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Document généré le 18 avr. 2023 23:17 Cap-aux-Diamants La revue d'histoire du Québec L’évolution bicentenaire de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale Gaston Bernier Numéro 72, hiver 2003 L’Université Laval : phare du fait français d’Amérique URI : https://id.erudit.org/iderudit/7443ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Éditions Cap-aux-Diamants inc. ISSN 0829-7983 (imprimé) 1923-0923 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Bernier, G. (2003). L’évolution bicentenaire de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale. Cap-aux-Diamants, (72), 97–100. Tous droits réservés © Les Éditions Cap-aux-Diamants inc., 2002 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Q r* L'évolution bicentenaire de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale >^>a Bibliothèque de l'Assemblée a eu 20TJ ans le 10 mars 2002. Et durant six mois, on a marqué sur place l'événement. Les parlementaires ont adopté, le 14 mars dernier, une motion de félicitations au cours de la semaine anniversaire de sa mise sur pied. Depuis, on a présenté une série de conférences et même un colloque sur l'histoire des bibliothèques parlementaires d'ici et d'ailleurs; on a accueilli, pour la troisième fois depuis 1975, les bibliothécaires parlementaires du Canada. Quelques publications ont également vu le jour, des livraisons spéciales de périodiques et un certain nombre d'articles. Les réalisations de l'année auront contribué à faire ressortir et à mettre en lumière l'histoire bicentenaire de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale. Cette dernière, on l'a rappelé, est apparue dans le peloton de tête des bibliothèques parlementaires et, en la matière, on peut dire que les députés québécois ont été à l'avant-garde, suivant de peu les exemples français (1796) et américain (1800). De plus, en territoire laurentien même, la Bibliothèque fut la première à compter vraiment, bien avant les bibliothèques universitaires et bien avant les bibliothèques de lecture publique. Mais il faut dire cependant que la bibliothèque actuelle, si elle est la descendante et l'héritière de celle créée au début du XIXe siècle, en est fort différente. On pourrait même affirmer que la filiation n'est pas évidente. À titre d'exemple, qu'on s'attarde à quelques thèmes : mission ou services, types de collection, caractéristiques des directeurs et des employés, locaux occupés, aspects de l'administration et techniques courantes. Mission et services La mission assignée à la Bibliothèque de l'Assemblée a évolué au cours des années. Au moment de sa création, les livres étaient réservés à l'usage exclusif des parlementaires. Par la suite, comme le milieu était dépourvu de bibliothèques, on a ouvert les portes aux lecteurs de la capitale, avec certaines restrictions cependant : avoir obtenu une recommandation d'un parlementaire; et utiliser la Bibliothèque uniquement durant les intersessions et pendant les vacances parlementaires. La pratique de l'ouverture au public a va- Les étudiants du Séminaire de Québec sauvant les volumes de la Bibliothèque du Parlement lors de l'incendie de 1854. (Charles de Volpi. Québec). rié à travers l'histoire mais dans le passé, devant la pauvreté relative des établissements documentaires du voisinage, la Bibliothèque constitua une bouée de sauvetage pour bien des citoyens. Actuellement, la Bibliothèque de la représentation nationale est à la disposition des citoyens s'intéressant aux domaines qui sont les siens. Comme l'a affirmé le premier ministre, monsieur Bernard Landry, le 14 mars dernier, lors de l'inauguration du deuxième centenaire, «la Bibliothèque des représentants du peuple doit être ouverte au peuple». Le degré d'ouverture au public a oscillé au cours des ans mais également la place de l'établissement au sein du monde québécois de la documentation. Pendant une grande partie de son histoire, la Bibliothèque de l'Assemblée a joué le rôle assumé depuis la fin des années 1960 par la Bibliothèque nationale établie à même ce qui avait été jusque-là la bibliothèque Saint-Sulpice (Montréal). Avant 1970, les directeurs de la bibliothèque des députés et des conseillers législatifs s'efforçaient d'acquérir la totalité de la production littéraire laurentienne. Aussi, a-t-on pu souligner les richesses de la collection de journaux, de brochures, de publica- tions gouvernementales et même de laurentiana (ouvrages québécois, lato sensu) conservés sur place. Depuis une trentaine d'années, on assiste à un carénage. La Bibliothèque nationale assume pleinement son rôle et la Bibliothèque de l'Assemblée nationale se concentre sur les besoins des parlementaires et de leurs collaborateurs. Des ajustements similaires se sont opérés à la suite du développement des bibliothèques de l'administration gouvernementale et de celle de la ville de Québec. En somme, la bibliothèque générale du XIXe siècle et de la plus grande partie du XXe s'est transformée en une bibliothèque politique et parlementaire. Collections Inévitablement, l'apparition et la structuration d'établissements documentaires dans la capitale, dans la métropole et au sein de la fonction publique en particulier ont conduit à la composition de collections spécialisées, tout au moins mieux définies. Au cours du premier demi-siècle, on a visé le développement d'une collection arc-en-ciel, générale et encyclopédique. Tous les domaines de la science et de la culture étaient représentés. Aussi, les lecteurs pouvaient-ils consulter des cor- CAP-AUX-DIAMANTS, N° 72, HIVER 2003 97 3 o 3 C O flirté avec un catalogue reproduit sur microfiches, mis à jour périodiquement et facilement multipliable. Mais l'informatique a rapidement pris le relais et, aujourd'hui, les lecteurs ou les usagers peuvent consulter le catalogue de la bibliothèque à partir de la maison ou du bureau. Encore là, on peut constater, après coup, une évolution rapide. E V+-« O La Bibliothèque est toujours logée dans l'Hôtel du Parlement en 1910. (La Presse). pus de philosophie et de théologie, de génie ou d'histoire des sciences, de littérature ou de généalogie. Une grande partie de ces collections a été élaguée et a laissé place à des volumes et à des périodiques tombant dans l'orbe de la vie et des institutions politiques, à la limite de la vie culturelle, sociale et économique, avec une teinte fortement québécoise mais allant également au-delà. La mutation ou l'évolution bicentenaire porte la marque de la diversification et de la multiplication des supports. Au départ, la richesse de la Bibliothèque était exprimée par le nombre de volumes et tous les directeurs qui se sont succédé à sa tête se sont toujours fait un devoir de préciser, année après année, comme s'il s'agissait d'un leitmotiv ou d'une rengaine, la taille de la collection. Deux siècles ont passé, des supports nouveaux ont vu le jour (microfilms ou microfiches, cédéroms et banques de données com- 98 merciales, cassettes audio et vidéo), si bien que le nombre de volumes et de périodiques conservés entre les quatre murs de l'établissement devient secondaire et perd son sens, car on peut y consulter électroniquement un nombre incommensurable de documents conservés extramuros. Bref, on serait passé de la bibliothèque autarcique, par la force des choses, à une bibliothèque sans murs ou universelle. Un autre phénomène intéressant observé entre 1802 et 2002 porte sur les catalogues des collections. Pendant une douzaine de décennies, le catalogue de livres fut imprimé et distribué aux parlementaires et aux lecteurs intéressés. Aussi, pouvaient-ils, les uns et les autres, l'emporter et le conserver par-devers eux. Dans les années 1930, on abandonna cette pratique et, dorénavant, la consultation du catalogue ou du fichier ne pouvait se faire que sur place, c'est-à-dire à la bibliothèque. Cinquante années plus tard, on a CAP-AUX-DIAMANTS, N° 72, HIVER 2003 Directeurs et employés La Bibliothèque de l'Assemblée aura été aussi le lieu de grands changements pour le personnel, directeurs ou employés, durant les 200 ans que l'on vient de compléter. En ce qui a trait aux directeurs, il y en a eu quatorze jusqu'ici, les autorités politiques et administratives ont fait appel avant tout à des notables, à des écrivains, à des journalistes ou à des publicistes. De là, la lignée qui mène d'Etienne Parent à Georges-Emile Marquis en passant par Pamphile Le May, Narcisse-Eutrope Dionne et Ernest Myrand. Certains faisaient déjà partie de la fonction publique au moment où ils ont été nommés à la Bibliothèque. Ce sera aussi le cas de Jean-Charles Bonenfant et de Jacques Prémont. Tous sont devenus bibliothécaires sur le tas. Les deux directeurs qui se sont succédé depuis dix ans ont par contre fait carrière en bibliothéconomie. Aussi, le rayonnement des douze premiers a-t-il pris des traits bien différents de l'un à l'autre : Etienne Parent est connu comme journaliste et penseur, Le May, comme écrivain, Dionne, comme journaliste et lexicographe, mais aussi comme bibliographe, etc. Leur notoriété ne découlait pas nécessairement de leur présence à la tête de la Bibliothèque. L'hypothèse pourrait s'appliquer également à Jean-Charles Bonenfant, qui a œuvré dans de multiples secteurs. En gros, donc, on est passé en deux siècles de personnalités à des professionnels de la documentation. La mutation observée chez les conservateurs a eu son pendant du côté du personnel. Durant 150 ans, l'effectif de la Bibliothèque s'est résumé aux conservateurs et, sauf exception, à des commis et à des messagers. Ces derniers étaient souvent des gens cultivés et lettrés. Certains ont publié des romans ou des essais. On conserve encore la trace de leur écriture soignée. Mais ce n'est que depuis 50 ans que les spécialistes de la documentation sont apparus et ont pris place à l'intérieur de l'équipe, les bibliothécaires d'abord puis les techniciens en documentation. Au cours des dernières décennies du XXe siècle, des historiens, des politicologues, des juristes et des économistes ont Q été recrutés. La diversification de la formation des employés et leur augmentation, trois en 1870, une trentaine en 1950 et 70 en 2000, a contribué à la multiplication des prestations et des services. Somme toute, il y a lieu de retenir, comme un trait supplémentaire des deux premiers siècles de la Bibliothèque, une augmentation constante des employés et leur formation de plus en plus spécialisée et de plus en plus marquée par les sciences de la documentation. Locaux L'histoire de l'aménagement et des déménagements, des locaux et des immeubles est également représentative de l'évolution des bibliothèques au cours des années 1800 et 1900. Au départ, les livres étaient sous la garde du greffier de l'Assemblée et devaient être gardés dans son bureau. Avec les années, leur nombre augmentant, on a fait construire des casiers et on les a placés dans un local réservé à cet effet. Puis la Bibliothèque connut l'aventure des voyages entre 1841 et 1865, années pendant lesquelles les députés siégèrent tantôt à Québec et à Montréal mais aussi à York et à Kingston. Entre 1885 et 1915, la Bibliothèque occupa des bureaux dans l'Hôtel du Parlement actuel. Depuis, elle a ses locaux dans un édifice qui fut construit pour elle, mais qui a toujours logé des services administratifs, autrefois gouvernementaux, aujourd'hui parlementaires. À noter que l'édifice fut le premier à être construit par l'État à des fins documentaires et que la Grande Bibliothèque sera le deuxième neuf décennies plus tard. Ces dernières années, on a amélioré l'aménagement des lieux. Depuis une trentaine d'années, des employés ont déménagé dans des immeubles voisins. On pourrait avancer l'hypothèse que, par le passé, l'augmentation de la superficie allouée à la Bibliothèque fut commandée avant tout par la croissance de la collection et que, au cours des 30 dernières années, ce fut surtout en raison de celle des employés. Somme toute, l'histoire des locaux et des immeubles s'inscrit dans l'histoire générale de la documentation. On pourrait parler également de l'importance passée de la localisation, facteur de plus en plus résiduel au fur et à mesure que les communications s'améliorent. Administration L'évolution bicentenaire de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale est marquée de processus administratifs changeants. À l'origine, la Bibliothèque est apparue dans une Assemblée dont les structures administratives étaient rudi- e* 3 o 3 Intérieur de la Bibliothèque du Parlement dans l'édifice Pamphile-Le May, en 1986. (Communications-Québec). mentaires. Elle releva, pendant le premier siècle, des présidents, tantôt de celui du Conseil législatif, tantôt de celui de l'Assemblée, entourés d'un comité formé de députés et de conseillers. La formule s'étiola au XXe siècle et disparut tout à fait à l'époque de la Révolution tranquille. Depuis, le secrétariat administratif de l'Assemblée a pris forme, s'est structuré, et la Bibliothèque relève dorénavant d'un haut fonctionnaire, du secrétaire général lui-même ou de l'un de ses adjoints, à l'égal des autres services. L'histoire administrative interne est également symptomatique des changements enregistrés dans le monde de la documentation. Il y a plus de 100 ans, les bibliothèques étaient avant tout des organismes de conservation. Même cel- les du milieu parlementaire se limitaient à composer une collection de livres et à les prêter. De nos jours, elles jouent un rôle actif et diversifié. On s'efforce d'aller au-devant des besoins et d'anticiper les questions qui leur seront acheminées. Par ailleurs, l'univocité de la fonction documentaire a vécu. Les bibliothèques d'assemblée ont hérité de tâches multiples et celle de l'Assemblée nationale ne fait pas exception à la règle. Elle s'occupe de documentation de presse, gère les documents administratifs et les archives de la maison, rédige les tables alphabétiques du Journal des débats, etc. C'est dire, en somme, que la Bibliothèque, depuis 200 ans, a connu différentes pratiques administratives et que ses compétences se sont multipliées. CAP-AUX-DIAMANTS, N° 72, HIVER 2003 99 (U Techniques La courte histoire de la bibliothèque parlementaire peut encore servir à illustrer nombre de changements de nature technique. Qu'il suffise ici de souligner quelques formules mises en pratique pour l'enregistrement des emprunts : au départ, on notait ces derniers dans des cahiers ou dans des grands livres - pratique en vigueur durant les années 1880 jusqu'à 1960 -, puis ce fut l'utilisation de fiches et, depuis quelques années, on confie à l'informatique le soin de garder trace des emprunts et détours des volumes. La Bibliothèque a dû également composer avec des moyens de communication sommaires (courrier postal, diligence, télégraphe et même téléphone) et maintenant, s'appuyer sur les télécopieurs, sur l'informatique et la télématique. Dans un autre secteur, celui de la reproduction, on est passé de l'âge du scribe ou du copiste à la photocopieuse, à la liseuse-reproductrice et au numériseur. Ce sont des techniques qu'on est porté à tenir pour acquises. Mais les pionniers s'appuyaient sur des moyens fort rudimentaires par rapport à ceux qui sont à la portée des contemporains. o E D Conclusion Comme on peut le voir, la bibliothèque actuelle de l'Assemblée nationale est l'héritière et la descendante d'une bibliothèque qui a connu bien des changements depuis sa mise sur pied. Sa mission a fait l'objet de nombreux ajustements. Les collections qu'on a composées ont évolué avec les ans. Les directeurs, des lettrés au départ, sont devenus de plus en plus des professionnels de la documentation; idem des employés en général. Pendant de nombreuses années, la recherche de locaux et d'espace a phagocyté l'énergie des responsables et, actuellement, on peut penser que la documentation électronique atténuera cette exigence. Du côté des formules administratives, la Bibliothèque est passée de l'autorité immédiate des présidents à celle des secrétaires généraux et elle a connu tantôt des mandats univoques et maintenant des mandats divers et multiples. Enfin, les moyens techniques sur lesquels elle a pu faire fond se sont grandement perfectionnés au cours de son histoire bicentenaire. Si on le voulait, on pourrait identifier d'autres secteurs d'évolution. Par exemple, il serait instructif de s'attarder aux crédits alloués à la documentation dans une perspective synchronique mais également comparative, sur les types de prestations au départ et ceux qu'on exige ou qu'on souhaite depuis quelques décennies, sur les produits ou réalisations du personnel, sur les appellations successives de la bibliothèque, sur les formules d'achat ou d'acquisition de volumes, etc. La Bibliothèque du Parlement, même si elle s'inscrit dans le droit fil de l'établissement qui a vu le jour en 1802, est restée contemporaine des décennies qu'elle a traversées. Elle a su s'adapter et nul doute qu'elle saura trouver sa voie au moment où elle entre dans son troisième centenaire, qu'elle saura répondre aux attentes et aux besoins documentaires des parlementaires et de leurs collaborateurs, qu'elle saura trouver sa place à l'intérieur des institutions de l'État, Bibliothèque nationale et bibliothèques administratives, et au sein du réseau documentaire laurentien et même mondial et, parallèlement, être utile à l'ensemble des citoyens. Gaston Bernier, coordonnateur du deuxième centenaire, fut directeur de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale (1994-2000). ç^> C^O ASSEMBLEE NATIONALE QUÉBEC BIBLIOTHEQUE ASSEMBLEE IOO CAP-AUX-DIAMANTS, N° 72, HIVER 2003 C^3 NATIONALE