Call for papers Questioning the text in the era of “mechanical intelligence”, 2019
Appel à communication pour le colloque "Interroger le texte à l'ère de l'"intelligence mécanique"... more Appel à communication pour le colloque "Interroger le texte à l'ère de l'"intelligence mécanique" : la stylistique outillée, au carrefour du disciplinaire et de l'interdisciplinaire" des 11 et 12 juin 2019 à l'Université Paul-Valéry Montpellier 3
La date limite pour faire une proposition est le 31 mars prochain!
Le papillon, la fleur, l’homme pour les Antiques : voués à la disparition, les éphémères ne font ... more Le papillon, la fleur, l’homme pour les Antiques : voués à la disparition, les éphémères ne font que passer. Le mot lui-même échappe à toute définition. On ne retient de lui que synonymes et périphrases : il est ce moment passager, fugitif, provisoire, fragile et transitoire qui s’échappe sans qu’on puisse le retenir. Il est un temps de passage où se perçoit la complexité du temps présent et de l’instant vécu.
Nous proposons de considérer l’éphémère – moment de transition, instant d’inflexion – comme une notion paradoxale, dans la mesure où il incarne nos devenirs et où il se donne aussi comme un aléa susceptible de détourner le cours des choses. Nous nous intéresserons à ce qui fonde le paradoxe de l’éphémère : l’articulation problématique du continu et du discontinu qui transparaît dans l’« instant de vie », la tension entre le ponctuel et la durée, la fulgurance épiphanique et le flux de conscience.
L’éphémère implique dans un même temps une conscience du temps et une pensée de son inconsistance. L’éphémère accompagne aussi les états de mutation, de crise, qui impulsent de nouvelles dynamiques et fondent notre expérience. L’éphémère est une présence-absence, un spasme temporel, un jaillissement qui contient déjà l’avènement de sa propre mort. Il échappe à la doxa, car, irréductible, il résiste à toute tentative de le fixer.
Nous articulerons la réflexion sur l’éphémère à la question de la modernité, de la notion générique associée au Modernisme du début du XXe siècle à la nouveauté qui nous est contemporaine en ce début du XXIe siècle. Nous envisagerons ainsi les modalités de l’évolution, voire du renversement du sens de l’éphémère jusqu’à nos jours.
Sorte de point aveugle théorique, l’éphémère est une notion en creux qui fascine et interroge. C’est dans cette perspective que nous proposons de réfléchir sur les manifestations de ce concept qui fait vaciller les concepts, dans une démarche multidisciplinaire et transversale, puisque l’éphémère nous paraît à l’origine de l’élaboration du Sujet, d’un discours littéraire, d’une expression artistique.
Spleen, crise du sujet lyrique et angoisse du temps qui passe : entre flux et figé, l’expression littéraire et artistique (par exemple, la poésie et la photographie) se retrouve et cristallise les paradoxes de l’éphémère, capturant le fugace et retenant la présence illusoire de ce qui n’est plus, se donnant comme volonté de retenir le « presque rien » (D. Rabaté), et la certitude du « ça a été » barthésien. En ce sens, la littérature et les arts proposent une poéthique de l’éphémère, à la croisée de l’éthique, de l’esthétique et de l’éthos poétique.
Certains genres littéraires résistent davantage à la notion d’éphémère, tout en cherchant à l’intégrer : c’est par exemple le cas du roman, dès le tournant du XXe siècle (V. Woolf, J. Joyce, J. Dos Passos, M. Proust, A. Gide, etc. dont les questionnements alimenteront les mouvements de refondation du roman, comme le Nouveau Roman en France). De même, le théâtre contemporain tend à s’éloigner du texte préalablement fixé pour s’affirmer comme performance éphémère. Nous nous demanderons donc si l’éphémère ne va pas de pair avec l’expérimentation (avant-gardes littéraire et artistique) et l’hybridité des genres (écriture visuelle, poésie sonore, etc.).
Au vu du développement de nouvelles pratiques littéraires et artistiques – performances et « créations », traitement postmoderne de formes littéraires traditionnelle – ainsi que de l’émergence de nouveaux supports liés à internet et au numérique (Twitter et les « Keitai roman » - ou roman SMS – qui réinventent le feuilleton, etc.) une question s’impose : l’éphémère est-il l’apanage de notre modernité ?
C'est sous un titre délibérément provocateur qu'Apollinaire projette de publier en 1914 un Album ... more C'est sous un titre délibérément provocateur qu'Apollinaire projette de publier en 1914 un Album d'idéogrammes lyriques et coloriés : « Et moi aussi je suis peintre ! ». On le sait, le petit recueil ne vit jamais le jour : les « idéogrammes lyriques » ont finalement trouvé leur place dans la première section de Calligrammes. L'exclamation d'Apollinaire demeure cependant. Déclaration d'intention ? Volonté d'établir un pont entre les différentes démarches de création ? Cet emprunt de notre poète au Corrège – la tradition veut en effet que Le Corrège se soit exclamé « Anch'io son' pittore ! » devant une toile de Raphaël – apparaît cependant moins comme l'expression d'une rivalité entre les arts, un aveu naïf d'imbroglio entre les moyens propres aux arts dits « plastiques » et ceux de la poésie, mais se trouve être, nettement, un énoncé humoristique. Il ne traduit pas ici, semble t-il, la frustration d'un poète qui se rêverait peintre, mais affirme au contraire sa toute-puissance créatrice. Une telle formule synthétise l'appropriation humoristique par Apollinaire de la parole d'autrui grâce à un effet de citation, mais aussi l'ambivalence même de la posture du poète.
Le calligramme […] se sert de cette propriété des lettres de valoir à la fois comme des éléments ... more Le calligramme […] se sert de cette propriété des lettres de valoir à la fois comme des éléments linéaires qu'on peut disposer dans l'espace et comme des signes qu'on doit dérouler selon la chaîne unique de la substance sonore. Signe, la lettre permet de fixer les mots ; ligne, elle permet de figurer la chose. Ainsi le calligramme prétend-il effacer ludiquement l'une des plus vieilles oppositions de notre civilisation alphabétique : montrer et nommer ; figurer et dire ; reproduire et articuler ; imiter et signifier ; regarder et lire 1. Le calligramme se définit par nature comme un espace de tension. Sa nature double, combinant ligne et signe, déroute, dérange, parce qu'elle rend patentes, le temps d'une lecture, les difficultés et les contradictions du système linguistique occidental. Le calligramme matérialise en effet, de façon plus ou moins aboutie et discutable, le fantasme d'un langage complet, unifié, en somme motivé. C'est ainsi que Foucault le dépeint d'ailleurs dans son article fameux « Ceci n'est pas une pipe » 2 , se hâtant toutefois d'en miner les fondements en pointant d'emblée le caractère peu sérieux, voire « hypocrite » d'une telle tentative de réconciliation du sens et de la figure. Pour Foucault, le calligramme consiste en une redoutable illusion, une chausse-trappe dont les appâts sont les suivants : « compenser l'alphabet » ; « répéter sans le secours de l'alphabet » et « prendre les choses au piège d'une double graphie » 3. La compensation des insuffisances du langage, du « défaut des langues » est très exactement l'objet de l'activité poétique, et ce, depuis les Mots anglais de Mallarmé 4. Le calligramme d'Apollinaire, baptisé à l'origine « idéogramme lyrique », cristallise, par son extravagance et son caractère extrême, les interrogations de son époque sur l'expressivité poétique et le pouvoir de remotivation cratylienne des mots, tout en réveillant l'antique polémique du Cratyle. Or, malgré son apparence simple (simpliste ?), il n'est pas rare que le calligramme joue la duplicité et déjoue les clichés. En quoi l'écriture du calligramme procède-t-elle réellement du cratylisme secondaire défini par Genette ? La remotivation, qui paraît a priori si évidente, fait-elle en vérité l'objet de la démarche calligrammatique ? 1. Les calligrammes, la naissance d'une « modernité cratylienne » ? Il eût été étrange qu'à une époque où l'art populaire par excellence, le cinéma, est un livre d'images, les poètes n'eussent pas essayé de composer des images pour les esprits méditatifs et plus raffinés qui ne se contentent point des imaginations grossières des fabricants de films 5. Toujours désireux d'avoir une longueur d'avance sur ses contemporains, tant dans son oeuvre critique que poétique, Apollinaire bouscule les limites du texte et de l'image et saute le pas dès 1914 avec ses « idéogrammes lyriques », au nom de la surprise et de la nouveauté – les grands ressorts de l'Esprit nouveau – provoquant, non sans jubilation, critiques et
C. Jacquot, « Tours de Babel changées en ponts » : énumération, verticalité et déploiement du lan... more C. Jacquot, « Tours de Babel changées en ponts » : énumération, verticalité et déploiement du langage poétique apollinarien « Liens », poème liminaire de Calligrammes, joue, par la place privilégiée qu'il occupe et par sa typographique (l'italique), un rôle programmatique. Son titre pose d'emblée la question de la tension apollinarienne entre l'éclatement et la liaison, entre déconstruction et création et complexifie leur relation. Ce poème est à ce titre représentatif de l'esprit du recueil, et en particulier des interrogations poétiques d'Apollinaire exprimées par le rapport de continu et de discontinu, du lien matériel ou virtuel, physique ou abstrait, présent ou élidé au sein du discours poétique. Outre le motif des rapports entre les hommes, « Liens » met en scène l'un des traits remarquables de l'écriture apollinarienne dans le recueil : l'éparpillement de syntagmes nominaux sans déterminants flottant sur la page, « libres de tous liens » du moins explicites. Ceux-ci existent toutefois : la densité phonique, le resserrement de l'image, la répétition en anaphore des mots « cordes » et « ennemis » structurent le propos, donnent littéralement corps au texte. Ce poème, déconcertant par sa clôture, est fondamentalement ambivalent. Les liens mis au jour sont en effet des éléments concrets, physiques et des manifestations de l'horizontalité, du quadrillage du monde : les rails, les rayons, les câbles. Un vers retiendra dès lors notre attention : « Tours de Babel changées en ponts ». L'image a de quoi surprendre (le pari apollinarien du Beau est donc en partie gagné), mais n'est pas non plus complètement inédite : d'autres lui font écho chez Apollinaire. Elle met en lumière un principe de métamorphose qui induit non seulement un changement de plan (le passage de la verticalité à l'horizontalité), mais aussi de paradigme.
Cette these s’attache a interroger et essaie de definir l’evolution stylistique de l’ecriture d’A... more Cette these s’attache a interroger et essaie de definir l’evolution stylistique de l’ecriture d’Apollinaire, en l’articulant aux manifestations syntaxiques du continu et du discontinu au sein du discours poetique. Nous y observons comment le discontinu s’inscrit dans la pensee et l’ecriture apollinarienne, tant sous la forme d’un motif obsedant, celui du morcellement et de la dissolution du corps, que comme principe de construction du discours, par les figures de juxtaposition et de raccourci syntaxiques. Nous essayons d’etudier les specificites et l’evolution diachronique de la syntaxe poetique d’Apollinaire, grâce aux apports methodologique de la textometrie (en particulier du logiciel de statistique textuelle : TXM).Nous analysons plusieurs dispositifs textuels representatifs de l’articulation apollinarienne du continu et du discontinu : la proposition subordonnee relative, les effets de mise en liste et d’emiettement syntaxique (enumerations, accumulations, juxtapositions), ainsi que le cas particulier que constitue les calligrammes (espace de synthese poetique, a l’image du renouvellement des regimes de visibilite). Ce type de structures et d’organisations du discours poetique permet en effet d’interroger les enjeux de la plasticite de l’ecriture apollinarienne.
Call for papers Questioning the text in the era of “mechanical intelligence”, 2019
Appel à communication pour le colloque "Interroger le texte à l'ère de l'"intelligence mécanique"... more Appel à communication pour le colloque "Interroger le texte à l'ère de l'"intelligence mécanique" : la stylistique outillée, au carrefour du disciplinaire et de l'interdisciplinaire" des 11 et 12 juin 2019 à l'Université Paul-Valéry Montpellier 3
La date limite pour faire une proposition est le 31 mars prochain!
Le papillon, la fleur, l’homme pour les Antiques : voués à la disparition, les éphémères ne font ... more Le papillon, la fleur, l’homme pour les Antiques : voués à la disparition, les éphémères ne font que passer. Le mot lui-même échappe à toute définition. On ne retient de lui que synonymes et périphrases : il est ce moment passager, fugitif, provisoire, fragile et transitoire qui s’échappe sans qu’on puisse le retenir. Il est un temps de passage où se perçoit la complexité du temps présent et de l’instant vécu.
Nous proposons de considérer l’éphémère – moment de transition, instant d’inflexion – comme une notion paradoxale, dans la mesure où il incarne nos devenirs et où il se donne aussi comme un aléa susceptible de détourner le cours des choses. Nous nous intéresserons à ce qui fonde le paradoxe de l’éphémère : l’articulation problématique du continu et du discontinu qui transparaît dans l’« instant de vie », la tension entre le ponctuel et la durée, la fulgurance épiphanique et le flux de conscience.
L’éphémère implique dans un même temps une conscience du temps et une pensée de son inconsistance. L’éphémère accompagne aussi les états de mutation, de crise, qui impulsent de nouvelles dynamiques et fondent notre expérience. L’éphémère est une présence-absence, un spasme temporel, un jaillissement qui contient déjà l’avènement de sa propre mort. Il échappe à la doxa, car, irréductible, il résiste à toute tentative de le fixer.
Nous articulerons la réflexion sur l’éphémère à la question de la modernité, de la notion générique associée au Modernisme du début du XXe siècle à la nouveauté qui nous est contemporaine en ce début du XXIe siècle. Nous envisagerons ainsi les modalités de l’évolution, voire du renversement du sens de l’éphémère jusqu’à nos jours.
Sorte de point aveugle théorique, l’éphémère est une notion en creux qui fascine et interroge. C’est dans cette perspective que nous proposons de réfléchir sur les manifestations de ce concept qui fait vaciller les concepts, dans une démarche multidisciplinaire et transversale, puisque l’éphémère nous paraît à l’origine de l’élaboration du Sujet, d’un discours littéraire, d’une expression artistique.
Spleen, crise du sujet lyrique et angoisse du temps qui passe : entre flux et figé, l’expression littéraire et artistique (par exemple, la poésie et la photographie) se retrouve et cristallise les paradoxes de l’éphémère, capturant le fugace et retenant la présence illusoire de ce qui n’est plus, se donnant comme volonté de retenir le « presque rien » (D. Rabaté), et la certitude du « ça a été » barthésien. En ce sens, la littérature et les arts proposent une poéthique de l’éphémère, à la croisée de l’éthique, de l’esthétique et de l’éthos poétique.
Certains genres littéraires résistent davantage à la notion d’éphémère, tout en cherchant à l’intégrer : c’est par exemple le cas du roman, dès le tournant du XXe siècle (V. Woolf, J. Joyce, J. Dos Passos, M. Proust, A. Gide, etc. dont les questionnements alimenteront les mouvements de refondation du roman, comme le Nouveau Roman en France). De même, le théâtre contemporain tend à s’éloigner du texte préalablement fixé pour s’affirmer comme performance éphémère. Nous nous demanderons donc si l’éphémère ne va pas de pair avec l’expérimentation (avant-gardes littéraire et artistique) et l’hybridité des genres (écriture visuelle, poésie sonore, etc.).
Au vu du développement de nouvelles pratiques littéraires et artistiques – performances et « créations », traitement postmoderne de formes littéraires traditionnelle – ainsi que de l’émergence de nouveaux supports liés à internet et au numérique (Twitter et les « Keitai roman » - ou roman SMS – qui réinventent le feuilleton, etc.) une question s’impose : l’éphémère est-il l’apanage de notre modernité ?
C'est sous un titre délibérément provocateur qu'Apollinaire projette de publier en 1914 un Album ... more C'est sous un titre délibérément provocateur qu'Apollinaire projette de publier en 1914 un Album d'idéogrammes lyriques et coloriés : « Et moi aussi je suis peintre ! ». On le sait, le petit recueil ne vit jamais le jour : les « idéogrammes lyriques » ont finalement trouvé leur place dans la première section de Calligrammes. L'exclamation d'Apollinaire demeure cependant. Déclaration d'intention ? Volonté d'établir un pont entre les différentes démarches de création ? Cet emprunt de notre poète au Corrège – la tradition veut en effet que Le Corrège se soit exclamé « Anch'io son' pittore ! » devant une toile de Raphaël – apparaît cependant moins comme l'expression d'une rivalité entre les arts, un aveu naïf d'imbroglio entre les moyens propres aux arts dits « plastiques » et ceux de la poésie, mais se trouve être, nettement, un énoncé humoristique. Il ne traduit pas ici, semble t-il, la frustration d'un poète qui se rêverait peintre, mais affirme au contraire sa toute-puissance créatrice. Une telle formule synthétise l'appropriation humoristique par Apollinaire de la parole d'autrui grâce à un effet de citation, mais aussi l'ambivalence même de la posture du poète.
Le calligramme […] se sert de cette propriété des lettres de valoir à la fois comme des éléments ... more Le calligramme […] se sert de cette propriété des lettres de valoir à la fois comme des éléments linéaires qu'on peut disposer dans l'espace et comme des signes qu'on doit dérouler selon la chaîne unique de la substance sonore. Signe, la lettre permet de fixer les mots ; ligne, elle permet de figurer la chose. Ainsi le calligramme prétend-il effacer ludiquement l'une des plus vieilles oppositions de notre civilisation alphabétique : montrer et nommer ; figurer et dire ; reproduire et articuler ; imiter et signifier ; regarder et lire 1. Le calligramme se définit par nature comme un espace de tension. Sa nature double, combinant ligne et signe, déroute, dérange, parce qu'elle rend patentes, le temps d'une lecture, les difficultés et les contradictions du système linguistique occidental. Le calligramme matérialise en effet, de façon plus ou moins aboutie et discutable, le fantasme d'un langage complet, unifié, en somme motivé. C'est ainsi que Foucault le dépeint d'ailleurs dans son article fameux « Ceci n'est pas une pipe » 2 , se hâtant toutefois d'en miner les fondements en pointant d'emblée le caractère peu sérieux, voire « hypocrite » d'une telle tentative de réconciliation du sens et de la figure. Pour Foucault, le calligramme consiste en une redoutable illusion, une chausse-trappe dont les appâts sont les suivants : « compenser l'alphabet » ; « répéter sans le secours de l'alphabet » et « prendre les choses au piège d'une double graphie » 3. La compensation des insuffisances du langage, du « défaut des langues » est très exactement l'objet de l'activité poétique, et ce, depuis les Mots anglais de Mallarmé 4. Le calligramme d'Apollinaire, baptisé à l'origine « idéogramme lyrique », cristallise, par son extravagance et son caractère extrême, les interrogations de son époque sur l'expressivité poétique et le pouvoir de remotivation cratylienne des mots, tout en réveillant l'antique polémique du Cratyle. Or, malgré son apparence simple (simpliste ?), il n'est pas rare que le calligramme joue la duplicité et déjoue les clichés. En quoi l'écriture du calligramme procède-t-elle réellement du cratylisme secondaire défini par Genette ? La remotivation, qui paraît a priori si évidente, fait-elle en vérité l'objet de la démarche calligrammatique ? 1. Les calligrammes, la naissance d'une « modernité cratylienne » ? Il eût été étrange qu'à une époque où l'art populaire par excellence, le cinéma, est un livre d'images, les poètes n'eussent pas essayé de composer des images pour les esprits méditatifs et plus raffinés qui ne se contentent point des imaginations grossières des fabricants de films 5. Toujours désireux d'avoir une longueur d'avance sur ses contemporains, tant dans son oeuvre critique que poétique, Apollinaire bouscule les limites du texte et de l'image et saute le pas dès 1914 avec ses « idéogrammes lyriques », au nom de la surprise et de la nouveauté – les grands ressorts de l'Esprit nouveau – provoquant, non sans jubilation, critiques et
C. Jacquot, « Tours de Babel changées en ponts » : énumération, verticalité et déploiement du lan... more C. Jacquot, « Tours de Babel changées en ponts » : énumération, verticalité et déploiement du langage poétique apollinarien « Liens », poème liminaire de Calligrammes, joue, par la place privilégiée qu'il occupe et par sa typographique (l'italique), un rôle programmatique. Son titre pose d'emblée la question de la tension apollinarienne entre l'éclatement et la liaison, entre déconstruction et création et complexifie leur relation. Ce poème est à ce titre représentatif de l'esprit du recueil, et en particulier des interrogations poétiques d'Apollinaire exprimées par le rapport de continu et de discontinu, du lien matériel ou virtuel, physique ou abstrait, présent ou élidé au sein du discours poétique. Outre le motif des rapports entre les hommes, « Liens » met en scène l'un des traits remarquables de l'écriture apollinarienne dans le recueil : l'éparpillement de syntagmes nominaux sans déterminants flottant sur la page, « libres de tous liens » du moins explicites. Ceux-ci existent toutefois : la densité phonique, le resserrement de l'image, la répétition en anaphore des mots « cordes » et « ennemis » structurent le propos, donnent littéralement corps au texte. Ce poème, déconcertant par sa clôture, est fondamentalement ambivalent. Les liens mis au jour sont en effet des éléments concrets, physiques et des manifestations de l'horizontalité, du quadrillage du monde : les rails, les rayons, les câbles. Un vers retiendra dès lors notre attention : « Tours de Babel changées en ponts ». L'image a de quoi surprendre (le pari apollinarien du Beau est donc en partie gagné), mais n'est pas non plus complètement inédite : d'autres lui font écho chez Apollinaire. Elle met en lumière un principe de métamorphose qui induit non seulement un changement de plan (le passage de la verticalité à l'horizontalité), mais aussi de paradigme.
Cette these s’attache a interroger et essaie de definir l’evolution stylistique de l’ecriture d’A... more Cette these s’attache a interroger et essaie de definir l’evolution stylistique de l’ecriture d’Apollinaire, en l’articulant aux manifestations syntaxiques du continu et du discontinu au sein du discours poetique. Nous y observons comment le discontinu s’inscrit dans la pensee et l’ecriture apollinarienne, tant sous la forme d’un motif obsedant, celui du morcellement et de la dissolution du corps, que comme principe de construction du discours, par les figures de juxtaposition et de raccourci syntaxiques. Nous essayons d’etudier les specificites et l’evolution diachronique de la syntaxe poetique d’Apollinaire, grâce aux apports methodologique de la textometrie (en particulier du logiciel de statistique textuelle : TXM).Nous analysons plusieurs dispositifs textuels representatifs de l’articulation apollinarienne du continu et du discontinu : la proposition subordonnee relative, les effets de mise en liste et d’emiettement syntaxique (enumerations, accumulations, juxtapositions), ainsi que le cas particulier que constitue les calligrammes (espace de synthese poetique, a l’image du renouvellement des regimes de visibilite). Ce type de structures et d’organisations du discours poetique permet en effet d’interroger les enjeux de la plasticite de l’ecriture apollinarienne.
Position de la thèse "Plasticité de l'écriture poétique d'Apollinaire : une articulation du conti... more Position de la thèse "Plasticité de l'écriture poétique d'Apollinaire : une articulation du continu et du discontinu"
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Nous proposons de considérer l’éphémère – moment de transition, instant d’inflexion – comme une notion paradoxale, dans la mesure où il incarne nos devenirs et où il se donne aussi comme un aléa susceptible de détourner le cours des choses. Nous nous intéresserons à ce qui fonde le paradoxe de l’éphémère : l’articulation problématique du continu et du discontinu qui transparaît dans l’« instant de vie », la tension entre le ponctuel et la durée, la fulgurance épiphanique et le flux de conscience.
L’éphémère implique dans un même temps une conscience du temps et une pensée de son inconsistance. L’éphémère accompagne aussi les états de mutation, de crise, qui impulsent de nouvelles dynamiques et fondent notre expérience. L’éphémère est une présence-absence, un spasme temporel, un jaillissement qui contient déjà l’avènement de sa propre mort. Il échappe à la doxa, car, irréductible, il résiste à toute tentative de le fixer.
Nous articulerons la réflexion sur l’éphémère à la question de la modernité, de la notion générique associée au Modernisme du début du XXe siècle à la nouveauté qui nous est contemporaine en ce début du XXIe siècle. Nous envisagerons ainsi les modalités de l’évolution, voire du renversement du sens de l’éphémère jusqu’à nos jours.
Sorte de point aveugle théorique, l’éphémère est une notion en creux qui fascine et interroge. C’est dans cette perspective que nous proposons de réfléchir sur les manifestations de ce concept qui fait vaciller les concepts, dans une démarche multidisciplinaire et transversale, puisque l’éphémère nous paraît à l’origine de l’élaboration du Sujet, d’un discours littéraire, d’une expression artistique.
Spleen, crise du sujet lyrique et angoisse du temps qui passe : entre flux et figé, l’expression littéraire et artistique (par exemple, la poésie et la photographie) se retrouve et cristallise les paradoxes de l’éphémère, capturant le fugace et retenant la présence illusoire de ce qui n’est plus, se donnant comme volonté de retenir le « presque rien » (D. Rabaté), et la certitude du « ça a été » barthésien. En ce sens, la littérature et les arts proposent une poéthique de l’éphémère, à la croisée de l’éthique, de l’esthétique et de l’éthos poétique.
Certains genres littéraires résistent davantage à la notion d’éphémère, tout en cherchant à l’intégrer : c’est par exemple le cas du roman, dès le tournant du XXe siècle (V. Woolf, J. Joyce, J. Dos Passos, M. Proust, A. Gide, etc. dont les questionnements alimenteront les mouvements de refondation du roman, comme le Nouveau Roman en France). De même, le théâtre contemporain tend à s’éloigner du texte préalablement fixé pour s’affirmer comme performance éphémère. Nous nous demanderons donc si l’éphémère ne va pas de pair avec l’expérimentation (avant-gardes littéraire et artistique) et l’hybridité des genres (écriture visuelle, poésie sonore, etc.).
Au vu du développement de nouvelles pratiques littéraires et artistiques – performances et « créations », traitement postmoderne de formes littéraires traditionnelle – ainsi que de l’émergence de nouveaux supports liés à internet et au numérique (Twitter et les « Keitai roman » - ou roman SMS – qui réinventent le feuilleton, etc.) une question s’impose : l’éphémère est-il l’apanage de notre modernité ?
La date limite pour faire une proposition est le 31 mars prochain!
Nous proposons de considérer l’éphémère – moment de transition, instant d’inflexion – comme une notion paradoxale, dans la mesure où il incarne nos devenirs et où il se donne aussi comme un aléa susceptible de détourner le cours des choses. Nous nous intéresserons à ce qui fonde le paradoxe de l’éphémère : l’articulation problématique du continu et du discontinu qui transparaît dans l’« instant de vie », la tension entre le ponctuel et la durée, la fulgurance épiphanique et le flux de conscience.
L’éphémère implique dans un même temps une conscience du temps et une pensée de son inconsistance. L’éphémère accompagne aussi les états de mutation, de crise, qui impulsent de nouvelles dynamiques et fondent notre expérience. L’éphémère est une présence-absence, un spasme temporel, un jaillissement qui contient déjà l’avènement de sa propre mort. Il échappe à la doxa, car, irréductible, il résiste à toute tentative de le fixer.
Nous articulerons la réflexion sur l’éphémère à la question de la modernité, de la notion générique associée au Modernisme du début du XXe siècle à la nouveauté qui nous est contemporaine en ce début du XXIe siècle. Nous envisagerons ainsi les modalités de l’évolution, voire du renversement du sens de l’éphémère jusqu’à nos jours.
Sorte de point aveugle théorique, l’éphémère est une notion en creux qui fascine et interroge. C’est dans cette perspective que nous proposons de réfléchir sur les manifestations de ce concept qui fait vaciller les concepts, dans une démarche multidisciplinaire et transversale, puisque l’éphémère nous paraît à l’origine de l’élaboration du Sujet, d’un discours littéraire, d’une expression artistique.
Spleen, crise du sujet lyrique et angoisse du temps qui passe : entre flux et figé, l’expression littéraire et artistique (par exemple, la poésie et la photographie) se retrouve et cristallise les paradoxes de l’éphémère, capturant le fugace et retenant la présence illusoire de ce qui n’est plus, se donnant comme volonté de retenir le « presque rien » (D. Rabaté), et la certitude du « ça a été » barthésien. En ce sens, la littérature et les arts proposent une poéthique de l’éphémère, à la croisée de l’éthique, de l’esthétique et de l’éthos poétique.
Certains genres littéraires résistent davantage à la notion d’éphémère, tout en cherchant à l’intégrer : c’est par exemple le cas du roman, dès le tournant du XXe siècle (V. Woolf, J. Joyce, J. Dos Passos, M. Proust, A. Gide, etc. dont les questionnements alimenteront les mouvements de refondation du roman, comme le Nouveau Roman en France). De même, le théâtre contemporain tend à s’éloigner du texte préalablement fixé pour s’affirmer comme performance éphémère. Nous nous demanderons donc si l’éphémère ne va pas de pair avec l’expérimentation (avant-gardes littéraire et artistique) et l’hybridité des genres (écriture visuelle, poésie sonore, etc.).
Au vu du développement de nouvelles pratiques littéraires et artistiques – performances et « créations », traitement postmoderne de formes littéraires traditionnelle – ainsi que de l’émergence de nouveaux supports liés à internet et au numérique (Twitter et les « Keitai roman » - ou roman SMS – qui réinventent le feuilleton, etc.) une question s’impose : l’éphémère est-il l’apanage de notre modernité ?