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GEORGES LE BRUN

GEORGES LE BRUN 1873-1914 Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition Georges Le Brun. Maître de l’intime, présentée au musée Félicien Rops, Province de Namur, du 24 octobre 2015 au 6 mars 2016. Coordination éditoriale : Musée Félicien Rops, Province de Namur Direction scientifique : Denis Laoureux GEORGES LE BRUN M A Î T R E D E L’ I N T I M E Il a été réalisé sous la direction éditoriale de lienart éditions. Graphisme : Contribution éditoriale : Nicole Mison En première de couverture : Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, Lierneux, août 1912, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 63,5 × 44,5 cm. Coll. privée. En quatrième de couverture : Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, dessin préparatoire, Lierneux, août 1912, fusain et encre rouge sur papier, 48,5 × 61,5 cm. Coll. privée. © lienart éditions, 2015 3, rue François Ier – 75008 Paris www.lienarteditions.com © Musée Félicien Rops, Province de Namur, 2015 ISBN : 978-2-35906-156-7 Dépôt légal : octobre 2015 Imprimé en République tchèque (Union européenne) LIENART musée félicien rops, province de namur commissariat d’exposition, auteurs et catalogue Véronique Carpiaux, conservatrice, musée Félicien Rops, Province de Namur Denis Laoureux, professeur, Université libre de Bruxelles auteurs Laura Fanti, doctorante, Université libre de Bruxelles Noémie Goldman, docteur, Université libre de Bruxelles Leïla Jarbouai, conservatrice, musée d’Orsay, Paris Jean-Marie Klinkenberg, Académie royale de Belgique, professeur émérite de l’Université de Liège Brigitte, Olivier, Françoise et Thierry Le Brun, petits-enfants de l’artiste Maurice Pirenne (1872-1968), peintre belge coordination éditoriale Valérie Minten, musée Félicien Rops, Province de Namur, avec l’aide de Léna Hofman pour le catalogue des œuvres Le musée Félicien Rops, Province de Namur tient à remercier tout particulièrement : la famille de l’artiste, pour son aide généreuse et sa contribution aux différents aspects de l’exposition, du catalogue et des prêts : Brigitte Le Brun-Van Hove, Olivier Le Brun, Françoise Le Brun et Thierry Le Brun, ainsi que Pascal de Sadeleer sans qui l’exposition n’aurait pas vu le jour au musée Félicien Rops. les collectionneurs, pour leur confiance : Daniel Bollier, Alex Doms et la famille Crismer. Nous tenons également à remercier tous les collectionneurs qui ont souhaité garder l’anonymat. les institutions suivantes, pour la mise à disposition de leur collection : le musée d’Orsay, le musée des Beaux-Arts de Liège, le Musée d’Ixelles et tout particulièrement le musée communal de Verviers et sa conservatrice, Marie-Paule Deblanc, pour les nombreux prêts. les personnes suivantes, qui ont aidé à la réalisation du catalogue : Jocelyn Belzile, photographe ; Anne-Sophie Dierickx, historienne de l’art ; Antonin Joyeux, bibliothécaire ; Jacques Spitz, photographe. les membres des institutions suivantes : Jean-Marc Van Espen, député président ; Dominique Hicguet, inspecteur général et Bernadette Bonnier, directrice du service de la Culture de la Province de Namur ; Jean-Pierre Babut du Marès, président de l’asbl « Les Amis du musée Félicien Rops », ainsi que Didier Viviers, recteur de l’Université libre de Bruxelles. les membres du personnel du musée félicien rops : Alexia Bedoret, Marie-Noëlle Douxfils, Claudine Gelinne, Sophie Laurent, Coralie Massin, Lara Meersseman, Liesbet Mignolet, Jean-Pol Modave, Ana Monteiro, Sandra Moscato, Marc Ravignat, Maïté Springael, Pauline Tonglet et Aurélie Van De Poel. L’Enfilade, s.l.n.d, crayon gras, mine de plomb et fusain sur papier, 62 × 45,5 cm. Coll. privée. [144] SOMMAIRE introduction Georges Le Brun, singulier symboliste Véronique Carpiaux et Denis Laoureux prologue Georges Le Brun (1873-1914). Sa vie de peintre Maurice Pirenne 13 à propos de georges le brun Georges Le Brun ou les louanges du quotidien Denis Laoureux 31 Georges Le Brun, dessinateur Leïla Jarbouai 51 Georges Le Brun et la culture visuelle de la Renaissance italienne Laura Fanti 71 Georges Le Brun et L’Art moderne Noémie Goldman 81 Une « école verviétoise » de peinture ? Réalités d’un mythe Jean-Marie Klinkenberg 91 les écrits de georges le brun 101 recensement des œuvres Passeuse de Georges Le Brun, Jeanne, la fille du peintre Brigitte, Olivier, Françoise, Thierry Le Brun 139 Notice méthodologique 143 Œuvres de Georges Le Brun 149 chronologie Denis Laoureux 183 bibliographie 188 liste des œuvres exposées 190 avertissement Les Lambris, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier, 62 × 42 cm. New York, coll. privée. [21] 9 Certaines œuvres de Georges Le Brun n’ayant pu être localisées, nous n’avons pas pu les reproduire dans cet ouvrage. Les numéros entre crochets, en fin de légendes, renvoient au recensement des œuvres, p. 149-182. Véronique Carpiaux et Denis Laoureux Georges Le Brun, singulier symboliste Georges Le Brun est né en Wallonie, dans les Ardennes, à Verviers, en 1873. Sa naissance se situe après la génération de 1860 à laquelle il n’appartient pas vraiment, et avant celle de 1880, dont il ne fait pas non plus partie. Il se trouve dans l’interstice qui sépare les George Minne, Eugène Laermans, William Degouve de Nuncques qui le précèdent, et les Léon Spilliaert, Gustave De Smet, Rik Wouters qui le suivent. Cette particularité chronologique s’accompagne d’autres traits distinctifs qui, on le verra, inscrivent Le Brun sur la liste des êtres singuliers qui font l’originalité du symbolisme belge auquel le musée Félicien Rops consacre une politique d’exposition qui allie la découverte pour le public et la recherche pour les scientifiques, le plaisir d’apprendre et l’accroissement de la connaissance. En prenant un peu de recul, on pourrait dire que la contribution de Georges Le Brun au développement du symbolisme est double. D’une part, son œuvre se situe sur le versant intimiste du symbolisme belge qui avait été exploré par Xavier Mellery et que Léon Spilliaert reprendra en lui donnant une charge expressionniste. D’autre part, Le Brun est associé à une constellation d’artistes qu’il côtoie entre 1900 et 1914 dans la région de Verviers et qui, à l’instar de la colonie de Laethem-Saint-Martin rassemblée autour de George Minne, forme une mouvance sensible au rendu spirituel du paysage. Nous reviendrons longuement sur cette notion d’intimisme et sur ce que certains commentateurs ont appelé, après le décès de Le Brun, l’« école de Verviers ». De 1894 à 1903, Le Brun séjourne dans un hameau situé dans une région reculée des Ardennes, les Hautes Fagnes, qui se caractérise par la rudesse de son climat et l’âpreté de ses éléments naturels. Il met en scène les activités du monde paysan auquel il s’intègre tout en participant à diverses expositions, dont celles de La Libre Esthétique. En 1904, il se fixe dans la bourgade de Theux avec sa famille qui constitue alors, pour un temps, le principal sujet de son travail artistique. Enfin, vers 1910, Le Brun renoue avec les paysages des hauts plateaux ardennais. On lui doit des scènes de genre montrant le monde paysan, des portraits, des vues familiales et des paysages. En dehors des pièces relatives à sa vie familiale, on peut dire que tout l’œuvre peint de Le Brun est tourné vers le monde des Hautes Fagnes, de son arrivée dans le hameau de Xhoffraix en 1894 à sa mort en 1914. Intérieur à la Bouxherie, Theux, 1905, aquarelle, pastel et fusain sur papier, 29 × 24 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-461. [97] Cette apparente homogénéité d’une œuvre entièrement tournée vers la louange du quotidien ne doit pas occulter la singularité de la personne de Le Brun. Quasiment autodidacte, notre homme a diversifié les techniques de dessin. Les nombreux croquis et travaux préparatoires retrouvés dans le cadre des recherches menées pour la présente exposition ont fait apparaître une impressionnante technicité du dessin. Dans sa contribution, Leïla Jarbouai analyse finement toutes les subtilités techniques déployées par Le Brun dans sa pratique de dessinateur. On a parfois brossé le portrait de Le Brun en artiste isolé dans la rudesse de la haute Ardenne. Ce point de vue manque de nuance pour deux raisons. La première est que l’homme voyage beaucoup. Il passe notamment deux mois en Italie en 1900. La Ferme-château, Thimister, vers 1902, huile sur toile, 70 × 80 cm. Comme le montre Laura Fanti, les nomBruxelles, Musée d’Ixelles, inv. OM119. [63] breuses missives qu’il a écrites durant son voyage constituent un témoignage précieux de la réception de la culture visuelle italienne dans le symbolisme belge. La seconde raison est que Le Brun dispose d’un capital social qui lui ouvre les portes de La Libre Esthétique et de la revue L’Art moderne à laquelle il collabore de 1903 à 1908. Noémie Goldman part du milieu de la revue d’Edmond Picard pour montrer que l’étiquette de peintre ermite ne correspond pas à la réalité du statut social de l’artiste. Enfin, il est difficile de séparer la carrière de Le Brun de l’« école verviétoise » de peinture à laquelle la plupart des commentateurs l’ont associé au point d’en faire le principal promoteur. La notion d’« école de Verviers » ne pouvait être à nouveau reprise sans être, cette fois, problématisée : cette école dont Le Brun serait le chef de file est-elle une réalité factuelle ou une projection de la critique ? C’est à cette question que se propose de répondre la contribution de Jean-Marie Klinkenberg. Le Brun a été repris au sein de nombreuses expositions collectives portant tantôt sur le symbolisme, tantôt sur le dessin, comme ce fut le cas récemment, en 2014, avec Les Archives du rêve : dessins du musée d’Orsay. Il fit aussi l’objet de plusieurs expositions personnelles dont la dernière eut lieu en 1981 à la Maison belge de Cologne. C’est à Verviers que la première exposition personnelle consacrée à Le Brun a été organisée, à la salle de la Société des beaux-arts, en 1920. À cette occasion, le peintre Maurice Pirenne prononça une conférence intitulée Georges Le Brun (1873-1874). Sa vie de peintre. Le texte de cette conférence a été publié et reste l’une des principales sources de documentation sur l’artiste. Il fait office de prologue à cet ouvrage. On trouvera également l’ensemble des écrits sur l’art de Le Brun rassemblés ici pour la première fois. 10 | georges le brun La Neige sur le village, Spixhe (Theux), janvier 1912, aquarelle, gouache et mine de plomb, 43 × 49 cm. Paris, coll. privée. [124] Un mot, enfin, du corpus d’œuvres repris en fin de volume. La carrière de Le Brun s’est brutalement arrêtée sur le front de l’Yser en 1914. Nous avons pensé opportun de rassembler tous les dessins et tableaux connus sous la forme d’un catalogue iconographique assorti de légendes. Ce fut là un travail laborieux qui a demandé la contribution active de toute une équipe au sein du musée Félicien Rops. Pour ce faire, Valérie Minten et Léna Hofman ont mis leurs pas dans ceux de la fille de l’artiste, Jeanne Le Brun. Celle-ci a consigné près de deux cents fiches qui ont constitué la base documentaire sans laquelle un tel recensement aurait tout simplement été impossible. C’est l’occasion, pour finir, de dire toute notre gratitude à la famille de l’artiste pour la confiance avec laquelle elle nous a transmis le passé de son aïeul. georges le brun, singulier symboliste | 11 Maurice Pirenne Georges Le Brun (1873-1914) Sa vie de peintre Conférence prononcée par Maurice Pirenne à l’occasion de la première exposition personnelle consacrée à Georges Le Brun, à la salle de la Société des beaux-arts, Verviers, en 1920. C’est de la vie de peintre, c’est de l’art de Georges Le Brun qu’il va s’agir ici, or, quoique de caractère très différent, je crois avoir été mêlé à son intimité, à son intimité artistique, plus que personne, du moins d’une façon aussi continue. Voilà pourquoi c’est moi, ce n’est que moi, hélas !, qui vais essayer d’en donner une idée. J’ai écrit ceci d’un seul jet en me servant exclusivement de ma mémoire ; après coup, au moyen de dates, de certains faits oubliés ou ignorés de moi que l’on m’a rappelés ou appris j’ai vérifié mon travail. J’ai constaté qu’à prendre la chose du point de vue rigoureux, historique, certaines parties auraient dû être remaniées. Le ferai-je ? – Non – Je me suis contenté d’intercaler quelques dates. Je n’ai pas voulu faire une biographie méticuleuse, je ne cherche pas ici la précision, la vérité matérielle, extérieure ; non, ayant eu la chance d’assister au développement de la vie d’un vrai artiste, j’ai rappelé mes souvenirs, je les ai transcrits comme je les voyais et ainsi c’est le temps qui, m’ayant fait perdre de vue les détails inutiles, a créé naturellement cette synthèse. C’est un même goût, une même passion pour la peinture qui nous a réunis. Nous étions encore en classe, à l’Athénée. Le Brun devait avoir dans les 17 ans. Monsieur Constant Simon, professeur de dessin à l’Athénée lui avait donné quelques leçons d’aquarelle. De suite Le Brun s’y mit avec ardeur. Son père lui avait acheté le traité de peinture à l’aquarelle de Cassagne et consciencieusement le jeune peintre le bûchait. Ce livre ne le quittait plus ; il en citait de longs morceaux de mémoire, il devait en rêver. Intelligent comme il était, il en profita d’une façon étonnante ; ses progrès étaient surprenants. Son père, Monsieur Léon Le Brun, ingénieur, à l’esprit savant et original, inventeur, s’intéresRouheid, Rouheid, 5 juin 1890, aquarelle sur papier, 22 × 28 cm. Paris, coll. privée. [1] L’Alcôve, Jevoumont (Theux), 1906, huile sur carton, 66 × 43 cm. Paris, coll. privée. [105] L’Automne à Xhoffraix, Xhoffraix, 1899, pastel sur papier, triptyque, 76 × 56 cm / 76 × 108 cm / 76 × 56 cm. Descriptif : 1 / La Récolte de pommes de terre (volet gauche), Bruxelles, coll. privée ; 2 / Le Labour (panneau central détruit) ; 3 / Le Berger (volet droit), coll. privée. [53] sait naturellement beaucoup aux essais de son fils. Taquin, il s’amusait à contredire ses opinions, à discuter ses admirations et surtout, à relever ironiquement dans ses études, les moindres fautes de dessin. Ces critiques le piquaient, aussi dès le début Le Brun s’acharna-t-il à dessiner juste ; c’est pourquoi ses aquarelles des premiers temps avaient déjà tant de tenue et de sérieux. Toutes les heures libres que laissait la classe, elle était devenue l’accessoire, étaient consacrées au seul travail important, peindre. Opiniâtre et robuste rien ne le rebutait, ni le froid, ni le chaud. L’hiver il mettait de l’alcool dans son eau pour qu’elle ne gelât pas et grimpait au Husquet, il habitait alors Dison, laver des effets de neige. C’est de ce temps-là que l’été, on allait peindre à Maison-Bois. Pendant les vacances nous y passions la journée entière. Isidore Meyers, en villégiature chez Joseph Deru, venait y brosser des sous-bois, dans une pâte riche et claire qui était une révélation pour nous. On se retrouvait autour de la chefnée [sic] à la ferme Bonhomme, pour dîner. Maison-Bois était alors le rendez-vous des artistes et des esthètes verviétois : Smaelen, Debatisse, Henrard, Deru qui suivait les jeunes de son œil bienveillant et narquois… Aujourd’hui, tous ceux-là sont morts et l’on a coupé tous nos arbres. Binjé, Staquet et Uijtterschaut étaient les trois aquarellistes belges les plus connus alors. Comme il a, aux Salons de peintures, étudié les œuvres, comme il les a discutées, comparées, jugées ! Un jour il écrivit à Staquet pour lui demander de pouvoir lui montrer ses études. Le fin aquarelliste, bonhomme, le reçut plusieurs fois avec la meilleure grâce, fut étonné des rares qualités que montraient les essais du jeune peintre, lui donna d’excellents conseils. Plus tard il ira voir Meunier sans autre recommandation que luimême. Comme l’aquarelliste le grand statuaire reçut son jeune admirateur avec une parfaite bienveillance et un sincère intérêt pour ses travaux. Mais la rhétorique est finie, enfin ! Il est bien entendu qu’il sera peintre ; il part pour Bruxelles (1895). Il s’y fait inscrire à l’Académie. Il entre dans la classe de Portaels. Il y resta huit jours… 14 | georges le brun L’Académie, non, décidément, pas ça ! L’Académie, l’enseignement officiel, le dressage artistique ; l’Académie, horreur ! N’est-elle pas l’éteignoir de tout feu sacré, de toute spontanéité, de toute originalité, de toute hardiesse, de toute vie : l’Académie c’est la mort. Toutes les jeunes revues le proclament, tous les artistes originaux le déclarent ; c’est d’ailleurs une chose qu’on ne discute pas, un article de foi. Ô belle foi dangereuse, ô belle foi juvénile ! S’il va à Bruxelles c’est pour apprendre certes, mais comme il l’entend, en étudiant les maîtres qu’il a choisis, librement, ce n’est pas pour rentrer à l’école, subir la règle. Pour dessiner d’après le modèle vivant, il se fait recevoir membre du cercle « La Patte de Dindon » réunion de peintres qui travaillent en commun le soir dans les combles de la maison des corporations sur la place de l’Hôtel de ville. C’est là qu’il connut Laermans. L’art prenant, la note neuve qu’apportait Laermans, qui exposait alors pour la première fois, lui plut extraordinairement. Ils devinrent grands amis. Le Brun en subit quelque temps l’influence. Mais il se dégagea. Il finit par trouver l’art tumultueux du sourd génial trop criant, trop extérieur, gâté, pour lui, comme d’un souci, d’une préoccupation du public. Ça ne satisfaisait plus complètement son goût ; il était devenu difficile. Il avait étudié les maîtres il s’était imprégné du sérieux des grands peintres belges d’après 1830, de ces forts, de ces graves et honnêtes artistes : Leijs, De Groux, de Braekeleer, Stobbaerts, Mellery… Mais au musée ancien l’inégalable xve siècle l’avait pris : Van Eyck, Memling, Roger de la Pasture, les autres. Puis leur unique continuateur, le vieux Breughel, le seul qui, réfractaire à la mode, à la toute puissante influence de l’Italie évolua dans la tradition nationale. Breughel, il eut toute sa vie, pour lui, un vrai culte ; cet art archaïque et pourtant si vivant avait avec le sien de singulières analogies. D’avoir contemplé tant d’exemples magnifiques, il était pris d’une grande exaltation. À force d’admirer les vieux maîtres, il était dégoûté de la peinture moderne. En effet, l’art de notre pays au xve siècle est le sommet dans l’art de peindre ; d’un tel point de vue, les œuvres contemporaines paraissent bien vagues. Aussi ne fut-il pas distrait par l’art de mode ; l’art habile et creux, pour la chasse au succès ; son esprit était ailleurs, il ignorait tout ça. Cependant il voulait produire. Il aspirait à travailler à sa guise, sans influence, en pleine liberté ; maintenant qu’il sait bien ce qu’il veut, il n’a plus besoin que de la nature. Et voilà qu’il se rappelle être un jour passé, au cours d’une excursion en Ardenne, à travers un village perdu en pleine Fagne. Il le revit, maisons de moëllons, toits de chaume, hautes haies de hêtres, frustes et gris, avec tout autour la Fagne, jusqu’à l’horizon. Il ira habiter là. Il part pour Xhoffraix1, tout seul. Qu’on ne se trompe pas, il ne part pas en dégoûté de la vie, parce qu’il n’a pas su s’adapter : il ne part pas triste, plein d’amertume, en neurasthénique ; jamais la neurasthénie ne l’effleura, non, il part content, il va réaliser son idée, il en est tout joyeux. Et il resta là, plusieurs années, sept ou huit ans, hiver et été, presque continuellement2. Ce furent de fameuses années ! 1. Xhoffraix : village de la commune de Bévercé, situé au sud de la Baraque Michel et à 7,8 km au nord-est de Malmedy, sur un plateau au nord de la Warche. 2. En 1897, il abandonna Xhoffraix quelques temps pour faire un voyage en Hollande, le tour des musées, Rembrandt, Vermeer, Pieter de Hoog ! georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 15 Il logeait dans une auberge plus que rustique située à la bifurcation de la route de la Baraque et de celle de Hoquai, chez Charlier, petite auberge isolée, un peu en dehors du village. Toute la journée il s’acharnait à sa peinture et le soir, il lisait ; Flaubert surtout, religieusement. Il avait fini par savoir Madame Bovary par cœur ; dans l’austère chefd’œuvre, il puisait comme une direction morale. Bientôt il connut tous les habitants de l’endroit. Il les interpellait par leur prénom, avait ses entrées chez tous, s’installait au coin du feu, dans la marmaille ; avec hommes et femmes il fraternisait. Il avait vite appris à parler couramment leur wallon, il rendait des services, il donnait des conseils, il se disputait ; plusieurs fois il s’est battu. Il faisait partie du village. D’habitude, il revenait à Verviers du samedi au lundi. Quand il rapportait des travaux finis, c’était un événement pour moi. J’allais vite les voir et nous les discutions avec sincérité. Il me montra d’abord de grandes aquarelles d’un faire large et simple, peintes sur un dessin scrupuleux. Les meilleures d’entre ces aquarelles sont des modèles dans le procédé. S’il avait uniquement visé le succès, il n’aurait jamais abandonné ce genre difficile où il avait acquis une vraie maîtrise dans une note bien à lui. Mais la peinture à l’eau n’est pas faite pour le travail repris, complété, le travail en profondeur. La peinture à l’huile s’y prête mieux. Il l’aborda. Il a peint à l’huile de nombreux intérieurs. Parfois sans personnage – c’est l’âme des choses qui parle – mais souvent avec l’habitant. On le voit, entre les murs, en bas lambrissés de chêne, en haut blanchis à la chaux, sous le plafond à grosses poutres, sur le rude plancher ou les larges dalles inégales, vaquer aux besognes quotidiennes. Il est assorti à sa demeure faite de matériaux francs, solides, naturels, à ses meubles de chêne qui sont là sans doute aux mêmes places depuis combien de générations monotones. Le Brun à toutes les époques de sa vie a peint des intérieurs. Ceux de cette première manière sont des peintures lourdes, appuyées, sombres, d’une sobre intimité. Il a peint aussi à l’huile des têtes de paysans ; ce sont des portraits peints sans artifice, d’une vérité profonde. En même temps que ces peintures, souvent comme études pour elles, il faisait des dessins au fusain. Têtes âprement individualisées, surprenantes de vie, intérieurs grandement, profondément sentis. De cette époque aussi date cette série de dessins : personnages et animaux au travail. Ils sont le produit d’inlassables notations prises sur le vif ; des heures durant, butant dans les mottes. Il suivait, croquant leur mouvement, les bœufs à la charrue. Ce qu’il y a dans ces dessins, comprimés dans le simple trait qui les cerne, de vérité, de vie ! Comme tout çà [sic] sent la Fagne ! Ces études ont servi à composer des tableaux où l’on voit le naturel du pays avec ses bêtes à la besogne en plein air. Le plus important de ces tableaux est le triptyque : L’Automne à Xhoffraix [repr. p. 14] ; au centre Le Labour, à droite Le Berger, à gauche La Récolte de pommes de terre. C’est un grand poème rustique peint au pastel ; il est composé d’une façon géniale, je dis le mot, il est juste. Le peintre dit ce qu’il veut dire avec force, avec clarté, avec noblesse, avec originalité. Et c’est grand, ça déborde le cadre, c’est grand comme la terre. Il a créé ce tableau dans la solitude, en 1899, il avait 25 ans. La Cafetière sur le poêle, Xhoffraix, vers 1903, huile sur carton, 53 × 29 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-452. [77] 16 | georges le brun 17 Cette composition d’art si élevé, ce résultat de tant de labeur, jamais il ne l’a exposé. Il ne le trouvait pas suffisamment réalisé. Que de nobles choses d’ailleurs parmi celles dont je viens de parler, non seulement ne furent jamais exposées ; presqu’aucune [sic] ne l’a été ; mais ont été détruites par lui. Où sont les aquarelles du début ? Où sont tant de tableaux, de dessins ? Je me rappelle entre autres de magnifiques portraits d’arbres centenaires perdus dans la Fagne, de vieilles haies tordues, de rudes chemins ; je crains bien que la plupart n’existent plus. Il les a laissés se perdre. Que j’aurais voulu revoir tous ces témoignages d’une période de conviction si ardente. Il fut injuste envers ces œuvres, envers lui-même ; il fut trop modeste ou trop orgueilleux ; il était difficilement satisfait ; on aurait trouvé cela bien peut-être, qu’est-ce que cela pouvait lui faire si lui, il voulait mieux. D’entre les gens bien doués pour les arts il y en a de deux sortes : premièrement, ceux qui, étant donnés [sic] leurs dons, s’en servent pour arriver à obtenir par eux le plus de notoriété et, pardon de devoir prononcer dans un tel entourage le mot ignoble, de l’argent, le plus d’argent possible ; deuxièmement, ceux qui se servent de leurs dons pour arriver à faire le mieux qu’ils peuvent selon l’idée qu’ils se font de la beauté, qui s’efforcent d’approcher le plus près possible de leur idéal ; quant à la répercussion du résultat de leurs efforts sur le public, que celui-ci admire, qu’il se moque, qu’il grogne ou manifeste une parfaite indifférence la chose n’a pour eux aucune importance. De ces deux buts, Le Brun avait choisi le second. Il y a dans son œuvre plusieurs choses exagérées, frappantes, qui prêtent à la discussion ; un autre les aurait exposées, aurait encore même forcé la note afin d’attirer l’attention, de faire parler de lui. Le Brun, lui, les jugeait, il les trouvait incomplètes et ne les montrait pas. Heureusement, cependant, beaucoup de ces œuvres nous restent ; dans toutes perce la recherche du caractère, elles sont impressionnantes, elles arrêtent ; c’est précisément cette recherche visible du caractère qui les lui fit renier. Il y trouvait quelque chose d’exagéré, d’extérieur, de déjà vu croyait-il peut-être. Et certes dans ces œuvres fougueuses on sent passer le souffle épique déchaîné par Meunier ; mais comme il y est bien lui-même. Quand ce ne serait que par une sorte de sécheresse, de gaucherie (que l’on trouve d’ailleurs dans les œuvres qui suivront) qui, à côté de tant de hardiesse, donnent à ces dessins, à ces peintures je ne sais quelle saveur de fraîcheur et d’honnêteté ; car cette sécheresse et cette gaucherie inconscientes attestent une soumission aimante devant la nature admirable. Par la suite, à force de s’oublier toujours plus dans l’étude de la nature il se trouva plus intimement ; il la rendit avec plus de finesse et d’intimité. Le procédé du dessin rehaussé de pastel ou d’aquarelle lui plaisait. Il l’a beaucoup pratiqué. C’est dans ce procédé que l’on trouve surtout, venant après ses travaux de la première période à Xhoffraix, une suite de tableaux où son ardeur s’est retenue. Œuvres tranquilles, où le procédé cède s’oublie, où l’aspect matériel, le trait voulu, décoratif, s’effacent pour laisser le sentiment se communiquer sans mélange. Ces œuvres-là, il les a toujours aimées. Voyez par exemple, L’Homme qui s’en retourne [repr. ci-contre] et je cite aussi le délicieux paysage, Les Nuages roses [repr. p. 57] qui est dans ce genre, une œuvre exquise. La recherche de l’effet, de l’heure, est précisée, les nuances y sont, l’œuvre est toute attendrie. Ce tableau et plusieurs autres d’entre les plus remarquables de Le Brun étaient la propriété d’Émile Peltzer. Le Brun et lui furent de bons amis ; et je m’arrêterai un moment ici pour rendre hommage à Émile Peltzer. Tout jeune encore il se révéla comme un esthète au goût sûr, délicat, personnel, indépendant ; rien du snob qui suit les modes. Il ne la suivait sûr [sic] pas quand en 1902, il achetait des tableaux à Le Brun. Poussé par son goût pour les arts il s’y laissait aller généreusement et son flair de jeune connaisseur le guidait bien. Émile Peltzer allait venir se fixer à Verviers ; il eût été sûrement le mécène intelligent dont l’art ici avait besoin ; et voilà qu’après avoir échappé au danger de la guerre, car lui aussi s’était engagé, il meurt à 35 ans. C’est pour Verviers une perte sans doute irréparable. Plus le séjour de Le Brun à Xhoffraix se prolonge, plus sa manière de voir, de peindre, s’affine. L’homme qui s’en retourne, Xhoffraix, 1903, Ce qu’il fait est toujours construit, achevé, avec aquarelle sur papier, 47 × 62 cm. Localisation inconnue. [79] la même conscience, mais il pousse dans des voies nouvelles. Il s’est mis à étudier, enveloppant les choses, la lumière diffuse. Cette étude devient souvent dominatrice ; elle est caractérisée par plusieurs charmants tableaux dont les titres même qu’il leur donna indiquent la tendance : Symphonie en bleu [repr. p. 96], Le Soleil qui fuse [repr. p. 25] (cat. de l’exposition particulière à Verviers en 1904). D’autres fois il stylise le dessin, la couleur, avec grande discrétion d’ailleurs, comme dans ce paisible tableau : La Matinée sereine [repr. ci-dessous]. Et dans certaines toiles même ; parfois, par exemple dans : Le Bouquet de roses [repr. p. 164], perce une sorte de préciosité. J’aurais voulu, comme il convient, décrire plus de tableaux et montrer ainsi les tendances, les recherches multiples qui dans toutes ces œuvres qui nous entourent et qui sont si bien parentes indiquent les phases diverses de l’activité intellectuelle de celui qui les a créées. J’ai essayé. Quand j’ai relu ce que j’avais écrit, je n’ai trouvé, pour exprimer les nuances d’une variété originale que lourde monotonie et répétition de mots banaux et usés. Je suis confus, je suis attristé pour Le Brun, de constater si rudement qu’il aurait fallu ici quelqu’un connaissant les secrets de l’art d’écrire. Les œuvres de la dernière période à Xhoffraix malgré beaucoup d’intentions subtiles et littéraires restent rustiques et fortes ; mais le charme ambigu qui s’en dégage est très différent de celui des premières œuvres. Les dernières sentent moins la Fagne ; arrivé à ce moment l’artiste est poussé par le nouvel élan d’une inspiration plus intime, La Matinée sereine, Ovifat, juillet 1903, huile sur toile, 89 × 100 cm. New York, coll. privée. [70] 18 | georges le brun georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 19 plus subjective. Dès lors, Xhoffraix ne lui est plus nécessaire, il l’a, si je puis dire, vidé… provisoirement. Après cette longue réclusion laborieuse il est temps de s’évader, d’aller voir du nouveau, de se rafraîchir les yeux, le cœur, l’esprit ; il est temps de se replonger dans la vie. Il quitta son village et rentra dans le monde. Je puis moins intimement suivre cette partie, cette dernière partie de son existence ; mais si par intervalles l’intimité de son esprit m’échappa, du moins j’ai suivi la naissance de toutes ces œuvres. D’abord il fit un voyage en Italie (3 à 4 mois). Il a laissé une copieuse correspondance et de nombreuses pages où il a décrit cet inoubliable pélerinage et ses impressions d’art ; d’entre elles, deux lui restèrent palpitantes : la fresque de Benozzo Gozzoli [repr. p. 73], l’ineffable conteur et le temple de Pæstum ; sa majesté l’avait écrasé3. Puis un séjour de quelques mois à Paris. Il y peint deux curieux tableaux, clairs comme ceux des impressionnistes, mais stylisés : une Vue de Notre-Dame de Paris [repr. ci-contre] et Le Pont de la Concorde ; puis enfin, il revient à Bruxelles. Il y travaille dans l’atelier de Blanc-Garin ; académie libre où il se remet à l’étude du dessin. Il se fait des amis, artistes, écrivains, musiciens ; il va dans le monde. Vue de Notre-Dame de Paris, Paris, 1903, Mais voilà qu’un jour, on apprend qu’il fait une huile sur toile, 140 × 100 cm. Fondation Albert Vandervelden. [88] retraite à Thimister, dans le pays de Herve. Il y a peint plusieurs tableaux très poussés où il a mis toute sa persévérance à rendre les objets dans leur réalité. Le détail est représenté à fond, chaque pavé, chaque brique, chaque feuille presque est montrés [sic]. De ce scrupuleux travail où, par la force de sa volonté l’artiste s’absorbe dans son modèle émane une saine impression de calme. Voir : La Ferme au pays de Herve et La Ferme-château [repr. p. 10] (Musée d’Ixelles, salle Maus). À Thimister, il fit aussi de nombreux dessins, rehaussés ou non de couleurs ; personnages et intérieurs ; ils sont très simples et très complets. Après avoir passé, pendant un an ou deux, la plus grande partie de son temps à Thimister, il rentre à Bruxelles et, grand événement, il se marie (en 1904). Je ne m’occupe pas ici de la vie intime de Le Brun. Il faut cependant dire que sa femme, sa vaillante femme, sentait profondément les arts, qu’elle aimait l’art de son mari, elle le comprenait, elle en était fière. L’harmonie dans le ménage fut toujours parfaite. Après un séjour de quelques mois à Limburg a / d Lahn, ils vinrent se fixer à Theux. Deux enfants y naissent : un garçon et une fille. L’été le ménage allait souvent faire de longs séjours à Sancourt, près de Cambrai, chez des tantes de Madame Le Brun. Des voyages, des aventures, des amitiés nouvelles, se marier, avoir des enfants ; il vit, il a des distractions parfois, mais jamais l’art ne l’a lâché. 3. Il a rapporté d’Italie un seul dessin : Une rue à Florence le soir [repr. p. 70]. Ce dessin est la propriété de Mme Ve Levaux-Hauzeur. Il a été reproduit 20 | georges le brun dans l’album publié par l’œuvre : La Protection de l’enfance en 1901. Le cercle de ses admirations s’est élargi. Il a vu des œuvres nouvelles ; il admire ; il se passionne. Les impressionnistes l’avaient séduit. Il adorait Renoir, comment résister à ce frais Amour de la vie ? Mais Leys, Renoir, quel contraste ? Il s’agit de concilier ces contrastes, et tant d’autres. C’est la crise que doivent subir tous les artistes d’aujourd’hui. Il en sort d’ailleurs allègrement ; le jugement assoupli ; peignant plus clair ; mais il reste bien lui-même et si les œuvres peintes après son séjour à Xhoffraix sont différentes entre elles ; c’est d’une différence qui n’est que superficielle, qui tient à ce qu’elles furent peintes dans des lieux différents, Limburg, Sancourt, Thimister, Theux, mais par le profond elles sont semblables, et si, sans doute, le degré d’inspiration n’est pas toujours le même, elles sont bien toutes de la même main volontaire. Elle les a Le Potager de la Bouxherie au printemps, Theux, 15 mai 1907, pastel sur papier, 70 × 80 cm. Bruxelles, Musée d’Ixelles, toutes réalisées à fond sans jamais rien y laisser de inv. CC2800. [109] vague ou de hasardeux. À Theux dans sa maison il a peint ou dessiné une série d’intérieurs animés de personnages : sa femme et ses enfants ; ces œuvres sont remplies d’intimité, de distinction et de subtilité ; il a peint aussi à Theux des paysages dans la ville et aux environs. Citons le Grand Vinâve, c’est le portrait de sa maison4 et Le Potager de la Bouxherie d’un charme mystérieux [repr. ci-dessus]. Puis il va travailler à Lierneux, Francorchamps, etc. De cette époque date Le Village dans la vallée [repr. p. 83] (Hébronval) d’un style très pur, plein de sentiment, d’une éloquence mesurée. C’est beau, c’est très beau : Le Printemps à [Moulin du] Ruy [repr. p. 61], fraîche idylle, et des intérieurs d’un métier raffiné, où par exception dans son œuvre, il s’amuse à noter les couleurs pour elles-mêmes. Elles sont observées avec science dans l’aquarelle : La Ferme de la Haase [repr. p. 47], le ton des lointains bleus est rendu magnifiquement. Toutes ces œuvres ont pour sujet le village de la pleine Ardenne ; elles représentent des motifs analogues à ceux qu’il peignait à Xhoffraix. En effet peu à peu il s’était rapproché de la Fagne : Xhoffraix l’attirait. En le quittant il ne lui avait pas dit un adieu définitif ; il devait y revenir. Car après tout c’est là qu’il est vraiment bien pour travailler ; c’est là, plein de mâles souvenirs, son chez lui intellectuel. Il y retourne, il s’y retrouve, mûri, plus conscient, mais le même. Il va reprendre la tâche interrompue, la compléter, la clôturer ; une œuvre suprême ; où il se mit tout entier, la couronne. Au Salon de Liège du printemps de 1914, il exposait un grand tableau : La Haute Fagne [repr. p. 44-45] l’infini de la morne plaine, les fermes entourées de la charmille sans feuille, la bruyère, le genévrier, le ciel gris d’hiver plein de pluie froide, le départ symbolique de deux routes… L’œuvre fit sensation. En effet l’impression qui s’en dégage est prenante. L’artiste a synthétisé là des impressions diverses du pays, ses admirations. Il a 4. Acquis par le gouvernement en 1911, lors de l’exposition particulière, à la salle Studio, à Bruxelles. georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 21 La Salle à manger, Theux (maison Le Brun), 1906, pastel sur papier, 51 × 80 cm. Bruxelles, Musée d’Ixelles, inv. CC1571. [103] représenté la Fagne comme il l’a vue, aimée, rêvée ; la Fagne selon son cœur, sa Fagne. C’est son chef-d’œuvre ; c’est un chef-d’œuvre. On dirait qu’averti mystérieusement de sa fin prochaine (l’œuvre datée de 1914) il ait voulu, grave adieu, exprimer, en une fois toute son âme. Ce triptyque émouvant est exécuté avec calme et patience. Sur une préparation à l’aquarelle, il est travaillé au pastel et au crayon. De longues études minutieuses l’ont précédé. L’œuvre est savant. La grande ligne est émue ; mais voulue, consciente. Les détails, l’un après l’autre ont été dessinés sertis. Beaucoup d’ingéniosité, de recherches, d’intentions, et pourtant une rude impression de force et de grandeur. Cette grandeur est subtile, cette rudesse est ingénieuse. Grandeur, subtilité, alliance rare ; chez Le Brun elle est fréquente ; c’est la note caractéristique de son talent. Car Le Brun, son art le crie, ne fut pas un homme aux goûts simples, je parle des goûts de son esprit, comme sa vie à Xhoffraix, sa fraternisation avec les rustres, son insouciance pour tout confort pourraient le laisser croire. Ce garçon aux nerfs solides, ce blagueur incorrigible, ce nageur émérite, ce boxeur fameux était tout le contraire d’un réaliste ; un romantique plutôt, un idéaliste. Mais ne pataugeons pas dans ces mots vagues qui pour chacun de nous ont sans doute un sens différent. Le certain c’est qu’il aime le rare, le compliqué, il fuit le terre à terre, l’ordinaire, le bourgeois. Moralement et physiquement il se plaît hors de la vie courante ; il lui faut un cadre d’art, mais qui n’ait pas servi. S’il a aimé Xhoffraix, c’est qu’il a trouvé là un ensemble de gens et de choses qui, depuis des ans et des ans n’avaient pas changé. C’était les mêmes mœurs, les mêmes habitations, les mêmes métiers, les mêmes outils, qu’il y avait des siècles. Dans ce milieu pittoresque, il vivait une vie fruste, brutale parfois, délicieusement rude, hors de la banalité de la vie ordinaire, hors du siècle. 22 | georges le brun Et si, marié, il a choisi Theux pour résidence, ce fut en grande partie pour habiter dans cette belle maison ancienne dont la façade évocatrice arrête tous les gens sensibles qui traversent la place de la petite ville. Et comme il a soigné l’intérieur de sa maison ! Comme il l’a complétée, la meublant exclusivement de meubles et d’objets anciens ; bahuts, coffres gothiques, meubles Louis XVI, faïences, étains ! Ce sont les vieilleries habituelles, mais ici choisies par un artiste, présentées d’une façon moderne si personnelle, toutes une à une et dénichées par lui chez le paysan et acquises, avec quelles ruses ! Déjà, au commencement de son séjour à Xhoffraix, quand de retour de Verviers il m’avait montré ses nouvelles peintures, il allait me chercher, par exemple, un vieux plat de faïence dont il me détaillait son admiration pour le dessin, le ton, la matière. En tout cas, dans ses tableaux on trouve le fini minutieux, le détail rare et la stylisation, un goût pour l’archaïque et la symétrie, le précieux, le naïf, l’ingénieux, mais on trouve aussi la grandeur et la force. Ce sont des éléments contradictoires pris à part, sans doute, mais leur mélange imprègne ses travaux d’une singulière saveur. À la fois il voyait compliqué et grand et c’est je le répète le piquant de son art. Le Brun n’était pas un sensuel. Sa peinture se goûte avec l’esprit ; elle est bien d’un Wallon d’Ardenne ; elle est bien le produit de la fréquentation depuis l’enfance de notre paysage. Et notre paysage offre aux peintres peu de ressources, semble-t-il ; du moins, c’est un pauvre pays pour un amateur de couleurs, d’effets à grands spectacles. Sa lumière est sèche, sa couleur monotone est souvent dure. C’est le dessin qui domine ; c’est lui qui parle surtout. Tous les aspects du pays ont quelque chose de construit ; même quand le rocher n’affleure pas on sent toujours que le sol s’appuie sur sa solidité énergétique. Cette rude assise supporte toute la souple fantaisie de la végétation. La couleur chez nous, n’a ni rutilance, ni langueur : dans les saisons froides, des gris grêles, d’une variété subtile et qui se contentent modestement de rehausser le dessin, de le compléter, le mot couleur est bien lourd pour désigner cette coloration toute spirituelle, l’été, du vert partout, prairies, haies, collines boisées, vert de plantes vivantes, sans fadeur, plutôt aigre, noir même parfois. Dans les sites resserrés, le détail joue un grand rôle, les fleurs, les fruits sauvages, les pierres, toutes les différentes pierres. Et ses aspects sont variés ; brusquement, à tout bout de champ, ils changent, souvent contradictoires tenant ainsi toujours la sensibilité, l’esprit en activité. Ce pays est très difficile à peindre. Beaucoup y renoncent. Il n’y a rien à peindre ici, disent-ils, et ils vont à Venise, en Flandre, en Espagne, en Provence, retrouver dans la nature les sujets consacrés. Comme il est difficile à peindre ! Pourtant il a son charme ; personne ne le nie. Sans hausser la voix il nous dit des paroles fraternelles. Ce charme est inédit, il n’a pas encore été formulé, il est trop complexe, sans doute, pour l’être. Pour le fixer un peu il faut l’avoir senti soi-même, car ici, aucune formule, aucun modèle à imiter. Il faut l’extraire ce charme de la nature, avec son cœur et son esprit. Le Brun avait l’amour, la finesse, la volonté, le désintéressement qu’il faut pour y arriver. Quant à son métier, il est toujours curieux et personnel, comme tout métier appris seul. Il travaille d’une manière patiente et ingénieuse car il n’a garde de confondre l’expression de la force avec la force de l’expression ; je veux dire qu’il sait bien que ce n’est pas une facture primesautière, agitée, heurtée qui exprime la force, qui en communique l’impression ; ce débraillé est une faiblesse, comment pourrait-il traduire la force georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 23 La Grande Charmille. Neige, Longfaye ou Xhoffraix, 1913, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 54,4 × 76 cm. Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 8634. [135] profonde que l’artiste sent, qu’il voit dans la nature. Pour y arriver il faut de persévérants, de méthodiques efforts vers un but bien défini, de la lenteur et ne rien négliger. La puissance du miraculeux Van Eyck peut se regarder à la loupe. Aussi le métier de Le Brun n’est pas celui où s’affiche la facture, le coup de brosse ou le coup de crayon. Sa fougue ne l’entraîne pas, il la domine, même dans ses œuvres de jeunesse. Méthodiquement son travail est mené à bien. Il prépare des dessous et petit à petit, par couches successives il arrive à la réalisation. Séance après séance il reprend son ouvrage, il y vit, il s’y plaît, il est triste quand fini, il faut l’abandonner. Si c’est nécessaire, il attendra un an, le retour de la tache de soleil, à la bonne place dans la chambre. Et toujours il pense à son tableau, le vit, le rêve. Il le rêve, mais l’étude de la nature est toujours là scrupuleuse ; à tout ce qu’il a produit elle sert d’assise ; c’est la base saine, le rocher solide sur lequel son œuvre est construit. Le Brun ne tenait pas à montrer le produit de son travail au public. Le public et lui ne s’aimaient guère. On a vu de ses tableaux à divers Salons triennaux ; mais il n’a pas participé à tous. Il envoyait sans goût à ces exhibitions hétéroclites. En 1903, Octave Maus l’a invité à participer au Salon de La Libre Esthétique ; il y envoya quelques tableaux ; et, dans le courant de sa carrière il a fait à Verviers, Liège et Bruxelles La lumière qui fuse ou Le soleil qui fuse, Xhoffraix, 1903, huile sur toile, 54,5 × 37,5 cm. Coll. privée. [76] 24 | georges le brun 25 quelques expositions particulières5. Ces expositions particulières il les a toujours faites avec d’autres artistes. Il fallait le solliciter pour qu’il se joigne à nous, il acceptait, mais à condition de n’avoir pas à s’occuper d’autre chose que d’envoyer ses tableaux. Jamais il n’a exposé seul, les embarras que procure l’organisation d’une exposition lui semblaient disproportionnés avec le désir qu’il avait de montrer ses tableaux. Cette exposition-ci est la première où ses œuvres sont réunies. Pour la première fois l’on peut se rendre compte de son art, quoique nous n’ayons malheureusement pas pu obtenir certaines œuvres intéressantes appartenant à des particuliers. Chaque fois qu’il a montré ses peintures, elles intéressèrent beaucoup ceux qui comprennent l’art de peindre. Leur charme spécial séduisit un groupe de personnes au goût subtil et même certains critiques d’art les comprirent, les aimèrent, en parlèrent dans les journaux. Dans les journaux, pourtant, son nom n’a pas beaucoup traîné. Il s’occupait peu de ça, il ne faisait vraiment rien pour ça, au contraire. En effet, aimer les grandes époques, ne tenir aucun compte de la mode, vivre Porte de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905, de longues années dans la solitude, c’est un bien fusain et pastel sur papier, 62 × 49 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-460. [95] mauvais moyen pour arriver, rapidement, à la notoriété. Et puis l’amour propre de Le Brun était énorme. Il était sûr de sa valeur. Il aurait comme un autre accepté le succès : mais s’abaisser, pour l’obtenir il n’aurait pas pu. Il ne s’occupait pas de ça d’ailleurs, je l’ai déjà dit, il s’agissait pour lui de peindre le mieux qu’il pouvait. Le reste était sans importance. N’était-ce pas ainsi que Leys, de Brackeleer, De Groux et tous les autres qu’il a tant admirés, ont travaillé ? D’entre eux, plusieurs, de leur vivant, ne furent pas plus connus du bourgeois que lui… Il avait la tête pleine de projets de tableaux, il en avait en train ; bien portant, tranquille, il y travaillait, toujours optimiste, quand la guerre éclata. Il abandonne tout. Il court mettre sa santé, son énergie, au service du pays. Carabinier volontaire, il a été tué aux premières lignes, à Stuijvekenskerque, le 26 octobre 1914. Il avait 41 ans, il était parti sans calcul ni hésitation, plein d’enthousiasme. Tout le temps de sa courte campagne il s’est conduit comme un jeune brave. Jeune brave, oui, jeune ; 5. Mars 1904, Verviers, salle de la Société des beaux-arts avec Mlle Bertha Centner et M. Pirenne ; mars 1905, Liège, boulevard de la Sauvenière avec M. Pirenne ; décembre 1911, Bruxelles, salle Studio avec P. Delcour, Ph. 26 | georges le brun Derchain, A. Donnay, M. Pirenne ; décembre 1912, Bruxelles, salle Studio avec P. Delcour, Ph. Derchain, A. Donnay, M. Pirenne ; mai 1913, Liège, rue des Chiroux avec A. Chainaye, F. Colley, P. Delcour, Ph. Derchain, M. Pirenne. La Croix, Xhoffraix, 1913, fusain et mine de plomb sur papier, 46 × 60,5 cm. Coll. A. Doms. [128] à son âge, il n’avait rien perdu dans les hasards de la vie, de la foi, de l’exaltation, du joyeux courage, des mépris, du gaillard de 17 ans qui voulut, mordicus, se faire peintre. Le quadragénaire était resté digne du jeune homme ; il avait jusqu’au bout vécu son idéal. Selon cet idéal il a fini héroïquement sa vie ; et il aura trouvé çà [sic] bien. Mais nous, regretterons-nous jamais assez une telle vie fauchée dans sa vigueur ? Mais son œuvre hautaine reste, et son exemple. note En novembre 1914 un avis officiel du gouvernement belge, annonçait à Mme Le Brun que son mari avait été blessé. Sur cette sorte d’avis imprimé le commandant de Georges Le Brun avait écrit à la plume : « C’est un brave, il a été blessé à cause de son excès de courage. » Quelques temps après Madame Le Brun recevait une lettre de ce commandant qui donnait des détails aggravant la nouvelle. On se trouvait à Stuijvekenskerke, en première ligne ; un message important devait être porté à l’arrière, mission périlleuse. Le Brun se présenta. Il partit, la mission fut remplie ; mais frappé au retour sans doute, le brave ne revint pas. Jamais on ne l’a revu. Pendant toute la guerre des nouvelles contradictoires entretinrent l’espérance ; mais après l’armistice il a fallu accepter la certitude de sa mort héroïque. georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 27 À PROPOS DE GEORGES LE BRUN Homme balayant, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier, 58 × 58 cm. Bruxelles, coll. privée. [36] 28 Denis Laoureux Georges Le Brun ou les louanges du quotidien Cette contribution a pour objectif premier de proposer une vision monographique de la carrière artistique de Georges Le Brun sur la base de l’établissement aussi complet que possible du corpus d’œuvres, des dessins préparatoires aux tableaux, et de la documentation écrite qui accompagne ces derniers. On trouvera dans la dernière partie du présent ouvrage une vision de l’ensemble des pièces connues produites par Le Brun. Une seconde ambition a aussi orienté la rédaction de ces pages : situer le parcours de Le Brun dans la sociologie du symbolisme. Doit-on considérer que notre homme a entrepris naïvement de devenir le « peintre de la Fagne1 », ou peut-on déceler sous l’esthétique de ses tableaux une logique qui s’apparente à un positionnement dans le champ artistique belge ? On peut dire à cet égard que les cadres conceptuels mobilisés par les commentateurs de Le Brun et de ses contemporains ont contribué à livrer de l’artiste une image qui nous semble devoir être nuancée sur deux points. On doit se demander si la dimension vernaculaire présente dans les tableaux de Le Brun suffit à ériger ce dernier en chef de file d’une « école de Verviers ». L’existence de celle-ci est-elle une projection de la critique ou une réalité factuelle ? Autrement dit, Le Brun a-t-il vraiment été un peintre de la Fagne à la tête d’une « école verviétoise » de peinture ? On doit aussi se demander si le portrait de Le Brun en peintre retranché dans la Wallonie profonde correspond à la réalité d’un artiste coupé de toute sociabilité. Autrement dit, Le Brun est-il un naïf imagier du folklore wallon et du paysage ardennais ou sommes-nous devant un peintre ayant un projet esthétique qui suppose un positionnement dans la géopolitique culturelle de la Belgique fin-de-siècle ? Un peintre de la Fagne à l’« école de Verviers » ? La psychologie des peuples chère au xixe siècle a considéré que l’art était le fruit du milieu naturel dans lequel il est produit et que, dès lors, des liens infrangibles se tissaient entre esthétique et géographie, entre art et race. Le Brun, né à Verviers, ayant séjourné 1. Émile Desprechins, Georges Le Brun. Peintre de la Fagne, Bruxelles, Van Oest, 1925. L’homme qui passe, Xhoffraix, vers 1900-1903, fusain sur papier vergé, 47 × 62 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-453. [60] Vue de la Fagne, Xhoffraix, n.d., aquarelle sur papier, 38 × 55 cm. Localisation inconnue. [140] Vue de Fagne, s.l.n.d., aquarelle sur papier, 34,5 x 44 cm. Coll. privée. [152] entre 1894 et 1903 dans divers hameaux situés sur les hauts plateaux ardennais serait le « peintre de la Fagne ». Quel sens donner à cette formule ? Elle désigne un premier ensemble de tableaux : les vues panoramiques, aériennes, du plateau des Hautes Fagnes où la nature semble se dissoudre dans l’atmosphère pour former une image cosmique confrontant le spectateur à sa propre finitude. Ces plaines désertes, marécageuses, battues par les vents, répondent à l’image que l’on a pu se faire d’une sorte de paysage des premiers âges. Un paysage d’allure primitive donc, qui, selon Émile Desprechins, « n’opère que sur les grandes âmes2 ». Parallèlement à ces paysages, Le Brun a représenté des scènes montrant des êtres humbles dans le déploiement de gestes quotidiens liés tantôt au travail de la terre, tantôt aux tâches domestiques de la vie paysanne. Dans certains tableaux, la présence humaine est anecdotique. Dans ce cas, c’est le dialogue entre une figure réduite à une silhouette et l’intérieur de la maison qui se trouve être le centre de la représentation. Ce sont là les deux facettes du travail de Le Brun en tant que « peintre de la Fagne » auxquelles les commentateurs ont par ailleurs associé des qualités plastiques propres : la dilution du réel dans les nuances chromatiques de l’atmosphère pour les paysages et l’extrême précision dans le dessin pour les scènes d’intérieur. Autour de ces principes aurait pris corps une prétendue « école de Verviers » dont Le Brun aurait été le chef de file. C’est au conservateur du musée des Beaux-Arts de Liège, Jules Bosmant, que l’on doit cette appellation reprise par d’autres auteurs3. Cette formule doit être resituée dans son contexte idéologique pour être justement comprise. Pour le dire vite, le propos de Bosmant est une sorte de réaction à l’assimilation de l’art belge à l’art flamand comme étiquette commode pour situer les productions nationales dans une « âme du Nord » distincte du modèle français. Cette équation entre l’art produit en Belgique et une étiquette flamande est une vieille lune qui remonte à la création de la nation et traverse le xixe siècle jusqu’à la somme de Jules du Jardin sur L’Art flamand en 1896. Dans son essai de 1906 sur L’École belge de peinture, Camille Lemonnier a repris 2. Ibid., p. 12. 3. Jules Bosmant, La Peinture et la sculpture au pays de Liège de 1793 à nos jours, Liège, Mawet, 1930, p. 289-293. Sur la notion d’« école verviétoise » 32 | georges le brun de peinture et sa fortune critique, on se reportera avec profit à la contribution de Jean-Marie Klinkenberg dans le présent ouvrage. cette vision à laquelle l’historien de l’art Fierens-Gevaert donnera une forme universitaire à la fin des années 19204. À cela s’ajoute le fait que le symbolisme belge s’est largement tourné vers le préraphaélisme anglais, l’idéalisme allemand et la littérature française. Le symbolisme apparaît ainsi, dans le contexte idéologique des années 1920 dont on sait qu’il fut marqué par un patriotisme nourri par l’épreuve de la Première Guerre mondiale, comme une esthétique infléchie par des courants venant de l’étranger. La dimension nationale de ce mouvement résiderait alors dans son caractère flamand, ce à quoi Bosmant ne peut se résoudre. Son volume sur l’art au pays de Liège devait sortir la dernière phase du symbolisme d’une assimilation à l’art flamand. C’est à cette démonstration que sert l’invention de l’« école de Verviers ». Du moins à son origine. Il n’est évidemment pas question ici de nier l’importance que le monde des Hautes Fagnes a eue pour Le Brun. Loin de là. Disons-le sans ambages : ses tableaux sont enracinés dans l’Eiffel. Nous y reviendrons. Il n’empêche que les faits contredisent l’idée d’une « école ». Une « école » suppose un groupe structuré autour d’une figure dominante, charismatique, et fondé sur des paradigmes visuels spécifiques repris par une phalange d’épigones qui s’y reconnaissent. Le Brun n’a rien d’un chef de file et ne se pense pas comme le centre d’une structure. Il se garde de toute posture « manifestaire ». Ses écrits relèvent plus de l’érudition et du compte rendu que du positionnement théorique. Les cinq expositions collectives auxquelles il contribue entre 1904 et 1913 avec des confrères changeant en fonction des événements – citons Maurice Pirenne, Auguste Donnay, Philippe Derchain et Pierre Delcour – donnent certes à penser qu’une mouvance a existé, mais certainement pas un groupe organisé en école. Vieux en sarrau, Xhoffraix, vers 1895, aquarelle sur papier, dimensions et localisation inconnues. [34] Un artiste isolé dans la Fagne ? Venons-en à la seconde nuance. Pour s’inscrire en tant que discipline dans le champ des sciences humaines à la fin du xixe siècle, l’histoire de l’art s’est donné des outils de lecture de l’œuvre d’art : le style, l’iconographie et la technique. 4. Il est possible que Bosmant, conservateur du musée des Beaux-Arts de Liège et donc gestionnaire d’un patrimoine wallon, ait été en concurrence au sein du même champ scientifique avec Fierens-Gevaert, titulaire en 1926 de la chaire d’histoire de l’art de l’Université de Liège, et donc plus orienté, à ce stade de sa carrière, Tête de femme au bonnet, s.l.n.d., fusain et crayon sur papier, 59 × 44 cm. Coll. A. Doms. [154] vers un discours historique indépendant de toute exigence muséale de valorisation patrimoniale. La somme que donne Bosmant en 1930 serait, vu comme cela, une réplique muséale aux thèses universitaires sur la peinture flamande soutenues par Fierens-Gevaert dans les volumes qu’il publie en 1929. georges le brun ou les louanges du quotidien | 33 La Faux, Lierneux, juillet 1912, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier, 39 × 62 cm. Paris, coll. privée. [125] Ces concepts expliquent l’art au départ de l’art lui-même et non au départ d’un point de vue externe. Il a fallu attendre l’émergence d’une histoire sociale de l’art pour que les œuvres étudiées se voient inscrites dans les logiques sociales et institutionnelles de leur temps : les regroupements tactiques, les alliances stratégiques, les expositions publiques et privées, les relations avec les acteurs décisionnels, les positions théoriques véhiculées par le discours, le développement du marché et la fixation des prix de vente sont des éléments dont la sociologie de l’art a montré toute l’importance pour une vision de la réalité de la vie artistique sans doute moins romantique, mais plus exacte. Le Brun n’y échappe pas. Ce qui se joue ici, c’est bien le rapport complexe entre l’individu en tant que créateur solitaire et le groupe comme facteur de sociabilisation, et donc de visibilité de la création artistique. Ce rapport entre individualité et collectivité, Le Brun le négocie de manière particulière. Trois traits peuvent être identifiés pour éclairer la manière avec laquelle il s’inscrit dans le monde de l’art. i. le premier trait concerne le positionnement de Le Brun dans le champ artistique, c’est-à-dire l’image qu’il donne de son travail, ce qu’il décide de montrer et dans quel cadre. On est enclin à penser que le retrait de l’artiste dans un hameau du bout du monde, dont il ne cesse de dessiner les intérieurs avec méticulosité, son goût pour l’allure singulière des hauts plateaux ardennais constituent, en eux-mêmes, les ingrédients d’un positionnement artistique. Ce positionnement tire sa logique de sa marginalité que Le Brun assume et même revendique à travers la mise en scène presque stéréotypée, maniaque oserait-on dire, en tout cas très savamment construite, de signes issus du monde ardennais. Tel est le mode sur lequel Le Brun fait son entrée dans le monde de l’art en 1899. Il expose pour la première fois au Salon des Beaux-Arts de Gand en 1899 et, la même année, à La Libre Esthétique5. Les pièces envoyées sont précisément celles 34 | georges le brun qui théâtralisent la vie quotidienne dans la zone rurale reculée où Le Brun vit. On est ici assez proche de la posture adoptée à peu près au même moment par Elskamp lorsque celui-ci envisagea sa production graphique comme une relecture de l’iconographie populaire anversoise6. En 1903, Le Brun envoie deux pièces à La Libre Esthétique et il participe au Salon triennal qui a lieu cette année-là à Bruxelles. Il exposera bien évidemment à Verviers, en 1901 et 1904, mais il était manifestement évident pour lui que sa ville natale ne pouvait offrir aucune reconnaissance crédible à l’art indépendant qu’il pratiquait. En effet, la bourgeoisie de Verviers n’a pas accompagné ses succès économiques – l’industrie lainière y fut florissante – par une dynamique culturelle tournée vers l’art moderne. Liège ? Certes, Le Brun participe à des expositions collectives qui y sont montées (en 1905, 1912, 1913 et 1914) avec Donnay, Pirenne, Delcour et Derchain. Mais les pièces qu’il envoie correspondent non pas à celles de son séjour dans les Fagnes, mais bien aux dessins qu’il a consacrés à sa vie familiale dans la ville de Theux où il s’est installé avec son épouse en 1904, et où il a vécu jusqu’à sa mort avec ses deux enfants nés en 1905 et 1907. Bref, notre homme a une vision précise de la géopolitique culturelle interne à la Belgique. Il sait ce qui à ce moment constitue encore des instances de reconnaissance, à savoir le Salon triennal et le cercle bruxellois d’Octave Maus. Constantin Meunier, dans une tout autre proportion, avait déjà adopté la même stratégie consistant à être présent sur ces deux fronts en même temps7. Le Brun évitera le Cercle artistique et littéraire de Bruxelles, sans doute en raison de l’affaire Pirenne de 19058. ii. le brun appartient à l’élite sociale d’une ville bourgeoise de province où il naquit en 1873. En 1893, il s’inscrit à la faculté des sciences de l’Université libre de Bruxelles. Il arrête ses études de médecine un an plus tard pour se consacrer à l’art dans une optique résolument anticommerciale et sans avoir reçu de formation académique poussée. C’est à ce moment qu’il s’installe loin de tout, à Xhoffraix. Ce rejet de l’institution universitaire au profit de l’art, de Bruxelles au profit d’un hameau, de la ville industrielle au profit du monde paysan est une prise de distance à l’égard d’un état social bourgeois, philistin, constituant du point de vue d’un esthète comme Le Brun une forme de dévalorisation. C’est là une posture typique de la sociologie du symbolisme. Se retirer dans la campagne, se mettre en marge est en effet une attitude qui correspond au discours antibourgeois qui caractérise très souvent le positionnement des artistes et des écrivains actifs dans le champ du symbolisme9. Ceux-ci voient dans leur activité le signe d’une élévation morale constituant une forme de noblesse qui ne passe ni par la robe ni par le sang, mais par la hauteur d’esprit. Le Brun dispose manifestement d’un maillage relationnel 5. À Gand en 1899, Le Brun expose Le Caban [repr. p. 108]. Cette pièce figure la même année aux cimaises de La Libre Esthétique avec L’Heure silencieuse et Le Jardinier de novembre. En 1893, Le Brun avait fait une première tentative en soumettant, sans succès, son Port de Bruxelles, le soir [repr. p. 90] au jury de sélection. 6. On pense au volume L’Alphabet de Notre-Dame la Vierge (1901) et aux images des Sept Notre-Dame des plus beaux métiers tirées entre 1903 et 1905, puis exposées en 1908 au Salon des Violons d’Ingres organisé à Bruxelles. 7. Denis Laoureux, « Constantin Meunier et l’art d’être vu : usages de l’exposition », in Constantin Meunier 1831-1905, cat. exp., Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 20 septembre 2014-11 janvier 2015, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Lannoo, 2014, p. 119-157. 8. Une exposition Pirenne prévue au Cercle artistique et littéraire a été annulée. L’artiste fut averti la veille de la date du vernissage. Après coup, finalement, des tableaux ont tout de même été exposés, mais sans que Pirenne en soit averti. La manœuvre a choqué l’artiste. Par amitié, Le Brun en a fait un billet d’humeur qu’il a publié dans L’Art moderne le 31 décembre 1905. 9. C’est là l’objet de l’essai de Nathalie Heinich, L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, 2005. georges le brun ou les louanges du quotidien | 35 Sur les remparts de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, septembre 1904, fusain et pastel sur papier, 24 × 38 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-429. [92] qui lui ouvre les portes de La Libre Esthétique et le conduit à la revue L’Art moderne. Il est remarquable que la carrière artistique de Le Brun commence à Gand et à Bruxelles, et non à Verviers ni à Liège. iii. le troisième trait, celui de l’autonomie économique de Le Brun, est plus difficile à démêler et invite à la prudence. Certes, Le Brun a travaillé dans une usine de galvanoplastie en Allemagne en 1904, à Limburg an der Lahn, mais c’est à peu près tout ce qu’on sait de sa vie professionnelle non artistique. Il semble avoir disposé de moyens matériels aisés. On éprouve des difficultés à imaginer ce jeune homme quitter l’Université libre de Bruxelles pour se lancer en 1894 comme ouvrier agricole dans le hameau de Xhoffraix, où il s’installe en bourgeois parfaitement inconnu. L’essentiel de son activité sur place a été la création artistique. Le Brun a pu vivre par et pour son art sans avoir à s’intégrer au système marchand-critique qui régule un marché dans lequel il n’a visiblement jamais eu l’intention de s’inscrire. Ces trois facteurs permettent de comprendre le positionnement assez singulier que Le Brun adopte dans le champ artistique belge : envoyer dans des lieux à caractère légitimant des pièces conçues à dessein comme la mise en scène d’une identité vernaculaire forte et cela, paradoxalement, sans souci de professionnalisation, c’est-à-dire sans attendre de reconnaissance venant de la critique, ni tenter de se faire une place dans le marché de l’art. De Bruxelles à Xhoffraix En 1893, Le Brun se voit refuser l’accès au Salon de Bruxelles où il avait envoyé le Port de Bruxelles, le soir [repr. p. 90]. Peu après ce refus, il commence des études de médecine. L’année suivante, il quitte la capitale pour un hameau ardennais situé loin de tout. Son but ? Être peintre. Il est quasiment autodidacte. Tout au plus a-t-il reçu quelques conseils 36 | georges le brun du peintre Constant Simon lorsqu’il était à l’Athénée de Verviers. Sans doute est-ce pour cette raison qu’il tente un retour sur Bruxelles en 1895. Il s’inscrit alors à l’Académie des beaux-arts, qu’il quitte après quelques jours à peine pour revenir dans la Haute Ardenne où il restera jusqu’en 1903. Tout indique que Le Brun, à l’instar de Degouve de Nuncques, voit sa formation comme le développement personnel des aptitudes qu’il se reconnaît : don du ciel, goût de la solitude, culture du raffinement, élévation spirituelle, personnalité singulière. Le Brun n’est pas le seul artiste à effectuer un mouvement de reflux vers la campagne. Léon Frédéric s’installe à Nafraiture, Auguste Donnay vit à Méry-sur-Ourthe. Les séjours de Fernand Khnopff à Fosset participent d’un même esprit : le peintre revient sans cesse sur le même lieu, non pour isoler l’instant à travers une méthode sérielle comparable à celle de Claude Monet, mais bien pour saisir la part immuable de la nature. Cette dynamique de retour à la nature touche aussi la campagne gantoise qui voit le village de LaethemSaint-Martin accueillir une colonie d’artistes parmi lesquels se trouve George Minne. Dans le cas de Le Brun, le choix d’une région aussi reculée que les Hautes Fagnes semble être une réaction à ses origines verviétoises. Rappelons que Verviers est une ville qui a connu un développement important au xixe siècle grâce à l’industrie de la laine. Comme tous les sites industriels belges, cette ville traverse une crise économique dans les années 1880 ; une crise qui entraîne un climat de tension sociale face auquel Le Brun, fils d’ingénieur industriel, a pu éprouver des difficultés. Son installation à Xhoffraix correspondrait en cela – ses tableaux le montrant à foison – à une volonté de retrouver l’authenticité d’une société ramenée à des gestes essentiels, premiers, immuables, qui rendent l’homme complice de la terre. Au vu du profil social de Le Brun, se retirer dans la campagne pour devenir artiste est loin d’être un acte innocent. C’est une opposition. Une double opposition, à vrai dire, qui donne au parcours de Le Brun une part de sa modernité, car être moderne dans la fin-de-siècle, c’est être en opposition. D’une part, le retrait de Le Brun à la campagne est une résistance sociale : il s’agit de trouver autre chose que le monde industriel qu’il connaît par ses origines familiales en magnifiant l’ordre de la ruralité, en sanctifiant les gestes paysans. D’autre part, c’est aussi une résistance esthétique : il s’agit de prendre du recul par rapport à un symbolisme jugé trop littéraire, trop pesant, et face à un impressionnisme conventionnel, en magnifiant le paysage comme s’il recelait une part de sacré. Des poèmes rustiques Le Brun s’installe dans le hameau de Xhoffraix en mars 1894. Il reste dans cette région jusqu’en décembre 1903. En réalité, il n’y demeure pas de manière permanente. Il revient régulièrement dans la maison familiale de Verviers. Si l’on en croit les notes figurant dans ses agendas, le moins qu’on puisse dire, c’est que Le Brun quitte régulièrement la campagne de Xhoffraix10. Ses années passées dans les Fagnes relèvent tantôt de l’immersion ponctuelle, tantôt de la retraite prolongée, mais certainement pas du séjour permanent. À partir de janvier 1895, Le Brun passe quelques mois à Bruxelles et s’inscrit dans la classe de Portaels avant de laisser cet enseignement académique pour revenir à Xhoffraix. 10. Ces notes ont été publiées dans Maurice Pirenne, Georges Le Brun 1873-1914. Sa vie de peintre, Verviers, Société des beaux-arts, 1920, p. 28-29. georges le brun ou les louanges du quotidien | 37 En 1897, il voyage durant un mois en Hollande. Le Brun passe l’année 1898 à Bruxelles et ne rentre qu’en mars 1899 à Xhoffraix. Ses contacts avec Maus datent sans doute de ce moment. À partir de mars 1899, une année s’écoule dans la campagne ardennaise avant que Le Brun ne reparte pour l’Italie du 15 mars au 1er juin 1900. À son retour, il passe quelques semaines à Xhoffraix, puis s’installe dans le pays de Herve, à Thimister, où il ne reste que deux mois. C’est alors à nouveau à Bruxelles qu’il retourne, d’octobre 1900 à mars 1901. Il revient ensuite à Thimister, puis repart à Xhoffraix, revient à nouveau dans le pays de Herve pour repartir dans les Fagnes, cette fois dans le hameau de Longfaye. Nous sommes alors en juillet 1902. Une bonne année passe et, en décembre 1903, il part vivre deux mois à Paris. Son tableau Une vue de Notre-Dame [repr. p. 20] date de cette époque. Il revient six mois, sans doute à Verviers, puis part pour l’Allemagne en août 1904. Quelques semaines plus tard, c’est le retour au pays : le mariage de Georges Le Brun et Nathalie de Roissart est célébré à Bruxelles le 1er octobre 1904. Le couple s’installe au pied des Hautes Fagnes, L’enfant qui met ses souliers, Xhoffraix, vers 1903, à Theux, dans une maison du xviie siècle où fusain et crayon sur papier, 62 × 49 cm. Bruges, coll. privée. [86] Le Brun restera jusqu’à sa mort. Durant cette époque, donc entre mars 1894 et décembre 1903, Le Brun a consacré son travail artistique au monde rural. Ce qu’il a d’abord cherché à montrer, ce sont les gestes paysans à travers lesquels se révèle une authenticité existentielle que la vie moderne délite ou rend impossible. C’est à ce moment-là que Le Brun multiplie les portraits réalistes des paysans qu’il côtoie et les scènes d’animaux travaillant au champ. Pirenne a signalé que la pièce la plus significative de cet aspect du travail de Le Brun est le tableau L’Automne à Xhoffraix [repr. p. 14] peint au pastel en 1899. Il s’agit d’un triptyque déployé sur les temps forts de la vie paysanne en Ardenne. Le panneau central, aujourd’hui perdu, mais dont on conserve une photographie, montre une scène de labour où des paysans creusent des sillons à l’aide d’une charrue tirée par des bœufs. Le volet de gauche met en scène un paysan debout, prenant appui sur le manche de la fourche qu’il utilise pour la récolte de pommes de terre. Enfin, le panneau de droite montre un berger, vu de dos, faisant paître ses moutons dans une prairie bordant un champ. La composition du triptyque est équilibrée. Deux personnages debout, en attente, occupant l’essentiel du panneau, encadrent une vue centrale montrant un paysage ouvert comme une étendue déployée à l’infini et dans laquelle l’homme agit : le paysan est paysage puisqu’il est nature. On comprend que Pirenne ait vu dans ce tableau « un grand poème rustique11 ». 11. Ibid., p. 12. 38 | georges le brun Intérieur de ferme, Xhoffraix, 1903, fusain et crayon sur papier, 25 × 35 cm. Coll. Famille Crismer. [75] Le tragique quotidien de la paysannerie Au travail agricole répondent les gestes immémoriaux effectués dans l’enceinte de la maison. Une femme filant la laine, un homme occupé à peler des pommes de terre, Le Bénédicité, un enfant laçant ses bottillons sont des exemples représentatifs des thèmes qui intéressent aussi Le Brun. Ces scènes ont pour point commun de fixer un moment où le temps se suspend dans l’intériorité de la maison. Les commentateurs ont vu là la dimension intimiste de l’œuvre de Le Brun, qui serait par ailleurs la marque même de l’« école verviétoise » de peinture. Cet intérêt de l’artiste pour les vues plongeant le spectateur dans l’intimité des fermes ardennaises s’inscrit dans une logique esthétique qui croise le symbolisme littéraire et la réception fin-de-siècle de l’art ancien. Mais, autour de 1900, la représentation de scènes d’intérieur connaît une évolution. Le Brun évacue progressivement la référence aux métiers. Il réduit peu à peu la figure humaine au simple signe d’une présence. La personne sera désormais vue de dos, passant furtivement, repliée sur elle-même, ou encore assise au terme d’une enfilade de pièces. L’Homme qui passe (vers 1900) [repr. p. 30] et L’enfant qui met ses souliers (vers 1903) [repr. ci-contre] sont des exemples de cette évolution. Alors que la figure se voit réduite, les lieux se vident, ou plus exactement, ils se dépouillent pour se remplir d’une présence invisible. Celle-ci prend corps dans le velouté des ombres et dans un rai de « lumière qui fuse ». georges le brun ou les louanges du quotidien | 39 Deux horizons de référence nous semblent être à l’origine de cette orientation prise par Le Brun. D’une part, il faut noter qu’un double héritage pictural refait surface dans le symbolisme belge. On se réclame d’une tradition enracinée dans le xve siècle flamand et, chose moins connue, mais fondée, on se reconnaît dans le xviie siècle hollandais. Le profil social de Le Brun joue ici son rôle dans la sociologie du symbolisme. Tout indique qu’il est un homme érudit, qui a voyagé et a vu les œuvres d’art ancien in situ. Le voyage qu’il a entrepris en 1897 en Hollande lui a permis d’approfondir ses connaissances relatives à la peinture hollandaise du xviie siècle. Un témoignage révélateur : une anecdote relatée par Jeanne Le Brun au sujet de la rencontre fortuite de son père avec l’historien de l’art Paul FierensGevaert, dans un musée, devant un tableau attribué à Memling, mais que Le Brun voyait plutôt comme étant de la main de Rogier Van der Weyden. Le principe de signification cachée et l’obsession du détail dans le symbolisme trouvent un modèle dans la peinture flamande du xve siècle. La peinture La Cuisine, Theux (maison Le Brun), 1908, hollandaise du xviie siècle a également marhuile sur toile, 50 × 40 cm. Paris, coll. privée. [119] qué les esprits. L’œuvre de Pieter de Hooch, par exemple, fut perçue comme l’expression picturale de la culture de l’intimité inscrite au cœur du quotidien. Alfred Michiels, Hippolyte Taine et plus tard Eugène Fromentin ont contribué à diffuser cette vision de ce patrimoine pictural, où la vie quotidienne d’êtres anonymes se substitue à la grandeur héroïque de personnes illustres12. On voit le lien avec Le Brun. Une femme buvant du lait, un être assis dans un rai de lumière ou à la sortie d’une enfilade de pièces, un homme balayant les dalles en pierre devant l’âtre de sa maison ou passant simplement dans l’embrasure d’une porte, sont autant de louanges du quotidien qui lient Le Brun au phénomène fin-de-siècle de réception de l’âge d’or de la peinture hollandaise. D’autre part, on doit faire allusion à un aspect du symbolisme des années 1890 caractérisées par ce que, dans son recueil de 1896, Georges Rodenbach appelle les « vies encloses » pour désigner un mouvement d’introspection intérieure typique des préoccupations du symbolisme littéraire et visuel. Encore qu’il n’y ait pas, chez Le Brun, ce sentiment de 12. Michiels publie en 1865 une monumentale Histoire de la peinture flamande depuis ses origines jusqu’en 1864 et Taine sa Philosophie de l’art dans les anciens Pays-Bas en 1869. Ces essais étaient perçus comme des ouvrages de référence. Ils ont 40 | georges le brun précédé le livre de Fromentin, Maîtres d’autrefois. Belgique-Hollande de 1875. On ignore si Le Brun possédait ces ouvrages qui figuraient en bonne place dans les bibliothèques de la bourgeoisie cultivée. Le Repas de l’enfant, Theux (maison Le Brun), vers 1910, huile sur toile, 58 × 75 cm. Coll. privée. [122] réclusion psychique, où l’âme s’épuise à la recherche d’elle-même. Il est difficile de ne pas évoquer ici la série de dessins reprise sous le titre « Émotion d’art : l’âme des choses » que Xavier Mellery expose au Salon de La Libre Esthétique de 1895. Dans ces dessins réalisés à la fin des années 1880, l’attente et le silence se conjuguent à l’immobilité et au mystère d’un lieu domestique savamment construit, où chaque détail paraît doté d’un arrière-plan symbolique. Le Brun séjourne à Bruxelles au moment du Salon et, au vu des relations qu’il entretient avec Octave Maus, il est hautement probable qu’il ait vu cet ensemble graphique. Mais le concept fin-de-siècle qui théorise le mieux le renversement du discours iconographique où l’action héroïque d’un personnage historique cède la place à l’immobilité d’une humanité anonyme faite de femmes, d’enfants, de vieillards ne faisant rien ou à peu près, c’est celui de « tragique quotidien » défini par Maurice Maeterlinck. L’idée centrale de ce concept consiste à « mettre des gens en scène dans des circonstances ordinaires […], de façon que, par un imperceptible déplacement de l’angle de vision habituel, apparaissent clairement leurs relations avec l’inconnu13 ». 13. « Conversation avec M. Maurice Maeterlinck » [par Jules Huret], in Le Figaro, 17 mai 1893, cité d’après Maurice Maeterlinck, Introduction à une psychologie des songes (1886-1896), Bruxelles, Archives du futur, 1985, p. 156. Maeterlinck donnera une version aboutie du concept de « tragique quotidien » dans son essai Le Trésor des humbles qu’il publie en 1896. georges le brun ou les louanges du quotidien | 41 Ces deux horizons de référence se croisent dans le « panthéisme du quotidien14 » que Le Brun explore sans toutefois revendiquer une quelconque filiation. La célébration de l’acte humble dans l’intérieur domestique de la peinture hollandaise du xviie siècle et la dramaturgie immobile que développe Maeterlinck à travers le tragique quotidien constituent un angle de vue au départ duquel on peut comprendre le projet esthétique de Le Brun comme une volonté de faire apparaître l’inconnu dans le cadre d’un décor ordinaire où une personne humble demeure dans le silence et l’immobilité face à une présence invisible, mais que l’on pressent. Il y a ici une sorte d’abolition du temps. Non pas un arrêt sur instant, comme dans les premiers dessins, mais plutôt une absence de temps. Comment Le Brun procède-t-il pour mettre en scène cette part invisible que le spectateur doit sentir présente comme si elle vibrait dans l’espace intérieur ? Le Brun élabore ses compositions avec un nombre restreint de fragments prélevés ici et là et agencés pour recomposer un lieu qui n’a, en fait, jamais existé. L’univers intérieur qu’il montre est un espace mental. Un poêle à bois, un âtre, une crémaillère qui pend, une auge en pierre devant une fenêtre, un sol fait de grandes dalles de pierre, une lampe à pétrole, une chaise vide, un panier en osier… sont en quelque sorte des pièces de puzzle – toujours les mêmes – que Le Brun agence inlassablement à chaque nouvelle composition. L’artiste opère un travail de modélisation en sélectionnant des fragments de réel triés sur le volet qu’il assemble pour reconstituer un espace forcément virtuel. Tout se passe comme s’il s’agissait de composer un intérieur idéal, théorique, au départ d’éclats mis ensemble pour amener le spectateur de manière suggestive à la perception de ce qui n’est pas visible. Une architecture complexe vient structurer les compositions. Le schéma de l’enfilade de pièces qui s’emboîtent pour aboutir à une chaise vide, ou à une femme assise dans l’attente, est l’expression de ce goût pour les constructions savantes. Pour réaliser cellesci, comme dans Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur (1913) [repr. p. 53], Le Brun ne laisse aucune place au hasard. Un travail préparatoire méticuleux précède la version au pastel qui vient constituer l’aboutissement du processus. Les dessins présentent un haut niveau de complexité, tant sur le plan du placement de chaque composant que dans le choix des couleurs. La structure s’impose comme la condition nécessaire à la mise en place d’une présence invisible. Ce sens de l’architecture a pour corollaire un aspect souvent souligné par les commentateurs : l’emphase du détail dont le dessin est rendu avec une précision presque obsessionnelle. Dans le dessin préparatoire de la Cour de ferme à Charneux [repr. p. 54], réalisé vers 1902, chaque pavé, chaque pierre, chaque tuile est dessinée avec une netteté qui frôle le délire visuel. La lumière qui se diffuse dans l’espace est un élément majeur auquel Le Brun recourt pour dématérialiser la pesanteur des êtres et des objets. Elle pénètre dans l’espace non pas pour éclairer le lieu, mais pour envelopper les choses afin de donner au spectateur l’impression que la limite matérielle des objets se dilue dans l’intérieur. La série de dessins relatifs à La lumière qui fuse [repr. p. 25] de 1903 est l’expression de cette spiritualisation de la lumière. C’est là, dans la déclinaison tonale de la couleur traitée en poussière, qu’il faut situer la musicalité des œuvres de Le Brun. Une musicalité dont témoigne un titre comme Symphonie en bleu [repr. p. 96] qui fut exposé en 1904 à Verviers avec La lumière qui fuse. La pratique du paysage que développe Le Brun est liée à une tradition au sein de laquelle il s’inscrit, une fois encore, de manière plutôt singulière. Cette singularité réside dans le choix de la région, celle des Hautes Fagnes, dont l’artiste fait son paysage de prédilection. En effet, la sélection des aires naturelles à représenter avait été un point central dans la naissance du paysage en tant que genre pictural au milieu du xixe siècle. Une vue globale du corpus de tableaux peints dans la seconde moitié du xixe siècle indique qu’il s’agit, pour les artistes, de mettre en scène ce que le pays compte comme territoires paysagers reconnus par le peuple belge comme lui étant spécifiques. La peinture de plein air répond en cela à l’image mentale des paysages que la nation belge se fait de son cadre naturel. Aussi, pour situer l’originalité de l’apport de Le Brun à la peinture de paysage convient-il de se demander ce que peut être, pour un homme du xixe siècle, la « physionomie du pays15 » ? Plusieurs zones paysagères se dégagent d’une vision d’ensemble des tableaux. La Campine, avec son allure de zone marécageuse sauvage, est une aire naturelle très prisée. La plupart des paysagistes du xixe siècle y ont installé leur chevalet. Avec ses parois rocheuses verticales et ses ruines médiévales perchées sur des nids d’aigle, les bords de la Meuse ont très vite occupé une place de choix dans l’imaginaire pictural des paysagistes, à commencer par Félicien Rops qui suit les pas de Gustave Courbet. 14. Michel Draguet, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Fonds Mercator, 2004-2010, p. 144. 15. La formule est de Camille Lemonnier, Histoire des Beaux-Arts en Belgique, 1830-1887, Bruxelles, Weissenbruch, 1887, p. 235. 42 | georges le brun Le Bourg dans la vallée (vue de l’église de Theux), Theux, 1906, huile sur toile, 65,5 × 86 cm. Coll. privée. [104] Hauts plateaux, ouvertes Fagnes georges le brun ou les louanges du quotidien | 43 La Haute Fagne, Longfaye, 1914, aquarelle et pastel sur papier, triptyque, 54 × 77 cm / 67 × 100 cm / 54 × 77 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-463. [136] 44 georges le brun ou les louanges du quotidien | 45 Le littoral est un haut lieu dans la nomenclature géographique des sites propices à la représentation des espaces naturels nationaux. On ne compte plus les peintres qui ont cherché à saisir les embruns de la mer du Nord. Avec son allure de cathédrale verte, la forêt de Soignes constitue aussi une aire récurrente dans les sites privilégiés par les peintres qui font de Tervueren une sorte de Barbizon belge. À l’extrême fin du xixe siècle, la vallée de la Lys attire plusieurs peintres qui y trouvent une source d’inspiration rustique et se fixent à Laethem-Saint-Martin. Venons-en à l’Ardenne. On ne peut pas dire que la forêt ardennaise ait inspiré les premiers peintres paysagistes belges. Ce territoire attire peu. Bien sûr, des peintres comme François Lamorinière, Joseph Quinaux et Jean-Baptiste Kindermans livrent des vues de la vallée de l’Ourthe, de la Semois et de l’Amblève. Mais cela reste exceptionnel. Parmi les paysagistes associés à la Société libre des beaux-arts, peu de peintres se déplacent jusque dans ces zones reculées, comme le firent brièvement Théodore t’Scharner, Édouard Huberti et Alphonse Asselbergs qui, dans les années 1860, se tournent vers les forêts de La Gleize, d’Houffalize et de Rahier, avant de préférer les marécages de la Campine au nord d’Anvers. Il faut attendre les séjours de Khnopff à Fosset, ainsi que l’installation d’Auguste Donnay dans la vallée de l’Ourthe et de Léon Frédéric sur les versants de la Lesse pour voir cette région s’installer tout à fait dans la géographie picturale des artistes belges. La parution des Hauts plateaux d’Ardenne de Picard en 1883 laisse entendre qu’une nouvelle aire paysagère entre dans la culture belge. Mais finalement, aucun peintre ne s’était encore jamais installé, comme Le Brun, dans ce territoire très particulier que forment les Fagnes de l’Eiffel. Bien qu’elle fasse partie des Ardennes, la région des Hautes Fagnes n’a donc quasiment aucune existence picturale avant l’arrivée de Le Brun à Xhoffraix en 1894. Le Brun opère un choix stratégique judicieux en s’installant dans cette partie méconnue de la Belgique. Les plaines tourbeuses de l’Eiffel font en outre penser aux marécages de la Campine : pour l’amateur de peinture paysagiste, ses tableaux ont donc un air familier tout en étant, de facto, originaux. Les vues de tourbières humides et de maisons retranchées derrière leurs charmilles auront inévitablement, par leur origine géographique, une touche spécifique au sein de la peinture de paysage. Le Brun, en somme, découvre une nature vierge, unique, ayant des allures de steppe primitive, qui sera littéralement, pour lui, une terre d’élection. Comme d’autres ailleurs, tel Paul Cézanne, il est l’homme d’un seul paysage qu’il ne quitte que pour montrer les villages qui en constituent les portes d’accès : Xhoffraix, bien entendu, mais aussi Theux, Spixhe, Hodbomont, Mont… Les étendues désertiques du haut plateau fagnard traversent son œuvre depuis son arrivée à Xhoffraix en 1894, jusqu’à sa mort en 1914. On peut citer, entre autres tableaux, Une fagne (fumée) (1895) [repr. p. 82], La Grande Charmille (1903) [repr. p. 57], La Ferme de la Haase (1913) [repr. ci-contre], La Grande Charmille. Neige (1913) [repr. p. 24] et surtout le monumental triptyque dédié à La Haute Fagne (1914) [repr. p. 44-45]. Le lieu, qu’il s’agisse d’une ferme isolée ou d’une plaine désertique, du tronc d’un chêne séculaire ou d’un village niché dans le creux d’un vallon, le lieu, donc, est toujours significatif et complice. Il est le support de sensations que l’artiste se remémore dans son atelier. Mais par quels moyens ? Le premier élément à souligner, c’est le rôle de l’atmosphère. Le Brun se saisit moins des aspects pittoresques du paysage qu’il ne se concentre sur la transfiguration de la nature par les nuances de l’air. Il restitue l’atmosphère en colorant ses tableaux de tonalités assourdies, délavées, comme si cette nature singulière, telle une enclave préservée du 46 | georges le brun La Ferme de la Haase, s.l., 1913, aquarelle, crayon et pastel sur papier, triptyque, 39 × 25 cm / 39 × 50 cm / 39 × 25 cm. Coll. privée. [133] monde moderne, exigeait de l’artiste qu’il atténue l’intensité de ses teintes. L’artiste réduit sa palette au bénéfice d’infimes modulations tonales venant rendre l’atmosphère brumeuse et silencieuse des étendues désertiques. Cela le conduit, pour certains tableaux, à développer des atmosphères monochromes. L’union d’un paysage et d’une couleur est un aspect typique du paysage symboliste, où le bleu s’impose comme la teinte privilégiée, comme c’est le cas avec La Ferme de la Haase. D’autre part, cet assourdissement chromatique s’accompagne d’un effet vibratoire dans l’application de la couleur. Le Brun dépouille le réel de son évidence en dissipant le contour des choses pour faire de l’image l’expression d’un doute, d’un mystère. Tout se passe comme si la nature était vidée de toute présence humaine pour faire place à une force invisible dont l’action, aussi impalpable qu’une mélodie, s’exprime à travers la vibration des formes. Le pastel est l’outil qui convient. Il nomme moins qu’il n’interroge, et chaque chose, en vibrant à l’unisson des bruissements atmosphériques, perd son intégrité pour se faire le murmure d’une réalité insaisissable qui place l’individu face à sa propre finitude. Il faut bien voir, enfin, que cet effet vibratoire repose sur une absolue maîtrise de la composition. Les dessins préparatoires révèlent une savante notation qui permet à Le Brun d’organiser les sensations que lui procure la contemplation du paysage. Cette géométrie secrète, visible seulement dans les croquis de mise en place, lui permet de rester maître du processus. La couleur est pleinement soumise au dessin par lequel le réel s’agence dans l’image. Ce type de représentation de la nature n’a rien d’impressionniste. Il n’y a pas d’instantané, mais la recomposition artificielle d’un moment immuable qui n’a, en fait, jamais existé. georges le brun ou les louanges du quotidien | 47 Le triptyque de La Haute Fagne, exposé au Salon de Liège en 1914, est emblématique à cet égard. La vue est une composition conçue avec des éléments épars et rassemblés dans l’unité de l’image. La ligne d’horizon arrondie donne à l’immensité dépouillée de la Fagne sa dimension cosmique puisqu’elle évoque la courbure de la Terre. Peindre, pour vivre deux fois Peindre, en somme, c’est vivre deux fois. D’abord, il s’agit de vivre le réel. Venant de la bourgeoise de Verviers, Le Brun s’installe dans un milieu paysan avec lequel il s’efforce d’entrer en résonance. Sans doute est-ce pour élargir au mieux l’amplitude de cette résonance qu’il revient toujours vers ce hameau qu’il ne cesse pourtant de quitter. Les portraits de paysans et les vues d’intérieur témoignent de cette intimité qu’il cherche à nouer avec la texture du monde rural. « Il faisait partie du village », écrit Pirenne16. Ensuite, pour Le Brun, il s’agit de vivre ce qui dépasse cette texture du monde et de le déposer à l’intérieur même du réel qu’il peint. Analysant La Haute Fagne de 1914, Pirenne, proche de Le Brun comme on sait, a insisté sur cette seconde phase dans le travail de son ami. Les intérieurs sont recomposés pour former un espace mental, virtuel, construit de sorte à y insérer ce qui, dans l’humilité de la condition paysanne, survit au temps. On mesure ici l’importance des détails, c’est-à-dire des fragments de réel prélevés pour composer l’espace. Le Brun ne cherche pas, comme le fera Pirenne plus tard, à montrer la charge poétique d’un objet anodin. Il voudrait plutôt agencer les objets les plus communs dans un intérieur humble pour y inscrire de façon imperceptible ce qu’il y a d’éternel dans l’instant, pour y loger la part immuable de ce qu’il a vu, comme s’il s’agissait de donner à voir quelque chose qui ne meurt pas. Aucune contradiction ici entre le microcosme des vues d’intérieur et les paysages : l’espace étriqué des maisons ardennaises appelle l’ouverture cosmique des hauts plateaux. Ce projet esthétique fut inlassablement poursuivi, et cela sans aucun souci de reconnaissance de la part des instances légitimantes que Le Brun connaît néanmoins et qu’il sollicite, mais dont il se détourne très vite. On pourrait dire de l’artiste qu’il illustre un cas de figure précis dans la sociologie du symbolisme. L’homme se détourne du philistinisme bourgeois de son milieu d’origine pour voir dans l’art une activité d’initié, une sorte de religion dans le sens où elle relie l’homme à ce qui le dépasse. On comprend dès lors qu’il n’était disposé à aucune concession. Ni l’art nouveau ni l’impressionnisme ne l’intéressent. Le Brun est tout à fait informé sur le monde de l’art. Comme paysagiste, il investit un territoire inédit du point de vue des aires naturelles prisées par les peintres. Il sait aussi où exposer son art. Mais quand il expose, c’est sans grande conviction. Les structures culturelles de Verviers l’intéressent peu, et celles de Liège, à peine davantage. Il rejette même l’idée d’une exposition personnelle. C’est à Pirenne que revient l’initiative de la première exposition Le Brun qui eut lieu à Verviers en mars 1920. Le reflux dans les landes de l’Eiffel et la mise en scène de la condition paysanne de cette région constituent une forme de sécession artistique et sociale qui inscrit Le Brun sur la liste des êtres singuliers faisant l’originalité du symbolisme belge. 16. Maurice Pirenne, op. cit., p. 10. Homme assis, jambes écartées, mains jointes, Xhoffraix, vers 1895, fusain et pastel sur papier, 56,5 × 40,5 cm. Coll. A. Doms. [23] 48 | georges le brun 49 Leïla Jarbouai Georges Le Brun, dessinateur Georges Le Brun1 décide tôt de devenir artiste, et c’est par l’aquarelle qu’il apprend à peindre : à douze ans, « il fait une aquarelle pour Mr Simon 2 », qui lui donne sa « première leçon de dessin3 » ; il ne réalisera sa première peinture à l’huile que neuf ans plus tard, en 1894. Beaucoup d’aquarelles de jeunesse ont été détruites par l’artiste, perfectionniste, qui ne souhaitait pas conserver les œuvres qui ne le satisfaisaient pas. Les médias sont rarement utilisés isolément dans l’œuvre graphique de Georges Le Brun, qui mêle l’aquarelle au pastel et au fusain et réalise, à côté de dessins préparatoires au crayon graphite, au crayon noir, au fusain, à l’encre et à l’aquarelle, de belles feuilles achevées. Souvent, il adapte la technique aux sujets représentés, les paysages et les scènes de la vie rurale étant plus fréquemment en couleurs, à l’aquarelle et au pastel, tandis que les intérieurs et les dessins intimistes jouent de la richesse et de la profondeur du noir, du blanc, des dégradés de gris du fusain, de la craie, du crayon noir, sans que cette répartition soit systématique pour autant. N’ayant cessé de pratiquer le dessin, l’artiste s’en sert de manière classique comme moyen de préparer ses peintures, dans ses carnets, des feuilles d’études, mais aussi sur de grands dessins, où la perspective, l’échelle et les dégradés de tons sont soigneusement calculés. Néanmoins, le dessin est aussi une fin en soi et les œuvres graphiques achevées de Georges Le Brun ne le cèdent en rien à ses peintures à l’huile les plus abouties. L’artiste n’établit pas de hiérarchie entre les médias, et ses œuvres sur papier sont souvent de dimensions semblables aux tableaux et le fruit d’un travail tout aussi lent et méticuleux. « Poèmes rustiques » 4 Alors que la Belgique s’industrialise et que l’exode rural bat son plein, nombreux sont les artistes à partir se ressourcer à la campagne : loin des villes modernes, ils pensent y trouver une vie primitive apaisante, une sorte de vie atemporelle à même de nourrir leur 1. Je remercie pour leur accueil et leur aide précieuse Brigitte et Olivier Le Brun, petits-enfants de l’artiste, ainsi que Valérie Minten du musée Félicien Rops pour les images qu’elle m’a communiquées. 2. Maurice Pirenne, Georges Le Brun, 1873-1914, Sa vie de peintre, « notes retrouvées par Monsieur Le Brun père dans ses anciens agendas », plaquette La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise, Longfaye, fin mai 1903, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 65,5 × 48 cm. Paris, coll. privée. [69] éditée par Auguste Nicolet à l’occasion de la rétrospective Georges Le Brun, Verviers, Société des beaux-arts, 1920, p. 28. 3. Loc. cit. 4. Maurice Pirenne emploie l’expression « poème rustique » pour évoquer le triptyque L’Automne à Xhoffraix. Voir op. cit., p. 12. Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, dessin préparatoire, 1912, fusain et encre rouge, 48,5 × 61,5 cm. Coll. privée. art, dans le grand courant primitiviste qui imprègne l’art moderne au tournant du siècle dans toute l’Europe. À l’instar de ses compatriotes Léon Frédéric à Nafraiture, Anto Carte dans le Hainaut, Auguste Donnay à Méry-sur-Ourthe, William Degouve de Nuncques dans la campagne brabançonne et dans les Ardennes belges, Georges Le Brun, comme son ami le peintre Maurice Pirenne, s’installe entre 1894 et 1903 dans la Haute Fagne, région rurale de Wallonie. Originaire de Verviers, il choisit d’habiter durant sept ans à Xhoffraix, hameau de trois cent cinquante habitants. Après une période de voyages et des retours réguliers à Bruxelles, il réside à Thimister, Longfaye, puis de nouveau à Xhoffraix, à Limburg an der Lahn, et enfin à Theux où il s’établit avec sa famille. De nombreux dessins sont liés à la vie rurale de l’artiste. Un carnet de croquis conservé par la famille5 montre à la fois la spontanéité, la vivacité, le sens de la synthèse et du rythme, et l’humour de l’artiste. On y découvre, au graphite, au crayon noir, au fusain, à l’encre et à la plume, des portraits, un des rares dessins de nu dans l’œuvre de l’artiste, des dessins satiriques annotés par Georges Le Brun (« aux trois suisses », « un musée ancien », « gouvernante », « bourgeois », « ardennaise d’opéra comique »…) mais l’essentiel des 5. Ce carnet appartient à une collection privée parisienne. Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, Lierneux, août 1912, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 63,5 × 44,5 cm. Coll. privée. [126] 52 | georges le brun 53 dessins sont des témoignages de la vie à la campagne. L’artiste y esquisse paysages (étude de nuages et de perspectives) et travailleurs : balayeurs, paysans et paysannes au travail de la terre caractérisés par une ligne synthétique qui cerne les formes et souligne l’énergie du mouvement. À la recherche de la justesse du geste, il raye les figures qui ne lui conviennent pas. Le trait est simplifié, le geste importe davantage que le visage. Néanmoins, l’artiste dessine aussi quelques trognes : des visages très marqués comme celui d’une femme qui a « toujours / bien… / bien mangé / bien dormi » ou le portrait d’une vieille paysanne en sabots. Ce portrait fait penser à ce que Georges Le Brun écrit de l’artiste Alice Dannenberg dans L’Art moderne en 1906 : « cette grosse femme […] n’est point une caricature ; elle a été vue et rendue d’un cœur ironique et joyeux6 ». Il dessine également des enfants, saisis dans leur petite silhouette caractéristique. Les dessins comportent des études d’animaux réalisées de manière naturaliste : cochons, vaches vus sous tous les angles. L’artiste ne cherche pas à idéaliser mais au contraire à être vrai, à capter par le dessin, le détail, le point de vue le plus juste. Certains Cour de ferme à Charneux, dessin préparatoire, vers 1902, dessins de paysannes évoquent ceux de encre de Chine sur papier, 30 × 23 cm. Coll. privée. Pissarro7 : les deux artistes partagent l’esprit de synthèse, la sûreté du trait, la recherche de précision du geste dans la représentation du travail paysan. Maurice Pirenne raconte la manière dont ces « notations sur le vif » étaient réalisées : « des heures durant, butant dans les mottes, il suivait, croquant leur mouvement, les bœufs à la charrue. Ce qu’il y a dans ces dessins, comprimés dans le simple trait qui les cerne, de vérité, de vie8 ! » Des feuilles isolées, de plus grand format, déploient les mêmes thèmes ruraux9 : études de bûcherons, de faucheurs, de paysans et paysannes au travail des champs, d’éplucheurs de pommes de terre… Parmi ces études, on peut mentionner deux femmes décharnées10 [repr. p. 58], dont l’une revient isolée dans un autre dessin, Femme au collant, à moins qu’il ne s’agisse d’une même femme vue sous deux angles différents tant elles se ressemblent. Quoi qu’il en soit, cette figure est assez éloignée des autres femmes du peuple dessinées par l’artiste : loin des robustes paysannes, dont le geste est l’essentiel, 6. L’Art moderne, Bruxelles, no 10, 11 mars 1906. 7. Voir Camille Pissarro, étude pour La Causette, RF 29534, études de paysannes accroupies, RF 30104, RF 30103 et études pour La Cueillette des pois, RF 30100, RF 30099. 8. Maurice Pirenne, op. cit., p. 12. 9. Ces dessins sont conservés dans une collection privée parisienne. 10. Coll. privée, ainsi que Femme au collant. Cour de ferme à Charneux ou Le Grand Châtaignier, Thimister, vers 1902, huile sur carton, 75 × 60 cm. Coll. privée. [65] 54 | georges le brun 55 cette femme maigre et maladive au regard triste a quelque chose d’allégorique, à la manière des figures de Ferdinand Hodler : son expression dépasse son individualité pour devenir un symbole de misère. En dehors de ces deux dessins, les figures sont davantage des types et se caractérisent par leurs contours sertis et par une simplification parfois radicale de la forme qui vise à la justesse de l’expression. Le choix de Georges Le Brun de dessiner le peuple appelle la comparaison avec ses compatriotes qui ont choisi les mêmes thèmes : Charles de Groux, Constantin Meunier, Eugène Laermans. Le Brun avait rencontré ce dernier dans le cercle « La Patte de Dindon », réunion de peintres qui travaillent à Bruxelles le soir dans les combles de la maison des corporations situées sur la Grand-Place, et avait développé une amitié avec lui. On conserve un témoignage de cette amitié, une phototypie du triptyque Les Émigrants offerte à Georges Le Brun par Laermans, dédicacée « À mon ami Georges Le Brun / en témoignage de sincère affection / Eug Laermans11 ». Comme ce dernier, Le Brun donne « à la vie des campagnes cette monumentalité de l’espace et des formes qui souligne “la noble grandeur et la calme simplicité12 ” d’un monde pérenne et “concentre et épure pour ne conserver que l’expression d’une vérité aussi fruste qu’essentielle13 ” ». Mais contrairement à son ami, il ne rassemble jamais plus de deux ou trois personnages, il n’a jamais peint de foule, et le choix de l’art graphique, de ses dimensions relativement restreintes et de son aspect généralement moins spectaculaire qu’une peinture, ne peut avoir la même portée que de grandes toiles d’une toute autre échelle. À l’éloquence de Laermans s’oppose le silence de Le Brun : l’artiste observe, sans élaborer de discours social, les travailleurs en harmonie avec la terre. Il s’éloigne également de l’héroïsation du travail tel que le montre Constantin Meunier : « s’il représente les Fagnes et ses habitants avec tant de ferveur, ce n’est guère pour montrer la précarité de leurs conditions d’existence, mais cette démarche correspond à une volonté de retour à cette terre à laquelle il se sent attaché corps et âme, et à la vie en communion avec la nature telle que les paysans de ce pays la ressentent14 ». C’est l’atemporalité et la permanence de la vie rurale qui le séduisent : « S’il a aimé Xhoffraix, c’est qu’il a trouvé là un ensemble de gens et de choses qui, depuis des ans et des ans n’avaient pas changé. C’était les mêmes mœurs, les mêmes habitations, les mêmes métiers, les mêmes outils, qu’il y avait des siècles. Dans ce milieu pittoresque il vivait une vie fruste, brutale parfois, délicieusement rude, hors de la banalité de la vie ordinaire, hors du siècle15. » En cela, l’art de Georges Le Brun évoque davantage Millet et Pissarro qui, au-delà de leur engagement social, représentent le rythme ancestral du travail de la terre et l’harmonie atemporelle entre paysans et nature. Cette harmonie apparaît notamment dans La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise (1903) [repr. p. 50]. La figure occupe presque toute la hauteur de la feuille. Du personnage, solidement ancrée dans le sol, avec ses grands sabots et sa stature majestueuse, on ne voit pas le visage. Sa monumentalité est accentuée par le format vertical du support et par la simplicité de la composition. Georges Le Brun fait répondre les sillons du champ à l’arrière-plan aux plis tubulaires de la robe. Il a laissé une description de cette œuvre : 11. Ce document fait partie d’une collection privée parisienne. 12. Michel Draguet, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Fonds Mercator, 2004/2010, p. 207. 13. Ibid., p. 309. 56 | georges le brun 14. Natacha Langerman, Contribution à l’étude du symbolisme : l’œuvre de Georges Le Brun, mémoire d’études, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, faculté de philosophie et lettres, 1992, p. 14. 15. Maurice Pirenne, op. cit., p. 21. La Grande Charmille ou Les Nuages roses, Longfaye, 1903, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier, 47 × 61 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-4. [73] « L’Ardennaise. Aquarelle très claire (c’est dans le pré de ma maison). Fonds lointains vers le Grand Duché, noyés dans la brume claire et lumineuse, puis les grandes montagnes qui ferment l’entrée de la vallée de Malmédy. Une haie d’un vert tendre, des vaches rousses. L’herbe claire et une femme qui tricote avec une matraque à anneaux sous le bras. Chapeau de paille terni au ruban et au barada blancs, vêtue de gris, tablier bleu gris. J’ai dû changer son cadre pour l’envoyer au Salon16. » Alors que nous sommes frappés par l’art de la composition chez Georges Le Brun, il insiste dans les descriptifs de ses œuvres sur la richesse de la couleur et contredit quelque peu en cela son ami Maurice Pirenne qui décrit la Fagne comme un « pauvre pays pour un amateur de couleurs17 », à la gamme restreinte de verts, bruns, blancs et « gris grèles18 » des saisons froides. 16. Georges Le Brun [description de La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise], s.l.n.d., Paris, coll. privée. Le Brun a exposé cette pièce en 1904 à la salle des Beaux-Arts de Verviers, en compagnie de tableaux de Maurice Pirenne. 17. Maurice Pirenne, op. cit., p. 23. 18. Loc. cit. georges le brun, dessinateur | 57 S’il a beaucoup dessiné les habitants de la campagne, l’artiste a aussi réalisé des paysages, où les figures sont soit absentes soit minuscules. Nature et maisons solitaires, arbres et pierres semblent se doter alors d’une vie propre, à la manière des figures. Georges Le Brun décrit deux de ces paysages, parlant d’« aquarelle rehaussée de dessin », alors qu’on parle généralement de dessin rehaussé d’aquarelle : il inverse le processus traditionnel du dessin sous-jacent préparatoire recouvert de couleur pour mettre en valeur la couleur, consolidée par le dessin : « Crépuscule, ma maison à Longfaye. Ciel bleu gris profond. Maisons (chaumes et moellons fauves encore imprégnés du soleil disparu). La lune se lève à l’horizon gris, les haies en charmilles sont rousses, à terre de la litière les portes brun rouge avec des écaillures de la couleur. De l’eau stagnante. Deux sapins émergent derrière le toit. Une femme en vert et rouge terre (avril) aquarelle rehaussée de dessin19. » Au sujet de La Grande Charmille (1903) [repr. p. 57], il écrit : « Ciel bleu clair à grands nuages roses des soirs de printemps. Très vif. Haies violacées. Forme vue au travers, bleutée, route vert gris clair. Un enfant Deux femmes, croquis, s.l.n.d, au tablier rose, un pont au garde-fou noir. Verdure fusain sur papier, 43 × 28,3 cm. Coll. privée. encore terne de l’hiver qui finit. Au fond, deux sapins se détachent sur la lande qui file très loin. La charmille croit sur un mur. Aquarelle et pastel20. » Une dentelle d’arbres se détache sur le ciel clair, toutes les matières, bois, pierre, chair, organique et minéral semblent équivalentes, dans une même harmonie brune, blanche, grise et verte qu’illumine la pointe de rose de l’enfant. Ce petit personnage, qui est davantage une petite tache de couleur que l’on ne perçoit qu’après avoir bien observé le dessin, répond musicalement au rose des nuages. Ces descriptifs rédigés par l’artiste montrent sa passion pour la lumière, à tel point qu’il semble rejoindre dans une certaine mesure les impressionnistes défendus dans ses articles21 et associés à « liberté », « nature », « intuition », « indépendance » contre « tableaux », « routine », « école ». En effet, Le Brun, virulent détracteur de toute forme d’art académique22, donne une acception large au terme « impressionnisme » : « À mon avis, sont impressionnistes tous les peintres qui ont regardé la nature avec religion et tendresse, qui l’ont aimée pour sa fraîcheur, son éternelle jeunesse, son sentiment poignant de ra19. Georges Le Brun [description de Crépuscule], s.l.n.d. Paris, coll. privée. Crépuscule est un dessin rehaussé que Le Brun a exposé au Salon triennal des Beaux-Arts de Bruxelles en 1903. 20. Georges Le Brun [description de La Grande Charmille], s.l.n.d. Paris, coll. privée. 58 | georges le brun 21. Georges Le Brun, « La Libre Esthétique », in L’Éventail, 20 mars 1904. 22. Voyez par exemple Georges Le Brun, « Le Salon des Beaux-Arts », in L’Art moderne, Bruxelles, no 36, 6 septembre 1903. Sur Le Brun et le milieu relatif à L’Art moderne, voir l’article de Noémie Goldman dans le présent ouvrage. dieuse indifférence ou sa grandeur sublime et sereine. L’impressionnisme a surtout banni l’anecdote et conservé la poésie23. » À cet égard, Georges Le Brun, qui a toujours été associé au symbolisme, ne se rapproche-t-il pas aussi d’une certaine manière de cette acception large de l’impressionnisme ? D’après Francine-Claire Legrand, au contraire des œuvres impressionnistes, les paysages de Georges Le Brun se caractérisent par leur absence de mouvement, leur dimension iconique et leur « immanence24 ». Ses paysages, où chaque moellon de mur de maison, chaque brin de chaume des toits, chaque ramure d’arbre, est préparée et redessinée avec une précision infinie25, mais aussi certains de ses portraits au crayon de paysans ridés et burinés (Buste de paysan, Le Valet de ferme, Tête de femme au bonnet, L’homme qui dort, Femme à la houe…), rejoignent les « tableaux », l’art ancien, celui des primitifs flamands du xve siècle que l’artiste admirait particulièrement. Les portraits n’oubliant aucun sillon de la peau des visages réalistes de Rogier van der Weyden, les détails de la nature vue par les frères Van Eyck ne sont pas loin ; la forme synthétique de paysans de Breughel l’Ancien non plus dans d’autres feuilles. Indépendamment des liens que l’on peut tisser entre l’œuvre de Georges Le Brun et l’histoire de paysan sans chapeau, Xhoffraix, vers 1895, de l’art, ce qui frappe le plus dans ses œuvres sur papier Buste fusain sur papier, 49,2 × 33,5 cm. Coll. privée. [20] liées à la vie rurale est son sens du rythme, traité par la couleur ou le dessin, que ce soit par exemple dans Printemps à Ruy (Les Agneaux) (1913) [repr. p. 61], réalisé à l’aquarelle, fusain et pastel, où la bergère vue de face au centre de la composition est comme un pilier de la maison traditionnelle au grand toit triangulaire, ou dans un fusain comme Menace d’orage [repr. p. 161], où la courbure du travailleur répond à celle du feuillage de l’arbre plié par le vent. Certains paysages solitaires et néanmoins vivants de l’artiste sont à la lisière de l’expressionnisme, tel Le Vieux Chêne [repr. p. 69], aquarelle qui donne à voir un grand chêne monumental, tortueux, torturé, nu, aux excroissances anthropomorphes et androgynes. Maurice Pirenne parle de « portraits d’arbres centenaires perdus dans la Fagne, de vieilles haies tordues, de rudes chemins26 » tant les végétaux et les choses sont traités comme les paysans dans les dessins de Le Brun : il les observe longtemps, patiemment, pour en extraire la substantifique moelle, l’essence dépouillée de l’anecdote. Dans les paysages sans figures, maisons et arbres sont des personnages à part entière. La composition a été souvent précédée de dessins préparatoires qui montrent le soin tout particulier qu’apporte Georges Le Brun à la perspective, aux proportions, et aux rapports de tons et de couleurs mentionnés par des chiffres sur les études27. Son Champ labouré à Sancourt, 23. Georges Le Brun, « La Libre Esthétique », op. cit. 24. Francine-Claire Legrand, « La mystérieuse simplicité de Georges Le Brun », in Georges Le Brun 1873-1914, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 12 décembre 1975 – 11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, n. p. 25. Un collectionneur conserve des dessins préparatoires à des œuvres graphiques, où chaque détail architectural est très précisément tracé. 26. Maurice Pirenne, op. cit., p. 13. 27. Dessins conservés en collection privée. georges le brun, dessinateur | 59 Printemps à Ruy (Les Agneaux), dessin préparatoire, Ruy (La Gleize), 1913, crayon et taches d’aquarelle sur papier, 48,5 × 61 cm. Coll. privée. aquarelle de 1906 [repr. p. 79], reprend le motif de la dentelle d’arbres de La Grande Charmille de 1903 dans une atmosphère totalement différente : les couleurs tendres sont remplacées par un camaïeu de bruns, la petite fille par une volée de corbeaux. Avec ces paysages, l’artiste se rapproche des symbolistes : autodidacte détracteur de l’art littéraire, il rejoint sans le vouloir l’univers plastique de William Degouve de Nuncques, Léon Spilliaert, Albjin Van den Abeele, Gustave Van de Woestyne, Valerius de Saedeleer, Constant Montald… Ses paysages à la fois très nets et brumeux, solides et marécageux, baignés de la lumière du Nord, ses rangées d’arbres non dénuées d’angoisse, ses arbres prenant vie dans le silence de la neige, le leitmotiv des charmilles à la dentelle graphique, ses espaces « vécus, c’est-à-dire non seulement réels, mais sentis et absorbés par le peintre au point de faire partie de lui28 », traduisent « la solitude d’un recueillement ramené à Dieu29 ». La terre ardennaise de Le Brun, c’est un peu sa montagne Sainte-Victoire : comme Cézanne, l’artiste finit par s’identifier au paysage qu’il arpente et dessine inlassablement. FrancineClaire Legrand, comparant Georges Le Brun et Auguste Donnay, écrit à ce propos : « Deux autres paysagistes ont surpris l’image la plus secrète de la terre ardennaise, l’ont observée avec cette attention passionnée qui permet à un artiste de vivre à travers ce qu’il voit, confondant la géographie intérieure de son corps avec la structure du paysage qu’il contemple : Auguste Donnay et Georges Lebrun [sic]30. » 28. Francine-Claire Legrand, op. cit., n. p. 29. Michel Draguet, op. cit., p. 322. 60 | georges le brun 30. Francine-Claire Legrand, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Laconti, coll. « Belgique – Art du Temps », 1971, p. 202. Printemps à Ruy (Les Agneaux), Ruy (La Gleize), 1913, aquarelle, fusain et pastel sur papier, 54 × 76 cm. Coll. privée. [129] Intérieurs ou le « panthéisme du quotidien » 31 Parallèlement aux paysages, Georges Le Brun dessine des intérieurs : scènes rustiques dans des maisons traditionnelles, puis après son mariage et son installation à Theux, intérieurs intimistes qui représentent sa maison et sa famille. Ces œuvres sont le plus souvent au fusain et au crayon noir avec des rehauts de blanc, le dessin en noir et blanc permettant une concentration accrue des effets de clair-obscur et une étude particulière de la lumière diffuse. L’artiste dessine les intérieurs de maisons paysannes avec leurs habitants silencieux, occupés dans une tâche répétitive qui mobilise des gestes ancestraux à la limite de l’immobilité : balayer, coudre, filer, tricoter, éplucher, prier et réciter… activités qui comme lire équivalent à « prendre le pouls du silence32 ». Les figures ne sont ni plus ni moins vivantes que les objets autour d’elles : la vie imprègne autant les choses que les êtres. On voit rarement les visages, complètement absorbés dans leur tâche et mis à distance par le jeu des perspectives ; quand on les voit, les yeux sont fermés, les visages sont des masques comme dans Le Bénédicité [repr. p. 63]. En général, les espaces ne sont pas totalement clos mais ouvrent sur l’extérieur par le biais d’une fenêtre latérale, d’une porte ouverte à l’arrière-plan, d’un seuil auquel on accède en traversant une enfilade d’autres seuils et donnant sur la lumière du jour. Dans Le Bénédicité, la fenêtre occupe la moitié supérieure droite de la composition, comme 31. Michel Draguet, op. cit., p. 144. 32. Francine-Claire Legrand, « La mystérieuse simplicité de Georges Le Brun », in Georges Le Brun 1873-1914, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 12 décembre 1975 – 11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 1975, n. p. georges le brun, dessinateur | 61 dans Homme balayant [repr. p. 28], tandis que la figure, tel un pilier, est placée au centre géométrique de la feuille. La Femme à la baratte [repr. p. 132] fait l’objet de plusieurs œuvres proches : au fond d’une enfilade de portes, derrière un premier plan de pavés précisément dessinés, une femme tourne un objet dont la circularité est répétée par les assiettes décoratives au-dessus d’elle. Au moins deux compositions préparent ou accompagnent cette œuvre, le dessin d’un espace similaire et le dessin d’un intérieur exactement identique, à l’exception près qu’il est vide de toute présence humaine. Mais l’atmosphère générale n’en est pas pour autant beaucoup modifiée, tant chaque détail architectural, chaque objet, vibre d’une vie propre. Certaines œuvres mettent d’ailleurs en scène les objets eux-mêmes, l’âtre, La lumière qui fuse [repr. p. 25]… Si l’atmosphère de ces dessins a souvent été comparée aux intérieurs domestiques des maîtres de la peinture de genre du Siècle d’or hollandais, Pieter de Hooch, Vermeer, et à leur héritier belge du xixe siècle, Henri de Braekeleer, elle en diffère néanmoins par l’absence de narration et la dimension symbolique de l’espace physique, à l’image de l’espace psychique : « Il ne s’agit pas de creuser la toile par un semblant de perspective en profondeur. Ce sont des seuils successifs avec tout ce que ce mot peut impliquer d’aventure intérieure33. » Cette dimension intérieure et méditative des « noirs » de Georges Le Brun est menée à son extrême dans les dessins plus intimistes réalisés dans sa maison des Ardennes, à Theux, « belle maison ancienne » meublée « exclusivement de meubles et d’objets anciens34 » où il s’installe avec son épouse Nathalie et vit avec ses enfants Jeanne et André. Georges Le Brun exprime « l’âme des choses » du quotidien, à l’instar de son contemporain et compatriote Xavier Mellery qui expose à partir de 1895 une série de dessins sous le titre « Émotion d’art : l’âme des choses » : « Loin des fantasmagories d’Ensor, Mellery fouille les coins de sa maison pour y déceler “la vie, l’âme des choses inanimées35”. » Ces intérieurs présentent également des affinités avec l’univers du peintre danois Vilhelm Hammershøi, dont le thème de prédilection était son domicile, le modèle favori son épouse, dans des portraits d’atmosphère et non de personne (Ida est le plus souvent vue de dos), et dont les peintures se caractérisent par la solitude, l’immobilité, le silence. Les deux dessins de Georges Le Brun conservés par le musée d’Orsay sont exemplaires à cet égard. Le Vestibule [repr. p. 64], donné par Jeanne Le Brun au musée en 1990, est un dessin de 1909 au fusain et crayon noir avec rehauts de craie sur papier vélin36. L’artiste minimaliste contemporain Imi Knoebel a choisi cette œuvre dans le livre qui accompagnait l’exposition Les Archives du rêve, où des artistes contemporains étaient invités à commenter par un texte ou par une œuvre plastique un dessin du musée d’Orsay37. Il l’a commentée d’une phrase laconique, à l’image du minimalisme de son œuvre : « Je ne voudrais pas déranger la personne qui lit dans la pièce attenante. » Le dessin de Georges Le Brun est lui aussi minimaliste et dérangeant : la majeure partie de la composition est occupée par le vestibule, personnage éponyme. Au premier plan, le spectateur se heurte au vieux carrelage dont les fissures prennent une dimension angoissante rapportées au double verrou qui scelle la lourde porte d’entrée bloquant toute perspective. La « personne qui lit dans la pièce attenante », Nathalie, reconnaissable à son profil, est reléguée à un tout petit coin de la feuille. 33. Ibid. 34. Maurice Pirenne, op. cit., p. 21-22. 35. Michel Draguet, op. cit., p. 144. 36. Musée d’Orsay, RF 42661. 37. Les Archives du rêve, dessins du musée d’Orsay, carte blanche à Werner Spies, cat. exp., Paris, musée d’Orsay, 26 mars-30 juin 2014, Paris, musées d’Orsay et de l’Orangerie / Hazan, 2014 p. 366-367. Le Bénédicité, Xhoffraix, 1899, fusain sur papier, 57 × 43 cm. Coll. A. Doms. [52] 62 | georges le brun 63 Le Vestibule, Theux (maison Le Brun), 1909, fusain, crayon et pastel sur papier vélin, 62 × 48 cm. Paris, musée d’Orsay, don de Jeanne Le Brun, 1990, inv. RF 42661. [120] 64 Lecture le soir, Theux (maison Le Brun), 1908, fusain et crayon sur papier vergé, 38 × 30 cm. Paris, musée d’Orsay, inv. RF MO AG 2014 4. [116] 65 Dans Lecture le soir38 [repr. p. 65], la lectrice occupe au contraire le centre de la composition. Cependant, on ne voit pas bien son visage, son œil est plongé dans la pénombre. Ce dessin au fusain et crayon noir est réalisé sur papier vergé : si la texture du support acquiert une importance accrue, du fait du grain du papier très visible, il n’est pas néanmoins la principale source de lumière, contrairement aux noirs de Seurat, où la lumière émane du support laissé en réserve. Chez Georges Le Brun, la lumière conserve une dimension naturaliste et provient de sources de lumière représentées : fenêtre, lampe. Dans Lecture le soir, la lumière se diffuse à partir de la lampe à huile, petite source lumineuse qui remplace les bougies des tableaux du xviie siècle, et elle est répartie suivant un effet de clair-obscur qui accentue les lignes du décor, met en valeur le premier plan comme une scène de théâtre, et dissimule le personnage, ne laissant visible que son profil. Si l’on regarde de près, on s’aperçoit qu’il n’y a pas dans le dessin une seule zone entièrement noire ni une seule zone entièrement claire : les zones lumineuses sont parsemées de lignes noires qui suivent les vergeures du papier, lignes plus espacées, plus discontinues et moins appuyées tandis que les zones d’ombre laissent voir la réserve du papier. Ce traitement subtil du noir et du blanc, qui crée une sorte d’irradiation tamisée de la lumière, permet l’émergence plutôt que le surgissement des formes. La lectrice est en harmonie avec son environnement, comme si son être se diffusait dans l’espace, donnant une dimension vivante aux objets et à la pièce. Ainsi, le quotidien acquiert une dimension surréelle, voire une inquiétante étrangeté accentuée par les deux grands pans d’ombre derrière la figure et la grande avant-scène créée par la demi-sphère lumineuse au premier plan. La composition des « noirs » de Georges Le Brun se caractérise par l’utilisation de la géométrie : vestibules, fenêtres, dallages, autant d’angles droits qui se croisent et se répondent de manière rythmique. Dans Lecture le soir, les formes circulaires (demi-courbes de la lumière du premier plan, parallèle à la courbe de la tête, coiffure, front, nuque, lampe…) forment un subtil contrepoint aux verticales et angles droits du décor. L’artiste utilise moins le papier vergé pour sa blancheur que pour les lignes verticales des pontuseaux qui soulignent les lignes de la composition : elles coïncident avec les plis des rideaux, avec le dossier de la chaise, avec le pan de l’armoire au premier plan à droite. Non seulement la matière représentée mais également la matière utilisée est vivante. Georges Le Brun utilise peu la réserve du papier (seule une page du livre est réalisée en réserve) et préfère faire vibrer les particules de son médium : les zones claires sont aussi parsemées de grains gris-noir qui composent tout le dessin ; l’artiste a suivi les fibres du papier avec son crayon ; chaque parcelle de la feuille (chaque atome serait-on tenté de dire) est travaillée avec un appui et une densité différents du trait. Contrairement aux dessins de paysans, le contour est peu présent : la plupart des formes émergent du contraste entre ombre et lumière, entre traits serrés et traits plus lâches, entre différences de densités. D’après Olivier Le Brun, Nathalie serait peut-être en train de lire Épicure, l’une de ses lectures favorites. Fidèle à Épicure, Le Brun semble donner une matérialité à l’âme, l’ensemble de la pièce prenant une valeur spirituelle à l’aide de la matière, fusain et papier. L’atmosphère de calme et de tranquillité évoque également l’épicurisme stricto sensu, philosophie fondée sur l’équilibre, le refus des excès. 38. Paris, musée d’Orsay, inv. RF MO AG 2014 4. La Dame au miroir, s.l., avril 1904, fusain et crayon sur papier, 38 × 24 cm. Paris, coll. privée. [89] 66 | georges le brun 67 Georges Le Brun admirait Maurice Denis, à qui il consacre d’élogieux articles dans L’Art moderne39 : il partage avec lui, dans ses dessins construits et lentement élaborés, une « esthétique sévère40 », le « refus de la spontanéité, du premier jet, fondé sur l’émotion ou l’exubérance, au profit d’un art plus riche en substance humaine, mais médité et calculé41 ». Suivant la définition de l’art septentrional selon Verhaeren, la main ne fait aucun mouvement qui n’ait été déterminé et contrôlé par la pensée, pensée qui transcrit néanmoins une « vision directe des choses, l’émotion devant la réalité42 ». On l’a vu, Georges Le Brun dépasse de loin l’étiquette régionaliste d’« intimiste verviétois43 » dans laquelle il a été longtemps confiné. Si devant ses dessins en noir et blanc, où mystère et quotidien, méditation et émotion se rejoignent, l’on pense spontanément à Xavier Mellery, mais aussi aux intérieurs intimistes d’Albert Lebourg et de Charles Angrand, et parfois même aux noirs sobres et vibrants de vie de Seurat, on peut évoquer aussi un autre maître du noir, Odilon Redon. Ce dernier écrivait au sujet du fusain en 1894, dans une lettre publiée par L’Art moderne, cette même revue où Georges Le Brun était critique d’art : « Cette matière quelconque qui n’a aucune beauté en soi, facilitait bien mes recherches du clair-obscur et de l’invisible. […] le fusain ne permet pas d’être plaisant, il est grave44. » À travers le visible qu’il scrute inlassablement et dont il traduit les moindres détails, Georges Le Brun, « musicien du silence » à l’instar de la musicienne mallarméenne, exprime cet invisible qui ne peut être vu qu’à travers l’art : la méditation, l’être, le silence. 39. Georges Le Brun, « Maurice Denis, Les chapelles du Vésinet », in L’Art moderne, Bruxelles, janvier 1904. 40. Francine-Claire Legrand, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Laconti, coll. « Belgique – Art du Temps », 1971, p. 140. 41. Loc. cit. 42. Émile Verhaeren, « Influence séculaire de l’art flamand sur l’art français », in Gazette des Beaux-Arts, 1913, repris dans Écrits sur l’art, édition critique établie et présentée par Paul Aron, Bruxelles, Labor (Archives du futur), 1997, p. 956. 43. Georges Schmits, Les Intimistes verviétois, Verviers, Éditions La Dérive, 1997. 44. Odilon Redon, « Confidences d’artiste » (lettre à Edmond Picard, juin 1894), in L’Art moderne, Bruxelles, no 34, 25 août 1894. Dans la Fagne ou Le Chêne des chênes ou Lu tchâne al tchâne ou Le Vieux Chêne, Xhoffraix, vers 1899 ou 1900, aquarelle, gouache et pastel sur papier, 79 × 56 cm. Paris, coll. privée. [56] 68 | georges le brun 69 Laura Fanti Georges Le Brun et la culture visuelle de la Renaissance italienne Le Brun a visité l’Italie lors d’un voyage qui commença le 15 mars et se termina le 1er juin 1900. Il a laissé un certain nombre d’écrits inédits documentant ce séjour au fil duquel il a visité de nombreux musées, églises et sites archéologiques en s’enivrant, jusqu’à la nausée parfois, de nouveaux motifs, couleurs, courbes et sensations. Les pages qui suivent voudraient contribuer à faire connaître la réception de la culture visuelle italienne dans le symbolisme belge à travers l’exemple singulier de Le Brun. À de nombreuses reprises, Le Brun donne l’idée de la supériorité de l’art flamand sur l’art italien. Il faut toutefois tenir compte de l’état de conservation et de visibilité de certaines œuvres en Italie, par exemple la chapelle Sixtine ou La Cène de Léonard, avant d’émettre un avis sur ses préférences. Benozzo Gozzoli (1420-1497) est l’artiste italien le plus apprécié de Georges Le Brun1. Pourtant, rien ne semble plus éloigné de sa peinture que cet artiste dur et gothique dont Le Brun admire la « conception vertigineuse […] un mélange harmonique de synthèse et d’analyse2 ». Parler de vertige à propos de l’art de Gozzoli est quelque peu surprenant, mais en même temps essentiel pour saisir ce que le peintre belge trouvait de plus frappant dans l’art italien. Ignorant presque tout de l’art de la Renaissance, exception faite de la sculpture de Michel-Ange et de quelques tableaux des peintres vénitiens, Le Brun appartient à une tradition préraphaélite en ce qui concerne son imaginaire. Botticelli, Ghirlandaio, Gozzoli, Pinturicchio et Signorelli, artistes presque ignorés les siècles passés, constituent les préférences esthétiques de l’artiste belge. 1. Lors du voyage qu’il effectue à Florence et à Pise en 1896, Maurice Maeterlinck a également été séduit par la peinture de Gozzoli. Une fresque de cet artiste lui a d’ailleurs inspiré le modèle des costumes pour la tournée de sa pièce Monna Vanna en 1903. Sur la réception de la culture visuelle de la Renaissance italienne chez Maeterlinck, Une rue à Florence le soir, Florence, 1900, fusain sur papier, 29,5 × 19,5 cm. Localisation inconnue. [57] voir Denis Laoureux, Maurice Maeterlinck et la dramaturgie de l’image. Les arts et les lettres dans le symbolisme en Belgique, Anvers, Pandora (Cahiers), 2008, p. 38-41. 2. Georges Le Brun, lettre à sa mère, Naples, 28-29 mars 1900. Coll. privée. Intérieur de l’église de Limburg, Limburg an der Lahn, 1905, aquarelle, pastel et crayon sur papier, 43 × 49 cm. New York, coll. privée. [98] Il est fort possible que Le Brun appréciât Gozzoli pour des raisons de compatibilité avec l’art flamand des xve et xvie siècles. Le souci du détail et de l’analyse est plus propre à l’art flamand qu’à l’art italien. Cependant, il est étonnant que Le Brun, artiste attiré par les paysages dépouillés et les scènes silencieuses, s’intéresse à un peintre pour lequel la narration et la juxtaposition de plusieurs structures, typiques du Moyen Âge, sont prédominantes. Pour Francine-Claire Legrand, « on peut dire de Georges Le Brun, comme du Douanier Rousseau, qu’il est un primitif du xxe siècle, voire de la fin du xixe. Primitif ce goût du détail qui n’est pas simplement un détail isolé, mais la synthèse de mille autres détails, le raccourci d’une multitude d’observations faites sur le vif […]. Ces images sont des icônes. On peut les opposer aux paysages impressionnistes, visions fugaces en passe de se modifier sous nos yeux. Cette opposition est flagrante lorsqu’il s’agit de peindre un reflet. Pour les impressionnistes, le reflet bouge, il fuit. Pour les symbolistes, le reflet est fixe comme un double figé qui contiendrait, plus encore que la réalité, le secret de son immanence3 ». 72 | georges le brun On peut envisager l’expression « synthèse de mille autres détails » comme la clef pour comprendre le double intérêt de Le Brun pour l’analyse et la synthèse. En effet, on pourrait parler de sa peinture comme la restitution d’un regard circulaire sur les détails de la nature. Notre regard serait alors orienté sur ses œuvres, dont on peut jouir d’un seul coup d’œil d’une certaine manière, plus proche des théories esthétiques de son époque (Bergson en particulier), contrairement à la peinture flamande de la Renaissance. Le fait que Le Brun aimait un artiste comme Maurice Denis peut nous aider à mieux comprendre sa contribution au symbolisme et son insistance sur la simplicité et la synthèse, par le biais de leur intérêt commun pour les artistes italiens du xve siècle. Denis n’absorba pas seulement le côté esthétique de ces artistes. Reproduction photographique (22 × 19 cm) achetée par Georges Le Brun Il intégra aussi leur côté spirituel. Le Brun ne en 1900 à Venise d’une œuvre de Raphaël. Coll. privée. semble pas du tout s’intéresser à la religion ni attribuer de sens caché ou ésotérique à ses peintures. Il se détache en cela de la plupart des idéalistes. Considérons maintenant ses écrits, et tout d’abord ceux qui se rapportent à son voyage à Rome que Le Brun quittera « sans beaucoup de regrets4 ». La ville la plus appréciée par les artistes jusqu’au xixe siècle ne semble donc pas l’avoir particulièrement ému. L’homme visite beaucoup d’églises, même les édifices mineurs. Le lieu auquel il porte une attention considérable est le Vatican : les Loges de Raphaël, la chapelle Sixtine, les appartements Borgia, etc. « Michel-Ange, écrit-il, est colossal, mais photographique (9,5 × 13,5 cm) achetée par Georges Le Brun j’aime mieux les primitifs. Quant à St. Pierre Reproduction en 1900 de la fresque de Benozzo Gozzoli, L’Adoration des anges. c’est bien médiocre et juste ce qu’il faut pour Coll. privée. épater les pèlerins5. » On peut comprendre cette impression dans la mesure où le gigantisme de la basilique et les contradictions éclectiques ante litteram qui la caractérisent peuvent éloigner le visiteur et cacher ses trésors, comme La Pietà (1499) de Michel-Ange. Dans le texte suivant, Le Brun donne beaucoup d’indications sur sa visite à Rome : 3. Francine-Claire Legrand, « Georges Le Brun », in William Degouve de Nuncques et les intimistes verviétois, Verviers, 1990, p. 33. 4. Georges Le Brun, lettre à sa sœur Maria, Arezzo, 12 avril 1900. Coll. privée. 5. Georges Le Brun, lettre à sa mère, Rome, 3 avril 1900. Coll. privée. georges le brun et la culture visuelle de la renaissance italienne | 73 « J’ai vu ces jours passés les appartements Borgia au Vatican décorés par le Pinturicchio, c’est très beau, c’est même splendide […], mais c’est à l’Église d’Ara Coeli que j’ai vu ce qui m’a le plus impressionné de lui. Je ne dirai pas le sujet parce que c’est l’affaire des érudits allemands ou russes que savoir ce que représente un sujet […]. J’ai revu la Sixtine et les loges de Raphaël. C’est peut-être ce qu’il y a de plus beau au monde, mais je continue à ne pas comprendre Raphaël, je l’avoue ; il y a de beaux fragments malgré tout. Quant à Michel-Ange c’est à coup sûr formidable, mais il ne parvient pas à mon humble avis, à écraser les fresques de Signorelli, Pérugin, Pinturicchio et Botticelli qui sont en dessous des siennes. C’est trop extérieur pour moi. Sa sculpture par contre est gigantesque. Son Moïse ne s’oublie pas6. » L’adjectif « extérieur » se colore de sens négatif dans la poétique d’un artiste intéressé notamment par les intérieurs domestiques et par le calme de la campagne. L’extériorité semble faire référence à la source du génie italien, c’est-à-dire à l’étude anatomique et de la nature en général. Le Brun, plus sensible aux « préciosités », aux miniatures médiévales, au goût pour le détail, préfère la peinture primitive à cette monumentalité et cette exubérance de l’art italien du xvie siècle. Pour cette raison, il n’était également pas du tout intéressé par le maniérisme ou le baroque. Il n’offre même aucun témoignage sur les chefs-d’œuvre romains de Gian Lorenzo Bernini (1598-1680) et du Caravage (1571-1610). Les artistes qui travaillaient beaucoup sur les contrastes, sur le dynamisme, ne le touchent pas, lui qui aimait la paix et la tranquillité dans la vie et dans l’art. Par contre, et curieusement, l’harmonie, la grâce et la paix de Raphaël (1483-1520) l’agacent : « le carton de l’École d’Athènes m’a laissé aussi froid qu’il m’a empli de respect. La dignité de la composition, la pureté quintessenciée de la forme, la science énorme et sincère ne se nient pas. On est triste de n’être pas ému, c’est humiliant de ne pas être secoué par une chose à confesser admirable7 ». Il écrit très souvent ne pas comprendre Raphaël. Il est fort possible que la grâce et la sensation d’accomplissement qu’inspirent les œuvres du peintre urbinate aient pu heurter la sensibilité d’un artiste jeune, plus sensible aux structures mystérieuses du Quattrocento italien. À Florence, il ne cesse d’admirer l’art flamand : « le plus grand chef-d’œuvre que j’ai vu jusque maintenant […], c’est le triptyque de Hugo Van der Goes au musée de l’Hôpital de Sainte Marie8. Cela unit à un style de ligne qui ne le cède pas aux plus grands italiens, une couleur incomparable9 ». On est en droit de s’interroger sur la supériorité que, dans son musée imaginaire, Le Brun accorde à la peinture flamande sur la Renaissance italienne. Il y a, dans son cas, une raison technique. Le Brun affirme plusieurs fois qu’il préfère les fresques aux peintures sur toile. « J’ai remarqué, écrit-il, que tous les artistes italiens étaient grands dans leurs fresques et, à d’assez rares exceptions près, embêtants dans leurs peintures, j’en excepte les Vénitiens qui sont vraiment peintres10. » 6. Georges Le Brun, lettre à son père, Rome, 6 avril 1900. Coll. privée. 7. Georges Le Brun, Cahiers, p. 10, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l’art contemporain, inv. 23.787. 8. Il s’agit du Triptyque Portinari (1476-1479). 9. Georges Le Brun, lettre à sa mère, Florence, 17 avril 1900. Le Triptyque Portinari fut rassemblé 74 | georges le brun en 1871 et exposé aux Offices juste en 1900, après avoir été démonté en 1567 et exposé à l’hôpital de Santa Maria Nova où l’artiste le vit. Le Brun en rapporte ici l’un des premiers témoignages. 10. Georges Le Brun, lettre à sa mère, Florence, 17 avril 1900. Coll. privée. La Sapinière ou Le Bois de sapins, Xhoffraix, 1903, huile sur toile, 49 × 65,5 cm. Coll. privée. [81] Il est surprenant que Le Brun, bien que paysagiste, manifeste peu d’intérêt pour les paysages italiens, mais démontre son admiration devant des structures plus complexes comme les sculptures médiévales (Giovanni Pisano, 1248-1317), l’articulation du registre inférieur de la chapelle Sixtine, les bas-reliefs de Santa Maria del Popolo à Rome, les fresques de Luca Signorelli à Orvieto, de Cimabue et d’Orcagna à Pise. Il décrit ces derniers comme ceci : « C’est une inoubliable mosaïque de Cimabue, toute de lapis-lazuli et d’or, heurtée, violente et sèche, mais hallucinante et grandiose. Ce n’est pas beau et cela vous poursuit ; après cela, les grands maîtres sont fades et froids […] surtout, et c’est ce point qu’on n’oublie, Orcagna si dur, si rébarbatif dans son rigorisme inflexible, au travers duquel, malgré tout, perce un élan de tendresse pour la grâce et une irrésistible influence de cet art grec, si ardemment aimé des Pisans11. » 11. Georges Le Brun, Récits de voyage. Impressions d’artiste, p. 49-50. Coll. privée. georges le brun et la culture visuelle de la renaissance italienne | 75 Le Brun aime la peinture « dure », « sèche », « violente », selon ses termes, comme s’il voulait s’enivrer d’un art très loin du sien et de son esprit. Mais on peut penser aussi qu’il voulait cacher une partie de son inspiration pour démontrer son originalité et ce n’est pas un cas rare dans l’histoire de l’art. Le Brun n’a jamais été à Londres, où il est exposé, mais c’est assez probable qu’il connaissait le chef-d’œuvre de Paolo Uccello (1397-1475), Chasse de nuit (1470), conservé à l’Ashmolean Museum d’Oxford. En effet, on constate des correspondances entre cette œuvre et certains de ses tableaux, en particulier La Sapinière [repr. p. 75], par l’extravagance de la perspective et l’enfilade des arbres. Il en va de même pour la lumière nocturne introduite par Piero della Francesca (1416 / 14171492) dans sa fresque Le Songe de Constantin (1458-1466) à Arezzo, que Le Brun admira pendant son voyage en Toscane. Dans son dernier tableau, La Haute Fagne (1914) [repr. p. 44-45], qui témoigne de l’importance des triptyques, structure typique de l’art sacré italien, mais aussi de l’œuvre de Hugo Van der Goes très admirée à Florence, Le Brun se détache de la tradition italienne et démontre sa contemporanéité. Il est plus proche d’un artiste comme Ferdinand Hodler (1853-1918), par exemple, et de ses paysages « planétaires », ou même d’un artiste italien qui travailla et mourut à Paris, Giuseppe De Nittis (1846-1884), qui reprit le format du triptyque pour son pastel La Course au Bois de Boulogne (1881), un des pionniers dans l’art profane12. À Milan, face à un autre maître de la Renaissance, Le Brun vit une expérience originale : « La fresque du Vinci. La magie d’un des noms les plus glorieux, l’odyssée cruelle d’un chef-d’œuvre, l’envie de voir et la crainte d’être déçu m’énervaient… J’ai vu et je suis très triste… comme lorsqu’on voit un admirable fragment de l’Antique on ne voudrait pas pour l’empire du monde qu’on se risquât à le restaurer et on est angoissé de le voir en ruine […]. On n’a qu’un mot pour les auteurs ignobles de ce vandalisme : les brutes13 ! » Évidemment, il parle ici des restaurations sauvages de La Cène (1494-1498) de Léonard de Vinci, ainsi que de la difficulté de se confronter à la monumentalité de l’art italien. Ce n’est pas un hasard s’il avoue aimer un objet qu’on n’hésiterait pas à qualifier de kitsch à notre époque : les cheveux de Lucrèce Borgia14, muséalisés et conservés comme une relique dans la Bibliothèque ambrosienne. De plus, il déteste le style gothique du Dôme de la ville lombarde, estimé trop lourd, plein de statues, « grand casse-tête chinois », « imbroglio architectural15 », très loin de la grâce des halles d’Ypres selon lui. 12. Edward Burne-Jones utilisa le triptyque en 1861 pour concevoir son Adoration et Annonciation des Mages. 13. Georges Le Brun, Cahiers, p. 8, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l’art contemporain, inv. 23.787. 14. « Mais crie au paradoxe tant que tu voudras, rien de tout ce que j’ai vu ne m’a plus fait écarquiller mes yeux de peintre qu’une belle mèche de cheveux de Lucrèce Borgia, conservée sous une vitre avec une lettre manuscrite. Or ce qui m’emballe n’est aucunement apparenté à l’enthousiasme historique ou sentimental de certains. C’est simplement la couleur d’or profond et fin, la ligne onduleuse et les reflets encore vivants. Il n’y a que cette femme-là au monde qui ait eu de tels cheveux j’en suis absolument sûr. » Georges Le Brun, lettre à sa mère, Naples, 28-29 mars 1900. Il est à noter que le culte des cheveux de Lucrèce Borgia remonte à Lord Byron et devient une mode durant le xixe siècle. 15. Georges Le Brun, Cahiers, p. 11, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l’art contemporain, inv. 23.787. Soir de pluie à Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905, fusain, aquarelle et pastel sur papier vergé, 63 × 48 cm. Musées de Verviers, inv. PIR 1943-458. [96] 76 | georges le brun 77 La Vénétie est la dernière étape du voyage de Le Brun. De Venise, notre artiste ne conserve pas beaucoup de souvenirs et considère que Bruges et Leyde sont bien mieux. Les seuls mots d’admiration sont réservés à Titien, estimé comme le génie le plus grand de la Renaissance italienne. L’artiste affirme pourtant que L’Amour sacré et l’Amour profane (1515) de la Galleria Borghese à Rome est merveilleux, mais que la plus grande partie de ses peintures est, par contre, « abîmé[e], noirci[e]16 ». Il a une admiration particulière pour Saint Georges à cheval terrassant le dragon de Carpaccio (1502) qui se trouve à la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni à Venise, particulièrement pour la représentation de la cruauté dans l’acte d’égorger le monstre. Le chef-d’œuvre de Carpaccio occupe une place importante dans le corpus des œuvres appréciées par l’artiste, ce qui peut être relié avec ses goûts préraphaélites. Du Vénitien, il admire encore le tableau Deux femmes vénitiennes (1490-1495), une œuvre dans laquelle la tradition flamande est prégnante et où l’on voit les traces d’un silence métaphysique dont l’artiste belge fera son trait distinctif. Dans une de ses dernières lettres, Le Brun écrit : « Et mon voyage presque fini, je ne crains pas de dire que le Van der Goes de Florence est la seule œuvre d’art vue en ma vie qui tiendrait à côté des Sept sacrements de Van der Weyden ou de Van Eyck. Et pourtant j’ai vu de merveilleux chefs-d’œuvre et je crois avoir beaucoup compris17. » Il n’hésite pas à affirmer que Van der Weyden et Van der Goes ont beaucoup influencé les Italiens sans être vraiment marqués par eux18, que Van der Weyden est resté gothique flamand même après son voyage en Italie. Dans un retour sur lui-même, Le Brun semble vouloir dire qu’à l’instar des maîtres flamands de la peinture ancienne, la culture visuelle de la Renaissance italienne n’infléchira pas son art. En conclusion, on peut affirmer que les artistes italiens et le voyage en Italie ont formé le chaînon manquant entre la tradition flamande et l’univers contemporain symboliste de Georges Le Brun. Sans la connaissance directe de l’Italie, de ses villes, de la douceur de ses paysages et de ses chefs-d’œuvre, l’artiste ne serait peut-être jamais parvenu à son interprétation tout à fait singulière de la nature, ni à la conscience profonde de lui-même, bien que, parfois, il refusât d’envisager que la culture visuelle italienne ait pu transformer sa vision. Champ labouré, Sancourt, janvier 1906, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 25 × 36 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-462. [100] 16. Georges Le Brun, lettre à sa sœur Maria, Venise, 7 mai 1900. Coll. privée. 17. Loc. cit. 78 | georges le brun 18. Georges Le Brun, lettre à sa sœur Maria, Paris, 20 mai 1900. Coll. privée. 79 Noémie Goldman Georges Le Brun et L’Art moderne Il est toujours curieux d’observer le basculement d’un artiste de l’autre côté du miroir ; lorsqu’il se fait critique d’art. Un regard, une connaissance des techniques et de l’histoire de l’art, les artistes possèdent souvent les qualités utiles à l’analyse d’œuvres. Et pourtant, leurs contributions à des revues artistiques apparaissent comme des surprises et nous interpellent. Il s’agit toutefois d’une forme complémentaire d’expression, qui nous révèle souvent l’artiste lui-même. C’est pourquoi il est intéressant de s’attarder un moment sur les articles publiés par Georges Le Brun, et tout particulièrement ceux reproduits dans l’une des revues majeures de l’époque, L’Art moderne. L’Art moderne est une revue fondée en 1881 par des avocats et écrivains bruxellois, tels qu’Edmond Picard1. Octave Maus, qui y participe comme auteur depuis sa création, devient quelques années plus tard rédacteur en chef. Il tissera alors des liens étroits entre les Salons qu’ils organisent, ceux des XX, puis de La Libre Esthétique, et la revue. Les artistes, écrivains et critiques associés au comité de rédaction de la revue circulent au sein d’un même milieu intellectuel issu de la bourgeoisie bruxelloise. La participation de Georges Le Brun à L’Art moderne, qui témoigne de sa relation avec ce milieu, atteste également son identité intellectuelle, souvent éclipsée par sa posture de « peintre de la Fagne », vivant une vie simple de villageois isolé. Le père de Georges Le Brun était un ingénieur cultivé et musicologue, et sa mère était issue d’une famille aisée de la bourgeoisie wallonne2. Georges fut très jeune attiré par les ouvrages de dessins et de littérature, mais fut envoyé à l’Université de Bruxelles pour étudier en faculté de sciences3. Si le peintre ne termine pas ses études, il ne s’éloignera jamais d’une certaine sphère intellectuelle. Toute sa vie, Georges Le Brun écrira des textes qui témoignent de ses connaissances approfondies en art et de son intérêt pour les questions culturelles de l’époque4. À travers ses lettres d’Italie, ses récits de voyage et ses articles de presse, Georges Le Brun démontre un penchant certain pour une écriture savante. 1. Le comité de rédaction est formé d’Edmond Picard, Victor Arnould, Eugène Robert ainsi que d’Octave Maus ; plus tard, Émile Verhaeren y participera. 2. Georges Le Brun 1873-1914, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 12 décembre 1975 – 11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 1975, n. p. Ardennaises travaillant aux champs, Xhoffraix, vers 1895, aquarelle, gouache et encre de Chine sur papier, 38 × 27 cm. Bruxelles, coll. privée. [35] 3. Loc. cit. 4. Émile Desprechins intitule l’un des chapitres de son ouvrage consacré à l’artiste « L’homme et l’écrivain » : Émile Desprechins, Georges Le Brun. Peintre de la Fagne, Paris-Bruxelles, G. Van Oest, 1925, p. 44-45. Une fagne (fumée), Xhoffraix, 1895, aquarelle sur papier, 36,5 × 51,5 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-455. [39] Le Village dans la vallée, Hébronval (près de Lierneux), 1913, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 54 × 76 cm. Bruxelles, coll. privée. [132] Cette production littéraire contraste avec l’image répandue du peintre, tout entier absorbé par la vie simple des Ardennes. De fait, l’artiste cultivera toute sa vie une identité wallonne et rurale. Il s’isole régulièrement dans des hameaux perdus et s’imprègne de la vie des habitants de la région. Cette image de « peintre de la Fagne » sera diffusée à travers le texte publié par son ami proche, Maurice Pirenne5. Ce dernier décrit l’assimilation de l’artiste aux villageois et construit la légende d’un artiste reclus loin des villes civilisées : « Bientôt il connut tous les habitants de l’endroit. Il les interpellait par leur prénom, avait ses entrées chez tous, s’installait au coin du feu, dans la marmaille ; avec hommes et femmes il fraternisait. Il avait appris à parler couramment leur wallon, il rendait des services, il donnait des conseils, il se disputait ; plusieurs fois il s’est battu6. » 5. Maurice Pirenne, Georges Le Brun, 1873-1914, Sa vie de peintre, lecture faite à l’occasion de l’exposition consacrée à Georges Le Brun dans la salle de la Société des beaux-arts de Verviers, 82 | georges le brun Verviers, édité par Auguste Nicolet, 1920. Ce texte de Pirenne est repris intégralement dans le présent ouvrage. 6. Idem, p. 10. Georges Le Brun se distance géographiquement du milieu artistique de la capitale et se forge une identité de peintre ermite. Madeleine Octave Maus écrira de lui qu’il « était un singulier garçon d’un humour assez particulier et qui vivait à Xhoffraix, à Longfaye, dans les Fagnes de la Baraque Michel, sans autres compagnons que ses chiens bien-aimés et ses livres7 ». Cette double identité – de bourgeois intellectuel et de peintre rustre des villages ardennais – crée l’ambiguïté qui entoure la personnalité, et l’art, de Le Brun. Les articles qu’il publie offrent ainsi l’occasion d’explorer cette complexité propre au peintre et de suivre l’évolution de sa relation au milieu culturel de la capitale. Il publiera cinq articles dans L’Art moderne ; un compte rendu d’exposition et deux articles consacrés au Salon triennal en 1903, une étude sur les peintures murales de Maurice Denis en 1904, ainsi qu’un compte rendu, en plusieurs parties, du Salon de La Libre Esthétique en 19068. 7. Madeleine Octave Maus, Trente années de lutte pour l’art, Bruxelles, Lebeer Hossmann, 1980, p. 241. 8. [Georges Le Brun], « Le prochain Salon triennal », L’Art moderne, 19 juillet 1903, no 29, p. 253. Le Brun ne signe pas l’article, mais est cité georges le brun et l’art moderne | 83 Tête d’homme imberbe (avec chapeau), Xhoffraix, vers 1896, fusain sur papier, 49,5 × 39 cm. Bruges, coll. privée. [44] Bœuf paissant, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 35 × 50 cm. Coll. privée. [17] Deux thématiques se dégagent des contributions de Le Brun dans L’Art moderne, qui révèlent de nouvelles facettes de l’artiste et de son œuvre : la critique des institutions culturelles et la valorisation d’un art naïf. La première, qui témoigne de son implication dans le milieu culturel et intellectuel de l’époque, apporte un nouvel éclairage sur son apparente identité de « peintre isolé ». La seconde est davantage tournée vers la vision esthétique de l’artiste, qui le positionne de façon plus radicale sur la scène artistique de l’époque. En juillet 1903, Le Brun rédige un premier et bref article sur un nouveau règlement publié par le jury du Salon triennal9. Il s’agit d’une règle donnant l’autorisation aux artistes décorés ou membres de l’Académie d’exposer au Salon sans devoir passer par la sélection du jury. Le Brun critique cette nouvelle réforme et la met en parallèle avec un vote récent du jury contre une proposition de Fernand Khnopff. Ce dernier, juré pour le Salon de 1903, avait proposé que les membres du jury s’abstiennent d’exposer au Salon pour conserver une plus grande indépendance. La condamnation de ces deux décisions comme auteur dans l’index ; Georges Le Brun, « Les Dinanderies », in L’Art moderne, 16 août 1903, no 33, p. 286-287 ; Georges Le Brun, « Le Salon des Beaux-Arts », in L’Art moderne, 6 septembre 1903, no 36, p. 307-308 ; Georges Le Brun, « Maurice Denis. Les chapelles du Vésinet », in L’Art moderne, 28 février 1904, no 9, p. 66-68 ; Georges Le Brun, « Le Salon de La Libre Esthétique », in L’Art moderne, 4 mars 1906, no 9, p. 68-69 ; Georges Le Brun, « Le Salon deLa Libre Esthétique », in L’Art moderne, 11 mars 1906, no 10, p. 75-77 ; Georges Le Brun, « Le Salon de La Libre Esthétique », in L’Art moderne, 18 mars 1906, no 11, p. 83-84. En 1905, 84 | georges le brun une lettre de Georges Le Brun sera également publiée dans le courrier des lecteurs (« Correspondance particulière de L’Art moderne », in L’Art moderne, 31 décembre 1905, no 53, p. 425). L’artiste prendra la défense de son ami, Maurice Pirenne, dont l’exposition personnelle avait été annulée. Suivra une courte polémique qui poussera Maurice Pirenne lui-même à envoyer une lettre à la revue quelques semaines plus tard (« Correspondance particulière de L’Art moderne », in L’Art moderne, 14 janvier 1906, no 2, p. 14). 9. [Georges Le Brun], « Le prochain Salon triennal », ibid., p. 253. La Conversation, s.l.n.d., fusain, crayon et aquarelle sur papier, 53 × 68 cm. Bruxelles, coll. privée. [142] par Le Brun rejoint la critique du système institutionnel régulièrement diffusée par L’Art moderne. Le Brun publie au mois de septembre une suite à sa courte intervention de juillet10. En guise d’introduction, il reproduit l’article du règlement qu’il avait mentionné dans son article précédent. La suite est à nouveau une attaque contre le Salon triennal comme le lecteur en trouve régulièrement dans L’Art moderne. Il s’agit d’un article qui aurait pu être publié à l’époque des XX ; il mentionne le travail des « jeunes » en opposition aux canons dépassés des peintres académiques11. Le Brun aboutit aux conclusions habituelles de la revue quant à la valeur mercantile de ces Salons et qualifie les œuvres des artistes participants de « marchandises12 ». Depuis sa création, la revue s’oppose clairement aux institutions académiques et ce type de dénonciation s’inscrit parfaitement dans la continuité idéologique de L’Art moderne. Le Brun, dès ses premières publications, prend ainsi clairement position sur l’échiquier du monde artistique de l’époque. 10. Georges Le Brun, « Le Salon des Beaux-Arts », ibid., p. 307-308. 11. Ibid., p. 307. 12. Ibid., p. 308. georges le brun et l’art moderne | 85 Le Brun conclut son article de septembre en définissant explicitement les acteurs en opposition sur la scène artistique belge contemporaine : le Salon triennal et celui de La Libre Esthétique : « Non, mon brave jury, ne fait pas une Libre Esthétique qui veut. Et la foire au linoléum est ouverte. Bourgeois, précipitez-vous13. » Élevant le dernier comme exemple, il participe ainsi à la diffusion du manichéisme construit par L’Art moderne : les œuvres commerciales du Salon triennal face à la qualité des expositions de La Libre Esthétique. Le Brun se fera d’ailleurs souvent l’avocat des expositions d’Octave Maus et soutiendra régulièrement les initiatives de La Libre Esthétique. Le compte rendu du Salon de La Libre Esthétique que Le Brun publie en 1904 dans L’Éventail est un nouvel exemple du soutien apporté publiquement par l’artiste à Maus14. En 1904, ce dernier organise une rétrospective consacrée à l’art impressionniste au Salon de La Libre Esthétique. Cette exposition devient l’épicentre d’une polémique initiée par Edmond Picard. Ce dernier dénonce le fait que Maus n’expose presque exclusivement que des artistes français dans un Salon bruxellois (le seul artiste belge représenté est Théo Van Rysselberghe15). Diverses personnalités du milieu culturel vont prendre parti par l’intermédiaire de publications ou de conférences. Dans son article de L’Éventail, Georges Le Brun confirme l’utilité éducative d’une telle rétrospective et félicite La Libre Esthétique d’apporter à Bruxelles « ce qui se fait ailleurs16 ». L’artiste s’engage ainsi ouvertement dans un débat public qui se déroulait au cœur de la scène culturelle bruxelloise. Si Le Brun adopte une relation ambiguë avec Bruxelles et va progressivement s’isoler davantage dans ses villages wallons, il s’aligne toutefois très clairement dans le champ de pensée du milieu circulant autour de L’Art moderne et de La Libre Esthétique. Le personnage de Le Brun est curieux tant il semble se positionner en marge du milieu artistique belge – s’assimilant, de façon identitaire, au villageois davantage qu’au Bruxellois érudit –, tout en prenant parti dans des débats publics dans une revue fortement connotée et associée à une élite intellectuelle. Ses prises de position dans L’Art moderne n’empêchent guère Le Brun de conserver, aux yeux des lecteurs de la revue, son image de peintre simple et modeste. Ainsi, son deuxième article publié dans L’Art moderne, intitulé « Les Dinanderies », révèle à quel point l’artiste joue effectivement d’une certaine posture17. Il réalise le compte rendu d’une exposition consacrée aux cuivres fabriqués dans la ville de Dinant depuis des siècles. Si au travers de la description détaillée de cet ensemble d’objets fort particulier, Le Brun expose un réel savoir, il parvient également à se positionner comme novice. Au début de l’article, il précise que c’est grâce à la visite privée de l’exposition faite en compagnie d’un spécialiste qu’il a pu regrouper des informations « qui [vous] feront croire que je suis érudit18 ». Malgré le réel statut d’intellectuel de Georges Le Brun, acquis dans son environnement familial et social, l’artiste maintient cette posture d’homme simple, autodidacte, qui n’appartient pas aux sphères intellectuelles. Ici, cette référence à sa fausse érudition est d’autant plus paradoxale qu’elle est mentionnée dans un article publié dans une revue de renom, et consacré à un sujet très pointu. 13. Loc. cit. 14. Georges Le Brun, « La Libre Esthétique », in L’Éventail, 20 mars 1904. 15. Pour de plus amples informations concernant ce sujet, voir Marcel Daloze, « Querelle de clocher à La Libre Esthétique : impressionnistes français et nationalisme belge », in Bulletin des musées 86 | georges le brun royaux des Beaux-Arts de Belgique, no 1-4, 1994-1995, p. 259-278. 16. Georges Le Brun, « La Libre Esthétique », ibid. 17. Georges Le Brun, « Les Dinanderies », ibid., p. 286-287. 18. Ibid., p. 286. La Femme au hasple, Xhoffraix, 1897, huile sur toile, 66 × 62 cm. Coll. Famille Crismer. [46] 87 Dans le manuscrit de ses récits de voyage, Le Brun évoque son malaise devant la publication de ses écrits19. Il exprime à nouveau une certaine modestie et s’affirme difficilement comme auteur : « Après avoir hésité longtemps, songeant qu’on avait certainement mieux dit que je ne pourrais le faire, ce que je vais écrire je me suis décidé à publier ces sensations de voyage. A-t-on le droit de garder pour soi seul ses enthousiasmes et son expérience ? J’avais cru que oui, tout naïvement, mais il paraît que c’est de l’égoïsme, et convaincu par un ami que peut-être je ferais œuvre utile en livrant au plus d’artistes possible une nomenclature de ce qu’il faut voir en Alsace, en Suisse, en Italie et en Bourgogne… je fais le grand effort, mon Dieu oui, je publie20 ! » Cette timidité liée à la publication de ses textes et la relation ambiguë qu’il maintient entre ses prises de position publiques et son isolement physique loin de la scène bruxelloise sont intéressantes à mettre en rapport avec sa propre vision artistique. Les articles qu’il publie dans L’Art moderne sont également pour lui l’occasion de poser sur papier les lignes maîtresses de sa pensée esthétique, qui fait écho à son positionnement social. Dans son compte rendu du Salon triennal de 1903, il révèle, parallèlement à sa critique institutionnelle du Salon, une perception très personnelle de l’art. Il défend les « œuvres simples » et considère que « la jeunesse est de tous les temps et seules resteront les œuvres naïvement sincères21 ». Il utilise ainsi des adjectifs qui reflètent ses propres œuvres et sa vision artistique. De fait, il y a chez Le Brun une quête du sincère, qu’il associe lui-même au terme de naïf, qui est propre à son œuvre. Ainsi, si l’artiste reprend les idées de L’Art moderne pour critiquer le système académique, il emprunte à son propre répertoire pour y évoquer ses considérations esthétiques. Il profite également de ses publications pour créer des ponts entre sa vision artistique et l’œuvre d’autres peintres. En 1904, Le Brun publie une étude sur les peintures murales de Maurice Denis à l’église du Vésinet22. L’artiste introduit son article par une citation d’Ingres : « Conservez toujours cette bienheureuse naïveté, cette charmante ignorance23. » Nous retrouvons cette même notion de naïveté et cette valorisation de l’ignorance qui évoque son comportement ambigu devant ses écrits. Il n’est pas étonnant qu’il consacre plusieurs pages d’analyse à l’œuvre de son contemporain français. Leurs œuvres partagent une certaine simplicité et une discrétion qui les distinguent des autres artistes de l’époque. En décrivant et en admirant les peintures de Maurice Denis, l’artiste belge souligne les points essentiels de son propre art : l’inspiration des maîtres primitifs et la primauté de l’émotion sur la maîtrise technique. Selon ses propres mots : « Ce n’est pas qu’il faille mépriser la science, mais il ne faut pas oublier que nous nous élèverons d’autant plus dans la compréhension d’un art, que nous apprendrons mieux à donner un empire plus grand à l’émotion sentimentale qu’à la perfection technique24. » Cette mise en valeur du sentiment au-delà de la science reflète sa volonté de placer le savoir, l’érudition, au second plan dans son art et sa vie. Si le peintre possède une maîtrise technique, ainsi qu’une réelle personnalité intellectuelle, il choisit de placer ces qualités 19. Georges Le Brun, Manuscrit pour ses récits de voyage, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l’art contemporain, inv. 23.787. 20. Loc. cit. 21. Georges Le Brun, « Le Salon des Beaux-Arts », 88 | georges le brun in L’Art moderne, 6 septembre 1903, no 36, p. 308. 22. Georges Le Brun, « Maurice Denis. Les chapelles du Vésinet », in L’Art moderne, 28 février 1904, no 9, p. 66-68. 23. Ibid., p. 66. 24. Loc. cit. Homme pelant des pommes de terre, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 83 × 65 cm. Coll. Famille Crismer. [37] en arrière-fond pour atteindre une certaine naïveté nécessaire à son art. Face aux dessins et peintures de Georges Le Brun, nous observons un véritable exercice de simplification qui évoque le primitif, tout en annonçant une grande modernité. De fait, ce retour vers l’ancien, le rural et le naïf, qui se situe au cœur de l’œuvre de Le Brun, sera ensuite défendu par les mouvements expressionnistes du xxe siècle. georges le brun et l’art moderne | 89 Jean-Marie Klinkenberg Une « école verviétoise » de peinture ? Réalités d’un mythe Pour une idéologie qui s’est solidement constituée au xixe siècle, l’art ne saurait être qu’une activité gratuite et désincarnée. On y voit le plasticien engagé dans une lutte solitaire avec la matière et l’écrivain seul face à sa feuille blanche, l’un et l’autre n’ayant pour alliés que leur génie et leur inspiration. Le savoir, toujours désenchanteur, nous a aujourd’hui appris que cette pureté idéale est un leurre : l’art est une pratique sociale parmi d’autres. Et autour du créateur, d’autres acteurs s’affairent, que des institutions épaulent : pas de peintre sans galeries, sans collectionneurs, sans musées, sans politique culturelle ; pas d’écrivain sans éditeurs, sans prix, sans lecteurs, sans professeurs de lettres… Parmi ces instances, le critique et l’historien occupent une place nécessairement ambigüe. D’un côté en effet, leur discours relaie souvent l’idéologie de l’art comme pratique autonome ; mais de l’autre, il leur revient de faire voir les lignes de force et d’opérer des regroupements. Il n’est donc pas étonnant qu’ils recourent fréquemment à la facilité des -ismes (réalisme, symbolisme, intimisme…) et à la trop commode notion d’« école ». Commode car bien floue. On peut en effet distinguer deux conceptions de l’école, l’une étroite, l’autre large. Pour la première, une école est un groupe organisé de personnes – penseurs, scientifiques, artistes – « qui se réclament d’un même maitre ou professent les mêmes doctrines » (Le Petit Robert) ; pour la seconde, c’est un ensemble de producteurs que l’on peut s’autoriser à rapprocher en raison de leurs origines communes ou de leur parenté stylistique. La fabrication de « l’école intimiste verviétoise » On ne doit donc pas s’étonner si l’on voit ce concept prendre du service sur la scène verviétoise lorsqu’au début du xxe siècle une masse critique d’artistes s’y manifeste pour la première fois. C’est aux cimaises de la Société des beaux-arts que des œuvres de Georges Le Brun (1873-1914), Maurice Pirenne (1872-1968) et Philippe Derchain (1873-1947) apparaissent simultanément. Dès ce moment, ce trio – qui ne deviendra qu’occasionnellement quatuor, avertissement Port de Bruxelles, le soir (verso), Bruxelles, 1893, aquarelle, crayon et encre de Chine sur papier cartonné, 39 × 58 cm. New York, coll. privée. [10] Le présent texte applique les rectifications de l’orthographe de 1990, recommandées par toutes les instances francophones compétentes, en ce compris l’Académie française. par l’ajout de Pierre Delcour (1886-1976), élève de Pirenne, ou, bien plus tard, de Joseph Gérard (1873-1946) – est repéré comme tel par la critique. Ainsi, en 1913, Charles Delchevalerie se plait à regrouper « quatre artistes verviétois ». Entre les regroupements physiques et ceux qu’opère la critique, la dialectique est constante : en 1911 et 1912, par exemple, Derchain, Pirenne, Le Brun, Delcour exposent avec Auguste Donnay à la salle « Le Studio » de Bruxelles. Mais c’est dans les années 1920 seulement – donc après la disparition de Le Brun – que prend corps l’idée d’une « école verviétoise » : la revue La Vie wallonne use alors régulièrement de cette expression. Et il revient à Jules Bosmant, sans doute mu par les raisons que Denis Laoureux expose dans le présent volume, de proclamer en 1930 l’existence d’une « école de Verviers » comprenant Pirenne, Derchain et Gérard, flanqués de Delcour et de Laurent Léon Herve1. De cette école, les fondements ne sont pas autrement précisés, mais son chef de file et initiateur est clairement désigné : ce serait Le Brun, dont la primauté Le Perron de Theux le soir, Theux, 1906, avait déjà été soulignée par Maurice Kunel aquarelle, pastel et gouache sur papier, 56 × 46 cm. Belgique, coll. privée. [102] en 1923. Et c’est l’été de cette même année 1930 qu’une exposition groupée a lieu sous la bannière « école de Verviers » : les articles de presse font un large emploi de cette étiquette, désormais lancée. La suite est connue. Le même Bosmant reviendra à la charge jusqu’à la fin de sa vie : il conclut un texte posthume par quelques lignes sur « le réalisme poétique » où il évoque la « confidentielle école verviétoise qu’ignorent toutes nos histoires de l’art2 » et persiste à camper Le Brun en chef de groupe. Et, en 1982, c’est encore ce pavillon que la Province de Liège fait flotter sur une exposition rassemblant les quatre mousquetaires. Il ne restera plus qu’à caractériser ladite école. Ce sera chose faite tardivement – bien après la mort des intéressés – lorsque Georges Schmits publie une monographie sur Les Intimistes verviétois (La Dérive, 1997), faisant « d’intimisme » une véritable marque de fabrique (la même année, il publie, chez le même éditeur, J.J.A. Gérard, intimiste verviétois, et en 2002 Paul Schmitz, intimiste verviétois). Ce label donne aujourd’hui son titre à un excellent blogue alimenté par Jacques Spitz et consacré à Pirenne, Le Brun, Derchain, Gérard, Herve, Schmitz, Jean Julémont, Alphonse Lejeune, Charles Leuther « et quelques autres », annexés pour la bonne cause. 1. La Peinture et la sculpture au Pays de Liège de 1793 à nos jours, Liège, Mawet, p. 289-293. 2. « Le réalisme et le naturalisme », in J. Stiennon et R. Lejeune (dir.), La Wallonie. 92 | georges le brun Le pays et les hommes, Arts – lettres – culture, t. 2, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1978, p. 523. Maisons à Spixhe, Spixhe (Theux), 1913, aquarelle, crayon gras et rehauts de pastel sur papier, 60 × 90 cm. Coll. privée. [134] École, réseau, afinités ? La conclusion s’impose : l’« école de Verviers » est, puisque tous la voient. Mais ne la voit-on pas comme les personnages d’Andersen voyaient les habits neufs de l’empereur ? Il faut tout d’abord observer que la critique ne s’est pas privée d’inscrire nos peintres dans d’autres catégories, dont la pertinence ne semble pas moindre. Le Brun et Derchain sont ainsi regroupés comme « peintres de l’Ardenne » par A.-M. Berryer (L’Art et la vie, 1936), quand ils ne sont pas « peintres de la Fagne » (Émile Desprechins publie en 1925 Georges Le Brun, le peintre de la Fagne). Et une belle exposition de 2001 à l’Hôtel de ville de Bruxelles a fait de Pirenne, Le Brun et Derchain des « peintres du silence », cousinant à ce titre avec Degouve de Nuncques, Donnay, Khnopff, Mellery et Spilliaert. Ensuite, il faut se souvenir de l’ambigüité de la notion d’école, que j’ai soulignée d’entrée de jeu. Si c’est au sens strict du mot que l’on se tient, il est patent que jamais il n’y eut d’« école verviétoise ». Aucun des acteurs n’a en effet jamais exprimé de doctrine nette, et a moins encore mené de combat pour l’imposer : si Le Brun tient la plume dans la revue L’Art moderne une «école verviétoise» de peinture ? réalités d’un mythe | 93 La Neige, s.l., 1904, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 58 × 77 cm. Montréal, coll. privée. [93] d’Edmond Picard et si, dès les années 1930, Pirenne laisse publier quelques-uns des aphorismes qu’il rassemble dans ce qu’il nomme sa « poubelle », il n’y a là rien qui adopte un style ou un propos manifestaire. Point de chef de file non plus, ni de porteparole. Lebrun, un guide ? Voilà une illusion que l’intéressé devait dénoncer, de manière cassante, avant même qu’elle trouvât à se formuler : « L’école, c’est tout ce qui est à la remorque d’un créateur, ce n’est donc rien3. » Ce qui peut malgré tout conforter l’idée d’une école, c’est qu’une sorte de réseau tend à associer, au début du xxe siècle, des artistes du même âge (Pirenne est né en 1872, 3. « Le Salon jubilaire de La Libre Esthétique », in Réforme, no 2, 1903, p. 17 ; cité apud Anne Thiry, L’École de Verviers, mémoire inédit de licence 94 | georges le brun en histoire de l’art et archéologie, Université de Liège, 1982, p. 76. La Tricoteuse, Xhoffraix, février-mars 1903, huile sur carton, 54 × 55 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-449. [68] Le Brun, Derchain et Gérard l’année suivante) et que certains d’entre eux sont sensibles à la dynamique de ce maillage. Les relations qui se nouent associent principalement Le Brun et Pirenne. Anciens condisciples, ils se tutoient d’ailleurs. C’est dans L’Art moderne que Le Brun défend Pirenne, victime du scandale qui, en 1905, sera le tournant de sa carrière (invité du Cercle artistique et littéraire de Bruxelles, on lui signifie la veille du vernissage que son envoi est refusé ; mais dans un deuxième temps, on expose quand même certaines de ses œuvres, sans l’en informer). En sens inverse, Pirenne, qui jouit désormais d’une position légitime à la fois comme artiste et comme fonctionnaire – il est devenu conservateur au Musée communal en 1912 –, ne se contente pas de publier diverses notices sur les peintres verviétois du xixe siècle : en 1920, il réserve une salle du musée à son confrère, à qui il consacre le mémorable texte republié dans le présent ouvrage. une «école verviétoise» de peinture ? réalités d’un mythe | 95 Certains des acteurs ont une nette conscience des enjeux symboliques représentés par ce réseautage. Delcour, Herve et Gérard écriront ainsi le 9 janvier 1936 à Pirenne pour lui demander le nom des artistes que le Cercle des Beaux-Arts compte faire figurer à leurs côtés sous le label « école verviétoise » : il s’agit, s’inquiètent-ils, « de ne pas nous risquer à exposer avec des peintres qui ne peuvent avoir de prétention à ce titre4 ». Reste aussi et surtout une certaine unité d’inspiration, de vision et d’effet, que d’autres ont décrite mieux que moi : le refus d’un art prétendant faire accéder à un mystérieux univers idéal ; une acceptation de l’humilité des choses ; une réserve dans la représentation de l’humain (réduite qu’elle est à des ombres fugitives, à des dos, ou à des personnages repliés sur leur intériorité) ; des paysages silencieux. Bref, tout ce que l’on a tenté de faire entrer dans la case « intimisme ». Encore cette unité ne doit-elle pas être surestimée. D’une part, elle n’est vraiment nette que si l’on fait fi de la chronologie. En raison de cet intimisme, Pirenne serait l’égal d’un Latour ou d’un La Vieille Tricoteuse ou Symphonie en bleu ou Intérieur bleu, Xhoffraix, 1903, huile sur carton, 75 × 61 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-451. [71] Morandi ? Mais ce n’est guère vrai que pour sa production des années 1950 et 1960, à partir desquelles son regard ne se porte plus que sur la fenêtre, sur l’appui de fenêtre, sur l’objet insignifiant déposé sur l’appui de fenêtre. D’autre part, c’est par des techniques bien différentes que nos Verviétois arrivent à disqualifier l’anecdote : si Pirenne dit la vanité de la chose – le dossier de chaise, le buffet – en en rejetant fréquemment une partie hors du champ, c’est au contraire par une centration presque forcée que Le Brun y atteint ; si c’est par l’estompe que le pastelliste Pirenne obtient un certain brouillage des plans, c’est en usant du crayon dur que Derchain produit ses brouillards lumineux. S’il n’y a pas d’« école », il y a au moins un surgissement sur lequel il faut à présent s’interroger. 4. Lettre inédite, Fonds Pirenne (Bibliothèque centrale de Verviers), citée apud Thiry, op. cit., p. 82. 96 | georges le brun La Garde-malade, Longfaye, vers 1903, huile sur toile, 47 × 64 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-450. [83] Un monde en mutation Le xixe siècle verviétois, brillant sur le plan économique, fut d’une grande pauvreté sur le plan de la création, tant littéraire que plastique. Mais au début du siècle suivant, la donne change peu à peu. La bourgeoisie qui s’est constituée s’ouvre alors à la vie culturelle. Sans pour cela pousser aux audaces (la classe qui anime la vie wallonne est principalement liée aux affaires, Bruxelles ayant capté une part importante des ressources humaines puisées dans la bourgeoisie de robe ; son rôle ne sera donc pas le même qu’à la capitale). Le Brun et Pirenne sont issus de ces milieux entrepreneuriaux, qui les encourageront généreusement dans la voie qu’ils se sont choisie. Par ailleurs, des institutions se créent. En 1889, des cercles d’amateurs se fédèrent pour donner naissance à une Société des beaux-arts, qui disposera de son propre local en une «école verviétoise» de peinture ? réalités d’un mythe | 97 1896. Son rôle sera déterminant pour la vie artistique locale, et notamment pour la carrière de nos peintres. Mais à bien y regarder, il n’y a pas là de spécificité verviétoise. C’est toute la vie culturelle belge qui connait un tournant spectaculaire à la fin du siècle. On voit le nombre d’étudiants croitre après 1876, à la faveur d’une nouvelle règlementation facilitant l’entrée dans les facultés. Ainsi se constitue une base sociale suffisamment large pour que se constitue un public susceptible de recevoir, apprécier (et acquérir…) les œuvres produites. Qu’ils soient écrivains ou plasticiens, les artistes ainsi lancés dans le champ sont le plus souvent des fils de famille aisée, qui ont bénéficié d’une bonne formation. Or, dans les deux dernières décennies du siècle, cette couche de la population se voit menacée. Si l’essor économique antérieur à 1870 avait industrialisé l’économie, il avait aussi eu pour effet de créer un secteur tertiaire important. La dépression devait redistribuer les cartes et hypothéquer l’insertion des jeunes bourgeois dans leur milieu d’origine. D’où le rejet de ce milieu, dont le philistinisme est honni. D’où, aussi, la nouvelle conception qu’ils ont de leur pratique : loin d’être « un second métier », l’art est désormais revendiqué comme un choix d’existence. La chose est claire pour Pirenne et Le Brun, qui n’envisagent pas d’autre carrière ; elle l’est aussi pour Derchain, qui quittera le barreau pour le pinceau ; elle le sera aussi pour Gérard, pour qui l’art est une conquête (ainé de douze enfants, il travaille d’abord en usine, puis, artisan de la Jeune garçon pelant des pommes de terre, Xhoffraix, s.l.n.d., pierre, pratique la sculpture, pour ne passer à la peinture huile sur toile, 65 × 40 cm. Coll. privée. [139] qu’en 1922). Évidemment, ces dispositions peuvent produire des effets très variés : par exemple, on voit se développer à la fin du xixe siècle un puissant courant symboliste, visant à rendre compte de la réalité mouvante et mystérieuse qui animerait nos êtres, bien au-delà du réel. Or c’est précisément cette prétention que récuseront nos Verviétois. D’autres facteurs sont donc intervenus pour orienter la sensibilité de ces derniers. J’en distinguerai deux. Une intériorité wallonne Il y a tout d’abord ce que j’oserai appeler une certaine sensibilité wallonne. S’il faut se méfier de la thèse d’une psychologie des peuples, qui a exercé les ravages que l’on sait, on ne peut oublier qu’une spécificité culturelle wallonne a été revendiquée à la fin du xixe siècle (souvenons-nous de la prestigieuse revue La Wallonie, où Albert Mockel entend réagir à la thèse d’un art belge, trop flamand, et à la prééminence du centre bruxellois, trop hégémonique) ; on ne peut davantage nier que cette spécificité a trouvé à s’inscrire dans les productions artistiques du temps. La chose est bien documentée 98 | georges le brun pour ce qui est de la littérature réaliste produite entre 1900 et 1914. Les auteurs wallons et flamands (francophones, s’entend) s’y opposent spectaculairement sur plusieurs points. D’abord par le cadre référentiel, comme on s’en doute. Par le style ensuite : plus recherché chez les Flamands, il est davantage classique chez les Wallons. Par le choix et la psychologie des personnages : chez les premiers, ceux-ci sont plus souvent des exceptions sociales et leur psychologie est volontiers béhavioriste ; chez les seconds, l’accent est placé sur les détails de la vie quotidienne plus que sur l’action, en même temps que l’analyse psychologique est plus poussée. Ces tendances ont leurs correspondances dans les arts plastiques, et ce sont incontestablement elles qu’illustrent les Verviétois. Une logique centrifuge Un second facteur à considérer est la dynamique de la géopolitique culturelle. Il faut s’attendre à ce qu’une ville excentrée de la dimension de Verviers, avec la structure sociale qu’on lui connait, n’offre guère de points de cristallisation susceptibles de légitimer une production culturelle indépendante. Elle subit l’attraction de deux centres distincts : Paris, le plus puissant sur le plan symbolique, mais aussi Bruxelles, centre assurément moins attractif sur ce dernier plan, mais bien équipé (revues, galeries, théâtres, etc.) et surtout immédiatement utilisable par le provincial. L’alternative sera donc simple pour ce dernier : soit obéir aux forces centripètes, soit donner un sens à sa position périphérique, en en exploitant l’originalité. Et c’est bien cette posture qu’ont adoptée nos peintres. Le Brun a même joué sur les deux tableaux : très présent à la capitale et à Gand, c’est lui qui a manifesté la sociabilité la plus forte, nouant des contacts avec des représentants de l’intelligentsia bruxelloise, comme Octave Maus, Eugène Laermans, Fierens-Gevaert et avec des instances comme La Libre Esthétique. Mais sa méfiance vis-à-vis des coteries reste grande. Faut-il dès lors s’étonner qu’on insiste sur sa retraite en Fagnes ? Le repli est spectaculaire également chez Pirenne : après l’incident de 1905, on ne verra plus de lui que quelques expositions, peut-être encouragées par Le Brun ; et, après la Première Guerre mondiale, il ne se manifestera plus en dehors de Verviers. Derchain vient d’un univers plus conforme au modèle de la bourgeoisie radicale bruxelloise, mais il se tient davantage à l’écart des milieux artistiques, qu’il ne rejoint que vers 1900. Mais c’est chez Gérard que la revendication d’isolement est la plus forte. Sans doute rendu méfiant par sa dotation culturelle d’origine, il méprise les cercles artistiques qui s’intéressent à lui. Cette circonspection vis-à-vis des aspects publics de la vie artistique, doublée d’un regard critique aigu, est sans doute le point commun le plus évident entre nos artistes, et celui qui a alimenté le plus pertinemment la légende dorée de l’intimisme. Pour des raisons qui regardent chacun et dont aucune sociologie mécaniste ne peut rendre compte, chacun est resté une ile. Il n’y a pas d’« école verviétoise » ; mais au moins y a-t-il eu, à Verviers, un archipel d’exception. une «école verviétoise» de peinture ? réalités d’un mythe | 99 Les écrits de Georges Le Brun Dans un presbytère, Thimister, 1901, fusain, aquarelle et pastel sur papier, 73 × 50 cm. Liège, musée des Beaux-Arts (BAL), inv. aw2141. [62] Rassegna d’Arte, « L’esposizione dei primitivi iamminghi », octobre 1902, no 10, p. 145-147. i paesi bassi hanno dato in questi ultimi anni mirabile saggio del culto amoroso che portano ai loro grandi artisti del passato Nel 1898 la prodigiosa esposizione di quadri, disegni, acqueforti di Rembrandt chiamo in Amsterdam una folla altrettanto prodigiosa di ammiratori ; un anno dopo, Anversa riuniva molti fra i bellisimi ritratti di Van Dyck. Oggi è Bruges che raccoglie nel suo Palazzo Provinciale un’esposizione di capolavori del XV secolo. Ed era giusto che Bruges, alla cui gloria tanto contribuirono gli artisti di quelle’epoca e che fu da essi tanto mirabilmente illustrata, li ricambiasse in certo modo, a sua volta, rendendo loro un omaggion cosi solenne e gandioso. Bruges rimane quasi immutata da quattro secoli. La gran torre Comunale, il labirinto di angustissime vie, di canali, di casette gotiche, le torri e i camanili le dànno una fisonomia shiettamente medioevale, cosicchè quelle opere d’arte viste qui, nel loro ambiente, diventano accesibili anche ai meno iniziati, che comprendono subito la particolar bellezza di questa scuola veramente fiamminga, scevra d’influenze straniere. Essa è l’espressione di una stirpe che aprendo i suo cuore ne largisce i tesori, e si dà tutta quanta semplicemente, sinceramente, senza enfasi e pero senza restrizioni, creando un’arte profonda che sa penetrare nell’intimo delle cose e parlare al cuore più che alla mente. Il far la critica di tutta una esposizione dei pittori del XV secolo – se non fosse un’irriverenza sarebbe una puerilità ; ma vogliamo approfittar dell’occasione per parlar di una scuola di cui non si riconobbe ancora tutti il valore – giocchè non v’è stravaganza che gli eriditi non abbiano ripetuta mille volte, dicendo che questi grandi 102 | georges le brun pittori « imparavano a dipingere come s’impara a piallare ; che erano abili, ma senza alcun sentimento personale ; che si servivano della « camera chiara »… Con quest’ultima accusa, certa critica crede d’aver detto l’ultima parola, e di aver demolito tutto, come se un’opera di sentimento, d’estressione, consistesse tutta quanta nei contorni ! E che importa il mezzo sbrigativo adoperato, se l’opera d’arte ci commuove e fa dar un balzo ? E se fosse questa arte tutta materiale, di pura abilità, come si spiegherebbe la sottile e profonda psicologia dei ritratti ? Certo è che questi nostri pittori, messi accanto agli artisti del Rinascimento ne restano, a prima vista, eclissati ; ma, a poco a poco, il loro sentimento ingenuo e coscienzioso, la loro volontà risoluta, e l’idealità che informa le loro opere, vincono anche la scienza orgogliosa e un po’vacua di quelli, e li fa parere superficiali ed enfatici. Al pensiero di questi nostri pittori, corrispondono sempre esattamente una forma e un colore. Secondo il soggetto li troviamo timidi e modesti nella Sybilla Zambetha di Moreel dell’ospedale di S. Giovanni ; audaci o insolenti nel ritratto di Antonio di Borgogna a Chantilly e in quello del Temerario a Bruxelles, astuti e prudenti nel Luigi XI dell’Ariana o in Filippo il Buono di Anversa, aspri e rapaci nel Pierre Bladelin di M. Van Kaufmann, profondi e gravi nel sublime ritratto della sposa di Giovanni Van Eyck. S’intende qui come questi artisti, che conobbero tutti i più diversi sentimenti e li seppero esprimere in una serie di incomparabili ritratti, dovettero condurre l’arte a una fioritura completa e mirabile. E non si limitarono ai ritratti, ma davanti alla natura tutta quanta si inchinarono con religioso fervore studiandola nelle sue più umile creature, fin nel modesto fiorellino, ben comrendendo come ogni cosa racchiuda un simbolo preciso e definito. Cosi è che, malgrado la minuta cura di ogni particolare, essi rimangono grandi, semplici, sintelici, vigorosi. E da Van Eyck nobile, calmo, fino al grandissimo Rogelet de la Pasture, spesso cosi doloroso, noi passiamo davanti al Van der Goes del magnifico finissimo trittico di Firenze, a Memling, a Gerard David, accanto ai quali vediamo Fouquet, il loro fratello di Turenna artista prodigioso fra tutti, e il meraviglioso Antonello da Messina, senza che mai ci colpisca una espressione esagerata o di cattivo gusto o forzata. Tutto in quest’arte è subordinato al pensiero, bello e alto come la forma. Questa esposizione di Bruges sarà feconda di risultati ; mostresà per esempio quanto vano sia il lungo discutere litigare sulle attribuzioni, giacchè anche tra le opere non firmate ve ne sono di meravigliose, e chiunque abbia senso d’arte preferirà un bel quadro senza nome a una firma illustre. Cosi avremo visto qui affermarsi nettamente alcune personalità, perchè malgrado i vari nomi che si succedono periodicamente sotto le cornici di certi quadri, questi dimostrano d’essere usciti dalla mano d’uno stesso artefice. A dispetto dei documenti più espliciti (apocrifi forse ?) ci siamo convinti che se Gerard David è l’autore del meravilglioso quadro di Rouen la Vergine e il Putto circondati d’angeli e di santi (di che on dubita alcuno) egli non ha potuto dipingere nessuno dei quadri che qui gli vennero attribuiti (tra i quali ve n’ha pur sempre di bellissimi). E si potrebbero ancora fare infinite osservazioni… A Mala pena si puo trattenere il riso davanti all’immenso trittico di Najera, un Memling (?) dagli angeli che suonano, che meno tanto scalpore, attribuito al Maestro per una certa analogia riscontrata nelle trombe… Infatti nel trittico di Najera si veggono delle trombe che somigliano a quelle del Cofano di S. Orsalo… Ma gli angeli della grande cantoria hanno piuttosto l’aria di monelli, e il Cristo è cosi volgare e cosi greve, che se pure il quadro è antico, esso è opera di un imitatore dalla mano abile, ma dal cuore chiuso a ogni sentimento. E che importa ! Se anche tra i quattrocento quadri esposti ce ne fossero duecento di troppo, sarebbe forse ragione sufficiente per biasimare e denigrate ogni cosa ? Le meravigliose opere note a tutti non sono qui : chi vuole, le cerchi nei Musei aperti al pubblico. Il trittico di Van der Goes che Tomaso Portinari ordino per l’ospedale di Santa Maria la Nuova es che è agli Uffizî, l’Arnolfini di Van Eyck a Londra, e le tavole dell’Adorazione dell’Agnello di S. Bavon a Gand e a Berlino, i Roger de la Pasture di Anversa, di Berlino, di Beaune, del Prado e dell’Aja sono accessibili chiunque. Qui invece si ha la fortuna rara di vedere raccolte opere d’arte sparse nelle raccolte private e di di cui non si conosceva che da pochissimi l’esistenza. Tali sono le Sante Donne che piangono il Cristo morto (proprietà del Barone d’Albenas, di Montpellier) opera trascendentale, attribuita, senza prove positive e senza grandi ragioni d’analogia con altre sue opere, ad Antonello da Messina. E una pagina sublime di carattere acuto e straziante, sobria di colore, squisita. Le Sante Donne prosternate, ricordano le bellissime ploranti del sepolcro dei Duchi di Borgogna, opera di Claes Van de Werve e Jacob de Baerze. L’opera non è che abbozzata, ma a toni pieni e, non somiglia nè come preparazion nè come sentimento a un abbozzo di Antonello, il Cristo in croce, che è nella galleria del principe Corsini, a Firenze. Non intendiamo con cio di negare l’attribuzione accettata, per proporne un’altra, ma dobbiamo pur confessare che quella ci par fantastica, e che non sapremmo dire a chi si accosti quest’opera, se non a certi quadri di Fouquet a cui somiglia per la nobiltà e una certa tendenza di sentimento ; ma poi sotto altri aspetti l’affinità non sembra tale da autorizzare la proposta di les écrits de georges lebrun | 103 quel nome. Ma questo è certo, che ci troviamo dinanzi a un’opera meravigliosa. E questo basta alla gioia dei nostri occhi. Gioia che proviamo, intensa, davanti alla Vergine col Putto, inapprezzabile capolavoro di Roger de la Pasture, proprietà del sig. Mathys di Bruxelles, degna in tutto del pennello che dipinse i Sette Sacramenti e il Giudizio Universale di Beaune. Un soave coro armonioso di sentimenti che deliziano l’animo, di toni sontuosi e profondi, squisito di freschezza e, cosa assolutamente rara, in uno stato di conservazione perfetta. Ma quante opere indimenticabili ! Come descrivere il ritratto della collezione del barone Oppenheim, cosi nobile e bello ; quello della sposa di Giovanni Van Eyck del Museo di Bruges, forse il maggiore fra tutti, e certo il più semplice e il più intimo ispirato a tanta dignità e reverenza, di cosi fini lineamenti e cosi soave incarnato, che non ve lo potete togliere della mente, e vi insegue, e vi accompagna colla sua visione ? E dello stesso Giovanni Van Eyck l’Adamo ed Eva che facevano parte una volta della Adorazione dell’Agnello mistico, di S. Bavon a Gand, e che oggi sono a Bruxelles ? Davanti a questa Eva, si racconta che Dürer gettasse grida di entusiasmo. Si è anche contenti di veder qui qualche opera che, apparte- 104 | georges le brun nendo ad altra scuola, non avrebbe forse ragione di esservi : come l’enumerazione di Betlemme di Pietro Brueghel il vecchio, e la serie di tavolette della Passione di Cristo, opera grandiosa nelle sue piccole di mensioni, superba di stile, d’una luce cosi trasparente da far pensare a un dipinto su vetro, e che è una delle rarissime pitture di Enrico Goltzius. Ma a che condurebbe mai una più lunga enumerazione di titoli o di descrizioni ? Malgrado i tesori accumulati nel Palasso Provinciale, e al Palazzo della Gruuthuuse, dove sono raccolte le miniature, i sigilli, i merletti, le sculture e i gioeilli, ho rimpianto amaramente di non vedere la statua d’avorio della Vergine col Putto, opera prodigiosa del XIII secolo, che appartiene alla collezione del De Meyer di Bruges, e che sarebbe stata il più prezioso ornamento delle sale della Gruuthuuse. E chissà quanti altri capolavori di questo periodo sono sparsi per il mondo… e più pregevoli ancora ! In ogni modo questa è una superba espisizione, e l’esempio è fatto per incoraggiare, perchè non è mai lo spettacolo delle opere belle che tolga caraggio all’artista, ma il contatto funesto della mediocrità. Giorgio LE BRUN. Texte préparatoire de Georges Le Brun pour l’article en italien paru dans Rassegna d’Arte, « Breughel Il Vecchio », avril 1903, no 4, p. 49-51. Je n’apporte point de pierre à l’édifice et mon érudition ne me permet pas de suivre sur ce terrain si passionnant la critique savante ; car on a beaucoup parlé déjà et excellemment de Pierre Breughel le Vieux. Je serai sobre autant qu’il se peut de ces documents qu’il est bon de résumer et dont la paternité ne m’appartient pas. Et puis, parce qu’il convient d’honorer la belle peinture je vous parlerai de son œuvre. Pierre Breughel le Vieux naquit à Bree près de Bréda vers 1525. Ses parents selon V. M. étaient de simples paysans. Sa vocation impérieuse eut sans doute raison des résistances traditionnelles des familles et il devint à Anvers l’élève de Pierre Conck, un esprit très fin, très cultivé chez qui, nous dit toujours V.M. il vécut dans cet état voisin de la domesticité, commun à « tous les apprentis de ce temps ». Puis il travailla chez Jérôme Cock qui bientôt consacra son propre talent à graver l’œuvre de son disciple. Il passa par un lettré parce que souvent il orthographiait mal son nom. En 1551, il visita l’Italie, mais comme il conserva toute sa puissante originalité, il passa pour n’avoir point profité de son voyage. Il vint se fixer à Bruxelles en 1563 ; y épousa la fille de Pierre Conck mettant ainsi un terme à une vie de célibataire un peu débraillée, devint un mari modèle, eut 3 enfants : Pierre (B. d’A.) qui fit des redites de l’œuvre de son père et piquait quelques œuvres fort belles ; Jean (B. de V.) le protégé du cardinal B. et Marie. L’histoire finit donc bien. C’est l’essentiel et que nous croyions V.M. ou non, peu nous chante. C’est l’œuvre d’un artiste (et) ce que personnellement il nous a laissé de lui-même (qui) doit nous intéresser au premier chef. Que nous importe en vérité qu’il ait eu des maîtres puisqu’il ne leur doit rien ; puisqu’au milieu de cet élan d’enthousiasme aux ailes un peu courtes pour des grands maîtres italiens, il resta lui-même et eût la dignité de préférer être un maître indépendant plutôt qu’un disciple soumis ou un plagiaire ingénieux. Son fils a copié ses œuvres, on n’a jamais su s’en inspirer. À peine Wickelbooms a-t-il tenter de reprendre sa conception… il n’en fait qu’une pastiche débilité. Il est de ceux qui parlent parce qu’ils ont quelque chose à dire. Ils le disent avec la toute puissante autorité d’un tempérament irrésistible, et après eux la veine est épuisée, on doit se taire. Faut-il déduire de ce qu’il n’eût peutêtre pas beaucoup d’orthographe qu’il fut illettré et rustique ? Son œuvre décèle comme le dit fort judicieusement Mr Émile Michel un génie frère de Rabelais. Il a dit avec une merveilleuse imagination et une somme d’érudition parfois prodigieuse les grandeurs et les misères de l’humanité. En un langage inouï jusqu’alors et dont on a perdu l’éloquence, il a parlé du vice et de la vertu, de la tristesse et de la joie, du bonheur de vivre et de l’amertume ou de l’ironie des choses. Il a compris la nature, dans sa plus vaste synthèse à l’analyser, dans ses plus humbles créatures. Il a eu ce don divin ; le sentiment exact de l’âme humaine, la conception précise de la matière. Ce ne fut point par une intuition du hasard ; tout dans son œuvre nous montre un caractère voulu, parfaitement conscient et raisonnant sur tout ce qu’il fait, en toute lucidité de jugement et non point un illuminé, avec des égarements de pythonisse. Lorsqu’il partit pour l’Italie, il n’allait point chercher sa route. Il savait ce qu’il voulait dès avant son départ. Son œuvre le montre à toute évidence, il n’y allait point s’inspirer des maîtres, mais en amateur intel- les écrits de georges lebrun | 105 ligent et curieux contempler leurs œuvres. Il a dû frissonner, s’enthousiasmer en présence des quattrocentistes. Lorsqu’un artiste atteint au style, à la perfection et à l’émotion de la justice qu’on ne connaît hélas plus que par la gravure, il est prêt à tout comprendre et à tout éprouver. Son génie est trop indépendant et la connaissance de sa personnalité trop ferme pour qu’il puisse subir aucune influence. Mais ne croyons pas que ne point subir c’est n’avoir point compris ; ce serait accorder le monopole de l’intelligence aux âmes faibles. N’est-il point admirable cet artiste qui de ses débuts à sa mort eut cette constante préoccupation le respect religieux de la nation ? préférant l’anachronisme à la science compassée, plaçant les symboles éternels de l’humanité au-dessus d’une puérile vérité historique ? S’il symbolise la foi ou l’espérance, il nous transporte d’une grandiose émotion lyrique, nous écrase d’un sentiment d’une puissance irrésistible. Une séduction étrange et subtile s’empare de nous. Chez lui, rien de déjà vu. Il a eu la conception la plus largement poétique, le souffle le plus ému et le plus requérant qui ait jamais fait vibrer une âme compréhensive. Il devient cruel mais reste vrai quand il raille et si parfois son rire ou ses sarcasmes manquent de pondération. Songeons à l’époque et au milieu. On sait pertinemment qu’à son avis, il y a pas mal de bêtes qui ne mangent pas du foin. Il y a beaucoup de choses éminemment morales qui ne sont faites ni pour toutes les oreilles, ni pour tous les yeux. En somme, parmi les peintres qui ont aimé la nature et n’ont pas eu peur de s’inspirer d’elle, il est peut-être le plus original et certainement l’un des plus vrais. Nous nous ferons une idée de sa merveilleuse conscience et du souci qu’il avait de donner à ses œuvres la somme d’émotion qu’elles comportaient, en suivant ces sublimes aveugles de Jéricho. Dès 1566, la 106 | georges le brun composition en était arrêtée, un dessin de la collection Salting de Londres en fait foi. Un tableau de dimensions modestes, si on le compare à celui de Naples, mais identique, merveilleusement impressionnant et magistralement peint, nous le montre dans le même paysage couvert de neige. La couleur est sobre, presque terne, il y a quelque chose de poignant et de lamentable et chaque touche trahit la maîtrise géniale de Breughel le Vieux. Le tableau appartient à la collection Cardon à Br [sic]. Est-ce une étude de préparation, fût-ce une redite ? peu importe. Le sujet le hantait. Il en tira tout ce que son cœur de grand artiste en pouvait tirer ; car à Naples s’est dans les ors mourants d’un automne exquis et brumeux que se passe une scène hallucinante et fascinatrice. Au Louvre, l’excellente copie peinte à l’huile acquise à la vente, Luys montre une nature riche et luxuriante ; un ciel joyeux, d’opulentes frondaisons d’été. On n’y retrouve plus la grandeur et la liberté de facture des deux précédentes mais c’est une fière œuvre encore et qui fait penser à la splendeur de l’original. Il y aurait une passionnante étude comparative à faire sur ces œuvres parfois tant répétées. Sur cette prédiction de St Jean du musée Wicar à Lille, d’Anvers, de Bâle et de Dresde. Sur ce payement de la dîme récemment acquis à la vente Huybrechts à Anvers et qui arrive de Bruxelles l’original qui voisine la copie de Pierre II et la remet à son plan. C’est une page de peinture splendide, d’un sentiment touchant et puéril et d’une incomparable couleur. Le musée en possède une bonne redite et le musée d’Anvers une lamentable. Où s’est égaré l’original de ce printemps exquis dont il existe tant de variantes… Depuis le clair fragment tout neigeux de fleurs blanches de Lille jusqu’à ceux plus nerveux et plus montés de toute la collection Mathys et de la collection Cardon, copies du fils ? la gravure de Cock nous montre de l’original la mer à l’horizon et dans le soleil une flotte qui ne se voit point dans les copies. Le bouquet du musée de Gand est une réplique du tableau de Vienne qu’on revoit ici ou à Lucques chez le marquis Munsi avec la fête des rois et la danse des paysans. À Vienne, l’authenticité est hors de doute et les œuvres splendides. C’est la collection de l’empereur Rodolphe II. Si à ces collections, j’ajoute celle de Mr. Fétis à Bruxelles qui possède un étonnant dessin, celle de Mr Max Rooses à Anvers avec l’alchimiste Warmstadt avec les paysans dansant autour d’un gibet, Dresde avec la copie de la rixe et Haverlin avec les proverbes, je vous aurai signalé tout ce que j’en connais. La peinture de Breughel le Vieux est toujours large, incisive et nette. Des traits très francs, mais toujours harmonieux et de délicate sonorité, un dessin expressif et simple, large, caractérisant d’un trait génial les sentiments, le mouvement et la forme. Oserions-nous soutenir que celui qui peignit d’un cœur si profondément humain les œuvres de miséricordes, le massacre des innocents, la prudence ou l’alchimiste où il nous montre sans pédantisme que la science la plus abstruse n’a point de secrets pour lui, était un rustre de peu de culture ? Je crois bien que l’homme qui a conçu des œuvres aussi tragiques et aussi grandioses que l’espérance et la justice, aussi profon- dément imprégnées d’émotion mystique que les œuvres de miséricorde, la Foi et la prédication de St Jean, aussi pleines de pitié que les aveugles, ou les hystériques, mouvementées comme la rixe, sarcastiques comme ses kermesses et ses ripailles, débordantes d’imagination comme ses dénonciations du vice ou sa description des châtiments. Spirituelles et joyeuses comme un délicieux dessin… Viffizzi où un rustre décoche narquoisement quelque bonne sentence à un gamin dénicheur d’oiseaux, ou comme ce moins solide Naples ; qui fut naïf comme dans ces croquis charmants, us regium cular & villae aliquot ou la Pagus Nimorosus, clair et chantant comme dans ce poème inoubliable du Printemps, fut bien loin d’être un rustre, au contraire l’homme le plus complet de son temps, le plus puissamment armé contre le flot d’imitations des maîtres italiens, et le compositeur le plus imprégné de rythme et de style qui se puisse voir. Il dépassa les bornes de notre bienséance, parfois. Autre temps pour autres mœurs. Il ne fut jamais immoral et il y a un peu d’hypocrisie dans les exclamations pudibondes de ceux qui se voilent, que certaines œuvres ne soient point faites pour être mises sous les yeux de tous, soit, je l’ai mis. Il y a des pages de l’ancien testament qu’on ne peut montrer non plus à tout le monde, parce qu’il y a des esprits si pervers que l’horreur du vice les tente encore. les écrits de georges lebrun | 107 L’Art moderne, 19 juillet 1903, no 29, p. 253. le prochain salon triennal Le jury du Salon triennal des Beaux-Arts, élu par les artistes, vient de publier le règlement de l’Exposition. On y trouve cette disposition nouvelle et vraiment inattendue : « ART. 9. – Les œuvres envoyées par des artistes DÉCORÉS DE L’ORDRE DE LÉOPOLD, membres de l’Académie royale de Belgique ou du Corps académique d’Anvers SONT REÇUES SANS EXAMEN. » On nous assure que la proposition émane d’un peintre qui, bien qu’appartenant à l’une de ces trois catégories – nous ne vous dirons pas laquelle – avait vu ses toiles refusées au dernier Salon… Il a, cette fois, pris ses précautions ! D’autre part, un artiste a demandé que les membres du jury s’abstiennent d’exposer, afin de conserver toute leur indépendance. Cette proposition a soulevé une tempête de protestations. Quelques membres ont même refusé de la discuter ! Mise aux voix, elle n’a réuni que quatre suffrages : ceux des deux délégués de Gand, qui avaient reçu de leurs électeurs un mandat impératif d’abstention – celui de M. Struys et, naturellement, celui de l’auteur de la proposition. Pourquoi ne pas le nommer ? C’était M. Fernand Khnopff. Le Salon réunira des œuvres intéressantes. Constantin Meunier compte y faire figurer un groupe important, La Maternité, qu’il vient d’achever et qui fait partie de son Monument au Travail. Paul Du Bois exposera un groupe de grandes dimensions composé de quatre figures, La Justice compatissante, qui lui fut inspiré par les réformes législatives du ministre de la justice Jules Le Jeune. Jef Lambeaux, outre le Satire mordu qu’on put admirer naguère au Salon de Paris, enverra la figure de femme qui couronnera sa Fontaine de Saint-Gilles, plusieurs autres sculptures et un grand dessin au fusain. M. Braecke exposera une figure tombale. M. Isidore Verheyden termine pour le Salon deux portraits et un paysage. L’Art moderne, 16 août 1903, no 33, p. 286-287. les dinanderies Le Caban, Xhoffraix, 1899, crayon et pastel sur papier, 75 × 51,2 cm. Louvain-la-Neuve, musée du Dialogue, inv. BO233. Donation Boyadjan. [54] 108 | georges le brun Cela devient une institution contemporaine que ces expositions rétrospectives : Rembrandt, Cranach, Van Dyck, Le Petit Palais, la Centennale et Dusseldorf, les primitifs flamands, Van Goyen et les portraits de maîtres, à La Haye, aujourd’hui les Dinanderies, bientôt les primitifs français ; voilà le lot de cinq années et j’en omets peut-être. C’est excellent. Les archéologues se contredisent et pondent des opuscules, les artistes admirent et parfois se consolent (ceux qui sont vite contents), en constatant que tout ce qui est ancien n’est pas nécessairement un chef-d’œuvre et que les piliers d’académie sont de vieille souche. Il peut jaillir un peu de lumière, à la rigueur, de l’amertume des controverses, où il s’agit surtout d’avoir le dernier mot et souvent beaucoup d’obscurité. On renverse facilement son encrier en discutant. Mais ce qui est indéniable, c’est qu’il y a des choses superbes, c’est que généreu- les écrits de georges lebrun | 109 sement les organisateurs se prodiguent et travaillent de l’esprit et des mains avec enthousiasme et que si je n’avais assisté à la mise au point de cette exposition, j’aurais eu la critique plus facile. Les locaux sont peu propices ; quant aux objets, la réflexion du grenadier de Waterloo sur les Alliés me vient aux lèvres : Ils sont trop ! – C’est tout le mal que j’ai à dire ; mieux valait commencer par là. Nous serons contents jusqu’au bout, désormais, car malgré tout elle est admirable cette exposition. Maintenant, si j’avais un speech à prononcer, je tousserais un peu et, appuyant les poings sur la table, je remercierais l’édilité dinantaise, en la personne de son bourgmestre, M. le Boulengé, pour l’accueil aimable et plein d’urbanité fait à un visiteur arrivé trop tôt, dans les pots de couleur, des tapis et des ficelles, en plein énervement du dernier travail… ; des prêtres qui m’ont donné, sur les trésors prêtés par les églises, des renseignements qui vous feront croire, lecteur, que je suis érudit… ; M. Destrée, qui tout en réalisant en une après-midi l’effort de plusieurs jours, me donna encore de précieuses indications. – Il fallait faire un choix. Trop peu d’espace, une profusion d’objets arrivés en bataillons serrés à la dernière heure rendait la tâche plus que périlleuse. Il s’en est glorieusement tiré. Parlons des œuvres. De l’entrée au premier étage, au long des murs de l’escalier, de vraies dinanderies. (Car c’est plus une exposition du travail du cuivre qu’une manifestation de chauvinisme local.) Cela élargit le cadre et augmente l’intérêt. Ces œuvres vont de la Renaissance au xviiie siècle. Ces grilles de chœur, ces chandeliers, ces plats sont d’un travail étourdissant, opulent et riche, mais d’un sens décoratif imprécis, d’une émotion froide ; et l’on passe devant ces manifestations apothéotiques de l’adresse manuelle en désirant autre chose, et la première salle 110 | georges le brun montre une fois de plus à ceux qui veulent voir et comprendre, qu’il n’y a point autant qu’on le pense de différences d’époques et de styles dans les manifestations du génie. Trois cuves baptismales admirables au sujet desquelles l’on disserterait longuement et sans fatigue… Sur des choses aussi passionnantes il y a beaucoup à dire. Celle de Tirlemont est barbare et fruste, mais impressionnante. Une patine indéfinissable l’envahit de reflets mystérieux. Plus loin, séparée d’elle par des fonts baptismaux de Saint-Barthélemy, à Liège, la Cuve d’Hildesheim. C’est l’œuvre de l’évêque Bernwardt, orfèvre glorieux du xiiie siècle, qui dota son église d’inappréciables trésors. Elle vaut qu’on la décrive : le couvercle conique est partagé en quatre trapèzes aux sommets trilobés. Chacun d’eux contient une composition d’un profond caractère : la Madeleine lave les pieds du Seigneur, ses cheveux s’épandent, l’humidité de son attitude apitoie irrésistiblement : Remittuntur ei Peccata multa… Beaucoup de fautes lui seront pardonnées… Puis, le symbole de la miséricorde nourrissant les affamés, donnant à boire à ceux qui ont soif, habillant ceux qui ne sont point vêtus, prodiguant les témoignages de sa bonté aux bons pauvres qui aiment la commisération parce qu’ils ont perdu l’orgueil. Puis Moïse et Aaron, d’un style moins expressif, d’un parti pris moins volontaire, d’une conscience moins émue. Enfin le massacre des innocents, cruel et impitoyable. Hérode ordonne, les bourreaux assassinent, les mères sont pétrifiées de douloureuse épouvante. Au-dessus de ces trilobes, entre chacun des médaillons : Jérémie au visage énergique et glabre, aux traits écrits, au vague sourire mélancolique et calme. Le roi David à la barbe opulente, à la fière attitude, Ysaïe, le prophète ardent et inspiré, et un impérieux Salomon. Un bouton le surmonte, qui est d’un sens décoratif douteux. Quatre compositions ornent aussi la cuve elle-même et entre leurs faîtes trilobés l’on voit le prophète Daniel sous le lion de saint Marc ; l’aigle de saint Jean planant au-dessus d’Ezéchiel, l’ange de saint Mathieu déploie ses ailes sur le prophète Ysaïe et Jérémie est sous le taureau de saint Luc. Enfin les quatre panneaux contiennent l’Arche d’alliance, la Vierge à l’Enfant qu’un ange prosterné adore, le passage du Jourdain sous la conduite de Moïse et le baptème du Christ. La patine du moulage est peu réussie, elle a été faite en Allemagne et ne constatant que des critiques ont pris le moulage bronzé du candélabre de Milan et les fonts baptismaux de SaintBarthélemy pour les originaux, je serais injuste en ne proclamant pas M. Pierre Baes le plus étourdissant… patineur que je connaisse. Et franchement il faut y regarder de bien près pour revenir de l’illusion. Quelle que soit la splendeur de la cuve d’Hildesheim, elle subit un trop redoutable voisinage pour nous enthousiasmer sans restrictions. – C’est que cent ans auparavant Regnier de Huy avait produit l’œuvre la plus prodigieuse que le génie du xiie siècle nous ait léguée. On l’avait attribuée à Lambert Patras autrefois ; la légende a vécu. Bernwardt s’en est inspiré – le baptême du Christ en est une preuve –, mais s’il fut artiste de grand talent, Regnier fut un maître de génie. Car c’est du génie que de donner le grand choc avec une technique parfois précaire. Avec un sens prodigieux de l’impression décorative, une synthèse de l’attitude et du geste dont la quintessence expressive est toujours génialement exprimée, Regnier a eu encore le don divin de l’émotion intime. Le cœur palpite sous le bronze et je ne sais en vérité si j’oserais manifester une préférence à l’un ou l’autre des bas-reliefs… Mais dans le baptême du Christ il est impossible d’oublier l’allure des anges qui tendent les serviettes, ni l’attitude des fidèles qui dans une composition voisine reçoivent le baptême du Jourdain. Une chose que rien ne peut décrire, c’est le magnifique équilibre des surfaces ornées et des surfaces vides. La continuité pleine et large, rythmique et simple de la ligne. S’il y a des œuvres aussi belles, il n’y en a certes ni de plus grandes ni de plus fortes. Dans cette salle encore, deux moulages remarquables ; un caisson de la porte du dôme d’Hildesheim – œuvre de Bernwardt, je pense –, et un des candélabres à sept branches de Milan, admirables dans le détail, un peu mou, sans parti pris de structure dans l’ensemble. Puis des mortiers en métal de cloche d’une couleur étonnante, une mesure gothique du xive siècle qui vient de Gand et qui a grand air dans sa simplicité. Une petite chambre à droite abrite un peuple de célébrités de la rue et des quais de Dinant, images au lavis très adroites et du genre dit « spirituel ». Si Madou eût été un artiste, l’auteur de ces figures mâtoises aurait pu avoir des prétentions, mais en quittant des yeux la cuve de saint Barthélemy, c’est assez choquant. Passons. Une belle figure tombale d’Isabelle de Bourbon est au milieu d’une petite salle où il n’y a que des merveilles : des statuettes en bronze extraordinaires provenant d’un tombeau en Hollande, prodiges de style et de sentiment que nous a légués le xve siècle. Un ornement du tombeau de Marie de Bourgogne qui, bien que datant des premières années du xvie siècle, a conservé tout le beau caractère de l’époque précédente. C’est encore une des plus belles choses de l’exposition que ce fragment du moulage avec ses anges si amples et si immatériels protégeant le beau blason de la fille du Téméraire. Des grilles de laiton prêtées par l’hôpital Saint-Jean à Bruges et par Sainte-Gertrude de Nivelles, d’une ornementation délicate et sobre, ornent la cheminée. Des plats de cuivre repoussé – il y en a d’hallucinants dans la sobriété de leur décor – tapissent les murs… ; encore des mortiers ; tous se les écrits de georges lebrun | 111 ressemblent, tous sont intéressants. Au plafond pend le beau lustre gothique de l’hôpital Saint-Jean. Puis deux salles invraisemblables. Le clinquant de dinanderies modernes, agrandissements étriqués et secs de médailles et de sceaux, moules de fabricants de pains d’épices, hurlent sur un fond tendu d’andrinople aveuglant ; et lorsque l’on sort de là, le chemin est bref, mais l’impression est douloureuse, il faut fermer les yeux longtemps pour se ressaisir. Dans une petite salle, quelques vitrines avec des chandeliers, des bénitiers, des bibelots innombrables. Il y a des choses remarquables et si la qualité est belle, le nombre fatigue affreusement. Il y a là deux suspensions du xve siècle dont l’une fait penser à celle de la chambre de l’Arnolfini. M. Philippart, de Tournai, a le bonheur de la posséder. Au mur un grand plat, œuvre maîtresse d’un Dinantais de la renaissance, au décor somptueux et fouillé comme une orfèvrerie de Venise. Puis la grande galerie avec les moulages des aquamaniles de Copenhague, ceux des collections de Savoie, Warocqué, du Tilleul, Brahi-Prost et d’autres ; les puisettes, les chandeliers à deux branches et les encensoirs, les petites lampes, la croix de Xhiguesse prêtée par le Musée diocésain de Liège ; les pilons et les mesures de bronze de MM. Bartz, de Dinant, Louis Molle, de Paris. Lescart, de Mons. Les marmites de MM. Brunard, de Bruxelles, Guérin et Roget, de Paris, et van den Corput, d’Anvers. Des plats et des chandeliers des collections vans Herkamers, Valère Mabille, Claes, d’Anvers, Helbig et d’autres. Le coffret de M. de Stuers, de La Haye, de forme puissante et noble, les « chauffettes » du Musée de Namur. Une richissime profusion de bibelots où je ne puis passer sous silence une cruche de bronze du xive ou du xve siècle de la collection Lescart. Puis encore des plats, des puisettes et des chandeliers, 112 | georges le brun des mortiers et des jeux de poids, une collection innombrable d’ustensiles du xve siècle riches de couleur et de forme, sobres d’ornements, au style austère et digne. Des plats avec Adam et Ève, des châtelaines avec saint Georges terrassant le dragon…, avec l’Agneau mystique. D’autres simplement ornementés et ornés de devises. J’omets des cages, des lustres, des girandoles, des statuettes et des bassins, des filigranes et des incisions musulmanes exécutés peut-être à Venise. Une lamponette, montée sur pied de chandelier gothique, est une des curiosités de la collection van Goedsenhoven et, dans la médiane de la salle, des fonts baptismaux et des lutrins, des chandeliers de chœur. Le lutrin et les porte-cierges de Courtrai, ceux de Flobecq ; la cuve de Hal que fit Guillaume Lefèvre, de Tournai, au xve siècle. Elle est admirable, avec son beau SaintGeorges, ses figurines simples et amples, son architecture de tabernacle. Les candélabres à trois branches de l’ancienne abbaye de Saint-Denis, près de Rochefort, de la fin du xve siècle, et que le Musée du Cinquantenaire a prêtés. Le merveilleux lutrin de Notre-Dame de Tongres et le chandelier géant de Jehan Joses, de Dinant, œuvre de 1372. Le testament de Bonnechose en 1379 nous apprend que le dit Bonnechose avait une rente sur la maison que Jehan Joses habitait au quartier d’Asson. C’est la maîtresse œuvre de cette salle, que ce lutrin. La pondération et l’élan de ses formes, la pureté des lignes et la sagesse des proportions font pâlir les autres, pourtant admirables, qui l’entourent. Celui de Houffalize, ceux de Saint-Jacques, de Saint-Nicolas et de Saint-Piat, de Tournai, ceux d’Andenne, de Veneray aux doubles girandoles, de Freeren et d’ailleurs n’ont aucun le style d’ensemble et le bon goût de l’ornementation du chefd’œuvre de Jehan Joses et c’est un bonheur que de compter ces noms glorieux dans ces siècles lointains. Tongres envoie encore deux girandoles du xve siècle de toute beauté. Les hospices civils de Bruges deux autres plus belles encore avec des figurines présentant des blasons en cul-de-lampe. Au milieu trône le tabernacle de Bocholt, une œuvre incomparable aux dimensions imposantes. Et des chandeliers vous font la haie au long de l’escalier de sortie. Des calques de plaques tombales, pieusement relevés par le regretté Hannotiau, pendent aux parois et si l’on passe par deux salles garnies de vieux meubles et un atelier de batteur de cuivre, l’on a tout vu. On pourrait terminer par une allocution « bien sentie » montrant la beauté victorieuse du Vice… les Arts remplaçant le jeu. Je ferai cela dans mes vieux jours. Georges Le Brun L’Art moderne, 6 septembre 1903, no 36, p. 307-308. le salon des beaux-arts article 9 : Les œuvres envoyées par des artistes décorés de l’ordre de Léopold, membres de l’Académie royale de Belgique ou du corps académique d’Anvers sont reçues sans examen. On a fait tout ce que l’on a pu pour que ce Salon, le premier du siècle à Bruxelles, soit étonnant. La plupart des membres du jury y ont contribué, chacun selon ses moyens… On fait ce que l’on peut, que diable, et que voulez-vous humainement exiger du ou des malheureux qui avaient sur la conscience ce stupéfiant article 9 du règlement… Je plaisante et pourtant c’est navrant. Je vois que les temps sont proches où une ceinture d’honneur pailletée de verroteries et de clinquant, gagnée dans une arène de lutte, sera considérée comme un gage de culture intellectuelle. Hélas ! il se trouve des… industriels qui, en présence de leurs confrères, n’ont pas rougi de cette désolante abdication de dignité. On les a spirituellement flagellés naguère ici même et je devrais ne plus y revenir, mais c’est cela que l’on délègue pour juger les œuvres de ceux qui se respectent. On n’enverra pas sa botte dans cette tyrannie ? Alors les artistes dont la dignité reste intacte accepteront qu’un article aussi ridicule les jette en pâture aux réflexions cinglantes de ceux qui réfléchissent… Car nous sommes en quelque sorte un peu responsables des faits et gestes wde ceux à qui nous accordons le périlleux honneur d’affirmer notre volonté et nos tendances. Vous les avez élus, digérez-les. L’administration des beaux-arts nous remet notre propre sort entre les mains ; la frousse blème de vieux contempteurs de sincérité et de générosité abuse d’une situation pour se rendre inviolable. Il faut que la bordée de sifflets soit assourdissante. Ils sentent le sol s’effondrer sous leur sénilité et ils se cramponnent à des vers luisants. Ne rions pas du spectacle. Cela dégoûte et jette le discrédit sur la plus fière des professions. Craindraient-ils des représailles parce que systématiquement ils ont vilipendé et tenté d’étouffer le vrai talent ? Croient-ils donc que les jeunes vont se venger ? Quelle présomption ! Il n’y aura pas une voix pour les atteindre dans leur petit commerce. On leur accordera une salle (il la faudra très grande), où ils accrocheront leur marchandise. Ce sera la salle des déshérités de la Muse. Ira rire ou s’empoisonner, en tous cas se compromettre, qui voudra. les écrits de georges lebrun | 113 Autrefois, prompt aux généreuses indignations de l’adolescence, il me souvient d’avoir déploré devant Constantin Meunier que des steppes de toile cirée lamentables, sous forme de Bataille de Lépante et autres Pestes (de Tournai ou d’ailleurs) couvrissent les murs sacrés de nos musées. Meunier fit cette réponse profonde : « Non, cela doit toujours rester là en manière de châtiment. » C’est cruel pour leurs mânes et si cela montre aux jeunes gens où conduit l’amour de la poussière et de l’érudition, le mépris de la nature toujours radieuse et toujours saine, cela prive aussi nos yeux de la contemplation salutaire d’œuvre simple et fièrement conçue. L’art n’a que faire de ces documents frelatés, de ces monuments compilatoires d’oripeaux disparus. Qu’importe l’anachronisme du costume ou du décor, si le peintre éprouve et traduit la divine émotion de l’heure, le radieux mystère de la lumière, ou nous montre qu’à travers les siècles le cœur de l’humanité ne change pas. La jeunesse est de tous les temps et seules resteront les œuvres naïvement sincères et consciemment stylisées. Je me suis trop appesanti sur cette question ; car on ne lèvera pas d’étendard belliqueux. Étienne de la Boëtie ne nous enseignet-il point que, pour débarquer la tyrannie, l’inertie suffisait ? Nous sommes les maîtres de nos destinées. Respectons-nous. 114 | georges le brun Il y a quelques bonnes choses noyées dans le flot déprimant des plus tristes médiocrités. C’est une humiliation profonde pour leurs auteurs de les voir figurer en telle compagnie. La section des arts appliqués respire et vit ; il y a des installations d’un goût très sûr. Le style coup de foudre ou tire-bouchonnesque est soigneusement écarté. Il y a des meubles de Horta d’un rythme charmant et d’une invention exquise, des installations de Hobé, Crespin et Sneyers claires et sympathiques, des cartons de Fabry d’un tout grand style, des papiers peints et des bijoux, des bibelots charmants et précieux. Maurice Denis, méconnu des pharisiens, y trouve sa vraie place… Et les peintres ont méprisé ce qui aujourd’hui les soufflette. J’applaudis parce que j’ai du cœur. Une main habile et sûre, un jugement sain s’est occupé du blanc et noir. On n’y a toléré que ce qu’il fallait de nullités pour que tous les goûts fussent satisfaits. C’est un four lamentable dans l’ensemble et une leçon. Jusqu’à ce jour je n’avais exposé que mes chiens au hall du Cinquantenaire… Nous ne pouvons pas nous mettre tous sous la tutelle de Henry Fierens-Gevaert… La tâche qu’il assume est déjà assez absorbante. Non, mon brave jury, ne fait pas une Libre Esthétique qui veut. Et la foire au linoleum est ouverte, Bourgeois, précipitez-vous. Georges Le Brun L’Art moderne, 28 février 1904, no 9, p. 66-68. maurice denis les chapelles du vésinet « Conservez toujours cette bienheureuse naïveté, cette charmante ignorance. » (Paroles d’Ingres à Amaury Duval.) « C’est à genoux qu’il faudrait aimer ces hommes là. Moi aussi je sais très bien que celle-là a le nez trop pointu et des yeux de poisson. Mais Raphaël lui-même n’a jamais atteint une expression pareille. » (Ingres parlant des figures de Giotto et de Fra Giovanni da Fiesole.) J’emprunte ces citations à la belle étude de M. Gabriel Mourey sur les peintures du Vésinet. En vérité, les maîtres primitifs de la peinture ou de la statuaire française, italienne ou flamande, égyptienne ou grecque, ne nous émeuvent-ils point davantage, ne nous ont-ils point donné l’impression de la vie intime ou mouvementée, chanté les rythmes, le style et les harmonies en un langage plus définitif que celui des classiques ? Ce n’est pas qu’il faille mépriser la science, mais il ne faut pas oublier que nous nous élèverons d’autant plus dans la compréhension d’un art, que nous apprendrons mieux à donner un empire plus grand à l’émotion sentimentale qu’à la perfection technique. Il y a des maîtres peut-être aussi savants que Phidias et qui nous ennuient. Les marbres éginétiques sont barbares, ils nous secouent. L’Art est divin parce qu’il est impondérable, insaisissable et subtil. C’est par là que M. Maurice Denis est admirable. Pourtant ce n’est point un instinctif inconscient, je le crois au contraire le plus conscient, le plus réfléchi des artistes. Sans pose, dans l’édifice le plus banal, trouvant des murs à décorer, joyeux d’écrire un beau poème, il a transfiguré deux chapelles. Là on oublie. Ce n’est plus l’église aux jours crus, aux architectures crispantes, aux bruits énervants. C’est l’unité calme et pleine où s’émeuvent l’esprit, le cœur et l’âme. De l’azur ou du feu, de la joie impérieuse, enthousiaste et dominatrice de la chapelle du Sacré-Cœur, ou de la joie persuasive et douce de la chapelle de la Vierge, que choisir ? Dans l’une et dans l’autre, l’équilibre de la composition, les harmonies savantes de la couleur décèlent le plus admirable tempérament de décorateur. Puvis étant mort, on pouvait craindre que la grande tradition relevée par son génie retombe dans le pédantisme. Un maître nouveau, très différent et très semblable, s’est révélé. Elle est suave cette chapelle de l’Assomption. Les huit nervures de sa voûte, un peu plus vigoureuses que le ciel divin qu’elles sertissent, sont fleuries de larges pétales d’un rouge gris clair, d’un bleu incertain et d’un blanc nacré. L’architecture est respectée, les nuages du sommet semblent effleurés d’une caresse d’or à peine distincte, des anges planent dans la clarté et au-dessous l’azur se mêle aux nuées légères… Puis, dans le bas, les nuages sont roses, dans la retombée des voûtes, des feuillages clairs, des fleurs nombreuses, lilas roses, lilas blancs, seringas larges et frais, animent le ciel de leurs masses opulentes et douces. les écrits de georges lebrun | 115 Et l’ensemble apparait de neige et d’azur avec des traînées d’aurore et des fraicheurs d’émeraude. C’est dans cette harmonie séraphique, que délicieuse de pudeur, la Sainte-Vierge s’élève au-dessus de l’autel, écartant de ses mains timides le voile blanc qui abrite son visage ; elle s’élève dans la joie resplendissante. Au-dessous d’elle, le mur est décoré de lis blancs aux tiges d’or ; et la décoration va se dérouler autour de la chapelle, céleste et heureuse ; à droite ce sont deux beaux anges blonds adorablement prosternés, les mains jointes ; l’un tout de blanc vétu, l’autre à la tunique virginale, à la jupe bleue ; leurs ailes nacrées ont l’air de frémir à la brise ; à gauche arrive un angelet dans un vol immatériel, dans une attitude d’adoration. Puis encore, à droite, d’autres anges… Ils chantent. Les deux plus jeunes tiennent le grand livre des cantiques, leurs robes alternent blanches, blanches et bleues et vis-à-vis, à gauche, deux autres jouant de la viole se tiennent debout derrière les chérubins qui chantent, le cahier de musique à la main. En face de l’autel trois séraphins en longues robes blanches ont à leur cou, pendues par des rubans bleus, des corbeilles pleines de fleurs qu’ils effeuillent. Dans les deux voûtes contiguës des groupes d’anges apportent en volant de belles brassées de fleurs. Aux culots décorés des symboles dorés, des litanies, huit inscriptions se succèdent : Rosa mystica, Stella malutina, Domus aurea, Speculum justiciae, Janua coeli, Turris davidica Faederis arca, Vas spirituaele. Entre les culots et les fenêtres, de lourdes guirlandes de fleurs et de feuillages enrubannées d’azur, blanches, mauves et vertes, font à la chapelle une ceinture jeune et gaie, rehaussée par les couronnes de fleurs semblables qui sont au-dessous des vitraux. Au dessus de l’autel une niche avec la madone de Notre-Dame-des-Victoires et 116 | georges le brun autour de la niche, surmontée de la colombe et de l’inscription : L’Assomption de la Très Sainte Vierge, des lis héraldiques aux tiges d’or. Nous ne saurions assez insister sur l’harmonie, la tenue d’ensemble de cette décoration, où les vitraux continuent sans violence la clarté radieuse des murailles, où leurs couleurs pénétrantes et fraîches enchantent les yeux. Il y en a trois. Marie retrouve Jésus au temple. Dans un encadrement vigoureux et clair, bleu, violet et rose, sur un fond orange et jaune où vole un ange, la robe bleue de la Vierge heureuse et le vêtement blanc du petit Jésus tout auprès d’elle font une harmonie charmante. C’est d’un sentiment exquis. Puis c’est une superbe Visitation dans un cadre presqu’identique. Les harmonies sont les mêmes, il y a des raisins et un arbre au-dessus des deux saintes femmes qui s’étreignent. Et c’est dans un cadre bleu, violet et blanc, que l’Annonciation montre à la Vierge en robe de bure claire, un ange orange et jaune devant un arbre clair et sous l’irradiement du Saint-Esprit. Enfin, Les Noces de Cana. C’est une symphonie en or, vert, blanc et rose, clair et joyeux ; deux adolescents versent le vin au premier plan, devant la table. Derrière le festin, des groupes de portraits de donateurs au nombre desquels Maurice Denis lui-même. Aux trois tympans qui font face à l’autel le prophète Ysaye, vêtu de rose gris. En lettres d’or, auprès de lui : Virgo concipiet et pariet filium. À côté, l’arbre de Jessé avec la figure de la Vierge portant le Sauveur et surgissant du lis virginal : Et egredietur virgo de radice Jesse. Enfin, Michée le prophète en tunique bleue. C’est ensuite le déambulatoire au ciel de cobalt étoilé de fleurs ; sur les piliers, des vignes et des fleurs grimpantes. Dans les tympans, les figures au trait, drapées à l’antique, de saint Thomas, saint Simon, saint Jude ; au-dessus du confessionnal, le Taureau de Saint-Luc. Puis une délicate composition au-dessus d’une porte de la sacristie : Le sacerdoce juif. Tu es sacerdos in aeternum Secundum ordinem Melchisedec. Du bleu très pale, la robe rouge de Dieu, du blanc et de l’or… C’est d’un charme profond. On ne pouvait rien concevoir de plus simple ni de plus émouvant. Au-dessus du confessionnal, la lumière rayonnante : Et lux in tenebris lucet. (Joan. I.) Au-dessus de la seconde porte dans la sacristie : Hic est enim calix sanguinis mei novi et actorni testamenti. C’est le sacerdoce chrétien, représenté par le Christ, l’hostie en main, devant l’autel où le calice est posé. Un enfant de chœur, à droite, présente l’Évangile ; à gauche sont, à côté d’un cierge, le pain et le vin. Il y a encore saint André, un bateau aux voiles pleines de vent, saint Jean le Majeur, saint Paul, saint Mathieu et l’ange, le lion de saint Marc… Entrons dans la chapelle du Sacré Cœur. Jésus-Christ s’est levé de son trône les bras pendants, les mains ouvertes, montrant ses plaies. Sa figure est sublime de bonté, de douceur et d’abandon. L’irradiement de son cœur incendie sa poitrine, illumine la chapelle. Son auréole se sépare à peine de la buée d’or d’un ciel de soir merveilleux ; sa robe est d’un rose fané, ses cheveux fauves… Son trône, posé sur des nuages roses aux ombres mauves, est ample et solide, sans dureté. Les relations harmoniques contribuent à l’aplomb autant que les lignes, et de chaque côté, au pied des marches, trois anges sont agenouillés les ailes hautes, la tunique légère et flottante… Au-dessus d’eux le ciel toujours inondé de lumière, passe au vert tendre à l’horizon. D’autres anges, plus grands, aussi délicieux, mais moins immatériels, descendent de chaque côté, avec beaucoup de symétrie et avec beaucoup de variété, les ailes déployées en des gestes divers et charmants dont l’eurythmie est pour l’œil une caresse toujours nouvelle. Les ailes diaphanes se précisent, en tons mauves et roses imprégnés d’or. Dans un couchant d’azur délicieux, des anges rosés par les reflets de la victorieuse lumière du SacréCœur unissent leurs mains en s’élevant au faîte ou rythment la cadence de leurs encensoirs. Un horizon de campagnes et de villes d’une allure sévère et calme entoure la chapelle. Vis-à-vis de l’autel, sous la basilique des Oblats de Montmartre, sainte Marguerite-Marie, sainte Jeanne de Valois, sainte Catherine de Sienne, le père de la Colombière, le père Eudes, sainte Gertrude et sainte Thérèse, tous ceux en un mot qui ont mis leur inspiration et leur énergie au service du Sacré-Cœur. Ils sont là dans leurs vêtements sévères, en de graves attitudes, en extase devant des arbres en fleurs, ressortant sur le panorama de Paris. Puis c’est Notre-Dame et de l’autre côté, la basilique de Saint-Denis en France, Reims, la Visitation, Paray-le-Monial où le Sacré-Cœur est apparu à la bienheureuse Marguerite Marie Alacoque et qui est devenu un lieu célèbre de pélerinage. C’est enfin Joiny-la-Bataille, où le général Charette arbora l’étendard du Sacré-Cœur. Et de la sorte, avec des horizons de campagnes et de monts, de villes et de bourgs, érigeant leurs cathédrales et leurs églises, se déroulent les centres principaux de la dévotion au Sacré-Cœur. Ici, les nervures de la voûte, comme dans la chapelle de la Vierge, sont décorées avec un peu plus d’intensité. les écrits de georges lebrun | 117 L’ornementation des culots est accompagnée des paroles symboliques du SacréCœur écrites en lettres d’or. Nous voici de nouveau à l’autel entouré de cierges allumés. Ridimisti nos in sanguine tuo, dit la dernière inscription, et, symbole de la richesse et de la générosité inépuisables du Sacré-Cœur, des roses de pourpre et d’or grimpent du sol sur le soubassement. Aux tympans faisant face à l’autel, le bon Samaritain soutient le voyageur défaillant sur son cheval. L’abandon de l’attitude, le mouvement souple et gracieux de la marche, la synthèse magnifique de l’expression ici encore sont merveilleux. Au centre le Seigneur unit les mains fraternelles d’ouvriers et de savants : Aimez-vous les uns les autres. Enfin un berger porte précieusement une lourde brebis dans ses bras : Je suis le bon pasteur. Les trois fenêtres sont ornées de vitraux exquis, dans de chaudes et claires harmonies. Au lieu de la quatrième fenêtre, un tableau, la plus belle page peut être de cette incomparable décoration : 118 | georges le brun Et unus militum lancea latus ejus aperuit et continuo exivit sanguis et aqua (Joan. X). C’est une composition douloureuse et poignante, [simple] et profonde ; des visages livides, des vêtements de deuil, un fond incendié de lumière tragique. San Giminiano de Toscane a inspiré ce paysage de tours crénelées et de remparts… Le cœur secoué d’un artiste ému seul a pu, dans le respect des traditions plastiques, trouver ce frisson d’émotion inconnue. Dans cet ensemble admirable d’unité de feu et d’or, mais infiniment doux, c’est la note suraiguë de la douleur exacerbée. Elle n’éclate point ; dans cette harmonie totale, elle pénètre irrésistiblement. Je n’ai point parlé de génie devant cette œuvre que j’admire de toutes mes forces… J’attends qu’un autre, plus autorisé que moi, ait prononcé ce mot auquel songèrent je n’en doute pas M. Adrien Mithouard et M. l’abbé Des Fossés dans leurs belles chroniques de l’Occident. Lorsque tout le monde aura bien compris, je serai fort heureux d’avoir été des premiers à le penser. Georges Le Brun Paris, janvier 1904. Chemin de Fagne, s.l.n.d., aquarelle sur papier cartonné, 29 × 39 cm. New York, coll. privée. [153] les écrits de georges lebrun | 119 L’Art moderne, 31 décembre 1905, no 53, p. 425. exposition maurice pirenne correspondance Nous avons reçu la lettre suivante : Voulez-vous bien divulguer ces quelques lignes ? Un petit événement, tout simple, qui s’est produit fort souvent déjà et qui se produira encore, a failli m’indigner. J’ai même été tout rempli de dégoût, pour vous dire vrai, à la lecture de ce billet : « Maurice Pirenne a l’honneur de vous informer que l’exposition de ses œuvres au Cercle artistique n’aura pas lieu. « M. O. Coppens, secrétaire, sur l’avis conforme du comité et du bureau, l’avertissant que son envoi est refusé, la veille de l’ouverture. « Vous êtes juge du procédé. » Au premier moment j’ai répété les mots de Flaubert : « Ce qui rampe n’aime pas ce qui plane… Le pouvoir n’aime pas un autre pouvoir. » Et me voilà tout honteux de moi-même de l’avoir pris de si haut et de m’être surtout fourvoyé de la sorte. A-t-on jamais vu ces messieurs refuser les œuvres d’artistes consacrés, que leur réputation fût de bon aloi ou telle que sont généralement les réputations ? Nous pouvons donc conclure : cette commission, qui vient de se révéler si petite, aime le pouvoir. Soyons modéré : je gage qu’il n’y a eu là rien que de fort humain : l’usage agréable pour certains caractères d’un pouvoir anonyme. L’un signa – non pour tous, ayons la générosité de croire qu’il y eut des absents ou des dissidents, mais pour une majorité… – et, il n’y a pas à dire, le malheureux doit abdiquer un peu de sa dignité pour dire à quelqu’un « Dignus es intrare » fort malgré lui, ou 120 | georges le brun bien : « Vous êtes refusé », après qu’il a lutté pour vous avec une chaleur et une grandeur d’âme pure comme la loyauté. Si je suis un jour d’un jury – je n’y compte guère – je refuserai cette retraite de responsabililité. Le vote secret me dégoûte, que voulez-vous ! Pirenne n’est pas encore fort connu, il n’est donc pas encore un pouvoir. Il n’est, partant, nécessaire ni de le craindre ni de le respecter. Y a-t-il là un sentiment que nous ne coudoyions tous les jours ? Son art n’est point fait pour plaire, puisqu’il n’y a rien de semblable, en somme, et que le terme de comparaison manque pour en doser la valeur. Il n’a rien de l’imagerie aimable et propre aux gentilles couleurs bien déterminées, rien de la pâte épaisse et chaude qui permet à la peinture dite si erronément « flamande » de considérer avec, un dédain paisible les cuirs de Cordoue les plus patinés ou les pipes d’écume les mieux culotées ; il n’est pas même ésotérique. Pirenne n’est que vrai, et il n’est pas littéral ; sa vérité est symbolique parce qu’il voit l’esprit plus que la lettre, parce qu’il dédaigne ce que nous admettons conventionnellement comme vrai, pour arracher à la nature seule et à son cœur l’éloquence de nos impressions. Il a le sens de la grandeur dans la simplicité. En faut-il davantage pour n’être point compris ? N’accusons donc pas le Cercle artistique d’avoir mis l’ombre d’une animosité jalouse dans sa décision ; un groupe anonyme de propriétaires des royaumes terrestres a agi conformément à sa nature… injustement parce que aveugle, brutalement parce que sans manquer de bonté, j’en suis convaincu, il n’a pas beaucoup de délicatesse. Il faut, je le répète, espérer que la commission du Cercle est fort nombreuse et que le nombre des présents fut restreint. Je n’écris pas ceci par amitié, souriant parfois de don Quichotte, mais j’accomplis un devoir, plus vis-à-vis de l’art luimême, que nous devons placer haut dans nos cœurs, que vis-à-vis d’un artiste. Tout cordialement à vous, Georges LE BRUN Theux, Grand Vinâve, 4, le 28 décembre 1905. D’autre part, nous avons lu dans l’Étoile le compte rendu élogieux d’une exposition de M. Maurice Pirenne au Cercle artistique. Quel est ce mystère ?… L’Art moderne, 4 mars 1906, no 9, p. 68-69. le salon de la libre esthétique le groupe belge Plus intensément que jamais en cette exposition j’ai ressenti les affinités des tempéraments artistes d’une époque opposées aux qualités et aux défauts essentiels à chaque race. Je ne pourrais dire école belge – un individualisme trop impérieux anime les peintres d’aujourd’hui pour qu’il soit possible de les enrégimenter –, et pourtant les voilà bien tous de notre siècle, en dépit d’attaches lointaines à de grands ancêtres. C’est bien plus la mentalité qu’il faut étudier, l’idéal qu’il faut discuter chez un artiste, que la valeur de telle œuvre, pour aider à l’intelligence du mouvement de fière indépendance auquel nous assistons depuis longtemps déjà. Si le calme a succédé aux cris, ce n’est point que l’intérêt faiblisse en ces dernières expositions : mais l’éducation se fait, et beaucoup de ceux qui ne comprennent pas ou qui réprouvent sont un peu honteux de ne point comprendre ou de réprouver… Nous sommes si loin du non me pudet fateri nescire ! Il est intéressant ici de constater l’insuffisance des dons les plus riches à produire une œuvre durable, et le secours décisif qu’apporte à une plastique émue et consciente un esprit rythmique et cultivé. Ruminons longuement avant de peindre, mais, de grâce, ne peignons pas en ruminant. Il a été parlé d’Isidore Verheyden, dont l’importante exposition fait regretter la mort (1). La tâche, ardue encore et délicate, est allégée. M. Louis Thévenet a de l’atmosphère, de la couleur et des valeurs des tons une conception charmante. Il aime de tout son cœur les intérieurs qu’il peint en ingénu, original sans le vouloir être spécialement. Je connais peu d’harmonistes plus discrets, plus distingués, peu de poètes plus touchants. Voilà donc un pur artiste. Arrêtons là des éloges bien mérités, pour discuter son manque d’équilibre. La composition, la mise en page d’un tableau sont choses capitales. Ce n’est pas qu’il faille faire de jolis arrangements, disposer d’aimables accessoires ; loin de là. Mais il faut dans la sobriété un équilibre tel qu’une œuvre vous entre dans l’œil sans que le poids d’un côté l’entraine, sans que le souci de ce qui n’y est pas hante votre cerveau. Ce que peint un artiste doit être suffisant par son volume et sa signification pour que notre vue l’embrasse d’emblée, sans déchet. C’est d’une difficulté considérable, les écrits de georges lebrun | 121 mais l’œuvre de M. Thévenet est trop intéressante pour ne la point discuter. Un souci de rythme plus manifeste chez M. Oleffe a produit une page pénétrante, Avant le festin. L’artiste est aussi là tout entier, expliqué par sa peinture : l’amour des harmonies franches, subtiles ou nerveuses, une mise en page hardie. Peut-être à côté de cela un peu de lourdeur, pas assez de souci de ce qui se trouve derrière les étoffes. Des touches éloquentes et des surfaces matérielles en ce sens qu’elles sont trop manifestement « peintes ». C’est un métier complexe, nous le savons, mais il ne faut pas que chacun y puisse prétendre. Une grande probité, une belle énergie, un paisible mépris du convenu, du déjà vu, de la belle peinture – au sens assommant de ce mot qui présume de la pierre ponce et du bitume de Judée, du vernis – anime l’œuvre de M. Oleffe. Le coloriste exceptionnel qu’est M. Jean Le Mayeur ne se doute pas du tout qu’il y a autre chose en art que des tons magnifiques. Quand on joint les délicieuses harmonies de la Ferme rose, de la Neige, et du Printemps, ce n’est point fini. Ce qu’il y a même d’embarrassant, c’est que cela ne fait précisément que commencer ! Imaginez une forme moins dédaigneuse de son symbole, une coordination moins tâtonnante, et nous pourrions admirer un frémissant poème. L’impérieux individualisme dont j’ai parlé ne fait point souffrir M. Modest Huys ; si Emile Claus a mauvais caractère, il aura des désagréments. Voici un volontaire, un artiste pénétré de sa mission, poète rêveur, enthousiaste, convaincu. Il est habile et gauche tout à la fois, profond et puéril. Il nous vient en droite ligne du moyen âge, et je n’en connais guère de moins archaïsant. M. Eugène Dopchie tout entier est l’homme de Sous la lampe, de la Colonne de cavalerie. Ces cavaliers 122 | georges le brun sont des joujous naïfs sur une grande table. Il a plus de cœur que de savoir, ce que nous sommes enclins à proclamer vertu. À force d’être honnête, il est un peu timide : à force de vivre de leur intimité et de sa conscience, ses vieux sont un peu étiolés. L’écueil est là, et le remède aussi ; un peu – très peu – plus loin dans cette ingrate, et qui sait si cette vie interne n’eût pas victorieusement rayonné ? Il y a dans cet art des trésors d’observation et de tendresse. Avez-vous vu sur la cheminée, près d’un des vieux, ces pots noyés dans une lumière blonde, ces pots solides et lourds dans l’air légers ? Avez-vous aussi admiré cette église du béguinage imprégnée d’une reposante lumière diffuse ? Beaucoup de talent, trop peu d’amour de l’existence, une âme triste et hautaine sans doute, mais, je le crains un peu, une âme d’archéologue arrête l’essor de M. Réné Gevers. Il dessine de belles choses avec de belles couleurs, son métier est intéressant. Il aime trop ces choses pour ce qu’elles sont elles-mêmes et le modernisme qui s’y infiltrerait, l’anachronisme qui leur apporterait la vie lui ferait mal. Les vues de Paris de M. Bärwolf ont des qualités de facture remarquables. C’est un peu lourd, mais c’est fort sincère, la couleur est discrète et fine, la matière en est fort belle. J’ai peut-être tort de trouver cela un peu lourd… Ce n’est peut-être point assez neuf, mais il y a là une volonté peu banale et une intelligence déliée. J’aurais, je pense, parlé de tous les peintres belges si je signale la distinction de couleur des toiles de M. Heintz et l’insuffisance de sa forme et de son style, puis les promesses aimables de Mlle P. Deman. (À suivre.) (1) Voir, dans notre dernier numéro, l’article de M. Octave Maus. L’Art moderne, 11 mars 1906, no 10, p. 75-77. le salon de la libre esthétique (1) les peintres étrangers La peinture de M. Borchardt a le défaut très grave d’être trop lourde… ou point assez. À cultiver les qualités de sa race, à poursuivre sans parti pris aucun son tempérament, M. Borchardt donnerait son exacte mesure. – Pourquoi s’assujettir ? C’est ainsi que le tableau Au bord de la mer, de Mme Alice Dannenberg, se trouve être une chose fort complète, en même temps qu’il trahit absolument ses soucis d’artiste : consciente de sa lourdeur, elle la souligne, elle la rend drôle, vivante et splendide. Cette grosse femme, toute dévêtue, assise sur le sable, n’est point une caricature ; elle a été vue et rendue d’un cœur ironique et joyeux ; et c’est aussi, à ne s’en tenir qu’au métier, un morceau capital. Grosse comme la joie à la fois rustaude et fine du bon Alcofribas Nazin, cette vision de la nature et des choses est aussi très spirituelle. L’incomparable opulence des harmonies les plus distinguées du ciel et du sable, des chairs et du linge supprime du coup, sans rien altérer de ce qui doit rester épais, toute vulgarité à cette belle artiste. La Suisse et l’Espagne évoquent, non sans talent, des personnalités plus définies. La rosserie suraiguë de Toulouse Lautrec ne reçoit aucune atteinte de la morbidesse un peu déliquescente de Mlle Albeniz… et Mlle Zuricher ne détrône pas Cézanne. Un Norvégien, M. Diriks, aime les éléments et se passionne pour leurs émeutes. Cela nous vaut sa Rafale de neige, d’une puissante acuité. Je craindrais que l’amour des fumées et de la neige ne conduisit M. Paerels (un Hollandais, celui-ci) jusqu’à la glorification de la couleur blanche pour elle-même. Si cette vision sied à merveille à certaines œuvres, telles ses Fumées de dragueur d’une grande finesse et d’un profond mystère, il deviendrait fastidieux de l’ériger en système. Puis c’est M. Stephen Haweis, dont toute la peinture proclame qu’il est Anglais. Une exquise saveur de coloration, un calme souverain dans les attitudes féminines le requièrent visiblement. Il aime ses prédécesseurs nationaux, mais la grâce française l’a effleuré. – Cette grâce, sans tuer son tempérament, a touché davantage M. Tomas-William Marshall. Sa façon de situer ses maisons a quelque chose de volontaire et de puéril. C’est enfantin et sa lubie de sertir les contours est presque captivante. Dans le Tub, la main qui lave le dos a une souplesse délicieuse, et la distinction un peu maladive de la couleur qui caractérise sa race est extraordinaire dans le Reflet et dans les Peupliers à Joigny. En vain pourtant chercherons-nous parmi les étrangers qui ne sont pas de France, si j’en excepte Mme Dannenberg, quelque frisson non éprouvé. Je ne sais pourquoi un chauvinisme un peu agressif nous rend injustes à l’égard de la peinture française. Il y a de ces préjugés qui s’enracinent dans le néant alors qu’il importerait à notre honneur que nous fissions justice de ces jugements étroits et téméraires : à aucun prix on n’accorde aux Français la couleur ; et si l’un d’entre eux force notre admiration, sans plus de cérémonie nous en faisons aussitôt un Flamand. Reconnaître que la France ne doit rien à l’Italie, ni à la Flandre, ni à la Hollande, n’enlèvera rien au mérite d’aucune école : leur valeur est intrinsèque et tout indépendante de la critique. Quand un peuple entier crierait que la terre est carrée, je pense bien qu’imper- les écrits de georges lebrun | 123 turbablement elle demeurerait plutôt un peu ronde ! Je ne sais point dans l’histoire de l’Art d’école plus diverse et plus une. Des fresques de Rocamadour ou du Petit Quévily à Rouen, du portrait de Jean-le-Bon, de la Pietà de Villeneuve, de Fouquet et du maître de Moulins à Watteau, Chardin, Fragonard ou Debucourt, nous ne passons que par une crise morbide, une influence étrangère : c’est après le passage néfaste du Primatice à Fontainebleau. Mais Claude Gelée et le Poussin bientôt témoignent de l’éclatante revanche de l’esprit national. À travers tant de siècles, le même rayon toujours jeune illumine l’école entière : le goût noble et plein de tact dans l’ordonnance, le rythme de la composition, la modération, mais aussi la signification claire et stylée des allures, le charme subtil des harmonies et la sérénité un peu narquoise ou attendrie, mais jamais, au grand jamais, désordonnée de l’expression. Tout le xixe siècle procède de cette âme de la Patrie ; parfois plus profonde, plus mélancolique, plus sombre peut-être, elle ne s’est jamais alourdie. En dépit de son enthousiasme pour Rubens, qui subit bien plus l’influence de Venise que Delacroix la sienne. Eugène Delacroix est différemment orchestral. Et tous les autres : David, Ingres ou Chassériaux ; Decamps ou Géricault ; Rousseau, Millet et Corot ; Manet, Puvis ou Fantin Latour… Tous ceux, en somme, qui vivent encore et que nous aimons, sont bien de Gaule ! S’il faut absolument assigner une origine, des atavismes, si lointains fussent-ils, qu’Athènes – mais Athènes seule –, revendique l’esprit de la France, fille d’Aristophane et de Périclès. Tous les exposants de cette année sont des nouveaux venus, la floraison est saine, belle et claire, hardie et gaie. Les recherches ardues des naturistes portent leurs fruits. 124 | georges le brun Les outrances ont disparu. Ceci n’est point un paradoxe : les témérités que nous voyons sont très sages, car nous y allons découvrir des éléments plastiques de tout repos. Puissé-je ne point terminer ces lignes sans avoir rangé plus d’un à l’avis que des classiques marchent dans cette avant-garde. Certes ce n’est point ici M. Alcide Le Beau que je vise, encore que son tableau Au bord du lac ne soit pas tout à fait dépourvu de qualités. Ce n’est point non plus, quoique davantage peut-être, M. Alexandre Urbain : sa couleur est un peu brutale, sa touche épaisse, et l’Allemagne, du chef aussi de ses mises en pages trop appuyées, ne le revendiquerait pas sans raison. Ses Deux amies décèlent un indéniable savoir. Nous nous acheminons avec M. GeorgesLéon Dufrénoy vers une notion plus artiste, parce que moins voulue, de la signification des choses. À ne citer que ce canal, vu de quelque terrasse vénitienne, au soir tombant – sa toile la plus complète car à la solidité matérielle elle joint la lumière, la couleur, l’air et la vie –, admirons l’impression des gondoles mystérieuses qui grouillent dans l’eau mouvante. J’inclinerais à apparenter les personnalités intéressantes de MM. Henri Matisse, Jean Puy, Albert Marquet et Charles Camoin. Si le premier n’apparaît point tout d’abord comme le plus séduisant, il ne semble pas moins, à le scruter, le plus rhétoricien de sa méthode et de son intelligence de la plastique. Et si la volonté originelle part de chez lui, la réalisation poétique la plus déterminée du rêve préconisé appartient, semble-t-il, aux autres. Témoin, le Paysage de M. Jean Puy et son Souvenir de Concarneau, où la lumière vibre dans les plus hardies tonalités, sans discordance. Plus aigus et plus vrais encore les paysages de M. Marquet, chez qui le sens des oppositions de la lumière et de l’ombre touche au maximum de la sonorité. Quant à M. Camoin, il est fort inégal. Il n’est pas non plus le moindre de ces artistes ; il s’écarte davantage de cet air de famille qui les unit. La matérialité des tons qui ôte à son Canal à Martigues et à son Capri l’atmosphère impondérable qui donne à l’éclat des tons lumineux tout leur accent, disparaît de sa Vue de Saint-Tropez pour en faire une des œuvres les plus complètes de l’exposition ; et nous pouvons ici admirer de pair la composition, le sens très subtil des valeurs et le respect des tons locaux, très francs en dépit des contingences de l’éloignement et du clair obscur ; et si sa Dame au parasol japonais étais plus sévère d’anatomie, certes nous aurions une belle réalisation du rêve d’éclatante symphonie de couleurs de cet artiste. (La fin au prochain numéro) L’Art moderne, 18 mars 1906, no 11, p. 83-84. le salon de la libre esthétique (2) les peintres étrangers Les trois toiles de M. Henri-Charles Manguin nous font aimer celui-ci presque sans restrictions. Ses études, peu ou point vêtues, ont une chasteté lumineuse et claire. C’est la peinture d’un artiste ému et aussi d’un homme de tact et de goût. On criera. Les cris sont nécessaires ; d’abord ils font connaître ceux qui les poussent. Le bonheur et le bien-être de se trouver au soleil propice, caressé par les fraicheurs de l’ombre frôlante, ne comporte rien en soi qui atteigne notre respect de la pudeur. Il n’y a dans les œuvres de M. Manguin que des sentiments profondément intimes et d’amabilité charmante. Point de vieillards parmi les buissons de ces retraites pour nous remémorer Suzanne. Point d’opposition libidineuse pour servir de repoussoir à la décence. Point d’hypocrisie, donc, mais de la souplesse et de la joie, des poses exquises, gracieuses et fraîches… d’une fraîcheur acidulée, tempérée par la tiédeur qui assouplit. La lumière règne en une profusion qui n’aveugle point et qui est l’essence même du soleil des étés cléments ; et dans la synthèse hardie de cette manière ingénue et fraîche il y a quelque chose de si gentil et de si jeune, de si fin et de si bien ordonné que je me demande ce que voudraient les plus grincheux. Que Mme Lucie Cousturier me pardonne de n’avoir point commencé cette étude par les considérations que m’a suggérées sa peinture. Je lui devais cet honneur à cause de son mérite et indépendamment de tous autres égards. J’ai mieux aimé finir par les artistes que je préférais et ai foi que cet innocent épicurisme me sera pardonné. Non plus que chez M. Manguin je ne trouve sa couleur littéralement vraie. Mais dans les œuvres admirées surtout des pontifes qui nient l’élan juvénile des chercheurs indépendants d’aujourd’hui, et qui, avouonsle franchement, ont aussi maintes fois toute notre admiration, trouvons-nous une couleur moins conventionnelle ? La claire franchise peut-être plus symbolique que littérale de ceux-ci ne vaut-elle point la splendeur corsée de ceux-là ? La vérité de Rembrandt rayonne au delà de sa couleur. Il y a plus de conventions que nous n’imaginons en art, et nous prenons trop pour la vérité, la coutume. La lettre tue et l’esprit vivifie et c’est un fort vivifiant esprit que nous avons le bonheur de discerner. L’accentuation des caractères est un des éléments de la synthèse ? Dans le portrait de Mme Cousturier il y a un divan et des coussins, de l’étoffe ; une dame drapée dans un très simple peignoir bleu. Assise, les écrits de georges lebrun | 125 elle est rêveuse et grave, les jambes croisées, le coude sur les genoux, le menton dans la main. Les coussins sont moelleux, l’étoffe souple n’a ni plus ni moins que son épaisseur. La grâce pénétrante et songeuse de cette jeune femme est d’autant plus prenante qu’elle est sans apparat. Je suis ému d’un pareil abandon, qui dans sa pondération délicieuse et discrète ne pouvait émaner que d’une femme. Mme Cousturier a peint aussi des fleurs. Que vanterai-je le plus ? La sonorité de leurs brillants pétales ou leur légèreté ? Dans le pot de tulipes à contre-jour je ne puis me lasser d’admirer la transparence des fleurs opposée à l’opacité du vase, leur fragilité opposée à sa solidité. Plus complète peut-être encore, au point de vue du respect de la nature de chaque chose, ses Fleurs des champs : les rideaux, le tapis épais et un peu terne sur le bois dur de la table, l’éclat des fleurs rouges et jaunes qui vivent bien dans l’air entre le blanc des rideaux et le ton lie-de-vin du tapis sont d’une artiste intensément pénétrée de la nature. Mais nulle part je n’ai rencontré davantage, allié à l’équilibre de la composition, un sentiment plus pur de l’atmosphère et du soleil que dans ses paysages. Rien n’en dépasse l’eurythmie, la lumière et la noblesse, et pourtant si nous nous plaçons au point de vue de la vérité littérale, c’est faux. Le ton que recherchent nos habitudes n’y est pas, mais le dessin, la lumière et le style sont profondément sentis. Vaudrait-il mieux que tout y fût ? Je le crois, mais n’oserais encore en répondre, car il n’existe point d’œuvres absolument complètes et ce qui se trouve ici compense largement ce qui manque. Ce qui fut voulu me paraît chez Mme Cousturier, comme chez M. Manguin à peu près réalisé et voici qui nous donne raison lorsque nous supplions qu’on nous laisse la paix une bonne fois avec le souci trop exclusif du métier. Trop de perfection engendre la froideur. J’en veux trouver l’éclatant témoignage au dôme de Pise, où la barbare mosaïque de Cimabue anéantit d’impeccables Andréa del Sarto. les sculpteurs Un honnête buste de Renoir, par M. Paul Paulin, très vivant et très senti ; d’assez élégantes petites plaquettes de M. Otakar Spaniel, sculpteur tchèque ; les débuts habiles de nos compatriotes Mlles L. Mayr et Y. Serruys, qui ne vont point au delà encore d’une adresse fort considérable pour leur âge ; les œuvres de MM. Albert Marque et J. Jouant, dont l’envoi est sérieux, font au milieu des salles de peintures une diversion fort aimable. Puis un Allemand, M. Bernhard Hoetger, qui, las sans doute de s’en prendre à Rodin et à Meunier, bifurque subitement vers un art synthétique et plus personnel, apparenté à celui de M. Aristide Maillol peut-être, mais d’une grâce nerveuse et d’une simplicité très consciente dans sa Tête de femme et dans son Torse de jeune femme. D’essence synthétique et décorative, la statuaire, plus qu’aucun autre art, s’agrandit en raison de ce qu’elle dépouille de superflu. Finissons donc cette étude trop sommaire peut-être, par quelques mots sur l’art de M. Maillol. Il faut bien procéder de quelqu’un, et les plus orgueilleux en ont pris leur parti. Comme Gauguin, qui s’émut du charme puissant et mystérieux des fétiches. M. Maillol a été impressionné par la grandeur impérieuse des Égyptiens et des Orientaux. Rien de trop chez lui, des mouvements très vivants et très justes, des formes essentielles, mais suffisantes. Une impression d’art intense, synthétisée aux limites du possible. C’est tout. Les sculpteurs qui ont quelque chose à dire et le savent exprimer sont bien rares ! M. Maillol est à coup sûr de ceux-là. Dans ses œuvres précitées, M. Hoetger aussi est en passe d’y atteindre. Les Lambris de chêne, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 65 × 42 cm. Coll. privée. [27] 126 | georges le brun les écrits de georges lebrun | 127 Réforme, 1903, no 2, p. 17-21. le salon jubilaire de la libre esthétique Het zal onze lezers niet verwonderen dat wij in ons tweede nummer een artikel plaatsen aan de jongste tentoostelling van de « Libre Esthetique » gewijd, wanneer wij ons daar mee ten doel stellen een hulde te brengen aan den heer Otave Maus een groot hervormer. Te meer is het ons een vreugde dit te kunnen doen nu de heer Otave Maus na twintig jaren van volhardend streven bij gelegenheid van gezegde tentoonstelling niet alleen een jubileum viert, maar een triomf tevens. En 1884 la franche lumière que ne demandait qu’à s’épanouir paisiblement se vit déclarer la guerre par l’immémorial pot au bitume. Lorsque l’on est jeune et que l’on se sent taillé pour la lutte, la guerre est un sport agréable. Monsieur Octave Maus groupa les XX et depuis lors il fut le commandant de l’avant-garde. On vit des outrances, on se chamailla, les vieux ne furent pas contents… Le mécontentement est le diagnostique de la décrépitude. L’école ancienne eut des champions pleins de bonne volonté, mais on ne défend pas une école, parce qu’une école cela n’existe pas. L’école c’est tout ce qui est à la remorque d’un créateur, ce n’est donc rien. Les jeunes, proscrits en ce temps-là des Salons officiels, laissèrent les bouddhas s’adorer entre eux et donnèrent une large et cordiale hospitalité à leurs confrères malmenés et méconnus. Tels vinrent les voir pour s’en gausser qui s’en furent les admirant. On rua bien un peu dans les rangs, mais les escarmouches furent plus fastidieuses que tragiques et de tout ce tapage est résulté la 128 | georges le brun victoire de la lumière, de la sincérité et de la personnalité. Les Salons de Gand et de Bruxelles, obligés encore à quelque déférence pour les échantillons surannés, reçoivent aujourd’hui ceux que l’esprit d’antan eût bannis. Est-ce à dire que le beau soit une question de mode ? Non point. Mais ce qu’il faut abattre sans pitié ce sont les parasites qui vivent aujourd’hui encore de l’aspect extérieur déshonnoré par un vil esprit de mercantilisme, de la réputation et du génie des Leys, des de Braeckeleer, des Artan et de tous les sincères, en somme, qui combattirent non point pour un drapeau ou pour une chapelle mais pour la puissante Vérité. Ceux-là qui admirent assez quelqu’un pour le redire ne le comprennent pas. Ceux-là nuls resteront (il vaut mieux avoir le courage de le dire) qui n’auront aimé que leur conception à eux. Octave Maus, avec un tact plein de délicatesse et d’humour, un sens des arts plastiques digne d’un praticien, amena le public à admettre petit à petit bien des choses qu’il eût réprouvées. Il se servit du snobisme pour tuer le snobisme sans le faire crier et il peut revendiquer une large part d’honneur dans la création de l’éclectisme contemporain. Si les XX avaient vécu en tant que cercle plus de dix ans il en serait advenu ce qu’il advient de tous les cercles, une coterie où la routine s’infiltre et finit par gangrener l’organisme le plus sain ; et puis Nature se plait en diversité, on avait remporté des victoires, mais la guerre n’était pas finie. Les vieux ne veulent jamais s’en aller et c’est parfois si drôle de les voir se cramponner hargneux et suffisants à leurs illusions, que l’indignation du juste désarme. La Libre Esthétique succéda aux XX. Elle fut plus large et plus accueillante encore s’il se peut. Tout ce que ces dernières années révélèrent de plus intéressant se vit là. Ce Salon jubilaire clôture dignement un second cycle de dix années de combats. Les attrapades n’ont plus d’aigreur, ceux qui sont aptes à comprendre discutent avec l’autorité de la compétence et la politesse des gens qui ont une conviction tranquille. C’est le sentiment de l’insuffisance qui énerve. Parfois une pitrerie de critique de mauvais goût (les gens d’esprit sont rares) éclate plus réjouissante que néfaste. Rien ne fortifie une puissance comme une attaque niaise et Dieu sait si La Libre Esthétique en a subi de ces assauts de renards affamés de raisins qu’ils finissent par trouver trop verts. Et voilà le résultat d’une volonté invincible et d’une vitalité véhémente. De tendances, point. L’éclectisme le plus large, l’accueil le plus courtoisement hospitalier à tout ce qui exprime une recherche indépendante. Et c’est ainsi que M. Maurice Denis et M. Jacques Émile Blanche se trouvent simultanément invités. Le métier du second est tout traditionnel, il ne pourrait pas même provoquer une observation prudhommesque de la part d’un académicien. C’est fort bien peint, si ce n’est l’enfant de droite, dans cet arc-en-ciel admirable, et qui semble avoir été ajouté et collé sur le fond sans souci de l’atmosphère. La couleur est chaude, d’une coulée simple et belle. Rien qui nous sorte, quant à l’aspect, des bonnes choses consacrées. Mais l’esprit, la psychologie, le sentiment de la Vie et le sens intime sont d’une belle et aigüe modernité : ce qui prouve que l’on peut être soi en avouant ce que l’on doit aux autres. M. Denis, lui, ne veut rien devoir à personne et pour le prouver il s’acharne parfois à dessiner très mal. Mais c’est plus fort que lui, un rythme presque divin berce ses gaucheries et sa plage reste inoubliable d’équilibre, de noblesse et de sérénité. Il écrit des gestes antiques et son écriture ne parvient pas à être assez maladroite pour atténuer la splendeur de son style. Un souffle de panthéisme puissant et contenu, un sentiment de la nature profond et simple anime les dessins de M. Maurice Pirenne. Devant ses œuvres, nous éprouvons cette impression de naïveté loyale qui charme et requiert sans cesse davantage. C’est littéralement vrai, mais d’une vérité transcendentale qui stylise, inconsciemment peut être, ce qu’elle exprime ou tout au moins dégage sans appuyer visiblement (ce qui serait un signe de décadence) le rythme de toute chose. C’est un art modeste mais qui vous poursuit quand on l’a vu et compris. Cela ne ressemble à personne et c’est une si sincère transcription de l’état de nos cœurs et de l’aspect de nos contrées qu’il n’y a là rien qui nous déroute. Et c’est un mérite peu ordinaire que d’être fort original sans excentricité. C’est ainsi que M. Georges Lemmen a trouvé, lui aussi, un art intéressant entre tous et qu’il le fait comprendre à merveille. Le portrait de jeune fille en robe rouge est d’une acuité de vision si profonde et si éloquente que l’on se sent ici encore en présence d’un de ces artistes qui devant la Nature ont la force et la dignité toujours récompensées de disparaître eux mêmes, de s’abstraire. Les œuvres ainsi conçues sont toujours personnelles. Je ne lui ferai qu’un timide reproche, mais encore je puis me tromper : il est parfois un peu « couleur » et je ne sais si la franchise de tons un peu crus, un peu opposés ne constitue pas le dernier lien qui le rattache aux décorateurs. Un ton dans une ambiance, dans la lumière, est aussi beau par ce qu’on en devine au travers des altérations, que par ce que l’on en voit de littéral. Et cela seul, à mes yeux, matérialise encore un peu l’art de M. Lemmen. Il y a des peintres qui ne sont que des hommes de métier. Ce n’est déjà pas trop les écrits de georges lebrun | 129 mal, les bons ouvriers se font rares, mais c’est bien humble de ne pas viser plus haut ; il y en a qui sortent du domaine des arts plastiques et font de la philosophie, de l’histoire, de la morale ou de l’anecdote. Une œuvre peut toujours faire pardonner une tendance, mais une tendance n’a pas le droit de vivre au nom d’une œuvre. D’autres ne sont que poètes ; c’est méritoire mais, pour qu’une œuvre reste, il faut avec la vérité sentimentale et le sens poétique de tout ce qui touche à la nature, la force plastique. C’est pourquoi M. Degouve de Nuncques* qui est incontestablement un poète radieux, n’est pas un peintre. En rapport du métier au sentiment, cet équilibre si subtil, cette pondération sereine devrait être le souci primordial de tout artiste. Un exemple charmant nous en est fourni par les dessins lumineux, clairs et impalpables, émus et stylés de Mme Julie Massin* et dans une note toute différente par les mâles eaux-fortes de M. Baertsoen. Je voudrais aimer l’envoi de M. Besnard, mais je trouve là un art si énervé, l’expression d’une vie si factice, d’une lumière parfois si morbide que j’en suis à ne plus voir les magistrales qualités que d’autres plus autorisés lui découvrent. Un excellent paysage, pourtant, est plein de verdure et de joie. Mais sur la masse d’eau du premier plan je ne sens pas la fluidité et le bloc d’air qui vibre, allège le cœur et dilate la poitrine. Je ne sais pourquoi je n’ai point parlé encore de l’envoi de M. Van Rysselberghe qui reste des derniers sur la brêche et défend héroïquement le pointillisme. Il est de taille au reste, et son prodigieux talent est à la hauteur de la tâche. On ne peut que l’admirer. Il importe, ici surtout, que la critique ne soit point littéraire mais porte exclusivement sur le fond. Il ne faut pas désapprouver sans dire pourquoi l’on désapprouve. Je suis presque mis en gaîté par cette idée que des tas de 130 | georges le brun gens dont on se gausse ont bien voulu me précéder et ont même en quelque sorte demandé à M. Van Ryselberghe de renoncer à son procédé. Flaubert nous apprend que Mme Dupuis ayant eu vent des relations de son fils Léon, clerc du notaire Du Boccage avec Mme Bovary s’en vint trouver ce digne homme, pour qu’il usât de son influence sur son pauvre Léon ! – Du Boccage eut un élan d’éloquence persuasive qui me fait songer à ces critiques et mon Dieu, il faut l’avouer, à moi-même en cet instant : (que s’il ne voulait faire cela pour sa mère, il le fit du moins pour lui… Du Boccage !) En somme ce que j’ai à dire n’attaque pas le pointillisme en lui-même. Il ne vise que l’abus d’un procédé, quel qu’il soit. Il y a une chose qui prime la décomposition prismatique et l’illusion des vibrations atmosphériques, c’est le respect de la matière intime des choses et cela peut, certes, être obtenu aussi bien avec le pointillisme qu’avec n’importe quel procédé. Là n’est pas la question. Tels fonds bleus qui sont des murs ont des fluidités de ciels et je suis convaincu que cela provient de ce que M. Van Rysselberghe s’arrête lorsqu’une figure est à son plan et le contente… Le reste est parfois trop hâtif, peut être ? Remarquez que dans les figures et les vêtements cela ne nous gêne en aucune façon, mais que seuls les fonds et les terrains manquent de force. Et pour le surplus Théo Van Rysselberghe est un maître admirable. Il sait tout ce que l’on peut savoir et il a un sentiment de la vie et du geste, une subtilité dans la signification psychique des attitudes ou de la couleur qui compensent bien largement les petits reproches qu’on peut lui faire. À côté de lui M. Santer est mort et glacial, sa distinction factice procède de cette éternelle imitation de Van Dijck à Velasquez qui inspire les portraitistes anglais. Ce n’est point à travers les autres qu’il faut voir la nature, c’est à travers ses yeux à soi, avec toute la puissance réceptive de son esprit et de son cœur. Et c’est par là que Santiago Rusinol me séduit. Ses « Amandiers » chantent le printemps en un pays onduleux, objet de la sollicitude des hommes, avec au fond une mer sereine et profonde qui se marie au ciel radieux. Le printemps de Dreydorff est un beau poème et son intérieur, avec quelques lourdeurs dans les pénombres, n’en est pas moins requérant. Le vieux garçon de M. Max Stremmel aussi est une interprétation magistrale dans la modestie de ces intérieurs confortables et bébêtes dont le règne impérissable de Louis-Philippe dota nos grand’mères. Tout à sa poésie, il suffit d’en pénétrer le charme. L’espace me fait défaut pour parler de M. Aloïs de Laet qui mériterait une étude. De M. Moreau-Nélaton qui à côté de choses un peu mortes en montre d’une infinie distinction de nuances. De M.M. Lebasque, Ottmann et Maufra dont le Château-Gaillard est exquis, de M. Paviot et d’autres. Il n’est point jusqu’à l’auteur de ces lignes qui n’eût désiré consacrer un grand article de louanges à son exposition et doit s’en passer pour ne point être obligé de prolonger son article. En fait de sculpteurs, le prince Troubetzkoy difficile à comprendre pour ceux qui croient que le grand art réside dans les sujets compassés, les péplums et le nu. Ce grand art, c’est l’intimité du sentiment qui déborde et qui chante sous la ligne, quelle qu’elle soit ; qui rythme et contient ce sentiment. Et la « Maternité » du prince Troubetzkoy est d’une envolée, d’une simplicité et d’une pénétration qui n’appartiennent pas à notre temps, mais à toute l’humanité. Quoique plus abstraites ses autres œuvres atteignent encore à cette hauteur. Il a quelque chose à dire qui nous intéresse tous et il sait le dire. Il y a encore de fort bonnes choses de M. Paul Du Bois dont la distinction, la force et la grâce s’affinent chaque jour. La terre cuite (un portrait d’enfant) de M. Alexandre Charpentier, splendide de vie et de naïveté originale, puis ses plaquettes nerveuses et savantes. Les médailles de M. de Vreese, dont de bonnes, celles de M. Dufresne, l’envoi de M. Georges Minne. Les bijoux de Mlle Molitor, de M. Rivaud, des reliures et des porcelaines, des affiches. En somme, une exposition nombreuse, choisie et variée, faite avec un goût très sûr et très hardi, un éclectisme capable de tout comprendre. De ce second terme révolu, on a déduit que la « Libre Esthétique » avait terminé sa mission. On peut terminer une mission à l’égard du passé, peut être. À l’égard de l’avenir, jamais. Si Octave Maus avait dû désarmer il l’eût fait depuis longtemps. Il est jeune encore et son esprit le sera toujours. Tout ce qu’il y a de forces adolescentes et généreuses au service de l’Art lui sera toujours reconnaissant et restera solidaire de son effort. * Les œuvres de M. W. Degouve de Nuncques et de Mme Julie Massin sont exposées en ce moment à la « Binnenhuis die Haghe ». Nous n’en avons pas donné de reproductions, nous proposant de donner prochainement un article assez étendu sur ces deux artistes. les écrits de georges lebrun | 131 L’Éventail, 20 mars 1904. la libre esthétique Cette manifestation vient bien à son heure, devant un public préparé à la comprendre. Il convenait aussi d’avoir le courage de rendre cet hommage désintéressé et généreux à ceux qui ont combattu jusqu’à la victoire. Son influence éducatrice aura une répercussion profonde. J’ai été affligé de voir qu’animés d’intentions fraternelles mais trop protectionnistes, certains critiques reprochaient à l’exposition son caractère trop exclusivement français, seul de nos compatriotes, Théo Van Rysselberghe y étant représenté. Habitant Paris, faisant partie de l’avant-garde, ayant, avec des alternatives de succès et de luttes ardentes, soutenu en ami convaincu la cause des jeunes, s’étant donné sans restrictions à ce mouvement dont il est un des chefs incontestés, il importait à tous qu’il y figurât. Et puis, pourquoi défendre ceux qui ne se plaignent pas ? Je ne vois point que Claus et Heymans, deux maîtres que chacun respecte, aient protesté. Le plus intéressant peut-être des impressionnistes belges, au contraire, Georges Lemmen, et qui figurerait en fière posture n’importe où, ne semble guère se préoccuper des frontières, lui. Admirons son attitude. Je suis convaincu que tous ceux qui avaient des titres à participer à cette manifestation sont profondément ennuyés de voir s’agiter un étendard en leur faveur. Le rôle de la Libre Esthétique est précis. Elle veut nous montrer ce qui se fait ailleurs et nous devrions encourager de toutes nos forces cette œuvre de vulgarisation. Ce n’est point le succès des étrangers qui diminuera la valeur des peintres belges. Le public, j’en ai la conviction, n’a pas besoin d’être conduit par la main. Ne voir jamais que les mêmes œuvres, n’est-ce point piétiner sur place ? Et puisque nous n’allons pas voir les Impressionnistes chez eux, nous devrions être bien heureux qu’on nous les amène chez nous ! C’est l’apothéose de vingt ans de guerre pour la lumière et la liberté. C’est le combat opiniâtre de la nature contre les tableaux, de l’intuition et de l’indépendance contre la routine et l’école. L’impressionnisme est un mot au sens large qui n’implique pas la pensée de maîtres, de disciples, de genre ou de classe bien déterminée. À mon avis, sont impressionnistes tous les peintres qui ont regardé la nature avec religion et tendresse, qui l’ont aimée pour sa fraîcheur, son éternelle jeunesse, son sentiment poignant de radieuse indifférence ou sa grandeur sublime et sereine. L’impressionnisme a surtout banni l’anecdote et conservé la poésie. Après les siècles de gloire de Van Eyck et de Rubens, nous entrons dans une période de tristesse où la peinture draine un passé trop lourd. Les mieux doués restent écrasés par les ancêtres… Nous sommes trop respectueux, la piété de nos sentiments nous étouffe. Leys a dépensé un talent admirable à recommencer Rembrandt, puis les primitifs de Van Eyck à Holbein. Le Belge peint fort bien. Bien peindre, c’est, pour beaucoup d’artistes de talent, étendre onctueusement une couleur épaisse et riche, faire un tableau qui rappelle les belles peintures des maîtres disparus. Bien peindre, à la vérité, c’est faire oublier qu’une certaine façon de triturer des couleurs sur de la toile s’appelle « de la peinture », c’est éveiller un sentiment immatériel de nature et d’émotion profonde… rien de plus. Votre patriotisme dût-il en souffrir, pendant que nous rêvions vernis et patines, Femme à la baratte, juin 1899, fusain, rehauts de pastel et de crayon de couleur sur papier, 60,5 × 47 cm. Coll. Denooz-Doms. [50] 132 | georges le brun les écrits de georges lebrun | 133 pendant que nous voyions, admirions et enviions les chefs-d’œuvre tels qu’ils sont en oubliant ce qu’ils furent aux jours heureux de leur naissance, les maîtres de France, bravant les sarcasmes et parfois la misère, marchèrent droit à la conquête de l’air et de la couleur vraie. Il appartenait à ces âmes légères et rythmiques, spirituelles et graves qui s’épanouirent de Fouquet au Poussin, à Claude Gellée, à Watteau et qui nous apportaient ensuite les merveilles des trois premiers quarts du xixe siècle, de nous conduire à ces œuvres indépendantes et claires qui sont l’Impressionnisme. Et pourtant, si nous voulons y regarder de près, sommes-nous bien loin des paysages de Touraine, des heures d’Étienne Chevalier ou des antiquités judaïques des Josèphe ? Les délicieux Fragonard, Chardin ou Quentin de la Tour ne renieraient point Manet ni Renoir ; et Claude Lorrain aimerait Monet. La tradition française est continue et forte. Ne nous inspirons pas de ses œuvres, aimons son esprit sagace et frondeur. Ils respectent assez leurs maîtres pour ne les point imiter. C’est une leçon merveilleuse d’indépendance et de fierté que cette exposition récapitulatrice. Il y a des outrances de métier, il y a quelques visions maladives de chairs salies ou verdissantes, mais il y a aussi d’exquises fraîcheurs, d’émouvantes et naïves expressions sentimentales, des grâces d’un raffinement incomparable, des éclats sonores de lumières triomphales, du mouvement et de la tendresse, de la puissance très saine et de l’émotion bien forte, de troublantes impressions barbares et de savantes synthèses. Nous voyons là réunis Renoir, Degas, Monet, Maurice Denis et Charles Guérin ; Van Rysselberghe, Seurat, Mary Cassatt et l’exquise Berthe Morisot ; Manet, Paul Gauguin et Cézanne. Ces révolutionnaires d’aujourd’hui sont les classiques de demain et c’est ce que cette admirable exposition nous démontre. N’est-il point charmant de ne pas rencontrer un seul vieux tableau dans une salle de musée, d’y voir la fleur des chairs, l’azur du ciel et la fraîcheur des roses ? Et puisque c’est au travers de la chanson des peintres que nous voyons la nature, allons vers ceux qui l’on pénétrée jusqu’au cœur. N’oublions point que rien n’est plus fastidieux ni fatal à l’émotion spontanée et personnelle que le souci des maquillages qui dénaturent une page de poésie pour en faire la somptueuse toile cirée qu’on appelle un tableau. N’est-il point désolant de voir que l’école flamande n’a souvent hérité que la matérialité des beaux praticiens ? La lettre tue et l’esprit vivifie. Mettons les dons admirables qui nous sont dévolus au service de la vie, oublions la peinture et les lettres si nous voulons être artistes et poètes. Petite fille qui tricote, Xhoffraix, 1900, huile sur toile, 67 × 52 cm. Bruges, coll. privée. [59] 134 | georges le brun les écrits de georges lebrun | 135 RECENSEMENT DES ŒUVRES DE GEORGES LE BRUN Paysan à la houe, s.l., 1899, pastel et fusain sur papier, 86 × 56 cm. Coll. privée. [51] 136 Brigitte, Olivier, Françoise, Thierry Le Brun Passeuse de Georges Le Brun, Jeanne, la ille du peintre Jeanne Le Brun est née dans la maison familiale de Theux en 1907 moins de sept ans avant la disparition de son père Georges Le Brun sur le front de l’Yser en 1914. Ce fut un drame pour elle qui a toujours gardé de ce père des souvenirs touchants. Dans ses mémoires, elle raconte : « Munie d’un petit panier je jouais à la marchande de baisers. Je lui en vendais des gros, des tout petits… Je puis dans mes souvenirs remonter à ma toute petite enfance. Je dormais dans la chambre de mes parents dans un petit lit détaché d’un haut berceau et mis par terre, car je remuais beaucoup. De là je pouvais tout observer. Je vois encore mes parents assis sur le bord de leur lit, maman sur les genoux de papa, dans sa grande chemise de nuit à longues manches avec un col à petits festons. C’est ainsi que j’eus très tôt l’image du bonheur. » Cette image du bonheur, Georges Le Brun l’exprime avec sa sensibilité poétique dans un fusain représentant Nathalie sa femme et leur petit garçon André contemplant avec tendresse Jeanne emmaillotée dans ses langes. Ces trois regards, celui de son père, de sa mère et de son grand frère la nourriront toute sa vie. Elle a également été comblée par l’affection des amis de ses parents : les peintres Maurice Pirenne et Pierre Delcour, le poète Fernand Séverin, le pianiste Georges de Golesco qui « jouait Chopin comme jamais je ne l’entendis plus, pas même Rubinstein… », le metteur en scène Oscar Lejeune : « Un jour Oscar nous dit très excité qu’on ouvrait un cinéma à Theux, une sorte de petite grange, des bancs de bois, Les Nuits de Chicago, Georges Bancroft, Evelyn Brent, Clive Brook… ce film admirable nous révéla cet art de notre temps… Oscar vint nous annoncer plus tard que Copeau et ses comédiens quittaient leur retraite pour venir jouer à Liège. Je n’avais encore jamais été au théâtre. Nous fîmes donc partie de ce petit noyau de public qui vécut ces heures inoubliables. La pièce s’appelait L’Illusion. Et c’était l’illusion. Le rideau se levait. On entendait Copeau méditer seul sur la scène. Un à un ses comédiens venaient le supplier de jouer. Et Copeau acquiesçait. Et ils jouèrent la Célestine… Lorsqu’on apprit que le musée Picasso à Paris avait acquis la Célestine, à la première occasion j’allai la voir, le cœur battant. C’était elle, exactement, le regard trouble de la vieille sorcière, entremetteuse. Ah Picasso ! » La Maman et ses bébés, Sancourt, 1908, fusain sur papier vergé, 39,5 × 25,5 cm. Coll. privée. [118] 138 George Le Brun avec l’un de ses enfants, vers 1905, photographie, 5 × 8 cm. Paris, coll. privée. André et Jeanne Le Brun, vers 1909, photographie, 9,9 × 6,5 cm. Paris, coll. privée. Jeanne est restée en contact étroit avec Maurice Pirenne qui était très attaché à Georges Le Brun : « L’été 1919 nous fîmes un séjour à Xhoffraix avec les Maurice Pirenne et les Albert Duesberg. C’était un été terriblement sec et chaud mais dans la Fagne il faisait délicieux. Le soir Maurice Pirenne et Albert Duesberg faisaient la lecture. Ils lisaient très bien l’un et l’autre, Valéry, Claudel… Maurice Pirenne faisait des croquis, il se chargeait de peu de choses. Nous disions que son attirail de peintre pouvait tenir dans une boîte d’allumettes. Il était pittoresque avec des pinces à linge autour de son chapeau pour maintenir ses feuilles de papier. On allait à Longfaye, à Ovifat. Les villages étaient très beaux avec les vieilles fermes à toits de chaume et les grandes haies taillées comme dans les tableaux de papa… Plus tard, lorsque Maurice Pirenne était très vieux et sa vue ayant beaucoup baissé (c’est alors, je crois, qu’il fit ses plus beaux tableaux) j’allais de temps en temps le voir à Verviers, il me parlait de papa, de ses tableaux et c’était pour moi un grand plaisir, pour lui aussi me semblait-il… Très vite après la guerre nous allâmes Maman, André et moi à Xhoffraix… C’était la Fagne, la vraie Fagne, celle des tableaux de papa, qui n’était pas encore défigurée par les sapinières. Nous fûmes accueillis avec émotion par les paysans. Papa avait partagé leur vie, faisant à Xhoffraix et à Longfaye de très longs séjours, sept années durant. » Avec sa mère, Jeanne fit plusieurs voyages en Italie, inspirés par les lettres d’Italie de Georges Le Brun : « Nous arrivâmes à Poggibonzi où nous découvrîmes un vieux cocher qui se mit à nettoyer sa petite charrette et à la munir de banquettes et d’un parasol. C’était inouï. Toute la route fut exactement ce que papa raconte. Ce merveilleux paysage, les vignes en guirlandes, et le vieux cocher qui nous cueillait de belles grappes. » C’est dans le domaine des arts que son amour de la vie s’est manifesté avec le plus d’éclat, elle suivit à Liège les cours d’histoire de l’art : « J’eus les deux premières années 140 | georges le brun des professeurs passionnants, Laurent pour l’art grec, très laid il prenait les poses des éphèbes. Mais personne ne riait, on était subjugué. Capart pour l’art égyptien… C’était l’Egypte toute entière qui revivait devant nous. Il y avait surtout FierensGevaert qui avait rencontré papa lors de son retour d’Italie devant un tableau attribué à Memling et que papa assurait être de Van der Weyden. Ils en avaient longuement discuté et étaient devenus très bons amis… Simultanément à l’histoire de l’art, je m’étais inscrite au Conservatoire au cours de solfège qui était enseigné par un professeur passionné vraiment fascinant. Il arrivait au cours, frappait une note sur le piano et nous disait « qu’est-ce que c’est ? » Silence… il était consterné. « Mais cette note crie qu’elle est un fa », nous disait-il. Je passai un très bon examen… À Bruxelles je fis la connaissance de Paul Decoster, philosophe, professeur à l’ULB. Il était très musicien et je peux dire qu’il m’initia à la André et Jeanne Le Brun avec un major anglais musique, Jean Sébastien Bach surtout, mais aussi à la Libération, 1918, photographie, 11,2 × 8 cm. Stravinsky et le jazz hot, Louis Armstrong, Duke Paris, coll. privée. Ellington… Il mettait un 78 tours et dirigeait à la manière des grands chefs d’orchestre, il était très drôle. Dès qu’il avait un nouveau disque il me téléphonait : “venez vite, je vous attends pour le jouer”. » Jusqu’à son dernier souffle Jeanne fut une passionnée d’opéra. Elle a pu vivre sa passion artistique dans son travail au service des Expositions du palais des Beaux-Arts de Bruxelles : « Après les vernissages des expositions on allait à la taverne du palais des Beaux-Arts et là on picolait jusqu’à des heures indues. On avait souvent vu Robert Giron, balai en mains, fignolant les salles alors que le public arrivait. On était tous, huissiers compris, prêts à travailler la nuit quand c’était nécessaire. En dehors de cela l’atmosphère était très détendue, chacun sachant ce qu’il avait à faire et le faisant consciencieusement. » Avec la même passion, elle a cultivé le sens de l’amitié. Pour rien au monde elle n’aurait raté le déjeuner hebdomadaire de la « bande du mardi » qui, depuis 1935 et pendant plus de quarante ans, se retrouvait au restaurant Perraudin dans les « grands fous rires d’une amitié immuable » comme l’écrit l’auteur anonyme du livre Le Souvenir d’une certaine image (Bruxelles, Wesmael-Charlier, 1980) sur la vie d’Yvan Denis. C’étaient, outre Yvan Denis, Suzanne Delvaux, Gérard Bertouille, Lionel et Anita Giraud-Mangin, Mayou Iserentant, Olivier Picard, Paul Willems, Jacques Hartung, Albert Dasnoy… et, comme le dit cet auteur, Jeanne Le Brun « sensible et racée comme une orchidée sauvage ». En dehors de ce rendez-vous hebdomadaire c’étaient toutes sortes de retrouvailles tels « les aïolis gigantesques chez Jeanne Le Brun ». Il lui fallait découvrir le monde : séjour captivant à Cuba et au Mexique en 1932 et 1933, où elle rencontre Diego Rivera et découvre avec enthousiasme les civilisations précolombiennes : « Ce furent deux années merveilleuses. » Dans les années 1950, ce fut la grande aventure africaine. Suivant son frère, elle créa une plantation de café. Kanyamagana fut à la fois une exploitation exemplaire et une sorte de résidence passeuse de georges le brun, jeanne, la fille du peintre | 141 Véronique Carpiaux, Léna Hofman, Valérie Minten Notice méthodologique Maison, croisillons noirs, Xhoffraix, 1913, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 40 × 62 cm. Coll. privée. [130] d’artistes où aimaient séjourner ses amis et ceux de sa mère, dont la romancière Marie Gevers. Elle continua à parcourir le monde, bivouaquant dans sa 2 CV. Elle s’est souvent envolée en Colombie-Britannique pour rendre visite à son frère et y retrouver de nombreux tableaux de Georges Le Brun qui, comme ceux de sa propre collection, avaient précédemment séjourné de longues années en Afrique. Toute sa vie elle n’eut de cesse de faire connaître l’œuvre de son père, d’en faire un archivage systématique, de multiplier les contacts avec les musées et les historiens de l’art de la charnière des xixe et xxe siècles. Pour nous, ses neveux et pour nos enfants et petits-enfants, elle a été une merveilleuse passeuse de l’univers de Georges Le Brun, une conteuse qui savait nous enchanter. 142 | georges le brun Nous avons reçu de la famille de Georges Le Brun près de deux cents fiches de travail patiemment rédigées par Jeanne Le Brun, fille du peintre, historienne de l’art, reprenant les éléments indispensables à un inventaire (titre, lieu, date, technique, dimensions, collection), mais aussi des informations plus fouillées comme les expositions, les publications et parfois, l’état de conservation, les écrits de l’artiste, les données techniques. Ces fiches se trouvaient dans différents classeurs, eux-mêmes séparés par des intercalaires portant des titres tels que « Tableaux à rechercher », « Œuvres certaines », « Œuvres dont je connais l’existence, mais que je n’ai jamais vues », etc. Par souci d’efficacité, nous avons choisi de classer ces deux cents fiches en deux catégories : 1 / celles se rapportant à des illustrations (photographies en couleur et / ou en noir et blanc) annexées aux fiches ; 2 / celles n’ayant aucune iconographie et pour lesquelles l’historienne de l’art était en questionnement (appartenance, identification, etc.). Pour des raisons évidentes, nous avons pris le parti de ne mentionner dans ce catalogue que la première catégorie de fiches, la seconde restant disponible pour des recherches ultérieures. Dans la série d’œuvres ayant une fiche et une illustration, nous avons privilégié les informations fournies par Jeanne Le Brun afin de respecter au mieux son travail. Prenons l’exemple des titres des œuvres rarement donnés par l’artiste lui-même. Jeanne Le Brun, les collectionneurs, les musées ou les photographes ont pris le parti d’attribuer un titre à chaque œuvre pour une raison évidente d’identification. Plusieurs titres existent donc pour une seule œuvre, contribuant à brouiller les pistes. Nous avons décidé d’accorder la priorité aux choix posés par Jeanne Le Brun. Le seul élément parfois modifié est la localisation actuelle des œuvres. Dans le cadre de ce recensement, nous avons favorisé la reproduction des œuvres abouties de l’artiste, écartant certains croquis, sauf si ceux-ci ont été exposés. Certaines annotations de Jeanne Le Brun n’ont pas pu être publiées par manque de place, mais les éléments les plus importants apparaissent en notes de bas de page. Nous avons rédigé une liste d’abréviations de catalogues et d’expositions cités par Jeanne Le Brun dans ses fiches. Ceux-ci forment une première bibliographie intéressante sur l’artiste [ci-contre]. À la lumière des nouvelles recherches faites dans le cadre de ce projet, et plus particulièrement grâce au travail de longue haleine du photographe verviétois Jacques Spitz, nous avons pu identifier de nouvelles œuvres de Le Brun. Dans les cas les plus heureux, les photographies ont « retrouvé » la fiche qu’avait rédigée Jeanne Le Brun à leur propos. Par contre, les photographies sans identification ont été ajoutées chronologiquement à sa liste. Il est possible que ces œuvres sans fiche aient pourtant été consignées par Jeanne Le Brun, mais des titres aussi vagues que Intérieur ou Paysage ardennais ne nous ont pas permis de faire le lien entre son travail et l’image retrouvée. Un maximum d’informations, parfois encore fort lacunaires, complètent malgré tout ces reproductions. Nous espérons que la publication de ce premier recensement des œuvres de Georges Le Brun que nous devons à sa fille sera le début d’un intérêt accru pour l’artiste, amenant des chercheurs et scientifiques à faire de nouvelles recherches pour identifier et localiser les nombreuses œuvres actuellement restées sans information. Liste des abréviations des expositions et catalogues cités par Jeanne Le Brun [jusqu’en 1997] Salon triennal des Beaux-Arts, Gand, 1899 : StBAG, 1899 7e exposition de La Libre Esthétique, Bruxelles, du 1er au 31 mars 1900 : LE, 1900 Exposition d’art et d’art décoratif, Verviers, le 30 mars 1901 : EaadV, 1901 Association pour l’encouragement des Beaux-Arts. Salon de 1902, palais des Beaux-Arts, parc de la Boverie, Liège, 1902 : AeBA, 1902 Salon triennal des Beaux-Arts, Bruxelles, 1903 : StBAB, 1903 10e exposition de La Libre Esthétique, Bruxelles, du 26 février au 29 mars 1903 : LE, 1903 Salle des Beaux-Arts, Verviers, du 5 au 17 mars 1904 : SaBAV, 1904 Association pour l’encouragement des Beaux-Arts. Salon de 1912, palais des Beaux-Arts, parc de la Boverie, Liège, du 4 mai au 30 juin 1912 : AeBA, 1912 Studio, rue des Petits-Carmes, Bruxelles, du 9 au 19 décembre 1912 : STUDIO, 1912 Hall de la Bibliothèque centrale, Liège, du 25 mai au 8 juin 1913 : HBCL, 1913 Salon triennal des Beaux-Arts, Bruxelles, 1914 : StBAB, 1914 Association pour l’encouragement des Beaux-Arts. Salon de 1914, palais des Beaux-Arts, parc de la Boverie, Liège, du 10 mai au 21 juin 1914 : AeBA, 1914 Société des beaux-arts de Verviers (rétrospective), mars 1920 : SBAV, 1920 Association pour l’encouragement des Beaux-Arts. Salon de 1920, palais des Beaux-Arts, parc de la Boverie, Liège, du 19 juin au 25 juillet 1920 : AeBA, 1920 Le Bac en pierre, Xhoffraix, vers 1894, huile sur toile, 55 × 74 cm. Maison communale de Theux. [12] Petite fille devant une fenêtre, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 54 × 70,5 cm. Coll. M.-L. Doms. [28] Société royale des Beaux-Arts de Verviers, février 1936 : SRBAV, 1936 Les Peintres de l’Ardenne, 7e salon, galerie Georges Giroux, Bruxelles, du 28 juin au 29 juillet 1958 : GGG, 1958 Cercle Pro Arte, Maison Le Brun, Theux, du 3 au 20 septembre 1966 : CPA, 1966 De l’allégorie au symbole, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, du 23 février au 5 mai 1968 : MRBAB, 1968 Musées de Verviers (centenaire de la naissance de Georges Le Brun), de novembre à décembre 1973 : MV, 1973 144 | georges le brun recensement des œuvres de georges le brun | 145 Intérieur sans personnage, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 73 × 58 cm. Musées de Verviers. [40] Intérieur à Xhoffraix, s.l.n.d., fusain vernis sur papier, 44,5 × 32 cm. Coll. A. Doms. [155] Cercle des Beaux-Arts de Verviers, 1975 : CBAV, 1975 L’Homme au poêle, s.l.n.d., fusain et rehauts d’aquarelle sur papier, 63 × 36 cm. Bruxelles, coll. privée. [143] Pastelle und Zeichnungen des Belgisches Symbolismus, Francfort-sur-le-Main, Frankfurter Kunstverein, du 7 mai au 24 juillet 1988 : FK, 1988 Bruxelles, Musée d’Ixelles, de décembre 1975 à janvier 1976 : MI, 1975-1976 Musée de Liège, 1976 : ML, 1976 Arbeit und alltag, Berlin, Kunsthalle, de septembre à octobre 1979 : KB, 1979 William Degouve de Nuncques et les intimistes verviétois, Stavelot, musée de l’Ancienne Abbaye Stavelot, du 13 juillet au 16 septembre 1990 : MaaS, 1990 De Manet à Matisse, sept ans d’enrichissement au musée d’Orsay, Paris, musée d’Orsay, du 14 novembre 1990 au 10 mars 1991 : MO, 1990-1991 Belgian Art : 1880-1914, New York, Brooklyn Museum, avril 1980 : BM, 1980 Fin de siècle (1885-1905), CGER, le 2 juin 1991 : CGER, 1991 Art et société en Belgique, Charleroi, palais des Beaux-Arts, d’octobre à novembre 1980 : PBAC, 1980 Impressionism to symbolism, Londres, Royal Academy of Arts, du 7 juillet au 2 octobre 1994 : RAAL, 1994 Cologne, Belgisches Haus, du 5 novembre au 19 décembre 1981 : BHC, 1981 Affaires culturelles, Liège, du 5 novembre au 23 décembre 1982 : AcL, 1982 Paradis perdus. L’Europe symboliste, Montréal, musées royaux des Beaux-Arts, du 8 juin au 15 octobre 1995 : MRBAM, 1995 Le Symbolisme en Belgique, Tokyo, musée national d’Art moderne, du 12 novembre 1982 au 23 janvier 1983 : MNAMT, 1982-1983 Paris-Bruxelles / Bruxelles-Paris, Paris, Galeries nationales du Grand Palais, du 21 mars au 14 juillet 1997 : GNGP, 1997 Le symbolisme – le réalisme, Paris, Centre Wallonie – Bruxelles, du 16 octobre 1987 au 10 janvier 1988 : CWB, 1987-1988 Paris-Bruxelles / Bruxelles-Paris, Gand, musée des Beaux-Arts, du 6 septembre au 14 décembre 1997 : MBAG, 1997 146 | georges le brun recensement des œuvres de georges le brun | 147 1. Rouheid, Rouheid, 5 juin 1890, aquarelle sur papier, 22 × 28 cm. Signé, daté et situé en bas à droite : « Rouheid. 5 juin 1890. Georges Le Brun ». Paris, coll. privée. [repr. p. 13] 2. Paysage au moulin, vers 1890, aquarelle sur papier, 20,9 × 30,3 cm. Paris, coll. privée. ŒUVRES DE GEORGES LE BRUN 3. Chemin forestier, 1890, aquarelle sur papier signée et datée en bas à gauche : « 1890 Georges Le Brun », 25,7 × 35 cm. Paris, coll. privée. 4. Clôture, octobre 1890, aquarelle sur papier, 25,2 × 34,9 cm. Paris, coll. privée. avertissement Ce recensement n’est pas exhaustif et comporte certaines imprécisions. La mention de plusieurs dimensions possibles pour une même œuvre, notamment, résulte de la transcription fidèle des notes de Jeanne Le Brun, notre source principale pour l’élaboration de ce recensement d’œuvres. Les notes se trouvent en page 182. 5. L’Enclos, 1890, aquarelle sur papier, 28,9 × 22,2 cm. Paris, coll. privée. 8. En promenade, 1891, aquarelle sur papier, 27,9 × 19 cm. Paris, coll. privée. 6. Paysage avec une mare, maisons et arbres, Andrimont, 1891, aquarelle sur papier, 19,5 × 28 cm. Coll. Freddy Michels. 9. Maison à Andrimont, Andrimont, 1892, aquarelle sur papier, 24,4 × 34 cm. Paris, coll. privée. 7. Automne, 1891, crayon et aquarelle sur papier, 34,9 × 25,7 cm. Paris, coll. privée. 10. Trois vaches dans un pré (recto), s.l., 1893, gouache sur papier cartonné, 39 × 58 cm et Port de Bruxelles, le soir (verso), Bruxelles, 1893, aquarelle, crayon et encre de Chine sur papier cartonné [repr. p. 90]. Coll. Georges Voos de Ghistelles, coll. Suzanne Voos, coll. Courtjoie, coll. Jeanne Le Brun, New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 1 (catalogue des œuvres non exposées) ; SRBAV, 1936, cat. 61. 150 | georges le brun œuvres de georges le brun | 151 11. Ferme à Xhoffraix, Xhoffraix, 1894, fusain et aquarelle sur papier, 40 × 29 cm, monogrammé en bas à droite : « GLB ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-448. In : SBAV, 1920, cat. 71 ; SRBAV, 1936, cat. 75 ; MV, 1973, cat. 48. 15. Jeune garçon pelant des pommes de terre, Xhoffraix, 1895, fusain sur papier, 65 × 40 cm. Signé et daté : « Georges Le Brun 1895 ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-456. In : AeBA, 1920, cat. 38 ; SBAV, 1920, cat. 4 ; CPA, 1966, cat. 7 ; MV, 1973, cat. 49 ; CBAV, 1975, cat. 7 ; MI, 1975-1976, cat. 2 ; ML, 1976, cat. 2 ; BHC, 1981, cat. 1 ; MaaS, 1990, cat. 49. 12. Le Bac en pierre, Xhoffraix, vers 1894, huile sur toile, 55 × 74 cm. Maison communale de Theux. [repr. p. 144] 13. Cour de ferme (femme avec un cochon, barricade), s.l., vers 1895, fusain sur papier, 34 × 47 cm. Coll. Denooz-Doms. In : MV, 1973, cat. 26. 16. Promeneur ardennais (homme guêtré marchant), Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 32 × 20 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-457. In : SBAV, 1920, cat. 53 ; SRBAV, 1936, cat. 28 ; MV, 1973, cat. 63. 14. Tête d’homme avec chapeau1, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 34,5 × 26,5 cm. Coll. Joseph Doms, coll. A. Doms. 17. Bœuf paissant, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 35 × 50 cm. Coll. privée. In : AeBA, 1920, cat. 54 ; SBAV, 1920, cat. 53 ; SRBAV, 1936, cat. 29. [repr. p. 84] 152 | georges le brun œuvres de georges le brun | 153 18. La Femme à la houe, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 53,5 × 36,5 cm. Bruxelles, coll. privée. In : SRBAV, 1936, cat. 31. 23. Homme assis, jambes écartées, mains jointes, Xhoffraix, vers 1895, fusain et pastel sur papier, 56,5 × 40,5 cm. Coll. A. Doms. In : SBAV, 1920, cat. 49 ; MV, 1973, cat. 29. [repr. p. 49] 24. Tête de vieux imberbe, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 60 × 42 cm ou 34 × 26 cm. Bruxelles, coll. privée. In : AeBA, 1920, cat. 16 ; SBAV, 1920, cat. 20. 19. Buste de paysan avec chapeau (Le Pyromane), Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier, 70 × 59 cm. New York, coll. privée. 25. Ardennaise (jaquette bleue) ou La Femme en bleu, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 57 × 45 cm. Montréal, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 22 ; AeBA, 1920, cat. 17 ; SRBAV, 1936, cat. 15. 20. Buste de paysan sans chapeau, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 49,2 × 33,5 cm. Coll. privée2. [repr. p. 59] 21. Les Lambris, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier, 62 × 42 cm. Coll. A. Le Brun, New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 38. [repr. p. 6] 26. Ardennaise (Femme debout en barada), Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 36 × 20 cm. Coll. A. Le Brun, localisation inconnue. In : SBAV, 1920, cat. 51 ; SRBAV, 1936, cat. 77. 22. La Morte (recto), Tête de femme (verso), Xhoffraix, vers 1895, crayon, fusain et pastel sur papier, 32 × 42 cm. Coll. Joseph Doms, coll. A. Doms. In : SBAV 1920, cat. 47. 154 | georges le brun œuvres de georges le brun | 155 27. Les Lambris de chêne, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 65 × 42 cm. Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 19 ; SRBAV, 1936, cat. 13 ; MV, 1973, cat. 30. [repr. p. 127] 32. L’Homme qui dort, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 66,5 × 50 cm. Coll. privée. In : SBAV, 1936, cat. 88 ; MV, 1973, cat. 14 ; MI, 1975-1976, cat. 4 ; ML, 1976, cat. 4. 28. Petite fille devant une fenêtre, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 54 × 70,5 cm. Coll. Joseph Doms, coll. M.-L. Doms. In : SBAV, 1920, cat. 18 ; MV, 1973, cat. 24. [repr. p. 144] 29. Tête d’homme à la pipe, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 44 × 36 cm. New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 43 ; SRBAV, 1936, cat. 25. 33. Petite fille (Intérieur), Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 28 × 18 cm. Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 36 ; AeBA, 1920, cat. 49. 30. Tête d’homme à la pipe avec chapeau, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 50 × 35 cm. Localisation inconnue. In : SBAV, 1920, cat. 45. 34. Vieux en sarrau, Xhoffraix, vers 1895, aquarelle sur papier, dimensions et localisation inconnues. In : SBAV, 1920, cat. 25. [repr. p. 33] 31. Femme buvant, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 66 × 40 cm. Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 34 ; AeBA, 1920, cat. 48 ; SRBAV, 1936, cat. 20. 35. Ardennaises travaillant aux champs, Xhoffraix, vers 1895, aquarelle, gouache et encre de Chine sur papier, 38 × 27 cm. Signé en bas à gauche « Georges Le Brun ». Bruxelles, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 28. [repr. p. 80] 36. Homme balayant, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier, 58 × 58 cm. Bruxelles, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 32. [repr. p. 28] 37. Homme pelant des pommes de terre, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 83 × 65 cm. Coll. Famille Crismer. In : SBAV, 1920, cat. 17 ; SRBAV, 1936, cat. 11. [repr. p. 89] 156 | georges le brun œuvres de georges le brun | 157 38. Homme pelant des pommes de terre, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 70 × 56 cm. Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 33. 43. Homme debout devant une fenêtre, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 58,5 × 28,5 cm. Coll. Jacques Follet, Zurich, coll. Daniel Bollier. 39. Une fagne (fumée), Xhoffraix, 1895, aquarelle sur papier, 36,5 × 51,5 cm. Signé et daté en bas à droite : « Georges Le Brun 1895 ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-455. In : SBAV, 1920, cat. 27 ; SRBAV, 1936, cat. 17 ; MV, 1973, cat. 62 ; CBAV, 1975, cat. 17 ; MI, 1975-1976, cat. 1 ; ML, 1976, cat. 1. [repr. p. 82] 44. Tête d’homme imberbe (avec chapeau), Xhoffraix, vers 1896, fusain sur papier, 49,5 × 39 cm. Bruges, coll. privée. [repr. p. 84] 45. Femme tricotant près du poêle, Xhoffraix, vers 1896, fusain sur papier. Coll. Mme Herbraut, localisation inconnue. In : SRBAV, 1936, cat. 72. 40. Intérieur sans personnage, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 73 × 58 cm. Musées de Verviers. In : SBAV, 1920, cat. 37. [repr. p. 146] 41. Femme au retordoir (recto), Xhoffraix, vers 1895, aquarelle, fusain et rehauts de pastel sur papier, et Homme assis (verso), fusain sur papier, 40 × 47 cm. Coll. Famille Crismer. In : SBAV, 1920, cat. 48. 46. La Femme au hasple, Xhoffraix, 1897, huile sur toile, 66 × 62 cm. Coll. Famille Crismer. In : SRBAV, 1936, cat. 71 ; MI, 1975-1976, cat. 7 ; ML, 1976, cat. 7. [repr. p. 87] 42. Troncs d’arbres, s.l.n.d., aquarelle sur papier, 38,5 × 55 cm. Signé en bas à gauche : « Georges le Brun ». Coll. privée. 158 | georges le brun 47. Les Bœufs, Xhoffraix, vers 1897, fusain sur papier (croquis pour un tableau perdu, Homme chargeant du fumier), 35,5 × 72 cm. Coll. Jason-Doms, Liège. In : SBAV, 1920, cat. 8 ; SRBAV, 1936, cat. 6 ; MI, 1975-1976, cat. 8 ; ML, 1976, cat. 8. œuvres de georges le brun | 159 48. Les Portes bleues, Xhoffraix, vers 1897, aquarelle, gouache et fusain sur papier, 71 × 52 cm. Signé : « Georges Le Brun ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 29 ; SRBAV, 1936, cat. 18 ; MV, 1973, cat. 32 ; MI, 1975-1976, cat. 6 ; ML, 1976, cat. 6. 53. L’Automne à Xhoffraix, Xhoffraix, 1899, pastel sur papier, triptyque, 76 × 56 cm / 76 × 108 cm / 76 × 56 cm. In : AeBA, 1920, cat. 36 ; SBAV, 1920, cat. 14. Descriptif : 1 / La Récolte de pommes de terre (volet gauche), Bruxelles, coll. privée ; 2 / Le Labour (panneau central détruit) ; 3 / Le Berger (volet droit), coll. privée. In : SRBAV, 1936, cat. 100. [repr. p. 14] 54. Le Caban, Xhoffraix, 1899, crayon et pastel sur papier, 75 × 51,2 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1899 ». Louvain-la-Neuve, musée du Dialogue, inv. BO233. Donation Boyadjan. In : StBAG, 1899, cat. 849 ; LE, 1900, cat. 172 ; EaadV, 1901, cat. 138 ; SBAV, 1920, cat. 10 ; MV, 1973, cat. 41 ; MI, 1975-1976, cat. 9 ; ML, 1976, cat. 9 ; BHC, 1981, cat. 2. [repr. p. 108] 55. Menace d’orage (Le Faucheur), Xhoffraix, 1899, fusain et rehauts de blanc sur papier, 65 × 49 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB juin 1899 ». New York, coll. privée. In : STUDIO, 1912, cat. 41 ; HBCL, 1913, cat. 203 ; AeBA, 1920, cat. 45 ; SBAV, 1920, cat. 13 ; SRBAV, 1936, cat. 8 ; MI, 1975-1976, cat. 10 ; ML, 1976, cat. 10. 49. Intérieur à Longfaye (deux Ardennaises dont l’une épluche des pommes de terre), Longfaye, 1899, aquarelle, fusain et pastel sur papier, 47 × 32 cm. Coll. Albert Duesberg, coll. Heusy, coll. Oscar Lejeune, coll. Lejeune. In : SRBAV, 1936, cat. 23 ; MV, 1973, cat. 33. 50. Femme à la baratte, juin 1899, fusain, rehauts de pastel et de crayon de couleur sur papier, 60,5 × 47 cm. Coll. Denooz-Doms. In : MV, 1973, cat. 23. [repr. p. 132] 51. Paysan à la houe, s.l., 1899, pastel et fusain sur papier, 86 × 56 cm. Monogrammé en bas à gauche : « GLB » ; daté en bas à droite : « 1899 ». Coll. privée. [repr. p. 136] 52. Le Bénédicité3, Xhoffraix, 1899, fusain sur papier, 57 × 43 cm. Coll. A. Doms. In : SBAV, 1920, cat. 9, SRBAV, 1936, cat. 7 ; MV, 1973, cat. 27. [repr. p. 63] 160 | georges le brun 56. Dans la Fagne ou Le Chêne des chênes ou Lu tchâne al tchâne ou Le Vieux Chêne, Xhoffraix, vers 1899 ou 1900, aquarelle, gouache et pastel sur papier, 79 × 56 cm. Signé en haut à droite : « Georges Le Brun ». Dédicacé « A mon ami Eugène Laermans ». Paris, coll. privée. In : MV, 1973, cat. 39 ; MI, 1975-1976, cat. 3 ; ML, 1976, cat. 3 ; BHC, 1981, cat. 4 ; AcL, 1982, cat. 34 ; FK, 1988, cat. 114. [repr. p. 69] 57. Une rue à Florence le soir, Florence, 1900, fusain sur papier, 29,5 × 19,5 cm. Monogrammé, situé et daté en bas à droite : « GLB Florence 1900 ». Coll. Levaux-Hauzeur, coll. Françoise Van Cauwenberghe, localisation inconnue. In : SBAV, 1920, cat. 10 (catalogue des œuvres non exposées). [repr. p. 70] œuvres de georges le brun | 161 58. Église de Saint-Vith (intérieur), Xhoffraix, 1900, crayon et aquarelle sur papier, 40 × 60 cm. Monogrammé et daté : « GLB 1900 ». Coll. CFWB, en dépôt aux Musées de Verviers, inv. P18850. In : EaadV, 1901, cat. 139bis ; SaBAV, 1904, cat. 2 ; AeBA, 1912, cat. 779 ; STUDIO, 1912 ; HBCL, 1913, cat. 83 ; AeBA, 1920, cat. 42 ; SBAV, 1920, cat. 56 ; MaaS, 1990, cat. 514. 62. Dans un presbytère, Thimister, 1901, fusain, aquarelle et pastel sur papier, 73 × 50 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1901 ». Liège, musée des Beaux-Arts (BAL), inv. aw2141. In : SBAV, 1920, cat. 60 ; MI, 1975-1976, cat. 43 ; ML, 1976, cat. 43 ; BHC, 1981, cat. 5 ; FK, 1988, cat. 115 ; MaaS, 1990, cat. 52. [repr. p. 100] 63. La Ferme-château, Thimister, vers 1902, huile sur toile, 70 × 80 cm. Signé : « Georges Le Brun ». Bruxelles, Musée d’Ixelles, inv. OM119. In : LE, 1903, cat. 187 ; SBAV, 1920, cat. 9 (catalogue des œuvres non exposées) ; GGG, 1958, cat. 21 ; CPA, 1966, cat. 25 ; MV, 1973, cat. 16 ; MI, 1975-1976, cat. 14 ; ML, 1976, cat. 14 ; BHC, 1981, cat. 6 ; MaaS, 1990, cat. 54. [repr. p. 10] 64. La Porteuse de lait, Thimister, vers 1902, gouache, crayon gras et mine de plomb sur papier, 62 × 47 cm. Monogrammé en bas à droite : « GLB ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 59. 59. Petite fille qui tricote, Xhoffraix, 1900, huile sur toile, 67 × 52 cm. Bruges, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 15 ; AeBA, 1920, cat. 45 ; SRBAV, 1936, cat. 9. [repr. p. 135] 60. L’homme qui passe, Xhoffraix, vers 1900-1903, fusain sur papier vergé, 47 × 62 cm. Monogrammé en bas à droite : « GLB ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-453. In : SaBAV, 1904, cat. 9 ; SRBAV, 1936, cat. 76 ; MV, 1973, cat. 60 ; CBAV, 1975, cat. 15 ; MI, 1975-1976, cat. 11 ; ML, 1976, cat. 11 ; KB, 1979, cat. 85 ; PBAC, 1980, cat. 60 ; BHC, 1981, cat. 4 ; CWB, 1987-1988, cat. 38 ; MaaS, 1990, cat. 50 ; CGER, 1991 ; RAAL, 1994, cat. 39 ; MRBAM, 1995, cat. 188. [repr. p. 30] 61. L’Enfilade, Longfaye, 1901, fusain sur papier, 64 × 40 cm. Monogrammé : « GLB ». Localisation inconnue. In : STUDIO, 1912, cat. 49 ; HBCL, 1913, cat. 100 ; SBAV, 1920, cat. 16 ; AeBA, 1920, cat. 47 ; SRBAV, 1936, cat. 10. 65. Cour de ferme à Charneux ou Le Grand Châtaignier, Thimister, vers 1902, huile sur carton, 75 × 60 cm. Signé au milieu à gauche : « Georges Le Brun ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 58 ; AeBA, 1920, cat. 18 ; MI, 1975-1976, cat. 13 ; ML, 1976, cat. 13. [repr. p. 55] 66. Intérieur ensoleillé, Longfaye, vers 1903, huile, dimensions inconnues. Coll. M. Beckmann, localisation inconnue. In : SRBAV, 1936, cat. 81. 162 | georges le brun œuvres de georges le brun | 163 67. Bouquet de roses sur un poêle5, Xhoffraix, 1902 ou 1903, huile, 63 × 39 cm. Coll. privée. In : LE, 1903, cat. 189 ; SaBAV, 1904, cat. 16 ; SBAV, 1920, cat. 57 ; AeBA, 1920, cat. 43. 68. La Tricoteuse, Xhoffraix, février-mars 1903, huile sur carton, 54 × 55 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1903 ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-449. In : SaBAV, 1904, cat. 22 ; SBAV, 1920, cat. 63 ; SRBAV, 1936, cat. 35 ; CPA, 1966, cat. 2 ; MV, 1973, cat. 50 ; CBAV, 1975, cat. 8 ; MI, 1975-1976, cat. 19 ; ML, 1976, cat. 19 ; KB, 1979, cat. 96 ; PBAC, 1980, cat. 63 ; BHC, 1981, cat. 10. [repr. p. 95] 69. La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise, Longfaye, fin mai 1903, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 65,5 × 48 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1903 ». Paris, coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 13 ; SBAV, 1920, cat. 61 ; SRBAV, 1936, cat. 34 ; MV, 1973, cat. 21 ; MI, 1975-1976, cat. 23 ; ML, 1976, cat. 23 ; KB, 1979, cat. 84 ; BHC, 1981, cat. 12. [repr. p. 50] 72. Le Toit de chaume, Longfaye, 1903, aquarelle, pastel et fusain sur papier, 48 × 65 cm. Monogrammé en bas à gauche : « GLB ». Bruxelles, coll. Belfius Banque, inv. 2257. In : SaBAV, 1904, cat. 11 ; STUDIO, 1912, cat. 40 ; SBAV, 1920, cat. 677 ; AeBA, 1920, cat. 23 ; MV, 1973, cat. 40 ; MI, 1975-1976, cat. 24 ; ML, 1976, cat. 24. 73. La Grande Charmille ou Les Nuages roses, Longfaye, 1903, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier, 47 × 61 cm. Monogrammé et daté : « GLB 1903 ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-4. In : StBAB, 1903, cat. 591 ; SaBAV, 1904, cat. 6 ; HBCL, 1913, cat. 84 ; SBAV, 1920, cat. 6 (catalogue des œuvres non exposées) ; AeBA, 1920, cat. 12 ; SRBAV, 1936, cat. 65 ; CPA, 1966 ; MV, 1973, cat. 61 ; CBAV, 1975, cat. 16 ; MI, 1975-1976, cat. 61 ; ML, 1976, cat. 61 ; BHC, 1981, cat. 13 ; MaaS, 1990, cat. 60. [repr. p. 57] 74. La Fileuse ou Jeune fille au rouet, Xhoffraix, 1903, aquarelle, fusain et pastel sur papier vergé, 49 × 64 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1903 ». Coll. Alfred Lobet, coll. Jean Lobet, localisation inconnue. In : SaBAV, 1904, cat. 10 ; SBAV, 1920, cat. 65 ; MI, 1975-1976, cat. 27 ; ML, 1976, cat. 27 ; KB, 1979, cat. 98 ; PBAC, 1980, cat. 62 ; BHC, 1981, cat. 15 ; AcL, 1982, cat. 26. 70. La Matinée sereine, Ovifat, juillet 1903, huile sur toile, 89 × 100 cm. Signé, daté et dédicacé en bas à droite : « A Georges Voos de Ghistelles, Georges Le Brun 1903 ». New York, coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 17 ; SBAV, 1920, cat. 8 (catalogue des œuvres non exposées) ; SRBAV, 1936, cat. 68 ; CPA, 1966, cat. 23 ; MV, 1973, cat. 35 ; MI, 1975-1976, cat. 16 ; ML, 1976, cat. 16. [repr. p. 19] 71. La Vieille Tricoteuse ou Symphonie en bleu ou Intérieur bleu6, Xhoffraix, 1903, huile sur carton, 75 × 61 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1903 ». Musées de Verviers, inv. PIR 1943-451. In : StBAB, 1903, cat. 590 ; SaBAV, 1904, cat. 20 ; SRBAV, 1936, cat. 73 ; CPA, 1966, cat. 4 ; MV, 1973, cat. 51 ; CBAV, 1975, cat. 9 ; MI, 1975-1976, cat. 20 ; ML, 1976, cat. 20 ; KB, 1979, cat. 95 ; PBAC, 1980, cat. 64 ; BHC, 1981, cat. 11 ; MaaS, 1990, cat. 55. [repr. p. 96] 75. Intérieur de ferme, Xhoffraix, 1903, fusain et crayon sur papier, 25 × 35 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1903 ». Coll. Famille Crismer. In : SRBAV, 1936, cat. 22 ; MV, 1973, cat. 45 ; MI, 1975-1976, cat. 26 ; ML, 1976, cat. 26. [repr. p. 39] 76. La lumière qui fuse ou Le soleil qui fuse8, Xhoffraix, 1903, huile sur toile, 54,5 × 37,5 cm. Signé en bas à droite : « Georges Le Brun 1913 ». Coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 21 ; SBAV, 1920, cat. 70. [repr. p. 25] 77. La Cafetière sur le poêle, Xhoffraix, vers 1903, huile sur carton, 53 × 29 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-452. In : LE, 1903, cat. 190 ; SRBAV, 1936, cat. 74 ; CPA, 1966, cat. 5 ; MV, 1973, cat. 59 ; CBAV, 1975, cat. 14 ; MI, 1975-1976, cat. 18 ; ML, 1976, cat. 18 ; BHC, 1981, cat. 8. [repr. p. 17] 164 | georges le brun œuvres de georges le brun | 165 78. Un homme et une femme se parlant au-dessus d’une haie ou Le Jardin ardennais, Longfaye, 1903, huile, 87 × 66 cm. Localisation inconnue. In : StBAB, 1903, cat. 589 ; SaBAV, 1904, cat. 19 ; HBCL, 1913, cat. 85 ; SBAV, 1920, cat. 7 (catalogue des œuvres non exposées). 79. L’homme qui s’en retourne, Xhoffraix, 1903, aquarelle sur papier, 47 × 62 cm. Coll. Échevin Spinhayer, localisation inconnue. In : SaBAV, 1904, cat. 18 ; SBAV, 1920, cat. 64. [repr. p. 19] 82. Le Soir d’automne, Xhoffraix, 1903, aquarelle, pastel et fusain sur papier, 50 × 68 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1903 ». Coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 4 ; SBAV, 1920, cat. 69 ; MI, 1975-1976, cat. 25 ; ML, 1976, cat. 25 ; BHC, 1981, cat. 17 ; AcL, 1982, cat. 31 ; FK, 1988, cat. 117 ; CGER, 1991. 83. La Garde-malade, Longfaye, vers 1903, huile sur toile, 47 × 64 cm. Signé à droite « Georges Le Brun ». Musées de Verviers, inv. PIR 1943-450. In : LE, 1903, cat. 188 ; SaBAV, 1904, cat. 8 ; SBAV, 1920, cat. 4 (catalogue des œuvres non exposées) ; AeBA, 1920, cat. 10 ; SRBAV, 1920, cat. 63 ; CPA, 1966, cat. 3 ; MV, 1973, cat. 58 ; CBAV, 1975, cat. 13 ; MI, 1975-1976, cat. 17 ; ML, 1976, cat. 17 ; KB, 1979, cat. 92 ; BM, 1980, cat. 44 ; PBAC, 1980, cat. 65 ; BHC, 1981, cat. 7 ; MaaS, 1990, cat. 53. [repr. p. 97] 84. Paysage à Mont, Mont (Xhoffraix), vers 1903, fusain, pastel et aquarelle sur papier, 30 × 51 cm. Monogrammé : « GLB ». Paris, coll. privée. 80. Le Faucheur, Xhoffraix, 1903, aquarelle et gouache sur papier, 54,5 × 45 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1903 ». New York, coll. privée. In : SRBAV, 1936, cat. 80 ; CPA, 1966, cat. 24 ; MV, 1973, cat. 34 ; MI, 1975-1976, cat. 22 ; ML, 1976, cat. 22. 85. La petite fille qui s’en va, Xhoffraix, vers 1903, fusain sur papier, 63 × 48 cm. Monogrammé en bas à droite : « GLB ». Coll. Lombard, coll. Sabatini, coll. Émile Peltzer, Liège, musée des Beaux-Arts (BAL), inv. 2388. In : LE, 1903, cat. 192 ; SaBAV, 1904, cat. 1 ; SBAV, 1920, cat. 5 (catalogue des œuvres non exposées) ; AeBA, 1920, cat. 11 ; SRBAV, 1936, cat. 64 ; FK, 1988, cat. 125. 81. La Sapinière ou Le Bois de sapins, Xhoffraix, 1903, huile sur toile, 49 × 65,5 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1903 ». Coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 15 ; SBAV, 1920, cat. 62 ; MV, 1973, cat. 42 ; MI, 1975-1976, cat. 21 ; ML, 1976, cat. 21 ; BHC, 1981, cat. 14 ; MaaS, 1990, cat. 56. [repr. p. 75] 166 | georges le brun œuvres de georges le brun | 167 86. L’enfant qui met ses souliers, Xhoffraix, vers 1903, fusain et crayon sur papier, 62 × 49 cm. Monogrammé en bas à gauche : « GLB ». Bruges, coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 12 ; SBAV, 1920, cat. 66 ; MI, 1975-1976, cat. 15 ; ML, 1976 ; cat. 15 ; KB, 1979, cat. 97 ; PBAC, 1980, cat. 61 ; BHC, 1981, cat. 9 ; AcL, 1982, cat. 24 ; FK, 1988, cat. 116. [repr. p. 38] 91. Vue de l’église de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, août 1904, aquarelle, pastel et fusain sur papier, 39 × 24,5 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB août 1904 ». Coll. Alfred Lobet, coll. Jean Lobet, coll. Bruno Fornari, localisation inconnue. In : SBAV, 1920, cat. 72 ; MI, 1975-1976, cat. 29 ; ML, 1976, cat. 29 ; BHC, 1981, cat. 20. 87. Fenêtre ouverte (recto) et Vase sur une table (verso), s.l., vers 1903-1904, huile sur carton, 57 × 46 cm. Paris, coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 3. 88. Vue de Notre-Dame de Paris, Paris, 1903, huile sur toile, 140 × 100 cm. Signé : « Georges Le Brun ». Fondation Albert Vandervelden. In : SBAV, 1920, cat. 11 (catalogue des œuvres non exposées). [repr. p. 20] 89. La Dame au miroir, s.l., avril 1904, fusain et crayon sur papier, 38 × 24 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB avril 1904 ». Paris, coll. privée. In : MI, 1975-1976, cat. 31. [repr. p. 67] 90. Le Grand Orme, Theux (Maison-Bois), juin 1904, aquarelle, fusain et pastel sur papier, 40 × 25 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1904 ». New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 74 ; AeBA, 1920, cat. 24 ; MI, 1975-1976, cat. 28 ; ML, 1976, cat. 28 ; BHC, 1981, cat. 19. 92. Sur les remparts de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, septembre 1904, fusain et pastel sur papier, 24 × 38 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB septembre 1904 ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-429. In : SRBAV, 1936, cat. 78 ; CPA, 1966, cat. 10 ; MV, 1973, cat. 52 ; CBAV, 1975, cat. 10 ; MI, 1975-1976, cat. 30 ; ML, 1976, cat. 30 ; BHC, 1981, cat. 21. [repr. p. 36] 93. La Neige, s.l., 1904, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 58 × 77 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1904 ». Montréal, coll. privée. In : MI, 1975-19769 ; ML, 197610 ; BHC, 1981, cat. 17 ; AcL, 1882, cat. 29. [repr. p. 94] 94. Paysage à Hodbomont, Theux, vers 1904, aquarelle et pastel sur papier, 18 × 37 cm. Paris, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 89. 95. Porte de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905, fusain et pastel sur papier, 62 × 49 cm. Monogrammé, daté et situé en bas à gauche : « GLB mars 1905 Limburg a.d. Lahn ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-460. In : SRBAV, 1936, cat. 79 ; MV, 1973, cat. 53 ; CBAV, 1975, cat. 11 ; MI, 1975-1976, cat. 32 ; ML, 1976, cat. 32. [repr. p. 26] 168 | georges le brun œuvres de georges le brun | 169 96. Soir de pluie à Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905, fusain, aquarelle et pastel sur papier vergé, 63 × 48 cm. Monogrammé, daté et situé en bas à droite : « GLB mars 1905 Limburg a.d. Lahn ». Musées de Verviers, inv. PIR 1943-458. In : MV, 1973, cat. 54 ; MI, 1975-1976, cat. 33 ; ML, 1976, cat. 33 ; BHC, 1981, cat. 22. [repr. p. 77] 102. Le Perron de Theux le soir, Theux, 1906, aquarelle, pastel et gouache sur papier, 56 × 46 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1906 ». Belgique, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 77 ; SRBAV, 1936, cat. 37 ; MV, 1973, cat. 22 ; MI, 1975-1976, cat. 39 ; ML, 1976, cat. 39. [repr. p.92] 97. Intérieur à la Bouxherie, Theux, 1905, aquarelle, pastel et fusain sur papier, 29 × 24 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1905 ». Musées de Verviers, inv. PIR 1943-461. In : SBAV, 1920, cat. 15 (catalogue des œuvres non exposées) ; AeBA, 1920, cat. 13 ; SRBAV, 1936, cat. 67 ; CPA, 1966, cat. 11 ; MV, 1973, cat. 55 ; MI, 1975-1976, cat. 34 ; ML, 1976, cat. 34. [repr. p. 8] 103. La Salle à manger, Theux (maison Le Brun), 1906, pastel sur papier, 51 × 80 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1906 ». Bruxelles, Musée d’Ixelles, inv. CC1571. In : SBAV, 1920, cat. 78 ; AeBA, 1920, cat. 37 ; SRBAV, 1936, cat. 38 ; MI, 1975-1976, cat. 41 ; ML, 1976, cat. 41 ; BM, 1980, cat. 45 ; BHC, 1981, cat. 25 ; CWB, 1987-1988, cat. 39 ; FK, 1988, cat. 119 ; MaaS, 1990, cat. 57. [repr. p. 22] 98. Intérieur de l’église de Limbourg, Limburg an der Lahn, 1905, aquarelle, pastel et crayon sur papier, 43 × 49 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1905 ». New York, coll. privée. In : STUDIO, 1912 ; HBCL, 1913, cat. 91 ; SBAV, 1920, cat. 76 ; AeBA, 1920, cat. 34 ; MV, 1973, cat. 3 ; CBAV, 1975, cat. 6 ; MI, 1975-1976, cat. 35 ; ML, 1976, cat. 35 ; BHC, 198111. [repr. p. 72] 104. Le Bourg dans la vallée (vue de l’église de Theux), Theux, 1906, huile sur toile, 65,5 × 86 cm. Signé et daté en bas à droite : « Georges Le Brun 1906 ». Coll. privée. In : MI, 1975-1976 ; ML, 1976. [repr. p. 43] 99. Portrait de Mlles Amélie et Jeanne Rodriguez d’Evora, Sancourt, vers 1905-1913, huile sur toile, dimensions inconnues. Localisation inconnue12. 105. L’Alcôve, Jevoumont (Theux), 1906, huile sur carton, 66 × 43 cm. Signé et daté en bas à droite : « Georges Le Brun 1906 ». Paris, coll. privée. In : HBCL, 1913, cat. 96 ; SBAV, 1920, cat. 79 ; AeBA, 1920, cat. 19 ; SRBAV, 1936, cat. 39 ; CPA, 1966, cat. 16 ; MV, 1973, cat. 4 ; CBAV, 1975, cat. 5 ; MI, 1975-1976, cat. 40 ; ML, 1976, cat. 40 ; BHC, 1981, cat. 24 ; AcL, 1982, cat. 23 ; MaaS, 1990, cat. 58. [repr. p. 12] 106. La Cour du château de Sancourt, Sancourt, 1906, huile sur toile, 49 × 108 cm. Signé et daté : « Georges Le Brun 1906 ». New York, coll. privée. In : HBCL, 1913, cat. 92 ; SBAV, 1920, cat. 80. 100. Champ labouré, Sancourt, janvier 1906, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 25 × 36 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB janvier 1906 ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-462. In : SRBAV, 1936, cat. 70 ; CPA, 1966, cat. 12 ; MV, 1973, cat. 56 ; MI, 1975-1976, cat. 37 ; ML, 1976, cat. 37 ; BHC, 1981, cat. 23. [repr. p. 79] 101. Croquis de Mlle Amélie Rodriguez d’Evora, Sancourt, 1906, fusain sur papier, 34,5 × 27 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1906 ». Paris, coll. privée. In : MI, 1975-1976, cat. 38 ; ML, 1976, cat. 38. 170 | georges le brun 107. Le Jardin des poules, Sancourt, vers 1906, huile sur carton, 53 × 65 cm. Coll. privée. In : SRBAV, 1936, cat. 43 ; CPA, 1966, cat. 17 ; MV, 1973, cat. 13 ; MI, 1975-1976, cat. 36 ; ML, 1976, cat. 36. œuvres de georges le brun | 171 108. André Le Brun à 15 mois, Theux, 16 janvier 1907, pastel sur papier, 86 × 55 cm. Titré, monogrammé et daté en bas à gauche : « André Le Brun à 15 mois GLB 16-1-07 ». Montréal, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 82 ; SRBAV, 1936, cat. 41. 112. À Sancourt (la femme et le fils du peintre), Sancourt, vers 1907, huile sur carton, 60 × 47 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 184] 113. Printemps à Sancourt, Sancourt, vers 1907, huile sur carton, 21 × 24 cm. Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 84 ; MV, 1973, cat. 12 ; MI, 1975-1976, cat. 42 ; ML, 1976 ; cat. 42. 109. Le Potager de la Bouxherie au printemps, Theux, 15 mai 1907, pastel sur papier, 70 × 80 cm. Situé, monogrammé et daté : « Theux GLB 15 mai 1907 ». Bruxelles, Musée d’Ixelles, inv. CC2800. In : HBCL, 1913, cat. 93 ; SBAV, 1920, cat. 81 ; SRBAV, 1936, cat. 40 ; MV, 1973, cat. 3713. [repr. p. 21] 114. Hodbomont le soir, Theux, janvier 1908, aquarelle, fusain et pastel sur papier, 22,5 × 40 cm. Monogrammé et daté : « GLB janvier 1908 ». Coll. Henri le Docte, localisation inconnue. In : HBCL, 1913, cat. 8714 ; SBAV, 1920, cat. 90 ; AeBA, 1920, cat. 25 ; SRBAV, 1936, cat. 46 ; MI, 1975-1976, cat. 47 ; ML, 1976, cat. 47. 110. Portrait de Madame Léon Le Brun (mère de l’artiste), Theux (maison Le Brun), mai 1907, fusain rehaussé de blanc sur papier, 35 × 23 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB mai 1907 ». Coll. Pollet-Le Brun, coll. Schicks-Pollet, coll. Moonen-Schicks, localisation inconnue. In : MI, 1975-1976, cat. 43 ; ML, 1976, cat. 43 ; BHC, 1981, cat. 26 ; AcL, 1982, cat. 30 ; FK, 1988, cat. 120. [repr. p. 185] 111. Portrait de fillette (Emma Pollet), Theux (maison Le Brun), août 1907, fusain sur papier, 29 × 20 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB août 1907 ». Paris, coll. privée. In : MI, 1975-1976, cat. 44 ; ML, 1976, cat. 44 ; BHC, 1981, cat. 27. 115. À Sancourt, 1908, Sancourt, fusain sur papier, 20 × 29 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB août 1908 ». New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 85 ; SRBAV, 1936, cat. 43 bis ; MI, 1975-1976, cat. 48 ; ML, 1976, cat. 48. 172 | georges le brun œuvres de georges le brun | 173 116. Lecture le soir, Theux (maison Le Brun), 1908, fusain et crayon sur papier vergé, 38 × 30 cm. Signé et daté en bas à gauche : « G Le Brun 1908 ». Paris, musée d’Orsay, inv. RF MO AG 2014 4. In : HBCL, 1913, cat. 101 ; SBAV, 1920, cat. 88 ; MV, 1973, cat. 46 ; MI, 1975-1976, cat. 50 ; ML, 1976, cat. 50. [repr. p. 65] 121. Le Bon Lolo, Sancourt, 1910, crayon sur papier, 39 × 25 cm. Monogrammé et daté au milieu à droite : « Georges Le Brun 1910 ». Paris, coll. privée. In : HBCL, 1913, cat. 99 ; SBAV, 1920, cat. 93 ; SRBAV, 1936, cat. 48 ; CPA, 196616 ; MV, 1973, cat. 7 ; MI, 1975-1976, cat. 52 ; ML, 1976, cat. 52 ; BHC, 1981, cat. 31. 117. L’Escalier ou L’Intérieur gris bleu, Theux (maison Le Brun), 1908, huile sur toile, 63 × 45 cm. Signé et daté en haut à gauche : « Georges Le Brun 1908 ». Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 6375. In : STUDIO, 1912, cat. 44 ; HBCL, 1913, cat. 94 ; SBAV, 1920, cat. 87 ; AeBA, 1920, cat. 21 ; SRBAV, 1936, cat. 45 ; MRBAB, 1968, cat. 27 ; MV, 1973, cat. 15 ; MI, 1975-1976, cat. 46 ; ML, 1976, cat. 46 ; BHC, 1981, cat. 28. 122. Le Repas de l’enfant, Theux (maison Le Brun), vers 1910, huile sur toile, 58 × 75 cm. Coll. privée. In : STUDIO, 1912 ; SBAV, 1920, cat. 95 ; AeBA, 1920, cat. 22 ; SRBAV, 1936, cat. 49. [repr. p. 41] 123. Une petite fille du peuple, Étaples, vers 1910, fusain sur papier, 38 × 19 cm. Monogrammé : « GLB ». Paris, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 94. 118. La Maman et ses bébés, Sancourt, 1908, fusain sur papier vergé, 39,5 × 25,5 cm. Monogrammé, situé et daté en bas à gauche : « GLB Sancourt 1908 ». Coll. privée. STUDIO, 1912 ; HBCL, 1913, cat. 98 ; SBAV, 1920, cat. 83 ; SRBAV, 1936, cat. 42 ; CPA 1966, cat. 21 ; MV, 1973, cat. 5 ; MI, 1975-1976, cat. 49 ; ML, 1976, cat. 49 ; BHC, 1981, cat. 29. [repr. p. 138] 119. La Cuisine, Theux (maison Le Brun), 1908, huile sur toile, 50 × 40 cm. Signé et daté : « Georges Le Brun 1908 ». Paris, coll. privée. In : STUDIO, 1912, cat. 48 ; HBCL, 1913, cat. 95 ; SBAV, 1920, cat. 86 ; AeBA, 1920, cat. 20 ; SRBAV, 1936, cat. 44 ; MI, 1975-1976, cat. 45 ; ML, 1976, cat. 45. [repr. p. 40] 120. Le Vestibule, Theux (maison Le Brun), 1909, fusain, crayon et pastel sur papier vélin, 62 × 48 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1909 ». Paris, musée d’Orsay, don de Jeanne Le Brun, 1990, inv. RF 4266115. In : SBAV, 1920, cat. 92 ; AeBA, 1920, cat. 54 ; SRBAV, 1936, cat. 47 ; MV, 1973, cat. 6 ; MI, 1975-1976, cat. 51 ; ML, 1976, cat. 51 ; BHC, 1981, cat. 30 ; AcL, 1982, cat. 33 ; FK, 1988, cat. 121 ; MO, 1990-1991, cat. 254 ; GNGP, 1997, cat. 235 ; MBAG, 1997, cat. 235. [repr. p. 64] 174 | georges le brun 124. La Neige sur le village, Spixhe (Theux), janvier 1912, aquarelle, gouache et mine de plomb sur carton, 43 × 49 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB janvier 1912 ». Paris, coll. privée. In : HBCL, 1913, cat. 90 ; SBAV, 1920, cat. 96 ; AeBA, 1920, cat. 63 ; MV, 1973, cat. 1 ; MI, 1975-1976, cat. 53 ; ML, 1976, cat. 53 ; BHC, 1981, cat. 32 ; FK, 1988, cat. 122. [repr. p. 11] œuvres de georges le brun | 175 125. La Faux, Lierneux, juillet 1912, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier, 39 × 62 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB juillet 1912 ». Paris, coll. privée. In : STUDIO, 1912 ; HBCL, 1913, cat. 89 ; SBAV, 1920, cat. 98 ; AeBA, 1920, cat. 27 ; SRBAV, 1936, cat. 51 ; MI, 1975-1976, cat. 54 ; ML, 1976, cat. 54. [repr. p. 34] 131. Femme balayant (intérieur), Longfaye, 1913, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier. Coll. Petit, localisation inconnue17. In : SBAV, 1920, cat. 100 ; SRBAV, 1936, cat. 52. 126. Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, Lierneux, août 1912, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 63,5 × 44,5 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB août 1912 ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 97 ; AeBA, 1920, cat. 26 ; SRBAV, 1936, cat. 50 ; MV, 1973, cat. 18 ; MI, 1975-1976, cat. 55 ; ML, 1976, cat. 55 ; BHC, 1981, cat. 33 ; AcL, 1982, cat. 27. [repr. p. 53] 127. Femme buvant du lait (intérieur), Longfaye, juillet 1913, aquarelle rehaussée de pastel sur papier, 60 × 47 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun juillet 1913 ». Coll. Jeanne Le Brun, coll. Paul Severin, coll. Claude de Valkeneer, localisation inconnue. In : SBAV, 1920, cat. 101 ; AeBA, 1920, cat. 29 ; SRBAV, 1936, cat. 53 ; CPA, 1966, cat. 18 ; MV, 1973, cat. 11 ; CBAV, 1975, cat. 4 ; MI, 1975-1976, cat. 57 ; ML, 1976, cat. 57 ; BHC, 1981, cat. 35. 132. Le Village dans la vallée, Hébronval (près de Lierneux), 1913, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 54 × 76 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1913 ». Bruxelles, coll. privée. In : HBCL, 1913, cat. 86 ; SBAV, 1920, cat. 99 ; AeBA, 1920, cat. 28 ; SRBAV, 1936, cat. 83 ; MV, 1973, cat. 10 ; MI, 1975-1976, cat. 58 ; ML, 1976, cat. 58 ; AcL, 1982, cat. 32. [repr. p. 83] 133. La Ferme de la Haase, s.l., 1913, aquarelle, crayon et pastel sur papier, triptyque, 39 × 25 cm / 39 × 50 cm / 39 × 25 cm. Signé et daté sur le panneau central, en bas à droite : « Georges Le Brun 1913 » ; monogrammé sur le volet droit, en bas : « GLB ». Coll. privée. In : AeBA, 1914, cat. 374 ; SBAV, 1920, cat. 102 ; SRBAV, 1936, cat. 54 ; MV, 1973, cat. 47 ; MI, 1975-1976, cat. 59 ; ML, 1976, cat. 59 ; BHC, 1981, cat. 36 ; AcL, 1982, cat. 25 ; MaaS, 1990, cat. 59. [repr. p. 47] 128. La Croix, Xhoffraix, 1913, fusain et mine de plomb sur papier, 46 × 60,5 cm. Coll. A. Doms. In : SBAV, 1920, cat. 104 ; AeBA, 1920, cat. 52 ; SRBAV, 1936, cat. 56 ; MV, 1973, cat. 28. [repr. p. 27] 129. Printemps à Ruy (Les Agneaux), Ruy (La Gleize), 1913, aquarelle, fusain et pastel sur papier, 54 × 76 cm. Signé et daté en bas à droite : « Georges Le Brun 1913 ». Coll. privée. In : AeBA, 1914, cat. 373 ; SBAV, 1920, cat. 103 ; AeBA, 1920, cat. 30 ; SRBAV, 1936, cat. 55 ; MV, 1973, cat. 38 ; CBAV, 1975, cat. 3 ; MI, 1975-1976, cat. 56 ; ML, 1976, cat. 56 ; BHC, 1981, cat. 34. [repr. p. 61] 130. Maison, croisillons noirs, Xhoffraix, 1913, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 40 × 62 cm. Signé : « Georges Le Brun ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 107 ; AeBA, 1920, cat. 33 ; MV, 1973, cat. 19. [repr. p. 142] 176 | georges le brun 134. Maisons à Spixhe, Spixhe (Theux), 1913, aquarelle, crayon gras et rehauts de pastel sur papier, 60 × 90 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1913 ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 105 ; AeBA, 1920, cat. 31 ; SRBAV, 1936, cat. 57 ; CPA, 1966, cat. 14 ; MV, 1973, cat. 9 ; CBAV, 1975, cat. 2 ; MI, 1975-1976, cat. 60 ; ML, 1976, cat. 60 ; BHC, 1981, cat. 37 ; AcL, 1982, cat. 28 ; FK, 1988, cat. 123. [repr. p. 93] 135. La Grande Charmille. Neige, Longfaye ou Xhoffraix, 1913, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 54,4 × 76 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun XII – 1913 ». Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 863418. In : AeBA, 1914, cat. 375 ; SBAV, 1920, cat. 106 ; AeBA, 1920, cat. 32 ; SRBAV, 1936, cat. 58 ; CPA, 1966, cat. 15 ; MV, 1973, cat. 8 ; CBAV, 1975, cat. 1 ; MI, 1975-1976, cat. 62 ; ML, 1976, cat. 62 ; BHC, 1981, cat. 38 ; FK, 1988, cat. 124. [repr. p. 24] 136. La Haute Fagne, Longfaye, 1914, aquarelle et pastel sur papier, triptyque, 54 × 77 cm / 67 × 100 cm / 54 × 77 cm. Signé et daté : « Georges Le Brun 191419 ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-463. In : AeBA, 1914, cat. 371 ; SBAV, 1920, cat. 108 ; AeBA, 1920, cat. 14 ; CPA, 1966, cat. 13 ; MV, 1973, cat. 57 ; CBAV, 1975, cat. 12 ; MI, 1975-1976, cat. 63 ; ML, 1976, cat. 63 ; BHC, 1981, cat. 39 ; MNAMT, 1982-1983, cat. 106 ; MaaS, 1990, cat. 61. [repr. p. 44-45] œuvres de georges le brun | 177 137. Les Ruches20, s.l., 1914, aquarelle sur papier, 52 × 74,5 cm (encadré). New York, coll. privée. 142. La Conversation, s.l.n.d., fusain, crayon et aquarelle sur papier, 53 × 68 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 85] 143. L’Homme au poêle, s.l.n.d., fusain et rehauts d’aquarelle, 63 × 36 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 147] 144. L’Enfilade, s.l.n.d., crayon gras, mine de plomb et fusain sur papier, 62 × 45,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 4] 145. Jban-Querin – Mathî Gentjes de Xhoffraix, Xhoffraix, s.d., fusain sur papier, 43 × 33 cm. Signé en bas à gauche : « Georges Le Brun ». Coll. privée. 138. Homme chargeant du fumier, s.l.n.d., fusain sur papier, 99 × 67 cm ou 99 × 70 cm. Détruit. In : SBAV, 1920, cat. 7 ; SRBAV, 1936, cat. 5. 139. Jeune garçon pelant des pommes de terre, Xhoffraix, s.l.n.d., huile sur toile, 65 × 40 cm. Coll. privée. [repr. p. 98] 146. Le Bénédicité, intérieur à Xhoffraix, s.d., fusain sur papier, 62 × 47 cm. Coll. privée. [non repr.] 140. Vue de la Fagne, Xhoffraix, s.d., aquarelle sur papier, 38 × 55 cm. Coll. Maurice Pirenne senior, coll. Maurice Pirenne junior, localisation inconnue. In : SRBAV, 1936, cat. 2. [repr. p. 32] 147. Ardennaise de profil, s.l.n.d., huile sur toile, 69 × 54,5 cm. Bruxelles, coll. privée. 141. L’Abreuvoir ou L’Eau de source, s.l.n.d., aquarelle sur papier, 39,3 × 28 cm. Coll. Famille Crismer. 178 | georges le brun œuvres de georges le brun | 179 148. La Couturière, s.l.n.d., fusain sur papier, 47 × 34 cm. Coll. privée. 151. L’Âtre, s.l.n.d., fusain sur papier, 44 × 32 cm. Localisation inconnue. 149. Vieux Hêtre sur la Washay de Xhoffraix, s.d., huile sur carton, 29 × 23 cm. Coll. Abbé Beckman, coll. privée. 152. Vue de Fagne, s.l.n.d., aquarelle sur papier, 34,5 x 44 cm. Coll. privée. [repr. p. 32] 153. Chemin de Fagne, s.l.n.d., aquarelle sur papier cartonné, 29 × 39 cm. New York, coll. privée. [repr. p. 119] 154. Tête de femme au bonnet, s.l.n.d., fusain et crayon sur papier, 59 × 44 cm. Coll. A. Doms. [repr. p. 33] 155. Intérieur à Xhoffraix, s.l.n.d., fusain vernis sur papier, 44,5 × 32 cm. Coll. Joseph Doms, coll. A. Doms. [repr. p. 146] 156. Tête de femme, s.l.n.d., fusain, 59 × 44 cm. Coll. Joseph Doms, coll. A. Doms. 150. Paysage de Spixhe, Spixhe, s.d., fusain sur papier, 51 × 54 cm. Coll. Rosena Hutin, coll. Jeanne Closset, coll. André Wilkin. 180 | georges le brun œuvres de georges le brun | 181 1. « A été découpé et recollé suite au bombardement de la guerre 40 » (remarque de Jeanne Le Brun). 2. Jeanne Le Brun stipule que les œuvres 12 et 13 sont les portraits de deux paysans, les frères Lallemand, dont l’un mettait le feu aux meules. Le croquis 12 fut rebaptisé par la suite Le Pyromane, bien que Jeanne ne lui ait jamais donné ce titre. 3. « Abîmé pendant le bombardement de la Seconde Guerre mondiale » (remarque de Jeanne Le Brun). 4. « A peut-être été exposé à La Libre Esthétique sous le titre La Vieille Église, en 1903, au no 191 du catalogue » (remarque de Jeanne Le Brun). 5. « A été très abimé et repeint. L’œuvre est aujourd’hui méconnaissable par rapport à la version originale » (remarque de Jeanne Le Brun). 6. Jeanne Le Brun mentionne que La Vieille Tricoteuse aurait pu être exposée sous les titres Symphonie en bleu au StBAB et Intérieur bleu à la SaBAV et à la SRBAV. Pirenne signale qu’une Symphonie en bleu a été exposée en 1904 à la SaBAV. 7. « Sous le titre Bâtiment à toit de chaume, dimensions inexactes » (remarque de Jeanne Le Brun). 8. Forme une sorte de diptyque avec La Cafetière sur le poêle. 9. « Œuvre exposée mais ne figurant pas au catalogue » (remarque de Jeanne Le Brun). 182 | georges le brun 10. « Œuvre exposée mais ne figurant pas au catalogue » (remarque de Jeanne Le Brun). 11. « Exposé mais non repris dans le catalogue » (remarque de Jeanne Le Brun). 12. « Œuvre laissée au Congo, sans doute irrécupérable » (remarque de Jeanne Le Brun). 13. « Présent au catalogue mais non exposé, car le prêt a été refusé au dernier moment » (remarque de Jeanne Le Brun). 14. « Il aurait été exposé sous le nom Hameau le soir » (remarque de Jeanne Le Brun). 15. Offert au musée d’Orsay par Jeanne Le Brun, fin mars 1990. L’œuvre est acceptée à l’unanimité par le Comité des conservateurs et par le Comité de la Réunion des musées nationaux de France. 16. « A été exposé mais ne figure pas au catalogue » (remarque de Jeanne Le Brun). 17. « Œuvre complètement détériorée, trouée et décolorée ; a été confiée à l’IRPA pour étude » (remarque de Jeanne Le Brun). 18. « Acquis par les musées royaux des Beaux-Arts de Belgique lors de l’exposition au Musée d’Ixelles en 1975-1976 » (remarque de Jeanne Le Brun). 19. « Signature aujourd’hui invisible » (remarque de Jeanne Le Brun). 20. « Dernière œuvre de l’artiste, laissée inachevée » (remarque de Jeanne Le Brun). Denis Laoureux Chronologie 1873 | Naissance en Belgique, à Verviers, le 16 juin, de Georges Le Brun, fils d’Emma Laplanche et de Léon Le Brun, ingénieur. 1893 | Le Brun soumet le Port de Bruxelles, le soir [repr. p. 90] au jury d’admission du Salon triennal de Bruxelles, mais l’œuvre est refusée. Il s’inscrit à l’Université libre de Bruxelles où il commence des études de médecine. 1894 | Ayant décidé d’arrêter ses études, Le Brun part vivre dans le hameau de Xhoffraix où il s’installe dans une auberge modeste. Il rentre régulièrement à Verviers dans la maison familiale. Dans sa peinture, l’artiste met en scène les activités du monde paysan. 1895 | Le Brun passe quelques mois à Bruxelles et s’inscrit dans la classe de Jean-François Portaels avant de laisser cet enseignement académique pour revenir à Xhoffraix. Il fait la connaissance d’Eugène Laermans à qui il dédicace Le Chêne des chênes [repr. p. 69]. 1897 | Le Brun voyage durant un mois en Hollande et fait le tour des musées. Maurice Pirenne cite Rembrandt, Vermeer et Pieter de Hooch parmi les peintres qui ont intéressé Le Brun. 1898 | Le Brun passe l’année à Bruxelles. 1899 | Alors qu’il quitte Bruxelles pour revenir à Xhoffraix en mars, Le Brun fait son entrée dans le monde de l’art. Il expose Le Caban [repr. p. 108] au Salon des BeauxArts de Gand et il participe à La Libre Esthétique avec L’Heure silencieuse et Le Jardinier de novembre1. L’artiste achève le triptyque L’Automne à Xhoffraix [repr. p. 14]. Ce tableau vient conclure la première période de sa carrière. Une évolution commence à se faire sentir dans sa peinture. Progressivement, la référence aux métiers disparaît, la présence de la figure humaine diminue, l’espace se complexifie et la lumière dématérialise la pesanteur des êtres et des objets. 1900 | Du 15 mars au 1er juin, Le Brun quitte les Fagnes pour effectuer un voyage culturel en Italie. Il entretient avec sa famille une correspondance qui constitue une documentation précieuse sur la réception de l’art italien dans le symbolisme belge. À son retour d’Italie, il passe quelques semaines à Xhoffraix, puis s’installe dans le pays de Herve, à Thimister où il ne reste que deux mois. C’est alors à nouveau à Bruxelles qu’il retourne, d’octobre 1900 à mars 1901. Dans la capitale, il rencontre Nathalie de Roissart, sa future épouse. 1901 | En mars, Le Brun s’installe à Thimister, puis repart à Xhoffraix, revient à nouveau à Thimister. Le Brun expose pour la première fois à Verviers. À Sancourt (la femme et le fils du peintre), Sancourt, vers 1907, huile sur carton, 60 × 47 cm. Paris, coll. privée. [112] Portrait de Madame Léon Le Brun (mère de l’artiste), Theux (maison Le Brun), mai 1907, fusain rehaussé de blanc sur papier, 35 × 23 cm. Localisation inconnue. [110] Ed. Wettstein, Georges Le Brun boxant, photographie, 10,5 × 6,5 cm. Paris, coll. privée. 1907 | Naissance de Jeanne Le Brun, qui entreprendra l’inventaire des œuvres de son père. 1911 | À Bruxelles, à la salle Studio, une exposition collective rassemble Maurice Pirenne, Auguste Donnay, Philippe Derchain et Pierre Delcour. L’Art moderne rend compte de l’événement : « Ce qui frappe à première vue c’est le ton gris, presque incolore, de l’ensemble. » Le Brun est comparé à Xavier Mellery. 1912 | Seconde exposition à la salle Studio avec Delcour, Derchain, Donnay et Pirenne. Le Salon triennal de la Ville de Liège présente une pièce de Le Brun. 1913 | Exposition collective à la Bibliothèque centrale de Liège avec Pirenne, Derchain, Delcour auxquels s’ajoutent François Colleye et le sculpteur Achille Chainaye. 1914 | Le Salon de Liège expose le triptyque de La Haute Le Brun, son épouse et sa fille Jeanne, s.l.n.d., Fagne [repr. p. 44-45] qui apparaît avec le recul comme le Georges photographie, 6,5 × 9,2 cm. Paris, coll. privée. testament pictural de l’artiste. Le 26 octobre, Le Brun meurt sur le front de l’Yser. Il a quarante et un ans. 1920 | La première exposition personnelle consacrée à Le Brun est organisée à la salle de la Société des beaux-arts de Verviers. Pirenne publie le texte de la conférence qu’il fit dans ce contexte, et qui reste l’une des principales sources de documentation sur l’artiste [p. 13-27]. Famille Le Brun au château de Sancourt, s.l.n.d., photographie, 5,2 × 8,2 cm. Paris, coll. privée. 1902 | Le Brun quitte Thimister pour Longfaye en juillet. 1903 | Le Brun participe pour la deuxième fois au salon de La Libre Esthétique. Il réalise une série de dessins sur le thème de « la lumière qui fuse » dans l’espace pour dématérialiser les êtres et les choses. Il inaugure une collaboration avec la revue L’Art moderne où il publie régulièrement jusqu’en 1908. 1904 | C’est une année charnière. Après avoir séjourné à Paris en décembre 1903 et janvier 1904, Le Brun revient en Belgique. En août, il part travailler quelques semaines dans une usine de galvanoplastie en Allemagne. Cette année est aussi celle de sa seconde exposition à Verviers où il présente une Symphonie en bleu [repr. p. 96] et La lumière qui fuse [repr. p. 25]. L’artiste épouse Nathalie de Roissart le 1er octobre. Le couple s’installe à Theux dans une maison du xviie siècle où Le Brun vivra jusqu’à sa mort avec ses deux enfants nés en 1905 et 1907. De nouvelles œuvres dépeignent la vie de la famille Le Brun et l’atmosphère de la maison. Pour la seconde et dernière fois, l’artiste expose à Verviers, avec Maurice Pirenne et Bertha Ceutner, à la salle de la Société des beaux-arts. 1905 | Naissance d’André, fils de Georges Le Brun. En mars, ce dernier expose à Liège avec Pirenne. À la fin de l’année, il publie dans L’Art moderne un billet d’humeur à la suite de l’annulation en dernière minute de l’exposition Pirenne prévue au Cercle artistique et littéraire. 186 | georges le brun Georges Le Brun, carabinier volontaire (3e debout à droite), s.l.n.d., photographie, 5 × 8 cm. Paris, coll. privée. 1. Ces deux œuvres ne sont pas mentionnées dans le recensement publié ici car Jeanne Le Brun ne les a ni vues ni localisées. Cependant, elle précise : L’Heure silencieuse, s.l.n.d., dessin, 80 × 90 cm, localisation inconnue, in : StBAG, 1899, cat. 848 ; LE, 1900, cat. 170 ; Le Jardinier de novembre, s.l., s.d., dessin, 93 × 77 cm, localisation inconnue, in : LE, 1900, cat. 171. chronologie | 187 Bibliographie écrits de georges le brun « L’esposizione dei primitivi fiamminghi », in Rassegna d’Arte, octobre 1902, no 10, p. 145-147. « Le Salon jubilaire de La Libre Esthétique », in Réforme, 1903, no 2, p. 17-21. « Breughel il Vecchio », in Rassegna d’Arte, avril 1903, no 4, p. 49-51. « Le prochain Salon triennal », in L’Art moderne, 19 juillet 1903, no 29, p. 253. « Les Dinanderies », in L’Art moderne, 16 août 1903, no 33, p. 286-287. « Le Salon des Beaux-Arts », in L’Art moderne, 6 septembre 1903, no 36, p. 307-308. « Maurice Denis. Les Chapelles du Vésinet », in L’Art moderne, 28 février 1904, no 9, p. 66-68. « La Libre Esthétique », in L’Éventail, 20 mars 1904, n. p. « Exposition Maurice Pirenne. Correspondance », in L’Art moderne, 31 décembre 1905, no 53, p. 425 « Le Salon de La Libre Esthétique. Le Groupe belge », in L’Art moderne, 4 mars 1906, no 9, p. 68-69. « Le Salon de La Libre Esthétique (1). Les peintres étrangers », in L’Art moderne, 11 mars 1906, no 10, p. 75-77. « Le Salon de La Libre Esthétique (2). Les peintres étrangers et les sculpteurs », in L’Art moderne, 18 mars 1906, no 11, p. 83-84. sur georges le brun M.K.M., « Au Studio. Exposition d’œuvres d’Auguste Donnay, Georges Le Brun, Maurice Pirenne, Philippe Derchain, Pierre Delcour », in L’Art moderne, 17 décembre 1911, p. 405. Charles Delchevalerie, « Quatre artistes verviétois », in Wallonia, t. 20, Liège, 1913, p. 515-517. Maurice Pirenne, Georges Le Brun 1873-1914. Sa vie de peintre, édité par Auguste Nicolet, Verviers, Société des beaux-arts, 1920. Émile Desprechins, Georges Le Brun. Peintre de la Fagne, Bruxelles, Van Oest, 1925. Jules Bosmant, La Peinture et la sculpture au pays de Liège de 1793 à nos jours, Liège, Mawet, 1930, p. 289-292. Georges Le Brun, préface de Pierre Delcour, cat. exp., Verviers, Société royale des Beaux-Arts, 16-27 février 1936. Francine-Claire Legrand, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Laconti, coll. « Belgique – Art du Temps », 1971, p. 202-204. Georges Le Brun, texte de Francine-Claire Legrand, cat. exp., Verviers, musées des Beaux-Arts, 10 novembre-9 décembre 1973. Rétrospective d’hommage aux grands artistes verviétois : Philippe Derchain, Georges Le Brun, Maurice Pirenne, textes de Jules Bosmant, Maurice Pirenne et André Blavier, Verviers, salle des Beaux-Arts, 23 mars-3 avril 1975. Francine-Claire Legrand, « La mystérieuse simplicité de Georges Le Brun », in Georges Le Brun 1873-1914, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 12 décembre 1975 – 11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 1975, n. p. Jeanne Le Brun, « Georges Le Brun », in Georges Le Brun 1873-1914, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 12 décembre 1975 – 11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 1975, n. p. Jules Bosmant, « Le réalisme poétique », in Rita Lejeune, Jacques Stiennon (dir.), La Wallonie. Le pays et les hommes. Lettres, arts, culture, vol. 2, Tournai, La Renaissance du Livre, 1977, p. 523-525. « Georges Le Brun », in Belgian Art 1880-1914, cat. exp., New York, Brooklyn Museum, 23 avril-29 juin 1980, New York, Brooklyn Museum, Division of Publications and Marketing Services, 1980, p. 115-116. Madeleine Octave Maus, Trente années de lutte pour l’art [1926], Bruxelles, Lebeer Hossmann, 1980, p. 241, 245, 285, 295. René Micha, « Symboliste des Ardennes », in Georges Le Brun 1873-1914, cat. exp., Cologne, Belgisches Haus Köln, 6 novembre-19 décembre 1981, Cologne, Das Haus, 1981, p. 11-15. Anne Thiry, Maurice Pirenne – Georges Le Brun – Philippe Derchain – Joseph Gérard. L’école de Verviers, mémoire de fin d’études, Liège, Université de Liège, faculté de Philosophie et Lettres, 1982. L’École verviétoise : Derchain, Gérard, Le Brun, Pirenne, textes d’André Blavier et d’Anne Thiry, Verviers, bibliothèque communale, 5-27 novembre 1982, Liège, Affaires culturelles, 1982. Pastelle und Zeichnungen des belgischen Symbolismus, Francfort-sur-le-Main, Frankfurter Kunstverein Steinernes Haus am Römerberg, 7 mai-24 juillet 1988, Francfort-sur-le-Main, Der Kunstverein, 1988, p. 163-175. Francine-Claire Legrand, « Georges Le Brun », in William Degouve de Nuncques et les intimistes verviétois, Bruxelles, Crédit communal, 1990, p. 32-34. Natascha Langerman, Contribution à l’étude du symbolisme : l’œuvre de Georges Le Brun, mémoire de fin d’études, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, faculté de Philosophie et Lettres, 1992. Natascha Langerman, « Intérieur et intimisme dans l’œuvre de Georges Le Brun (1901-1914) », in Annales d’histoire de l’art et d’archéologie, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 1995, p. 97-111. Georges Schmits, Les Intimistes verviétois, Verviers, éditions La Dérive, 1997. Francis Carrette et Catherine De Croës (dir.), Les Peintres du silence, cat. exp., Bruxelles, Hôtel de Ville, 12 septembre-18 novembre 2001, Bruxelles, association Bruxelles-Musées-Expositions, 2001. Michel Draguet, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Fonds Mercator, 2004, p. 315-317. Les Archives du rêve, dessins du musée d’Orsay : carte blanche à Werner Spies, cat. exp., Paris, musée d’Orsay, 26 mars-30 juin 2014, Paris, musées d’Orsay et de l’Orangerie / Hazan, 2014, p. 366-367. Liste des œuvres exposées Intérieur de ferme, Xhoffraix, 1903, fusain et crayon sur papier, 25 × 35 cm. Coll. Famille Crismer. [repr. p. 39] La Conversation, s.l.n.d., fusain, crayon et aquarelle sur papier, 53 × 68 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 85] Homme pelant des pommes de terre, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 83 × 65 cm. Coll. Famille Crismer. [repr. p. 89] La Récolte de pommes de terre, Xhoffraix, 1899, pastel sur papier, 76 × 56 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 14] Le Bénédicité, intérieur à Xhoffraix, s.d., fusain sur papier, 62 × 47 cm. Coll. privée. [non repr.] Jeune garçon pelant des pommes de terre, Xhoffraix, 1895, fusain, 65 × 40 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-456. [repr. p. 153] Petite fille qui tricote, Xhoffraix, 1900, huile sur toile, 67 × 52 cm. Bruges, coll. privée. [repr. p. 135] Jeune garçon pelant des pommes de terre, Xhoffraix, s.d., huile sur toile, 65 × 40 cm. Coll. privée. [repr. p. 98] L’Enfilade, s.l.n.d., crayon gras, mine de plomb et fusain sur papier, 62 × 45,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 4] L’Homme au poêle, s.l.n.d., fusain et rehauts d’aquarelle sur papier, 63 × 36 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 147] Ardennaises travaillant aux champs, Xhoffraix, vers 1895, aquarelle, gouache et encre de Chine sur papier, 38 × 27 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 80] Une fagne (fumée), Xhoffraix, 1895, aquarelle sur papier, 36,5 × 51,5 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-455. [repr. p. 82] Femme buvant, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 66 × 40 cm. Coll. privée. [repr. p. 156] Buste de paysan sans chapeau, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 49,2 × 33,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 59] Homme assis, jambes écartées, mains jointes, Xhoffraix, vers 1895, fusain et pastel sur papier, 56,5 × 40,5 cm. Coll. A. Doms. [repr. p. 49] Ardennaise (jaquette bleue) ou La Femme en bleu, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 57 × 45 cm. Montréal, coll. privée. [repr. p. 155] Tête d’homme imberbe (avec chapeau), Xhoffraix, vers 1896, fusain sur papier, 49,5 × 39 cm. Bruges, coll. privée. [repr. p. 84] Homme balayant, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier, 58 × 58 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 28] La Femme au hasple, Xhoffraix, 1897, huile sur toile, 66 × 62 cm. Coll. Famille Crismer. [repr. p. 87] Homme balayant, dessin préparatoire, vers 1895, fusain sur papier, 51 × 20,5 cm. Coll. privée. [non repr.] Paysan à la houe, s.l., 1899, pastel et fusain sur papier, 86 × 56 cm. Coll. privée. [repr. p. 136] La Femme à la houe, Xhoffraix, vers 1895, fusain, 53,5 × 36,5 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 154] Dans la Fagne ou Le Chêne des chênes ou Lu tchâne al tchâne ou Le Vieux Chêne, Xhoffraix, vers 1899 ou 1900, aquarelle, gouache et pastel sur papier, 79 × 56 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 69] Dans un presbytère, Thimister, 1901, fusain, aquarelle et pastel sur papier, 73 × 50 cm. Liège, musée des BeauxArts (BAL), inv. aw2141. [repr. p. 100] Cour de ferme à Charneux ou Le Grand Châtaignier, Thimister, vers 1902, huile sur carton, 75 × 60 cm. Coll. privée. [repr. p. 55] Cour de ferme à Charneux, dessin préparatoire, vers 1902, encre de Chine sur papier, 30 × 23 cm. Coll. privée. [repr. p. 54] La Porteuse de lait, Thimister, vers 1902, gouache, crayon gras, mine de plomb, 62 × 47 cm. Coll. privée. [repr. p. 163] La lumière qui fuse ou Le soleil qui fuse, Xhoffraix, 1903, huile sur toile, 54,5 × 37,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 25] L’enfant qui met ses souliers, Xhoffraix, vers 1903, fusain et crayon sur papier, 62 × 49 cm. Bruges, coll. privée. [repr. p. 38] La Grande Charmille ou Les Nuages roses, Longfaye, 1903, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier, 47 × 61 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-4. [repr. p. 57] La Sapinière ou Le Bois de sapins, Xhoffraix, 1903, huile sur toile, 49 × 65,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 75] Fenêtre ouverte (recto) et Vase sur une table (verso), s.l., vers 1903-1904, huile sur carton, 57 × 46 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 168] La Dame au miroir, avril 1904, fusain et crayon sur papier, 38 × 24 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 67] L’homme qui passe, Xhoffraix, vers 1900-1903, fusain sur papier vergé, 47 × 62 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-453. [repr. p. 30] La Neige, s.l., 1904, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 58 × 77 cm. Montréal, coll. privée. [repr. p. 94] La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise, Longfaye, fin mai 1903, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 65,5 × 48 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 50] Sur les remparts de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, septembre 1904, fusain et pastel sur papier, 24 × 38 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-429. [repr. p. 36] Paysage à Mont, Mont (Xhoffraix), vers 1903, fusain, pastel et aquarelle, 30 × 51 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 167] La Cafetière sur le poêle, Xhoffraix, vers 1903, huile sur carton, 53 × 29 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-452. [repr. p. 17] Porte de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905, fusain et pastel sur papier, 62 × 49 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-460. [repr. p. 26] Soir de pluie à Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905, fusain, aquarelle et pastel sur papier vergé, 63 × 48 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-458. [repr. p. 77] Le Bourg dans la vallée (vue de l’église de Theux), Theux, 1906, huile sur toile, 65,5 × 86 cm. Coll. privée. [repr. p. 43] La Faux, Lierneux, juillet 1912, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier, 39 × 62 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 34] Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, Lierneux, août 1912, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 63,5 × 44,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 53] L’Alcôve, Jevoumont (Theux), 1906, huile sur carton, 66 × 43 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 12] Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, dessin préparatoire, vers 1912, fusain et encre rouge sur papier, 48,5 × 61,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 52] Champ labouré, Sancourt, janvier 1906, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 25 × 36 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-462. [repr. p. 79] La Neige sur le village, Spixhe (Theux), janvier 1912, aquarelle, gouache et mine de plomb sur carton, 43 × 49 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 11] La Salle à manger, Theux (maison Le Brun), 1906, pastel sur papier, 51 × 80 cm. Bruxelles, Musée d’Ixelles, inv. CC1571. [repr. p. 22] Maison, croisillons noirs, Xhoffraix, 1913, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 40 × 62 cm. Coll. privée. [repr. p. 142] La Cuisine, Theux (maison Le Brun), 1908, huile sur toile, 50 × 40 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 40] Maisons à Spixhe, Spixhe (Theux), 1913, aquarelle, crayon gras et rehauts de pastel sur papier, 60 × 90 cm. Coll. privée. [repr. p. 93] Lecture le soir, Theux (maison Le Brun), 1908, fusain et crayon sur papier vergé, 50 × 40 cm. Paris, musée d’Orsay, inv. RF MO AG 2014 4. [repr. p. 65] Printemps à Ruy (Les Agneaux), Ruy (La Gleize), 1913, aquarelle, fusain et pastel sur papier, 54 × 76 cm. Coll. privée. [repr. p. 61] La Maman et ses bébés, Sancourt, 1908, fusain sur papier vergé, 39,5 × 25,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 138] Le Village dans la vallée, Hébronval (près de Lierneux), 1913, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 54 × 76 cm. Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 83] Le Vestibule, Theux (maison Le Brun), 1909, fusain, crayon et pastel sur papier vélin, 62 × 48 cm. Paris, musée d’Orsay, don de Jeanne Le Brun, inv. RF 42661. [repr. p. 64] La Croix, Xhoffraix, 1913, fusain et mine de plomb sur papier, 46 × 60,5 cm. Coll. A. Doms. [repr. p. 27] Le Repas de l’enfant, Theux (maison Le Brun), vers 1910, huile sur toile, 58 × 75 cm. Coll. privée. [repr. p. 41] La Haute Fagne, Longfaye, 1914, aquarelle et pastel sur papier, triptyque, 54 × 77 cm / 67 × 100 cm / 54 × 77 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-463. [repr. p. 44-45] CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES pour toutes les photographies : © Jacques Spitz, photographe à l’exception de : © Musée d’Ixelles : p. 10, 21, 22 © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / photo : Tony Querrec : p. 64 © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / photo : Patrice Schmidt : p. 65 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo : Grafisch Buro Lefevre, Heule : p. 24 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo : Guy Cussac, Bruxelles : p. 174 © UCL – Musée de Louvain-la-Neuve / photo : Jean-Pierre Bougnet : p. 108 Cet ouvrage a été composé en Old Style et en Schindler . La photogravure a été réalisée par Apexgraphic, Paris. Cet ouvrage a été achevé d’imprimer et de façonner en octobre 2015 sur les presses d’Agpograf, Barcelone, Espagne.