VOIX DE L’AU-DELÀ. LES PIERRES DE DRAGOMIRNA
L’exonarthex de la grande église du Monastère de Dra... more VOIX DE L’AU-DELÀ. LES PIERRES DE DRAGOMIRNA L’exonarthex de la grande église du Monastère de Dragomirna abrite cinq dalles funéraires, dont deux ont des inscriptions grecques et une n’a jamais eu d’inscription; les deux autres sont très effacées: elles conservent aujourd’hui seulement des bribes des lettres de leurs inscriptions slaves et de leur décor floral. L’évêque Melchisedec (1823–1892) en 1883 et le professeur Eugen A. Kozak (1857–1933) en 1903 avaient lu et déchiffré les inscriptions, mais sans pouvoir établir l’identité des personnages enterrés là-bas et dont les noms paraissent illisibles. De nos jours encore, on utilise les traductions roumaines établies par N. Iorga (1938) d’après les lectures de Kozak. Heureusement, ces deux inscriptions slaves ont été lues, déchiffrées et traduites vers 1883–1887 par un savant roumain très passionné et très dévoué aux recherches épigraphiques: Nicolas Beldiceanu (1844–1896). Ses décalques, ainsi que ses copies, transcriptions et traductions ont été copieusement utilisés par N. Iorga pour le premier volume de ses Inscriptions des églises de Roumanie (Bucarest, 1905). Mais un cahier est resté inaperçu parmi les milliers de manuscrits de la Bibliothèque de l’Académie Roumaine, où il fut déposé en 1912 par D. A. Sturdza. Dans ce cahier, l’auteur a retrouvé les deux inscriptions de Dragomirna, transcrites d’une manière impeccable, presque photographique, ainsi que leurs traductions. Grâce aux dessins de Beldiceanu, on est arrivé à connaître les noms des personnages enterrés à Dragomirna. Il s’agit de deux membres de la famille des boyards Drăguşescu, dont un est fréquemment mentionné dans les documents de l’époque: Dumitraşco († 1709/1710). Il est le commanditaire d’une de ces deux dalles funéraires, destinée à recouvrir la tombe de son père, Serghie, mort le 4 juillet 1680. Mais, selon les documents, le père de Dumitraşco s’appelait Prodan Drăguşescu ! C’est un faux dilemme: il faut accepter que le personnage eût porté en effet le nom Serghie (St. Serge), mais il était connu avec le surnom Prodan (ce qui signifie «vendu»). C’est lui qui a commandé l’autre dalle funéraire, destinée à recouvrir la tombe d’un certain Savin (peut-être un autre fils), mort le 27 janvier 1673 ou 1674. Ces noms ont été inscrits dans les anciens obituaires du monastère. À partir de ces informations, l’auteur se propose de reconstituer la généalogie de cette famille de boyards du Nord de la Moldavie historique. La dernière partie de l’article concerne un personnage connu sous le nom de Silitrarul – le salpêtrier. Apparenté aux boyards Drăguşescu, descendant lui-même de la vieille aristocratie du pays, il a dû être une sorte d’entrepreneur qui surveillait la production et l’export du salpêtre, ce qui lui a valu son surnom.
Un tableau votif et une nécropole familiale. L’église du logothète Tăutu de Bălineşti
Figure de p... more Un tableau votif et une nécropole familiale. L’église du logothète Tăutu de Bălineşti Figure de proue des règnes d’Étienne le Grand (1457–1504) et de son fils Bogdan III (1504–1517), Ioan Tăutu a rempli, pendant 36 années, la plus haute charge dans l’administration de la principauté moldave: grand logothète (chancelier) du pays. Sa longue activité intéresse non seulement l’histoire politique de la Moldavie (il fut un expert de premier rang dans le domaine des relations avec la Pologne et l’Empire Ottoman), mais aussi l’histoire culturelle par les résultats du patronage qu’il a exercé. Sa présence dans les vieilles traditions moldaves (perpétuées par ses descendants) est bien compréhensible. A Bălineşti (aujourd’hui dans le département de Suceava), le logothète Tăutu († 1511) fît construire une belle et imposante église, consacrée en 1499 et richement ornée à l’intérieur et à l’extérieur. Malheureusement, ces fresques ne sont pas datées. On a essayé de dater en 1500–1511 celles de l’intérieur par rapport au tableau votif peint sur le mur ouest de la nef, mais cette hypothèse est sérieusement minée par les confusions sur lesquelles elle se fonde: on a interprété de manière erronée les informations offertes par le tableau votif et les dalles funéraires. L’auteur propose de restreindre cet intervalle aux années 1501–1505, vu la présence du portrait de Petraşco: ce fils du logothète est né après septembre 1500 (lorsque mourut son frère, qui portait le même nom), ce qui explique pourquoi le tableau votif le représente en bas âge. La seconde partie de l’étude est consacrée à la reconstitution de la nécropole familiale; on utilise les résultats des recherches archéologiques (qui ont mis au jour les traces de 18 tombes datant des XVe–XVIIe siècles, ayant appartenu aux membres de la famille du fondateur de l’église), ainsi que les informations fournies par les documents concernant la transmission de la propriété du village à travers plusieurs générations des descendants du logothète Tăutu.
Le lieutenant Iacob (Iacovake) Gorovei de Roman et les aventures de sa vie à Bacău
Vers 1855, un ... more Le lieutenant Iacob (Iacovake) Gorovei de Roman et les aventures de sa vie à Bacău Vers 1855, un officier, membre de la famille Gorovei, natif du département de Roman, vint s’établir à Bacău. Né vers 1821, dans le département de Roman, il avait perdu son père en 1827. Il fit ses études à Jassy, à l’Académie princière (Academia Mihăileană) et puis à l’École Militaire. D’une belle stature, il est décrit comme „une sorte de géant, doté d’une force herculéenne”, beau, mais très irascible, même violent. Unioniste en 1856-1858, il devint par la suite adepte fidèle de la politique libérale soutenue par I.C. Brătianu. Avec son caractère, il fut au centre de plusieurs scandales politiques à Bacău, en 1867-1868. Sa vie familiale même en fut affectée. De son premier mariage (1845; dissout en 1857), avec Elena Secară (c.1819-1875), naquirent deux enfants; en 1857-1859, à Bacău, il se maria pour la deuxième fois, avec une très belle femme, Elena Bontăş (c.1831-1897), qui venait se séparer de Iorgu Sion (il est possible que leur union ne fut pas légitimée). Après ces deux mariages, Iacob Gorovei fut appelé plusieurs fois en justice, au Tribunal de Bacău, pour clarifier la situation des biens ayant appartenus à ses épouses. Vers 1860, il se maria pour la troisième fois, avec une autre „belle Hélène”: Elena Meissner ou Meiser (c.1841-1868), que l’on supposait avoir des racines juives, lui donna quatre ou cinq filles. Iacob Gorovei mourut à Bacău en 1872; sa postérité est éteinte aujourd’hui. Son seul fils, Grigore Iacob Gorovei (1851-1900), ne fut pas marié. Cet article fait suite aux études publiées dans cette même revue, en 2013 [Mobilitatea populaţiei reflectată în istoria unei familii: purtătorii numelui Gorovei (sec. XVI–XXI), „Carpica”, XLII, p. 373–385] et 2015 [Mobilitatea populaţiei reflectată în istoria unei familii. II. Purtătorii numelui Gorovei în ţinutul (judeţul) Bacău, „Carpica”, XLIV, p. 287–306].
Un monument épigraphique et héraldique récupéré: l’inscription votive armoriée de Poutna (1481)
... more Un monument épigraphique et héraldique récupéré: l’inscription votive armoriée de Poutna (1481)
La tour par laquelle on pénètre dans l’enceinte du Monastère de Poutna est „scellée” par deux inscriptions votives armoriées: une (datée en 1756–1757) qui porte les armes des Principautés Roumaines et le nom du prince Constantin Cehan Racoviţă, à l’intérieur; l’autre, à l’extérieur, datée en 1481, avec le nom d’Étienne de Moldavie et les armoiries de ce prince. Cette dernière inscription a éveillé des soupçons surtout à cause de l’épithète velikïi (= le grand) qui accompagne le nom du prince Étienne et celui de son père, le prince Bogdan II: cette épithète
appartient aux traditions diplomatiques de la chancellerie valaque, tandis qu’elle est inusitée dans la chancellerie princière moldave. Les historiens qui se sont penchés sur cette question ont accepté, finalement, que la plaque avec les armoiries et l’inscription votive doit dater du milieu du XVIIIe siècle, lorsque le monastère fut restauré et les murs (y compris la tour) furent reconstruits. Le problème du faux se pose, alors, dans les termes envisagés par l’éminent épigraphiste français, le professeur Robert Favreau: „On doit considérer, avant de parler de faux, qu’il peut s’agir seulement d’une réfection
d’un texte dégradé ou d’une copie d’un texte ancien authentique”. Mais peut-on prouver qu’il s’agisse vraiment, dans ce cas, d’une réplique ou de la réfection d’une inscription armoriée très détériorée à l’époque ?! Ce monument épigraphique et héraldique est, pourtant, très important non
seulement par l’emploi de l’épithète velikïi (= le grand), mais aussi pour la représentation des armes dynastiques (une croix double et une double fleur de lys). L’auteur s’est donc proposé de l’examiner de tous points de vue, afin de constater si les soupçons sont vraiment justifiés ou, au moins, s’il est possible de dénicher un élément douteux, soit du point de vue diplomatique, soit héraldique. Le texte a été analysé par rapport à ceux des deux autres inscriptions votives de Poutna, une datant de la même année 1481 et l’autre de 1559 (dans laquelle on retrouve l’étrange épithète attachée au nom du prince Alexandre Lăpuşneanu). Quant aux armoiries, elles jouissent maintenant d’un véritable „certificat d’authenticité”: une grande inscription armoriée, découverte dans les ruines du château de Suceava, datée en 1477, porte les mêmes armoiries. Il faut donc conclure que l’inscription votive de Poutna ne contient aucun élément douteux: tant la forme (le grand quadrilobe), que le contenu (texte et image)correspondent parfaitement au temps qu’elle indique.
Un manuscrit égaré, une église disparue et la lignée du métropolite Anastase Crimca
En 1852, le s... more Un manuscrit égaré, une église disparue et la lignée du métropolite Anastase Crimca En 1852, le savant bulgare Konstantin P. Dmitriev-Petković a découvert au Monastère d’Esphigmenou du Mont Athos un vieux manuscrit slavon très intéressant pour l’histoire roumaine: un Tetraévangéliaire slavon qui aurait été offert en 1551 (?) par un certain „Kirik” à une église de la ville de Suceava, placée sous le vocable des Saints Apôtres Pierre et Paul. Ses notes ont été imprimées en 1865, sans être connues aux historiens roumains qu’en 1941. Le manuscrit fut examiné à nouveau en 1902 par le savant russe Vladimir N. Benešević (1874–1938), qui a publié l’inscription dédicatoire (en lui omettant la date): le vrai nom du donateur n’était pas du tout „Kirik”, mais Ioan Crimca. Malgré sa publication en 1903, la description de Benešević resta inconnue, elle aussi, jusqu’en 1986 aux historiens roumains; ceux-ci prirent connaissance de l’existence du manuscrit d’Esphigmenou grâce à la relation du R. P. Paul Mihail[ovici], qui donna en 1933 une très courte description, mais toujours sans reproduire la date. Pourtant, l’élément le plus important de ce manuscrit – c’est-à-dire le texte même de la dédicace qui mentionne le nom du donateur, celui de l’église de Suceava et la date – ne fut jamais publié en Roumanie. Le donateur du manuscrit fut identifié, par tous les spécialistes (l’auteur du texte présent y compris), avec le père de Ilie Crimca (ou Crimcovici); ce dernier, élu (sous le nom d’Anastase) évêque de Rădăuţi en 1600, puis évêque de Roman (1606) et finalement archevêque de Suceava et métropolite de la Moldavie (1608–1629), fut un des fondateurs du Monastère de Dragomirna. Poursuivant ses recherches concernant Anastase Crimca et Dragomirna, l’auteur jeta un coup d’oeil sur le dossier de ce Tetraévangéliaire d’Esphigmenou. La recherche, menée à travers plusieurs confusions et malentendus et attachant aux détails l’attention qu’elles réclament à juste titre, ne tarda pas à offrir les surprises. La date rapportée par Dmitriev-Petković (1551 ?) dut être corrigée en 7051, c’est-à-dire 1543, tandis que la note dédicatoire publiée par Benešević en 1903 dévoila les parents du donateur, Crimca (tout court, donc peut-être le fondateur de la famille) et Marina. D’autre part, cette investigation aboutit à la conclusion qu’un autre Tetraévangéliaire, décrit comme rédigé en grec, provenant d’une donation faite (à une église inconnue) par le même Ioan Crimca et se trouvant à la Bibliothèque de l’Académie de St. Petersbourg, n’existe pas: il est apparu suite à une confusion que l’auteur a déchiffré à une autre occasion (voir „Studii şi Materiale de Istorie Medie”, XXXIV, 2016, p. 120–123). La note dédicatoire du Tetraévangéliaire d’Esphigmenou atteste, donc, l’existence d’un Ioan Crimca, fils de Crimca et de Marina, habitant de Suceava et qui, en 1543, offrait ce manuscrit à l’église des Saints Apôtres Pierre et Paul; or, une des plus importantes rues de l’ancienne ville de Suceava s’appelait la rue de Crimca. Il faut admettre que ces deux points – la rue et ladite église – doivent aller de pair si on veut essayer leur localisation sur la carte de la vielle ville. Dans la dernière partie de l’étude, l’auteur reprend la discussion concernant le patronyme de cette famille – Crimca, Krymka – et revient à l’opinion exprimé en 1997 sur sa signification: Krymka doit être un surnom utilisé pour désigner un homme originaire de Krym, parti donc de la Péninsule de Crimée. L’analogie avec certains mots et noms utilisés en Pologne et en Ukraine actuelle semble suggérer un lointain ancêtre d’origine arménienne, qui dut fuir la Crimée pour trouver son refuge en Pologne (à Lwow, par exemple), avant de s’établir en Moldavie, où il accepta la confession orthodoxe.
VOIX DE L’AU-DELÀ. LES PIERRES DE DRAGOMIRNA
L’exonarthex de la grande église du Monastère de Dra... more VOIX DE L’AU-DELÀ. LES PIERRES DE DRAGOMIRNA L’exonarthex de la grande église du Monastère de Dragomirna abrite cinq dalles funéraires, dont deux ont des inscriptions grecques et une n’a jamais eu d’inscription; les deux autres sont très effacées: elles conservent aujourd’hui seulement des bribes des lettres de leurs inscriptions slaves et de leur décor floral. L’évêque Melchisedec (1823–1892) en 1883 et le professeur Eugen A. Kozak (1857–1933) en 1903 avaient lu et déchiffré les inscriptions, mais sans pouvoir établir l’identité des personnages enterrés là-bas et dont les noms paraissent illisibles. De nos jours encore, on utilise les traductions roumaines établies par N. Iorga (1938) d’après les lectures de Kozak. Heureusement, ces deux inscriptions slaves ont été lues, déchiffrées et traduites vers 1883–1887 par un savant roumain très passionné et très dévoué aux recherches épigraphiques: Nicolas Beldiceanu (1844–1896). Ses décalques, ainsi que ses copies, transcriptions et traductions ont été copieusement utilisés par N. Iorga pour le premier volume de ses Inscriptions des églises de Roumanie (Bucarest, 1905). Mais un cahier est resté inaperçu parmi les milliers de manuscrits de la Bibliothèque de l’Académie Roumaine, où il fut déposé en 1912 par D. A. Sturdza. Dans ce cahier, l’auteur a retrouvé les deux inscriptions de Dragomirna, transcrites d’une manière impeccable, presque photographique, ainsi que leurs traductions. Grâce aux dessins de Beldiceanu, on est arrivé à connaître les noms des personnages enterrés à Dragomirna. Il s’agit de deux membres de la famille des boyards Drăguşescu, dont un est fréquemment mentionné dans les documents de l’époque: Dumitraşco († 1709/1710). Il est le commanditaire d’une de ces deux dalles funéraires, destinée à recouvrir la tombe de son père, Serghie, mort le 4 juillet 1680. Mais, selon les documents, le père de Dumitraşco s’appelait Prodan Drăguşescu ! C’est un faux dilemme: il faut accepter que le personnage eût porté en effet le nom Serghie (St. Serge), mais il était connu avec le surnom Prodan (ce qui signifie «vendu»). C’est lui qui a commandé l’autre dalle funéraire, destinée à recouvrir la tombe d’un certain Savin (peut-être un autre fils), mort le 27 janvier 1673 ou 1674. Ces noms ont été inscrits dans les anciens obituaires du monastère. À partir de ces informations, l’auteur se propose de reconstituer la généalogie de cette famille de boyards du Nord de la Moldavie historique. La dernière partie de l’article concerne un personnage connu sous le nom de Silitrarul – le salpêtrier. Apparenté aux boyards Drăguşescu, descendant lui-même de la vieille aristocratie du pays, il a dû être une sorte d’entrepreneur qui surveillait la production et l’export du salpêtre, ce qui lui a valu son surnom.
Un tableau votif et une nécropole familiale. L’église du logothète Tăutu de Bălineşti
Figure de p... more Un tableau votif et une nécropole familiale. L’église du logothète Tăutu de Bălineşti Figure de proue des règnes d’Étienne le Grand (1457–1504) et de son fils Bogdan III (1504–1517), Ioan Tăutu a rempli, pendant 36 années, la plus haute charge dans l’administration de la principauté moldave: grand logothète (chancelier) du pays. Sa longue activité intéresse non seulement l’histoire politique de la Moldavie (il fut un expert de premier rang dans le domaine des relations avec la Pologne et l’Empire Ottoman), mais aussi l’histoire culturelle par les résultats du patronage qu’il a exercé. Sa présence dans les vieilles traditions moldaves (perpétuées par ses descendants) est bien compréhensible. A Bălineşti (aujourd’hui dans le département de Suceava), le logothète Tăutu († 1511) fît construire une belle et imposante église, consacrée en 1499 et richement ornée à l’intérieur et à l’extérieur. Malheureusement, ces fresques ne sont pas datées. On a essayé de dater en 1500–1511 celles de l’intérieur par rapport au tableau votif peint sur le mur ouest de la nef, mais cette hypothèse est sérieusement minée par les confusions sur lesquelles elle se fonde: on a interprété de manière erronée les informations offertes par le tableau votif et les dalles funéraires. L’auteur propose de restreindre cet intervalle aux années 1501–1505, vu la présence du portrait de Petraşco: ce fils du logothète est né après septembre 1500 (lorsque mourut son frère, qui portait le même nom), ce qui explique pourquoi le tableau votif le représente en bas âge. La seconde partie de l’étude est consacrée à la reconstitution de la nécropole familiale; on utilise les résultats des recherches archéologiques (qui ont mis au jour les traces de 18 tombes datant des XVe–XVIIe siècles, ayant appartenu aux membres de la famille du fondateur de l’église), ainsi que les informations fournies par les documents concernant la transmission de la propriété du village à travers plusieurs générations des descendants du logothète Tăutu.
Le lieutenant Iacob (Iacovake) Gorovei de Roman et les aventures de sa vie à Bacău
Vers 1855, un ... more Le lieutenant Iacob (Iacovake) Gorovei de Roman et les aventures de sa vie à Bacău Vers 1855, un officier, membre de la famille Gorovei, natif du département de Roman, vint s’établir à Bacău. Né vers 1821, dans le département de Roman, il avait perdu son père en 1827. Il fit ses études à Jassy, à l’Académie princière (Academia Mihăileană) et puis à l’École Militaire. D’une belle stature, il est décrit comme „une sorte de géant, doté d’une force herculéenne”, beau, mais très irascible, même violent. Unioniste en 1856-1858, il devint par la suite adepte fidèle de la politique libérale soutenue par I.C. Brătianu. Avec son caractère, il fut au centre de plusieurs scandales politiques à Bacău, en 1867-1868. Sa vie familiale même en fut affectée. De son premier mariage (1845; dissout en 1857), avec Elena Secară (c.1819-1875), naquirent deux enfants; en 1857-1859, à Bacău, il se maria pour la deuxième fois, avec une très belle femme, Elena Bontăş (c.1831-1897), qui venait se séparer de Iorgu Sion (il est possible que leur union ne fut pas légitimée). Après ces deux mariages, Iacob Gorovei fut appelé plusieurs fois en justice, au Tribunal de Bacău, pour clarifier la situation des biens ayant appartenus à ses épouses. Vers 1860, il se maria pour la troisième fois, avec une autre „belle Hélène”: Elena Meissner ou Meiser (c.1841-1868), que l’on supposait avoir des racines juives, lui donna quatre ou cinq filles. Iacob Gorovei mourut à Bacău en 1872; sa postérité est éteinte aujourd’hui. Son seul fils, Grigore Iacob Gorovei (1851-1900), ne fut pas marié. Cet article fait suite aux études publiées dans cette même revue, en 2013 [Mobilitatea populaţiei reflectată în istoria unei familii: purtătorii numelui Gorovei (sec. XVI–XXI), „Carpica”, XLII, p. 373–385] et 2015 [Mobilitatea populaţiei reflectată în istoria unei familii. II. Purtătorii numelui Gorovei în ţinutul (judeţul) Bacău, „Carpica”, XLIV, p. 287–306].
Un monument épigraphique et héraldique récupéré: l’inscription votive armoriée de Poutna (1481)
... more Un monument épigraphique et héraldique récupéré: l’inscription votive armoriée de Poutna (1481)
La tour par laquelle on pénètre dans l’enceinte du Monastère de Poutna est „scellée” par deux inscriptions votives armoriées: une (datée en 1756–1757) qui porte les armes des Principautés Roumaines et le nom du prince Constantin Cehan Racoviţă, à l’intérieur; l’autre, à l’extérieur, datée en 1481, avec le nom d’Étienne de Moldavie et les armoiries de ce prince. Cette dernière inscription a éveillé des soupçons surtout à cause de l’épithète velikïi (= le grand) qui accompagne le nom du prince Étienne et celui de son père, le prince Bogdan II: cette épithète
appartient aux traditions diplomatiques de la chancellerie valaque, tandis qu’elle est inusitée dans la chancellerie princière moldave. Les historiens qui se sont penchés sur cette question ont accepté, finalement, que la plaque avec les armoiries et l’inscription votive doit dater du milieu du XVIIIe siècle, lorsque le monastère fut restauré et les murs (y compris la tour) furent reconstruits. Le problème du faux se pose, alors, dans les termes envisagés par l’éminent épigraphiste français, le professeur Robert Favreau: „On doit considérer, avant de parler de faux, qu’il peut s’agir seulement d’une réfection
d’un texte dégradé ou d’une copie d’un texte ancien authentique”. Mais peut-on prouver qu’il s’agisse vraiment, dans ce cas, d’une réplique ou de la réfection d’une inscription armoriée très détériorée à l’époque ?! Ce monument épigraphique et héraldique est, pourtant, très important non
seulement par l’emploi de l’épithète velikïi (= le grand), mais aussi pour la représentation des armes dynastiques (une croix double et une double fleur de lys). L’auteur s’est donc proposé de l’examiner de tous points de vue, afin de constater si les soupçons sont vraiment justifiés ou, au moins, s’il est possible de dénicher un élément douteux, soit du point de vue diplomatique, soit héraldique. Le texte a été analysé par rapport à ceux des deux autres inscriptions votives de Poutna, une datant de la même année 1481 et l’autre de 1559 (dans laquelle on retrouve l’étrange épithète attachée au nom du prince Alexandre Lăpuşneanu). Quant aux armoiries, elles jouissent maintenant d’un véritable „certificat d’authenticité”: une grande inscription armoriée, découverte dans les ruines du château de Suceava, datée en 1477, porte les mêmes armoiries. Il faut donc conclure que l’inscription votive de Poutna ne contient aucun élément douteux: tant la forme (le grand quadrilobe), que le contenu (texte et image)correspondent parfaitement au temps qu’elle indique.
Un manuscrit égaré, une église disparue et la lignée du métropolite Anastase Crimca
En 1852, le s... more Un manuscrit égaré, une église disparue et la lignée du métropolite Anastase Crimca En 1852, le savant bulgare Konstantin P. Dmitriev-Petković a découvert au Monastère d’Esphigmenou du Mont Athos un vieux manuscrit slavon très intéressant pour l’histoire roumaine: un Tetraévangéliaire slavon qui aurait été offert en 1551 (?) par un certain „Kirik” à une église de la ville de Suceava, placée sous le vocable des Saints Apôtres Pierre et Paul. Ses notes ont été imprimées en 1865, sans être connues aux historiens roumains qu’en 1941. Le manuscrit fut examiné à nouveau en 1902 par le savant russe Vladimir N. Benešević (1874–1938), qui a publié l’inscription dédicatoire (en lui omettant la date): le vrai nom du donateur n’était pas du tout „Kirik”, mais Ioan Crimca. Malgré sa publication en 1903, la description de Benešević resta inconnue, elle aussi, jusqu’en 1986 aux historiens roumains; ceux-ci prirent connaissance de l’existence du manuscrit d’Esphigmenou grâce à la relation du R. P. Paul Mihail[ovici], qui donna en 1933 une très courte description, mais toujours sans reproduire la date. Pourtant, l’élément le plus important de ce manuscrit – c’est-à-dire le texte même de la dédicace qui mentionne le nom du donateur, celui de l’église de Suceava et la date – ne fut jamais publié en Roumanie. Le donateur du manuscrit fut identifié, par tous les spécialistes (l’auteur du texte présent y compris), avec le père de Ilie Crimca (ou Crimcovici); ce dernier, élu (sous le nom d’Anastase) évêque de Rădăuţi en 1600, puis évêque de Roman (1606) et finalement archevêque de Suceava et métropolite de la Moldavie (1608–1629), fut un des fondateurs du Monastère de Dragomirna. Poursuivant ses recherches concernant Anastase Crimca et Dragomirna, l’auteur jeta un coup d’oeil sur le dossier de ce Tetraévangéliaire d’Esphigmenou. La recherche, menée à travers plusieurs confusions et malentendus et attachant aux détails l’attention qu’elles réclament à juste titre, ne tarda pas à offrir les surprises. La date rapportée par Dmitriev-Petković (1551 ?) dut être corrigée en 7051, c’est-à-dire 1543, tandis que la note dédicatoire publiée par Benešević en 1903 dévoila les parents du donateur, Crimca (tout court, donc peut-être le fondateur de la famille) et Marina. D’autre part, cette investigation aboutit à la conclusion qu’un autre Tetraévangéliaire, décrit comme rédigé en grec, provenant d’une donation faite (à une église inconnue) par le même Ioan Crimca et se trouvant à la Bibliothèque de l’Académie de St. Petersbourg, n’existe pas: il est apparu suite à une confusion que l’auteur a déchiffré à une autre occasion (voir „Studii şi Materiale de Istorie Medie”, XXXIV, 2016, p. 120–123). La note dédicatoire du Tetraévangéliaire d’Esphigmenou atteste, donc, l’existence d’un Ioan Crimca, fils de Crimca et de Marina, habitant de Suceava et qui, en 1543, offrait ce manuscrit à l’église des Saints Apôtres Pierre et Paul; or, une des plus importantes rues de l’ancienne ville de Suceava s’appelait la rue de Crimca. Il faut admettre que ces deux points – la rue et ladite église – doivent aller de pair si on veut essayer leur localisation sur la carte de la vielle ville. Dans la dernière partie de l’étude, l’auteur reprend la discussion concernant le patronyme de cette famille – Crimca, Krymka – et revient à l’opinion exprimé en 1997 sur sa signification: Krymka doit être un surnom utilisé pour désigner un homme originaire de Krym, parti donc de la Péninsule de Crimée. L’analogie avec certains mots et noms utilisés en Pologne et en Ukraine actuelle semble suggérer un lointain ancêtre d’origine arménienne, qui dut fuir la Crimée pour trouver son refuge en Pologne (à Lwow, par exemple), avant de s’établir en Moldavie, où il accepta la confession orthodoxe.
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L’exonarthex de la grande église du Monastère de Dragomirna abrite
cinq dalles funéraires, dont deux ont des inscriptions grecques et une n’a jamais eu d’inscription; les deux autres sont très effacées: elles conservent aujourd’hui seulement des bribes des lettres de leurs inscriptions slaves et de leur décor floral. L’évêque Melchisedec (1823–1892) en 1883 et le professeur Eugen A. Kozak (1857–1933) en 1903 avaient lu et déchiffré les inscriptions, mais sans pouvoir établir l’identité des personnages enterrés là-bas et dont les noms paraissent illisibles. De nos jours encore, on utilise les traductions roumaines établies par N. Iorga (1938) d’après les lectures de Kozak. Heureusement, ces deux inscriptions slaves ont été lues, déchiffrées et traduites vers 1883–1887 par un savant roumain très passionné et très dévoué aux recherches épigraphiques: Nicolas Beldiceanu (1844–1896). Ses décalques,
ainsi que ses copies, transcriptions et traductions ont été copieusement utilisés par N. Iorga pour le premier volume de ses Inscriptions des églises de Roumanie (Bucarest, 1905). Mais un cahier est resté inaperçu parmi les milliers de manuscrits de la Bibliothèque de l’Académie Roumaine, où il fut déposé en 1912 par D. A. Sturdza. Dans ce cahier, l’auteur a retrouvé les deux inscriptions de Dragomirna, transcrites d’une manière impeccable, presque photographique, ainsi que leurs traductions. Grâce aux dessins de Beldiceanu, on est arrivé à connaître les noms des personnages enterrés à Dragomirna. Il s’agit de deux membres de la famille des boyards Drăguşescu, dont un est fréquemment mentionné dans les documents de l’époque: Dumitraşco († 1709/1710). Il est le commanditaire d’une de ces deux dalles funéraires, destinée à recouvrir la tombe de son père, Serghie, mort le 4 juillet 1680. Mais, selon les documents, le père de Dumitraşco s’appelait Prodan Drăguşescu ! C’est un faux dilemme: il faut accepter que le personnage
eût porté en effet le nom Serghie (St. Serge), mais il était connu avec le surnom Prodan (ce qui signifie «vendu»). C’est lui qui a commandé l’autre dalle funéraire, destinée à recouvrir la tombe d’un certain Savin (peut-être un autre fils), mort le 27 janvier 1673 ou 1674. Ces noms ont été inscrits dans les anciens obituaires du monastère. À partir de ces informations, l’auteur se propose de reconstituer la généalogie de cette famille de boyards du Nord de la Moldavie historique. La dernière partie de l’article concerne un personnage connu sous le nom de Silitrarul – le salpêtrier. Apparenté aux boyards Drăguşescu, descendant lui-même de la vieille aristocratie du pays, il a dû être une sorte d’entrepreneur qui surveillait la production et l’export du salpêtre, ce qui lui a valu son surnom.
Figure de proue des règnes d’Étienne le Grand (1457–1504) et de son fils
Bogdan III (1504–1517), Ioan Tăutu a rempli, pendant 36 années, la plus haute charge dans l’administration de la principauté moldave: grand logothète (chancelier) du pays. Sa longue activité intéresse non seulement l’histoire politique de la Moldavie (il fut un expert de premier rang dans le domaine des relations avec la Pologne et l’Empire Ottoman), mais aussi l’histoire culturelle par les résultats du patronage qu’il a exercé. Sa présence dans les vieilles traditions moldaves
(perpétuées par ses descendants) est bien compréhensible. A Bălineşti (aujourd’hui dans le département de Suceava), le logothète Tăutu († 1511) fît construire une belle et imposante église, consacrée en 1499 et
richement ornée à l’intérieur et à l’extérieur. Malheureusement, ces fresques ne sont pas datées. On a essayé de dater en 1500–1511 celles de l’intérieur par rapport au tableau votif peint sur le mur ouest de la nef, mais cette hypothèse est sérieusement minée par les confusions sur lesquelles elle se fonde: on a interprété de manière erronée les informations offertes par le tableau votif et les dalles funéraires. L’auteur propose de restreindre cet intervalle aux années 1501–1505, vu la présence du portrait de Petraşco: ce fils du logothète est né après septembre 1500 (lorsque mourut son frère, qui portait le même nom), ce qui explique pourquoi le tableau votif le représente en bas âge. La seconde partie de l’étude est consacrée à la reconstitution de la nécropole familiale; on utilise les résultats des recherches archéologiques (qui ont mis au jour les traces de 18 tombes datant des XVe–XVIIe siècles, ayant appartenu aux membres de la famille du fondateur de l’église), ainsi que les informations fournies par les documents concernant la transmission de la propriété du village à
travers plusieurs générations des descendants du logothète Tăutu.
Vers 1855, un officier, membre de la famille Gorovei, natif du département de Roman, vint s’établir à Bacău. Né vers 1821, dans le département de Roman, il avait perdu son père en 1827. Il fit ses études à Jassy, à l’Académie princière (Academia Mihăileană) et puis à l’École Militaire. D’une belle stature, il est décrit comme „une sorte de géant, doté d’une force herculéenne”, beau, mais très irascible, même violent. Unioniste en 1856-1858, il devint par la suite adepte fidèle de la politique libérale soutenue par I.C. Brătianu. Avec son caractère, il fut au centre de plusieurs scandales politiques à Bacău, en 1867-1868. Sa vie familiale même en fut affectée. De son premier mariage (1845; dissout en 1857), avec Elena Secară (c.1819-1875), naquirent deux enfants; en 1857-1859, à Bacău, il se maria pour la deuxième fois, avec une très belle femme, Elena Bontăş (c.1831-1897), qui venait se séparer de Iorgu Sion (il est possible que leur union ne fut pas légitimée). Après ces deux mariages, Iacob Gorovei fut appelé plusieurs fois en justice, au Tribunal de Bacău, pour clarifier la situation des biens ayant appartenus à ses épouses. Vers 1860, il se maria pour la troisième fois, avec une autre „belle Hélène”: Elena Meissner ou Meiser (c.1841-1868), que l’on supposait avoir des racines juives, lui donna quatre ou cinq filles. Iacob Gorovei mourut à Bacău en 1872; sa postérité est éteinte aujourd’hui. Son seul fils, Grigore Iacob Gorovei (1851-1900), ne fut pas marié.
Cet article fait suite aux études publiées dans cette même revue, en 2013 [Mobilitatea populaţiei reflectată în istoria unei familii: purtătorii numelui Gorovei (sec. XVI–XXI), „Carpica”, XLII, p. 373–385] et 2015 [Mobilitatea populaţiei reflectată în istoria unei familii. II. Purtătorii numelui Gorovei în ţinutul (judeţul) Bacău, „Carpica”, XLIV, p. 287–306].
La tour par laquelle on pénètre dans l’enceinte du Monastère de Poutna est „scellée” par deux inscriptions votives armoriées: une (datée en 1756–1757) qui porte les armes des Principautés Roumaines et le nom du prince Constantin Cehan Racoviţă, à l’intérieur; l’autre, à l’extérieur, datée en 1481, avec le nom d’Étienne de Moldavie et les armoiries de ce prince. Cette dernière inscription a éveillé des soupçons surtout à cause de l’épithète velikïi (= le grand) qui accompagne le nom du prince Étienne et celui de son père, le prince Bogdan II: cette épithète
appartient aux traditions diplomatiques de la chancellerie valaque, tandis qu’elle est inusitée dans la chancellerie princière moldave. Les historiens qui se sont penchés sur cette question ont accepté, finalement, que la plaque avec les armoiries et l’inscription votive doit dater du milieu du XVIIIe siècle, lorsque le monastère fut restauré et les murs (y compris la tour) furent reconstruits. Le problème du faux se pose, alors, dans les termes envisagés par l’éminent épigraphiste français, le professeur Robert Favreau: „On doit considérer, avant de parler de faux, qu’il peut s’agir seulement d’une réfection
d’un texte dégradé ou d’une copie d’un texte ancien authentique”. Mais peut-on prouver qu’il s’agisse vraiment, dans ce cas, d’une réplique ou de la réfection d’une inscription armoriée très détériorée à l’époque ?! Ce monument épigraphique et héraldique est, pourtant, très important non
seulement par l’emploi de l’épithète velikïi (= le grand), mais aussi pour la représentation des armes dynastiques (une croix double et une double fleur de lys). L’auteur s’est donc proposé de l’examiner de tous points de vue, afin de constater si les soupçons sont vraiment justifiés ou, au moins, s’il est possible de dénicher un élément douteux, soit du point de vue diplomatique, soit héraldique. Le texte a été analysé par rapport à ceux des deux autres inscriptions votives de Poutna, une datant de la même année 1481 et l’autre de 1559 (dans laquelle on retrouve l’étrange épithète attachée au nom du prince Alexandre Lăpuşneanu). Quant aux armoiries, elles jouissent maintenant d’un véritable „certificat d’authenticité”: une grande inscription armoriée, découverte dans les ruines du château de Suceava, datée en 1477, porte les mêmes armoiries. Il faut donc conclure que l’inscription votive de Poutna ne contient aucun élément douteux: tant la forme (le grand quadrilobe), que le contenu (texte et image)correspondent parfaitement au temps qu’elle indique.
En 1852, le savant bulgare Konstantin P. Dmitriev-Petković a découvert au Monastère d’Esphigmenou du Mont Athos un vieux manuscrit slavon très intéressant pour l’histoire roumaine: un Tetraévangéliaire slavon qui aurait été offert en 1551 (?) par un certain „Kirik” à une église de la ville de Suceava, placée sous le vocable des Saints Apôtres Pierre et Paul. Ses notes ont été imprimées en 1865, sans être connues aux historiens roumains qu’en 1941. Le manuscrit fut examiné à nouveau en 1902 par le savant russe Vladimir N. Benešević (1874–1938), qui a publié l’inscription dédicatoire (en lui omettant la date): le vrai nom du donateur n’était pas du tout „Kirik”, mais Ioan Crimca. Malgré sa publication en 1903, la description de Benešević resta inconnue, elle aussi, jusqu’en 1986 aux historiens roumains; ceux-ci prirent connaissance de l’existence du manuscrit d’Esphigmenou grâce à la relation du R. P. Paul Mihail[ovici], qui donna en 1933 une très courte description, mais toujours sans reproduire la date. Pourtant, l’élément le plus important de ce manuscrit – c’est-à-dire le texte même de la dédicace qui mentionne le nom du donateur, celui de l’église de Suceava et la date – ne fut jamais publié en Roumanie.
Le donateur du manuscrit fut identifié, par tous les spécialistes (l’auteur du texte présent y compris), avec le père de Ilie Crimca (ou Crimcovici); ce dernier, élu (sous le nom d’Anastase) évêque de Rădăuţi en 1600, puis évêque de Roman (1606) et finalement archevêque de Suceava et métropolite de la Moldavie (1608–1629), fut un des fondateurs du Monastère de Dragomirna.
Poursuivant ses recherches concernant Anastase Crimca et Dragomirna, l’auteur jeta un coup d’oeil sur le dossier de ce Tetraévangéliaire d’Esphigmenou. La recherche, menée à travers plusieurs confusions et malentendus et attachant aux détails l’attention qu’elles réclament à juste titre, ne tarda pas à offrir les surprises. La date rapportée par Dmitriev-Petković (1551 ?) dut être corrigée en 7051, c’est-à-dire 1543, tandis que la note dédicatoire publiée par Benešević en 1903 dévoila les parents du donateur, Crimca (tout court, donc peut-être le fondateur de la famille) et Marina. D’autre part, cette investigation aboutit à la conclusion qu’un autre Tetraévangéliaire, décrit comme rédigé en grec, provenant d’une donation faite (à une église inconnue) par le même Ioan Crimca et se trouvant à la Bibliothèque de l’Académie de St. Petersbourg, n’existe pas: il est apparu suite à une confusion que l’auteur a déchiffré à une autre occasion (voir „Studii şi Materiale de Istorie Medie”, XXXIV, 2016, p. 120–123).
La note dédicatoire du Tetraévangéliaire d’Esphigmenou atteste, donc, l’existence d’un Ioan Crimca, fils de Crimca et de Marina, habitant de Suceava et qui, en 1543, offrait ce manuscrit à l’église des Saints Apôtres Pierre et Paul; or, une des plus importantes rues de l’ancienne ville de Suceava s’appelait la rue de Crimca. Il faut admettre que ces deux points – la rue et ladite église – doivent aller de pair si on veut essayer leur localisation sur la carte de la vielle ville.
Dans la dernière partie de l’étude, l’auteur reprend la discussion concernant le patronyme de cette famille – Crimca, Krymka – et revient à l’opinion exprimé en 1997 sur sa signification: Krymka doit être un surnom utilisé pour désigner un homme originaire de Krym, parti donc de la Péninsule de Crimée. L’analogie avec certains mots et noms utilisés en Pologne et en Ukraine actuelle semble suggérer un lointain ancêtre d’origine arménienne, qui dut fuir la Crimée pour trouver son refuge en Pologne (à Lwow, par exemple), avant de s’établir en Moldavie, où il accepta la confession orthodoxe.
L’exonarthex de la grande église du Monastère de Dragomirna abrite
cinq dalles funéraires, dont deux ont des inscriptions grecques et une n’a jamais eu d’inscription; les deux autres sont très effacées: elles conservent aujourd’hui seulement des bribes des lettres de leurs inscriptions slaves et de leur décor floral. L’évêque Melchisedec (1823–1892) en 1883 et le professeur Eugen A. Kozak (1857–1933) en 1903 avaient lu et déchiffré les inscriptions, mais sans pouvoir établir l’identité des personnages enterrés là-bas et dont les noms paraissent illisibles. De nos jours encore, on utilise les traductions roumaines établies par N. Iorga (1938) d’après les lectures de Kozak. Heureusement, ces deux inscriptions slaves ont été lues, déchiffrées et traduites vers 1883–1887 par un savant roumain très passionné et très dévoué aux recherches épigraphiques: Nicolas Beldiceanu (1844–1896). Ses décalques,
ainsi que ses copies, transcriptions et traductions ont été copieusement utilisés par N. Iorga pour le premier volume de ses Inscriptions des églises de Roumanie (Bucarest, 1905). Mais un cahier est resté inaperçu parmi les milliers de manuscrits de la Bibliothèque de l’Académie Roumaine, où il fut déposé en 1912 par D. A. Sturdza. Dans ce cahier, l’auteur a retrouvé les deux inscriptions de Dragomirna, transcrites d’une manière impeccable, presque photographique, ainsi que leurs traductions. Grâce aux dessins de Beldiceanu, on est arrivé à connaître les noms des personnages enterrés à Dragomirna. Il s’agit de deux membres de la famille des boyards Drăguşescu, dont un est fréquemment mentionné dans les documents de l’époque: Dumitraşco († 1709/1710). Il est le commanditaire d’une de ces deux dalles funéraires, destinée à recouvrir la tombe de son père, Serghie, mort le 4 juillet 1680. Mais, selon les documents, le père de Dumitraşco s’appelait Prodan Drăguşescu ! C’est un faux dilemme: il faut accepter que le personnage
eût porté en effet le nom Serghie (St. Serge), mais il était connu avec le surnom Prodan (ce qui signifie «vendu»). C’est lui qui a commandé l’autre dalle funéraire, destinée à recouvrir la tombe d’un certain Savin (peut-être un autre fils), mort le 27 janvier 1673 ou 1674. Ces noms ont été inscrits dans les anciens obituaires du monastère. À partir de ces informations, l’auteur se propose de reconstituer la généalogie de cette famille de boyards du Nord de la Moldavie historique. La dernière partie de l’article concerne un personnage connu sous le nom de Silitrarul – le salpêtrier. Apparenté aux boyards Drăguşescu, descendant lui-même de la vieille aristocratie du pays, il a dû être une sorte d’entrepreneur qui surveillait la production et l’export du salpêtre, ce qui lui a valu son surnom.
Figure de proue des règnes d’Étienne le Grand (1457–1504) et de son fils
Bogdan III (1504–1517), Ioan Tăutu a rempli, pendant 36 années, la plus haute charge dans l’administration de la principauté moldave: grand logothète (chancelier) du pays. Sa longue activité intéresse non seulement l’histoire politique de la Moldavie (il fut un expert de premier rang dans le domaine des relations avec la Pologne et l’Empire Ottoman), mais aussi l’histoire culturelle par les résultats du patronage qu’il a exercé. Sa présence dans les vieilles traditions moldaves
(perpétuées par ses descendants) est bien compréhensible. A Bălineşti (aujourd’hui dans le département de Suceava), le logothète Tăutu († 1511) fît construire une belle et imposante église, consacrée en 1499 et
richement ornée à l’intérieur et à l’extérieur. Malheureusement, ces fresques ne sont pas datées. On a essayé de dater en 1500–1511 celles de l’intérieur par rapport au tableau votif peint sur le mur ouest de la nef, mais cette hypothèse est sérieusement minée par les confusions sur lesquelles elle se fonde: on a interprété de manière erronée les informations offertes par le tableau votif et les dalles funéraires. L’auteur propose de restreindre cet intervalle aux années 1501–1505, vu la présence du portrait de Petraşco: ce fils du logothète est né après septembre 1500 (lorsque mourut son frère, qui portait le même nom), ce qui explique pourquoi le tableau votif le représente en bas âge. La seconde partie de l’étude est consacrée à la reconstitution de la nécropole familiale; on utilise les résultats des recherches archéologiques (qui ont mis au jour les traces de 18 tombes datant des XVe–XVIIe siècles, ayant appartenu aux membres de la famille du fondateur de l’église), ainsi que les informations fournies par les documents concernant la transmission de la propriété du village à
travers plusieurs générations des descendants du logothète Tăutu.
Vers 1855, un officier, membre de la famille Gorovei, natif du département de Roman, vint s’établir à Bacău. Né vers 1821, dans le département de Roman, il avait perdu son père en 1827. Il fit ses études à Jassy, à l’Académie princière (Academia Mihăileană) et puis à l’École Militaire. D’une belle stature, il est décrit comme „une sorte de géant, doté d’une force herculéenne”, beau, mais très irascible, même violent. Unioniste en 1856-1858, il devint par la suite adepte fidèle de la politique libérale soutenue par I.C. Brătianu. Avec son caractère, il fut au centre de plusieurs scandales politiques à Bacău, en 1867-1868. Sa vie familiale même en fut affectée. De son premier mariage (1845; dissout en 1857), avec Elena Secară (c.1819-1875), naquirent deux enfants; en 1857-1859, à Bacău, il se maria pour la deuxième fois, avec une très belle femme, Elena Bontăş (c.1831-1897), qui venait se séparer de Iorgu Sion (il est possible que leur union ne fut pas légitimée). Après ces deux mariages, Iacob Gorovei fut appelé plusieurs fois en justice, au Tribunal de Bacău, pour clarifier la situation des biens ayant appartenus à ses épouses. Vers 1860, il se maria pour la troisième fois, avec une autre „belle Hélène”: Elena Meissner ou Meiser (c.1841-1868), que l’on supposait avoir des racines juives, lui donna quatre ou cinq filles. Iacob Gorovei mourut à Bacău en 1872; sa postérité est éteinte aujourd’hui. Son seul fils, Grigore Iacob Gorovei (1851-1900), ne fut pas marié.
Cet article fait suite aux études publiées dans cette même revue, en 2013 [Mobilitatea populaţiei reflectată în istoria unei familii: purtătorii numelui Gorovei (sec. XVI–XXI), „Carpica”, XLII, p. 373–385] et 2015 [Mobilitatea populaţiei reflectată în istoria unei familii. II. Purtătorii numelui Gorovei în ţinutul (judeţul) Bacău, „Carpica”, XLIV, p. 287–306].
La tour par laquelle on pénètre dans l’enceinte du Monastère de Poutna est „scellée” par deux inscriptions votives armoriées: une (datée en 1756–1757) qui porte les armes des Principautés Roumaines et le nom du prince Constantin Cehan Racoviţă, à l’intérieur; l’autre, à l’extérieur, datée en 1481, avec le nom d’Étienne de Moldavie et les armoiries de ce prince. Cette dernière inscription a éveillé des soupçons surtout à cause de l’épithète velikïi (= le grand) qui accompagne le nom du prince Étienne et celui de son père, le prince Bogdan II: cette épithète
appartient aux traditions diplomatiques de la chancellerie valaque, tandis qu’elle est inusitée dans la chancellerie princière moldave. Les historiens qui se sont penchés sur cette question ont accepté, finalement, que la plaque avec les armoiries et l’inscription votive doit dater du milieu du XVIIIe siècle, lorsque le monastère fut restauré et les murs (y compris la tour) furent reconstruits. Le problème du faux se pose, alors, dans les termes envisagés par l’éminent épigraphiste français, le professeur Robert Favreau: „On doit considérer, avant de parler de faux, qu’il peut s’agir seulement d’une réfection
d’un texte dégradé ou d’une copie d’un texte ancien authentique”. Mais peut-on prouver qu’il s’agisse vraiment, dans ce cas, d’une réplique ou de la réfection d’une inscription armoriée très détériorée à l’époque ?! Ce monument épigraphique et héraldique est, pourtant, très important non
seulement par l’emploi de l’épithète velikïi (= le grand), mais aussi pour la représentation des armes dynastiques (une croix double et une double fleur de lys). L’auteur s’est donc proposé de l’examiner de tous points de vue, afin de constater si les soupçons sont vraiment justifiés ou, au moins, s’il est possible de dénicher un élément douteux, soit du point de vue diplomatique, soit héraldique. Le texte a été analysé par rapport à ceux des deux autres inscriptions votives de Poutna, une datant de la même année 1481 et l’autre de 1559 (dans laquelle on retrouve l’étrange épithète attachée au nom du prince Alexandre Lăpuşneanu). Quant aux armoiries, elles jouissent maintenant d’un véritable „certificat d’authenticité”: une grande inscription armoriée, découverte dans les ruines du château de Suceava, datée en 1477, porte les mêmes armoiries. Il faut donc conclure que l’inscription votive de Poutna ne contient aucun élément douteux: tant la forme (le grand quadrilobe), que le contenu (texte et image)correspondent parfaitement au temps qu’elle indique.
En 1852, le savant bulgare Konstantin P. Dmitriev-Petković a découvert au Monastère d’Esphigmenou du Mont Athos un vieux manuscrit slavon très intéressant pour l’histoire roumaine: un Tetraévangéliaire slavon qui aurait été offert en 1551 (?) par un certain „Kirik” à une église de la ville de Suceava, placée sous le vocable des Saints Apôtres Pierre et Paul. Ses notes ont été imprimées en 1865, sans être connues aux historiens roumains qu’en 1941. Le manuscrit fut examiné à nouveau en 1902 par le savant russe Vladimir N. Benešević (1874–1938), qui a publié l’inscription dédicatoire (en lui omettant la date): le vrai nom du donateur n’était pas du tout „Kirik”, mais Ioan Crimca. Malgré sa publication en 1903, la description de Benešević resta inconnue, elle aussi, jusqu’en 1986 aux historiens roumains; ceux-ci prirent connaissance de l’existence du manuscrit d’Esphigmenou grâce à la relation du R. P. Paul Mihail[ovici], qui donna en 1933 une très courte description, mais toujours sans reproduire la date. Pourtant, l’élément le plus important de ce manuscrit – c’est-à-dire le texte même de la dédicace qui mentionne le nom du donateur, celui de l’église de Suceava et la date – ne fut jamais publié en Roumanie.
Le donateur du manuscrit fut identifié, par tous les spécialistes (l’auteur du texte présent y compris), avec le père de Ilie Crimca (ou Crimcovici); ce dernier, élu (sous le nom d’Anastase) évêque de Rădăuţi en 1600, puis évêque de Roman (1606) et finalement archevêque de Suceava et métropolite de la Moldavie (1608–1629), fut un des fondateurs du Monastère de Dragomirna.
Poursuivant ses recherches concernant Anastase Crimca et Dragomirna, l’auteur jeta un coup d’oeil sur le dossier de ce Tetraévangéliaire d’Esphigmenou. La recherche, menée à travers plusieurs confusions et malentendus et attachant aux détails l’attention qu’elles réclament à juste titre, ne tarda pas à offrir les surprises. La date rapportée par Dmitriev-Petković (1551 ?) dut être corrigée en 7051, c’est-à-dire 1543, tandis que la note dédicatoire publiée par Benešević en 1903 dévoila les parents du donateur, Crimca (tout court, donc peut-être le fondateur de la famille) et Marina. D’autre part, cette investigation aboutit à la conclusion qu’un autre Tetraévangéliaire, décrit comme rédigé en grec, provenant d’une donation faite (à une église inconnue) par le même Ioan Crimca et se trouvant à la Bibliothèque de l’Académie de St. Petersbourg, n’existe pas: il est apparu suite à une confusion que l’auteur a déchiffré à une autre occasion (voir „Studii şi Materiale de Istorie Medie”, XXXIV, 2016, p. 120–123).
La note dédicatoire du Tetraévangéliaire d’Esphigmenou atteste, donc, l’existence d’un Ioan Crimca, fils de Crimca et de Marina, habitant de Suceava et qui, en 1543, offrait ce manuscrit à l’église des Saints Apôtres Pierre et Paul; or, une des plus importantes rues de l’ancienne ville de Suceava s’appelait la rue de Crimca. Il faut admettre que ces deux points – la rue et ladite église – doivent aller de pair si on veut essayer leur localisation sur la carte de la vielle ville.
Dans la dernière partie de l’étude, l’auteur reprend la discussion concernant le patronyme de cette famille – Crimca, Krymka – et revient à l’opinion exprimé en 1997 sur sa signification: Krymka doit être un surnom utilisé pour désigner un homme originaire de Krym, parti donc de la Péninsule de Crimée. L’analogie avec certains mots et noms utilisés en Pologne et en Ukraine actuelle semble suggérer un lointain ancêtre d’origine arménienne, qui dut fuir la Crimée pour trouver son refuge en Pologne (à Lwow, par exemple), avant de s’établir en Moldavie, où il accepta la confession orthodoxe.