Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
Développer la conscience morphologique, oui, mais selon quelles modalités didactiques? Introduction de la trousse pédagogique Histoire de famille Anila Fejzo, PhD, professeure au département de didactique des langues, UQÀM Apprendre à lire et à écrire constitue l’un des exploits cognitifs les plus importants que les enfants sont appelés à accomplir tout au long de leur primaire. Durant cette période, les enfants développent des habiletés cognitives qui leur permettent de comprendre un texte qu’ils n’ont pas écrit eux-mêmes et d’exprimer leurs idées à l’écrit de manière à ce que les autres les comprennent. Dans les deux cas, la communication s’établit à travers un code que les enfants apprennent progressivement à déchiffrer et à maitriser. Un enseignement explicite d’un tel code et des expériences riches avec l’écrit transforment graduellement les apprentis lecteurs et les apprentis scripteurs en lecteurs et scripteurs autonomes. Or, pour certains d’entre eux ce code s’avère difficile à assimiler. Les raisons qui expliquent cette difficulté peuvent être diverses. L’une d’entre elles reliée à l’implication de la conscience morphologique a retenu l’attention des chercheurs au cours des deux dernières décennies. Par conscience morphologique nous comprenons les connaissances sur les racines, les préfixes et les suffixes (ex., connaitre les sens et les formes du préfixe in- dans invincible, irréductible, illettré, implosion, etc.) et la capacité à les manipuler (Carlisle, 1995). De telles connaissances viennent en aide aux lecteurs pour lire avec facilité les mots dérivés de ces unités de sens, ainsi que pour déduire le sens des mots nouveaux dérivés qu’ils rencontrent lors de leurs lectures. Par ailleurs, ces connaissances soutiennent les scripteurs soit dans l’orthographe des mots dérivés, soit dans la richesse lexicale des textes qu’ils rédigent. De nombreuses études menées à cet égard permettent de conclure que les bons lecteurs et scripteurs développent sans difficulté ce type de connaissances. En revanche, les faibles lecteurs et scripteurs éprouvent de la difficulté à développer leurs connaissances morphologiques et cette difficulté peut expliquer leurs faibles résultats en lecture et en écriture (Fejzo, 2015; Tong, Deacon, Kirby, Cain, & Parrila, 2011). Heureusement, quand les élèves vivent des activités qui favorisent le développement des connaissances morphologiques, ils améliorent tous leur performance en lecture et en écriture, surtout les élèves en difficulté (Goodwin & Ahn, 2013). Développer des connaissances morphologiques : modalités didactiques Les résultats des études investiguant le rôle des connaissances morphologiques permettent de comprendre que leur développement est essentiel pour la lecture et l’écriture. Ils suggèrent également qu’il n’en est pas moins un processus ardu et semé d’embuches pour les élèves (ONL, 2000). Dans l’ensemble, ils soulignent l’importance d’élaborer et de mettre en place un programme d’activités susceptible de soutenir le développement des connaissances morphologiques chez tous les élèves, surtout chez ceux en difficulté. Cependant, force est de constater que les enseignants sont peu outillés pour l’élaboration d’un tel programme. Ils se demandent à juste raison comment les aborder en classe, par où commencer, quels préfixes ou suffixes cibler, comment enchainer les activités, combien de temps leur accorder, etc. En effet, les pratiques didactiques relatives au développement de ces connaissances sont encore à leurs premiers balbutiements et l’élaboration d’un enseignement efficace de ces connaissances est très exigeante en termes de temps et de ressources. Dans le but de développer les connaissances morphologiques chez les élèves francophones de fin du primaire, nous avons conçu vingt-cinq séquences d’activités sur les préfixes, les racines et les suffixes que nous proposons dans le présent ouvrage. Ces activités constituent un point de départ pour les enseignants qui désirent soutenir davantage leurs élèves en lecture et en écriture. La consultation de diverses interventions visant à développer les connaissances morphologiques et de nombreuses ressources théoriques concernant le développement métalinguistique, l’enseignement/apprentissage et la description linguistique du français (voir ci-dessous) nous ont permis de dégager des modalités didactiques relatives au contenu, à la structure, à la durée, à la fréquence des activités et aux niveaux scolaires visés qui se sont avérés efficaces (Bowers & Kirby, 2010; Graves, Ruda, Sales, & Baumann, 2012; Henry, 2004; Nunes, Bryant, & Bindman, 2006). Néanmoins, le français ayant ses particularités morphologiques, un processus d’expérimentation et de validation était nécessaire pour vérifier si ces modalités peuvent s’appliquer dans ce nouveau contexte. C’est ce qui a été fait avec les séquences d’activités proposées dans cet ouvrage. Ces dernières ont fait l’objet de trois études menées auprès de 380 élèves répartis en 23 classes du deuxième cycle du primaire. Les activités ont été vécues par 200 élèves et dix enseignants. Les rétroactions de ces derniers ont permis d’ajuster les activités afin de mieux tenir compte du rythme d’apprentissage des élèves et de leur niveau scolaire. Les modalités didactiques des activités que nous proposons dans cet ouvrage sont donc le fruit du croisement d’une multitude de ressources théoriques et empiriques et de la généreuse participation de ces élèves et ces enseignants montréalais. Contenu des activités L’élaboration du contenu des activités proposées ici s’appuie sur deux sources solides : la description linguistique de la morphologie française (Huot, 2005) et l’analyse minutieuse des recherches qui ont expérimenté de telles activités. Ainsi, sur le plan du contenu des activités, conformément aux recommandations des chercheurs dans le domaine, nous avons choisi les préfixes et les suffixes les plus productifs en français (Estienne, 2002; Huot, 2005). Les élèves sont donc invités à approfondir leurs connaissances sur les sens et les règles qui régissent ces préfixes et ces suffixes. Par exemple, ils apprennent que le préfixe dé- n’a pas seulement le sens le contraire de, comme c’est le cas dans le mot découragé. Le sens d’intensité comme dans démarquer y est également enseigné. Sur le plan du nombre de préfixes et de suffixes à enseigner, certains chercheurs recommandent de cibler six préfixes (Graves et al., 2012) ou suffixes par année scolaire. Cependant, nous avons fait le choix didactique de présenter plutôt une vingtaine de préfixes et suffixes. Ainsi, les enseignants seront outillés pour introduire un plus grand nombre d’entre eux et ils pourront plus facilement poursuivre la consolidation de ceux-ci par la suite. De plus, conformément aux recommandations de Henry (2004), des activités sur les mots savants, soit les mots composés de mots d’origine grecque et latine, ex. cata-strophe, multi-colore, sont suggérées. Comme ces mots sont souvent utilisés dans les textes de différentes matières scolaires, connaitre leur sens sera aidant pour les élèves de fin du primaire. Ils en retireront une meilleure compréhension des textes qui contiennent ces mots, ce qui facilitera par conséquent leurs apprentissages. Par ailleurs, les activités visent à développer des stratégies morphologiques chez les élèves en les amenant à effectuer des manipulations morphologiques d’analyse et de synthèse. Par exemple, dans certaines activités, ils sont invités à analyser les morphèmes dans des mots polymorphémiques, c’est-à-dire des mots composés de plusieurs morphèmes (ex. : affaiblissement), ou à former des mots à partir de racines, préfixes ou suffixes proposés (ex. : ré- éduquer- a –tion). Dans d’autres activités, ils sont appelés à découvrir des règles de jonction des préfixes ou des suffixes (ex. : Quelle est la règle de jonction du préfixe dans les exemples suivants : irrégulier, irrespectueux, irresponsable). Ces connaissances morphologiques leur seront utiles en lecture pour lire et comprendre le sens des mots nouveaux et en écriture pour orthographier les mots et enrichir leurs productions écrites. D’autre part, l’enchainement des activités s’appuie sur les modèles théoriques du développement des connaissances métalinguistiques chez les élèves du primaire (Gombert, 1990; Karmiloff-Smith, 1992). Ainsi, au début du programme, les activités portent sur des connaissances que les élèves ont acquises implicitement grâce à leur exposition à la langue orale et à celle écrite (ex.: trouver les intrus dans une famille morphologique). Progressivement, les élèves sont amenés à développer des connaissances plus explicites. Par exemple, l’avant-dernière activité invite les élèves à former des pseudo-mots en se servant des règles morphologiques du français qu’ils auront apprises tout au long du programme (ex. : celui qui a du rouzate est rouzateux). De plus, nous avons privilégié, dans les premières activités, des exemples à l’intérieur desquels les relations morphologiques sont plus évidentes (ex., laver, lavage). Plus les élèves chemineront dans le programme, plus ils seront exposés à des exemples à l’intérieur desquels ces relations sont moins transparentes (ex., agir et action) (Templeton, 2012). Finalement, afin de faciliter l’intégration des nouvelles connaissances, les élèves sont invités, tout au long du programme, à verbaliser ce qu’ils retiennent des activités et à formuler des règles ou des stratégies qu’ils pourront exploiter en situation de lecture ou d’écriture autonome. Structure des activités Le déroulement de chaque activité s’inspire des phases d’enseignement/apprentissage (Tardif, 1990), soit la mise en situation, la réalisation et le réinvestissement. Ainsi, dans la mise en situation, après l’activation des connaissances acquises dans les activités précédentes, les élèves suivent l’histoire de la famille d’un personnage sympathique, Blanche-de-givre, et apprennent le défi qu’ils devront relever lors de la phase de réalisation. Dans une logique de résolution de problèmes (Anglin, 1993) ou de découverte de règles de l’orthographe lexicale ou de la formation des mots (Barth, 2004; Brissaud & Cogis, 2011), les activités de la phase de réalisation amènent progressivement les élèves à réfléchir sur la langue et ses particularités. Pour ce faire, le travail en équipe est privilégié afin de découvrir, comprendre, expliquer et justifier les régularités morphologiques. Des activités de ce type sont alternées avec des activités de consolidation des connaissances. D’une part, cette alternance concilie l’enseignement des connaissances morphologiques avec le rythme d’apprentissage plus lent de certains élèves, une conciliation qui s’est imposée à la suite de nos expérimentations. D’autre part, elle permet aux enseignants de reproduire ou de réduire le nombre d’activités en fonction des besoins des élèves de leur classe. Enfin, la dernière phase qui vise le transfert des connaissances morphologiques en lecture et en écriture s’avère particulièrement intéressante pour le développement de divers aspects de la littératie. Lors de cette phase, les élèves sont constamment incités à transférer leurs connaissances nouvellement acquises lorsqu’ils lisent ou écrivent. Ainsi, tout au long du programme sont prévues des activités où les élèves doivent lire rapidement des mots polymorphémiques, en écrire sous dictée, dériver et produire par écrit des mots contenant plusieurs morphèmes et comprendre le sens des mots dérivés dans de courts extraits. Pour favoriser leur intégration dans la planification hebdomadaire des enseignants, les activités d’une durée de 45 à 60 minutes ont été conçues. Celles-ci peuvent être réalisées à raison d’une fois par semaine tout au long de l’année scolaire. Par ailleurs, les modalités didactiques proposées ici (contenu, enchainement, structure, durée et fréquence des activités) permettent également aux enseignants de reproduire certaines d’entre elles selon les besoins de leurs élèves en changeant simplement les morphèmes ciblés. Par exemple, un enseignant pourra reproduire, s’il le souhaite, l’activité sur le sens des préfixes avec d’autres préfixes ne faisant pas partie du programme en suivant les étapes de réalisation de cette activité. Finalement, il est important de souligner que le choix de la structure des activités favorisant le développement des connaissances morphologiques chez les élèves a été conjugué au souci d’offrir une diversité d’activités pour les motiver à participer activement durant celles-ci. C’est d’ailleurs la participation active des élèves lors de l’expérimentation de ce programme qui nous a incités à publier cet ouvrage. Niveaux scolaires ciblés Lorsque le programme a été conçu, celui-ci était destiné plus particulièrement aux élèves du 2e cycle du primaire. Les activités ont d’ailleurs été expérimentées dans des classes de ce cycle dans différents milieux : a) école pluriethnique et défavorisé, b) école majoritairement francophone et défavorisé, c) école favorisée et d) école défavorisée. Or, quelques étudiantes de maitrise les ont expérimentées dans un contexte d’adaptation scolaire au troisième cycle du primaire et au premier cycle du secondaire. Les résultats sont convergents : les activités non seulement ont permis d’améliorer les connaissances morphologiques des élèves, mais elles ont contribué à une amélioration en lecture et en orthographe des mots polymorphémiques. Dans le contexte où un enseignement systématique des connaissances morphologiques est encore absent dans les classes de fin du primaire et du début de secondaire, les activités morphologiques proposées dans cet ouvrage seraient donc gagnantes au 2e et au 3e cycle du primaire et même au début du secondaire pour tous les élèves, mais surtout pour les élèves en difficulté. Avant de laisser les enseignants, les orthopédagogues ou les parents prendre connaissance des activités du programme, nous tenons à les assurer que la découverte de la morphologie française par les élèves les incite, nous en avons été témoins, à discuter avec passion sur cet aspect de la langue de Molière et les motivera davantage à l’apprendre et l’utiliser avec fierté. De plus, afin de mieux outiller les enseignants qui réaliseront ces activités dans leurs classes, un bref aperçu théorique est exposé dans les sections suivantes. Il débute par une description du français écrit qui permet de comprendre comment les connaissances morphologiques contribuent à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture et il termine par la présentation de quelques notions et régularités relatives à la morphologie française. Fonctionnement du français écrit Le rôle que les connaissances morphologiques jouent dans le développement de la lecture et de l’écriture découle des particularités du passage du français oral à l’écrit. Comme dans toute autre langue alphabétique, ce passage satisfait deux conditions : la transcription des sons et la transcription du sens (Fayol et Jaffré). Pour transcrire ses 36 sons, le français utilise 26 lettres. La disparité entre le nombre de lettres et celui des sons fait en sorte que les lettres se combinent de différentes façons pour transcrire tous les sons. Les différentes combinaisons des lettres pour transcrire un son s’appellent des graphèmes (exemples de graphèmes : «a», «â», «o», «au», «f», «ph», «ch»). Pour des raisons historiques, le français compte 150 graphèmes pour transcrire seulement 36 sons. Il en résulte que plusieurs graphèmes sont disponibles pour transcrire le même son. Par exemple, les graphèmes «o», «au», «eau», «ot», «os», «aux», «eaux», transcrivent le son /o/. La première condition du passage de l’oral à l’écrit, soit la transcription du son, rend le français écrit difficile pour le lecteur qui doit apprendre plusieurs combinaisons pour lire le même son. La tâche est d’ailleurs encore plus difficile pour le scripteur qui doit choisir parmi plusieurs alternatives, puisque les sons doivent être associés à des graphèmes précis pour respecter l’orthographe du mot. Par exemple, pour écrire le son /ã/ dans enchantant, il est important de choisir les graphèmes «en», «an» et «ant» pour l’orthographier correctement. Pour la deuxième condition, c’est-à-dire la transcription du sens, le français utilise le morphème, soit la plus petite unité de sens. En français, il y a trois types de morphèmes : la racine, le préfixe et le suffixe. Contrairement à la transcription des sons, la transcription des morphèmes est stable, c’est-à-dire qu’ils sont toujours transcrits avec les mêmes lettres. Par exemple, la racine coll- est écrite de la même manière dans les 46 mots de sa famille morphologique (ex. : coller, collage, décollage, recollage, etc). C’est le cas également du préfixe pré- (ex. : préscolaire, prédire, etc.) et du suffixe –ment (ex. : bâtiment, changement, rangement, etc.). Cette stabilité de la transcription des morphèmes permet au lecteur et au scripteur de mémoriser leur forme orthographique, de les «prendre en photo», et de s’en servir pour les lire plus rapidement ou les orthographier avec facilité. De plus, à partir de ces «photos» les élèves peuvent lire ou écrire des mots qu’ils n’ont jamais rencontrés. Par exemple, un lecteur qui a lu plusieurs mots de la famille formée de la racine courage et qui connaît le préfixe en- et le suffixe –ment lira sans difficulté le mot encouragement même s’il le voit pour la première fois. Il pourra même l’orthographier sans l’avoir préalablement rencontré en utilisant ces connaissances. Apprentissage de la lecture et de l’écriture En effet, selon la compréhension que nous avons aujourd’hui de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, à partir de la fin de la deuxième année, les élèves mettent en place une procédure qui permet la reconnaissance ou l’écriture du mot sur la base des formes orthographiques ou des «photos» enregistrées en mémoire (L. Ehri, 1999; L. C. Ehri, 2014). Ces images sont formées grâce à des rencontres fréquentes avec les mots écrits. L’enregistrement de ces «photos» dans la mémoire permet aux lecteurs de traiter ces mots comme un tout au lieu de les décoder en assemblant les sons un par un. Cela conduit à une réduction des ressources cognitives impliquées dans la lecture des mots. Puisque les morphèmes, soit les racines, les préfixes et les suffixes, se retrouvent dans plusieurs mots, les lecteurs les rencontrent fréquemment. Par conséquent, ils enregistrent leurs «photos» dans leur mémoire. Or, il est important de souligner que cet enregistrement ne peut avoir lieu si les lecteurs ne les «voient» pas, en d’autres termes s’ils n’ont pas développé la capacité à détecter les morphèmes. Par exemple, les lecteurs ne peuvent pas enregistrer la «photo» du morphème -ment s’ils ne sont pas capables de détecter ce morphème dans les mots changement, déplacement, etc. En effet, selon de nombreuses études, seulement un nombre réduit d’élèves ont développé cette capacité. C’est ce qui explique que certains lecteurs se servent de leurs connaissances morphologiques pour lire plus rapidement les mots formés de préfixes, de racines et de suffixes, alors que d’autres peinent à les décoder. De plus, les connaissances morphologiques sont particulièrement utiles pour les scripteurs qui doivent choisir parmi des alternatives graphiques pour écrire les mots en français. En effet, un élève qui sait orthographier la racine colle, le préfixe dé- et le suffixe–age saura trouver les bons graphèmes pour écrire collage, décollage, etc. La connaissance des liens entre les mots de la même famille morphologique qui ont subi des changements phonologiques pourrait également orienter les scripteurs dans le choix des graphèmes plus difficiles. Par exemple, connaitre le lien entre chaud et chaleur permet au scripteur de choisir «au» au lieu de «o» ou d’«eau» en raison du son a dans chaleur quand il orthographiera chaud. Le même principe s’applique avec les mots matinal/matin ou santé/sain. Puisque les scripteurs entendent i dans matinal et an dans santé ils choisiront avec assurance le bon graphème parmi «in», «ain» et «ein». De plus, la connaissance des liens entre galop et galoper leur permet d’écrire la lettre muette «p» à la fin du mot galop. Par ailleurs, connaître les préfixes et les suffixes d’un mot permet de comprendre trois ou quatre nouveaux mots appartenant à la même famille et, par voie de conséquence, de mieux comprendre un texte ou un discours oral. Les mots composés de préfixes ou de suffixes et qui peuvent être compris grâce à leur structure morphologique constituent 60% des mots qui composent les textes proposés aux élèves à partir de la 3e année (Nagy & Anderson, 1984). Ces textes constituent un levier inestimable d’enrichissement du vocabulaire, car ils contiennent des mots que les élèves ne rencontrent pas dans les conversations de tous les jours, surtout les enfants qui sont issus de milieux défavorisés. Or, pour comprendre un mot rencontré pour la première fois, les apprenants sont gagnants lorsqu’ils savent analyser la structure morphologique du mot. Par exemple, même s’ils n’ont jamais rencontré le mot infatigable, la capacité à reconnaitre les morphèmes in-, -fatigue- et – able et la connaissance du sens de ces derniers leur permettent d’en comprendre le sens. Ce que la recherche en dit Les études qui se sont penchées sur le rôle des connaissances morphologiques dans le développement de la lecture et de l’écriture démontrent que ces connaissances influencent les performances en lecture de mots, en orthographe lexicale, en vocabulaire et en compréhension de lecture. Or, un constat intéressant est que les connaissances morphologiques ne se développent pas chez tous les élèves au même rythme. En effet, dans le cadre d’études réalisées auprès d’élèves québécois de 3e et 4e année, il a été observé que les connaissances morphologiques de ces derniers sont peu développées (Fejzo et al., 2016; Fejzo, Godard, & Laplante, 2014). Ceci explique d’ailleurs pourquoi ils ont plus de difficulté à lire des mots composés de préfixes et de suffixes que leurs pairs francophones de Belgique, alors qu’ils sont aussi bons qu’eux pour lire des mots simples. Ce type de lacunes pourrait également expliquer pourquoi seulement un élève sur neuf de ces niveaux scolaires est capable d’écrire les deux «ll» dans le mot embellir, alors qu’ils savent presque tous orthographier belle. Finalement, le manque de connaissances sur les préfixes et les suffixes est aussi à l’origine du fait que le sens de seulement 46% des 33 mots plurimorphémiques extraits de manuels scolaires de 4e année sont connus de ces derniers. Sachant que pour comprendre un texte, les élèves doivent connaître plus de 95% des mots qui le composent (ONL, 2000), il est pertinent de penser que les faibles résultats des élèves de 4e année aux enquêtes internationales (PIRLS, 2011) et aux épreuves ministérielles (Gervais, 2014) peuvent être expliqués par des lacunes sur le plan des connaissances des mots composés de plus de deux morphèmes. Des liens étroits entre ces connaissances et la compréhension de textes ont d’ailleurs été observés chez les élèves montréalais de 4e année (Fejzo, 2015). Notions morphologiques La réalisation des activités du programme présuppose la connaissance de quelques notions relatives à la morphologie du français. Une telle connaissance, en plus d’être incontournable pour la formation de ceux qui enseignent la langue (Joshi et al., 2009), permettra aux enseignants de se sentir confiants devant leurs élèves et, de surcroit, d’avoir du plaisir à animer les discussions passionnées et passionnantes que la morphologie française suscite. Dans ce contexte, nous présentons ici un sommaire des notions afférentes à la morphologie française. Morphologie Le terme morphologie, composé de morpho- (forme) et –logie (étude), tient son origine au souhait du célèbre écrivain créateur de Faust, Johann Volfgang von Goethe, de fonder une science qui étudie les formes naturelles. Dérivée de son premier sens, en linguistique moderne, la morphologie est définie comme la description des règles qui régissent la structure interne des mots, c’est-à-dire les règles de combinaison entre les morphèmes pour constituer des « mots » (règles de préfixation et de suffixation) et la description des formes diverses que prennent ces mots (Dubois et al., 1994). La manière dont les mots sont formés et changent leur forme est propre à chaque langue. Le français se caractérise par une morphologie très riche. La brève présentation qui suit est basée sur la description de Huot (2005) et du Trésor de la langue française informatisé (http://www.cnrtl.fr/definition/ ). Les mots du lexique français peuvent être répartis en plusieurs catégories en fonction de leur structure : mots non construits et mots construits. Les mots non construits sont indivisibles, c’est-à-dire qu’on ne peut les segmenter sans en perdre le sens. Par exemple, le mot mur est indivisible, car n’importe quelle division de ce mot le rendrait incompréhensible pour le locuteur francophone (ex. m-ur, mu-r). À l’opposé, il existe des mots construits qui sont divisibles, c’est-à-dire qui peuvent être segmentés en plusieurs éléments retrouvables dans d’autres mots du lexique. Par exemple, le mot menteur peut être segmenté en ment+eur, unités de sens qui se retrouvent dans d’autres mots du français, tels que ment+ir, parl+eur, etc. On peut déduire qu’une partie du sens de menteur serait donc liée à l’élément ment-, qui porte l’idée de « affirmer ce qu’on sait être faux » et l’autre liée à –eur, qui porte l’idée de « l’agent de l’action ». Ces éléments repérables dans certains mots sont appelés des morphèmes.  Morphèmes Le morphème est l’unité minimale porteuse de sens que l’on peut obtenir lors de la segmentation d’un mot (Dubois et al., 1994). Sous le terme morphème se trouvent réunis des éléments dont les propriétés sont diverses (Huot, 2005). Par exemple, si on se réfère aux morphèmes dans les mots menteur et injuste, les caractéristiques de ment- ou de juste- sont différentes de celles de –eur, ou de in-. Ils se distinguent tout d’abord en termes de productivité. Les morphèmes tels que ment- et juste n’ont le même sens que dans quelques mots (une dizaine au plus), alors que ceux tels que -eur et in- se trouvent dans des centaines de mots. Ensuite, l’autonomie linguistique les différencie aussi. Ainsi, si les premiers peuvent être employés en tant qu’unité lexicale autonome (ex. : il ment) et les seconds ne peuvent être employés seuls dans la langue (ex. : on ne trouve jamais seul -eur). Enfin, les morphèmes tels que ment- et juste- déterminent l’identité du mot. Par exemple, dans le mot chandelier, c’est le sens du morphème chandel- qui permet de penser à l’objet désigné, pas le morphème –ier. C’est pour cette raison que les premiers (ment-, juste-) sont appelés des morphèmes lexicaux. Dans ce groupe, on distingue la racine, le thème et le radical. La racine La racine est la partie du mot qui est porteuse de l’identité du mot. C’est la racine qui est à l’origine d’une famille morphologique. Par exemple, part- est la racine des mots de la même famille départ, partir, repartir, partant, etc. Pour des raisons qui relèvent de l’histoire de la langue française, la forme de certaines racines a changé, ce qui rend leur identification plus difficile. Par exemple, il est moins évident de comprendre que spongieux et de la même famille qu’éponge, ou encore que juvénile provient de jeune. Pour d’autres mots, parce qu’ils sont plus fréquents, il est plus facile de dresser des liens avec leurs racines. C’est le cas du mot féminin, dont la racine est femme, et populaire, dont la racine est peuple. La racine peut parfois subir des transformations pour construire certains mots. Elle peut avoir besoin d’un allongement servant de point d’ancrage pour d’autres constructions de mots. La racine accompagnée de cet allongement est appelée le thème. Par exemple, le thème format-, soit la racine form et l’allongement –at-, permettent la construction de formatif, formation, etc. De plus, une racine peut parfois prendre une forme différente pour certains mots d’une même famille. C’est ce qu’on appelle un radical. Par exemple, la racine chant a deux radicaux, soit chant- et cant- puisque les mots suivants font tous partie de la même famille : chanter, chanteur, cantatrice, etc. Une racine peut aussi avoir qu’un seul radical, c’est pourquoi ces deux termes sont parfois confondus. Les affixes De part et d’autre de la racine, du thème ou du radical sont attachés des éléments dépourvus d’autonomie lexicale que l’on désigne sous le nom d’affixes. On distingue les affixes en fonction de leur position par rapport aux morphèmes lexicaux. Les affixes qui précèdent le morphème lexical sont appelés préfixes et ceux qui le suivent, les suffixes. Les préfixes Les préfixes sont pourvus d’une signification très générale pouvant attribuer au morphème lexical un sens directionnel (in- dans invasion), itératif (re- dans redire), associatif (co- dans coopérer), privatif (dé- dans défaire), négatif (im- dans impoli), etc. Dans certains cas, les préfixes ont plusieurs sens reliés (ex. : le préfixe re-, voir ci-dessous) ou non entre eux ( ex.: le préfixe in-). Ainsi, le préfixe in- désigne le contraire de (ex. : incapable) ou dans (ex. : infiltrer) ; le préfixe re- signifie le changement de direction ou le retour vers le point de départ (ex. : rebondir, ramener), la répétition d’une action (ex. : refaire), l’isolement par rapport à l’extérieur (ex. : renfermer), la réplique (ex. : réagir) ou la remise en l’état de (ex. : rallonger); le préfixe a-, lorsqu’il est ajouté à une racine qui est un adjectif, renferme unsens privatif (ex. : amoral - qui n’a pas de moral) ou peut avoir le sens de rendre plus (ex. : adoucir – rendre plus doux). Quand il est combiné avec un verbe, il a le sens de direction vers un lieu (ex. : apporter – porter jusqu’au lieu où on se rend); le préfixe dé- désigne la négation (ex. : démotiver), la cessation (ex. : démonter), l’intensité ou le renforcement d’une action (ex. : délaisser); le préfixe en- évoque l’entrée dans un espace déterminé (ex. : embouteiller), le sens de couvrir de (ex. : emplumer) ou de devenir (ex. : enrougir), le préfixe co- exprime un point en commun (ex. : coéquipier) ou le partage de responsabilité (ex. : codirecteur). Quant à leur vitalité, les préfixes les plus productifs en français (Estienne, 2002) sont : re- (ré-, res-), avec près de 1500 mots ; de- (des-) avec 1425 mots a- (ac-, af-, etc.), avec 1050 mots, dont seulement 43 seulement avec ad- ; in- (il-, im-, ir-, …) avec 980 mots ; co- (col-, com-, …), avec 854 mots ; en- (em-), avec 675 mots ; sur- avec 156 mots; sous- avec 126 mots; contre- avec 120 mots. En fonction du contexte linguistique, c’est-à-dire selon la lettre initiale de la racine à laquelle ils s’ajoutent, certains préfixes peuvent se présenter sous diverses formes qui sont appelées allomorphes. Voici les allomorphes de certains des préfixes les plus productifs. Le préfixe in- devient : il- devant une racine commençant par «l» (ex. : illisible), im- devant une racine commençant par «m, b, p» (ex. : immobile, imbu, impossible), ir- devant une racine commençant par «r» (ex. : irréfutable). Cette régularité de jonction entraine la présence des lettres doubles dans les mots préfixés de in-. C’est également le cas pour les mots dont la racine commence par «n» (ex. : innombrable). Le préfixe a- entraîne souvent le redoublement de la consonne initiale du mot de base. Certaines consonnes, telles que c, f, r, s et t se redoublent toujours (ex. : accompagner, affoler, arranger, assagir, attrouper). Les consonnes b, v, et m ne se redoublent jamais (ex. : abattre, avilir, amincir). D’autres consonnes initiales n'ont pas, à cet égard, de comportement bien défini (ex. : aggraver et agrandir; allonger et alourdir, annoter et anéantir, approfondir et aplatir). Le préfixe en- devient em- devant les consonnes «m, b, p» (ex. : emmailloter, emballer, empailler). Le préfixe co- a aussi plusieurs allomorphes. Il devient: col- devant une racine commençant par «l» (ex. : collection), com- devant une racine commençant par «m» (ex. : commémorer), con- devant racine commençant par «n» (ex. : connoter), cor- devant une racine commençant par «r» (ex. : corrélation). Or, co- ne change pas devant une racine commençant par ces consonnes s le mot est récemment entré dans le vocabulaire français (ex. : colocataire). Si le préfixe co- précède une racine commençant par i cette lettre prend un tréma (ex. : coïnculpé, coïncidence). Le préfixe dé- devient dés- devant une racine commençant par une voyelle ou un h muet (ex. : désagréable, déshydraté). Le préfixe re- devient ré- devant une racine commençant par une voyelle (ex. : réimprimer). Avec le temps, elle s'est substituée peu à peu à la forme élidée r- (ex. : rentrer). Dans certains cas, à un verbe formé avec le préfixe r- peut correspondre un nom formé avec le préfixe ré- (ex. : rouvrir/réouverture). Devant une racine commençant par un h- muet, re- devient généralement ré- (ex. : réhabituer), mais dans certains cas r- est maintenu (ex. :, rhabiller). Devant une racine commençant par «s», le redoublement de «s» s'est imposé (ex. : ressembler). Le français utilise beaucoup d’autres préfixes pour la formation de ses mots. Ils méritent d’être enseignés en profondeur de façon à faciliter la compréhension en lecture des élèves et à les aider à enrichir leurs productions écrites. Le Trésor de la langue française informatisé (http://atilf.atilf.fr) est une ressource que les enseignants peuvent consulter en tout temps pour élargir le répertoire des préfixes fréquents en français à explorer. De plus, des sites tels que http://www.francaisfacile.com ou http://www.alloprof.qc.ca fournissent des listes de préfixes en précisant leurs sens. Les suffixes Hétérogènes et plus nombreux, les suffixes sont répartis en deux classes distinctes en fonction de leurs caractéristiques de fonctionnement et de sens : dérivationnels et flexionnels. Les suffixes dérivationnels servent à former des mots construits et sont porteurs d’un sens très général (ex. : -eur signifie agent de l’action). Ils comportent généralement une voyelle et allongent le mot construit d’une syllabe par rapport au radical, à la racine ou au thème (ex. : lav+age). Contrairement aux préfixes, les suffixes dérivationnels déterminent la classe de mots à laquelle appartient le mot construit. Par exemple, tous les mots finissant par le suffixe –age appartiennent à la classe du nom, tandis que les mots finissant par le suffixe –if appartiennent majoritairement à la classe de l’adjectif. De plus, certains suffixes dérivationnels peuvent entrainer des changements phonologiques au morphème lexical auquel ils s’ajoutent. Ces suffixes sont appelés non neutres. Par exemple, le suffixe –tion est non neutre, car il modifie la racine (ex. ag-ir - action, produire- production). Les suffixes qui ne modifient pas phonologiquement le morphème lexical auquel ils s’ajoutent sont appelés neutres. Ainsi, le suffixe –able est un suffixe neutre, car il ne modifie pas la forme phonologique du morphème lexical (ex. port-er - portable). En revanche, les suffixes flexionnels sont des marqueurs grammaticaux qui indiquent le genre (ex. : -e du féminin), le nombre (ex. : -s du pluriel), le temps (ex.: -je parlais de l’imparfait), la personne (ex.: tu changes de la deuxième personne) et le mode (ex. que nous parlions) d’un mot. Ils se placent après les suffixes dérivationnels (ex., enseign-ant-s). Contrairement à ces derniers, ils sont dépourvus de sens lexical et ne déterminent pas la classe de mots. Les suffixes flexionnels qui sont muets à l’oral, mais qui apparaissent à l’écrit, fournissent des informations importantes au lecteur. Toutefois, ils constituent un vrai défi pour le scripteur (ex. : il parle/ils parlent). Tout comme les suffixes dérivationnels, les suffixes flexionnels peuvent être neutres et non neutres, selon qu’ils entrainent ou non des changements phonologiques au morphème lexical auquel ils s’ajoutent. Les changements phonologiques apportés peuvent être relatifs à la prononciation d’une consonne muette dans le cas du féminin (vert → verte), à l’ajout d’une consonne (je finis → nous finissons) ou au changement de la rime de la dernière syllabe de la base (animal → animaux). Comme les suffixes flexionnels font l’objet d’un enseignement systématique, nous avons fait le choix de nous concentrer sur les suffixes dérivationnels dans les activités proposées dans cet ouvrage. Voici les caractéristiques des suffixes que nous avons sélectionnés. Les suffixes, comme les préfixes, peuvent renfermer plusieurs sens. Le suffixe –ment et ses allomorphes (ex. : –issement) évoquent une action ou un processus (ex. : avancement, raisonnement), le résultat d’une action ou d’un processus (ex. : bâtiment, adoucissement). Le suffixe –age exprime une action (ex. : montage), le résultat d’une action (ex. : héritage), une idée d’ensemble (ex. : feuillage), un lieu d’une certaine étendue (ex. : paysage), un comportement (ex. : enfantillage). Le suffixe –ion avec ses allomorphes –tion, -ction, -sion, -ssion, -xion, -ition, -ification, -isation et -faction désignent une action (ex. : récupération) ou le résultat d’une action (ex. : pollution). Le suffixe –eur au féminin désigne la qualité exprimée par l'adjectif de base (ex. : rougeur), une sensation (ex. : froideur). Au masculin, le suffixe –eur et sa variante –euse au féminin désignent une personne exerçant un métier (ex. : chauffeur, coiffeuse), un appareil ou une machine (ex. : batteur, laveuse). Le suffixe -erie a une valeur dépréciative, affective ou fréquentative (ex. : supercherie), exprime une charge, une fonction (ex. : trésorerie), désigne le lieu où se déroule une activité économique (ex. : chocolaterie) Le suffixe –aire marque divers rapports tels que la possession, l’appartenance et la destination (ex. : populaire, solaire, scolaire) ou une notion de temps ou d’âge (ex. : centenaire, quadragénaire). Le suffixe –able et son allomorphe –ible servent à former des adjectifs à partir de verbes ou de noms. Ils expriment une possibilité (ex. : applicable) ou qui fait preuve de (ex. : équitable). Le suffixe -eux signifie qui est de la substance désignée par la racine (ex. : farineux), qui a la maladie désignée par la racine (ex. : lépreux), qui a la qualité, la propriété exprimée par la racine (ex. : amoureux, courageux) ; Le suffixe –if signifie qui accomplit le action exprimé par la racine (ex. : inventif) ; Le suffixe –isme implique une prise de position, théorique ou pratique (ex. : constructivisme), désigne une attitude, un comportement (ex. : optimisme), une sphère d'activités (ex. : urbanisme), une ou l'ensemble des caractéristiques d'un peuple, d'une région, d'une civilisation, une tournure propre à une langue (ex. : québécisme) ; Le suffixe -ique signifie relatif à, qui est propre à (ex. : philosophique) ; Le suffixe –el et sa variante –al signifient relatif à (ex. : artériel, abdominal), expriment une qualité ou un défaut (ex. : partiel, amical, brutal ); Les suffixes –ais ou –ois indiquent l'origine reliée au pays (ex. : albanais, chinois), à la région (ex. : calabrais), à la ville (ex. : new yorkais, sherbrookois) ou les habitants de (ex. : les Montréalais, les Torontois) ; Le suffixe –ain indique l’origine reliée au pays (ex. : américain), à la région (ex. : albertain), qui a rapport à (ex. : métropolitain), une certaine fonction ou un état social (ex. : chatelain, mondain) ; Le suffixe –ien forme des noms ou des adjectifs à partir de noms de pays, de région, de ville (ex. : algérien, hollywoodien, parisien), à partir de noms propres de personnes avec le sens de qui a rapport à ou qui tient de (ex. : victorien, kafkaïen) ; Le suffixe –ée exprime la contenance (ex. : bouchée), la durée (ex. : année), un ensemble de personnes (ex. : assemblée). Le suffixe –ier forme des noms qui désignent l’agent d’une action (ex. : ouvrier), l’abre (ex. : poirier) et il forme des adjectifs désignant relatif à (ex.: hospitalier). Voici la fréquence des suffixes nominaux et adjectivaux les plus productifs selon Huot (2005) : -ion avec 2400 mots; -age avec 1400 mots; -ment avec 1200 mots; -isme avec 850 mots; - (e)rie avec 700 mots -aire avec 700 mots; -(a)ble avec 700 mots; -eur avec 600; - if avec 450 mots; – ien avec 400 mots. Sur le plan de l’orthographe, la jonction des suffixes avec la racine peut entrainer le redoublement de la consonne finale du morphème auquel il s’ajoute. Par exemple, le «n» est doublé à la jonction d’un suffixe (ex. : abandon, abandonner). Mots savants La formation des mots en français a recours à un troisième type de morphèmes qu’on désigne sous le terme de mots savants. Les mots formés avec ces morphèmes qui proviennent du grec ou du latin sont considérés comme des mots dérivés ou des mots composés. Les mots savants se placent au début ou à la fin du mot. Par exemple, le mot savant d’origine grecque phil(o)-, évoquant qui aime ou ami de, se place au début ou à la fin des mots suivants : philanthrope et bibliophile. Le mot savant mètre, désignant mesure en grec, se retrouve dans différentes positions dans les mots suivants: métronome, thermomètre et mètre. C’est également le cas de aqua, désignant eau en latin, qu’on retrouve dans aquatique, aquadôme et aqueux. Les mots savants sont souvent utilisés pour former des mots qui appartiennent au vocabulaire académique, d’où l’importance d’enseigner leur sens aux élèves. Finalement, il existe un autre mécanisme assez productif de formation de mots en français: la composition. La composition consiste en l’assemblage de deux morphèmes lexicaux (ex., porte-clés, timbre-poste, etc.) Les mots ainsi formés sont en général phonologiquement et sémantiquement transparents et, par voie de conséquence, n’entraînent pas ou entrainent peu de difficultés pour les apprenants. Pour cette raison, les activités proposées dans cet ouvrage ne traitent pas de ce mécanisme de formation des mots. Pour conclure, nous tenons à souligner l’importance d’un travail systématique sur la morphologie française afin de soutenir les lecteurs et les scripteurs, sans oublier le plaisir à réfléchir et découvrir les trésors de cette morphologie. Références Anglin, J. (1993). Vocabulary development : A morphological analysis. Monographs of the Society of Research in Child Development (Vol. 58, pp. 1-166). Chicago: Society for Research in Child Development. Barth, B.-M. (2004). L'apprentissage de l'abstraction. Paris: Retz. Bowers, P. N., & Kirby, J. R. (2010). Effects of Morphological Instruction on Vocabulary Acquisition. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal, 23(5), 515-537. Brissaud, C., & Cogis, D. (2011). Comment enseigner l'orthographe aujourd'hui. Paris: Hatier. Carlisle, J. (1995). Morphological awareness and early reading achievement. In L. B. Feldman (Ed.), Morphological aspects of language processing (pp. 189-209). Hillsdale: Erlbaum. Dubois, J., Giacomo, M., Guespin, L., Marcellesi, C., Marcellesi, J.-B., & Mevel, J.-P. (Eds.). (1994). Paris. Ehri, L. (1999). Phases of development in learning to read words. In J. Oakhill & R. Beard (Eds.), Reading development and teaching of reading : A psychological persepctive (pp. 79-108). Oxford: Blackwell publishers. Ehri, L. C. (2014). Orthographic Mapping in the Acquisition of Sight Word Reading, Spelling Memory, and Vocabulary Learning. Scientific Studies of Reading, 18(1), 5-21. Estienne, F. (2002). Orthographe, pédagogie et orthophonie. Paris: Masson. Fejzo, A. (2015). Portrait des lecteurs et des scripteurs de 4e année et effets d'une intervention en conscience morphologique sur l'orthographe lexicale. Retrieved from Montréal: Fejzo, A., Desrochers, A., Salah, R., Saidane, R., Whissell-Turner, K., & Chapleau, N. (2016). The role of morphological processing strategies in the spelling performance of fourth-grade spellers of French Paper presented at the Scientific Studies of reading, Porto, Portugal. Fejzo, A., Godard, L., & Laplante, L. (2014). La conscience morphologique et sa contribution dans l’identification des mots écrits chez des élèves arabophones de 3e et de 4e année scolarisés en français. Canadian Journala of Applied Linguistics/Revue Canadienne de linguistique appliquée, 17(2), 45-68. Gervais, L.-M. (2014, 3 juin 2014). Test ministériel de lecture en 4e année: Les examens recorrigés pour cause de taux d'échec élevé. Le Devoir. Retrieved from http://www.ledevoir.com/societe/education/409934/test-ministeriel-de-lecture-en-4e-annee-les-examens-recorriges-pour-cause-de-taux-d-echec-eleve Gombert, J.-É. (1990). Le développement métalinguistique. Paris. Goodwin, A. P., & Ahn, S. (2013). A Meta-Analysis of Morphological Interventions in English: Effects en Literacy Outcomes for School-Age Children. Scientific Studies of reading, 17(4), 257-285. Graves, M. F., Ruda, M., Sales, G. C., & Baumann, J. F. (2012). Teaching prefixes: Making Strong Instruction Even Stronger. In E. J. Kame'enui & J. F. Baumann (Eds.), Vocabulary instruction: research to practice (pp. 95-115). New York, London: The Guilford Press. Henry, M. (2004). Unlocking literacy: Effective decoding and spelling instruction. Baltimore: Paul H. Brookes Publishing Co. Huot, H. (2005). La morphologie : forme et sens des mots du français. Paris: Armand Colin. Joshi, M. R., Binks, E., Martha, H., Daahlgren, M. E., Ocker-Dean, E., & Smith, D. L. (2009). Why elementary teachers might be inadequately prepared to teach reading. Journal of Learning Disabilities, 42(5), 392-402. Karmiloff-Smith, A. (1992). Beyond Modularity, A Developmental Perspective on Cognitive Science. Cambridge, Massachusetts, London: The MIT Press. Nagy, W., & Anderson, R. C. (1984). The number of words in printed school of English. Reading Research Quarterly, 19, 304-330. Nunes, T., Bryant, P., & Bindman, M. (2006). The Effects of Learning to Spell on Children's Awareness of Morphology. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal, 19(7), 767-787. ONL (Ed.) (2000). Maîtriser la lecture poursuivre l'apprentissage de la lecture de 8 à 11 ans Paris: O. Jacob; Centre national de documentation pédagogique. PIRLS. (2011). Programme international de recherche en lecture scolaire: Résultats canadiens au PIRLS. Retrieved from Toronto: Tardif, J. (1990). Pour un enseignement stratégique. Montréal: Gaetan Morin. Templeton, S. (2012). The vocabulary-spelling connection and generetive instruction. In E. J. Kame'enui & J. F. Baumann (Eds.), Vocabulary instruction : research to practice. New York: Gilford Press. Tong, X., Deacon, H. S., Kirby, J. R., Cain, K., & Parrila, R. (2011). Morphological Awareness: A Key to Understanding Poor Reading Comprehension in English. Journal of educational psychology, 103(3), 523-534. 5