Pour une politique culturelle à l'âge de la démocratie. Le moment est sans doute venu de mettre e... more Pour une politique culturelle à l'âge de la démocratie. Le moment est sans doute venu de mettre en oeuvre une grande politique publique dont la dynamique soit fondée sur un appel à l'art1 émanant de la société elle-même. Une politique de la demande qui rétablisse un lien systémique entre art et société, qui se fragilise, alors qu'il est essentiel autant pour des raisons politiques que culturelles. S'il faut aller chercher dans l'histoire ancienne, aussi bien que contemporaine, pourquoi aucune démocratie n'est encore parvenue à l'instaurer, les conditions sont maintenant réunies pour la proposer. ° ° ° Depuis l'origine des civilisations, ce sont les pouvoirs religieux, politiques ou financiers qui ont fait appel aux artistes pour donner une forme sensible et visible par tous aux valeurs et ordres culturels qui construisent et régissent une société. Sans que cette fonction sociale fondamentale de l'art change, la relation entre les artistes et leur société se transforme profondément avec la révolution moderne. A la Renaissance, les artistes commencent à s'émanciper et à proposer un mode de relation raisonné et critique au monde. Ils deviennent des acteurs décisifs d'une conquête fondatrice de la modernité : l'invention de l'individualité et l'émancipation qui lui est liée de toute les formes de perception du monde et d'expression de la personne. Chaque artiste n'a de cesse dès lors d'affirmer sa singularité et ils ont été avec les philosophes les figures emblématiques de cette émancipation qui conduira au développement des sciences et à l'invention d'une ordre social fondé sur la reconnaissance de la liberté et de la souveraineté de la personne. Au tournant des années cinquante-soixante, après la deuxième guerre mondiale, ce sont leurs oeuvres elles-mêmes que les artistes finissent d'émanciper des dernières conventions qu'elles devaient respecter pour être reconnues comme art. Les artistes deviennent libres du choix des genres ou des techniques et la création peut prendre n'importe quelle forme, utiliser n'importe quel matériau et investir tous domaines. La conséquence en est majeure. Pour la première fois, les artistes peuvent prendre en compte et enrichir leurs créations de toutes les problématiques de leur époque, quelle que soit leur diversité et complexité. Et, c'est en phase avec l'histoire. En effet, depuis la révolution démocratique et la chute de leurs interlocuteurs traditionnels qui les liaient à un ordre culturel commun, les artistes ont dû, seuls et à leurs frais, chercher dans leur intime nécessité une raison d'être de l'art. Une solitude qui a permis d'inventer des formes d'expression de soi avec une liberté sans pareil, mais qui perdait de son sens dès lors que cette liberté d'expression a été instituée comme un droit reconnu pour tous. Quand chacun peut assumer la responsabilité de dire une raison de l'art, d'exprimer de profondes nécessités de créer, l'artiste se trouve libre d'assumer un nouveau rôle, à la hauteur d'enjeux relevés par d'autres et non plus seulement par lui. A la condition cependant d'émanciper, elle-aussi, la forme même de relation entre l'artiste et sa société en faisant un sort à un préjugé de classe hérité de l'histoire : le commun des mortels n'a pas qualité à agir en art ! Le citoyen ne peut être le véritable interlocuteur de l'artiste! 1 Les mots art et artiste dans ce texte sont génériques et recouvrent toutes les formes de création actuelles. 2 C'est en mon nom propre, en tant qu'artiste concepteur du Protocole des Nouveaux commanditaires, que cette prise de position a été rédigée.
Pour une politique culturelle à l'âge de la démocratie. Le moment est sans doute venu de mettre e... more Pour une politique culturelle à l'âge de la démocratie. Le moment est sans doute venu de mettre en oeuvre une grande politique publique dont la dynamique soit fondée sur un appel à l'art1 émanant de la société elle-même. Une politique de la demande qui rétablisse un lien systémique entre art et société, qui se fragilise, alors qu'il est essentiel autant pour des raisons politiques que culturelles. S'il faut aller chercher dans l'histoire ancienne, aussi bien que contemporaine, pourquoi aucune démocratie n'est encore parvenue à l'instaurer, les conditions sont maintenant réunies pour la proposer. ° ° ° Depuis l'origine des civilisations, ce sont les pouvoirs religieux, politiques ou financiers qui ont fait appel aux artistes pour donner une forme sensible et visible par tous aux valeurs et ordres culturels qui construisent et régissent une société. Sans que cette fonction sociale fondamentale de l'art change, la relation entre les artistes et leur société se transforme profondément avec la révolution moderne. A la Renaissance, les artistes commencent à s'émanciper et à proposer un mode de relation raisonné et critique au monde. Ils deviennent des acteurs décisifs d'une conquête fondatrice de la modernité : l'invention de l'individualité et l'émancipation qui lui est liée de toute les formes de perception du monde et d'expression de la personne. Chaque artiste n'a de cesse dès lors d'affirmer sa singularité et ils ont été avec les philosophes les figures emblématiques de cette émancipation qui conduira au développement des sciences et à l'invention d'une ordre social fondé sur la reconnaissance de la liberté et de la souveraineté de la personne. Au tournant des années cinquante-soixante, après la deuxième guerre mondiale, ce sont leurs oeuvres elles-mêmes que les artistes finissent d'émanciper des dernières conventions qu'elles devaient respecter pour être reconnues comme art. Les artistes deviennent libres du choix des genres ou des techniques et la création peut prendre n'importe quelle forme, utiliser n'importe quel matériau et investir tous domaines. La conséquence en est majeure. Pour la première fois, les artistes peuvent prendre en compte et enrichir leurs créations de toutes les problématiques de leur époque, quelle que soit leur diversité et complexité. Et, c'est en phase avec l'histoire. En effet, depuis la révolution démocratique et la chute de leurs interlocuteurs traditionnels qui les liaient à un ordre culturel commun, les artistes ont dû, seuls et à leurs frais, chercher dans leur intime nécessité une raison d'être de l'art. Une solitude qui a permis d'inventer des formes d'expression de soi avec une liberté sans pareil, mais qui perdait de son sens dès lors que cette liberté d'expression a été instituée comme un droit reconnu pour tous. Quand chacun peut assumer la responsabilité de dire une raison de l'art, d'exprimer de profondes nécessités de créer, l'artiste se trouve libre d'assumer un nouveau rôle, à la hauteur d'enjeux relevés par d'autres et non plus seulement par lui. A la condition cependant d'émanciper, elle-aussi, la forme même de relation entre l'artiste et sa société en faisant un sort à un préjugé de classe hérité de l'histoire : le commun des mortels n'a pas qualité à agir en art ! Le citoyen ne peut être le véritable interlocuteur de l'artiste! 1 Les mots art et artiste dans ce texte sont génériques et recouvrent toutes les formes de création actuelles. 2 C'est en mon nom propre, en tant qu'artiste concepteur du Protocole des Nouveaux commanditaires, que cette prise de position a été rédigée.
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