Bernard Darras
Bernard Darras
Dessi ner, voi r et savoi r
" Rappelez-volis que ce n'est que par les icônes que nous raison nOliS
et que les énoncés abstraits sont sans valeur
sauf quand ils flOUS aident à construire des diagra/llmes.)} (Peirce. 4.127. 1983)
La vision et le dessin semblent des activités nécessairement solidaires et on pense généralement que le dessin figuratif est fortement dépendant de la perception visuelle_
Dans cet article destiné à aborder la question de la relation du
voir, du savoir et du dessin, nous nous attacherons à montrer que
l'un des nombreux registres de l'activité graphique est aussi peu
gouverné par la vision que par la raison.
À partir des approches récentes concernant la représentation
figurative des sujets profanes en arts visuels, nous présenterons les
résultats d'une expérimentation sur le graphisme ordinaire. Nous
tenterons d'expliquer pourquoi les dessins d'une population, même
experte en système de représentation, ne répondent pas nécessairement aux exigences de la raison ou de la vision.
Bref état de la recherche
Pendant presqu'un siècle, les études de la représentation figurative des enfants, des hommes préhistoriques, des « naïfs» et des
« primitifs» ont été dominées par la référence à la perception
visuelle et au réalisme. Depuis les années 80, des conceptions moins
centrées sur l'acte d'imitation, et moins focalisées sur les dimensions expressives ou créatives ont émergé en même temps qu'une
remise en cause de l'unidireçtionnalité du développement. Ce changement s'est opéré à partir de nouvelles orientations épistémologiques et théoriques influencées notamment par les approches
pragmatistes, cognitivistes, et systémiques 1. Il en résulte actuelle1.. Oarras, B., L'Audiollisuei et les adolescents : étude d'esthétique expérimentale, thèse de doctorat, université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, sous la direction de B. Teyssèdre.
1985; OJrras, B. & Kindler, A. M .. « Emergence de l'imagerie», Mscope, n° 6. 1993,
p. 82-94; Gardner, H.. Frames af Mind : The Tlteory of Multiples lnte/l(qences, New York,
Basic, 1983; Golomb. C .. The Child Creation of a Pictorial World, Berkeley CI Los
311
Les méthodes d' analyse _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __
ment un foisonnement d'études refusant d'aborder le monde des
images comme un univers uniforme. Tout au contraire, ces
recherches montrent que de nombreux registres cohabitent et se
déploient dans un large éventail de systèmes iconiques. En articulant les destinations et fonctions des registres d'image à leurs conditions de production, ces modélisations contribuent à requalifier ce
monde jusqu'alors indifférencié 2 •
Exploitant les théories de la communication, de la sémiotique
pragmatique et de la psychologie cognitive, j'ai tenté de construire
un ensemble expérimental et théorique destiné à remplacer les
conceptions trop linéaires et réalistes du dessin des enfants, des adolescents et des adultes profanes 3 . Depuis 1992, ce programme de
recherche est développé conjointement avec Anna Kindler 4 . À partir de nombreuses expérimentations et modélisation, nous avons
notamment montré qu'à l'exception des situations spécialisées
recherchant l'autonomie de la production (l'éducation artistique, la
géométrie, la cartographie), il était impossible d'analyser l'acte graphique des sujets profanes en négligeant le contexte des interactions sociales, communicationnelles et plurimédia dont le dessin
n'est qu'une partie. Loin de concevoir le dessin comme un système
fermé, isolé et autonome, nous avons proposé une modélisation
interactionniste et systémique, c'est-à-dire environnementaliste,
ouverte rétroactive, dynamique et multi-finalisée.
Parallèlement à ce travail de modélisation, mes travaux consacrés à l'organisation des schémas produits par des sujets profanesce qui comprend aussi bien les dessins des enfants que ceux des
adultes - dans des situations de communication plurimédia ordinaires réclamaient un changement de perspective. D'ailleurs,
l'étude présentée plus loin montre que, selon le contexte, des sujets
maîtrisant les systèmes de représentation, peuvent eux aussi pro-
2.
3.
4.
Angeles. University of Cali[ornia Press. 1992; Winner. E.• « Development in the
Visual Arts. How Universal? 'J. dans : N. Damon (ed .) Child Development Today and
Tomorrow. San Francisco. Josey Bass. 1988 ; Wilson. B.. « The ArtisLic Tower of Babel :
Inextricable Links Between Culture aud Graphie Development ". Visual Arts Research.
vol. Il . n° 1/21. 1985. p . 90-104 ; Wolf. D. & Davis Perry. M .• « From Endpoints tO
Repertoires: Some New Conclusions about Drawing Development ". Journal of
Aesthetic Education. vol. 22. n° 1. 1988. p. 17-34 ; Wolf. D .• « Drawing the Boundary:
The development of Dislinct Systems for Spatial Representation in Young
Children ". dans : Spatial Cognition in. Brain bases and Development. Stiles-Davis.
J .; Kritchevsky. M. & Bellugi. U. (eds). Hillside. N.J. : Erlbaurn. 1988.
A.M. Kindler & B. Darras. « Development of Pictorial Representation: A Teleologybased Model ". Journal of Art & Design Education. vol. 16. n° 3. 1997. p. 217-222 ;
A.M. Kindler & B. Darras. « Map of Artistic Dcvelopment ". dans: A. M. Kindler
(cd.) Child Deve/opment in Art. Reston. NAEA. 1997. p. 17-44.
Ibid.
Ibid.
312
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Bernard Darras
duire des schémas. Pour bien comprendre le fonctionnement de ces
schémas, il importait de .qu1tter la セ←ヲイ・ョ」@
au visuel strict tout
autant que la référence au rationnel strict. Le domaine de référence
qui s'impose alors est celui de la raison communicationnelle et ses
enjeux de typicalité, de consensualité et d'efficacité.
Nous ne reprendrons pas ici le détail des expériences et exposés
théoriques rassemblés dans un ouvrage consacré à ce sujet et dans
diverses contributions 5. En revanche, nous présenterons et discuterons les résultats d'une expérimentation sur les schémas conduite
avec des adultes experts en techniques de représentation.
Shématologie expérimentale
Objectif et population
Afin de mettre en évidence le monde particulier des schémas,
nous avons délibérément choisi de nous adresser à une population
incontestablement experte en système de représentation, c'est ainsi
que 76 enseignants français du secondaire, majoritairement issus
de deux disciplines: les mathématiques d'une part et les arts plastiques d'autre part, ont été invités à participer à notre expérience.
Les enquêtes ont eu lieu lors de stages académiques interdisciplinaires organisés par l'IREM (Institut de Recherche sur
l'Enseignement des Mathématiques) de l'Université Paris VII. Ces
stages portent sur la représentaion de J'espace en arts plastiques,
géométrie et géographie. À des fins essentiellement démonstratives,
la consigne imposait aussi le dessin d'une flêche, d'une tasse, d'un
cavalier, d'un train, d'un papillon et d'une casserole.
Nous n'apprendrons pas au lecteur que la casserole 6, dont
l'éthymo]ogie remonte au mot « cassa », grande cuillère, se distingue essentiellement des autres instruments de cuisine cylindrique
par ses proportions, son manche et secondairement par son bec verseur. Bien que cette partie ne soit pas une pièce obligatoire de l'ustensile, le bec est suffisamment fréquent pour que tous les
dessinateurs de cette expérience aient pu en rencontrer et en utiliser des exemplaires. En tous cas, ainsi qu'on Je verra, pour les
besoins de l'expérience, il importait que la casserole ait un bec.
Protocole
Dans la consigne de l'expérimentation, il était donc demandé
aux enseignants de dessiner de mémoire une casserole avec son bec
et son manche. Ce faisant, nous énoncions dans l'ordre l'accessoires
secondaire et l'attribut standard et obligé de la casserole. La
consigne était aussi contextuelle puisque les conditions de produc5.
6.
Ibid.
Ibid.
313
Les méthodes d'analyse
tion invitaient plus à produire un croquis rapide qu'une nature
morte ou un plan technique.
La présentation des résultats et leur discussion se fera en deux
étapes. La première concerne les attributs typiques et attendus du
schéma de la casserole. La seconde concerne deux phénomènes de
« syntaxe» graphique .
Résultats de l'étude des attributs
Conformément aux exigences de la consigne, les 76 dessins obtenus représentent une casserole. L'un d'eux possède toutefois une
poignée plutôt qu'un manche. 11 a toutefois été comptabilisé. Mais,
au delà de ce motif commun, les choix graphiques confèrent à l'ensemble de la production un même air de famille.
En effet, dans leur immense majorité (96 %), les schémas sont
des représentations latérales de la casserole et seuls 4 % des répondants ont dessiné une « vue de dessus». Nous n'utilisons ce terme
quà des fins rédactionneUes, et prétendons que les déssinateurs ne
raisonnaient pas en terme de vision.
Le récipient de la casserole est systématiquement composé de
côtés parallèles, et son cylindre est manifesté par des tracés courbes.
Les bords supérieurs sont composés d'un trait ellipsoïde (93% des
cas), dont la régularité est très variable. La base de la casserole est,
elle aussi, fréquemment représentée par une courbe (66% des cas) .
À l'exception des « vues )) de dessus, le ratio entre la hauteur de
la casserole et sa largeur est conforme aux proportions d'une casserole (± 0,5 soit 1/2) ce qui la distingue nettement des catégories de
314
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poêles et de marmites. 80 % des casseroles de notre échantillon de
schémas ont des rapports hauteur/largeur compris entre 1/3 pour
les plus plates et 1,8/3 pour les plus trapues, le ratio moyen étant à
0,47. Près de la moitié des schémas a un ratio compris entre 0,4 et
0,5 , de chaque côté de cette médiane un quart de la production est
plus plate (ratio de 0,3 à 0,4) ou plus trapue (ratio de 0,5 à 0,6).
r'--y
, /
,
.
Le manche est le plus souvent représenté par un double trait
(90 %) qui n'est que rarement colorié (8 % des cas). En revanche,
dans 32 % des cas, il est percé à son extrémité.
De leur côté, les becs verseurs sont le plus souvent représentés
par des motifs en pointes légèrement recourbées vers le bas.
Enfin notons que seulement 8 % des dessins comportent des
ombres propres et qu'aucun dessinateur n'a utilisé les ombres portées.
Analyse des attributs consensuels
Rappelons tout d'abord, et très brièvement, que pour la psychologie et la linguistique cognitive une catégorie est dite naturelle si
son mode d'organisation est déterminé par la typicalité et hiérarchisé en trois niveaux d'abstraction dominés par le niveau de base 7 .
Par ailleurs, les études des composantes du contenu des différents
niveaux d'abstraction, montrent que le résumé cognitif du niveau
de base est principalement constitué de propriétés figuratives. Les
tests de psychologie cognitive ayant recours au graphisme, semblent
de leur côté confirmer que ces propriétés figuratives servent de
composantes au programme de fabrication des schémas 8. Le
schéma issu du niveau de base est donc un dispositif sémiotique
figuratif qui articule les principales propriétés d'une catégorie. Ces
E. Rosch, "Cognitive Represemations of Semamic Categories », Journal of
bxperimental Psychology: General, na 104, 1975, p.192-233; E. RosclJ , « Principles of
Caregorization _, dans: Rosch, E" LLoyd B. (cds), Categorization and Cogl1itiol1,
HiI\sdalc N.]., L. Er1l>aum, 1978, pp 27-47.
ウ L@ Lille, Presses Universitaires de LiUe,
8. . E Cordier, Les Reprlfsentatio/lS fOgnitiws ーイゥカャ←ァセ
1993; M. Denis, «Propriérés figuratives et non figuratives dans l'analyse des
concepts », L'Allnù pセケ」ィゥjャッァアオ・L@
na 84, 1984, p. 327-345 . M. Denis, « Formes imagées de la représemation cognitive » , Bulletin de Psycholo,qic, !. XLI. na 386, 1988,
p.710-715.
7.
315
Les méthodes d'analyse _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __
propriétés sont à la fois typiques et consensuelles 9, génériques 10 et
neutralisées ll.
Conformément à cette approche théorique, la fréquence des
attributs récurrents des schémas de la casserole conduisent à classer
la majorité des dessins dans la famille des schémas du niveau de
base. Le parallélisme des côtés, les courbures basse et haute du récipient, le rapport entre la hauteur et la largeur, l'épaisseur du
manche et, à un moindre titre, la présence d'un trou d'accrochage
sont les attributs figuratifs typiques, récurrents, consensuels, neutralisés et génériques du schéma de la casserole.
Étude de la latéralisation
L'étude de la latéralisation des schémas montre aussi une
congruence élevée puisque 75 % des dessinateurs ont placé à droite
le manche de leur schéma de casserole. Cette distribution dérive
manifestement de l'usage et d'une pratique commune dans le
monde des droitiers. On dessine comme on prend. Cette covariance
est régulièrement confirmée par les études de la latéralisation dans
les dessins d'objets possédant une poignée 12. Cette caractéristique
doit donc aussi s'inscrire dans le schéma du niveau de base.
Schéma générique orienté du niveau de base
La négligence du parallélisme
Nous avons noté que le schéma du corps cylindrique de la casserole était manifesté par le tracé d'une courbe pour le bord supérieur dans 93 % des cas et par une autre courbe pour la base dans
66 % des cas. Pour la vision comme pour la raison (mécanique), le
bord supérieur et la base sont et doivent être parallèles. Or pour un
peu plus de la moitié des dessinateurs (51 %) il apparaît que le
parallélisme entre les parties haute et basse n'est pas graphiquement
conservé 13. Ainsi que le montrent les dessins suivants, tout se passe
comme si les attributs étaient indépendants les uns des autres ou
9.
10
Ibid.
Ibid.
Il. L'opération de neutralisation se déroule au niveau cognitif lors des différents processus d'abstracion et le cas échéans au niveau de l'action lors de la construction
des shémas graphiques (R. Langacker, 1987, 1991)
12. Voir la présentation de ces études dans Darras, 1985.
13. Seuls deux 、・ウゥョ。セオイ@
sur 76 n'ont pas représenté la ligne haute de la casserole.
316
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__----------------------- Bernard Darras
plus exactement comme si le parallélisme qui est pris en considération pour gérer les côtés ne l'était pas pour le bord et la base.
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Il importe ici de noter que les deux parallélismes ne sont pas de
même nature. Celui qui gère les côtés ne concerne que les limites et
la verticalité, alors que celui qui gère le bord et la base concerne,
les limites, l'horizontalité et Jes attributs cylindriques. Lors d'une
lecture optico-perspectiviste ces informations peuvent être traitées
comme relevant du rendu tridimensionnel de l'épaisseur et de la
profondeur. Or les propriétés figuratives du niveau de base des catégories cognitives ne mémorisent pas ou peu les propriétés issues de
la troisième dimension. Si dans 51 % des dessins, les propriétés des
attributs sont compatibles avec des références optique, géométrique
ou mécanique, cette compatibilité ne signifie pas que lors du tracé,
le champ de référence était optique, géométrique ou mécanique.
Nous en tenons pour preuve J'absence de relation de parallélisme
entre le bord et la base. Pour beaucoup de dessinateurs, les ellipses
et courbes ne sont pas des indicateurs de profondeur, mais des tracés conventionnels de courbure 14. Placés dans un contexte de production d'un dessin géométrique ou d'un dessin illusionniste, les
mêmes enseignants experts en techniques de représentations
n'auraient certainement pas manqué de traiter simultanément la
circularité et le parallélisme. Or, dans le contexte communicationnel ordinaire de production des signes cette spécialisation n'était pas
requise, et les schémas produits n'entravent ni la communication
ni l'identification du motif. D'ailleurs, pendant ou après la production, ni les auteurs, ni Jeurs pairs n'ont spontanément remarqué ce
phénomène. Car dans le registre des schémas de niveau de base ce
parallélisme n'est pas plus utile que le tracé des ombres, des effets
de texture ou de profondeur. Toutes ces informations sont conjoncturelles, et singularisantes, donc incompatibles avec les objectifs de
neutralisation, typique et générique des schémas.
La négligence de l'orthogonalité
Nous avons réservé pour fa fin de cette discussion, la présentatiori des résultats du phénomène consensuel le plus pertinent pour
14.
D,l'IlS
som
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la classification peircieJ1lle. au niveau sémiotique des producteu,rs, ces signes
légisigncs, iconiques rbématiqucs.
317
Les méthodes d' analyse
notre réflexion sur les catégories du voir, du savoir et du représenter. En effet, bien que la casserole soit d'un usage à ce point courant que 75 % des dessinateurs aient enregistré sa prise par la main
droite comme caractéristique gestuelle et graphique privilégiée,
63 % d'entre eux ont négligé la relation orthogonale qu'entretiennent le bec et le manche des casseroles réelles. Ce faisant, en privilégiant une distribution linéaire des attributs selon la formule: « bec
+ récipient + manche», ils contrariaient à la fois leur expérience
pratique et visuelle, tout autant que leur savoir rationnel sur les
propriétés mécaniques et fonctionnelles de la casserole.
Ainsi que nous avons tenté de le montrer à partir de cette étude,
les procédures de représentation par schéma sont relativement
autonomes et indépendantes des connaissances des propriétés
rationnelles comme de l'expérience visuelle et pratique. C'est en
tous cas la thèse que nous défendons pour expliquer de nombreux
résultats expérimentaux, ainsi que des observations de pratiques
graphiques de terrain.
Conformément aux résultats de la psychologie cognitive, nous
pensons que les schémas résultant d'une production ordinaire
répondent prioritairement à des enjeux communicationnels et
consensuels. Les solutions les plus typiques sont privilégiées au
degré d'abstraction du niveau de base dont les attributs sont neutralisés. Il semble que ces schémas articulent en diagrammes simples
les propriétés figuratives saiUantes et ont tendance à négliger leur
coordination complexe et les effets individuants tels que l'épaisseur
des objets, leur texture, les effets contingents d'ombre et de lumière,
etc. La schématisation permet le traitement simultané de trois
enjeux économiques relevant des niveaux cognitif productif et
interprétatif. Ce fonctionnement cognitif est tout à fait compatible
avec les possibilités bidimensionnelles des supports généralement
utilisés pour le dessin (il n'est d'ailleurs pas interdit de penser que
la nature des supports puisse rétroagir sur la constüution des résumés cognitifs).
Dans le contexte de la communication figurative ordinaire, la
pensée travaille un matériel dérivé de la perception et notamment
de la perception visuelle, mais ce matériel est entièrement recons318
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _- - - - - - - - - - Bernard Darras
truit par l'économie cognitive. Les processus de catégorisation, la
typicalité, la neutralisation et les résumés cognitifs opèrent dans ce
matériel des sélections et des remaniements fondamentaux. Les dessins des enfants, comme ceux produits par des adultes de toutes cultures qui travaillent à ce niveau d'abstraction cognitif en témoignent.
En conclusion, nous dirons qU'lIn certain type de pensée
construit son champ de référence dans le réseau et le jeu des catégories cognitives, alors qu'un autre régime de pensée construit son
réseau de référence, de vérification et de preuves dans le domaine
le plus optique de l'expérience visuelle. Il en résulte dans Je monde
graphique des signes différents, mais également intéressants, respectables et enseignables. Ce sont les similis dans le monde de la
« pensée visuelle » et les schémas dans le monde de la « pensée figurative ». Ces schémas répétés deviennent des iconotypes et parfois
même des pictogrammes lorsqu'ils sont sélectionnés pour être intégrés à des systèmes de signes.
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