Professor of semiotics and emeritus chair of Performance Studies at Université Libre de Bruxelles. International coordinator of the Erasmus Mundus program in Performing Arts Studies (2006–2014). Current President of the International Association for Semiotics of Performing Arts and Head of the Centre européen d’études en arts du spectacle vivant (Cenarts-V). His main interests and books regard semiotics, intermedial studies, and performance/theatre theories. Editor of the International Journal of Semiotics DEGRES (175 issues until now). Member of the Executive Board of IAS-AIS. Owner of the Francqui Chair at VUB. Elected in 2009 as Member of the Royal Academy of Belgium.
La sémiotique a depuis toujours vocation propédeutique. Eco au premier congrès de l'Association I... more La sémiotique a depuis toujours vocation propédeutique. Eco au premier congrès de l'Association Internationale de Sémiotique (1974) ne taxait-il pas la discipline de « goulue des sciences humaines ». Face au phénomène complexe, syncrétique et protéiforme que constitue le spectacle, la sémiotique trouve une légitimité d'interdiscipline à plusieurs titres : elle interroge la constitution du savoir expert en dialogue avec d'autres champs scientifiques, mais aussi dans l'échange avec le savoir incorporé des praticiens. Elle questionne par ailleurs la relation entre approches théorique générale et appliquée. Elle appréhende enfin la relation entre sémiotiques appliquées. Au-delà d'une réflexion sur les frontières entre champs de recherche, sur le métalangage, sur le transfert épistémologique, elle pose le problème de sa posture d'interface face à l'objet-spectacle, « donné à voir dans la diversité de ses modes d'expression » et appelant à tout coup un « plan de pertinence » où s'opère à la fois « la synthèse de l'ensemble des dimensions du spectacle » « et de tous les points de vue qui sont exploités par les différentes disciplines » (Fontanille in Helbo 2013 : 16). J'aborderai dans les lignes qui suivent trois problèmes méthodologiques qui illustrent les spécificités d'une approche sémiotique appliquée aux arts du spectacle : • La question des emprunts aux sémiotiques voisines. • La description des invariants. • La modélisation de l'expérience corporelle du spectateur. 1. Un savoir interstitiel Confrontée au spectacle, la sémiotique n'a cessé à la fois de se remettre en cause et de redéfinir jusqu'au statut d'existence de son objet. Les travaux sur le film et sur le théâtre par exemple ont montré à quel point les catégories que l'on croyait pouvoir importer de la sémiotique visuelle sont endogènes. Relevons d'abord à titre préjudiciel que l'association de la dimension visuelle au spectacle (spectare), généralement reçue dans le contexte de l'étude du film, fait problème à propos du spectacle vivant. La notion d'image théâtrale, circassienne, opératique repose sur un impensé qui présuppose que le spectacle serait destiné seulement à être vu. C'est une position européenne : l'anthropologie théâtrale souligne qu'il existe dans d'autres cultures des formes de spectacle qui font appel à tous les sens. Les recherches sur la proprioception, la sémiotique du sensible échappent d'ailleurs à l'amblyopie ambiante et évitent de limiter le spectacle au seul canal visuel, voire à la perception. De façon plus générale, l'appariement entre image et spectacle mérite d'être interrogé. Cette question s'inscrit dans la démarche de la sémiotique visuelle qui vise à éclairer le statut sémiotique de l'image. Partons des cas exemplaires du cinéma et du théâtre. L'image filmique, autant que le spectacle théâtral constituent avant tout des lieux de focalisation grâce à des dispositifs d'encadrement. Le cadre, incarné par la scène ou l'écran, fait du je suis, je suis au théâtre, je suis au cinéma la condition du mode d'adhésion du spectateur au spectacle.
... LES MOTS ET LES GESTES Essai sur le théâtre André Helbo Annoncé par la sémiologie, le débat n... more ... LES MOTS ET LES GESTES Essai sur le théâtre André Helbo Annoncé par la sémiologie, le débat nais-sant entre sciences humaines (théâtrologie, sociologie, anthropologie) et sciences dures (biologie, neuro-chimie) achève de consom-mer le divorce historique entre la ...
... For example some sort of ritual (the three knocks in French theaters, the curtain raiser, the... more ... For example some sort of ritual (the three knocks in French theaters, the curtain raiser, the inter -mission, the compere) will separate referential discourse from fiction, but the former will immediately be reintroduced into the theatrical area; ostension mechanisms will remind us ...
... Université Libre de Bruxelles Judith E. Barlow, State University of New York-A.lbany Johan Ca... more ... Université Libre de Bruxelles Judith E. Barlow, State University of New York-A.lbany Johan Callens, Vrije Universiteit Brussel Jean Chothia, Cambridge University Harry J. Elam, Stanford University Albert-Reiner Glaap, University of Dùsseldorf André Helbo, Université Libre de ...
"Spectacle, politique, media", Colloque à l'Academia Belgica de Rome, 26-27 avril 2022, 2022
De manière croissante, le visage est le noeud sémiotique essentiel du pacte fiduciaire entre le p... more De manière croissante, le visage est le noeud sémiotique essentiel du pacte fiduciaire entre le politicien et les destinataires de son discours, de ses actions, de sa vie. Dans le visage et par le visage se jouent de façon incessante le jeu de la crédibilité, ainsi que celui de la correspondance entre ethos et circumstances. Le politicien ne peut ni rire face à la tragédie qui a frappé le peuple ni rester sérieux dans l’allégresse collective après une victoire sportive. Le visage du politicien doit entrer en résonance avec le tissu de sens que fabriquent à la fois le contexte de l’action et la prise de parole. Toutefois, aucune apparition du visage dans la scène politique ne pourrait être efficace si dépourvue d’une qualité que la sémiotique doit appréhender à un niveau supérieur de son métalangage, à savoir la spontanéité : construire la nonchalance du visage demande paradoxalement un effort rhétorique, que la discipline des signes est appelée à analyser et déconstruire au sein du complexe tournant numérique du discours politique contemporain. Qu’est-ce donc, un visage spontané dans la politique d’aujourd'hui ?
Il est sans doute banal de rappeler que nous sommes entrés dans une crise de la représentation. C... more Il est sans doute banal de rappeler que nous sommes entrés dans une crise de la représentation. Celle-ci est caractérisée par une perte de confiance dans la reproduction plus ou moins fidèle de la réalité, liée à un idéal de langage comme « véhicule neutre d’entités qui lui préexisteraient et qu’il ne ferait que coder » (Mondada, 2000:9). Cette crise semble toucher tous les champs de la culture : les médias (« médiamensonge », la société du spectacle), le discours politique (la « post-vérité »), les réseaux sociaux (théorie du complot), les langages de la mode...
Dans les arts du spectacle, la performativité règne en maître : les productions rassemblent les acteurs d’une situation dans le cours de son fonctionnement ». Une communauté s’invente à chaque fois dans la différence par des pratiques, « essentiellement dialogiques, chargées affectivement et orientées vers une re-cognition mutuelle » (Thrift, 1996). Le spectacle vivant se présente désormais avant tout comme un acte performatif singulier, comme un geste qui « s’efface en même temps qu’il se déploie », pour reprendre Goodman, dans des objets voués à une existence éphémère le temps de leur mise en scène, – mise en seuil – par le spectateur. Les frontières entre fiction et réalité s’estompent. La « réalité » en scène modifie notre approche de la fiction.
Ce bouleversement, associé à l’autonomisation des pratiques culturelles, entraîne une redéfinition de l’effet spectaculaire : le spectacle est de plus en plus un lieu de dialogue et d’interaction entre des médias distincts. La question n’est plus de se demander « Est-ce du spectacle ? », mais « Quand est-ce du spectacle ? ».
La mise en question des assises du spectacle, a en un premier temps revivifié paradoxalement les processus fondateurs de la théatralité, en tant que matérialité expressive et structure symbolisante pour des spectateurs. Si les uns posent le diagnostic d’une crise féconde, d’autres sont plus dubitatifs. On se souvient de la polémique déclenchée le 11 septembre 2011 par Stockhausen sur l’esthétique de l’horreur. Barthes déjà, puis Rancière et Neveux se sont interrogés sur la portée (banalisation ?) de la transgression spectaculaire. Certains annoncent une résurgence de l’idéologie ou la fin du « formalisme postdramatique ».
La recomposition des processus spectaculaires à laquelle on assiste aujourd’hui est certes assortie dans certaines productions artistiques contemporaines européennes d’un retour aux fondamentaux (à l’idéologie ?). Mais ce reflux est-il paradoxal ? Peut-on considérer qu’il s’agit là d’un recentrement inévitable ? Faut-il poser la question identitaire ? A l’inverse, l’idéologique n’a-t-il pas toujours été présent dans les formes ? Entre présentation, représentation, action discursive, comment définir les relations entre spectacle et mondes possibles ? Peut-on à juste titre parler de crise de la représentation dans tous les champs de la culture ? Face à ce bouleversement que dire de la place du spectateur ?
Uploads
Papers by andre Helbo
Cette crise semble toucher tous les champs de la culture : les médias (« médiamensonge », la société du spectacle), le discours politique (la « post-vérité »), les réseaux sociaux (théorie du complot), les langages de la mode...
Dans les arts du spectacle, la performativité règne en maître : les productions rassemblent les acteurs d’une situation dans le cours de son fonctionnement ». Une communauté s’invente à chaque fois dans la différence par des pratiques, « essentiellement dialogiques, chargées affectivement et orientées vers une re-cognition mutuelle » (Thrift, 1996). Le spectacle vivant se présente désormais avant tout comme un acte performatif singulier, comme un geste qui « s’efface en même temps qu’il se déploie », pour reprendre Goodman, dans des objets voués à une existence éphémère le temps de leur mise en scène, – mise en seuil – par le spectateur. Les frontières entre fiction et réalité s’estompent. La « réalité » en scène modifie notre approche de la fiction.
Ce bouleversement, associé à l’autonomisation des pratiques culturelles, entraîne une redéfinition de l’effet spectaculaire : le spectacle est de plus en plus un lieu de dialogue et d’interaction entre des médias distincts. La question n’est plus de se demander « Est-ce du spectacle ? », mais « Quand est-ce du spectacle ? ».
La mise en question des assises du spectacle, a en un premier temps revivifié paradoxalement les processus fondateurs de la théatralité, en tant que matérialité expressive et structure symbolisante pour des spectateurs. Si les uns posent le diagnostic d’une crise féconde, d’autres sont plus dubitatifs. On se souvient de la polémique déclenchée le 11 septembre 2011 par Stockhausen sur l’esthétique de l’horreur. Barthes déjà, puis Rancière et Neveux se sont interrogés sur la portée (banalisation ?) de la transgression spectaculaire. Certains annoncent une résurgence de l’idéologie ou la fin du « formalisme postdramatique ».
La recomposition des processus spectaculaires à laquelle on assiste aujourd’hui est certes assortie dans certaines productions artistiques contemporaines européennes d’un retour aux fondamentaux (à l’idéologie ?). Mais ce reflux est-il paradoxal ? Peut-on considérer qu’il s’agit là d’un recentrement inévitable ? Faut-il poser la question identitaire ? A l’inverse, l’idéologique n’a-t-il pas toujours été présent dans les formes ? Entre présentation, représentation, action discursive, comment définir les relations entre spectacle et mondes possibles ? Peut-on à juste titre parler de crise de la représentation dans tous les champs de la culture ? Face à ce bouleversement que dire de la place du spectateur ?