Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
Laurent Macé MARQUER LA VILLE DE SON EMPREINTE RAIMOND VII, COMTE DE TOULOUSE ET SEIGNEUR DE MARSEILLE (1236-1243) C omment doit-on appréhender un sceau princier qui n’existe plus ? L’absence de matérialité est parfois heureusement – mais pas idéalement – compensée par les traits d’une reproduction graphique. Les dessins livrés par la fameuse collection rassemblée au xViie siècle par François Roger de Gaignières en sont une bonne illustration 1. D’autres érudits des Temps modernes ont recueilli quelques traces de documents sigillographiques qui ont disparu depuis leur consultation. Certaines de ces marques de cire n’étaient déjà plus appendues à une quelconque charte, ce qui pose d’emblée l’épineuse question de la datation, à la fois de l’empreinte et de la matrice. à cela s’ajoute un autre paramètre dont il faut tenir compte et qui est l’acuité ou la qualité du regard que l’éditeur a voulu transcrire dans les contours du dessin définitivement publié. L’usage d’un sceau, demeuré inconnu et ignoré de la plupart des historiens du Midi, peut être ainsi déterminé à partir d’un témoignage assez éloigné dans le temps. Il révèle que le dernier des comtes de Toulouse, Raimond VII (1222-1249), s’est doté d’une matrice destinée à valider certains instruments émis dans la ville de Marseille 2. Sa mention la plus récente est à mettre au crédit de Louis Blancard qui, au xixe siècle, dans une annotation somme toute assez marginale, signale une référence ancienne 1 2 Roman, 1910. La publication la plus récente sur l’histoire de la ville médiévale n’évoque, à aucun moment, l’existence de ce sceau (Pécout, 2009a, p. 187). 88 J EUX DE MIROIR reproduisant un type inédit de sceau comtal 3. Le dessin d’une empreinte, sans connexion avec un quelconque document écrit, a été effectivement exécuté pour l’Histoire de la ville de Marseille rédigée par Louis Antoine de Ruffi (1657-1724) à la fin du xViie siècle 4. Cette source sigillaire offre un caractère singulier car elle signale l’existence d’une marque double appartenant à deux personnes morales bien distinctes. Elle traduit aussi un type de relations établies entre le dernier comte de Toulouse et une partie de la ville de Marseille. C’est même dans le corpus princier un cas unique de matrice réalisée précisément pour contrôler un domaine non lignager, un territoire qui n’appartient pas à la dynastie toulousaine 5, Raimond VII demeurant un élément exogène à la cité phocéenne 6. Mais son action en dit long sur son implication dans les affaires provençales et sur sa volonté de mettre la main sur une riche agglomération portuaire, en plein développement, de surcroît ouverte sur l’Orient, alors que dans le même temps le site fluvial de Saint-Gilles, capitale rhodanienne des Toulousains, est en train de connaître un irrémédiable déclin. Fig. 1 : dessin exécuté pour l’Histoire de la ville de Marseille de L. A. de Ruffi – 1696 L’avers du sceau se présente sous la forme d’un classique type équestre de guerre où l’on reconnaît le modèle « houssé à la lance » (fig. 1). Comme dans les autres empreintes réalisées à cette époque, le prince apparaît coiffé d’un casque, mais ce dernier est doté d’une anachronique visière, ce qui montre bien qu’il s’agit ici d’une interprétation contemporaine de l’éditeur. 3 4 5 6 L’auteur commet une erreur d’attribution sur le comte de Toulouse : « Une variété de ce sceau de Raimond IV a été publiée par Ruffi (p. 330 du 2e tome de son Histoire de Marseille) » (Blancard, 1860, p. IV). Ruffi, 1696, t. II, p. 330. Macé, 2018. « […] le pouvoir princier, comme tous les pouvoirs aristocratiques, s’appuie sur des liens de nature personnelle (parenté, fidélité, vassalité) et le contrôle de quelques points forts (cités, châteaux, abbayes) et non sur l’exercice d’une souveraineté sur une étendue spatiale » (Mazel, 2017, p. 87). R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 89 Pour le reste, la tête est encadrée par le soleil et la lune ; la croix raimondenque orne l’écu du cavalier ainsi que les deux éléments de la housse du cheval. En revanche, le revers est un type topographique qui permet d’afficher une certaine représentation de la ville de Marseille, fortification massive posée en front de mer. Il s’agit là d’un motif iconographique qui reprend à l’identique le revers du sceau que la communauté phocéenne utilise depuis les premières décennies du xiiie siècle 7. Ce type d’empreinte permet donc d’entrevoir la stratégie de médiatisation établie pour signifier la place que le comte envisageait de tenir auprès des élites marseillaises. Ce choix sigillaire doit être, tout d’abord, analysé à partir du contexte provençal du moment. L’INTERVENTION TOULOUSAINE DE L’AUTOMNE 1230 Cette empreinte, que l’on peut appeler « conjointe » 8, doit être replacée au cœur d’une situation favorable aux entreprises politiques que mène le Raimondin peu de temps après sa capitulation à Paris, au printemps 1229. Dans le premier quart du xiiie siècle, la ville basse de Marseille et son port, très actif, sont la tête de file du mouvement communal dans la région rhodanienne 9. Leur volonté d’émancipation – mêlée d’anticléricalisme épiscopal comme le manifestent les violents débordements populaires sanctionnés, en 1217, par l’interdit pontifical 10 – pose problème au point que le comte de Provence, Raimond Bérenger V (1209-1245), rencontre de nombreuses difficultés à mater les élites du gouvernement urbain après 1226 11. Dans ce contexte de radicalisation des tensions, les membres de la confrérie du Saint-Esprit (1211-1218) 12 n’hésitent pas à chercher des soutiens parmi les princes régionaux les plus en vue. Raimond VII fait partie de ceux-là. Ses liens avec Marseille sont étroits et récents : en février 1216, son père et lui avaient été chaleureusement accueillis dans la ville basse où ils venaient séjourner plusieurs jours au retour du quatrième concile du Latran 13. Quelques mois plus tard, le 26 août 1216, deux jours après la levée du siège de Beaucaire, Raimondet fait rédiger le premier document officiel de son principat en faveur des Marseillais, acte qu’il valide en utilisant le sceau de son père. Il leur accorde d’avantageux privilèges commerciaux pour les remercier d’une aide militaire et logistique qui fut précieuse pour la reprise du castrum rhodanien 14. 7 8 9 10 11 12 13 14 Louis Blancard signale l’existence de cinq exemplaires en cire jaune datant des années 12161220 (Blancard, 1860, p. 72). Nous reprenons l’expression utilisée par M. de Framond, 1989, p. 90. Bourrilly, 1925, p. 121-122 ; Aurell, Boyer, Coulet, 2005, p. 103-105. Mazel, 2003, p. 235, n. 29. Pécout, 2009b, p. 188-189. Salvatori, 2014, p. 229-251. « Quand ils furent à Marseille, ils descendirent sur le rivage et furent accueillis avec joie et allégresse. Le comte prit logis au château du Tolonée » (Chanson de la croisade albigeoise, laisse 153, v. 1-3, p. 91). Le jeune prince concède aux deux recteurs de la confrérie de Marseille des maisons situées sur le marché de Beaucaire, ainsi que la liberté de commercer dans la totalité des domaines de son père, sans être soumis à de quelconques taxes de circulation. Les Marseillais bénéficient d’une franchise qui leur permet d’installer un véritable comptoir sur la principale artère de la ville qui conduit au port fluvial bordant le Rhône (Macé, 2008, no 454). Cette concession 90 J EUX DE MIROIR Depuis une décennie donc, les occasions de conflit entre le comte de Provence et le comte de Toulouse se multiplient. La prise d’Avignon par le roi de France, en 1226, est l’une des conséquences du choix procapétien du moins catalan des comtes de la dynastie barcelonaise. À partir de là, l’objectif de ce dernier est d’isoler la cité phocéenne. L’un des temps forts de cette confrontation est l’épisode qui se déroule au cours de l’été 1230 et qui oppose une ville haute, ecclésiastique, à une ville basse, consulaire. En juillet, une partie de celle-ci proteste à nouveau contre la seigneurie épiscopale que le protégé de Raimond Bérenger V, le pontife fraîchement désigné par le pape, Benoît d’Alignan (1229-1267), cherche à renforcer dans ses positions sises autour de la cathédrale et du quartier canonial. Les émeutes qui avaient éclaté en avril 1229, à la suite de l’excommunication du podestat prononcée par l’évêque d’Antibes et l’abbé du Thoronet, avaient été particulièrement violentes : les salines des bénédictins de Saint-Victor furent saccagées et le palais vicomtal du Tolonée, ancien lieu de perception des péages sur lequel flottait l’étendard du saint patron de la ville, fut la proie d’un incendie 15. Conséquence : l’interdit est à nouveau prononcé à l’encontre de la ville basse qui accepte tant bien que mal, en janvier 1230, de se soumettre au seigneur évêque, lequel rend, le 2 août, une sentence qui vise à régler, cette fois-ci, le conflit avec le comte de Provence 16. Craignant néanmoins que Marseille ne parvienne à se soustraire à l’autorité de son pasteur et à menacer la libertas ecclesie, Raimond Bérenger vient mettre le siège devant la ville à la fin du mois d’août après avoir soutenu un projet de conjuration fomenté dans la ville haute 17. Son rival, le comte de Toulouse, appelé au secours par une partie des élites citadines toujours en conflit avec leur évêque, décide d’intervenir avec ses troupes 18. Son adversaire se retire le 1er novembre. Ceux qui tiennent la ville basse, avec son port, son marché et son péage, en ouvrent les portes au Toulousain, accueilli en véritable libérateur. La fine fleur des troubadours locaux en fait même le héros d’une chevalerie méridionale qui se trouverait revivifiée par les exploits militaires à venir de ce prince guerrier 19. Loin d’être abattu par la capitulation que lui a imposée en 1229 l’Église et la régente du royaume de France, il peut se rendre disponible pour soutenir les causes qui viennent contrarier les progrès de la juridiction épiscopale. Et ce, avec d’autant plus de liberté que le roi de France 15 16 17 18 19 est confirmée, le 18 mars 1217, par le comte de Toulouse Raimond VI (Macé, 2008, no 417 ; Macé, 2019, p. 131-133). Pécout, 2009b, p. 189 ; Pécout, 2014, p. 134. Sur le contexte marseillais et le développement de la commune, cf. Pécout, 2004, p. 194-199 ; Pécout, 2009b, p. 189-196. La sentence épiscopale est confirmée en 1232 par l’empereur Frédéric II (Pécout, 2009b, p. 191). Pécout, 2009b, p. 191. « […] les habitants de Marseille, qui avaient un différend avec leur évêque et le comte de Provence, vinrent trouver le comte de Toulouse et firent de lui le souverain de leurs droits, afin qu’il occupât la ville contre l’évêque et le comte. Quand il arriva en force, le comte ennemi ne voulut pas l’attendre » (Guillaume de Puylaurens, ch. xl, p. 157). Sur la perception de ces événements par les troubadours, notamment Sordello et Blacasset, voir Aurell, 1989, p. 131-137. R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 91 est alors fort occupé par les intrigues que nouent le duc de Bretagne, Pierre Mauclerc, et le roi d’Angleterre Henri III 20. Raimond VII décide donc de s’impliquer dans l’affaire marseillaise. Tout semble se jouer le 7 novembre 1230 dans le centre névralgique de la cité 21. Ce jour-là, les deux syndics de la ville se rassemblent en parlement public dans ce « théâtre de la parole 22 » qu’est devenu pour eux le cimetière de l’église Sainte-Marie-des-Accoules, reconstruite au début du xiiie siècle au pied de la butte Saint-Laurent (fig. 2) 23. L’assemblée des habitants est convoquée, à quelques pas du palais communal bâti vers 1223-1224, « au son des cloches et par la voix des crieurs publics 24 ». Avec le consentement du peuple, les magistrats décident de donner en viager au comte de Toulouse – en raison des nombreux services rendus – la « cité inférieure », ainsi que la juridiction et tous les droits que possède la commune sur les terres vicomtales, avec pouvoir d’en prendre possession. De son côté, Raimond VII jure de défendre la seigneurie de la ville basse, les Marseillais, leurs propriétés, et de conserver leurs franchises et libertés, se réservant la faculté de rendre l’ancienne vicomté aux consuls lorsqu’il le jugera nécessaire 25. Chaque protagoniste valide l’exemplaire du chirographe concédé à l’autre partie : les édiles s’engagent à y apposer leur bulle de plomb 26, le comte doit confirmer la charte en y appendant son propre sceau de cire 27. L’opération finale est supervisée par le fidèle juriste de Raimond VII, l’Avignonnais Pons Astoaud, qui a dicté les passages concernant le prince 28. 20 21 22 23 24 25 26 27 28 Le Goff, 1996, p. 105-106. Résumé et présentation de l’acte dans Pécout, 2009b, p. 193-196. Hébert, 2014, p. 294. Bouiron, 2009, p. 50. Je remercie vivement M. Bouiron de l’autorisation qu’il m’a accordée pour la publication de son plan de Marseille. « in publico parlamento Massilie, in cyminterio Beate Marie de Accuis, ad sonum campanarum et per vocem preconum more solito congregato […] ut bene merito ob multiplicia servicia et grata dilectionis indicia que nobis […] non sine magnis vestris sumptibus et corporalibus periculis, multipharie ac liberaliter intulistis » (Teulet, t. II, no 2079, p. 188-190). 20 ans plus tard, devant les officiers d’Alphonse de Poitiers, les Marseillais rappellent les liens privilégiés qu’ils ont su nouer avec le comte Raimond VII : « per juramentum suum dixerunt eidem magistro P. quod ipsi Marsilie interfuerunt, ubi, presente bone memorie R. quondam comite, predecessore vestro, et maxima parte magnatum et plebium civitatis, surrexit unus de civitate et dixit in parlamento vocato : “Nos dedimus domino comiti civitatem nostram Marsiliensem ad vitam suam et inde confecta sunt instrumenta.” Et post hoc surrexit unus alius, presentibus dicto comite et suis et populo, et dixit : “Comes fecit nobis maximum bonum et honorem ; demus ei et heredibus suis civitatem nostram in perpetuum.” Et tunc cepit populus clamare : “Sye, sye, sye” quod est dictum secundum vulgale terre : “Fiat, volumus, placet nobis.” » (Langlois, 1885, p. 591). Date erronée de novembre 1237 attribuée dans le corpus de Bedos, 1980, no 390, p. 306. Sur l’usage de la bulle de plomb, voir Balossino, 2015, p. 148-151 ; 2016, p. 203 et Macé (sous presse). « Quas cartas, quas erat dictus dominus comes habiturus, bullare debui bulla plumbea comunis Massilie et alias cartas quas dictum debebat habere comune, memoratus dominus comes sigillo suo proprio facere debuit sigillari » (Teulet, t. II, no 2079, p. 190). Un cliché de l’exemplaire dressé pour la commune se trouve dans Pécout, 2009b, p. 194. Le sceau du comte est manquant. La bulle est encore attachée, par des rubans de soie rouge, à l’exemplaire toulousain (ANF, Collection Douët d’Arcq, t. II, no 5809 ; J 308, no 62). « […] ad noticiam et dictamen Poncii Astoaudi jurisperiti, pro parte dicti domini comitis […] Que quidem omnia, ut superius sunt expressa, dictata fuerunt, ex parte dicti domini comitis, per predictum Poncium Astoaudum. » Sur Pons Astoaud, qui sera par la suite chancelier du comte de 1244 à 1249, voir Leroy, 2008, p. 174, n. 35 ; p. 318, n. 427. 92 J EUX DE MIROIR Fig. 2 : plan de la ville de Marseille vers 1180 (Bouiron, 2009, p. 164, fig. 68) Pour autant, la question est loin d’être réglée. En 1231, le comte de Toulouse est à la tête des milices urbaines de Marseille, Tarascon et Beaucaire qui lui offrent leur soutien militaire pour recouvrer le Comtat Venaissin 29. Ville basse et ville haute de la cité phocéenne se rapprochent et chassent les derniers partisans de l’évêque ; le Raimondin cristallise une forme de paix intra-muros aux dépens du pouvoir épiscopal obligé de quitter les lieux. Mais le pape Grégoire IX réitère en 1232 l’excommunication de 1226 à l’encontre de Raimond VII ainsi que celle prononcée en 1230 par l’archevêque d’Arles. La trêve d’Entremont que passent les comtes de Toulouse et de Provence ne résout que momentanément l’affaire marseillaise 30. 29 30 Le comte bénéficie aussi du soutien de certains membres du lignage des Baux. Huc de Baux et son neveu, Raimond, ainsi que Barral, avaient déjà participé à la campagne de 1230. Lors d’une cavalcade malheureuse, Huc fut capturé, l’été 1231, par Raimond Bérenger V, puis détenu à Aix. Il est à nouveau pris avec son fils en 1233. 1 000 marcs d’argent sont demandés pour leur libération. Ils reprennent la lutte dès 1234 (Mazel, 2002, p. 408). Le 15 décembre 1233, Caille de Gurzan, envoyé spécial de l’empereur, parvient à établir une trêve entre Raimond VII, les Marseillais de la ville basse, Guilhem V de Sabran, les Baux d’une part, et le comte de Provence, la cité d’Arles et les bannis de Marseille de l’autre (Bourrilly, 1925, PJ no 33). Bertran de Lamanon, capturé par les alliés du Toulousain lors d’une escarmouche, fait partie des captifs dont le comte de Provence négocie à son tour la libération. Malgré ces quelques répits, les chevauchées perdurent dans les années 1240. R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 93 LA MARQUE DÉCLAMATOIRE DES MARSEILLAIS À l’instar de son sceau, la bulle de plomb sur soie rouge que la commune de Marseille utilise à ce moment-là offre une dialectique assez singulière, perceptible aussi bien à travers l’iconographie retenue que dans les légendes formulées sous la forme d’un distique en vers léonins (vers dont les hémistiches riment ensemble dans un rythme interne). Une rhétorique bien conçue, qui s’apparente à des prémices de devise 31. Ce type de construction savante et littéraire, héritage direct d’une certaine pratique de la métrique latine, manifeste le niveau culturel, assez sophistiqué, des élites citadines qui ne sauraient se limiter à la seule connaissance du droit savant qui se diffuse alors et qu’elles semblent maîtriser à l’occasion 32. Cette pratique se retrouve à Arles où, depuis la fin du xiie siècle, la cité rhodanienne se distingue par le caractère quelque peu belliciste des déclarations véritablement « léonines » qui figurent dans ses légendes (fig. 3). On peut traduire l’avers par : « on a coutume de dire que la colère du lion est fameuse entre toutes » ; le revers n’en déclare pas moins : « la ville d’Arles est à ses ennemis hostilité et épée 33 ». À Marseille, l’avers exprime toute la confiance que la ville porte à son céleste patron : « Victor, protège justement Marseille et ses citoyens 34. » L’ensemble de la cité, qui fait corps comme une unique personne, s’adresse directement au saint ; la communauté lui parle et l’invoque d’une seule voix à travers ce qui est écrit sur le sceau 35. L’autre face, plus flamboyante, déclare non sans un orgueil bravache : « Par ses actions d’éclat resplendit la ville de Marseille 36. » Fig. 3 : moulage de l’avers et du revers de la bulle d’Arles en 1203 (ANF, Sc/St 4 659) 31 32 33 34 35 36 Chassel, 2016, p. 35-36. Voir la référence au Codex de Justinien dans le préambule d’un traité passé en 1213 avec la ville d’Arles (Salvatori, 2014, p. 241). A/ « Nobilis in primis dici solet ira leonis » ; R/ « Urbs Arelatensis est hostibus hostis et ensis » (Bedos, 1980, p. 59, nos 44-44bis). Voir Macé (sous presse). Quasiment au même moment, vers 1212-1214, la ville de Londres adopte l’hexamètre léonin dans la légende gravée au revers de son sceau communal, se plaçant ainsi sous l’égide de saint Thomas Becket, enfant du pays qu’elle interpelle directement pour qu’il la protège : « Me qve te peperi ne cesses Thoma tveri » (New, 2015, p. 303). Späth, 2011, p. 392-393. A/ « Massiliam vere Victor civesque tuere » ; R/ « Actibus immensis urbs fulget Massiliensis » (Bedos, 1980, p. 306, nos 390-390bis ; bulle de 45 mm). 94 J EUX DE MIROIR L’usage contemporain de sentences allitérées et cadencées dans les légendes des sceaux de ces deux cités témoigne de leur rapide parcours d’affirmation institutionnelle. Il semble également illustrer la rivalité politico-économique qui perdure avec vivacité jusqu’au milieu des années 1230. Elle voit se cristalliser l’opposition permanente des deux patriciats urbains qui cherchent à réglementer l’importation des blés et à contrôler « l’or blanc » à travers l’accès aux salins de la région, notamment ceux de Fos et de l’étang de Berre 37. Du monde des paluds, le duel paraît se déplacer sur le terrain de l’emblématique et de la communication, prenant presque des allures d’invectives et d’intimidations orales. Sans doute le premier à se manifester dans le domaine déclamatoire (vers 1178), le lion d’Arles – évocation des reliques de saint Marc et signe du Christ ressuscité – vient défier saint Victor. C’est à celui qui avec fracas ou avec vigueur fera montre de sa puissance et grondera avec force. Sur la face du revers, la cité phocéenne, à l’abri de son enceinte fortifiée, vient frontalement afficher ses remparts, comme pour défier la tour de l’impériale cathédrale Saint-Trophime 38. Fig. 4a-b : moulage de l’avers et du revers de la bulle de Marseille en 1237 (ANF, Sc/D 5 809) Quant à l’iconographie choisie par l’oligarchie marchande de Marseille, elle appartient au registre hagiographique et topographique (fig. 4). à l’avers figure une effigie, celle de saint Victor nimbé, à cheval, armé d’une épée et d’un écu orné d’une croix latine qui évoque les armes de la ville : d’argent à la croix d’azur. Entre les sabots de sa monture se tord le dragon qu’il vient de terrasser 39. Par l’appropriation du culte local, les édiles choisissent aussi 37 38 39 Aurell, Boyer, Coulet, 2005, p. 106 ; Pécout, 2009b, p. 189 (et p. 359). Le lion d’Arles peut également être vu comme un emblème impérial : au revers, la présence de la cathédrale Saint-Trophime, lieu du couronnement de Frédéric Barberousse en 1178, indique bien que la ville se considère comme une des quatre sedes imperii et que c’est après ce retentissant événement qu’elle fit graver une telle matrice (Macé, sous presse). Sur l’attachement à une idéologie se référant à l’empire et sur « l’ostentation d’un pouvoir romain matriciel », voir Balossino, 2016, p. 203. Pécout, 2009a, p. 187. Le dragon vaincu est ici improprement identifié par l’éditrice comme étant la folklorique et amphibie tarasque du delta rhodanien (Bedos, 1980, p. 306). La description d’une empreinte de 1257 indique qu’aux pieds du saint guerrier gît une sculptura colubris (Coulet, 1995, p. 122, n. 18). R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 95 comme outil de communication un guerrier de leur temps, un cavalier qui calque naturellement le modèle alors en vogue d’un saint Georges ou d’un saint Michel 40. En cela, ils se distinguent des moines de l’abbaye Saint-Victor de Paris, fondée au début du xiie siècle : le sceau monoface en mandorle de l’établissement représente le saint, de profil, sous les traits d’un combattant casqué, équipé d’un long haubert et tenant une épée sur l’épaule tandis qu’il se protège de la main gauche avec un grand écu incurvé sur lequel se devinent un umbo et des pièces de renfort 41. Nul monstre, nul démon à combattre dans cette scène à la tonalité si martiale. à Marseille, par l’intermédiaire de son saint sauroctone, la communauté affiche sa dévotion et surtout le désir de se placer, face à l’évêque et à l’abbaye, sous la solide protection d’un intercesseur de Dieu qu’elle intègre dans son patrimoine identitaire 42. Tout autant que l’effigie du saint, la légende affiche ostensiblement la différence que la ville souhaite marquer avec les grandes autorités religieuses et spirituelles de la cité. Au revers apparaît la représentation d’une ville de bord de mer, circonscrite par une enceinte crénelée et pourvue de trois portes ; en son sein, trois hautes élévations maçonnées, crénelées et percées d’une baie géminée. En multipliant tours et portes, l’institution municipale tend à exprimer sa volonté d’assurer la sécurité de tous ses ressortissants 43. Une entité urbaine fortifiée, un corpus – ou universitas – unifié autour de son port, poumon économique de l’agglomération, une commune qui veut affirmer son action gouvernementale par ses épaisses murailles et par l’absence de toute référence à l’autorité de l’évêque 44. À travers le sceau, il s’agit bien de s’engager par des emblèmes propres, signes d’identité civique qui manifestent l’aspiration à l’autonomie des groupes dirigeants, et d’illustrer une capacité juridique à décider, à l’instar des autres puissances, qu’elles soient laïques ou ecclésiastiques. COMTE, MARQUIS ET DOMINUS Le sceau signalé par Louis Antoine de Ruffi ne reprend ni les légendes antérieures ni l’iconographie des précédents avers municipaux. L’inscription qui apparaît sur le revers du dessin réalisé au xViie siècle est d’ailleurs bien concise : + SIGILLVM COMVNIS MASSILIE. L’unique témoignage livré par le savant moderne indique que, pour signifier la convergence d’intérêts entre le comte de Toulouse et une partie du patriciat urbain, une matrice 40 41 42 43 44 Dehoux, 2014. En 1308, les élites de Gaillac, en Albigeois, font appel à leur gardien local (custos précise la légende) pour orner le revers de leur sceau mais il s’agit là de l’archange Michel qui foule de ses pieds un ondoyant dragon qu’il achève en lui plantant énergiquement sa lance dans la gueule (Bedos, 1980, p. 244, no 293bis). Ce type de bestiaire en lien avec l’hagiographie urbaine a été analysé dans les années 1970 (Le Goff, 1977, p. 266-275). « + sigillvm sancti Victoris parisiensis » (ANF, Sc/D 8 326, xiie siècle). L’abbaye Saint-Victor de Marseille, quant à elle, préfère adopter une représentation en buste du martyr accompagné de la légende « + sigillv(m) s(an)c(t)i Victoris massiliensis » (ANF, Sc/D 8279, 1272). Chassel, 2016, p. 39-40. Chassel, 2016, p. 38. Dans une moindre mesure que la cité d’Arles, Marseille s’inspire du thème de la ville fortifiée idéale qui prend pour modèle la représentation classique de Rome (l’Urbs) et de la Jérusalem céleste (Chassel, 2016, p. 35 et p. 38 ; voir également dans le présent volume l’article de Yoann Solirenne sur le sceau viennois du comte d’Albon). Mais Marseille garde, toutefois, une certaine singularité en insistant sur son ouverture méditerranéenne. 96 J EUX DE MIROIR conjointe a été mise en œuvre. Avec une face « communautaire » d’un côté, une face « seigneuriale » de l’autre, comme c’était déjà le cas à Millau où le roi d’Aragon et les consuls de la ville se partageaient une matrice double à la fin du xiie siècle 45. Il n’est pas certain, cependant, que les deux éléments aient été obligatoirement solidaires. Il faut plutôt envisager dans l’exemple marseillais une matrice de cuivre qui était périodiquement utilisée par les deux protagonistes 46. On peut donc imaginer que chaque partie, le viguier comtal et les recteurs, a détenu une matrice propre, à une seule face, qu’elle combinait lors de réunions solennelles – acte symbolique fort pour les deux autorités locales – afin de réaliser une empreinte biface, émanation tangible de cette coseigneurie vécue comme un véritable paréage 47. L’empreinte ainsi effectuée était complète ; elle devenait alors la réalisation du corps institutionnel, elle illustrait l’interaction entre l’individuel et le collectif 48. L’inscription présente sur la face « seigneuriale », telle qu’elle est retranscrite par Louis Antoine de Ruffi, appelle quelques commentaires. Elle apparaît sous la forme suivante : « (croix raimondenque) . S . D . G . R . COMITIS . THOLOSE . (croix raimondenque) MARCH . PROV . ET . D . MASSILIE . ». L’érudit provençal semble avoir réinterprété la lecture de cette légende : il faut remplacer l’ordre, erroné, des lettres D G R par R D G pour lire la probable abréviation des termes R(aimundi) D(ei) g(ratia). Par ailleurs, la restitution des deux croix comtales est un ajout pour le moins fantaisiste qui ne figure guère sur les matrices du xiiie siècle. Le reste de l’intitulatio reprend une titulature ancienne, celle de marquis de Provence (marchionis Provincie), à laquelle se trouve adjointe celle de seigneur de Marseille (domini Massilie). Or, depuis le traité de Paris de 1229, le Raimondin n’est plus que comte de Toulouse. Dans l’acte passé à Marseille, le 7 novembre 1230, il n’annonce d’ailleurs qu’un seul titre : « nous Raimond par la grâce de Dieu comte de Toulouse 49. » Sa titulature vient donc s’enrichir ici d’une mention supplémentaire, celle de dominus Massilie. Cependant, ce n’est que depuis 1236 que le comte de Toulouse se dit à nouveau marquis de Provence, soit quelques semaines après avoir reçu le diplôme scellé d’or que lui a concédé Frédéric II, document qui lui permet d’intervenir légitimement en basse Provence 50. Ce qu’il ne manque pas de faire 51. En ajoutant la qualification de « seigneur de Marseille » – que revendiquait le précédent évêque de la ville 52 –, Raimond VII peut exprimer une ambitieuse titulature. Le cumul des titres permet ici de fournir une fiction d’unité à la zone d’influence, éclatée et hétérogène, que le prince prétend placer sous sa tutelle. 45 46 47 48 49 50 51 52 Framond, 1989, p. 92. Peu de matrices à charnière ont été jusqu’à présent répertoriées (Vilain, 2014, no 354, p. 123124). macé, 2017. Späth, 2015, p. 336. « nos Raimundus Dei gracia, comes Tholose » (Teulet, t. II, no 2079, p. 189). La bulle d’or concédée à Haguenau, après la diète de Mayence, en décembre 1235, confirme une première investiture accordée en septembre 1234 à Montefiascone (Teulet, t. II, no 2309, p. 270-271 ; no 2413, p. 300-301). Aurell, Boyer, Coulet, 2005, p. 110. Pierre de Montlaur (1214-1229) s’intitulait dans ses actes « episcopus et dominus Massilie » (Albanès, 1884, p. 53). R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 97 Dater le sceau « marseillais » autour de l’année 1236 ne serait donc pas hasardeux. Un document complémentaire permet d’argumenter favorablement dans ce sens. Un accord est conclu, le 5 mai 1236, in domo palatio Massilie entre des milites marseillais, Guilhem de Signe et ses deux fils Guilhem et Bertrand, et « Raimond, par la grâce de Dieu, comte de Toulouse, marquis de Provence et seigneur de Marseille 53 ». L’acte, rédigé dans le palais communal situé face à l’église des Accoules, est un véritable traité d’alliance militaire, offensif et défensif, dirigé contre le comte de Provence 54. Il indique, en outre, que le comte de Toulouse possède dans les faubourgs de grands entrepôts de blé sur lesquels il assigne un revenu annuel de 100 livres de royaux coronats aux seigneurs de Signe 55. L’acte précise aussi quelle est la place du viguier comtal au sein de ce qui constitue le dominium du Toulousain dans la cité de Marseille 56. En 1236, le Raimondin, même s’il est absent de la ville, est pleinement considéré comme le seigneur des lieux. Il est représenté par une personne physique qui veille à défendre ses intérêts. En mars 1233, le viguier de Marseille était d’ailleurs un « Toulousain » puisqu’il s’agissait de Jourdain de Lanta, membre d’une importante famille seigneuriale originaire du Lauragais 57. Au nom de ses prérogatives, l’administrateur domanial du comte conserve auprès de lui la matrice à l’effigie de son maître. Une autre source semble le confirmer. Le 10 novembre 1236, une charte est encore produite in domo palacii Massiliensis par Rostaing de Pujaut, individu figurant en bonne place parmi les témoins de l’accord du mois de mai 1236. L’homme se présente ici comme « viguier de Marseille pour l’illustre seigneur Raimond par la grâce de Dieu comte de Toulouse, marquis de Provence et seigneur de Marseille ». Cet homme déclare agir « au nom dudit seigneur comte et de la commune de Marseille 58 ». Le notaire Guilhem Ymbert, qui rédige cet acte de restitution de biens en faveur de Jaufré Garin, baile de l’hôpital de Marseille, précise qu’à la demande du viguier, il applique une empreinte de cire qui semble bien être le sceau commun des deux autorités principales de la ville 59. Comme le précédent, cet instrument est daté du règne de Frédéric, empereur des Romains, semper augustus, roi de 53 54 55 56 57 58 59 « R[aimundus], Dei gratia comes Tholose, marchio Provincie et dominus Massilie. » « […] specialiter contra comitem Provincie […]. » Le chirographe fut scellé par les deux parties mais seules les attaches ont été conservées. Le sceau appendu par le comte est le sien propre, l’accord engage les deux parties contractantes et non la commune de Marseille. « […] centum libras regalium coronatorum singulis annis quas habeant et percipiant specialiter in redditibus hoperatoriorum bladarie que dictus dominus comes habet in civitate Massilie scilicet intus utrumque barrium […]. » Acte publié par Santi, 1899, p. 205-207. « […] vicarium dicti domini comitis jamdicte civitatis et dominium quod ipse dominus comes Tholose habet in civitate Massilie […] » (Santi, 1899, p. 205). Barthélemy, 1882, p. 69, no 246. C’est sans doute lui qu’évoque un chroniqueur toulousain quand il parle de Marseille dans les années 1230 : « […] tant qu’il vécut, il y tint son viguier, et de ses redevances, il retirait, non ce qu’il voulait, mais ce que voulaient les citoyens, dont le péril était déjà passé » (Guillaume de Puylaurens, ch. 40, p. 157). Jourdain de Lanta était présent à l’expédition de l’automne 1230 : il apparaît comme témoin lors de la rédaction de la charte du 7 novembre. Il figure alors aux côtés du comte de Rodez, du vicomte de Lautrec, d’Olivier de Termes et de Guiraud Unaut [de Lanta], son parent. « […] vicarius Massiliensis pro illustri domino R. Dei gratia comite Tholose, marchione Provincie et domino Massilie, nomine dicti domini comitis et communis Massilie […]. » Lui aussi figure comme membre de la mesnie comtale dans l’acte du 7 novembre 1230. « ad majorem precedentium firmitatem sigillo tam dicti domini comitis quam comunis Massilie sigillavi » (Guérard, 1857, no 1124, p. 599-600). 98 J EUX DE MIROIR Jérusalem et de Sicile, celui-là même qui a laissé au comte de Toulouse tout loisir d’intervenir dans les affaires du comté de Provence. La présence d’un viguier détenteur de la matrice comtale, qu’il peut en certaines circonstances associer à la matrice communale pour sceller et valider des chartes relatives aux transactions locales, est une manifestation réelle de l’autorité symbolique qu’exerce le prince toulousain sur la ville phocéenne 60. En janvier 1213, Pierre II, roi d’Aragon, comte de Barcelone, et nouveau « seigneur » de Toulouse, ne procède pas autrement quand il reçoit les serments de fidélité des comtes de Toulouse, père et fils. Juste après son départ de la capitale raimondine, il laisse sur place son viguier, le chevalier Guilhem d’Escala, comme en son temps, son père Alphonse II avait institué un baile et un grand sceau commun dans la ville de Millau, au cours de l’année 1187 61. LA MER PROMISE Si un certain nombre d’indices nous conduit à penser que cette matrice conjointe a été réalisée au cours de l’année 1236 et qu’elle est une des conséquences, tangibles et visibles, de la politique provençale menée par un comte de Toulouse alors soutenu par un Frédéric II en opposition avec le pape Grégoire IX depuis 1234, reste à analyser les éléments de communication qui furent mobilisés pour la conception de cet objet. La matrice de sceau que fait confectionner le prince à destination de son représentant local est une marque sigillaire qui se trouve à mi-chemin entre le sceau comtal et le sceau communal. Une marque déléguée dont le caractère de prestige est évident et qui peut être comparée à ce que le roi d’Aragon Alphonse II avait expérimenté, 50 ans plus tôt, à Millau 62. Car il s’agit bien là d’une matrice de grand sceau double : podestat sans en avoir le nom 63, Raimond VII aurait pu se contenter d’un simple fer à buller (boullôterion), comme cela se fait couramment dans la vallée du Rhône au xiiie siècle lorsqu’il s’agit d’exprimer une juridiction commune dans le cadre de la coseigneurie 64. L’implication du prince dans le dossier phocéen n’est pas 60 61 62 63 64 « […] n’est revêtu de l’auctoritas publica que celui qui parvient à manifester, à imposer son pouvoir aux autres, à son entourage […] n’est revêtu de l’auctoritas publica que celui qui parvient à doter ses actes d’une fides publica suffisante et incontestable reconnue là où s’exerçait concrètement et physiquement, si j’ose dire, le pouvoir dont émanait cet acte. D’où l’importance de l’acte écrit, et plus particulièrement des clauses corroboratives et du sceau pour celui qui veut marquer son pouvoir. D’où l’importance aussi de toute forme de représentation du pouvoir princier, qui permet au duc ou au comte de rendre public leur pouvoir, de quelque nature qu’il soit, et donc de l’imposer : les actes écrits en leur nom et leurs symboles du pouvoir, les sceaux […] » (Margue, 2017, p. 161). Alvira Cabrer, Macé, Smith, 2009, p. 17 ; Framond, 1989. En avril 1187, Alphonse II avait concédé l’octroi de ses armoiries à cette ville. Le grand sceau biface, qui a été réalisé peu de temps après, portait à l’avers un griffon accompagné de la légende « sigillvm consvlatvs Amiliavi » ; le revers était orné de l’écu aux trois pals de la maison de Barcelone, avec la légende « sigillvm regis Aragonie, comitis Barcinonie et Provincie » (Framond, 1989, p. 87-122). Sur l’origine de la podestarie en Italie, voir Maire Vigueur, 2003. Pour les villes provençales, voir Aurell, Boyer, Coulet, 2005, p. 104-106. Le comte de Toulouse devient podestat d’Avignon le 11 août 1240 (Mazel, 2003, p. 213). Voir macé (sous presse). Dans les années 1220-1230, le comte de Provence utilise des bulles de juridiction conjointes dans les villes de Brignolles et de Tarascon ; sur cette dernière empreinte, son effigie équestre apparaît à l’avers (Benoît, 1925, p. lxxiii-lxxiV, pl. VI, no 7). R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 99 feinte : la diffusion de son imago – certes conventionnelle – est soignée et se doit de correspondre aux attentes de ceux qui ont fait appel à ce recours politique extérieur. Le Toulousain marque de son empreinte une ville où il ne peut demeurer ni assurer en personne des contacts permanents avec les élites du patriciat urbain. Il lui faut donc « imprimer sa substance 65 », être symboliquement présent dans les lieux pour conforter l’autorité de son viguier. Le choix iconographique qui a été opéré ne pouvait être négligé. La face communautaire, au revers, correspond à un type monumental qui n’a guère été modifié. Si on le compare avec l’exemplaire de cire connu en 1216, on observe la pérennité du modèle initial 66. Mais ce même type apparaît également au revers de la bulle de l’ancien évêque de Marseille : à partir de 1214, Pierre de Montlaur devient le premier pontife à user d’une marque métallique 67. Il est également le premier évêque de la ville à adopter un revers de type topographique dont le caractère maritime est clairement souligné ici 68. Chez ce dernier, le revers de la bulle – dont la légende est « civitas Massilie » – semble livrer une image synthétique de la cité supérieure et inférieure (fig. 5). Fig. 5 : dessin de la bulle de l’évêque Pierre de Montlaur en 1214 (Albanès, p. 51) La question qui se pose alors est d’ordre chronologique. Si une empreinte de cire est bien attestée en 1216 pour la confrérie municipale du Saint-Esprit, il est fort probable que celle-ci se soit dotée d’une matrice de sceau peu de temps après sa fondation afin de s’affirmer comme personnalité juridique 69 et valider certains instruments tels que les traités économiques, comme celui passé, par exemple, avec Arles en août 1214 70. Dès lors, qui de l’évêque ou de l’institution laïque fut le premier à adopter ce type topographique qui exprime une vision très affirmée de la gestion poli65 66 67 68 69 70 L’expression se trouve dans la lettre qu’expédie Grégoire le Grand à Jean de Syracuse en 601 : « Nam hoc cognito quid facturi sunt, qui nulla existente causa iam sigillum in substantia ipsius, quantum dicere, nitebantur imponere » (Bedos-Rezak, 2010, p. 161-205). Blancard, 1860, p. 71-72 ; Bedos, 1980, p. 306, no 390bis et no 391bis. Blancard, 1860, pl. 72, no 3. En cela, il est suivi par son successeur Benoît d’Alignan (1229-1267) qui use aussi bien d’un sceau de plomb que d’un sceau de cire en mandorle, dont le revers porte un motif parlant, à l’instar de Pierre de Montlaur lui-même (Albanès, 1884, p. 51 et p. 53 ; p. 54 et p. 56). Balossino, 2016, p. 202-207. Pécout, 2009, p. 359. 100 J EUX DE MIROIR tique et administrative de la ville de Marseille ? Par ailleurs, ce même motif – mais sans la mer au registre inférieur – apparaît également à partir de mai 1218 sur le revers du demi-gros marseillais, denier d’argent que fait frapper le comte de Provence Raimond Bérenger V, avec l’accord des recteurs de la confrérie qui en reçurent la charge et la surveillance. La légende indique la mention de l’atelier monétaire : « civitas Massilie ». Dans le champ, la ville y apparaît sous la classique apparence d’une agglomération fortifiée ; elle est comprise dans une ellipse maçonnée et crénelée, présentant les attributs urbains traditionnels : tours latérales et porte centrale surmontée d’une croix pattée fichée sur une hampe (fig. 7) 71. Le choix d’un tel « pictogramme 72 » correspond à celui des élites communales qui cherchent à signifier un partage des prérogatives publiques à travers la frappe d’une monnaie qu’elles contrôlent. L’unité municipale apparaît en façade, l’intérêt commun semble prévaloir sur les conflits… À travers tous ces supports, la représentation visuelle du port apparaît comme un véritable enjeu iconographique pour les différents partis qui prétendent asseoir leur autorité sur l’ancienne seigneurie vicomtale 73. Cela n’avait pas été saisi par Louis Antoine de Ruffi, qui avait masqué par une esplanade pavée les flots ondulés symbolisant la mer dont les eaux baignent des fortifications que l’on pouvait contempler au large, lorsqu’on arrivait par l’ouest. C’est bien l’entrée d’un port soigneusement défendu qui est signifiée ici dans cette image urbaine qui n’en demeure pas moins stylisée (fig. 6) 74. L’extension de l’enceinte, conduite par le vicomte Barral aux environs de 1190 – avec l’accord du roi Alphonse II d’Aragon –, manifeste la poursuite du développement démographique et économique d’une ville basse qui connaît une brillante expansion grâce à son intense activité portuaire 75. Cette ouverture sur la Méditerranée, à travers les trois portes qui viennent scander la courtine de la clausura civitatis, est au cœur du propos sigillaire développé par les deux forces en présence, commune et épiscopat. Et les travaux réalisés pour l’édification des murailles apparaissent de façon monumentale ; ils participent du discours symbolique dans lequel la commune s’évertue à prendre corps. 71 72 73 74 75 Rolland, 1956, p. 113 et p. 201. D’autres parlent d’idéogramme (Chassel, 2016, p. 38 et n. 57). Dans la ville d’Avignon, épiscopat et commune adoptent un apparat iconographique bien distinct : bulles et sceaux font référence à l’empereur de façon assez différenciée à travers le buste impérial choisi par l’évêque qui s’oppose à l’aigle/gerfaut des consuls (Balossino, 2008, p. 193). Dans les années 1220, le thème de la ville fortifiée – assez proche du modèle marseillais – est repris à Avignon mais là, au pied des remparts, c’est le pont sur le Rhône qui est mis en valeur, ouvrage que la cité édifie et entretient à grands frais (Blancard, 1860, pl. 37 ; Balossino, 2016, p. 207). Bouiron, 2002, p. 22-44 ; Bouiron, 2009, p. 49-50. R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 101 Fig. 6 : moulage du revers du sceau de Marseille en 1243 (ANF, sc/D 4 503bis) UN DISCOURS UNITAIRE ? D’autres détails laissent découvrir la grande liberté prise par l’érudit des Temps modernes. Ainsi, la présence d’étendards aux armes de Marseille – à laquelle il est difficile d’accorder un crédit entier – est une manifestation de chauvinisme aisée à déceler. Une telle expression vexillaire ne se retrouve sur aucune empreinte phocéenne. La forme même de la croisette qui ouvre la légende ressemble d’ailleurs étrangement à la croix d’azur de la bannière de saint Victor. En revanche, la déclaration emphatique vantant les actions d’éclat qui font resplendir la cité a été remplacée par une évocation plus minimaliste, et somme toute assez classique, d’une commune réunissant l’universitas Massilie, à la fois ville basse et ville haute. Un message d’unité qui cherche sans doute à atténuer les effets de la discorde qui se dissimule mal au sein de l’agglomération. Il en avait été de même dans la proche cité d’Avignon, peu de temps auparavant. En mai 1226, le passage de la phase consulaire à la phase podestale se manifeste par un changement de bulle : les quatre magistrats figurant à l’avers sont remplacés par un paysage urbain dans lequel se devinent l’enceinte fortifiée, Notre-Dame-des-Doms et le pont 102 J EUX DE MIROIR enjambant le Rhône. La légende est également modifiée : le « sigillvm consvlvm Avinionensivm » cède la place au « sigillvm comvnis Avinionensis 76 ». Un dernier point mérite l’attention. Le dessin de Ruffi laisse paraître de part et d’autre de la tour maîtresse deux hampes coiffées d’une extrémité triangulaire 77. Ces éléments se retrouvent sous une forme bouletée sur la bulle de 1237 (fig. 4), le sceau de 1243 (fig. 6) ainsi que sur les demi-gros marseillais frappés en 1218 par Raimond Bérenger V, puis par Charles d’Anjou à partir de 1257 (fig. 7) 78. Fig. 7a-b : revers du demi-gros frappé par Raimond Bérenger V et Charles d’Anjou (coll. part.) Ces attributs pourraient correspondre aux poteaux de justice qui sont parfois signifiés dans quelques empreintes de sceaux méridionaux du xiiie siècle, comme ceux de Lalbenque, Martel et Turenne ou encore sur le sceau de majesté du comte de Toulouse Raimond VI 79. Plutôt qu’un semblant de symétrie, le nombre de deux pourrait correspondre ici aux deux parties de la ville sur lesquelles s’exercent des juridictions distinctes, celle de l’épiscopat/prévôté et celle des anciens vicomtes, alors passée aux mains des responsables de la ville. Le mât pouvait être frappé lorsqu’on souhaitait, par le cri ou la clameur, saisir la justice locale ; situé au milieu du marché ou de la place publique, il était quelquefois recouvert d’armoiries ou décoré d’étendards aux armes du seigneur. Il n’est guère étonnant de constater que ces poteaux disparaissent à la surface de la galette de cire 76 77 78 79 Blancard, 1860, pl. 37 ; Balossino, 2008, p. 196 ; Balossino, 2012, p. 290 ; Balossino, 2015, p. 220 ; Balossino, 2016, p. 206. Des sortes de hallebardes géantes figurent à chaque extrémité de la courtine. L’identification de ces attributs nous échappe quelque peu. Touche réaliste ou simple divagation de l’auteur du dessin ? Cliché de la monnaie angevine dans Pécout, 2009, p. 251. H. Rolland les identifie comme étant « deux clochetons » (1956, p. 201). Macé, 2016, p. 64 et p. 66 (cliché de Martel, p. 48) ; Macé, 2018, p. 182-183. R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 103 appendue à la charte de novembre 1262, document qui prononce l’abolition de la commune par Charles d’Anjou 80. LE MILES EN ARMES Sur le sceau conjoint de Marseille, la face seigneuriale reprend les thèmes du type équestre de guerre qui ornent les sceaux du dernier comte de Toulouse (port de la lance, écus et housses armoriés, tête encadrée par le soleil et la lune). Le modèle « houssé à la lance » figure cependant pour la première fois chez les membres du lignage au début du principat de Raimond VII. On le distingue sur une empreinte de novembre 1222 81. Tout en achevant le processus de personnification des armoiries dynastiques ainsi que l’emblématisation de la dimension militaire du pouvoir princier, la croix raimondenque apparaît avec un certain retard sur l’avant-main et l’arrière-main de la monture princière. Dans la zone rhodanienne, le premier à faire usage d’un tel caparaçon de textile armorié semble être Alphonse II, roi d’Aragon, comte de Barcelone et marquis de Provence. Diverses empreintes de sceaux datant des années 1185-1193 révèlent que les flancs de son noble destrier sont parés des quatre pals de gueules de la maison de Barcelone 82. Même si nous dépendons du regard souvent biaisé de Louis Antoine de Ruffi pour établir nos analyses, l’exemplaire qu’il a eu entre les mains semble être une réplique du deuxième grand sceau de Raimond VII, modèle adopté sur la matrice qui fut produite lors du traité de Paris en 1229 83. Certes, le dessin de 1696 est sans doute loin de reproduire avec exactitude l’effigie de Raimond VII mais, dans l’esprit, il correspond à ce qui figure sur le revers des matrices de sceaux princiers réalisées en 1229, puis en 1236 (fig. 8). Seule la légende habituelle a été modifiée pour mentionner la titulature qui intègre la manifestation de son dominium sur Marseille. 80 81 82 83 Blancard, 1860, pl. 34, no 2. Macé, 2018. Blancard, 1860, pl. 3, no 1. Le modèle royal est rapidement repris par d’autres cavaliers : Guilhem de Baux, prince d’Orange, orne ses propres housses du fameux cornet (1193) ; Rostaing de Sabran, connétable du comte Raimond VI, réitère le profil de son lion rampant (1202) tandis que Huc V de Baux s’enorgueillit de son étoile à 16 rais qui irradie déjà bulles et sceaux (1214) [Macé, 2006, p. 140-142 ; Blancard, 1860, pl. 26, no 4 ; pl. 28, no 4 ; pl. 25, no 1 et no 3]. Ailleurs, le comte de Rodez Guilhem garnit sa monture d’un tel équipement orné d’un lion en 1203 ; le comte de Foix Raimond Roger (1188-1223) opte, lui, pour le système de la double housse dès avril 1215 (Framond, 1982, no 5, p. 118-119 ; Macé, 2020). Macé, 2018, p. 159-162. Si les dimensions de l’empreinte phocéenne ne sont pas connues, on peut supposer qu’elles avoisinent sans doute 80 mm de diamètre. C’est déjà le cas pour le grand sceau de Marseille en 1216 mais aussi bien plus tard pour des scellements datant de 1243 (Blancard, 1860, p. 71-72 et pl. 34, no 1 ; Bedos, 1980, p. 306-307, nos 391-391bis). C’est également un module équivalent qui a été retenu pour les empreintes raimondines de 1229 (78 mm) et de 1236 (84 mm). 104 J EUX DE MIROIR Fig. 8a-b : moulages de l’avers équestre de Raimond VII en 1229 et en 1236 (ANF, Sc/D 744 et 745) L’option du type équestre de guerre retenu pour la matrice marseillaise pourrait paraître convenue. Elle suit pourtant une démarche qui est loin d’être anodine dans le contexte social et culturel de la cité phocéenne. Dupliquer dans la cire la silhouette du « corps armé du prince » correspond à trois aspects relevés par ailleurs pour d’autres personnalités appartenant à la haute aristocratie : le corps paré (vêtu pour la guerre), le corps signalé (comme une enseigne, visible et identifiable) et le corps exposé (le chef de R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 105 guerre doit s’illustrer et prendre des risques) 84. Le sceau équestre révèle Raimond VII à la fois comme prince chevalier et chef féodal, un leader armé de toutes pièces, capable d’exploits personnels, à l’instar des héros épiques de la littérature. Ce que ne manque pas de souligner l’auteur anonyme de la seconde partie de la Canso dans quelques coblas bien inspirées 85. C’est une obligation sociale et morale attendue par les élites de ce temps. Il ne s’agit pas donc d’une simple posture visant à mettre en avant le pouvoir de commandement du prince. La mise en scène et certains codes visuels n’en sont pas absents, certes, mais l’ensemble traduit une nécessité militaire et politique qui joue pleinement dans les années 1230. L’écho d’une telle image dans les environs de Marseille se perçoit à travers les compositions enflammées de Bertrand de Lamanon et de Blacasset qui, tous deux, se font le relais de la belle impression laissée localement par l’intervention toulousaine. Si le premier voit dans le comte l’incarnation de Richard Cœur de Lion, le second ne cache pas son admiration pour une telle figure de combattant qu’il compare à Simon de Montfort, le vainqueur de Muret 86 ! Pour les troubadours provençaux, Raimond VII concentre en sa personne les plus grandes valeurs chevaleresques de son temps. LE SAINT ET LE COMTE Mais ce qui frappe dans le dossier marseillais, c’est la modification de l’avers équestre qui figurait initialement sur le sceau de la ville, une image que les édiles avaient prise pour emblème dans leur volonté affichée de succéder aux anciens seigneurs de la ville basse, à savoir l’effigie guerrière de saint Victor (fig. 9). Fig. 9 : moulage de l’avers du sceau de Marseille en 1243 (ANF, sc/D 4 503) 84 85 86 Schnerb, 2014. Macé, 2005, p. 144-150. Aurell i Cardona, 1987-1988, p. 129 ; Aurell, 1989, p. 262-263. 106 J EUX DE MIROIR Depuis le xie siècle, la bannière de la figure monastique était portée par les vicomtes de Marseille lorsqu’ils venaient à suivre en procession la châsse du martyr 87. Elle flottait aussi sur le palais vicomtal du Tolonée. Noblesse et élites citadines partageaient la même dévotion au saint légionnaire que la légende locale, au cours du xiie siècle, a christianisé en miles Christi pourfendeur de dragon, animal allégorique de l’Antéchrist de la Parousie. La déclamation de fierté exprimée dans la légende du sceau se combinait à une mystique de la solidarité communale qui s’exposait sur l’avers. Sa légende mettait la cité sous l’égide du martyr Victor, en jouant de son nom qui signifiait vainqueur […]. Le saint apparaissait en chevalier terrassant un dragon, ce qui suggérait une assistance spirituelle et temporelle. La croix, qu’il portait sur son écu, s’accordait à sa fonction comme guide de la Ville basse […]. Il étendait, plus largement, sa bénédiction sur les entreprises guerrières de la Commune. Patron de l’abbaye aux portes de la Ville basse, Victor se voyait officialisé comme le défenseur céleste de cette dernière […]. Victor affirmait la liberté de la Commune. Ainsi, prenait-elle encore sa croix pour drapeau […]. L’emblème glissait [des mains des anciens vicomtes à celles] de ceux qui leur succédait dans ce gouvernement. La Commune ne se légitimait que mieux en s’ancrant dans le passé 88. Elle prenait également ses distances avec Lazare, le frère de sainte Marthe et premier évêque de Marseille dont le culte des reliques, conservées dans la cathédrale donc dans la proximité de l’évêque, demeurait encore marginal. En 1236, la ville basse ne se place plus sous l’égide de son saint tutélaire. La religion civique – et sa cristallisation autour d’un modèle de sainteté guerrière – change de registre. À la place du protecteur céleste, un nouveau patron a été choisi et sollicité, le si terrestre comte Raimond VII. Et ce dernier a, de fait, réussi à chasser l’être maléfique que pouvait représenter, aux yeux de la commune marseillaise, l’image d’un tyran assimilé au dragon local : le comte Raimond Bérenger V ou son acolyte, l’évêque Benoît d’Alignan 89. Exploit ô combien chevaleresque dont quelques troubadours de la région ont tenu à se faire l’écho 90. Le comte de Toulouse peut se sentir fort de l’adhésion que lui témoignent le gouvernement urbain et une partie de la noblesse régionale, autrefois liée aux souverains de la dynastie catalano-aragonaise, Alphonse II et Pierre II. À travers la figure du prince-chevalier, Raimond VII semble incarner les valeurs chères à l’esprit des élites dominantes. D’autant plus qu’elles et lui partagent un antagonisme commun à l’encontre de la seigneurie 87 88 89 90 Coulet, 1995, p. 122-123 ; Pécout, 2009a, p. 187 ; Mazel, 2009, p. 263-266. Boyer, 2014, p. 256-257. Dans la tradition développée avant le xiie siècle, la bête malfaisante était assimilée à l’empereur Maximien, responsable du martyre de l’officier romain Victor qui, à travers l’iconographie, devint un miles Christi à l’image de saint Georges terrassant le dragon (Pécout, 2009a, p. 187). Bertrand de Lamanon oscille entre la déception provoquée par les tergiversations de son seigneur, Raimond Bérenger – qu’il va jusqu’à soupçonner de couardise – et l’admiration pour un Raimond VII qui a su s’illustrer devant les murs de la ville (Aurell i Cardona, 19871988, p. 127-128). De son côté, Blacasset entonne un sirventes composé en l’honneur du comte de Toulouse (De guerra sui deziros, dans Aurell, 1989, p. 262-263). R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 107 ecclésiastique en essor, favorisant ainsi le développement d’un véritable camp anticlérical 91. Une majorité des habitants a accepté de passer du saint saurochtone – le miles Christi porteur de la croix protégeant la cité du mal – à un cavalier staurophore, arborant une autre croix, celle qui désigne au plus grand nombre depuis plusieurs années déjà le parangon de la chevalerie méridionale, celui qui lutte aux côtés de l’empereur germanique Frédéric II contre les prétentions du roi de France et de ses multiples alliés ecclésiastiques. La transformation graphique de la représentativité politique exprime un geste fort de la part d’une ville qui daigne abandonner de la sorte l’effigie d’un saint protecteur qui prêtait jusque-là sa personnalité à l’ensemble de la communauté. Une égide puissante qui caractérise l’identité civique et l’histoire récente d’une grande partie des Marseillais, et que les élites locales acceptent de délaisser pour se jeter dans les bras d’un autre miles que l’on espère tout aussi efficace. En s’affichant à sa place, le comte de Toulouse devient à son tour le protecteur de Victor et de ses insignes reliques. Mais cela ne suffit guère à le mettre à l’abri du courroux de l’Église : une nouvelle excommunication est prononcée à son encontre, le 18 mai 1237, par Grégoire IX, en raison même de son intervention contre Raimond Bérenger V, allié et protégé du pontife romain. *** La substitution de l’équestre victorin par la fière silhouette raimondine ne dure même pas le temps d’une décennie. Après l’échec du siège de la ville d’Arles, la fortune du Toulousain décline 92. Ayant perdu de son crédit et de sa superbe après la paix signée avec le roi Louis IX, à Lorris, en octobre 1242, Raimond VII n’est plus en mesure de jouer sur le théâtre des affaires provençales. De guerre lasse, en mai 1243, les Marseillais demandent à l’évêque Benoît d’Alignan de lever l’interdit dont était frappée la ville basse depuis trois ans. Puis ils sont vite contraints de rechercher la tutelle du comte Raimond Bérenger V 93 qui parvient enfin à prendre en main la destinée de l’agglomération après la signature du traité de Tarascon, le 22 juin 94. La cité maritime reconnaît alors qu’elle est placée sous le dominium du prince qui, en retour, s’engage à respecter ses franchises 95. La mise en place d’un pouvoir citoyen autonome s’éloigne de l’horizon. 91 92 93 94 95 Mazel, 2003, p. 201-238. « […] en 1240, le comte de Toulouse réunit en été une forte armée, entra en Camargue, et attaqua Arles, cité du comte de Provence […]. On combattit ainsi presque tout l’été […]. Les citoyens de Marseille prêtaient leur concours au comte de Toulouse comme à leur seigneur » (Guillaume de Puylaurens, ch. 41, p. 163). Les sceaux de Raimond Bérenger V portent la légende suivante : + SIGILLVM RAIMVNDI BERENGERI / + COMITIS PROVINCIE (Blancard, 1860, p. 12-13, no 13 et no 14 ; Benoît, 1925, p. lxxi). Résumé de l’accord de paix dans Pécout, 2009b, p. 196. À noter que si le revers du denier d’argent (demi-gros marseillais) que Raimond Bérenger V avait créé en 1218 livrait une représentation stylisée de la cité phocéenne, le droit du menut marseillais qu’il instaure en 1243, aux dépens de l’ancien royal coronat, fait apparaître le nom du comte (R. BE[rengarius] comes) et un écu sur lequel se reconnaissent ses armoiries (palé d’or et de gueules). Ce nouveau type, qui disparaît à sa mort en 1245, s’inspire de la moneda doblenca frappée à Barcelone depuis 1221 par le roi Jacques Ier (Rolland, 1956, p. 114-115 ; p. 201-202). 108 J EUX DE MIROIR En 1243, la marque sigillaire de la commune retrouve légendes et figurations initiales 96. L’intermède toulousain n’est plus qu’un souvenir. Après la mort de Raimond Bérenger V – deux ans plus tard –, le frère du roi de France, Charles d’Anjou, fait une belle prise en épousant, le 31 janvier 1246, Béatrice, dernière fille du défunt comte de la dynastie catalane et détentrice de tous ses droits sur les comtés de Provence et de Forcalquier. La commune phocéenne va devoir dorénavant faire face à l’ambition angevine. Pour le prince toulousain, le rêve marseillais s’évanouit définitivement. Raimond VII, en s’attachant à faire réaliser une matrice de sceau qui devait lui permettre de marquer le territoire urbain, avait sans doute espéré intégrer dans ses domaines provençaux le port méditerranéen et son arrièrepays 97, puis, parachevant son plan, épouser Béatrice de Provence, cette femme si convoitée. Il lui faudra renoncer successivement aux deux. La greffe toulousaine à Marseille n’aura été qu’une brève illusion 98. Accordons le mot de la fin à un troubadour de ce temps. Au tout début des années 1240, dans la chanson Un sirventes vol’ far, Uc de Saint-Circ doutait déjà des probables succès rhodaniens du dernier des Raimond ; avec réalisme, il pouvait se permettre de jouer les sombres Cassandre : « même s’il recouvre ce qu’il a perdu, il devra toujours porter dans la main le faucon d’un autre 99. » 96 97 98 99 Blancard, 1860, p. 71 et pl. 34, no 1 ; Bedos, 1980, p. 306-307, nos 391-391bis ; sceau de 81 mm de diamètre ; Pécout, 2009, p. 249. Plus tard, Charles d’Anjou modifie le sens de la marche du cheval de saint Victor (empreinte de novembre 1262, Blancard, 1860, p. 72 et pl. 34, no 2). Les dystiques léonins sont néanmoins conservés pour quelque temps (Boyer, 2014, p. 257-258). Pécout, 2018. L’épisode toulousain s’inscrit dans un contexte particulier, « porté par la fidélité raimondine, plus ou moins fluctuante, une sensibilité gibeline, plus ou moins profonde, et une hostilité farouche à l’égard de la seigneurie épiscopale » (Mazel, 2003, p. 217). « E s’el torna la presa aital ocaison / Encar’ l’er a portar e’l man l’autrui falcon » (Jeanroy, Salverda de Grave, 1913, p. 96-98, v. 23-24). Le faucon (présent au revers des bulles de la commune d’Avignon) est une évidente allusion à son alliance avec l’empereur Frédéric II. R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 109 Sources imprimées et instruments de travail AlBAnès Joseph-Hyacinthe, Armorial et sigillographie des évêques de Marseille, Marius Olive, Marseille, 1884. BArthélemy Louis, Inventaire chronologique et analytique des chartes de la maison des Baux, Barlatier-Feissat, Marseille, 1882. Bedos Brigitte, Corpus des sceaux français du Moyen Âge. t. I : Les sceaux des villes, Archives nationales, Paris, 1980. Benoît Fernand, Recueil des actes des comtes de Provence appartenant à la maison de Barcelone. Alphonse II et Raimond Bérenger V (1196-1245), 2 vol., Auguste Picard, Monaco-Paris, 1925. BlAnCArd louis, Iconographie des sceaux et bulles conservés dans la partie antérieure à 1790 des archives départementales des Bouches-du-Rhône, chez Camoin frères et chez Boy-J.-B. Dumoulin, Marseille-Paris, 1860. frAmond Martin (de), Sceaux rouergats du Moyen Âge, Archives départementales de l’Aveyron, Rodez, 1982. GuérArd Benjamin, Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, 2 vol., C. Lahure, Paris, 1857. JeAnroy Alfred, sAlVerdA de grAVe Jean-Jacques, Les Poésies d’Uc de SaintCirc, Privat, Toulouse, 1913. LAnglois Charles-Victor, « Une lettre adressée à Alfonse de Poitiers (24 mars 1251) », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 46, 1885, p. 589-593. mACé laurent, Catalogues raimondins (1112-1229). Actes des comtes de Toulouse, ducs de Narbonne et marquis de Provence, Archives municipales, coll. « Sources de l’histoire de Toulouse », Toulouse, 2008. mArtin-ChABot Eugène (éd. et trad.), La Chanson de la croisade albigeoise, 3 vol., Les Belles Lettres, Paris, 1931-1961. puylAurens Guillaume (de), Chronique, 1144-1275, éd. et trad. duVernoy Jean, CNRS, Paris, 1976. RollAnd Henri, Monnaies des comtes de Provence, xiie-xve siècle, Picard, Paris, 1956. Ruffi Louis Antoine (de), Histoire de la ville de Marseille, contenant tout ce qui s’est passé de plus mémorable depuis sa fondation, durant le temps qu’elle a été république & sous domination des Romains, Bourguignons, Visigots, Ostrogots, Rois de Bourgogne, Vicomtes de Marseille, Comtes de Provence & de nos Rois très chrétiens, 2 vol., Claude de Garcin, Marseille, 1696. teulet Alexandre, lABorde Joseph (de), Berger élie et delABorde henrifrançois, Layettes du Trésor des Chartes, 5 vol., Plon, Paris, 1863-1902. Études AlVirA CABrer Martín, mACé Laurent et Smith Damian, « Le temps de la Grande Couronne d’Aragon du roi Pierre le Catholique. À propos de deux documents relatifs à l’abbaye de Poblet (février et septembre 1213) », Annales du Midi, no 265, 2009, p. 5-22. Aurell i CArdonA Martin, « Le troubadour Bertran de Lamanon (c. 12101270) et les luttes de son temps », Boletín de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona, t. 41, 1987-1988, p. 121-162. 110 J EUX DE MIROIR Aurell Martin, La Vielle et l’Épée. Troubadours et politique en Provence au xiiie siècle, Aubier, Paris, 1989. Aurell Martin, Boyer Jean-Paul et Coulet Noël, La Provence au Moyen Âge, Publications de l’université de Provence, Aix-en-Provence, 2005. BAlossino Simone, « À l’origine de l’autonomie communale : les attributs matériels du gouvernement des villes de Provence occidentale (xiiexiiie siècles) », dans JeAn-Courret Ézéchiel, LAVAud Sandrine, Petrowiste Judicaël et PiCot Johan (dir.), Le Bazar de l’hôtel de ville. Les attributs matériels du gouvernement urbain dans le Midi médiéval, Ausonius, Bordeaux, 2016. BAlossino Simone, I podestà sulle sponde del Rodano. Arles e Avignone nei secoli xii e xiii, Italia comunale e signorile, 7, Rome, 2015. BAlossino Simone, « Elle ne voulait obéir ni à Dieu ni aux hommes », dans gilli Patrick et guilhemBet Jean-Pierre (dir.), Le Châtiment des villes dans les espaces méditerranéens (Antiquité, Moyen Âge, Époque moderne), Brepols, Turnhout, 2012. BAlossino Simone, « Notaire et institutions communales dans la basse vallée du Rhône (xiie-moitié du xiiie siècle) », dans fAggion Louis, mAilloux Anne et Verdon Laure (dir.), Le Notaire entre métier et espace public en Europe (viiie-xviiie siècle), Publications de l’université de Provence, Aixen-Provence, 2008. Bedos-rezAk Brigitte, When Ego Was Imago: Signs of Identity in the Middle Ages, Brill, Leyde-Boston, 2010. Bouiron Marc, « L’évolution topographique de la ville de Marseille », dans PéCout Thierry (dir.), Marseille au Moyen Âge, entre Provence et Méditerranée. Les horizons d’une ville portuaire, Désiris, Méolans-Revel, 2009. Bouiron Marc, « Un acte régalien méconnu : l’extension urbaine de 1190 », Marseille face au(x) pouvoir(s). Actes du colloque de Marseille, 4-5 février 2000, Conseil général des Bouches-du-Rhône, Marseille, 2002. Bourrilly Victor-Louis, Essai sur l’histoire politique de la commune de Marseille des origines à la victoire de Charles d’Anjou (1264), A. Dragon, Aix-enProvence, 1925. Boyer Jean-Paul, « “Cis donta l’orguel de Marseille” : une identité entre commune et municipalité (mi-xiiie - mi-xiVe siècle) », dans gilli Patrick et sAlVAtori Enrica, Les Identités urbaines au Moyen Âge. Regards sur les villes du Midi français, Brepols, Turnhout, 2014. ChAssel Jean-Luc, « La problématique des sceaux de villes dans le Midi de la France médiévale », dans JeAn-Courret Ézéchiel, lAVAud Sandrine, petrowiste Judicaël et piCot Johan (dir.), Le Bazar de l’hôtel de ville. Les attributs matériels du gouvernement urbain dans le Midi médiéval, Ausonius, Bordeaux, 2016. Coulet Noël, « Dévotions communales : Marseille entre saint Victor, saint Lazare et saint Louis (xiiie-xVe siècle) », dans VAuChez André (dir.), La Religion civique à l’époque médiévale et moderne (Chrétienté et Islam), École française de Rome, 1995. Dehoux Esther, Saints Guerriers. Georges, Guillaume, Maurice et Michel dans la France médiévale (xie-xiiie siècle), Presses universitaires de Rennes, 2014. R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 111 FrAmond Martin (de), « Aux origines du sceau de ville et de juridiction : les premiers sceaux de la ville de Millau », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 147, 1989, p. 87-122. HéBert michel, Parlementer. Assemblées représentatives et échange politique en Europe occidentale à la fin du Moyen Âge, De Boccard, Paris, 2014. le goff Jacques, Saint Louis, Gallimard, Paris, 1996. le goff Jacques, « Culture ecclésiastique et culture folklorique au Moyen Âge : saint Marcel de Paris et le dragon », dans le goff Jacques, Pour un autre Moyen Âge, Gallimard, Paris, 1977. Leroy Nicolas, Une ville et son droit. Avignon du début du xiie siècle à 1251, De Boccard, Paris, 2008. MACé laurent, « Bullam meam plumbeam impono : le scellement de plomb en Provence rhodanienne (xiie-xiiie siècles) », dans BlAnC-riehl Clément, mAnoeuVrier Christophe et ChAssel Jean-Luc (dir.), Apposer sa marque : le sceau et son usage (Autour de l’espace anglo-normand), colloque de Cerisy (4-8 juin 2013), Société française d’héraldique et de sigillographie (sous presse). MACé laurent, « Des pals et un château. Le premier grand sceau des comtes de Foix (troisième quart du xiie siècle) », Revue française d’héraldique et de sigillographie - Études en ligne, no 12, novembre 2020, p. 1-18. MACé laurent, « Des eaux du Rhône au vin de Genestet. Beaucaire dans le dispositif politique des Raimondins », dans Bourin Monique (dir.), 1216. Le siège de Beaucaire. Pouvoir, société et culture dans le Midi rhodanien (seconde moitié du xiie-première moitié du xiiie siècle), SHAB, Beaucaire, 2019. MACé laurent, La Majesté et la croix. Les sceaux de la maison des comtes de Toulouse (xiie-xiiie siècles), Presses universitaires du Midi, Toulouse, 2018. MACé laurent, « Du métal et de l’étoffe. La place de la matrice sigillaire et de la bannière dans les gouvernements urbains médiévaux », dans JeAn-Courret Ézéchiel, lAVAud Sandrine, petrowiste Judicaël et piCot Johan (dir.), Le Bazar de l’hôtel de ville. Les attributs matériels du gouvernement urbain dans le Midi médiéval, Ausonius, Bordeaux, 2016. MACé laurent, « Icône du saint, figure du héros : la déclinaison du cor sur les sceaux et les monnaies dans la Provence et le Languedoc des xiiexiiie siècles », dans mACé Laurent (dir.), Entre histoire et épopée. Les Guillaume d’Orange (ixe-xiiie siècle), Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2006. MACé laurent, « Raymond VII of Toulouse: The Son of Queen Joanna, “Young Count” and Light of the World », dans Bull Marcus et léglu Catherine (dir.), The World of Eleanor of Aquitaine. Literature and Society in Southern France between the Eleventh and Thirteenth Centuries, Boydell Press, Woodbridge, 2005. MAire Vigueur Jean-Claude, Cavaliers et citoyens. Guerre, conflits et société dans l’Italie communale, xiie-xiiie siècles, EHESS, Paris, 2003. MArgue Michel, « Au nom du comte. Quelques réflexions sur les modes d’inscription du pouvoir comtal dans l’espace lotharingien (xexiie siècle) », dans Bührer-thierry Geneviève, PAtzold Steffen et SChneider Jens (dir.), Genèse des espaces politiques (ixe-xiie siècle). Autour de 112 J EUX DE MIROIR la question spatiale dans les royaumes francs et postcarolingiens, Brepols, Turnhout, 2017. MAzel Florian, « De quoi la principauté territoriale est-elle le nom ? Réflexion sur les enjeux spatiaux des principautés “françaises” (xe-début xiie siècle) », dans Bührer-thierry Geneviève, PAtzold Steffen et SChneider Jens (dir.), Genèse des espaces politiques (ixe-xiie siècle). Autour de la question spatiale dans les royaumes francs et postcarolingiens, Brepols, Turnhout, 2017. MAzel Florian, « De l’emprise aristocratique à l’indépendance monastique : patrimoine et culte des saints à Victor de Marseille », dans Fixot Michel (dir.), Saint-Victor de Marseille. Histoire et archéologie, Brepols, Turnhout, 2009. MAzel Florian, « L’anticléricalisme aristocratique en Provence (fin xie-début xiVe siècle) », L’Anticléricalisme en France méridionale (milieu xiie-début xive siècle). Cahiers de Fanjeaux, no 38, 2003, p. 201-238. MAzel Florian, La Noblesse et l’Église en Provence, fin xe-début xive siècle. L’exemple des familles d’Agoult-Simiane, de Baux et de Marseille, CTHS, Paris, 2002. New Elizabeth, « The Common Seal and Communal Identity in Medieval London », dans SolwAy Susan (dir.), Medieval Coins and Seals: Constructing Identity, Signifying Power, Brepols, Turnhout, 2015. PéCout Thierry, « Marseille. Une ville et son territoire, xie-xVe siècle », dans MAlAmut Élisabeth, Ouerfelli Mohamed, Buti Gilbert et OdoriCo Paolo (dir.), Entre deux rives. Villes en Méditerranée au Moyen Âge et à l’Époque moderne, Presses universitaires de Provence, Aix-en-Provence, 2018. PéCout Thierry, « Évêques et identités urbaines dans les cités des comtés de Provence et de Forcalquier (xiie-fin xiiie siècle) », dans gilli Patrick et sAlVAtori Enrica (dir.), Les Identités urbaines au Moyen Âge. Regards sur les villes du Midi français, Brepols, Turnhout, 2014. PéCout Thierry, « Les armes de la commune de Marseille », dans PéCout Thierry (dir.), Marseille au Moyen Âge, entre Provence et Méditerranée. Les horizons d’une ville portuaire, Désiris, Méolans-Revel, 2009a. PéCout Thierry, « La commune, le droit et le comte excommunié », dans PéCout Thierry (dir.), Marseille au Moyen Âge, entre Provence et Méditerranée. Les horizons d’une ville portuaire, Désiris, Méolans-Revel, 2009b. PéCout Thierry, Raymond Bérenger V. L’invention de la Provence, Perrin, Paris, 2004. RomAn Joseph, « Les dessins de sceaux de la collection de Gaignières à la Bibliothèque nationale », Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France, t. 69, 1910, p. 42-158. SAlVAtori Enrica, « Identité et société urbaine à Marseille entre consuls, confrérie et commune », dans gilli Patrick et sAlVAtori Enrica (dir.), Les Identités urbaines au Moyen Âge. Regards sur les villes du Midi français, Brepols, Turnhout, 2014. SAnti Louis (de), « Relations du comte de Toulouse Raymond VII avec la ville de Marseille », Annales du Midi, 1899, p. 200-207. SChnerB Bertrand, « Le corps armé du prince. Le duc de Bourgogne en guerre », Micrologus, t. XXII, 2014, p. 297-315. R AIMOND VII COMTE DE T OULOUSE ET SEIGNEUR DE M ARSEILLE 113 Späth Markus, « Art for New Corporations: Seal Imagery of French Urban Communities in the Thirteenth Century », dans SolwAy Susan (ed.), Medieval Coins and Seals: Constructing Identity, Signifying Power, Brepols, Turnhout, 2015. Späth Markus, « The Body and Its Parts: Iconographical Metaphors of Corporate Identity in 13th Century Common Seals », dans Gil Marc et ChAssel Jean-Luc (dir.), Pourquoi les sceaux ? La sigillographie, nouvel enjeu de l’histoire de l’art, CEGES, coll. « Histoire et littérature du Septentrion », Villeneuve d’Ascq, 2011. VilAin Ambre, Matrices de sceaux du Moyen Âge. Département des Monnaies, Médailles et Antiques, Bibliothèque nationale de France, Paris, 2014.