Isabelle Gillet

Le présent mémoire de CIU relate une expérience d'accompagnement à la reconstruction de soi d'une victime-témoin (ex-compagne d'un adepte de mouvement sectaire), victime de traumatisation indirecte dite secondaire. Le parcours d'Inès vers la reconquête de sa liberté d'être et d'agir est analysé en détail, de manière ethnographique, à partir d'une triple approche narrative, existentielle et transculturelle. Les applications cliniques des concepts étudiés en Victimologie et Psychotraumatologie font l'objet d'un éclairage anthropologique, systémique et philosophique. Les phénomènes de dissociation, crise, deuil compliqué et lâcher-prise sont discutés par rapport à leurs conséquences sur la vie intrapsychique et interpersonnelle de la patiente. Sont mises au jour la mécanique de l'emprise, dans la secte comme dans le couple, et ses ambivalences en termes de lien et de relation. Les facteurs de protection et de résilience d'Inès sont abordés en parallèle aux facteurs de risque de son ex-partenaire, dont la quête spirituelle était pervertie et a produit des effets délétères. La prise en charge thérapeutique du trauma complexe d'Inès s'appuie sur une démarche intégrative qui vise à soutenir au long cours les processus de remaniement identitaire en favorisant le rétablissement de la sécurité ontologique via divers outils de « créativité symbolique ». L'auteure examine également de façon réflexive sa posture d'intervenante. Pour conclure, elle envisage enjeux et perspectives.

Parmi une patientèle de personnes atypiques et à parcours nomades, Isabelle Gillet a observé une similarité de problématiques, peut-être de phénomènes, entre l'étrangeté à soi-même et l'étrangeté à autrui, l'acquisition de compétences hybrides résultant d'un apprentissage par imprégnation, une articulation entre diversité cognitive et diversité culturelle. Elle postule l'existence d'une forme d'ouverture d'esprit mosaïque, globe trotteuse et systémique, qu'elle désigne sous le nom de "intelligence transculturelle", dépassant les concepts classiques d'intelligence culturelle ou interculturelle, qui serait le propre des personnes chez lesquelles se jouent à la fois un processus de métissage culturel et un fonctionnement à haut potentiel, renforçant mutuellement leurs effets sur les pensées, émotions et comportements. Dans cet article, elle étudie la posture de Décentration et les outils de Créativité symbolique à partir desquels le thérapeute peut aider l'intelligence transculturelle du patient à se redéployer lorsqu'elle semble "en panne", lorsque celui-ci ne parvient plus à trouver le chemin d'accès vers les ressources psychiques qui maintenaient jusqu'alors son équilibre en contexte d'altérité. L'auteure présente ici sa pratique originale de l'anthropologie clinique : mobile, multi-référentielle, intégrant la thérapie narrative et les neurosciences, utilisant les objets métaphoriques et la dimension spatiale comme leviers de changement dans le cadre de cet "accompagnement aux antipodes" des profils singuliers (surdoués) et pluriels (multiculturels).