Les années 1830, marquées par la conquête d'Alger, sont une période charnière dans l'histoire coloniale de la France. Cependant, leur impact sur l'évolution de l'idée coloniale est souvent sous-estimé. S'appuyant sur une analyse critique...
moreLes années 1830, marquées par la conquête d'Alger, sont une période charnière dans l'histoire coloniale de la France. Cependant, leur impact sur l'évolution de l'idée coloniale est souvent sous-estimé. S'appuyant sur une analyse critique des discours et des écrits politiques, cet article montre la complexité de la pensée coloniale au cours de cette période. Contrairement a la thèse habituellement avancée, le débat sous la Monarchie de Juillet ne se limite pas a la simple opposition entre « colonistes » et « anticolonistes ». Chaque parti renferme des désaccords fondamentaux, notamment dans le domaine de la politique « indigène ». Parmi les colonistes, certains réclament la politique de !'oppression contre les « barbares », mais d'autres exigent la collaboration avec ces « indigènes » ou leur assimilation. Quant aux anticolonistes, ils sont a priori favorables a !'assimilation, mais cette idée est rejetée par certains d'entre eux qui insistent aussi sur la « barbarie » des autochtones.
Dans ce débat complexe, les orateurs soutiennent !'existence ou non de la
« nationalité arabe ». En 1833, un ouvrage publie en français, attribue au commerçant algérois Hamdan Khodja, définit les Algériens comme une nation et compare leur histoire a celle des Polonais, des Belges et des Grecs. Tocqueville, publiciste favorable à la colonisation, craint de voir se constituer un Etat pour le peuple algérien sous le contrôle d'Abd-el-Kader. Pour Desjobert, théoricien anticoloniste, c'est précisément Abd-el-Kader qui représente la « nationalité arabe » d'Algérie, et c'est la raison pour
laquelle il faut renoncer a toute idée de colonisation. Ainsi, le débat ne se résume pas a une simple morgue coloniale. Il est d'une certaine manière précurseur, même si de nombreux contemporains n'y sont pas attentifs.