Buletinul Ştiinţific al Universităţii Politehnica Timişoara
Seria Limbi moderne
Scientific Bulletin of the Politehnica University of Timişoara
Transactions on Modern Languages
Vol. 16, No. 1, 2017
"La Langue de Bois" et "Le Politiquement Correct"
dans le Discours Public Roumain
Sorina Șerbănescu
Résumé: Le discours public roumain d’après la Révolution de '89 a gardé des anciennes
habitudes langagières communistes dont "la langue de bois". D’autre côté, il a emprunté,
comme une conséquence de la synchronisation trop rapide à la modernité, des clichés
langagiers qui continuent les tendances agressives et autoritaires héritées du totalitarisme
communiste. Notre analyse imbrique la sémantique du discours, la sémiotique, la pragmatique
linguistique et la psycholinguistique, se concentrant sur des corpus tirés des discours publics
des dernières dix années.
Mots-clés: discours public, sémantique, sémiotique, pragmatique, psycholinguistique, langage,
comportements.
"On ne guérit pas les plaies en les léchant avec une langue de bois."
(Valéry Giscard d'Estaing, homme d’État français)
(Desencyclopedie.wikia.com s.a.)
"Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et
rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir. "
(André Isaac, dit Pierre Dac, humoriste et comédien français)
(Evene.lefigaro.fr s.a.)
1. Introduction: "La langue de bois", une suite de clichés discursifs
hérités du communisme
"La langue de bois", expression connue également dans d’autres
combinaisons telles "langue de coton", représente un concept qui désigne l’expression
d’une réalité vide ou virtuelle, qui n’a donc pas de base réelle, en vue de convaincre
l’interlocuteur d’accepter une situation qui ne lui est pas favorable mais qu’on lui
promet d’améliorer de façon qu’elle agisse en faveur du prometteur. (Volkoff 2001)
Associate Professor, PhD, Department of Marketing and International Economic Relations, Faculty of
Economics and Business Administration, West University of Timișoara, Romania.
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Le syntagme a été imposé par le livre éponyme de Françoise Thom, publié en
1987, et est présent dans de nombreuses autres langues européennes: en russe –
"dubovyi" = "langue de chêne"), en polonais – "jèzyk popagandy" = "langue de
propagande" et "jèzyk drzewny" = "langue d’arbre/ de bois", en tchèque – "mrtvy
jazyc" = "langue morte", en hongrois – "bukkfanyelv" = "langue de hêtre", en
roumain – "limbă de lemn" = "langue de bois"), en italien – "lingua di legno" =
"langue de bois". (Dinu 2012: 3).
Tous les syntagmes présentés ci-dessus renvoient au caractère immobile,
inerte, de la langue, à la "sclérose linguistique" (Cernicova 2009, p.266), voire à une
manière de parler en utilisant des clichés verbaux, des paroles (signifiants) vidées de
contenu (signifiés):
La langue de bois est une langue figée. Elle ne fait pas l’homme à vibrer en entendant
les paroles. Être de bois signifie à ne rien sentir, être insensible. (Pleșu, Wikipedia
s.a.).
Ce type de discours provient des slogans "prolécultistes",
/…/ terme qui vient du russe et signifie « la culture du prolétariat ». Il suppose
l’annulation de l’ancienne culture, et la production d’une nouvelle culture qui
représente seulement les réalisations des paysans et des ouvriers. (Stan 2010: 247).
Ces devises, d’origine soviétique, étaient censées mobiliser les populations
des pays contrôlés par l’Union Soviétique après la Deuxième Guerre Mondiale et les
convaincre des bonnes intentions des communistes qui s’étaient emparés, par la force,
du pouvoir politique. Il s’agit de certaines expressions, exportées par les politiciens
prolétaires soviétiques et adoptées, bon gré mal gré, dans les discours des cadres de
parti des autres pays de l’ex-bloc communiste. À force d’exalter le bien-être et les
libertés citoyennes, les stéréotypies verbales communistes avaient acquis une valeur
symbolique tout à fait opposée, celle de l’acceptation et de la soumission envers le
système. Elles étaient ainsi devenues de vrais signes opératoires de reconnaissance –
comme autrefois le petit poisson dessiné dans la paume des premiers chrétiens au
temps de leur persécution dans l’Empire Romain –, en servant de distinguer les
adeptes du communisme de leurs opposants. Ces stéréotypies étaient devenues de
vrais instruments de soumission forcée, de contrôle politique et policier des gens,
vu que tous ceux qui ne les prononçaient pas ou, pire encore, les repoussaient étaient
considérés comme des ennemis du régime et étaient mis en prison pour la
"rééducation". La plupart d’entre eux y mouraient ou tombaient malades suite aux
abus, aux violences et aux privations:
Dans son sens classique, la langue de bois c’est le jargon complexe, avec des
particularités lexicales, topiques et stylistiques, élaboré par le Pouvoir totalitaire pour
obscurcir son discours. La langue de bois est, ainsi, l’opposé de la transparence, elle
doit être déchiffrée, lue au-delà des mots. La langue de bois cache la réalité, qu’elle
renferme dans les formules préfabriquées de la doctrine «Comment la réalité devrait
être.»"/…/ La langue de bois est utilisée par le Pouvoir totalitaire dans le but
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d’homogénéiser, d’aplatir la société: personne ne doit trop ressortir en dehors de la
formation ; en signe de soumission disciplinée face aux canons du régime, les
citoyens doivent adopter ses formules fixes et son style emmêlé. (Les Nazis disaient:
Wer denkt, zweifelt schon – celui qui pense, a déjà des doutes). (Pruteanu 1997).
Au fur et à mesure que les esprits des citoyens étaient "amadoués" et les
récalcitrants annihilés, les expressions stéréotypes étaient utilisées pour glorifier les
dirigeants de partis et les "fulminantes" conquêtes du communisme. Après les années
'80, quand les tombées économiques avaient commencé à s’accumuler, les
expressions stéréotypes servaient également à la dissimulation d’une réalité de plus
en plus malsaine et fausse. Plus l’échec du communisme devenait évident et le
désenchantement des populations incarcérées dans le système se généralisait, plus les
mots, voire les slogans mobilisateurs, perdaient leur sens optimiste et glissaient vers
le vide significatif. En les écoutant, les citoyens acquiesçaient, de peur d’être
emprisonnés, à leur symbolisme prolétaire, mais, en intimité, ils les satirisaient et
commençaient à s’en indigner, pour finir dans la révolte.
Les milieux culturels et l’histoire exercent toujours une pression sur les idéologies
imposées à un certain moment. Cette pression se concrétise dans une « pédagogie »
qui sous-tend les systèmes philosophiques, scientifiques et iconographiques, de
même que les psychoses et les névroses d’une société, propres à favoriser l’ « esprit
dominant » de l’époque. Si l’hystérie et les fantasmes étaient l’apanage du XVIIIe
siècle, le XXe serait schizophrène. La mentalité-pilote de notre temps ne se retrouve
plus dans le dualisme cartésien, mais se caractérise par un syndrome bipolaire ou la
psychose maniaco-dépressive. (Stanciu & Para 2011: 132).
Dans la Roumanie d’après la Révolution de 1989, "la langue de bois" de type
communiste a été notamment "pratiquée" par le président Ion Iliescu. Celui-ci a été
constamment accusé par ses adversaires politiques de "néo communisme" à cause des
slogans scandés lors de ses apparitions publiques. En effet, son langage stéréotypé
rappelait les discours communistes d’autrefois qui exaltaient la personnalité des
cadres de parti. Formé à Moscou pendant l’époque communiste, ayant été lui-même
cadre du Parti Communiste avant 1989 mais devenu, par la suite, dissident, Ion
Iliescu avait repris non seulement "la langue de bois" mais aussi la mentalité et le
comportement des anciens idéologues communistes. Président du pays pendant 8 ans,
fondateur et président des partis FSN – PDSR - PSD, Ion Iliescu a été en même temps
le chef de file d’une nouvelle génération de politiciens lesquels ont été formés, en
suivant son modèle, à "l’école des formes sans fonds" héritée du régime
communiste.
Une de ses phrases a fait fortune et reste toujours d’actualité quand on veut
relever le caractère dérisoire d’un discours:
Ainsi mis en lumière, ancré dans la synergie des faits, le recours à l’universalité
n’élude pas les méandres du concret. (Wikicitat s.a.).
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Son ascendant totalitaire s’est manifesté à maintes occasions par des
explosions discursives d’autorité:
C’est moi le président du pays et je fais ce que je veux je vais où je veux – et
personne ne peut m’arrêter /…/. (Wikicitat s.a.).
La "langue de bois" a mis son empreinte sur le discours public roumain
d’après les années '90 et utilise, toujours, un collage de structures stéréotypées en vue
d’éluder la fonction référentielle du langage et d’engendrer des signifiants sans
signifiés ou, même, de faux signifiés, dans l’intention de manipuler le récepteur. Par
cette distorsion du discours, le "langage de bois" représente, en fait, un échec de la
communication. La pauvreté ou, même, l’absence des signifiés se traduit par une
pauvreté notionnelle et, en fin de compte, par l’impersonnalité et l’annulation, même,
du destinataire.
"La langue de bois" imbrique, au niveau des signifiants, les syntagmes
métaphoriques, les répétitions, l’accumulation nominale, l’excès adjectival, etc. (Dinu
2012: 3), éléments qui contribuent au caractère général, impersonnel du discours
assertif. Par conséquent, le discours évolue (ou involue) au point où il se suffit à luimême et ne s’adresse plus à personne.
2. Le manichéisme
"La langue de bois" du discours politique actuel s’articule autour du principe
manichéiste (Dinu 2012: 10):
Le manichéisme est une "/ …/ conception qui divise toute chose en deux parties, dont
l'une est considérée tout entière avec faveur et l'autre rejetée sans nuance."
(Dictionnaires de français Larousse s.a.).
Le manichéisme linguistique fonctionne sur le dualisme ancestral du bien et
du mal et a été hérité du langage communiste d’origine staliniste: "celui qui n’est pas
avec nous est contre nous" ("cine nu-i cu noi e împotriva noastră"), c’est-à-dire,
l’individu/le système/le parti qui n’adhère pas à notre idéologie est notre ennemi, et
pire que ça – en extrapolant le sens d’adversité –, il est l’ennemi de tout ce qui est
bien et correct, c’est l’ennemi public.
Dans cette perspective, "le bien" est, bien sûr, du côté de celui qui détient le
pouvoir. Les discours des politiciens appartenant au parti ou à la coalition qui a le
pouvoir décisionnel ont, donc, pour objectif la manipulation de l’opinion publique, en
présentant une réalité déformée en leur faveur afin de distraire l’attention des citoyens
des problèmes réels de leur vie et contrecarrer, voire annihiler, leur désir de réagir
contre les responsables d’une mauvaise gestion de la société.
Nous avons appris à construire l’État de droit, grâce aux minériades. (Wikicitat s.a.)
Ce discours fait allusion à l’intervention violente des mineurs du bassin
charbonnier de Valea Jiului, appelés, en 1990, à Bucarest par le président Ion Iliescu
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pour étouffer les manifestations organisées par ses opposants politiques, Place de
l’Université. Les manifestants accusaient le parti néo communiste de Ion Iliescu
d’avoir confisqué la Révolution de 1989 pour s’emparer du pouvoir. Par un
renversement – ironique et spécifique pour la propagande communiste – opéré au
niveau du signifié, les mineurs, qui avaient sauvagement dévasté les sièges des
opposants de PSDR et de président Iliescu et assommé les manifestants de coups de
matraque, devenaient ainsi "les sauveurs de la démocratie". Par un effet perlocutoire,
le discours vise d’attirer l’approbation et la solidarité de l’opinion publique avec les
auteurs de cet acte de soumission – comme autrefois sous le communisme – et de
défense – par la force –, d’un pouvoir qui, loin d’instaurer l’État de droit, tend à le
détruire pour consolider son suprématie.
Après la Révolution anti communiste de 1989, le manichéisme moderne
n’oppose plus le bien et le mal mais le nouveau (qui infère sur le bien) et l’ancien
inférant sur le mal). (Crețu 2010: 3). Cette dichotomie est invoquée soit de la
perspective des nouvelles forces démocratiques (le bien) par rapport à l’ancien régime
communiste (le mal), soit du point de vue des partis/coalitions accédés pouvoir (qui
s’auto considèrent du côté du bien) qui doivent remédier les maux causés par leurs
prédécesseurs (rangés automatiquement par leurs adversaires politiques du côté du
mal), soit par l’opposition (qui s’auto présente comme militant pour le bien) contre
les forces politiques détenant le pouvoir (que l’opposition accuse de soutenir et
représenter le mal):
Oui, le Parlement doit être réformé! Oui, il nous faut une nouvelle Constitution! Oui,
il nous faut le vote uninominal! /…/ Dites stop à Băsescu! (Crețu 2010: 29, 30).
3. "Le politiquement correct"
Le syntagme de "politiquement correct" ("politically correct" ou "political
correctness") est apparu aux États-Unis dans la deuxième moitié du XXe siècle, mais,
en remontant vers le XVIIIe siècle, l’on peut trouver déjà dans les pratiques
institutionnelles des attitudes et modes de communication s’accordant à ce principe
(par exemple, lors la décision de la Cour suprême dans l’affaire Chisholm vs.
Georgia, en 1793). Le concept signifiait initialement qu’il fallait éviter d’utiliser des
expressions qui auraient pu porter atteinte aux sensibilités de certains publics
(défavorisés, minoritaires, ethniques, religieux, personnes ayant des orientations
homosexuelles, individus avec différentes infirmités, etc.) en les remplaçant par des
périphrases, euphémismes, circonlocutions, métaphores, etc. Ce sens initial, de
ménagement des sensibilités par un adoucissement de l’expression, est plus
clairement exprimé à Québec qui préfère le syntagme de "rectitude politique",
considéré plus "linguistiquement correct".
21
3.1. L’euphémisme
L’euphémisme est l’outil stylistique privilégié par le langage "politiquement
correct". Son mécanisme de production suppose l’acte locutoire (énoncé correctement
formulé du point de vue linguistique qui présente de la pertinence sémantique), l’acte
illocutoire (l’intention du locuteur) et l’acte perlocutoire (l’effet escompté de la part
du récepteur):
/…/ l’euphémisme consiste dans le remplacement conscient par un locuteur d’une
expression linguistique ayant un sens ou une connotation négative par une autre,
neutre ou positive, pour éviter de produire un effet négatif. (Zafiu 2007: 21).
Par exemple, pour des termes tels "chômage", "licenciement", "exclusion",
"destitution" ("şomaj", "concediere", "excludere", "destituire") l’on préfère "libérer de
ses fonctions" ("a îndepărta din funcţie"), "disponibiliser" ("a disponibiliza"), etc.
(Dinu 2010: 22).
Du point de vue de l’énoncé, l’euphémisme est basé sur l’imbrication de
différentes relations sémantiques, de figures et procédés rhétoriques:
•
la synonymie et l’équivalence: procédés stylistiques opérés par un tour
de "langage de bois" au niveau du signifié, en vue de masquer une réalité
désagréable ou incommodante:
Le président Băsescu considère que sa relation avec le Parlement est relativement
altérée, cette situation étant générée exclusivement par les parlementaires de tout le
spectre politique, qui lancent quotidiennement des attaques à l’adresse du président.
(Galantonu & Mihai 2007).
Le syntagme "relativement altérée" infère, d’un côté, par son présupposition
d’indulgence condescendante et faussement tolérante, sur l’irritation ou, même, la
colère de Traian Băsescu contre les parlementaires qui se réunissaient pour le
critiquer, d’autre côté, sur le caractère temporaire de la dissension en raison de son
pouvoir/attribution de maîtriser (ou d’aplaner) les conflits (acte illocutoire), et, en fin
de compte, sur l’avertissement et la menace qu’il adressait à ses adversaires,
dénigrants ou opposants, pour les dissuader de continuer de s’opposer à lui (effet
perlocutoire).
•
l’antonymie:
Le 5 février 2011 était signé le protocole de collaboration dans le cadre de l’USL,
entre PNL, PSD, UNPR et PC. Trois ans plus tard, les mêmes partis sont divisés par
des désaccords. (Necula 2014).
Le syntagme "collaboration" et son antonyme "désaccord" sont utilisés pour
masquer (acte illocutoire) le réel conflit d’intérêts qui oppose, au bout de trois ans, les
partenaires de l’ancienne coalition, en rendant difficile l’acte de gouvernement du
pays et déterminer (acte perlocutoire) les publics à soutenir l’opposition.
22
•
la métonimie:
Le Kremlin accuse l’Occident d’essayer à écarter Vladimir Putin du pouvoir (Marin
2015).
"Le Kremlin" désigne le gouvernement de la Fédération Russe et la
métonymie est utilisée, selon le style diplomatique, pour induire (acte illocutoire) aux
publics européens l’idée d’une fraction entre Moscou et l’Occident et les préparer
psychologiquement à une prise de position de l’Union Européenne (effet
perlocutoire).
• la métaphore:
L’augmentation des prix des aliments – un "tsunami silencieux. (Gandul.info 2008).
Le syntagme métaphorique de "tsunami silencieux" infère (acte illocutoire)
tant sur l’effet fortement négatif de l’augmentation des prix que sur le silence gardé
par les autorités quant à son impact désastreux sur le pouvoir d’achat de la population
ce qui causera une baisse dure de son niveau de vie. Il induit, en même, aux publics
temps l’idée de ne plus soutenir un gouvernement qui adopte une telle mesure
nuisible à ses citoyens et venir se ranger du côté de l’opposition (effet perlocutoire).
•
l’emprunt lexical:
En Harghita et Covasna, les Roumains sont des «pertes collatérales». (Ciobanu &
Anghel-Dobre 2010)
L’expression – "pertes collatérales" – est empruntée du jargon de la guerre et
est ici utilisée pour faire connaître (effet illocutoire) la discrimination des Roumains
dans des régions de Transylvanie où la population majoritaire est de nationalité
hongroise, et inciter (effet perlocutoire) la communauté roumaine du reste du pays à
réagir.
•
le polysémantisme:
La carte des prix pour les aliments: la majorité des produits alimentaires souffriront
des «repositionnements» de 5-7 % à partir du mois de mars (Plopeanu 2012).
Le signifié, "hausse des prix" a plusieurs signifiants (acte locutoire) dont, par
exemple, "augmentation des prix" ou "repositionnements des prix" … . L’emploi du
deuxième syntagme infère sur une harmonisation due à des raisons objectives, d’ordre
économique, en vue de préparer psychologiquement (effet illocutoire) les publics et
les faire accepter (acte perlocutoire) plus facilement les nouveaux prix, plus élevés,
avec impact négatif sur leur niveau de vie.
•
créations de nouveaux euphémismes:
Le chef de l’État a admis qu’il s’était impliqué dans "plusieurs zones", ce qui a
dérangé beaucoup de personnes, mais cela a été fait en accord avec la Constitution!
(Galantonu & Mihai 2007).
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Certaines expressions glissées dans des discours publics ayant "un degré zéro
de l’écriture" (au sens de Barthes) au niveau de l’énoncé (acte locutoire) reçoivent,
suite à un procédé de métaphorisation – par des présuppositions multiples – une
connotation négative: l’expression "plusieurs zones" infère sur certains milieux,
domaines, secteurs, notamment personnes (hommes d’affaires, politiciens …)
suspectés d’abus et de corruption (désignation et accusation des coupables – acte
illocutoire), le but du locuteur étant de persuader (effet perlocutoire) l’opinion
publique de la légalité et l’effort du président de combattre les abus et la corruption,
et la déterminer de le soutenir dans ses démarches. En réalité, les personnes désignées
comme corrompues sont, le plus souvent, les adversaires du pouvoir présidentiel.
4. Conclusion
"Le politiquement correct" est dorénavant un qualificatif utilisé pour désigner
la rectitude politique (dans la perspective de la dichotomie manichéiste du bien et du
mal –) ou, par un renversement des signifiés, pour jeter en dérision ce que le pouvoir
en titre présente comme étant "le bien": dans ce cas, la dérision, devient un outil de
l’opposition (qui s’auto considère comme étant le bien), s’insurge contre le pouvoir
(quel présente comme le mal), se recommande comme "politiquement correcte" et,
par un tour langagier, se revendique comme légitime et exige de prendre le contrôle,
visant, par un effet perlocutoire, de rendre illégitime toute contestation ultérieure de
l’autre partie (qui est, en fait, la seule légitime).
Par exemple, Traian Băsescu, candidat aux élections présidentielles en 2004,
soutenu par le Parti Démocrate (PD), parlait dans son discours du "système perverti"
("sistem ticăloșit") soutenu par le PDSR, inférant ainsi que le système avait été
correct avant l’avènement au pouvoir de PDSR qui portait, donc, la responsabilité de
sa corruption ultérieure. Il a était élu et, après 5 ans de mandat, il déclarait de
nouveau, en 2009, lors de sa deuxième campagne présidentielle, que les électeurs
devaient le soutenir parce qu’il n’avait pas encore réussi à vaincre le "système
perverti". (Basescu 2009). Il faut pourtant préciser, qu’entre 2004 – 2009, le
gouvernement n’avait plus été assuré par PDSR mais par PNL, un parti partenaire de
PD et, à partir de décembre 2008 par PD, le parti qui avait soutenu la candidature de
Băsescu lui-même.
C’est toujours Traian Băsescu qui a rendu célèbre le syntagme de "solution
immorale" ("soluție imorală"). En l’utilisant, il voulait excuser une manœuvre
politique conjoncturelle qui avait permis au gouvernement de passer une loi, tout en
insinuant que la moralité du nouveau parti coopté au gouvernement, voire du
président de celui-ci, Dan Voiculescu, était vacillante. (Fierbinţeanu 2008). Alors
qu’une "solution" représente, au niveau du signifié, une issue positive d’une situation,
donc elle est par cela même morale, l’association du terme à un déterminant
antinomique infère dans ce cas (effet illocutoire), tant sur le compromis politique qui
se situe à la limite de la moralité que sur le caractère douteux d’un partenaire imposé
par la nécessité, laquelle devait absoudre le locuteur, aux yeux de l’opinion publique
24
(acte perlocutoire), de la coulpe d’avoir conclu une alliance avec une personne d’une
moralité incertaine. D’ailleurs, plus tard, le même président Băsescu allait traiter
Voiculescu, dont l’opinion publique avait appris qu’il avait été un indic de l’ancienne
Securitate (la police politique communiste roumaine), de "magnat de la presse"
("mogul al presei"), en utilisant un appellatif argotique, issu du monde de la mafia.
On assiste, donc, à une alternance au niveau des signifiés, dans un jeu de
langage qui est – lui – "politiquement correct" du point de vue de l’énoncé mais qui
représente un échec tant du point de vue de la pertinence de la conversation que de
celui de l’intentionnalité.
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