance, notamment contre certains coquillages (spondyles et strombes)[8].En Mésoamérique au premier millénaire de notre ère les gisements d'obsidienne font la richesse de Teotihuacan, dont on retrouve la production jusqu'à Altun Ha[9].
Il existe aussi de nombreuses traces d'utilisation de l'obsidienne dans le sud de l'Europe au Néolithique, où une forme de commerce et de transport de la pierre était mise en place depuis les gisements des volcans de l'actuelle Italie. Des outils en obsidienne ont ainsi été retrouvés lors de fouilles archéologiques, notamment dans le sud de la France[10]. À partir du Néolithique en Méditerranée occidentale, il y a 8 000 ans, des réseaux d’échanges se mettent en place entre les différentes communautés agropastorales, réseaux qui resteront actifs durant quatre millénaires[11].
Une étude récente portant sur l’obsidienne préhistorique permet de lever un voile sur la manière dont étaient organisés certains de ces échanges à longue distance, entre les îles et les rivages méditerranéens : ce commerce était en partie aux mains d’artisans spécialisés qui se déplaçaient par voie maritime et distribuaient le produit de leur artisanat aux communautés visitées. Les sites archéologiques attestent de la mise en forme des nucléus autour des gisements (principalement Lipari et Monte Arci en Sardaigne), puis du détachement de lames et de lamelles dans les villages « consommateurs »[12]. En Sardaigne, l'obsidienne était une ressource importante, exploitée depuis les premières phases du Néolithique ancien (6000-5000 avant notre ère). Utilisée pour fabriquer des armes, des outils et d'autres objets lithiques, l'obsidienne est beaucoup plus rare que le silex commun et possède de meilleurs caractéristiques (brillance, facile à façonner) ; elle était donc très recherchée dans l'Antiquité et autour de quelques gisements, prospéraient une intense activité d'extraction, de transformation et d'échange même sur de longues distances[13].
En Afrique orientale sur les bords du golfe de Winam (lac Victoria), on retrouve des outils en obsidienne dans des sites archéologiques datant d'entre le VIe millénaire av. J.-C. et le IIIe millénaire av. J.-C. ; des analyses chimiques permettent d'établir que l'obsidienne utilisée provient de gisements situés à plus de 150 km de là, aux abords du lac Naivasha ou du lac Bogoria[6]. Certains outils ont été retrouvés à 400 km de leur site d'extraction[6]. Ces échanges avaient vraisemblablement un but social et symbolique plus qu'utilitaire[6].
Au Japon préhistorique, l'obsidienne est exploitée en divers lieux et est l'objet d'échanges sur quelques centaines de kilomètres, voire plus dans le cas d'échanges maritimes[7]; des objets en obsidienne de Kyushu ont ainsi été retrouvés dans les îles Ryukyu et d'autres en obsidienne d'Hokkaido ont été exhumés au nord de Sakhaline[7].
La découverte d'obsidienne sur un site archéologique est une précieuse source d'information, car elle rend possible sa datation par la méthode de l'hydratation[14]. De plus chaque gisement a une composition chimique propre, ce qui permet de déduire le lieu d'extraction de l'obsidienne constituant un artéfact retrouvé lors d'une fouille[7].
Artisanat, commerce, art et folklore
[modifier | modifier le code]Il existe des dénominations esthétiques ou commerciales de variétés, notamment selon les vertus curatives que la culture populaire leur accorde en fonction de leur apparence : l’« arc-en-ciel » (également nommée en France « œil céleste »), l’« acajou » (« mahogany »), la « flocon de neige » (« mouchetée »), la noire, la dorée, l’argentée, la « mentogochol » (déformation du nom mexicain Manta Huichol), la « spider web » (« toile d’araignée ») ou la « mezclada » (mélangée : mélange les caractéristiques de l’arc-en-ciel et de la spider web) par exemple[15],[16].
On trouve, dans le commerce des gemmes, des variétés synthétiques d’obsidienne. L’obsidienne bleue est un verre bleu transparent artificiel. On peut trouver du bleu dans l’obsidienne naturelle, mais à l’état de reflets plus ou moins visibles sur une pierre opaque à très légèrement translucide.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Hervé Bertrand, Olivier Dequincey, « Obsidienne/ bordure figée : une obsidienne n'est pas une lave refroidie rapidement ».
- « DicoLatin - Correspondance pour OBSIDIO », sur www.dicolatin.com (consulté le )
- Frederick H. Pough, Guides des roches et minéraux, Delachaux et Niestlé, (ISBN 2-242-00089-6 et 978-2-242-00089-5, OCLC 23984333), p. 23-24.
- Obsidienne sur le site de gemmologie Gemdat.
- "L’archéologie en Sardaigne", blog de voyage et de randonnée, le 12 mars 2024 [1]
- Jessie Cauliez, Tiphaine Dachy, Xavier Gutherz et al., chap. 16 « Les premières sociétés de production en Afrique », dans François-Xavier Fauvelle (dir.), L'Afrique ancienne : De l'Acacus au Zimbabwe, Belin, coll. « Mondes anciens », , 678 p. (ISBN 978-2-7011-9836-1).
- Pierre-François Souyri et Laurent Nespoulous, Le Japon ancien : Des chasseurs-cueilleurs à Heian (- 36 000 à l'an mille), Belin, coll. « Mondes anciens », (ISBN 978-2410015690), chap. 1 (« L'archipel japonais et la société du Paléolithique supérieur »), p. 26-27.
- Carmen Bernand, L'Amérique latine précolombienne : Dernière glaciation - XVIe siècle, Belin, coll. « Mondes anciens », (ISBN 2410028365), chap. 2 (« Aux origines des civilisations agraires »), p. 89.
- Carmen Bernand, L'Amérique latine précolombienne : Dernière glaciation - XVIe siècle, Belin, coll. « Mondes anciens », (ISBN 2410028365), chap. 4 (« Les cités-temples »), p. 184.
- « L'or noir des néolithiques à Trets » in Le Guide des sites préhistoriques Provence-Alpes-Côte-d'Azur de Bertrand Roussel et Frédéric Boyer, éd. Mémoires Millénaires (avril 2018), p. 190 (ISBN 978-2-919056-61-3).
- Anne Lehoërff, Préhistoires d'Europe : De Néandertal à Vercingétorix, Paris, éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-5983-6), chap. 6 (« Franchir les espaces. Voyager, échanger sur les terres et sur les mers »).
- Costa Laurent-Jacques, 2007, L'Obsidienne, un témoin d'échanges en Méditerranée préhistorique, Éditions Errance, Paris.
- Paolo Melis, La Sardaigne préhistorique, Soveria Mannelli (Catanzaro-Italie), Carlo Delphino editore, , 96 p. (ISBN 978-88-9361-117-6), p. 51
- Anne Lehoërff, Préhistoires d'Europe : De Néandertal à Vercingétorix, , 604 p. (ISBN 978-2-7011-5983-6), L'atelier de l'historien, chap. III (« Le temps »).
- Éric Gallet et Fabien R. Sabatier, Pierres, minéraux et cristaux : Comprendre les énergies des minéraux et leur pouvoir de guérison, Fernand Lanore, 2015 p. 202-204.
- (es) Michael Gienger, Piedras curativas: 430 piedras de la A a la Z, EDAF, 2008, p. 73-74.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) Steven Shackley, Obsidian: Geology and Archaeology in the North American Southwest, University of Arizona Press, 2005, 246 p.
- Laurent-Jacques Costa, L'obsidienne. Un témoin d'échanges en Méditerranée préhistorique, Paris, Errance, 2007, 112 p., ill. (ISBN 978-2-87772-358-9).
- Carlo Lugliè, « L'obsidienne néolithique en Méditerranée occidentale », in L'Homme et le précieux, BAR International Series, 2009.
- Marie-Claire Cauvin, L'Obsidienne au Proche et Moyen-Orient : du volcan à l'outil, Archaeopress, 1998, 388 p.
- Sarah Delerue, « L'obsidienne dans le processus de néolithisation du Proche-Orient », thèse de doctorat en physique des archéomatériaux, Bordeaux 3, 2007.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Obsidienne/ bordure figée : physique et chimie des laves
- Site de l'IAOS (International association for obsidian studies)
- Obsidian sur le site mindat.org (la plus vaste base de données de minéralogie)