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Cahiers Edmond et Jules de Goncourt 25 | 2019 Les Goncourt et la mode La mode enfantine dans les romans des Goncourt Children’s fashion in the Goncourt novels Shoshana-Rose Marzel Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/cejdg/999 DOI : 10.4000/cejdg.999 ISSN : 2497-6784 Éditeur Société des Amis des frères Goncourt Édition imprimée Date de publication : 1 novembre 2019 Pagination : 115-130 ISSN : 1243-8170 Référence électronique Shoshana-Rose Marzel, « La mode enfantine dans les romans des Goncourt », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt [En ligne], 25 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 19 janvier 2023. URL : http://journals.openedition.org/cejdg/999 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cejdg.999 Ce document a été généré automatiquement le 19 janvier 2023. Tous droits réservés La mode enfantine dans les romans des Goncourt La mode enfantine dans les romans des Goncourt Children’s fashion in the Goncourt novels Shoshana-Rose Marzel 1 Excepté le travail d’historiens de la mode et du costume, très peu d’études – soient-elles historiques, sociologiques, anthropologiques, littéraires ou autres – traitent du vêtement de l’enfant au XIXe siècle. La présente étude tentera de combler, au moins partiellement, cette lacune, en analysant la mode enfantine dans l’œuvre romanesque des frères Goncourt. 2 Il sera ainsi démontré que les romanciers font preuve d’exactitude socio-historique tout en utilisant le vêtement enfantin à diverses fins narratives. Ainsi, dans leurs romans, le vêtement indique que l’enfant dépend du statut socioéconomique de sa famille et de son style de vie (artiste, bohème, bourgeois, religieux, etc.) ; les nombreuses tenues qui lui sont imposées – celles de circonstances solennelles, le port du deuil, les tenues réglementaires de l’école, du couvent et du travail, ainsi que le recyclage d’anciens vêtements – concrétisent sa soumission. L’amour ou le désamour de l’entourage, les rêves des parents s’y projettent. 3 Le XIXe siècle voit naître un grand intérêt pour l’enfance et des changements importants dans la manière dont l’enfant est considéré1. Il est désormais perçu comme un être différent de l’adulte, qui a droit à des soins qui lui sont particulièrement appropriés. L’un des résultats de cette évolution s’accomplit dans le domaine vestimentaire. Si, jusque-là, le vêtement transformait l’enfant en miniature de l’adulte 2, c’est au XIXe siècle que, progressivement, une véritable mode enfantine s’élabore. Celle-ci s’oriente dans deux directions principales : le confort et la mode. Les romans des Goncourt reflètent cette évolution : les fillettes y portent des petits pantalons inventés au XIXe pour protéger leur pudeur sous des robes qui ne marquent plus la taille ; les petits garçons portent pantalons, blouses et tuniques, adaptés à leurs besoins. Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 1 La mode enfantine dans les romans des Goncourt Vêtements et statut économique 4 Le vêtement est un des vecteurs essentiels du statut économique, y compris de celui de l’enfant3. Ainsi, dans Chérie qui s’ouvre sur le diner qu’offre chaque mardi Chérie, âgée de neuf ans à ses très élégantes petites amies. Le romancier y donne une profusion de détails vestimentaires qui témoignent de la fortune du milieu des fillettes : L’amusant spectacle que la réunion autour de la table de ces petites Parisiennes, […] bouts de femmes déjà montrés en les galants arrangements que la mode fashionable crée pour les petites filles des riches ! Celle-ci […] est habillée d’une robe blanche toute soufflée, où de gros nœuds d’un ruban moiré rouge remuent sur ses épaules à chacun de ses mouvements. […] Une autre, […] a une robe de soie grise, sur laquelle court une guimpe de mousseline bouillonnée, où chaque bouillon est divisé par un étroit velours noir. […] Chérie est habillée d’une robe de mousseline blanche à fleurettes roses, aux sept volants froncés et bordés de valenciennes, au corsage décolleté à la vierge, sur laquelle croisent des bretelles en ruban rose façonné, formant ceinture, et allant se nouer derrière par un nœud à longs pans 4. 5 Le rang élevé des familles des fillettes se reflète dans l’aspect ostentatoire de leurs mises. En outre, comme le soutient Pierre-Jean Dufief, « Chérie peut se lire comme une chronique précise et documentée de la mode féminine sous le Second Empire 5 ». Ce constat est valable également pour la mode enfantine de cette période, comme le confirment les Histoires de la mode et du costume6. 6 Cette richesse vestimentaire contraste avec les vêtements misérables d’autres enfants goncourtiens, tels ceux de Sempronie de Varandeuil, dans Germinie Lacerteux, lorsqu’elle est âgée d’une dizaine d’années : Ce fut à la fille que revint la charge de gagner chaque jour le pain des trois bouches. Elle le gagna. Son petit corps maigre perdu dans un grand gilet de tricot à son père, un bonnet de coton enfoncé jusqu’aux yeux, les membres serrés pour retenir un reste de chaleur, elle attendait en grelottant, […] jusqu’au moment où la boulangère de la rue des Francs-Bourgeois lui mettait dans les mains un pain 7. 7 À treize ans, sa situation ne s’améliore pas, car « [e]lle se sentait laide et d’une laideur pauvre dans ses misérables costumes, ses tristes robes de lainage qu’elle faisait ellemême et dont son père lui payait l’étoffe en rechignant8. » Cette indigence n’est pas un cas isolé dans la prose goncourtienne : comme Sempronie, Germinie Lacerteux doit se contenter d’anciennes robes pitoyables d’enfant en arrivant à Paris, à quatorze ans 9. C’est encore le cas du fils d’une mourante, d’un petit garçon recueilli par la mère du Dr Barnier, dans Sœur Philomène : il « avait des vêtements qui semblaient de vieux effets d’enfants de riche dans lesquels il aurait grandi10. » Quelques lignes plus haut, les romanciers avaient mentionné que la mourante avait été une femme aisée, maintenant ruinée. La tenue de son fils concrétise cette déchéance, puisque ses vêtements de riche, trop petits pour lui, en font un pauvre. Vêtements et habitus dix-neuvièmiste 8 À travers les différentes tenues qui lui sont imposées, l’enfant intériorise les codes normatifs dix-neuviémistes. Il s’agit notamment des tenues de circonstance et de travail, de vêtements réglementaires ou issus du recyclage. Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 2 La mode enfantine dans les romans des Goncourt Les vêtements de circonstance 9 Deux tenues circonstancielles enfantines figurent dans l’œuvre romanesque des Goncourt : celle de la première communion et le noir du deuil. Elles engagent les enfants à se familiariser, progressivement, avec la spiritualité. 10 Parmi les événements qui jalonnent la vie de l’enfant, la première communion occupe une place privilégiée. Comme l’indiquent les anthropologues, la communion est un rite de passage, qui marque religieusement le passage de l’enfance à l’adolescence 11. Ce culte est célébré à l’âge de douze ans et exige le port de vêtements appropriés. Il apparait comme tel chez les Goncourt12. Ainsi, même l’extrêmement pauvre Germinie Lacerteux obtient de son frère une tenue digne de celle d’une communiante : Pour ma première communion, en donna-t-il de ces coups de battant ! Ah ! il en abattit de l’ouvrage pour que je fusse comme les autres avec une petite robe blanche où il y avait un tuyauté, et un petit sac à la main, on portait alors de ça… Je n’avais pas de bonnet : je m’étais fait, je me souviens, une jolie couronne avec des faveurs et de la moelle blanche qu’on retire en écorçant de la canette : il y en a beaucoup chez nous dans les places où on met rouir le chanvre… Voilà un de mes bons jours ce jour-là13. 11 Petite explication : la couronne est fabriquée avec l’intérieur d’une branche de chanvre que Germinie écorce. Tout est déterminé ici par le manque de moyens, ce qui suscite la créativité de Germinie qui se confectionne une couronne à partir de rien. La fillette vit dans un milieu nécessiteux, et est habillée pauvrement dans sa vie quotidienne. Son frère, cependant, conscient de l’aspect exceptionnel de la première communion, fournit un effort de travail supplémentaire pour que sa sœur soit bien habillée lors de la cérémonie. 12 La situation est fort différente pour Chérie, pour laquelle la première communion est une occasion supplémentaire d’exhiber une tenue élégante : Chérie était habillée de neuf des pieds à la tête. Vous retrouvez là une habitude conservée parmi quelques vieilles familles créoles qui veulent, par un coquet symbolisme, que tout soit renouvelé, et la chemise et l’âme, chez la jeune fille faisant sa première communion. […] Puis Lina, avec des mains respectueuses, passait à Chérie sa robe blanche, lui attachait son voile et sa couronne. […] Son grand-père lui donnait la main pour monter dans un coupé Dorsay, un coupé commandé en cachette pour la circonstance, et dont l’intérieur était garni de damas blanc, et derrière lequel se tenaient debout trois domestiques en grandes livrées et en cocardes. […] Quand elle descendait à la porte de SainteClotilde, le goût, l’élégance, la légèreté de sa toilette de mousseline blanche, la faisaient accueillir par un susurrement admiratif14. 13 Le statut social de Chérie, la richesse de son grand-père, ministre de la guerre durant le Second Empire imprègnent les détails de sa toilette et de son écrin – le coupé garni de damas blanc et la domesticité en livrée. Cette fortune, ainsi que la fierté du grand-père et la préservation de traditions créoles, maintiennent Chérie dans un cocon protecteur. 14 Parfois, la description est plus neutre. Ainsi, pour la petite Philomène, la cérémonie est tellement émouvante qu’elle peut à peine remarquer ses vêtements. Ils font partie d’un décor grandiose : Philomène avait demandé à sa tante de lui apporter le matin de l’eau de Cologne pour son mouchoir, et pour ses cheveux de la pommade à odeur. Quand elle fut entrée dans l’église, […] elle était si émue, qu’elle n’avait ni la volonté ni la sensation des mouvements qu’elle faisait. Les cierges allumés mettaient leurs feux Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 3 La mode enfantine dans les romans des Goncourt d’étoile parmi toutes ces robes blanches. […] Les encensoirs retombaient avec un bruit brisé dans des mains gantées de blanc15. 15 Tout en se conformant aux exigences du vêtement cultuel – le statut nécessiteux des communiantes, y compris celui de Philomène, n’est même plus mentionné. L’accent est mis sur l’émotion intense de la petite fille lors de la cérémonie. 16 La seconde tenue circonstancielle enfantine est celle du deuil. Comme l’explique Lou Taylor, les signes vestimentaires du deuil sont rigoureusement respectés au XIXe siècle, font partie des obligations sociales, y compris de celles des enfants 16. Peu présent dans la prose goncourtienne, le vêtement noir du deuil apparaît cependant brièvement dans Manette Salomon où « … un enfant de deux ou trois ans, juché sur la chaise trop haute pour lui, […] regardait vaguement, d’un air étonné et distrait, de l’air des enfants trop petits pour voir la mort, et qui sont amusés d’être en noir 17 ». Par ailleurs, aussi surprenant que cela puisse paraitre, la tenue de deuil est tellement bien intériorisée par les enfants qu’elle est même associée à l’enterrement d’un oiseau : Chérie, âgée d’une dizaine d’années, raconte l’événement tragique dans une des ses lettres, en précisant que l’oiseau a été porté en terre dans une boîte à cigares que soutenaient quatre petites porteuses en grand deuil18. Vêtements institutionnels 17 L’enfant porte également les vêtements imposés par les institutions, tels que la tenue règlementée pour l’école ou le couvent. Ils inculquent aux enfants les premiers rudiments de la discipline, de la soumission à l’autorité établie. 18 L’arrivée de Marie Gaucher, alias Sœur Philomène, au couvent donne lieu à une scène violente, représentative de la discipline rigoureuse imposée aux enfants : Le jour du départ, il y eut une terrible scène. La petite fille, étouffant de sanglots […] En passant la porte du couvent, toute la violence de son désespoir tomba ; sa douleur fut une douleur de grande personne, muette et de glace. Quand les sœurs lui ôtèrent son bonnet de broderie anglaise et sa robe de soie, faite de la robe des noces de sa mère, que sa tante avait fait reteindre ; quand elles lui mirent sur la tête le petit bonnet de linge ruché et au dos la robe de mérinos verte tout unie, elle fut prise d’un petit tremblement ; mais ses yeux rouges restèrent secs 19. 19 L’entrée au couvent de Philomène âgée de six ans est un moment déchirant. Elle est arrachée de la maison chaleureuse qui l’avait recueillie, et est enfermée dans un couvent. Ce passage est à la fois matérialisé et symbolisé par le changement obligatoire de sa tenue : on la dépouille de sa robe qui avait été fabriquée à partir de la robe de mariée en soie de sa mère et de son élégant bonnet en broderie anglaise. Elle est rhabillée avec une robe en laine de mérinos verte et d’un simple bonnet qui l’introduisent dans un univers carcéral. Les Goncourt usent ici de symboles vestimentaires puissants : Philomène est dépossédée de son passé heureux et aimant – incarné par la robe de mariée de sa mère, pour pénétrer dans un univers froid et impersonnel – figuré par la robe réglementaire en mérinos vert. La mention de l’étoffe mérite une explication : le mérinos est un tissu fabriqué à partir de la laine obtenue du mouton mérinos. Au début du XIXe siècle, ce tissu est relativement cher, mais vers la fin du siècle, ce même tissu connait un déclin qui le rend peu couteux et accessible au plus grand nombre. Ce qui explique son utilisation dans le contexte du couvent 20. 20 Dans, Germinie se souvient douloureusement de sa fille décédée et ne peut s’empêcher de suivre des petites filles sortant de l’école : Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 4 La mode enfantine dans les romans des Goncourt 21 Germinie les regardait toutes et marchait avec elles : elle se mettait dans les rangs pour avoir le frôlement de leurs tabliers. Elle ne pouvait quitter des yeux ces petits bras sous lesquels sautait le carton de l’école, ces petites robes brunes à pois, ces petits pantalons noirs, ces petites jambes dans ces petits bas de laine 21. 22 Le tablier est le seul vêtement réglementaire exigé par l’école, et protège les autres vêtements des petites filles. Les petits pantalons noirs sont cette pièce de lingerie portée sous la robe, pour préserver la décence des fillettes. Les tenues de travail 23 Au XIXe siècle les enfants travaillent et leur tenue professionnelle apparait dans la narration fictionnelle des Goncourt. Elle est parfois à peine mentionnée, comme par exemple, dans Renée Mauperin, où « [u]n petit garçon malingre, à tablier blanc, courait, effaré et ahuri22 » en servant dans un café ; alors que d’autres fois, comme dans Les Frères Zemganno, la première tenue de cirque de Nello, âgé de sept ans, a droit à un long développement : 24 Il y avait là un maillot fait sur mesure pour son petit corps, un caleçon bouffant bleu de ciel, tout constellé d’étoiles d’argent, une paire de bottines minuscules à la garniture de fourrure. L’enfant tâtonnait, retournait le maillot, le caleçon, les bottines, et tour à tour les embrassait. […] Quand il fut costumé, c’était la plus mignonne miniature qui puisse se voir d’un Alcide de foire. […] Ainsi accommodé, le saltimbanque, dans son maillot un rien trop large et faisant sur les côtés, aux jarrets, deux plis, demeurait immobile avec des yeux abaissés et admiratifs de sa coquette personne, heureux comme avec une envie de pleurer, tout craintif d’abîmer, en bougeant, son frais costume 23. 25 Le bonheur de Nello est aisément compréhensible : outre la plaisir procuré par l’élégance du costume, c’est également celui-ci qui officialise son entrée dans la troupe du cirque. Le recyclage 26 Le recyclage de vêtements constitue un élément important de l’habitus dixneuvièmiste. Cette pratique était courante et le tissu connaissait plusieurs vies, de sa transformation en vêtement jusqu’à sa décadence finale sous forme de remplissage de couverture (ou autre). L’idée de jeter des vêtements n’apparait qu’au XXe siècle 24. 27 Chez les Goncourt, le recyclage vestimentaire destiné aux enfants est mentionné plusieurs fois. Il fait parfois partie d’une mise-en-scène, comme dans La Fille Élisa, où « un public d’enfants traîn[ait] dans la poussière un derrière culotté du rouge d’une vieille culotte de la ligne25 » ; ailleurs, il est chargé d’une portée affective variable : ainsi, la robe de Philomène (mentionnée plus haut), confectionnée avec la robe de mariée en soie de sa mère est une preuve d’amour et peut-être même sa plus belle robe, alors que Nachette, personnage nocif de Charles Demailly, pestant contre sa famille, se souvient avec aigreur avoir été « mis au collège avec un habit fait d’un vieux drap de billard26 ». Dans ce cas, Nachette interprète le recyclage comme une preuve du manque d’amour de ses parents. 28 Fortement ancré dans le quotidien, le recyclage opère aussi à l’inverse, lorsqu’un adulte recycle un vêtement d’enfant ; ainsi, Élisa, dans La Fille Élisa, porte pour son jour de Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 5 La mode enfantine dans les romans des Goncourt sortie avec son soldat « un petit châle d’enfant, de laine blanche aux mailles tricotées, [qui] se croisait autour de son cou, attaché par une broche d’argent où l’on voyait une pensée en émail27 ». 29 C’est donc par le vêtement élégant ou pauvre, de circonstance, de deuil, par la tenue du couvent, de l’école, du travail et par le recyclage que l’enfant intériorise les us et les coutumes de la société dix-neuvièmiste. Simultanément, le vêtement de l’enfant l’intègre dans la société tout en respectant sa différence. Les Goncourt surimposent à cette exactitude socio-historique des motivations narratives : les vêtements de Chérie, par exemple, signifient la richesse de son milieu autant que son parcours d’enfant gâtée ; ceux de Germinie indiquent au contraire son origine très modeste, mais soulignent également la générosité de son frère ; si l’entrée de Philomène au couvent se concrétise par le changement brutal de sa tenue, c’est également un moyen d’indiquer sa sensibilité. L’attitude de l’entourage 30 Le vêtement de l’enfant est un indice précieux de la considération et de l’affection de son entourage. Beaucoup plus qu’il n’y parait à première vue, le vêtement vient signifier l’attention ou l’abandon, le respect de l’enfant ou au contraire, son effacement au profit de la projection de soi, de l’égoïsme, de l’avarice. Amour/désamour 31 Alors que le grand-père de Chérie exprime son amour pour sa petite-fille en exigeant de la « voir coquettement habillée28 », Melle de Varandeuil est privée de toute marque d’affection de la part de son père : le tricot paternel, les robes qu’elle doit se coudre sont l’expression directe de la désaffection de sa mère, qui a fui lors de la Révolution, et du désamour de son père. Ce désamour s’amplifie de façon démesurée quand son père refuse de la reconnaitre comme sa fille, lorsqu’elle est âgée de treize ans, justement, à cause de ses vêtements : La fille continuait à servir son père et son frère. M. de Varandeuil s’était peu à peu accoutumé à ne plus voir en elle que la femme de son costume et de l’ouvrage qu’elle faisait. Les yeux du père ne voulaient plus reconnaître une fille sous l’habit et les basses occupations de cette servante. Ce n’était plus quelqu’un de son sang, quelqu’un qui avait l’honneur de lui appartenir : c’était une domestique qu’il avait là sous la main29. 32 Le cas de Sempronie de Varandeuil est extrême, puisque son dénuement est le fait de son père, qui ne veut voir en elle qu’une domestique. Tous ses pauvres vêtements sont ainsi les agents (parmi d’autres) d’une carence affective qui la marquera à vie. 33 L’amour porté à l’enfant passe, parfois, par les vêtements d’une autre, quand la tenue d’une enfant aperçue par hasard réactive le chagrin d’un parent, comme dans Renée Mauperin : En face de lui il y avait une petite fille en chapeau de paille, en canezou blanc. On voyait les petites jambes de l’enfant, la chair de ses petits mollets fermes entre son pantalon à dents et son petit bas. Elle ne faisait que remuer sur son père, monter, grimper, sauter sur lui. […] M. Mauperin ferma les yeux : les six ans de sa fille étaient là devant lui30 ! Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 6 La mode enfantine dans les romans des Goncourt 34 Ici, les vêtements enfantins participent à une image charmante, naturelle, d’une petite fille jouant avec son père. Cette image innocente ravive cependant la douleur du père spectateur, au temps présent, en faisant remonter à sa mémoire d’anciens moments heureux passés avec sa fille31. Projections parentales 35 Parfois, il s’agit plutôt de l’imposition d’un goût ou d’un fantasme parental à travers le vêtement enfantin. Dans Madame Gervaisais, par exemple, l’héroïne éponyme du roman déguise plus qu’elle n’habille son petit garçon32 : Et la toilette commença. La mère attacha au cou de l’enfant une de ces collerettes d’alors qui encadraient si bien d’un tuyauté de linge blanc la joue de l’enfance. Aidée par Honorine, elle lui passa ses grands bas écossais, son court pantalon de velours noir. Le petit bonhomme se laissait faire, regardait ce qu’on lui mettait, avec un plaisir profond, presque recueilli, une gravité de bonheur que n’ont pas les garçons de cet âge. Il entra dans sa veste de velours. Sa mère lui noua au cou un ruban de soie cerise. Puis Honorine le chaussa d’escarpins à talons, lui posa sur la tête un toquet de velours noir ayant pour aigrette une plume de héron tenue par l’agrafe d’argent d’un chardon d’Écosse : l’enfant était habillé ; et charmé dans ce costume artistique, un peu théâtral, qu’avait inventé pour lui le goût de sa mère 33. 36 Les Goncourt ont écrit Madame Gervaisais en 1869 en prenant pour modèle du personnage principal leur tante Nephtalie de Courmont, morte à Rome en 1844. En réalité, que ce soit dans les années quarante ou plus tard, les vêtements du petit PierreCharles reflètent fort bien le courant historiciste qui a marqué les vêtements des petits garçons tout au long du siècle34. En outre, à travers cette tenue qui est presque un costume, les auteurs exposent l’évolution ultérieure de Mme Gervaisais, les vêtements du petit Pierre-Charles devenant la prolepse de la crise mystique de sa mère. 37 Le neveu de la Faustin, habillé par sa mère, apparaît dans le roman « [c]ouché sur un coin du divan, la tête en bas, les jambes croisées en l’air, il se faisait les ongles avec une lime minuscule. Le col droit, un mouchoir passé entre sa chemise et un gilet, tout chez le bambin, depuis la semelle immaculée de ses bottines jusqu’à la raie correcte du milieu de sa tête, sentait le rassis d’un vieux gandin, d’un vieux gommeux 35 ». Au XIXe siècle, le terme de gommeux désigne le personnage-type de l’élégant désœuvré et vaniteux et celui de gandin – un jeune élégant lui aussi, oisif et légèrement ridicule. Edmond de Goncourt esquisse dans ce roman un tableau des mœurs du théâtre, et ce petit garçon âgé de sept ans figure plus un accessoire du décor qu’un personnage réel. Cet enfant malheureux, déjà vieux, n’intéresse personne et sa mère le promène comme un caniche d’expositions bien récuré. 38 Dans Manette Salomon, l’enfant, âgé d’environ un an, est l’extension de son père, Naz de Coriolis : Son père le voulait toujours à demi nu, vêtu seulement d’une chemise et d’un collier de corail ; et quand, habillé ainsi, par terre, sur un tapis, le petit garçon se roulait, il était adorable avec ses jeux, ses câlineries, […] sa peau ferme et douce sortant de la blancheur écourtée de la toile36. 39 Cette volonté de n’habiller son fils que d’une chemise accessoirisée d’un collier reproduit le style artiste et bohème du père. 40 Chez les Goncourt, les vêtements des petits garçons plus que ceux des petites filles, sont des extensions, parfois égoïstes, des parents. Transformé par ses vêtements en objet, le Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 7 La mode enfantine dans les romans des Goncourt petit garçon devient la fierté du parent, presque sans rapport avec ses envies, sa personnalité ou son âge. Les vêtements de la poupée 41 Comme l’indiquent de nombreux chercheurs, au XIXe siècle, la poupée est un jouet réservé au jeu des petites filles37. C’est un instrument de la socialisation féminine, un objet du « devenir femme », comme le qualifie Anne-Simone Dufief 38. La poupée était souvent offerte aux petites filles accompagnée d’un abondant trousseau 39. 42 Selon Tristan Fourré, le thème de la poupée est extrêmement important dans Chérie 40. Effectivement, hormis quelques mentions rapides de poupées dans l’ensemble de l’œuvre romanesque des Goncourt, ce sont celles de Chérie qui ont droit au développement le plus long. Tout le dixième chapitre leur est consacré, y compris à leurs vêtements. Parmi ses nombreuses poupées, l’une d’elle retient l’attention de l’héroïne : … un jour qu’on se livrait à un rangement dans le château, on trouva dans le haut d’une armoire une poupée dont on ne s’expliqua pas la présence. […] La poupée était intéressante en ce qu’elle présentait un parfait échantillon de la mode de 1830. Coiffée d’une sorte de toque bleue, surmontée d’une grande tige de fleurs retombante, elle portait des manches à gigot et avait des socques. Cette poupée qui se déshabillait était accompagnée d’un trousseau complet, contenant une demidouzaine de chemises, de paires de bas, de mouchoirs […] Pourquoi Chérie se pritelle de passion pour cette poupée archaïque ? […] Quoi qu’il en soit, on eut affaire cette fois à une ardente maternité. Afin d’empêcher qu’elle attrapât froid la nuit, des plumes ramassées tous les jours dans le poulailler, Chérie lui fabriquait de petits édredons bien chauds, et pour la raccommoder, elle apprenait à enfiler ses premières aiguilles41… 43 Pourquoi 1830 ? Le roman Chérie parait en 1884, et son action se déroule durant le Second Empire. Selon Nao Takai, les Goncourt qui rédigent un ouvrage sur Gavarni, sont impressionnés par ses dessins de mode datés de 1830, et leur consacrent un chapitre particulier42. On peut supposer que les illustrations de mode de cette année-là ont beaucoup marqué Goncourt, raison pour laquelle il les introduit ici. De plus, cette poupée est une poupée adulte, semblable à la poupée Barbie et sa description inclut quelques effets de sa garde-robe, qui sont des vêtements miniatures d’adultes, en conformité avec les trousseaux de poupées de l’époque43. Et c’est à travers cette poupée et ses vêtements que Chérie s’initie à la maternité et à la couture, deux compétences majeures du « devenir femme ». 44 Le vêtement de la poupée réapparait beaucoup plus tard dans le roman, lorsque Chérie, à seize ans, essaye d’imaginer ce que pourrait être sa nuit de noces : Et devant l’épouvantable perspective, tous les soirs, la petite Chérie, comme préparation in anima vili, déshabillait sa poupée à laquelle elle avait fait faire une robe de mariée, et la couchait toute dévêtue, d’après le programme de sa conception du mariage, – la quittant, sa chère poupée, avec un peu des tendresses effarouchées d’une mère qui se retire devant un gendre à réputation d’horrible mauvais sujet44. 45 À ce stade, si Chérie n’est plus une enfant – sa conduite l’est encore. Est-ce un reflet de l’ignorance des jeunes filles de l’époque, ou un moyen littéraire de pénétrer plus avant dans le psychisme de l’héroïne ? Certainement des deux. Notons encore le sort Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 8 La mode enfantine dans les romans des Goncourt particulier des vêtements de sa poupée : Chérie ne lui a fait confectionner une robe de mariée que pour pouvoir la déshabiller ! Les vêtements de la fin de l’enfance 46 Le passage de l’enfance à l’adolescence est un moment de bascule, où le sujet prend conscience du regard de l’autre, développe un sens critique qui l’amène à remettre en question les lois du monde adulte. Ces bouleversements se manifestent entre autres par la volonté de (re)prendre possession de son corps et de son enveloppe vestimentaire. La première robe de bal marque ainsi un tournant dans la vie de toute jeune fille de milieu aisé. C’est une « intronisation dans le grand monde », comme l’écrit Barbara Giraud 45. Dans Renée Mauperin, par exemple, parmi les nombreux souvenirs qui lui reviennent lors de son agonie, Renée mentionne sa première robe de bal : D’autres fois, elle retournait doucement vers son passé. […] On eût dit qu’elle se soulevait de l’agonie pour embrasser une dernière fois son père avec toute sa jeunesse. Elle lui disait : « Oh ! ma première robe de bal ! je la vois… en tulle rose… La couturière ne venait pas… il pleuvait… il n’y avait pas de voiture… As-tu couru !… Étais-tu drôle en revenant avec le carton46 ! 47 Si la robe de bal est introduite ici de façon accessoire, il en va fort différemment pour Chérie. Pour elle, l’heure est grave : Goncourt consacre plusieurs pages au choix et à la confection de sa robe de bal par le grand couturier Gentillat. En se référant au Journal des Goncourt, Rose Fortassier47 et Nao Takai 48 ont montré que Gentillat est un personnage formé de la combinaison de grands couturiers contemporains, tels Pingat et Worth. 48 C’est également à cette occasion que naît le corps féminin. Si jusque-là le romancier décrivait une petite fille, la première robe de bal fait apparaître un nouveau corps de femme49. Dans le chapitre LV qui suit ceux de la confection de la fameuse robe, Chérie – presque jetée en pâture aux regards masculins, prend conscience de ses nouvelles formes : La jeune fille, légèrement en retard par les soins donnés à sa toilette, descendait dans les appartements de réception, […] sans un sentiment bien conscient de son décolletage, de l’exhibition de ses épaules et d’un peu du joli néant de sa gorge naissante. Des regards que, dans la salle à manger, elle surprenait errants sur sa poitrine, la jetaient tout à coup dans un embarras pudique de sa nudité, et elle passait le restant du dîner à remonter à toute minute, avec une insistance presque comique, les épaulettes de sa robe50. 49 Comme le note Tristan Fourré, Chérie est ici violée dans sa candeur de jeune fille qui ne connaît encore rien de la vie51. Ce viol par le regard renvoie à la scopophilie, ce regard masculin dominateur, tel que l’a défini et analysé Laura Mulvey 52. 50 La question du vêtement de la fin de l’enfance se décline aussi au masculin. Certaines préférences vestimentaires s’affirment chez les adolescents, comme par exemple chez Jupillon collégien, dans Germinie Lacerteux : 51 C’était une humiliation pour lui, quand il sortait en promenade, et les deux ou trois fois par an qu’il venait chez sa mère, de porter la petite blouse d’uniforme. À sa fête, une année, Germinie déplia devant lui un gros paquet : elle lui avait fait faire une tunique ; à peine si, dans toute la pension, vingt de ses camarades étaient de famille assez aisée pour en porter53. Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 9 La mode enfantine dans les romans des Goncourt 52 La mention de la blouse d’uniforme reflète le souci goncourtien de réalisme, puisqu’effectivement l’uniforme scolaire concernait les garçons, imitait l’uniforme militaire et reflétait une hiérarchie autoritaire54. Il était cependant plus chic de sortir de l’établissement portant une tunique qu’une blouse, et la tunique est un véritable signe de fortune. Réussir à obtenir cette tunique de la part de Germinie pointe plusieurs traits du caractère de Jupillon : en premier lieu, son besoin de s’affirmer et de se démarquer de façon vestimentaire ; la tunique signale également son goût précoce pour la richesse ; mais cette tunique indique aussi que dans l’interaction entre les deux protagonistes, Germinie est déjà dominée par le collégien et se soumet à son premier caprice. 53 Les souvenirs de Nachette, faisant son entrée au collège « avec un habit fait d’un vieux drap de billard » attestent, eux aussi, d’une sensibilité aiguë d’adolescent. Cette sensibilité n’est pas celle d’un enfant, mais commence à se développer lorsque Nachette quitte l’enfance. 54 Ainsi, chez les Goncourt, un certain vent de rébellion souffle sur les vêtements de l’adolescent, tandis que cette dimension est absente chez ceux des adolescentes. Et même plus : la première robe de bal indique, au contraire, que les jeunes filles consentent à se plier aux nouveaux rites sociaux. Conclusion 55 Les Goncourt portent un regard tendre sur l’enfance : les enfants sont mignons, gentils, dénués de méchanceté, souvent naïfs et toujours spontanés. Que ce soit dans le monde du cirque ou du théâtre, dans la haute bourgeoisie ou dans un milieu bohème ou ouvrier, l’enfant participe de la fresque générale que veulent dessiner les Goncourt. Les romanciers transmettent ainsi une image exacte et complète de la société du XIXe siècle en y donnant aussi une place à l’enfant. 56 Le vêtement enfantin raconte aussi une autre histoire, celle de l’enfant avec le monde. Il ne fait aucun doute que l’enfant, dans ces romans, subit ses vêtements ; s’il est tributaire du statut économique et du milieu de ses parents, il est également assujetti aux préceptes et aux strictes conventions de l’époque, qui sans être mentionnés explicitement, lui sont enseignés, voire imposés. Les vêtements entretiennent également une distinction nette et sans équivoque entre les sexes : les petits garçons portent des pantalons et les fillettes des robes sur des petits pantalons de toile, pour préserver leur pudeur. De la sorte, les enfants des romans goncourtiens adoptent les fondements de la société qu’ils intégreront plus tard. En parallèle, évoquer la mode enfantine est une manière d’aborder la psychologie de l’enfant. Il n’est pas indifférent à ses vêtements : Nello, par exemple, exprime son plaisir d’obtenir sa tenue de cirque tandis que Melle de Varandeuil et Germinie souffrent de leurs misérables robes. S’ils ne sont plus des miniatures de vêtements d’adultes, s’ils prennent en considération les besoins particuliers de l’enfance, les vêtements de l’enfant sont des indices de sa soumission et racontent qu’au XIXe siècle, l’enfant est encore le produit de son milieu et le reflète. Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 10 La mode enfantine dans les romans des Goncourt NOTES 1. Histoire de l’enfance en Occident : du XVIIIe siècle à nos jours, Egle Bechi, Dominique Julia (dir.), Paris, Seuil, 1998. 2. François Boucher, Histoire du costume en Occident des origines à nos jours, Paris, Flammarion, 1996, p. 250 ; James Laver, Histoire de la mode et du costume, Paris, Thames & Hudson SARE, 2003, p. 97. Gertrud Lehnert, Fashion A Concise History, London, Laurence King, 1999, p. 66. 3. Jean-Marc Rohrbasser, « Catherine Rollet, Les enfants au XIXe siècle », (compte-rendu), Population, 2002, n° 1, p 214. Guillemette Tison, Une mosaïque d’enfants, L’Enfant et l’adolescent dans le roman français, 1876-1890, Arras, Artois Presses Université, 1998, p. 123. 4. Edmond de Goncourt, Chérie, (1884) préface, notes, annexes par Jean-Louis Cabanès et Philippe Hamon, Jaignes, La Chasse au Snark, 2002, p. 57-58. 5. Pierre-Jean Dufief, « Les Goncourt et la modernité », in À la croisée de deux cultures, Études en mémoire de Tivadar Gorilovics (1933-2014), Franciska Skutta et Gabriella Tegyey (dir.), Studia Romanica de Debrecen, Series Litteraria N° XXVII, 2016, p. 60 ; Rose Fortassier, Les Écrivains français et la mode de Balzac à nos jours, PUF, 1988, p. 70. 6. François Boucher, op. cit., p. 367-369 ; James Laver, op. cit., p. 178 ; Gertrud Lehnert, op. cit, p. 100. 7. Edmond et Jules de Goncourt, Germinie Lacerteux, Paris, Charpentier, 1865, p. 11. 8. Ibid., p. 16. 9. Ibid., p. 37. 10. Edmond et Jules de Goncourt, Sœur Philomène, (1861) Paris, Flammarion et Fasquelle, 1936, p. 132. 11. Laurence Hérault, La Grande communion. Transformation et actualité d’une cérémonie catholique en Vendée, Paris, Éditions du C.T.H.S., 1996. 12. Anne-Simone Dufief, « Devenir femme ? L’éducation des filles dans l’œuvre des Goncourt », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, n° 15, 2008, p. 135. 13. Germinie Lacerteux, op. cit, p. 5. 14. Chérie, op. cit., p. 143-144. 15. Sœur Philomène, op. cit., p. 43-44. 16. Lou Taylor, Mourning Dress: A Costume and Social History, London, Routledge, 2009, Chap. 6; Philippe Perrot, Fashioning the Bourgeoisie, Princeton, Princeton University Press, 1994, p. 98100, et n. 48, p. 228. 17. Edmond et Jules de Goncourt, Manette Salomon, tome I, (1867), Paris, Librairie internationale, 1868, site Gallica https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k114894m/f2.item.r =juch %C3 %A9, p. 164. 18. Chérie, op. cit., p. 124. 19. Sœur Philomène, op. cit., p. 17-18. 20. Jean-Claude Daumas, Les Territoires de la laine : Histoire de l’industrie lainière en France au XIXe siècle, Villeneuve D’Ascq, Presses Univ. Septentrion, 2004. 21. Germinie Lacerteux, op. cit, p. 187. 22. Edmond et Jules de Goncourt, Renée Mauperin, Paris, Charpentier, 1864, p. 219. 23. Edmond de Goncourt, Les Frères Zemganno, (1879), édition critique par Catherine DousteyssierKhoze, Paris, Honoré Champion, 2012, p. 150. 24. Laurence Fontaine, « Introduction », in Alternative Exchanges: Second-hand Circulations from the Sixteenth Century to the Present, Laurence Fontaine (dir,) New York Oxford, Berghahn Books, 2008, p. 1-12. Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 11 La mode enfantine dans les romans des Goncourt 25. Edmond de Goncourt, La Fille Élisa, édition critique établie et présentée avec introduction, bibliographie, notes et dossier documentaire par David Baguley, Paris, Honoré Champion, 2010, p. 149 26. Edmond et Jules de Goncourt, Les Hommes de lettres, (Charles Demailly), Paris, Dentu, 1860, p. 46. 27. La Fille Élisa, op. cit., p. 171. 28. Chérie, op. cit., p. 83. 29. Germinie Lacerteux, op. cit., p. 14. 30. Renée Mauperin, op. cit., p. 240. 31. Situation douloureuse vécue également par Germinie Lacerteux, comme vu plus haut. 32. Dominique Mabin, « Madame Gervaisais, étude de personnalité », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, n° 11, 2004, p. 213-224. 33. Edmond et Jules de Goncourt, Madame Gervaisais, Paris, Librairie internationale, 1869, p. 24. 34. François Boucher, op. cit., p. 349, 367, 394-395. 35. Edmond de Goncourt, La Faustin, Paris, Charpentier, 1882,, p. 11. 36. Manette Salomon, tome II, op. cit., p. 185. 37. Michel Manson, « Les jouets et la différenciation sexuelle : une longue histoire culturelle », in L’Engendrement des choses. Des hommes, des femmes et des techniques, Danielle Chabaud-Rychter et Delphine Gardey (dir.), Paris, Éditions des Archives Contemporaines, 2002, p. 103-121 ; JeanMarc Rohrbasser, op. cit., p. 214. 38. Anne-Simone Dufief, op. cit., p. 127-128. 39. Robert Capia, Les Poupées françaises, Paris, Hachette, 1979, p. 11 et p. 26. 40. Tristan Fourré, Étoffes zoliennes et goncourtiennes, envers et endroit, Mémoire de Recherche Master 1, Littérature française et comparée, sous la direction de Chantal Pierre, soutenu le 13 septembre 2016, Université de Nantes, p. 116, https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas01420497/ document 41. Chérie, op. cit., p. 92. 42. Nao Takai, Le Corps féminin nu ou paré dans les récits réalistes de la deuxième moitié du XIXe siècle, Paris, Honoré Champion, 2013, p. 152. 43. Yvonne Knibiehler, « Mères et filles depuis la Révolution », Revue des lettres et de traduction, vol. 10, 2004, p. 465. 44. Chérie, op. cit., p. 233. 45. Barbara Giraud, L’Héroïne goncourtienne : entre hystérie et dissidence, Oxford, Peter Lang, 2009, p. 184. 46. Renée Mauperin, op. cit, p. 258. 47. Rose Fortassier, op. cit, p. 71. 48. Nao Takai, op. cit., p. 172-173. 49. Barbara Giraud, op. cit., p. 185. 50. Chérie, op. cit., p. 187-188. 51. Tristan Fourré, op. cit., p. 114. 52. Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, 16.3, Autumn, 1975, p. 618, URL: https://wiki.brown.edu/confluence/display/MarkTribe/Visual+Pleasure+and+Narrative+Cinema. 53. Germinie Lacerteux, op. cit., p. 65-66. 54. Anne-Marie Sohn, « Nation et apprentissage de la masculinité. L’exemple des jeunes Français au XIXe siècle », Mélanges de la Casa de Velázquez, Nouvelle série 42-2, 2012, p. 143-160, https:// journals.openedition.org/mcv/4622. Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 12 La mode enfantine dans les romans des Goncourt RÉSUMÉS Les Goncourt sont des observateurs minutieux, et la mode enfantine qu’ils reproduisent dans leurs romans est précise. Ils utilisent en outre le vêtement enfantin à diverses fins narratives : le vêtement indique que l’enfant dépend du statut socio-économique de sa famille et de son style de vie (artiste, bohème, bourgeois, religieux, etc.) ; les nombreuses tenues qui lui sont imposées – celles de circonstances solennelles, le port du deuil, les tenues réglementaires de l’école, du couvent et du travail, ainsi que le recyclage d’anciens vêtements – racontent comment les enfants intériorisent les préceptes normatifs véhiculés par les tenues de la société qu’ils intègreront plus tard. Enfin, l’amour ou le désamour de l’entourage, ainsi que les projections parentales s’y lisent en filigrane. In their fictional work, the two novelists demonstrate socio-historical accuracy while using children’s clothing for various narrative purposes. Thus, children’s clothing indicates that the child depends on the socio-economic status of his family and its lifestyle (artist, bohemian, bourgeois, religious, etc.); the many outfits imposed on him – those of solemn circumstances, the wearing of mourning, the regulatory outfits of school, convent and work, as well as the recycling of old clothes – tell how children internalize the normative precepts conveyed by the outfits of the society they will later join. Finally, the love or the lack of love of the entourage, as well as the parental projections can be read through them. INDEX Mots-clés : mode enfantine, éducation, famille, style de vie, statut social, normes Keywords : children’s fashion, education, family, lifestyle, social status, norms Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 13