Irini - Despina Papaikonomou

Dossier : L’objet est ici de réévaluer l’histoire et les représentations des mères et de la maternité dans le monde grec ancien. Qu’est ce que devenir mère dans la Grèce ancienne ? Le dossier aborde cette question, que ce soit dans ses aspects démographiques, avec l’épineuse question du contrôle des naissances pour le bien de l’oikos, dans ses aspects physiologiques et médicaux en posant la question des liens entre maternité et santé, ainsi que dans ses composantes religieuses en analysant le rôle de divinités dans le processus d’engendrement. Il porte également sur la maternité des mortelles et sur celle des déesses, en se demandant dans quelle mesure devenir mère est un changement de statut social ou l’accomplissement d’un telos bénéfique et souhaité pour la communauté, mais non sans risque. L’ensemble offre un panorama éclairant qui témoigne de la difficulté de devenir mère à partir d’une réflexion qui lie les realia à l’imaginaire des Grecs. Varia : Histoire et anthropologie (généalogie divine, sacrifice et patriarcat ; construction mythique de l'espace ; langue des dieux) ; texte et pragmatique dans l'Iliade (individu et société) ; les langages de la statuaire (le remploi de statues sous l'empire romain) ; histoire et politique (Delphes et les oracles)

Résumé Frotter le pénis, geste connu en contexte dionysiaque grec, cité à propos d’un tout petit enfant ne peut concerner que la maladie de la lithiase, autrement dit le calcul vésical. Pour les auteurs hippocratiques du ve siècle av. J.-C. qui observent et enregistrent tout symptôme et réaction de leur patient, même le langage gestuel d’un nourrisson permet de connaître une maladie, d’établir son origine, sa symptοmatologie, sa pathologie, son pronostic et enfin son nom. Malgré l’absence de livre de pédiatrie systématique dans l’Antiquité, les médecins hippocratiques ont pu voir dans la lithiase vésicale des enfants, - maladie peu discutée par nos spécialistes jusqu’à ce jour -, l’une des affections infantiles les plus graves, dont les conséquences sont souvent funestes, et qui a tendance à se développer davantage chez les garçons. Le calcul n’ayant pas pu être extrait, il y a des chances de le retrouver pendant les fouilles archéologiques dans les bassins des squelettes des enfant...

A particularly beautiful marble statue of a boy, a dedication unearthed in Lilaia, Phokis, and on display in the National Archaeological Museum, Athens, is an opportunity for us to explore the connection between the boys’ games and the jeopardy in their outcome. Both the expression on the boy’s face and the way he holds an astragal and a goose demand multiple levels of reading. These are related to the intent of the dedication in the first place, the identification of the games requiring an astragal or involving a goose, as well as to the choice of these specific playthings for the particular imagery. Why is he holding a single astragal, and in such a particular way? Why is the goose included in the picture, and what species of Anatidae is this? The apparent originality of the motif and of the work, in comparison with other well-known Hellenistic representations in stone or terracotta, dictated our research into the milieu of artistic and symbolic quests of that period, and also a r...

L’etude propose une nouvelle methode pluridisciplinaire pour aborder la mort des sujets immatures, a l’appui des vestiges archeologiques provenant des cites d’Abdere, Thasos et Amphipolis. L’ « offrande » funeraire, consideree ici comme un document historique analyse dans son contexte, permet une reflexion sur la fonction de l’objet dans le rite en rapport avec une personne precise ; les resultats sont compares en synchronie et en diachronie par sepulture et par cite. Dans ce volume qui s’inscrit dans une etude plus large visant a contribuer a l’etablissement d’une anthropologie et d’une histoire de l’enfance grecque, la recherche se limite aux objets qui se referent au corps, a son traitement, voire a sa perception et sa protection. Ces objets, operent comme des signes et forment avec le reste du mobilier un ensemble qui fonctionne comme un systeme evoquant l’identite sociale et le genre de l’individu. Neanmoins, une enquete anthropologique de certains cas combinee avec les donnees...

Deux figurines en terre cuite découvertes à Thasos, l'une votive, l'autre funéraire, nous conduisent, par leur ambiguïté, à se demander si les artisans ont donné une forme plastique au placenta humain alors même que les organes internes du corps ne sont presque ...

Cette communication analyse les jeux visuels que les Grecs utilisent afin de figurer différentes dimensions de l’allaitement, du lait, du sevrage et de la parenté au travers de la plastique pour construire la figure du dieu Pan. L'hybridation, s'il y en a une en termes grecs, sera analysée comme exemple dans le contexte archéologique cultuel et sera comparée à des figurines, à la céramique attique et à d'autres supports. Elles révèlera des astuces multiples et inattendues, utilisées par les artisans pour tenir un discours visuel sur le lien entre l’homme, l’animal et la petite enfance tout en traduisant des questions que les Anciens se sont posés sur les frontières entre le sauvage et le cultivé.

Les moyens archéologiques pour repérer et caractériser la maternité du point de vue corporel, social et symbolique du terme se limitent au matériel funéraire et quelques figurines votives. `A l’exception des femmes mortes pendant la grossesse, la maternité ainsi que la mort en couches sont  perceptibles dans les sépultures seulement au travers du squelette de la femme et de son mobilier, l’enfant faisant l’objet d’un traitement différentiel et étant d’habitude absent.  Nous proposons deux nouveaux critères pour identifier ces mères disparues. Pour des raisons culturelles, considérer que, parmi les aôroi de 12 à 15 ans, il y en a plusieurs déjà mariées et, de ce fait, mortes à cause d’un accouchement précoce ou des suites d’un traitement gynécologique maladroit. Les objets qui les accompagnent sont à lire comme un système de signes qui structure un discours autour de leur identité intime et sociale. Dans l’exemple donné, l’hypothèse porte sur des indications d’un mariage, la douleur causée par la disparition d’une fille à l’âge fleuri, par un accouchement non abouti provoquant à la défunte la perte de sa qualité essentielle comme femme de citoyen : celle de procréer. La préoccupation pour une grossesse réussie se retrouve chez quelques figurations étonnantes en terre cuite, déposées dans des sanctuaires de divinités féminines. De manière directe ou indirecte, elles représentent les parties du corps concernées par la parturition. Le  déchiffrage de ces images présuppose aussi la connaissance d’un langage de signes jouant sur des métaphores utilisant le vocabulaire médical de l’époque. Ces jeux aident à éviter les actes de souillure tout en permettant d’offrir une image de la fécondité.

The means offered by archeology to identify and characterize motherhood in the physical, social and symbolic aspect of the term are limited to the funerary material and to some terra cotta ex-voto. Apart from the women who died during pregnancy, motherhood and death during childbirth cannot be discerned except through the bones of the mother and the grave goods that accompany her, since the stillborn and perinatals were usually subject to a different burial treatment and were buried separately.  We propose two new criteria to enable us to distinguish these mothers. To assume, for cultural reasons, that among the aôroi of 12 to 15 years old there are many who were already married and probably died because of an early delivery or a clumsy gynecological treatment. The objects that accompany them act like a system of signs that constructs a discourse around the private and social identity. In the example given here, the hypothesis made about this context presents indications concerning marriage, the pain caused by the disappearance of the girl, an unconcluded birth, and the loss of every hope for creating progeny, which is important for the status of the citizen’s woman. The concern for a successful pregnancy is also apparent in some astonishing clay figurines deposited in sanctuaries of female divinities. They represent, directly or indirectly, the parts of the body associated with childbirth. Deciphering these objects also requires the knowledge of a special language of signs based on the play of metaphors that used the medical vocabulary of the period. These plays allow the believers to offer this type of fecundity images without committing any miasma.

Les jeunes filles nues assises font partie de la  «mise en scène» du mobilier funéraire qui accompagne notamment les enfants et les jeunes filles. Nous prendrons comme exemple les cas où le contexte est donné, comme à Abdère, à Amphipolis, à Thasos, à Samothrace, à Béroia, à Pella, et des cas où  il reste problématique,  comme à Myrina, à Délos ou ailleurs. Peut-on interpréter ces figurines comme des  «hierodouloi», comme soutenu dans la bibliographie récente ? Ou s’agit-il  de jeunes femmes désirables à la fleur de l’âge pratiquant des rituels suggérés par les sources écrites et figurées, ainsi que par le reste du mobilier et en comparaison avec le matériel votif ?
Les figurines en terre cuite appartiennent à la fois au monde votif et au monde funéraire.  Si le monde votif rend l’interprétation relativement plus aisée à cause du contexte donné, le monde funéraire offre d’autres dimensions à leur compréhension, grâce au contexte individualisé de la sépulture.  Nous avons pu démontrer que le mobilier de cette dernière constitue un langage qui se construit selon le mode de l’image et se réfère  la plupart du temps au mort précis, puisque les objets choisis et déposés près de son corps présentent des régularités.  Celles-ci ne s’expliquent que par des choix correspondant à des actes intentionnels pratiqués  pendant les rituels funéraires.  Aussi, le simple inventaire et les statistiques concernant les occurrences des différentes catégories de ktérismata,  et des figurines en particulier, que nous rencontrons dans la plupart des études, ne sauraient pas nous conduire à saisir les liens entre rites funéraires et religieux et encore moins à comprendre la fonction des terres cuites à l’intérieur de la sépulture.

Though childbirth was always in the center of the interests of the Greek city state, the high children mortality due to the risks appearing in perinatal period characterized ancient societies. The rights of the perinatals and the babies to have a formal burial has been rarely discussed in archaeological publications. The city of Abdera and its successive colonizations offer a good example of the differentiated treatment of children according to aged classes in the cemeteries. The detailed presentation of the archaeological data of Abdera shows that if the dead child has always been an object of affective investment  and of a funerary treatment similar to the adults, the perinatals and the babies are overrepresented in clazomenian period, while they disappear from the cemeteries during the teian period that follows. The only exception to the phenomenon is the area which maintains the clazomenian traditions during the fifth century. Only children aged from 6 months to one year are admitted in the necropoleis, while the treatment of the most young remains unknown. Is this phenomenon related to the beginning of the weaning, with the supplement of cooked cereals to child's nutrition? Do cereals mean the entry of the yound individual into the "civilized" society of the sitophagoi, sot that the introduction of this food becomes an important passage for the progressive integration of the child into the human community? If our hypothesis is valid, the analysis of Abdera's data made it possible to realize the existence of an important stage of infancy, not observed through other methods. The analysis concerning the clazomenian period, where newborns are recovered, shows that the shore's and marshy landscape of the city's boundaries, in which the colons inscribe the death of its children, as well as the burying in vases symbolically evoke the marginal status of the  baby. Situated between two worlds, between life and death, the baby comes out of the watery world of the uterus before returning to an other humid world, probably represented by the qualities of the landscape : the shore, the marshes and the meadows, where life comes spontaneaously to light and continues to be amphibious. But also where water from the sea and from the rivers exerce all their puryfying qualities in the case of the double miasma of death and birth of the perinatals. This is a whole world where Artemis and other divinities prevail and where the child itself is put under her protection, as Artemis is giving the life and the death to the children. It seems that this kind of problematic may be helpful to us in order to search the possibilities of finding perinatals'corpses not far away from the sanctuaries of Artemis, Eileithyia or Hekate.

Peut-on parler d’un caractère sexué des ktérismata accompagnant les enfants en Grèce ancienne?
Le dépôt d’objets dans la tombe, résultant d’un choix intentionnel, présente en Grèce certaines régularités. Ces « offrandes », étudiées systématiquement par tombe et par nécropole, nous parlent de l’enfant et de sa place dans la société. Nous permettent-ils d’identifier son sexe? Cette question nous paraît mériter d’autant plus d’attention  que l’étude anthropologique n’aide pas souvent à sa détermination chez les enfants.

Within the territories of the city of Abdera, where the water is caracteristically present, the rites connected with it, attested through archaeology inside the necropoleis as well as in the sanctuary, testify the existence of concrete gestures against pollution from birth and from death and let the construction of an identity of the dead, infant or adolescent, be revealed, depending on the degree of integration in the social web.
This identity, rooted on the city ground and connected to the notion of reproduction should be based on the fecundity and purification virtues of water, which is also proven by the worship carried out in the sanctuary.

Dans le territoire de la cité d’Abdère, où l’eau est fortement présente, les rites qui lui sont liés, attestés par l’archéologie tant dans les nécropoles qu’au sanctuaire, témoignent de gestes précis contre la pollution de la naissance et de la mort, et laissent entrevoir la construction de l’identité du défunt, enfant ou adolescent, selon son degré d’intégration dans le tissu social. Cette identité, ancrée au sol de la cité et associée à la notion de procréation, tiendrait aux vertus purificatrices et fécondatrices de l’eau, ce que le culte pratiqué au sanctuaire prouve de son côté.

Toute société grecque était étroitement attachée à son territoire et au paysage qui le caractérisait. Les cités revendiquaient un territoire propre, s'ancraient dans son sol et leurs citoyens s'identifiaient à ce territoire (Guettel-Cole 2004, 1, 7). Le paysage spécifique de chaque cité semble avoir marqué les habitants par sa morphologie, son aspect, ses particularités. Parmi les éléments constituant le paysage, l'eau était peut-être le plus important selon les critères grecs : tout comme le sol, l'eau provenant des sources territoriales constituait une référence pour la formation de l'identité locale (Guettel-Cole 2004, 194) ; son impact sur les sociétés s'exprimait à plusieurs niveaux dans leur fonctionnement et dans leur espace. Dans une tentative de saisir tout cela à partir de la réalité des vestiges archéologiques, il m'a semblé utile de réunir, dans le cadre d'une recherche plus générale encore inédite, les données disponibles concernant une cité précise, Abdère en l'occurrence. Mon objectif est de croiser ces données afin de déceler des relations, des interférences et des nuances dans les croyances, ainsi que dans les pratiques en différents domaines et dans le fonctionnement d'ensemble de la cité. Ici, je me limiterai à l'étude d'un exemple, la tombe d'une jeune fille, afin de détecter des liens entre le monde religieux et le monde funéraire, en faisant attention de ne pas projeter un monde sur l'autre. Cette démarche s'appuie sur le fait que les nécropoles nous offrent des informations plus précises et plus individualisées concernant la population d'une cité ancienne que les sanctuaires de la même cité. Dans la cité d'Abdère, ville construite dans la partie est de l'embouchure du Nestos, sur une ancienne péninsule, l'eau est particulièrement présente tant par la mer que par le fleuve. Le Nestos a été, sans doute, à l'origine de la prospérité de cette cité grâce à l'agriculture, mais également à l'origine de la destruction de la ville archaïque par ses crues. Selon les études paléographiques récentes (Syrides et Psilovikos 2004, 351-59), les changements continus du lit du Nestos 2 et l'interaction terre-mer ont fini par faire du côté ouest de la chora d'Abdère, bordée auparavant par une baie, un paysage marécageux et lacustre. Ce paysage (que l'excursion à Abdère vous a permis de découvrir vous-mêmes) évoque, comme je le développe ailleurs, l'importance possible d'un culte d'Artémis dans cet espace, son lien profond avec le milieu humide étant bien connu. Nous savons déjà qu'Artémis était honorée à Clazomènes 3 et à Téos, les deux métropoles d'Abdère. Nous connaissons aussi les liens étroits et continus qu'Abdère avait su garder avec sa métropole Téos (Herrmann 1981 ; SEG 31 [1981] 985 ; Graham 1992, 44-73 ; Loukopoulou et Parissaki 2004, 305-310), où Artémis avait Dionysos pour parèdre (Lévêque et Séchan 1970, 296). Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement Abdère, nous avons des mentions concernant le culte d'Artémis et des monnaies sur lesquelles elle fut représentée au revers (Chryssanthaki 1995, 171). 4 Cette divinité secourable et redoutable, gardienne des confins, des « eschatiai », ces terres instables en modification continue, là où les frontières entre le sauvage et le civilisé s'avèrent 1 Mes remerciements les plus chaleureux vont à Y. Morizot, F. Poplin et J.-F. Lauginie, pour avoir lu ce texte et m'avoir aidée par leurs conseils précieux et leurs corrections. 2 Str. 7 fr. 43 : Οὐ μένει δ' ὁ Νέστος ἐπὶ ταὐτοῦ ῥείθρου διὰ παντός, ἀλλὰ κατακλύζει τὴν χώραν πολλάκις. 3 Graf 1985 : à Clazomènes furent honorés : Zeus, Poséidon, Athéna, Artémis, Apollon, Hermès, Dionysos, Déméter, Asclépios, Héraclès, Méter, Hermotimos, Agamemnon, les dieux égyptiens, puis l'empereur. 4 Je remercie vivement l'auteur de m'avoir donné accès à son mémoire inédit.

A methodical and anthropological study of the funerary goods usually interpreted as "toys" has been produced in an attempt to perceive the place reserved for children in the society of Abdera in the fourth century. It seems that these offerings, always a result of intentional choice and underlined by regularity, act as attributes of the identity, the age or the sex of the child, as well as prophylactic symbols against dangers threatening this fragile age. Nevertheless, the same objects are met as offerings in the sanctuaries of divinities related to courotrophy. The question therefore arises : do the objects found in tombs constitute offerings that the young child should dedicate to a divinity during an initiation rite at the end of a childhood phase ? Or is it about offerings destined for a divinity related to death, in exchange to a favourable reception in the afterlife ?

The identification of toys, as illustrated on Attic vases or referred to in ancient texts and funerary epigrams, is absent from the sanctuaries' studies, with the exception of the so-called dolls.
A limited number of unknown miniature figurines found in the Thassian Artemision, are used here as an example to help consider whether they are representations of children's toys and activities, as votive offerings to the goddess on some occasion, while pointing to the possible existence of corresponding real-size perishable objects in the sanctuary. Additionally, other figurines, often referred to as toys, offer the opportunity to realize that children could never play with them. Those items played a different role, determined by the excavation context, often funerary.
In order to suggest the existence of activities that could take place in the sanctuary of Artemis within the frame of childhood celebrations and rites of passage, we will focus on the distinction between toys, games, and play. We will try to see to what extent we can distinct the religious aspects from the ones aiming to the pleasure, development, education and socialization of the child, based on the cultural standards of the time.
As these issues are related to the various aspects of the worship of Artemis in Thassos, already known or unknown as it arises here, to her local invocations and to the geographical location of the sanctuary, the comparison with material from other sanctuaries of the goddess, or from sanctuaries of other deities with similar qualities, within the polytheistic Greek religion, will hopefully prove useful for the identification of contemporary and through time customs and practices concerning the child's development in the marine environment of the Aegean.