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Comprendre l‘intégration régionale en Afrique de l‘Ouest – Une analyse multithématique et comparative IAO-ZEI PAPIER Ablam Benjamin Akoutou, Rike Sohn, Matthias Vogl, Daniel Yeboah (éds.) No.17 2014 Ablam Benjamin Akoutou est Coordonnateur du projet de coopération IAO-ZEI à l‘Institut de l‘Afrique de l‘Ouest (IAO). Tony Chafer est Professeur d‘études régionales françaises contemporaines et Directeur du Centre d‘Études sur la recherche européenne et internationale à l‘Université de Portsmouth, RU. Essien Abel Essien est Directeur de l‘Unité de Planiication Stratégique de la Commission de la CEDEAO à Abuja, Nigeria. Mahama Kappiah est Directeur du Centre pour les Énergies Renouvelables et l‘Eficacité Energétique de la CEDEAO (CEREEC) à Praia, Cabo Verde. Ludger Kühnhardt est Directeur du Centre d‘Études sur l‘Intégration Européenne (ZEI) et Professeur de sciences politiques à l‘Université de Bonn, Allemagne. Kenneth Omeje est Chercheur invité au Centre d’Études Africaines « John and Elnora Ferguson » (JEFCAS), Département des études sur la paix, Université de Bradford, Royaume-Uni. Samuel Priso-Essawe est Professeur du Droit à l‘Université d‘Avignon, France. Gervasio Semedo est Professeur d‘Économie à l‘Université d‘Orléans, France. Rike Sohn est Junior Fellow au ZEI et Coordonnatrice du projet de coopération IAO-ZEI. Edward Stoddard est Maître de Conférences à l‘Université de Portsmouth, RU. Djeneba Traoré est Directrice Générale de l‘Institut de l’Afrique de l’Ouest à Praia, Cabo Verde. Matthias Vogl est Junior Fellow au ZEI et Coordonnateur du projet de coopération IAO-ZEI. Daniel Yeboah est Coordonnateur du projet de coopération IAO-ZEI à l‘IAO. Sommaire Ludger Kühnhardt/Djénéba Traoré 3 Préface Ablam Benjamin Akoutou, Rike Sohn, Matthias Vogl, Daniel Yeboah 5 Introduction Essien Abel Essien Les 20 ans de la révision du Traité et les 40 ans de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) – Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest 11 Tony Chafer/Edward Stoddard L’UE, la CEDEAO et les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest 43 Samuel Priso-Essawe Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest 77 Gervasio Semedo 113 Les résultats de la libéralisation du commerce dans le cadre des processus d’intégration en Afrique de l’Ouest Kenneth Omeje La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest 171 Mahama Kappiah 197 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest : potentiels et déis Note : La version originale de tous les articles a été écrite en anglais et traduite en français et portugais. Ludger Kühnhardt/Djénéba Traoré Ludger Kühnhardt/Djénéba Traoré Préface La propagation mondiale d‘intégration régionale est l‘un des aspects les plus fascinants de la mondialisation. Au cours des dernières décennies, le phénomène s‘est répandu dans le monde entier. L’Union européenne (UE) et l’Afrique de l‘Ouest jouent dans ce contexte un rôle particulier. Plus que jamais, les deux régions doivent faire face au déi d’intensiier l‘intégration régionale durable. Malgré ses dificultés à l’intérieur, l’UE est toujours un partenaire iable et sert de source d‘inspiration. Ce fait devient plus important en vue du processus d’intégration en Afrique de l‘Ouest, processus marqué encore par de graves dificultés en ce qui concerne la promotion de politiques régionales plus eficaces, fondées sur une base scientiique. Le Centre d’Études sur l’Intégration Européenne (ZEI) à l‘Université de Bonn et l’Institut de l’Afrique de l’Ouest (IAO), Praia, sont en partenariat depuis 2008. L’idée derrière cette coopération était celle d’initier un échange bi-régional de discours académiques pour combler l’écart entre le monde académique et la pratique en Afrique de l‘Ouest par le biais d’une perspective comparative et pour soutenir le développement de l’IAO. Le parrain de notre projet est le Ministère de l‘Éducation et de la Recherche de la République fédérale d‘Allemagne (BMBF). Lors de la conférence à mi-parcours, la coopération scientiique entre l’IAO et le ZEI a jeté un regard rétrospectif sur une première phase réussie du projet. Durant deux réunions intensives à Praia et à Bonn, au cours de l‘année 2013, des chercheurs ouest-africains et européens ont examiné les obstacles à l’intégration régionale durable dans le domaine politique et économique. Ces réunions ont été une occasion unique d’échange entre les différentes cultures de recherche ayant des préoccupations similaires. Sept documents de recherche et une anthologie détaillée en sont issus et ont été publiés sous forme des papiers IAO-ZEI. En outre, une nouvelle bibliothèque d’IAO a été créée, avec l‘arrivée 3 Préface du premier stock de livres, au sein de la Bibliothèque Nationale du Cap-Vert à Praia et une enquête a inalement été menée par les acteurs responsables en matière d’intégration régionale ouest-africaine. Notre conférence à mi-parcours a eu lieu au moment juste. L’anniversaire du Traité Révisé de la CEDEAO en 2013, celui de l’UEMOA en 2014 et enin la création de la CEDEAO en 2015 présentaient une occasion de réléchir sur ce qui a déjà été réalisé ; réléchir sur les acteurs et les facteurs d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest et sur les déis futurs à confronter. À cet égard, nous avons accueilli des universitaires et du personnel de haut rang provenant des institutions régionales pour discuter des questions de pertinence et pour développer conjointement des recommandations pratiques. Etant un partenaire académique proche de la CEDEAO, l’IAO se montre à la hauteur de sa mission. Les résultats de cet effort louable sont résumés dans cette seconde anthologie présente. En tant que partenaires, l’IAO et le ZEI croient que nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres. Nous tenons par conséquent à remercier les auteurs de ce volume, auteurs qui font partie d’un réseau croissant de chercheurs associés (Fellows) d’IAO, pour leur intérêt et leur engagement de nous suivre dans cet effort en ayant participé à la Conférence à mi-parcours à Praia et en contribuant à ce projet en apportant leurs résultats de recherche. Nous sommes convaincus du fait que cette publication ne se limite pas seulement à donner un aperçu général sur l’état actuel des choses en matière d’intégration régionale en Afrique de l‘Ouest relatif aux différents domaines politiques, mais qu‘elle puisse également fournir quelques conclusions utiles pour les praticiens de l’intégration ainsi qu’encourager la recherche scientiique à rendre le processus d’intégration plus durable, à moyen et long terme. Prof. Dr. Ludger Kühnhardt Prof. Dr. Djénéba Traoré Directeur de ZEI Directrice Générale de l’IAO Bonn/Praia, juillet 2014 4 Ablam Benjamin Akoutou, Rike Sohn, Matthias Vogl, Daniel Yeboah Ablam Benjamin Akoutou, Rike Sohn, Matthias Vogl, Daniel Yeboah Introduction Les années 2013, 2014 et 2015 sont d’une importance historique pour le processus d’intégration régionale en Afrique en général et en Afrique de l’Ouest en particulier. Il y a cinquante ans, en mai 1963, l‘Organisation de l‘Unité Africaine (OUA) a été fondée à Addis-Abeba par tous les pays africains pour promouvoir le panafricanisme et pour institutionnaliser la solidarité défensive entre les États africains, mais aussi en vue de protéger leur liberté et solidarité récemment acquise contre de potentielles approches néocoloniales des Européens. Environ dix années plus tard, en mai 1975, l’intégration sous-régionale a pris son essor en Afrique de l’Ouest avec la création de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La CEDEAO a été créée pour améliorer le développement économique des pays d’Afrique de l’Ouest et pour renforcer leur position de négociation par rapport à d’autres acteurs externes, telle que la Communauté Européenne (CE). Néanmoins, la CEDEAO a également été importante pour une autre raison. Ses créateurs ont été, pour la première fois, en mesure de surmonter la division artiicielle entre les pays anglo-, franco- et lusophones. Toutefois, cela n’a pas signiié l’arrêt des luttes entre ces pays d’une empreinte différente. Bien au contraire, de forts liens postcoloniaux se sont installés, ayant une inluence importante sur la prise de décision politique au niveau national et régional. En outre, il y a eu des conlits internes quant à la question de savoir si l’approche à l’intégration était un phénomène continental ou sous-régional. Le développement de deux organisations a également été limité par les ombrages de la guerre froide. Dans ce contexte, ce n‘est qu’à partir de la in de la guerre froide que l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest a pu connaître une renaissance. La CEDEAO ne s‘est pas seulement engagée militairement dans les guerres civiles dévastatrices au Libéria et en Sierra Leone, mais elle a également réformé sa 5 Introduction base conventionnelle il y a 20 ans, avec le Traité Révisé de la CEDEAO qui a été signé à Cotonou. Un an plus tard, en janvier 1994, l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) a été créée par les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest. Comme la CEDEAO, l’UEMOA vise à créer un marché commun et une union douanière. Les pays adhérés à l’UEMOA sont liés les uns aux autres par leur monnaie commune, le Franc CFA. Depuis lors, le processus d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest a connu des hauts et des bas. Aujourd‘hui, la sous-région ouest-africaine connaît encore un niveau élevé de pauvreté, de conlits armés, d’États fragiles et une vulnérabilité dangereuse en ce qui concerne les risques naturels ou les pandémies, pour n’en nommer que quelques-uns. En même temps, il existe des potentiels prometteurs pour la croissance ; une base de ressources naturelles très riche, certains pays qui ont établi des démocraties résilientes avec des populations jeunes maîtrisant le numérique. Dans l’environnement complexe d’interdépendances asymétriques en Afrique de l’Ouest et entre l’Afrique de l‘Ouest et le reste du monde, le niveau régional occupe un rôle de plus en plus important pour les deux dimensions et crée en même temps une jonction entre eux. Néanmoins, il s’agit d’un long chemin cahoteux que la CEDEAO entend prendre pour approfondir le processus d’intégration. D’un côté, la mise en œuvre de projets régionaux doit faire face à des dificultés sérieuses. L’introduction de la monnaie commune tant attendue, le CEO, a régulièrement été reportée. Seulement à la in de 2013, les dirigeants ouest-africains ont réussi à s‘entendre sur la mise en œuvre d’une union douanière, un projet qui attend d’être réalisé. De l’autre côté, les objectifs stratégiques que les dirigeants s‘auto-imposent semblent extrêmement ambitieux. Par conséquent, il reste ouvert s’il y aura une « CEDEAO des Peuples » d‘ici 2020, telle qu‘annoncée en 2007. De même, on ne sait pas où conduira l’agrandissement de la Commission de la CEDEAO à quinze commissaires en 2014 (un par État membre). Comblera-t-il un manque de capacités et renforcera-t-il les forces régionales ain de surmonter les réserves nationales ou conduira-t-il, ce fait, uniquement à plus de complexité et moins de résultats ? Le processus d’intégration régionale va-t-il gagner plus de légitimité en renforçant, comme attendu, les pouvoirs du Parlement de la CEDEAO ? La responsabilité et la pression de bien performer sont valables également dans le contexte plus large des relations extérieures d’Afrique de l’Ouest. La CEDEAO est l’un des éléments constitutifs de l’intégration du continent 6 Ablam Benjamin Akoutou, Rike Sohn, Matthias Vogl, Daniel Yeboah africain, dans le cadre de l’Union africaine (UA), issue de l’OUA en 2000. Elle fait également partie du partenariat UE-Afrique. Tous ces aspects demandent des efforts et de l’engagement. Tous ces déis, questions et insécurités donnent des raisons sufisantes pour discuter les réalisations et les obstacles du processus d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest et pour chercher des tâches futures à aborder. À cet effet, l’IAO et le ZEI ont réuni des universitaires et des experts ouest-africains et européens à sa conférence à mi-parcours qui a eu lieu le 21 et 22 octobre 2013 à Praia, Cap Vert, au Ministère des Relations Extérieures (MIREX). La Conférence à mi-parcours a également achevé la première phase du projet de coopération IAO-ZEI « Intégration régionale durable en Afrique de l’Ouest et Europe » qui est parrainé par le Ministère de l’Éducation et de la Recherche de la République fédérale d‘Allemagne (BMBF) de 2012 à 2016. Dans son effort de soutenir la formulation de politiques fondée sur la connaissance et une connexion directe entre les communautés autrefois débranchées des chercheurs et leur lien avec la pratique, la conférence IAO-ZEI a marqué une étape importante en ce qui concerne le développement institutionnel de l’Institut de l’Afrique de l’Ouest, qui n’a commencé son activé qu’en 2011. Il nous est inalement possible de présenter des conclusions à la base des résultats des réunions de groupes d’étude en octobre 2012 à Praia et en mars 2013 à Bonn. Les discussions à Praia ont encore une fois mis en exergue l’urgence de la question et le potentiel inexploité de la future recherche commune entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe dans le domaine de l‘intégration régionale. Les grandes lignes de ce volume relètent le programme de la Conférence, programme publié dans les trois langues oficielles de la CEDEAO, l’anglais, le français et le portugais. Il couvre délibérément un large éventail de catégories et domaines d’action partant des questions traditionnelles, tels que l’économie, le développement de la loi régionale, le développement institutionnel ou la politique de sécurité jusqu’à arriver aux sujets plus récents comme la politique d’énergie renouvelable. Ce sont les principaux piliers thématiques du projet d’intégration régionale ouest-africaine. Pour prendre en considération la dimension extérieure, une analyse des relations entre l’Europe et l’Afrique de l‘Ouest y igure également. Le but du papier IAO-ZEI est de donner un aperçu général et d’encourager, par un regard critique sur les faits (une analyse critique des faits), le débat sur le rôle de l’intégration régionale en Afrique de l‘Ouest. 7 Introduction Dans ce contexte, les différents articles écrits par des auteurs européens et africains expérimentés tentent de répondre aux questions suivantes : 1. Quel rôle a joué le domaine thématique dans le processus d’intégration régionale en Afrique de l‘Ouest jusqu’à présent ? Comment la dimension régionale s’est développée au il du temps ? 2. Quels sont les principaux succès qui ont été réalisés, mais aussi les principaux problèmes et obstacles que le processus d’intégration a dû affronter, en particulier en ce qui concerne la relation entre ses acteurs, structures et politiques ? 3. Quels sont les instruments qui contribuent à proiter des opportunités d’une intégration régionale approfondie ? Le but de ce volume n’est pas de célébrer les anniversaires de l’intégration régionale ouest-africaine, mais de regarder en arrière avec un œil critique et d’en tirer des leçons. La mise en œuvre d’un lien entre le passé, le présent et l‘avenir constitue une tâche principale de la coopération IAO-ZEI et s‘exprime dans les articles spéciiques qui rendent les argumentations suivantes : Essien Abel Essien, Directeur de l‘Unité de Planiication Stratégique de la Commission de la CEDEAO à Abuja, donne un aperçu exhaustif concernant le développement du processus d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest dans tous les domaines pertinents au cours des dernières décennies. Dans son article, il explique comment le processus d’intégration s‘est intensiié et comment la CEDEAO s’est adaptée ain de réussir dans un environnement changeant. L’auteur présente les grandes lignes de la Vision 2020, le projet dont l’objectif principal est de transformer la CEDEAO en une « CEDEAO des peuples ». Il voit les progrès, mais aussi les déis qui persistent, notamment dans les réserves persistantes des États Membres de céder la souveraineté au niveau régional. Tony Chafer, Professeur d’études régionales françaises contemporaines et Directeur du Centre for European and International Studies Research de l’Université de Portsmouth, et Edward Stoddard, maître de conférences en relations internationales à l’Université de Portsmouth, réléchissent sur les multiples dimensions des relations européennes et ouest-africaines. Ils soulignent, sur la base de la nature complexe des relations bi-régionales, avec un grand nombre 8 Ablam Benjamin Akoutou, Rike Sohn, Matthias Vogl, Daniel Yeboah d’acteurs et de facteurs exerçant une inluence importante, que les questions de légitimité sont de plus en plus importantes, en particulier en Europe. En outre, les auteurs rapportent qu’il existe des intérêts opposés du côté de l’Union européenne et du côté de l’Afrique de l’Ouest, intérêts qui peuvent entraver une formulation de politique cohérente. Tout en indiquant les possibilités d’accroître les taux de croissance en Afrique de l’Ouest au cours de la dernière année, ils afirment que cette croissance est fragile en raison de la dépendance de l’Afrique de l’Ouest de ses matières premières, des phénomènes comme la « malédiction des ressources » et enin en raison de la situation sécuritaire toujours problématique dans le Sahel et au Nigéria. Gervasio Semedo, professeur d’économie à l‘Université de Tours et chercheur à l’Université d‘Orléans, France, analyse la libéralisation du commerce et les efforts d‘intégration économique dans les pays membres de la CEDEAO en prenant en considération les arrangements préférentiels et la création d’une union douanière. Quant à la création d’avantages comparatifs pour les exportations mondiales, il souligne la nécessité, de la part des pays membres, d’installer une coopération plus stratégique ain d’établir l’autosufisance alimentaire ainsi que de créer une protection temporaire de l’industrie naissante et des économies d‘échelle, tout en créant des règles concrètes de concurrence industrielle et en s’ouvrant en même temps au commerce international. Samuel Priso-Essawe, professeur et ancien vice-président de l’Université d’Avignon, France, présente le développement et la pertinence du droit primaire et du droit dérivé dans le contexte de la CEDEAO et de l’UEMOA. En comparant aussi leur interdépendance avec les expériences d’autres organisations d’intégration, y compris l’Union européenne, il donne un aperçu des instruments juridiques appliqués pour la mise en œuvre du droit au niveau régional. Il analyse les méthodes grâce auxquels le droit régional peut atteindre ses objectifs et les conditions préalables que le droit régional impose aux acteurs privés et aux institutions publiques nationales et régionales. Kenneth Omeje, chercheur invité au Centre d’Études Africaines « John and Elnora Ferguson » (JEFCAS), Département des études sur la paix, Université de Bradford, Royaume-Uni, analyse l‘évolution de l’architecture de la Paix et de la Sécurité en Afrique de l’Ouest. Il fait valoir que les crises économiques profondes à la in de la guerre froide, résultant de la mauvaise gouvernance, aggravée par la mise en œuvre des politiques inadaptées du FMI et de la Banque 9 Introduction Mondial, ont conduit à la prolifération de structures et de conlits violents en Afrique de l‘Ouest. Ain de résoudre ces conlits, des opérations régionales de maintien de la paix et des politiques concernant le régionalisme sécuritaire ont été élaborées. Après une analyse des facteurs déterminant les conlits armés en Afrique de l‘Ouest, l’auteur donne un aperçu de ces conlits, retrace l‘histoire du Mécanisme de la CEDEAO, ses réussites et ses limites et conclut avec une discussion sur les déis persistants. Faisant un état des lieux des efforts d’intégration dans le domaine énergétique de la sous-région, M. Mahama Kappiah, le directeur exécutif du Centre pour les énergies renouvelables et de l‘eficacité énergétique de la CEDEAO (CEREEC) analyse les potentiels et les déis d’un développement énergétique durable. Face aux faibles marchés énergétiques nationaux ayant un taux d’accès à l’électricité très bas et des prix d‘électricité réduits, l’auteur considère l‘intégration du secteur énergétique et la création d’un marché régional comme essentielles pour proiter des hauts potentiels énergétiques et des ressources de la région. Toutefois, il prend en compte les énormes investissements nécessaires pour parvenir à la diversiication et à la sécurité énergétique en Afrique de l’Ouest. Bien qu’un rôle prépondérant soit accordé au gaz naturel en raison de sa compétitivité et disponibilité, selon l’auteur, l’énergie renouvelable reste le vecteur principal du développement énergétique durable. Dans l’ensemble, les contributions montrent une intensiication et un approfondissement de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest en termes d’acteurs, d’institutions et de politiques menées au cours des vingt dernières années. Cependant, elles relètent également que les ambitions sont souvent dificiles à réaliser à court terme et même à terme moyen, compte tenu des problèmes politiques et du développement des sous-régions ouest-africaines. Par conséquent, ce qui serait nécessaire, pour rendre le processus d’intégration régionale plus durable, n’est pas seulement la patience, mais un engagement continu, surtout par les acteurs au niveau régional qui n’ont pas d’intérêts nationaux, mais la capacité de faire la valeur ajoutée de l’intégration régionale visible pour des acteurs potentiels de changement. La deuxième phase du projet de coopération IAO-ZEI de 2014 à 2016 tentera également de contribuer à cet effort de manière constructive et critique, par le biais de la recherche. 10 Essien Abel Essien Essien Abel Essien Les 20 ans de la révision du Traité et les 40 Ans de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) – Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest L’intégration économique et monétaire représente un moyen peu coûteux pour les pays pour parvenir à un développement économique rapide. L’expérience ouest-africaine a été un trajet parsemé de nombreux problèmes. La réalisation de l’objectif déinitif a été obscurcie par des crises politiques et civiles incessantes, conduisant souvent au ralentissement du projet. Ce document, un tour d’horizon de l’histoire de la CEDEAO au cours des 20 années de la révision du Traité et des 40 années de son existence, décrit son parcours et catalogue des expériences. Le document relate tout ce qui a déjà été accompli, même si des déis importants sont encore à relever pour compléter l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest. Le processus est, quoi qu’il en soit, irréversible. Introduction Contexte La mise en place d’un réseau de ports de traités par les puissances occidentales au cours du 19ème siècle a construit les bases d’une coalition régionale. La création de la Communauté Économique Européenne (CEE) par le Traité de Rome en 1957 a été cependant le phénomène le plus important dans le nouvel ordre économique international. La coopération et l’intégration économique sont 11 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest un élément essentiel de cet ordre économique global. Le phénomène a pris de l’ampleur dans la mesure où on assiste à une prolifération de coopérations économiques et de dispositions d’intégration dans le monde entier. Aucun continent n’est exempté et tous travaillent sans relâche pour renforcer la coopération économique et le mécanisme et l’architecture de l’intégration ain de les rendre plus eficaces dans la réalisation des objectifs souhaités. Les raisons de cette évolution sont évidentes. Premièrement, l’intégration économique est considérée comme un véritable instrument pour achever le développement économique de manière rapide, englobante et peu coûteuse. Cela est essentiellement dû au fait que des économies régionales fortes facilitent le regroupement des risques entre économies autrement vulnérables, réduisent les guerres, promeuvent le commerce intra-régional et permettent aux pays de la région d’exploiter les complémentarités et de consolider la compétitivité, en attirant ainsi les investissements nécessaires pour le développement des industries modernes, tout en assurant un meilleur accès aux marchés et à la technologie. La vague de la mondialisation ainsi que ses effets secondaires involontaires ont mis en évidence la réalité qu’aucun pays ne peut pas y faire face seul. La création de la CEDEAO et le Traité Révisé La coopération et l’intégration régionale ont été, et continueront probablement d’être, très importantes pour l’Afrique de l’Ouest. La forte demande intérieure et régionale dans le commerce et la inance, qui augmentent les infrastructures transfrontalières et qui ont accru la mobilité, fournissent un énorme projet et un impératif. En Afrique de l’Ouest, ce phénomène a précédé l’indépendance. L’évolution de la coopération régionale a été motivée par la nécessité de la part des puissances coloniales de faciliter l’échange entre elles-mêmes (Grande-Bretagne et France) et avec leurs colonies, ainsi que d’exploiter les ressources des colonies. Plusieurs institutions ont été établies en forme de plans monétaires. De la Banque du Sénégal (1855-1901), en passant par La Banque de l’Ouest (1901-1955) jusqu’au West African Currency Board (WACB) du 6 décembre 1912, qui a créé la Livre ouest-africaine pour la Gambie, le Ghana, le Nigeria, la Sierra Leone, sous l’autorité coloniale britannique et, inalement, l’Institut de l’Afrique Occidentale Française et du Togo (1955-1959). 12 Essien Abel Essien Ces mécanismes devaient réaliser l’intégration monétaire et créer des marchés interdépendants. Conscients du fait que la vague de coopération économique dans le monde entier, la nécessité prioritaire de favoriser et d’accélérer le développement économique et social et la promotion de la croissance harmonieuse des États contigus de l’Afrique de l’Ouest nécessite la coopération économique et l’intégration effective ; convaincus que l’intégration des États membres présente une option viable pour l’autonomie, les Chefs d’États et de Gouvernement des 16 pays d’Afrique de l’Ouest ont signé, le 28 mai 1975, un traité pour la création de la CEDEAO. Ce traité a été connu sous le nom de Traité de Lagos, du fait que la réunion des signataires a eu lieu à Lagos. Considéré comme l’un des piliers de la Communauté Économique Africaine (AEC), l’objectif principal a été celui de promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines des activités économiques dans les États membres. En d’autres termes, elle a été fondée dans le but de parvenir à « l’autosufisance collective » pour ses États membres par la création d’un seul grand bloc commercial à travers une union économique et commerciale. Le Traité a été rédigé dans le cadre d’une progression graduelle d’une zone de libre-échange via une union douanière jusqu’à un marché commun. Quelques membres de l’organisation sont allés et venus au il des années. En 1976, le Cap-Vert a rejoint la CEDEAO et en décembre 2000 la Mauritanie s’est retirée, après avoir annoncé cette intention en décembre 1999. Actuellement, la Communauté CEDEAO comprend les 15 États membres suivants : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo. Un Comité d’Éminents a été mis en place et invité à soumettre une proposition pour la révision du Traité de 1975. Cela a conduit à l’adoption d’un Traité révisé à Cotonou, au Bénin, le 24 juillet 1993, connu sous le nom de « Traité révisé de 1993 ». Le Traité Révisé a réafirmé le Traité de 1975, mais a reconnu certains déis. Le nouveau Traité a étendu la coopération économique et politique entre les États membres, désignant la réalisation d’un marché commun et d’une monnaie unique comme des objectifs économiques, pendant que dans la sphère politique il prévoyait un parlement ouest-africain, un conseil économique et social et une cour de justice de la CEDEAO pour remplacer le tribunal existant 13 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest et renforcer les décisions communautaires. Le Traité a également formellement attribué à la Communauté la responsabilité de prévenir et régler les conlits régionaux. Il a aussi étendu le programme de marché commun pour intégrer l’adoption de politiques économiques, socio-politiques et culturelles communes. La révision du Traité a été motivée par plusieurs facteurs tels que la nécessité de : • S’adapter aux changements de l’environnement économique international, • Modiier ses stratégies ain d’atténuer les externalités produites par la mondialisation, • Élargir le programme du marché commun pour intégrer l’adoption de politiques économiques, socio-politiques et culturelles communes, • Inclure les principales dispositions du Traité de l’AEC, • Reconnaître que ses politiques et programmes d’intégration ont été inluencés par les conditions économiques prévalentes dans les pays membres. C’est dans ce nouveau Traité qu’une déclaration déinitive sur la création d’une union monétaire a été prononcée. Un programme de coopération monétaire, connu sous le nom de Programme de Coopération Monétaire de la CEDEAO (EMCP) a été adopté en juin 1987. L’EMCP était une composante logique du programme d’intégration économique qui créerait un système monétaire harmonisé par le respect d’un ensemble de critères convergents. Ain de réaliser le principe du nouveau Traité, la CEDEAO a entrepris plusieurs programmes. Ils comprennent : l’harmonisation des politiques régionales et sectorielles, le développement des infrastructures régionales, l’abolition des restrictions au commerce sous la forme de barrières tarifaires et non tarifaires, l’élimination des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens et services, etc. Toutefois, l’objectif prioritaire restait la mise en place d’un marché commun et la création d’une union monétaire qui serait caractérisée par une monnaie unique et une banque centrale commune. 14 Essien Abel Essien Les programmes principaux de la CEDEAO Le principe soulignant les programmes centraux de la CEDEAO a été fondé sur la réalisation de la convergence politique et structurelle. Les principaux d’entre eux ont été : • La libre circulation des biens et des personnes, • La libéralisation du commerce et la création d’une union douanière (Schéma de Commerce de la CEDEAO de la libéralisation (ETLS) et le Tarif extérieur commun (CET)), • Le programme de Coopération Monétaire de la CEDEAO (EMCP), • Le développement des infrastructures, • La mise en œuvre de politiques communes en l’agriculture, l’environnement, la gestion de l’eau, • La consolidation de la paix, de la démocratie et la promotion de la bonne gouvernance. Ce travail devait stimuler le commerce intra-régional et la mobilité des facteurs, améliorer l’investissement/la croissance et créer les conditions nécessaires pour le fonctionnement d’une union monétaire. La libre circulation des personnes et biens L’un des domaines fondamentaux auquel la région a porté une grande attention est son programme d’intégration. Dans cette optique, le Protocole de la CEDEAO prévoit la libre circulation de ses citoyens et le droit de vivre, de s’installer, et de faire des affaires dans n’importe quelle partie de son territoire. Cela est fondé sur la théorie que la migration promeut le développement et que la mobilité des personnes, des biens et du capital, est un élément essentiel dans la promotion de l’intégration du commerce, des produits, du travail et des marchés inanciers. La CEDEAO s’est occupée de réunir différentes initiatives dans ce domaine. Parmi celles-ci : la suppression des visas, l’introduction du passeport de la CEDEAO et de l’ECOWAS Brown Card, l’introduction prévue d’un visa unique pour les pays tiers. Un dialogue continu avec les parties prenantes, les services 15 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest de sécurité, la société civile, les travailleurs du transport routier et la direction de recherches et d’études ont également été promus pour atteindre cet objectif. Plusieurs facteurs ont entravé l’atteinte de l’objectif de libre circulation des personnes et des biens. Ceux-ci sont entre autres : • L’existence de barrières non tarifaires, • L’absence d’une politique commerciale commune, • Une sensibilisation insufisante, • La volonté politique de mettre en œuvre des Protocoles. Les rapports de dificultés rencontrées par les citoyens de la CEDEAO, au niveau des frontières de la région, appellent à un effort soutenu au renforcement de la politique et à la cohérence dans cette direction. La libéralisation du commerce et la création d’une union douanière Les deux principaux programmes dans ce cadre sont le Plan de Libéralisation des échanges de la CEDEAO (ETLS) et le Tarif Extérieur Commun (CET). On croyait que ces programmes serviraient de base pour l’établissement d’un marché commun. Des progrès considérables ont été accomplis dans ces domaines. Par exemple, la CEDEAO a été engagée dans la création d’une zone commerciale commune par l’uniication des tarifs douaniers et l’exemption tarifaire. Il est également à noter que la CEDEAO dans cet engagement a inalisé les négociations de son tarif extérieur commun (CET) qui sera bientôt opérationnel, sauf empêchement. La CEDEAO a également été engagée dans le processus de création d’un marché commun dans la région et a avancé ses négociations sur l’Accord de Partenariat Économique (APE) avec l’Union européenne (EU) sur le principe de l’utilisation du commerce pour stimuler le développement de la région. Elle s’est également engagée dans le commerce international et dans la gestion commerciale pour maximiser les possibilités de stimuler le commerce régional et l’intégrer dans le contexte du commerce mondial. Dans cette optique, la CEDEAO s’est engagée dans la promotion des accords commerciaux bilatéraux, 16 Essien Abel Essien multilatéraux et régionaux, dans la sensibilisation du commerce dans la région ainsi que dans la défense des droits de protection des consommateurs tout en mettant en premier plan les questions de contrôle de qualité, la compilation de données sur les investissements et les règles transfrontalières. Les Forums du Commerce Equitable et du Business de la CEDEAO, organisés périodiquement dans les différentes parties de la région, gagnent rapidement en importance en Afrique de l’Ouest et ailleurs. La CEDEAO s’est engagée dans des réformes économiques en conformité avec la réalité et les politiques internationales. Elle s’emploie également à créer un environnement favorable à la promotion du commerce international et un meilleur positionnement pour les négociations internationales sur les questions commerciales et des questions connexes. Plusieurs déis persistent. Ils incluent : • L’absence d’un mécanisme eficace pour une approche intégrée de la promotion du commerce, • Une faible valeur-ajoutée et une mauvaise qualité des produits issus de la région, • Le mauvais état des infrastructures dans la région, ce qui reste regrettable, catastrophique et un facteur réducteur pour la production, • De vastes marchés non oficiels pour les biens et les produits inanciers, • Le manque d’une forte volonté politique pour mettre en œuvre le Tarif Extérieur Commun (CET) de la CEDEAO. Programme de coopération monétaire de la CEDEAO (EMCP) L’objectif était de faciliter la réalisation des objectifs d’intégration et d’accroître le commerce intra-régional ainsi que les transactions des paiements entre les États membres. Le programme comportait l’adoption de mesures collectives en vue de la mise en place d’un système monétaire harmonisé ainsi que des institutions de gestion commune pour la réalisation des objectifs de la coopération monétaire par le biais d’une approche progressive. Dans ce cas, les États membres de la CEDEAO étaient censés prendre, individuellement et collectivement, toutes les mesures nécessaires pour la mise en place du Programme de Coopération Monétaire. Dans le même temps, le Secrétariat 17 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest Exécutif de la CEDEAO, comme on l’appelait, en collaboration avec le Comité des Gouverneurs des Banques Centrales des États membres de la Communauté, serait responsable de la coordination et de la mise en place du programme. Le Comité était chargé d’examiner et de résoudre les problèmes qui rencontreraient et d’en référer ensuite aux autorités compétentes de la Communauté. Les principales exigences de la EMCP étaient en accord avec des critères de convergence convenus, avec l’harmonisation des réglementations sur les taux de change et avec l’adoption d’un régime tarifaire de change déterminé par le marché, l’harmonisation des politiques iscales, monétaires et inancières. Dans le but d’assurer la convergence politique, un critère commun de convergence macroéconomique, que les États membres sont censés établir pour atteindre les objectives, a été ixé comme condition préalable à l’introduction d’une monnaie commune. L’harmonisation des politiques économiques des États membres sera une tâche dificile, voire impossible, sans l’harmonisation des statistiques, de l’unité de comptes et des normes de mesure. Par conséquent, un processus agressif en ce qui concerne l’harmonisation des statistiques et des comptes pour la région commune de la CEDEAO est en cours dans le cadre du projet ECOSTAT. Des progrès considérables ont été réalisés dans ce domaine. La création d’une deuxième zone monétaire et le cadre multilatéral conjoint de surveillance sont des initiatives à noter. Cependant l’introduction d’une monnaie unique pour la région a été freinée en raison d’un certain nombre de facteurs, parmi lesquels : • L’existence d’une zone monétaire, l’UEMOA, avec un régime de taux de change différent, • Le renvoi de l’introduction de la monnaie commune (eco) par la deuxième zone monétaire, • Une convergence macroéconomique lente en raison de la crise économique qui a contribué à faire échouer cet effort, • L’absence de politiques économiques communes ainsi que de cadres légaux, inanciers et statistiques communs, • Le manque de cohérence et de synergie dans les mécanismes de surveillance multilatérale des différents organismes de la CEDEAO chargés 18 Essien Abel Essien de l’implémentation du Programme de coopération monétaire de la CEDEAO (EMCP), • La carence de recherche sur les questions du développement socioéconomique pour faciliter la préparation des prises de position et des notes d’orientation pour évaluer la situation et la profondeur de l’intégration régionale, • La non-réalisation de critères primaires et secondaires de convergence sur une base durable. La promotion de l’harmonisation des politiques économiques et la coopération monétaire en tant que moyens de parvenir à la convergence macroéconomique ainsi que la réalisation éventuelle d’une monnaie unique dans la région deviennent une stratégie convaincante. Mise en place de politiques communes dans l’agriculture, l’environnement et la gestion des ressources hydriques La CEDEAO, en connaissant l’expérience de la pénurie alimentaire et des crises des prix alimentaires, et en comprenant que l’économie de la région est agricole, n’a pas compromis son intention de faire de l’agriculture l’élément fondamental de l’économie de la région. La CEDEAO a entrepris le développement d’une politique régionale de l’agriculture ain de maximiser l’opportunité des offres agricoles pour le développement économique régional. La sécurité alimentaire réside dans le développement du secteur agricole, non seulement pour répondre aux besoins alimentaires de la région, mais aussi en fournissant une source signiicative d’emploi pour sa population grouillante et comme fondement pour le décollage agro-technologique de la région. La politique agricole commune de la CEDEAO (ECOWAP), en conformité avec le Programme Commun de Développement de l’Agriculture Africaine (CAADP), est engagée dans une agriculture moderne et durable, fondée sur l’eficacité et l’eficience des fermes familiales et la promotion des entreprises agricoles. Celle-ci et d’autres efforts, tels que les mesures pour préserver l’environnement et conserver les ressources hydriques de la région, ont gagné la coniance et le soutien des partenaires de développement. Malgré ces progrès, le 19 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest développement et la mise en œuvre de politiques communes ne sont pas sans certaines dificultés persistantes. Celles-ci sont résumées ci-dessous : • La conception d’un programme régional d’investissement dans l’agriculture à moyen terme, • L’organisation et la gestion durables des ressources naturelles partagées, • Le développement de chaînes de produits agricoles et la promotion d’un marché des produits dynamique, • La prévention et la gestion des crises alimentaires et d’autres catastrophes naturelles dans le domaine de l’agriculture, • Le développement d’une politique de l’eau appropriée et d’un cadre régional pour les ressources hydriques partagées, • Le développement de la capacité de gérer les ressources forestières et fauniques par l’élaboration d’un plan de convergence pour la gestion et l’utilisation durable des écosystèmes forestiers, • La promotion de la gestion environnementale, en renforçant la capacité adéquate dans le domaine des accords multilatéraux et le développement de la coopération et de la coordination dans la gestion de l’environnement, • La gestion de l’environnement et la prévention contre les risques et les diverses formes de pollution, de nuisance et de produits chimiques dangereux qui pourraient affecter la santé humaine et animale. Consolidation de la paix, la démocratie et la promotion de la bonne gouvernance L’importance de la paix, de la bonne gouvernance et de l’enracinement des valeurs démocratiques sont essentiels pour un développement économique signiicatif et durable. L’histoire politique mouvementée et l’instabilité qui ont caractérisé la région pendant si longtemps peuvent être attribuées à l’absence de bonne gouvernance, de démocratie et d’État de droit. 20 Essien Abel Essien Dans les années 90 plus que jamais, dans son histoire, la région était un foyer de conlits et de crises de dimensions variables, qui ont comporté la destruction de vies et de biens, des graves crises humanitaires et qui ont paralysé la croissance économique et le développement. Par la suite, la CEDEAO a entrepris des activités de promotion de la paix et du développement régional et est notamment intervenue dans des situations de crise dans un certain nombre de pays en Afrique de l’Ouest. La CEDEAO a activement poursuivi la promotion de la bonne gouvernance, la paix et la sécurité, des élections libres, justes et crédibles dans les États membres grâce à une combinaison de participation directe et de diplomatie dans la région. Cependant, ces initiatives nécessitent une remise en cause dans certains domaines, tels que : • La nécessité d’intégrer la prévention des conlits dans la stabilisation et les interventions post-conlit, • La nécessité d’améliorer le mécanisme pour gérer plusieurs tâches de manière eficace, • La nécessité d’améliorer l’architecture structurelle et opérationnelle, telles que l’infrastructure sociale, la gestion des élections et des questions diplomatiques et humanitaires pour la prévention des conlits et pour la stabilité post-conlit. La stratégie nécessaire à adopter doit être orientée vers la mobilisation des ressources et l’amélioration de toutes les autres stratégies nécessaires pour satisfaire le mandat régional de maintien de la paix, de stabilité et de sécurité dans la région. Le développement des infrastructures La CEDEAO a fait des progrès en créant un environnement favorable à l’attraction des investissements privés et au développement du secteur privé, en travaillant en partenariat avec divers organismes et institutions des États membres. Les forums d’affaires de la CEDEAO ont fourni une plate-forme pour le dialogue public-privé, pour des missions commerciales et d’affaires nationales et internationales, pour des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux 21 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest et pour l’évaluation d’une base de données ainsi qu’un indice pour les États membres. Le Pool d’Énergie Ouest-Africain (WAPP), le Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest, l’énergie renouvelable, l’eficacité énergétique et les projets de facilitation des transports ont, entre autres, renforcé le développement des infrastructures économique et technologique. Les investissements et la participation, dans différents aspects des infrastructures, de diverses institutions inancières régionales, telles que la Banque d’Investissement et de Développement (EBID), l’Ecobank, etc., ont contribué au développement d’infrastructures régionales viables. Le principal déi pour la région réside dans l’expansion des projets pour les infrastructures physiques et dans la mobilisation des ressources nécessaires à leur inancement ain de créer les conditions nécessaires à la compétitivité. De là, la nécessité de : • Fournir des infrastructures économiques et technologiques de base, • Créer un environnement d’affaires et de travail propice, • Sensibiliser et développer les compétences des citoyens de la Communauté, • Promouvoir l’entrepreneuriat et le développement des entreprises, l’innovation et la créativité. Dans l’ensemble, des progrès signiicatifs ont été réalisés dans la région en matière de coopération économique et d’intégration, en conformité avec les objectifs dans le cadre du Traité révisé. Les déis qui perturbent le processus d’intégration fournissent le catalyseur nécessaire pour un saut de qualité dans la prospérité économique à travers un plan d’action soigneusement conçu qui découlerait d’une stratégie régionale soigneusement élaborée. 22 Essien Abel Essien Processus de développement institutionnel Arrangement institutionnel Pour assurer la réussite des objectifs de la Communauté, la CEDEAO fonctionne selon une architecture institutionnelle déinie. Cette architecture est catégorisée en organes, institutions et organismes spécialisés, et la coalition des acteurs non gouvernementaux. Les organes de la Communauté sont : la Conférence des Chefs d’États et de Gouvernements, le Conseil des Ministres, les Comités Ministériels Sectoriels et les Comités sectoriels techniques/d’experts. Les principales institutions de la CEDEAO sont la Commission de la CEDEAO, le Parlement de la Communauté et la Cour de Justice Communautaire. Il y a aussi des institutions techniques spécialisées et des organismes. La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement est l’organe de décision le plus élevé. Il est composé des Chefs d’État et de Gouvernement des États membres. Le corps est responsable de la direction générale des activités dans la région et il a le pouvoir de prendre toutes les mesures pour assurer le développement progressif et la réalisation des objectifs de la région en conformité avec les dispositions du Traité révisé de 1993. La Conférence des Chefs d’États et de Gouvernements se réunit au moins une fois par an. Il y a aussi une disposition pour la réalisation d’une session extraordinaire par le Président, élu chaque année. Une session extraordinaire peut également être organisée à la demande d’un ou plusieurs États membres, à condition qu’une telle demande soit soutenue par une majorité simple. L’organe décisionnaire suivant est le Conseil des Ministres. Ceux-ci sont les Ministres en charge des affaires de la CEDEAO, les Ministres des Finances et les Ministres des Affaires étrangères. Le Conseil fait ofice de conseil d’administration de la Commission, responsable du fonctionnement et du développement de la Commission en vertu de l’article 10 du Traité révisé de 1993. Par conséquent, sauf disposition contraire du Traité ou des Protocoles, le Conseil des ministres fait des recommandations à la Conférence des Chefs d’États et de Gouvernements sur toute action visant à atteindre les objectifs de la région et nomme le personnel statutaire subalterne du vice-président à la Commission et dans les autres institutions de la CEDEAO. Le Conseil fait aussi des recommandations sur la nomination d’Auditeurs Externes à l’Autorité 23 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest de Responsables d’États et des Gouvernements, prépare et adopte ses règles de procédure, approuve des règlements de personnel, les structures organisationnelles des institutions de la région, aussi bien que les programmes de travail et les budgets de la Commission et ses institutions. Il demande aussi à la Cour de Justice, où nécessaire, de donner son avis consultatif sur toute question légale et d’effectuer toutes les autres fonctions qui lui sont assignées par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement. Le Conseil des Ministres se réunit au moins deux fois par an lors de sessions ordinaires, une desquelles doit précéder la Session Ordinaire des Chefs d’État et de Gouvernement. Cependant, une session extraordinaire peut être convoquée par le Président du Conseil des Ministres. Le Conseil agit à travers ses Règlements, adoptés à l’unanimité, par consensus ou à la majorité des deux tiers, ce qui les rend obligatoires pour toutes les institutions de la région. Les procédures des réunions du Conseil des Ministres proviennent des rapports des réunions ministérielles sectorielles et des rapports des institutions de la CEDEAO. Les décisions des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO sont exécutées par la Commission de la CEDEAO, dirigée par un Président et nommée par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement. Initialement connu comme Secrétariat de la CEDEAO, il a été transformé en Commission en 2007. Ainsi, le Président de la Commission est le Directeur Général de la Communauté. Il est assisté par un vice-président et sept commissaires, et il est responsable de la préparation et de la mise en œuvre des décisions de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement et des règles du Conseil des Ministres. La responsabilité de la direction de la Commission de la CEDEAO dans le cadre de sa mission et la tâche qui lui est coniée par les États membres est de traduire les décisions dans des programmes prévus et réalisables qui pourraient soutenir la transformation de la région. À cet égard : • La Commission doit jouer un rôle central pour assurer que les décisions de la Communauté soient effectivement mises en œuvre et pour diriger la création d’institutions fortes, • Elle doit se tenir au courant des dynamiques de transformation et répondre aux aspirations des gens, 24 Essien Abel Essien • Elle doit être complétée par une communication eficiente, administrative et eficace entre les institutions de la Communauté et les États membres, • Elle doit garantir une large participation des différentes parties prenantes à l’intérieur et à l’extérieur de la région. Les processus institutionnels et politiques soutiennent également la promotion des idéaux démocratiques et de la justice. Par exemple, le Parlement de la CEDEAO a été créé, en vertu de l’article 6 et 13 du Traité révisé de 1993, comme une assemblée des peuples de la Communauté pour la promotion des valeurs démocratiques. Sa responsabilité principale consiste à promulguer des lois. Toutefois, en vertu de la présente dérogation, le pouvoir du Parlement de promulguer des lois qui engagent tous ses citoyens n’est pas encore effectif. Cela est lié au fait que la démocratisation complète du Parlement par l’élection et le suffrage universel doivent encore entrer en vigueur. Un agenda pour la transformation du Parlement en organe de la Communauté entièrement fonctionnel se poursuit vigoureusement. Pour l’achèvement de ce processus l’année 2010 avait été ixée comme dernier délai, qui évidemment n´a pas été respecté. Les parlementaires y sont soutenus par les Parlements Nationaux des États membres. Entretemps, le rôle du Parlement dans le processus d’intégration de la CEDEAO reste consultatif, en attente de l’attribution d’un statut législatif, avec les pouvoirs statutaires de promulguer des lois s’appliquant à tous les citoyens et les institutions de la CEDEAO. Néanmoins, le président de la Commission travaille en étroite collaboration avec le Parlement et demande toujours conseil à ses membres sur le processus d´intégration de la CEDEAO. De même, pour une administration eficace de la justice, la Cour de Justice de la CEDEAO a été créée, en vertu de l’article 15 du Traité révisé de 1993. La Cour de la CEDEAO est l’organe de la Communauté responsable de l’exercice de la justice sur toutes les questions concernant l’intégration dans la Communauté et ses verdicts engagent tous les États membres, les institutions de la Communauté, les citoyens et les entreprises. Le statut, la composition, les pouvoirs, la procédure et les autres questions relatives à la Cour de Justice, sont précisés dans le Protocole qui les crée. La Cour exerce ses fonctions, indépendamment des États membres et des institutions de la Communauté. Etant donné que le processus politique soutient les activités économiques et sociales, un Conseil Économique et Social a été créé, en vertu de l’article 14 du Traité révisé de 1993. Un Conseil en grande partie consultatif, sa composition, 25 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest ses fonctions et son organisation sont déinis dans un Protocole. Le Conseil économique et social (ECOSOC) doit encore être mis en place physiquement. Le processus de développement institutionnel a subi d’importantes transformations depuis la révision du Traité. De nouvelles institutions et organismes ont été créés. Ils comprennent : le Centre de la CEDEAO pour les énergies renouvelables et l’eficacité énergétique (ECREEE), l’Agence de réglementation de l’électricité de la CEDEAO (ERERA), l’Action gouvernementale contre le blanchiment d’argent (GIABA), l’Institut monétaire de l’Afrique de l’Ouest (WAMI), Institut de l’Afrique de l’Ouest (WAI), juste pour en mentionner quelques-uns. La logique de la création des nouveaux organismes consiste essentiellement à renforcer l’architecture ain d’approfondir l’intégration économique régionale. De nouveaux organes ont été établis pour faire face aux questions relatives à la paix et à la sécurité dans la région. Le groupe de personnalités d’envergure a été mis en place pour entreprendre un plaidoyer pour la paix, pendant que le Conseil de Sécurité est également en place comme Comité sectoriel des ministres des Affaires étrangères et les formations de la défense de la région. Actuellement des discussions sont en cours pour renforcer les pouvoirs du Parlement de la CEDEAO pour passer progressivement de l’état consultatif dont il bénéicie actuellement à un statut législatif et la responsabilité de co-décision. La Commission de la CEDEAO mène également des actions préparatoires en vue d’une réforme institutionnelle globale. Cette réforme vise ses processus, procédures et systèmes ainsi que le remaniement des ressources humaines. En outre, l’Autorité des Chefs d’État et de Gouvernement a décidé que la Commission composée de neuf membres soit étendue à une Commission de 15 membres. Ces développements sont tous destinés à faire de la Commission un modèle véritable de gestion de l’intégration économique régionale en Afrique. Renforcement des capacités institutionnelles Depuis ses débuts modestes en 1975, la CEDEAO s’est développée au il des années en un ensemble d’institutions complexes. L’expansion a été dictée en grande partie par l’évolution du mandat initial, la dynamique de l’économie mondiale et le changement de structure de l’économie ouest-africaine. De telle façon, la Communauté a évolué en une organisation eficace et durable, plus orientée vers l’intérieur. Elle a noué des alliances avec des partenaires 26 Essien Abel Essien de développement externes et de la synergie avec des organisations gouvernementales et non-gouvernementales régionales (associations d’affaires et des organismes professionnels). Ce développement organisationnel a été soutenu par un degré élevé de capacité institutionnelle. Rappelons que la CEDEAO a été créée pour améliorer, à travers la coopération régionale et l’intégration, la qualité de vie en Afrique de l’Ouest, en dirigeant et en facilitant le développement durable des 15 économies nationales, comme une économie régionale, intégrée et compétitive. Une architecture institutionnelle complémentaire a été mise en place pour assurer le cadre dans lequel le processus d’intégration régionale sera réalisé. Toutefois, la capacité des institutions créées à faciliter l’intégration économique régionale a été essentielle à son succès. Il est donc raisonnable de conclure que la capacité institutionnelle est le moteur principal de la coopération régionale et l’intégration de la CEDEAO. La capacité institutionnelle comprend les processus liés au système de gouvernance, aux systèmes organisationnelles et procédures, au personnel et à l’équipement. Elle inclut la capacité d’augmenter les connaissances, les compétences et les attitudes du personnel, en créant ainsi une organisation fondée sur la connaissance où des conlits internes et des frustrations sont réduits au strict minimum et où la productivité, la culture institutionnelle et la diversité sont mises en valeur. La Communauté dépend de son processus de développement en ce qui concerne la construction de nouvelles capacités, le perfectionnement des capacités existantes et l’adaptation des capacités. Par conséquent, une attention plus grande est désormais accordée aux exigences des capacités nécessaires pour mener davantage les programmes prioritaires. Parmi ceux-ci, les douanes (zone de libre-échange et tarif extérieur commun), la monnaie (une deuxième monnaie régionale et la convergence des politiques macro-économiques), l’énergie (WAPP, ECREEE et le Projet du gazoduc ouest-africain), la consolidation de la paix et de la sécurité régionale (ECPF), l’agriculture (ECOWAP) dans le contexte de la sécurité alimentaire, du développement rural et de la lutte contre la pauvreté et un cadre stratégique global pour soutenir le processus politique. Un certain nombre d’études visant à évaluer les besoins en matière de capacités institutionnelles et à formuler des stratégies pour guider les réformes institutionnelles et le développement des capacités se sont avérées utiles. Ce 27 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest développement est soutenu par des partenaires donateurs dans les domaines de l’assistance technique, le recrutement du personnel et la formation, la révision des règles et règlements administratifs et inanciers, la modernisation des procédures et des systèmes, y compris l’informatisation et le système de budgétisation fondé sur les résultats, ainsi que l’amélioration de la collaboration interinstitutionnelle et la coordination. La transformation du Secrétariat Exécutif en une Commission et la restructuration du Parlement de la CEDEAO, de la Cour de Justice de la CEDEAO et de l’EBID sont des indices supplémentaires en ce qui concerne la nature durable du processus de renforcement des capacités institutionnelles. En dépit de ces développements, le renforcement des capacités institutionnelles n’a pas connu d’appropriation importante au sein des institutions de la Communauté. En effet, les nombreuses initiatives de renforcement de capacités n’ont pas été entièrement mises en œuvre. Par conséquent, leur impact souhaité doit encore se faire sentir. Au sein de la Commission, des méthodes de travail et des processus de deux départements techniques et de soutien, y compris l’utilisation des applications des ICT, ne se sont pas améliorés de manière signiicative. Un système de planiication et de programmation n’a pas encore été mis en place et le programme budgétaire n’est pas destiné à un système de gestion axée sur les résultats. L’enracinement de la rélexion stratégique pour résoudre ces problèmes est une condition nécessaire pour faire des progrès en ce qui concerne le processus d’intégration économique au sein de la Communauté, en intégrant la Communauté elle-même dans le marché mondial. Dans les années à venir, un paquet plus cohérent et complet est prévu pour soutenir le processus de développement des capacités institutionnelles. Ce serait guidé par ce qui suit : • Reconnaissance du fait que le processus est à long terme et en devenir et doit être conçu dans le cadre du plan stratégique global et dans un plan d’action à moyen terme, • Reconnaissance que la gouvernance, la transparence et la responsabilité dans le domaine du renforcement des capacités institutionnelles restent essentielles à la mise en œuvre des programmes régionaux, 28 Essien Abel Essien • Le développement des capacités institutionnelles de la CEDEAO pour le renforcement la rélexion stratégique et pour l’établissement une orientation stratégique qui mène à l’application effective des programmes régionaux, • L’établissement d’une culture d’excellence comme une plate-forme essentielle pour la transformation de ces institutions en une culture de base de connaissances et transformer le personnel en un pilier du processus de développement régional, • La mise en place d’une approche objective et participative au processus de développement institutionnel pour attirer l’appropriation, l’acceptabilité et la durabilité, • La priorisation et synchronisation du développement des capacités institutionnelles pour répondre aux déis de la nouvelle transformation, • Le développement des compétences de travail en équipe, relations interdépartementales, la gestion du temps et des connaissances en informatique pour atteindre une plus grande eficacité opérationnelle, • La subsistance de la capacité institutionnelle, en faisant le soutien logistique et matériel un élément essentiel du processus de renforcement des capacités, • Clarté et cohérence dans les politiques et procédures de gestion, ceuxci étant les principaux sujets stratégiques susceptibles de promouvoir le développement institutionnel. Situation actuelle de l’intégration économique régionale Une évaluation de l’état actuel de la marche de l’intégration économique régionale en suivant la vision de la CEDEAO serait à faire en fonction du programme du marché commun, de l’intégration monétaire, de la paix et de la sécurité et de l’objectif de développement durable. Programme du marché commun La décision en 2006 concernant l’adoption d’un tarif extérieur commun a été une étape décisive pour mettre sur la bonne voie le programme du marché 29 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest commun. Les tarifs ont été ixés en 4 catégories. Le Nigeria a demandé une 5ème catégorie tarifaire, et les discussions sur la création d’une union douanière qui précéderait le marché commun se sont presque terminées. Une fois terminées, il y aurait une liberté totale des facteurs de production et des politiques communes sur la réglementation des produits. Avec les frontières des États membres déterminant la limite du système inancier national dans la région, les intermédiaires inanciers dans la Communauté souffrent de « dés-économies d’échelle ». Si les banques nationales des États membres restent isolées et ne fonctionnent que dans leurs économies domestiques, elles sont peu susceptibles de survivre à la concurrence accrue que l’entrée de banques étrangères introduit actuellement dans la région. L’intégration des marchés inanciers régionaux, soutenue par des institutions appropriées et des stratégies de mise en œuvre, permettrait d’améliorer l’échange de biens et de services, la mobilisation des ressources (à la fois nationales et internationales), l’allocation eficace des facteurs de production et la diversiication des risques dans les instruments inanciers des États membres. La CEDEAO développe un mécanisme de paiement et de règlement transfrontalier, une agence de compensation et une base de données concernant la compensation des crédits. Des efforts d´intégration du marché des capitaux et de l’assurance des entreprises sont également en cours. L’abolition des visas et des permis d’entrée pour les voyages intracommunautaires a été mise en vigueur avec grand succès. Ceci a pour but de faciliter le commerce et l’intégration du marché du travail. L’introduction du passeport biométrique est une nouvelle initiative qui facilitera la libre circulation. L’organisation régulière d’une foire commerciale régionale, d’expositions et d’événements similaires a contribué à l’approfondissement de l’intégration commerciale. Les négociations de l’APE entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union européenne sont en cours. Elles couvrent le partenariat commercial pour le développement durable, la politique commerciale et les questions liées au commerce. Elles débouchent sur une mise à l’échelle du développement des infrastructures dans tous les domaines pour soutenir le commerce intracommunautaire. 30 Essien Abel Essien Intégration monétaire Une approche à deux volets de l’intégration monétaire a été proposée par les Chefs d’État et de Gouvernement, à Lomé (Togo), en décembre 1999. A côté de cette approche, une seconde zone monétaire, la Zone monétaire ouestafricaine (WAMZ), comprenant la Gambie, le Ghana, la Sierra Leone, la Guinée, le Nigeria, et récemment le Libéria, a été créée. Une institution intermédiaire connue sous le nom d´« Institut monétaire ouest-africain » (WAMI) a été créée pour mener des activités préparatoires qui mèneraient à une union monétaire de ses membres. Cette union monétaire serait caractérisée par une banque centrale commune et une monnaie unique. Le lancement de la monnaie unique de la WAMZ a connu trois reports, en 2003, 2005 et 2009. Les motifs principaux de ces reports étaient généralement les mêmes. Ils comprennent : • La mauvaise performance macroéconomique : la persistance de la domination inancière, une forte inlation et de faibles niveaux d’accumulation de réserves de change, • L’incapacité des pays à respecter les critères de convergence, • L’absence d’infrastructures nécessaires (système de paiement), • Faible harmonisation des politiques, • Des variations importantes dans les normes statistiques, • Le manque d´un programme d’intégration du commerce, • Les politiques économiques nationales restent en contradiction avec les objectifs de la WAMZ. Le Conseil de Convergence de la CEDEAO, comprenant les ministres des inances et les gouverneurs des banques centrales des États membres, a approuvé, le 25 mai 2009, une feuille de route révisée pour la réalisation d’une monnaie unique pour l’Afrique de l’Ouest d’ici 2020. L’approbation a suivi l’adoption du rapport du groupe de travail inter-institutionnel sur la monnaie unique de la CEDEAO qui articule une stratégie concise, claire et globale pour la réalisation d’une monnaie unique pour la région. La feuille de route décrit les activités à entreprendre avant la nouvelle date, y compris l’examen et 31 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest l’harmonisation des critères de convergence, l’harmonisation des statistiques, les politiques nationales et les cadres juridiques, comptables et statistiques des inances publiques. Entre 2009 et le premier trimestre de 2013, la feuille de route envisageait l’harmonisation du cadre réglementaire et de surveillance des banques et d’autres institutions inancières, la mise en place d’une infrastructure de système de paiement pour les transactions transfrontalières, la réalisation de l’infrastructure du système de paiement en Guinée, en Gambie et en Sierra Leone et l’achèvement de l’intégration en cours des marchés inanciers de la région. En 2014, il est prévu que les instruments juridiques pour la création de la WAMZ soient ratiiés, suivis dans la même année par la création d’une banque centrale de la zone WAMZ, le Secrétariat WAMZ et l’Agence de surveillance inancière ouest-africaine. Une union monétaire serait alors réalisée en ou avant 2015 et la monnaie commune serait introduite en janvier 2015. Cela serait suivi par le retrait des monnaies nationales des États membres constitutifs. Par la suite, les processus de la fusion des deux monnaies en une monnaie unique commenceront, y compris l’introduction d’un Acte Additionnel au Traité révisé de la CEDEAO ain de fournir un instrument juridique pour l’union monétaire précédente, trois ans avant le lancement de la monnaie unique. Cela aboutira à l’introduction d’une monnaie régionale en 2020, précédée par le lancement de l’union monétaire, la création d’une banque centrale régionale et enin le retrait des monnaies zonales. Pour atteindre ces objectifs et maintenir l’engagement dans la feuille de route, les États membres ont été invités à mettre en œuvre des politiques économiques et inancières prudentes visant à atténuer l’impact des crises économiques et inancières mondiales sur leurs économies, en particulier le secteur vulnérable de la inance, et à poursuivre des politiques budgétaires et monétaires appropriées alors qu’ils mettent en œuvre des politiques structurelles et institutionnelles rigoureuses sous l’égide du Mécanisme de surveillance multilatérale de la CEDEAO. La Commission de la CEDEAO a été tenue de continuer à collaborer avec d’autres institutions régionales et les États membres participant à la PCMC pour assurer la mise en œuvre rapide et effective de la feuille de route et pour assumer l’appropriation de l’initiative de la monnaie unique, pour prescrire des 32 Essien Abel Essien normes minimales dans la stratégie commune qui impliquera l’harmonisation au niveau sous-régional des différentes composantes. Le Cap-Vert et le Libéria, les deux États membres qui ne sont ni membres de la zone CFA, ni dans la WAMZ, ont été invités à se joindre à l’une des deux zones monétaires. Les nouvelles dates de 2015 pour la monnaie unique dans la WAMZ et 2020 pour la CEDEAO sont fondées sur un programme de convergence des politiques macroéconomiques qui est mis en œuvre dans le cadre d’un mécanisme de surveillance multilatérale. Il y a eu des améliorations limitées à remplir les critères ixés, même si certains pays ont amélioré leur performance sur l’échelle de convergence. La Paix régionale, la sécurité et le développement durable La restauration et le maintien de la paix et de la sécurité dans la sous-région à travers l’ECOMOG, du Bureau Zonal nouvellement créé et d’autres mécanismes de paix et de résolution des conlits sont les principales réalisations notables de la CEDEAO. Le maintien de la gouvernance et des valeurs démocratiques dans tous les États membres de la CEDEAO est vigoureusement poursuivi, à l’exception de quelques cas de crises constitutionnelles. La promotion du développement durable, en particulier dans le contexte économique et social, s’est concentrée sur l’amélioration de la compétitivité, de la diversiication et de la croissance stimulée. Le développement/interconnexion d’infrastructure pour soutenir l’intégration économique et améliorer la compétitivité reçoit également une attention considérable. Une approche régionale pour atténuer la crise alimentaire est mise en place autour des trois axes suivants : l’accélération et l’augmentation durable de la production alimentaire ; la restructuration et la régulation du marché agricole ; la garantie de la sécurité alimentaire et la nutrition, en particulier pour les groupes vulnérables de la population. 33 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest Amélioration du climat des affaires et des investissements nécessaires à l’intégration La CEDEAO maintient le dialogue politique avec les acteurs concernés comme un moyen d’améliorer le climat des affaires et des investissements dans la région. Le Forum des Affaires de la CEDEAO fournit au secteur privé l’opportunité de présenter ses produits et de créer des réseaux. Des règles d’investissements régionales, un cadre politique et un code communautaire des investissements ont été adoptés. L’harmonisation du droit des affaires est en cours pour améliorer le climat d’affaires. Un indicateur rapportant et surveillant le climat d’investissement ainsi que des infrastructures garantissant et réassurant des investissements sont actuellement mis en place. Ain d’atténuer l’impact négatif de la crise énergétique, l’accès à l’énergie durable et abordable demeure une priorité du programme énergétique de la Communauté. La mise en œuvre de projets de production et d’interconnexion prioritaires à travers le Pool Énergétique de l´Afrique de l´Ouest (WAPP) et le Centre de la CEDEAO pour les énergies renouvelables et des ressources énergétiques (ECREEE). Cela est lié à la reconnaissance de ressources énergétiques considérables de la région et les vastes possibilités pour améliorer son eficacité. Ces institutions concevront des projets qui permettraient d’atténuer les déis interdépendants de l’accès à l’énergie, la sécurité et le changement climatique. Repenser la coopération de la CEDEAO et l’agenda d’intégration Apprentissage et adaptation au cours du processus La CEDEAO en tant que groupement régional de 15 États membres a fait face à plusieurs déis. Cependant, elle a continué à bénéicier de l’expérience d’autres groupements régionaux à l’aide d’un programme continu d’évaluation et d’analyse comparative. Cela facilite la connaissance des lacunes à éliminer et incite à la rélexion sur les démarches d’action/stratégies nécessaires pour atteindre les objectifs. 34 Essien Abel Essien Les domaines principaux sont nombreux et variés et comprennent l’évaluation de la capacité de la CEDEAO à gérer : • La coopération et l’intégration régionale, • La coordination, la collaboration et la coopération de la gouvernance, la prévention, gestion et résolution des conlits, • La performance économique, l’intégration économique et monétaire et de la compétitivité de l’environnement des affaires, • Le développement social et humain, • Les infrastructures. Les leçons principales ont été la reconnaissance du fait que les activités de la CEDEAO transcendent plusieurs frontières, institutions et groupes d’intérêt ; que l’environnement externe et interne continuera à changer ; et qu’il existe la nécessité d’innover, d’allonger et d’étendre la gamme de ses capacités et fonctions. La paix et la sécurité continueront d’être la base du développement durable. De telle façon, une amélioration considérable (dans son architecture et sa conception des politiques, ses pratiques, ses processus et ses cadres de mise en œuvre) qui permettrait aux activités dans la région d’être menées dans une atmosphère paisible et sécurisée est primordiale. La promotion du dialogue comme moyen de résolution des conlits et le respect pour le principe fondamental de la bonne gouvernance sont des principes qui doivent être préservés. L’intégration économique et monétaire continue le long de ses étapes classiques et suit la phase logique proposée par la théorie. La poursuite simultanée d’une union douanière, un marché unique et une union monétaire pourraient mettre beaucoup de pression sur les ressources disponibles. Une condition nécessaire pour assurer la viabilité d’une union monétaire reste la réalisation d’une convergence structurelle et politique, de manière durable. Le renforcement des capacités institutionnelles est un des moteurs importants de l’intégration régionale. Tous les processus liés à un système de gouvernance, des systèmes et procédures d’organisation, le développement des capacités pour les institutions de la CEDEAO et leur autonomisation, en particulier la 35 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest Commission, créeront une eficacité dans la gestion des programmes de coopération et d’intégration régionaux. La région doit revoir son organisation institutionnelle pour la rendre plus eficace et durable. La région entretient des relations bilatérales avec d’autres pays et s’appuie sur la bonne volonté et la participation des institutions multilatérales, des groupements régionaux et d’autres partenaires de développement, en veillant à ce que ses plans et programmes aient de la profondeur en termes de couverture, contenu et inancement. Il est donc important que ces programmes bénéicient de l’acceptabilité internationale et qu’ils inissent par avoir des effets positifs sur la région. La Vision 2020 de la CEDEAO et le Plan stratégique communautaire En dépit de ces engagements régionaux, le développement continue d’échapper à la région. La CEDEAO reste l’une des régions les plus pauvres de la planète avec une misère humaine omniprésente et une pauvreté endémique et apparemment insoluble. Beaucoup de programmes nationaux et régionaux n’ont pas donné d’impacts appréciables sur le développement ou sur une amélioration des conditions de vie des citoyens de la Communauté. Ce mauvais résultat a été aggravé par l’absence d’efforts perceptibles pour internaliser et intégrer la dimension régionale dans les programmes nationaux de développement, réduisant ainsi les impacts de la croissance des initiatives régionales. Par exemple, il y a très peu de preuves visibles au niveau national d’un effort conscient d’adapter et d’appliquer les politiques et les instruments régionaux en complément des politiques nationales. Tout aussi troublante est l’absence de toute tentative soutenue de planiication régionale du développement à long terme. Une dimension régionale ou un cadre régional sont presque inexistants dans les programmes nationaux de développement. Convaincus des inconvénients de petites économies balkanisées au 21e siècle au sein d’un village planétaire de plus en plus concurrentiel, les dirigeants de la CEDEAO ont continué à chercher des moyens plus réalistes pour intégrer des approches régionales ain d’atteindre et maintenir le développement. Il est allégué que l’un des nombreux facteurs, retenant les décideurs de s’identiier et de s’engager de manière proactive dans une l’approche régionale, est 36 Essien Abel Essien l’absence d’un cadre régional commun de référence pour guider dans une dimension régionale à la préparation des plans nationaux de développement et de leur donner un champ d’application régional. Ce cadre essentiel a été fourni par les Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO sous la forme d’une vision commune et partagée de l’avenir de l’Afrique de l’Ouest. La conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO a réafirmé son engagement à améliorer le processus d’intégration régionale et à renforcer son eficacité par une résolution visant à introduire, en juin 2007, une Vision 2020 de la CEDEAO, qui prévoit d’ici 2020, de « créer une région sans frontière, prospère, où règnent la paix et l’harmonie, s’appuyant sur une bonne gouvernance et où les populations peuvent avoir accès aux énormes ressources et les mettre en valeur. Et ce, à travers la création d’opportunités pour un développement durable et la préservation de l’environnement ». En se réorientant pour adopter une vision régionale commune visant le peuple, les dirigeants de la CEDEAO reconnaissent que les efforts du développement et leurs échecs antérieurs ont été dominés par les gouvernements et leurs agents. En croyant fermement que le développement de l’Afrique de l’Ouest peut être le mieux réalisé en travaillant ensemble dans le cadre d’une « CEDEAO des peuples », les Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO ont exprimé la volonté d’une sous-région commune en adoptant une vision qui remplace l’actuel « CEDEAO des États » par une « CEDEAO des peuples ». La Vision 2020 de la CEDEAO vise à établir une orientation claire et à augmenter considérablement le niveau de vie de la population grâce à des programmes conscients et inclusifs qui garantiront un avenir radieux pour l’Afrique de l’Ouest et détermineront le destin de la région pendant de nombreuses années à venir. La Vision reconnaît l’impératif de rendre le processus d’intégration plus « centrée sur les citoyens ». À cet égard, le Président de la Commission de la CEDEAO s’est engagé à mobiliser les citoyens de la région pour la vision, et d’aider à l’atteindre d’ici 2020. Il est encourageant de constater que le processus de visualisation a réalisé des progrès considérables, aboutissant à la formulation et à la préparation d’un document de vision qui déinit une stratégie à long terme pour l’intégration régionale. Le Plan stratégique communautaire (CSP) qui déinit les stratégies pour atteindre les principes de la Vision a été également développé. Le Plan stratégique repose sur les piliers déinis dans le Traité. Les piliers prévoient que la région 37 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest doit rester paciique, stable et sécurisée, basée sur une concurrence loyale et sur l’équité au sein de/et entre ses membres. Les politiques qui créent ce système concurrentiel stable sont, à leur tour, réalisées par le développement durable, la coopération et un processus d’intégration qui a une perspective mondiale, renforcées par une forte capacité institutionnelle et promues par la reconnaissance et le respect de la bonne gouvernance pour que la région puisse équitablement et justement proiter des avantages de la coopération économique et de l’intégration. Il est peut-être trop tôt pour évaluer la performance de la région dans le cadre du nouveau plan. Cependant, une analyse critique montre des améliorations dans les domaines suivants : • La conception et la mise en œuvre du programme, • Regain d’optimisme en ce qui concerne la réalisation du programme d’intégration, • Clarté dans les objectifs de l’organisation, • Prise de conscience des ressources de l’organisation et des stratégies de mobilisation des ressources, • La sensibilisation consciente à un environnement dynamique lors de la mise en œuvre de la Vision et du CSP, • Connaissance approfondie des écarts du développement économique qui doivent être comblés, • Rélexion sur les étapes d’action/stratégies nécessaires ain d’atteindre les principes de la Vision. Déis persistant et conclusion Déis persistant Le chemin de la coopération économique et de l’intégration régionale peut être décrit comme tortueux. Bien que des gains importants aient été enregistrés, il y a eu des problèmes ; certains de ces déis peuvent être le mieux décrits comme 38 Essien Abel Essien des déis persistants, refusant de disparaître malgré les efforts engagés pour y remédier. L’existence et la persistance des obstacles non tarifaires au commerce ont affaibli l’intensité des échanges dans la région. Il s’agit d’une des raisons pour laquelle le commerce intra-régional de la CEDEAO a pris du retard sur d’autres régions d’Afrique. Des échanges inter-étatiques, la création de marchés plus vastes, plus attrayants et la récolte des économies d’échelle sont les conditions nécessaires pour l’approfondissement de l’intégration commerciale. La promotion de la convertibilité monétaire régionale donnera l’impulsion nécessaire au commerce intra-régional. Le déicit d’infrastructures est très répandu. D’autres sources pour le inancement des infrastructures et une stratégie inancière claire et novatrice sont nécessaires pour combler le fossé. Malgré le fait qu’il existe un Protocole sur la libre circulation et le droit d’établissement, ce Protocole a été souvent contrevenu. De nouveaux instruments et institutions sont nécessaires pour arriver à un mécanisme viable ain d’opérationnaliser le contenu inscrit dans le Protocole. La réalisation d’une union monétaire continue d’être insaisissable ; l’année 2015 ixée pour le lancement de l’ECO, la monnaie de la seconde zone monétaire, connue sous le nom de la WAMZ, est dans l’impasse. Cependant, il a été dificile pour les États membres de la WAMZ de répondre aux critères de convergence sur une base continue. Malgré les taux de croissance élevés enregistrés au cours des trois dernières années, la domination inancière et la forte inlation se sont combinées pour créer en effet une divergence. L’harmonisation de la politique et des statistiques macro-économiques sont encore un projet pour l’avenir, tandis que l’infrastructure du système de paiement demeure encore rudimentaire. La convergence structurelle, une condition nécessaire à l’introduction d’une monnaie unique, n’a pas suscité d’attention sufisante. L’existence de deux zones monétaires ayant deux régimes différents de politique monétaire est un autre obstacle à la réalisation d’une monnaie unique. Par conséquent, le nouveau critère de convergence qui stipule une cible d’inlation de cinq pour cent est quelquefois remise en cause par des pays hors de la zone CFA. Ce n’est pas sans raison car la réalisation d’une inlation de cinq pour cent 39 Un rapport sur l’intégration en Afrique de l’Ouest par les pays non-CFA est dificile à atteindre. Cela pose également la question de la vitesse optimale ou du seuil d’inlation nécessaire pour assurer la viabilité d’une union monétaire. Il est important pour la CEDEAO de continuer à œuvrer à la politique et la convergence structurelle et de cesser d’être trop préoccupée par l’objectif des dates ixées. En l’absence de convergence structurelle, une union monétaire ne peut être durable que si les conditions nécessaires sont remplies ex-ante. Une réelle volonté de créer un certain niveau de souveraineté et de protectionnisme, qui puisse vraiment intégrer une région, est absente. La passion de l’identité territoriale et coloniale n’a pas réussi à céder la place à la pan-territorialité et au régionalisme. Les États membres de la CEDEAO doivent se rendre compte qu’en tant que membres d’un groupement régional, ils sont eux-mêmes liés par des accords, implicites ou explicites, qui fournissent un contrôle sur la politique et limitent la débauche tout ain d’assurer que les objectifs de la région remplacent les objectifs nationaux. Remarques inales Un secteur dynamique informel où une véritable intégration économique se déroule, est en plein essor dans la région. Un mécanisme pour formaliser le secteur informel aurait un long chemin à faire ain d’approfondir l’intégration commerciale. L’implication du secteur privé dans le processus d’intégration le rendrait plus durable. La région a besoin de développer un modèle de reprise économique qui fonctionne, tout en pensant à travers son organisation institutionnelle, en gardant à l’esprit que les institutions sont les moyens par lesquels les politiques régionales sont administrées et transmises. L’intégration économique régionale permet d’espérer créer une Afrique de l’Ouest sans pauvreté, prospère et paciique. Beaucoup a été accompli au cours des dernières années, mais des déis importants subsistent dans la réalisation de l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest. 40 Essien Abel Essien Bibliographie Essien, A. E. et Egbuna, E. N., 2002. Regional Integration, Spill-Over Effects and Market Size : Implications for Growth in the ECOWAS Sub-Region. West African Journal of Monetary Integration, 2(2), pp.29-45. Nnanna, O. J., Essien, E. A., Onwioduokit, E. A. et Adamgbe, E. T., 2007. Empirical Evidence of the Beneits of Economic and Monetary Integration in the West African Monetary Zone. West African Journal of Monetary and Economic Integration, 7(2). Essien Abel Essien, et al., 2007. Cost and Beneit of Monetary Integration in West Africa. Study by the West African Monetary Institute, Accra : West African Monetary Institute. ECOWAS Commission, 2010. The Regional Strategic Plan (2011-2015). ECOWAS Commission : The ECOWAS Vision 2020. ECOWAS Commission, 2011 : The Regional Medium Term Action Area. E.G. Popkova, J.O. Egbe, S.E. Akopov et S.N. Popovsky (2012) : The Integration of Economic Monetary Policy Systems of West African States : Positive or Negative Implications. Business & Entrepreneurship Journal, 1(1), pp.1-12. 41 Tony Chafer/Edward Stoddard Tony Chafer/Edward Stoddard L’UE, la CEDEAO et les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest La convention de Lomé avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Paciique (ACP) fournissait le cadre pour la coopération de l’Union européenne (UE avec l’Afrique jusqu’en 2000 ; le point de mire de cette convention était le commerce et la coopération au développement, même si la dimension politique avait gagné de plus en plus d’importance sous Lomé IV (1990-2000) en mettant l’accent sur les droits de l’homme, la bonne gouvernance et les conditionnalités politiques. Donc jusqu’en 2000 les relations de l’UE avec la Communauté Économique de l´Afrique de l´Ouest (CEDEAO) étaient fondées sur cette convention, qui a été substituée par l’accord de Cotonou en 2000. Toutefois, après le premier sommet Afrique-UE au Caire, en 2000 l’accord de Cotonou n’était plus le seul cadre pour son interaction avec l’Afrique. Le sommet du Caire a lancé un cadre exhaustif pour le dialogue politique entre l’UE et l’Afrique et a mis en place un plan d’action concernant toute une panoplie de questions, que sont : l’intégration régionale en Afrique ; l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale (commerce, développement du secteur privé, investissement, ressources du développement, infrastructure industrielle, recherche et technologie, dettes et coopération dans des forums internationaux) ; les droits de l’homme, les principes et institutions démocratiques, la bonne gouvernance et l’État de droit, notamment le rôle de la société civile, les migrations, les réfugiés etc. ; la consolidation de la paix, la prévention, gestion et résolution des conlits, y compris le désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), le terrorisme, les armes légères et de petit calibre, les mines antipersonnel, la non-prolifération et la reconstruction au lendemain des conlits) et les questions de développement, notamment les déis du développement durable, l’éradication de la pauvreté, la santé, l’environnement, la sécurité alimentaire, la consommation et le traic de stupéiants. L’agenda du Caire a établi les priorités, 43 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest sur la base desquelles le partenariat entre l’UE et l’Afrique se développerait. Cela s’est transformé en une convergence croissante d’intérêts, bien qu’il y ait toujours eu des différences entre l’UE, les États africains et les organisations régionales à l’égard des priorités identiiées : alors que les Européens attachent une importance croissante à des questions de paix et de sécurité, les Africains tendent à mettre l’accent sur les aspects commerciaux et économiques du partenariat. Par conséquent, les questions de sécurité sont au cœur de la politique de l’UE à l’égard de l’Afrique depuis la in des années 90. Cette orientation a été conirmée comme prioritaire par la création d’une nouvelle architecture de sécurité dans le contexte de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) à la suite de la déclaration historique sur la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense à Saint-Malo en 1998 et l’adoption et de la Stratégie européenne de sécurité en décembre 2003.1 La Stratégie, sur laquelle le Royaume-Uni et la France ont exercé une inluence déterminante (voir ci-dessous), établit le cadre conceptuel pour la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), qui allait devenir plus tard la Politique de sécurité et défense commune (PSDC). Elle a identiié cinq nouveaux scénarios de menace – le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, les conlits régionaux, la déliquescence des États et la criminalité organisée – et a mentionné l’Afrique de l´Ouest comme un domaine particulier de préoccupation. Elle a été suivie par la création de la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique (APF), qui permet à l’UE d’utiliser les ressources inancières du Fonds européen de développement (FED) pour renforcer la capacité de l’Union Africaine, et des organisations sous-régionales du continent telles que la CEDEAO, à mener des opérations de maintien et de soutien de la paix. Le Royaume-Uni et la France ont joué un rôle fondamental dans les négociations qui ont mené à son introduction.2 1 La Stratégie Européenne de Sécurité du 21 décembre 2003. Une Europe Sûre dans un Monde Meilleur [PDF]. Disponible en ligne : http://www.eeas.europa.eu/csdp/about-csdp/europeansecurity-strategy/ [Consulté le 9 août 2013]. 2 Communication personnelle, fonctionnaire britannique, Bruxelles 2009. 44 Tony Chafer/Edward Stoddard Parallèlement à cette évolution, l’accord de Cotonou révisé3 et le Consensus européen sur le développement (2005),4 dans l’élaboration desquels le Royaume-Uni et la France, avec l’Allemagne en tant que plus grand donateur au FED, ont joué un rôle de premier plan, soulignent l’importance des liens entre sécurité, développement et gouvernance. Spéciiquement sur les questions de paix et de sécurité, le Conseil de l’UE a publié en 2006 ses « Conclusions sur le renforcement des capacités africaines en matière de prévention, de gestion et de résolution des conlits », qui ont mis en évidence le besoin pour les activités, inancées dans le cadre de l’APF d’être complétées par les activités entreprises dans le cadre d’autres instruments de l’UE appropriés, notamment les PESC et PESD, et d’une cohérence des premières avec les secondes.5 De la sorte, la nécessité de l’UE de coordonner ses efforts dans ce domaine est explicitement reconnue. Ces liens entre sécurité, développement et gouvernance ont été encore renforcés par l’adoption ultérieure des stratégies régionales de l’UE, telles que celle pour l’Afrique, qui établit les domaines d’action prioritaires pour le déboursement des fonds du FED. Dans le cadre du budget régional (2008-2013), une priorité essentielle a été accordée à « l’approfondissement de l’intégration régionale », à la consolidation de la bonne gouvernance et de la sécurité régionale et le soutien aux acteurs non étatiques.6 En 2011, l’UE a également adopté sa « Stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel », qui afirme dans son premier paragraphe que ces deux aspects ne peuvent pas être séparés et que l’aide à ces pays, ain qu’ils puissent assurer leur sécurité, est essentiel pour permettre à leur économie de croître et pour réduire la pauvreté. Deuxièmement, en ce qui concerne l’objectif de la sécurité 3 ACP/European Union, 2010. The Cotonou Agreement (Revised Version) [PDF]. Disponible en ligne : http://ec.europa.eu/europeaid/where/acp/overview/documents/devco-cotonou-consoleurope-aid-2012_en.pdf [Consulté le 9 août 2013]. 4 Déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis aus sein du Conseil, du Parlement européen et de la Commission sur la politique de développement de l´Union européenne intitulée « Le Consensus européen ». (2006/C 46/01) [PDF]. Disponible en ligne : http://ec.europa.eu/development/icenter/repository/european_ consensus_2005_fr.pdf [Consulté le 9 août 2013]. 5 Council Conclusions of 13 November 2006 on Strengthening African Capabilities for the Prevention, Management and Resolution of Conlicts [PDF]. Disponible en ligne : http://www. consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/Capabilities_Africa_20.11.pdf [Consulté le 19 août 2013]. 6 Communauté Européenne – Afrique de l’Ouest, 2008. Document de stratégie régionale et programme indicatif régional 2008-2013. 45 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest et du développement au Sahel, seule une coopération régionale plus étroite peut l’atteindre.7 Historiquement parlant, l’intégration régionale a été promue comme un moyen d’établir des systèmes d’États plus iables, libéraux et prospères au plan international et celle-ci est vue comme étant essentielle pour la sécurité et pour le développement économique. A cet égard, l’Afrique de l´Ouest n’est pas une exception et l’UE s’est effectivement engagée à promouvoir un accord de partenariat économique (APE) avec la CEDEAO. L’UE considère la coopération avec des organisations régionales comme une façon de stimuler l’économie avec et entre les États africains, réduire la pauvreté, appuyer le développement économique et garantir la paix et la sécurité. En outre, la dimension régionale de la coopération avec les pays ACP augmente de plus en plus. Les révisions de l’accord de Cotonou apportées en 2010 ont ajouté les « organisations sous régionales » au groupe des acteurs primordiaux oficiellement reconnus comme impliqués dans les relations entre les pays ACP et l’UE, et ont expressément mentionné le rôle des organisations sous-régionales, telle que la CEDEAO. En Afrique de l´Ouest, particulièrement, l’UE considère la coopération avec la CEDEAO comme un moyen de parvenir à plusieurs objectifs politiques liés entre eux, notamment une plus grande intégration économique et politique, la bonne gouvernance et la stabilité régionale. Toutefois, d’un point de vue académique, l’analyse de l’interaction multiforme et dynamique de deux blocs régionaux englobant 43 États et plus de 800 millions d’habitants représente un déi intellectuel. Un tel déi appelle une grande attention à la dynamique historique et aux nouvelles tendances dans l’interaction entre les deux régions et un groupe de références conceptuelles qui aident à analyser une réalité empirique complexe. Dans cet article, nous analysons brièvement un certain nombre de questions concernant les relations de l’UE avec la région de la CEDEAO et offrons une série de points de référence conceptuels en nous concentrant sur les acteurs primordiaux impliqués dans des dimensions différentes des relations entre la CEDEAO et l’UE, sur la légitimité et l’action de l’UE, sur les objectifs européens et ouest-africains et sur les enjeux majeurs auxquels l’UE doit faire face dans le cadre de son engagement vis-à-vis de la région. 7 European Union Strategy for Security and Development in the Sahel, 2011 [PDF]. Disponible en ligne : http://www.eeas.europa.eu/africa/docs/sahel_strategy_en.pdf [Consulté le 9 août 2013]. 46 Tony Chafer/Edward Stoddard Acteurs L’une des premières questions à se poser dans l’analyse de l’interaction entre des conigurations régionales telles que la CEDEAO et l’UE concerne les acteurs pertinents. Naturellement, les relations entre l’UE et la CEDEAO au sens strict concernent l’activité des institutions respectives de chaque entité régionale dans les domaines politiques, dans lesquels les États membres ont convenu de mettre en commun leur souveraineté. Cependant, dans la pratique, les relations entre l’UE et la CEDEAO existent dans le contexte des relations plus larges entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest qui se concentrent sur l’interaction d’un certain nombre d’États membres (notamment, mais pas exclusivement, la France et le Royaume-Uni) avec les États de la région. L’UE elle-même note le grand nombre d’acteurs différents impliqués dans l’interaction régionale entre l’UE et l’Afrique de l´Ouest, parmi lesquels des États, des organisations régionales et des acteurs non étatiques tels que des entreprises privées et la société civile (Accord de Cotonou, art. 16). On pourrait ajouter à cette liste les groupes d’acteurs non-oficiels tels que les mouvements insurrectionnels, les groupes de contrebande et piraterie et les organisations terroristes. En effet, l’interaction entre les deux régions concerne une « mêlée » d’acteurs différents qui ont des intérêts différents et souvent contradictoires. Une zone principale de tension concerne l’équilibre entre les acteurs supranationaux respectifs (par exemple, du côté de l’UE entre la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure) et les États membres. C’est ici que le concept d’autonomie relative peut s’avérer utile. Dans la science politique marxiste, l’autonomie relative fait référence à l’autonomie dont le pouvoir national jouit par rapport à la base capitaliste dans un État donné. Toutefois, dans le contexte de l’interaction inter-régionale, il serait bénéique de remettre en cause le degré d’autonomie que les institutions supranationales possèdent par rapport à leurs États membres dans des domaines politiques donnés. Le niveau de cette autonomie relative est susceptible de varier considérablement en fonction du secteur politique. Par exemple, du côté de l’UE, Parello-Plesner et Ortiz de Solorzano (2013) attirent notre attention sur le fait que la Commission européenne possède un haut degré d’autonomie et contribue à l’élaboration des politiques en matière de commerce et de politique de développement. Par contre, les intérêts de la France et du Royaume-Uni ainsi que la coopération entre les deux États dans le domaine de la défense et 47 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest de la sécurité sont d’une importance primordiale (Chafer et Cumming, 2010). En premier lieu, ces problèmes sont importants, car ils abordent la « question de Kissinger » de savoir à qui les acteurs de la politique étrangère devraient s’adresser, et, d’autre part, parce que les divisions entre les États membres et entre les États membres et les institutions supranationales pourraient s’avérer être des faiblesses pouvant être exploitées par l’autre camp. Le rôle des institutions européennes n’est qu’une partie de cette question : l’engagement de l’UE en Afrique de l’Ouest ne peut être envisagé sans mettre l’accent sur les actions et les interactions, particulièrement, des principaux États membres de l’UE. La France et le Royaume-Uni en Afrique de l’Ouest : vers la convergence En Afrique de l’Ouest, le Royaume-Uni et la France se sont retrouvés, à partir des années 70, face à deux organisations régionales rivales, l’une francophone et l’autre englobant tous les États dans la région; les deux coexistaient et rivalisaient d‘inluence. L’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) est directement issue de la fédération coloniale de l’Afrique occidentale française. Les États membres, étant tous francophones (Côte d’Ivoire, Haute-Volta [aujourd’hui le Burkina Faso], Mali, Niger, Sénégal, Togo, puis le Bénin qui a adhéré à l’union en 1984), ont ensuite signé un traité en 1973 et créé l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA). Tous ces pays font partie de la zone franc, dont la monnaie, le franc CFA, était ancré au franc français à un taux ixe et garanti par la Banque de France. Ensuite, en 1975, une nouvelle organisation régionale a été créée à l’initiative du Nigéria à la suite de la guerre civile du Biafra. Ayant son siège au Nigéria, la CEDEAO regroupait tous les pays – francophones, anglophones et lusophones – de l’Afrique de l’Ouest, y compris le Cap-Vert, et disputait l’inluence à l’UMOA (qui est devenue UEMOA en 1994), promue par l’autre puissance économique importante de la région, la Côte d’Ivoire. Cet héritage historique d’institutions régionales rivalisant entre elles constituait un obstacle majeur pour la convergence franco-britannique; la France ayant déployé des efforts considérables pour appuyer l’UEMOA, tandis que les deux pays avaient des liens très limités avec la CEDEAO. Ceci était clairement illustré par le fait que le Royaume-Uni et la France étaient en grande 48 Tony Chafer/Edward Stoddard partie des spectateurs alors que la CEDEAO s’était impliquée au Libéria dans les années 90. Par conséquent, jusqu’à la in du siècle dernier, le Royaume-Uni mettait l’accent de son engagement en Afrique de l’Ouest sur le Nigéria,8 tandis que l’engagement français se concentrait sur les pays de l’UEMOA.9 La décision française d’abandonner son soutien au président libérien Charles Taylor et la situation de plus en plus grave en Côte d’Ivoire à partir de 2002, dans laquelle le gouvernement français avait besoin du soutien de la communauté internationale au sens large pour contenir et résoudre la crise dans ce pays, ont ouvert la porte à la coordination avec le Royaume-Uni et d’autres acteurs extérieurs, tels que les États-Unis, dans la région. Dans le même temps, le gouvernement britannique était impliqué dans un programme de réformes et de reconstruction d’une grande portée à travers son « British Peace Support Team » (BPST) en Sierra Leone. La façon dont la crise libérienne s’était répercutée en Sierra Léone, au risque de déstabiliser la région entière, a conduit à la prise de conscience qu’il ne fallait pas seulement aborder un seul pays, mais la région entière, ain de répondre d’une façon eficace aux problèmes de paix et stabilité dans la région.10 Il y avait donc une unicité de point de vue sur le fait qu’une approche régionale était nécessaire pour contenir la menace d’une « contagion régionale » . C’était la première fois que la France essayait activement de coopérer avec la CEDEAO; ceci est en partie dû au fait qu’elle regroupe tous les pays membres de la région, par contraste avec la francophone UEMOA,11 mais ceci est également dû au fait que la CEDEAO est dominée par l’hégémon régional, le Nigéria, et, parmi les deux organisations régionales, elle seule dispose d’une dimension de sécurité, ayant adopté un protocole de prévention de conlits, 8 Le Nigeria est un des deux seuls pays africains inclus dans les trois premières catégories des pays prioritaires du Royaume-Uni, communication personnelle, FCO (Foreign and Commonwealth Ofice) fonctionnaire, Londres, 2011. Il n’est donc pas surprenant que le Nigeria ait été, et restera, l’intermédiaire principal pour les relations du Royaume-Uni avec la CEDEAO. 9 Toutefois il est important de souligner que la France a depuis les années 1970 des intérêts importants et de plus en plus commerciaux au Nigeria, qui est maintenant, avec l’Afrique du Sud, son partenaire commercial le plus important en Afrique, voir Bach, D., 1982. Dynamique et contradictions dans la politique africaine de la France. Les rapports avec le Nigeria (1960-1981). Politique africaine 2(5), p.53. 10 Communication personnelle, FCO fonctionnaire, Londres 2011. 11 Communication personnelle, fonctionnaire français, Abuja 2009. 49 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest gestion, résolution et maintien de la paix en 1999.12 Puisque la France voulait éviter des interventions militaires unilatérales et partager les coûts – et les risques politiques – de ses interventions, la collaboration avec la CEDEAO était essentielle. Ceci voulait dire de manière déterminante qu’on encourageait les Africains à jouer un rôle plus signiicatif dans la gestion des conlits, le maintien de la paix et la sécurité dans la région. Le Royaume-Uni et la France se sont donc mis d’accord pour ce qui est de vouloir stabiliser la région et parallèlement de ne pas vouloir, dans la mesure du possible, déployer leurs propres troupes pour assurer cette fonction. Dans l’esprit de cet objectif, tous les deux ont cherché à fournir du soutien de renforcement des capacités à la CEDEAO dans le domaine de la paix et de la sécurité, en l’aidant à former ses propres soldats de la paix, en organisant des exercices communs de formation, en mutant des oficiers de liaison militaire dans l’organisation et, dans le cas de la France en Côte d’Ivoire, en mettant en œuvre des opérations de maintien de la paix. Nous reviendrons sur ce point ci-dessous. Conformément aux efforts de déléguer aux Africains une plus grande responsabilité dans le domaine de la paix et de la sécurité, le Royaume-Uni et la France soutiennent l’établissement d’une force en attente de 9000 soldats pour garantir la paix (ECOWAS Standby Force).13 L’engagement dans la promotion des capacités africaines de soutien de la paix a amené le Royaume-Uni et la France à mettre à disposition de la CEDEAO une grande variété de services de soutien : par exemple, les deux pays ont conjointement apporté leur appui à un exercice sur carte, Blue Pelican, au Secrétariat exécutif de la CEDEAO en novembre 2000; Le Royaume-Uni a mis à disposition du Ghana des BMATTs (British Military Advisory Training Teams);14 les deux gouvernements ont coinancé un exercice militaire de formation de la CEDEAO, dont la contribution française s’élevait à 25% et la britannique à 50% :15 et, en 2008, les deux pays 12 Un résumé du texte est disponible en ligne ici : M. Toure et C. A. Okae ECOWAS Mechanism for Conlict Prevention. Management and Resolution, Peace-Keeping and Security. Abuja : The Observation and Monitoring Centre. ECOWAS Commission. Disponible en ligne : http://aros. trustafrica.org/index.php/ECOWAS_Mechanism_for_Conlict_Prevention,_Management_and_ Resolution,_Peace-Keeping_and_Security (Consulté le 2 août 2013). 13 La force en attente de la CEDEAO (ECOWAS Standby Force) est une des cinq forces régionales prévues dans le cadre de l´Architecture Africaine de paix et de securité, voir Engel, U et Gomes Porto, J., éds. 2010. Africa’s New Peace and Security Architecture. Aldershot : Ashgate. 14 Berman, E., 2002. French, UK, and US Policies to Support Peacekeeping in Africa : Current Status and Future Prospects. Oslo : Norwegian Institute of International Affairs, p.37. 15 Communication personnelle, fonctionnaire Ministère de la Défense, Abuja 2009. 50 Tony Chafer/Edward Stoddard ont participé, avec l’UE et d’autres, au premier exercice militaire de la CEDEAO pour évaluer la préparation de la force en attente. Ils ont également soutenu l’établissement des premiers centres d’excellence de formation pour le soutien de la paix, qui ont été désignés par la CEDEAO à Accra, Bamako et Abuja. Le Royaume-Uni et la France ont donc joué un rôle décisif dans le soutien au renforcement des capacités de la CEDEAO. En outre, le Royaume-Uni dispose d’un conseiller régional en matière de conlits, basé à Abuja, qui appuie les activités de la Haute Commission britannique concernant les questions de paix et de sécurité dans le cadre de la CEDEAO. Le programme britannique « African Conlict Prevention Pool » (ACPP) accorde également une importance croissante à la collaboration avec la CEDEAO sur des questions thématiques, telles que la sécurité maritime et la lutte contre la prolifération d’armes légères et de petit calibre. Par exemple, l’ACPP a inancé un séminaire à Abuja au début de 2013 qui a réuni les États membres de la CEDEAO et les organisations issues de la société civile pour aider à préparer leur Position commune sur le Traité de commerce des armes avant la conférence à New York, soutenue par les Nations Unies.16 Toutefois, le Royaume-Uni n’a pas déployé de troupes combattant dans la région, à l’exception de la Sierra Leone. Par contraste, la France, avec sa longue tradition de maintenir des bases militaires à Dakar, Abidjan et Libreville, était bien placée pour se saisir d’un tel rôle. A cause de restrictions budgétaires, la France a dû ajuster ses moyens militaires à ses capacités. Elle a cherché à réduire les risques politiques de ses opérations militaires en obtenant l’approbation régionale et des Nations Unies et pour ses opérations, tout en collaborant avec d’autres acteurs extérieurs, telle que l’UE.17 Elle a également réduit son personnel sur le terrain. Malgré tout, sa présence militaire demeure signiicative. Les instruments ainsi que les ressources à disposition de la France en matière de coopération avec l’Afrique sont donc assez différents par rapport à ceux à la disposition du Royaume-Uni. Outre les 1500 et plus soldats stationnés dans les trois bases militaires sur la côte occidentale d’Afrique, la France dispose 16 Communication personnelle, FCO fonctionnaire, Londres 2013. 17 L’intervention française en Côte d’Ivoire à partir de 2002, lorsque la France (Opération Licorne), aux côtés de l’ONU et sous la tutelle de la CEDEAO, a envoyé plusieurs milliers de soldats dans le pays pour séparer les belligérants, a été un « laboratoire » pour cette nouvelle approche française. La CEDEAO, en collaboration avec la France et l’ONU, a également joué un rôle-clé dans la résolution inale du conlit et dans la capture de l’ancien président Laurent Gbagbo en 2011. Voir aussi Darracq, V., 2011. Jeux de puissance en Afrique : le Nigeria et l’Afrique du Sud face à la crise ivoirienne, Politique Etrangère 2011(2), pp.361-74. 51 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest de 100 coopérants militaires (conseillers et agents de soutien) intégrés dans les ministères de défense et dans les armées nationales des pays membres principalement francophones de la CEDEAO, dont 21 pour le seul Sénégal.18 La France est le seul pays à proiter de ce système qui est distinct du système traditionnel de conseillers militaires, car les oficiers français sont des membres des forces armées de la nation hôte pendant la durée de leur mission. Avant 1998, la France poursuivait une politique de « coopération de substitution », tandis que la nouvelle politique de partenariat est présentée comme une preuve de la promotion de « l´appropriation africaine » par la France.19 En dehors du domaine de la paix et de la sécurité, la convergence en termes de compréhension commune des liens entre sécurité et développement n’a pas abouti à une coopération sur les problèmes du développement. Le gouvernement britannique sous le régime du « New Labour » était, en principe, plus disposé à élargir son approche à l’égard de l’Afrique, puisque l’accent sur la réduction de la pauvreté et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), mis en œuvre par le Ministère britannique du développement national (Department for International Development - DfID) indiquait un engagement en Afrique au-delà de la sphère d’inluence traditionnelle du Royaume-Uni, notamment parce que certains des pays les plus pauvres d’Afrique se localisent en Afrique francophone. Toutefois, la France, contrairement au Royaume-Uni, n’a pas collaboré au niveau bilatéral sur des questions de développement en soi. Il n’existe pas d’équivalent du DfID et la Direction de l’aide au développement au sein du Ministère des Affaires étrangères a été intégrée en 2009 dans la Direction générale de la mondialisation. En outre, l’ancien président N. Sarkozy était un ardent partisan du principe « trade not aid »;20 C’était donc en conformité avec cette approche que la France a quitté le fonds des donateurs de la CEDEAO, par manque d’aide inancière bilatérale. Le Royaume-Uni et la France n’ont pas collaboré conjointement avec la CEDEAO, ain de promouvoir l’intégration régionale, bien que ceci soit (voir ci-dessus) un objectif principal de la stratégie régionale de l’UE et ceci est considéré comme propice aux trois éléments du triangle développement – bonne gouvernance – sécurité.21 La France, étant l’un des plus grands donateurs au FED, semble se contenter de 18 Communication personnelle, fonctionnaire français, Dakar 2010. 19 Ibid. 20 Le Point 2010, 30 mai. 21 Nivet, B., 2006. Security by proxy? The EU and (sub-)regional organisations : the case of ECOWAS. Occasional Paper No. 63. Paris : European Institute for Security Studies, p.7. 52 Tony Chafer/Edward Stoddard déléguer ce domaine politique à l’UE. Par contraste, le Royaume-Uni a lancé diverses initiatives pour renforcer la capacité organisationnelle de la CEDEAO, croyant que la Commission de l’organisation serait mieux placée pour assumer les tâches de la coordination des donateurs et la planiication stratégique de l’intégration régionale si on améliorait la capacité de planiier et gérer les projets.22 C’est avec cet objectif à l’esprit que le DfID a pris plusieurs initiatives bilatérales en soutien à l’intégration régionale depuis 2006 et, en 2010, a lancé son « Programme de soutien à l’intégration régionale ouest-africaine » (Support to West African Regional Integration Programme - SWARIP), en vue d’augmenter le soutien à l’intégration régionale ouest-africaine en coopération avec d’autres partenaires de développement. Cette intention de renforcer les capacités organisationnelles au sein de la Commission de la CEDEAO a connu des dificultés alors que le mandat des commissaires de la CEDEAO est arrivé à échéance en 2010 et que les nouveaux commissaires n’ont été nommés qu’en février 2012. Le gouvernement britannique considérait que le transfert de la coordination des donateurs et de la planiication stratégique à la Commission n’était pas possible, avant que ces problèmes politiques aient pu être résolus. Toutefois, il est important de souligner que le manque de progrès révèle un manque d’engagement politique au sein de la CEDEAO, concernant le programme de réforme conçu par le DfID; en 2012, le programme a été profondément révisé et réduit, à la suite d’un vaste processus de consultation avec les parties prenantes régionales.23 La France collabore également au niveau bilatéral avec la Commission de la CEDEAO, mais d’une autre manière : en envoyant des conseillers aux bureaux des Commissaires. Donc en 2013, par exemple, la France avait des conseillers travaillant à Abuja dans les bureaux des Commissaires aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité, à l’Économie, au Commerce, à l’Agriculture et à l’Énergie. Ceci est signiicatif, car les pays francophones dominent souvent les postes clés dans les bureaux des Commissaires : par exemple, la même année, 22 Communications personnelles, FCO et DiD (Department for International Development) fonctionnaires, Abuja 2013. 23 Communication personnelle, FCO fonctionnaire, Abuja, 2013. Le programme repensé fonctionnera : (a) avec la Banque mondiale pour développer des meilleures données sur le commerce de l’Afrique de l’Ouest, par exemple en produits alimentaires de base; (b) avec l’Agence des États-Unis pour le développement international pour améliorer l’information disponible pour les commerçants du secteur privé qui traversent les frontières dans la région, et (c) avec la Commission de la CEDEAO et les États membres dans les négociations sur la « zone continentale de libre échange » en Afrique et d) par l’identiication des interventions de facilitation des échanges à long terme. Budget : 8,7 M £. 53 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest tous les postes clés dans le bureau chargé du commerce étaient occupés par des francophones et les fonctionnaires de certains autres États membres se plaignaient que les bureaux chargés des domaines Affaires politiques et Paix et Sécurité soient dominés par la « maia sénégalaise ».24 Que cette dernière constatation soit vraie ou non, il est largement admis à Abuja que les francophones agissent souvent en bloc au sein de l’organisation et que les fonctionnaires français déploient beaucoup d’efforts pour cultiver de bonnes relations avec les Commissaires, tant par des voies formelles qu’informelles. Légitimité La question visant à savoir quels acteurs parlent et agissent au nom de l’UE soulève le problème de la légitimité. Tandis que les chercheurs n’ont commencé que relativement récemment à se concentrer sur la légitimité comme une variable de base dans le domaine des relations internationales (et plus spéciiquement de la politique étrangère européenne), la question de la légitimité domine les relations extérieures de l’UE dans la pratique. L’histoire postcoloniale de l’interaction européenne avec l’Afrique est profondément touchée par l’héritage du colonialisme, en cela la légitimité des actions actuelles des puissances européennes est souvent évaluée dans le contexte de leurs ambitions prétendument postcoloniales. Comme Chafer et Cumming le font remarquer (2011), les aspirations françaises de surmonter le « syndrome de Fachoda » et de coopérer avec le Royaume-Uni et d’autres en matière de politique africaine depuis 1997-1998 découlaient, du moins en partie, de l’ambition de la France de rétablir son image en Afrique. En effet, la France était à cette époque bien disposée à une multilatéralisation de sa politique en Afrique qu’elle considérait comme un moyen de surmonter les divers scandales liés à la « Francafrique ». Les spécialistes de la politique étrangère de l’UE, tels que Wood (2009), ont utilisé la notion du « camoulage institutionnel » pour désigner la délégation de domaines d’action politiquement dificiles de la part des États membres à l’UE. L’avantage que les États membres en tirent est le fait que la perception plus neutre et légitime de l’UE (par rapport aux États membres) permet aux États de surmonter les perceptions négatives de leur politique étrangère qui découlent des conlits politiques ou de l’héritage coloniale dans des pays tiers. Les actions de l’UE donc relètent les intérêts des plus grands États membres, mais en 24 Communications personnelles, fonctionnaires français et de la CEDEAO, Abuja 2009. 54 Tony Chafer/Edward Stoddard même temps elles ont plus de légitimité que si elles avaient été proposées et administrées directement par ces États membres. La concentration sur la question de la légitimité attire également l’attention sur la base de la coopération européenne avec l’Afrique de l’Ouest. En effet, on peut considérer la mesure dans laquelle les actions de l’UE découlent d’une légitimation cosmopolitaine et universelle. C’est-à-dire, est-ce que la légitimité de l’UE se base sur un groupe de principes abstraits et moralement justiiés concernant les droits de l’homme, la démocratie et l’ordre politique qui sont justes et corrects en termes absolus. Les institutions européennes à Bruxelles autolégitiment certainement l’UE comme un type différent d’acteur, revendiquant une grande légitimité basée sur les principes éthiques universels de l’action de politique étrangère et sur l’exceptionnalisme de la mission européenne de politique étrangère (Tonra, 2011, p.1197). Réciproquement, ceci est basé sur la capacité perçue de l’UE à surmonter les divisions entre les États européens et donc à représenter un modèle à suivre pour les autres États et en même temps des enseignements européens à exporter (Tonra, 2011, p.1195). En ce sens, l’UE est parfois perçue comme le sommet de la coopération internationale et comme un acteur tout à fait différent dans les relations internationales, au moins par rapport à d’autres acteurs étatiques internationaux, tels que la Russie, les États-Unis et la Chine. Beaucoup de débats autour de l’évaluation de l’UE comme « une puissance éthique» ou « une force au service du bien dans le monde » concernent l‘appréciation de l’UE à la lumière de certains principes moraux transcendants et universels (Aggestam, 2008). Par exemple, Manner (2002, p.241) décrit comment l’UE met des « normes et principes universels au centre de ses relations avec ses États membre et avec le monde ». De même, Bengtsson et Elgström (2012, p.105) discutent comment « la propre détermination du rôle de l’UE se base sur un groupe d’éléments (normatifs) abstraits et centraux, indépendamment de contenu empirique ». Les débats concernant des points de vue normatifs et universels au sujet de la légitimité relètent une (auto-)perception éthique cosmopolitaine dans l’UE, qui regarde certaines valeurs morales comme transcendant les frontières culturelles, notamment celles avec les États ouest-africains (Aggestam, 2008, p.6). Les chercheurs qui s’occupent des aspects normatifs et éthiques de la politique étrangère de l’UE reconnaissent que les normes des relations extérieures européennes sont conceptualisées en termes universels et cosmopolitains (Eriksen, 2006 ; Tonra, 2011). Par exemple, Eriksen (2006) indique que l’UE (avec quelques mises en garde) poursuit une politique étrangère basée sur la 55 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest promotion des « droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit… donc en soulignant le droit cosmopolitain des peuples » (p.253 et p.260-4). Toutefois, il est également très important de savoir si ou plutôt dans quelle mesure l’UE est effectivement et empiriquement perçue par les autres comme un acteur légitime en Afrique. Dans le contexte africain, il faut se demander quelle est l’importance des normes et des pratiques politiques que l’Europe cherche à exporter en Afrique, et il faut déterminer le degré consécutif de divergence entre les interprétations européennes et ouest-africaines de notions comme la « démocratie » ou la « bonne gouvernance », par exemple. Les approches postcoloniales, telle celle d’Inayatullah et Blaney (2004) qui met l’accent sur le présumé malaise euro-centrique des États occidentaux à l’égard des différences culturelles internationales, attirerait sans doute l’attention non sur l’universalité des normes européennes et leur état perçu comme étant développé, mais plutôt sur la mesure dans laquelle la promotion de normes européennes relète l’aspiration à limiter et réduire les différences pluralistes entre les États africains et européens que les Européens perçoivent comme dangereuses ou menaçantes. Tandis que l’eurocentrisme de l’UE est bénin, puisque, en général, il est bienveillant et largement ouvert aux autres États (voir ci-dessous), il renie souvent, néanmoins, la spéciicité culturelle et présente les normes et les actions européennes comme étant supérieures, au moins temporellement et au niveau de développement, sinon intrinsèquement. En outre, la concentration sur la légitimité soulève également la question de savoir si les actions de l’UE en Afrique de l’Ouest sont légitimes sur le plan de la procédure (procedurally legitimate). Les actions et les programmes européens de politique étrangère ne sont susceptibles d’être perçus comme légitimes que lorsqu’ils découlent d’un processus de pourparlers, dans lequel les États de l’Afrique de l’Ouest participent à parts égales au développement de la politique de l’UE. Ceci est vrai par rapport aux cadres stratégiques macro-régionaux qui guident la coopération de l’UE avec les États africains (tels que la Stratégie UEAfrique) et en ce qui concerne une programmation plus régulière de la politique de développement. 56 Tony Chafer/Edward Stoddard Les tensions de légitimation interne et externe dans l´UE Ces questions liées à la légitimité sont également importantes, parce que la politique étrangère de l’UE parfois souffre d’une tension entre les perceptions externes des États tiers au sujet de la notion de « pratique légitime » et les points de vue des groupes d’intérêts internes qui jouent un rôle central et inluencent la politique de l’UE. Sur le plan intérieur, l’UE est souvent vue comme une organisation qui souffre d’un déicit de légitimité (particulièrement en termes de légitimité interne (input legitimacy)) qui découle du fait que « les pratiques et les dispositifs institutionnels de l’UE ne se conforment à aucune conception de démocratie » (Greenwood, 2007). Cette perception d’un déicit de légitimité a été exacerbée par l’apparente crise du « consensus permissif », en faisant référence au rôle que l’eficacité des réalisations (output effectiveness) de la politique européenne a historiquement joué comme fondement de la légitimité de l’UE (Føllesdal, 2006, p.442). Pour réduire (la perception de) ce déicit de légitimité interne, la Commission européenne (et désormais le Service pour l’action extérieure) recourent à la forte participation de groupes d’intérêts de la société civile, des milieux académiques et, du commerce au processus d’élaboration de politiques. On pense que cette représentation augmentera la légitimité interne dans un double sens. Premièrement, les groupes organisés sont souvent considérés comme une manière de compenser les carences structurelles inhérentes aux modèles de représentation européens (Greenwood, 2007, p.340). En effet, la concentration sur la représentation de groupes d’intérêts comme une forme de légitimité interne dans l’UE est apparue à un moment où le Parlement européen ne disposait pas de pouvoirs étendus et où les groupes d’intérêts agissaient comme un système de freins et de contrepoids au niveau des institutions européennes et entre eux, en assurant ainsi « une autre possibilité contributive de légitimation populaire » (Greenwood, 2007, p.340). Toutefois, les groupes d’intérêts sont également considérés comme un moyen d’augmenter la légitimité interne à travers la mise à disposition de connaissances spécialisées. Comme Bouwen le fait remarquer (2002, p.369), les institutions de l’Union européenne dépendent des acteurs de la société civile et des intérêts commerciaux privés pour obtenir de l’information, ce qui est décisif dans le processus d’élaboration des politiques. La mise à disposition de cette information spécialisée a un certain nombre d’effets par rapport à la légitimité. En premier lieu, elle permet aux institutions européennes d’afirmer que leur élaboration des politiques 57 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest est basée sur les meilleures compétences disponibles. En outre, la mise à disposition des informations spécialisées de la part des organisations clés est également vue comme un moyen d’augmenter la légitimité des réalisations, puisqu’elle fournit « aux institutions européennes les compétences nécessaires pour aborder leurs propres problèmes d’une façon eficace » (Bouwen, 2002, p.371). En ce qui concerne la légitimité, ces groupes d’intérêts (ou coalitions de groupes) sont également importants dans un troisième sens complémentaire. Tandis que les deux facteurs mentionnés ci-dessus (la participation et les connaissances spécialisées) témoignent des façons dont l’engagement de la société civile peut augmenter la légitimité interne de l’UE, ces acteurs peuvent également nuire à la légitimité de l’UE s’ils le désirent. Nombre d’interlocuteurs des groupes d’intérêts et de la société civile de l’UE (telles que les Organisation non gouvernementale (ONG) de défense des droits de l’homme qui s’occupent de l’Afrique de l´Ouest, les sociétés énergétiques et les associations commerciales) sont des acteurs très importants dans leurs propres domaines et disposent parfois d’un certain degré de droit de veto en ce qui concerne certaines questions et ont souvent une inluence considérable sur les États membre ayant le droit de veto. Les grandes sociétés énergétiques internationales, dont une partie agit également en Afrique de l’Ouest, en fournissent un exemple. Souvent, ces groupes d’intérêts sont des acteurs très importants et bien-inancés qui se font entendre, sont à l’aise avec les médias et peuvent nuire à la réputation de l’UE (à travers le public européen ainsi que les États membres) s’ils sont convaincus que leurs intérêts ne sont pas considérés dans la politique européenne. En effet, les critiques de la part de ces groupes peuvent être adressées, à la fois, contre le processus de participation de la politique européenne, s’ils croient ne pas être sufisamment représentés dans le cycle d’élaboration des politiques, ou bien adressées contre les réalisations et l’eficacité de la politique européenne s’ils croient que leurs intérêts ne sont pas effectivement relétés dans le processus européen d’élaboration et d’application des politiques, ou s’ils pensent que les intérêts de quelqu’un d’autre sont mieux représentés. Cependant, la dynamique externe de la légitimité revêt également une importance fondamentale pour la conduite eficace de la politique étrangère de l’UE. Il existe au moins deux raisons principales à cela. Premièrement, comme mentionné ci-dessus, l’UE est une puissance généralement civile qui compte sur la cooptation et les incitations positives plutôt que sur la coercition. Il en résulte une coniance en la légitimité externe perçue de la politique européenne et sa 58 Tony Chafer/Edward Stoddard capacité à susciter le changement dans les pays ouest-africains. Contrairement à ses pendants intellectuels et géopolitiques (ces grands acteurs internationaux, tels que les États-Unis, la Russie et la Chine, auxquels l’UE est le plus souvent comparée), l’Union européenne a une capacité et une volonté limitées à exercer une inluence en appliquant des sanctions rigoureuses. Par contre, tandis que l’Europe a certains outils non-militaires de pouvoir rigoureux à sa disposition, l’UE tend à démontrer une conditionnalité positive, en récompensant la convergence politique plutôt qu’en sanctionnant ouvertement des États tiers (Yung, 2009, p.897; Schimmelfennig, 2012, p.8). En effet, comme Barbé et al argumentent (2009, p.836) « directement ou indirectement, les pays voisins jouent un rôle primordial dans le choix des règles à adopter que l’UE cherche à imposer depuis l’extérieur et dans la détermination de leur processus d’adoption ». Selon Barbé et al (2009, p.837), l’acceptation de la promotion externe des politiques de l’UE par les pays tiers dépend des « perceptions mutuelles de légitimité ». Barbé et al (2009, p.837) met l’accent sur le « caractère intersubjectif de la légitimité » et afirme que « les effets de résonance entre les règles qui peuvent déterminer la convergence politique et le contexte normatif dans le pays voisin ont une importance primordiale ». Cette répugnance/incapacité à appliquer des sanctions rigoureuses, la coniance en la conditionnalité positive et la capacité des pays tiers à formuler ou limiter le caractère normatif de la coopération avec l’UE indiquent que l’eficacité de la politique étrangère européenne est étroitement liée aux perceptions externes (des pays tiers) de la légitimité de l’UE. Par contre, ceci ne vaut pas pour d’autres puissances régionales comme la Chine et les États-Unis, car ils ont une plus grande capacité à utiliser des formes de pouvoir plus dures (ou partagent une intersubjectivité commune avec les pays voisins qu’ils veulent inluencer). Deuxièmement, le désir européen de stabilité à la périphérie de l’UE, un des objectifs principaux de la politique étrangère de l’UE en Afrique de l’Ouest, repose sur l’établissement d’un ordre légitime, qui ,d’un autre côté, exige que les États (et les peuples) dans la région) l’acceptent. En effet, la création d’un cercle de pays stables au grand-voisinage de l’UE est un des plus grands déis de la politique étrangère de l’Union (EC, 2003; 2012, p.2). Les ordres internationaux qui ont un degré élevé de légitimité parmi leurs membres sont considérés comme ayant également un degré de stabilité plus élevé par rapport aux autres (Clark, 2005, p.15-17). En effet, Nau afirme que « le niveau de menace entre les États est réduit alors que les normes de légitimité convergent, toutes autres choses restant égales (dans les ordres internationaux) » (Nau, 59 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest 2002, o. 180). Cette stabilité est possible, parce que la convergence des normes de légitimité génère une forme d’ « ordre constitutionnel » entre les adhérents qui imite, dans une certaine mesure, le type d’ordre légitime et de compréhension mutuelle, observés à l’échelle nationale (Nau, 2002, p.180). Par conséquent, dans le contexte de la politique étrangère de l’UE, un ordre international légitime en Afrique de l’Ouest, accepté par l’UE et les États ouestafricains, devrait conduire à une périphérie de l’UE plus stable.25 Ainsi, l’UE fait face à de fortes pressions pour augmenter la légitimité interne et externe dans ces relations avec les pays à la périphérie de l’Union. A l’intérieur, l’UE est confrontée à la perception d’un déicit de légitimité et s’adresse à la société civile et aux organisations qui représentent les entreprises et les intérêts commerciaux, ain de contrebalancer les apparentes carences dans ses modèles de représentation et obtenir des connaissances spécialisées, nécessaires pour la légitimité interne et externe. Toutefois, beaucoup de ces groupes eux-mêmes représentent des risques pour la légitimité de l’UE, car ils peuvent facilement nuire à sa réputation, s’ils pensent que l’UE n’est pas à la hauteur de leurs normes, souvent exigeantes. Cependant, la légitimité externe est également très importante pour la politique externe de l’UE, en premier lieu, comme fondement nécessaire pour l’exportation des politiques de l’Union (étant donné la capacité limitée de l’UE à forcer) et ensuite, parce que l’objectif fondamental de l’UE de garantir la stabilité régionale à sa périphérie (et plus spéciiquement en Afrique de l’Ouest) dépend de l’établissement d’un ordre régional qui soit perçu par les États tiers (et leurs populations) comme étant largement légitime. En promouvant certaines formes de gouvernance, appuyées par toutes les parties, l’UE fait face à la situation de se trouver entre ces deux pôles divergents et également entre la légitimité aux yeux des groupes puissants dans l’UE et l’eficacité en ce qui concerne la présentation de la politique à des acteurs externes, auxquels l’UE n’arrive pas à forcer la main et pour lesquels la légitimité est très importante pour déterminer la coopération. Cette dynamique peut 25 Cependant, une des instabilités les plus importantes vue récemment en Afrique du Nord et le Moyen-Orient découle directement des structures et élites politiques des pays de la MENA qui ont été/sont considérées comme illégitimes par leurs populations. Par conséquent, si l’on considère que les ordres internationales (telles que l’UE cherche à établir) doivent être considérés comme légitimes pour être stable, l’UE est confrontée à un dilemme entre l’équilibrage entre les formes de légitimité telles que l’entendent les élites de l’État avec lesquelles ils doivent coopérer et celles comprises par les populations. Les perceptions de la légitimité de l’élite et les perceptions du public sont probablement divergentes. 60 Tony Chafer/Edward Stoddard laisser l’UE déchirée entre, d’une part, la légitimité interne et l’eficacité externe et, d’autre part, la perception que l’Union a d’elle-même comme une autorité légitime et morale et son désir d’établir un ordre légitime à sa périphérie. En ce qui concerne l’impact politique, plus le caractère de la relation sous-jacente est antagoniste, plus le degré d’inluence des lobbys respectifs dans l’UE sera élevé. Et plus la coniance en la légitimité externe par rapport à celle en d’autres sources de pouvoir est grande, plus la probabilité de divergence entre la légitimité interne de l’UE et l’eficacité externe sera forte. En outre, dans ces conditions, plus l’importance de la gestion d’un certain domaine politique pour la sécurité et la prospérité de l’UE est grande, plus le problème que cette tension crée pour l’eficacité générale de la politique étrangère de l’UE deviendra grand et plus le risque qu’elle constitue pour la légitimité générale de l’Union comme un acteur de la politique étrangère deviendra également sérieux. Objectifs européens et ouest-africains Lorsque l’on examine les relations entre l’UE et la CEDEAO à la suite de la discussion sur la légitimité, il faut également considérer les buts respectifs de chaque partie. On peut remarquer surtout deux descriptions concurrentes de la politique étrangère de l’UE et attirer l’attention sur le chevauchement et le conlit d’intérêts potentiels de l’UE en Afrique de l’Ouest. En effet, comme Smith (2012, p.701-3) argumente, la politique étrangère de l’UE gravite souvent autour des efforts d’intégration et d’adaptation d’une série de rôles (souvent contradictoires) de la politique étrangère européenne – notamment les efforts de l’UE pour être une puissance « normative », promoteur du commerce, un moyen de renforcer la sécurité et un acteur diplomatique. En premier lieu, l’UE a une bonne réputation comme une puissance civile/ normative qui entraîne une conduite tout à fait différente en politique internationale. Vue sous cet angle, l’UE est considérée comme cherchant à « normaliser » les relations internationales sur la base des normes communautaires de démocratie, des droits de l’homme et de la nature nonmilitaire du règlement des différends inter-étatiques. Une deuxième notion, liée à la première, est celle de la « puissance éthique » de l’Europe qui concerne la recherche du caractère prétendument éthique de la politique européenne. De tels points de vue pourraient être en forte contradiction avec les visions postcoloniales de l’engagement de l’UE et des États européens en Afrique. 61 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest Keukeleire (2003) offre une conceptualisation complémentaire et peut-être plus utile de la politique étrangère européenne, en observant comment l’UE poursuit une forme de « politique étrangère structurelle » et de « diplomatie structurelle » dans ses relations extérieures. Ceci concerne un « processus de dialogue et de négociation à travers lequel l’UE essaie d’inluencer ou de modeler des structures durables dans les domaines de la politique étrangère, du droit, de l’économie, de la société et de la sécurité aux différentes niveaux pertinents dans un espace géographique donné ». En effet, Keukeleire soutient que, de cette façon, l’UE cherche à promouvoir des modèles de gouvernance qui sont bien établis dans l’Union, tels que « la démocratie, la bonne gouvernance, les droits de l’homme, les divers principes de l’ Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) (tels que le règlement paciique des conlits), l’intégration et la coopération régionales au niveau politique et économique, les principes du marché libre etc. ». En présentant l’UE sous un angle moins favorable, Hyde-Price (2008) présuppose que l’UE opère comme un moyen des puissances dominantes de l’UE (notamment le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne) pour façonner le milieu régional européen en concordance avec leurs buts (collectifs) de sécurité, de politique étrangère et d’économie/ commerce. Toutefois, au lieu de considérer une de ces conceptualisations comme une description déinitive de la politique étrangère européenne, c’est plutôt mieux de les percevoir comme une manière de souligner les tensions potentielles existant entre les intérêts de l’UE qui concernent le développement des autres pays, comme la promotion de démocratie, et ceux qui concernent l’Union elle-même, tels que les buts commerciaux et les prérogatives de la sécurité. De même, on peut également poser des questions sur les intérêts des pays de la CEDEAO dans le cadre de la coopération avec l’UE. Les États ouestafricains sont-ils surtout intéressés par l’accès à l’aide internationale, tout en défendant leurs structures politiques nationales et leurs économies contre les inévitables prédations européennes (Ceci est un point de vue en concordance avec nombreuses approches postcoloniales et renie les actions indépendantes de ces pays)? Ou, les pays ouest-africains sont-ils motivés par des agendas plus ambitieux, tels que la venue d’investissements et de l’industrie à haute technologie, l’accès à une légitimité internationale et à coopération militaire (et peut-être des avantages militaires vis-à-vis des autres pays). Ou, considèrentils la venue d’investissements et l’interaction avec des puissances externes comme un moyen de recueillir de la légitimité et d’appuyer leurs propres 62 Tony Chafer/Edward Stoddard structures étatiques, caractérisées par rentierisme. Etant donnée la composition hétérogène de la CEDEAO, il est tout à fait concevable que différents États présentent des degrés assez différents d’accentuation sur ces questions et que les buts normatifs pourraient côtoyer ou même rivaliser avec les intérêts. Opportunité, risque et domaines croissants d’engagement en Afrique de l’Ouest Une explication exhaustive des relations entre l’UE et la CEDEAO ne serait pas complète sans une discussion sur les opportunités et déis communs actuels auxquels les chefs européens et ouest-africains font face. La région ouestafricaine se développe, en offrant des opportunités ainsi que des risques pour les acteurs européens. En ce qui concerne les opportunités, la région est en essor économique et les « Perspectives économiques en Afrique » (OECD, 2013) indiquent que l’Afrique de l’Ouest continuera de croître très vite au cours des prochaines années, en réalisant la croissance régionale la plus rapide en Afrique. Ceci est une prédiction impressionnante, compte tenu que l’Afrique subsaharienne dans son ensemble devrait être l’une des régions mondiales dont la croissance sera la plus rapide, juste derrière les pays en développement d’Asie. En 2012, la Sierra Leone, le Niger, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso comptent parmi les économies dont la croissance est la plus rapide au niveau mondial. Il est évident que la région se présente comme un emplacement possible pour l’Investissement direct étranger européen (IDE) et pour une hausse des exportations européennes. Toutefois, il convient d’être prudent. Premièrement, de nombreux pays africains poursuivent leur croissance de façon excellente par rapport à d’autres régions en partie parce qu’ils sont relativement isolés de la crise inancière mondiale. Deuxièmement, la plupart des pays subsahariens enregistrent une croissance, en partant d’un niveau initial très bas. Ainsi, les progrès enregistrés semblent plus impressionnants que la réalité, car ils représentent plutôt un résultat médiocre. Troisièmement, la croissance économique dans la région s’est réalisée sur la base d’une augmentation des prix des matières premières qui relète peut-être les tendances des prix au niveau global et non la création de valeur dans les pays ouest-africains. La plupart des pays ouest-africains sont riches en quelques (ou de nombreuses) ressources naturelles et la croissance dans ces secteurs a joué un rôle important pour le développement économique oust-africain au cours de 63 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest la dernière décennie (en particulier, réserves forestières, ressources marines, diamants, or, manganèse, phosphate, pétrole, minerai de fer, uranium, bauxite, étain et colombite) (Jalloh, 2013, p.67). Toutefois, les hausses globales des prix des marchandises et des ressources ne conduisent pas nécessairement à une augmentation à long terme de la performance économique dans les pays riches en ressources naturelles (Collier, 2010, p.41-44). En effet, tandis que les hausses des prix au niveau international aboutissent à une rentrée d’argent imprévue à court terme pour certains pays, au il du temps elles peuvent réduire la production économique. La croissance, fondée sur des secteurs de rente (tels que pétrole et gaz) souvent ne réussit pas à développer des formes de croissance solidaire qui bénéicie aux sociétés entières. En effet, la croissance économique, fondée sur des ressources naturelles peut parfois supplanter les autres secteurs et conduire à une productivité générale diminuée. Ceci est particulièrement problématique, car les secteurs des ressources naturelles n’emploie pas, proportionnellement, autant d’ouvriers que d’autres secteurs, tels que les services et le secteur manufacturier. Collier (2010, p.41) prévoit qu’un doublement du prix du pétrole au cours de 25 ans conduirait à une réduction d’approximativement un tiers de la production économique dans un pays riche en pétrole comme le Nigéria. A son avis, ceci est une opportunité ratée. Tandis qu’il est bénéique d’encourager la croissance, fondée sur les ressources naturelles, on ne peut qu’imaginer combien d’emplois ne seront pas créés, combien d’écoles et de routes ne seront pas construites à cause d’une réduction d’un tiers de la production économique. Ces effets économiques ne mentionnent pas le rôle préjudiciable que les ressources naturelles peuvent jouer, en déclenchant des conlits, tels que ceux en Sierra Leone, au Nigéria, en Guinée-Bissau, au Libéria, au Mali et en Côte d’Ivoire (Jalloh, 2013, p.67). Les pays africains sont souvent considérés comme étant touchés par ce que l’on appelle « la malédiction des matières premières » (c’est-à-dire l’incapacité à transformer les richesses en ressources naturelles en développement socioéconomique et politique). Un certain nombre de pays membres de la CEDEAO produisent certainement des ressources naturelles en quantités sufisantes (et sans diversiication sufisante) pour être menacés par la malédiction des matières premières. Le Niger, par exemple, produit de l’uranium d’une valeur de $91 millions par an, cette production constituant 74% des recettes des exportations totales (Revenue Watch, pas de données). De même, au Nigéria, les exportations de ressources naturelles constituent 88% de toutes les exportations en 2011 et 77% des revenus gouvernementaux totaux (Revenue 64 Tony Chafer/Edward Stoddard Watch, 2013). Il est donc essentiel que les pays ouest-africains utilisent leurs richesses naturelles pour développer et diversiier leurs économies dans leurs ensemble, ain d’éviter les risques de la malédiction des ressources. En effet, tandis que la hausse des prix constitue un risque de concentration excessive sur certains secteurs économique, la réduction des prix est également une menace pour les pays riches en ressources qui dépendent des recettes des ressources naturelles pour maintenir leurs budgets nationaux. Etant donnés la nature cyclique du marché des matières premières et les prix imprévisibles, on ne peut exclure ni la possibilité d’une hausse rapide des prix, ni celle d’une réduction rapide (surtout à la lumière de l’instabilité au Moyen-Orient, la façon dont les investisseurs spéculent sur ces marchés et les développements actuels en matière de gaz de schiste et de technologie pétrolière). Une des options pour réduire le risque qui découle de la malédiction des ressources en Afrique de l’Ouest est une augmentation de la responsabilité et la transparence. L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), associée aux efforts récents de l’UE pour augmenter la transparence dans le secteur de l’extraction, sont des développements positifs dans ce domaine. L’ITIE (qui n’est pas une institution européenne, mais est fortement soutenu par l’UE) promeut la transparence en ce qui concerne la responsabilité, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption en matière de recettes gouvernementales et pratiques commerciales. De même, récemment, l’UE a adopté des amendements aux directives sur la responsabilité et la transparence qui traitent l’information inancière dans l’UE et contraignent maintenant les entreprises cotées sur une bourse de l’UE (notamment, bien sûr, ceux qui sont actifs en Afrique) à divulguer leurs paiements en faveur d’États riches en ressources, en renforçant la surveillance sur les paiements des entreprises. La Commission européenne participe à l’ITIE et au Fonds iduciaire multidonateurs de l’ITIE, administré par la Banque mondiale (ITIE, 2010). De même, un grand nombre de pays européens (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Belgique, Danemark, Finlande, Italie et Suède) sont membres actifs et promoteurs de « l’appui politique, technique et inancier » (ITIE, 2013, p.4) de la part de l’ITIE. Plusieurs États membres de l’UE sont également des pays signataires (notamment le Royaume-Uni et la France), c’est-à-dire qu’ils respectent les même règles que les États riches en ressources et signataires de l’ITIE dans d’autres régions du monde. La région ouest-africaine est une des régions mondiales les plus performantes en ce qui concerne l’adhésion à l’ITIE et la conformité à ses normes. Le Mali, le Niger, le 65 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest Nigéria, le Togo, la Mauritanie, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Libéria sont reconnus comme se conformant pleinement aux normes de l’ITIE, tandis que la Guinée est un pays candidat (la Sierra Leone est actuellement suspendu). Comme région, l’Afrique de l’Ouest surpasse à cet égard toutes les autres régions, telles que le Golfe, l’Afrique australe et l’Asie. La forme de transparence, exigée par l’ITIE, est traditionnellement le rapport à l’échelle nationale. Cette forme de transparence contraint les entreprises et les États produisant des ressources naturelles à expliquer tous les paiements effectués et reçus dans un pays au cours d’une année donnée. Ceci porte l’information à la connaissance du public et permet la surveillance sur les recettes gouvernementales provenant du secteur pétrolier et gazier et fournit aux groupes de la société civile les informations nécessaires pour tenir les gouvernements responsables. Toutefois, les nouvelles Directive sur la responsabilité et la transparence de l’UE, comme le « Dodd-Frank Act » aux États-Unis, vont plus loin en exigeant des rapports à l’échelle des projets qui offrent l’occasion de mieux surveiller les paiements des entreprises en entraînant les entreprises à rendre compte des paiements pour chaque projet (plus de 100 000 Euro) auquel elles participent et non seulement de la somme totale pour le pays respectif (Ruby, 2012). De même, lors de la Conférence Globale de l’ITIE à Sidney en mai 2013, l’ITIE a décidé d’adopter une norme actualisée pour la transparence qui comprend des rapports pour chaque projet, une surveillance accrue des compagnies minières nationales et plus de surveillance sur la propriété bénéiciaire (par exemple, celui qui proite au inal de la propriété des actifs) (Moberg, 2013). De cette façon, la transparence dans les États signataires peut probablement être renforcée, car, en décomposant les paiements reçus par les gouvernements jusqu’au niveau des projets individuels, il est plus facile de surveiller d’une façon précise quelles sommes d’argent ont été reçues, par qui et quand. D’ailleurs, les pays européens se sont avérés disposés à affronter les lobbies énergétiques nationaux à l’égard des questions de transparence. En effet, le passage à des rapports au niveau des projets se heurte à beaucoup de résistance de la part du secteur commercial à cause du désaccord sur la déinition de « projet », par crainte des poursuites dans les pays où ils existent des règles qui interdisent les rapports de paiements, et par crainte de la concurrence avec des compagnies qui ne sont pas obligées de répondre à ces exigences plus strictes, par exemple celles chinoises (Westenberg, 2012). En outre, comme les fonctionnaires européens et les responsables des compagnies font remarquer, 66 Tony Chafer/Edward Stoddard ces exigences de transparence sont toujours limitées, car elles ne font pas la lumière sur ce qui se passe avec les moyens inanciers après leur transfert aux gouvernements.26 Néanmoins, l’UE a pris des mesures positives en termes de promotion de transparence dans les industries extractives à travers son soutien à l’ITIE et les nouvelles directives (mentionnées ci-dessus). Au-delà de ces questions de développement des ressources et de transparence mentionnées ci-dessus, l’énergie et les ressources naturelles représentent un domaine d’intérêt manifeste pour l’Europe en Afrique de l’Ouest. En 2010, 67% des importations européennes en provenance d’Afrique de l´Ouest (en valeur) étaient composées de combustibles minéraux, largement sous la forme de pétrole nigérian (EU, 2013). Tandis que ce chiffre est un pourcentage relativement faible de l’approvisionnement énergétique de l’UE (4.2% pour le pétrole et 3.6% pour le gaz naturel), ces volumes sont signiicatifs à la marge (en termes de prix) et le Nigéria représente un marché principal pour plusieurs compagnies européennes, telles que Shell, Total et Eni, qui emploient de nombreux citoyens de l’UE, paient beaucoup d’impôt dans l’UE et soutiennent beaucoup d’autres entreprises de services. L’Europe elle-même prête un intérêt tout particulier à la prévention des risques de ruptures d’approvisionnement et au climat général d’investissement dans la région. De même, le Niger fournit une grande partie du total des importations européennes d’uranium (12,7%). L’industrie nucléaire française en particulier dépend des importations nucléaires en provenance du Niger. Sécurité Le potentiel de la région pour une croissance économique et pour une prospérité à l’avenir fait face à une situation sécuritaire précaire. Les États de la région sont confrontés à des niveaux différents de menaces sécuritaires et de risques, notamment (inter alia) la traite des êtres humains, la contrebande, la piraterie, le terrorisme, l’insurrection, l’instabilité politique et des conlits de grande envergure, tels que celui au Mali en 2013. La région a été considérablement affectée par les retombées des conlits et de l’agitation en Afrique du Nord, notamment la Libye. Ces problèmes suscitent des préoccupations en matière de sécurité du point de vue européen et du point de vue de la sécurité humaine dans la région. Comme l’Afrique de l´Ouest et l’Afrique du Nord sont considérées 26 Communication personnelle, fonctionnaire de l’UE, Bruxelles, été 2011. 67 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest de plus en plus par l’UE comme une source de menaces importantes à sa propre sécurité, il est très probable que l’engagement de l’UE dans le domaine de la paix et de la sécurité dans la sous-région ne sera pas réduit au cours de la décennie à venir, en particulier de la part de ses grandes puissances militaires, telle que la France. En effet, les interventions récentes au Mali et en Centrafrique soulignent la volonté de la France de s’engager militairement dans les pays africains, quoique souvent avec l’approbation et l’aide internationales ou européennes, ain de réduire la perception néocoloniale (et les coûts) de l’intervention. Une préoccupation particulière du point de vue de la sécurité en Afrique de l´Ouest est la présence et l’activité croissante des terroristes djihadistes et des organisations d’insurgés dans la région. La chute du régime de Gaddai en Libye a conduit à un lux accru de combattants, de rebelles touaregs locaux et d’armes dans la déjà volatile région du Sahel (en particulier, le Nord du Mali). Le Mali était confronté au degré le plus extrême d’activité islamiste, en premier lieu, lorsque les combattants djihadistes ont aidé les séparatistes touaregs revenant de Libye dans leur conlit avec les autorités centrales maliennes. Les groupes les plus actifs au Mali sont Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et le groupe salaiste touareg Ansar al’Dine. Toutefois, AQMI joue un rôle double en tant qu’organisation dans la région. Premièrement, AQMI représente la manifestation la plus récente du djihadisme en Algérie (commençant par le GIA et le Groupe salaiste pour la prédication et le conlit), où le groupe est engagé dans un conlit avec l’État algérien. Deuxièmement, AQMI fonctionne comme une forme d’organisation cadre au Sahel, unissant faiblement et collaborant avec toute une série d’autres groupes, qui proitent de l’expérience et des contacts d’AQMI. En même temps, ces nouveaux groupes émergeant au Sahel ont redynamisé AQMI dans son conlit avec le gouvernement algérien (Brahimi, 2012). Cependant, la scission entre les manifestations australes et septentrionales d’AQMI pourrait reléter de plus grandes divisions à l’intérieur d’AQMI. Le MUJAO dispose d’une structure organisationnelle opaque et semble être composée de Touaregs du Mali et d’autres combattants provenant de la région entière (Welsh, 2013). Le MUJAO prétend être une ramiication d’AQMI, mais le groupe afirme aussi coopérer étroitement avec l’AQMI (et les dirigeants ont des relations familiales reposant sur des mariages). Par contraste, Ansar al-Dine est un mouvement touareg au niveau local qui collabore vaguement avec AQMI et le MUJAO dans le Nord du Mali. Le journaliste d’Al Jazeera May Ying Welsh (2013) (qui a passé du 68 Tony Chafer/Edward Stoddard temps dans le Nord du Mali) compare la relation entre le MUJAO et AQMI et Ansar al-Dine à celle entre les Talibans et Al-Qaïda en Afghanistan. Même si la comparaison n’est pas parfaite, elle attire l’attention à la nature différente de ces organisations (l’une locale et les autres régionales, peut-être avec une perspective globale ou même avec une orientation stratégique globale). Le MUJAO agit également au Niger. La présence des soldats nigériens dans le Nord du Mali et la nature relativement molle des objectifs au Niger a déclenché une hausse de la violence djihadiste dans le pays. En mai 2013, la MUJAO a commis des attentats suicides simultanés contre les intérêts miniers français et contre l’armée nigérienne. Les liens étroits avec la France et l’utilisation du Niger en tant que centre logistique pour l’intervention au Mali rendent le Niger une cible symbolique et stratégique pour les groupes djihadistes dans la région. Au Nigéria, il y a deux groupes principaux, Boko Haram et Ansaru. L’une des questions les plus intéressantes concernant ces groupes est la nature de leurs buts. Toutefois, il est important de noter que ces groupes ne représentent pas une entité homogène et qu’il existe des différences entre eux. Plusieurs groupes semblent avoir des objectifs plutôt locaux, tandis que d’autres, d’après ce qu’ils disent, ont un intérêt à la diffusion de leur djihad à l’échelle globale et à la coopération internationale avec d’autres groupes. Néanmoins, leurs objectifs stratégiques resteront probablement au niveau local (dans la région) et les attentats terroristes internationaux seront coordonnés pour des raisons tactiques et pour des raisons de légitimité. On ne doit pas oublier le fait que les actions de ces groupes sont stimulées jusqu’à un certain point par des motivations inancières, étant donné le rôle qu’ils jouent dans la prise d’otages et la contrebande de produits illicites. En effet, le lien entre la criminalité et le terrorisme est très fort en Afrique de l’Ouest. En l’absence d’un contrôle centralisé, fourni par l’État, et des frontières surveillées, la contrebande de divers produits est chose courante dans tout le Sahel, comme le sont les enlèvements. La plupart des cas de contrebande au Sahel sont inoffensifs. Néanmoins, la présence de réseaux de contrebande et la capacité limitée des États de la région à les empêcher représentent d’importantes opportunités pour le mouvement de matériel illicite, en particulier de stupéiants : 1) le lux de hachisch du Maroc vers la Mauritanie et puis vers l’Europe et le Moyen-Orient, en passant par la Libye; et 2) La cocaïne transportée par bateau à partir de l’Amérique latine vers la Guinée-Bissau, la Guinée, le Sénégal et la Mauritanie et puis expédiée par voie aérienne ou 69 Les dimensions multiples des relations entre l’Europe et l’Afrique de l´Ouest terrestre via l’Afrique de l´Ouest vers l’Europe et le Moyen-Orient (UK FCO, 2013).27 De même, la consommation de drogues dans la région augmente et alimente davantage l’aflux de stupéiants. Le traic de drogues benéicie considérablement aux terroristes qui agissent dans la région. Toutefois, comme le ministère britannique des Affaires étrangères fait remarquer, les traiquants de drogues et les terroristes en Afrique de l’Ouest ne sont pas nécessairement les mêmes personnes, mais plutôt ils sont utiles, l’un pour l’autre (UK FCO, 2013).28 La MUJAO au Mali, par exemple, a des liens étroits avec les traiquants de drogues locaux, et on sait qu’AQMI en Algérie demande aux traiquants des redevances liées au transit pour leur assurer un passage en toute sécurité. Toutefois, une importante source criminelle de revenus criminels supplémentaires pour les groupes terroristes sont les enlèvements. Les groupes, tels que l’AQMI, sont considérés comme étroitement impliqués dans la vague récente d’enlèvements à travers le Sahel. Les enlèvements pour l’obtention d’une rançon sont considérés comme la source de 40 millions de dollars pour l’organisation depuis 2003 (UK FCO, 2013). En effet, les groupes djihadistes sahéliens ont obtenu plus de revenus par les enlèvements que par le traic de stupéiants et bénéicient des enlèvements en tant que moyen de propagande (à travers l’exécution des victimes), si on ne paie pas les rançons. Toutefois, il convient de noter que l’obtention des rançons est intermittente et plus dangereuse que celle des recettes du traic de drogues qui représentent une forme de revenu relativement constante et à faible risque. (UK FCO, 2013). 29 27 UK FCO (UK Foreign and Commonwealth Ofice) Research Analysis Paper, 2013. Trafickers and Terrorists : drugs and violent jihad in Mali and the Wider Sahel. Disponible en ligne : https://www.gov.uk/government/publications/traficking-and-terrorism-in-the-sahel. 28 Ibid. 29 Ibid. 70 Tony Chafer/Edward Stoddard Bibliographie ACP/European Union, 2010. The Cotonou Agreement (Revised Version) [PDF]. 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Il convient de souligner que le continent s’est complètement approprié l’intégration régionale. Premièrement, les ensembles régionaux ont été émancipées de l’encadrement colonial ; la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), par exemple, regroupe des pays francophones, anglophones et lusophones. Deuxièmement, la construction de l’intégration régionale a été rationalisée sur tout le continent ; le Plan d’action de Lagos, adopté à l’époque par l’Organisation 1 L’UDEAC a été transformé en 1994 en Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) et la CEAO en l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). 77 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest de l’Unité Africaine (OUA)2, actait la création de seulement cinq communautés économiques régionales. Quelques décennies plus tard, l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest a parcouru bien du chemin. Et ce chemin a été tracé tant au plan politique qu’au plan juridique. Les objectifs d’intégration étaient censés être atteints par l’application de lois régionales adoptées par les institutions des différentes organisations. Notre propos ici est d’évaluer dans quelle mesure le droit a favorisé la réalisation des objectifs ixés par les traités. La pertinence et le développement du droit sont deux questions différentes et importantes. L’analyse de la pertinence de la loi soulève la question de l’eficacité de la loi vis-à-vis des objectifs qui la sous-tendent. Le développement porte à s’interroger sur l’adaptation permanente de la législation ; c’est un processus continu. Par conséquent, cette présentation se limitera nécessairement à analyser la pertinence et le développement du droit régional d’une manière générale. L’eficacité peut être étudiée du point de vue mécanique, instrumental ou encore substantiel. Cette dernière méthode implique de passer en revue chaque acte juridique et son application pour déterminer dans quelle mesure il a atteint ses objectifs. La première est plus adaptée à l’échelle de cette étude ; la question sera de déterminer dans quelle mesure les outils juridiques utilisés par les organisations sont adaptés à l’action planiiée. Plutôt que l’eficacité, nous examinerons l’effectivité des instruments juridiques. Enin, une considération importante concerne la place du droit en général dans les relations sociales. Le droit n’est ni le commencement, ni le but. C’est un outil, un moyen d’organisation des relations sociales. À cet effet et au niveau international, il n’y a jamais une seule ligne de conduite possible, il y a plusieurs modèles. Mais tout modèle a des conséquences et des implications spéciiques, selon une logique propre. Cela signiie que dans le processus d’intégration régionale, les États membres disposent, par le biais des institutions régionales, de différentes options pour organiser et planiier le processus et leurs actions au plan juridique ; mais tout choix juridique implique l’obligation de prendre en compte ce qui a été décidé, sauf stipulation contraire. L’usage du droit dans le 2 Organization of African Unity, 1981. Lagos Plan of Action for the economic development of Africa. 1980-2000, Organization of African Unity : Addis-Abeba. Resolutions of the Twenty-Sixth Ordinary Session of the Council of Ministers, Addis Ababa, Ethiopia, 23 February – 1 March 1976 AHG/Res. 453 – 472 (XXVI), CM/Res.464[XXVI] Resolution on the Division of Africa into Five Regions. 78 Samuel Priso-Essawe cadre de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest peut ainsi être examiné à trois niveaux. Le premier est le niveau architectural : deux organisations principales tentent d’atteindre les objectifs d’intégration dans cette région, la CEDEAO et l’UEMOA.3 La légitimité de la première repose sur le Plan d’action de Lagos ; la deuxième peut être considérée comme historique et pragmatique. Comme les adhérents des deux se recoupent, ainsi que leurs objectifs, la question du lien entre les deux organisations est capitale. Le droit a donc été utilisé pour façonner ce lien entre les organisations régionales (I). Le deuxième niveau est la structure formelle du droit, en particulier la façon dont sont utilisés les actes conventionnels ou unilatéraux (II). Le troisième niveau enin concerne la dimension substantielle et examine l’articulation du contenu des différentes législations (III). Le cadre : le lien entre l’UEMOA et la CEDEAO Le chevauchement des organisations économiques régionales n’est ni une spéciicité africaine, ni une question neutre. L’effet dit « bol de spaghettis » est présent en Afrique et en Amérique latine4. En Europe, le problème est moindre, car l’entrée dans l’Union européenne (UE) s’accompagne généralement du retrait des autres organisations.5 Cependant, l’UE elle-même (Traités de Rome et de Lisbonne) a toujours reconnu l’accord pré-existant entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas : « Les dispositions des traités ne font pas obstacle à l’existence et à l’accomplissement des unions régionales entre la 3 D’autres existent, mais leur importance est encore résiduelle, concernant notamment leurs actions, ou leur taille ou leur ancienneté. Ce sont l’Union du leuve Mano (établi 1973) et la Communauté des États sahélo-sahariens (établi 1998). 4 Voir par exemple: Commission économique pour l’Afrique, 2004. État de l'intégration régionale en Afrique, Commission économique pour l’Afrique : Addis-Abeba, pp.41-45. Plancade, J.-P. et Soulage, D., 2005. Libéraliser les échanges commerciaux: quels effets sur la croissance et le développement?, Délégation du Sénat pour la planiication. Rapport d'information n° 120, 7 décembre 2005, p.72. Estevadeordal, A., 2002. Regional Integration and Regional Cooperation in Latin America, Latin America/Caribbean and Asia/Paciic Economics and Business Association Annual Meeting, ADB Institute and Inter-American Development Bank, Singapour, février 2002. 5 En particulier l’Accord européen de libre-échange (AELE) a perdu la plupart de ses États membres au proit de l’UE (Royaume-Uni, le Danemark, le Portugal, l’Autriche, la Finlande et la Suède...). De la même manière, l’Accord de libre-échange centre-européen (ALECE) a vu ses États fondateurs (Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchèque) et la Slovénie se retirer et adhérer à l’UE en 2004 (quatre autres États ont quitté l´ALECE pour l’UE entre 2007 et 2013). 79 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Belgique et le Luxembourg, ainsi qu’entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, dans la mesure où les objectifs de ces unions régionales ne sont pas atteints en application des traités. »6 Cette disposition qualiie clairement la relation entre ces différentes organisations : le Traité de l’UE prime à condition de couvrir les objectifs des plus petites unions régionales. Les liens ne sont pas aussi clairs dans les traités d’intégration régionale ouest-africains (A), et c’est la pratique institutionnelle qui en déinit les contours (B). Les dispositions des traités Ni le Traité de la CEDEAO ni celui de l’UEMOA ne font spéciiquement référence l’un à l’autre dans leurs dispositions substantielles.7 Même si les États membres de l’UEMOA reconnaissent s’engager en faveur des objectifs de la Communauté économique africaine et de la CEDEAO,8 cette disposition n’a aucun effet pratique similaire à celui de la disposition susmentionnée du Traité de l’UE. Le Traité de la CEDEAO autorise les États membres à conclure d’autres accords économiques : « Les États membres peuvent conclure des accords entre eux et avec des États non membres à condition que les accords économiques ne soient pas incompatibles avec les dispositions du présent Traité. »9 C’est donc dans le respect du droit que huit des États membres de la CEDEAO ont signé le Traité de Dakar fondant l’UEMOA en 1994. Dans cet accord, les États membres de la nouvelle organisation stipulaient clairement que « pour établir le [marché commun], l’Union tient compte de l’expérience des organisations africaines sous-régionales auxquelles ses États membres participent »10. Cependant, cette disposition correspond essentiellement à l’exCommunauté économique de l’Afrique de l’Ouest. Une interprétation complète 6 Version Consolidée du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne art. 350, 2008 O.J. C 115/47, [ci-après TFUE]. 7 Évidemment, le Traité de la CEDEAO ne le pouvait pas, étant signé et révisé avant le Traité de l’UEMOA. 8 Traité de l´Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), adopté à Dakar, le 10 janvier 1994 [ci-après Traité de l´UEMOA], Préambule. 9 Traité Révisé de la CEDEAO, adopté à Cotonou, le 24 juillet 1993, publié par le Sécrétariat Exécutif de la CEDEAO à Abuja, [ci-après Traité de la CEDEAO]. « En vue de la réalisation des objectifs de l´intégration régional, la Communauté peut conclure des accords de coopération avec d´autres Communautés régionales. » (Art. 79, §.1), « sont préalablement soumis à l’approbation du Conseil, sur proposition du Secrétaire Exécutif » (Art. 79, §.2). 10 Traité de l´UEMOA, supra note 8, art. 100. 80 Samuel Priso-Essawe pourrait néanmoins tenir compte de la nature plus large de la disposition et l’étendre à la CEDEAO. Même si la question est importante, le droit primaire des deux organisations n’organise pas clairement et spéciiquement les relations entre elles quant à la similarité des objectifs, la juxtaposition des actions, la juxtaposition des adhésions et donc les éventuels conlits entre les règles.11 En 1983, dans sa décision sur le « Schéma de libéralisation », la Conférence de la CEDEAO a appelé « les autorités de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO) à fusionner les objectifs, les aspirations et les programmes de la CEAO avec ceux de la CEDEAO ain d’éviter de dupliquer les efforts de faciliter une solidarité totale en faveur de la création de l’union douanière et de l’intégration économique au titre du Traité de la CEDEAO. »12 Il s’agissait probablement des prémices de la volonté politique de rationaliser le processus d’intégration en Afrique de l’Ouest, qui se sont prolongées dans la pratique des deux organisations par le biais des lois secondaires et de la diplomatie. Volonté politique et pratique politique Dans leur pratique, la CEDEAO et l’UEMOA ont progressivement convergé, dans leurs relations mutuelles13 comme dans leurs relations avec les organisations tierces. 11 Le fait que les États membres de la CEDEAO - dont les États membres de l’UEMOA - réafirment que cette organisation « doit être inalement la seule communauté économique de la région dans le but de l’intégration économique et la réalisation des objectifs de la Communauté économique africaine » ne peut constituer une base juridique pour ce problème. C’est moins une articulation juridique des règles qu’un objectif politique, ce qui signiie que, à un moment qui n’est pas spéciié, d’autres organisations d’intégration seront remplacées par la CEDEAO. 12 Décision de la CEDEAO A/DEC.119/83 du 20 mai, 1983 (article 1). 13 Sur cette question, voir la synthèse intéressante de Rolland et Alpha. Rolland, J.P. et Alpha, A. 2011. Analyse de la cohérence des politiques commerciales en Afrique de l’Ouest. Agence Française de Développement. Document de Travail juin 2011/114, pp.129-132. 81 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Les relations entre les deux organisations Les institutions des deux organisations ont créé différentes structures communes permettant de discuter des questions d’intérêt commun. Un accord de coopération bilatéral signé en mai 2004 a établi un Secrétariat technique conjoint.14 Composé à un haut niveau, le STC dispose de vastes compétences ; il se réunit deux fois par an et coordonne le travail et les discussions au niveau technique. Les deux organisations mènent aussi des actions législatives communes. L’exemple le plus important en est le Tarif extérieur commun (TEC). La CEDEAO tient compte de l’expérience de l’UEMOA, où le TEC est en vigueur depuis 2000, et essaie de l’étendre à tous ses États membres au moyen de négociations longues et dificiles15. Les relations avec les organisations tierces Les relations entre la CEDEAO et l’UEMOA et les autres organisations internationales sont le domaine dans lequel la coordination est bien visible. Leur action mutuelle vis-à-vis de l’UE et de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) constituent d’excellents cas d’école. Les négociations encore en cours sur l’Accord de partenariat économique (APE) avec l’UE sont menées conjointement par la CEDEAO et la Mauritanie agissant comme une seule partie, à savoir l’Afrique de l’Ouest. La présence de ce dernier État est un anachronisme, puisque la Mauritanie s’est retirée de la CEDEAO en 2000; cela montre l’inluence de l’UE dans les discussions. Il a ainsi pu être considéré que même si « les APE avaient été pensés comme un moyen de renforcer le processus d’intégration africaine », ils apparaissent inalement « compte tenu de la coniguration géographique effective des négociations, comme un facteur de fragmentation de l’initiative d’intégration. » (Ibriga 2010, p.431) Cette position est d’un véritable intérêt concernant certaines régions telles que l’Afrique Centrale.16 Cependant, en Afrique de l’Ouest, le rôle joué 14 Connu sous son acronyme STC (Secrétariat Technique Conjoint). 15 Voir World Trade Organization. RESTRICTED WT/TPR/S/266 from 25 May 2012 Trade Policy Review. Report by the Secretariat. Côte d´Ivoire, Guinea-Bissau and Togo, pt.20. 16 Le groupe centrafricain dans les négociations est un groupe composé de tous les États membres de la CEMAC, et certains des États membres de la CEEAC, les autres États de la CEEAC ont quitté sans raison logique (Burundi et Angola par exemple). 82 Samuel Priso-Essawe par l’UEMOA dans ces négociations montre que l’APE a été l’occasion pour les deux organisations ouest-africaines de renforcer leur collaboration. Les États membres de l’UEMOA, en tant que membres de la CEDEAO, restent liés par le Traité de Dakar, qui déinit une politique commerciale commune et oblige à négocier les accords commerciaux conformément à la décision du Conseil. C’est donc conformément au traité que l’APE est négocié conjointement par la CEDEAO et l’UEMOA, ce qui est tout sauf une fragmentation du processus d’intégration. Au sein de l’OMC, l’UEMOA et la CEDEAO siègent au Comité du commerce et du développement avec le statut d’observateurs ad hoc, renouvelable à chaque réunion.17 Cependant, aucune d’elles n’est membre de l’OMC dans son ensemble. Néanmoins, le Traité de la CEDEAO (article 85) stipule que, « en vue de promouvoir et de sauvegarder les intérêts de la Région, les États membres s’engagent à formuler et à adopter des positions communes au sein de la Communauté sur les questions relatives aux négociations internationales avec les parties tierces. » Dans le cadre de sa politique commerciale commune, l’UEMOA adopte en général des « Directives » pour cordonner et ixer une position commune de négociation en tenant compte de la CEDEAO.18 À ce stade, la relation entre la CEDEAO et l’UEMOA reste faible, ce qu´on peut attribuer à la différence de degré d’intégration de chaque organisation.19 Même si les deux organisations font de réels efforts en vue d’une coordination utile, il reste beaucoup à faire, notamment dans la déinition de leurs domaines de compétence respectifs. La coordination doit s’effectuer au plus haut niveau et les objectifs doivent être stipulés dans les traités. Ceux-ci pourraient faire l’objet d’une nouvelle révision, instaurant par exemple un préambule commun 17 La Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale, par exemple, est un observateur permanent de ce comité. 18 Voir par exemple UEMOA. Directive N°02/2005/CM/UEMOA Fait à Ouagadougou, le 16 septembre 2005 Relatif aux Positions Communes de Negociation des États membres de l´UEMOA pour la Sixième Conférence Ministerielle de l´OMC à Hong Kong. Ce document exige dans l´article 3 que l’UEMOA prenne en considération la nécessité de protéger l’intérêt de la CEDEAO, entre autres organisations. 19 Quelques remarques intéressantes sur ce point peuvent être trouvées, par exemple, dans les rapports conjoints des États membres de l’UEMOA à l’examen des politiques commerciales auprès de l’OMC: Cote d’Ivoire, Guinée-Bissau and Togo (op. cit.). World Trade Organization. RESTRICTED WT/TPR/S/266 from 7 October 2009 Trade Policy Review. Reports by Niger and Senegal. World Trade Organization. RESTRICTED WT/TPR/S236R1 from 2010 Trade Policy Review. Report by the Secretariat. Benin, Burkina Faso, Mali. L’UEMOA est effectivement plus avancée sur plusieurs points d’intégration, telles que l’union douanière ou la politique monétaire. 83 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest déterminant les rôles et places respectifs de la CEDEAO et de l’UEMOA. Le texte pourrait aller plus loin que la reconnaissance du lien entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas par l’UE ; en effet, il devrait déterminer ce que fait chaque organisation. Ceci entraînera encore plus de coordination, ainsi que la reconnaissance du fait que chaque organisation peut contribuer au développement de l’autre. L’harmonisation entre les deux organisations régionales s’est frayée un chemin dans les traités, celui de la CEDEAO ayant été révisé pour intégrer des éléments empruntés à l’UEMOA, notamment en ce qui concerne la typologie des actes communautaires. L’architecture formelle du droit régional L’intégration par le droit est le modèle suivi par la CEDEAO ainsi que par l’UEMOA. Leurs organes sont investis du pouvoir législatif et déinissent les orientations ainsi que les règles à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs. Les outils utilisés sont donc des éléments pertinents pour mesurer le processus en cours. En tant qu’organisations internationales, la CEDEAO et l’UEMOA ont été habilitées à prendre des décisions pour le compte des États membres, selon différents modèles que nous analyserons ci-après. Mais les États membres ont conservé la possibilité d’exprimer formellement leur volonté dans des accords venant amender les dispositions du traité. Cela peut passer par une révision du traité, mais aussi par l’adoption de protocoles spéciiques a posteriori pour mettre en œuvre différents aspects du traité.20 Ces solutions ont été utilisées tant par l’UEMOA que par la CEDEAO, chacune avec des conséquences différentes sur la mise en œuvre du traité. Alors que la CEDEAO recourt principalement au modèle des accords et utilise des « Protocoles » pour appliquer le traité, 20 Le Traité de la CEDEAO déinit le protocole comme « un instrument d´application du Traité ayant la même force juridique que ce dernier » (article 1). Traité de la CEDEAO, supra note 10, art. 1. 84 Samuel Priso-Essawe l’action de l’UEMOA repose presque entièrement sur des actes unilatéraux des organes de l’Union. Utilisation des protocoles par la CEDEAO En août 2010, la Commission de la CEDEAO a organisé une réunion avec les représentants de 10 États membres. Ce fut la première et la seule21 occasion pour les partenaires d’examiner ensemble la situation du droit communautaire via une revue des « Protocoles » qui n’avaient pas été ratiiés par les États membres.22 Cette occasion était importante, et souligne le fait que l’aspect formel est lié au substantiel. De la création de la Communauté à octobre 2012, les États membres de la CEDEAO ont adopté 54 « Protocoles ». Certains de ces « Protocoles » sont juste des révisions des protocoles d’origine, d’autres ont un objectif institutionnel simple.23 Parmi les 54 « Protocoles », nous pouvons donc concentrer notre analyse sur les « Protocoles » traitant de sujet directement liés à l’activité d’intégration ou à sa législation ; tous les « Protocoles » liés à un « Protocole » précédent (révision ou complément) seront considérés comme faisant partie du même « Protocole ». Sur cette base, nous nous intéressons à 28 « Protocoles ».24 Une remarque importante doit être faite ici : il convient de distinguer deux périodes dans l’analyse des « Protocoles » de la CEDEAO, avant et après la révision du traité en 1993. Le traité, tel qu’adopté en 1975, conférait à la Conférence des chefs d’État et au Conseil le pouvoir de prendre des « Décisions » et des « Directives ». Ces actes avaient force obligatoire pour les institutions de 21 Les sources de la CEDEAO en ligne ne mentionnent aucune autre réunion de ce type (ECOWAS. Schedule of meetings. Disponible en ligne : http://events.ecowas.int/. Le calendrier ne fonctionne pas de manière optimale et doit être vériiée à la fois en français et en anglais, pour avoir une vue complète). Ensuite l’information doit être conirmée. 22 Un autre rapport a été élaboré par la Commission de la CEDEAO sur l’année 2012, mais il n’a pas eu de réunion conjointe depuis celle tenue en août 2010. 23 Par exemple : la création ou l’organisation d’un organe communautaire, des dispositions sur le budget communautaire, etc. 24 Cf. tableau en « Annexe » ; les « Protocoles » concernés sont mis en évidence. La liste des « Protocoles » choisis est discutable, mais nous pensons que le nombre ne changerait pas de façon signiicative, comme nous avons également examiné certains des « Protocoles » institutionnels (par exemple, les « Protocoles sur la Cour de justice », ou le « Protocole sur l’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest ») dont les effets sur le processus d’intégration sont pertinents. 85 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest la Communauté.25 Cependant, rien ne précisait les effets des « Directives » et « Décisions » sur les États membres. À ce stade, on peut considérer que les « Protocoles » étaient le principal ou le seul moyen de prise de décision au sein de la Communauté. La révision du traité en 1993 a instauré de nouvelles règles : la Conférence des chefs d’État prenait des « Décisions » alors que le Conseil adoptait des « Règlements », et les deux avaient force obligatoire pour les États membres et étaient applicables 60 jours après leur publication au journal oficiel de la Communauté.26 La différence est donc très importante : si le recours aux « Protocoles » a été maintenu dans beaucoup de domaines de la coopération, aucune clause générale n’interdit aux institutions de la Communauté de prendre des décisions sur les sujets couverts par les « Protocoles ». Bien sûr, dans certains cas, les « Protocoles » sont mentionnés spéciiquement dans le traité. Par exemple, l’article 38§2 dispose que « les règles régissant les produits originaires de la Communauté sont celles contenues dans les « Protocoles » et « Décisions » adoptés par la communauté en la matière » et l’article 59§1 stipule que « les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrée, de résidence et d’établissement et les États membres s’engagent à reconnaître ces droits aux citoyens de la Communauté sur leurs territoires respectifs, conformément aux dispositions des « Protocoles » y afférents »27. Il est vrai également que par ses formulations, le traité se contente très souvent de transcrire des engagements des États plutôt que d’attribuer des missions précises aux institutions de la Communauté: « (...) Les États membres réduisent et inalement éliminent (...) » ou « Les États membres (...) prennent toutes mesures utiles en vue (...) » 28, « Les États membres s’engagent à (...) »29, ou « Les États membres conviennent de (...) »30. Cependant, les organes communautaires ne sont pas toujours exclus. Concernant, par exemple, les règles sur l’origine des produits, l’article 38§2 mentionne les règles « contenues dans les « Protocoles » et « Décisions » adoptés par la communauté en la matière » et comme rien ne vient préciser 25 Traité de la CEDEAO (1975), supra note 10, art. e 5§3 et 6§3. 26 Traité de la CEDEAO, supra note 10, art. 9 §§.1, 4 et 6, art. 12 §§.1, 3 et 4. 27 Aussi, entre autres dispositions, l’article 45 sur la réexportation de marchandises dans la Communauté, ou de l’article 47 sur le « drawback ». Ibid., art. 45 and 47. 28 Ibid., supra note 9, art. 36§1 et 46. 29 Ibid., art. 36§3 et 55§1. 30 Ibid., art. 37§1. 86 Samuel Priso-Essawe l’usage des « Protocoles » ou des « Décisions »31, on peut comprendre que cette question peut également faire l’objet d’une « Décision ». Ainsi, la référence aux « Protocoles » dans le traité et le recours à ce mode de production législative alors même qu’il n’est pas obligatoire révèle la réticence des États membres à accepter l’idée d’une organisation supranationale. Le problème soulevé par l’utilisation des « Protocoles » est leur statut d’accord international : leur application implique que les États membres les acceptent.32 Ceci suscite de l’incertitude ou, du moins, des retards importants d’entrée en vigueur et l´application des « Protocoles ». Comme le pointe le rapport de la Commission33, le délai moyen est de 2 ou 3 ans, et certains « Protocoles » sont entrés en vigueur plus de 4 ans après leur signature.34 La plupart des « Protocoles » récents sont entrés en vigueur provisoirement à leur signature. La pratique montre donc que le recours aux « Protocoles » n’est pas la modalité la plus pertinente. La dernière révision importante du traité en 2006 a mené la CEDEAO à reproduire la nomenclature de l’UEMOA. Ce système de décisions unilatérales de la Communauté, sans ratiication par les États, s’ajoute au système existant des « Protocoles ». La recherche d’une solution pour un droit dérivé plus eficaces subsiste, d’autant que le choix entre les différents actes unilatéraux reste à clariier. 31 L’article 72, par exemple, lié au prélèvement communautaire, stipule clairement que le régime du prélèvement est déterminé par un protocole, et le niveau d’imposition est ixé par le Conseil de la Communauté. Ibid., art. 72. 32 « Le présent Traité et les protocoles qui en feront partie intégrante, entreront respectivement en vigueur dès leur ratiication par au moins neuf (9) États signataires conformément aux règles constitutionnelles de chaque État signataire. » Ibid., art. 89. 33 Cf. tableau en « Annexe ». 34 Le « Protocole sur la Cour de justice » est entrée en vigueur cinq années après avoir été adopté (juillet 1991 - novembre 1996), et le « Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance » six années après (décembre 2001 - février, 2008). 87 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Utilisation des actes unilatéraux Dès le début, le Traité de l’UEMOA a clariié la nomenclature des actes susceptibles d’être adoptées par les institutions de l’Union. Le système présente quatre types d’actes, la plupart inspirés par les catégories de l’UE : • Les Actes additionnels : adoptés par la Conférence des chefs d’État, ils complètent le traité auquel ils sont annexés. • Les Règlements, d’application générale, qui ont force obligatoire dans leur entièreté pour les États membres. • Les Directives, qui ont force obligatoire pour les États membres quant au résultat à atteindre. • Les Décisions, qui ont force obligatoire pour les personnes ou États auxquels elles s’adressent. Le recours substantiel à ces différents actes juridiques est une question importante étant donné leurs différences de force obligatoire. Cependant, la référence dans les traités ouest-africains aux « Règlements » ou aux « Directives », en particulier, n’est pas toujours claire. La révision du Traité de la CEDEAO en 2006 ne contenait aucune disposition de ce genre. À l’UEMOA, le Conseil peut parfois agir par « Règlement ou Décision » : c’est le cas pour la mise en œuvre de la liberté de circulation et de résidence,35 le droit d’établissement,36 la liberté de circulation des capitaux37 et, plus surprenant, pour l’harmonisation de la législation.38 Dans d’autres cas cependant, les dispositions sont claires, le Conseil agit par « Règlements » tels que : suppression des droits de douane et des frais aux effets équivalents,39 reconnaissance mutuelle des normes techniques et sanitaires,40 politique commerciale commune,41 mesures de sauvegarde,42 règles de concurrence.43 Dans les cas où les textes ne sont 35 Traité de l´UEMOA, supra note 8, art. 91. 36 Ibid., art. 92§4. 37 Ibid., art. 98. 38 Ibid., art. 61. 39 Ibid., art. 78. 40 Ibid., art. 81. 41 Ibid., art. 82. 42 Ibid., art. 86. 43 Ibid., art. 89. 88 Samuel Priso-Essawe pas sufisamment précis, l’application peut s’en trouver affectée, car les « Règlements » et les « Directives » n’ont pas les mêmes effets juridiques pour les États membres. Dans l’UE, où il n’existe pas de spéciication quant au type d’acte que les organes de l’Union doivent utiliser, le traité stipule qu’ils agissent « au cas par cas, dans le respect des procédures applicables et du principe de proportionnalité. »44 Les traités ouest-africains ne prévoient aucune solution de ce type. Néanmoins, le système de l’UEMOA est plus eficace politiquement et en pratique car il réduit les obstacles à la mise en œuvre du droit régional par les États membres ou, du moins, donne aux acteurs locaux des éléments sur lesquels s’appuyer dans ce but. Ces acteurs locaux, des individus ou entreprises, sont de toute évidence ceux dont l’activité justiie le droit communautaire. Par conséquent, la pertinence du droit régional soulève également la question de la raison d’être de ce droit et de la façon dont il améliore ces objectifs. La dimension substantielle Aborder la dimension substantielle du droit régional ne nous conduira pas à examiner la teneur du droit produit par la CEDEAO ou l’UEMOA, ce qui serait pour le moins supericiel. Nous nous concentrerons sur la relation entre les différents systèmes juridiques impliqués dans le processus d’intégration, à savoir les droits nationaux et le droit régional (A). Cette relation repose aussi sur la force exécutoire que les usagers trouvent dans les normes adoptées dans le cadre du processus d’intégration (B) et, au inal, sur les possibilités dont ils disposent pour appliquer ces promesses juridiques (C). 44 TFUE, supra note 6, art. 296. 89 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Lien entre les droits nationaux et le droit régional Lorsqu’il repose sur le droit, le processus d’intégration régionale a souvent besoin d’homogénéiser les dispositions légales au sein des États membres. Il importe que les partenaires économiques de la région aient les mêmes droits et obligations où qu’ils opèrent au sein de la Communauté. Le processus d’intégration mène alors l’organisation régionale à développer une atmosphère juridique en créant des règles directement à l’échelon régional et également en articulant les droits nationaux entre eux de différentes façons (1). Les règles régionales, applicables parallèlement aux lois nationales, doivent également leur être reliées (2). Articulation des droits nationaux entre eux Ain d’atteindre les objectifs de l’intégration régionale, les États membres doivent rendre leurs droits nationaux respectifs compatibles entre eux. Cette articulation, nécessaire à l’effectivité des objectifs régionaux, peut être obtenue de différentes façons. Les droits nationaux peuvent être uniformisés, mais ils peuvent aussi conserver leur diversité dans le cadre des règles régionales, laissant à chaque État la possibilité de rapprocher sa législation de ce cadre. Ces formes d’articulation sont exprimées par différents concepts : uniformisation, harmonisation, coordination et rapprochement. Ces concepts diffèrent dans leur signiication. Ricardo Monaco (1960, p.61-74), qui a tenté une classiication il y a quelques décennies, a noté qu’ils se rapportent tous à des systèmes qui seront appliqués avec des intensités différentes entre des législations qui sont différentes. Pour lui, la coordination est la première étape, qui cherche à supprimer les contrastes matériels ou logiques existants entre différentes normes. Le niveau suivant est l’harmonisation, grâce à laquelle des normes différentes produisent un effet similaire dans leur application. Une autre étape est le rapprochement, qui diffère des deux premiers par sa portée plus large : le rapprochement s’applique aux actes législatifs, aux réglementations et aux actes et pratiques administratifs adoptés par un État membre (Monaco 1960, p.64-65) Mais même les universitaires ne comprennent pas tous ces différents concepts de la même façon. Plus récemment, il a été afirmé que l’harmonisation était un terme négatif englobant tout ce qui n’est pas l’uniication : « il est plus juridique de voir dans l’harmonisation une certaine idée du rapprochement que véritablement une forme déterminée de politique 90 Samuel Priso-Essawe de rapprochement des droits. »45 Relétant les divergences à leur égard, ces différents termes sont souvent utilisés comme des synonymes dans les traités. Le Traité de l’UEMOA, par exemple, peut présenter parfois l’uniformisation comme un aspect de l’harmonisation,46 ou assimiler le rapprochement et l’harmonisation.47 Dans d’autres cas, l’uniication semble être la méthode. Par exemple, la législation sur la concurrence n’a été ni harmonisée, ni rapprochée, mais elle a effectivement été uniiée. Le Conseil a adopté des réglementations sur le droit de la concurrence et la Cour de justice a établi la compétence exclusive de l’Union, renforcé par le caractère directement applicable des règlements dans les États membres.48 Dans la CEDEAO, le traité ne parle que d’harmonisation, mais dans un cas il stipule que l’harmonisation doit mener à l’uniication.49 Finalement, on peut dire que l’intention qui sous-tend ces termes est d’assurer la compatibilité du droit national, d’une façon ou d’une autre. C’est pourquoi l’ancien juge de la Cour de justice des Communautés européennes, Nicola Catalano, avait raison lorsqu’il écrivait que l’interprétation doit tenir compte de ce que les termes peuvent précisément avoir été utilisés comme des synonymes : « il semble plus correct, plutôt que de partir d’une déinition abstraite basée sur des considérations de pure logique juridique, d’examiner sur la base des critères habituels d’interprétation - quelle est la portée effective que les auteurs de la disposition en cause ont voulu attribuer aux termes qu’ils ont employés. Le résultat de cet examen pourra, dans certains cas, amener à conclure que les termes ont été mal choisis ; mais il serait imprudent de faire primer une notion abstraite sur la volonté effective des auteurs de la disposition. » (Catalano 1961, p.5-6) Nous garderons donc à l’esprit qu’au-delà des mots, il y a trois réalités ou situations concrètes : 45 Voir Porta, J., 2007. La réalisation du droit communautaire. Essai sur le gouvernement juridique de la diversité, Paris : LGDJ, p.330. 46 « Elle assure aussi l’harmonisation des comptabilités nationales et des données nécessaires à l’exercice de la surveillance multilatérale, en procédant en particulier à l’uniformisation du champ des opérations du secteur public et des tableaux des opérations inancières de l’État. » Traité de l´UEMOA, supra note 9, art. 67§1 al.2. 47 Ibid., art. 60. 48 Cour de Justice de l´UEMOA, 27 juin 2000, Avis consultatif sur l’interprétation des articles 88, 89 et 90 du traité (relatif au droit de la concurrence). 49 Traité de la CEDEAO, supra note 9, art. 3§2-i : « l´harmonisation des codes nationaux des investissements aboutissant à l´adoption d´un code communautaire unique des investissements; ». 91 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest • On demande aux États membres d’abandonner leur législation et d’appliquer la législation commune, ce qui implique la substitution des règles communes aux règles nationales. • On oblige les États membres à mettre leurs normes nationales en conformité avec le droit régional : il n’y a pas de substitution, mais l’application des droits nationaux de tous les États membres doit « produire un effet similaire » déini par les institutions communes. • On n’exige aucune conformité des États membres : ils gardent leur compétence de production de règles nationales, mais ils doivent juste s’assurer de leur compatibilité avec celles des autres États membres ain de favoriser les objectifs régionaux. Partant de là, il est utile de clariier ces situations ou au moins l’utilisation qui en est faite dans le traité, car leurs conséquences sur les rôles respectifs de l’organisation régionale et des États membres ne sont pas les mêmes si l’on parle de substitution, de conformité ou de compatibilité. Dans le cas de la substitution, la communauté régionale a une prééminence absolue,50 tandis qu´elle procure seulement de l’assistance que la compatibilité est requise ; les États membres gardent une marge d’appréciation de la situation pour laquelle la conformité est recherchée. De ce fait, l’imprécision peut être une source d’incertitude dans la mise en œuvre des objectifs régionaux. De ce point de vue, plus les stipulations du traité sont précises, plus il sera facile d’identiier les droits et obligations des différents acteurs. Cependant, ce n’est pas le cas dans notre contexte, particulièrement au sein de la CEDEAO. Le Traité de l’UEMOA, comme nous l’avons mentionné, utilise des concepts différents, mais la confusion peut être levée en identiiant le type d’acte unilatéral utilisé par le Conseil.51 Nous devons toutefois souligner que ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, le « Règlement » du Conseil de l’UEMOA qui harmonise les règles et procédures applicables au poids des camions dans l’Union uniie précisément 50 Voir le cas du droit de la concurrence au sein de l’UEMOA (op. cit.). 51 Voir au-dessus, partie II. 92 Samuel Priso-Essawe les normes au niveau régional et substitue les règles régionales aux règles nationales.52 L’inluence des autres organisations peut aussi être importante. L’UEMOA tient compte du rôle des autres organisations qui agissent dans « des droits nationaux proches ». Si l’article 60 (2) ne mentionne aucune organisation en particulier53, la référence à l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) est évidente.54 Tous les États membres de l’UEMOA sont membres de cette organisation qui, en dépit de son nom, assure l’uniformité du droit commercial plutôt que la simple harmonisation des droits nationaux. Il s’agit d’un complément important à l’objectif d’intégration régionale telle que considérée dans les Traités de l’UEMOA et de la CEDEAO, même si certains États membres de la CEDEAO ne sont pas parties au Traité de l’OHADA. Le processus d’intégration régionale, en tant que système juridique, inclut également la distinction entre les règles adoptées au niveau régional et les normes nationales. Articulation du droit régional et des droits nationaux L’homogénéité du droit régional dans tout l’espace économique communautaire impose de déinir la relation entre le droit régional et les droits nationaux. Cette relation dépend de la classiication susmentionnée entre substitution, conformité et compatibilité. Il semble évident que la substitution et la conformité impliquent la primauté du droit régional, alors que la compatibilité suppose la complémentarité des deux niveaux. 52 UEMOA. Conseil de Ministres. Règlement N°14/2005/CM/UEMOA Relatif à l´Harmonisation des Normes et des Procédures du Contrôle du Gabarit, du Poids, et de la Charge à l´Essieu des Véhicules Lourds de Transport de Marchandises dans les États membres de l´Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), art. 17 and 18. ci-après Règlement N°14/2005/CM/UEMOA] 53 L’article 60 al.2 dispose que, dans son programme d’harmonisation, la Conférence des Chefs d’État « tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement des législations des Etats de la région, dans le cadre d’organismes poursuivant les mêmes objectifs que l’Union. ». Traité de l´UEMOA, supra note 9, art. 60 al. 2. 54 L’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique a été créée par le Traité de Port-Louis (Île Maurice, le 17 octobre 1993). 93 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Primauté En général, les traités des organisations d’intégration régionale ne contiennent pas de clause générale relative à la primauté. Cependant, le Traité établissant une constitution pour l’Europe stipulait dans son article I-6 que « la Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres ».55 Ni le Traité de la CEDEAO ni celui de l’UEMOA ne contiennent de telle clause. Cependant, l’article 6 du Traité de l’UEMOA stipule que « les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque État membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure. » Cette disposition offre une base juridique à la primauté du droit régional, mais elle peut aussi être interprétée comme établissant le droit de l’Union en dérogation des droits nationaux sans nécessairement impliquer l’annulation des lois nationales divergentes. C’est alors la pratique et la jurisprudence qui préciseront la hiérarchie entre les règles régionales et nationales. S’inspirant du droit européen, il n’y a pas à douter que les cours de la CEDEAO et de l’UEMOA considéreront la question de la primauté de la même façon.56 Le statut des dispositions des traités dépendent également des constitutions nationales et de la place et du rôle des traités internationaux dans le droit national. Complémentarité Dans une certaine mesure, la complémentarité semble être la règle générale. Le Traité de l’UEMOA inclut une clause générale par laquelle l’Union s’engage à laisser à ses États membres une marge de liberté dans la mise en œuvre des objectifs d’intégration : « Dans l’exercice des pouvoirs normatifs que le présent Traité leur attribue et dans la mesure compatible avec les objectifs de celui-ci, les organes de l’Union favorisent l’édiction de prescriptions minimales et de réglementations-cadres qu’il appartient aux États membres de compléter 55 Le texte n’est jamais entré en vigueur, car certains des processus de ratiication des États membres ont échoué (France et Pays-Bas). 56 Les deux tribunaux se réfèrent généralement à la jurisprudence et aux méthodes de la Cour de justice européenne. 94 Samuel Priso-Essawe en tant que de besoin. »57 Par cet article, l’Union favorise l’autolimitation58 dans l’exercice de sa compétence législative. Ainsi, dans le cadre des objectifs communs, les États membres et les institutions communautaires sont partenaires dans la réalisation des objectifs du processus d’intégration, chacun contribuant de façon complémentaire à la réalisation de l’intégration. Finalement, il n’y a pas de modèle particulier dans l’articulation du droit national et des règles régionales, mais un besoin d’effectivité : peu importe la façon dont sont organisées les relations entre les deux systèmes, l’essentiel semble être de clairement identiier le rôle des différents partenaires et de disposer de mécanismes garantissant que chacun se conforme à ses obligations. La Cour de justice est l’une de ces institutions, mais certaines des règles prévues par les traités sont également pertinentes en la matière, en particulier la question de la force exécutoire des engagements. Force exécutoire des engagements conventionnels : techniques disponibles et leur usage La préoccupation concernant la force exécutoire des engagements des États membres dans le cadre de l’intégration régionale est présente tant dans le Traité de la CEDEAO que dans celui de l’UEMOA. L’une des solutions réside dans les caractéristiques juridiques des différents actes adoptés par les institutions régionales : les « Règlements » du Conseil de la CEDEAO, par exemple, « sont obligatoires à l’égard des États membres après leur approbation par la Conférence » ; le Traité de l’UEMOA va plus loin en stipulant qu’ils « sont directement applicables dans tout État membre. » Les traités prévoient également que les actes juridiques communautaires entrent en vigueur à la date qu’ils stipulent et après leur publication au journal oficiel régional. Ces conditions formelles sont importantes pour que les actes communautaires produisent des effets. Mais au-delà, en ce qui concerne le contenu, deux techniques particulières sont utilisées dans le droit communautaire pour évaluer la force exécutoire des normes adoptées par les institutions régionales. Elles ont toutes deux trait au temps : certaines dispositions prévoient des objectifs à 57 Traité de l´UEMOA, supra note 8, art. 5. 58 Cela peut aussi être considéré comme une version particulière du principe de subsidiarité de l’UE. 95 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest application différée (1), alors que d’autres ixent une période de transition (2) avant leur entrée en vigueur. Les objectifs à application différée On trouve deux types de programme ou objectifs à application différée dans le droit communautaire ouest-africain. Le premier concerne les « Directives ». Normalement, une « Directive » indique une période à l’issue de laquelle elle devient applicable, sous réserve de mesures que les États membres doivent prendre pour la mettre en œuvre. Dans la jurisprudence de l’UE, le fait qu’un État membre n’ait pris aucune mesure de transposition n’entrave nullement la force exécutoire de la « Directive ».59 Ainsi, une fois le délai ixé par la « Directive » écoulé, le contenu du texte est en vigueur, sous réserve de sa capacité à être directement applicable. Ni la Cour de l’UEMOA ni celle de la CEDEAO n’ont eu l’occasion d’appliquer ce principe, mais il nous semble une conclusion logique compte tenu des dispositions et du contexte des traités. Le cas où le traité ixe un objectif avec un délai d’application est plus complexe. Plusieurs dispositions des traités prévoient ce type de règle. Dans le Traité de la CEDEAO, l’article 54 stipule que « Les États membres s’engagent à réaliser une Union Économique dans un délai maximum de quinze (15) ans à partir du démarrage du schéma de libéralisation des échanges adopté par la Conférence aux termes de sa Décision A/DEC.1/5/83 du 30 mai 1983 et dont le lancement est intervenu le 1er janvier 1990. » Autrement dit, depuis le 1er janvier 2005, la CEDEAO « est » une union économique (…)60 ! Sur cette base, l’article 35 stipule que « à partir du 1er janvier 1990 tel que prévu à l’Article 54 du présent Traité, il est progressivement établi au cours d’une période de dix (10) ans, une Union douanière entre les États membres ». De plus, l’article 40 stipule que « Les États membres éliminent au plus tard quatre (4) ans après le démarrage du schéma de libéralisation des échanges visé à l’article 54 du présent Traité tous les droits et taxes internes en vigueur qui sont destinés à protéger les produits nationaux », c’est-à-dire au plus tard in 1994. De la même façon, l’article 41 stipule que « à l’exception des dispositions qui peuvent être prévues 59 Yvonne van Duyn v Home Ofice, Affaire 41/74 [1974] E.C.R. 133; Ursula Becker v. Finanzamt Münster-Innenstadt, Affaire 8/81, [1982] E.C.R. 53. 60 En outre, l’Autorité a eu la possibilité d’accélérer le processus. L’article 55 § 2 prévoit que « Sur recommandation du Conseil, la Conférence peut, à tout moment, décider de mettre en œuvre plus rapidement que prévu dans le présent Traité toute étape du processus d´intégration ». Traité de la CEDEAO, supra note 9, art. 55§2. Ibid., art. 41§2. 96 Samuel Priso-Essawe ou autorisées par le présent Traité, chaque État membre s’engage à assouplir progressivement et à éliminer totalement dans un délai maximum de quatre (4) ans après le démarrage du schéma visé à l’article 54, toutes restrictions ou interdictions de nature contingentaire, quantitative et assimilée qui s’appliquent à l’importation dans cet État de marchandises originaires d’autres États membres et à ne pas imposer plus tard d’autres restrictions ou interdictions. » L’article 88 du Traité de l’UEMOA stipule que « un an après l’entrée en vigueur du présent Traité », les atteintes à la libre concurrence (pratiques concertées, aides publiques, accords entre entreprises, abus de position dominante, associations entre entreprises) « sont interdit[e]s de plein droit. » Concernant les propres ressources de l’Union, provenant de taxes indirectes, notamment la taxe sur la valeur ajoutée, les institutions devaient adopter un report de deux ans dans les modalités de la TVA, le système de transition ne devait pas dépasser trois ans et pendant ce temps, l’Union devait être inancée par les banques centrales et de développement. D’un point de vue théorique, la question est donc celle de la valeur de tels reports et des conséquences du délai sur l’application de l’objectif. Le principe peut être résumé comme suit : après le délai, soit les règles deviennent applicables (quelles qu’aient été les actions des institutions ou des États membres), soit le manque de mise en œuvre implique l’impossibilité de l’application ; les bénéiciaires des règles attendues disposent alors d’une base pour se pourvoir en justice. Le cas du inancement de l’UEMOA n’était pas trop dificile ; la in de la période de transition pendant laquelle les ressources de l’Union étaient fournies par les institutions bancaires régionales (la banque centrale et la banque de développement) a simplement permis à ces institutions de cesser de inancer le budget de l’UEMOA. Dans la pratique, les banques centrales et de développement ont contribué au budget de l’Union jusqu’en 199761 et la « Directive » relative à la TVA a été adoptée en 1998, soit pendant la période ixée par le traité.62 61 Selon la Commission de l’UEMOA. Les Activités jusqu’en 2000. Disponible en ligne : http:// uemoa.99k.org/commission/president/Activite2000.htm. 62 UEMOA. Conseil de Ministres. Directive N°02/2009/CM/UEMOA Portant Modiication de la Directive N°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 Portant Harmonisation des Législations des États membres en Matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée. 97 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Les reports substantiels peuvent poser plus de dificultés. En fait, la question est : que peuvent faire les bénéiciaires d’une règle lorsque le délai expire ? Les réglementations juridiques en matière de concurrence de l’UEMOA ont été adoptées en 2002,63 soit ... huit ans après l’entrée en vigueur du traité.64 Dans la CEDEAO, une union douanière est censée avoir été en vigueur depuis le 1er janvier 2000 ; tous les obstacles à la libre circulation des biens et des personnes étaient censés avoir été éliminés à cette date et un Tarif extérieur commun était censé être en vigueur.65 Ceci n’est pas encore effectif au sein de la Communauté : le Conseil a adopté le 30 septembre 2013 un projet de règlement qui doit être conirmé par la Conférence en octobre 2013 et qui « suggère » que le Tarif extérieur commun devienne opérationnel le 1er janvier 201566 ... soit quinze ans après le délai ixé par le traité ! Que peut faire, par exemple, une entreprise étrangère dont les exportations vers la CEDEAO sont taxées différemment selon les États membres, sur la base de ce délai ? De toute évidence, la réponse dépend des détails de chaque cas. Dans le cas de l’application du Tarif extérieur commun et en l’absence de décision commune, il n’est pas possible de porter plainte pour réclamer la taxation uniforme à chaque frontière des États membres : les services douaniers auraient besoin de connaître la catégorie et les tarifs applicables. En revanche, concernant l’interdiction des droits de douane ou d’autres taxes équivalentes, 63 UEMOA. Conseil de Ministres. Règlement N°2/2002/CM/UEMOA Relative à la coopération entre la Commission et les Structures Nationales de Concurrence des États membres pour l´Application des Articles 88, 89 et 90 du Traité de l´UEMOA. UEMOA. Conseil de Ministres. Règlement N°3/2002/CM/UEMOA Relatif aux Procédures Applicables aux Ententes et Abus de Position Dominante à l´Intérieur de l´Union Économique et Monétaire Ouest Africaine. UEMOA. Conseil de Ministres. Règlement N°4/2002/CM/UEMOA Relatif aux aides d’État à l’Intérieur de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine et aux Modalités d’Application de l’Article 88 (c) du Traité. Voir parmi d´autres Coulibaly, A. S., 2003. Le droit de la concurrence de l’UEMOA. Revue Burkinabé de Droit, N° 43 et 44; Priso-Essawe, S., 2004. L’émergence d’un droit communautaire africain de la concurrence: double variation sur une partition européenne. Revue Internationale de droit comparé, Vol. 56(2), pp.329-354. 64 En Afrique centrale, les deux « Règlements » ont été adoptés par le Conseil en 1999, respectivement de 16 et 18 mois après que le traité était entré en vigueur (bien que le délai ixé par l’article 23 du traité était d’un an ...). 65 L’article 35 al.2 du Traité de la CEDEAO exige que : « Les restrictions quantitatives ou similaires et les interdictions de nature contingentaire ainsi que les ‘obstacles administratifs au commerce entre les États membres sont également éliminés. En outre, il est instauré et mis régulièrement à jour tarif extérieur commun en ce qui concerne tous les produits importés dans les États membres et en provenance des pays tiers. » Traité de la CEDEAO, supra note 10, art. 35 al. 2. 66 CEDEAO, Communiqué de presse n ° 281/2013 du 30 septembre 2013: Le Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO sera mis en œuvre pour compter du 1er janvier 2015. 98 Samuel Priso-Essawe une personne ou une entreprise peut refuser de payer toute taxe qui lui est réclamée au titre des droits de douane dès que le délai a expiré ; le même principe se serait appliqué dans le cas du droit de la concurrence de l’UEMOA. Sinon, les dispositions du traité sont inutiles. Cette position est facile à défendre, car aucune intervention n’est nécessaire de la part de l’administration nationale ou même des institutions régionales pour que la règle soit effective. Cependant, reste à savoir comment les citoyens ou les entreprises de la communauté parviendront à faire respecter leurs droits ce que nous examinerons plus loin. Une principale caractéristique des objectifs à application différée est que les prescriptions ne sont pas applicables avant le délai, sauf si les autorités en décident autrement. La théorie des périodes de transition est différente. Les périodes de transition Pendant une période de transition, le texte est en vigueur, mais il permet seulement aux États membres de prendre des mesures juridiques ou administratives pour appliquer le droit communautaire. Si pendant le délai de transposition des directives, les États ont « le choix quant à la forme et aux moyens », les directives ne sont pas effectives tant que les États membres n’ont pas pris de mesures de transposition et/ou tant que le délai n’a pas encore expiré. Tout autre est la situation où le texte n’est pas une « Directive », la question étant alors celle de l’inluence de ce report dans l’application de l’acte régional. On peut par exemple discuter du « Règlement » de l’UEMOA sur le pesage des camions. Il stipule que les États membres ont deux ans après l’entrée en vigueur du « Règlement »,67 pour préparer leurs équipements et lieux de contrôle routier.68 Mais cette préparation n’est clairement pas une condition pour que le « Règlement » entre en vigueur ou soit applicable ; l’effet obligatoire du « Règlement » n’est pas conditionné par les mesures nationales à venir. Par conséquent, un transporteur dont les camions ne sont pas conformes au « Règlement » de l’Union ne pourra pas valablement contester les pénalités ou amendes qui lui seront inligées en s’appuyant sur la période de transition en 67 Règlement N°14/2005/CM/UEMOA a été adopté le 16 décembre 2005, et est entré en vigueur à la date de sa signature (article 20). 68 Règlement N°14/2005/CM/UEMOA, art 18. 99 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest cours. D’un autre côté, que répondre à un transporteur dont les camions sont conformes et qui réclame une pénalité pour son concurrent « hors la loi » ? La question est d’autant plus compliquée que le dit « Règlement » prévoit un moratoire sur d’autres sujets.69 Ceci prouve que le régime de la période de transition est différent de celui du moratoire et qu’il ne suspend pas l’application du « Règlement ». Le problème avec les périodes de transition restera tant qu’il n’y a aucun mécanisme assurant le contrôle, l’application et le respect des principes ixés par la loi communautaire. La mise en œuvre des droits Cet aspect soulève deux obstacles à la mise en œuvre et au développement du droit régional en Afrique de l’Ouest. Le premier est la cohérence du droit communautaire vis-à-vis du droit national et des objectifs de la communauté. Le rapport de la Commission de la CEDEAO70 mentionne par exemple que les règles communautaires sont parfois moins avancées que les lois nationales en ce qui concerne les objectifs régionaux ; un exemple est la « carte de résident », établie par le « Protocole » du 29 mai 197971 et maintenue depuis, alors qu’entretemps certains États membres l’ont abolie dans leur système juridique. La deuxième question concerne l’implication des acteurs nationaux (publics et privés) dans la défense de leurs droits, ainsi que les instruments qui leur sont accordés à cet effet. La CEDEAO et l’UEMOA ont établi des cours de justice pour contrôler l’application du droit communautaire par les institutions régionales et les États membres. L’organisation de ces cours est bien déinie et assez semblable à ce qui se fait dans d’autres organisations d’intégration. Ceci peut être considéré comme un grand développement dans le processus d’intégration ouest-africain. Cependant, la réalité est comme souvent plus complexe, car l’eficacité du contrôle judiciaire dépend de nombreux facteurs 69 Un moratoire de douze mois concernant les amendes qui peuvent être appliquées par les États membres est prévu par l’article 19 du règlement. Ibid., art. 19. 70 Commission de la CEDEAO, 2010. Rapport inal, réunion consultative annuelle sur la sensibilisation des États membres sur la mise en œuvre et l’application des conventions de la CEDEAO, de protocoles et actes complémentaires. Abuja, le 25 août 2010, Abuja : ECOWAS. 71 Le protocole a été modiié en juillet 1986 et en mai 1990. 100 Samuel Priso-Essawe liés au fonctionnement des cours et au contexte national dans lequel les particuliers et les entreprises évoluent. Les cours régionales sont compétentes pour vériier que les États membres respectent les règles adoptées par l’organisation régionale ; elles sont donc en droit de statuer sur « le non-respect par les États membres de leurs obligations au titre du traité, des « Conventions » et « Protocoles », des « Règlements », des « Directives » ou des « Décisions » de la CEDEAO. »72 Les cours sont également compétentes pour contrôler la légalité des différents actes adoptés par les institutions régionales qui peuvent enfreindre les droits des particuliers ou des entreprises, ainsi que l’interprétation des dispositions du droit communautaire. Classiquement, il y a aussi un processus de coopération entre les cours régionales et les juridictions nationales : ces dernières peuvent renvoyer des affaires concernant l’interprétation du droit communautaire devant les cours régionales pour interprétation.73 L’accès aux cours est largement accordé aux États membres, aux organes communautaires et aux particuliers ou entreprises dont la situation est affectée par le droit régional. De ce point de vue, il n’y a pas de commentaire particulier à faire, car le système a été élaboré de façon classique. La seule innovation d’importance est la compétence de la Cour de la CEDEAO sur la protection des droits fondamentaux, même lorsqu’ils ne sont pas liés au processus d’intégration régionale. Conformément au « Protocoles sur la démocratie et la bonne gouvernance », les États membres ont étendu la compétence de la Cour à ce domaine, en complément du rôle de la Cour africaine des droits de l’homme, dont la compétence et la jurisprudence priment. Paradoxalement, cette innovation met en avant les dificultés de l’activité 72 CEDEAO. Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 portant amendement du Préambule, des articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté, ainsi que de l’article 4 paragraphe 1 de la version anglaise dudit Protocole, art. 9 §.1.c. UEMOA Protocole Additonnel N°1 relatif aux Organes de contrôle de l’UEMOA, art. 5 et 6. 73 Article 10 f du Protocole Additionnel révisé, op. cit. Articles 12 à 14 Protocole Additonnel de l´UEMOA, op. cit. Ce type de procédure est inspiré de l’UE, et est également établi, par exemple, dans la Communauté monétaire et économique de l’Afrique Central, ou dans la Communauté andine. Pour un aperçu général, voir Thornton, J., 2012. Courts and Tribunals established by Regional Economic Integration Agreement. In : Giorgetti, Ch. ed., 2012. The Rules, Practice and Jurisprudence of International Courts and Tribunals. Le Hague : Martinus Nijhoff, pp.487511. Concernant l’activité intense dans ce domaine du Tribunal de la Communauté andine, voir Helfer L. et Alter, K., 2009. The Andean Tribunal of Justice and its interlocutors: understanding preliminary reference patterns in the Andean Community. N.Y.U. Journal of International Law and Politics, Vol. 41, pp.871-930. 101 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest judiciaire quant au processus d’intégration lui-même, car la jurisprudence de la Cour de la CEDEAO est plus importante dans le domaine des droits de l’homme que dans celui de la mise en œuvre substantielle du droit économique régional. Des dificultés surviennent dans l’observation de l’activité des cours. Quoiqu’en progression, leur niveau d’activité reste bas en matière de droit économique régional. Même si certaines décisions (ou avis consultatifs) de la Cour de l’UEMOA ont eu un impact important sur la mise en œuvre du droit communautaire et l’intégration,74 le rôle de la Cour présente toujours plus d’affaires à caractère interne, au sein de l’Union ou entre la communauté et ses employés.75 Cela montre que l’eficacité du contrôle judiciaire dépend également de l’intérêt des personnes concernées (particuliers ou entreprises) et de la coniance qu’ils placent dans l’institution judiciaire. La justice régionale est souvent vue comme une justice destinée aux États ; de plus, certaines décisions des cours régionales ne s’appliquent pas dans l’ordre juridique national. Par conséquent, le système régional ne peut pas être analysé sans faire le lien avec la façon dont les États membres suivent généralement (ou non) les décisions judiciaires. Ainsi, la question est largement celle du rôle du droit dans les États membres et de la coniance que les différents acteurs placent dans le système judiciaire pour faire appliquer leurs droits. Qu’aurait été l’intégration européenne sans la célèbre décision de la Cour de justice dans les affaires Van Gend en Loos et Costa vs. ENEL au début des années 1960 et du processus d’intégration européenne ? (Lecourt 1991, pp.349-361; European Court of Justice 2013) Il y avait convergence de trois éléments : la détermination d’une entreprise à protéger ses droits au titre d’un accord international, l´engagement des juges à appliquer la loi en toute logique et justiication et la soumission au droit des États concernés, d’une manière générale. Le développement du droit de l’intégration 74 Par exemple l’avis consultatif sur le droit de la concurrence mentionné ci-dessus, qui a formulé le principe de la compétence exclusive de l’Union sur l’adoption et l’enquête de la règle. Voir aussi la décision (liée au droit de la concurrence) sur la demande du Conseil d’État sénégalais. Cour de Justice de l´UEMOA. Arrêt n° 01/05 du 12 janvier 2005 : la Compagnie Air France C/ le Syndicat des Agents de Voyage et de Tourisme du Sénégal (recours préjudiciel). 75 Il est toutefois important de noter que certaines de ces affaires ont donné à la Cour l’occasion de (ré)afirmer des principes importants de l’ordre juridique régional (par exemple le statut des actes additionnels concernant la légalité. Cour de Justice de l´UEMOA. Arrêt n° 01/06 du 05 avril 2006, relatif à l’affaire Eugène YAÏ à la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement et la Commission de l’UEMOA). 102 Samuel Priso-Essawe européenne a également bénéicié de l’activisme de juristes spécialisés.76 Sur ce modèle, l’harmonisation du droit commercial en Afrique depuis le début des années 1990 est soutenue par un important mouvement de la société civile via un réseau de clubs nationaux de l’OHADA et un site Internet bien conçu,77 qui offre des informations plus précises que le site Internet institutionnel de l’OHADA.78 Peut-être sont-ce là en in de compte les éléments clés qui permettront au droit de l’intégration ouest-africaine de se développer. 76 Il a été soutenu que le développement de l’activité de la CJCE a bénéicié de l’action des associations euro-law. Voir Alter, K. J., 2008. Jurist Advocacy Movements in Europe and the Andes : How Lawyers Help Promote International Legal Integration, Center on Law and Globalization Research Paper N°. 08-05, esp. pp.4-11, ainsi que les sources auxquelles elle se réfèrent. 77 Le portail du Droit des Affaires en Afrique. Disponible en ligne : www.ohada.com. 78 Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Disponible en ligne : www.ohada.org. 103 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Bibliographie Alter, K. J., 2008. Jurist Advocacy Movements in Europe and the Andes : How Lawyers Help Promote International Legal Integration, Center on Law and Globalization Research Paper N°08-05. Ursula Becker v. Finanzamt Münster-Innenstadt, Cas 8/81, [1982] E.C.R.53. Catalano, N., 1961. La Communauté économique européenne et l’uniication, le rapprochement et l’harmonisation du droit des États membres. Revue internationale de droit comparé, Vol. 13(1). CEDEAO. Protocole additionnel A/SP.1/01/05 portant amendement du Préambule, des articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté, ainsi que de l’article 4 paragraphe 1 de la version anglaise dudit Protocole. CEDEAO, Communiqué de presse n ° 281/2013 du 30 septembre 2013 : Le Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO sera mis en œuvre pour compter du 1er janvier 2015. Commission de la CEDEAO, 2010. Rapport inal, réunion consultative annuelle sur la sensibilisation des États membres sur la mise en œuvre et l’application des conventions de la CEDEAO, de protocoles et actes complémentaires. Abuja, le 25 août 2010, Abuja : ECOWAS. Commission de l´UEMOA. Les Activités jusqu’en 2000. Disponible en ligne : http://uemoa.99k.org/commission/president/Activite2000.htm. Commission économique pour l’Afrique, 2004. État de l’intégration régionale en Afrique, Commission économique pour l’Afrique : Addis-Abeba. Cour de Justice de l´UEMOA. Arrêt n° 01/05 du 12 janvier 2005 : la Compagnie Air France C/ le Syndicat des Agents de Voyage et de Tourisme du Sénégal (recours préjudiciel). Cour de Justice de l´UEMOA. Arrêt n° 01/06 du 05 avril 2006, relatif à l’affaire Eugène YAÏ à la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement et la Commission de l’UEMOA). 104 Samuel Priso-Essawe Coulibaly, A. S., 2003. Le droit de la concurrence de l’UEMOA. Revue Burkinabé de Droit, N° 43 et 44. Décision de la CEDEAO A/DEC.119/83 du 20 mai, 1983 (article 1). Estevadeordal, A., 2002. Regional Integration and Regional Cooperation in Latin America, Latin America/Caribbean and Asia/Paciic Economics and Business Association Annual Meeting, ADB Institute and Inter-American Development Bank, Singapour, février 2002. European Court of Justice, 50th anniversary of the judgement in Van Gend en Loos (1963-2013). Conference proceedings, Luxembourg, mai 2013. Luxembourg : European Court of Justice. Helfer L. et Alter, K., 2009. 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Variations constitutionnelles sur l’opérationnalité du concept d’« Unité africaine », en attente de publication dans UNU-CRIS Working Papers. Rolland, J.P. et Alpha, A., 2011. Analyse de la cohérence des politiques commerciales en Afrique de l’Ouest. Agence Française de Développement. Document de Travail juin 2011/114, pp.129-132. Thornton, J., 2012. Courts and Tribunals established by Regional Economic Integration Agreement. In: Giorgetti, Ch. éd., 2012. The Rules, Practice and Jurisprudence of International Courts and Tribunals. Le Hague : Martinus Nijhoff, pp.487-511. Traité Révisé de la CEDEAO, adopté à Cotonou, 24 juillet 1993, publié par le Sécrétariat Executif de la CEDEAO à Abuja. Traité de l´Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), adopté à Dakar, 10 janvier 1994. UEMOA. Conseil de Ministres. Directive N°02/2009/CM/UEMOA Portant Modiication de la Directive N°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 Portant Harmonisation des Législations des États Membres en Matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée. 106 Samuel Priso-Essawe UEMOA. Conseil de Ministres. Règlement N°2/2002/CM/UEMOA Relative à la coopération entre la Commission et les Structures Nationales de Concurrence des États Membres pour l´Application des Articles 88, 89 et 90 du Traité de l´UEMOA. UEMOA. Conseil de Ministres. Règlement N°3/2002/CM/UEMOA Relatif aux Procédures Applicables aux Ententes et Abus de Position Dominante à l´Intérieur de l´Union Économique et Monétaire Ouest Africaine. UEMOA. Conseil de Ministres. Règlement N°4/2002/CM/UEMOA Relatif aux aides d’État à l’Intérieur de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine et aux Modalités d’Application de l’Article 88 (c) du Traité. UEMOA. Conseil de Ministres. Règlement N°14/2005/CM/UEMOA Relatif à l´Harmonisation des Normes et des Procedures du Contrôle du Gabarit, du Poids, et de la Charge à l´Essieu des Vehicules Lourds de Transport de Marchandises dans les États Membres de l´Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). UEMOA. Directive N°02/2005/CM/UEMOA Fait à Ouagadougou, le 16 septembre 2005 Relatif aux Positions Communes de Négociation des États Membres de l´UEMOA pour la Sixième Conférence Ministerielle de l´OMC à Hong Kong. UEMOA Protocole Additonnel N°1 relatif aux Organes de contrôle de l’UEMOA. Yvonne van Duyn v Home Ofice, Cas 41/74 [1974] E.C.R. 133. Version Consolidée du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, 2008 O.J. C 115/47. World Trade Organization. RESTRICTED WT/TPR/S/266 from 7 October 2009 Trade Policy Review. Reports by Niger and Senegal. World Trade Organization. RESTRICTED WT/TPR/S236R1 from 2010 Trade Policy Review. World Trade Organization. RESTRICTED WT/TPR/S/266 from 25 May 2012 Trade Policy Review. Report by the Secretariat. Côte d´Ivoire, Guinea-Bissau and Togo. 107 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Annexe CEDEAO: Protocoles et Conventions [jusqu´au 3 octobre 2012] Entrée en Protocoles et Conventions Signature vigueur Convention Générale sur les privilèges et Immunités de la 1. CEDEAO Lagos, 22 avril 1978 5 juin 1980 2. Protocole sur la Non-agression Lagos, 22 avril1978 4 Août 1982 Protocole A/P1/5/79 relatif à la libre circulation des personnes, 3. 8 avril le droit de résidence et d’établissement Dakar, 29 mai 1979 1980 Dakar, 29 mai 1979 6 avril 1982 Protocole Additionnel A/SP1/5/79 portant amendement du texte français du Protocole relatif à la déinition de la notion de 4. produits originaires des États Membres (Article 1) Protocole Additionnel A/SP2/5/79 portant amendement du Protocole relatif à la déinition de la notion de Produits originaires des 5. États Membres (Article 2) 30 juillet Dakar, 29 mai 1979 984 Protocole Additionnel A/SP3/5/80 portant modiication de l’article 8 du texte français, du protocole relatif à la déinition de la notion de produits originaires des États Membres (Régime applicable 6. aux mélanges) 29 juin Lomé 28 mai 1980 1985 Protocole Additionnel A/SP1/5/81 modiiant l’Article 2 du Protocole relatif à la déinition de la notion de produits originaires des 7. États Membres de la CEDEAO 18 juin Freetown, 29 mai 1981 Protocole Additionnel A/SP2/5/81 modiiant l’Article 4 du Traité 8. de la CEDEAO relatif aux Institutions de la Communauté 24 juin Freetown, 29 mai 1981 Protocole A/SP3/5/81 d’Assistance Mutuelle en matière de 9. Défense 1986 1985 30 sept Freetown, 29 mai 1981 1986 Protocole A/P1/5/82 portant création de la carte brune CEDEAO relative à l’Assurance Responsabilité Civile Automobile 10. 108 au tiers 10 juillet Cotonou, 29 mai 1982 1984 Samuel Priso-Essawe Convention A/P2/5/82 portant réglementation des transports 11. Routiers Inter États entre les États Membres de la CEDEAO 17 juillet Cotonou, 29 mai 1982 Protocole A/P3/5/82 portant code de la Citoyenneté de la 12. Communauté 10 juillet Cotonou, 29 mai 1982 Convention A/P5/5/82 d’Assistance mutuelle Administrative en 14. 15. matière de douane Protocole A/P1/11/84 relatif aux Entreprises Communautaires paragraphe 1(c) de l’article 9 du Traité de la CEDEAO Cotonou, 29 mai 1982 1985 Lomé, 23 novembre 12 mai 1984 1989 10 juillet Lomé, 23 novembre 1984 1989 Convention A/P1/7/85 relative à l’importation temporaire dans 17. les États Membres, des véhicules de transport de personnes 1984 2 avril Protocole Additionnel A/SP1/11/84 portant modiication du 16. 1984 13 octobre Lomé, 6 juillet 1985 1989 Protocole Additionnel A/SP2/7/85 portant code de conduite pour l’application du protocole sur la libre circulation des personnes, 18. le droit de résidence et d’établissement 28 juin Lomé, 6 juillet 1985 1989 Protocole Additionnel A/SP1/7/86 relatif à l’exécution de la deuxième étape (droit de résidence) du protocole sur la libre 12 mai circulation des personnes le droit de résidence et d’établisse19. ment Abuja, 1er juillet 1986 20. Accord A/P1/7/87 Accord Culturel cadre pour la CEDEAO Abuja, 9 juillet 1987 1989 25 avril Protocole A/P2/7/87 relatif à la création d’une Organisation 21. Ouest Africaine de la Santé 1990 16 Août Abuja, 9 juillet 1988 1989 Protocole A/SP1/6/88 portant modiication des articles 4 et 9 du 22. 23. Traité de la CEDEAO relatifs respectivement aux Institutions de 25 mai la Communauté et aux Commissions techniques et spécialisées Lomé, 25 juin 1988 1990 Protocole Additionnel A/SP2/6/88 portant modiication de l’article 23 avril 53 du Traité de la CEDEAO relatif au budget de la Communauté Lomé, 25 juin 1988 1990 Protocole Additionnel A/SP1/6/89 portant modiication et complément des dispositions de l’article 7 du Protocole sur 24. la libre circulation des personnes, le droit de résidence et Ouagadougou, 30 juin 19 mai d’établissement 1989 1992 109 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest Convention Additionnelle A/SP1/5/90 portant institution au sein de la Communauté d’un mécanisme de garantie des opérations 25. de transit routier Inter-États de marchandises 19 mai Banjul, 29 mai 1990 1992 Protocole Additionnel A/SP2/5/90 relatif à l’exécution de la troisième étape (Droit d’établissement) du Protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établisse26. ment 19 mai Banjul, 29 mai 1990 1992 5 novembre 27. Protocole A/P1/7/91 sur la Cour de Justice de la Communauté Abuja, 6 juillet 1991 Convention A/P1/7/92 relative à l’Entraide judiciaire en matière 28. Pénale 28 octobre Dakar, 29 juillet 1992 Protocole A/P1/7/93 relatif à l’Agence Monétaire de l’Afrique de 29. l’Ouest 1996 1998 1er Août Cotonou, 24 juillet 1993 1995 Cotonou, 24 juillet 1993 6 août 1997 Protocole Additionnel A/SP1/7/93 portant amendement de l’article 1er du Protocole relatif aux contributions des États 30. membres aux budgets de la CEDEAO 8 décembre 31. Convention A/P1/8/94 sur l’Extradition Abuja, 6 août 1994 32. Protocole A/P2/8/94 relatif au Parlement de la Communauté Abuja, 6 août 1994 2005 14 mars Protocole A/P7/96 relatif aux Conditions d’application du 33. Prélèvement Communautaire 4 janvier Abuja, 27 juillet 1996 Protocole A/P1/12/01 portant amendement des articles 1er, 3, 6 34. et 21 du Traité Révisé de la CEDEAO Développement de la CEDEAO (BIDC) 2000 10 août Dakar, 21 décembre 2001 2004 Protocole A/P2/12/01 relatif à la Banque d’Investissement et de 35. 2000 10 août Dakar, 21 décembre 2001 2004 Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au Protocole relatif au mécanisme de 36. 110 Prévention, de Gestion, de Règlement des Conlits, de Maintien Dakar, 21 décembre 20 février de la Paix et de la Sécurité 2008 2001 Samuel Priso-Essawe 37. Protocole A/P4/01/03 relatif à l’Énergie. Convention de la CEDEAO sur les armes légères et de petit 38. calibre, leurs munitions et autres matériels connexes 5 août Abuja, 14 juin 2006 Le Protocole A/P1/12/99 relatif au Mécanisme de Prévention, 39. 2009 10 de Gestion, de Règlement des Conlits, de Maintien de la Paix Lomé, 10 décembre décembre et de la Sécurité 1999 1999, Le Protocole A/P1/12/00 portant amendement des Articles 12 et 13 du Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de 40. Gestion, de Règlement des Conlits, de Maintien de la Paix et Bamako, 16 décembre de la Sécurité 2000 Le Protocole A/P1/01/03 relatif à la Déinition de la Notion de 31 janvier Produits Originaires des États Membres de la Communauté 41. Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) 2003 Dakar, 31 janvier 2003 (provisoire) Le Protocole A/P2/01/03 relatif à l’Application des Procédures de Compensation des Pertes de Recettes Subies par les 31 janvier États Membre de la CEDEAO du fait de la Libéralisation des 42. Échanges 2003 Dakar, 31 janvier 2003 (provisoire) 31 janvier 2003 43. 44. Le Protocole A/P3/1/03 sur l’éducation et la formation 31 janvier 2003 (provisoire) La Convention Générale A/C.1/1/03 relative à la reconnais- 31 janvier sance et à l’équivalence des diplômes, Grades, Certiicats et 2003 autres titres dans les États membres de la CEDEAO 31 janvier 2003 (provisoire) Le Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 portant amendement du préambule, des Articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du Protocole A/ 45. P1/7/91 relatif a la Cour de Justice de la Communauté, ainsi janvier que de l’article 4 paragraphes 1 de la version anglaise dudit 2005 Protocole janvier 2005 (provisoire) Protocole Additionnel A/SP.1/01/06 portant amendement des articles VI-C, VI-L, IX-8, X 1-2, et XII du Protocole A/P2/7/87 relatif à la création de l’OrganisationOrganisation Ouest africaine 46. de la Santé. 111 Développement et pertinence du droit régional en Afrique de l’Ouest 14 juin Protocole Additionnel A/SP.1/06/06 portant amendement du 47. Traité Révisé de la CEDEAO 2006 14 juin 2006 (provisoire) Protocole Additionnel A/SP.2/06/06 portant amendement de 48. l’article 3, paragraphes 1, 2 et 4, de l’article 4, paragraphes 1, 3 14 juin et 7 et de l’article 7, paragraphe 3 du Protocole relatif à la Cour 2006 de Justice de la Communauté 14 juin 2006 (provisoire). 14 juin Protocole Additionnel A/SP.3/06/06 portant amendement du 49. Protocole A/P2/8/94 relatif au Parlement de la Communauté 2006 14 juin 2006 Protocole A/P2/7/96 portant Institution de la Taxe sur la Valeur 50. Ajoutée dans les États membres de la CEDEAO. Abuja, 27 juillet 1996 Dakar, 21 décembre 51. Protocole A/P3/12/01 sur la lutte contre la Corruption. 2001 Protocole additionnel A/SP2/12/01 portant amendement du Protocole portant création d’une Carte Brune CEDEAO relative 52. à l’Assurance responsabilité civile automobile aux Tiers. Dakar, 21 décembre 2001 Accord de Coopération en matière pénale entre les Services de 53. Police des États Membres de la CEDEAO Protocole A/P.1/01/06 relatif à la création de l’Ofice de renseignements et d’investigations en matière criminelle de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest 54. (CEDEAO). Source : ECOWAS Commission, Annual Report - Annex, 2012. 112 Niamey, 12 janvier 2006 (provisoire) Gervasio Semedo Gervasio Semedo Les résultats de la libéralisation du commerce dans le cadre des processus d’intégration en Afrique de l’Ouest Introduction La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), oficiellement créée en 1975 et actuellement composée de quinze pays, s’est engagée pour coordonner et promouvoir le commerce, la coopération et le développement durable dans tous ses États membres, malgré leur hétérogénéité structurelle. Comme c’est le cas avec d’autres projets d’intégration régionale, les objectifs de la coopération dans la CEDEAO sont la promotion du commerce entre les États membres et la création d’un espace entièrement intégré dans le cadre d’une union économique et monétaire. Selon Balassa (1962)1, cet objectif inal devrait être atteint progressivement, en commençant par des accords commerciaux régionaux (ACR), plus concrètement des accords commerciaux préférentiels (ACP). La deuxième étape comprend la création d’unions douanières et de libre échange entre pays membres qui impliquent une réduction réciproques des tarifs. Ces accords concernant la libéralisation du commerce, actuellement limités à seuls quelques pays, sont situés entre le libre échange intégral et le protectionnisme vis-à-vis des non membres, car les États membres adoptent un Tarif extérieur commun (TEC) à des pays tiers. Un marché commun représente la troisième étape. A ce stade, les pays membres de l’union douanière libéralisent la circulation des facteurs de production dans la zone. Les travailleurs et les entreprises peuvent se déplacer librement dans 1 Voire tableau numéro 1 « Gradation de l’intégration économique régionale. » 113 Les résultats de la libéralisation du commerce n’importe quel pays faisant partie du marché commun. L’union économique est la quatrième étape : Les pays du marché commun prennent une telle mesure, en uniiant leurs politiques économiques en matière de concurrence, de monnaie, d’agriculture, de iscalité etc. Par exemple, dans le secteur agricole, les pays membres régulent la production et le marché et harmonisent les prix. L’union monétaire est la cinquième étape. Ain de favoriser le commerce entre les pays membres de l’organisation régionale, certains groupes régionaux adoptent une monnaie commune. Cette mesure a l’avantage de réduire le coût du commerce, en éliminant les dépenses relatives à la conversion de devises, en un mot les coûts de transaction. Enin, la dernière étape est l’intégration avec fédéralisme budgétaire. Les pays membres de l’union économique décident de fusionner au niveau politique et de mettre en place un gouvernement central pour l’union. La CEDEAO n’a pas suivi cette approche linéaire. Lors de la détermination de la création d’une union douanière, les membres de cette organisation d’intégration économique régionale (IER) visent à réaliser une convergence nominale et d’établir une monnaie unique d’ici 2020. Selon Viner (1950), un pionnier de l’analyse de l’intégration économique, l’intégration économique régionale (IER) au niveau de l’union douanière a deux effets : l’effet de « nouveaux courants d’échanges ou de création de traic » dans le cadre duquel le commerce entre les pays membres de l’union douanière s’intensiiera et l’effet du « détournement des échanges » qui entraîne une augmentation des importations en provenance de l’union en comparaison avec le reste du monde. Ce point de vue statique ne prend pas en considération la dimension économique, l’innovation et le progrès technologique, car il met l’accent seulement sur les changements au niveau commercial et sur les effets du commerce sur le bienêtre. D’un nouveau point de vue (Pelkmans, 1990), le régionalisme devrait créer un espace de coopération active entre les pays membres et, en ce qui concerne la dynamique en général, l’IER devrait parvenir aux objectifs de développement. Par conséquent, dans de nombreux pays en voie de développement (PD), l’IER est devenue un pilier de la promotion de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté. L’IER peut augmenter la productivité des facteurs et la compétitivité, en attirant de nouveaux investisseurs et en favorisant le transfert de technologie. 114 Gervasio Semedo L’objectif de cet article est de démontrer les dificultés de la réalité de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Mais pour y parvenir, nous devons garder à l’esprit que la CEDEAO a été initialement créée ain de mettre en place une union douanière entre ses membres. Deux questions se posent encore : Pourquoi poursuivre l’intégration ? Quelle est la relation de causalité entre les tarifs et le commerce ? La première réponse logique à la première question mène à la libéralisation du commerce ain d’améliorer le bien-être social, en réduisant les coûts des facteurs et des produits. Toutefois, cela n’est pas évident, lorsque le niveau du commerce est initialement faible. Il existe d’autre raisons pour la libéralisation du commerce : la stimulation de la croissance, des économies d’échelle et des achats réciproques basés sur de gros montants et volumes, la convergence nominale et réelle à travers les objectifs visés (l’inlation, le déicit et la dette, etc.) et par une amélioration des avantages comparatifs ain de faire face aux déis de la mondialisation. La deuxième dimension de l’argument est le fait que la libéralisation mène à des tarifs réduits et peut affecter de manière positive et conséquente le commerce intra-régional et le taux de croissance de chaque État membre de l’union douanière. Dans ce cas, la libéralisation du commerce inluence surtout les activités économiques dans un domaine particulier. En fait, la CEDEAO proclame seulement le principe de l’intégration (Acclassato, 2013). Au il du temps, l’organisation est passée des objectifs économiques à des objectifs politiques. En fait, tous ces pays sont différents, en ce qui concerne leur histoire coloniale, leurs ressources naturelles, leurs avantages comparatifs ainsi que les systèmes institutionnels et administratifs et les règles politiques. Toutefois, la distorsion la plus importante est le fait qu’aujourd’hui, ils ne sont pas capables de respecter les règles qu’ils ont mises en place conformément à leur déclaration concernant la libéralisation du commerce intérieur et la promotion des entreprises régionales. Dans cet article, j’éviterai d’analyser la relation de causalité entre la diminution des tarifs dans le cadre du TEC et le niveau de commerce dans la CEDEAO, car il s’agit d’une évolution trop récente. En outre, l’objectif n’est pas une approche économique, fondée sur le modèle de gravité expliquant le niveau de commerce bilatéral et ses déterminants, car cette pratique jugée plus adéquate par les économistes n’est pas multidisciplinaire et compréhensible par des chercheurs de tout horizon. Je voudrais plutôt lancer un débat parmi les non économistes et formuler des recommandations, adressées aux politiciens et aux bureaucrates 115 Les résultats de la libéralisation du commerce et aux responsables des décisions publiques. Néanmoins, certains résultats utiles des modèles économétriques seront utilisés pour donner un aperçu. La section 2 de cet article traite du processus de création d’une union douanière entre les pays membres de la CEDEAO à travers l’introduction du TEC dans un cadre de concurrence régionale. La section 3 explique pour quelle raison le commerce intra-régional en Afrique de l’Ouest s’est accru à un rythme lent, malgré les ressources potentielles dans certains domaines, tels que les produits agricoles. En citant pour exemple l’offre et la demande de riz, j’identiie les obstacles au libre-échange entre les pays. En regardant le niveau faible du commerce intra-régional et malgré le fait que la libéralisation du commerce dans les années à venir ne peut pas inluencer les activités économiques immédiatement, je pense qu’il y a d’autres bonnes raisons pour la libéralisation : la promotion de la croissance par des économies d’échelle et des achats en bloc ; la réalisation de la convergence et l’occasion de surmonter la hétérogénéité considérable entre les pays ouest-africains et de faire face à l’impact de la mondialisation. En fait, si ces pays mènent bien leurs objectifs domestiques, il n’y aura pas de contradictions avec les accords commerciaux multilatéraux ; malgré le fait que le principe de la nation la plus favorisée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le principe de l’égalité de traitement des biens et des services ne correspondent pas à l’IER. Une économie régionale ouverte est véritablement la base du succès du libre-échange à l’avenir. Toutefois, dans cet article, je ne discute pas l’ouverture au reste du monde. La section 4 est consacrée aux conclusions et aux recommandations. Tout d’abord, je résume les résultats de la libéralisation du commerce dans le cadre de l’Intégration régionale ouest-africaine (IROA). Deuxièmement, certaines activités économiques pourraient être protégées à titre temporaire par des subventions et des taxes, étant donné que je suis d’accord avec la théorie de la « protection de l’industrie naissante » ain de poursuivre les objectifs du libreéchange dans la région et d’élaborer des avantages comparatifs et des moyens compétitifs pour les entreprises, 116 Gervasio Semedo La phase de négociation du TEC de la CEDEAO et le cadre régional de concurrence Sur la voie du TEC A la in de 2006, le Secrétariat exécutif de la CEDEAO est parvenu à un accord sur la mise en œuvre du TEC. Les négociations sur les taux inaux applicables aux produits en provenance de l’étranger du Tarif extérieur commun de la CEDEAO reposent sur cinq axes de négociation : a) des changements relatifs à la politique agricole (ECOWAP) ; b) des considérations environnementales ; c) des considérations liées à la santé ; d) des produits qui ont éventuellement besoin d’une protection supplémentaire par le biais des mesures d’accompagnement et e) des produits sur lesquels les États membres doivent parvenir à un accord acceptable. Les négociateurs représentant les pays membres ont pu trouver des moyens de résoudre les divergences sur les droits de douane sur 400 produits. . La mise en œuvre des accords a commencé en août 2007, 30 ans après la création initiale du Traité de la CEDEAO et 6 ans après les premières négociations. Le TEC de la CEDEAO est valable pour tous les biens en provenance de pays en dehors de la région entrant sur le territoire douanier de la Communauté. Il comprend les niveaux de droits de douane approuvés par un accord commun, le Prélèvement communautaire de 0.5% et la taxe statistique de chaque pays (en général 1%). Le TEC dispose également du potentiel pour appliquer trois nouvelles mesures de la CEDEAO concernant la réparation commerciale (deux mesures de protection contre les importations et une mesure de droit compensatoire). Les quatre niveaux de taux de droit de douane dans le cadre du TEC de la CEDEAO sont 0%, 5%, 10% et 20%, en fonction du degré de transformation ou d’élaboration des produits (bien inal, bien intermédiaire…) et d’autres considérations. Le TEC de la CEDEAO implique également l’harmonisation des zones de libre-échange, les accords commerciaux bilatéraux avec des pays qui ne sont pas membres de la CEDEAO et des exonérations statutaires et ad hoc de droits de douane. 117 Les résultats de la libéralisation du commerce Le Traité de la CEDEAO a éliminé les taxes de douane sur les produits agricoles, forestiers, artisanaux et d’élevage, tandis que seuls les produits manufacturés inclus dans le Schéma de libéralisation du commerce (SLC) de la CEDEAO peuvent être échangés dans la CEDEAO sans taxes de douane. En ce qui concerne les domaines de produits, dans lesquels le commerce entre les pays membres de la CEDEAO n’a pas encore été libéralisé, on peut s’attendre à ce que le Tarif extérieur commun de la CEDEAO soit prochainement valable. On estime qu’environ un tiers ou la moitié seulement du commerce à l’intérieur de la CEDEAO n’est pas soumis à des droits de douane, c’est-à-dire que la zone de libre échange intérieure mérite toujours un certain intérêt. Environ un dixième du total des importations entrant dans les pays de la CEDEAO proviennent d’autres pays membres de la CEDEAO, c’est-à-dire que le TEC est valable pour 90% des achats en Afrique de l’Ouest. Le TEC de la CEDEAO est destiné à être une « ceinture de protection » extérieure pour les marchés intérieurs des pays membres de la CEDEAO, mais, les taxes de douane se montant au maximum à 20%, le TEC doit certainement être considéré comme un régime à tarif bas. Les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) appliquent leur propre tarif extérieur commun depuis 2000, en imposant les mêmes niveaux de taxes douanières (0%, 5%, 10%, 20%).2 Le succès du TEC de l’UEMOA renforçant l’union monétaire de ces huit pays a façonné le développement du TEC de la CEDEAO. C’est grâce au TEC que la CEDEAO met en œuvre les aspects commerciaux de la politique agricole commune de l’Afrique de l’Ouest (ECOWAP) impliquant un abaissement des droits de douane sur les biens nécessaires pour l’agriculture, la pêche et le secteur forestier (tels que des semences, des tracteurs ou des ilets). La réduction des droits de douane sur les intrants mène à une protection plus eficace et devrait améliorer la rentabilité des secteurs de l’agriculture, de la pêche et de la foresterie dans lesquels 200 millions de personnes travaillent en Afrique de l’Ouest. Ces modiications ont été une réponse à l’appel des Chefs d’États de la CEDEAO à un « traitement spécial » de l’agriculture (janvier 2005). ECOWAP a été développé par le biais de processus nationaux dans 2 Les huit membres de la CEDEAO qui appartiennent à l’UEMOA sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Les sept pays membre de la CEDEAO qui n’appartiennent pas à l’UEMOA sont le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigeria et la Sierra Leone. 118 Gervasio Semedo chaque pays, y compris la Mauritanie, sous la direction du CILLS3, l’organisation régionale, dont le siège est au Burkina Faso, chargée des politiques concernant l’utilisation de l’eau et les questions environnementales, avec le soutien de l’USAID. Des groupes d’agriculteurs et des lobbyistes de l’industrie ont demandé des niveaux de droits de douanes plus élevés dans le cadre du TEC ain d’assurer une meilleure protection contre les importations. Malgré leurs revendications et leurs propositions d’une augmentation d’un cinquième, l’idée de fourchettes tarifaires plus élevées n’a pas été soutenue par les négociateurs représentant les pays membres de la CEDEAO. Le taux de droits de douane se montant au maximum à 20% dans les pays membres de l’UEMOA, en janvier 2006, les Chefs d’État de la CEDEAO ont pris la décision de mettre en œuvre un système similaire de quatre fourchettes tarifaires, tandis que les négociations sur les taux droits de douane minimaux pour les environ 400 produits pas encore négociés doivent placer ces produits dans les catégories de taux de douane de 0%, 5%, 10% ou 20%. Le processus s’est achevé en décembre 2012 et 130 produits spéciiques, en dehors des 400, ont été identiiés comme nécessitant la protection d’un taux d’imposition de 35%, car ils représentent des produits sensibles essentiels pour le développement de la région. Un fonds régional commun est prêt à recevoir ces taxes spéciiques. Le droit de la concurrence de la CEDEAO Le droit de la concurrence est fondamentalement lié aux conditions qui déterminent le libre-échange. Les avantages du bien-être qui découlent du succès de la mise en œuvre de la politique régionale concernant la concurrence sont un élément important de la croissance et du développement économiques. Il est incontestable que le droit et la politique de la concurrence ont joué et jouent toujours un rôle important dans la prospérité économique des pays développés, ce qui se relète surtout dans la forte croissance économique, l’entrepreneuriat dynamique, le bien-être des consommateurs et la stabilité sociale. Ces résultats du succès de la mise en œuvre des politiques et du droit de la concurrence donnent fortement à penser que les États membres de la 3 Comité Permanent Inter États de lutte contre la Sécheresse dans le Sahel. 119 Les résultats de la libéralisation du commerce CEDEAO, tous s’efforçant de développer des économies solides et de stabiliser les conditions du marché, pourraient beaucoup proiter, s’ils envisageaient sérieusement l’adoption d’un cadre régional relatif à la concurrence. La CEDEAO doit harmoniser les lois existantes, comme on remarque certaines différences entre la Common Law spéciique aux pays anglophones et le Droit Civil hérité de la tradition romaine dans les zones francophones et dans l’UEMOA. Ces différences peuvent être trouvées également dans d’autres domaines, comme le fait valoir Mundell (1972, p 42-43) en observant les performances en termes de développement inancier : « les pays anglophones en Afrique, inluencés par l’activisme et la tendance britannique d’expérimenter des pratiques nouvelles, tendent à avoir un niveau plus élevé de développement inancier par rapport à leurs voisins francophones, inluencés par la coniance française en des règles monétaires et l’automatisme. Les traditions françaises et anglaises dans la théorie et l’histoire monétaires sont différentes (…). La tradition française a mis l’accent sur la nature passive de la politique monétaire et sur l’importance de la stabilité du cours de la monnaie avec convertibilité ; la stabilité a été atteinte au détriment du développement institutionnel et de l’expérience monétaire. En optant pour l’indépendance monétaire, les pays anglophones ont sacriié la stabilité, mais de cette façon ils ont acquis de l’expérience monétaire et des institutions monétaires mieux développées. » L’aperçu de la législation en matière de concurrence est donné, compte tenu de l’expérience des pays membres de l’UEMOA et de ceux non-membres. Cette distinction permet de comprendre la nécessité de l’harmonisation. La politique de la concurrence de l’UEMOA Le droit communautaire concernant la concurrence est basé sur trois Règlements et deux Directives qui ont été introduits en 2002 et sont entrés en vigueur le 1er janvier 2003. Les trois Règlements couvrent respectivement les pratiques anticoncurrentielles concertées, l’abus de position dominante sur le marché et les aides d’État. Les deux Directives s’appliquent à (1) la transparence en ce qui concerne les relations inancières entre les États membres et les entreprises publiques, et entre les États membres et les organisations étrangères ou internationales ; à (2) la coopération entre la Commission de l’UEMOA et les autorités nationales de concurrence. Dans le schéma de concurrence de l’UEMOA, la portée juridictionnelle est limitée aux pratiques anticoncurrentielles 120 Gervasio Semedo qui sont capables de provoquer des distorsions de concurrence sur le marché de l’Union dans son ensemble ou dans une « partie substantielle » de celui-ci. En général, le schéma suit le modèle qui peut être retrouvé dans la plupart des lois concernant la concurrence dans le monde développé – par exemple, on met davantage l’accent sur : (1) les accords et les pratiques concertées dans l’atteinte à la liberté du commerce ; (2) les fusions et acquisitions ; et (3) la monopolisation – par exemple, l’abus de position dominante sur le marché. Deuxièmement, le cadre de l’UEMOA concernant la concurrence règle les distorsions de concurrence provoquées par des mesures publiques, tels que l’aide d’État et le comportement anticoncurrentiel de la part des entreprises d’État sur le marché. Spéciiquement, les dispositions de l’article 88 du Traité de l’UEMOA interdisent : a) les accords, les associations et les pratiques organisées entre les entreprises qui ont pour objectif ou pour effet de restreindre ou de fausser la concurrence dans l’Union ; b) toutes les pratiques d’une ou de plusieurs entreprises ou associations qui constituent un abus de position dominante sur le Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ; et c) l’aide gouvernementale susceptible de fausser la concurrence, en favorisant certaines entreprises ou produits. Une quatrième catégorie de violations, connue comme pratiques anticoncurrentielles, imputables aux gouvernements, a été rajoutée sur la base des dispositions des articles 4(a), 7 et 76(c) du Traité de l’UEMOA. Les politiques des autres États Membres de la CEDEAO En ce qui concerne des États membres de la CEDEAO qui n’appartiennent pas à l’UEMOA, le Nigéria et le Ghana ont actuellement une législation en matière de concurrence basée sur les systèmes juridiques de la Common Law. La législation nigériane est basée sur six types d’accords anticoncurrentiels/d’actions coordonnées et inclut : (1) la ixation directe ou indirecte des prix et d’autres conditions commerciales ; (2) des restrictions et contrôles de la production, des marchés, du développement technique et des investissements ; (3) la répartition des parts de marché, des clients et des sources d’approvisionnement ; (4) des boycotts ; (5) la discrimination en termes de commerce et le refus d’accès aux accords et associations essentielles pour la concurrence ; et (6) des accords de nature à « lier les mains » ou accords léonins. La loi nigériane en matière de concurrence vise également à éliminer les pratiques de monopolisation unilatérales et conjointes, en interdisant toute action et tout comportement qui 121 Les résultats de la libéralisation du commerce constituent un abus ou une acquisition, ou un abus de position dominante sur le marché et énumère des exemples, notamment (1) l’imposition de prix d’achat ou de vente non équitables et d’autres conditions commerciales déloyales avec l’objectif d’éliminer les concurrents ; (2) l’imposition de limitations de la production, des marchés et du développement technique au préjudice des consommateurs ; (3) la ixation de prix de revente ; (4) la restriction des importations de biens de marques étrangères avec le but d’appliquer des prix artiiciellement gonlés ; (5) l’application de conditions différentes à des transactions équivalentes de manière injustiiable ; (6) le refus d’effectuer des transactions selon les modalités commerciales habituelles d’une entreprise ; et (7) les accords léonins. En outre, la loi nigériane prévoit des règles applicables au règlement des fusions et acquisitions (F&A). La législation prévoit le droit à un examen d’appel (dans un tribunal) de toutes les décisions inales arrêtées par les organismes de règlement des litiges de la Commission de la Concurrence nigériane. Le projet de loi ghanéen concernant la concurrence et les pratiques de commerce équitable a été rédigé il y a dix ans et n’a pas encore été promulgué. Selon les informations du Ministère du Commerce du Ghana, il est prévu qu’un nouvel projet de loi sera prochainement élaboré. Certaines dispositions dans le projet de loi ghanéen actuel relètent des normes minimales manifestes dans bien d’autres pays. Le projet de loi interdit à toute personne de «conclure ou mettre en vigueur un accord qui » (a) est un boycott, ou (b) a pour but de réduire considérablement la concurrence ; ou (c) a pour but ou pour effet de ixer des prix. Ces accords interdits sont déinis comme ceux qui 1) limitent ou contrôlent la production, les marchés, le développement technique et les investissements ; (2) divisent les marchés et les sources d’approvisionnement ; (3) appliquent des conditions différentes à des transactions équivalentes ; ou (4) comprennent des dispositions couplées. Le projet de loi interdit les accords concernant la politique de prix de revente imposés, « dans la mesure où ils tendent à restreindre la concurrence équitable » et, en outre, il contient une interdiction générale des accords d’exclusivité. Le projet de loi interdit à toute personne avec « un degré signiicatif de puissance sur un marché » d’« abuser » de son pouvoir , entre autres, avec l’objectif d’éliminer la concurrence équitable, d’empêcher l’entrée sur le marché et de « ixer les prix des biens et services à des niveaux excessivement élevés » ; il proscrit des appels d’offres et des adjudications collusoires. Enin, le projet de loi fournit le cadre pour la réglementation des fusions et acquisitions. Les Fusions et Acquisitions (F&As) 122 Gervasio Semedo susceptibles d’aboutir à une « réduction considérable de la concurrence sur le marché des biens et services concernés » sont interdites. En bref, le rôle actuel du droit de la concurrence dans les États membres de la CEDEAO semble être limité, mais les efforts en cours dans l’UEMOA, au Nigéria et au Ghana indiquent qu’on reconnaît son importance dans la promotion des buts de développement et dans le renforcement d’un environnement réglementaire qui favorise fortement la croissance économique. Sur la base des résultats des recherches sur le terrain, d’autres États membres de la CEDEAO sont également intéressés à créer des marchés nationaux forts et concurrentiels et à reconnaître le rôle important du droit de la concurrence dans cet effort. Le développement de droit de la concurrence au niveau national sera augmenté par un cadre régional concernant la concurrence. Malgré les différences, il est pertinent d’atteindre plusieurs points de convergence en ce qui concerne les règles de fond et de procédure en matière de concurrence entre le droit de la concurrence de l’UEMOA et les projets de lois du Nigéria et du Ghana. Les similitudes entre les trois documents devraient servir de base pour la création d’un droit de la concurrence régional pour la CEDEAO dans son ensemble. Les tendances commerciales dans les pays de la CEDEAO et les obstacles à l’accélération des échanges Faits stylisés sur le commerce intra-régional Le commerce international peut servir de moteur pour la croissance et le développement si les entreprises domestiques sont véritablement compétitives et tirent parti de ses avantages comparatifs, tandis que le gouvernement leur accorde des subventions et taxes ain qu’elles soient plus compétitives et plus innovatrices. Le libre-échange entre les membres actuels et potentiels d’une union monétaire doit également contribuer à l’accélération du volume des échanges, en réduisant les coûts de transaction, car les agents économiques ne devraient pas affronter, par exemple, de volatilité des taux de change. Les entreprises qui mènent leurs activités dans le cadre d’un accord d’intégration régionale, protégé par un tarif extérieur commun, peuvent bénéicier des économies d’échelle, en ayant accès à un marché plus grand que leur 123 Les résultats de la libéralisation du commerce marché intérieur. L’intégration régionale liée à une monnaie unique a des effets dynamiques et endogènes, puisqu’elle promeut le commerce bilatéral (Rose, 2000). La monnaie unique implique davantage que l’élimination de la volatilité des taux du change entre ses membres. Elle réduit également les coûts de transaction, l’information asymétrique et l’incertitude, et augmente la transparence, qui est importante pour le commerce international et les politiques macro-économiques. Par exemple, des règles de ciblage de l’inlation peuvent être introduites. La CEDEAO a l’intention de créer rapidement une union monétaire d’ici 2020. Une monnaie unique dans une union monétaire offre des gains microéconomiques, en réduisant les coûts de transaction. Ain de parvenir à cet objectif, ces pays ont mis en œuvre des politiques pour soutenir la convergence nominale. Maintenant, on peut dire que la convergence nominale des prix a été atteint, que la volatilité du taux de change effectif réel a été réduit, tandis que les critères adoptés pour la réduction des déicits et dettes demeurent des points de convergence entre les pays (Semedo, Bensafta, Gautier, 2012). Selon la contribution de Rose, le processus de régionalisation du commerce lié à des règles monétaires peut être déini comme un commerce bilatéral croissant ou un commerce intra-régional de plus en plus important entre les pays membres en comparaison avec les pays non-membres de l’association régionale. Peut-on dire cela au sujet de la CEDEAO ? Semedo, Bensafta et Gautier (2012) ont constaté que le commerce intra-régional est d’une ampleur moindre qu’il y paraît dans le tableau 2 (« Membres de la CEDEAO. Structures du commerce en 2010. »). La igure 1 (« Commerce intra-régional en Afrique de l´Ouest. »), extraite des travaux documentés de manière excellente de De Lombaerde, Iapadre et Mastronardi (2012), donne une réponse détaillée à cette question : « Comme dans d’autres régions africaines, la part du commerce intra-régional semble relativement faible dans l’UEMOA et dans les autres États membres de la CEDEAO. Toutefois, il y a une grande différence entre les deux groupes, l’UEMOA manifestant des niveaux plus élevés que le reste de la CEDEAO, nonobstant sa taille inférieure. »4 Une évaluation plus précise de la régionalisation du commerce a été développée par ces auteurs qui proposent un indice de l’introversion commerciale qui mesure l’intensité des préférences commerciales entre les pays appartenant à la même région. A l’aide de cet 4 En 2010, le total des échanges s’élevait à environ 45 milliards de US$ dans l’UEMOA, en comparaison avec environ 165 milliards de US$ dans le reste de la CEDEAO, enregistrés en grande partie par le Nigéria. 124 Gervasio Semedo outil empirique, ils ont démontré que l’UEMOA est plus intégrée que les autres États membres de la CEDEAO et que (le commerce intra-régional dans) ce deuxième bloc connaît une tendance nette à la baisse, atteignant les niveaux les plus bas en Afrique subsaharienne. « Les résultats découlent surtout du fait que le poids de l’UEMOA dans le commerce mondial est demeuré très faible au cours des deux dernières décennies, tandis que le reste de la CEDEAO est passé de 0.3% en 1995 à plus de 0.5% en 2010. Autrement dit, cette dernière sous-région a échoué à renforcer son intégration intra-régionale, bien qu’elle ait élargi sa participation au commerce international. » En bref, de nombreuses institutions (la Commission de la CEDEAO, CNUCED, COMTRADE, CEA)5 et de nombreux auteurs (mentionnés ci-dessus) sont d’accord avec le fait que l’intégration régionale ouest-africaine demeure sur une base faible en termes réels, puisque le commerce régional représente 10-15 % du total des échanges de cette région. En fait, l’UE est de loin le partenaire commercial le plus important de tous les pays de la région, à l’exception du Nigéria qui a des relations très fortes avec les États-Unis. Le niveau de commerce intra-régional n’est pas expliqué de manière similaire entre les pays Plusieurs pays disposent d’un niveau acceptable de commerce intra-régional, mais pour des raisons différentes. L’implication du Nigéria est liée aux hydrocarbures et aux biens manufacturés. Certains pays comme le Mali et le Burkina Faso sont enclavés et, par conséquent, représentent des zones de transit qui partagent beaucoup avec leurs pays voisins. Au Togo et en Gambie, il existe des entrepôts et la contrebande est également organisée. Tous les pays limitrophes du Nigéria, tel que le Bénin, connaissent le commerce parallèle et illicite. Enin, certains pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire exportent des biens manufacturés malgré le déclin dans leur secteur manufacturier. Depuis 1985, le Ghana est une économie dans le processus de transformation structurelle, de telle sorte que le pays est un exportateur net de biens manufacturés vis-à-vis du reste de la région. Toutefois, la part de l’agriculture dans la valeur totale ajoutée par ces pays montre que le commerce régional est toujours dominé par des produits agricoles (voir le tableau 3 en annexe « Valeur ajoutée (VA), distribution en 2010. »). 5 Voir Semedo, 2012, p.41. 125 Les résultats de la libéralisation du commerce En général, ces pays font davantage de commerce avec les économies du Nord et principalement avec leurs ex-colonisateurs, malgré plusieurs efforts de diversiier leurs partenaires. Leurs nouvelles relations sont avec la Chine, les États-Unis et les pays émergeants dans le contexte de la mondialisation : le Brésil, la Corée du Sud, l’Inde et la Russie. Certains lux commerciaux sont liés à la contrebande, au transit et au stockage temporaire de biens destinés à une réexportation ultérieure. Les estimations concernant le commerce intra-régional sont inexactes. Les raisons principales pour cela sont liées aux activités informelles, la contrebande, les activités illégales et les phénomènes de réexportation, puisque les sociétés cherchent à échapper au contrôle iscal et au contrôle sanitaire et de qualité. Comme les systèmes monétaires ne sont pas uniiés, les agents économiques essaient également de proiter des différences entre les monnaies en vigueur sur les marchés différents et le commerce illégal prospère, car il est mené par des opérateurs rationnels qui sont bien informés à propos des taux de change des diverses monnaies de la région. Les lux informels de biens sont également expliqués par la proximité géographique, la communauté culturelle, linguistique et ethnique, de telle sorte que les frontières héritées de l’ère coloniale soient poreuses. Les peuples ont créé des réseaux commerciaux ain de garantir leur survie et leur bien-être. Les paniers de biens de ces lux informels et illégaux sont composés non seulement de biens de consommation dont la population a besoin (médicaments, parfois d’origine douteuse, produits alimentaires), mais aussi des produits qui peuvent mettre en danger les populations (armes, drogues, etc.). Enin, les pays de la CEDEAO afirment leur volonté d’arriver à la création d’une union douanière, mais, en fait, ils maintiennent certaines taxes et certains régimes douaniers qui sont en pleine contradiction avec l’établissement du TEC. De même, les politiques des pays membres concernant les subventions ne sont pas égales et les taux effectifs de protection de chaque produit varient, puisque les biens intermédiaires utilisés pour la fabrication d’un produit ne sont pas imposés au même taux dans tous les pays. Meagher (1996) est d’avis que le commerce parallèle et illégal était responsable pour plus de 30 à 50% de la production agricole dans certains pays ouestafricains au début des années 90 et que, pour cette raison, les statistiques oficielles au sujet de la production étaient fausses. En ce qui concerne les pays de l’UEMOA, Adjovi (2010) a estimé qu´entre 1996 et 2000, ce type de commerce représentait 11.3% du lux total, et l’importance de ce commerce pour les exportations varie en fonction du pays, par exemple 1.7% au Mali 126 Gervasio Semedo et 92% au Bénin. En fait, selon les enquêtes réalisées par LARES (1995), le fournisseur principal du Bénin est le Nigéria. Un tiers des importations vers ce pays sont en provenance du Nigéria. Il existe des liens verticaux solides entre les entreprises béninoises et nigérianes, de sorte que le Bénin réexporte sur les marchés internationaux de nombreux produits importés du Nigéria, tels que du riz, des véhicules d’occasion et des produits à base de viande. Soule Bio Goura (2010) a évalué le cas du Niger, le deuxième pays avec lequel le Nigéria a des relations informelles très intenses et a constaté un niveau très élevé de fraude : 15% des exportations, 79% des importations. Malgré toutes ces pratiques négatives, l’Afrique de l’Ouest a plusieurs avantages comparatifs qui ont besoin d’encouragement et de politiques constructives pour créer des chaînes de valeur. L’IER est appropriée si les gouvernements s’occupent des conditions d’approvisionnement et de l’environnement nécessaire pour les produits agricoles, en gardant à l’esprit qu’un pays n’est pas développé s’il n’est pas autosufisant en matière de production alimentaire. Obstacles au commerce et le potentiel de l’Afrique de l’Ouest : L’exemple de l’offre et de la demande de riz Les chaînes de valeur des produits agricoles : le cas du riz Comme par le passé, les pays de l’Afrique de l’Ouest sont impliqués dans le commerce international avec une spécialisation ricardienne ou complète, et sont fournisseurs d’un petit nombre de produits, tels que des ressources minérales, des matières premières et des produits agricoles. Pour les théoriciens de ces pays, la tentation est grande de dénoncer les échanges inégaux et l’héritage du colonialisme. Ce point de vue statique du commerce international ignore le fait que la mondialisation exige une vision stratégique des avantages comparatifs et leur établissement à travers des politiques publiques. Dans le cadre de cette vision stratégique, les gouvernements devraient donner la priorité aux rélexions concernant l’autosufisance alimentaire. Dans le cadre d’ECOWAP, il appartient donc aux pays membres de la CEDEAO de limiter les restrictions de la production, de l’approvisionnement et du stockage dans des domaines prioritaires, tels que les céréales (par exemple, riz et sorgho), le sucre, le lait et les préparations alimentaires conditionnées. Sylla (2012) a identiié des obstacles spéciiques à l’agriculture liés à l’offre (précipitations, 127 Les résultats de la libéralisation du commerce capacité du stockage, contraintes inancières, transport, infrastructures, innovation, équipement, énergie, etc.) et à la demande. Gallezot (2006) a analysé les avantages comparatifs révélés et potentiels de la CEDEAO, qui sont déterminés de manière endogène et qui peuvent nourrir la population dans la sous-région, réduire le poids des importations et, dans le même contexte, le coût des biens salariaux. Cette politique est possible à l’aide de nouvelles technologies, de nouvelles règles au sujet de la propriété foncière et des actions mieux organisées et de plus grande envergure. L’agriculture est un préalable à l’industrialisation. Vu que le riz est devenu la source principale de nutrition en Afrique de l’Ouest et que les pays de la CEDEAO sont importateurs nets de riz, comment peuton appliquer ce concept au secteur du riz en Afrique de l’Ouest ? Il est évident que l’importation de riz est coûteuse en termes de devises étrangères. Quelle est la situation du secteur du riz dans la CEDEAO ? Premièrement, en Afrique de l’Ouest, le riz est habituellement importé par chaque pays de manière individuelle. Actuellement, il n’y a pas d’instrument régional de réglementation des importations de riz. Deuxièmement, l’Afrique de l’Ouest dépend à la fois du riz de production locale et du riz importé. Bien que la sous-région ouestafricaine dispose d’un potentiel signiicatif de production de riz, elle reste dépendante des importations de riz, surtout de la Chine, de la Thaïlande et du Viêt Nam, pour couvrir presque la moitié de la consommation. Ces importations de plus de 5 millions de tonnes représentent 20% du riz échangé à l’échelle internationale. Troisièmement, les importations de riz du Nigéria, le plus grand producteur de la région, responsable d´entre 39% et 43% de la production régionale de riz, ont diminué entre 1999 et 2012.6 Quatrièmement, les relations transfrontalières et les prévisions concernant les taux de change causent un traic illicite de riz. Par exemple, selon le Département de l’Agriculture des ÉtatsUnis, « environ 75% de la production de riz au Nord du Bénin quitte le pays, puisque les commerçants nigériens et nigérians offrent des prix plus élevés et des paiements en espèces plus rapides ». Par cet exemple, il est clair que la promotion de l’autosufisance, prévue au Bénin pour 2015, est compromise, malgré le soutien des donateurs qui mettent à disposition des semences, des engrais subventionnés, des pompes pour les puits tubulaires et d’autres instruments techniques utilisés dans le domaine de l’irrigation. Cinquièmement, il existe une différentiation considérable des produits en ce qui concerne les 6 Voir Agritrade, 2012. Rice sector trends and trade policy measures in West Africa. Agritrade, 12 août . 128 Gervasio Semedo importations de brisures de riz, de riz blanchi, de riz « paddy » et de riz produit à l’échelle locale. De nombreux habitants de l’Afrique de l’Ouest manifestent une préférence marquée pour les caractéristiques gustatives du riz produit à l’échelle locale. Enin, en analysant ce secteur, le règlement des différends entre les pays membres est inévitable. Les pays de l’UEMOA, notamment le Sénégal, tout en étant un producteur de riz, n’ont pas les mêmes intérêts et les mêmes contraintes que le Nigéria. Au Sénégal, le gouvernement continue à encourager la production locale de riz ain d’arriver à l’autosufisance. Mais il continue à demander de l’aide à l’UE. Ce donateur principal soutient l’initiative d’irrigation dans la Vallée du leuve Sénégal, notamment l’approvisionnement en intrants subventionnés. Toutefois, les objectifs du gouvernement n’ont pas été atteints, et les conditions de sol dans certaines zones ciblées sont inappropriées pour la production de riz. Des efforts ont également été faits pour améliorer les liens des producteurs avec les distributeurs et les détaillants, ain de renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement locales. En termes de politique commerciale, les tarifs de riz au Sénégal varient de 10% à 32.7%. Au Burkina Faso, selon le Département de l’Agriculture des États-Unis (2012), « les efforts du gouvernement déployés depuis 2008 pour dynamiser la production de riz ont donné des résultats satisfaisants, en considérant que les terres cultivées ont plus que triplé. » La riziculture irriguée dégage un niveau de rendement plus élevé que le niveau de la production pluviale grâce aux intrants et aux mesures de crédit. La Côte d’Ivoire a le tarif le plus faible dans l’UEMOA. Le Mali est très loin de l’autosufisance et applique également des tarifs faibles, tandis qu’il vend des terrains à des étrangers, de la Chine et du Moyen Orient. En fait, il n’existe pas une politique commune appliqué à ce secteur dans l’espace CEDEAO. En fait, les Nigérians consomment moins de kilogrammes de riz par an par rapport aux consommateurs dans les pays voisins. Le taux tarifaire moyen imposé sur le riz dans l’UEMOA est de 10% et les paysans produisant du riz sont de l’avis que ce taux tarifaire faible nuise à la production et ils le perçoivent comme une mesure incitative à l’importation. Cette préoccupation a été formulée par le Président du Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), Mr. Cissokho, lors de différentes réunions dans le cadre d’ECOWAP. Il considère que certains produits agricoles sont des produits stratégiques et devraient être protégés jusqu’à ce que le niveau de production couvre au moins la valeur des importations. Il croit que le Commissaire responsable des produits agricoles n’a aucune vision à long- 129 Les résultats de la libéralisation du commerce terme. Les agriculteurs africains ont des désavantages liés à des problèmes physiques et climatiques (le déicit de précipitations, etc.), des problèmes inanciers et des problèmes liés aux coûts de transport et au stockage (de semences et d’aliments), et ces problèmes devraient être pris en compte en termes de politiques tarifaires. Ce point de vue mérite un certain respect, puisqu’il pose la question de savoir qui doit être défendu : l’importateur ou le producteur. Il est vrai que le Nigéria agit comme un « passager clandestin » et ont les moyens de le faire. Mais on espère que les niveaux de droits et de taxes augmenteront, car le riz est un produit dans le domaine duquel les arguments favorables à une augmentation du taux des droits de douane ont gagné en popularité et les négociateurs des pays membres de la CEDEAO envisagent de placer le riz dans la catégorie tarifaire de 20% qui correspond mieux à ce statut de « produit ini ». Il faut accorder l’attention voulue à ce secteur, car on se rappelle des retombées négatives des crises alimentaires de la période 2007-2008. Une bonne mesure considérée par la CEDEAO en 2008 visant à éviter les effets des prix internationaux sur les marchés locaux était de mettre en œuvre un achat en bloc régional de riz importé. Diagne, Seck, Bamba et Fiamohe (2012) fournissent des preuves empiriques ain de soutenir la mise en œuvre d’un achat en bloc régional de riz importé dans cette région. Spéciiquement, ils estiment la position collective de la CEDEAO sur le marché international, en déterminant à la fois l’élasticité du total de l’Afrique de l’Ouest en ce qui concerne les importations de riz et l’élasticité de l’approvisionnement en ce qui concerne les exportateurs principaux de riz, telle que la Thaïlande. Sur la base de la demande résiduelle et des modèles d’approvisionnement, un modèle de commerce de riz qui représente un équilibre partiel entre deux pays est appliqué au commerce de riz entre la Thaïlande et la CEDEAO et entre la Thaïlande et le Nigéria. Les données utilisées portaient sur la période entre 1988 et 2010 et ont été recueillies de sources différentes. Les résultats principalement empiriques indiquent que la région de la CEDEAO dans son ensemble possède une position forte et importante sur le marché international d’exportation de riz. Ces observations impliquent que l’achat en bloc de riz importé peut conférer aux États membres de la CEDEAO un plus grand pouvoir de négociation sur les marchés d’importation de riz. En conclusion, à travers l’augmentation du Tarif extérieur commun sur le riz importé, prévue dans la CEDEAO, la mise en œuvre de l’achat en bloc de riz importé faciliterait l’importation de riz et permettrait un meilleur équilibre entre l’importation de riz et la riziculture dans 130 Gervasio Semedo les pays ouest-africains, en donnant l’opportunité aux riziculteurs d’harmoniser la production avec le développement du marché régional. Toutefois, le type de réglementation, les dispositifs institutionnels et la coordination nécessaires pour garantir l’eficacité d’un projet politique, tel que l’achat en bloc régional de riz importé doivent être examinés davantage. De plus, une recherche plus approfondie basée également sur des preuves est nécessaire pour façonner le type de politique et les innovations institutionnelles nécessaires pour le partenariat entre les secteurs public et privé. Actuellement, comme on peut le voir ci-dessus, il est important de considérer que le Nigéria suit un agenda politique individuel cohérent lié à la transformation de produits agricoles dans le pays. Par exemple, dans le cadre de sa combinaison de politiques concernant la farine de manioc, adoptée en 2012, le gouvernement nigérian a augmenté le tarif imposé sur les importations de blé de 5% à 20%, tandis qu’un droit de douane supplémentaire de 65% a été imposé sur les importations de farine de blé, avec le droit effectif de 100% (Agritrade, 2012, 20 Jul). Au cours de l’année 2012, des droits de douane supplémentaires de 40% ont été imposés sur les importations de riz, le droit effectif atteignant 50%. Cette décision a mené à une contrebande accrue de riz du Bénin, mais cela pourrait être interrompu par une uniication monétaire et ne devrait pas être en contradiction avec la baisse des prix dans la zone d’IER. Le Nigéria a prévu une interdiction des importations de riz à partir de 2015, tandis qu’au début de janvier 2013, le gouvernement nigérian a annoncé une interdiction complète des importations de « sachets de sucre, sucre cristallisé et des morceaux » dans le cadre d’une politique tarifaire qui fournit des incitations à la transformation locale de sucre. Ces taux doivent être considérés dans le contexte des efforts nigérians antérieurs pour introduire une « cinquième » fourchette tarifaire dans le cadre du TEC et pour renforcer son agenda politique concernant la transformation de produits agricoles. Les restrictions tarifaires et non-tarifaires sont considérées par le gouvernement nigérian comme l’élément central du cadre politique visant à stimuler l’investissement dans la transformation du secteur agricole local. Même s’il y a des dispositions dans le Traité de la CEDEAO, les taxes spéciales et les mesures de protection temporaire, initiées par le mouvement politique nigérian, semblent soulever des questions au regard de la cohérence avec le TEC de la CEDEAO et au regard des ambitions d’intégration en matière de commerce régional. La nécessité d’une approche au développement du secteur du riz en Afrique de l’Ouest coordonnée au niveau régional a été récemment reconnue par la CEDEAO à 131 Les résultats de la libéralisation du commerce travers le lancement de son « Initiative Riz ». On espère que l’approche régionale adoptée par la CEDEAO et par le Centre du riz pour l’Afrique, toute une gamme d’institutions de sécurité alimentaire et d’organisations d’agriculteurs, conduira effectivement à une meilleure coordination du développement du secteur du riz et du commerce en Afrique de l’Ouest. L’opposition entre les politiques nigérianes et celles des autres pays donne une occasion de discuter des limites de la croissance du commerce intra-régional dans la CEDEAO. Limites de la croissance du commerce intra-régional dans la CEDEAO Obstacles spéciiques liés au TEC et le cadre régional concernant la concurrence Peu importe les secteurs examinés et les niveaux de TEC considérés, appliqués par la CEDEAO, on constate que l’harmonisation des taxes est loin d’être atteinte et que cela empêche la croissance du commerce régional. Le secteur du riz a montré cela. Prenons l’exemple des nouveaux pneus ; le taux de TEC de l’UEMOA est de 20%, tandis que le Ghana impose 10% et le Nigéria un tarif de 50%. Le taux de droits de douane approprié pour les appareils de production d’électricité, tels que ceux habituellement utilisés par les entreprises ouest-africaines comme source d‘électricité de secours ou même comme forme principale d’électricité, est susceptible d’occasionner de nombreuses discussions animées entre les négociateurs. Dans des domaines, telle que la fabrication, et dans les domaines autant importants que le secteur énergétique, les matériaux de construction, l’industrie plastique, les produits chimiques, les polymères, le bois et ces diverses transformations (tel que le papier), de longues discussions sur le tarif extérieur seront en tout cas nécessaires. Le dialogue public sur le TEC dans les pays membres de la CEDEAO donnera aux négociateurs nationaux un mandat plus solide ain de parvenir à des compromis adéquats dans ces domaines essentiels. Il est clair que la mise en œuvre du TEC de la CEDEAO est essentielle à l’accomplissement de la destinée de l’organisation. L’imposition d’un TEC transparent sur tous les produits renforcera l’union douanière et constituera un exploit remarquable dans l’intégration de la CEDEAO. Une fois que les négociateurs se sont mis 132 Gervasio Semedo d’accord sur les taux inaux du TEC, les fonctionnaires douaniers peuvent publier les recueils des tarifs douaniers destinés à tous les postes frontières et le public peut être informé de tout changement susceptible de survenir. Le TEC de la CEDEAO renforcera la transparence de l’administration douanière dans toute l’Afrique de l’Ouest, ce qui veut dire que plus de moyens inanciers reviendront au Trésor public commun, peut-être provenant même des produits, des droits de douane desquels sont susceptibles d’être réduits. L’état actuel des lois concernant la concurrence semble limité et ne relète pas l’application du pouvoir exécutif de la CEDEAO dans chaque cas de règlement des différends. Les gouvernements poursuivent leurs propres intérêts et évitent l’exposition à des déséquilibres budgétaires. En général, ils sont des « passagers clandestins » qui appliquent des taxes ain de maintenir leur propre pouvoir et celui des lobbies. Le Ghana et le Nigéria ne disposent pas des mêmes règles de fonctionnement par rapport aux pays membres de l’UEMOA, malgré des tentatives d’harmoniser les procédures du Common Law avec le droit Civil français. Vu sous cet angle, les accords commerciaux régionaux en Afrique contrastent fortement avec ceux en Europe et en Amérique du Nord, où l’engagement de se conformer aux obligations juridiques contenues dans les traités qui les prévoient est beaucoup plus solide. Les accords commerciaux régionaux en Afrique semblent être des régimes lexibles. Ici, la lexibilité concerne les caractéristiques fondamentales suivantes des accords commerciaux régionaux (Ghatti-Thuo, 2009). Premièrement, ces accords commerciaux régionaux sont considérés comme créant des régimes lexibles de coopération plutôt que des règles restrictives exigeant une adhérence scrupuleuse et rigoureuse. Deuxièmement, les accords commerciaux régionaux en Afrique incorporent comme une caractéristique centrale le principe de la géométrie variable, selon lequel il existe des rythmes différents pour les réunions et d’autres engagements. Troisièmement, les accords commerciaux régionaux adoptent toute une panoplie d’objectifs sociaux, économiques et politique sans donner la priorité à un seul groupe d’objectifs. Quatrièmement, les accords commerciaux régionaux manifestent une préférence particulière pour des objectifs fonctionnels spéciiques visant à entreprendre des projets discrets et servant de forums sur le développement intégré de ressources communes, tels que les bassins luviaux (le leuve Mano, par exemple) qui dépassent les frontières nationales. Cinquièmement, les accords commerciaux régionaux manifestent un engagement remarquable envers la distribution équitable des gains du commerce et une faiblesse parallèle dans l’adoption de principes 133 Les résultats de la libéralisation du commerce commerciaux de non-discrimination et des objectifs correspondants concernant la libéralisation du commerce. Sixièmement, les accords commerciaux régionaux en Afrique sont caractérisés par des afiliations multiples qui se chevauchent, en illustrant un cas classique d’un bol de spaghetti. L’appartenance à plusieurs accords commerciaux régionaux illustre la lexibilité et l’adhésion à porte ouverte qu’ils offrent. Toutefois, ce point de vue pragmatique lié aux règles sociales et politiques n’est pas adapté à répondre aux exigences d’eficacité dans le contexte de la mondialisation. Obstacles politiques et institutionnels au commerce libre Les gouvernements des pays membres de la CEDEAO ne semblent pas s’intéresser aux questions d’eficacité de l’intégration régionale. Les négociations sur le TEC sont la preuve de cette afirmation, puisqu’elles sont laborieuses et il faut du temps pour leur mise en œuvre. La concurrence iscale entre les pays n’est rien d’autre que « un vote avec les pieds ». Les politiciens n’expriment pas la volonté publique; ils ne défendent que leurs propres intérêts. Ils peuvent se servir abusivement de la question de la souveraineté nationale ain d’être réélus et puis ils abandonnent la mise en œuvre des projets d’intégration régionale. Toutefois, ils sont conscients que l’existence de grands marchés est un préalable de la croissance durable et du développement. L’ordre institutionnel de la CEDEAO est une copie brouillée de l’UE. Elle est composée de l’Autorité des Chefs d’État, la Commission, le Conseil, le Parlement et la Cour de Justice. Il manque une autorité chargée de régler ou de mettre en œuvre le cadre de la concurrence. En fait, le Parlement ne dispose pas de pouvoir et la Cour de Justice est une médiatrice qui contrôle l’interprétation et l’application du traité. En examinant les institutions régionales de la CEDEAO et en les comparant avec d’autres projets d’IER, tels que l’UE et l’ASEAN, en termes de processus d’élaboration des politiques, Omisakin (2013) afirme que la CEDEAO est caractérisée par une absence de processus d’élaboration inclusive, par une évaluation des politiques et des mécanismes de rétroaction très faibles, par des problèmes concernant l’engagement politique et inancier, par des problèmes ethniques et par une allégeance nationale très faible. Cela implique la nécessité de clarté et de cohérence dans la gestion et dans les procédures ain de promouvoir un plus grand développement institutionnel. Ain de donner un aperçu de ce processus dans chaque pays de la CEDEAO, on peut utiliser 134 Gervasio Semedo les indicateurs du rapport « Doing Business » de 2013, voir tableau 4.7 Le but est de démontrer que l’environnement réglementaire des entreprises est très instable dans la CEDEAO, malgré les efforts considérables au cours des dernières années. Si l’on examine la performance dans un échantillon de 185 pays, il n’est pas étonnant que le commerce général et les investissements directs (voir tableau 5 « Investissements directs étrangers (% du PIB) dans la CEDEAO. ») se situent à un niveau faible, mesurés en pourcentage du PIB. Pour en faciliter l’examen, j’ai sélectionné plusieurs critères et j’ai fait des comparaisons utiles avec d’autres pays du monde et entre les pays membres de la CEDEAO en ce qui concerne les meilleures et les pires performances dans le tableau 6 (« Détails spéciiques concernant la performance économique dans la CEDEAO. »). En prenant en considération les statistiques publiées par Freedom House en 2012, on peut avoir une meilleure idée de la stabilité dans la région, liée à la qualité des institutions dans le tableau 7 (« Qualité institutionnelle dans la CEDEAO en 2005 et 2012. », certains indices comme : les indices de liberté, d’intégrité physique, de tension ethnique et de conlit montrent que la situation n’est pas brillante). En général, ces dernières années, l’Afrique subsaharienne (ASS) est considérée comme étant la région la plus instable du monde sur le plan politique, avec des avancées démocratiques considérables dans certains pays et avec des coups d’État, des querelles civiles et de la répression autoritaire dans d’autres. Tandis que l’ASS a connu plusieurs gains considérables, particulièrement en Afrique de l’Ouest, les conlits civils et l’émergence de groupes islamistes violents ont empêché l’augmentation générale de la liberté politique. Plusieurs pays sont passés de la catégorie « partiellement libre » à la catégorie « libre » : La Sierra Leone et d’autres pays, notamment le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont passés de « non libre » à « partiellement libre ». La Guinée a également marqué des progrès, et le pays le plus stable est le Cap-Vert. Le Mali a souffert de l’occupation de la part des fondamentalistes après la guerre civile libyenne et a enregistré l’un des 7 Par exemple, ain de mesurer la facilité d’obtention de permis de construire (ligne 3, tableau 4 « Indicateurs “Doing Business” pour des pays sélectionnés de la CEDEAO par rapport à un ensemble de 185 pays en 2013. »), Doing Business enregistre les procédures, le temps et les coûts dont une entreprise moyenne a besoin pour obtenir tous les permis nécessaires pour construire un entrepôt commercial simple et pour le connecter au système d’approvisionnement en eau, aux conduites d’égouts et à une ligne de téléphone ixe. Cette approche comprend tous les types d’inspections et de certiicats nécessaires avant, pendant et après la construction de l’entrepôt. Ain de rendre les données comparables dans tous les 185 économies concernées, l’étude de cas suppose que l’entrepôt se situe dans la zone périurbaine de la plus grande ville commerciale, n’est pas dans une zone économique ou industrielle spéciale et sera utilisé pour des activités générales de stockage. 135 Les résultats de la libéralisation du commerce déclins annuels les plus brusques dans l’histoire de « Freedom in the World », en passant abruptement de « libre » à « non libre », et le statut de la GuinéeBissau a baissé de « partiellement libre » à « non libre » Des déclins ont été également enregistrés en Gambie et au Nigéria. Si l’on examine les données dans le tableau 8 (« Indice de perception de la corruption dans la CEDEAO. Classement sur 176 pays et classement régional concernant l’Afrique subsaharienne. »), en rassemblant l’Indice de perception de la corruption (IPC), mis à disposition par Transparency International (2012), les pays ouest-africains ne sont pas bien classés.8 La corruption donne lieu à des souffrances humaines, les familles pauvres étant contraintes de verser des pots-de-vin ain de consulter un médecin ou d’accéder à l’eau potable. Cela mène à des échecs en ce qui concerne la fourniture des services de base, tels que l’éducation et le système de santé. Cela empêche la construction d’infrastructures essentielles, car les dirigeants corrompus détournent des fonds publics. La corruption représente une « taxe sale » dont les premières victimes sont les plus pauvres et les plus vulnérables. En y ajoutant la fuite de capitaux massive, on peut comprendre pour quelle raison les investissements directs étrangers (IDE) sont tellement faibles dans cette région où même les entrepreneurs locaux n’ont pas sufisamment coniance pour investir dans leur propre région (voir le tableau 9 « Fuite des capitaux dans la CEDEAO. »). Enin, les institutions et la gouvernance ont une grande importance en Afrique de l’Ouest, puisque les politiciens et les bureaucrates se servent abusivement de leur pouvoir ain de s’enrichir, en manipulant les citoyens par des moyens détestables, telle que la manipulation des sensibilités ethniques et religieuses. En fait, l’absence d’une édiication d’États-nations nuit à l’eficacité locale des entreprises et à l’IER et ses avantages. Les coûts sociaux sont immenses et les défaillances du marché qui en résultent sont également très élevées. Dans son article fondateur sur les effets économiques des unions douanières, Viner (1950) néglige les défaillances du marché liées à la fourniture de biens publics, aux externalités et aux défauts institutionnels. 8 L’Indice de perception de la corruption classe des pays et des territoires en fonction du niveau perçu de corruption dans leur secteur public. Le résultat d’un pays ou d’un territoire indique le niveau perçu de corruption dans le secteur public sur une échelle de 0 à 100, où 0 signiie que le pays est perçu comme étant fortement corrompu et 100 signiie qu’il est perçu comme étant très transparent. Le classement du pays indique sa position par rapport aux autres pays et territoires inclus dans l’indice. L’indice de cette année inclut 176 pays et territoires. 136 Gervasio Semedo Les aspects économiques théoriques concernant les obstacles au commerce libre Malgré sa riche contribution théorique concernant les unions douanières, Viner nous a offert un point de vue statique. Le monde décrit par ce pionnier se situe dans le cadre d’une concurrence parfaite entre les entreprises, d’un équilibre partiel et de coûts faibles de transport et de transaction ; un monde où seulement les biens peuvent être transportés d’un pays à l’autre et les facteurs ne se déplacent pas entre les pays, mais seulement entre les secteurs différents d’un pays. Les biens produits par les pays sont substitués et librement échangés dans la même région qui a décidé de créer une union douanière et pas avec d’autres régions du monde. Les économies d’échelles ont été également exclues. Ces hypothèses ont mené à l’identiication d’une distinction utile en ce qui concerne la « création » et le « détournement » de lux commerciaux en l’absence de coûts de transport et de transaction, notamment les variations des taux de change et l’absence de pouvoir de négociation, ce qui signiie une situation durable de concurrence parfaite pour chaque entreprise. Le monde réel est différent. Pour cette raison, ce cadre statique de l’union douanière est seulement un premier pas vers des observations initiales et vers la considération d’un cadre plus dynamique. Selon Viner, le but d’une union douanière sont l’organisation de l’espace et la spécialisation des pays en fonction de leurs avantages comparatifs. Je suis d’accord avec lui en ce qui concerne la planiication de l’espace, mais des complémentarités entre les pays, une mobilité des facteurs et des modalités inancières de compensation sont également nécessaires pour transformer l’espace. Cela n’est pas basé seulement sur les avantages comparatifs. Chaque union douanière est un incubateur d’avantages comparatifs naturels en termes de différences de productivité entre les secteurs de chaque pays concerné, mais une politique industrielle régionale est nécessaire pour créer des chaînes régionales de valeur par le biais de politiques commerciales stratégiques. La division régionale du travail devient nécessaire pour renforcer la division internationale du travail, car le principe est la protection d’industries naissantes qui bénéicient d’une zone de libre-échange plus vaste. Cet espace donne aux entreprises l’occasion de proiter des économies d’échelle. En fait, l’intensiication de la division régionale du travail mène à une meilleure intégration en matière de division internationale du travail. L’intégration régionale n’est pas opposée au multilatéralisme. A l’aide de l’intégration régionale, chaque pays 137 Les résultats de la libéralisation du commerce peut améliorer sa spécialisation et puis s’ouvrir progressivement au monde. L’idée défendue ici en termes d’approche dynamique est donc celle d’un régionalisme ouvert. L’expérience européenne montre que les lux commerciaux entre l’UE et le reste du monde ont régulièrement augmenté depuis le Traité de Rome, compte tenu du taux d’importations par rapport à la consommation totale de chaque produit ou du taux de dépendance (importations / PIB). Les spécialisations développées par les pays membres de l’Union européenne ont permis à ces pays de faire face à la concurrence internationale. Toutefois, les changements de spécialisation et les gains nets ne sont pas les mêmes partout dans le monde. La question se pose donc : l’intégration implique-t-elle des pays au même niveau de développement ou des pays très hétérogènes ? Si les pays voisins partagent des produits similaires et font l’expérience d’une concurrence fondée sur l’innovation, le libre-échange intra-industriel est dominant ; tandis que les pays hétérogènes sont plutôt caractérisés par un libre-échange interindustriel. Les changements de spécialisation dans ce cas suscitent des coûts d’ajustement élevés, car seulement les entreprises eficaces survivent. Les pays les plus pauvres de la Communauté européenne, par exemple, ont renforcé leurs avantages comparatifs dans les industries à fort coeficient de main-d’œuvre et ont causé des pertes d’emplois considérables dans les pays les plus riches. Une union douanière permet aux entreprises de réaliser des économies d’échelle et de diversiier la gamme des produits qu’elles offrent. La production pour un marché plus vaste est la source d’une augmentation des variétés produites (économies de gamme) tant en qualité qu’en quantité, ce qui augmente l’utilité sociale et le bien-être collectif. Les économistes qui promeuvent le commerce libre critiquent les unions douanières. Mais, comme Mundell l’a démontré (1972), les critiques vis-à-vis des unions douanières ne sont pas toujours justiiées : le processus d’intégration entre des pays pauvres pourrait être bénéique en termes d’attractivité du territoire, la mobilité des intrants en capital et en main-d’œuvre, notamment les lux de capital provenant de l’étranger, étant élevée. Les IDE tendraient à redistribuer le capital provenant des pays riches d’une région aux pays les plus pauvres et donc à renforcer les dotations en facteurs dans ces derniers. Les unions douanières catalysent une agglomération d’entreprises qui répondent aux exigences de compétitivité internationale. L’augmentation de la taille du marché augmente l’attractivité pour les IDE. Les IDE apportent de nouvelles technologies et de nouvelles sources de gains pour la région. L’effet de cette attractivité catalyse, à son tour, 138 Gervasio Semedo des demandes d’adhésion de nouveaux membres et, par conséquent, un effet domino se produit. Enin, l’effet de la gravité est applicable à tous les membres géographiquement proches et il est également possible de l’appliquer à des pays non-membres. Maintenant, il se pose la question de savoir comment on doit appliquer ces deux aspects (le statique et le dynamique) au processus continu de commerce libre en Afrique de l’Ouest. Les frais commerciaux pourraient entraver la compétitivité des entreprises dans la région. Les prix comprennent les coûts de transport, qui sont parmi les plus élevés du monde, à cause du mauvais état des infrastructures. Le nombre des autoroutes, ports et aéroports s’avère insufisant et ils sont trop anciens ou dans un état d’entretien extrêmement mauvais. Les moyens de communication ayant pour but de faciliter l’infrastructure de mise en réseau ne fonctionnent pas ou font face à des pénuries d’électricité. Par exemple, Badiane (1997) a effectué deux sondages au Sénégal et en Côte d’Ivoire concernant le fonctionnement des marchés agricoles locaux et transfrontaliers et les coûts de commerce, ce qui explique ces défaillances dans le domaine de la fourniture de biens publics. Le cas du Sénégal est fondé sur un échantillon de 142 petites entreprises impliquées dans le secteur agricole dans une région dynamique de ce pays, le Bassin arachidier. Ces entreprises ont été invitées à résumer les cinq obstacles principaux à l’expansion de leurs activités. Selon les résultats du sondage, le inancement était perçu le plus souvent et le plus fortement comme étant l’obstacle principal : 92% des répondants l’ont placé parmi les premières trois contraintes et 77% d’eux sont de l’avis qu’il est la contrainte la plus sévère à laquelle ils font face. Le inancement était suivi par les impôts et les réglementations, et par le fonctionnement des marchés (l’organisation des marchés locaux et l’accès aux marchés). Les résultats de la Côte d’Ivoire sont similaires, particulièrement en ce qui concerne le inancement igurant en tête de liste des obstacles cités et représentant environ 26% des réponses. (voir le tableau 10 « Composants principaux des coûts d’échange dans le domaine de l’agriculture (en pourcentage). » pour faire des comparaisons). Les obstacles infrastructurels n’apparaissent pas dans ce sondage, mais de nombreux commerçants l’état des autoroutes et l’accessibilité comme des obstacles au libre-échange. L’accès à des informations, qui est négligé, est également mentionné. Des obstacles à l’expansion du commerce sont également divers contrôles qui parfois ne sont pas exigés par la loi, par exemple, les coûts imprévus des autoroutes et des barrages. Badiane a donné un aperçu (voir le 139 Les résultats de la libéralisation du commerce tableau 11 « Contrôles de routes et de barrages entre la Côte d’Ivoire et d’autres régions sahéliennes. » pour la situation en Côte d’Ivoire). Le secrétariat de la CEDEAO (Soule, 2010) a également attiré l’attention sur le nombre des postes de contrôle sur certaines routes reliant les pays de la région (voir le tableau 12 « Postes de passage oficiels, décembre 2010. »). Ces mécanismes augmentent les coûts de l’activité commerciale et réduisent la croissance potentielle du commerce régional. Ackah, Ebo Turkson et Opoku (2012) proposent l’inclusion de tous les coûts dans les coûts commerciaux, par exemple les coûts marginaux de production, tels que les coûts de transport et les coûts des barrages routiers, les coûts liés concernant le temps et la distribution locale, les coûts transfrontaliers, les coûts judiciaires et réglementaires, les coûts liés aux taux de change et à l’application des contrats ainsi que les coûts de communication. D’autres contraintes économiques sont les obstacles à la croissance du libre-échange. Tout d’abord, la composition structurelle de la valeur ajoutée est un obstacle à l’échange ultérieur. Plusieurs pays de la région ayant une grande importance économique, tel que le Sénégal, ont abandonné la désindustrialisation avec les Programmes d’ajustement structurel (PAS) et sont désormais des fournisseurs de services. Pour d’autres, l’explication du manque de transformation structurelle découle de l’instabilité politique, par exemple en Côte d’Ivoire pendant les années 2000 et au Nigéria à cause des tensions ethniques et religieuses. Ce type d’environnement n’attire pas d’IDE. Tous ces pays sont inancièrement dépendants de l’aide étrangère et de la dette extérieure, tandis que la CEDEAO est un fournisseur net de fonds au reste du monde. Les banques dans cette région ne fournissent pas vraiment de fonds aux petites et moyennes entreprises et sont spécialisées dans le inancement d’activités anciennes (exportation de minéraux, matières premières, cacao et des projets d´entreprises publiques) (Semedo, 2012b). Dans ce contexte, l’Afrique de l’Ouest fait face à une performance industrielle faible avec plusieurs facteurs expliquant la situation : les échecs de politique intérieure, le capital humain faible, le manque de mesures visant à approfondir la libéralisation dans un contexte d’économies de petite taille, l’accès limité aux nouvelles technologies. Il en résulte un rôle actuellement limité du secteur manufacturier en Afrique de l’Ouest. Toutefois, comme on peut voir dans le tableau 13 en annexe (« Performance de production dans la CEDEAO. »), la performance de l’industrie manufacturière varie d’un pays ouest-africain à l’autre ; selon leur Valeur Ajoutée Manufacturière (VAM), les pays de l’Afrique de l’Ouest ne 140 Gervasio Semedo possèdent qu’une faible part de l’industrie manufacturière mondiale et perdent du terrain dans le domaine de l’industrie manufacturière à fort taux de maind’œuvre ; en outre, les pays ouest-africains sont dominés par des activités de transformation des ressources (UNTAD/UNIDO, Report 2011). En ce qui concerne les IDE, cette région ne compte pas parmi les meilleures en Afrique ou par rapport aux autres pays les moins avancés. En valeur, les lux d’IDE vers la CEDEAO ont tendance à se concentrer dans le secteur minier ces dernières années. De nouveaux partenariats, tels que la Chine, l’Arabie Saoudite, le Qatar et d’autres pays émergents cherchent à investir principalement dans le secteur minier ou dans les terres agricoles ; cela pose des dangers en ce qui concerne les objectifs de la souveraineté et de l’autosufisance. La concentration d’activités industrielles indique que plusieurs pays sont des centres potentiels pour les autres, tels que le Nigéria, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, mais les émeutes et les tensions ethniques empêchent la mobilité totale des personnes. Le Ghana est également capable d’attirer plus de main-d’œuvre régionale dans les services inanciers et industriels. La cause de l’attractivité du Ghana est son développement inancier, la nouvelle exploitation de pétrole et de gaz et les nouvelles industries installées au Ghana depuis les années 2000. Deuxièmement, la diversité des régimes monétaires dans la CEDEAO et l’absence d’une harmonisation des paiements et d’une chambre de compensation en fonctionnement concernant les devises sont responsables pour l’émergence de marchés parallèles de change d’actifs et de sommes d’argent aux frontières et dans les agglomérations urbaines principales de l’Afrique de l’Ouest. La présence simultanée de territoires ayant des monnaies nationales différentes peut diviser l’Afrique de l’Ouest dans des sous-systèmes d’activité parallèles centrés sur le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et la Sénégambie (Egg, Igue, 1993). Plusieurs pays, tel que le Nigéria, utilisent la lexibilité relative de leurs taux de change ain de se protéger eux-mêmes des chocs extérieurs, y compris ceux régionaux. Troisièmement, la superposition d’un certain nombre de régimes iscaux et douaniers est en contradiction avec l’objectif déclaré d’harmonisation de la politique iscale, des taxes et de la création d’un TEC. Les niveaux de protection différents sont une source eficace de revenus exceptionnels et de réexportation opportuniste. Comme les politiques de subventions sont différentes, les prix ne sont pas les mêmes dans tous les pays et les différences sont une source de commerce parallèle. Cette source de proits et de richesse est défendue par des lobbyistes qui en fait ne veulent pas que l’IER soit eficace. Toutefois, 141 Les résultats de la libéralisation du commerce cette imposture devrait disparaitre à long terme selon les observateurs et les spécialistes bien informés (Igue et Soule, 1992). Selon ces auteurs, les frontières coloniales ne sont plus impliquées, mais les pratiques des lobbies et les divergences entre les politiques économiques des gouvernements sont responsables de cette évolution. Il n’est pas exclu que le commerce parallèle soit inancé par les fonctionnaires eux-mêmes, car ils ne respectent pas les règles qu’ils imposent eux-mêmes. De même, les personnes qui réussissent à accumuler des richesses dans ce domaine sont ceux qui ont accès aux ressources d’État ou aux licences d’exploitation à travers des contacts personnels et oficiels. Il faut reconnaitre que le commerce parallèle peut affaiblir le développement agricole et industriel dans la région (Egg et Igue, 1993). Quatrièmement, les pays de la CEDEAO afirment leur volonté de créer un espace régional, mais, en fait, les politiques nationales de développement sont susceptibles d’être incohérents en vertu des politiques régionales. De plus, il est nécessaire de prendre en compte leur histoire et le rôle qu’ils accordent au commerce dans leur processus de développement. Le rôle du commerce international ou bien régional (politique de promotion d’un plus grand éventail de produits d’exportation) a été mis entre crochets dans la plupart des pays ouestafricains depuis les premières années de l’indépendance jusqu’à la première moitié des années 90. L’explication de ce développement pourrait être le fait que, conformément aux politiques coloniales, les pays de la région étaient forcés de se spécialiser seulement dans le domaine des matières premières. Mais il faut également attirer l’attention sur le fait que ces pays ont choisi des politiques de remplacement des importations peu après leur indépendance. Dans les années 90, les pays principaux de la CEDEAO étaient toujours renfermés. Un tel choix n’aboutit pas automatiquement à une croissance durable du commerce par le biais de préférences tarifaires mutuelles ou d’autres mécanismes institutionnels, même entre des pays géographiquement proches. La tension entre les situations budgétaires intérieures et les réductions tarifaires nécessaires pour les TECs semble être peu eficace et lié au niveau de développement de chaque pays. Par conséquent, les pays préfèrent différer les pourparlers régionaux, puisque l’adoption d’un TEC n’arrive pas à gérer l’insufisance de recettes. Cinquièmement, à l’aide des programmes d’ajustement structurel, les pays de la CEDEAO mettent en œuvre des politiques de libéralisation du commerce. Les instruments politiques sont la baisse générale des tarifs, la suppression de quotas et de licences, les mesures non-tarifaires et la simpliication des instruments de contrôle. Actuellement, le commerce régional est composé 142 Gervasio Semedo surtout de deux instruments : le modèle du schéma de libéralisation du commerce et le TEC. Normalement, la première logique consistant en une diminution des obstacles au commerce, les pays les plus concurrentiels et ceux qui attirent beaucoup d’investissements devraient compenser le déicit commercial des autres pays. Il s’agit d’un principe de solidarité régionale. Ce principe a été énoncé dans le Traité de la CEDEAO. Il dépend du niveau de développement des pays concernés. Initialement, en 2006, le groupe des pays à faible revenu (Burkina Faso, Cap-Vert, Guinée-Bissau, Mali, Niger) disposait de 10 ans pour réaliser une réduction annuelle de 10% du taux imposé sur des produits approuvés. Le deuxième groupe (Bénin, Guinée, Libéria, Sierra Leone et Togo) a appliqué un taux de rotation de 12.5% pour une période de 8 ans. Les pays les plus avancés (Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana et Nigéria) ont appliqué un taux d’abattement de 16.6% pour une période de 6 ans. Il faut reconnaitre que la mise en œuvre de telles politiques est entravée par des dificultés intérieures sur le plan social et économique, inhérentes au contexte de chaque pays. Sixièmement, en ce qui concerne le TEC, la CEDEAO pourrait adapter le TEC de l’UEMOA à tous ses membres. Mais les observateurs sont d’avis que ces deux systèmes sont incompatibles, puisque la Common Law est incompatible avec le Droit Civil français. La Common Law est simple, tandis que le droit de tradition française souffre d’un excès de détails. Ce droit « civiliste » rend dificile les affaires commerciales. Le TEC a été également critiqué, puisqu’il provoquerait un accroissement des importations de biens intermédiaires en provenance du reste du monde sans réduire la dépendance alimentaire des pays de la CEDEAO vis-à-vis du reste du monde et puisque l’application différenciée ne répond pas aux objectifs d’un système iscal optimal. En effet, s’il veut garantir l’égalité entre les États en appliquant des mesures compensatoires a posteriori, il n’optimise pas les remboursements d’impôt pour toute la communauté. De nombreux importateurs pourraient décider d’introduire leurs produits dans les pays les plus pauvres, en proitant des tarifs faibles et du manque de personnel et d’équipement pour le contrôle aux frontières. Tous ces faits pourraient être intégrés dans un modèle de gravité tenant compte du commerce bilatéral entre les pays ouest-africains (Carrere, 2003; Ackah et al., 2012) ou entre les pays ouest-africains et leurs partenaires principaux selon les régimes préférentiels (Nitsch, 2002). Cette deuxième approche est réservée au régionalisme ouvert au reste du monde, de telle sorte que je présente les résultats obtenus par Carrere (2003), Ackah et al. (2012). Carrere 143 Les résultats de la libéralisation du commerce (2003) a constaté que l’IER a réussi à renforcer le commerce intra-régional et que l’introduction d’une monnaie commune est la mesure la plus eficace pour l’accroissement du commerce régional. Ackah et alii (2012) ont utilisé des techniques économétriques basées sur des données de panel pour estimer l’effet des coûts commerciaux sur les lux commerciaux dans le cadre du commerce et de l’intégration dans la CEDEAO. Les données concernant les coûts de transport, plus précisément les indices de performance de la logistique, sont tirées de la base de données de la Banque mondiale. Les résultats les plus important de leur œuvre sont (p.31-32) les suivants : L’ineficacité des systèmes douaniers conirme la nécessité d’améliorer à nouveau ces systèmes et de réaliser une union douanière eficace dans la région ain de stimuler le libre-échange entre les pays. Les infrastructures de transport et la ponctualité sont vraiment des facteurs décisifs pour le commerce entre les pays membres. En outre, la qualité des infrastructures routières sont un facteur important pour l’amélioration du commerce dans les pays enclavés. Conclusion et recommandations Principales constatations concernant l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest La CEDEAO a eu et continue d’avoir un projet ambitieux, visant à créer une zone de progrès et développement, nommé « vision 2020 ». Cette zone serait aux services des peuples qui habitent en Afrique de l’Ouest. Ain de réaliser ces ambitions, la CEDEAO a mis l’accent sur une union douanière depuis 1993 et a renouvelé son véritable fonctionnement en 2006. Le chemin vers la mise en œuvre d’un TEC et vers un mélange entre des régimes préférentiels et une union douanière a été long est n’est pas encore terminé. Récemment, les pays membres se sont décidés pour un cadre en matière de concurrence ain de réaliser un TEC qui mène à la mise en œuvre d’une union douanière. Toutefois, ils n’ont pas ignoré les mesures monétaires, telle que la convergence nominale. Les observateurs pourraient constater qu’ils accélèrent l’IER, compte tenu de la représentation linéaire proposée par Balassa (1962). L’intégration complète 144 Gervasio Semedo jusqu’en 2020 représente un véritable déi pour ces pays, car il s’agit d’une Union économique et monétaire sans fédéralisme budgétaire. Le but de cet article était de mettre l’accent sur la libéralisation du commerce entre les pays ouest-africains. En fait, en décrivant et en analysant ce processus, j’étais conscient du fait qu’il était lié à la libéralisation générale du commerce selon les règles de l’Organisation mondiale du commerce, mais j’avais choisi d’’analyser les mesures intérieures concernant la libéralisation du commerce. Ainsi, Dans la Section 2 de cet article, mon but était de souligner les préoccupations sur le chemin vers le TEC et la mise en œuvre d’un cadre en matière de concurrence dans la CEDEAO. Mes principales conclusions à ce stade de l’analyse sont : la possibilité d’effets du type « bol de spaghetti » caractérisant le mélange de règles commerciales concernant l’UEMOA et d’autres pays membres de la CEDEAO. Tandis que je suis d’accord qu’il s’agit d’un régime lexible, cela peut créer des contradictions résultant de la divergence entre la Common Law assez simpliiée et le droit français trop détaillé et dificile à être appliqué dans le domaine commercial. Dans la Section 3, j´ai commencé mon analyse en attirant l’attention sur le niveau faible de commerce bilatéral entre les pays membres de la CEDEAO. Cela découle de plusieurs facteurs en conformité avec la théorie économique de la gravité : les différences entre les monnaies nationales, le commerce transfrontalier parallèle, la structure et la composition du TEC, l’hétérogénéité des pays, l’industrialisation insufisante, le niveau faible des infrastructures et les échecs du marché en ce qui concerne la mise à disposition de nouvelles technologies, de capital physique et humain et d’informations. Il faut également ajouter que les aspects politiques et institutionnels devraient être pris en considération dans l’analyse des résultats de la libéralisation du commerce concernant ces pays. D’après Omisakin (2013), Doing Business, Freedom House et Transparency International, l’environnement n’est pas adapté au commerce libre. Mais mon analyse n’est pas pessimiste, puisque j’utilise un exemple important ain d’expliquer pourquoi il est possible de créer des lux nets dans la production et dans le commerce de riz. Mon opinion est également basée sur la contribution dynamique concernant les unions douanières. Etant donnée cette analyse dynamique, je pense que les avantages comparatifs ne sont pas l’unique instrument de participation au commerce régional et international. Les pays doivent créer des nouveaux avantages comparatifs. Pour les pays ouest-africains, cela signiie : Premièrement, l’autosufisance 145 Les résultats de la libéralisation du commerce alimentaire ; deuxièmement, des mesures pour stimuler l’industrialisation de certaines activités, car elles nécessitent des politiques commerciales stratégiques et des discussions sérieuses avec l’OMC. Enin, ces pays doivent réformer leurs institutions et ont besoin de plus de gouvernance pour faire face aux règlements politiques faibles, dans un contexte où les politiciens et les bureaucrates ne sont pas des bénévoles, mais poursuivent leurs propres intérêts ain d’être réélus au niveau national et ne cherchent pas à avoir de bons résultats dans le domaine de l’intégration régionale. Ain d’être élus au niveau national en permanence, ils doivent défendre la souveraineté physique de leurs pays et pas les inances régionales. Quelles mesures pourrait-on prendre ain d’améliorer le fonctionnement de la CEDEAO ? Le paragraphe suivant contient plusieurs recommandations. Recommandations Que peut-on faire immédiatement et jusqu’en 2020 dans le cadre du projet de monnaie unique ? 1. Une Commission sur le commerce doit être mise en œuvre ain de diminuer le pouvoir des politiciens et des bureaucrates. Actuellement, il y a toujours des discussions entre les commissaires de l’UEMOA et les fonctionnaires de la CEDEAO, mais cela n’est pas eficace. Conformément au point de vue de la Common Law et ain de diminuer l’effet du « bol de spaghetti » en matière de pouvoir, le cadre régional en matière de concurrence doit être révisé. 2. Le TEC doit être simpliié ain d’éviter le comportement de « passager clandestin » de la part des importateurs qui pourraient choisir le pays le plus pauvre pour introduire leurs produits. Pour y parvenir, la CEDEAO peut maintenir des tarifs élevés sur les aliments, les cultures agricoles et certaines activités industrielles ain de promouvoir « les industries naissantes » en prenant en compte les avantages de chaque pays. Cela n’est pas en contradiction avec les règles de l’OMC et une union douanière eficace, tel que le Brésil dans le marché commun du Sud (Mercosur) et d’autres pays 146 Gervasio Semedo émergents qui ont démontré qu’il est possible de maintenir plusieurs tarifs élevés à titre temporaire. 3. La politique optimale de commerce régional n’est pas une simple compilation d’intérêts nationaux, mais elle doit être soutenue par des mécanismes de compensation. Ces mécanismes devraient être adaptés à la richesse relative de chaque pays de la région. La compensation eficace maintient des taux uniques sans tendances haussières. Enin, la politique commerciale doit poursuivre des politiques microéconomiques ain d’obtenir des avantages comparatifs dans certains secteurs basés sur la logique des préférences communautaires. Il s’agit d’un pas logique vers une ouverture stratégique au commerce international. Soule (2010) explique l’ineficacité des mécanismes de compensation mis à disposition aujourd’hui par la CEDEAO, en soulignant les dificultés liées à la coordination des informations. Cela pourrait avoir pour effet des systèmes de double imposition. Selon lui, le commerce transfrontalier et le commerce non déclaré sont justiiés par les coûts administratifs élevés. En fait, l’imposition en cascade de taxes mène à des remboursements de taxes très faibles. Le manque d’un système d’introduction unique de marchandises et d’une taxe unique sur chaque produit entraîne le risque d’imposition double. Les budgets nationaux perdent des revenus à cause de l´évasion iscale des citoyens habitant dans les régions frontières. Toutefois, les pays de la CEDEAO ont terminé l’informatisation des procédures de dédouanement. Les bureaux de douane sont en réseau à l’aide de SYDONIA9. Les pays ont donc introduit un modèle uniforme de rapport détaillé (OMC, 2010), mais avec le risque de plusieurs introductions des mêmes produits. Cependant, cette avancée en matière de traitement des lux de biens contribue à une déclaration plus informatisée et doit faciliter le calcul des droits de douane et la redistribution de compensations. Le système nécessite toujours de l’aide pour l’installation de nouvelles infrastructures dans le domaine des technologies de l’information. Il entraîne des coûts d’entretien et nécessite des investissements ain d’améliorer les systèmes d’exploitation. 4. Comme la disponibilité des fonds se situe à un stade préalable du processus décisionnel, les obstacles à la création de richesse dans la CEDEAO et au mouvement de biens sont liés au inancement, au coût de l’accès au crédit et à l’intermédiation bancaire (Semedo, 2012b). 9 Une plateforme électronique. 147 Les résultats de la libéralisation du commerce 5. En outre, les domaines du commerce et du transport sont les plus lourdement imposés en Afrique de l’Ouest. Les gouvernements de tous les pays doivent être stimulés à renforcer les domaines de la communication, du transport et du commerce en Afrique de l’Ouest et doivent garantir la continuité régionale des bonnes politiques dans ces domaines. Ces résultats démontrent la nécessité de politiques et d’actions ayant pour objectif de minimaliser les coûts de commerce et de transport, qui n’ont pas encore été examinés attentivement en tant qu’obstacle potentiel au commerce intra-régional, malgré toutes les réformes introduites ces dernières années. 6. Un obstacle au commerce sont les coûts de transaction liés à plusieurs taux de change dans la région de la CEDEAO. En toute logique, les pays doivent poursuivre leurs objectifs concernant l’introduction d’une monnaie unique en 2020. 7. Selon Omisakin (2013), la CEDEAO fait face à certaines dificultés institutionnelles et politiques, tels que « le manque de processus participatifs d’élaboration, une évaluation des politiques faible, des mécanismes de rétroaction faibles, des problèmes concernant l’engagement politique et inancier, des problèmes ethniques et des allégeances nationales faibles. La CEDEAO doit améliorer son élaboration de politiques et leur mise en œuvre ain de renforcer le développement régional. La clarté et la cohérence dans les politiques et les procédures de gestion promouvraient une amélioration du développement institutionnel ». Réformes structurelles ayant pour objectif de réaliser une union douanière et puis un marché commun en Afrique de l’Ouest 1. L’Afrique de l’Ouest est un foyer de crises et cela décourage les IDE. Les institutions sous-régionales, telle que la CEDEAO, ont pris l’initiative de garantir la paix dans des pays comme le Libéria, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Sierra Leone et la Côte d’Ivoire. Mais la CEDEAO souffre d’un manque de cohésion et de moyens pour prévenir et gérer des crises. Davantage de propositions peuvent être mentionnées dans ce domaine ain de renforcer la paix et la stabilité de la région. La stabilité politique est une condition nécessaire pour le développement industriel et l’IER en Afrique. Aujourd’hui, 148 Gervasio Semedo cela n’est pas possible sans la communauté internationale, mais l’Afrique de l’Ouest doit renforcer sa sécurité. 2. L’Afrique de l’Ouest nécessite une transformation structurelle et, pour faire face à ce déi, elle a besoin premièrement d’autosufisance et deuxièmement de la promotion du développement industriel par la création de « clusters ». L’autosufisance n’est pas un objectif lointain grâce aux progrès déjà réalisés dans la région. Une réunion récente en Côte d’Ivoire organisée par ROPPA (2013) donne des indications dans cette direction. En ce sens, malgré de nombreux obstacles, les propositions d’ECOWAP sont appropriées pour le secteur agricole. Ce secteur est exposé à l’incertitude de la déinition correcte des droits de la propriété privée, à des chocs climatiques et à des contraintes inancières. Mais, partout en Afrique de l’Ouest, des réformes sont mises en place avec le but de stimuler ce secteur et la productivité globale des facteurs augmente. On devrait demander d’où les ressources nécessaires pour le développement de l’industrialisation et de l’agriculture proviendront. J’ai proposé des solutions dans Semedo (2013), tels que le renforcement de l’épargne intérieure, les politiques visant à attirer l’IED, les fonds spéculatifs, la coopération Sud-Sud, la stimulation des crédits bancaires des emprunts sur les marchés inanciers émergeant dans cette région, l’invention de nouvelles taxes et subventions et l’utilisation de l’aide au développement traditionnelle et oficielle. La nécessité d’une industrialisation est urgente, parce que l’Afrique de l’Ouest a une population en croissance rapide (environ 2.6% par an) et un pourcentage élevé de jeunes (plus de 50%). Cela n’est pas en contradiction avec l’expansion de la demande et la diminution des biens salariaux, si d’autres mesures seront prises ain de parvenir à l’autosufisance. Dans ce cas, le marché régional peut renforcer le développement industriel et les économies d’échelle, si l’on adopte des mesures à titre temporaire ain de protéger les industries naissantes. Les clusters industriels sont l’endroit où on peut promouvoir les produits manufacturés en Afrique. « Certaines observations portent à croire que les clusters industriels ont contribué à l’accroissement de la compétitivité des petites et moyennes entreprises en Afrique. Ces clusters facilitent l’accès au marché, les retombées technologiques et réduisent les coûts des entreprises liés à la géographie et aux informations » (UNIDO, UNCTAD, 2011, p.104). D’autres recommandations au niveau régional sont également : la promotion de l’innovation scientiique et technologique, de l’entrepreneuriat et surtout des petites et moyennes entreprises, la création de liens entre les secteurs 149 Les résultats de la libéralisation du commerce de l’économie, le renforcement des capacités gouvernementales, l’adoption de mesures nécessaires pour éviter la surévaluation des taux de change et d’un dosage politique approprié. 3. La spécialisation actuelle des pays de la CEDEAO ne préconise pas l’ouverture complète au commerce international. Ces pays doivent renforcer leurs systèmes intérieurs en cherchant à développer une industrie régionale protégée dans un premier temps par un TEC et associée à des buts d’autosufisance, ain d’exporter des biens agricoles et manufacturiers dans une deuxième étape. Il est assez intéressant de noter qu’une étude sur les avantages comparatifs de la région est nécessaire pour compléter cet article. 4. Enin, il serait tout à fait approprié d’examiner plus en profondeur la compatibilité entre l’existence du TEC de la CEDEAO et les nouvelles règles imposées par l’Organisation mondiale du commerce. 150 Gervasio Semedo Bibliographie Ackah, Ch., Turkson Ebo, F. et Opoku, K., 2012. Trade Costs and Intra Regional Trade in ECOWAS, Journal of West African Integration, Vol. 1, pp.1-43. Acclassato, D., 2013. Intra West-African Trade. WAI-ZEI Paper No. 2, Praia/ Bonn : WAI-ZEI. Adjovi, E., 2010. Les politiques commerciales, l’Union douanière et le renforcement du marché régional en Afrique de l’Ouest. In : Dieye, Ch.T, 2010. Le Futur du Commerce Intra-Régional en Afrique de l’Ouest, Dakar : ENDA Tiers-Monde, pp.25-42. Agritrade, 2012. Rice sector trends and trade policy measures in West Africa. Agritrade, 12 août . Agritade, 2012. Pricing policy of Nigeria on the mixture of cassava and wheat in Nigeria. Agritrade, 20 Jul. Balassa, B., 1962. The Theory of Economic Integration. 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New York : Carnegie Endowment for International Peace. 153 Les résultats de la libéralisation du commerce Annexes Tableau 1 : Gradation de l’intégration économique régionale. Intégration des Marchés Mobilité des Intégration Intégration des poli- Monétaire tiques économiques Taux de change Politiques économiques communes Suppression Politiques des obstacles du marché facteurs concer- ixe ou monnaie au commerce: commun et nant es services unique Elimination politiques physiques et des droits de commer- inanciers douane et ciales des obstacles non-tarifaires Zone de libreéchange Union douanière Marché commun Union monétaire Union économique et monétaire Source : Balassa, B., 1962. The Theory of Economic Integration, London : Allen and Unwin. 154 Gervasio Semedo Tableau 2 : Membres de la CEDEAO. Structures du commerce en 2010. Importations US$* CEDEAO UEMOA Exportations US$** Non UE27 UEMOA CE- UEMOA DEAO Non UE27 UEMOA Cabo Verde 1.06% 0.79% 0.26% 77.60% 29.21% 29.21% 0.00% 60.73% Bénin 25.39% 14.38% 11.02% 40.02% 36.10% 24.70% 11.40% 10.01% Gambie 13.04% 12.62% 0.42% 46.90% 32.13% 31.06% 0.96% 60.80% Ghana 11.67% 2.09% 9.58% 36.29% 22.39% 19.46% 2.90% 47.82% Guinée 16.82% 16.51% 0.30% 32.33% 1.86% 1.37% 0.50% 39.24% Côte d´Ivoire 30.11% 2.01% 28.09% 39.98% 21.69% 10.90% 10.42% 46.93% Mali 40.62% 37.92% 2.70% 25.42% 25.07% 22.38% 2.69% 8.68% Niger 23.59% 15.50% 8.09% 25.44% 28.18% 9.72% 18.45% 39.49% Nigéria 1.30% 1.05% 0.24% 37.65% 6.28% 3.64% 2.64% 21.14% Sénégal 7.62% 4.02% 3.61% 50.96% 36.19% 29.40% 6.63% 26.00% Guinée-Bis- 42.61% 41.01% 1.57% 47.32% 1.38% 1.33% 0.03% 0.44% Togo 17.18% 15.00% 2.18% 40.54% 67.62% 43.22% 24.39% 8.73% Burkina Faso 43.37% 37.31% 6.05% 40.17% 74.92% 56.12% 16.95% 22.33% UEMOA 24.27% 11.34% 12.93% 39.87% 25.95% 15.50% 10.13% 41.46% Non UEMOA 3.83% 1.90% 1.93% 37.30% 6.87% 4.24% 2.62% 22.43% CEDEAO 10.93% 5.18% 5.74% 38.66% 9.94% 6.08% 3.82% 25.52% sau * Pourcentage des importations totales par pays. ** Pourcentage des exportations totales par pays Source : COMTRADE (2010) et Semedo, Bensafta et Gautier, 2012. 155 Les résultats de la libéralisation du commerce Tableau 3 : Valeur ajoutée (VA), distribution en 2010. Agriculture VA Industry VA Services VA Bénin 33.2 14.5 52.3 Burkina-Faso 29.1 19.9 51.0 Cape Verde 9.1 16.6 74.4 Côte d´Ivoire 28 21.6 50.4 Gambie 32.2 14.0 53.8 Ghana 38 25.8 36.3 Guinée 23.2 35.8 37.3 Guinée-Bissau 62 12 26 Libéria 76.9 5.4 12.7 Mali 45 17 38 Niger 39 17 44 Nigeria 18.1 50.8 31.1 Sénégal 16.1 19.3 64.6 Sierra Leone 49 31 20 Togo 40 25 35 CEDEAO 36.2 21.2 42.6 Source : Semedo, Bensafta et Gautier, 2012. 156 Gervasio Semedo Tableau 4 : Indicateurs “Doing Business” pour des pays sélectionnés de la CEDEAO par rapport à un ensemble de 185 pays en 2013. Bé- Bur- Côte Gui- nin kina d’ née- Faso Ivoire Bissau Mali Ni- Sé- ger négal Togo CE- Cabo Nigé- Gha- DEAO Verde ria na moyenne Classe- 170 153 169 176 153 173 152 160 141 132 178 130 157 153 177 179 151 176 101 169 127 122 131 64 125 77 165 103 87 162 117 152 127 122 152 100 152 152 152 152 152 152 152 152 152 132 123 90 154 147 154 132 147 154 167 147 135 100 178 102 167 148 153 133 159 144 170 157 154 122 174 118 127 175 160 117 154 174 67 93 125 67 176 120 ment Création d’entreprises Obtention de permits de construction Obtention de crédits Protection des investisseurs Paiement des impôts Commerce transfrontalier 157 Les résultats de la libéralisation du commerce Exécu- 177 108 126 139 133 138 148 151 122 118 178 132 118 100 76 183 106 136 79 84 110 108 75 78 tion de contrats Fermeture d’entreprises Source : Doing Business, 2013. 158 Gervasio Semedo Tableau 5 : Investissements directs étrangers (% du PIB) dans la CEDEAO. Pays 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Moyenne Bénin 2.49 1.75 0.43 1.25 1.61 1.25 1.19 4.60 2.54 2.04 1.69 1.89 Bur- 0.89 0.33 0.49 0.72 0.07 0.59 1.27 5.48 1.83 1.26 0.42 1.21 2.25 2.59 1.85 1.20 1.83 1.91 1.84 2.16 1.91 1.65 1.82 1.91 6.20 1.62 2.38 4.82 7.31 8.28 11.90 14.41 13.53 7.48 6.73 7.70 Ghana 3.33 1.68 0.96 1.79 1.57 1.35 3.12 5.62 9.52 5.48 7.86 3.84 Gam- na na na 3.57 9.59 8.43 12.32 9.38 7.58 4.01 3.56 7.31 Guinea 0.32 0.06 0.98 2.29 2.67 3.57 4.43 9.17 10.11 1.20 2.14 3.36 Guinea 0.33 0.20 1.75 0.84 0.33 1.52 3.06 2.72 0.61 2.09 1.06 1.32 Libéria 3.93 1.61 0.52 91.01 16.14 15.28 17.86 17.81 46.38 24.77 45.79 25.55 Mali 3.40 4.63 7.29 3.03 2.07 3.55 0.81 0.75 1.51 8.01 1.57 3.33 Niger 0.47 1.18 0.11 0.55 0.86 1.29 1.39 3.01 6.34 15.52 17.50 4.38 Nigéria 2.48 2.48 3.17 2.96 2.13 4.44 3.31 3.64 3.96 5.08 3.07 3.34 Séné- 1.34 0.65 1.46 0.77 0.96 0.51 2.35 2.63 2.97 2.59 1.85 1.64 6.13 1.22 1.11 0.87 5.58 6.71 4.13 5.80 2.95 4.00 4.53 3.91 Togo 3.24 4.77 3.62 2.02 3.06 3.64 3.51 1.95 0.75 1.54 1.29 2.67 Afrique 1.94 4.26 3.24 3.08 2.05 2.95 2.15 3.32 3.97 3.49 2.30 kina Faso Côte d’ Ivoire Cabo Verde bia Bissau gal Sierra Leone subsaharienne Source : World Development Indicators, 2012. 159 Les résultats de la libéralisation du commerce Tableau 6 : Détails spéciiques concernant la performance économique dans la CEDEAO. Indicateur Mauvaise perfor- Meilleure perfor- mance régionale mance régionale 176 (Côte d´Ivoire) 38 (Libéria) 127 1 Nouvelle-Zélande 10 (Côte d´Ivoire) 3 (Sénégal) 6 1 Nouvelle-Zélande Temps (jours) 38 (Togo) 5 (Sénégal) 19 1 Nouvelle-Zélande Coûts (% du revenu 158,7 (La Gambie) 14,9 (Cabo Verde) 80,7 0,0 (Slovénie) 572,8 (Niger) 0,0 (Libéria) 197,8 0,0 (91 Économies) 173 (Sierra Leone) 64 (Burkina Faso) 127 1 (Hongkong SAR, Création d’entre- Moyenne régionale Meilleure performance mondiale prises (classement) Procédures (nombre) par habitant) Capital versé minimum (% du revenu par habitant) Procédure d´octroi de permis de Chine) construire (classement) Procédures 29 (Guinée) 11 (Mali) 16 (nombre) 1 (Hongkong SAR, Chine) Temps (jours) 475 (Côte d´Ivoire) 75 (Libéria) 16 1 (Singapour) Coûts (% du revenu 1.612,8 (Niger) 94,8 (Guinée) 458,9 1,1 (Qatar) Fourniture d´électri- 182 (Guinée-Bis- 63 (Ghana) 133 1 (Islande) cité (classement) sau) Procédures 5 (Sénégal) 4 (Ghana) 5 3 (Allemagne) Temps (jours) 465 (Libéria) 55 (Côte d´Ivoire) 160 17 (Allemagne) Coûts (% du revenu 14.343,1 (Bénin) 873,9 (Nigeria) 4.957,1 0,0 (Japon) par habitant) (nombre) par habitant) 160 Gervasio Semedo Tableau 7 : Qualité institutionnelle dans la CEDEAO en 2005 et 2012. Indice de la liberté Indice de l’intégrité Indice des tensions Indice des physique ethniques conlits 2005 2012 2005 2012 2005 2012 2005 2012 Bénin 6 7 6 6 5 5 8 8 Burkina Faso 5 4 7 7 5 5 7 7 Cabo Verde 10 10 8 8 6 6 12 12 Côte d’Ivoire 6 8 5 6 1 1 2 4 Gambie 0 0 3 3 5 5 4 5 Ghana 8 8 7 7 6 6 11 11 Guinée 1 3 4 4 1 1 2 3 Guinée-Bis- 3 1 3 3 4 4 5 3 Libéria 3 7 1 6 0 4 2 8 Mali 8 3 7 3 4 2 7 0 Niger 5 4 6 5 4 4 6 4 Nigéria 7 5 5 4 4 2 7 3 Sénégal 7 9 8 8 5 5 11 10 Sierra Leone 1 6 0 6 6 5 0 8 Togo 3 7 3 6 5 5 5 6 sau L’indice de la liberté prend des valeurs entre 0 et 10 (0 étant l’absence totale de liberté). Il est basé sur la possibilité de critiquer librement le gouvernement en utilisant les médias. L’indice de l’intégrité physique prend des valeurs entre 0 et 8 (0 étant l’absence totale de protection de vie). L’indice des tensions ethniques indique l’existence de tensions ethniques et prend des valeurs comprises entre 0 et 6 (6 étant la meilleure note: un pays sans tension). L’indice des Conlits mesure les conlits internes et/ou externes et permet des valeurs entre 0 et 12 (12 étant l’absence totale de conlits). Source : Freedom House, 2012. 161 Les résultats de la libéralisation du commerce Tableau 8 : Indice de perception de la corruption dans la CEDEAO. Classement sur 176 pays et classement régional concernant l’Afrique subsaharienne. Classe- Clas- ment du sement Pays Score CPI 2012 pays régional 30 1 Botswana 65 39 2 Cabo Verde 60 43 3 Île Maurice 57 39 2 Cabo Verde 60 43 3 Île Maurice 57 50 4 Rwanda 53 64 7 Ghana 45 69 9 Afrique du Sud 43 75 11 Libéria 41 83 12 Burkina Faso 38 88 13 Malawi 37 88 13 Swaziland 37 94 16 Bénin 36 94 16 Sénégal 36 102 19 Gabon 35 102 19 Tanzanie 35 105 21 Gambie 34 105 21 Mali 34 113 23 Ethiopie 33 113 23 Niger 33 118 25 Madagascar 32 123 26 Mauritanie 31 123 26 Mozambique 31 123 26 Sierra Leone 31 162 Gervasio Semedo 128 29 Togo 30 130 30 Côte d’Ivoire 29 130 30 Ouganda 29 133 32 Comores 28 139 33 Kenya 27 139 33 Nigéria 27 144 35 Cameroun 26 144 35 République centrafricaine 26 144 35 République du Congo 26 150 38 Guinée-Bissau 25 154 40 Guinée 24 157 41 Angola 22 160 42 République Démocratique du Congo 21 163 43 Guinée équatoriale 20 163 43 Zimbabwe 20 165 45 Burundi 19 165 45 Tchad 19 173 47 Soudan 13 174 48 Somalie 8 Source : Transparency International Report, 2012. 163 Les résultats de la libéralisation du commerce Tableau 9 : Fuite des capitaux dans la CEDEAO. 1970-2003 1970-2008 Somme Moyenne Somme Moyenne totale en annuelle totale en annuelle millions de millions de US$ US$ Bénin 2937.8 87.4 3810.8 100.28 Burkina Faso 13995.5 411.6 17835 Cabo Verde 188.5 5.8 377.5 9 .934 Côte d´Ivoire 43808.9 1288.5 59200.9 1557.9 Gambie 415.02 12.58 558 14.7 Ghana 3593 188.78 3939 103.657 Guinée-Bis- na na 299 na Guinée na na 1147 30.18 Libéria na na 1744 45.89 Mali 821.6 24.89 1431.6 16.058 Niger 532.72 16.143 816 21.47 Nigéria 41464.6 1256.5 54898 1443 Sénégal 17489.2 514.4 22751 598.8 Togo 4529.7 137.3 4787 127 UEMOA 8809.9 432.5 110632.3 2911.1 Total 54471.52 1650.65 172438 4537.8 sau CEDEAO Source : Semedo, 2012b, na= non avalaible. 164 Gervasio Semedo Tableau 10 : Composants principaux des coûts d’échange dans le domaine de l’agriculture (en pourcentage). Côte d´Ivoire Sénégal Mali Frais de transport 6-30 16-37 6-21 Charges inancières et 46-72 53-77 72 6-23 6-23 8 impôts Frais de gestion et d’autres Source : Badiane, 1997. 165 Les résultats de la libéralisation du commerce Tableau 11 : Contrôles de routes et de barrages entre la Côte d’Ivoire et d’autres régions sahéliennes. Itinéraire Distance en km Contrôles de routes et Coûts moyens par km de barrages en CFA francs-and euro Abidjan Niamey 1480 45000CFA-70 euros 30.4 Abidjan-Bobo-Dioulasso 831 25000 CFA-35 euros 30.1 Abijan-Bamako 1130 15000CFA-22 euros 13.3 Abidjan-Bouna (Ghana) 537 50000CFA-75 euros 93.1 Abidjan-Bouaké 372 20000 CFA-30 euros 53.8 Abidjan-Daloa 357 30000-44 euros 84.0 Daloa-Bamako 100 10000 CFA-15 euros 100 Abidjan-Ferkessedougou 534 5000- 8 beuros 9.4 (Burkina Faso) Moyenne 49.3 Source : Badiane, 1997, op. cit. Tableau 12 : Postes de passage oficiels, décembre 2010. Itinéraire Distance en Nombre de postes de Nombre de postes de passage 100km à km passage 100km Lagos-Abidjan 992 69 7 Lomé-Ouagadougou 989 34 4 Niamey-Ouagadou- 529 20 4 Abidjan-Ouagadougou 1122 37 3 Cotonou-Niamey 1036 34 3 Accra-Ouagadougou 972 15 2 gou Source : Soule, 2010, op. cit., p.49. 166 Gervasio Semedo Tableau 13 : Performance de production dans la CEDEAO. Contribution de l’Industrie au PIB, 1970-2008, % du PIB Afrique de l’Ouest 1970 1980 1990 2000 2005 2008 Industrie 26.7 43.3 34.5 39.8 36.7 37.4 Production 13.3 16.8 13.1 7.8 6.0 5.0 Secteur minier 7.7 21.3 18.8 29.3 27.7 29.6 VAM VAM per VAM per Part de Part de VAM Part de VAM per capita capita (taux VAM basée dans la produc- dans les capita 2010 de croissance sur les tion basée sur secteurs de annuel ressources les technologies la moyenne composé 2009 rudimentaires et de la haute 2009 technologie et installations de services Caractéristiques de VAM 1990 1990-2010) 2009 Bénin 21 23 0.4 Burkina Faso 26 37 1.9 Cape Verde 108 139 1.2 Côte d´Ivoire 112 99 -0.6 La Gambie 19 16 -0.7 Ghana 20 28 1.6 Guinée 12 17 1.7 Guinée-Bis- 26 16 -2.2 70 13 17 86 7 6 sau 167 Les résultats de la libéralisation du commerce Libéria 34 17 -3.6 Mali 13 7 -3.3 Niger 13 10 -1.5 Nigéria 15 24 Sénégal 57 Togo 22 28 61 11 2.4 26 53 21 54 -0.3 80 6 14 25 0.5 Source : UNCTAD/UNIDO, 2011. 168 Gervasio Semedo Figure 1 : Commerce intra-régional en Afrique de l´Ouest. Source : De Lombaerde, Iapadre et Mastronardi, 2012, basé sur les données de FMI. 169 Les résultats de la libéralisation du commerce 170 Kenneth Omeje Kenneth Omeje La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest Introduction La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a été créée le 28 mai 1975 pour promouvoir l’intégration et le développement économiques. Au niveau politique et idéologique, l’organisation régionale a été conçue ain d’aider à atténuer la division héritée de la colonisation et la rivalité entre l’Afrique de l’Ouest anglophone et celle francophone. La région de l’Afrique de l’Ouest fut donc principalement colonisée par la France et le Royaume-Uni, même si la Guinée-Bissau et le Cap-Vert, deux pays ouestafricains relativement petits, furent colonisés par le Portugal. L’organisation régionale comprend quinze pays – huit francophones, cinq anglophones et deux lusophones. La Mauritanie, l’ancien 16ème État membre, s’est retirée de la CEDEAO en 2000 pour adhérer exclusivement à l’Union du Maghreb arabe, une solution pragmatique du régime arabe hégémonique, dominé par les Maures, pour résoudre la crise d’identité culturelle du fragile État sahélien (Diallo, 2002). Depuis sa création, la CEDEAO a encouragé et mis en œuvre de différentes politiques et projets pour favoriser l’intégration régionale. Certains d’entre eux incluent : une immigration libérale et des politiques en matière de voyage (l’abolition du régime de visas) , le mouvement libre de certains biens de consommation et de services , la construction d’autoroutes transrégionales , la création d’une banque commerciale et d’investissement régionale (Ecobank) , la mise en œuvre de politiques communes en matière d’agriculture, d’environnement et de gestion des ressources hydriques , l’adoption d’une politique régionale en matière de sécurité, la construction du gazoduc sous- 171 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest marin ouest-africain de 680 km à partir du Delta du Niger au Nigéria qui relie le Bénin, le Togo et le Ghana pour soutenir la coopération énergétique et la productivité économique etc. (Boom, 2009, pp.30-40). Malgré ces résultats positifs, une panoplie de conlits armés déstabilisateurs a forcé les leaders de la CEDEAO à étendre leur projet régional au cours des années pour y ajouter la coopération sécuritaire et l’intervention dans les conlits. Ce mémoire analyse principalement l’implication de la CEDEAO en ce qui concerne le soutien à la paix régionale et aux activités sécuritaires en Afrique de l’Ouest, notamment ses réalisations, limitations et déis. Il est approprié de mettre tout d’abord en contexte les conlits armés déstabilisateurs et les guerres qui ont déclenché l’émergence du soutien régional à la paix et de ce qui est considéré aujourd’hui comme régionalisme sécuritaire. La in de la Guerre froide et les Programmes d’Ajustement Structurel de la Banque Mondiale et du FMI (PAS), adoptés par beaucoup de pays africains, ont aggravé les déis pour le développement en proliférant les structures et les incidents de conlits violents. Avec une histoire remontant au début des années 1980, le PAS, qui a été adopté par beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne ou leur a été imposé en tant qu’antidote de leurs crises économiques, en fait, a précédé la in de la Guerre froide. En suivant les conseils techniques des économistes du développement soutenant le paradigme néolibéral qui a dominé les discours sur le développement économique et sur la planiication des politiques pendant les années et les décennies au début de des indépendances africaines, la plupart des États africains ont poursuivi les politiques et les programmes de modernisation dirigés par l’État à la manière keynésienne. Ainsi, le développement était dominé par l’État et le but était de moderniser les économies, les sociétés et les institutions africaines en adoptant et propageant des modèles, systèmes et caractéristiques de développement. Par le biais de la planiication du développement national à court et à moyen terme, l’industrialisation par la substitution d’importations et par le transfert de technologie, les réformes foncières et agraires, l’autochtonisation des entreprises étrangères et la nationalisation partielle, la construction de complexes résidentiels à faible coût, la mise à disposition de subventions versées à des services essentiels (par exemple, la formation, l’agriculture, la santé etc.), l’État essayait de mettre au point et promouvoir le développement dans divers secteurs de l’économie. Sans aucun doute, cette approche a surchargé l’État de responsabilités, d’autant plus que, dans certains cas, il disposait de capacités techniques et de ressources limitées pour les assumer. Même les États qui ont 172 Kenneth Omeje adopté des trajectoires de développement gauchistes ou (quasi)--socialistes à un moment ou à un autre, tels que le Ghana, le Bénin et le Sénégal étaient également coupables de cette surcharge tendancielle de l’État. Cela a entraîné l’accusation ironique lancée par une partie de la critique que « l’État en Afrique est sur-développé » (Dibua, 2006). Le néo-patrimonialisme a compliqué le phénomène de la surcharge de l’État à travers des artiices, tels que l’emploi non réglementé au sein des établissements de l’État, basé sur des considérations primordiales et sur la corruption prébendière. La personnalisation des charges publiques à des ins d’enrichissement personnel du titulaire de charge, de ses réseaux familiaux et de ses amis, autrement appelée corruption prébendière, a été un facteur important pour ruiner les économies de plusieurs pays ouestafricains (notamment la Sierra Leone, le Libéria, la Guinée, le Togo, la Somalie, le Ghana, le Mali et le Niger). Les effets dévastateurs de la corruption prébendière sur les économies des États fragiles étaient également identiiables ailleurs en Afrique subsaharienne dans des pays tels que la République Démocratique du Congo (RDC), le Congo-Brazzaville, la République centrafricaine, l’Ouganda, le Kenya, le Soudan, l’Éthiopie, la Somalie, le Rwanda, le Burundi, le Malawi, le Lesotho, le Swaziland, etc. (Dibua, 2006 ; Bach, 2011). La solution aux crises économiques d’Afrique, proposée par la Banque Mondiale et le FMI, a déchaîné toute la gamme de l’agenda économiste néolibéral sur le continent – dévaluation monétaire, privatisation et commercialisation des entreprises publiques, la suppression des subventions de l’État versées au titre des services essentiels et du secteur social, dérèglementation des secteurs stratégiques de l’économie et la création de bonnes conditions pour attirer des investissements de capitaux étrangers, rationalisation du service public et réduction de la taille du gouvernement, suppression des restrictions liées à la licence d’importation et des obstacles au commerce (Adedeji, 2002 ; Dibua, 2006). Ces mesures ont eu un effet tellement dévastateur que à la in des années 1980 et au début des années 1990 le tissu économique et politique des pays dans la région a été extrêmement fragilisé par une inlation astronomique, des taux de chômage élevés, le fardeau de la dette extérieure et les obligations au titre du service de la dette et l’utilisation faible des capacités dans les secteurs industriels. La conséquence nette des mesures d’intervention économique lancées par la Banque Mondiale et le FMI (PAS) étaient des manifestations de masse sporadiques, une fragmentation de l’élite, des troubles politiques et l’implosion de beaucoup d’États structurellement divisés et fragilisés. De nombreuses guerres civiles se sont produites dans divers pays africains 173 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest (par exemple, Libéria, Sierra Leone, Tchad, Mali, RD Congo, République centrafricaine, Soudan, Sénégal, Ouganda, Burundi, Rwanda, Angola, Côte d’Ivoire etc.), qui, entre autres, ont créé d’énormes problèmes humanitaires. L’Afrique de l’Ouest, l’Afrique Centrale et la Corne de l’Afrique étaient les régions les plus dévastées du continent. C’est pour faire face à ces guerres dévastatrices et conlits armés régionalisés que le soutien régional à la paix et les politiques de régionalisme sécuritaire ont été élaborés. Organisations régionales et régionalisme sécuritaire : les questions conceptuelles La reconnaissance du rôle de la coopération régionale dans la promotion de la paix et de la sécurité internationales remonte à la doctrine Monroe du gouvernement américain formulée en 1823, qui a déclaré avec éloquence que le gouvernement américain considérerait chaque ingérence des puissances coloniales européennes dans la souveraineté des États indépendants de l’Amérique du Nord et du Sud comme un acte d’agression justiiant une intervention américaine. Jusqu’au début de la Guerre froide, qui a radicalement modiié l’interprétation de la doctrine Monroe par le gouvernement américain à la in des années 1940 et a également donné aux Sud-américains l’impression que les États Unis étaient un tyran impérial, la doctrine Monroe servait de balise populaire pour une rélexion collective en matière de sécurité, pour la coopération entre les États du Nord et du Sud de l’Amérique et pour contrecarrer l’ingérence impérialiste provenant d’Europe. L’article 21 du Pacte de la défunte Société des Nations de 1919 a reconnu la doctrine Monroe comme un accord de sécurité régionale, en soulignant que « Rien dans ce Pacte n’est réputé affecter la validité des engagements internationaux, tel que traités d’arbitrage et ententes régionales comme la doctrine Monroe pour garantir le maintien de la paix » (voir Dorn, 2008, p.21). La Charte des Nations Unies de 1945 consacre le chapitre VIII aux arrangements régionaux ou aux agences qui s’occupent des questions concernant le maintien de la paix et de la sécurité internationales et qui se prêtent à une action de caractère régional et sont cohérents avec les « buts et principes de la Charte de l’ONU (voir Boutrous-Ghali, 1992). Même si elles avaient le potentiel de contribuer d’une façon eficace à la paix et à la sécurité internationales, le potentiel et l’eficacité des agences régionales étaient grandement affaiblis 174 Kenneth Omeje pendant la Guerre froide à cause de l’allégeance idéologique des États membres vis-à-vis des superpuissances rivales. Même la fonctionnalité et l’eficacité de l’ONU en ce qui concerne l’intervention dans les conlits et le soutien à la paix ont été considérablement réduites par la politique bipolaire de la Guerre froide. La in de la Guerre froide et le caractère nuancé des conlits armés qu’elle a déclenchés ont donc donné l’occasion de réinventer les organisations régionales et leur rôle en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en mettant l’accent principalement sur leurs niveaux régionaux et sur la coopération et la coordination avec l’ONU. Les approches régionales dans les domaines de la paix et de la sécurité sont pleines d’ambiguïtés conceptuelles et pratiques, en partie liées au manque de consensus parmi les experts académiques et politiques sur ce qui constitue une région et sur la question de savoir comment cette dernière peut former la base de la coopération sécuritaire. Par conséquent, de nombreuses institutions régionales en Afrique et dans d’autres régions en développement ont commencé avec un projet, principalement axé sur la coopération et l’intégration économiques, et le problème de la gestion des conlits et de la sécurité régionales s’est posé pour la plupart comme une rélexion ultérieure ; une réponse pragmatique aux obstacles empiriques du développement économique et de l’intégration. De nombreux spécialistes académiques et politiques déinissent la « région » d’un point de vue minimaliste comme « l’intégration de la proximité géographique » (voir Nye, 1971 ; Buzan, 1991 ; Omeje & Hepner, 2013). D’un point de vue maximaliste, plusieurs spécialistes ajoutent à la conception de « région » des concepts plus subjectifs, tels qu’un sentiment d’histoire partagée, l’identité, la lutte politique, la conscience, l’interconnexion etc. (voir Adler, 1997 ; Adebajo, 2004). Certaines des caractéristiques indiquées d’une déinition maximaliste de « région » peuvent être discernées sans doute parmi des États géographiquement interconnectés qui sont déinissables comme région d’un point de vue minimaliste, même s’il s’agit de caractéristiques qui semblent échapper à la détermination empirique. Historiquement, les pays qui partagent des frontières ou une proximité géographiques sont trop souvent liés en totalité ou en partie par des liens ethnoculturels, linguistiques, commerciaux, économiques etc. Par conséquent, de tels États sont involontairement liés par des externalités négatives, telles que les catastrophes naturelles, la migration forcée et les réfugiés, la criminalité transnationale et divers types de transactions « invisibles » ou clandestines. C’est pour ces raisons qu’une certaine forme de plateforme de consultation et 175 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest de coopération mutuelles est considérée comme essentielle pour les pays dans une région particulière, en vue de maximiser les avantages liés aux économies d’échelle et d’atténuer les externalités des menaces et des ennemis imbriqués. Buzan (1991, p.190) conçoit ce type d’interconnexion socio-économique et sécuritaire fondée sur la proximité géographique comme un « complexe de sécurité régional », qu’il déinit comme « un groupe d’États, dont les préoccupations prioritaires en matière de sécurité sont tellement interconnectées que leurs sécurités nationales ne peuvent pas être considérées de façon réaliste comme éloignées les unes des autres. » En ampliiant le complexe de sécurité régionale de Buzan dans le contexte des États ouest-africains, Francis (2006, p.113) fait valoir que la notion de sécurité régionale ou le régionalisme sécuritaire en Afrique découle du point de vue pratique que l’interdépendance économique, le développement durable et la consolidation démocratique, le progrès social et la paix durable sont impossibles dans un climat de guerres régionalisées, de conlits armés et d’instabilité politique. Francis constate en outre que « le régionalisme sécuritaire adopte l’idée d’établir un ordre régional pour la paix et la stabilité et d’augmenter le bien-être national et régional par action collective, en particulier par action collective orientée vers la résolution de problèmes avec des effets régionaux déstabilisateurs » (Ibid.). L’un des casse-têtes les plus dificiles associées à la politique de sécurité régionale en Afrique est la question des « régionalismes en concurrence », un problème conçu par Franke (2007) comme la prédominante « prolifération d’organisations intergouvernementales sur le continent avec la concurrence résultante à l’égard des ressources nationales et internationales, de l’inluence politique et de la pertinence institutionnelle, qui menace la viabilité de l’approche continentale dans les domaines de la paix et de la sécurité, en répétant inutilement les efforts et en fragmentant le soutien. » Même si la CEDEAO a été en partie créée pour aider à combler le fossé entre les francophones et les anglophones dans la région, il existe une agence francophone de coopération économique régionale parallèle, à savoir l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). L’UEMOA a été créée en janvier 1994, avec sa propre zone monétaire séparée, une monnaie commune et un agenda axé sur une plus grande intégration régionale. Contrairement à la CEDEAO qui était une idée ouest-africaine et a été mutuellement discutée par différents pays ouest-africains, en passant au-delà de la ligne de séparation entre les deux langues véhiculaires héritées, l’UEMOA a été créée sous l’impulsion de la France à cause de ses intérêts. Ce fait a conduit plusieurs chercheurs tels 176 Kenneth Omeje qu’Adebajo (2004 : 31) à étiqueter le projet d’intégration régionale francophone en matière d’économie et de monnaie comme étant le « cheval de Troie » de la France dans la CEDEAO. En outre, il existe toute une panoplie d’autres organisations intergouvernementales en Afrique de l’Ouest. A l’échelle continentale, l’incidence de régionalismes en concurrence, surnommé par de nombreux spécialistes comme « le bol de spaghetti dans les accords africains sur l’intégration régionale » est encore plus prononcée. 26 des 54 pays africains sont membres de deux organisations régionales et 19 pays sont membres de trois. Deux pays (RDC et Swaziland) appartiennent même à 4. Seulement six pays maintiennent leur adhésion dans une seule communauté régionale. Même si l’Union africaine (UA) a réduit sa collaboration oficielle à 5 « communautés économiques régionales » (CERs), il existe au moins 14 communautés économiques dans l’espace géographique africain, qui ont établi une certaine forme de mécanisme de paix et de sécurité. En Afrique de l’Ouest, la CEDEAO cohabite avec l’UEMOA, l’Union du leuve Mano et la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD). En Afrique centrale, la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) a plus ou moins des recoupements avec la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale CEMAC), soutenue par la France, avec la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL). En Afrique australe, la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), l’Union douanière d’Afrique australe (SACU) et la Commission de l’Océan Indien partagent la plupart de leurs espaces d’intégration entre elles et avec le Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA), qui à son tour couvre l’ensemble de l’Afrique de l’Est, plusieurs pays d’Afrique du Nord et d’Afrique centrale. Le COMESA est également à cheval entre la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) dans la Corne de l’Afrique, tandis que la CAE et l’IGAD se chevauchent (adapté, révisé et actualisé par Franke, 2007). Comme on l’a observé dans la citation précédente, l’Union Africaine a pris une mesure importante pour rationaliser l’intervention dans les conlits et les cadres de sécurité sur le continent, en réduisant sa collaboration oficielle à 5 CERs que l’UA considère comme des éléments ou bien piliers constitutifs pour l’architecture régionale de sécurité fondée sur les principes de subsidiarité, de division des tâches et de coordination. Les CERs qui travaillent en partenariat avec l’UA dans le domaine de l’architecture continentale de paix et de sécurité sont la CEDEAO, la SADC, l’IGAD, la CAE et l’Union du Maghreb arabe (UMA). 177 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest Les contextes historiques et politiques des opérations de la CEDEAO pour le maintien de la paix L’éclatement de la guerre civile au Libéria en décembre 1989 a marqué un tournant dans l’histoire de la CEDEAO et, en effet, dans la politique globale en matière d’intégration régionale. La décision de la CEDEAO de plonger dans le domaine de la sécurité, en autorisant une intervention régionale pour le maintien de la paix au Libéria en 1990 a été une initiative controversée et novatrice en matière de régionalisme sécuritaire. L’intervention pour le maintien de la paix était fondée sur un appel de la part du Président libérien assiégé Samuel Doe au Nigéria ain que ce dernier lui vienne en aide contre les forces attaquantes du rebelle Front patriotique du Liberia (NPFL) dirigé par Charles Taylor. Le Président nigérian Général Ibrahim Babangida a fait valoir son argument pour une médiation régionale dans la guerre civile en mai 1990 au sommet de la CEDEAO, culminant avec le déploiement du Groupe de contrôle de la CEDEAO (ECOMOG). La relation personnelle de Babangida avec Samuel Doe – deux dictateurs corrompus qui partageaient des intérêts communs en ce qui concerne la perpétuation de leur pouvoir contre la volonté populaire – était un facteur important des efforts déployés par le gouvernement nigérian en vue d’une intervention militaire. La première phase de la guerre au Libéria s’est terminée par la signature de l’accord de paix d’Abuja en septembre 1996 : le NPFL et d’autres forces rebelles devaient désarmer sous la surveillance de l’ECOMOG et de l’ONU. Des élections se sont tenues en juillet 1997 et Charles Taylor a remporté une victoire écrasante et est devenu président. En août 2003, la Mission de la CEDEAO au Libéria (ECOMIL) a été déployée à la suite de la reprise de la guerre civile dans le pays par deux groupes rebelles, le Mouvement pour la démocratie au Libéria (MODEL) et les « Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) contre le gouvernement assiégé de Charles Taylor. Les groupes rebelles auraient été soutenus respectivement par la Côte d’Ivoire et la Guinée. La Mission des Nations Unies au Libéria (UNMIL) a été déployée ain de remplacer l’ECOMIL quelques mois plus tard et, conformément à la nouvelle tendance de synergie régionale et internationale dans le domaine du maintien de la paix, le commandement de l’ECOMIL a été transféré et il s’est transformé en UNMIL. Outre le Libéria, la CEDEAO a mené des interventions similaires de maintien de la paix ain d’aider à régler la guerre civile en Sierra Leone (1991 – 2002) 178 Kenneth Omeje et la première phase de la guerre en Côte d’Ivoire (2002 – 2004). Dans les deux cas, les gardiens de la paix de la CEDEAO ont précédé les missions de maintien de la paix de l’ONU et ensuite formé leur noyau dans les deux pays. Il est remarquable que les premières deux interventions de maintien de la paix de la CEDEAO dans les années 1990 (au Libéria et en Sierra Leone) ont été principalement inluencées et dominées par l’intérêt hégémonique au niveau régional du Nigéria, qui était gouverné par des régimes militaires à l’époque. La politique extérieure du Nigeria était fondée pendant longtemps sur une ambition hégémonique au niveau régional (et dans une certaine mesure au niveau continental), qui a trouvé sa plus forte expression sous les dictatures militaires successives dans le pays. Environ 80% des troupes et des ressources déployées dans le cadre des opérations de l’ECOMOG au Libéria et en Sierra Leone ont été fournies par le Nigéria. Nombre de pays ouestafricains, particulièrement les États francophones, ont été souvent déstabilisés par l’ambition hégémonique du Nigéria en Afrique de l’Ouest, notamment par sa tendance initiale et épisodique à dominer les opérations de soutien de la paix de la CEDEAO. Une part non négligeable des critiques portées à l’encontre des opérations de maintien de la paix initiales de la CEDEAO au Libéria et en Sierra Leone, particulièrement les critiques concernant l’indiscipline excessive et le manque de professionnalisme de l’ECOMOG, ont été attribuées au rôle dominateur du Nigéria (voir Kabia, 2013). Le retour d’un régime démocratique au Nigéria depuis mai 1999 a considérablement réduit les jeux nigérians de puissance au niveau régional dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Par exemple, les troupes nigérianes ne faisaient pas partie des missions de maintien de la paix de la CEDEAO en Guinée-Bissau (1999) et en Côte d’Ivoire (2002). La plupart des interventions de maintien de la paix de la CEDEAO dans divers pays ouest-africains (Libéria, Sierra Leone, Guinée-Bissau et Côte d’Ivoire) ont été oficiellement justiiées pour des raisons humanitaires. Evidemment, les menaces régionales les plus graves auxquelles la CEDEAO fait face actuellement découlent de la guerre civile au Mali et de la situation sécuritaire fragile au bord de la guerre ouverte dans le Nord du Nigéria à la suite de la vague d’attentats terroristes à l’explosif, menés par la secte islamiste Boko Haram. Le Nord du Mali qui était un point névralgique de la rébellion des Touaregs dans les années précédentes a commencé à se décanter en janvier 2012 lorsque les séparatistes touaregs, le Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA) et plusieurs déserteurs des forces armées 179 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest maliennes ont conclu une vague alliance avec les groupes islamistes militants – Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), ain de lancer des attaques persistantes contre l’armée malienne au nord du pays. La plupart des combattants rebelles étaient des mercenaires et des anciens combattants armés qui étaient revenus de la guerre civile libyenne dans laquelle la dictature prolongée de Mouammar Kadhai avait été renversée. Les forces maliennes relativement démotivées ont progressivement subi des défaites répétées face aux rebelles bien équipés du Nord, qui, en partie, ont déclenché une mutinerie dans l’armée et ensuite le coup d’état de la junte en mars 2012, mené par le capitaine Amadou Sanogo. Etant incapable de mettre sous contrôle la rébellion dans le Nord et largement condamnée par la CEDEAO, l’UA et la communauté internationale, le gouvernement de la junte a précipitamment négocié pour céder le pouvoir à un gouvernement de transition à la in du mois d’avril 2012, quelques semaines après que les forces rebelles avaient déclaré le Nord du Mali État indépendant nommé Azawad. Le gouvernement de transition, dirigé par le premier ministre civil intérimaire Cheick Modibo Diarra, a été ensuite remplacé par un gouvernement d’unité nationale en août 2012. La situation sécuritaire au Mali a subi une dégradation sérieuse au début de janvier 2013, lorsque les éléments d’Ansar Dine et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, avec le soutien d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, ont avancé vers le sud jusqu’à Konna, une ville située à 680 km de la capitale Bamako (MINUSMA, 2013). Le retard de la CEDEAO dans le déploiement d’une force d’intervention multinationale, avec l’objectif d’aider à annuler la déclaration d’indépendance unilatérale des rebelles dans le Nord du Mali après que l’organisation régionale était convenue de mener une action de soutien de la paix en avril 2012, est embarrassant en ce qui concerne la capacité de l’organisation régionale à mettre en œuvre sa nouvelle architecture sécuritaire tant vantée, communément connu sous le nom de Mécanisme de prévention, gestion et résolution des conlits, de maintien de la paix et de sécurité de la CEDEAO datant de décembre 1999. La guerre dans le Nord du Mali est particulièrement compliquée par la division idéologique accentuée entre le MNLA relativement modéré et les groupes islamistes radicaux (notamment Ansar Dine avec des iniltrations de la part de narcoterroristes régionaux et de groupes djihadistes, tels qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique et Boko Haram) dans l’insurrection fragile des rebelles. Dès début janvier 2013, la France a répondu à l’appel 180 Kenneth Omeje du Président malien intérimaire Diocounda Traoré à une intervention militaire unilatérale avec l’objectif de sauver son régime des forces rebelles du Nord qui avançaient, environ neuf États membres de la CEDEAO et quelques autres États membres de l’Union africaine se sont montrés à la hauteur de la situation et ont déployé une force multinationale supplémentaire aux côtés des forces françaises, en rendant la Mission internationale de soutien au Mali, dirigée par les pays africains (AFISMA), pour l’essentiel, une opération conjointe de l’Union africaine et de la CEDEAO. Les troupes d’AFISMA comptant environ 6300 soldats ont inalement formé le noyau de la Force onusienne de maintien de la paix au Mali comptant 12 600 soldats (MINUSMA), le déploiement graduel de laquelle a pris effet le 1er juillet 2013, comme autorisé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le gouvernement malien a signé un accord de cessez-le-feu avec les rebelles touaregs en juin 2013 ain d’ouvrir la voie à la tenue d’élections présidentielles dans la région troublée du Nord. Même si les élections se sont déroulées avec succès en juillet/août 2013 ain de rétablir la gouvernance démocratique, de nombreux analystes estiment qu’étant en proie à l’instabilité et à une économie paralysée, le Mali restera littéralement maintenu en vie artiiciellement à court terme malgré les engagements de 3.2 milliards d’euros (4.2 milliards de dollars), pris par les partenaires internationaux lors de la conférence des donateurs à Bruxelles en mai 2013 dans le but d’aider à reconstruire le pays, ravagé par la guerre. La somme annoncée est une fraction du plan pour la relance économique du Mali qui s’élève à 43 millions de dollars et est lié à la mise en œuvre de la feuille de route politique incluant les élections de l’été 2013 (BBC, 2013). Le nouveau gouvernement malien issu des élections et dirigé par le Président Ibrahim Boubacar Keïta suscite de grandes attentes et se voit chargé d’une énorme responsabilité en ce qui concerne le rétablissement de la sécurité et la reconstruction du pays, déchiré par la guerre. Dans le Nord du Nigéria, les islamistes de Boko Haram, un réseau terroriste endogène, subrepticement soutenu par des politiciens localement inluents et par des groupes terroristes associés à Al-Qaïda, ont perpétré, depuis 2009, des attaques terroristes visant à créer un État islamique au (Nord du) Nigéria. Le gouvernement nigérian a manié la carotte et le bâton pour combattre l’insurrection islamiste, en accordant l’amnistie concernant les armes aux membres intéressés selon le concept de désarmement, démobilisation et réadaptation (DDR) et en utilisant des représailles militaires pour réprimer les éléments récalcitrants. En mai 2013, le Président nigérian Goodluck Jonathan a déclaré l’état d’urgence dans les trois états septentrionaux d’Adamawa, Borno 181 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest et Yobe, qui étaient les plus affectés par l’insurrection, et déployé plus de 2000 soldats pour intensiier la répression des militants. Des milliers de personnes ont été tuées suite aux violences prolongées, notamment un grand nombre de victimes parmi les civils. L’insurrection de Boko Haram et sa répression militaire ont provoqué une catastrophe humanitaire de portée régionale – plus de 6000 citoyens vulnérables ont traversé la frontière septentrionale du Nigéria avec la République du Niger et de quelques 10 000 autres ont traversé la frontière avec le Nord du Cameroun, en fuyant le pays. (voir UN News Service, 2013 ; BBC, 2013). Au début de juin 2013, le gouvernement du président Obama a étendu sa guerre contre le terrorisme ain de sécuriser le Nigéria face au mouvement Boko Haram, en promettant une récompense de 7 millions de dollars à celui qui puisse fournir des renseignements menant à la capture du dirigeant de Boko Haram, Abubakar Shekau. Ravi, le gouvernement nigérian a répondu à l’offre de butin, en proscrivant le groupe islamiste radical. La vague de répressions continuelles contre les Islamistes a produit deux effets connexes. Le premier est la division du mouvement insurrectionnel en deux principales factions - des modérés et des extrémistes. La faction plus modérée du groupe islamiste est signiicativement favorable à un engagement constructif à l’égard du gouvernement fédéral nigérian et accepte le programme d’amnistie pour les armes et de réadaptation du gouvernement. Cette faction dirigée par Abu Zamira Mohammed s’est engagée dans un processus de négociations actives avec le gouvernement depuis la promulgation du programme d’amnistie pour les armes. La faction extrémiste de Boko Haram qui refuse pratiquement toute négociation avec le gouvernement s’est dispersée dans différentes régions du Nord du Nigéria, des pays voisins et au-delà. Les mesures de répression du gouvernement ont poussé la faction extrémiste encore davantage dans la clandestinité à l’échelle sous-régionale, puisqu’elle traverse les frontières poreuses de divers États voisins imbriqués les uns dans les autres (notamment Niger, Tchad, Cameroun, Burkina Faso, Mali et Soudan), où elle crée des liens avec les réseaux criminels locaux et des insurgés ain de commettre des actes de traic d’armes et de drogues, de violence criminelle, de militantisme transnational et de terrorisme. Au début d’août 2013, il a été signalé que le chef en fuite de la faction extrémiste de Boko Haram Abubakar Shekau, avait été abattu et déposé par plusieurs membres mécontents de la secte interdite qui avaient également annoncé la nomination du chef de la faction modérée, Abu Zamira Mohammed, comme le chef général du groupe (Vanguard, 02/08/2013). Le sort d’Abubakar Shekau qui aurait été abattu reste inconnu, l’armée nigériane prétendant que Shekau a été tué pendant une fusillade avec 182 Kenneth Omeje les forces de sécurité au cours de laquelle il aurait été gravement blessé. Bien que Boko Haram ait été proscrit par le gouvernement nigérian, il y a toujours des attentats terroristes persistants dans différentes parties du Nord du Nigéria qui sont attribués au groupe terroriste. Pourquoi la CEDEAO approfondit-elle le régionalisme sécuritaire ? Il est remarquable que la CEDEAO se soit aventurée dans le domaine tumultueux du régionalisme sécuritaire et ait fait des progrès signiicatifs, bien qu’elle n’ait pas été conçue comme une organisation régionale de sécurité. Apparemment, le facteur le plus important qui explique cela est le fait qu’en ayant un développement imbriqué et des préoccupations sécuritaires communes d’un point de vue géostratégique, les États ouest-africains souffriraient plus directement de l’impact d’une éventuelle lambée de violence dans l’un des États membres. L’éclatement des guerres civiles dans les États de la sousrégion du leuve Mano (Libéria, Sierra Leone et Côte d’Ivoire) ont , par exemple, illustré plusieurs menaces régionales imbriquées dans le domaine de la sécurité – l’aflux de réfugiés et la catastrophe humanitaire, la prolifération des armes, les incursions transfrontalières, la circulation des combattants, la pression et la déstabilisation économiques et politiques et le recrutement transfrontalier de mercenaires par les factions belligérantes. Ce type de menaces déstabilisatrices à la sécurité a contraint la CEDEAO à s’intéresser à une intervention militaire coopérative. D’autres facteurs supplémentaires ont à avoir avec le retard bureaucratique et la politique à enjeux élevés, motivée par des intérêts et liée au débat du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’intervention dans les conlits et le déploiement de forces de maintien de la paix ; ainsi que la nature non classique et complexe des conlits armés de l’après-guerre froide dans de nombreuses régions en développement qui ont rendu nécessaire une transition du maintien de la paix de première génération (essentiellement la surveillance de cessez-le-feu, fondée sur le consentement mutuel des parties belligérantes), jusqu’à présent favorisé par l’ONU, au maintien de la paix de deuxième génération relativement plus risqué et multidimensionnel (y compris des mesures coercitives solides) que l’ONU ne semble pas avoir adopté. Le dernier et probablement le plus important point est la prise de conscience tardive par la CEDEAO et par 183 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest d’autres communautés économiques régionales similaires que l’intégration et le développement économiques durables d’une portée signiicative seront dificilement réalisables sans paix durable. Les réalisations de la CEDEAO dans le domaine du régionalisme sécuritaire Il ne fait aucun doute que la CEDEAO a accompli des réalisations remarquables dans le domaine du régionalisme sécuritaire. Premièrement, l’intervention de la CEDEAO a contribué à atténuer l’anarchie à grande échelle et la catastrophe humanitaire dans les pays touchés par la guerre. L’imposition de la paix et les efforts diplomatiques ont contribué à l’obtention d’un cessez-le-feu et à l’installation de havres sûrs pour les populations civiles et pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP), ainsi qu’au retour à la normale dans les pays membres théâtres de troubles – le Libéria, la Sierra Leone et la Côte d’Ivoire (Kabia, 2011). De même, l’intervention de la CEDEAO a contribué au règlement des conlits, à la reconstruction de l’État et à la consolidation de la paix dans les limites de ses propres ressources, en présidant les pourparlers de paix et en négociant des accord, en mettant en œuvre des programmes de désarmement, démobilisation et réadaptation (DDR), surtout de désarmement et de démobilisation, en menant des élections et en contribuant à rétablir l’autorité de l’État, la loi et l’ordre (voir Brown, 1999 ; Sola-Martin & Kabia, 2007). Outre l’intervention de maintien de la paix, la diplomatie préventive de la CEDEAO a contribué à atténuer les conlits, à contenir la tension et à éviter les guerres ou leur récurrence dans divers pays membres, tels que le Togo, la Guinée, la Côte d’Ivoire et la Guinée-Bissau. Il est remarquable que, dans presque tous les cas, les soldats de maintien de la paix de la CEDEAO aient jeté les bases des opérations de paix onusiennes et également facilité leur tâche à travers le maintien coopératif de la paix, autrement dit le co-déploiement et le transfert de troupes (par exemple, la conversion ou le transfert de soldats de maintien de la paix de la CEDEAO à l’ONU). Le co-déploiement et le transfert de troupes entre la CEDEAO et l’ONU ont été observés en Sierra Leone, au Libéria et en Côte d’Ivoire. Dans le Nord du Mali, l’AFISMA qui n’est pas complètement une mission de la CEDEAO, a été récemment placée sous le commandement de la MINUSMA. De cette manière, l’ONU a reçu des enseignements importants de la CEDEAO 184 Kenneth Omeje pour ce qui est de revoir sa façon d’aborder le maintien de la paix dans des situations d’urgence politiques complexes et l’intervention collective avec des organisations régionales (Francis et al, 2004). Comme l’intervention de la CEDEAO a toujours précédé l’opération de maintien de la paix de l’ONU et d’autres acteurs étatiques internationaux dans toutes les guerres civiles en Afrique de l’Ouest de l’après-guerre froide, il existait la tendance à sous-estimer les réalisations de l’organisation régionale et à attribuer la réussite de chaque règlement d’un conlit important à l’organisation mondiale et à d’autres acteurs internationaux. Cette inclinaison analytique est une tendance commune parmi de nombreux observateurs occidentaux et de nombreuses organisations internationales. Certains critiques ont fait valoir que les troupes de maintien de la paix onusiennes et d’autres acteurs internationaux uni-/bilatéraux (par exemple les Britanniques en Sierra Leone, les Français en Côte d’Ivoire et les Américains au Libéria) se sont attribués tous les mérites alors que l’ECOMOG avait déjà préparé le terrain (voire Obi, 2009, p.131). Vers des solutions institutionnelles : l’évolution de l’« architecture de paix et de sécurité » de la CEDEAO La CEDEAO a employé l’expérience de ses diverses opérations de soutien de la paix pour réformer et renforcer progressivement ses structures institutionnelles et opérationnelles ain de faire face aux déis de sécurité émergents. Un certain nombre de statuts régionaux ont été adoptés à partir des années 1990 et le traité fondateur de la CEDEAO a été considérablement révisé en 1993 ain de renforcer l’intégration économique et le régionalisme sécuritaire. Le protocole le plus important adopté par l’organisation régionale concernant le régionalisme sécuritaire est le Mécanisme de la CEDEAO pour la prévention, la gestion et le règlement des conlits, le maintien de la paix et la sécurité de décembre 1999. L’évolution de l’« architecture de sécurité de la CEDEAO » (par exemple, le Protocole de 1999, également appelé le Mécanisme) met en place un certain nombre d’institutions et de mécanismes ain de renforcer les opérations de soutien de la paix, parmi d’autres capacités et fonctions en matière de sécurité. Le Protocole de 1999 est lié aux protocoles précédents en matière de sécurité et s’appuie considérablement sur eux, notamment sur le Protocole de non-agression de la CEDEAO (PNA) de 1978 et sur le Protocole de 1981 sur l’assistance mutuelle en matière de défense. Un protocole additionnel 185 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest sur la démocratie et la bonne gouvernance prévoyant des règles au sujet du transfert démocratique du pouvoir, basé sur des élections libres, équitables et multipartites, sur des institutions et un processus électoraux crédibles, sur une surveillance des élections par des observateurs extérieurs indépendants, et sur le respect du droit de l’homme, etc. a été adopté en 2001 (mais est entrée en vigueur en 2005), en complément du Protocole de 1999. Plusieurs des principales structures institutionnelles créées par le célèbre Protocole de 1999 sont : l’Autorité des Chefs d’État et de Gouvernement, le Conseil de Médiation et de Sécurité (CMS), le Système d’alerte rapide de la CEDEAO (ECOWARN) et la Force en attente de la CEDEAO (FAC). Ils peuvent être brièvement discutés comme suit : L’Autorité des Chefs d’État et de Gouvernement (dont le nom abrégé est l’Autorité) – Il s’agit de l’assemblée suprême de tous les Chefs d’État et de Gouvernement et elle est responsable des décisions, nominations et orientations politiques importantes de la CEDEAO. Toutefois, l’assemblée (l’Autorité) n’a plus le monopole des pouvoirs de prise de décision en matière de problèmes de sécurité essentiels, notamment « des questions relatives à la prévention, la gestion et la résolution des conlits ; le maintien de la paix et la sécurité, l’aide humanitaire, la consolidation de la paix, le contrôle de la criminalité transfrontalière, la prolifération des armes de petit calibre ainsi que d’autres problèmes inclus dans les dispositions du Mécanisme » (voir l’article 6 du Protocole). En ce qui concerne tous ces problèmes de sécurité, les articles 6 et 7 du Protocole de la CEDEAO de 1999 prévoient que l’assemblée doit déléguer au Conseil de Médiation et de Sécurité le pouvoir d’agir en son nom, de prendre des décisions appropriées et de les mettre en œuvre ain de garantir que les dispositions du Protocole de 1999 soient réalisées. Le Conseil de Médiation et de Sécurité (CMS) – Il s’agit d’une institution au niveau des chefs de gouvernement, composée de neuf États (élus pour une période de deux ans par rotation renouvelable) et habilitée à prendre des décisions d’urgence concernant les problèmes de « la paix, l’intervention dans les conlits et la sécurité », comme délégué par l’Autorité des Chefs d’État et de Gouvernement. Le CMS collabore avec deux comités consultatifs - le Comité des ambassadeurs (CA) ayant une accréditation simultanée à la CEDEAO et au Nigéria et la Commission de Défense et de Sécurité (CDS) composée des chefs nationaux de défense et de sécurité et d’experts techniques impliqués. 186 Kenneth Omeje Système d’alerte précoce et d’intervention rapide de la CEDEAO (ECOWARN) – responsable d’une cartographie des risques et des menaces en matière de sécurité, de leur observation et de leur analyse. Etant mis en œuvre depuis 2003, la CEDEAO dispose d’un centre d’observation et de suivi à Abuja, soutenu par un réseau de quatre bureaux zonaux, chacun d’entre eux ayant un siège sous-régional (voir Sagna, 2009 ; OCDE, 2009) : • Zone 1 : le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée-Bissau et le Sénégal, Banjul étant le siège, • Zone 2 : le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger, Ouagadougou étant le siège, • Zone 3 : le Ghana, la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone, Monrovia étant le siège, • Zone 4 : le Bénin, le Nigéria et le Togo, Cotonou étant le siège. Les bureaux zonaux d’ECOWARN travaillent en partenariat avec des représentants spécialisés de la société civile et des gouvernements ain de développer, évaluer et transmettre les indicateurs de risque zonaux au Centre d’observation et de suivi à Abuja chaque semaine. ECOWARN informe le Président de la Commission de la CEDEAO et le CMS qui, en fonction de la nature et du niveau de la menace, pourraient lancer diverses mesures d’intervention, notamment : • La création d’une mission d’enquête, • La diplomatie préventive par l’intermédiaire du Président de la Commission, • La diplomatie préventive par l’intermédiaire du Conseil des Sages de la CEDEAO, composé de 15 membres (anciennement Conseil des Anciens), nommé par l’Autorité des chefs d’États – il s’agit d‘une réincarnation du mécanisme africain traditionnel de résolution des conlits ; et inalement, • Action militaire, par exemple l’imposition de la paix et les interventions de maintien de la paix. La Force en attente de la CEDEAO (FAC) – Il s’agit d’une brigade internationale de 6500 soldats spécialement formés, conçue pour remplacer l’ECOMOG. La FAC est l’une des 5 brigades régionales, prévues par l’Architecture de Paix et de 187 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest Sécurité de l’UA, fondée sur les principes de subsidiarité et de complémentarité avec les Communautés Économiques Régionales (CER). La FAC comprend une force de réaction rapide de 1,500 à 3.000 troupes, déployables en 14 jours avant que la force complète arrive dans 90 jours en cas de nécessité. Trois centres d’excellence ont été réservés à l’entraînement de la FAC : • École Nationale Supérieure de Guerre (NWC) à Abuja (Nigéria), • Centre International Koi Annan de Formation au Maintien de la Paix (KAIPTC) à Accra (Ghana), • École du Maintien de la Paix à Bamako (Mali). Il existe quelques structures supplémentaires qui soutiennent le fonctionnement de l’Architecture de Paix et de Sécurité de la CEDEAO, la Cour de Justice et le Parlement de la CEDEAO étant les plus importantes. Les deux structures ont été initialement prévues dans divers protocoles qui ont été adoptés pour la première fois dans les années 1990. La Cour de Justice de la CEDEAO, située à Abuja (Nigéria) est une cour régionale en évolution qui est opérationnelle depuis août 2002 et avait comme but initial l’interprétation du droit de la CEDEAO et la soumission à arbitrage des différends qui en découle selon l’un des États membres. La Cour adresse également des avis consultatifs sur toutes les questions juridiques à divers organes de l’organisation régionale. En réaction aux nouveaux faits, la CEDEAO a adopté au cours des années des protocoles additionnels ain d’élargir le mandat de la cour et de permettre aux citoyens d’engager des procès aux États membres (sans aucune obligation d’épuisement interne des recours judiciaires), en particulier sur les questions des violations des droits de l’homme, sur la légalité des lois et des politiques de la CEDEAO et sur un prétendu défaut par un État membre de se conformer au droit communautaire (voir IJRC, 2013). La Cour est composée de sept juges, nommés par l’Autorité des Chefs d’État et de Gouvernement. Le Parlement de la CEDEAO, situé à Abuja (Nigéria) de façon occasionnelle, n’exerce qu’une fonction consultative et ne dispose pas de fonction législative. Les Traités de la CEDEAO confèrent tous les pouvoirs législatifs à l’Autorité des Chefs d’État et de Gouvernement et au Conseil de Médiation et de Sécurité – deux institutions dominées par les armes exécutives du gouvernement. De nombreux critiques considèrent cet arrangement institutionnel comme un abus de langage à cause du danger évident d’un pouvoir exécutif trop puissant qui est au cœur de la plupart des violations des droits de l’homme, de l’autoritarisme et 188 Kenneth Omeje des démocraties en déliquescence sur le continent africain. Quoi qu’il en soit, le Parlement de la CEDEAO formule des avis consultatifs sur diverses questions, considérées comme importantes pour l’intégration et la sécurité régionales, notamment les droits de l’homme et l’État de droit, les élections et la démocratie, les voyages et l‘immigration, la connectivité internet et la télécommunication, le commerce, la santé, la formation et la sécurité alimentaire. Le Parlement se compose de 115 sièges, chacun des 15 États membres en ayant au moins 5 et les sièges restants étant divisés en proportion de la population des pays membres (TEP, 2013). La plupart des députés de la CEDEAO sont envoyés ou élus par leurs parlements nationaux. Les déis persistants L’ « architecture de sécurité » de la CEDEAO est un mécanisme à long terme englobant la prévention, l’intervention militaire et la consolidation de la paix – il s’agit également d’une tentative de répondre aux conlits de manière systématique (Toure & Okae, 2008). Mais il existe plusieurs déis persistants. En premier lieu, la CEDEAO est une collection d’États postcoloniaux très fragiles, pauvres et dépendants de l’aide étrangère. Dans un certain sens, l’organisation régionale est donc incapable de s’élever au-dessus des capacités institutionnelles et en ressources naturelles relativement faibles des pays unis ain de réaliser leurs objectifs d’intégration économique et de régionalisme sécuritaire d’une façon plus eficace. De ce point de vue, le inancement de la nouvelle architecture de sécurité et la mobilisation de la volonté politique avec le but de la mettre en œuvre ont été particulièrement coûteux pour les États membres de l’organisation. Les principales sources de inancement de la CEDEAO sont : les contributions obligatoires des États membres, le prélèvement communautaire – une taxe de 0.5% sur tous les biens importés dans les pays de la CEDEAO – et le Fond de la CEDEAO pour la paix, créé en 2003 et soutenu par des donateurs, qui représente encore au moins 25% du inancement de l’organisation (Ibid. ; Kabia, 2013). Deuxièmement, un certain nombre d’analystes ont constaté que la CEDEAO a des déicits stratégiques en ce qui concerne la résolution des conlits traditionnels et, pour cette raison, n’est pas capable de répondre aux préoccupations liées à la sécurité humaine et aux conlits non-traditionnels dans la région – par exemple : la pauvreté endémique et le taux de chômage élevé chez les jeunes ; 189 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest les pandémies dévastatrices, tel que le VIH/SIDA, la prolifération d’acteurs sécuritaires alternatifs, telles que les milices ; les activités transfrontalières, notamment le traic d’armes à feu et de drogues dures, la cybercriminalité ; la violence liée à l’appartenance à un sexe ; et l’effondrement des institutions et des structures de l’État (Boom, 2009). La CEDEAO a créé de nombreuses agences spécialisées ain de répondre aux problèmes susmentionnés, mais elles manquent de personnel et de ressources. Ceci étant dit, on doit mettre l’accent sur le fait que certaines de ces préoccupations problématiques font partie des fonctions traditionnelles de l’État et on ne saurait pas s’attendre à ce que l’organisation régionale les prenne en charge et les résolve. Cela soulève des inquiétudes pratiques concernant le juste équilibre entre les responsabilités de l’État et les responsabilités des institutions régionales. Troisièmement, malgré le mécanisme d’alerte rapide des conlits relativement bien développé dont la CEDEAO dispose, l’organisation régionale n’était pas capable d’exploiter et d’utiliser eficacement les données et les signaux d’alerte rapide ain de tirer proit de la prévention des conlits et de la réponse rapide (voir WANEP, n.d.) Le vrai problème avec bon nombre des conlits violents en Afrique de l’Ouest ces dernières années (notamment le Mali et le Nord du Nigéria) n’est pas essentiellement l’incapacité de l’alerte rapide, mais surtout le manque de volonté politique et de capacité d’intervention rapide (voir Francis, 2013). Tandis que l’alerte rapide des conlits est principalement une fonction bureaucratique en matière de sécurité, l’intervention rapide, avec le but de prévenir les conlits est en grande partie une question politique qui nécessite une volonté politique sufisante et, selon le cas, des capacités opérationnelles et militaires. Evidemment, la capacité d’intervention rapide avec le but de prévenir les conlits est très faible parmi les dirigeants et les hauts responsables des États membres, de sorte que l’organisation régionale est trop souvent incapable de prendre des mesures résolues ain d’aborder les déis de sécurité spéciiques dans la région, conformément aux Protocoles et aux Décisions de la CEDEAO. On sait que, même avec l’appui des Nations Unies et de la communauté internationale, la volonté politique en matière d’intervention rapide est généralement faible. En outre, dans divers États membres, la réforme du secteur de la sécurité (RSS) est nécessaire pour mettre eficacement en œuvre certaines des éléments de sécurité du Protocole de 1999, entre autres, ain de renforcer les capacités de l’organisation régionale en matière de réaction rapide et d’intervention dans les conlits en général. De plus, la réadaptation et la réintégration lentes des 190 Kenneth Omeje anciens combattants posent encore une menace de sécurité dans la sousrégion du leuve Mano. La circulation et le recyclage d’armes de petit calibre représentent un problème dans l’ensemble de la région, particulièrement dans les pays volatiles et exposés à des conlits. La poursuite de la situation de paix précaire dans certaines zones de la région, surtout au Mali, en Guinée-Bissau et au Nigéria, demeure une source de problèmes de sécurité. Quatrièmement, la Cour de la CEDEAO, ses fonctions et son accessibilité sont toujours relativement inconnues en dehors du Nigéria, où la Cour est située, de sorte que la plupart des affaires portées devant la Cour par des personnes privées ont été portées par des Nigérians ; le Président de la Cour a fait remarquer que l’accessibilité et les coûts des procès demeurent un obstacle au succès de la Cour, en plus de l’insufisance des ressources humaines, inancières et matérielles (AICT, 2012). Il faut donc que la Cour de Justice de la CEDEAO se lance dans une vigoureuse campagne de sensibilisation avec l’objectif de la populariser en Afrique de l’Ouest. Des efforts supplémentaires pourraient être déployés par les ministères de l’éducation des États membres pour intégrer de manière systématique les connaissances sur la CEDEAO et sur ses institutions et processus aux programmes d’éducation civique et générale des écoles, des établissements d’enseignement supérieur et des universités. Cinquièmement, l’Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International (TI, 2008-2012) au cours des cinq années précédentes (20082012) est élevé en Afrique de l’Ouest, ce fait affectant la gouvernance politique et sécuritaire, ainsi que les résultats économiques. Certains des pays ouestafricains ayant le pire IPC sont la Guinée, la Guinée-Bissau, le Nigéria, la Côte d’Ivoire, le Togo, la Sierra Leone et le Niger. Environ 73% des États de la CEDEAO sont parmi les Pays les Moins Avancés (PMA) des Nations Unies. La région représente environ 38% des PMA d’Afrique, ce qui fait d’elle la région la moins avancée du continent (International Business Times, 2013). Enin, comme Obi (2009, p.132) l’a fait remarquer à juste titre, la mesure dans laquelle la nouvelle architecture de sécurité et le projet entier d’intégration régionale sont le produit du consensus démocratique populaire parmi les peuples de l’Afrique de l’Ouest est très discutable. Etant une question d’urgence, le soutien local et la participation populaire restent essentiels pour la légitimité et l’appropriation du projet régionaliste par les peuples de l’Afrique de l’Ouest. En dernière analyse, le passage fondamental de l’élitisme à l’appropriation et la participation populaires au régionalisme sécuritaire, constitue un souhait, que 191 La CEDEAO et le régionalisme sécuritaire en Afrique de l’Ouest l’auteur recommande. Cela pourrait nécessiter la tenue d’un référendum dans les États membres qui examinent la popularité, l’acceptabilité ou toute autre activité principale du projet entier d’intégration régionale. Dans l’avenir, la CEDEAO pourrait faire davantage de progrès dans le domaine du régionalisme sécuritaire si les États membres peuvent faire preuve d’un engagement plus ferme ain de mettre en œuvre l’architecture de sécurité de la CEDEAO et d’autres traités et protocoles de manière eficace. Les donateurs internationaux et les parties prenantes peuvent soutenir l’organisation régionale, en renforçant la coopération technique et les capacités dans les domaines cruciaux pour la capacité de sécurité en particulier et pour le développement régional en général. 192 Kenneth Omeje Bibliographie Adebajo, A., 2004. West Africa's security challenges : Building Peace in a troubled Region. Boulder : Lynne Rienner. Adler, E., 1997. Imagined (Security) Communities : Cognitive Regions in International Relations. Millennium-Journal of International Studies, 26(2), pp.249-277. African International Court and Tribunals (AICT), 2012. ECOWAS Court of Justice. Disponible en ligne : http://www.aict-ctia.org/courts_subreg/ecowas/ ecowas_home.html. Bach, D. C., 2011. Patrimonialism and Neopatrimonialism : Comparative Trajectories and Readings. Commonwealth and Comparative Politics. 49(3), pp.275-294. Barbier, S., 2013. Mali to Remain 'on Life Support' after Election : Analysts. 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Les vastes ressources énergétiques de ces 15 États membres sont réparties d’une façon inégale, tandis que le marché énergétique régional demeure largement sous-développé. Les analystes font remarquer que les 23,000 MV de capacité hydroélectrique sont concentrés dans 5 pays (ONUDI/UNIDO, p.3), dont moins de 16% sont exploités (Ibid.).2 En ce qui concerne le pétrole brut, le gaz naturel et le charbon, le seul Nigéria dispose de 98% du total des réserves de la région (Ibid.). Toutefois, malgré ces potentiels, moins de 10% de la population ont accès à l’électricité et les services qu’elle fournit, alors que la biomasse traditionnelle couvre 80% des besoins énergétiques nationaux de la majorité des pauvres (Ibid.). 1 CEDEAO se réfère à la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Elle comprend 15 États membres: Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo. 2 Des découvertes récentes de pétrole et de gaz naturel au Ghana, en ce qui concerne le Sénégal cela reste à être prouvée. 197 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest Par rapport à la moyenne continentale de 563 kWh par habitant et à la moyenne mondiale de 2596 kWh par habitant, le taux de consommation d’électricité de la région s’élève à 88 kWh par habitant, soit l’un des plus bas du monde. Il existe des disparités importantes entre les pays en termes d’accès à l’électricité. Par exemple, tandis que le pourcentage de foyers ayant accès à l’électricité est estimé à 20%, ce pourcentage s’élève à 40% dans les zones urbaines et à 6-8% dans les zones rurales. Plusieurs études ont donc révélé la prévalence « d’importantes inégalités dans les pays, par exemple entres les zones urbaines et les zones rurales, et entre les pays en ce qui concerne les prix de l’électricité et de l’énergie en général ».(Ibid.) Ce scénario a des implications évidentes sur les efforts visant à stimuler les activités socio-économiques et à attirer des investissements qui font tant défaut, ainsi que l’éradication de la pauvreté, la prestation des services sociaux de base et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMDs). En outre, les effets négatifs du déboisement, occasionnés par l’utilisation répandue du bois de chauffage, imposent de fortes contraintes sur l’environnement, alors que l’utilisation généralisée des formes traditionnelles d’énergie comporte des risques pour la santé résultant de l’exposition à la pollution de l’air à l’intérieur. Le secteur énergétique de la région s’est avéré insufisant pour répondre à la demande croissante d’électricité. Cette incapacité est responsable pour les réformes en cours et pour l’exécution des politiques de privatisation visant à attirer la participation du secteur privé. Jusqu’à présent, ces efforts ont échoué à cet égard en raison de la non-rentabilité de la production et de la distribution d’énergie dans la région. Comme les analystes le font remarquer, « les entreprises nationales d’électricité continuent d’être insufisamment capitalisées, et, les prix étant inférieurs aux coûts, elles n’ont pour cela pas pu accéder aux marchés inanciers dans le cadre de projets d’entretien et d’expansion ».(Ibid.) Dans ce contexte, la CEDEAO est activement engagée dans l’intégration et la coopération régionales dans le domaine des projets d’infrastructure transfrontaliers visant à fournir de l’électricité et du gaz et dans le domaine de l’exploitation de son énergie renouvelable et de ses potentiels en matière d’eficacité énergétique, dans l’objectif d’élargir l’accès à des services modernes d’énergie dans la région. La concentration sur une solution régionale aux déis de la sécurité énergétique auxquels la région fait face actuellement découle de la forte intensité de capital dans les projets, des considérations relatives à l’économie d’échelle et du fait que la coopération régionale pourrait aider à 198 Mahama Kappiah répondre à la répartition inégale des ressources énergétiques de la région. Les tenants de ce point de vue afirment que la panacée aux déis énergétiques de la région est la capacité des pays voisins à collaborer ain de développer des infrastructures énergétiques qui puissent fournir de l’énergie eficace et abordable (WEC 2005, p.9). Contexte En 2010, la population totale de la région de la CEDEAO s’élevait à 300 millions, constituant 35% de la population totale de l’Afrique subsaharienne (ASS) (World Population Prospects 2012).3 Trois pays – le Nigéria, le Ghana et la Côte d’Ivoire – représentaient les deux tiers de la population totale. La table I donne un aperçu des indicateurs sociaux et économiques de la région de la CEDEAO. Tableau 1: Vue globale des indicateurs sociales et économiques nationaux de la région CEDEAO. Pays Population Population Population PIB Actuel Croissance IDH (clas- en millions Rural (% de sous le seuil (US$ du PIB sement de (2010)* la population de pauvreté 1,000,000 (% in totale)** (%)*** in 2010)***** 2010)**** Bénin 8.8 58 37.4 6,633 3 134 Burkina Faso 16.5 80 46.4 8,820 9.2 161 Cabo Verde 0.5 39 30 1,648 5.4 118 Côte d’Ivoire 19.7 50 42 22,780 3 149 Gambie 1.7 42 39.6 807 5 151 Ghana 24.4 49 29 31,306 6.6 130 Guinée 10.0 65 30.5 4,511 1.9 156 Guinée-Bissau 1.5 70 51.6 879 3.5 164 Libéria 4.0 39 80 986 5.5 162 3 Les estimations se basant sur : United Nations. World Population Prospects: The 2012 Revision. Disponible en ligne : http://esa.un.org/unpd/wpp/Excel-Data/population. 199 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest Mali 15.4 67 25.5 9,251 4.5 160 Niger 15.5 83 63 5,549 8.8 167 Nigeria 158.4 50 43.1 193,669 7.9 142 Sénégal 12.4 57 35.1 12,954 4.2 144 Sierra Leone 5.9 62 47 1,905 4.9 158 Togo 6.0 57 36.8 3,153 3.4 139 CEDEAO 300 57.87 42 ASS 856 60******* Monde 6,900 44 5.1 * United Nations. World Population Prospects: The 2012 Revision. [online] Disponible en ligne : http://esa.un.org/unpd/wpp/Excel-Data/population.htm ** CIA. CIA World Factbook. [online] Disponible en ligne : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/wfbExt/region_afr.html. *** United Nations: UN Data. A World of Information. [online] Disponible en ligne : http://data. un.org/Data.aspx?d=MDG&f=seriesRowID%3A582. **** World Bank. Data Catalog. [online] Disponible en ligne : http://data.worldbank.org/data-catalog/. ***** Ibid. ****** UNDP: Human Development Reports. [online] Disponible en ligne : http://hdr.undp.org/ en/media/HDR_2010_EN_Table1_reprint.pdf. ******* Food and Agriculture Organization of the United Nations. Mapping poverty, water and agriculture in sub-Saharan Africa [PDF]. Disponible en ligne : ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/010/ i0132e/i0132e03a.pdf. En 2010, le pourcentage moyen de la population rurale dans la région s’élevait à environ 58%, en variant de 39% au Liberia et au Cap-Vert à 83% au Niger. Ceci relète le fait que les centres urbains de la région attirent davantage de personnes, puisqu’ils offrent de meilleures conditions de vie et un plus grand potentiel pour l’activité économique. Selon les estimations, 50% de la population habitera les zones rurales d’ici à 2015, par rapport à environ 42% actuellement. Même s’il s’agit encore d’une proportion plus basse que dans d’autres pays en voie de développement (le pourcentage en Amérique latine s’élève à 70%), la pression démographique absolue est toujours très grande. On estime que d’ici à 2015, la population de la région de la CEDEAO aura atteint 320 millions, en enregistrant l’un des taux annuels de croissance les plus hauts du monde, c’est-à-dire 2.65%, par rapport à la moyenne de 1.5% en Inde et 0.5% en Chine (N’Guessan, 2011). 200 Mahama Kappiah Intégration énergétique régionale Un certain nombre d’études a souligné le lien entre l’accès à des formes modernes d’énergie et le développement socio-économique. En effet, l’énergie sous-tend la fourniture de services essentiels, tels que l’eau potable, les services de santé, la formation et la communication, qui représentent tous des éléments vitaux dans la lutte contre la pauvreté. Dans le même ordre d’idées, le Conseil américain pour une économie à haute eficacité énergétique fait valoir que « l’électricité n’est pas simplement un autre produit de base : il s’agit d’un bien public essentiel ». (American Council, p.1) Sa qualité unique découle du rôle essentiel qu’elle joue dans la société moderne ; d’où découle la nécessité d’assurer que l’électricité soit abordable et accessible pour la majorité des pauvres. Toutefois, comme les résultats de l’étude réalisée par le Conseil mondial de l’énergie (WEC) dans le cadre de son programme régional en Afrique le démontrent – «l’approche traditionnelle consiste à limiter la planiication énergétique et la fourniture de services aux États nationaux » (WEC, 2005, p.9). Ces contraintes découlent du fait que les sources d’énergie, souvent, ne correspondent pas aux frontières nationales ou politiques, les marchés nationaux étant trop restreints pour justiier les investissements énormes qui sont nécessaires ; et enin du fait que l’approvisionnement énergétique transfrontalier aide à diversiier les sources d’énergie et donc à promouvoir la sécurité énergétique. En outre, les analystes font valoir que le manque d’infrastructures adéquates pour l’approvisionnement transfrontalier en énergie et en électricité se répercute négativement sur les impératifs principaux du développement en Afrique. Il existe donc un consensus sur le fait que l’interconnexion entre les réseaux électriques nationaux et le développement de bourses d’électricité et d’autres infrastructures régionales contribuera à améliorer les objectifs qui consistent à garantir l’approvisionnement énergétique (Millenium Project, p.224). Le développement de marchés énergétiques sur une base régionale offre également des avantages signiicatifs. Selon le Conseil mondial de l’énergie, la liaison des industries du pétrole et de l’énergie peut aider à mobiliser les investissements privés et nationaux en augmentant la taille du marché. Tandis que les interconnexions créent des opportunités d’exportation pour les pays dotés d’avantages comparatifs en termes de ressources ou d’approvisionnement énergétique, les avantages secondaires, telles qu’une multiplication des options d’approvisionnement énergétique et une réduction des prix, seront également 201 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest disponibles dans les petits pays (WEC 2005, p.9). Selon Plunkett, la participation à la bourse d’électricité régionale pourrait considérablement réduire les coûts de l’approvisionnement en électricité, ce qui, à son tour, entraînera un prix de l’électricité abordable pour la région. De même, la dépendance à l’égard d’un avantage comparatif relatif du pays voisin, l’implication dans le commerce de l’énergie en toute sécurité et les investissements conjoints pourraient améliorer la iabilité et la compétitivité du secteur (Plunkett, 2001, p.2). Intégration énergétique dans le cadre de la CEDEAO Établie en 1975 à Lagos (Nigéria), la CEDEAO comprend 15 États souverains. Ses limites frontalières sont constituées par le Sénégal, le Mali et le Niger au Nord, le Niger et le Nigéria à l’Est et l’Océan Atlantique au Sud et à l’Ouest. La CEDEAO représente une supericie totale d’environ 6.1 millions km2. Le siège de la communauté est situé à Abuja, au Nigéria. Les 15 États membres sont unis dans leur désir de réussir l’intégration régionale et ont intensiié leurs efforts pour harmoniser un large éventail de politiques nationales dans la région. Un Traité révisé, qui a ensuite été adopté en 1993, avait l’objectif déclaré de positionner la CEDEAO comme la seule communauté économique dans la région aux ins d’intégration économique et de réalisation des objectifs de la Communauté économique africaine (ECOWAS, p.4). L’article 28 du Traité concerne le secteur énergétique et cherche à établir une politique commune de l’énergie et à trouver une solution collective aux problèmes liés au développement de l’énergie dans les pays membres (Ibid.)4. A cet égard, le Programme énergétique régional de la CEDEAO a été entrepris en vue d’améliorer l’accès aux formes modernes d’énergie, en développent les ressources régionales et en poursuivant la coopération et l’intégration régionales, en particulier dans le domaine des projets transfrontaliers d’infrastructures qui concernent l’approvisionnement en électricité et en gaz. 4 Voir aussi Diaw, I. M., 2004. West Africa’s Energy Sector and Developments / Regulatory Issues concerning the West African Power Pool [PDF]. In : Global Regulatory Network (GRN), 2nd Global Regulatory Network Conference. Bamako, Mali 26-27 juillet 2004. Disponible en ligne : http://www.globalregulatorynetwork.org/Resources/2ndGRN/Images/Session%20I%20-%20 Diaw.pdf [Consulté le 7 janvier 2009]. 202 Mahama Kappiah L’objectif principal du Programme d’intégration énergétique de la CEDEAO est surtout le développement d’interconnexion et d’échange d’électricité entre les réseaux énergétiques des États membres au titre du projet du Pool d’Énergie Ouest-Africain (WAPP). Dans le cadre du projet de gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (WAGP), la CEDEAO cherche à utiliser le gaz brûlé au Nigéria pour alimenter les centrales des pays voisins. D’autres objectifs sont la promotion et la protection des investissements privés dans des projets d’énergie, l’harmonisation de la législation et des normes concernant les opérations dans le secteur énergétique et enin, la création d’un marché régional d’électricité qui soit ouvert et compétitif (Ibid.). Le Protocole de la CEDEAO sur l’énergie S’inspirant de la Charte énergétique européenne, le Protocole de la CEDEAO sur l’énergie est en gros un texte légal qui oficialise le cadre judiciaire des entreprises dans le secteur énergétique (Energy for Poverty Alleviation, p.3). Il promeut les investissements et le commerce, en représentant une garantie pour les investissements directs étrangers dans le secteur énergétique (Ibid.). Par exemple, les États membres qui veulent utiliser les mécanismes de la Banque mondiale pour la réalisation des projets dans le cadre de WAPP devraient assurer l’adoption et la ratiication de la convention ain d’être admissibles. Le Protocole, qui a été signé en décembre 2003 par les chefs d’État de la CEDEAO, a comme objectif : «(…) l’élimination rapide des barrières transfrontalières pour le commerce de l’énergie et encourage les investissements dans le secteur énergétique en assurant des conditions favorables aux investisseurs, tels que l’arbitrage international dans le processus de résolution de litiges, le rapatriement des bénéices, la protection contre l’expropriation d’actifs, et d’autres conditions considérées comme attractives par les entreprises du secteur énergétique et les banquiers d’investissement. En ce qui concerne le secteur d’électricité, le Protocole fournit un accès ouvert et non discriminatoire aux sources de la production de l’énergie et aux installations de transmission. Le Protocole envisage un mécanisme de renforcement qui est composé des ministres de l’énergie des États membres, qui seront appuyés administrativement dans l’exercice de leurs fonctions par le Secrétariat de la CEDEAO. » (Cosbey, Ellis, Malik and Mann, 2008) 203 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest Les États membres de la CEDEAO ont achevé le processus de ratiication du Protocole qui a pour but de fournir un cadre légal et réglementaire pour les initiatives et les projets concernant l’intégration régionale dans le domaine énergétique. Le Livre blanc régional de la CEDEAO / UEMOA sur l’accès aux services pour les populations dans les zones rurales et périurbaines Le Livre Blanc de la CEDEAO a été adopté en 2006 par les chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO en reconnaissance du rôle clé que l’énergie joue dans la réalisation des OMDs. Le Livre Blanc est destiné à garantir l’accès à de meilleurs combustibles de cuisson à usage ménager et à des services d’électricité durables pour la majorité de la population d’ici à 2015. En outre, il prévoit qu’au moins 20% des nouveaux investissements dans le domaine de la production d’électricité proviendra des ressources renouvelables disponibles localement, ain d’assurer l’autosufisance, une réduction de la vulnérabilité et le développement durable. Des Objectifs spéciiques de la politique régionale sont: 1. Accès à de meilleurs services d’énergie pour la cuisson pour 100% de la population d’ici à 2015, c’est-à-dire pour 325 millions d’habitants ou 54 millions de ménages sur une période de 10 ans. 30 millions ont accès à des appareils de cuisson à gaz de pétrole liquéié, 2. Au moins 60% de la population rurale vivront dans des localités qui ont accès à la force motrice, dans le but d’augmenter la productivité des activités économiques, et ils auront accès à des services modernes communs, 3. Accès à des services d’électricité individuels pour 66% de la population, c’est-à-dire pour 214 millions de personnes vivant dans les zones rurales et péri-urbaines ; avec des pourcentages estimés: • 100% des populations urbaines et péri-urbaines, près du double de la proportion actuelle, • 36% des populations rurales – par rapport à 1% actuellement dans ces pays africains qui ont la densité de population la plus faible et par rapport à 10% dans les pays les plus avancés, 204 Mahama Kappiah • Par ailleurs, 60% de la population rurale vivra dans des localités dotées de modernes services sociaux de base : santé, formation, eau potable, communication et éclairage. Toutes ces commodités seront réalisées grâce aux installations électriques décentralisées ou grâce à l’extension des réseaux, plus du triple des niveaux actuels. Le Pool d’énergie ouest-africain (WAPP) Le WAPP a été oficiellement créé en octobre 2000, à la suite d’un accord signé par 14 États membres de la CEDEAO, dans le but d’améliorer l’approvisionnement en énergie de la région (NEPAD, p.9). Cet objectif doit être réalisé à travers le partenariat des États membres travaillant en tandem ain d’établir un mécanisme régional de mutualisation de l’électricité comme le moyen préféré pour atteindre leur vision à long terme – un marché régional d’électricité qui soit uniié et sur lequel les coûts de la fourniture d’électricité soient baissés ainsi que la sécurité énergétique, améliorée pour contribuer à la poursuite de l’intégration énergétique régionale. En 2005, les chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO ont adopté le Plan directeur révisé des moyens de production et de transport d’énergie électrique de la CEDEAO. Il a ensuite été mis à jour en 2011. Le projet WAPP, qui sert de projet-cadre pour beaucoup d’initiatives d’investissement et de renforcement des capacités, comprend 14 des 15 États membres de la CEDEAO. Il comprend deux éléments : (i) les infrastructures essentielles (production & transport) ; (ii) le renforcement institutionnel et celui des capacités. Une stratégie de mise en œuvre à deux phases a été adoptée par les États membres de la CEDEAO pour ce projet. La première phase, dont le coût est estimé à environ 16 milliards de dollars (Md $), vise à mener à terme des investissements prioritaires pour assurer l’intégration physique des réseaux électriques nationaux, notamment l’établissement et/ ou le renforcement de corridors de transport essentiels, des installations de contrôle des systèmes associés et des centrales hydroélectriques d’importance stratégique. La deuxième phase, dont le coût est estimé à 7 Md $ vise à terme le passage au fonctionnement à pleine échelle du marché uniié de l’électricité dans les pays de la CEDEAO, l’amélioration de la planiication à long terme de l’expansion du système pour le modèle WAPP, et l’entier déploiement des 205 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest instruments réglementaires de WAPP ain d’assurer « l’accès libre » de tous les opérateurs au marché uniié de l’électricité (Ibid.). Étant donnés les investissements énormes qui sont nécessaires, il existe une stratégie délibérée pour créer des opportunités à destination du secteur privé. La gestion de WAPP aspire donc à : 1. La création d’un environnement propice aux investissements dans le secteur énergétique de la région, qui facilitera le inancement de projets prioritaires de production et de transport, 2. La réduction du montant total de capitaux qui est nécessaire pour l’expansion du système dans la région à travers l’exécution de projets « bancables » au moindre coût, 3. La création d’un mécanisme transparent et iable pour le règlement rapide de transactions d’électricité commerciale (Ibid.). Le facteur déterminant de la participation du secteur privé serait la privatisation des réseaux publics de distribution d’énergie. Il est à espérer que d’ici à 2016, le marché régional de l’électricité sera complètement libéralisé et fonctionnel et que les installations de production et de transport du secteur privé seront établies dans tous les États de la CEDEAO et susceptibles de réaliser des transactions transfrontalières d’électricité (Ibid.). Il est prévu que la crise énergétique de la CEDEAO sera en grande partie résolue à partir de 2018 grâce à la mise en œuvre intégrale, en temps voulu, du Plan directeur des moyens de production et de transport d’énergie électrique de la CEDEAO (Plan directeur de WAPP), adopté par les chefs d’États ou de gouvernement de la CEDEAO en 2005. Le projet du Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (WAGP) Le projet du WAGP, dont le coût est estimé à 610 M$ consiste en un gazoduc de 600 km destiné au transport de gaz naturel nigérian aux centrales électriques dans les pays voisins (le Ghana, le Togo et le Bénin) (Afolabi, p.6). Dans le cadre des actuelles Initiatives régionales de la CEDEAO en matière d’énergie, qui devraient répondre aux besoins du secteur de l’électricité et du gaz, le projet de gazoduc de l’Afrique de l’Ouest, qui est également un partenariat 206 Mahama Kappiah public-privé, assurera l’approvisionnement en gaz à des prix abordables pour la production d’électricité (ECOWAS). Le gazoduc projeté est de 20 pouces. Il est détenu et exploité par un consortium composé de six sociétés : La Société Béninoise de Gaz S.A., La Société Togolaise de Gaz S.A., Ghana National Petroleum Company, Chevron Nigeria Limited (ChevronTexaco), Nigeria Gas Company et Shell Petroleum Development Company of Nigeria (Royal Dutch Shell) (EIA, 2001). Sa capacité initiale est d’environ 200 mmscf/jour avec une augmentation progressive de la capacité de jusqu’à 470 mmscf/jour. Cette expansion devrait coûter environ 115 millions de dollars. La taille du gazoduc est basée sur la nécessité de correspondre à « un minimum des coûts totaux de transport et d’autres considérations opérationnelles. » (World Bank, 2004) Comme il s’agit à la fois d’un projet côtier et extracôtier, le gazoduc devrait transporter du gaz depuis le delta du Niger via le gazoduc existant, EscravosLagos (ELPS), jusqu’à son terminus à près de Lagos. En effet, le projet de gazoduc de l’Afrique de l’Ouest commence à ce point, traverse 56km jusqu’à la côte nigériane, et ensuite 15-20 km sous l’eau à des profondeurs variant entre 15 et 70 m (Ibid.). Le Traité du gazoduc de l’Afrique de l’Ouest a été signé le 28 mai 2003, par les chefs de gouvernement du Nigéria, du Ghana, du Togo et du Bénin (Nexant). Il fournit un cadre légal, iscal et réglementaire pour le projet. Ce Traité, qui a déjà été ratiié par l’Assemblée nationale nigériane, fournit des lois nationales concernant la mise en œuvre des obligations du Gouvernement fédéral au titre du Traité du gazoduc ouest-africain et de l’Accord de projet international du projet de gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (The Guardian). La production d’électricité dans la région dépend en grande partie de l’énergie hydroélectrique de ses principales rivières. Toutefois, cette source d’énergie est insufisante, étant données les luctuations des ressources en eau et la durée de la saison sèche. Donc, le Projet de gazoduc de l’Afrique de l’Ouest offre une occasion de diversiier le bouquet énergétique de la région, en approvisionnant en gaz les centrales électriques situées dans la région.5 Le projet sera intégré dans le Pool d’énergie ouest-africain qui comprendra les quatre pays, mais 5 Voir aussi Chukwu, U.C et Ahiakwo, C.O., 2007. Gas Turbine Technology and the Exploitation of Natural Gas in West Africa Sub-Region European. Journal of Scientiic Research, 17(2), pp.173178. 207 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest répartira ses bénéices dans la région entière du Golfe de Guinée (Belguedj, 2006). Les experts estiment que le gazoduc rendra possible une certaine stabilité des prix dans le secteur de l’électricité, car les contrats de gaz à long terme serviront de tampon face aux variations des prix internationaux. Il est donc important de noter le rôle que le gaz fourni par le Projet de gazoduc ouestafricain jouera pour la hausse de la compétitivité de l’industrie de l’électricité dans la région. Le gazoduc accéléra également l’établissement de centrales à cycle combiné au gaz le long de son tracé, qui augmentera la capacité productive (Plunkett, 2001, p.5). L’Autorité de régulation régionale du secteur de l’´électricité de la CEDEAO (ARREC/ERERA) L’ARREC a été créée en janvier 2008. La création de l’ARREC a répondu à la nécessité de promouvoir le développement des infrastructures, d’améliorer la gouvernance du secteur et d’attirer des capitaux privés considérables. La mission spéciique de l’ARREC est la régulation des échanges d’électricité transfrontaliers entre les pays de la CEDEAO et est spéciiquement autorisé à : • Créer et assurer l’entretien de conditions appropriées pour le développement du marché régional et des infrastructures régionales concernant le transport d’énergie, • Surveiller les opérations du marché régional, surtout en avertissant et sanctionnant des pratiques anticoncurrentielles, • Régler des différends conciliation, arbitrage), entre les parties prenantes (médiation, • Soutenir et aider les autorités réglementaires nationales. L’ARREC joue un rôle central dans la mise en place de cadres institutionnels et de cadres contractuels harmonisés dans le but de promouvoir les échanges d’électricité transfrontaliers. Au niveau régional, l’ARREC est au Pool d’énergie ouest-africain ce que les autorités réglementaires nationales sont aux sociétés nationales d’électricité. En plus, l’ARREC est autorisé à publier des règlements et des décisions qui sont obligatoires dans la zone CEDEAO. Depuis sa création, l’ARREC cherche à promouvoir la coopération, l’échange d’information et l’assistance parmi les organismes de réglementation dans les États membres 208 Mahama Kappiah de la CEDEAO, par le biais d’ateliers et de plateformes pour tous les acteurs concernés du secteur énergétique dans la région. Le Centre pour les énergies renouvelables et l’eficacité énergétique de la CEDEAO (ECREEE) L’ECREEE a été créé en 2008 comme une agence spécialisée de la CEDEAO avec un mandat public pour promouvoir les marchés régionaux d’énergies renouvelables et l’eficacité énergétique. Elle a commencé ses activités en 2010 avec le soutien des Gouvernements de l’Espagne et de l’Autriche et la grande assistance technique de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI/UNIDO). Etant considéré comme la première agence régionale de promotion d’énergies renouvelables en Afrique subsaharienne, la création du Centre est placée dans le contexte de la grave crise énergétique à laquelle la région de la CEDEAO fait face. L’objectif général du Centre est de contribuer au développement durable de l’Afrique de l’Ouest sur les plans économique, social et écologique, en facilitant l’accès à des services énergétiques modernes, iables et abordables, en améliorant la sécurité énergétique, en réduisant les émissions de Gaz à effet de serre (GES) imputables à l’énergie et les effets des changements climatiques sur les systèmes énergétiques. La proposition de créer l’ECREEE était donc une réponse régionale mûrement réléchie et nécessaire aux déclarations internationales, aux initiatives mondiales contre le changement climatique et aux besoins spéciiques des États membres de la CEDEAO, exprimés dans les politiques nationales et régionales. Le centre exécute et soutient des activités, des programmes et des projets dans quatre domaines : 1. Politique spéciiquement adaptée et cadres juridiques et réglementaires, 2. Développement des capacités et formation, 3. Gestion des connaissances, sensibilisation, défense d’intérêts et réseaux, 4. Promotion des entreprises et de l’investissement. 209 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest Adoption de politiques vertes régionales Dans le contexte d’une sécurité énergétique croissante et des préoccupations liées aux changements climatiques, la promotion des marchés d’énergies renouvelables et de l’eficacité énergétique a été reconnue comme un domaine important pour la coopération/intégration régionale de la CEDEAO. L’expérience de l’Union européenne (UE) a montré que l’intégration régionale peut être un outil utile pour faciliter l’adoption et la mise en œuvre de politiques nettement déinies concernant les énergies renouvelables et de cadres juridiques et réglementaires connexes au niveau national. En Afrique subsaharienne, la CEDEAO a assumé un rôle pionnier dans le processus d’élaboration d’un cadre régional de politique énergétique durable. Plusieurs États membres ont exprimé la nécessité d’intégrer les énergies renouvelables et l’eficacité énergétique (ER&EE) dans leurs politiques nationales. En 2012, l’ECREEE a élaboré deux politiques régionales complémentaires concernant les énergies renouvelables et l’eficacité énergétique avec le soutien de la Commission européenne, des Gouvernements de l’Autriche et de l’Espagne, de l’ONUDI, du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM/GEF), l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie de la République française (ADEME) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD/UNDP). Toutes les deux contiennent des objectifs réalisables au niveau régional, harmonisés avec les objectifs nationaux, et proposent un portefeuille de mesures politiques, lois, règlements et mesures incitatives qui doivent être mis en œuvre aux niveaux nationaux et régionaux de la CEDEAO, tant à court qu’à long terme. Ces politiques novatrices et les plans d’actions correspondants ont été adoptés par l’Autorité des Chefs d’États et de Gouvernement de la CEDEAO en 2013. L’adoption témoigne de la forte volonté politique de la région d’utiliser des technologies énergétiques durables pour la réalisation des objectifs d’accès à l’énergie de la région de la CEDEAO et des objectifs de l’initiative « Énergie durable pour tous » (SE4All). Ainsi, il est important de noter qu’ils fournissent des cadres réglementaires clairs qui promeuvent la plus grande participation du secteur privé et l’investissement. La politique de la CEDEAO en matière d’énergie renouvelable à l’échelle régionale vise à assurer l’utilisation accrue des sources d’énergie renouvelable, telles que l’énergie solaire, éolienne, hydroélectrique à petite échelle et la bioénergie pour l’approvisionnement électrique raccordé au réseau et pour la fourniture d’un accès aux services énergétiques dans les zones rurales. Le 210 Mahama Kappiah scénario politique complétera d’autres sources traditionnelles importantes pour la production d’électricité, telles que l’énergie hydroélectrique à grande échelle et le gaz naturel. Les objectifs spéciiques de la politique en matière d’énergie renouvelable comprennent : 1. La part des énergies renouvelables (notamment de l’hydroélectrique à grande échelle) entrant dans le bouquet d’électricité de la région de la CEDEAO atteindra 35% en 2020 et 48% d’ici 2030, 2. La part des nouvelles énergies renouvelables, tels que l’éolien, le solaire, l’hydroélectrique à petite échelle et la bioélectricité (excepté donc l’hydroélectrique à grande échelle) atteindra environ 10% en 2020 et 19% d’ici 2030, 3. Pour atteindre ces cibles, il faudra une capacité supplémentaire d’électricité renouvelable de 2.425 MW d’ici 2020 et de 7.606 MW d’ici 2030, 4. Pour fournir un accès universel aux services énergétiques, il est prévu qu’environ 75% de la population rurale sera desservie par des extensions de réseau et environ 25% par des énergies renouvelables qui alimenteront des mini-réseaux et des systèmes hybrides autonomes d’ici 2030, 5. D’ici 2020, la population entière de la CEDEAO aura accès à des installations de cuisson perfectionnées à travers l’utilisation de poêles améliorés ou à travers un remplacement de combustible par d’autres formes d’énergie modernes, telles que le GPL (gaz de pétrole liquéié), 6. La part de l’éthanol et du biodiesel dans le total de carburants utilisés pour les transports atteindra 5% en 2020 et 15% d’ici 2030, 7. D’ici 2030, environ 50% de tous les centres sanitaires, 25% de tous les hôtels et de toutes les industries agro-alimentaires qui ont besoin d’eau chaude seront dotés de systèmes thermiques solaires. La politique d’eficacité énergétique de la CEDEAO cherche à contribuer à la création d’un environnement favorable aux investissements privés en matière d’eficacité énergétique et à la stimulation du développement industriel et de l’emploi par la réduction des factures énergétiques. L’eficacité énergétique est considérée comme faisant partie intégrante de la modernisation et de 211 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest l’écologisation des économies ouest-africaines. La politique vise à mettre en œuvre des mesures qui libèrent 2000 MW de la capacité de production d’électricité et, à long terme, à doubler l’amélioration annuelle de l’eficacité énergétique, ain d’atteindre des niveaux comparables à ceux des leaders mondiaux. En effet, la quantité d’énergie nécessaire pour produire une certaine quantité de biens et de services diminuerait de 4% par année. Les objectifs spéciiques de la politique régionale en matière d’eficacité énergétique sont : 1. Éliminer progressivement les ampoules à incandescence, à faible rendement, d’ici 2020, 2. Réduire les pertes moyennes dues à la distribution d’électricité des niveaux actuels de 15-40% aux niveaux mondiaux standards, inférieurs à 10%, d’ici 2020, 3. Assurer un accès universel à des pratiques de cuisine sûres, propres, abordables, eficaces et durables pour la population entière de la CEDEAO, d’ici 2030, 4. Adopter des normes et des étiquettes de portée régionale pour les équipements énergétiques de grande importance, d’ici la in de 2014, 5. Développer et d’adopter des normes de portée régionale concernant les bâtiments (par exemple, les codes du bâtiment), 6. Créer des instruments pour inancer l’énergie durable, notamment la inance du carbone, d’ici la in 2013, et à long terme, de créer un fonds régional pour le développement et la mise en œuvre de projets d’énergie durable. Les politiques régionales d’ER&EE représentent des engagements volontaires de la CEDEAO en ce qui concerne l’Initiative SE4All des Nations Unies, c’est la raison pour laquelle l’ECREEE a été nommé par les ministres de l’énergie de la CEDEAO comme le point focal pour la mise en œuvre de cette initiative en Afrique de l’Ouest. L’initiative SE4All, qui a été lancée par le Secrétaire général des Nations Unies, vise à atteindre les objectifs suivants d’ici 2030 : (i) assurer un accès universel aux services énergétiques modernes ; (ii) doubler le rythme d’amélioration de l’eficacité énergétique ; (iii) doubler la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique mondial. Conformément au mandat que l’Autorité des Chefs d’États lui a conié et à son statut d’institution focale 212 Mahama Kappiah pour l’initiative SE4All en Afrique de l’Ouest, l’ECREEE met actuellement en œuvre les politiques régionales au niveau national. L’énergie renouvelable et le marché régional de l’électricité6 La capacité de production d’électricité de la plupart des États membres de la CEDEAO est largement basée sur les combustibles fossiles. En conséquence, les tarifs d’électricité sont soit élevés, soit largement subventionnés et grèvent considérablement les budgets nationaux. La récente lambée sans précédent des prix du pétrole a montré les dangers potentiels d’une telle dépendance avec des conséquences désastreuses pour les économies nationales dans la région. Donc, la perspective de la volatilité des prix du pétrole donne une impulsion supplémentaire aux investissements dans les technologies propres, eficaces et renouvelables qui constitueront une nouvelle force motrice de la croissance économique et du développement. La région dispose d’importantes ressources d’énergies renouvelables qui sont techniquement et économiquement réalisables et sont distribuées comme suit : • Vent dans les zones côtières : Cap-Vert, éventuellement Ghana, Mali et Nigéria, Sénégal, Gambie et • Potentiel hydroélectrique à petite échelle en partie, mais pas totalement dans le Sud de la région (Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Togo et Sierra Leone), • Ressources solaires dans les régions du Nord (Niger, Burkina Faso et la partie nord du Ghana et du Nigéria), sauf le Cap-Vert, • Les ressources en biomasse sont bien répartie entre les pays de la région. L’expansion de la production d’énergie à partir de ressources renouvelables offre la possibilité de compléter d’autres importantes sources traditionnelles de production d’énergie (par exemple, l’énergie hydroélectrique à grande échelle et le gaz naturel) de même que le scénario régional de commerce 6 Cette section s’appuie sur un rapport exhaustif de référence pour la Politique des énergies renouvelables de la CEDEAO (EREP). ECOWAS, 2012. Baseline Report for the ECOWAS Renewable Energy Policy (EREP). Final version [PDF]. Praia, Cabo Verde : ECREEE. Disponible en ligne : http://www.ecowrex.org. 213 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest énergétique du WAPP. Les pays membres de la CEDEAO peuvent bénéicier des sources locales d’énergies renouvelables selon leur situation individuelle et la compétitivité des technologies renouvelables disponibles. Le Plan directeur répartit la région de la CEDEAO en quatre catégories de pays et leur attribue des rôles différents. a. Pays avec un potentiel d’approvisionnement autonome : cela sera le cas du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Nigéria, du Togo, du Bénin et du Niger à partir de 2020 (augmentation de la production thermique à charbon d’ici là), b. Pays avec une dépendance persistante à l’égard des importations d’énergie : Gambie, Guinée-Bissau, Mali et Burkina Faso. Le Niger sera contraint d’importer un tiers de l’électricité dont il a besoin jusqu’en 2021 ; par la suite, l’excédent sera exporté, c. Pays avec le potentiel de devenir exportateurs d’énergie à partir de 2018 : cela est le cas de la Guinée, de la Sierra Leone, du Liberia et, dans une moindre mesure, de la Côte d’Ivoire et du Niger à partir de 2021. La production hydroélectrique conduira à un faible coût marginal de l’électricité qui peut être un obstacle pour d’autres sources énergétiques renouvelables, telles que la biomasse et l’énergie hydroélectrique à petite échelle, d. Pays avec un approvisionnement autonome : pour cette catégorie de pays (Ghana, Nigéria, Togo, Bénin, Sénégal, Côte d’Ivoire), la production d’énergie supplémentaire à partir des « nouvelles sources renouvelables » devrait avoir un impact positif, car celle-ci remplacerait une partie du développement des capacités conventionnelles prévu. Toutefois, elle pourrait exiger des capacités d’énergie complémentaires et auxiliaires pour assurer la stabilité des réseaux (par exemple, l’incorporation des énergies éolienne et solaire). Ce ne sont que quelques technologies d’énergies renouvelables qui seront compétitives par rapport aux sources conventionnelles, utilisées dans ces pays, • Pour le Sénégal, les énergies renouvelables pourraient réduire la production d’énergie thermique au charbon pendant toute la période et contribuer à améliorer la sécurité d’approvisionnement d’ici 20122013, car l’approvisionnement sénégalais comprend en partie des importations d’énergie. Comme la production thermique sera à base 214 Mahama Kappiah de charbon, la production supplémentaire à partir de sources d’énergie renouvelables aura un effet positif sur les émissions de CO2 : • Pour le Ghana, la production supplémentaire à partir des sources d’énergie renouvelables pourrait remplacer une partie des importations d’énergie, en améliorant la sécurité d’approvisionnement à partir de 2018, et une partie de la production thermique au gaz (2014-17) qui devrait être exportée vers le Burkina Faso, • Pour la Côte d’Ivoire, la construction d’un nouveau barrage en 2018 assurera l’approvisionnement national et une certaine quantité d’énergie, destinée à l’exportation. Le WAPP n’a pas planiié de production supplémentaire à partir de sources d’énergie renouvelables, en plus de la production hydroélectrique, et la Côte d’Ivoire est très réticente lorsqu’il s’agit d’envisager les sources d’énergie renouvelables dans le contexte de son approvisionnement énergétique, • Pour le Nigéria, la production supplémentaire à partir de sources d’énergie renouvelables remplacerait la production thermique au gaz et, simplement, éliminerait le manque de capacités, • Pour le Togo et le Bénin, ainsi que pour le Nigéria, la production supplémentaire à partir de sources d’énergie renouvelables remplacerait une partie de la production thermique au gaz (la centrale électrique Maria Gleta – 450 MW à partir de 2014 ou comblerait les lacunes en cas de retard. Dans tous les cas, l’ampleur de la production thermique et hydroélectrique (en charge de base) sufit pour compenser une variation éventuelle, causée par la production à partir de sources d’énergies renouvelables (par exemple, éolienne ou solaire). Les pays peuvent miser sur différentes ressources d’énergie renouvelable : • Sénégal, le vent et la biomasse sont les candidats évidents. L’option solaire devrait être conirmée par rapport à un accès sufisant au réseau (tension/distance appropriée), • Ghana, biomasse et vent. L’option solaire est éventuellement moins rentable par rapport à la biomasse, mais elle peut être appliquée à petite échelle. Des projets de mini-barrages hydroélectriques pourraient 215 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest contribuer à l’approvisionnement en énergie du réseau et à des projets d’alimentation isolée, • Nigéria : énergie hydroélectrique à petite échelle, énergie solaire et éolienne dans le Nord (cela reste à vériier) et éventuellement biomasse et déchets agro-industriels, • Togo et au Bénin : biomasse et énergie hydroélectrique à petite échelle, raccordée au réseau, • Niger à partir de 2020 : énergie solaire, qui rendra nécessaire une capacité sufisante de transfert vers le réseau haute tension, selon la localisation des fermes solaires. Comme la région est dotée de grands potentiels en matière de ressources énergétiques renouvelables et que les technologies d’énergie renouvelable approchent la parité avec le réseau d’électricité dans certaines circonstances, la région de la CEDEAO se trouve aujourd’hui au seuil d’un nouveau concept d’approvisionnement en énergie, basé sur une production d’énergie en gros, fournie et distribuée par le WAPP, et sur une importante contribution, fournie par les sources d’énergies renouvelables, qui sont inancées par le secteur privé et les institutions bancaires privées (ECOWAS Observatory, 2012). Les obstacles au développement énergétique durable au niveau régional Tandis que des progrès ont été accomplis en ce qui concerne le développement des infrastructures d’électricité régionales et d’un cadre réglementaire, sous condition d’un approvisionnement iable en électricité et à des prix abordables, il reste encore plusieurs contraintes à la réalisation des idéaux d’un marché de l’électricité régional libéralisé. Parasitisme Des investissements considérables sont nécessaires chaque année pour atteindre les objectifs de inancement du secteur régional de l’électricité. Les investissements privés dans le secteur régional de l’énergie sont donc 216 Mahama Kappiah impératifs et on peut y accéder à travers l’établissement d’un mécanisme iable pour effectuer des transactions commerciales d’électricité (NEPAD, 2004, p.9). Jusqu’à présent, ces objectifs n’ont pas été réalisés. Selon les analystes, malgré les tentatives de réformer le secteur régional de l’énergie, le secteur privé est toujours réticent à mobiliser l’investissement qui fait tant défaut à cause de la non-rentabilité de la production et de la distribution d’électricité.7 On craint que le rendement de l’investissement ne soit pas proportionnel, compte tenu que les structures tarifaires dans la région ne sont pas commercialement viables. Il y a également le risque que les consommateurs volent carrément de l’électricité. En d’autres termes, le problème classique du « passager clandestin », à cause duquel le marché n’est pas en mesure d’obtenir des paiements pour couvrir au moins le niveau de base des coûts de production, crée des obstacles aux investissements privés. En effet, une enquête menée par le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), qui concerne les perceptions du secteur privé au sujet du inancement des projets de la CEDEAO, a révélé que la plus grande contrainte est l’apparente inadéquation entre les frais à facturer aux clients et les coûts économiques, ainsi que le manque de discipline et de conscience en ce qui concerne le paiement de tarifs et d’autres frais (NEPAD, 2004a, p.36). Cette enquête a donc fait valoir que de tels facteurs restreignent l’appétit des commanditaires de projets et des institutions inancières et commerciales pour inancer des projets d’infrastructure en Afrique de l’Ouest. Cela a également conirmé une situation, dans laquelle les rendements des investisseurs n’étaient pas proportionnels aux risques perçus qui sont inhérents aux projets d’infrastructure de la CEDEAO, tel que l’empêchement supplémentaire au lux de capitaux privés (Ibid.). Une autre conséquence du problème du « passager clandestin » est la menace qu’il fait peser sur le développement de l’infrastructure énergétique vitale qui est nécessaire pour rendre le pool d’énergie eficace. L’infrastructure énergétique insufisante entrave l’utilisation des ressources et du vaste potentiel énergétique de la région et limite le niveau d’activité économique dans un pays donné ou 7 Étant des extraits d’un entretien accordé par le vice-président exécutif et directeur général de la Power Holding Company of Nigeria, où il a fait référence au contexte nigérian, cette situation se passe cependant dans la plupart des pays de la CEDEAO. Reportez-vous à l’interview complète dans Ejiorfor A., 2009. Why Private Sector Can’t Drive Power Sector, [newspaper] THISDAY, 14(5035), 29 février 2009. 217 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest dans la région entière. En même temps, la non-rentabilité de la production et de la distribution d’énergie dans la région complique de plus en plus le travail de persuasion qui doit convaincre le secteur privé de faire les investissements nécessaires (Niyimbona 2006). Comme le rapport d’évaluation sur le secteur de l’électricité de la CEDEAO le souligne, en réalité, les tarifs, souvent, ne correspondent pas aux coûts économiques. Cette situation et le haut niveau de pertes techniques et commerciales ont le potentiel de compromettre la viabilité inancière du marché régional à long terme, car les opérateurs ne seront pas capables de faire face à leurs engagements inanciers (ECOWAS, 2008, p.18). Le manque de restructuration dans les secteurs énergétiques Historiquement, les exportations d’électricité vers d’autres pays, en particulier dans les pays en développement étaient largement limitées à cause du manque de restructuration dans les secteurs énergétiques nationaux. Dans les pays de la CEDEAO, la réalité est que les tentatives de restructurer les secteurs énergétiques de la région n’ont pas jusqu’ici produit les effets souhaités, car ils demeurent jusqu’à présent verticalement intégrés et appartiennent à l’État. En effet, une analyse diagnostique a révélé l’existence de disparités dans la façon d’organiser les secteurs énergétiques individuels qui entraînent des différences dans la structure industrielle, les relations contractuelles et le règlement du secteur. Les pays de la CEDEAO se trouvent actuellement à diverses étapes du développement d’un modèle basé sur l’éradication des monopoles publics traditionnels dans la production et la distribution d’électricité par le biais d’une bonne gestion ou par l’ouverture du segment de la production d’électricité au secteur privé et par une séparation graduelle des autres segments. Les efforts en matière de démantèlement vertical et horizontal du monopole ont été mis en œuvre seulement dans quelques pays, le Nigéria et le Ghana étant les principaux exemples. Dans d’autres pays, tels que la Gambie, le Liberia et la Sierra Leone, la taille de leurs systèmes d’électricité fait en sorte que le démantèlement fonctionnel ne soit pas réalisable dans un avenir prévisible. Les marchés de l’électricité dans les différents États membres de la CEDEAO révèlent donc un lent mouvement vers le désengagement des gouvernements nationaux de leurs activités opérationnelles. La structure des marchés nationaux de l’électricité, comme ils fonctionnent actuellement, dissuade les investisseurs privés, car les rôles des acteurs ne sont souvent pas clairement déinis. En outre, l’absence de déréglementation ou la privatisation insufisante des secteurs 218 Mahama Kappiah énergétiques freinent les investissements privés dans le développement de réseaux électriques et d’autres infrastructures de transport de l’électricité. En effet, elles limitent l’environnement commercial général en ce qui concerne le commerce tant au niveau national que régional (Rufín 2002, p.195). Cadres réglementaires inadéquats L’intégration physique des systèmes d’énergie du WAPP est une condition préalable pour un échange énergétique étendu entre les blocs distincts et les systèmes nationaux. Selon le Plan d’action, cette intégration devra être accomplie d’ici 2017-2018, simultanément à la réalisation d’importants programmes régionaux d’infrastructures (de grands barrages hydroélectriques, des interconnexions, de grandes centrales à cycle combiné au gaz). En outre, les pays doivent parvenir à un certain minimum en ce qui concerne l’adoption et la mise en œuvre de normes régionales qui soient une condition préalable pour la sécurité de fonctionnement du réseau régional. Toutefois, le déi principal découle du fait que la plupart des États membres de la CEDEAO doit encore mettre en place des institutions réglementaires qui déinissent les mandats, les obligations et les fonctions de l’opérateur du marché régional. Par ailleurs, les investissements importants impliqués dans la production et la distribution de l’électricité forceront les États membres à recourir à la participation des investisseurs privés. Cependant, les intérêts publics et privés sont contradictoires et les buts politiques gouvernementaux à court terme pourraient parfois compromettre ces objectifs régionaux et mettre en danger la durabilité des projets et la sécurité des investissements. Etant donné l’environnement institutionnel et réglementaire inadéquat, dans lequel le secteur ouest-africain de l’électricité fonctionne, on peut prévoir de grands déis pour la mise en œuvre des politiques de libéralisation au niveau national. Cela pourrait se révéler encore plus dificile lorsqu’il est appliqué au caractère particulier des échanges transfrontaliers d’électricité entre les pays. Le développement des échanges régionaux d’électricité fait donc face non seulement au problème dû au manque d’infrastructures, mais également aux cadres institutionnels et réglementaires inadéquats. 219 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest Conclusion Ce mémoire donne un aperçu et une analyse des efforts régionaux d’intégration énergétique dans la région de la CEDEAO. Au vu de ce qui précède, il est clair que les gouvernements de la région ont déployé des efforts louables pour élargir l’accès de la population aux services énergétiques modernes. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, compte tenu que plus de 176 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité dans la région. L’intégration régionale dans le domaine énergétique, comme souligné dans ce mémoire, est un outil utile pour parvenir à la sécurité énergétique régionale et pour augmenter la diversiication des ressources énergétiques, en particulier compte tenu du fait que souvent, les ressources énergétiques ne correspondent pas aux frontières nationales. Un autre aspect important est que les marchés nationaux sont généralement trop petits pour justiier les investissements énormes qui sont nécessaires. Tandis que les ressources énergétiques, tels que le pétrole et le gaz naturel, peuvent faire l’objet d’échanges sur les marchés internationaux, les infrastructures d’électricité et le commerce sont encore limités aux frontières nationales. Les marchés régionaux d’électricité peuvent donc fournir les économies d’échelles qui sont nécessaires pour surmonter le problème dû à la petite taille des marchés nationaux. Le gaz naturel peut jouer un rôle primordial dans un régime fructueux d’intégration régionale dans le domaine énergétique, étant donnés sa compétitivité relative et sa disponibilité dans la région. Un régime d’alimentation à gaz devrait être introduit dans la région et les compagnies pétrolières opérant dans le secteur devraient encourager l’alimentation de mini-réseaux dans les régions productrices de gaz et les investissements dans les infrastructures de collecte de gaz qui alimentent les centrales électriques et le gazoduc ouest-africain. D’autre part, les énergies renouvelables représentent une trajectoire plus durable de développement énergétique. Etant données les nouvelles tendances positives en ce qui concerne les technologies, les marchés et les cadres réglementaires, la production d’énergie renouvelable a le potentiel d’être une composante à part entière de la production d’électricité des États membres de la CEDEAO. La production d’énergie renouvelable est déjà plus compétitive par rapport aux sources d’énergie traditionnelles et peut contribuer à réduire la consommation de combustibles fossiles, les émissions de carbone et les 220 Mahama Kappiah coûts d’électricité et, dans le même temps, à élargir l’accès à l’électricité et créer de nouveaux emplois. Toutefois, la libération de ce potentiel exige des réformes vigoureuses du règlement du secteur énergétique et l’inclusion de marchés de l’électricité plus grands et plus compétitifs qui soient dotés de procédures eficaces de résolution des litiges et d’un ensemble minimal de normes concernant le commerce de l’électricité. Enin, les codes régionaux du réseau devraient incorporer la production d’énergie renouvelable pour faciliter l’intégration de la production d’énergie à partir de sources renouvelables sur les marchés. 221 Développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest Bibliographie Afolabli, Sola. Access to Energy in the ECOWAS community. Deputy Executive Secretary Integration Programmes ECOWAS Secretariat Abuja – Nigeria. Disponible en ligne : http://www.gfse.at/ileadmin/dam/gfse/gfse%206/ PLENARY_II/1.__ECOWAS_GFSE-6_Presentation__Sola_Afolabi.pdf [Consulté le 16 janvier 2009]. - pas encore disponible American Council for an Energy-Eficient Economy, Washington, DC. One of a Series of ACEEE White Papers on the Role of Energy Eficiency in Electric Utility Restructuring. Preserving Public Beneits under Electric Restructuring : The Importance of a Federal Role. 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La coopération vise à stimuler la discussion sur les processus d‘intégration régionale en Afrique de l‘Ouest et en Europe dans une perspective comparative. En outre le projet est basé sur le développement des relations euro-Afrique de l‘Ouest dans le secteur politique et économique. Les documents expriment l‘opinion personnelle des auteurs. Papiers IAO-ZEI No. 6 2013 Rike Sohn and Ama Konadu Oppong (eds.): Regional Trade and Monetary Integration in West Africa and Europe. Praia/ Bonn 2013. No. 7 2013 Rainer Eising: Theories of Policy Formulation. Praia/ Bonn 2013. No. 8 2013 Dirk Leuffen: European Union as a Blueprint? Nine Hypotheses on Differentiated Integration in a Comparative Perspective. Praia/Bonn 2013. No. 9 2013 Diery Seck: Proposed Architecture for an ECOWAS Common Currency Union. Praia/Bonn 2013. Papiers IAO-ZEI No. 10 2013 Ablam Benjamin Akoutou, Rike Sohn, Matthias Vogl, Daniel Yeboah: The Fu-ture of the Africa-EU Partnership: Learning to think about Opportunities. 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Institut de l‘Afrique de l‘Ouest (IAO) Avenida da Liberdade e Democracia, Nº 9 – 5º andar Praia Achada Santo António BP 396- A Cap Vert Téléphone:+238-(0)262-40-58 www.westafricainstitute.org Walter Flex-Straße 3 53113 Bonn Allemagne Téléphone: +49-(0)228-73-1810 www.zei.uni-bonn.de ISBN 978-3-941928-48-0