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Lionel Dany, Ludovic Gaussot, Grégory Lo Monaco Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Presses universitaires de Liège | « Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale » 2015/3 Numéro 107 | pages 299 à 302 ISSN 0777-0707 ISBN 9782875620774 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologiesociale-2015-3-page-299.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------!Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Lionel Dany et al., « L’alcool : un objet au cœur du social », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale 2015/3 (Numéro 107), p. 299-302. DOI 10.3917/cips.107.0299 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Liège. © Presses universitaires de Liège. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège L’ALCOOL : UN OBJET AU CŒUR DU SOCIAL  Lionel Dany1,2, Ludovic Gaussot3 et Grégory Lo Monaco1 2 1 Aix-Marseille Université, LPS EA 849, 13621, Aix-en-Provence, France APHM, Timone, Service d’Oncologie Médicale, 13385, Marseille, France 3 GRESCO, Université de Poitiers, France C’est avec grand plaisir que nous voyons la publication de ce numéro spécial « L’alcool : un objet au cœur du social » des Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale. Deux raisons principales sont associées à ce plaisir, (1) la possibilité de proposer un numéro thématique sur un objet d’une très grande pertinence sociale - au sens où il nous permet d’appréhender et de comprendre de nombreux aspects de notre vie collective et certains processus qui la gouvernent, et (2) la volonté assumée « d’ouvrir » ce numéro à des chercheurs d’horizons disciplinaires différents ain de proposer un regard à la fois pluriel et complémentaire sur cet objet. Comme nous l’évoquions dans l’appel à contribution pour ce numéro spécial, l’alcool, en tant qu’objet d’étude pour les sciences humaines et sociales, constitue un objet complexe et polymorphe. Il constitue à bien des égards un fait social total. L’alcool est non seulement un produit de consommation courante, mais aussi un objet culturel iniltré de signiications, plus qu’un breuvage, il est une fonction. Boire et s’enivrer représentent des actes collectifs et individuels qui organisent un mode de relations aux autres et participent à la construction des identités (cf. Gaussot, 2004) et à l’expression d’enjeux identitaires particulièrement prégnants (jugements sociaux, déviance, stigmatisation ; cf. Lo Monaco, Piermattéo, Guimelli, & ErnstVintila, 2011). Si les breuvages alcoolisés existent en tant qu’objet physique, ils sont le plus souvent appréhendés à travers le prisme du social, qui contribue à en déinir les contenus socio-symboliques (e.g., identité, partage, convivialité, plaisir, danger) et les modes de consommation (i.e. normes, usages, rituels, socialisation, différenciation). En ce sens, les usages sociaux de l’alcool constituent depuis longtemps un terrain d’analyse fécond et heuristique pour les approches psycho-sociologiques. Le cadre social (dans ses modalités et sens) constitue un « terrain » incontournable pour l’analyse de l’usage de l’alcool et les risques qui lui sont associés. Ainsi, par exemple, la déinition des risques ou la classiication des usages (e.g., excès, alcoolisme) ne prennent pas en compte les usages et leurs logiques mais souvent des catégories normatives d’analyses que la santé publique contemporaine contribue à édiier. À ce titre, la igure de l’alcoolique constitue un « repoussoir normatif » qui permet aux consommateurs de négocier le risque identitaire (cf. Ancel & Gaussot, 1998 ; Dany, 2015). Par ailleurs, « dire l’alcool » (sous une forme directe ou indirecte, privée ou publique) revient à une mise en comparaison des substances consommées, des pratiques et usages des groupes, des règles et normes d’usage dans des contextes sociaux spéciiques. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège L’ALCooL : Un objET AU CœUR dU SoCIAL Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège Ce numéro spécial qui propose des contributions de chercheurs en sciences humaines et sociales venant de divers « horizons » vise à éclairer certains enjeux contemporains associés à l’alcool et à ses usages. Plusieurs axes thématiques non exclusifs et non limitatifs étaient proposés aux contributeurs potentiels : où en sont les pratiques sociales et représentations associées à l’alcool ? Se modiient-elles de façon importante ? Intègrent-elles de nouvelles formes et contenus ? Si oui, lesquels et de quelle manière ? Quels sont les enjeux identitaires et normatifs associés à la consommation d’alcool aujourd’hui ? En quoi les approches, par exemple, en termes de genre, d’identité sociale ou de comparaison sociale peuvent-elles contribuer à appréhender cette question. Dans un contexte de plus en plus marqué par la « sanitarisation du social » (cf. Peretti-Watel & Moatti, 2009), comment s’opère la construction du risque alcool ? Comment se régule cette construction en fonction des pratiques et/ou des populations ? Comment penser l’articulation des représentations et pratiques entre les différentes substances psychoactives ? Qu’en est-il de l’alcool plaisir, de l’excès et de l’ivresse dans des contextes socio-culturels qui prônent la culture de la modération et du contrôle ? Le lecteur constatera que les contributions retenues participent à éclairer un grand nombre de ces questions en s’inscrivant dans un cadre large d’étude de la pensée sociale (cf. Rouquette, 1973, 2009 ; Guimelli, 1999). Par ailleurs, ces différentes contributions s’appuient sur des recherches réalisées auprès de populations et contextes socio-culturels diversiiés (e.g., jeunes, adultes, sportifs, éducateurs, salariés, femmes enceintes, communauté traditionnelle) en usant de méthodes elles mêmes diversiiées allant de l’observation à l’expérimentation en passant par l’enquête (entretiens et questionnaires). Cette diversité constitue, selon nous, un atout majeur pour répondre aux enjeux de l’explicitation de phénomène aussi complexe que celui de l’analyse des pratiques sociales et processus psycho-sociaux associés à l’alcool. Les disciplines convoquées (psychologie sociale, psycho-sociologie, anthropologie, sociologie) tout comme les référentiels théoriques retenus témoignent également du caractère pluri-référentiel que nous souhaitions insufler à ce numéro spécial. L’article de Marie Chosson nous fait « voyager » dans une communauté indigène des Hautes Terre du Chiapas du Mexique. Sa contribution nous permet de saisir comment l’alcool comme objet et vecteur de pratiques sociales s’inscrit dans une tradition et une identité culturelle. Elle témoigne également des aspects symboliques associés à l’alcool (e.g., chaleur, émotions). L’analyse proposée permet d’appréhender la manière dont les pratiques ritualisées portent en elles une composante identitaire essentielle qui se trouve au cœur de nouveaux enjeux entre « traditionalistes » et « nouveaux convertis ». C’est à un autre voyage que nous convient Bonnet, Dalla Pria et Chamot, un voyage au cœur de l’Ovalie. Le travail d’observation et les entretiens individuels réalisés pour les besoins de cette recherche permettent d’accéder aux logiques « institutionnelles » qui favorisent et donnent sens aux conduites d’alcoolisation dans la sphère du rugby (du côté des joueurs et de l’encadrement). L’apprentissage social Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège 300 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège et les logiques genrées (e.g., masculinité hégémonique) associés à l’alcoolisation permettent l’élaboration des usages sociaux de l’alcool et leur inscription dans la tradition rugbystique. Utilisant le concept de « carrière morale » (cf. Becker, 1985 ; Goffman, 1975), Gaussot, Palierne et Le Minor nous proposent l’analyse d’un phénomène peu étudié : la modération et la sobriété chez les étudiants. À l’encontre des représentations de la jeunesse qui se centrent sur la prise de risque, cette contribution nous permet d’appréhender la « carrière de modération » et certaines de ses explications : le dégoût organoleptique, l’interdit moral, l’aversion des effets psychotropes, le rejet de la perte de contrôle. Cette carrière se heurte aux pressions à la consommation (en particulier pour les hommes) et contribue au développement de modes de sociabilité spéciique (retrait, valorisation d’un mode de vie, investissement dans les études). Un autre sujet peu traité habituellement concerne l’usage de l’alcool et ses relations avec le travail. Dans leur contribution, Crespin, Lhuilier et Lutz, via la réalisation d’une recherche-action comprenant des entretiens individuels et collectifs, nous apportent des éléments des plus intéressants pour éclairer cette problématique. L’analyse des données fait apparaître différentes fonctions de l’alcoolisation en situation de travail : anesthésier affects et pensées ; stimuler-euphoriser-désinhiber ; récupérer ; intégrer, insérer, entretenir les liens professionnels. La centration sur les conduites à risques et l’ambivalence entre contrôle des salariés et prévention, ne permet pas de prendre en compte la complexité des liens entre les salariés et l’alcool et le caractère potentiellement paradoxal de la consommation d’alcool en situation de travail. Le travail de recherche présenté par Brahic, Thomas et Dany s’inscrit dans une problématique de santé publique des plus symboliques depuis un certain nombre d’années : alcool et grossesse. L’analyse d’entretiens de recherche réalisés auprès d’une soixantaine de femmes enceintes souligne la simultanéité d’une situation sociale spéciique (la grossesse) et celle de la construction représentationnelle du risque alcool. Les risques perçus concernant l’alcoolisation pendant la grossesse concernent les risques biomédicaux mais aussi et surtout les risques sociaux (i.e., jugements sociaux et moraux qui s’appliquent à la femme enceinte qui consomme de l’alcool). Cette recherche permet également de pointer la coexistence de règles générales (interdiction) et certaines cognitions conditionnelles (comportements autorisés sous certaines conditions) qui témoignent de la construction sociale du risque. L’enquête psychosociale de Taschini, Urdapilleta, Verlhiac et Tavani s’intéresse à l’inluence du genre sur les représentations sociales de l’alcoolisme féminin. Cette recherche pointe le jugement social plus négatif exprimé vis-à-vis de l’alcoolisme féminin et met en évidence le rôle des pratiques de consommation d’alcool comme variable pertinente pour explorer les jugements sociaux produits sur les groupes de consommateurs notamment ceux présentant des conduites déviantes comme les alcooliques. Ces résultats font également apparaître des enjeux inter- mais aussi intragroupe dans la régulation des représentations de l’alcoolisme. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège 301 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège Dans une approche expérimentale, Tavani, Lo Monaco, Piermattéo, Guéned, Lelaurain et Collange s’intéressent également à l’inluence des pratiques de consommations sur le jugement social (déviance), mais ils explorent de façon additionnelle le rôle des types de substances consommées (alcool, cannabis, cocaïne) et celui des conséquences de la consommation. Les résultats soulignent que le type de substance est un déterminant important des jugements émis envers une cible consommant des substances psychoactives. Ce travail apporte également une preuve expérimentale de la négociation du statut d’une substance en fonction du niveau de consommation d’une autre substance, pointant de fait la nécessité de penser l’ensemble des substances comme faisant système dans l’espace social. Pour inir, nous souhaitons remercier le directeur de publication (Pierre De Visscher) et le rédacteur en chef de la revue (Sylvain Delouvée) pour avoir soutenu et accompagné ce projet, les collègues qui ont accepté de nous « conier » leurs travaux pour constituer ce numéro spécial, enin, nous souhaitons remercier vivement les différents experts qui ont participé à l’évaluation de ces différents articles et ont contribué, par leur travail, à faire de ce numéro ce qu’il est. Bibliographie – Ancel, P., & Gaussot, L. (1998). Alcool et alcoolisme. Pratiques et représentations. Paris: L’Harmattan – Becker, H. (1985). Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance. Paris: Métailié. – Dany, L. (2015). Prévention entre continuité et changements : rélexions psychosociales. In M. Saint-Jean, N. Péoc’h, & B. Bastian (Eds.), Accompagner le changement dans le champ de la santé (pp. 9-22). Paris: De Boeck-Estem. – Gaussot, L. (2004). Modération et sobriété : Études sur les usages sociaux de l’alcool. Paris: L’Harmattan. – Goffman, E. (1975). Stigmate. Les usages sociaux des handicaps. Paris: Éditions de Minuit. – Guimelli, C. (1998). La pensée sociale. Paris: Presses Universitaires de France. – Lo Monaco, G., Piermattéo, A., Guimelli, C., & Ernst-Vintila, A. (2011). Using the Black Sheep Effect to reveal normative stakes: The example of alcohol drinking contexts. European Journal of Social Psychology, 41(1), 1–5. doi:10.1002/ejsp.764 – Peretti-Watel, P., & Moatti, J.-P. (2009). Le Principe de prévention. Paris: Le Seuil. – Rouquette, M.-L. (1973). La pensée sociale. In S. Moscovici (Ed.), Introduction à la psychologie sociale, t. 2, (pp. 299-327). Paris: Larousse. – Rouquette, M.L. (2009). La pensée sociale. Toulouse: Érès. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 139.124.244.81 - 25/10/2015 10h25. © Presses universitaires de Liège 302