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Chapitre 3 L’économie contre nature 3.1. STRATÉGIE DU TOURISME À DJERBA Kamel TMARZIZET, Tezdaïne, Septembre 2011 Les Djerbiens ne furent pas les premiers promoteurs du tourisme. Le choix d’investissement venait de la Capitale, imposé par une vision étrangère à l’île. Le Gouvernement tunisien initia ce choix comme facteur de développement et d’entraînement pour l’industrie et le décollage économique. L’intérêt des Européens pour les vacances avait pris de l’ampleur. La pression professionnelle et la fatigue psychique, la disponibilité d’un temps de récupération et de congés payés, la volonté d’exotisme et de découverte, le désir de soleil et d’iodes, les facilités du transport aérien et les aménagements hôteliers… ont donné une impulsion aux voyages. Notre proche destination méditerranéenne devenait privilégiée. Fin des années soixante, quelques investissements publics et privés, associés à des entrepreneurs et financiers européens, avaient initié des projets d’hôtels, tel l’Ulysse, le Jaziraclub, Strand Hôtel, Lotos, Meninx ou Sidi-Slim. Serge Trigano avait ouvert la voie dès 1954, avec la création d’un camping méditerranéen, au milieu de la réserve de Ziw-Zew, actuelle Saggya, au sud du Lac préhistorique d’Offar. Au cours des années 70, les projets dans l’hôtellerie ont été, largement, soutenus par les crédits bancaires. Dans les années 80, les projets sont poursuivis par divers affairistes de Tunis, de Sfax et du Sud tunisien, pour la promotion dans la construction, les activités paratouristiques et les loisirs… Les Djerbiens ne furent pas les promoteurs, ni les investisseurs, ni même les travailleurs du tourisme. Malgré la réalité moderne de l’économie du tourisme, bien que réputés pour leurs initiatives dans les affaires, et disposant de titres de propriété sur de luxuriantes végétations patrimoniales, ils ne se son pas consacré pas au tourisme, n’investissaient pas dans ce secteur nouveau, regardé de méfiance comme une ingérence de l’intrus. Seuls, quelques-uns ont aménagé des maisons de location pour vacanciers. Ce n’est que tardivement vers la fin des années 70 qu’ils consacreront leur capital patrimonial à des constructions bord de mer. Il s’avérerait, même, que les projets immobiliers émanaient des femmes héritières de terres (peu fertiles) lesquelles avaient pris de la valeur avec la proximité de la plage. Tradition patriarcale oblige, les terres agricoles étaient transmises aux héritiers mâles, qui conservaient l’ancrage du terroir et la tradition du nom de famille. De plus, un principe d’aînesse s’appliquait, en tant que moyen de transition de la succession. Les femmes, mieux destinées à suivre un mari étranger, portaient leurs richesses en bijoux autour du cou, en vêtements cousus d’or et d’argent et partir avec leur héritage. Les Djerbiens conservaient une âme paysanne de châtelain ; consacrant leurs terres à de modestes compléments agricoles (céréales, sorgho, blé dur, huile d’olive, épice, laine, fruits, pistaches, coton, viande séchée, poisson sec, etc.), et surtout, pour le repos, la récupération, les retrouvailles sociales. L’identité des Djerbiens était construite autour de la vie rurale et de l’itinèrance, de la migration commerciale et le retour prodigue, la production alimentaire et l’économie périodique, les retrouvailles sociales et la recomposition du réseau communautaire. C’était un mode de vie original, un état d’âme. La culture agricole était associée au nomadisme des affaires. Leur manoir constituait une racine, servant de retour paisible et de ressourcement, de cohésion communautaire, cérémonies nuptiales, entretien du réseau social et professionnel. La culture agricole conservait la verdoyance des paysages d’oasis bien entretenue. Cette beauté attractive ne serait plus un privilège exclusif. Les projets fous s’implantaient dans la campagne vierge pour appel aux ressources du tourisme. LÉGENDE DU DAR DJERBA La demande justifiait l’intérêt de satisfaire l’offre, avec les implications d’un tourisme de masse. L’État contribua à plusieurs investissements de soutien aux infrastructures, pour valoriser la richesse économique de l’hôtellerie. L’accès au confort était de lui-même un exploit car l’île n’avait ni ressources ni énergie. La gouvernance ne craignait pas l’économie des moyens. Tandis que le culturel ou l’historique étaient, légèrement, exploités de manière quasi folklorique. La beauté des lieux et des plages, les services de l’hôtellerie et de l’animation devaient suffire, et suffisaient amplement à satisfaire un tourisme croissant. En 1972-73, fut inauguré le Dar-Djerba, gigantesque complexe immobilier, composé de quatre hôtels, le long d’un littoral de sable fin, sur plus de 1 km de plage, avec 2 500 lits. Grandiose à une époque où les hôtels ne dépassaient pas 300 lits. Le projet s’établissait dans une zone d’exceptionnelle beauté, au sein de gigantesques dunes blanches, une merveilleuse oasis d’arbres divers et de palmiers arrivait au bord de mer vers une crique naturelle de l’ancien port aux pommes (Marsat el-toufah), avec une diversité de poissons et d’oiseaux. Les gens d’aujourd’hui ne réalisent pas le gigantisme des dunes de sables blancs et la luxuriance de l’oasis, la beauté des paysages, la richesse de la faune et de la mer… Ce vaste projet devait s’harmoniser à son environnement culturel. L’architecture de Vianini se conforma à l’esprit insulaire de Djerba et aux réglementations en vigueur. Il proposa l’aménagement de bungalows de type Djerbien, avec coupole, petit jardin, quelques structures collectives qui ne dépasseraient pas un étage. Une longue allée jonchée de magasins fonderait une atmosphère de souks, de commerces et de cafés bars. Le Dar-Djerba ouvrit une légende, de quasi-ville au milieu de nulle part, qui offrait les services de tout commerce et loisirs avec la meilleure des animations culturelles et sportives, recevant les vedettes internationales, qui auraient rendu jaloux tout festival de renom. Les Tunisiens de tous les âges et de tous les statuts sociaux, des plus jeunes aux plus modestes, n’hésitaient pas à s’offrir quelques moments, dans ce majestueux complexe d’une autre dimension. Plus modestement, un thé ou une collation sur les terrasses du Dar-Djerba activait les plaisirs d’une ville moderne, ou l’habitation de quelques jours à l’hôtel pour un coût accessible. Actif tout au long des années 1972-2012, le Dar-Djerba rayonna quarante ans durant lesquels il donna une impulsion à la zone. D’innombrables projets s’implantèrent dans les environs, pour profiter du dynamisme économique stimulé par l’hôtel. La zone vierge fut valorisée d’un point de vue immobilier, multipliant les activités humaines. En revanche, la merveilleuse nature s’éclipsait insidieusement, vidée de ses arbres, de son sable et de sa richesse écologique. Au cours des années 90, Dar-Djerba fut repris par la société Marmara, qui le fit fonctionner sous la forme d’un « club fermé » ! Les contraintes d’entrées devenaient insatisfaisantes pour les commerces indépendants, qui fermaient, l’un après l’autre. Les aménagements, en dehors du complexe hôtelier, furent stimulés. Les autorités publiques n’ont pas mesuré les implications de ce choix de gestion. Ne pouvant plus être au cœur de l’animation, les activités commerciales se déplacèrent en dehors du complexe hôtelier ! Les vacanciers cherchaient satisfaction à l’extérieur, dans la zone de Midoun. Un urbanisme sauvage explosa dans la zone vierge des campagnes, tout au long de la route principale vers la ville. Les paysages d’Oasis laissaient place à un sinistre carrefour de transit à l’équivalent d’une route du Sud tunisien. Les paysages perdaient d’intérêt. Djerba avait connu, dans les années 70-90, une ruée de touristes du monde entier. Le secteur rapporta d’importants revenus aux pionniers/promoteurs. Les repreneurs feraient face à de grandes difficultés, d’un secteur en état de quasi-faillite. La stratégie du tourisme tunisien s’avérera fragile, non durable, profondément destructrice du capital et des paysages, coûteuse en entretien, à peine suffisante au remboursement des crédits, dépendante de fournisseurs étrangers, soumise aux aléas de l’actualité. Il en résulta l’échec d’une vision de développement équitable et solidaire. RUÉE DU TOURISME Le tourisme fut une très belle aventure pour ses promoteurs ! Le secteur semblait mine d’or, qui contribuerait au décollage économique de la Tunisie. Le Gouvernement s’est laissé dominer par les idées de développement, d’argent, de devises étrangères pour un phénomène d’entraînement sur les industries et de retours d’un tourisme de masse. Il accorda des agréments au bord de plage, pour intégrer des terres d’oasis dans le système marchand ; de vastes espaces magnifiques, offerts à des prix symboliques ; ainsi que toutes les facilités de financements pour les projets annexes au tourisme. Les principales banques soutenaient les crédits pour l’investissement dans le tourisme. Les activités annexes profitaient des avantages publics. Le lobby hôtelier implanta des constructions en front de mer, d’hôtels-dortoirs, en duplex et multiplex, avec piscines et terrains de sport. N’ayant pas le droit de construire en hauteur, les hôtels s’étendirent sur l’espace ! Des structures grandioses se sont étalées sur le littoral et de larges espaces intérieurs, sans considération pour la biologie et l’intérêt des paysages ni pour le bruit et la protection de la faune, la fragilité des sols et l’économie de la terre, les principes de l’aménagement rationnel et la planification de développement durable. Les zones vierges du littoral ont été pénétrées par de lourds travaux publics ; l’arrière-plage, rageusement décoiffée, les dunes déstabilisées, les arbres arrachés ; le précieux sable, utilisé pour la construction, s’il ne fuyait avec les vents. Ironie amère, les touristes n’avaient pas le droit de voyager avec un bocal souvenir de sable blanc de Djerba, tandis que le même sable était perforé, usé pour la construction, envolé en tonnes, sans regard public pour le rivage ! De même, les palmiers centenaires étaient arrachés, là où le seul nectarisme du vin de palme était strictement interdit à Djerba, puni en 1974 à 1000 dinars d’amende, et 1 mois de prison parce qu’il menaçait de tuer le palmier, arbre roi de Djerba ! Ainsi, « on pouvait raser les palmiers mais pas exploiter son cépage qui l’affaiblirait ! » L’incohérence de conscience fut inapte à constater ou à faire exécuter les arrêtés municipaux. La terre d’accueil a été frénétiquement exploitée, livrée à des prédateurs, qui prétendaient développer le pays. Des promoteurs et opportunistes, de tout grade, entreprenaient les projets les plus défaillants. Des établissements modernes s’alignaient sur les lieux, en première, et, en deuxième ligne du bord de mer, d’hôtels parqués le long du littoral comme un porte-avions constitutif d’une architecture de ciment, aux dépens de tous les éléments séculaires de la nature. Insensibles aux jardins, à la fraîcheur des arbres et à la beauté des vergers, ils construisaient sur les sols fragiles, contribuant au dépouillement d’une nature, qui a mis des centaines d’années à se constituer. Les touristocrates recomposaient l’Oasis de Téguermess par les constructions d’un bâti massif ; consacraient les sols forestiers à des aménagements de loisirs et de terrains de golf, n’abritant aucun tournoi international ! Ils pénétraient les forêts vierges de palmiers, attractives du voyage, pour les remplacer par des constructions massives… Ces aménagements, supposés bénéfiques au progrès économique, causaient des dommages irréparables aux paysages et au littoral, avec des conséquences biologiques catastrophiques. Peu importe pour le Gouvernement, le laisserfaire anarchique, laidement maquillé par « l’entrepreneuriat — business » comme un futile moyen de lutter contre la pauvreté. La zone écologique s’ouvrait à l’activité économique des miséreux et à la frénésie immobilière, qui transformerait la dense oasis, en vastes champs urbains. Ajoutons le style laid de constructions aménagées selon des inspirations totalement étrangères à l’île, d’un bâti massif, incohérent au climat et aux plaisirs des jardins, le plus souvent illégales, servant les illégaux, d’exploitation de quelconques commerces de survivance, de moins en moins rentables. Pour concrétiser la rapine, ces horribles demeures sont de suite, vendues ou mise à la vente-location pour des touristes, de plus en plus exigeants, de moins en moins disposés. RETOUR DE BÂTON L’engouement pour l’exceptionnelle beauté de Yati-Téguermess fut tel, que les responsables politiques ont oublié, qu’une beauté n’est pas immuable, sans entretien. Que la forêt de Téguermess est le fruit d’une relation harmonieuse de l’homme avec son environnement. Qu’elle tient d’un équilibre soigneux du travail avec la terre. Les agressions incessantes au milieu végétal et à la faune ont conduit à la régression des écosystèmes et la dégradation du milieu vital. Les actions humaines, sans règles ni limites, associées à des idées de progrès et de modernisation, d’accumulation de la brique et de polluants… ont modifié les paysages de manière irréversible. Elles ont porté atteinte au principal facteur d’attraction du tourisme. Du coup, Djerba paie très cher sa beauté. Le littoral est exposé aux vents. Les plages rétrécissent. La mer gagne plusieurs centimètres par an. Le poisson disparaît. La zone intérieure se dégarnit de ses palmiers et de toutes les plantations. Le sable est soufflé par les vents quotidiens. La dégradation des dunes ne protège plus l’humidité de la terre. Les sols sont directement exposés à l’agressivité du soleil. Les racines s’assèchent. La stabilité des sols n’est plus maintenue. La chaleur étouffe le microclimat favorable à la végétation. La production agricole devient impossible. Pommiers, amandiers, grenadiers et autres fruits délicieux aux goûts particulièrement sucrés ne se cultivent plus. La luxuriance disparaît. Les paysages magiques de Djerba se détériorent définitivement. Un patrimoine naturel d’une exceptionnelle beauté disparaissait à vue d’œil, dans une indifférence qui détonne. La nature n’est pas un brouillon que l’on peut reconstituer d’un coup de crayon. Elle se calcule en centaines d’années d’évolution biologique, et ne se renouvelle pas aussi facilement. La prudence est un signe de sagesse. Elle prône de comprendre, et d’apprendre ce que la nature nous donne, pour la traiter avec délicatesse, gérer convenablement la biodiversité de l’île, dans un axe durable et harmonieux, adapté et équilibré. Tout comme les abeilles butinent le nectar pour produire le miel, sans abîmer les fleurs, les Djerbiens devaient faire entendre l’intérêt d’entretenir les arbres, pour protéger la ressource économique ! Le capital se dégrade brutalement, à vue d’œil. L’île observe ce déclin, et elle continue à se mutiler de manière plus profonde, pour moins perdre et saboter son pouvoir d’attraction, dans l’incohérence économique et l’insouciance de la conscience publique. Des activités génératrices de profanations, et de bien autres affres redoublent d’incohérences avec le milieu naturel. L’exploitation frénétique de richesses non renouvelables et le laxisme des autorités locales vouent le tourisme à une mort tragique. Les conséquences ne se feront pas attendre, outre, la destination bas-de-gamme et bon marché, la faillite des hôtels est annoncée. Un cancer de capitalisme aveugle a tout ravagé en moins de 30 ans. Le capital ne peut plus donner. Il est épuisé : dégradation du littoral, disparition des paysages, privation de nature, désertification biologique, intensification des constructions, inoccupation des hôtels, surpopulation de misère, permanence du bruit, dégradation de la faune, absence de repos, mal-être social. Nous avons été pris au piège d’un serpent se mangeant la queue, établi comme modèle de développement vers la ruine. CONSÉQUENCE POUR L’ÉCOLOGIE L’investissement a été conçu avec une perception simpliste de l’économie, comme si la beauté de la vie était figée, comme si l’infatigable nature ne cesserait de reproduire ! Une telle perception, destructrice du capital s’est faite aux dépens de ses paysages magiques, de son pouvoir d’attraction, et de l’industrie du tourisme, en conséquence. Le rapport de l’homme avec la nature a été nié par le Gouvernement, les opérateurs du tourisme, les promoteurs et les Djerbiens eux-mêmes. Nul n’a été capable d’apprécier et de préserver les richesses patrimoniales, d’aimer leurs vieux arbres et les paysages de palmiers, d’organiser des comités citoyens de vigilance, de défendre les sites naturels et la richesse écologique, la beauté des paysages et l’architecture. Quelques rares amants de l’île, qui finiront par mourir, souffrent les préjudices causés à la vie, à leur identité, et au fatalisme des bienheureux feuilles volantes sans racines. L’île fut sacrifiée aux folles aventures des commerciaux, oubliant combien la nature de l’espace écologique est l’intérêt du tourisme, d’un lieu qu’on voudrait souiller de ridicule. La destruction de la beauté magique est un péché impardonnable, qui castre les forces de renouvellement. Il n’est pas fait mystère, que l’effacement d’un tel patrimoine végétal est une atteinte à Djerba mais aussi à la Tunisie et à l’universalité. Les êtres humains devraient s’inciter à écouter Dame nature, et faire entendre les apports de la « belle muette », avant que le « joyau » ne devienne un « vulgaire caillou ». FORCE DU DROIT COUTUMIER L’État tunisien n’est pas innocent dans cette dégradation. La dépréciation du droit coutumier en fut le commencement ! Les arbres de forêt à Djerba sont titres de propriété. Cette privatisation du végétal établissait la responsabilité de soin d’entretien et d’exploitation des arbres. Ce « jardinage de forêt » n’était pas un loisir mais une obligation, mêlée à la pauvreté des habitants, qui tiraient un maximum de ressources du soin et du renouvellement de leur bien naturel. Ce jardinage faisait la luxuriance et la beauté des paysages. Or, l’État méprisa la faiblesse des retours de la production agricole, au profit d’investissements colossaux dans le tourisme, supposés mieux rentables. Les confusions entre droit d’exploitation et droit de propriété, droit privé et droit collectif, droit agricole et droit de construction… s’avéreront dramatiquement perturbatrices pour la production et l’environnement, la beauté des paysages et l’attraction de l’île, la richesse de la faune et les risques de désertification. L’État expropria les sols de forêts et traça les couloirs d’une mort annoncée, pour pénétrer la vierge beauté et servir les projets incultes. Il accorda des remplacements aux propriétaires, qui, de suite, se plaignirent. Les autres poursuivront de longs recours judiciaires, où l’État aura raison de l’oubli et des morts. Outre, qu’il expropriait les terres d’oasis (dite forêt), il donnait une plus-value immobilière aux sols pour l’aménagement. Les artères routières servaient la voie d’injection, d’un poison nommé « progrès ». Elles faciliteront la cancérisation de l’oasis au cœur de son intérieur. L’accès à l’eau et à l’électricité faciliteront le travail des entreprises pour accéder dans les lieux intimes et massacrer définitivement une nature magique. La manière d’agir de l’État a bouleversé l’esprit du foncier. Il a, de plus, légué des méthodes fourbes et sournoises, irrespectueuses du droit et de l’esprit des lois, inhérentes à l’âpreté du gain et la confiscation du bien collectif. L’État a donné un très mauvais exemple à suivre par les innombrables promoteurs et constructeurs qui ont imité « leur gouvernement » en donnant plus de valeur à la terre qui retient l’arbre qu’à l’arbre qui produit le fruit ! Les « rusés » de mauvais vents ont accaparé les terrains qui portaient les végétations fruitières, pour traduire le soin de la production végétale, en droit de possession du sol, et transformer le nectar de fruit, en brique de construction ! Cette merveilleuse terre d’Oasis fut violemment pénétrée par les engins lourds, qui avaient servi les grands chantiers. Amorti dans les constructions d’hôtels, ils retrouveraient une nouvelle jeunesse, d’un enrichissement capitaliste, sans investissement, à la condition de démolir sans conscience et sans souvenir. Ils ont déroulé une puissance de démolition, d’une autre dimension, pour saboter le reste de nos héritages végétaux et culturels de Djerba. Ils se sont imposés dans des lieux délicats, pour déflorer, définitivement, une faune rare et fragile. À ce jour, les Track’s se fichent de l’accord ou du contrôle des Municipalités. Au prix de maind’œuvre, ils sillonnent les vergers pour tout raser : tabbias d’agaves, figues de barbaries, limites de propriétés, menzels d’autrefois, ateliers de textiles, huileries souterraines, boulangerie en amont, monuments sacrés, biens traditionnels. En toute impunité, des milliers d’arbres ont été brûlés, réduits en feu de cendre, et de bois mort par de misérables assassins ! De sorte, les vergers, jadis protégés, d’arbres fruitiers séculaires, figuiers, vignes, abricotiers, pommiers ont disparu. Les champs de pâturages sont devenus des zones constructibles, en toute illégalité. Les bovins ne trouvent plus d’alimentation naturelle. L’île ne produit plus de viande, outre, la défaillance de production alimentaire. L’île de Djerba, qui avait été bâtie sur le principe d’autarcie s’avère totalement dépendante du continent. « Fermez la frontière dix jours, les habitants souffriront la faim » La responsabilité municipale est, autant, à dénoncer qu’elle a failli à sa principale mission de défendre le bien collectif et contribuer au bienêtre social. Elle se devait d’observer, constater les dégradations et appeler au soutien de l’Etat pour protéger le capital national. La destruction du patrimoine a été réalisée par d’incultes affairistes avides d’argent, qui ignorent la culture et méprisent la végétation, s’excitent devant la majestueuse brique qui ne tiendrait quarante ans. Ils ont dévalisé la terre de ses charmes, de sa nourriture et comble, sans payer d’impôt à la collectivité, d’une terre rendue stérile de ses fruits ! L’aberration frappe au cœur du patrimoine, que les bâtisseurs prétendent laisser aux enfants. Ils ne réalisent pas que leurs descendants n’auront plus de poisson dans leur rivage, ni d’alimentation locale dans leurs assiettes, ni de promotion touristique, ni d’air respirable, ni d’esprit légal, en plus des agissements de violence et d’insécurité, justifiés de survivance et de mal-être, et, de plus, coupable de l’avoir su. Il aurait fallu défendre jalousement cette écologie, pour les intérêts économiques des populations actuelles et des générations à venir. FIASCO ÉCONOMIQUE Ne m’accusez pas de rêver à une civilisation agricole, avec des champs et une mystification des valeurs ; ni d’une tradition figée, qui traiterait les cultures comme une relique de musée. Chaque lieu a la destination de sa topologie. Les habitants doivent vivre, dans un contexte de modernité. Je connais les défaillances de l’agriculture, et de l’agriculture à Djerba, de la faible production, ouverte à toutes les concurrences. Elle n’est certainement pas un lieu de revendication de productivité agricole. Et il ne s’agit pas de faire la concurrence… Il s’agit simplement de comprendre le poids de l’agriculture dans l’entretien de l’oasis et la préservation de paysages exceptionnels. Je souhaite expliquer que l’environnement est une composante essentielle de la notoriété de Djerba dans le monde. Les paysages sont les facteurs d’attractions du tourisme. Les éléments paysagers sont une composante essentielle de l’identité et de l’économie, outre notre patrimoine insulaire. Nous avons plus à les perdre que d’aménager nos espaces en maisons grandioses, inhabitées et insoumises à l’impôt. Les faveurs commerciales à l’investissement dans la construction sont incohérentes à la croissance économique. Elles ne conduisent qu’à l’amère réalité de survivance économique de l’État tunisien. J’ai rappelé l’originalité du système agricole de Djerba, d’un système culturel, d’acquis écologique, facteur d’entretien et de beauté des paysages. Les atouts de la nature sont tous facteurs d’attraction du tourisme, si le tourisme était votre principal objectif économique. Outre, l’illégalité de traduire l’affectation des terres, sans modification de la loi sur le territoire, il serait incohérent de traduire les zones de végétation, en zones habitables ; de libérer la construction alors que les hôtels sont quasi vidés ! La plupart des 50 000 lits disponibles sont inoccupés. Restons cohérents. « On ne peut appeler aux devises étrangères et laisser abîmer les facteurs d’attraction du tourisme ». « On ne peut pas remplacer les paysages d’oasis par des constructions de bâtiments ». « On ne peut pas continuer à construire des hôtels, si les anciens sont fermés ou inoccupés ». « On ne peut pas laisser bâtir alors que les hôtels sont non occupés » Il n’y a pas de cohérence à laisser construire de grandioses maisons, qui occupent l’espace, laisser-faire des commerces de survivance, dénaturent les paysages, ruinent les productions agricoles, sans contribuer à l’impôt ! Il n’y a pas de cohérence à abandonner des hôtels qui se ferment et se détériorent, à laisser non exploités les chambres d’hôtel et les investissements réalisés depuis 30 ans, tandis que les nouveaux touristes viennent squatter les plages. Et pour le pire, la disparition des paysages nous impose la vision d’une multitude de boutiquiers, qui jonchent les routes, d’un avènement de miséreux des misérables. L’île des rêves n’avait pas vocation à servir la misère humaine. Elle proposait de la beauté et du repos comme principal produit d’appel pour une économie du tourisme, et de plus-value à l’économie tunisienne. Les vacanciers de plaisance ne sont pas des locataires permanents. Ils disposent d’un immense parc hôtelier, avec des chambres propres pour leur service sans quelconque menace de scorpion ou de serpent venimeux. Leur temps de congé ne saurait se consacrer aux travaux d’entretiens, à moindre d’une retraire à Djerba. Faire du commerce sans cohérence marchande ne conduit qu’à une éphémère vocation du tourisme vacancier, pour une incrustation d’aventuriers sauve misères, qui établissent des constructions tout au long des routes, pour des activités en tout genre. Ils phagocytent l’horizon des paysages, détruisent les champs de fruits, éteignent la vie des êtres, détournent de la production agricole, provoquent des accidents… ils finissent par nuire à la société et à l’économie du tourisme. Les vendeurs à la sauvette du commerce itinèrant étaient moins nuisibles que les boutiquiers au long des routes qu’aucun gouvernement incompétent ne parviendra à fiscaliser. L’abattage des arbres, la destruction des sites naturels, l’anéantissement de zones de reproduction au détriment de la vie des êtres et de la diversité animales et marines ont pour objet la tuerie des ressources ! Djerba saborde consciemment ses atouts d’attraction. Aucune stratégie de développement durable ne pourrait se concevoir, sans la nécessité de protéger, et de reproduire, tout au moins, protéger ses ressources vitales. Ce n’est pas difficile à comprendre. La seule beauté d’un palmier sous le ciel bleu justifie le séjour, appelle la visite, soutient la devise, entretient l’économie nationale. FIASCO PUBLIC Le privilégie de l’économie du tourisme à Djerba est un choix national. Il appelle à protéger l’originalité insulaire et les atouts qui justifient son attraction. Les autorités de la République et de la Région tiennent la fonction de surveillance à toute dégradation pour défendre le cadre conceptuel de l’île, de son identité, le droit coutumier, les règlementations et arrêtés municipaux. L’intensification des constructions est le principal drame puisqu’il traine tous les dégâts et ruine la belle nature. Le rapport de force a été renversé à la faveur des abuseurs, sans lois ni conscience face à une autorité locale amorphe, qui se laisse dépasser ; les plaintes individuelles, méprisées par tous les présidents de Municipalités, qui se sont même permis de « critiquer les critiques » ! Aucun comité de surveillance n’a rempli sa fonction d’observation et de constat, pour dénoncer les abus, mettre les Municipalités et l’État devant leurs responsabilités. L’abandon de ses responsabilités collectives a conduit à une exploitation sans scrupule des ressources de la nature et d’un laisser-faire anarchique des improvistes qui ont gagné la bataille du désordre. Les autorités locales, et régionales, et nationales, sont complices, tout au moins de laisserfaire, sinon d’avoir accordé des autorisations délirantes, irresponsables, fâcheuses, lourdes de conséquences, qui ont mis en péril l’équilibre biologique, le patrimoine, les ressources, la beauté, l’identité, l’économie, la société, le bien-être, la sécurité… En laissant faire, les autorités publiques n’ont pas défendu l’intérêt collectif, ni protégé les ressources naturelles, ni préservé les richesses patrimoniales, ni contribué aux recettes fiscales. Elles se sont exonérées de leur rôle, qui implique la surveillance et le respect des dispositifs légaux afin de stopper net tout excès. Leur fonction justifie l’application des réglementations administratives, civiles et pénales. L’État a grandement failli dans sa mission d’exécution, dès lors, qu’une politique ne fixe aucune borne à l’empire du marché. Ce schéma local d’une politique abandonnique, non instruite, sans observation, ni compréhension, sans respect ni perspective, absurde et irresponsable, sourde et désintéressée a pour leitmotiv l’anéantissement de tout. STRATEGIE SANS DURABILITE La stratégie défaillante s’est avérée destructrice des ressources non renouvelables, pour des projets non durables. Les atouts exceptionnels de la nature ont été saccagés, mis au feu et remplacés par le bâti, en même temps, que les marges chutaient et le commerce disparaissait. Le secteur du tourisme n’est pas parvenu à créer une économie stable et durable, solide et rentable. Il n’a pas eu un effet d’entraînement économique durable, ni de redistribution de la richesse, ni d’enrichissement du bien collectif. Il n’a pas été capable de capitaliser ni de parvenir à maturité, ni d’enclencher le décollage économique, ni de stimuler de nouvelles industries, ni avoir un effet d’entraînement. Une perspective sur la seule apothéose du marché ne mène qu’à une anarchie et une faillite programmée. L’économie générale s’est avérée en préfaillite. Après cinquante ans d’activité, le cycle de prospérité de l’industrie du tourisme est arrivé à son terme, quasi définitif, sans avoir relayé de capital ou de nouvelles formes d’industries. La situation pose à nouveau les questions de survie économique, dans un environnement appauvri alors que nos besoins et notre population ont grandi. L’État a échoué pour son désintérêt du culturel et le collectif. Il n’a pas voulu protéger ses ressources, affirmer sa volonté, affirmer son autorité, protéger le capital durable afin d’assurer l’épanouissement des siens et le bien-être vivant. Il a entretenu un mirage superficiel en absence de tout audit. On a pu observer la fragilité du secteur, la dépendance de l’extérieur, l’attractivité en berne, la diminution des flux, la baisse de qualité de voyageurs faiblesse des revenus en devises et d’une dégradation de toutes les raisons internes de mise au chômage de tous les travailleurs du tourisme, baisse de la qualité de vie, augmentation des goulots d’étranglement, établissement des travailleurs migrants, d’imposants logements vides, insécurité, pauvreté, dépendance… Les bilans non établis seraient déplorables à constater entre les frais et les coûts, le patrimoine et la dégradation, les ressources et les besoins, l’attraction externe et l’attraction interne, les voyages et l’immigration…Les fonctionnaires publics travaillent pour leurs salaires, pas pour la raison sociale. PROJETS FOUS Au lieu d’en faire un équivalent des Seychelles, défendre le patrimoine naturel, on laissa faire un tourisme de masse que les insulaires des Baléares ont rejeté le modèle et prendre conscience de l’intérêt identitaire, l’urgence des actions de sauvegarde. La vision identitaire a sauvé l’économie et la réputation de l’archipel espagnol. Ce retour de conscience des espagnols aurait dû nous inspirer. Nous n’en sommes même pas au stade de l’alerte malgré nos cris et nos écrits. Les anciens hôtels sont abandonnés, tandis que de nouveaux projets s’imposent du fait de princes. Les touristocrates ne se défont pas de leur amour pour la brique et de l’esprit de spéculation qu’ils imaginent « business ». Ils transforment nos plages et nos paysages en bâtiments massifs avec gazon et piscine. Une autre facette de la tragédie sert notre île à l’appétit des ogres financiers, incultes et déracinés du lieu, qui visent une jouissance d’artiste improvisé et la commission de l’argent qatari. 2011 - 2014 voit encore apparaître de nouveaux projets, élaborés en catimini, ficelés à la va-vite, à l’intention de l’État, avec costume/cravate et attaché-case. Ces mégaloprojets n’ont pas de rentabilité économique, sinon l’objectif d’engloutir les financements de l’endettement public et, totalement, détruire les zones écologiques, entre autres, Sa’gya et hadikat ziw-zew, dernier poumon vert de Djerba. Les projets ont été décidés en catimini, par les intérêts coupables, soutenus par des complices, plus ou moins périphériques, du régime déchu. Ils ont occasionné des dégâts irrémédiables ! À l’épicentre de l’iniquité des déficiences administratives et de la corruption, ces monstres sans visages dont quelques-uns tiennent encore les leviers, par les faveurs abusives, en violation des lois et du droit des gens, ont conduit à des actes de nuisances, qui détruisent les équilibres biologiques. Quant aux promoteurs-marchands, en connivence avec les autorités régionales, ils continuent à entreprendre des projets pour un tourisme de masse, énergivore et dévoreur d’espace, destructeur de faune et de paysages. L’île, incapable de gérer ses déchets ménagers, devra encore assurer la charge d’une population de masse. La grande pauvreté est promise en terre bénite. Des décisions discrétionnaires, sans cohérence dans la gestion de l’espace ni de l’environnement, se prennent à Médenine, au grand dam des Djerbiens, qui voient subitement arriver des bulldozers et des entrepreneurs, sur des lieux magiques et fragiles. Un abominable mégaprojet est prévu dans la zone touristique d’Aghir, alors qu’il est un démolisseur écologique, incohérent avec l’air ambiant, non rentable économiquement, et ne peut pas apporter de parure. L’île subit une crise aiguë d’approvisionnement en eau potable. Devrait- elle, encore, assumer un ressourcement pour le surplus de population et un assainissement de leurs déchets ! De tels projets avaient été, même, dénoncés par le président déchu, qui ne brillait pas de pertinence dans l’analyse économique, à un moment où les perspectives du tourisme étaient encore attrayantes. Les ploutocrates ont profité de la crise de régime, pour poser à nouveau leur demande, pour un cachet d’autorisation de construire et gagner, quelques fonds de commissions personnelles. Ces projets mènent au déluge inévitable mais l’espoir est beaucoup plus fort. La vision chimérique de bâtir et voir bâtir, sans insouciance de leurs méfaits, conduit à un fiasco général mais il remplit quelques poches immédiates. C’est dire la métamorphose de sites magiques, en zones urbanisées, comme un Paradis d’enfer, Jenett-ElJahi’m ! FIASCO DU TOURISME Les potentiels physiques et humains n’ont pas été appréciés à leur juste valeur, et protégés en conséquence. Les dégradations sont totales, parfaitement visibles ; nuisibles à l’environnement, au tourisme, à la société, à l’économie, à la vie… À l’image de l’environnement, la qualité du tourisme n’est plus la même. Notre destination n’attire que des vacanciers en promotion, sans moyens, nourris logés au prix d’un chômeur d’Occident. Les hôteliers sont réduits à des prix au plancher en all inclusive, avec un nombre de vacanciers, de plus en plus, réduit et de faibles effets d’entraînement économiques, comme condition de soumission pour gagner quelques clients ! Malgré leur sourire de façade, commerce oblige, les hôteliers gèrent leurs difficultés à discrétion, avec des états de survie économique, de fermetures hivernales, d’abandons, de remises, de faillites… Les marges d’intérêt fondaient si vite, qu’elles obligeraient à des publicités one-shot, avant de mettre les clés sous le paillasson : « voir Djerba et mourir », ou « voir Djerba avant qu’elle ne meure ! » Les voyageurs européens, blasés de matérialisme, consacrent à peine quelques dinars dans les boutiques d’artisanat, la veille de leur retour comme d’une quasi-charité, ou volonté de se débarrasser de leur monnaie. Nombre d’entre eux retourne dans leur pays avec une partie du budget vacances. Il suffit de voir les demandes de conversion des changes au retour d’aéroport. Le fameux « club-med » a fait faillite. Il avait inauguré le modèle de faillite lorsqu’il s’est établi au cœur d’une riche zone naturelle. Le Dar-Djerba lui-même n’est plus qu’une légende. Il s’était installé dans une baie de gigantesques dunes immensément riche de poissons. Il s’est transformé en formule club, offrant des prix au rabais. Il a fini par fermer ses portes en 2013. Les autorités lui reprochaient de mauvaises conditions d’hygiène. La raison était une mise sous pression des repreneurs, qui ne parviendraient pas à satisfaire leurs crédits d’investissements du fait des coûts fixes, des comptes déficitaires et d’un contexte régional troublé. Les touropérateurs étrangers négocient les hôtels au prix de « maisons » et décidaient de l’intérêt touristique pour la Tunisie ! A prendre ou à laisser. Les conditions de travail sont autant misérables. L’emploi hôtelier fascine de l’extérieur alors qu’il révèle une vile exploitation, « où l’on presse et l’on jette ». Après avoir déraciné les travailleurs de leurs régions, pour mieux les contrôler, ils sont affreusement abandonnés. L’hôtellerie entretient un statut précaire et instable, à la faveur de ceux qui seraient le mieux disposés à être exploités ! Les directeurs d’hôtels privilégient les contrats saisonniers, qui piègent les travailleurs à faible qualification car ils ne sont pas automatiquement renouvelés. D’ailleurs, les employeurs préfèrent ne pas les renouveler, en raison des lois sociales, pour ne pas se soumettre à des charges d’indemnités. Le tourisme de masse et la migration excessive ont ruiné la nature et l’identité insulaire. L’esprit de la « casbah » s’est étendu à l’île ! Les constructions massives se sont imposées dans le terroir, sur les lieux de rencontre, ternissant à jamais la beauté des paysages. L’activisme anarchique a détérioré l’ordre naturel et ruiné la production. Quant à l’objectif stratégique pour la sainte devise, il ne tient plus le marché. Notre Seychelles méditerranéenne se transforment sous nos yeux en une île de Pâques et nos larmes séchées au cimetière. ET POURTANT… La recette est simple. L’île a besoin d’un plan de préservation et non pas d’aménagement, d’une connaissance des richesses naturelles et patrimoniales, pour mieux les défendre ; d’une définition exacte des espaces clairement établis et d’un contrôle absolu, d’une gestion durable des ressources non renouvelables. Rehaussons l’existant. Arrêtons tout nouveau projet d’hôtel. Stoppons tout commerce de ciment et de briques. Interdisons les constructions anarchiques, de complexes d’habitations, de commerce et de petits bazars. Freinons tout mouvement motorisé dans les zones écologiques, particulièrement de Saguya et de Ras-Rmal. Préservons les manoirs et les terres agricoles. Imposons un impôt sur la surface du bâti. Encourageons les aménagements de jardins. Pénalisons l’illégal. Emprisonnons le premier abatteur d’arbres pour référer d’exemple. Empêchons les constructions incohérentes. Respectons nos lois et arrêtés municipaux. Réfléchissons à une qualité du tourisme, plutôt qu’en capacité de nuitées ; à une fluidité de transport collectif, le moins polluant possible. Préservons les ressources de la mer. Reprenons notre destin en main, en coopération avec la Municipalité, la Région, l’État, les Gouvernements étrangers, les ONG de l’environnement et de l’agronomie. Préservons nos manoirs. Sauvegardons les huileries souterraines. Protégeons les arbres centenaires. Défendons la faune animale. Respectons le paysage de l’île. Entretenons nos palmeraies. Empêchons l’abattage des arbres. Protégeons les sols de la brutale chaleur. Organisons l’unité de nos communautés. Renouvelons la bonne volonté des hommes… ils sont notre identité authentique, attractive, qui nourrit le rêve, le bien-être et l’économie. On peut fidéliser une clientèle en créant une attache socioculturelle. Réfléchissons à diversifier le mode d’habitat, pour servir un tourisme d’établissement, sous le soleil de Djerba ! Que l’on mette à disposition les services d’un domicile pour une qualité de vie économe sur les charges, et concurrencer une vie quotidienne à Hambourg. Les Européens vivent sous le bitume et le béton. Ils sont attirés par la luminosité du ciel et la fraîcheur de la nuit, la respiration de l’oxygène et le silence de la nature, la chaleur du soleil et la beauté de ses couchers, le plaisir d’escapade et d’exotisme, d’un monde de jardins et de palmiers, de faune et de vie sauvage, ainsi que la découverte de l’histoire et de la culture, éventuellement, des excursions pour visiter la bonté des déshérités du Sud tunisien. Il faut compartimenter les lieux de nature, de production, de luxe, de commerce, de spiritualité et non pas tout associer aux Lotophages. En connaissant notre patrimoine, nos atouts, nos racines, nous parviendrons au respect de cette terre bénite. Ce n’est pas avec un terrain de golf d’un sport inconnu, ou de quad bruyant dans des lieux de nidification que nous ferons l’avenir de notre tourisme, ni même de notre avenir. Au-delà d’une image de carte postale ternie, je suis persuadé que les touristes seraient, de plus, heureux d’apporter une conscience et participer à la vie socioculturelle, contribuer à valoriser nos atouts et protéger notre environnement. Les Manoirs de Djerba sont des havres de paix, d’une sobriété majestueuse et grandiose, de beauté, calme et puissante, avec un style propre, en cohérence avec l’esprit de communauté et l’environnement de l’île. Nombre d’entre eux furent malheureusement défigurés, morcelés par les héritiers lorsqu’ils n’ont pas été abandonnés ou détruits. Les anciens édifices (lieux de culte ou manoirs d’habitations) sont à la source de l’identité djerbienne. Ils ont défié les siècles et les assaillants. On devrait les conserver et les restaurer dans leur concept de « maisons collectives, avec des indépendances et une architecture. Ils sont des Biens culturels et artistiques. La restauration des monuments anciens coûte très cher ; exige un savoir-faire avéré, des moyens techniques, un travail artisanal, des efforts financiers pour lesquels l’assistance de l’État devrait, tout au moins, accorder une aide, sinon une forme de défiscalisation, s’il fiscalisait ! Quelques chantres entretiennent de vieux-Houchs datant de plus d’un siècle lesquels fournissent plus de repos et de fraîcheur qu’une chambre d’hôtel climatisée cinq étoiles. Ceux qui séjournent dans les maisons d’hôtes où la nature est préservée en savent quelque chose. Une monographie des sites écologiques, lieux de manoirs et d’édifices anciens devait, tout au moins, être établie pour contribuer à leur privilège de protection. L’État n’a même pas été en mesure d’établir une monographie des sites, pour identifier, reconnaître, surveiller, préserver les biens de Patrimoine collectif. Je n’ai plus rien à dire. L’écologique et le culturel offriraient plus d’attachement à ceux qui aiment l’authenticité.