GEORGES LE BRUN
1873-1914
Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition
Georges Le Brun. Maître de l’intime,
présentée au musée Félicien Rops, Province de Namur,
du 24 octobre 2015 au 6 mars 2016.
Coordination éditoriale :
Musée Félicien Rops, Province de Namur
Direction scientifique :
Denis Laoureux
GEORGES LE BRUN
M A Î T R E D E L’ I N T I M E
Il a été réalisé sous la direction éditoriale de lienart éditions.
Graphisme :
Contribution éditoriale :
Nicole Mison
En première de couverture :
Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, Lierneux, août 1912,
aquarelle, crayon et pastel sur papier, 63,5 × 44,5 cm. Coll. privée.
En quatrième de couverture :
Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, dessin préparatoire, Lierneux, août 1912,
fusain et encre rouge sur papier, 48,5 × 61,5 cm. Coll. privée.
© lienart éditions, 2015
3, rue François Ier – 75008 Paris
www.lienarteditions.com
© Musée Félicien Rops, Province de Namur, 2015
ISBN : 978-2-35906-156-7
Dépôt légal : octobre 2015
Imprimé en République tchèque (Union européenne)
LIENART
musée félicien rops, province de namur
commissariat d’exposition, auteurs et catalogue
Véronique Carpiaux, conservatrice, musée Félicien Rops, Province de Namur
Denis Laoureux, professeur, Université libre de Bruxelles
auteurs
Laura Fanti, doctorante, Université libre de Bruxelles
Noémie Goldman, docteur, Université libre de Bruxelles
Leïla Jarbouai, conservatrice, musée d’Orsay, Paris
Jean-Marie Klinkenberg, Académie royale de Belgique, professeur émérite de l’Université de Liège
Brigitte, Olivier, Françoise et Thierry Le Brun, petits-enfants de l’artiste
Maurice Pirenne (1872-1968), peintre belge
coordination éditoriale
Valérie Minten, musée Félicien Rops, Province de Namur,
avec l’aide de Léna Hofman pour le catalogue des œuvres
Le musée Félicien Rops, Province de Namur tient à remercier tout particulièrement :
la famille de l’artiste, pour son aide généreuse et sa contribution aux différents aspects
de l’exposition, du catalogue et des prêts : Brigitte Le Brun-Van Hove, Olivier Le Brun,
Françoise Le Brun et Thierry Le Brun,
ainsi que Pascal de Sadeleer sans qui l’exposition n’aurait pas vu le jour au musée Félicien Rops.
les collectionneurs, pour leur confiance : Daniel Bollier, Alex Doms et la famille Crismer.
Nous tenons également à remercier tous les collectionneurs qui ont souhaité garder l’anonymat.
les institutions suivantes, pour la mise à disposition de leur collection :
le musée d’Orsay, le musée des Beaux-Arts de Liège, le Musée d’Ixelles
et tout particulièrement le musée communal de Verviers et sa conservatrice,
Marie-Paule Deblanc, pour les nombreux prêts.
les personnes suivantes, qui ont aidé à la réalisation du catalogue :
Jocelyn Belzile, photographe ; Anne-Sophie Dierickx, historienne de l’art ; Antonin Joyeux, bibliothécaire ;
Jacques Spitz, photographe.
les membres des institutions suivantes :
Jean-Marc Van Espen, député président ; Dominique Hicguet, inspecteur général et Bernadette Bonnier,
directrice du service de la Culture de la Province de Namur ; Jean-Pierre Babut du Marès, président de l’asbl
« Les Amis du musée Félicien Rops », ainsi que Didier Viviers, recteur de l’Université libre de Bruxelles.
les membres du personnel du musée félicien rops :
Alexia Bedoret, Marie-Noëlle Douxfils, Claudine Gelinne, Sophie Laurent, Coralie Massin,
Lara Meersseman, Liesbet Mignolet, Jean-Pol Modave, Ana Monteiro, Sandra Moscato,
Marc Ravignat, Maïté Springael, Pauline Tonglet et Aurélie Van De Poel.
L’Enfilade, s.l.n.d, crayon gras, mine de plomb et fusain sur papier,
62 × 45,5 cm. Coll. privée. [144]
SOMMAIRE
introduction
Georges Le Brun, singulier symboliste
Véronique Carpiaux et Denis Laoureux
prologue
Georges Le Brun (1873-1914). Sa vie de peintre
Maurice Pirenne
13
à propos de georges le brun
Georges Le Brun ou les louanges du quotidien
Denis Laoureux
31
Georges Le Brun, dessinateur
Leïla Jarbouai
51
Georges Le Brun et la culture visuelle de la Renaissance italienne
Laura Fanti
71
Georges Le Brun et L’Art moderne
Noémie Goldman
81
Une « école verviétoise » de peinture ? Réalités d’un mythe
Jean-Marie Klinkenberg
91
les écrits de georges le brun
101
recensement des œuvres
Passeuse de Georges Le Brun, Jeanne, la fille du peintre
Brigitte, Olivier, Françoise, Thierry Le Brun
139
Notice méthodologique
143
Œuvres de Georges Le Brun
149
chronologie
Denis Laoureux
183
bibliographie
188
liste des œuvres exposées
190
avertissement
Les Lambris, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier,
62 × 42 cm. New York, coll. privée. [21]
9
Certaines œuvres de Georges Le Brun n’ayant pu être localisées, nous n’avons pas pu les reproduire dans cet ouvrage.
Les numéros entre crochets, en fin de légendes, renvoient au recensement des œuvres, p. 149-182.
Véronique Carpiaux et Denis Laoureux
Georges Le Brun, singulier symboliste
Georges Le Brun est né en Wallonie, dans les Ardennes, à Verviers, en 1873. Sa naissance se
situe après la génération de 1860 à laquelle il n’appartient pas vraiment, et avant celle de
1880, dont il ne fait pas non plus partie. Il se trouve dans l’interstice qui sépare les George
Minne, Eugène Laermans, William Degouve de Nuncques qui le précèdent, et les Léon
Spilliaert, Gustave De Smet, Rik Wouters qui le suivent. Cette particularité chronologique
s’accompagne d’autres traits distinctifs qui, on le verra, inscrivent Le Brun sur la liste des
êtres singuliers qui font l’originalité du symbolisme belge auquel le musée Félicien Rops
consacre une politique d’exposition qui allie la découverte pour le public et la recherche pour
les scientifiques, le plaisir d’apprendre et l’accroissement de la connaissance.
En prenant un peu de recul, on pourrait dire que la contribution de Georges Le Brun
au développement du symbolisme est double. D’une part, son œuvre se situe sur le
versant intimiste du symbolisme belge qui avait été exploré par Xavier Mellery et que
Léon Spilliaert reprendra en lui donnant une charge expressionniste. D’autre part, Le
Brun est associé à une constellation d’artistes qu’il côtoie entre 1900 et 1914 dans la
région de Verviers et qui, à l’instar de la colonie de Laethem-Saint-Martin rassemblée
autour de George Minne, forme une mouvance sensible au rendu spirituel du paysage.
Nous reviendrons longuement sur cette notion d’intimisme et sur ce que certains commentateurs ont appelé, après le décès de Le Brun, l’« école de Verviers ».
De 1894 à 1903, Le Brun séjourne dans un hameau situé dans une région reculée des
Ardennes, les Hautes Fagnes, qui se caractérise par la rudesse de son climat et l’âpreté de
ses éléments naturels. Il met en scène les activités du monde paysan auquel il s’intègre
tout en participant à diverses expositions, dont celles de La Libre Esthétique. En 1904,
il se fixe dans la bourgade de Theux avec sa famille qui constitue alors, pour un temps,
le principal sujet de son travail artistique. Enfin, vers 1910, Le Brun renoue avec les
paysages des hauts plateaux ardennais. On lui doit des scènes de genre montrant le
monde paysan, des portraits, des vues familiales et des paysages. En dehors des pièces
relatives à sa vie familiale, on peut dire que tout l’œuvre peint de Le Brun est tourné
vers le monde des Hautes Fagnes, de son arrivée dans le hameau de Xhoffraix en 1894
à sa mort en 1914.
Intérieur à la Bouxherie, Theux, 1905, aquarelle, pastel et fusain sur papier,
29 × 24 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-461. [97]
Cette apparente homogénéité d’une
œuvre entièrement tournée vers la louange
du quotidien ne doit pas occulter la
singularité de la personne de Le Brun.
Quasiment autodidacte, notre homme
a diversifié les techniques de dessin. Les
nombreux croquis et travaux préparatoires
retrouvés dans le cadre des recherches
menées pour la présente exposition ont fait
apparaître une impressionnante technicité du dessin. Dans sa contribution, Leïla
Jarbouai analyse finement toutes les subtilités techniques déployées par Le Brun
dans sa pratique de dessinateur. On a
parfois brossé le portrait de Le Brun en
artiste isolé dans la rudesse de la haute
Ardenne. Ce point de vue manque de
nuance pour deux raisons. La première
est que l’homme voyage beaucoup. Il passe
notamment deux mois en Italie en 1900.
La Ferme-château, Thimister, vers 1902, huile sur toile, 70 × 80 cm.
Comme le montre Laura Fanti, les nomBruxelles, Musée d’Ixelles, inv. OM119. [63]
breuses missives qu’il a écrites durant son
voyage constituent un témoignage précieux
de la réception de la culture visuelle italienne dans le symbolisme belge. La seconde
raison est que Le Brun dispose d’un capital social qui lui ouvre les portes de La Libre
Esthétique et de la revue L’Art moderne à laquelle il collabore de 1903 à 1908. Noémie
Goldman part du milieu de la revue d’Edmond Picard pour montrer que l’étiquette de
peintre ermite ne correspond pas à la réalité du statut social de l’artiste. Enfin, il est
difficile de séparer la carrière de Le Brun de l’« école verviétoise » de peinture à laquelle la plupart des commentateurs l’ont associé au point d’en faire le principal promoteur. La notion d’« école de Verviers » ne pouvait être à nouveau reprise sans être, cette
fois, problématisée : cette école dont Le Brun serait le chef de file est-elle une réalité
factuelle ou une projection de la critique ? C’est à cette question que se propose de
répondre la contribution de Jean-Marie Klinkenberg.
Le Brun a été repris au sein de nombreuses expositions collectives portant tantôt sur
le symbolisme, tantôt sur le dessin, comme ce fut le cas récemment, en 2014, avec Les
Archives du rêve : dessins du musée d’Orsay. Il fit aussi l’objet de plusieurs expositions
personnelles dont la dernière eut lieu en 1981 à la Maison belge de Cologne. C’est à
Verviers que la première exposition personnelle consacrée à Le Brun a été organisée, à
la salle de la Société des beaux-arts, en 1920. À cette occasion, le peintre Maurice Pirenne
prononça une conférence intitulée Georges Le Brun (1873-1874). Sa vie de peintre. Le
texte de cette conférence a été publié et reste l’une des principales sources de documentation
sur l’artiste. Il fait office de prologue à cet ouvrage. On trouvera également l’ensemble
des écrits sur l’art de Le Brun rassemblés ici pour la première fois.
10 | georges le brun
La Neige sur le village, Spixhe (Theux), janvier 1912,
aquarelle, gouache et mine de plomb, 43 × 49 cm. Paris, coll. privée. [124]
Un mot, enfin, du corpus d’œuvres repris en fin de volume. La carrière de Le Brun
s’est brutalement arrêtée sur le front de l’Yser en 1914. Nous avons pensé opportun de
rassembler tous les dessins et tableaux connus sous la forme d’un catalogue iconographique
assorti de légendes. Ce fut là un travail laborieux qui a demandé la contribution active
de toute une équipe au sein du musée Félicien Rops. Pour ce faire, Valérie Minten et
Léna Hofman ont mis leurs pas dans ceux de la fille de l’artiste, Jeanne Le Brun. Celle-ci
a consigné près de deux cents fiches qui ont constitué la base documentaire sans laquelle
un tel recensement aurait tout simplement été impossible. C’est l’occasion, pour finir,
de dire toute notre gratitude à la famille de l’artiste pour la confiance avec laquelle elle
nous a transmis le passé de son aïeul.
georges le brun, singulier symboliste | 11
Maurice Pirenne
Georges Le Brun (1873-1914)
Sa vie de peintre
Conférence prononcée par Maurice Pirenne à l’occasion
de la première exposition personnelle consacrée à Georges Le Brun,
à la salle de la Société des beaux-arts, Verviers, en 1920.
C’est de la vie de peintre, c’est de l’art de Georges Le Brun qu’il va s’agir ici, or, quoique
de caractère très différent, je crois avoir été mêlé à son intimité, à son intimité artistique,
plus que personne, du moins d’une façon aussi continue. Voilà pourquoi c’est moi, ce
n’est que moi, hélas !, qui vais essayer d’en donner une idée.
J’ai écrit ceci d’un seul jet en me servant exclusivement de ma mémoire ; après coup,
au moyen de dates, de certains faits oubliés ou ignorés de moi que l’on m’a rappelés ou
appris j’ai vérifié mon travail. J’ai constaté qu’à prendre la chose du point de vue rigoureux,
historique, certaines parties auraient dû être remaniées.
Le ferai-je ? – Non – Je me suis contenté d’intercaler quelques dates. Je n’ai pas voulu
faire une biographie méticuleuse, je ne cherche pas ici la précision, la vérité matérielle,
extérieure ; non, ayant eu la chance d’assister au développement de la vie d’un vrai
artiste, j’ai rappelé mes souvenirs, je les ai transcrits comme je les voyais et ainsi c’est le
temps qui, m’ayant fait perdre de vue les détails inutiles, a créé naturellement cette
synthèse.
C’est un même goût, une même passion pour
la peinture qui nous a réunis. Nous étions encore
en classe, à l’Athénée. Le Brun devait avoir dans
les 17 ans. Monsieur Constant Simon, professeur
de dessin à l’Athénée lui avait donné quelques leçons d’aquarelle. De suite Le Brun s’y mit avec
ardeur. Son père lui avait acheté le traité de peinture à l’aquarelle de Cassagne et consciencieusement le jeune peintre le bûchait. Ce livre ne le
quittait plus ; il en citait de longs morceaux de
mémoire, il devait en rêver. Intelligent comme il
était, il en profita d’une façon étonnante ; ses progrès étaient surprenants.
Son père, Monsieur Léon Le Brun, ingénieur,
à l’esprit savant et original, inventeur, s’intéresRouheid, Rouheid, 5 juin 1890, aquarelle sur papier, 22 × 28 cm.
Paris, coll. privée. [1]
L’Alcôve, Jevoumont (Theux), 1906,
huile sur carton, 66 × 43 cm. Paris, coll. privée. [105]
L’Automne à Xhoffraix, Xhoffraix, 1899, pastel sur papier, triptyque, 76 × 56 cm / 76 × 108 cm / 76 × 56 cm.
Descriptif : 1 / La Récolte de pommes de terre (volet gauche), Bruxelles, coll. privée ;
2 / Le Labour (panneau central détruit) ; 3 / Le Berger (volet droit), coll. privée. [53]
sait naturellement beaucoup aux essais de son fils. Taquin, il s’amusait à contredire ses
opinions, à discuter ses admirations et surtout, à relever ironiquement dans ses études,
les moindres fautes de dessin. Ces critiques le piquaient, aussi dès le début Le Brun
s’acharna-t-il à dessiner juste ; c’est pourquoi ses aquarelles des premiers temps avaient
déjà tant de tenue et de sérieux.
Toutes les heures libres que laissait la classe, elle était devenue l’accessoire, étaient
consacrées au seul travail important, peindre. Opiniâtre et robuste rien ne le rebutait, ni
le froid, ni le chaud. L’hiver il mettait de l’alcool dans son eau pour qu’elle ne gelât pas
et grimpait au Husquet, il habitait alors Dison, laver des effets de neige.
C’est de ce temps-là que l’été, on allait peindre à Maison-Bois. Pendant les vacances
nous y passions la journée entière. Isidore Meyers, en villégiature chez Joseph Deru,
venait y brosser des sous-bois, dans une pâte riche et claire qui était une révélation pour
nous. On se retrouvait autour de la chefnée [sic] à la ferme Bonhomme, pour dîner.
Maison-Bois était alors le rendez-vous des artistes et des esthètes verviétois : Smaelen,
Debatisse, Henrard, Deru qui suivait les jeunes de son œil bienveillant et narquois…
Aujourd’hui, tous ceux-là sont morts et l’on a coupé tous nos arbres.
Binjé, Staquet et Uijtterschaut étaient les trois aquarellistes belges les plus connus
alors. Comme il a, aux Salons de peintures, étudié les œuvres, comme il les a discutées,
comparées, jugées ! Un jour il écrivit à Staquet pour lui demander de pouvoir lui montrer
ses études. Le fin aquarelliste, bonhomme, le reçut plusieurs fois avec la meilleure grâce,
fut étonné des rares qualités que montraient les essais du jeune peintre, lui donna
d’excellents conseils. Plus tard il ira voir Meunier sans autre recommandation que luimême. Comme l’aquarelliste le grand statuaire reçut son jeune admirateur avec une
parfaite bienveillance et un sincère intérêt pour ses travaux.
Mais la rhétorique est finie, enfin ! Il est bien entendu qu’il sera peintre ; il part pour
Bruxelles (1895). Il s’y fait inscrire à l’Académie. Il entre dans la classe de Portaels. Il y
resta huit jours…
14 | georges le brun
L’Académie, non, décidément, pas ça ! L’Académie, l’enseignement officiel, le dressage artistique ; l’Académie, horreur ! N’est-elle pas l’éteignoir de tout feu sacré, de
toute spontanéité, de toute originalité, de toute hardiesse, de toute vie : l’Académie c’est
la mort. Toutes les jeunes revues le proclament, tous les artistes originaux le déclarent ;
c’est d’ailleurs une chose qu’on ne discute pas, un article de foi. Ô belle foi dangereuse,
ô belle foi juvénile !
S’il va à Bruxelles c’est pour apprendre certes, mais comme il l’entend, en étudiant
les maîtres qu’il a choisis, librement, ce n’est pas pour rentrer à l’école, subir la règle.
Pour dessiner d’après le modèle vivant, il se fait recevoir membre du cercle « La Patte
de Dindon » réunion de peintres qui travaillent en commun le soir dans les combles de
la maison des corporations sur la place de l’Hôtel de ville.
C’est là qu’il connut Laermans. L’art prenant, la note neuve qu’apportait Laermans,
qui exposait alors pour la première fois, lui plut extraordinairement. Ils devinrent grands
amis. Le Brun en subit quelque temps l’influence. Mais il se dégagea. Il finit par trouver
l’art tumultueux du sourd génial trop criant, trop extérieur, gâté, pour lui, comme d’un
souci, d’une préoccupation du public. Ça ne satisfaisait plus complètement son goût ;
il était devenu difficile. Il avait étudié les maîtres il s’était imprégné du sérieux des
grands peintres belges d’après 1830, de ces forts, de ces graves et honnêtes artistes :
Leijs, De Groux, de Braekeleer, Stobbaerts, Mellery…
Mais au musée ancien l’inégalable xve siècle l’avait pris : Van Eyck, Memling, Roger
de la Pasture, les autres. Puis leur unique continuateur, le vieux Breughel, le seul qui,
réfractaire à la mode, à la toute puissante influence de l’Italie évolua dans la tradition
nationale. Breughel, il eut toute sa vie, pour lui, un vrai culte ; cet art archaïque et pourtant
si vivant avait avec le sien de singulières analogies.
D’avoir contemplé tant d’exemples magnifiques, il était pris d’une grande exaltation. À force d’admirer les vieux maîtres, il était dégoûté de la peinture moderne. En
effet, l’art de notre pays au xve siècle est le sommet dans l’art de peindre ; d’un tel point
de vue, les œuvres contemporaines paraissent bien vagues. Aussi ne fut-il pas distrait
par l’art de mode ; l’art habile et creux, pour la chasse au succès ; son esprit était ailleurs, il ignorait tout ça.
Cependant il voulait produire. Il aspirait à travailler à sa guise, sans influence, en
pleine liberté ; maintenant qu’il sait bien ce qu’il veut, il n’a plus besoin que de la nature.
Et voilà qu’il se rappelle être un jour passé, au cours d’une excursion en Ardenne, à
travers un village perdu en pleine Fagne. Il le revit, maisons de moëllons, toits de chaume,
hautes haies de hêtres, frustes et gris, avec tout autour la Fagne, jusqu’à l’horizon.
Il ira habiter là.
Il part pour Xhoffraix1, tout seul.
Qu’on ne se trompe pas, il ne part pas en dégoûté de la vie, parce qu’il n’a pas su
s’adapter : il ne part pas triste, plein d’amertume, en neurasthénique ; jamais la neurasthénie ne l’effleura, non, il part content, il va réaliser son idée, il en est tout joyeux. Et il
resta là, plusieurs années, sept ou huit ans, hiver et été, presque continuellement2. Ce
furent de fameuses années !
1. Xhoffraix : village de la commune de Bévercé,
situé au sud de la Baraque Michel et à 7,8 km
au nord-est de Malmedy, sur un plateau au nord
de la Warche.
2. En 1897, il abandonna Xhoffraix quelques temps
pour faire un voyage en Hollande, le tour des
musées, Rembrandt, Vermeer, Pieter de Hoog !
georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 15
Il logeait dans une auberge plus que rustique située à la bifurcation de la route de la
Baraque et de celle de Hoquai, chez Charlier, petite auberge isolée, un peu en dehors du
village.
Toute la journée il s’acharnait à sa peinture et le soir, il lisait ; Flaubert surtout,
religieusement. Il avait fini par savoir Madame Bovary par cœur ; dans l’austère chefd’œuvre, il puisait comme une direction morale.
Bientôt il connut tous les habitants de l’endroit. Il les interpellait par leur prénom, avait
ses entrées chez tous, s’installait au coin du feu, dans la marmaille ; avec hommes et
femmes il fraternisait. Il avait vite appris à parler couramment leur wallon, il rendait
des services, il donnait des conseils, il se disputait ; plusieurs fois il s’est battu. Il faisait
partie du village.
D’habitude, il revenait à Verviers du samedi au lundi. Quand il rapportait des travaux finis, c’était un événement pour moi. J’allais vite les voir et nous les discutions
avec sincérité.
Il me montra d’abord de grandes aquarelles d’un faire large et simple, peintes sur
un dessin scrupuleux. Les meilleures d’entre ces aquarelles sont des modèles dans le
procédé. S’il avait uniquement visé le succès, il n’aurait jamais abandonné ce genre
difficile où il avait acquis une vraie maîtrise dans une note bien à lui.
Mais la peinture à l’eau n’est pas faite pour le travail repris, complété, le travail en
profondeur. La peinture à l’huile s’y prête mieux. Il l’aborda.
Il a peint à l’huile de nombreux intérieurs. Parfois sans personnage – c’est l’âme des
choses qui parle – mais souvent avec l’habitant. On le voit, entre les murs, en bas lambrissés de chêne, en haut blanchis à la chaux, sous le plafond à grosses poutres, sur le rude
plancher ou les larges dalles inégales, vaquer aux besognes quotidiennes. Il est assorti à
sa demeure faite de matériaux francs, solides, naturels, à ses meubles de chêne qui sont là
sans doute aux mêmes places depuis combien de générations monotones.
Le Brun à toutes les époques de sa vie a peint des intérieurs. Ceux de cette première
manière sont des peintures lourdes, appuyées, sombres, d’une sobre intimité. Il a peint
aussi à l’huile des têtes de paysans ; ce sont des portraits peints sans artifice, d’une vérité
profonde. En même temps que ces peintures, souvent comme études pour elles, il faisait
des dessins au fusain. Têtes âprement individualisées, surprenantes de vie, intérieurs
grandement, profondément sentis.
De cette époque aussi date cette série de dessins : personnages et animaux au travail.
Ils sont le produit d’inlassables notations prises sur le vif ; des heures durant, butant
dans les mottes. Il suivait, croquant leur mouvement, les bœufs à la charrue. Ce qu’il y
a dans ces dessins, comprimés dans le simple trait qui les cerne, de vérité, de vie !
Comme tout çà [sic] sent la Fagne !
Ces études ont servi à composer des tableaux où l’on voit le naturel du pays avec ses
bêtes à la besogne en plein air.
Le plus important de ces tableaux est le triptyque : L’Automne à Xhoffraix [repr. p. 14] ;
au centre Le Labour, à droite Le Berger, à gauche La Récolte de pommes de terre.
C’est un grand poème rustique peint au pastel ; il est composé d’une façon géniale,
je dis le mot, il est juste. Le peintre dit ce qu’il veut dire avec force, avec clarté, avec
noblesse, avec originalité.
Et c’est grand, ça déborde le cadre, c’est grand comme la terre.
Il a créé ce tableau dans la solitude, en 1899, il avait 25 ans.
La Cafetière sur le poêle, Xhoffraix, vers 1903,
huile sur carton, 53 × 29 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-452. [77]
16 | georges le brun
17
Cette composition d’art si élevé, ce résultat de tant de labeur, jamais il ne l’a exposé.
Il ne le trouvait pas suffisamment réalisé.
Que de nobles choses d’ailleurs parmi celles dont je viens de parler, non seulement
ne furent jamais exposées ; presqu’aucune [sic] ne l’a été ; mais ont été détruites par lui.
Où sont les aquarelles du début ? Où sont tant de tableaux, de dessins ? Je me rappelle
entre autres de magnifiques portraits d’arbres centenaires perdus dans la Fagne, de
vieilles haies tordues, de rudes chemins ; je crains bien que la plupart n’existent plus.
Il les a laissés se perdre. Que j’aurais voulu revoir tous ces témoignages d’une période
de conviction si ardente. Il fut injuste envers ces œuvres, envers lui-même ; il fut
trop modeste ou trop orgueilleux ; il était difficilement satisfait ; on aurait trouvé cela
bien peut-être, qu’est-ce que cela pouvait lui faire si lui, il voulait mieux.
D’entre les gens bien doués pour les arts il y en a de deux sortes : premièrement, ceux
qui, étant donnés [sic] leurs dons, s’en servent pour arriver à obtenir par eux le plus de
notoriété et, pardon de devoir prononcer dans un tel entourage le mot ignoble, de
l’argent, le plus d’argent possible ; deuxièmement, ceux qui se servent de leurs dons
pour arriver à faire le mieux qu’ils peuvent selon l’idée qu’ils se font de la beauté, qui
s’efforcent d’approcher le plus près possible de leur idéal ; quant à la répercussion du
résultat de leurs efforts sur le public, que celui-ci admire, qu’il se moque, qu’il grogne ou
manifeste une parfaite indifférence la chose n’a pour eux aucune importance. De ces
deux buts, Le Brun avait choisi le second.
Il y a dans son œuvre plusieurs choses exagérées, frappantes, qui prêtent à la discussion ;
un autre les aurait exposées, aurait encore même forcé la note afin d’attirer l’attention,
de faire parler de lui. Le Brun, lui, les jugeait, il les trouvait incomplètes et ne les
montrait pas.
Heureusement, cependant, beaucoup de ces œuvres nous restent ; dans toutes perce la
recherche du caractère, elles sont impressionnantes, elles arrêtent ; c’est précisément cette
recherche visible du caractère qui les lui fit renier. Il y trouvait quelque chose d’exagéré,
d’extérieur, de déjà vu croyait-il peut-être. Et certes dans ces œuvres fougueuses on sent
passer le souffle épique déchaîné par Meunier ; mais comme il y est bien lui-même.
Quand ce ne serait que par une sorte de sécheresse, de gaucherie (que l’on trouve
d’ailleurs dans les œuvres qui suivront) qui, à côté de tant de hardiesse, donnent à ces
dessins, à ces peintures je ne sais quelle saveur de fraîcheur et d’honnêteté ; car cette
sécheresse et cette gaucherie inconscientes attestent une soumission aimante devant la
nature admirable.
Par la suite, à force de s’oublier toujours plus dans l’étude de la nature il se trouva
plus intimement ; il la rendit avec plus de finesse et d’intimité.
Le procédé du dessin rehaussé de pastel ou d’aquarelle lui plaisait. Il l’a beaucoup
pratiqué. C’est dans ce procédé que l’on trouve surtout, venant après ses travaux de la
première période à Xhoffraix, une suite de tableaux où son ardeur s’est retenue. Œuvres
tranquilles, où le procédé cède s’oublie, où l’aspect matériel, le trait voulu, décoratif,
s’effacent pour laisser le sentiment se communiquer sans mélange. Ces œuvres-là, il les
a toujours aimées.
Voyez par exemple, L’Homme qui s’en retourne [repr. ci-contre] et je cite aussi le délicieux
paysage, Les Nuages roses [repr. p. 57] qui est dans ce genre, une œuvre exquise. La recherche
de l’effet, de l’heure, est précisée, les nuances y sont, l’œuvre est toute attendrie.
Ce tableau et plusieurs autres d’entre les plus remarquables de Le Brun étaient la
propriété d’Émile Peltzer. Le Brun et lui furent de bons amis ; et je m’arrêterai un moment
ici pour rendre hommage à Émile Peltzer. Tout
jeune encore il se révéla comme un esthète au
goût sûr, délicat, personnel, indépendant ; rien
du snob qui suit les modes. Il ne la suivait sûr
[sic] pas quand en 1902, il achetait des tableaux
à Le Brun. Poussé par son goût pour les arts il
s’y laissait aller généreusement et son flair de
jeune connaisseur le guidait bien. Émile Peltzer
allait venir se fixer à Verviers ; il eût été sûrement le mécène intelligent dont l’art ici avait
besoin ; et voilà qu’après avoir échappé au
danger de la guerre, car lui aussi s’était engagé,
il meurt à 35 ans. C’est pour Verviers une perte
sans doute irréparable.
Plus le séjour de Le Brun à Xhoffraix se prolonge, plus sa manière de voir, de peindre, s’affine.
L’homme qui s’en retourne, Xhoffraix, 1903,
Ce qu’il fait est toujours construit, achevé, avec aquarelle sur papier, 47 × 62 cm. Localisation inconnue. [79]
la même conscience, mais il pousse dans des
voies nouvelles.
Il s’est mis à étudier, enveloppant les choses,
la lumière diffuse. Cette étude devient souvent dominatrice ; elle est caractérisée par
plusieurs charmants tableaux dont les titres même qu’il leur donna indiquent la
tendance : Symphonie en bleu [repr. p. 96], Le Soleil qui fuse [repr. p. 25] (cat. de l’exposition
particulière à Verviers en 1904).
D’autres fois il stylise le dessin, la couleur, avec grande discrétion d’ailleurs, comme
dans ce paisible tableau : La Matinée sereine [repr. ci-dessous]. Et dans certaines toiles même ;
parfois, par exemple dans : Le Bouquet de roses [repr. p. 164], perce une sorte de préciosité.
J’aurais voulu, comme il convient, décrire plus de tableaux et montrer ainsi les tendances,
les recherches multiples qui dans toutes ces
œuvres qui nous entourent et qui sont si bien
parentes indiquent les phases diverses de l’activité intellectuelle de celui qui les a créées. J’ai
essayé. Quand j’ai relu ce que j’avais écrit, je
n’ai trouvé, pour exprimer les nuances d’une
variété originale que lourde monotonie et répétition de mots banaux et usés. Je suis confus,
je suis attristé pour Le Brun, de constater si
rudement qu’il aurait fallu ici quelqu’un
connaissant les secrets de l’art d’écrire.
Les œuvres de la dernière période à Xhoffraix
malgré beaucoup d’intentions subtiles et littéraires restent rustiques et fortes ; mais le charme
ambigu qui s’en dégage est très différent de celui
des premières œuvres. Les dernières sentent moins
la Fagne ; arrivé à ce moment l’artiste est poussé
par le nouvel élan d’une inspiration plus intime,
La Matinée sereine, Ovifat, juillet 1903,
huile sur toile, 89 × 100 cm. New York, coll. privée. [70]
18 | georges le brun
georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 19
plus subjective. Dès lors, Xhoffraix ne lui est plus nécessaire, il l’a, si je puis dire, vidé… provisoirement.
Après cette longue réclusion laborieuse il est temps
de s’évader, d’aller voir du nouveau, de se rafraîchir les
yeux, le cœur, l’esprit ; il est temps de se replonger dans
la vie.
Il quitta son village et rentra dans le monde.
Je puis moins intimement suivre cette partie, cette
dernière partie de son existence ; mais si par intervalles
l’intimité de son esprit m’échappa, du moins j’ai suivi
la naissance de toutes ces œuvres.
D’abord il fit un voyage en Italie (3 à 4 mois). Il a
laissé une copieuse correspondance et de nombreuses pages
où il a décrit cet inoubliable pélerinage et ses impressions
d’art ; d’entre elles, deux lui restèrent palpitantes : la fresque
de Benozzo Gozzoli [repr. p. 73], l’ineffable conteur et le
temple de Pæstum ; sa majesté l’avait écrasé3.
Puis un séjour de quelques mois à Paris. Il y peint deux
curieux tableaux, clairs comme ceux des impressionnistes,
mais stylisés : une Vue de Notre-Dame de Paris [repr. ci-contre] et
Le Pont de la Concorde ; puis enfin, il revient à Bruxelles.
Il y travaille dans l’atelier de Blanc-Garin ; académie libre
où il se remet à l’étude du dessin. Il se fait des amis,
artistes, écrivains, musiciens ; il va dans le monde.
Vue de Notre-Dame de Paris, Paris, 1903,
Mais voilà qu’un jour, on apprend qu’il fait une
huile sur toile, 140 × 100 cm. Fondation Albert Vandervelden. [88]
retraite à Thimister, dans le pays de Herve.
Il y a peint plusieurs tableaux très poussés où il a mis
toute sa persévérance à rendre les objets dans leur réalité. Le détail est représenté à fond,
chaque pavé, chaque brique, chaque feuille presque est montrés [sic]. De ce scrupuleux
travail où, par la force de sa volonté l’artiste s’absorbe dans son modèle émane une saine
impression de calme. Voir : La Ferme au pays de Herve et La Ferme-château [repr. p. 10]
(Musée d’Ixelles, salle Maus). À Thimister, il fit aussi de nombreux dessins, rehaussés ou
non de couleurs ; personnages et intérieurs ; ils sont très simples et très complets.
Après avoir passé, pendant un an ou deux, la plus grande partie de son temps à
Thimister, il rentre à Bruxelles et, grand événement, il se marie (en 1904). Je ne m’occupe
pas ici de la vie intime de Le Brun. Il faut cependant dire que sa femme, sa vaillante
femme, sentait profondément les arts, qu’elle aimait l’art de son mari, elle le comprenait,
elle en était fière. L’harmonie dans le ménage fut toujours parfaite.
Après un séjour de quelques mois à Limburg a / d Lahn, ils vinrent se fixer à Theux.
Deux enfants y naissent : un garçon et une fille. L’été le ménage allait souvent faire de
longs séjours à Sancourt, près de Cambrai, chez des tantes de Madame Le Brun.
Des voyages, des aventures, des amitiés nouvelles, se marier, avoir des enfants ; il vit,
il a des distractions parfois, mais jamais l’art ne l’a lâché.
3. Il a rapporté d’Italie un seul dessin : Une rue
à Florence le soir [repr. p. 70]. Ce dessin est la propriété
de Mme Ve Levaux-Hauzeur. Il a été reproduit
20 | georges le brun
dans l’album publié par l’œuvre : La Protection
de l’enfance en 1901.
Le cercle de ses admirations s’est élargi. Il a vu
des œuvres nouvelles ; il admire ; il se passionne.
Les impressionnistes l’avaient séduit. Il adorait
Renoir, comment résister à ce frais Amour de la vie ?
Mais Leys, Renoir, quel contraste ? Il s’agit de
concilier ces contrastes, et tant d’autres. C’est la crise
que doivent subir tous les artistes d’aujourd’hui. Il
en sort d’ailleurs allègrement ; le jugement assoupli ; peignant plus clair ; mais il reste bien lui-même
et si les œuvres peintes après son séjour à Xhoffraix
sont différentes entre elles ; c’est d’une différence
qui n’est que superficielle, qui tient à ce qu’elles
furent peintes dans des lieux différents, Limburg,
Sancourt, Thimister, Theux, mais par le profond
elles sont semblables, et si, sans doute, le degré
d’inspiration n’est pas toujours le même, elles sont
bien toutes de la même main volontaire. Elle les a Le Potager de la Bouxherie au printemps, Theux, 15 mai 1907,
pastel sur papier, 70 × 80 cm. Bruxelles, Musée d’Ixelles,
toutes réalisées à fond sans jamais rien y laisser de inv. CC2800. [109]
vague ou de hasardeux.
À Theux dans sa maison il a peint ou dessiné
une série d’intérieurs animés de personnages : sa femme et ses enfants ; ces œuvres sont
remplies d’intimité, de distinction et de subtilité ; il a peint aussi à Theux des paysages
dans la ville et aux environs. Citons le Grand Vinâve, c’est le portrait de sa maison4 et
Le Potager de la Bouxherie d’un charme mystérieux [repr. ci-dessus].
Puis il va travailler à Lierneux, Francorchamps, etc. De cette époque date Le Village
dans la vallée [repr. p. 83] (Hébronval) d’un style très pur, plein de sentiment, d’une éloquence
mesurée. C’est beau, c’est très beau : Le Printemps à [Moulin du] Ruy [repr. p. 61], fraîche
idylle, et des intérieurs d’un métier raffiné, où par exception dans son œuvre, il s’amuse
à noter les couleurs pour elles-mêmes. Elles sont observées avec science dans l’aquarelle :
La Ferme de la Haase [repr. p. 47], le ton des lointains bleus est rendu magnifiquement.
Toutes ces œuvres ont pour sujet le village de la pleine Ardenne ; elles représentent
des motifs analogues à ceux qu’il peignait à Xhoffraix. En effet peu à peu il s’était rapproché de la Fagne : Xhoffraix l’attirait. En le quittant il ne lui avait pas dit un adieu
définitif ; il devait y revenir.
Car après tout c’est là qu’il est vraiment bien pour travailler ; c’est là, plein de mâles
souvenirs, son chez lui intellectuel. Il y retourne, il s’y retrouve, mûri, plus conscient,
mais le même. Il va reprendre la tâche interrompue, la compléter, la clôturer ; une œuvre
suprême ; où il se mit tout entier, la couronne.
Au Salon de Liège du printemps de 1914, il exposait un grand tableau : La Haute
Fagne [repr. p. 44-45] l’infini de la morne plaine, les fermes entourées de la charmille sans
feuille, la bruyère, le genévrier, le ciel gris d’hiver plein de pluie froide, le départ symbolique de deux routes… L’œuvre fit sensation. En effet l’impression qui s’en dégage est
prenante. L’artiste a synthétisé là des impressions diverses du pays, ses admirations. Il a
4. Acquis par le gouvernement en 1911,
lors de l’exposition particulière, à la salle Studio,
à Bruxelles.
georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 21
La Salle à manger, Theux (maison Le Brun), 1906, pastel sur papier,
51 × 80 cm. Bruxelles, Musée d’Ixelles, inv. CC1571. [103]
représenté la Fagne comme il l’a vue, aimée, rêvée ; la Fagne selon son cœur, sa Fagne. C’est
son chef-d’œuvre ; c’est un chef-d’œuvre. On dirait qu’averti mystérieusement de sa fin
prochaine (l’œuvre datée de 1914) il ait voulu, grave adieu, exprimer, en une fois toute son
âme. Ce triptyque émouvant est exécuté avec calme et patience. Sur une préparation à
l’aquarelle, il est travaillé au pastel et au crayon. De longues études minutieuses l’ont précédé. L’œuvre est savant. La grande ligne est émue ; mais voulue, consciente. Les détails,
l’un après l’autre ont été dessinés sertis. Beaucoup d’ingéniosité, de recherches, d’intentions, et pourtant une rude impression de force et de grandeur.
Cette grandeur est subtile, cette rudesse est ingénieuse. Grandeur, subtilité, alliance
rare ; chez Le Brun elle est fréquente ; c’est la note caractéristique de son talent.
Car Le Brun, son art le crie, ne fut pas un homme aux goûts simples, je parle des
goûts de son esprit, comme sa vie à Xhoffraix, sa fraternisation avec les rustres, son insouciance pour tout confort pourraient le laisser croire.
Ce garçon aux nerfs solides, ce blagueur incorrigible, ce nageur émérite, ce boxeur
fameux était tout le contraire d’un réaliste ; un romantique plutôt, un idéaliste. Mais ne
pataugeons pas dans ces mots vagues qui pour chacun de nous ont sans doute un sens
différent. Le certain c’est qu’il aime le rare, le compliqué, il fuit le terre à terre, l’ordinaire, le bourgeois. Moralement et physiquement il se plaît hors de la vie courante ; il lui
faut un cadre d’art, mais qui n’ait pas servi.
S’il a aimé Xhoffraix, c’est qu’il a trouvé là un ensemble de gens et de choses qui,
depuis des ans et des ans n’avaient pas changé. C’était les mêmes mœurs, les mêmes
habitations, les mêmes métiers, les mêmes outils, qu’il y avait des siècles. Dans ce milieu
pittoresque, il vivait une vie fruste, brutale parfois, délicieusement rude, hors de la
banalité de la vie ordinaire, hors du siècle.
22 | georges le brun
Et si, marié, il a choisi Theux pour résidence, ce fut en grande partie pour habiter
dans cette belle maison ancienne dont la façade évocatrice arrête tous les gens sensibles
qui traversent la place de la petite ville.
Et comme il a soigné l’intérieur de sa maison ! Comme il l’a complétée, la meublant
exclusivement de meubles et d’objets anciens ; bahuts, coffres gothiques, meubles Louis XVI,
faïences, étains ! Ce sont les vieilleries habituelles, mais ici choisies par un artiste, présentées d’une façon moderne si personnelle, toutes une à une et dénichées par lui chez le
paysan et acquises, avec quelles ruses ! Déjà, au commencement de son séjour à Xhoffraix,
quand de retour de Verviers il m’avait montré ses nouvelles peintures, il allait me chercher, par exemple, un vieux plat de faïence dont il me détaillait son admiration pour le
dessin, le ton, la matière.
En tout cas, dans ses tableaux on trouve le fini minutieux, le détail rare et la stylisation, un goût pour l’archaïque et la symétrie, le précieux, le naïf, l’ingénieux, mais on
trouve aussi la grandeur et la force.
Ce sont des éléments contradictoires pris à part, sans doute, mais leur mélange
imprègne ses travaux d’une singulière saveur. À la fois il voyait compliqué et grand
et c’est je le répète le piquant de son art.
Le Brun n’était pas un sensuel. Sa peinture se goûte avec l’esprit ; elle est bien d’un
Wallon d’Ardenne ; elle est bien le produit de la fréquentation depuis l’enfance de notre
paysage. Et notre paysage offre aux peintres peu de ressources, semble-t-il ; du moins,
c’est un pauvre pays pour un amateur de couleurs, d’effets à grands spectacles.
Sa lumière est sèche, sa couleur monotone est souvent dure.
C’est le dessin qui domine ; c’est lui qui parle surtout. Tous les aspects du pays ont
quelque chose de construit ; même quand le rocher n’affleure pas on sent toujours que le sol
s’appuie sur sa solidité énergétique. Cette rude assise supporte toute la souple fantaisie
de la végétation.
La couleur chez nous, n’a ni rutilance, ni langueur : dans les saisons froides, des gris
grêles, d’une variété subtile et qui se contentent modestement de rehausser le dessin, de
le compléter, le mot couleur est bien lourd pour désigner cette coloration toute spirituelle,
l’été, du vert partout, prairies, haies, collines boisées, vert de plantes vivantes, sans fadeur,
plutôt aigre, noir même parfois. Dans les sites resserrés, le détail joue un grand rôle, les
fleurs, les fruits sauvages, les pierres, toutes les différentes pierres. Et ses aspects sont
variés ; brusquement, à tout bout de champ, ils changent, souvent contradictoires tenant
ainsi toujours la sensibilité, l’esprit en activité.
Ce pays est très difficile à peindre. Beaucoup y renoncent. Il n’y a rien à peindre ici,
disent-ils, et ils vont à Venise, en Flandre, en Espagne, en Provence, retrouver dans la
nature les sujets consacrés. Comme il est difficile à peindre ! Pourtant il a son charme ;
personne ne le nie. Sans hausser la voix il nous dit des paroles fraternelles. Ce charme
est inédit, il n’a pas encore été formulé, il est trop complexe, sans doute, pour l’être. Pour
le fixer un peu il faut l’avoir senti soi-même, car ici, aucune formule, aucun modèle à
imiter. Il faut l’extraire ce charme de la nature, avec son cœur et son esprit. Le Brun
avait l’amour, la finesse, la volonté, le désintéressement qu’il faut pour y arriver.
Quant à son métier, il est toujours curieux et personnel, comme tout métier appris
seul. Il travaille d’une manière patiente et ingénieuse car il n’a garde de confondre
l’expression de la force avec la force de l’expression ; je veux dire qu’il sait bien que ce
n’est pas une facture primesautière, agitée, heurtée qui exprime la force, qui en communique l’impression ; ce débraillé est une faiblesse, comment pourrait-il traduire la force
georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 23
La Grande Charmille. Neige, Longfaye ou Xhoffraix, 1913,
aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 54,4 × 76 cm.
Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 8634. [135]
profonde que l’artiste sent, qu’il voit dans la nature. Pour y arriver il faut de persévérants,
de méthodiques efforts vers un but bien défini, de la lenteur et ne rien négliger. La puissance
du miraculeux Van Eyck peut se regarder à la loupe. Aussi le métier de Le Brun n’est
pas celui où s’affiche la facture, le coup de brosse ou le coup de crayon. Sa fougue ne
l’entraîne pas, il la domine, même dans ses œuvres de jeunesse. Méthodiquement son
travail est mené à bien. Il prépare des dessous et petit à petit, par couches successives
il arrive à la réalisation. Séance après séance il reprend son ouvrage, il y vit, il s’y plaît,
il est triste quand fini, il faut l’abandonner. Si c’est nécessaire, il attendra un an, le retour
de la tache de soleil, à la bonne place dans la chambre. Et toujours il pense à son tableau,
le vit, le rêve.
Il le rêve, mais l’étude de la nature est toujours là scrupuleuse ; à tout ce qu’il a produit
elle sert d’assise ; c’est la base saine, le rocher solide sur lequel son œuvre est construit.
Le Brun ne tenait pas à montrer le produit de son travail au public. Le public et lui
ne s’aimaient guère. On a vu de ses tableaux à divers Salons triennaux ; mais il n’a pas
participé à tous. Il envoyait sans goût à ces exhibitions hétéroclites.
En 1903, Octave Maus l’a invité à participer au Salon de La Libre Esthétique ; il y envoya
quelques tableaux ; et, dans le courant de sa carrière il a fait à Verviers, Liège et Bruxelles
La lumière qui fuse ou Le soleil qui fuse, Xhoffraix, 1903, huile sur toile, 54,5 × 37,5 cm. Coll. privée. [76]
24 | georges le brun
25
quelques expositions particulières5. Ces expositions particulières il les a toujours faites avec
d’autres artistes. Il fallait le solliciter pour qu’il
se joigne à nous, il acceptait, mais à condition
de n’avoir pas à s’occuper d’autre chose que
d’envoyer ses tableaux. Jamais il n’a exposé seul,
les embarras que procure l’organisation d’une
exposition lui semblaient disproportionnés avec
le désir qu’il avait de montrer ses tableaux.
Cette exposition-ci est la première où ses œuvres
sont réunies. Pour la première fois l’on peut se rendre
compte de son art, quoique nous n’ayons malheureusement pas pu obtenir certaines œuvres intéressantes appartenant à des particuliers.
Chaque fois qu’il a montré ses peintures, elles
intéressèrent beaucoup ceux qui comprennent l’art
de peindre. Leur charme spécial séduisit un groupe
de personnes au goût subtil et même certains
critiques d’art les comprirent, les aimèrent, en
parlèrent dans les journaux. Dans les journaux,
pourtant, son nom n’a pas beaucoup traîné. Il
s’occupait peu de ça, il ne faisait vraiment rien
pour ça, au contraire. En effet, aimer les grandes
époques, ne tenir aucun compte de la mode, vivre
Porte de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905,
de longues années dans la solitude, c’est un bien
fusain et pastel sur papier, 62 × 49 cm. Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-460. [95]
mauvais moyen pour arriver, rapidement, à la
notoriété.
Et puis l’amour propre de Le Brun était énorme.
Il était sûr de sa valeur. Il aurait comme un autre accepté le succès : mais s’abaisser, pour
l’obtenir il n’aurait pas pu. Il ne s’occupait pas de ça d’ailleurs, je l’ai déjà dit, il s’agissait pour lui de peindre le mieux qu’il pouvait. Le reste était sans importance.
N’était-ce pas ainsi que Leys, de Brackeleer, De Groux et tous les autres qu’il a tant
admirés, ont travaillé ? D’entre eux, plusieurs, de leur vivant, ne furent pas plus connus
du bourgeois que lui…
Il avait la tête pleine de projets de tableaux, il en avait en train ; bien portant, tranquille, il y travaillait, toujours optimiste, quand la guerre éclata. Il abandonne tout. Il
court mettre sa santé, son énergie, au service du pays.
Carabinier volontaire, il a été tué aux premières lignes, à Stuijvekenskerque, le
26 octobre 1914.
Il avait 41 ans, il était parti sans calcul ni hésitation, plein d’enthousiasme. Tout le temps
de sa courte campagne il s’est conduit comme un jeune brave. Jeune brave, oui, jeune ;
5. Mars 1904, Verviers, salle de la Société
des beaux-arts avec Mlle Bertha Centner et
M. Pirenne ; mars 1905, Liège, boulevard de
la Sauvenière avec M. Pirenne ; décembre 1911,
Bruxelles, salle Studio avec P. Delcour, Ph.
26 | georges le brun
Derchain, A. Donnay, M. Pirenne ; décembre 1912,
Bruxelles, salle Studio avec P. Delcour,
Ph. Derchain, A. Donnay, M. Pirenne ; mai 1913,
Liège, rue des Chiroux avec A. Chainaye, F. Colley,
P. Delcour, Ph. Derchain, M. Pirenne.
La Croix, Xhoffraix, 1913, fusain et mine de plomb sur papier,
46 × 60,5 cm. Coll. A. Doms. [128]
à son âge, il n’avait rien perdu dans les hasards de la vie, de la foi, de l’exaltation, du joyeux
courage, des mépris, du gaillard de 17 ans qui voulut, mordicus, se faire peintre.
Le quadragénaire était resté digne du jeune homme ; il avait jusqu’au bout vécu
son idéal.
Selon cet idéal il a fini héroïquement sa vie ; et il aura trouvé çà [sic] bien. Mais
nous, regretterons-nous jamais assez une telle vie fauchée dans sa vigueur ?
Mais son œuvre hautaine reste, et son exemple.
note
En novembre 1914 un avis officiel du gouvernement belge, annonçait à Mme Le Brun que son mari avait été
blessé. Sur cette sorte d’avis imprimé le commandant de Georges Le Brun avait écrit à la plume : « C’est un
brave, il a été blessé à cause de son excès de courage. » Quelques temps après Madame Le Brun recevait une
lettre de ce commandant qui donnait des détails aggravant la nouvelle. On se trouvait à Stuijvekenskerke, en
première ligne ; un message important devait être porté à l’arrière, mission périlleuse. Le Brun se présenta. Il
partit, la mission fut remplie ; mais frappé au retour sans doute, le brave ne revint pas. Jamais on ne l’a revu.
Pendant toute la guerre des nouvelles contradictoires entretinrent l’espérance ; mais après l’armistice il a
fallu accepter la certitude de sa mort héroïque.
georges le brun (1873-1914). sa vie de peintre | 27
À PROPOS DE
GEORGES LE BRUN
Homme balayant, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier, 58 × 58 cm. Bruxelles, coll. privée. [36]
28
Denis Laoureux
Georges Le Brun
ou les louanges du quotidien
Cette contribution a pour objectif premier de proposer une vision monographique de la
carrière artistique de Georges Le Brun sur la base de l’établissement aussi complet que
possible du corpus d’œuvres, des dessins préparatoires aux tableaux, et de la documentation écrite qui accompagne ces derniers. On trouvera dans la dernière partie du présent
ouvrage une vision de l’ensemble des pièces connues produites par Le Brun.
Une seconde ambition a aussi orienté la rédaction de ces pages : situer le parcours de
Le Brun dans la sociologie du symbolisme. Doit-on considérer que notre homme a entrepris naïvement de devenir le « peintre de la Fagne1 », ou peut-on déceler sous l’esthétique de ses tableaux une logique qui s’apparente à un positionnement dans le champ
artistique belge ? On peut dire à cet égard que les cadres conceptuels mobilisés par les
commentateurs de Le Brun et de ses contemporains ont contribué à livrer de l’artiste
une image qui nous semble devoir être nuancée sur deux points.
On doit se demander si la dimension vernaculaire présente dans les tableaux de Le Brun
suffit à ériger ce dernier en chef de file d’une « école de Verviers ». L’existence de celle-ci
est-elle une projection de la critique ou une réalité factuelle ? Autrement dit, Le Brun a-t-il
vraiment été un peintre de la Fagne à la tête d’une « école verviétoise » de peinture ?
On doit aussi se demander si le portrait de Le Brun en peintre retranché dans la
Wallonie profonde correspond à la réalité d’un artiste coupé de toute sociabilité.
Autrement dit, Le Brun est-il un naïf imagier du folklore wallon et du paysage ardennais
ou sommes-nous devant un peintre ayant un projet esthétique qui suppose un positionnement dans la géopolitique culturelle de la Belgique fin-de-siècle ?
Un peintre de la Fagne à l’« école de Verviers » ?
La psychologie des peuples chère au xixe siècle a considéré que l’art était le fruit du
milieu naturel dans lequel il est produit et que, dès lors, des liens infrangibles se tissaient
entre esthétique et géographie, entre art et race. Le Brun, né à Verviers, ayant séjourné
1. Émile Desprechins, Georges Le Brun.
Peintre de la Fagne, Bruxelles, Van Oest, 1925.
L’homme qui passe, Xhoffraix, vers 1900-1903,
fusain sur papier vergé, 47 × 62 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-453. [60]
Vue de la Fagne, Xhoffraix, n.d., aquarelle sur papier, 38 × 55 cm.
Localisation inconnue. [140]
Vue de Fagne, s.l.n.d., aquarelle sur papier, 34,5 x 44 cm.
Coll. privée. [152]
entre 1894 et 1903 dans divers hameaux situés sur les hauts plateaux ardennais serait
le « peintre de la Fagne ». Quel sens donner à cette formule ?
Elle désigne un premier ensemble de tableaux : les vues panoramiques, aériennes,
du plateau des Hautes Fagnes où la nature semble se dissoudre dans l’atmosphère pour
former une image cosmique confrontant le spectateur à sa propre finitude. Ces plaines
désertes, marécageuses, battues par les vents, répondent à l’image que l’on a pu se faire
d’une sorte de paysage des premiers âges. Un paysage d’allure primitive donc, qui,
selon Émile Desprechins, « n’opère que sur les grandes âmes2 ».
Parallèlement à ces paysages, Le Brun a représenté des scènes montrant des êtres
humbles dans le déploiement de gestes quotidiens liés tantôt au travail de la terre, tantôt
aux tâches domestiques de la vie paysanne. Dans certains tableaux, la présence humaine
est anecdotique. Dans ce cas, c’est le dialogue entre une figure réduite à une silhouette
et l’intérieur de la maison qui se trouve être le centre de la représentation.
Ce sont là les deux facettes du travail de Le Brun en tant que « peintre de la Fagne »
auxquelles les commentateurs ont par ailleurs associé des qualités plastiques propres :
la dilution du réel dans les nuances chromatiques de l’atmosphère pour les paysages et
l’extrême précision dans le dessin pour les scènes d’intérieur.
Autour de ces principes aurait pris corps une prétendue « école de Verviers » dont
Le Brun aurait été le chef de file. C’est au conservateur du musée des Beaux-Arts de
Liège, Jules Bosmant, que l’on doit cette appellation reprise par d’autres auteurs3. Cette
formule doit être resituée dans son contexte idéologique pour être justement comprise.
Pour le dire vite, le propos de Bosmant est une sorte de réaction à l’assimilation de l’art
belge à l’art flamand comme étiquette commode pour situer les productions nationales
dans une « âme du Nord » distincte du modèle français. Cette équation entre l’art produit
en Belgique et une étiquette flamande est une vieille lune qui remonte à la création de
la nation et traverse le xixe siècle jusqu’à la somme de Jules du Jardin sur L’Art flamand
en 1896. Dans son essai de 1906 sur L’École belge de peinture, Camille Lemonnier a repris
2. Ibid., p. 12.
3. Jules Bosmant, La Peinture et la sculpture au
pays de Liège de 1793 à nos jours, Liège, Mawet,
1930, p. 289-293. Sur la notion d’« école verviétoise »
32 | georges le brun
de peinture et sa fortune critique, on se reportera
avec profit à la contribution de Jean-Marie
Klinkenberg dans le présent ouvrage.
cette vision à laquelle l’historien de l’art Fierens-Gevaert
donnera une forme universitaire à la fin des années 19204.
À cela s’ajoute le fait que le symbolisme belge s’est largement tourné vers le préraphaélisme anglais, l’idéalisme
allemand et la littérature française. Le symbolisme apparaît ainsi, dans le contexte idéologique des années 1920
dont on sait qu’il fut marqué par un patriotisme nourri par
l’épreuve de la Première Guerre mondiale, comme une
esthétique infléchie par des courants venant de l’étranger.
La dimension nationale de ce mouvement résiderait alors
dans son caractère flamand, ce à quoi Bosmant ne peut se
résoudre. Son volume sur l’art au pays de Liège devait sortir la dernière phase du symbolisme d’une assimilation à
l’art flamand. C’est à cette démonstration que sert l’invention de l’« école de Verviers ». Du moins à son origine.
Il n’est évidemment pas question ici de nier l’importance que le monde des Hautes Fagnes a eue pour Le Brun.
Loin de là. Disons-le sans ambages : ses tableaux sont
enracinés dans l’Eiffel. Nous y reviendrons. Il n’empêche
que les faits contredisent l’idée d’une « école ». Une « école »
suppose un groupe structuré autour d’une figure dominante, charismatique, et fondé sur des paradigmes visuels
spécifiques repris par une phalange d’épigones qui s’y
reconnaissent. Le Brun n’a rien d’un chef de file et ne se
pense pas comme le centre d’une structure. Il se garde de
toute posture « manifestaire ». Ses écrits relèvent plus de
l’érudition et du compte rendu que du positionnement
théorique. Les cinq expositions collectives auxquelles il
contribue entre 1904 et 1913 avec des confrères changeant
en fonction des événements – citons Maurice Pirenne,
Auguste Donnay, Philippe Derchain et Pierre Delcour –
donnent certes à penser qu’une mouvance a existé, mais
certainement pas un groupe organisé en école.
Vieux en sarrau, Xhoffraix, vers 1895,
aquarelle sur papier, dimensions
et localisation inconnues. [34]
Un artiste isolé dans la Fagne ?
Venons-en à la seconde nuance. Pour s’inscrire en tant que
discipline dans le champ des sciences humaines à la fin du
xixe siècle, l’histoire de l’art s’est donné des outils de lecture
de l’œuvre d’art : le style, l’iconographie et la technique.
4. Il est possible que Bosmant, conservateur
du musée des Beaux-Arts de Liège et donc
gestionnaire d’un patrimoine wallon, ait été en
concurrence au sein du même champ scientifique
avec Fierens-Gevaert, titulaire en 1926 de la chaire
d’histoire de l’art de l’Université de Liège,
et donc plus orienté, à ce stade de sa carrière,
Tête de femme au bonnet, s.l.n.d.,
fusain et crayon sur papier, 59 × 44 cm.
Coll. A. Doms. [154]
vers un discours historique indépendant de toute
exigence muséale de valorisation patrimoniale.
La somme que donne Bosmant en 1930 serait,
vu comme cela, une réplique muséale aux thèses
universitaires sur la peinture flamande soutenues
par Fierens-Gevaert dans les volumes qu’il publie
en 1929.
georges le brun ou les louanges du quotidien | 33
La Faux, Lierneux, juillet 1912, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier, 39 × 62 cm. Paris, coll. privée. [125]
Ces concepts expliquent l’art au départ de l’art lui-même et non au départ d’un point de
vue externe. Il a fallu attendre l’émergence d’une histoire sociale de l’art pour que les
œuvres étudiées se voient inscrites dans les logiques sociales et institutionnelles de leur
temps : les regroupements tactiques, les alliances stratégiques, les expositions publiques
et privées, les relations avec les acteurs décisionnels, les positions théoriques véhiculées
par le discours, le développement du marché et la fixation des prix de vente sont des
éléments dont la sociologie de l’art a montré toute l’importance pour une vision de la
réalité de la vie artistique sans doute moins romantique, mais plus exacte.
Le Brun n’y échappe pas. Ce qui se joue ici, c’est bien le rapport complexe entre
l’individu en tant que créateur solitaire et le groupe comme facteur de sociabilisation, et
donc de visibilité de la création artistique. Ce rapport entre individualité et collectivité,
Le Brun le négocie de manière particulière. Trois traits peuvent être identifiés pour
éclairer la manière avec laquelle il s’inscrit dans le monde de l’art.
i. le premier trait concerne le positionnement de Le Brun dans le champ artistique, c’est-à-dire l’image qu’il donne de son travail, ce qu’il décide de montrer et dans
quel cadre. On est enclin à penser que le retrait de l’artiste dans un hameau du bout du
monde, dont il ne cesse de dessiner les intérieurs avec méticulosité, son goût pour l’allure
singulière des hauts plateaux ardennais constituent, en eux-mêmes, les ingrédients
d’un positionnement artistique. Ce positionnement tire sa logique de sa marginalité que
Le Brun assume et même revendique à travers la mise en scène presque stéréotypée,
maniaque oserait-on dire, en tout cas très savamment construite, de signes issus du
monde ardennais. Tel est le mode sur lequel Le Brun fait son entrée dans le monde de
l’art en 1899. Il expose pour la première fois au Salon des Beaux-Arts de Gand en 1899
et, la même année, à La Libre Esthétique5. Les pièces envoyées sont précisément celles
34 | georges le brun
qui théâtralisent la vie quotidienne dans la zone rurale reculée où Le Brun vit. On est ici
assez proche de la posture adoptée à peu près au même moment par Elskamp lorsque
celui-ci envisagea sa production graphique comme une relecture de l’iconographie
populaire anversoise6. En 1903, Le Brun envoie deux pièces à La Libre Esthétique et il
participe au Salon triennal qui a lieu cette année-là à Bruxelles. Il exposera bien évidemment
à Verviers, en 1901 et 1904, mais il était manifestement évident pour lui que sa ville natale
ne pouvait offrir aucune reconnaissance crédible à l’art indépendant qu’il pratiquait.
En effet, la bourgeoisie de Verviers n’a pas accompagné ses succès économiques – l’industrie lainière y fut florissante – par une dynamique culturelle tournée vers l’art moderne.
Liège ? Certes, Le Brun participe à des expositions collectives qui y sont montées (en 1905,
1912, 1913 et 1914) avec Donnay, Pirenne, Delcour et Derchain. Mais les pièces qu’il envoie
correspondent non pas à celles de son séjour dans les Fagnes, mais bien aux dessins qu’il
a consacrés à sa vie familiale dans la ville de Theux où il s’est installé avec son épouse
en 1904, et où il a vécu jusqu’à sa mort avec ses deux enfants nés en 1905 et 1907. Bref, notre
homme a une vision précise de la géopolitique culturelle interne à la Belgique. Il sait ce
qui à ce moment constitue encore des instances de reconnaissance, à savoir le Salon
triennal et le cercle bruxellois d’Octave Maus. Constantin Meunier, dans une tout autre
proportion, avait déjà adopté la même stratégie consistant à être présent sur ces deux
fronts en même temps7. Le Brun évitera le Cercle artistique et littéraire de Bruxelles,
sans doute en raison de l’affaire Pirenne de 19058.
ii. le brun appartient à l’élite sociale d’une ville bourgeoise de province où il naquit
en 1873. En 1893, il s’inscrit à la faculté des sciences de l’Université libre de Bruxelles. Il
arrête ses études de médecine un an plus tard pour se consacrer à l’art dans une
optique résolument anticommerciale et sans avoir reçu de formation académique poussée.
C’est à ce moment qu’il s’installe loin de tout, à Xhoffraix. Ce rejet de l’institution universitaire au profit de l’art, de Bruxelles au profit d’un hameau, de la ville industrielle au
profit du monde paysan est une prise de distance à l’égard d’un état social bourgeois,
philistin, constituant du point de vue d’un esthète comme Le Brun une forme de dévalorisation. C’est là une posture typique de la sociologie du symbolisme. Se retirer dans la
campagne, se mettre en marge est en effet une attitude qui correspond au discours antibourgeois qui caractérise très souvent le positionnement des artistes et des écrivains
actifs dans le champ du symbolisme9. Ceux-ci voient dans leur activité le signe d’une
élévation morale constituant une forme de noblesse qui ne passe ni par la robe ni par le sang,
mais par la hauteur d’esprit. Le Brun dispose manifestement d’un maillage relationnel
5. À Gand en 1899, Le Brun expose Le Caban
[repr. p. 108]. Cette pièce figure la même année aux
cimaises de La Libre Esthétique avec L’Heure
silencieuse et Le Jardinier de novembre. En 1893,
Le Brun avait fait une première tentative en
soumettant, sans succès, son Port de Bruxelles, le
soir [repr. p. 90] au jury de sélection.
6. On pense au volume L’Alphabet de Notre-Dame
la Vierge (1901) et aux images des Sept Notre-Dame
des plus beaux métiers tirées entre 1903 et 1905,
puis exposées en 1908 au Salon des Violons d’Ingres
organisé à Bruxelles.
7. Denis Laoureux, « Constantin Meunier et l’art
d’être vu : usages de l’exposition », in Constantin
Meunier 1831-1905, cat. exp., Bruxelles, musées
royaux des Beaux-Arts de Belgique, 20 septembre
2014-11 janvier 2015, Bruxelles, musées royaux des
Beaux-Arts de Belgique / Lannoo, 2014, p. 119-157.
8. Une exposition Pirenne prévue au Cercle
artistique et littéraire a été annulée. L’artiste fut
averti la veille de la date du vernissage. Après coup,
finalement, des tableaux ont tout de même été
exposés, mais sans que Pirenne en soit averti.
La manœuvre a choqué l’artiste. Par amitié,
Le Brun en a fait un billet d’humeur qu’il a publié
dans L’Art moderne le 31 décembre 1905.
9. C’est là l’objet de l’essai de Nathalie Heinich,
L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime
démocratique, Paris, Gallimard, 2005.
georges le brun ou les louanges du quotidien | 35
Sur les remparts de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, septembre 1904,
fusain et pastel sur papier, 24 × 38 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-429. [92]
qui lui ouvre les portes de La Libre Esthétique et le conduit à la revue L’Art moderne.
Il est remarquable que la carrière artistique de Le Brun commence à Gand et à Bruxelles,
et non à Verviers ni à Liège.
iii. le troisième trait, celui de l’autonomie économique de Le Brun, est plus difficile
à démêler et invite à la prudence. Certes, Le Brun a travaillé dans une usine de galvanoplastie en Allemagne en 1904, à Limburg an der Lahn, mais c’est à peu près tout ce qu’on
sait de sa vie professionnelle non artistique. Il semble avoir disposé de moyens matériels
aisés. On éprouve des difficultés à imaginer ce jeune homme quitter l’Université libre de
Bruxelles pour se lancer en 1894 comme ouvrier agricole dans le hameau de Xhoffraix,
où il s’installe en bourgeois parfaitement inconnu. L’essentiel de son activité sur place a
été la création artistique. Le Brun a pu vivre par et pour son art sans avoir à s’intégrer
au système marchand-critique qui régule un marché dans lequel il n’a visiblement jamais
eu l’intention de s’inscrire.
Ces trois facteurs permettent de comprendre le positionnement assez singulier que
Le Brun adopte dans le champ artistique belge : envoyer dans des lieux à caractère légitimant
des pièces conçues à dessein comme la mise en scène d’une identité vernaculaire forte et
cela, paradoxalement, sans souci de professionnalisation, c’est-à-dire sans attendre de
reconnaissance venant de la critique, ni tenter de se faire une place dans le marché de l’art.
De Bruxelles à Xhoffraix
En 1893, Le Brun se voit refuser l’accès au Salon de Bruxelles où il avait envoyé le Port
de Bruxelles, le soir [repr. p. 90]. Peu après ce refus, il commence des études de médecine.
L’année suivante, il quitte la capitale pour un hameau ardennais situé loin de tout. Son
but ? Être peintre. Il est quasiment autodidacte. Tout au plus a-t-il reçu quelques conseils
36 | georges le brun
du peintre Constant Simon lorsqu’il était à l’Athénée de Verviers. Sans doute est-ce pour
cette raison qu’il tente un retour sur Bruxelles en 1895. Il s’inscrit alors à l’Académie des
beaux-arts, qu’il quitte après quelques jours à peine pour revenir dans la Haute Ardenne
où il restera jusqu’en 1903. Tout indique que Le Brun, à l’instar de Degouve de
Nuncques, voit sa formation comme le développement personnel des aptitudes qu’il se
reconnaît : don du ciel, goût de la solitude, culture du raffinement, élévation spirituelle,
personnalité singulière.
Le Brun n’est pas le seul artiste à effectuer un mouvement de reflux vers la campagne.
Léon Frédéric s’installe à Nafraiture, Auguste Donnay vit à Méry-sur-Ourthe. Les séjours
de Fernand Khnopff à Fosset participent d’un même esprit : le peintre revient sans cesse
sur le même lieu, non pour isoler l’instant à travers une méthode sérielle comparable à celle
de Claude Monet, mais bien pour saisir la part immuable de la nature. Cette dynamique
de retour à la nature touche aussi la campagne gantoise qui voit le village de LaethemSaint-Martin accueillir une colonie d’artistes parmi lesquels se trouve George Minne.
Dans le cas de Le Brun, le choix d’une région aussi reculée que les Hautes Fagnes
semble être une réaction à ses origines verviétoises. Rappelons que Verviers est une ville
qui a connu un développement important au xixe siècle grâce à l’industrie de la laine.
Comme tous les sites industriels belges, cette ville traverse une crise économique dans
les années 1880 ; une crise qui entraîne un climat de tension sociale face auquel Le Brun,
fils d’ingénieur industriel, a pu éprouver des difficultés. Son installation à Xhoffraix
correspondrait en cela – ses tableaux le montrant à foison – à une volonté de retrouver
l’authenticité d’une société ramenée à des gestes essentiels, premiers, immuables, qui
rendent l’homme complice de la terre.
Au vu du profil social de Le Brun, se retirer dans la campagne pour devenir artiste
est loin d’être un acte innocent. C’est une opposition. Une double opposition, à vrai dire,
qui donne au parcours de Le Brun une part de sa modernité, car être moderne dans la
fin-de-siècle, c’est être en opposition. D’une part, le retrait de Le Brun à la campagne est
une résistance sociale : il s’agit de trouver autre chose que le monde industriel qu’il
connaît par ses origines familiales en magnifiant l’ordre de la ruralité, en sanctifiant les
gestes paysans. D’autre part, c’est aussi une résistance esthétique : il s’agit de prendre du
recul par rapport à un symbolisme jugé trop littéraire, trop pesant, et face à un impressionnisme conventionnel, en magnifiant le paysage comme s’il recelait une part de sacré.
Des poèmes rustiques
Le Brun s’installe dans le hameau de Xhoffraix en mars 1894. Il reste dans cette région
jusqu’en décembre 1903. En réalité, il n’y demeure pas de manière permanente. Il revient
régulièrement dans la maison familiale de Verviers. Si l’on en croit les notes figurant
dans ses agendas, le moins qu’on puisse dire, c’est que Le Brun quitte régulièrement
la campagne de Xhoffraix10. Ses années passées dans les Fagnes relèvent tantôt de
l’immersion ponctuelle, tantôt de la retraite prolongée, mais certainement pas du séjour
permanent.
À partir de janvier 1895, Le Brun passe quelques mois à Bruxelles et s’inscrit dans
la classe de Portaels avant de laisser cet enseignement académique pour revenir à Xhoffraix.
10. Ces notes ont été publiées dans Maurice
Pirenne, Georges Le Brun 1873-1914. Sa vie
de peintre, Verviers, Société des beaux-arts, 1920,
p. 28-29.
georges le brun ou les louanges du quotidien | 37
En 1897, il voyage durant un mois en Hollande.
Le Brun passe l’année 1898 à Bruxelles et
ne rentre qu’en mars 1899 à Xhoffraix. Ses
contacts avec Maus datent sans doute de ce
moment. À partir de mars 1899, une année
s’écoule dans la campagne ardennaise avant
que Le Brun ne reparte pour l’Italie du 15 mars
au 1er juin 1900. À son retour, il passe quelques
semaines à Xhoffraix, puis s’installe dans le
pays de Herve, à Thimister, où il ne reste que
deux mois. C’est alors à nouveau à Bruxelles
qu’il retourne, d’octobre 1900 à mars 1901.
Il revient ensuite à Thimister, puis repart à
Xhoffraix, revient à nouveau dans le pays de
Herve pour repartir dans les Fagnes, cette fois
dans le hameau de Longfaye. Nous sommes
alors en juillet 1902. Une bonne année passe
et, en décembre 1903, il part vivre deux mois
à Paris. Son tableau Une vue de Notre-Dame
[repr. p. 20] date de cette époque. Il revient six
mois, sans doute à Verviers, puis part pour
l’Allemagne en août 1904. Quelques semaines
plus tard, c’est le retour au pays : le mariage
de Georges Le Brun et Nathalie de Roissart
est célébré à Bruxelles le 1er octobre 1904. Le
couple s’installe au pied des Hautes Fagnes,
L’enfant qui met ses souliers, Xhoffraix, vers 1903,
à Theux, dans une maison du xviie siècle où
fusain et crayon sur papier, 62 × 49 cm. Bruges, coll. privée. [86]
Le Brun restera jusqu’à sa mort.
Durant cette époque, donc entre mars 1894
et décembre 1903, Le Brun a consacré son travail artistique au monde rural. Ce qu’il a
d’abord cherché à montrer, ce sont les gestes paysans à travers lesquels se révèle une
authenticité existentielle que la vie moderne délite ou rend impossible. C’est à ce moment-là
que Le Brun multiplie les portraits réalistes des paysans qu’il côtoie et les scènes
d’animaux travaillant au champ. Pirenne a signalé que la pièce la plus significative de
cet aspect du travail de Le Brun est le tableau L’Automne à Xhoffraix [repr. p. 14] peint au
pastel en 1899. Il s’agit d’un triptyque déployé sur les temps forts de la vie paysanne
en Ardenne. Le panneau central, aujourd’hui perdu, mais dont on conserve une photographie, montre une scène de labour où des paysans creusent des sillons à l’aide d’une
charrue tirée par des bœufs. Le volet de gauche met en scène un paysan debout, prenant
appui sur le manche de la fourche qu’il utilise pour la récolte de pommes de terre. Enfin,
le panneau de droite montre un berger, vu de dos, faisant paître ses moutons dans une
prairie bordant un champ. La composition du triptyque est équilibrée. Deux personnages
debout, en attente, occupant l’essentiel du panneau, encadrent une vue centrale montrant
un paysage ouvert comme une étendue déployée à l’infini et dans laquelle l’homme agit :
le paysan est paysage puisqu’il est nature. On comprend que Pirenne ait vu dans ce
tableau « un grand poème rustique11 ».
11. Ibid., p. 12.
38 | georges le brun
Intérieur de ferme, Xhoffraix, 1903, fusain et crayon sur papier, 25 × 35 cm.
Coll. Famille Crismer. [75]
Le tragique quotidien de la paysannerie
Au travail agricole répondent les gestes immémoriaux effectués dans l’enceinte de la
maison. Une femme filant la laine, un homme occupé à peler des pommes de terre,
Le Bénédicité, un enfant laçant ses bottillons sont des exemples représentatifs des thèmes
qui intéressent aussi Le Brun. Ces scènes ont pour point commun de fixer un moment où
le temps se suspend dans l’intériorité de la maison. Les commentateurs ont vu là la
dimension intimiste de l’œuvre de Le Brun, qui serait par ailleurs la marque même de
l’« école verviétoise » de peinture. Cet intérêt de l’artiste pour les vues plongeant le spectateur dans l’intimité des fermes ardennaises s’inscrit dans une logique esthétique qui
croise le symbolisme littéraire et la réception fin-de-siècle de l’art ancien.
Mais, autour de 1900, la représentation de scènes d’intérieur connaît une évolution.
Le Brun évacue progressivement la référence aux métiers. Il réduit peu à peu la figure
humaine au simple signe d’une présence. La personne sera désormais vue de dos, passant
furtivement, repliée sur elle-même, ou encore assise au terme d’une enfilade de pièces.
L’Homme qui passe (vers 1900) [repr. p. 30] et L’enfant qui met ses souliers (vers 1903) [repr. ci-contre]
sont des exemples de cette évolution. Alors que la figure se voit réduite, les lieux se
vident, ou plus exactement, ils se dépouillent pour se remplir d’une présence invisible.
Celle-ci prend corps dans le velouté des ombres et dans un rai de « lumière qui fuse ».
georges le brun ou les louanges du quotidien | 39
Deux horizons de référence nous semblent
être à l’origine de cette orientation prise par
Le Brun.
D’une part, il faut noter qu’un double
héritage pictural refait surface dans le symbolisme belge. On se réclame d’une tradition
enracinée dans le xve siècle flamand et, chose
moins connue, mais fondée, on se reconnaît
dans le xviie siècle hollandais. Le profil social
de Le Brun joue ici son rôle dans la sociologie
du symbolisme. Tout indique qu’il est un
homme érudit, qui a voyagé et a vu les œuvres
d’art ancien in situ. Le voyage qu’il a entrepris
en 1897 en Hollande lui a permis d’approfondir ses connaissances relatives à la peinture
hollandaise du xviie siècle. Un témoignage
révélateur : une anecdote relatée par Jeanne
Le Brun au sujet de la rencontre fortuite de
son père avec l’historien de l’art Paul FierensGevaert, dans un musée, devant un tableau
attribué à Memling, mais que Le Brun voyait
plutôt comme étant de la main de Rogier
Van der Weyden. Le principe de signification cachée et l’obsession du détail dans le
symbolisme trouvent un modèle dans la peinture flamande du xve siècle. La peinture
La Cuisine, Theux (maison Le Brun), 1908,
hollandaise
du xviie siècle a également marhuile sur toile, 50 × 40 cm. Paris, coll. privée. [119]
qué les esprits. L’œuvre de Pieter de Hooch,
par exemple, fut perçue comme l’expression
picturale de la culture de l’intimité inscrite au cœur du quotidien. Alfred Michiels,
Hippolyte Taine et plus tard Eugène Fromentin ont contribué à diffuser cette vision de ce
patrimoine pictural, où la vie quotidienne d’êtres anonymes se substitue à la grandeur
héroïque de personnes illustres12. On voit le lien avec Le Brun. Une femme buvant du lait,
un être assis dans un rai de lumière ou à la sortie d’une enfilade de pièces, un homme
balayant les dalles en pierre devant l’âtre de sa maison ou passant simplement dans l’embrasure d’une porte, sont autant de louanges du quotidien qui lient Le Brun au phénomène fin-de-siècle de réception de l’âge d’or de la peinture hollandaise.
D’autre part, on doit faire allusion à un aspect du symbolisme des années 1890 caractérisées par ce que, dans son recueil de 1896, Georges Rodenbach appelle les « vies encloses »
pour désigner un mouvement d’introspection intérieure typique des préoccupations du
symbolisme littéraire et visuel. Encore qu’il n’y ait pas, chez Le Brun, ce sentiment de
12. Michiels publie en 1865 une monumentale
Histoire de la peinture flamande depuis ses origines
jusqu’en 1864 et Taine sa Philosophie de l’art dans
les anciens Pays-Bas en 1869. Ces essais étaient
perçus comme des ouvrages de référence. Ils ont
40 | georges le brun
précédé le livre de Fromentin, Maîtres d’autrefois.
Belgique-Hollande de 1875. On ignore si Le Brun
possédait ces ouvrages qui figuraient en bonne
place dans les bibliothèques de la bourgeoisie
cultivée.
Le Repas de l’enfant, Theux (maison Le Brun), vers 1910,
huile sur toile, 58 × 75 cm. Coll. privée. [122]
réclusion psychique, où l’âme s’épuise à la recherche d’elle-même. Il est difficile de ne
pas évoquer ici la série de dessins reprise sous le titre « Émotion d’art : l’âme des choses »
que Xavier Mellery expose au Salon de La Libre Esthétique de 1895. Dans ces dessins
réalisés à la fin des années 1880, l’attente et le silence se conjuguent à l’immobilité et au
mystère d’un lieu domestique savamment construit, où chaque détail paraît doté d’un
arrière-plan symbolique. Le Brun séjourne à Bruxelles au moment du Salon et, au vu des
relations qu’il entretient avec Octave Maus, il est hautement probable qu’il ait vu cet
ensemble graphique. Mais le concept fin-de-siècle qui théorise le mieux le renversement
du discours iconographique où l’action héroïque d’un personnage historique cède la
place à l’immobilité d’une humanité anonyme faite de femmes, d’enfants, de vieillards
ne faisant rien ou à peu près, c’est celui de « tragique quotidien » défini par Maurice
Maeterlinck. L’idée centrale de ce concept consiste à « mettre des gens en scène dans des
circonstances ordinaires […], de façon que, par un imperceptible déplacement de l’angle
de vision habituel, apparaissent clairement leurs relations avec l’inconnu13 ».
13. « Conversation avec M. Maurice Maeterlinck »
[par Jules Huret], in Le Figaro, 17 mai 1893, cité
d’après Maurice Maeterlinck, Introduction à une
psychologie des songes (1886-1896), Bruxelles,
Archives du futur, 1985, p. 156. Maeterlinck
donnera une version aboutie du concept
de « tragique quotidien » dans son essai
Le Trésor des humbles qu’il publie en 1896.
georges le brun ou les louanges du quotidien | 41
Ces deux horizons de référence se croisent dans le « panthéisme du quotidien14 » que
Le Brun explore sans toutefois revendiquer une quelconque filiation. La célébration de
l’acte humble dans l’intérieur domestique de la peinture hollandaise du xviie siècle et la
dramaturgie immobile que développe Maeterlinck à travers le tragique quotidien constituent
un angle de vue au départ duquel on peut comprendre le projet esthétique de Le Brun
comme une volonté de faire apparaître l’inconnu dans le cadre d’un décor ordinaire où
une personne humble demeure dans le silence et l’immobilité face à une présence invisible, mais que l’on pressent. Il y a ici une sorte d’abolition du temps. Non pas un arrêt
sur instant, comme dans les premiers dessins, mais plutôt une absence de temps.
Comment Le Brun procède-t-il pour mettre en scène cette part invisible que le spectateur doit sentir présente comme si elle vibrait dans l’espace intérieur ?
Le Brun élabore ses compositions avec un nombre restreint de fragments prélevés ici
et là et agencés pour recomposer un lieu qui n’a, en fait, jamais existé. L’univers intérieur
qu’il montre est un espace mental. Un poêle à bois, un âtre, une crémaillère qui pend,
une auge en pierre devant une fenêtre, un sol fait de grandes dalles de pierre, une lampe
à pétrole, une chaise vide, un panier en osier… sont en quelque sorte des pièces de
puzzle – toujours les mêmes – que Le Brun agence inlassablement à chaque nouvelle
composition. L’artiste opère un travail de modélisation en sélectionnant des fragments
de réel triés sur le volet qu’il assemble pour reconstituer un espace forcément virtuel.
Tout se passe comme s’il s’agissait de composer un intérieur idéal, théorique, au départ
d’éclats mis ensemble pour amener le spectateur de manière suggestive à la perception de ce qui n’est pas visible.
Une architecture complexe vient structurer les compositions. Le schéma de l’enfilade
de pièces qui s’emboîtent pour aboutir à une chaise vide, ou à une femme assise dans
l’attente, est l’expression de ce goût pour les constructions savantes. Pour réaliser cellesci, comme dans Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur (1913) [repr. p. 53], Le Brun ne laisse
aucune place au hasard. Un travail préparatoire méticuleux précède la version au pastel
qui vient constituer l’aboutissement du processus. Les dessins présentent un haut niveau
de complexité, tant sur le plan du placement de chaque composant que dans le choix des
couleurs. La structure s’impose comme la condition nécessaire à la mise en place d’une
présence invisible. Ce sens de l’architecture a pour corollaire un aspect souvent souligné
par les commentateurs : l’emphase du détail dont le dessin est rendu avec une précision
presque obsessionnelle. Dans le dessin préparatoire de la Cour de ferme à Charneux
[repr. p. 54], réalisé vers 1902, chaque pavé, chaque pierre, chaque tuile est dessinée avec une
netteté qui frôle le délire visuel.
La lumière qui se diffuse dans l’espace est un élément majeur auquel Le Brun recourt
pour dématérialiser la pesanteur des êtres et des objets. Elle pénètre dans l’espace non pas
pour éclairer le lieu, mais pour envelopper les choses afin de donner au spectateur l’impression que la limite matérielle des objets se dilue dans l’intérieur. La série de dessins
relatifs à La lumière qui fuse [repr. p. 25] de 1903 est l’expression de cette spiritualisation de la
lumière. C’est là, dans la déclinaison tonale de la couleur traitée en poussière, qu’il faut
situer la musicalité des œuvres de Le Brun. Une musicalité dont témoigne un titre comme
Symphonie en bleu [repr. p. 96] qui fut exposé en 1904 à Verviers avec La lumière qui fuse.
La pratique du paysage que développe Le Brun est liée à une tradition au sein de laquelle
il s’inscrit, une fois encore, de manière plutôt singulière. Cette singularité réside dans le choix
de la région, celle des Hautes Fagnes, dont l’artiste fait son paysage de prédilection.
En effet, la sélection des aires naturelles à représenter avait été un point central dans
la naissance du paysage en tant que genre pictural au milieu du xixe siècle. Une vue
globale du corpus de tableaux peints dans la seconde moitié du xixe siècle indique qu’il
s’agit, pour les artistes, de mettre en scène ce que le pays compte comme territoires paysagers reconnus par le peuple belge comme lui étant spécifiques. La peinture de plein air
répond en cela à l’image mentale des paysages que la nation belge se fait de son cadre
naturel. Aussi, pour situer l’originalité de l’apport de Le Brun à la peinture de paysage
convient-il de se demander ce que peut être, pour un homme du xixe siècle, la « physionomie du pays15 » ? Plusieurs zones paysagères se dégagent d’une vision d’ensemble des
tableaux.
La Campine, avec son allure de zone marécageuse sauvage, est une aire naturelle
très prisée. La plupart des paysagistes du xixe siècle y ont installé leur chevalet. Avec ses
parois rocheuses verticales et ses ruines médiévales perchées sur des nids d’aigle, les
bords de la Meuse ont très vite occupé une place de choix dans l’imaginaire pictural
des paysagistes, à commencer par Félicien Rops qui suit les pas de Gustave Courbet.
14. Michel Draguet, Le Symbolisme en Belgique,
Bruxelles, Fonds Mercator, 2004-2010, p. 144.
15. La formule est de Camille Lemonnier, Histoire
des Beaux-Arts en Belgique, 1830-1887, Bruxelles,
Weissenbruch, 1887, p. 235.
42 | georges le brun
Le Bourg dans la vallée (vue de l’église de Theux), Theux, 1906,
huile sur toile, 65,5 × 86 cm. Coll. privée. [104]
Hauts plateaux, ouvertes Fagnes
georges le brun ou les louanges du quotidien | 43
La Haute Fagne, Longfaye, 1914, aquarelle et pastel sur papier, triptyque,
54 × 77 cm / 67 × 100 cm / 54 × 77 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-463. [136]
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georges le brun ou les louanges du quotidien | 45
Le littoral est un haut lieu dans la nomenclature géographique des sites propices à la
représentation des espaces naturels nationaux. On ne compte plus les peintres qui ont
cherché à saisir les embruns de la mer du Nord. Avec son allure de cathédrale verte, la
forêt de Soignes constitue aussi une aire récurrente dans les sites privilégiés par les
peintres qui font de Tervueren une sorte de Barbizon belge. À l’extrême fin du xixe siècle,
la vallée de la Lys attire plusieurs peintres qui y trouvent une source d’inspiration rustique et se fixent à Laethem-Saint-Martin.
Venons-en à l’Ardenne. On ne peut pas dire que la forêt ardennaise ait inspiré les
premiers peintres paysagistes belges. Ce territoire attire peu. Bien sûr, des peintres comme
François Lamorinière, Joseph Quinaux et Jean-Baptiste Kindermans livrent des vues de
la vallée de l’Ourthe, de la Semois et de l’Amblève. Mais cela reste exceptionnel. Parmi
les paysagistes associés à la Société libre des beaux-arts, peu de peintres se déplacent
jusque dans ces zones reculées, comme le firent brièvement Théodore t’Scharner,
Édouard Huberti et Alphonse Asselbergs qui, dans les années 1860, se tournent vers les
forêts de La Gleize, d’Houffalize et de Rahier, avant de préférer les marécages de la
Campine au nord d’Anvers. Il faut attendre les séjours de Khnopff à Fosset, ainsi que
l’installation d’Auguste Donnay dans la vallée de l’Ourthe et de Léon Frédéric sur les
versants de la Lesse pour voir cette région s’installer tout à fait dans la géographie
picturale des artistes belges. La parution des Hauts plateaux d’Ardenne de Picard en
1883 laisse entendre qu’une nouvelle aire paysagère entre dans la culture belge. Mais
finalement, aucun peintre ne s’était encore jamais installé, comme Le Brun, dans ce
territoire très particulier que forment les Fagnes de l’Eiffel.
Bien qu’elle fasse partie des Ardennes, la région des Hautes Fagnes n’a donc quasiment
aucune existence picturale avant l’arrivée de Le Brun à Xhoffraix en 1894. Le Brun
opère un choix stratégique judicieux en s’installant dans cette partie méconnue de la
Belgique. Les plaines tourbeuses de l’Eiffel font en outre penser aux marécages de la Campine :
pour l’amateur de peinture paysagiste, ses tableaux ont donc un air familier tout en étant,
de facto, originaux. Les vues de tourbières humides et de maisons retranchées derrière leurs
charmilles auront inévitablement, par leur origine géographique, une touche spécifique
au sein de la peinture de paysage. Le Brun, en somme, découvre une nature vierge,
unique, ayant des allures de steppe primitive, qui sera littéralement, pour lui, une terre
d’élection. Comme d’autres ailleurs, tel Paul Cézanne, il est l’homme d’un seul paysage
qu’il ne quitte que pour montrer les villages qui en constituent les portes d’accès : Xhoffraix,
bien entendu, mais aussi Theux, Spixhe, Hodbomont, Mont… Les étendues désertiques
du haut plateau fagnard traversent son œuvre depuis son arrivée à Xhoffraix en 1894,
jusqu’à sa mort en 1914. On peut citer, entre autres tableaux, Une fagne (fumée) (1895)
[repr. p. 82], La Grande Charmille (1903) [repr. p. 57], La Ferme de la Haase (1913) [repr. ci-contre],
La Grande Charmille. Neige (1913) [repr. p. 24] et surtout le monumental triptyque dédié
à La Haute Fagne (1914) [repr. p. 44-45].
Le lieu, qu’il s’agisse d’une ferme isolée ou d’une plaine désertique, du tronc d’un
chêne séculaire ou d’un village niché dans le creux d’un vallon, le lieu, donc, est toujours
significatif et complice. Il est le support de sensations que l’artiste se remémore dans son
atelier. Mais par quels moyens ?
Le premier élément à souligner, c’est le rôle de l’atmosphère. Le Brun se saisit moins
des aspects pittoresques du paysage qu’il ne se concentre sur la transfiguration de la
nature par les nuances de l’air. Il restitue l’atmosphère en colorant ses tableaux de tonalités
assourdies, délavées, comme si cette nature singulière, telle une enclave préservée du
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La Ferme de la Haase, s.l., 1913, aquarelle, crayon et pastel sur papier, triptyque,
39 × 25 cm / 39 × 50 cm / 39 × 25 cm. Coll. privée. [133]
monde moderne, exigeait de l’artiste qu’il atténue l’intensité de ses teintes. L’artiste réduit
sa palette au bénéfice d’infimes modulations tonales venant rendre l’atmosphère brumeuse
et silencieuse des étendues désertiques. Cela le conduit, pour certains tableaux, à développer des atmosphères monochromes. L’union d’un paysage et d’une couleur est un
aspect typique du paysage symboliste, où le bleu s’impose comme la teinte privilégiée,
comme c’est le cas avec La Ferme de la Haase.
D’autre part, cet assourdissement chromatique s’accompagne d’un effet vibratoire
dans l’application de la couleur. Le Brun dépouille le réel de son évidence en dissipant
le contour des choses pour faire de l’image l’expression d’un doute, d’un mystère. Tout
se passe comme si la nature était vidée de toute présence humaine pour faire place à une
force invisible dont l’action, aussi impalpable qu’une mélodie, s’exprime à travers la
vibration des formes. Le pastel est l’outil qui convient. Il nomme moins qu’il n’interroge, et chaque chose, en vibrant à l’unisson des bruissements atmosphériques, perd son
intégrité pour se faire le murmure d’une réalité insaisissable qui place l’individu face à
sa propre finitude.
Il faut bien voir, enfin, que cet effet vibratoire repose sur une absolue maîtrise de la
composition. Les dessins préparatoires révèlent une savante notation qui permet à Le Brun
d’organiser les sensations que lui procure la contemplation du paysage. Cette géométrie
secrète, visible seulement dans les croquis de mise en place, lui permet de rester maître du
processus. La couleur est pleinement soumise au dessin par lequel le réel s’agence dans l’image.
Ce type de représentation de la nature n’a rien d’impressionniste. Il n’y a pas d’instantané,
mais la recomposition artificielle d’un moment immuable qui n’a, en fait, jamais existé.
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Le triptyque de La Haute Fagne, exposé au Salon de Liège en 1914, est emblématique à
cet égard. La vue est une composition conçue avec des éléments épars et rassemblés dans
l’unité de l’image. La ligne d’horizon arrondie donne à l’immensité dépouillée de la Fagne
sa dimension cosmique puisqu’elle évoque la courbure de la Terre.
Peindre, pour vivre deux fois
Peindre, en somme, c’est vivre deux fois.
D’abord, il s’agit de vivre le réel. Venant de la bourgeoise de Verviers, Le Brun s’installe
dans un milieu paysan avec lequel il s’efforce d’entrer en résonance. Sans doute est-ce
pour élargir au mieux l’amplitude de cette résonance qu’il revient toujours vers ce hameau
qu’il ne cesse pourtant de quitter. Les portraits de paysans et les vues d’intérieur
témoignent de cette intimité qu’il cherche à nouer avec la texture du monde rural.
« Il faisait partie du village », écrit Pirenne16.
Ensuite, pour Le Brun, il s’agit de vivre ce qui dépasse cette texture du monde et de
le déposer à l’intérieur même du réel qu’il peint. Analysant La Haute Fagne de 1914,
Pirenne, proche de Le Brun comme on sait, a insisté sur cette seconde phase dans le
travail de son ami. Les intérieurs sont recomposés pour former un espace mental, virtuel,
construit de sorte à y insérer ce qui, dans l’humilité de la condition paysanne, survit au
temps. On mesure ici l’importance des détails, c’est-à-dire des fragments de réel prélevés
pour composer l’espace. Le Brun ne cherche pas, comme le fera Pirenne plus tard, à
montrer la charge poétique d’un objet anodin. Il voudrait plutôt agencer les objets les
plus communs dans un intérieur humble pour y inscrire de façon imperceptible ce qu’il
y a d’éternel dans l’instant, pour y loger la part immuable de ce qu’il a vu, comme s’il
s’agissait de donner à voir quelque chose qui ne meurt pas. Aucune contradiction ici
entre le microcosme des vues d’intérieur et les paysages : l’espace étriqué des maisons
ardennaises appelle l’ouverture cosmique des hauts plateaux.
Ce projet esthétique fut inlassablement poursuivi, et cela sans aucun souci de reconnaissance de la part des instances légitimantes que Le Brun connaît néanmoins et qu’il
sollicite, mais dont il se détourne très vite. On pourrait dire de l’artiste qu’il illustre un
cas de figure précis dans la sociologie du symbolisme. L’homme se détourne du philistinisme bourgeois de son milieu d’origine pour voir dans l’art une activité d’initié, une
sorte de religion dans le sens où elle relie l’homme à ce qui le dépasse. On comprend dès
lors qu’il n’était disposé à aucune concession. Ni l’art nouveau ni l’impressionnisme ne
l’intéressent. Le Brun est tout à fait informé sur le monde de l’art. Comme paysagiste, il
investit un territoire inédit du point de vue des aires naturelles prisées par les peintres.
Il sait aussi où exposer son art. Mais quand il expose, c’est sans grande conviction. Les
structures culturelles de Verviers l’intéressent peu, et celles de Liège, à peine davantage.
Il rejette même l’idée d’une exposition personnelle. C’est à Pirenne que revient l’initiative de la première exposition Le Brun qui eut lieu à Verviers en mars 1920.
Le reflux dans les landes de l’Eiffel et la mise en scène de la condition paysanne de
cette région constituent une forme de sécession artistique et sociale qui inscrit Le Brun
sur la liste des êtres singuliers faisant l’originalité du symbolisme belge.
16. Maurice Pirenne, op. cit., p. 10.
Homme assis, jambes écartées, mains jointes, Xhoffraix, vers 1895,
fusain et pastel sur papier, 56,5 × 40,5 cm. Coll. A. Doms. [23]
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Leïla Jarbouai
Georges Le Brun, dessinateur
Georges Le Brun1 décide tôt de devenir artiste, et c’est par l’aquarelle qu’il apprend
à peindre : à douze ans, « il fait une aquarelle pour Mr Simon 2 », qui lui donne sa
« première leçon de dessin3 » ; il ne réalisera sa première peinture à l’huile que neuf ans
plus tard, en 1894. Beaucoup d’aquarelles de jeunesse ont été détruites par l’artiste,
perfectionniste, qui ne souhaitait pas conserver les œuvres qui ne le satisfaisaient pas.
Les médias sont rarement utilisés isolément dans l’œuvre graphique de Georges Le Brun,
qui mêle l’aquarelle au pastel et au fusain et réalise, à côté de dessins préparatoires au
crayon graphite, au crayon noir, au fusain, à l’encre et à l’aquarelle, de belles feuilles
achevées. Souvent, il adapte la technique aux sujets représentés, les paysages et les
scènes de la vie rurale étant plus fréquemment en couleurs, à l’aquarelle et au pastel,
tandis que les intérieurs et les dessins intimistes jouent de la richesse et de la profondeur
du noir, du blanc, des dégradés de gris du fusain, de la craie, du crayon noir, sans que
cette répartition soit systématique pour autant. N’ayant cessé de pratiquer le dessin,
l’artiste s’en sert de manière classique comme moyen de préparer ses peintures, dans ses
carnets, des feuilles d’études, mais aussi sur de grands dessins, où la perspective, l’échelle
et les dégradés de tons sont soigneusement calculés. Néanmoins, le dessin est aussi une
fin en soi et les œuvres graphiques achevées de Georges Le Brun ne le cèdent en rien à
ses peintures à l’huile les plus abouties. L’artiste n’établit pas de hiérarchie entre les médias,
et ses œuvres sur papier sont souvent de dimensions semblables aux tableaux et le fruit
d’un travail tout aussi lent et méticuleux.
« Poèmes rustiques »
4
Alors que la Belgique s’industrialise et que l’exode rural bat son plein, nombreux sont
les artistes à partir se ressourcer à la campagne : loin des villes modernes, ils pensent y
trouver une vie primitive apaisante, une sorte de vie atemporelle à même de nourrir leur
1. Je remercie pour leur accueil et leur aide
précieuse Brigitte et Olivier Le Brun,
petits-enfants de l’artiste, ainsi que
Valérie Minten du musée Félicien Rops
pour les images qu’elle m’a communiquées.
2. Maurice Pirenne, Georges Le Brun, 1873-1914,
Sa vie de peintre, « notes retrouvées par Monsieur
Le Brun père dans ses anciens agendas », plaquette
La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise, Longfaye, fin mai 1903,
aquarelle, crayon et pastel sur papier, 65,5 × 48 cm. Paris, coll. privée. [69]
éditée par Auguste Nicolet à l’occasion
de la rétrospective Georges Le Brun, Verviers,
Société des beaux-arts, 1920, p. 28.
3. Loc. cit.
4. Maurice Pirenne emploie l’expression « poème
rustique » pour évoquer le triptyque L’Automne
à Xhoffraix. Voir op. cit., p. 12.
Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, dessin préparatoire, 1912,
fusain et encre rouge, 48,5 × 61,5 cm. Coll. privée.
art, dans le grand courant primitiviste qui imprègne l’art moderne au tournant du siècle dans
toute l’Europe. À l’instar de ses compatriotes Léon Frédéric à Nafraiture, Anto Carte
dans le Hainaut, Auguste Donnay à Méry-sur-Ourthe, William Degouve de Nuncques dans
la campagne brabançonne et dans les Ardennes belges, Georges Le Brun, comme son ami
le peintre Maurice Pirenne, s’installe entre 1894 et 1903 dans la Haute Fagne, région
rurale de Wallonie. Originaire de Verviers, il choisit d’habiter durant sept ans à
Xhoffraix, hameau de trois cent cinquante habitants. Après une période de voyages et
des retours réguliers à Bruxelles, il réside à Thimister, Longfaye, puis de nouveau à
Xhoffraix, à Limburg an der Lahn, et enfin à Theux où il s’établit avec sa famille.
De nombreux dessins sont liés à la vie rurale de l’artiste. Un carnet de croquis conservé
par la famille5 montre à la fois la spontanéité, la vivacité, le sens de la synthèse et du
rythme, et l’humour de l’artiste. On y découvre, au graphite, au crayon noir, au fusain,
à l’encre et à la plume, des portraits, un des rares dessins de nu dans l’œuvre de l’artiste,
des dessins satiriques annotés par Georges Le Brun (« aux trois suisses », « un musée ancien »,
« gouvernante », « bourgeois », « ardennaise d’opéra comique »…) mais l’essentiel des
5. Ce carnet appartient à une collection privée parisienne.
Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, Lierneux, août 1912,
aquarelle, crayon et pastel sur papier, 63,5 × 44,5 cm. Coll. privée. [126]
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dessins sont des témoignages de la vie à la
campagne. L’artiste y esquisse paysages (étude
de nuages et de perspectives) et travailleurs :
balayeurs, paysans et paysannes au travail de
la terre caractérisés par une ligne synthétique
qui cerne les formes et souligne l’énergie du
mouvement. À la recherche de la justesse du
geste, il raye les figures qui ne lui conviennent
pas. Le trait est simplifié, le geste importe
davantage que le visage. Néanmoins, l’artiste
dessine aussi quelques trognes : des visages
très marqués comme celui d’une femme qui a
« toujours / bien… / bien mangé / bien dormi »
ou le portrait d’une vieille paysanne en sabots.
Ce portrait fait penser à ce que Georges Le Brun
écrit de l’artiste Alice Dannenberg dans L’Art
moderne en 1906 : « cette grosse femme […] n’est
point une caricature ; elle a été vue et rendue
d’un cœur ironique et joyeux6 ». Il dessine également des enfants, saisis dans leur petite
silhouette caractéristique. Les dessins comportent
des études d’animaux réalisées de manière naturaliste : cochons, vaches vus sous tous les angles.
L’artiste ne cherche pas à idéaliser mais au
contraire à être vrai, à capter par le dessin, le
détail, le point de vue le plus juste. Certains
Cour de ferme à Charneux, dessin préparatoire, vers 1902,
dessins de paysannes évoquent ceux de
encre de Chine sur papier, 30 × 23 cm. Coll. privée.
Pissarro7 : les deux artistes partagent l’esprit
de synthèse, la sûreté du trait, la recherche de
précision du geste dans la représentation du travail paysan. Maurice Pirenne raconte la
manière dont ces « notations sur le vif » étaient réalisées : « des heures durant, butant
dans les mottes, il suivait, croquant leur mouvement, les bœufs à la charrue. Ce qu’il y
a dans ces dessins, comprimés dans le simple trait qui les cerne, de vérité, de vie8 ! »
Des feuilles isolées, de plus grand format, déploient les mêmes thèmes ruraux9 :
études de bûcherons, de faucheurs, de paysans et paysannes au travail des champs,
d’éplucheurs de pommes de terre… Parmi ces études, on peut mentionner deux femmes
décharnées10 [repr. p. 58], dont l’une revient isolée dans un autre dessin, Femme au collant, à
moins qu’il ne s’agisse d’une même femme vue sous deux angles différents tant elles se
ressemblent. Quoi qu’il en soit, cette figure est assez éloignée des autres femmes du
peuple dessinées par l’artiste : loin des robustes paysannes, dont le geste est l’essentiel,
6. L’Art moderne, Bruxelles, no 10, 11 mars 1906.
7. Voir Camille Pissarro, étude pour La Causette, RF 29534,
études de paysannes accroupies, RF 30104, RF 30103 et études
pour La Cueillette des pois, RF 30100, RF 30099.
8. Maurice Pirenne, op. cit., p. 12.
9. Ces dessins sont conservés dans une collection privée parisienne.
10. Coll. privée, ainsi que Femme au collant.
Cour de ferme à Charneux ou Le Grand Châtaignier, Thimister, vers 1902,
huile sur carton, 75 × 60 cm. Coll. privée. [65]
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cette femme maigre et maladive au regard triste a quelque chose d’allégorique, à la
manière des figures de Ferdinand Hodler : son expression dépasse son individualité pour
devenir un symbole de misère. En dehors de ces deux dessins, les figures sont davantage des types et se caractérisent par leurs contours sertis et par une simplification parfois
radicale de la forme qui vise à la justesse de l’expression.
Le choix de Georges Le Brun de dessiner le peuple appelle la comparaison avec ses
compatriotes qui ont choisi les mêmes thèmes : Charles de Groux, Constantin Meunier,
Eugène Laermans. Le Brun avait rencontré ce dernier dans le cercle « La Patte de
Dindon », réunion de peintres qui travaillent à Bruxelles le soir dans les combles de la
maison des corporations situées sur la Grand-Place, et avait développé une amitié avec
lui. On conserve un témoignage de cette amitié, une phototypie du triptyque Les Émigrants
offerte à Georges Le Brun par Laermans, dédicacée « À mon ami Georges Le Brun / en
témoignage de sincère affection / Eug Laermans11 ». Comme ce dernier, Le Brun donne
« à la vie des campagnes cette monumentalité de l’espace et des formes qui souligne “la
noble grandeur et la calme simplicité12 ” d’un monde pérenne et “concentre et épure pour
ne conserver que l’expression d’une vérité aussi fruste qu’essentielle13 ” ». Mais contrairement à son ami, il ne rassemble jamais plus de deux ou trois personnages, il n’a jamais
peint de foule, et le choix de l’art graphique, de ses dimensions relativement restreintes et de son aspect généralement moins spectaculaire qu’une peinture, ne peut
avoir la même portée que de grandes toiles d’une toute autre échelle. À l’éloquence de
Laermans s’oppose le silence de Le Brun : l’artiste observe, sans élaborer de discours
social, les travailleurs en harmonie avec la terre. Il s’éloigne également de l’héroïsation du
travail tel que le montre Constantin Meunier : « s’il représente les Fagnes et ses habitants
avec tant de ferveur, ce n’est guère pour montrer la précarité de leurs conditions d’existence, mais cette démarche correspond à une volonté de retour à cette terre à laquelle il se
sent attaché corps et âme, et à la vie en communion avec la nature telle que les paysans
de ce pays la ressentent14 ». C’est l’atemporalité et la permanence de la vie rurale qui le
séduisent : « S’il a aimé Xhoffraix, c’est qu’il a trouvé là un ensemble de gens et de
choses qui, depuis des ans et des ans n’avaient pas changé. C’était les mêmes mœurs, les
mêmes habitations, les mêmes métiers, les mêmes outils, qu’il y avait des siècles. Dans
ce milieu pittoresque il vivait une vie fruste, brutale parfois, délicieusement rude, hors
de la banalité de la vie ordinaire, hors du siècle15. » En cela, l’art de Georges Le Brun
évoque davantage Millet et Pissarro qui, au-delà de leur engagement social, représentent le
rythme ancestral du travail de la terre et l’harmonie atemporelle entre paysans et nature.
Cette harmonie apparaît notamment dans La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise
(1903) [repr. p. 50]. La figure occupe presque toute la hauteur de la feuille. Du personnage,
solidement ancrée dans le sol, avec ses grands sabots et sa stature majestueuse, on ne
voit pas le visage. Sa monumentalité est accentuée par le format vertical du support
et par la simplicité de la composition. Georges Le Brun fait répondre les sillons du
champ à l’arrière-plan aux plis tubulaires de la robe. Il a laissé une description de
cette œuvre :
11. Ce document fait partie d’une collection privée
parisienne.
12. Michel Draguet, Le Symbolisme en Belgique,
Bruxelles, Fonds Mercator, 2004/2010, p. 207.
13. Ibid., p. 309.
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14. Natacha Langerman, Contribution à l’étude du
symbolisme : l’œuvre de Georges Le Brun, mémoire
d’études, Bruxelles, Université libre de Bruxelles,
faculté de philosophie et lettres, 1992, p. 14.
15. Maurice Pirenne, op. cit., p. 21.
La Grande Charmille ou Les Nuages roses, Longfaye, 1903, aquarelle, crayon
et rehauts de pastel sur papier, 47 × 61 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-4. [73]
« L’Ardennaise. Aquarelle très claire (c’est dans le pré de ma maison). Fonds
lointains vers le Grand Duché, noyés dans la brume claire et lumineuse, puis les
grandes montagnes qui ferment l’entrée de la vallée de Malmédy. Une haie d’un
vert tendre, des vaches rousses. L’herbe claire et une femme qui tricote avec une
matraque à anneaux sous le bras. Chapeau de paille terni au ruban et au barada
blancs, vêtue de gris, tablier bleu gris. J’ai dû changer son cadre pour l’envoyer
au Salon16. »
Alors que nous sommes frappés par l’art de la composition chez Georges Le Brun, il
insiste dans les descriptifs de ses œuvres sur la richesse de la couleur et contredit quelque
peu en cela son ami Maurice Pirenne qui décrit la Fagne comme un « pauvre pays pour
un amateur de couleurs17 », à la gamme restreinte de verts, bruns, blancs et « gris
grèles18 » des saisons froides.
16. Georges Le Brun [description de
La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise],
s.l.n.d., Paris, coll. privée. Le Brun a exposé
cette pièce en 1904 à la salle des Beaux-Arts
de Verviers, en compagnie de tableaux
de Maurice Pirenne.
17. Maurice Pirenne, op. cit., p. 23.
18. Loc. cit.
georges le brun, dessinateur | 57
S’il a beaucoup dessiné les habitants de la campagne, l’artiste a aussi réalisé des paysages, où les figures sont soit absentes soit minuscules. Nature et
maisons solitaires, arbres et pierres semblent se doter
alors d’une vie propre, à la manière des figures.
Georges Le Brun décrit deux de ces paysages, parlant
d’« aquarelle rehaussée de dessin », alors qu’on parle
généralement de dessin rehaussé d’aquarelle : il inverse le processus traditionnel du dessin sous-jacent
préparatoire recouvert de couleur pour mettre en valeur la couleur, consolidée par le dessin : « Crépuscule,
ma maison à Longfaye. Ciel bleu gris profond.
Maisons (chaumes et moellons fauves encore imprégnés du soleil disparu). La lune se lève à l’horizon
gris, les haies en charmilles sont rousses, à terre de la
litière les portes brun rouge avec des écaillures de la
couleur. De l’eau stagnante. Deux sapins émergent
derrière le toit. Une femme en vert et rouge terre
(avril) aquarelle rehaussée de dessin19. »
Au sujet de La Grande Charmille (1903) [repr. p. 57],
il écrit :
« Ciel bleu clair à grands nuages roses des soirs
de printemps. Très vif. Haies violacées. Forme vue
au travers, bleutée, route vert gris clair. Un enfant
Deux femmes, croquis, s.l.n.d,
au tablier rose, un pont au garde-fou noir. Verdure
fusain sur papier, 43 × 28,3 cm. Coll. privée.
encore terne de l’hiver qui finit. Au fond, deux
sapins se détachent sur la lande qui file très loin.
La charmille croit sur un mur. Aquarelle et pastel20. »
Une dentelle d’arbres se détache sur le ciel clair, toutes les matières, bois, pierre, chair,
organique et minéral semblent équivalentes, dans une même harmonie brune, blanche,
grise et verte qu’illumine la pointe de rose de l’enfant. Ce petit personnage, qui est
davantage une petite tache de couleur que l’on ne perçoit qu’après avoir bien observé le
dessin, répond musicalement au rose des nuages.
Ces descriptifs rédigés par l’artiste montrent sa passion pour la lumière, à tel point
qu’il semble rejoindre dans une certaine mesure les impressionnistes défendus dans ses
articles21 et associés à « liberté », « nature », « intuition », « indépendance » contre « tableaux »,
« routine », « école ». En effet, Le Brun, virulent détracteur de toute forme d’art académique22, donne une acception large au terme « impressionnisme » : « À mon avis, sont
impressionnistes tous les peintres qui ont regardé la nature avec religion et tendresse,
qui l’ont aimée pour sa fraîcheur, son éternelle jeunesse, son sentiment poignant de ra19. Georges Le Brun [description de Crépuscule],
s.l.n.d. Paris, coll. privée. Crépuscule est un dessin
rehaussé que Le Brun a exposé au Salon triennal
des Beaux-Arts de Bruxelles en 1903.
20. Georges Le Brun [description de La Grande
Charmille], s.l.n.d. Paris, coll. privée.
58 | georges le brun
21. Georges Le Brun, « La Libre Esthétique »,
in L’Éventail, 20 mars 1904.
22. Voyez par exemple Georges Le Brun, « Le Salon
des Beaux-Arts », in L’Art moderne, Bruxelles,
no 36, 6 septembre 1903. Sur Le Brun et le milieu
relatif à L’Art moderne, voir l’article de Noémie
Goldman dans le présent ouvrage.
dieuse indifférence ou sa grandeur sublime et sereine.
L’impressionnisme a surtout banni l’anecdote et
conservé la poésie23. » À cet égard, Georges Le Brun,
qui a toujours été associé au symbolisme, ne se rapproche-t-il pas aussi d’une certaine manière de cette acception large de l’impressionnisme ? D’après Francine-Claire
Legrand, au contraire des œuvres impressionnistes, les
paysages de Georges Le Brun se caractérisent par leur
absence de mouvement, leur dimension iconique et
leur « immanence24 ». Ses paysages, où chaque moellon
de mur de maison, chaque brin de chaume des toits,
chaque ramure d’arbre, est préparée et redessinée avec
une précision infinie25, mais aussi certains de ses portraits au crayon de paysans ridés et burinés (Buste de
paysan, Le Valet de ferme, Tête de femme au bonnet,
L’homme qui dort, Femme à la houe…), rejoignent les
« tableaux », l’art ancien, celui des primitifs flamands du
xve siècle que l’artiste admirait particulièrement. Les
portraits n’oubliant aucun sillon de la peau des visages
réalistes de Rogier van der Weyden, les détails de la nature vue par les frères Van Eyck ne sont pas loin ; la forme
synthétique de paysans de Breughel l’Ancien non plus
dans d’autres feuilles. Indépendamment des liens que l’on
peut tisser entre l’œuvre de Georges Le Brun et l’histoire
de paysan sans chapeau, Xhoffraix, vers 1895,
de l’art, ce qui frappe le plus dans ses œuvres sur papier Buste
fusain sur papier, 49,2 × 33,5 cm. Coll. privée. [20]
liées à la vie rurale est son sens du rythme, traité par la
couleur ou le dessin, que ce soit par exemple dans
Printemps à Ruy (Les Agneaux) (1913) [repr. p. 61], réalisé à l’aquarelle, fusain et pastel, où la
bergère vue de face au centre de la composition est comme un pilier de la maison traditionnelle au grand toit triangulaire, ou dans un fusain comme Menace d’orage [repr. p. 161], où la
courbure du travailleur répond à celle du feuillage de l’arbre plié par le vent.
Certains paysages solitaires et néanmoins vivants de l’artiste sont à la lisière de
l’expressionnisme, tel Le Vieux Chêne [repr. p. 69], aquarelle qui donne à voir un grand
chêne monumental, tortueux, torturé, nu, aux excroissances anthropomorphes et androgynes. Maurice Pirenne parle de « portraits d’arbres centenaires perdus dans la Fagne,
de vieilles haies tordues, de rudes chemins26 » tant les végétaux et les choses sont traités
comme les paysans dans les dessins de Le Brun : il les observe longtemps, patiemment, pour
en extraire la substantifique moelle, l’essence dépouillée de l’anecdote. Dans les paysages
sans figures, maisons et arbres sont des personnages à part entière. La composition
a été souvent précédée de dessins préparatoires qui montrent le soin tout particulier
qu’apporte Georges Le Brun à la perspective, aux proportions, et aux rapports de tons
et de couleurs mentionnés par des chiffres sur les études27. Son Champ labouré à Sancourt,
23. Georges Le Brun, « La Libre Esthétique », op. cit.
24. Francine-Claire Legrand, « La mystérieuse
simplicité de Georges Le Brun », in Georges Le Brun
1873-1914, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 12 décembre
1975 – 11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, n. p.
25. Un collectionneur conserve des dessins
préparatoires à des œuvres graphiques, où chaque
détail architectural est très précisément tracé.
26. Maurice Pirenne, op. cit., p. 13.
27. Dessins conservés en collection privée.
georges le brun, dessinateur | 59
Printemps à Ruy (Les Agneaux), dessin préparatoire, Ruy (La Gleize), 1913,
crayon et taches d’aquarelle sur papier, 48,5 × 61 cm. Coll. privée.
aquarelle de 1906 [repr. p. 79], reprend le motif de la dentelle d’arbres de La Grande Charmille
de 1903 dans une atmosphère totalement différente : les couleurs tendres sont remplacées
par un camaïeu de bruns, la petite fille par une volée de corbeaux. Avec ces paysages,
l’artiste se rapproche des symbolistes : autodidacte détracteur de l’art littéraire, il rejoint
sans le vouloir l’univers plastique de William Degouve de Nuncques, Léon Spilliaert,
Albjin Van den Abeele, Gustave Van de Woestyne, Valerius de Saedeleer, Constant
Montald… Ses paysages à la fois très nets et brumeux, solides et marécageux, baignés de
la lumière du Nord, ses rangées d’arbres non dénuées d’angoisse, ses arbres prenant vie
dans le silence de la neige, le leitmotiv des charmilles à la dentelle graphique, ses espaces
« vécus, c’est-à-dire non seulement réels, mais sentis et absorbés par le peintre au point de
faire partie de lui28 », traduisent « la solitude d’un recueillement ramené à Dieu29 ». La
terre ardennaise de Le Brun, c’est un peu sa montagne Sainte-Victoire : comme Cézanne,
l’artiste finit par s’identifier au paysage qu’il arpente et dessine inlassablement. FrancineClaire Legrand, comparant Georges Le Brun et Auguste Donnay, écrit à ce propos :
« Deux autres paysagistes ont surpris l’image la plus secrète de la terre ardennaise, l’ont
observée avec cette attention passionnée qui permet à un artiste de vivre à travers ce
qu’il voit, confondant la géographie intérieure de son corps avec la structure du paysage
qu’il contemple : Auguste Donnay et Georges Lebrun [sic]30. »
28. Francine-Claire Legrand, op. cit., n. p.
29. Michel Draguet, op. cit., p. 322.
60 | georges le brun
30. Francine-Claire Legrand, Le Symbolisme
en Belgique, Bruxelles, Laconti, coll. « Belgique –
Art du Temps », 1971, p. 202.
Printemps à Ruy (Les Agneaux), Ruy (La Gleize), 1913,
aquarelle, fusain et pastel sur papier, 54 × 76 cm. Coll. privée. [129]
Intérieurs ou le « panthéisme du quotidien »
31
Parallèlement aux paysages, Georges Le Brun dessine des intérieurs : scènes rustiques
dans des maisons traditionnelles, puis après son mariage et son installation à Theux,
intérieurs intimistes qui représentent sa maison et sa famille. Ces œuvres sont le plus
souvent au fusain et au crayon noir avec des rehauts de blanc, le dessin en noir et blanc
permettant une concentration accrue des effets de clair-obscur et une étude particulière
de la lumière diffuse. L’artiste dessine les intérieurs de maisons paysannes avec leurs
habitants silencieux, occupés dans une tâche répétitive qui mobilise des gestes ancestraux
à la limite de l’immobilité : balayer, coudre, filer, tricoter, éplucher, prier et réciter…
activités qui comme lire équivalent à « prendre le pouls du silence32 ». Les figures ne sont
ni plus ni moins vivantes que les objets autour d’elles : la vie imprègne autant les choses
que les êtres. On voit rarement les visages, complètement absorbés dans leur tâche et mis
à distance par le jeu des perspectives ; quand on les voit, les yeux sont fermés, les visages
sont des masques comme dans Le Bénédicité [repr. p. 63].
En général, les espaces ne sont pas totalement clos mais ouvrent sur l’extérieur par
le biais d’une fenêtre latérale, d’une porte ouverte à l’arrière-plan, d’un seuil auquel on
accède en traversant une enfilade d’autres seuils et donnant sur la lumière du jour. Dans
Le Bénédicité, la fenêtre occupe la moitié supérieure droite de la composition, comme
31. Michel Draguet, op. cit., p. 144.
32. Francine-Claire Legrand, « La mystérieuse
simplicité de Georges Le Brun », in Georges Le Brun
1873-1914, Bruxelles, Musée d’Ixelles,
12 décembre 1975 – 11 janvier 1976,
Bruxelles, Musée d’Ixelles, 1975, n. p.
georges le brun, dessinateur | 61
dans Homme balayant [repr. p. 28], tandis que la figure, tel un pilier, est placée au centre
géométrique de la feuille. La Femme à la baratte [repr. p. 132] fait l’objet de plusieurs œuvres
proches : au fond d’une enfilade de portes, derrière un premier plan de pavés précisément dessinés, une femme tourne un objet dont la circularité est répétée par les assiettes
décoratives au-dessus d’elle. Au moins deux compositions préparent ou accompagnent
cette œuvre, le dessin d’un espace similaire et le dessin d’un intérieur exactement identique, à l’exception près qu’il est vide de toute présence humaine. Mais l’atmosphère
générale n’en est pas pour autant beaucoup modifiée, tant chaque détail architectural,
chaque objet, vibre d’une vie propre. Certaines œuvres mettent d’ailleurs en scène les
objets eux-mêmes, l’âtre, La lumière qui fuse [repr. p. 25]… Si l’atmosphère de ces dessins a
souvent été comparée aux intérieurs domestiques des maîtres de la peinture de genre du
Siècle d’or hollandais, Pieter de Hooch, Vermeer, et à leur héritier belge du xixe siècle,
Henri de Braekeleer, elle en diffère néanmoins par l’absence de narration et la dimension
symbolique de l’espace physique, à l’image de l’espace psychique : « Il ne s’agit pas de
creuser la toile par un semblant de perspective en profondeur. Ce sont des seuils successifs avec tout ce que ce mot peut impliquer d’aventure intérieure33. »
Cette dimension intérieure et méditative des « noirs » de Georges Le Brun est menée
à son extrême dans les dessins plus intimistes réalisés dans sa maison des Ardennes, à
Theux, « belle maison ancienne » meublée « exclusivement de meubles et d’objets anciens34 »
où il s’installe avec son épouse Nathalie et vit avec ses enfants Jeanne et André. Georges
Le Brun exprime « l’âme des choses » du quotidien, à l’instar de son contemporain et
compatriote Xavier Mellery qui expose à partir de 1895 une série de dessins sous le titre
« Émotion d’art : l’âme des choses » : « Loin des fantasmagories d’Ensor, Mellery fouille
les coins de sa maison pour y déceler “la vie, l’âme des choses inanimées35”. » Ces intérieurs
présentent également des affinités avec l’univers du peintre danois Vilhelm Hammershøi,
dont le thème de prédilection était son domicile, le modèle favori son épouse, dans des
portraits d’atmosphère et non de personne (Ida est le plus souvent vue de dos), et dont
les peintures se caractérisent par la solitude, l’immobilité, le silence.
Les deux dessins de Georges Le Brun conservés par le musée d’Orsay sont exemplaires à cet égard. Le Vestibule [repr. p. 64], donné par Jeanne Le Brun au musée en 1990, est
un dessin de 1909 au fusain et crayon noir avec rehauts de craie sur papier vélin36.
L’artiste minimaliste contemporain Imi Knoebel a choisi cette œuvre dans le livre qui
accompagnait l’exposition Les Archives du rêve, où des artistes contemporains étaient
invités à commenter par un texte ou par une œuvre plastique un dessin du musée d’Orsay37.
Il l’a commentée d’une phrase laconique, à l’image du minimalisme de son œuvre :
« Je ne voudrais pas déranger la personne qui lit dans la pièce attenante. » Le dessin de
Georges Le Brun est lui aussi minimaliste et dérangeant : la majeure partie de la composition est occupée par le vestibule, personnage éponyme. Au premier plan, le spectateur se
heurte au vieux carrelage dont les fissures prennent une dimension angoissante rapportées
au double verrou qui scelle la lourde porte d’entrée bloquant toute perspective.
La « personne qui lit dans la pièce attenante », Nathalie, reconnaissable à son profil, est
reléguée à un tout petit coin de la feuille.
33. Ibid.
34. Maurice Pirenne, op. cit., p. 21-22.
35. Michel Draguet, op. cit., p. 144.
36. Musée d’Orsay, RF 42661.
37. Les Archives du rêve, dessins du musée d’Orsay,
carte blanche à Werner Spies, cat. exp., Paris, musée
d’Orsay, 26 mars-30 juin 2014, Paris, musées
d’Orsay et de l’Orangerie / Hazan, 2014 p. 366-367.
Le Bénédicité, Xhoffraix, 1899, fusain sur papier, 57 × 43 cm. Coll. A. Doms. [52]
62 | georges le brun
63
Le Vestibule, Theux (maison Le Brun), 1909,
fusain, crayon et pastel sur papier vélin, 62 × 48 cm. Paris, musée d’Orsay,
don de Jeanne Le Brun, 1990, inv. RF 42661. [120]
64
Lecture le soir, Theux (maison Le Brun), 1908,
fusain et crayon sur papier vergé, 38 × 30 cm.
Paris, musée d’Orsay, inv. RF MO AG 2014 4. [116]
65
Dans Lecture le soir38 [repr. p. 65], la lectrice occupe au contraire le centre de la composition. Cependant, on ne voit pas bien son visage, son œil est plongé dans la pénombre. Ce
dessin au fusain et crayon noir est réalisé sur papier vergé : si la texture du support
acquiert une importance accrue, du fait du grain du papier très visible, il n’est pas néanmoins la principale source de lumière, contrairement aux noirs de Seurat, où la lumière
émane du support laissé en réserve. Chez Georges Le Brun, la lumière conserve une
dimension naturaliste et provient de sources de lumière représentées : fenêtre, lampe.
Dans Lecture le soir, la lumière se diffuse à partir de la lampe à huile, petite source
lumineuse qui remplace les bougies des tableaux du xviie siècle, et elle est répartie suivant un effet de clair-obscur qui accentue les lignes du décor, met en valeur le premier
plan comme une scène de théâtre, et dissimule le personnage, ne laissant visible que son
profil. Si l’on regarde de près, on s’aperçoit qu’il n’y a pas dans le dessin une seule zone
entièrement noire ni une seule zone entièrement claire : les zones lumineuses sont parsemées de lignes noires qui suivent les vergeures du papier, lignes plus espacées, plus
discontinues et moins appuyées tandis que les zones d’ombre laissent voir la réserve du
papier. Ce traitement subtil du noir et du blanc, qui crée une sorte d’irradiation tamisée
de la lumière, permet l’émergence plutôt que le surgissement des formes. La lectrice
est en harmonie avec son environnement, comme si son être se diffusait dans l’espace,
donnant une dimension vivante aux objets et à la pièce. Ainsi, le quotidien acquiert une
dimension surréelle, voire une inquiétante étrangeté accentuée par les deux grands pans
d’ombre derrière la figure et la grande avant-scène créée par la demi-sphère lumineuse
au premier plan.
La composition des « noirs » de Georges Le Brun se caractérise par l’utilisation de
la géométrie : vestibules, fenêtres, dallages, autant d’angles droits qui se croisent et
se répondent de manière rythmique. Dans Lecture le soir, les formes circulaires
(demi-courbes de la lumière du premier plan, parallèle à la courbe de la tête, coiffure,
front, nuque, lampe…) forment un subtil contrepoint aux verticales et angles droits
du décor. L’artiste utilise moins le papier vergé pour sa blancheur que pour les lignes
verticales des pontuseaux qui soulignent les lignes de la composition : elles coïncident
avec les plis des rideaux, avec le dossier de la chaise, avec le pan de l’armoire au premier
plan à droite.
Non seulement la matière représentée mais également la matière utilisée est vivante.
Georges Le Brun utilise peu la réserve du papier (seule une page du livre est réalisée en
réserve) et préfère faire vibrer les particules de son médium : les zones claires sont aussi
parsemées de grains gris-noir qui composent tout le dessin ; l’artiste a suivi les fibres du
papier avec son crayon ; chaque parcelle de la feuille (chaque atome serait-on tenté de
dire) est travaillée avec un appui et une densité différents du trait. Contrairement aux
dessins de paysans, le contour est peu présent : la plupart des formes émergent du
contraste entre ombre et lumière, entre traits serrés et traits plus lâches, entre différences de densités. D’après Olivier Le Brun, Nathalie serait peut-être en train de lire
Épicure, l’une de ses lectures favorites. Fidèle à Épicure, Le Brun semble donner une
matérialité à l’âme, l’ensemble de la pièce prenant une valeur spirituelle à l’aide de la
matière, fusain et papier. L’atmosphère de calme et de tranquillité évoque également
l’épicurisme stricto sensu, philosophie fondée sur l’équilibre, le refus des excès.
38. Paris, musée d’Orsay, inv. RF MO AG 2014 4.
La Dame au miroir, s.l., avril 1904,
fusain et crayon sur papier, 38 × 24 cm. Paris, coll. privée. [89]
66 | georges le brun
67
Georges Le Brun admirait Maurice Denis, à qui il consacre d’élogieux articles dans
L’Art moderne39 : il partage avec lui, dans ses dessins construits et lentement élaborés,
une « esthétique sévère40 », le « refus de la spontanéité, du premier jet, fondé sur l’émotion ou l’exubérance, au profit d’un art plus riche en substance humaine, mais médité et
calculé41 ». Suivant la définition de l’art septentrional selon Verhaeren, la main ne fait
aucun mouvement qui n’ait été déterminé et contrôlé par la pensée, pensée qui transcrit
néanmoins une « vision directe des choses, l’émotion devant la réalité42 ». On l’a vu,
Georges Le Brun dépasse de loin l’étiquette régionaliste d’« intimiste verviétois43 » dans
laquelle il a été longtemps confiné. Si devant ses dessins en noir et blanc, où mystère et
quotidien, méditation et émotion se rejoignent, l’on pense spontanément à Xavier
Mellery, mais aussi aux intérieurs intimistes d’Albert Lebourg et de Charles Angrand, et
parfois même aux noirs sobres et vibrants de vie de Seurat, on peut évoquer aussi un
autre maître du noir, Odilon Redon. Ce dernier écrivait au sujet du fusain en 1894, dans
une lettre publiée par L’Art moderne, cette même revue où Georges Le Brun était
critique d’art : « Cette matière quelconque qui n’a aucune beauté en soi, facilitait bien
mes recherches du clair-obscur et de l’invisible. […] le fusain ne permet pas d’être
plaisant, il est grave44. » À travers le visible qu’il scrute inlassablement et dont il traduit
les moindres détails, Georges Le Brun, « musicien du silence » à l’instar de la musicienne
mallarméenne, exprime cet invisible qui ne peut être vu qu’à travers l’art : la méditation,
l’être, le silence.
39. Georges Le Brun, « Maurice Denis, Les chapelles
du Vésinet », in L’Art moderne, Bruxelles,
janvier 1904.
40. Francine-Claire Legrand, Le Symbolisme
en Belgique, Bruxelles, Laconti,
coll. « Belgique – Art du Temps », 1971, p. 140.
41. Loc. cit.
42. Émile Verhaeren, « Influence séculaire de l’art
flamand sur l’art français », in Gazette des Beaux-Arts,
1913, repris dans Écrits sur l’art, édition critique
établie et présentée par Paul Aron, Bruxelles,
Labor (Archives du futur), 1997, p. 956.
43. Georges Schmits, Les Intimistes verviétois,
Verviers, Éditions La Dérive, 1997.
44. Odilon Redon, « Confidences d’artiste »
(lettre à Edmond Picard, juin 1894),
in L’Art moderne, Bruxelles, no 34, 25 août 1894.
Dans la Fagne ou Le Chêne des chênes ou Lu tchâne al tchâne ou Le Vieux Chêne, Xhoffraix, vers 1899 ou 1900,
aquarelle, gouache et pastel sur papier, 79 × 56 cm. Paris, coll. privée. [56]
68 | georges le brun
69
Laura Fanti
Georges Le Brun et la culture visuelle
de la Renaissance italienne
Le Brun a visité l’Italie lors d’un voyage qui commença le 15 mars et se termina le
1er juin 1900. Il a laissé un certain nombre d’écrits inédits documentant ce séjour au fil
duquel il a visité de nombreux musées, églises et sites archéologiques en s’enivrant,
jusqu’à la nausée parfois, de nouveaux motifs, couleurs, courbes et sensations. Les pages
qui suivent voudraient contribuer à faire connaître la réception de la culture visuelle italienne dans le symbolisme belge à travers l’exemple singulier de Le Brun. À de nombreuses
reprises, Le Brun donne l’idée de la supériorité de l’art flamand sur l’art italien. Il faut
toutefois tenir compte de l’état de conservation et de visibilité de certaines œuvres en
Italie, par exemple la chapelle Sixtine ou La Cène de Léonard, avant d’émettre un avis
sur ses préférences.
Benozzo Gozzoli (1420-1497) est l’artiste italien le plus apprécié de Georges Le Brun1.
Pourtant, rien ne semble plus éloigné de sa peinture que cet artiste dur et gothique dont
Le Brun admire la « conception vertigineuse […] un mélange harmonique de synthèse et
d’analyse2 ». Parler de vertige à propos de l’art de Gozzoli est quelque peu surprenant,
mais en même temps essentiel pour saisir ce que le peintre belge trouvait de plus frappant dans l’art italien.
Ignorant presque tout de l’art de la Renaissance, exception faite de la sculpture de
Michel-Ange et de quelques tableaux des peintres vénitiens, Le Brun appartient à une
tradition préraphaélite en ce qui concerne son imaginaire. Botticelli, Ghirlandaio, Gozzoli,
Pinturicchio et Signorelli, artistes presque ignorés les siècles passés, constituent les préférences esthétiques de l’artiste belge.
1. Lors du voyage qu’il effectue à Florence et
à Pise en 1896, Maurice Maeterlinck a également
été séduit par la peinture de Gozzoli. Une fresque
de cet artiste lui a d’ailleurs inspiré le modèle des
costumes pour la tournée de sa pièce Monna Vanna
en 1903. Sur la réception de la culture visuelle
de la Renaissance italienne chez Maeterlinck,
Une rue à Florence le soir, Florence, 1900,
fusain sur papier, 29,5 × 19,5 cm. Localisation inconnue. [57]
voir Denis Laoureux, Maurice Maeterlinck
et la dramaturgie de l’image. Les arts et les lettres
dans le symbolisme en Belgique, Anvers,
Pandora (Cahiers), 2008, p. 38-41.
2. Georges Le Brun, lettre à sa mère,
Naples, 28-29 mars 1900. Coll. privée.
Intérieur de l’église de Limburg, Limburg an der Lahn, 1905,
aquarelle, pastel et crayon sur papier, 43 × 49 cm. New York, coll. privée. [98]
Il est fort possible que Le Brun appréciât Gozzoli pour des raisons de compatibilité
avec l’art flamand des xve et xvie siècles. Le souci du détail et de l’analyse est plus
propre à l’art flamand qu’à l’art italien. Cependant, il est étonnant que Le Brun, artiste
attiré par les paysages dépouillés et les scènes silencieuses, s’intéresse à un peintre pour
lequel la narration et la juxtaposition de plusieurs structures, typiques du Moyen Âge,
sont prédominantes.
Pour Francine-Claire Legrand, « on peut dire de Georges Le Brun, comme du Douanier
Rousseau, qu’il est un primitif du xxe siècle, voire de la fin du xixe. Primitif ce goût du
détail qui n’est pas simplement un détail isolé, mais la synthèse de mille autres détails,
le raccourci d’une multitude d’observations faites sur le vif […]. Ces images sont des
icônes. On peut les opposer aux paysages impressionnistes, visions fugaces en passe
de se modifier sous nos yeux. Cette opposition est flagrante lorsqu’il s’agit de peindre
un reflet. Pour les impressionnistes, le reflet bouge, il fuit. Pour les symbolistes, le reflet
est fixe comme un double figé qui contiendrait, plus encore que la réalité, le secret de
son immanence3 ».
72 | georges le brun
On peut envisager l’expression « synthèse
de mille autres détails » comme la clef pour
comprendre le double intérêt de Le Brun pour
l’analyse et la synthèse. En effet, on pourrait
parler de sa peinture comme la restitution d’un
regard circulaire sur les détails de la nature.
Notre regard serait alors orienté sur ses œuvres,
dont on peut jouir d’un seul coup d’œil d’une
certaine manière, plus proche des théories
esthétiques de son époque (Bergson en particulier), contrairement à la peinture flamande
de la Renaissance.
Le fait que Le Brun aimait un artiste
comme Maurice Denis peut nous aider à mieux
comprendre sa contribution au symbolisme et
son insistance sur la simplicité et la synthèse,
par le biais de leur intérêt commun pour les
artistes italiens du xve siècle. Denis n’absorba
pas seulement le côté esthétique de ces artistes. Reproduction photographique (22 × 19 cm) achetée par Georges Le Brun
Il intégra aussi leur côté spirituel. Le Brun ne en 1900 à Venise d’une œuvre de Raphaël. Coll. privée.
semble pas du tout s’intéresser à la religion
ni attribuer de sens caché ou ésotérique à ses
peintures. Il se détache en cela de la plupart
des idéalistes.
Considérons maintenant ses écrits, et tout
d’abord ceux qui se rapportent à son voyage à
Rome que Le Brun quittera « sans beaucoup
de regrets4 ». La ville la plus appréciée par
les artistes jusqu’au xixe siècle ne semble donc
pas l’avoir particulièrement ému. L’homme
visite beaucoup d’églises, même les édifices
mineurs. Le lieu auquel il porte une attention
considérable est le Vatican : les Loges de Raphaël,
la chapelle Sixtine, les appartements Borgia,
etc. « Michel-Ange, écrit-il, est colossal, mais
photographique (9,5 × 13,5 cm) achetée par Georges Le Brun
j’aime mieux les primitifs. Quant à St. Pierre Reproduction
en 1900 de la fresque de Benozzo Gozzoli, L’Adoration des anges.
c’est bien médiocre et juste ce qu’il faut pour Coll. privée.
épater les pèlerins5. » On peut comprendre cette
impression dans la mesure où le gigantisme de la basilique et les contradictions éclectiques ante litteram qui la caractérisent peuvent éloigner le visiteur et cacher ses trésors,
comme La Pietà (1499) de Michel-Ange. Dans le texte suivant, Le Brun donne beaucoup
d’indications sur sa visite à Rome :
3. Francine-Claire Legrand, « Georges Le Brun »,
in William Degouve de Nuncques et les intimistes
verviétois, Verviers, 1990, p. 33.
4. Georges Le Brun, lettre à sa sœur Maria, Arezzo,
12 avril 1900. Coll. privée.
5. Georges Le Brun, lettre à sa mère, Rome,
3 avril 1900. Coll. privée.
georges le brun et la culture visuelle de la renaissance italienne | 73
« J’ai vu ces jours passés les appartements Borgia au Vatican décorés par le Pinturicchio,
c’est très beau, c’est même splendide […], mais c’est à l’Église d’Ara Coeli que j’ai vu
ce qui m’a le plus impressionné de lui. Je ne dirai pas le sujet parce que c’est l’affaire des
érudits allemands ou russes que savoir ce que représente un sujet […]. J’ai revu la Sixtine
et les loges de Raphaël. C’est peut-être ce qu’il y a de plus beau au monde, mais je continue à ne pas comprendre Raphaël, je l’avoue ; il y a de beaux fragments malgré tout.
Quant à Michel-Ange c’est à coup sûr formidable, mais il ne parvient pas à mon humble
avis, à écraser les fresques de Signorelli, Pérugin, Pinturicchio et Botticelli qui sont en
dessous des siennes. C’est trop extérieur pour moi. Sa sculpture par contre est gigantesque. Son Moïse ne s’oublie pas6. »
L’adjectif « extérieur » se colore de sens négatif dans la poétique d’un artiste intéressé
notamment par les intérieurs domestiques et par le calme de la campagne. L’extériorité
semble faire référence à la source du génie italien, c’est-à-dire à l’étude anatomique et
de la nature en général. Le Brun, plus sensible aux « préciosités », aux miniatures médiévales, au goût pour le détail, préfère la peinture primitive à cette monumentalité et cette
exubérance de l’art italien du xvie siècle.
Pour cette raison, il n’était également pas du tout intéressé par le maniérisme ou le
baroque. Il n’offre même aucun témoignage sur les chefs-d’œuvre romains de Gian
Lorenzo Bernini (1598-1680) et du Caravage (1571-1610). Les artistes qui travaillaient
beaucoup sur les contrastes, sur le dynamisme, ne le touchent pas, lui qui aimait la paix
et la tranquillité dans la vie et dans l’art.
Par contre, et curieusement, l’harmonie, la grâce et la paix de Raphaël (1483-1520)
l’agacent : « le carton de l’École d’Athènes m’a laissé aussi froid qu’il m’a empli de
respect. La dignité de la composition, la pureté quintessenciée de la forme, la science
énorme et sincère ne se nient pas. On est triste de n’être pas ému, c’est humiliant de ne
pas être secoué par une chose à confesser admirable7 ».
Il écrit très souvent ne pas comprendre Raphaël. Il est fort possible que la grâce et
la sensation d’accomplissement qu’inspirent les œuvres du peintre urbinate aient pu
heurter la sensibilité d’un artiste jeune, plus sensible aux structures mystérieuses du
Quattrocento italien. À Florence, il ne cesse d’admirer l’art flamand : « le plus grand
chef-d’œuvre que j’ai vu jusque maintenant […], c’est le triptyque de Hugo Van der Goes
au musée de l’Hôpital de Sainte Marie8. Cela unit à un style de ligne qui ne le cède pas
aux plus grands italiens, une couleur incomparable9 ».
On est en droit de s’interroger sur la supériorité que, dans son musée imaginaire,
Le Brun accorde à la peinture flamande sur la Renaissance italienne. Il y a, dans son cas,
une raison technique. Le Brun affirme plusieurs fois qu’il préfère les fresques aux
peintures sur toile. « J’ai remarqué, écrit-il, que tous les artistes italiens étaient grands
dans leurs fresques et, à d’assez rares exceptions près, embêtants dans leurs peintures,
j’en excepte les Vénitiens qui sont vraiment peintres10. »
6. Georges Le Brun, lettre à son père, Rome,
6 avril 1900. Coll. privée.
7. Georges Le Brun, Cahiers, p. 10, Bruxelles,
musées royaux des Beaux-Arts de Belgique,
Archives de l’art contemporain, inv. 23.787.
8. Il s’agit du Triptyque Portinari (1476-1479).
9. Georges Le Brun, lettre à sa mère, Florence,
17 avril 1900. Le Triptyque Portinari fut rassemblé
74 | georges le brun
en 1871 et exposé aux Offices juste en 1900, après
avoir été démonté en 1567 et exposé à l’hôpital de
Santa Maria Nova où l’artiste le vit. Le Brun en
rapporte ici l’un des premiers témoignages.
10. Georges Le Brun, lettre à sa mère, Florence,
17 avril 1900. Coll. privée.
La Sapinière ou Le Bois de sapins, Xhoffraix, 1903,
huile sur toile, 49 × 65,5 cm. Coll. privée. [81]
Il est surprenant que Le Brun, bien que paysagiste, manifeste peu d’intérêt pour les
paysages italiens, mais démontre son admiration devant des structures plus complexes
comme les sculptures médiévales (Giovanni Pisano, 1248-1317), l’articulation du registre
inférieur de la chapelle Sixtine, les bas-reliefs de Santa Maria del Popolo à Rome, les
fresques de Luca Signorelli à Orvieto, de Cimabue et d’Orcagna à Pise. Il décrit ces
derniers comme ceci :
« C’est une inoubliable mosaïque de Cimabue, toute de lapis-lazuli et d’or,
heurtée, violente et sèche, mais hallucinante et grandiose. Ce n’est pas beau et
cela vous poursuit ; après cela, les grands maîtres sont fades et froids […] surtout,
et c’est ce point qu’on n’oublie, Orcagna si dur, si rébarbatif dans son rigorisme
inflexible, au travers duquel, malgré tout, perce un élan de tendresse pour la
grâce et une irrésistible influence de cet art grec, si ardemment aimé des Pisans11. »
11. Georges Le Brun, Récits de voyage. Impressions
d’artiste, p. 49-50. Coll. privée.
georges le brun et la culture visuelle de la renaissance italienne | 75
Le Brun aime la peinture « dure », « sèche », « violente », selon ses termes, comme s’il
voulait s’enivrer d’un art très loin du sien et de son esprit. Mais on peut penser aussi
qu’il voulait cacher une partie de son inspiration pour démontrer son originalité et ce
n’est pas un cas rare dans l’histoire de l’art. Le Brun n’a jamais été à Londres, où il est
exposé, mais c’est assez probable qu’il connaissait le chef-d’œuvre de Paolo Uccello
(1397-1475), Chasse de nuit (1470), conservé à l’Ashmolean Museum d’Oxford. En effet,
on constate des correspondances entre cette œuvre et certains de ses tableaux, en particulier La Sapinière [repr. p. 75], par l’extravagance de la perspective et l’enfilade des arbres.
Il en va de même pour la lumière nocturne introduite par Piero della Francesca (1416 / 14171492) dans sa fresque Le Songe de Constantin (1458-1466) à Arezzo, que Le Brun admira
pendant son voyage en Toscane.
Dans son dernier tableau, La Haute Fagne (1914) [repr. p. 44-45], qui témoigne de l’importance des triptyques, structure typique de l’art sacré italien, mais aussi de l’œuvre de
Hugo Van der Goes très admirée à Florence, Le Brun se détache de la tradition italienne
et démontre sa contemporanéité. Il est plus proche d’un artiste comme Ferdinand
Hodler (1853-1918), par exemple, et de ses paysages « planétaires », ou même d’un
artiste italien qui travailla et mourut à Paris, Giuseppe De Nittis (1846-1884), qui reprit
le format du triptyque pour son pastel La Course au Bois de Boulogne (1881), un des
pionniers dans l’art profane12.
À Milan, face à un autre maître de la Renaissance, Le Brun vit une expérience
originale :
« La fresque du Vinci. La magie d’un des noms les plus glorieux, l’odyssée cruelle
d’un chef-d’œuvre, l’envie de voir et la crainte d’être déçu m’énervaient… J’ai vu et je
suis très triste… comme lorsqu’on voit un admirable fragment de l’Antique on ne voudrait pas pour l’empire du monde qu’on se risquât à le restaurer et on est angoissé de le
voir en ruine […]. On n’a qu’un mot pour les auteurs ignobles de ce vandalisme : les
brutes13 ! »
Évidemment, il parle ici des restaurations sauvages de La Cène (1494-1498) de
Léonard de Vinci, ainsi que de la difficulté de se confronter à la monumentalité de l’art
italien. Ce n’est pas un hasard s’il avoue aimer un objet qu’on n’hésiterait pas à qualifier de kitsch à notre époque : les cheveux de Lucrèce Borgia14, muséalisés et conservés
comme une relique dans la Bibliothèque ambrosienne. De plus, il déteste le style
gothique du Dôme de la ville lombarde, estimé trop lourd, plein de statues, « grand
casse-tête chinois », « imbroglio architectural15 », très loin de la grâce des halles d’Ypres
selon lui.
12. Edward Burne-Jones utilisa le triptyque
en 1861 pour concevoir son Adoration
et Annonciation des Mages.
13. Georges Le Brun, Cahiers, p. 8, Bruxelles,
musées royaux des Beaux-Arts de Belgique,
Archives de l’art contemporain, inv. 23.787.
14. « Mais crie au paradoxe tant que tu voudras, rien
de tout ce que j’ai vu ne m’a plus fait écarquiller
mes yeux de peintre qu’une belle mèche de cheveux
de Lucrèce Borgia, conservée sous une vitre avec
une lettre manuscrite. Or ce qui m’emballe n’est
aucunement apparenté à l’enthousiasme historique
ou sentimental de certains. C’est simplement
la couleur d’or profond et fin, la ligne onduleuse
et les reflets encore vivants. Il n’y a que cette
femme-là au monde qui ait eu de tels cheveux
j’en suis absolument sûr. » Georges Le Brun,
lettre à sa mère, Naples, 28-29 mars 1900. Il est
à noter que le culte des cheveux de Lucrèce Borgia
remonte à Lord Byron et devient une mode durant
le xixe siècle.
15. Georges Le Brun, Cahiers, p. 11, Bruxelles,
musées royaux des Beaux-Arts de Belgique,
Archives de l’art contemporain, inv. 23.787.
Soir de pluie à Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905,
fusain, aquarelle et pastel sur papier vergé, 63 × 48 cm. Musées de Verviers, inv. PIR 1943-458. [96]
76 | georges le brun
77
La Vénétie est la dernière étape du voyage de Le Brun. De Venise, notre artiste ne
conserve pas beaucoup de souvenirs et considère que Bruges et Leyde sont bien mieux.
Les seuls mots d’admiration sont réservés à Titien, estimé comme le génie le plus grand
de la Renaissance italienne. L’artiste affirme pourtant que L’Amour sacré et l’Amour
profane (1515) de la Galleria Borghese à Rome est merveilleux, mais que la plus grande
partie de ses peintures est, par contre, « abîmé[e], noirci[e]16 ». Il a une admiration particulière pour Saint Georges à cheval terrassant le dragon de Carpaccio (1502) qui se
trouve à la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni à Venise, particulièrement pour la représentation de la cruauté dans l’acte d’égorger le monstre.
Le chef-d’œuvre de Carpaccio occupe une place importante dans le corpus des
œuvres appréciées par l’artiste, ce qui peut être relié avec ses goûts préraphaélites. Du
Vénitien, il admire encore le tableau Deux femmes vénitiennes (1490-1495), une œuvre
dans laquelle la tradition flamande est prégnante et où l’on voit les traces d’un silence
métaphysique dont l’artiste belge fera son trait distinctif.
Dans une de ses dernières lettres, Le Brun écrit : « Et mon voyage presque fini, je ne
crains pas de dire que le Van der Goes de Florence est la seule œuvre d’art vue en
ma vie qui tiendrait à côté des Sept sacrements de Van der Weyden ou de Van Eyck.
Et pourtant j’ai vu de merveilleux chefs-d’œuvre et je crois avoir beaucoup compris17. »
Il n’hésite pas à affirmer que Van der Weyden et Van der Goes ont beaucoup influencé
les Italiens sans être vraiment marqués par eux18, que Van der Weyden est resté gothique
flamand même après son voyage en Italie. Dans un retour sur lui-même, Le Brun semble
vouloir dire qu’à l’instar des maîtres flamands de la peinture ancienne, la culture visuelle
de la Renaissance italienne n’infléchira pas son art.
En conclusion, on peut affirmer que les artistes italiens et le voyage en Italie ont
formé le chaînon manquant entre la tradition flamande et l’univers contemporain symboliste de Georges Le Brun. Sans la connaissance directe de l’Italie, de ses villes, de la
douceur de ses paysages et de ses chefs-d’œuvre, l’artiste ne serait peut-être jamais parvenu à son interprétation tout à fait singulière de la nature, ni à la conscience
profonde de lui-même, bien que, parfois, il refusât d’envisager que la culture visuelle
italienne ait pu transformer sa vision.
Champ labouré, Sancourt, janvier 1906, aquarelle, crayon et pastel sur papier, 25 × 36 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-462. [100]
16. Georges Le Brun, lettre à sa sœur Maria,
Venise, 7 mai 1900. Coll. privée.
17. Loc. cit.
78 | georges le brun
18. Georges Le Brun, lettre à sa sœur Maria, Paris,
20 mai 1900. Coll. privée.
79
Noémie Goldman
Georges Le Brun et L’Art moderne
Il est toujours curieux d’observer le basculement d’un artiste de l’autre côté du miroir ;
lorsqu’il se fait critique d’art. Un regard, une connaissance des techniques et de l’histoire
de l’art, les artistes possèdent souvent les qualités utiles à l’analyse d’œuvres. Et pourtant,
leurs contributions à des revues artistiques apparaissent comme des surprises et nous
interpellent. Il s’agit toutefois d’une forme complémentaire d’expression, qui nous révèle
souvent l’artiste lui-même. C’est pourquoi il est intéressant de s’attarder un moment sur
les articles publiés par Georges Le Brun, et tout particulièrement ceux reproduits dans
l’une des revues majeures de l’époque, L’Art moderne.
L’Art moderne est une revue fondée en 1881 par des avocats et écrivains bruxellois,
tels qu’Edmond Picard1. Octave Maus, qui y participe comme auteur depuis sa création,
devient quelques années plus tard rédacteur en chef. Il tissera alors des liens étroits
entre les Salons qu’ils organisent, ceux des XX, puis de La Libre Esthétique, et la revue.
Les artistes, écrivains et critiques associés au comité de rédaction de la revue circulent
au sein d’un même milieu intellectuel issu de la bourgeoisie bruxelloise. La participation
de Georges Le Brun à L’Art moderne, qui témoigne de sa relation avec ce milieu, atteste
également son identité intellectuelle, souvent éclipsée par sa posture de « peintre de la
Fagne », vivant une vie simple de villageois isolé.
Le père de Georges Le Brun était un ingénieur cultivé et musicologue, et sa mère
était issue d’une famille aisée de la bourgeoisie wallonne2. Georges fut très jeune attiré
par les ouvrages de dessins et de littérature, mais fut envoyé à l’Université de Bruxelles
pour étudier en faculté de sciences3. Si le peintre ne termine pas ses études, il ne s’éloignera jamais d’une certaine sphère intellectuelle. Toute sa vie, Georges Le Brun écrira
des textes qui témoignent de ses connaissances approfondies en art et de son intérêt pour
les questions culturelles de l’époque4. À travers ses lettres d’Italie, ses récits de voyage et
ses articles de presse, Georges Le Brun démontre un penchant certain pour une écriture
savante.
1. Le comité de rédaction est formé d’Edmond
Picard, Victor Arnould, Eugène Robert ainsi que
d’Octave Maus ; plus tard, Émile Verhaeren
y participera.
2. Georges Le Brun 1873-1914, Bruxelles,
Musée d’Ixelles, 12 décembre 1975 –
11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 1975, n. p.
Ardennaises travaillant aux champs, Xhoffraix, vers 1895,
aquarelle, gouache et encre de Chine sur papier, 38 × 27 cm.
Bruxelles, coll. privée. [35]
3. Loc. cit.
4. Émile Desprechins intitule l’un des chapitres
de son ouvrage consacré à l’artiste « L’homme et
l’écrivain » : Émile Desprechins, Georges Le Brun.
Peintre de la Fagne, Paris-Bruxelles, G. Van Oest,
1925, p. 44-45.
Une fagne (fumée), Xhoffraix, 1895, aquarelle sur papier, 36,5 × 51,5 cm.
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-455. [39]
Le Village dans la vallée, Hébronval (près de Lierneux), 1913,
aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 54 × 76 cm.
Bruxelles, coll. privée. [132]
Cette production littéraire contraste avec l’image répandue du peintre, tout entier
absorbé par la vie simple des Ardennes. De fait, l’artiste cultivera toute sa vie une identité wallonne et rurale. Il s’isole régulièrement dans des hameaux perdus et s’imprègne
de la vie des habitants de la région. Cette image de « peintre de la Fagne » sera diffusée
à travers le texte publié par son ami proche, Maurice Pirenne5. Ce dernier décrit l’assimilation de l’artiste aux villageois et construit la légende d’un artiste reclus loin des
villes civilisées : « Bientôt il connut tous les habitants de l’endroit. Il les interpellait par leur
prénom, avait ses entrées chez tous, s’installait au coin du feu, dans la marmaille ; avec
hommes et femmes il fraternisait. Il avait appris à parler couramment leur wallon, il rendait des services, il donnait des conseils, il se disputait ; plusieurs fois il s’est battu6. »
5. Maurice Pirenne, Georges Le Brun, 1873-1914,
Sa vie de peintre, lecture faite à l’occasion de
l’exposition consacrée à Georges Le Brun dans la
salle de la Société des beaux-arts de Verviers,
82 | georges le brun
Verviers, édité par Auguste Nicolet, 1920. Ce texte
de Pirenne est repris intégralement dans le présent
ouvrage.
6. Idem, p. 10.
Georges Le Brun se distance géographiquement du milieu artistique de la capitale et
se forge une identité de peintre ermite. Madeleine Octave Maus écrira de lui qu’il « était
un singulier garçon d’un humour assez particulier et qui vivait à Xhoffraix, à Longfaye,
dans les Fagnes de la Baraque Michel, sans autres compagnons que ses chiens bien-aimés
et ses livres7 ». Cette double identité – de bourgeois intellectuel et de peintre rustre des
villages ardennais – crée l’ambiguïté qui entoure la personnalité, et l’art, de Le Brun.
Les articles qu’il publie offrent ainsi l’occasion d’explorer cette complexité propre au
peintre et de suivre l’évolution de sa relation au milieu culturel de la capitale. Il publiera
cinq articles dans L’Art moderne ; un compte rendu d’exposition et deux articles consacrés
au Salon triennal en 1903, une étude sur les peintures murales de Maurice Denis en 1904,
ainsi qu’un compte rendu, en plusieurs parties, du Salon de La Libre Esthétique en 19068.
7. Madeleine Octave Maus, Trente années
de lutte pour l’art, Bruxelles, Lebeer Hossmann,
1980, p. 241.
8. [Georges Le Brun], « Le prochain Salon
triennal », L’Art moderne, 19 juillet 1903, no 29,
p. 253. Le Brun ne signe pas l’article, mais est cité
georges le brun et l’art moderne | 83
Tête d’homme imberbe (avec chapeau),
Xhoffraix, vers 1896, fusain sur papier,
49,5 × 39 cm. Bruges, coll. privée. [44]
Bœuf paissant, Xhoffraix, vers 1895,
fusain sur papier, 35 × 50 cm. Coll. privée. [17]
Deux thématiques se dégagent des contributions de Le Brun dans L’Art moderne, qui
révèlent de nouvelles facettes de l’artiste et de son œuvre : la critique des institutions
culturelles et la valorisation d’un art naïf. La première, qui témoigne de son implication
dans le milieu culturel et intellectuel de l’époque, apporte un nouvel éclairage sur son
apparente identité de « peintre isolé ». La seconde est davantage tournée vers la vision
esthétique de l’artiste, qui le positionne de façon plus radicale sur la scène artistique de
l’époque.
En juillet 1903, Le Brun rédige un premier et bref article sur un nouveau règlement
publié par le jury du Salon triennal9. Il s’agit d’une règle donnant l’autorisation aux
artistes décorés ou membres de l’Académie d’exposer au Salon sans devoir passer par la
sélection du jury. Le Brun critique cette nouvelle réforme et la met en parallèle avec un
vote récent du jury contre une proposition de Fernand Khnopff. Ce dernier, juré pour le
Salon de 1903, avait proposé que les membres du jury s’abstiennent d’exposer au Salon
pour conserver une plus grande indépendance. La condamnation de ces deux décisions
comme auteur dans l’index ; Georges Le Brun,
« Les Dinanderies », in L’Art moderne, 16 août 1903,
no 33, p. 286-287 ; Georges Le Brun, « Le Salon
des Beaux-Arts », in L’Art moderne, 6 septembre 1903,
no 36, p. 307-308 ; Georges Le Brun, « Maurice
Denis. Les chapelles du Vésinet », in L’Art moderne,
28 février 1904, no 9, p. 66-68 ; Georges Le Brun,
« Le Salon de La Libre Esthétique », in L’Art moderne,
4 mars 1906, no 9, p. 68-69 ; Georges Le Brun,
« Le Salon deLa Libre Esthétique », in L’Art moderne,
11 mars 1906, no 10, p. 75-77 ; Georges Le Brun,
« Le Salon de La Libre Esthétique », in L’Art
moderne, 18 mars 1906, no 11, p. 83-84. En 1905,
84 | georges le brun
une lettre de Georges Le Brun sera également
publiée dans le courrier des lecteurs
(« Correspondance particulière de L’Art moderne »,
in L’Art moderne, 31 décembre 1905, no 53, p. 425).
L’artiste prendra la défense de son ami, Maurice
Pirenne, dont l’exposition personnelle avait été
annulée. Suivra une courte polémique qui poussera
Maurice Pirenne lui-même à envoyer une lettre à la
revue quelques semaines plus tard
(« Correspondance particulière de L’Art moderne »,
in L’Art moderne, 14 janvier 1906, no 2, p. 14).
9. [Georges Le Brun], « Le prochain Salon
triennal », ibid., p. 253.
La Conversation, s.l.n.d., fusain, crayon et aquarelle sur papier, 53 × 68 cm. Bruxelles, coll. privée. [142]
par Le Brun rejoint la critique du système institutionnel régulièrement diffusée par
L’Art moderne.
Le Brun publie au mois de septembre une suite à sa courte intervention de juillet10.
En guise d’introduction, il reproduit l’article du règlement qu’il avait mentionné dans
son article précédent. La suite est à nouveau une attaque contre le Salon triennal comme
le lecteur en trouve régulièrement dans L’Art moderne. Il s’agit d’un article qui aurait
pu être publié à l’époque des XX ; il mentionne le travail des « jeunes » en opposition aux
canons dépassés des peintres académiques11. Le Brun aboutit aux conclusions habituelles
de la revue quant à la valeur mercantile de ces Salons et qualifie les œuvres des artistes
participants de « marchandises12 ». Depuis sa création, la revue s’oppose clairement aux
institutions académiques et ce type de dénonciation s’inscrit parfaitement dans la continuité idéologique de L’Art moderne. Le Brun, dès ses premières publications, prend ainsi
clairement position sur l’échiquier du monde artistique de l’époque.
10. Georges Le Brun, « Le Salon des Beaux-Arts »,
ibid., p. 307-308.
11. Ibid., p. 307.
12. Ibid., p. 308.
georges le brun et l’art moderne | 85
Le Brun conclut son article de septembre en définissant explicitement les acteurs en
opposition sur la scène artistique belge contemporaine : le Salon triennal et celui de La
Libre Esthétique : « Non, mon brave jury, ne fait pas une Libre Esthétique qui veut. Et
la foire au linoléum est ouverte. Bourgeois, précipitez-vous13. » Élevant le dernier comme
exemple, il participe ainsi à la diffusion du manichéisme construit par L’Art moderne :
les œuvres commerciales du Salon triennal face à la qualité des expositions de La Libre
Esthétique. Le Brun se fera d’ailleurs souvent l’avocat des expositions d’Octave Maus
et soutiendra régulièrement les initiatives de La Libre Esthétique.
Le compte rendu du Salon de La Libre Esthétique que Le Brun publie en 1904 dans
L’Éventail est un nouvel exemple du soutien apporté publiquement par l’artiste à
Maus14. En 1904, ce dernier organise une rétrospective consacrée à l’art impressionniste
au Salon de La Libre Esthétique. Cette exposition devient l’épicentre d’une polémique
initiée par Edmond Picard. Ce dernier dénonce le fait que Maus n’expose presque exclusivement que des artistes français dans un Salon bruxellois (le seul artiste belge représenté
est Théo Van Rysselberghe15). Diverses personnalités du milieu culturel vont prendre parti
par l’intermédiaire de publications ou de conférences. Dans son article de L’Éventail,
Georges Le Brun confirme l’utilité éducative d’une telle rétrospective et félicite La Libre
Esthétique d’apporter à Bruxelles « ce qui se fait ailleurs16 ». L’artiste s’engage ainsi ouvertement dans un débat public qui se déroulait au cœur de la scène culturelle bruxelloise.
Si Le Brun adopte une relation ambiguë avec Bruxelles et va progressivement s’isoler
davantage dans ses villages wallons, il s’aligne toutefois très clairement dans le champ de
pensée du milieu circulant autour de L’Art moderne et de La Libre Esthétique. Le personnage de Le Brun est curieux tant il semble se positionner en marge du milieu artistique
belge – s’assimilant, de façon identitaire, au villageois davantage qu’au Bruxellois
érudit –, tout en prenant parti dans des débats publics dans une revue fortement connotée
et associée à une élite intellectuelle.
Ses prises de position dans L’Art moderne n’empêchent guère Le Brun de conserver,
aux yeux des lecteurs de la revue, son image de peintre simple et modeste. Ainsi, son
deuxième article publié dans L’Art moderne, intitulé « Les Dinanderies », révèle à quel
point l’artiste joue effectivement d’une certaine posture17. Il réalise le compte rendu d’une
exposition consacrée aux cuivres fabriqués dans la ville de Dinant depuis des siècles. Si
au travers de la description détaillée de cet ensemble d’objets fort particulier, Le Brun
expose un réel savoir, il parvient également à se positionner comme novice. Au début de
l’article, il précise que c’est grâce à la visite privée de l’exposition faite en compagnie
d’un spécialiste qu’il a pu regrouper des informations « qui [vous] feront croire que je
suis érudit18 ». Malgré le réel statut d’intellectuel de Georges Le Brun, acquis dans son
environnement familial et social, l’artiste maintient cette posture d’homme simple, autodidacte, qui n’appartient pas aux sphères intellectuelles. Ici, cette référence à sa fausse
érudition est d’autant plus paradoxale qu’elle est mentionnée dans un article publié
dans une revue de renom, et consacré à un sujet très pointu.
13. Loc. cit.
14. Georges Le Brun, « La Libre Esthétique »,
in L’Éventail, 20 mars 1904.
15. Pour de plus amples informations concernant
ce sujet, voir Marcel Daloze, « Querelle de clocher
à La Libre Esthétique : impressionnistes français
et nationalisme belge », in Bulletin des musées
86 | georges le brun
royaux des Beaux-Arts de Belgique, no 1-4,
1994-1995, p. 259-278.
16. Georges Le Brun, « La Libre Esthétique », ibid.
17. Georges Le Brun, « Les Dinanderies », ibid.,
p. 286-287.
18. Ibid., p. 286.
La Femme au hasple, Xhoffraix, 1897, huile sur toile, 66 × 62 cm. Coll. Famille Crismer. [46]
87
Dans le manuscrit de ses récits de voyage, Le Brun évoque son malaise devant la
publication de ses écrits19. Il exprime à nouveau une certaine modestie et s’affirme difficilement comme auteur :
« Après avoir hésité longtemps, songeant qu’on avait certainement mieux dit que je
ne pourrais le faire, ce que je vais écrire je me suis décidé à publier ces sensations de
voyage. A-t-on le droit de garder pour soi seul ses enthousiasmes et son expérience ?
J’avais cru que oui, tout naïvement, mais il paraît que c’est de l’égoïsme, et convaincu
par un ami que peut-être je ferais œuvre utile en livrant au plus d’artistes possible
une nomenclature de ce qu’il faut voir en Alsace, en Suisse, en Italie et en Bourgogne…
je fais le grand effort, mon Dieu oui, je publie20 ! »
Cette timidité liée à la publication de ses textes et la relation ambiguë qu’il maintient
entre ses prises de position publiques et son isolement physique loin de la scène bruxelloise sont intéressantes à mettre en rapport avec sa propre vision artistique. Les articles
qu’il publie dans L’Art moderne sont également pour lui l’occasion de poser sur papier
les lignes maîtresses de sa pensée esthétique, qui fait écho à son positionnement social.
Dans son compte rendu du Salon triennal de 1903, il révèle, parallèlement à sa critique
institutionnelle du Salon, une perception très personnelle de l’art. Il défend les « œuvres
simples » et considère que « la jeunesse est de tous les temps et seules resteront les œuvres
naïvement sincères21 ». Il utilise ainsi des adjectifs qui reflètent ses propres œuvres et sa
vision artistique. De fait, il y a chez Le Brun une quête du sincère, qu’il associe lui-même
au terme de naïf, qui est propre à son œuvre. Ainsi, si l’artiste reprend les idées de L’Art
moderne pour critiquer le système académique, il emprunte à son propre répertoire pour
y évoquer ses considérations esthétiques.
Il profite également de ses publications pour créer des ponts entre sa vision artistique
et l’œuvre d’autres peintres. En 1904, Le Brun publie une étude sur les peintures murales
de Maurice Denis à l’église du Vésinet22. L’artiste introduit son article par une citation
d’Ingres : « Conservez toujours cette bienheureuse naïveté, cette charmante ignorance23. »
Nous retrouvons cette même notion de naïveté et cette valorisation de l’ignorance qui
évoque son comportement ambigu devant ses écrits. Il n’est pas étonnant qu’il consacre
plusieurs pages d’analyse à l’œuvre de son contemporain français. Leurs œuvres
partagent une certaine simplicité et une discrétion qui les distinguent des autres artistes
de l’époque. En décrivant et en admirant les peintures de Maurice Denis, l’artiste belge
souligne les points essentiels de son propre art : l’inspiration des maîtres primitifs et la
primauté de l’émotion sur la maîtrise technique. Selon ses propres mots : « Ce n’est pas qu’il
faille mépriser la science, mais il ne faut pas oublier que nous nous élèverons d’autant plus
dans la compréhension d’un art, que nous apprendrons mieux à donner un empire plus
grand à l’émotion sentimentale qu’à la perfection technique24. »
Cette mise en valeur du sentiment au-delà de la science reflète sa volonté de placer le
savoir, l’érudition, au second plan dans son art et sa vie. Si le peintre possède une maîtrise
technique, ainsi qu’une réelle personnalité intellectuelle, il choisit de placer ces qualités
19. Georges Le Brun, Manuscrit pour ses récits de
voyage, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts
de Belgique, Archives de l’art contemporain,
inv. 23.787.
20. Loc. cit.
21. Georges Le Brun, « Le Salon des Beaux-Arts »,
88 | georges le brun
in L’Art moderne, 6 septembre 1903, no 36, p. 308.
22. Georges Le Brun, « Maurice Denis.
Les chapelles du Vésinet », in L’Art moderne,
28 février 1904, no 9, p. 66-68.
23. Ibid., p. 66.
24. Loc. cit.
Homme pelant des pommes de terre, Xhoffraix, vers 1895,
huile sur toile, 83 × 65 cm. Coll. Famille Crismer. [37]
en arrière-fond pour atteindre une certaine naïveté nécessaire à son art. Face aux
dessins et peintures de Georges Le Brun, nous observons un véritable exercice de
simplification qui évoque le primitif, tout en annonçant une grande modernité. De fait,
ce retour vers l’ancien, le rural et le naïf, qui se situe au cœur de l’œuvre de Le Brun,
sera ensuite défendu par les mouvements expressionnistes du xxe siècle.
georges le brun et l’art moderne | 89
Jean-Marie Klinkenberg
Une « école verviétoise » de peinture ?
Réalités d’un mythe
Pour une idéologie qui s’est solidement constituée au xixe siècle, l’art ne saurait être
qu’une activité gratuite et désincarnée. On y voit le plasticien engagé dans une lutte
solitaire avec la matière et l’écrivain seul face à sa feuille blanche, l’un et l’autre n’ayant
pour alliés que leur génie et leur inspiration.
Le savoir, toujours désenchanteur, nous a aujourd’hui appris que cette pureté idéale
est un leurre : l’art est une pratique sociale parmi d’autres. Et autour du créateur, d’autres
acteurs s’affairent, que des institutions épaulent : pas de peintre sans galeries, sans collectionneurs, sans musées, sans politique culturelle ; pas d’écrivain sans éditeurs, sans prix,
sans lecteurs, sans professeurs de lettres… Parmi ces instances, le critique et l’historien
occupent une place nécessairement ambigüe. D’un côté en effet, leur discours relaie
souvent l’idéologie de l’art comme pratique autonome ; mais de l’autre, il leur revient de
faire voir les lignes de force et d’opérer des regroupements. Il n’est donc pas étonnant
qu’ils recourent fréquemment à la facilité des -ismes (réalisme, symbolisme, intimisme…)
et à la trop commode notion d’« école ».
Commode car bien floue. On peut en effet distinguer deux conceptions de l’école,
l’une étroite, l’autre large. Pour la première, une école est un groupe organisé de personnes
– penseurs, scientifiques, artistes – « qui se réclament d’un même maitre ou professent
les mêmes doctrines » (Le Petit Robert) ; pour la seconde, c’est un ensemble de producteurs
que l’on peut s’autoriser à rapprocher en raison de leurs origines communes ou de leur
parenté stylistique.
La fabrication de « l’école intimiste verviétoise »
On ne doit donc pas s’étonner si l’on voit ce concept prendre du service sur la scène
verviétoise lorsqu’au début du xxe siècle une masse critique d’artistes s’y manifeste
pour la première fois.
C’est aux cimaises de la Société des beaux-arts que des œuvres de Georges Le Brun
(1873-1914), Maurice Pirenne (1872-1968) et Philippe Derchain (1873-1947) apparaissent
simultanément. Dès ce moment, ce trio – qui ne deviendra qu’occasionnellement quatuor,
avertissement
Port de Bruxelles, le soir (verso), Bruxelles, 1893,
aquarelle, crayon et encre de Chine sur papier cartonné, 39 × 58 cm. New York, coll. privée. [10]
Le présent texte applique les rectifications de l’orthographe de 1990,
recommandées par toutes les instances francophones compétentes,
en ce compris l’Académie française.
par l’ajout de Pierre Delcour (1886-1976),
élève de Pirenne, ou, bien plus tard, de
Joseph Gérard (1873-1946) – est repéré comme
tel par la critique. Ainsi, en 1913, Charles
Delchevalerie se plait à regrouper « quatre
artistes verviétois ». Entre les regroupements
physiques et ceux qu’opère la critique, la
dialectique est constante : en 1911 et 1912,
par exemple, Derchain, Pirenne, Le Brun,
Delcour exposent avec Auguste Donnay à la
salle « Le Studio » de Bruxelles.
Mais c’est dans les années 1920 seulement
– donc après la disparition de Le Brun –
que prend corps l’idée d’une « école verviétoise » : la revue La Vie wallonne use alors
régulièrement de cette expression. Et il revient
à Jules Bosmant, sans doute mu par les raisons
que Denis Laoureux expose dans le présent
volume, de proclamer en 1930 l’existence d’une
« école de Verviers » comprenant Pirenne,
Derchain et Gérard, flanqués de Delcour et
de Laurent Léon Herve1. De cette école, les
fondements ne sont pas autrement précisés,
mais son chef de file et initiateur est clairement
désigné : ce serait Le Brun, dont la primauté
Le Perron de Theux le soir, Theux, 1906,
avait déjà été soulignée par Maurice Kunel
aquarelle, pastel et gouache sur papier, 56 × 46 cm. Belgique, coll. privée. [102]
en 1923. Et c’est l’été de cette même année
1930 qu’une exposition groupée a lieu sous
la bannière « école de Verviers » : les articles de presse font un large emploi de cette
étiquette, désormais lancée.
La suite est connue. Le même Bosmant reviendra à la charge jusqu’à la fin de sa vie :
il conclut un texte posthume par quelques lignes sur « le réalisme poétique » où il évoque
la « confidentielle école verviétoise qu’ignorent toutes nos histoires de l’art2 » et persiste
à camper Le Brun en chef de groupe. Et, en 1982, c’est encore ce pavillon que la Province
de Liège fait flotter sur une exposition rassemblant les quatre mousquetaires.
Il ne restera plus qu’à caractériser ladite école. Ce sera chose faite tardivement – bien
après la mort des intéressés – lorsque Georges Schmits publie une monographie sur
Les Intimistes verviétois (La Dérive, 1997), faisant « d’intimisme » une véritable marque
de fabrique (la même année, il publie, chez le même éditeur, J.J.A. Gérard, intimiste
verviétois, et en 2002 Paul Schmitz, intimiste verviétois). Ce label donne aujourd’hui
son titre à un excellent blogue alimenté par Jacques Spitz et consacré à Pirenne, Le Brun,
Derchain, Gérard, Herve, Schmitz, Jean Julémont, Alphonse Lejeune, Charles Leuther
« et quelques autres », annexés pour la bonne cause.
1. La Peinture et la sculpture au Pays de Liège
de 1793 à nos jours, Liège, Mawet, p. 289-293.
2. « Le réalisme et le naturalisme »,
in J. Stiennon et R. Lejeune (dir.), La Wallonie.
92 | georges le brun
Le pays et les hommes, Arts – lettres – culture, t. 2,
Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1978, p. 523.
Maisons à Spixhe, Spixhe (Theux), 1913, aquarelle,
crayon gras et rehauts de pastel sur papier, 60 × 90 cm. Coll. privée. [134]
École, réseau, afinités ?
La conclusion s’impose : l’« école de Verviers » est, puisque tous la voient.
Mais ne la voit-on pas comme les personnages d’Andersen voyaient les habits neufs
de l’empereur ?
Il faut tout d’abord observer que la critique ne s’est pas privée d’inscrire nos peintres
dans d’autres catégories, dont la pertinence ne semble pas moindre. Le Brun et Derchain
sont ainsi regroupés comme « peintres de l’Ardenne » par A.-M. Berryer (L’Art et la vie,
1936), quand ils ne sont pas « peintres de la Fagne » (Émile Desprechins publie en 1925
Georges Le Brun, le peintre de la Fagne). Et une belle exposition de 2001 à l’Hôtel de ville
de Bruxelles a fait de Pirenne, Le Brun et Derchain des « peintres du silence », cousinant à ce titre avec Degouve de Nuncques, Donnay, Khnopff, Mellery et Spilliaert.
Ensuite, il faut se souvenir de l’ambigüité de la notion d’école, que j’ai soulignée
d’entrée de jeu. Si c’est au sens strict du mot que l’on se tient, il est patent que jamais il
n’y eut d’« école verviétoise ».
Aucun des acteurs n’a en effet jamais exprimé de doctrine nette, et a moins encore
mené de combat pour l’imposer : si Le Brun tient la plume dans la revue L’Art moderne
une «école verviétoise» de peinture ? réalités d’un mythe | 93
La Neige, s.l., 1904, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 58 × 77 cm. Montréal, coll. privée. [93]
d’Edmond Picard et si, dès les années 1930, Pirenne laisse publier quelques-uns des
aphorismes qu’il rassemble dans ce qu’il nomme sa « poubelle », il n’y a là rien qui
adopte un style ou un propos manifestaire. Point de chef de file non plus, ni de porteparole. Lebrun, un guide ? Voilà une illusion que l’intéressé devait dénoncer, de manière
cassante, avant même qu’elle trouvât à se formuler : « L’école, c’est tout ce qui est à la
remorque d’un créateur, ce n’est donc rien3. »
Ce qui peut malgré tout conforter l’idée d’une école, c’est qu’une sorte de réseau
tend à associer, au début du xxe siècle, des artistes du même âge (Pirenne est né en 1872,
3. « Le Salon jubilaire de La Libre Esthétique », in
Réforme, no 2, 1903, p. 17 ; cité apud Anne Thiry,
L’École de Verviers, mémoire inédit de licence
94 | georges le brun
en histoire de l’art et archéologie, Université
de Liège, 1982, p. 76.
La Tricoteuse, Xhoffraix, février-mars 1903, huile sur carton, 54 × 55 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-449. [68]
Le Brun, Derchain et Gérard l’année suivante) et que certains d’entre eux sont sensibles
à la dynamique de ce maillage.
Les relations qui se nouent associent principalement Le Brun et Pirenne. Anciens
condisciples, ils se tutoient d’ailleurs. C’est dans L’Art moderne que Le Brun défend
Pirenne, victime du scandale qui, en 1905, sera le tournant de sa carrière (invité du
Cercle artistique et littéraire de Bruxelles, on lui signifie la veille du vernissage que son
envoi est refusé ; mais dans un deuxième temps, on expose quand même certaines de ses
œuvres, sans l’en informer). En sens inverse, Pirenne, qui jouit désormais d’une position
légitime à la fois comme artiste et comme fonctionnaire – il est devenu conservateur au
Musée communal en 1912 –, ne se contente pas de publier diverses notices sur les
peintres verviétois du xixe siècle : en 1920, il réserve une salle du musée à son confrère,
à qui il consacre le mémorable texte republié dans le présent ouvrage.
une «école verviétoise» de peinture ? réalités d’un mythe | 95
Certains des acteurs ont une nette
conscience des enjeux symboliques représentés par ce réseautage. Delcour,
Herve et Gérard écriront ainsi le
9 janvier 1936 à Pirenne pour lui demander le nom des artistes que le
Cercle des Beaux-Arts compte faire
figurer à leurs côtés sous le label « école
verviétoise » : il s’agit, s’inquiètent-ils,
« de ne pas nous risquer à exposer avec
des peintres qui ne peuvent avoir de
prétention à ce titre4 ».
Reste aussi et surtout une certaine
unité d’inspiration, de vision et d’effet,
que d’autres ont décrite mieux que moi :
le refus d’un art prétendant faire accéder à un mystérieux univers idéal ; une
acceptation de l’humilité des choses ;
une réserve dans la représentation de
l’humain (réduite qu’elle est à des ombres
fugitives, à des dos, ou à des personnages
repliés sur leur intériorité) ; des paysages
silencieux. Bref, tout ce que l’on a tenté
de faire entrer dans la case « intimisme ».
Encore cette unité ne doit-elle pas
être surestimée. D’une part, elle n’est
vraiment nette que si l’on fait fi de la
chronologie. En raison de cet intimisme,
Pirenne serait l’égal d’un Latour ou d’un
La Vieille Tricoteuse ou Symphonie en bleu ou Intérieur bleu, Xhoffraix, 1903,
huile sur carton, 75 × 61 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-451. [71]
Morandi ? Mais ce n’est guère vrai que
pour sa production des années 1950 et
1960, à partir desquelles son regard ne
se porte plus que sur la fenêtre, sur l’appui de fenêtre, sur l’objet insignifiant déposé
sur l’appui de fenêtre. D’autre part, c’est par des techniques bien différentes que nos
Verviétois arrivent à disqualifier l’anecdote : si Pirenne dit la vanité de la chose – le dossier
de chaise, le buffet – en en rejetant fréquemment une partie hors du champ, c’est au
contraire par une centration presque forcée que Le Brun y atteint ; si c’est par l’estompe
que le pastelliste Pirenne obtient un certain brouillage des plans, c’est en usant du crayon
dur que Derchain produit ses brouillards lumineux.
S’il n’y a pas d’« école », il y a au moins un surgissement sur lequel il faut à présent
s’interroger.
4. Lettre inédite, Fonds Pirenne (Bibliothèque
centrale de Verviers), citée apud Thiry, op. cit.,
p. 82.
96 | georges le brun
La Garde-malade, Longfaye, vers 1903, huile sur toile, 47 × 64 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-450. [83]
Un monde en mutation
Le xixe siècle verviétois, brillant sur le plan économique, fut d’une grande pauvreté
sur le plan de la création, tant littéraire que plastique. Mais au début du siècle suivant,
la donne change peu à peu. La bourgeoisie qui s’est constituée s’ouvre alors à la vie
culturelle. Sans pour cela pousser aux audaces (la classe qui anime la vie wallonne est
principalement liée aux affaires, Bruxelles ayant capté une part importante des ressources
humaines puisées dans la bourgeoisie de robe ; son rôle ne sera donc pas le même qu’à la
capitale). Le Brun et Pirenne sont issus de ces milieux entrepreneuriaux, qui les encourageront généreusement dans la voie qu’ils se sont choisie.
Par ailleurs, des institutions se créent. En 1889, des cercles d’amateurs se fédèrent
pour donner naissance à une Société des beaux-arts, qui disposera de son propre local en
une «école verviétoise» de peinture ? réalités d’un mythe | 97
1896. Son rôle sera déterminant pour la vie artistique locale, et notamment pour la carrière de nos peintres.
Mais à bien y regarder, il n’y a pas là de spécificité
verviétoise. C’est toute la vie culturelle belge qui connait
un tournant spectaculaire à la fin du siècle. On voit le
nombre d’étudiants croitre après 1876, à la faveur d’une
nouvelle règlementation facilitant l’entrée dans les facultés.
Ainsi se constitue une base sociale suffisamment large pour
que se constitue un public susceptible de recevoir, apprécier
(et acquérir…) les œuvres produites.
Qu’ils soient écrivains ou plasticiens, les artistes ainsi
lancés dans le champ sont le plus souvent des fils de
famille aisée, qui ont bénéficié d’une bonne formation.
Or, dans les deux dernières décennies du siècle, cette
couche de la population se voit menacée. Si l’essor économique antérieur à 1870 avait industrialisé l’économie,
il avait aussi eu pour effet de créer un secteur tertiaire
important. La dépression devait redistribuer les cartes et
hypothéquer l’insertion des jeunes bourgeois dans leur
milieu d’origine. D’où le rejet de ce milieu, dont le philistinisme est honni. D’où, aussi, la nouvelle conception qu’ils
ont de leur pratique : loin d’être « un second métier », l’art
est désormais revendiqué comme un choix d’existence.
La chose est claire pour Pirenne et Le Brun, qui n’envisagent pas d’autre carrière ; elle l’est aussi pour Derchain,
qui quittera le barreau pour le pinceau ; elle le sera aussi
pour Gérard, pour qui l’art est une conquête (ainé de douze
enfants, il travaille d’abord en usine, puis, artisan de la
Jeune garçon pelant des pommes de terre, Xhoffraix, s.l.n.d.,
pierre, pratique la sculpture, pour ne passer à la peinture
huile sur toile, 65 × 40 cm. Coll. privée. [139]
qu’en 1922).
Évidemment, ces dispositions peuvent produire des
effets très variés : par exemple, on voit se développer à la fin du xixe siècle un puissant
courant symboliste, visant à rendre compte de la réalité mouvante et mystérieuse qui
animerait nos êtres, bien au-delà du réel. Or c’est précisément cette prétention que récuseront nos Verviétois.
D’autres facteurs sont donc intervenus pour orienter la sensibilité de ces derniers.
J’en distinguerai deux.
Une intériorité wallonne
Il y a tout d’abord ce que j’oserai appeler une certaine sensibilité wallonne.
S’il faut se méfier de la thèse d’une psychologie des peuples, qui a exercé les ravages
que l’on sait, on ne peut oublier qu’une spécificité culturelle wallonne a été revendiquée
à la fin du xixe siècle (souvenons-nous de la prestigieuse revue La Wallonie, où Albert
Mockel entend réagir à la thèse d’un art belge, trop flamand, et à la prééminence du
centre bruxellois, trop hégémonique) ; on ne peut davantage nier que cette spécificité a
trouvé à s’inscrire dans les productions artistiques du temps. La chose est bien documentée
98 | georges le brun
pour ce qui est de la littérature réaliste produite entre 1900 et 1914. Les auteurs wallons
et flamands (francophones, s’entend) s’y opposent spectaculairement sur plusieurs
points. D’abord par le cadre référentiel, comme on s’en doute. Par le style ensuite : plus
recherché chez les Flamands, il est davantage classique chez les Wallons. Par le choix et
la psychologie des personnages : chez les premiers, ceux-ci sont plus souvent des exceptions sociales et leur psychologie est volontiers béhavioriste ; chez les seconds, l’accent
est placé sur les détails de la vie quotidienne plus que sur l’action, en même temps que
l’analyse psychologique est plus poussée. Ces tendances ont leurs correspondances dans
les arts plastiques, et ce sont incontestablement elles qu’illustrent les Verviétois.
Une logique centrifuge
Un second facteur à considérer est la dynamique de la géopolitique culturelle.
Il faut s’attendre à ce qu’une ville excentrée de la dimension de Verviers, avec la
structure sociale qu’on lui connait, n’offre guère de points de cristallisation susceptibles
de légitimer une production culturelle indépendante. Elle subit l’attraction de deux
centres distincts : Paris, le plus puissant sur le plan symbolique, mais aussi Bruxelles,
centre assurément moins attractif sur ce dernier plan, mais bien équipé (revues, galeries,
théâtres, etc.) et surtout immédiatement utilisable par le provincial. L’alternative sera
donc simple pour ce dernier : soit obéir aux forces centripètes, soit donner un sens à sa
position périphérique, en en exploitant l’originalité.
Et c’est bien cette posture qu’ont adoptée nos peintres. Le Brun a même joué sur les
deux tableaux : très présent à la capitale et à Gand, c’est lui qui a manifesté la sociabilité
la plus forte, nouant des contacts avec des représentants de l’intelligentsia bruxelloise,
comme Octave Maus, Eugène Laermans, Fierens-Gevaert et avec des instances comme
La Libre Esthétique. Mais sa méfiance vis-à-vis des coteries reste grande. Faut-il dès
lors s’étonner qu’on insiste sur sa retraite en Fagnes ? Le repli est spectaculaire également chez Pirenne : après l’incident de 1905, on ne verra plus de lui que quelques expositions, peut-être encouragées par Le Brun ; et, après la Première Guerre mondiale, il ne
se manifestera plus en dehors de Verviers. Derchain vient d’un univers plus conforme
au modèle de la bourgeoisie radicale bruxelloise, mais il se tient davantage à l’écart des
milieux artistiques, qu’il ne rejoint que vers 1900. Mais c’est chez Gérard que la revendication d’isolement est la plus forte. Sans doute rendu méfiant par sa dotation culturelle d’origine, il méprise les cercles artistiques qui s’intéressent à lui.
Cette circonspection vis-à-vis des aspects publics de la vie artistique, doublée d’un
regard critique aigu, est sans doute le point commun le plus évident entre nos artistes, et
celui qui a alimenté le plus pertinemment la légende dorée de l’intimisme. Pour des raisons
qui regardent chacun et dont aucune sociologie mécaniste ne peut rendre compte, chacun est resté une ile.
Il n’y a pas d’« école verviétoise » ; mais au moins y a-t-il eu, à Verviers, un archipel
d’exception.
une «école verviétoise» de peinture ? réalités d’un mythe | 99
Les écrits
de Georges Le Brun
Dans un presbytère, Thimister, 1901,
fusain, aquarelle et pastel sur papier, 73 × 50 cm.
Liège, musée des Beaux-Arts (BAL), inv. aw2141. [62]
Rassegna d’Arte, « L’esposizione dei primitivi iamminghi », octobre 1902, no 10, p. 145-147.
i paesi bassi hanno dato in questi
ultimi anni mirabile saggio del
culto amoroso che portano ai loro
grandi artisti del passato
Nel 1898 la prodigiosa esposizione di quadri,
disegni, acqueforti di Rembrandt chiamo
in Amsterdam una folla altrettanto prodigiosa di ammiratori ; un anno dopo, Anversa
riuniva molti fra i bellisimi ritratti di Van
Dyck. Oggi è Bruges che raccoglie nel suo
Palazzo Provinciale un’esposizione di capolavori del XV secolo.
Ed era giusto che Bruges, alla cui gloria
tanto contribuirono gli artisti di quelle’epoca
e che fu da essi tanto mirabilmente illustrata,
li ricambiasse in certo modo, a sua volta,
rendendo loro un omaggion cosi solenne e
gandioso.
Bruges rimane quasi immutata da quattro
secoli. La gran torre Comunale, il labirinto
di angustissime vie, di canali, di casette
gotiche, le torri e i camanili le dànno una
fisonomia shiettamente medioevale, cosicchè
quelle opere d’arte viste qui, nel loro ambiente, diventano accesibili anche ai meno
iniziati, che comprendono subito la particolar bellezza di questa scuola veramente
fiamminga, scevra d’influenze straniere. Essa
è l’espressione di una stirpe che aprendo i
suo cuore ne largisce i tesori, e si dà tutta
quanta semplicemente, sinceramente, senza
enfasi e pero senza restrizioni, creando un’arte profonda che sa penetrare nell’intimo
delle cose e parlare al cuore più che alla
mente.
Il far la critica di tutta una esposizione
dei pittori del XV secolo – se non fosse
un’irriverenza sarebbe una puerilità ; ma
vogliamo approfittar dell’occasione per
parlar di una scuola di cui non si riconobbe
ancora tutti il valore – giocchè non v’è stravaganza che gli eriditi non abbiano ripetuta mille volte, dicendo che questi grandi
102 | georges le brun
pittori « imparavano a dipingere come s’impara a piallare ; che erano abili, ma senza
alcun sentimento personale ; che si servivano
della « camera chiara »… Con quest’ultima
accusa, certa critica crede d’aver detto
l’ultima parola, e di aver demolito tutto,
come se un’opera di sentimento, d’estressione, consistesse tutta quanta nei contorni !
E che importa il mezzo sbrigativo adoperato, se l’opera d’arte ci commuove e fa
dar un balzo ?
E se fosse questa arte tutta materiale, di
pura abilità, come si spiegherebbe la sottile
e profonda psicologia dei ritratti ?
Certo è che questi nostri pittori, messi
accanto agli artisti del Rinascimento ne restano, a prima vista, eclissati ; ma, a poco a
poco, il loro sentimento ingenuo e coscienzioso, la loro volontà risoluta, e l’idealità che
informa le loro opere, vincono anche la
scienza orgogliosa e un po’vacua di quelli,
e li fa parere superficiali ed enfatici.
Al pensiero di questi nostri pittori, corrispondono sempre esattamente una forma
e un colore. Secondo il soggetto li troviamo
timidi e modesti nella Sybilla Zambetha
di Moreel dell’ospedale di S. Giovanni ;
audaci o insolenti nel ritratto di Antonio
di Borgogna a Chantilly e in quello del
Temerario a Bruxelles, astuti e prudenti nel
Luigi XI dell’Ariana o in Filippo il Buono
di Anversa, aspri e rapaci nel Pierre Bladelin
di M. Van Kaufmann, profondi e gravi nel
sublime ritratto della sposa di Giovanni
Van Eyck. S’intende qui come questi artisti, che conobbero tutti i più diversi sentimenti e li seppero esprimere in una serie di
incomparabili ritratti, dovettero condurre
l’arte a una fioritura completa e mirabile.
E non si limitarono ai ritratti, ma davanti alla natura tutta quanta si inchinarono con religioso fervore studiandola nelle
sue più umile creature, fin nel modesto fiorellino, ben comrendendo come ogni cosa
racchiuda un simbolo preciso e definito.
Cosi è che, malgrado la minuta cura di ogni
particolare, essi rimangono grandi, semplici, sintelici, vigorosi.
E da Van Eyck nobile, calmo, fino al grandissimo Rogelet de la Pasture, spesso cosi
doloroso, noi passiamo davanti al Van der
Goes del magnifico finissimo trittico di
Firenze, a Memling, a Gerard David, accanto
ai quali vediamo Fouquet, il loro fratello
di Turenna artista prodigioso fra tutti, e il
meraviglioso Antonello da Messina, senza
che mai ci colpisca una espressione esagerata o di cattivo gusto o forzata. Tutto in
quest’arte è subordinato al pensiero, bello
e alto come la forma.
Questa esposizione di Bruges sarà feconda di risultati ; mostresà per esempio
quanto vano sia il lungo discutere litigare
sulle attribuzioni, giacchè anche tra le opere
non firmate ve ne sono di meravigliose, e
chiunque abbia senso d’arte preferirà un bel
quadro senza nome a una firma illustre.
Cosi avremo visto qui affermarsi nettamente alcune personalità, perchè malgrado
i vari nomi che si succedono periodicamente
sotto le cornici di certi quadri, questi dimostrano d’essere usciti dalla mano d’uno
stesso artefice.
A dispetto dei documenti più espliciti
(apocrifi forse ?) ci siamo convinti che se
Gerard David è l’autore del meravilglioso
quadro di Rouen la Vergine e il Putto circondati d’angeli e di santi (di che on dubita alcuno) egli non ha potuto dipingere
nessuno dei quadri che qui gli vennero
attribuiti (tra i quali ve n’ha pur sempre di
bellissimi). E si potrebbero ancora fare infinite osservazioni… A Mala pena si puo
trattenere il riso davanti all’immenso trittico di Najera, un Memling (?) dagli angeli
che suonano, che meno tanto scalpore, attribuito al Maestro per una certa analogia
riscontrata nelle trombe… Infatti nel trittico
di Najera si veggono delle trombe che somigliano a quelle del Cofano di S. Orsalo…
Ma gli angeli della grande cantoria hanno
piuttosto l’aria di monelli, e il Cristo è cosi
volgare e cosi greve, che se pure il quadro
è antico, esso è opera di un imitatore dalla
mano abile, ma dal cuore chiuso a ogni
sentimento. E che importa ! Se anche tra i
quattrocento quadri esposti ce ne fossero
duecento di troppo, sarebbe forse ragione
sufficiente per biasimare e denigrate ogni
cosa ? Le meravigliose opere note a tutti non
sono qui : chi vuole, le cerchi nei Musei
aperti al pubblico. Il trittico di Van der Goes
che Tomaso Portinari ordino per l’ospedale
di Santa Maria la Nuova es che è agli
Uffizî, l’Arnolfini di Van Eyck a Londra, e
le tavole dell’Adorazione dell’Agnello di
S. Bavon a Gand e a Berlino, i Roger de la
Pasture di Anversa, di Berlino, di Beaune,
del Prado e dell’Aja sono accessibili chiunque. Qui invece si ha la fortuna rara di
vedere raccolte opere d’arte sparse nelle
raccolte private e di di cui non si conosceva che da pochissimi l’esistenza. Tali sono
le Sante Donne che piangono il Cristo
morto (proprietà del Barone d’Albenas, di
Montpellier) opera trascendentale, attribuita, senza prove positive e senza grandi
ragioni d’analogia con altre sue opere,
ad Antonello da Messina. E una pagina
sublime di carattere acuto e straziante,
sobria di colore, squisita. Le Sante Donne
prosternate, ricordano le bellissime ploranti
del sepolcro dei Duchi di Borgogna, opera
di Claes Van de Werve e Jacob de Baerze.
L’opera non è che abbozzata, ma a toni
pieni e, non somiglia nè come preparazion
nè come sentimento a un abbozzo di
Antonello, il Cristo in croce, che è nella
galleria del principe Corsini, a Firenze.
Non intendiamo con cio di negare l’attribuzione accettata, per proporne un’altra,
ma dobbiamo pur confessare che quella ci
par fantastica, e che non sapremmo dire a
chi si accosti quest’opera, se non a certi
quadri di Fouquet a cui somiglia per la
nobiltà e una certa tendenza di sentimento ;
ma poi sotto altri aspetti l’affinità non
sembra tale da autorizzare la proposta di
les écrits de georges lebrun | 103
quel nome. Ma questo è certo, che ci troviamo dinanzi a un’opera meravigliosa. E
questo basta alla gioia dei nostri occhi.
Gioia che proviamo, intensa, davanti
alla Vergine col Putto, inapprezzabile capolavoro di Roger de la Pasture, proprietà
del sig. Mathys di Bruxelles, degna in tutto
del pennello che dipinse i Sette Sacramenti
e il Giudizio Universale di Beaune. Un soave
coro armonioso di sentimenti che deliziano
l’animo, di toni sontuosi e profondi, squisito di freschezza e, cosa assolutamente rara,
in uno stato di conservazione perfetta.
Ma quante opere indimenticabili ! Come
descrivere il ritratto della collezione del
barone Oppenheim, cosi nobile e bello ;
quello della sposa di Giovanni Van Eyck
del Museo di Bruges, forse il maggiore fra
tutti, e certo il più semplice e il più intimo
ispirato a tanta dignità e reverenza, di cosi
fini lineamenti e cosi soave incarnato, che
non ve lo potete togliere della mente, e vi
insegue, e vi accompagna colla sua visione ?
E dello stesso Giovanni Van Eyck l’Adamo
ed Eva che facevano parte una volta della
Adorazione dell’Agnello mistico, di S. Bavon
a Gand, e che oggi sono a Bruxelles ? Davanti
a questa Eva, si racconta che Dürer gettasse grida di entusiasmo. Si è anche contenti
di veder qui qualche opera che, apparte-
104 | georges le brun
nendo ad altra scuola, non avrebbe forse
ragione di esservi : come l’enumerazione
di Betlemme di Pietro Brueghel il vecchio,
e la serie di tavolette della Passione di
Cristo, opera grandiosa nelle sue piccole
di mensioni, superba di stile, d’una luce
cosi trasparente da far pensare a un dipinto su vetro, e che è una delle rarissime pitture di Enrico Goltzius.
Ma a che condurebbe mai una più lunga enumerazione di titoli o di descrizioni ?
Malgrado i tesori accumulati nel Palasso
Provinciale, e al Palazzo della Gruuthuuse,
dove sono raccolte le miniature, i sigilli, i
merletti, le sculture e i gioeilli, ho rimpianto
amaramente di non vedere la statua d’avorio della Vergine col Putto, opera prodigiosa del XIII secolo, che appartiene alla
collezione del De Meyer di Bruges, e che
sarebbe stata il più prezioso ornamento delle
sale della Gruuthuuse. E chissà quanti altri
capolavori di questo periodo sono sparsi
per il mondo… e più pregevoli ancora ! In
ogni modo questa è una superba espisizione,
e l’esempio è fatto per incoraggiare, perchè
non è mai lo spettacolo delle opere belle che
tolga caraggio all’artista, ma il contatto
funesto della mediocrità.
Giorgio LE BRUN.
Texte préparatoire de Georges Le Brun pour l’article en italien paru dans Rassegna d’Arte,
« Breughel Il Vecchio », avril 1903, no 4, p. 49-51.
Je n’apporte point de pierre à l’édifice et
mon érudition ne me permet pas de suivre
sur ce terrain si passionnant la critique
savante ; car on a beaucoup parlé déjà et
excellemment de Pierre Breughel le Vieux.
Je serai sobre autant qu’il se peut de ces
documents qu’il est bon de résumer et
dont la paternité ne m’appartient pas. Et
puis, parce qu’il convient d’honorer la
belle peinture je vous parlerai de son œuvre.
Pierre Breughel le Vieux naquit à Bree près
de Bréda vers 1525. Ses parents selon V. M.
étaient de simples paysans. Sa vocation impérieuse eut sans doute raison des résistances traditionnelles des familles et il
devint à Anvers l’élève de Pierre Conck,
un esprit très fin, très cultivé chez qui,
nous dit toujours V.M. il vécut dans cet
état voisin de la domesticité, commun à
« tous les apprentis de ce temps ». Puis il
travailla chez Jérôme Cock qui bientôt
consacra son propre talent à graver
l’œuvre de son disciple. Il passa par un
lettré parce que souvent il orthographiait
mal son nom. En 1551, il visita l’Italie,
mais comme il conserva toute sa puissante
originalité, il passa pour n’avoir point
profité de son voyage. Il vint se fixer à
Bruxelles en 1563 ; y épousa la fille de
Pierre Conck mettant ainsi un terme à une
vie de célibataire un peu débraillée, devint
un mari modèle, eut 3 enfants : Pierre (B.
d’A.) qui fit des redites de l’œuvre de son
père et piquait quelques œuvres fort belles ;
Jean (B. de V.) le protégé du cardinal B. et
Marie. L’histoire finit donc bien. C’est l’essentiel et que nous croyions V.M. ou non,
peu nous chante. C’est l’œuvre d’un artiste
(et) ce que personnellement il nous a laissé
de lui-même (qui) doit nous intéresser au
premier chef. Que nous importe en vérité
qu’il ait eu des maîtres puisqu’il ne leur
doit rien ; puisqu’au milieu de cet élan
d’enthousiasme aux ailes un peu courtes
pour des grands maîtres italiens, il resta
lui-même et eût la dignité de préférer être
un maître indépendant plutôt qu’un disciple soumis ou un plagiaire ingénieux.
Son fils a copié ses œuvres, on n’a jamais su
s’en inspirer. À peine Wickelbooms a-t-il
tenter de reprendre sa conception… il
n’en fait qu’une pastiche débilité. Il est de
ceux qui parlent parce qu’ils ont quelque
chose à dire. Ils le disent avec la toute
puissante autorité d’un tempérament irrésistible, et après eux la veine est épuisée,
on doit se taire.
Faut-il déduire de ce qu’il n’eût peutêtre pas beaucoup d’orthographe qu’il fut
illettré et rustique ? Son œuvre décèle comme
le dit fort judicieusement Mr Émile Michel
un génie frère de Rabelais. Il a dit avec une
merveilleuse imagination et une somme
d’érudition parfois prodigieuse les grandeurs et les misères de l’humanité. En un
langage inouï jusqu’alors et dont on a perdu
l’éloquence, il a parlé du vice et de la vertu,
de la tristesse et de la joie, du bonheur de
vivre et de l’amertume ou de l’ironie des
choses. Il a compris la nature, dans sa plus
vaste synthèse à l’analyser, dans ses plus
humbles créatures. Il a eu ce don divin ; le
sentiment exact de l’âme humaine, la
conception précise de la matière. Ce ne fut
point par une intuition du hasard ; tout
dans son œuvre nous montre un caractère
voulu, parfaitement conscient et raisonnant
sur tout ce qu’il fait, en toute lucidité de
jugement et non point un illuminé, avec
des égarements de pythonisse.
Lorsqu’il partit pour l’Italie, il n’allait
point chercher sa route. Il savait ce qu’il
voulait dès avant son départ. Son œuvre le
montre à toute évidence, il n’y allait point
s’inspirer des maîtres, mais en amateur intel-
les écrits de georges lebrun | 105
ligent et curieux contempler leurs œuvres.
Il a dû frissonner, s’enthousiasmer en présence des quattrocentistes.
Lorsqu’un artiste atteint au style, à la
perfection et à l’émotion de la justice
qu’on ne connaît hélas plus que par la gravure, il est prêt à tout comprendre et à tout
éprouver. Son génie est trop indépendant
et la connaissance de sa personnalité trop
ferme pour qu’il puisse subir aucune influence. Mais ne croyons pas que ne point
subir c’est n’avoir point compris ; ce serait
accorder le monopole de l’intelligence aux
âmes faibles.
N’est-il point admirable cet artiste qui
de ses débuts à sa mort eut cette constante
préoccupation le respect religieux de la
nation ? préférant l’anachronisme à la science
compassée, plaçant les symboles éternels
de l’humanité au-dessus d’une puérile
vérité historique ?
S’il symbolise la foi ou l’espérance, il
nous transporte d’une grandiose émotion
lyrique, nous écrase d’un sentiment d’une
puissance irrésistible. Une séduction étrange
et subtile s’empare de nous. Chez lui, rien
de déjà vu. Il a eu la conception la plus
largement poétique, le souffle le plus ému
et le plus requérant qui ait jamais fait vibrer
une âme compréhensive.
Il devient cruel mais reste vrai quand
il raille et si parfois son rire ou ses sarcasmes manquent de pondération. Songeons
à l’époque et au milieu. On sait pertinemment
qu’à son avis, il y a pas mal de bêtes qui ne
mangent pas du foin. Il y a beaucoup de
choses éminemment morales qui ne sont
faites ni pour toutes les oreilles, ni pour
tous les yeux. En somme, parmi les peintres
qui ont aimé la nature et n’ont pas eu peur
de s’inspirer d’elle, il est peut-être le plus
original et certainement l’un des plus vrais.
Nous nous ferons une idée de sa merveilleuse conscience et du souci qu’il avait de
donner à ses œuvres la somme d’émotion
qu’elles comportaient, en suivant ces
sublimes aveugles de Jéricho. Dès 1566, la
106 | georges le brun
composition en était arrêtée, un dessin de
la collection Salting de Londres en fait foi.
Un tableau de dimensions modestes, si on
le compare à celui de Naples, mais identique, merveilleusement impressionnant
et magistralement peint, nous le montre
dans le même paysage couvert de neige.
La couleur est sobre, presque terne, il y a
quelque chose de poignant et de lamentable et chaque touche trahit la maîtrise
géniale de Breughel le Vieux. Le tableau
appartient à la collection Cardon à Br [sic].
Est-ce une étude de préparation, fût-ce
une redite ? peu importe. Le sujet le hantait.
Il en tira tout ce que son cœur de grand
artiste en pouvait tirer ; car à Naples s’est
dans les ors mourants d’un automne exquis
et brumeux que se passe une scène hallucinante et fascinatrice. Au Louvre, l’excellente copie peinte à l’huile acquise à la vente,
Luys montre une nature riche et luxuriante ; un ciel joyeux, d’opulentes frondaisons d’été. On n’y retrouve plus la
grandeur et la liberté de facture des deux
précédentes mais c’est une fière œuvre encore et qui fait penser à la splendeur de
l’original. Il y aurait une passionnante
étude comparative à faire sur ces œuvres
parfois tant répétées. Sur cette prédiction de
St Jean du musée Wicar à Lille, d’Anvers,
de Bâle et de Dresde. Sur ce payement de
la dîme récemment acquis à la vente
Huybrechts à Anvers et qui arrive de
Bruxelles l’original qui voisine la copie de
Pierre II et la remet à son plan. C’est une
page de peinture splendide, d’un sentiment
touchant et puéril et d’une incomparable
couleur. Le musée en possède une bonne
redite et le musée d’Anvers une lamentable.
Où s’est égaré l’original de ce printemps
exquis dont il existe tant de variantes…
Depuis le clair fragment tout neigeux de
fleurs blanches de Lille jusqu’à ceux plus
nerveux et plus montés de toute la collection
Mathys et de la collection Cardon, copies
du fils ? la gravure de Cock nous montre
de l’original la mer à l’horizon et dans le
soleil une flotte qui ne se voit point dans
les copies. Le bouquet du musée de Gand
est une réplique du tableau de Vienne qu’on
revoit ici ou à Lucques chez le marquis
Munsi avec la fête des rois et la danse des
paysans.
À Vienne, l’authenticité est hors de
doute et les œuvres splendides. C’est la
collection de l’empereur Rodolphe II. Si à
ces collections, j’ajoute celle de Mr. Fétis à
Bruxelles qui possède un étonnant dessin,
celle de Mr Max Rooses à Anvers avec
l’alchimiste Warmstadt avec les paysans
dansant autour d’un gibet, Dresde avec la
copie de la rixe et Haverlin avec les proverbes, je vous aurai signalé tout ce que
j’en connais.
La peinture de Breughel le Vieux est
toujours large, incisive et nette. Des traits
très francs, mais toujours harmonieux et de
délicate sonorité, un dessin expressif et
simple, large, caractérisant d’un trait génial les sentiments, le mouvement et la
forme.
Oserions-nous soutenir que celui qui
peignit d’un cœur si profondément humain
les œuvres de miséricordes, le massacre
des innocents, la prudence ou l’alchimiste
où il nous montre sans pédantisme que la
science la plus abstruse n’a point de secrets
pour lui, était un rustre de peu de culture ?
Je crois bien que l’homme qui a conçu des
œuvres aussi tragiques et aussi grandioses
que l’espérance et la justice, aussi profon-
dément imprégnées d’émotion mystique
que les œuvres de miséricorde, la Foi et la
prédication de St Jean, aussi pleines de
pitié que les aveugles, ou les hystériques,
mouvementées comme la rixe, sarcastiques
comme ses kermesses et ses ripailles, débordantes d’imagination comme ses dénonciations du vice ou sa description des
châtiments. Spirituelles et joyeuses comme
un délicieux dessin… Viffizzi où un rustre
décoche narquoisement quelque bonne sentence à un gamin dénicheur d’oiseaux, ou
comme ce moins solide Naples ; qui fut
naïf comme dans ces croquis charmants, us
regium cular & villae aliquot ou la Pagus
Nimorosus, clair et chantant comme dans
ce poème inoubliable du Printemps, fut
bien loin d’être un rustre, au contraire
l’homme le plus complet de son temps, le
plus puissamment armé contre le flot d’imitations des maîtres italiens, et le compositeur le plus imprégné de rythme et de
style qui se puisse voir.
Il dépassa les bornes de notre bienséance,
parfois. Autre temps pour autres mœurs.
Il ne fut jamais immoral et il y a un peu
d’hypocrisie dans les exclamations pudibondes de ceux qui se voilent, que certaines
œuvres ne soient point faites pour être
mises sous les yeux de tous, soit, je l’ai mis.
Il y a des pages de l’ancien testament
qu’on ne peut montrer non plus à tout le
monde, parce qu’il y a des esprits si pervers que l’horreur du vice les tente encore.
les écrits de georges lebrun | 107
L’Art moderne, 19 juillet 1903, no 29, p. 253.
le prochain salon triennal
Le jury du Salon triennal des Beaux-Arts,
élu par les artistes, vient de publier le règlement de l’Exposition. On y trouve cette disposition nouvelle et vraiment inattendue :
« ART. 9. – Les œuvres envoyées par
des artistes DÉCORÉS DE L’ORDRE
DE LÉOPOLD, membres de l’Académie royale de Belgique ou du Corps
académique d’Anvers SONT REÇUES
SANS EXAMEN. »
On nous assure que la proposition
émane d’un peintre qui, bien qu’appartenant
à l’une de ces trois catégories – nous ne
vous dirons pas laquelle – avait vu ses toiles
refusées au dernier Salon…
Il a, cette fois, pris ses précautions !
D’autre part, un artiste a demandé que
les membres du jury s’abstiennent d’exposer, afin de conserver toute leur indépendance. Cette proposition a soulevé une
tempête de protestations. Quelques membres
ont même refusé de la discuter ! Mise aux
voix, elle n’a réuni que quatre suffrages :
ceux des deux délégués de Gand, qui
avaient reçu de leurs électeurs un mandat
impératif d’abstention – celui de M. Struys
et, naturellement, celui de l’auteur de la
proposition. Pourquoi ne pas le nommer ?
C’était M. Fernand Khnopff.
Le Salon réunira des œuvres intéressantes. Constantin Meunier compte y faire
figurer un groupe important, La Maternité,
qu’il vient d’achever et qui fait partie de
son Monument au Travail. Paul Du Bois
exposera un groupe de grandes dimensions
composé de quatre figures, La Justice
compatissante, qui lui fut inspiré par les
réformes législatives du ministre de la justice Jules Le Jeune. Jef Lambeaux, outre
le Satire mordu qu’on put admirer naguère au Salon de Paris, enverra la figure
de femme qui couronnera sa Fontaine de
Saint-Gilles, plusieurs autres sculptures
et un grand dessin au fusain. M. Braecke
exposera une figure tombale.
M. Isidore Verheyden termine pour le
Salon deux portraits et un paysage.
L’Art moderne, 16 août 1903, no 33, p. 286-287.
les dinanderies
Le Caban, Xhoffraix, 1899, crayon et pastel sur papier, 75 × 51,2 cm.
Louvain-la-Neuve, musée du Dialogue, inv. BO233. Donation Boyadjan. [54]
108 | georges le brun
Cela devient une institution contemporaine
que ces expositions rétrospectives : Rembrandt,
Cranach, Van Dyck, Le Petit Palais, la
Centennale et Dusseldorf, les primitifs flamands, Van Goyen et les portraits de maîtres,
à La Haye, aujourd’hui les Dinanderies, bientôt les primitifs français ; voilà le lot de cinq
années et j’en omets peut-être.
C’est excellent. Les archéologues se
contredisent et pondent des opuscules, les
artistes admirent et parfois se consolent
(ceux qui sont vite contents), en constatant
que tout ce qui est ancien n’est pas nécessairement un chef-d’œuvre et que les piliers
d’académie sont de vieille souche.
Il peut jaillir un peu de lumière, à la
rigueur, de l’amertume des controverses, où
il s’agit surtout d’avoir le dernier mot et
souvent beaucoup d’obscurité. On renverse
facilement son encrier en discutant.
Mais ce qui est indéniable, c’est qu’il y
a des choses superbes, c’est que généreu-
les écrits de georges lebrun | 109
sement les organisateurs se prodiguent et
travaillent de l’esprit et des mains avec
enthousiasme et que si je n’avais assisté à
la mise au point de cette exposition, j’aurais eu la critique plus facile.
Les locaux sont peu propices ; quant
aux objets, la réflexion du grenadier de
Waterloo sur les Alliés me vient aux lèvres :
Ils sont trop ! – C’est tout le mal que j’ai à
dire ; mieux valait commencer par là. Nous
serons contents jusqu’au bout, désormais,
car malgré tout elle est admirable cette
exposition.
Maintenant, si j’avais un speech à prononcer, je tousserais un peu et, appuyant
les poings sur la table, je remercierais
l’édilité dinantaise, en la personne de son
bourgmestre, M. le Boulengé, pour l’accueil aimable et plein d’urbanité fait à un
visiteur arrivé trop tôt, dans les pots de
couleur, des tapis et des ficelles, en plein
énervement du dernier travail… ; des prêtres
qui m’ont donné, sur les trésors prêtés par
les églises, des renseignements qui vous
feront croire, lecteur, que je suis érudit… ;
M. Destrée, qui tout en réalisant en une
après-midi l’effort de plusieurs jours, me
donna encore de précieuses indications. –
Il fallait faire un choix. Trop peu d’espace,
une profusion d’objets arrivés en bataillons
serrés à la dernière heure rendait la tâche
plus que périlleuse. Il s’en est glorieusement tiré.
Parlons des œuvres.
De l’entrée au premier étage, au long des
murs de l’escalier, de vraies dinanderies.
(Car c’est plus une exposition du travail du
cuivre qu’une manifestation de chauvinisme local.) Cela élargit le cadre et augmente l’intérêt. Ces œuvres vont de la
Renaissance au xviiie siècle. Ces grilles de
chœur, ces chandeliers, ces plats sont d’un
travail étourdissant, opulent et riche, mais
d’un sens décoratif imprécis, d’une émotion
froide ; et l’on passe devant ces manifestations apothéotiques de l’adresse manuelle
en désirant autre chose, et la première salle
110 | georges le brun
montre une fois de plus à ceux qui veulent
voir et comprendre, qu’il n’y a point autant
qu’on le pense de différences d’époques et
de styles dans les manifestations du génie.
Trois cuves baptismales admirables au
sujet desquelles l’on disserterait longuement
et sans fatigue… Sur des choses aussi passionnantes il y a beaucoup à dire. Celle de
Tirlemont est barbare et fruste, mais impressionnante. Une patine indéfinissable
l’envahit de reflets mystérieux. Plus loin,
séparée d’elle par des fonts baptismaux de
Saint-Barthélemy, à Liège, la Cuve d’Hildesheim. C’est l’œuvre de l’évêque Bernwardt,
orfèvre glorieux du xiiie siècle, qui dota son
église d’inappréciables trésors.
Elle vaut qu’on la décrive : le couvercle
conique est partagé en quatre trapèzes aux
sommets trilobés. Chacun d’eux contient
une composition d’un profond caractère :
la Madeleine lave les pieds du Seigneur,
ses cheveux s’épandent, l’humidité de son
attitude apitoie irrésistiblement : Remittuntur
ei Peccata multa… Beaucoup de fautes lui
seront pardonnées… Puis, le symbole de
la miséricorde nourrissant les affamés,
donnant à boire à ceux qui ont soif, habillant
ceux qui ne sont point vêtus, prodiguant
les témoignages de sa bonté aux bons
pauvres qui aiment la commisération parce
qu’ils ont perdu l’orgueil. Puis Moïse et
Aaron, d’un style moins expressif, d’un parti
pris moins volontaire, d’une conscience
moins émue. Enfin le massacre des innocents,
cruel et impitoyable. Hérode ordonne,
les bourreaux assassinent, les mères sont
pétrifiées de douloureuse épouvante.
Au-dessus de ces trilobes, entre chacun
des médaillons : Jérémie au visage énergique et glabre, aux traits écrits, au vague
sourire mélancolique et calme. Le roi David
à la barbe opulente, à la fière attitude,
Ysaïe, le prophète ardent et inspiré, et un
impérieux Salomon. Un bouton le surmonte,
qui est d’un sens décoratif douteux.
Quatre compositions ornent aussi la cuve
elle-même et entre leurs faîtes trilobés l’on
voit le prophète Daniel sous le lion de
saint Marc ; l’aigle de saint Jean planant
au-dessus d’Ezéchiel, l’ange de saint
Mathieu déploie ses ailes sur le prophète
Ysaïe et Jérémie est sous le taureau de
saint Luc.
Enfin les quatre panneaux contiennent
l’Arche d’alliance, la Vierge à l’Enfant
qu’un ange prosterné adore, le passage du
Jourdain sous la conduite de Moïse et le
baptème du Christ. La patine du moulage
est peu réussie, elle a été faite en Allemagne
et ne constatant que des critiques ont
pris le moulage bronzé du candélabre de
Milan et les fonts baptismaux de SaintBarthélemy pour les originaux, je serais
injuste en ne proclamant pas M. Pierre Baes
le plus étourdissant… patineur que je
connaisse. Et franchement il faut y regarder de bien près pour revenir de l’illusion.
Quelle que soit la splendeur de la cuve
d’Hildesheim, elle subit un trop redoutable
voisinage pour nous enthousiasmer sans
restrictions. – C’est que cent ans auparavant Regnier de Huy avait produit l’œuvre
la plus prodigieuse que le génie du
xiie siècle nous ait léguée. On l’avait attribuée à Lambert Patras autrefois ; la légende a vécu. Bernwardt s’en est inspiré
– le baptême du Christ en est une preuve –,
mais s’il fut artiste de grand talent, Regnier
fut un maître de génie. Car c’est du génie
que de donner le grand choc avec une technique parfois précaire. Avec un sens prodigieux de l’impression décorative, une
synthèse de l’attitude et du geste dont la
quintessence expressive est toujours génialement exprimée, Regnier a eu encore le
don divin de l’émotion intime. Le cœur
palpite sous le bronze et je ne sais en vérité
si j’oserais manifester une préférence à l’un
ou l’autre des bas-reliefs… Mais dans le
baptême du Christ il est impossible d’oublier l’allure des anges qui tendent les serviettes, ni l’attitude des fidèles qui dans
une composition voisine reçoivent le baptême du Jourdain. Une chose que rien ne
peut décrire, c’est le magnifique équilibre
des surfaces ornées et des surfaces vides.
La continuité pleine et large, rythmique et
simple de la ligne. S’il y a des œuvres aussi
belles, il n’y en a certes ni de plus grandes
ni de plus fortes.
Dans cette salle encore, deux moulages
remarquables ; un caisson de la porte du
dôme d’Hildesheim – œuvre de Bernwardt,
je pense –, et un des candélabres à sept
branches de Milan, admirables dans le
détail, un peu mou, sans parti pris de
structure dans l’ensemble. Puis des mortiers
en métal de cloche d’une couleur étonnante, une mesure gothique du xive siècle
qui vient de Gand et qui a grand air dans
sa simplicité. Une petite chambre à droite
abrite un peuple de célébrités de la rue et
des quais de Dinant, images au lavis très
adroites et du genre dit « spirituel ». Si
Madou eût été un artiste, l’auteur de ces
figures mâtoises aurait pu avoir des prétentions, mais en quittant des yeux la cuve
de saint Barthélemy, c’est assez choquant.
Passons.
Une belle figure tombale d’Isabelle de
Bourbon est au milieu d’une petite salle
où il n’y a que des merveilles : des statuettes
en bronze extraordinaires provenant d’un
tombeau en Hollande, prodiges de style et de
sentiment que nous a légués le xve siècle.
Un ornement du tombeau de Marie de
Bourgogne qui, bien que datant des premières années du xvie siècle, a conservé
tout le beau caractère de l’époque précédente. C’est encore une des plus belles
choses de l’exposition que ce fragment du
moulage avec ses anges si amples et si immatériels protégeant le beau blason de la
fille du Téméraire.
Des grilles de laiton prêtées par l’hôpital
Saint-Jean à Bruges et par Sainte-Gertrude
de Nivelles, d’une ornementation délicate
et sobre, ornent la cheminée. Des plats de
cuivre repoussé – il y en a d’hallucinants
dans la sobriété de leur décor – tapissent
les murs… ; encore des mortiers ; tous se
les écrits de georges lebrun | 111
ressemblent, tous sont intéressants. Au
plafond pend le beau lustre gothique de
l’hôpital Saint-Jean.
Puis deux salles invraisemblables. Le
clinquant de dinanderies modernes, agrandissements étriqués et secs de médailles et
de sceaux, moules de fabricants de pains
d’épices, hurlent sur un fond tendu d’andrinople aveuglant ; et lorsque l’on sort de
là, le chemin est bref, mais l’impression
est douloureuse, il faut fermer les yeux
longtemps pour se ressaisir.
Dans une petite salle, quelques vitrines
avec des chandeliers, des bénitiers, des bibelots innombrables. Il y a des choses remarquables et si la qualité est belle, le
nombre fatigue affreusement. Il y a là deux
suspensions du xve siècle dont l’une fait
penser à celle de la chambre de l’Arnolfini.
M. Philippart, de Tournai, a le bonheur de
la posséder.
Au mur un grand plat, œuvre maîtresse
d’un Dinantais de la renaissance, au décor
somptueux et fouillé comme une orfèvrerie
de Venise.
Puis la grande galerie avec les moulages
des aquamaniles de Copenhague, ceux des
collections de Savoie, Warocqué, du Tilleul,
Brahi-Prost et d’autres ; les puisettes, les
chandeliers à deux branches et les encensoirs,
les petites lampes, la croix de Xhiguesse
prêtée par le Musée diocésain de Liège ;
les pilons et les mesures de bronze de
MM. Bartz, de Dinant, Louis Molle, de
Paris. Lescart, de Mons. Les marmites de
MM. Brunard, de Bruxelles, Guérin et Roget,
de Paris, et van den Corput, d’Anvers.
Des plats et des chandeliers des collections
vans Herkamers, Valère Mabille, Claes,
d’Anvers, Helbig et d’autres. Le coffret de
M. de Stuers, de La Haye, de forme puissante et noble, les « chauffettes » du Musée
de Namur. Une richissime profusion de
bibelots où je ne puis passer sous silence
une cruche de bronze du xive ou du
xve siècle de la collection Lescart. Puis encore
des plats, des puisettes et des chandeliers,
112 | georges le brun
des mortiers et des jeux de poids, une collection innombrable d’ustensiles du xve siècle
riches de couleur et de forme, sobres d’ornements, au style austère et digne. Des plats
avec Adam et Ève, des châtelaines avec
saint Georges terrassant le dragon…, avec
l’Agneau mystique. D’autres simplement
ornementés et ornés de devises.
J’omets des cages, des lustres, des girandoles, des statuettes et des bassins, des filigranes et des incisions musulmanes exécutés
peut-être à Venise. Une lamponette, montée
sur pied de chandelier gothique, est une des
curiosités de la collection van Goedsenhoven
et, dans la médiane de la salle, des fonts
baptismaux et des lutrins, des chandeliers
de chœur.
Le lutrin et les porte-cierges de Courtrai,
ceux de Flobecq ; la cuve de Hal que fit
Guillaume Lefèvre, de Tournai, au xve siècle.
Elle est admirable, avec son beau SaintGeorges, ses figurines simples et amples,
son architecture de tabernacle. Les candélabres à trois branches de l’ancienne abbaye de Saint-Denis, près de Rochefort, de
la fin du xve siècle, et que le Musée du
Cinquantenaire a prêtés.
Le merveilleux lutrin de Notre-Dame
de Tongres et le chandelier géant de Jehan
Joses, de Dinant, œuvre de 1372. Le testament de Bonnechose en 1379 nous apprend
que le dit Bonnechose avait une rente sur
la maison que Jehan Joses habitait au
quartier d’Asson. C’est la maîtresse œuvre
de cette salle, que ce lutrin. La pondération
et l’élan de ses formes, la pureté des lignes
et la sagesse des proportions font pâlir les
autres, pourtant admirables, qui l’entourent.
Celui de Houffalize, ceux de Saint-Jacques,
de Saint-Nicolas et de Saint-Piat, de
Tournai, ceux d’Andenne, de Veneray aux
doubles girandoles, de Freeren et d’ailleurs n’ont aucun le style d’ensemble et le
bon goût de l’ornementation du chefd’œuvre de Jehan Joses et c’est un bonheur
que de compter ces noms glorieux dans
ces siècles lointains.
Tongres envoie encore deux girandoles
du xve siècle de toute beauté. Les hospices
civils de Bruges deux autres plus belles
encore avec des figurines présentant des
blasons en cul-de-lampe.
Au milieu trône le tabernacle de Bocholt,
une œuvre incomparable aux dimensions
imposantes.
Et des chandeliers vous font la haie au
long de l’escalier de sortie. Des calques de
plaques tombales, pieusement relevés par
le regretté Hannotiau, pendent aux parois
et si l’on passe par deux salles garnies de
vieux meubles et un atelier de batteur de
cuivre, l’on a tout vu.
On pourrait terminer par une allocution
« bien sentie » montrant la beauté victorieuse du Vice… les Arts remplaçant le jeu.
Je ferai cela dans mes vieux jours.
Georges Le Brun
L’Art moderne, 6 septembre 1903, no 36, p. 307-308.
le salon des beaux-arts
article 9 : Les œuvres envoyées par
des artistes décorés de l’ordre de Léopold,
membres de l’Académie royale de Belgique
ou du corps académique d’Anvers sont
reçues sans examen.
On a fait tout ce que l’on a pu pour que
ce Salon, le premier du siècle à Bruxelles,
soit étonnant.
La plupart des membres du jury y ont
contribué, chacun selon ses moyens… On
fait ce que l’on peut, que diable, et que
voulez-vous humainement exiger du ou des
malheureux qui avaient sur la conscience
ce stupéfiant article 9 du règlement…
Je plaisante et pourtant c’est navrant.
Je vois que les temps sont proches où une
ceinture d’honneur pailletée de verroteries
et de clinquant, gagnée dans une arène de
lutte, sera considérée comme un gage de
culture intellectuelle.
Hélas ! il se trouve des… industriels qui,
en présence de leurs confrères, n’ont pas
rougi de cette désolante abdication de
dignité. On les a spirituellement flagellés
naguère ici même et je devrais ne plus y
revenir, mais c’est cela que l’on délègue
pour juger les œuvres de ceux qui se respectent. On n’enverra pas sa botte dans
cette tyrannie ? Alors les artistes dont la
dignité reste intacte accepteront qu’un
article aussi ridicule les jette en pâture aux
réflexions cinglantes de ceux qui réfléchissent… Car nous sommes en quelque
sorte un peu responsables des faits et gestes
wde ceux à qui nous accordons le périlleux
honneur d’affirmer notre volonté et nos
tendances. Vous les avez élus, digérez-les.
L’administration des beaux-arts nous
remet notre propre sort entre les mains ;
la frousse blème de vieux contempteurs
de sincérité et de générosité abuse d’une
situation pour se rendre inviolable. Il faut
que la bordée de sifflets soit assourdissante.
Ils sentent le sol s’effondrer sous leur
sénilité et ils se cramponnent à des vers
luisants. Ne rions pas du spectacle. Cela
dégoûte et jette le discrédit sur la plus fière
des professions. Craindraient-ils des représailles parce que systématiquement ils ont
vilipendé et tenté d’étouffer le vrai talent ?
Croient-ils donc que les jeunes vont se
venger ? Quelle présomption ! Il n’y aura
pas une voix pour les atteindre dans leur
petit commerce. On leur accordera une
salle (il la faudra très grande), où ils accrocheront leur marchandise. Ce sera la salle
des déshérités de la Muse. Ira rire ou s’empoisonner, en tous cas se compromettre, qui
voudra.
les écrits de georges lebrun | 113
Autrefois, prompt aux généreuses indignations de l’adolescence, il me souvient
d’avoir déploré devant Constantin Meunier
que des steppes de toile cirée lamentables,
sous forme de Bataille de Lépante et autres
Pestes (de Tournai ou d’ailleurs) couvrissent les murs sacrés de nos musées.
Meunier fit cette réponse profonde : « Non,
cela doit toujours rester là en manière de
châtiment. »
C’est cruel pour leurs mânes et si cela
montre aux jeunes gens où conduit l’amour
de la poussière et de l’érudition, le mépris
de la nature toujours radieuse et toujours
saine, cela prive aussi nos yeux de la
contemplation salutaire d’œuvre simple et
fièrement conçue.
L’art n’a que faire de ces documents
frelatés, de ces monuments compilatoires
d’oripeaux disparus. Qu’importe l’anachronisme du costume ou du décor, si le peintre
éprouve et traduit la divine émotion de
l’heure, le radieux mystère de la lumière,
ou nous montre qu’à travers les siècles le
cœur de l’humanité ne change pas.
La jeunesse est de tous les temps et
seules resteront les œuvres naïvement sincères et consciemment stylisées.
Je me suis trop appesanti sur cette
question ; car on ne lèvera pas d’étendard
belliqueux.
Étienne de la Boëtie ne nous enseignet-il point que, pour débarquer la tyrannie,
l’inertie suffisait ? Nous sommes les maîtres
de nos destinées. Respectons-nous.
114 | georges le brun
Il y a quelques bonnes choses noyées
dans le flot déprimant des plus tristes médiocrités. C’est une humiliation profonde
pour leurs auteurs de les voir figurer en
telle compagnie.
La section des arts appliqués respire et vit ;
il y a des installations d’un goût très sûr. Le
style coup de foudre ou tire-bouchonnesque
est soigneusement écarté.
Il y a des meubles de Horta d’un rythme
charmant et d’une invention exquise, des
installations de Hobé, Crespin et Sneyers
claires et sympathiques, des cartons de
Fabry d’un tout grand style, des papiers
peints et des bijoux, des bibelots charmants
et précieux. Maurice Denis, méconnu des
pharisiens, y trouve sa vraie place…
Et les peintres ont méprisé ce qui aujourd’hui les soufflette. J’applaudis parce
que j’ai du cœur.
Une main habile et sûre, un jugement
sain s’est occupé du blanc et noir. On n’y
a toléré que ce qu’il fallait de nullités pour
que tous les goûts fussent satisfaits.
C’est un four lamentable dans l’ensemble et une leçon. Jusqu’à ce jour je
n’avais exposé que mes chiens au hall du
Cinquantenaire… Nous ne pouvons pas
nous mettre tous sous la tutelle de Henry
Fierens-Gevaert… La tâche qu’il assume
est déjà assez absorbante.
Non, mon brave jury, ne fait pas une
Libre Esthétique qui veut.
Et la foire au linoleum est ouverte,
Bourgeois, précipitez-vous.
Georges Le Brun
L’Art moderne, 28 février 1904, no 9, p. 66-68.
maurice denis
les chapelles du vésinet
« Conservez toujours cette bienheureuse
naïveté, cette charmante ignorance. »
(Paroles d’Ingres à Amaury Duval.)
« C’est à genoux qu’il faudrait aimer
ces hommes là. Moi aussi je sais très
bien que celle-là a le nez trop pointu
et des yeux de poisson. Mais Raphaël
lui-même n’a jamais atteint une expression
pareille. »
(Ingres parlant des figures de Giotto
et de Fra Giovanni da Fiesole.)
J’emprunte ces citations à la belle étude
de M. Gabriel Mourey sur les peintures du
Vésinet.
En vérité, les maîtres primitifs de la
peinture ou de la statuaire française, italienne ou flamande, égyptienne ou grecque,
ne nous émeuvent-ils point davantage, ne
nous ont-ils point donné l’impression de
la vie intime ou mouvementée, chanté les
rythmes, le style et les harmonies en un
langage plus définitif que celui des classiques ?
Ce n’est pas qu’il faille mépriser la
science, mais il ne faut pas oublier que
nous nous élèverons d’autant plus dans la
compréhension d’un art, que nous apprendrons mieux à donner un empire plus
grand à l’émotion sentimentale qu’à la
perfection technique.
Il y a des maîtres peut-être aussi savants que Phidias et qui nous ennuient.
Les marbres éginétiques sont barbares, ils
nous secouent.
L’Art est divin parce qu’il est impondérable, insaisissable et subtil. C’est par
là que M. Maurice Denis est admirable.
Pourtant ce n’est point un instinctif
inconscient, je le crois au contraire le plus
conscient, le plus réfléchi des artistes.
Sans pose, dans l’édifice le plus banal,
trouvant des murs à décorer, joyeux
d’écrire un beau poème, il a transfiguré
deux chapelles. Là on oublie. Ce n’est plus
l’église aux jours crus, aux architectures
crispantes, aux bruits énervants. C’est
l’unité calme et pleine où s’émeuvent
l’esprit, le cœur et l’âme.
De l’azur ou du feu, de la joie impérieuse, enthousiaste et dominatrice de la
chapelle du Sacré-Cœur, ou de la joie persuasive et douce de la chapelle de la Vierge,
que choisir ?
Dans l’une et dans l’autre, l’équilibre de
la composition, les harmonies savantes de
la couleur décèlent le plus admirable tempérament de décorateur. Puvis étant mort,
on pouvait craindre que la grande tradition
relevée par son génie retombe dans le pédantisme. Un maître nouveau, très différent et très semblable, s’est révélé.
Elle est suave cette chapelle de
l’Assomption. Les huit nervures de sa
voûte, un peu plus vigoureuses que le ciel
divin qu’elles sertissent, sont fleuries de
larges pétales d’un rouge gris clair, d’un
bleu incertain et d’un blanc nacré.
L’architecture est respectée, les nuages
du sommet semblent effleurés d’une caresse
d’or à peine distincte, des anges planent
dans la clarté et au-dessous l’azur se mêle
aux nuées légères…
Puis, dans le bas, les nuages sont roses,
dans la retombée des voûtes, des feuillages
clairs, des fleurs nombreuses, lilas roses,
lilas blancs, seringas larges et frais, animent
le ciel de leurs masses opulentes et douces.
les écrits de georges lebrun | 115
Et l’ensemble apparait de neige et
d’azur avec des traînées d’aurore et des
fraicheurs d’émeraude. C’est dans cette
harmonie séraphique, que délicieuse de pudeur, la Sainte-Vierge s’élève au-dessus de
l’autel, écartant de ses mains timides le
voile blanc qui abrite son visage ; elle s’élève
dans la joie resplendissante. Au-dessous
d’elle, le mur est décoré de lis blancs aux
tiges d’or ; et la décoration va se dérouler
autour de la chapelle, céleste et heureuse ; à
droite ce sont deux beaux anges blonds adorablement prosternés, les mains jointes ;
l’un tout de blanc vétu, l’autre à la tunique
virginale, à la jupe bleue ; leurs ailes nacrées
ont l’air de frémir à la brise ; à gauche arrive
un angelet dans un vol immatériel, dans
une attitude d’adoration.
Puis encore, à droite, d’autres anges…
Ils chantent. Les deux plus jeunes tiennent
le grand livre des cantiques, leurs robes
alternent blanches, blanches et bleues et
vis-à-vis, à gauche, deux autres jouant de
la viole se tiennent debout derrière les
chérubins qui chantent, le cahier de musique à la main.
En face de l’autel trois séraphins en longues robes blanches ont à leur cou, pendues
par des rubans bleus, des corbeilles pleines de
fleurs qu’ils effeuillent. Dans les deux voûtes
contiguës des groupes d’anges apportent en
volant de belles brassées de fleurs.
Aux culots décorés des symboles dorés,
des litanies, huit inscriptions se succèdent :
Rosa mystica, Stella malutina, Domus
aurea, Speculum justiciae, Janua coeli, Turris
davidica Faederis arca, Vas spirituaele.
Entre les culots et les fenêtres, de
lourdes guirlandes de fleurs et de feuillages enrubannées d’azur, blanches, mauves
et vertes, font à la chapelle une ceinture
jeune et gaie, rehaussée par les couronnes
de fleurs semblables qui sont au-dessous
des vitraux.
Au dessus de l’autel une niche avec la
madone de Notre-Dame-des-Victoires et
116 | georges le brun
autour de la niche, surmontée de la
colombe et de l’inscription : L’Assomption de
la Très Sainte Vierge, des lis héraldiques
aux tiges d’or.
Nous ne saurions assez insister sur
l’harmonie, la tenue d’ensemble de cette
décoration, où les vitraux continuent sans
violence la clarté radieuse des murailles,
où leurs couleurs pénétrantes et fraîches
enchantent les yeux. Il y en a trois.
Marie retrouve Jésus au temple.
Dans un encadrement vigoureux et
clair, bleu, violet et rose, sur un fond
orange et jaune où vole un ange, la robe
bleue de la Vierge heureuse et le vêtement
blanc du petit Jésus tout auprès d’elle font
une harmonie charmante. C’est d’un sentiment exquis.
Puis c’est une superbe Visitation dans
un cadre presqu’identique. Les harmonies
sont les mêmes, il y a des raisins et un
arbre au-dessus des deux saintes femmes
qui s’étreignent.
Et c’est dans un cadre bleu, violet et
blanc, que l’Annonciation montre à la
Vierge en robe de bure claire, un ange
orange et jaune devant un arbre clair et
sous l’irradiement du Saint-Esprit.
Enfin, Les Noces de Cana. C’est une symphonie en or, vert, blanc et rose, clair et
joyeux ; deux adolescents versent le vin au
premier plan, devant la table. Derrière le festin, des groupes de portraits de donateurs au
nombre desquels Maurice Denis lui-même.
Aux trois tympans qui font face à
l’autel le prophète Ysaye, vêtu de rose
gris. En lettres d’or, auprès de lui : Virgo
concipiet et pariet filium.
À côté, l’arbre de Jessé avec la figure de
la Vierge portant le Sauveur et surgissant
du lis virginal :
Et egredietur virgo de radice Jesse.
Enfin, Michée le prophète en tunique
bleue.
C’est ensuite le déambulatoire au ciel
de cobalt étoilé de fleurs ; sur les piliers,
des vignes et des fleurs grimpantes.
Dans les tympans, les figures au trait,
drapées à l’antique, de saint Thomas,
saint Simon, saint Jude ; au-dessus du
confessionnal, le Taureau de Saint-Luc.
Puis une délicate composition au-dessus
d’une porte de la sacristie :
Le sacerdoce juif.
Tu es sacerdos in aeternum
Secundum ordinem Melchisedec.
Du bleu très pale, la robe rouge de Dieu,
du blanc et de l’or…
C’est d’un charme profond. On ne
pouvait rien concevoir de plus simple ni
de plus émouvant. Au-dessus du confessionnal, la lumière rayonnante :
Et lux in tenebris lucet. (Joan. I.)
Au-dessus de la seconde porte dans la
sacristie :
Hic est enim calix sanguinis mei novi
et actorni testamenti.
C’est le sacerdoce chrétien, représenté
par le Christ, l’hostie en main, devant
l’autel où le calice est posé.
Un enfant de chœur, à droite, présente
l’Évangile ; à gauche sont, à côté d’un
cierge, le pain et le vin. Il y a encore saint
André, un bateau aux voiles pleines de
vent, saint Jean le Majeur, saint Paul, saint
Mathieu et l’ange, le lion de saint Marc…
Entrons dans la chapelle du Sacré
Cœur.
Jésus-Christ s’est levé de son trône les
bras pendants, les mains ouvertes, montrant
ses plaies.
Sa figure est sublime de bonté, de douceur
et d’abandon. L’irradiement de son cœur
incendie sa poitrine, illumine la chapelle.
Son auréole se sépare à peine de la buée
d’or d’un ciel de soir merveilleux ; sa robe
est d’un rose fané, ses cheveux fauves…
Son trône, posé sur des nuages roses
aux ombres mauves, est ample et solide,
sans dureté. Les relations harmoniques
contribuent à l’aplomb autant que les
lignes, et de chaque côté, au pied des
marches, trois anges sont agenouillés les
ailes hautes, la tunique légère et flottante…
Au-dessus d’eux le ciel toujours inondé de
lumière, passe au vert tendre à l’horizon.
D’autres anges, plus grands, aussi délicieux, mais moins immatériels, descendent
de chaque côté, avec beaucoup de symétrie et avec beaucoup de variété, les ailes
déployées en des gestes divers et charmants dont l’eurythmie est pour l’œil une
caresse toujours nouvelle. Les ailes diaphanes se précisent, en tons mauves et
roses imprégnés d’or. Dans un couchant
d’azur délicieux, des anges rosés par les
reflets de la victorieuse lumière du SacréCœur unissent leurs mains en s’élevant au
faîte ou rythment la cadence de leurs
encensoirs.
Un horizon de campagnes et de villes
d’une allure sévère et calme entoure la
chapelle. Vis-à-vis de l’autel, sous la basilique des Oblats de Montmartre, sainte
Marguerite-Marie, sainte Jeanne de
Valois, sainte Catherine de Sienne, le père
de la Colombière, le père Eudes, sainte
Gertrude et sainte Thérèse, tous ceux en
un mot qui ont mis leur inspiration et leur
énergie au service du Sacré-Cœur. Ils sont
là dans leurs vêtements sévères, en de
graves attitudes, en extase devant des
arbres en fleurs, ressortant sur le panorama de Paris.
Puis c’est Notre-Dame et de l’autre côté, la
basilique de Saint-Denis en France,
Reims, la Visitation, Paray-le-Monial où
le Sacré-Cœur est apparu à la bienheureuse Marguerite Marie Alacoque et qui
est devenu un lieu célèbre de pélerinage.
C’est enfin Joiny-la-Bataille, où le
général Charette arbora l’étendard du
Sacré-Cœur. Et de la sorte, avec des horizons de campagnes et de monts, de villes
et de bourgs, érigeant leurs cathédrales et
leurs églises, se déroulent les centres principaux de la dévotion au Sacré-Cœur.
Ici, les nervures de la voûte, comme
dans la chapelle de la Vierge, sont décorées
avec un peu plus d’intensité.
les écrits de georges lebrun | 117
L’ornementation des culots est accompagnée des paroles symboliques du SacréCœur écrites en lettres d’or.
Nous voici de nouveau à l’autel entouré de cierges allumés.
Ridimisti nos in sanguine tuo, dit la
dernière inscription, et, symbole de la richesse et de la générosité inépuisables du
Sacré-Cœur, des roses de pourpre et d’or
grimpent du sol sur le soubassement.
Aux tympans faisant face à l’autel, le
bon Samaritain soutient le voyageur défaillant sur son cheval. L’abandon de l’attitude, le mouvement souple et gracieux
de la marche, la synthèse magnifique de
l’expression ici encore sont merveilleux.
Au centre le Seigneur unit les mains
fraternelles d’ouvriers et de savants :
Aimez-vous les uns les autres.
Enfin un berger porte précieusement
une lourde brebis dans ses bras : Je suis le
bon pasteur.
Les trois fenêtres sont ornées de vitraux exquis, dans de chaudes et claires
harmonies.
Au lieu de la quatrième fenêtre, un
tableau, la plus belle page peut être de
cette incomparable décoration :
118 | georges le brun
Et unus militum lancea latus ejus
aperuit et continuo exivit sanguis et aqua
(Joan. X).
C’est une composition douloureuse et
poignante, [simple] et profonde ; des visages
livides, des vêtements de deuil, un fond
incendié de lumière tragique. San Giminiano
de Toscane a inspiré ce paysage de tours
crénelées et de remparts… Le cœur secoué
d’un artiste ému seul a pu, dans le respect
des traditions plastiques, trouver ce frisson d’émotion inconnue.
Dans cet ensemble admirable d’unité
de feu et d’or, mais infiniment doux, c’est
la note suraiguë de la douleur exacerbée.
Elle n’éclate point ; dans cette harmonie
totale, elle pénètre irrésistiblement.
Je n’ai point parlé de génie devant cette
œuvre que j’admire de toutes mes forces…
J’attends qu’un autre, plus autorisé que
moi, ait prononcé ce mot auquel songèrent
je n’en doute pas M. Adrien Mithouard et
M. l’abbé Des Fossés dans leurs belles
chroniques de l’Occident.
Lorsque tout le monde aura bien compris, je serai fort heureux d’avoir été des
premiers à le penser.
Georges Le Brun
Paris, janvier 1904.
Chemin de Fagne, s.l.n.d., aquarelle sur papier cartonné, 29 × 39 cm. New York, coll. privée. [153]
les écrits de georges lebrun | 119
L’Art moderne, 31 décembre 1905, no 53, p. 425.
exposition maurice pirenne
correspondance
Nous avons reçu la lettre suivante :
Voulez-vous bien divulguer ces quelques
lignes ? Un petit événement, tout simple,
qui s’est produit fort souvent déjà et qui
se produira encore, a failli m’indigner. J’ai
même été tout rempli de dégoût, pour
vous dire vrai, à la lecture de ce billet :
« Maurice Pirenne a l’honneur de
vous informer que l’exposition de
ses œuvres au Cercle artistique
n’aura pas lieu.
« M. O. Coppens, secrétaire, sur
l’avis conforme du comité et du
bureau, l’avertissant que son envoi
est refusé, la veille de l’ouverture.
« Vous êtes juge du procédé. »
Au premier moment j’ai répété les mots de
Flaubert :
« Ce qui rampe n’aime pas ce qui plane…
Le pouvoir n’aime pas un autre pouvoir. »
Et me voilà tout honteux de moi-même de
l’avoir pris de si haut et de m’être surtout
fourvoyé de la sorte. A-t-on jamais vu ces
messieurs refuser les œuvres d’artistes
consacrés, que leur réputation fût de bon
aloi ou telle que sont généralement les réputations ? Nous pouvons donc conclure :
cette commission, qui vient de se révéler si
petite, aime le pouvoir.
Soyons modéré : je gage qu’il n’y a
eu là rien que de fort humain : l’usage
agréable pour certains caractères d’un
pouvoir anonyme. L’un signa – non pour
tous, ayons la générosité de croire qu’il y
eut des absents ou des dissidents, mais
pour une majorité… – et, il n’y a pas à
dire, le malheureux doit abdiquer un peu
de sa dignité pour dire à quelqu’un
« Dignus es intrare » fort malgré lui, ou
120 | georges le brun
bien : « Vous êtes refusé », après qu’il a
lutté pour vous avec une chaleur et une
grandeur d’âme pure comme la loyauté.
Si je suis un jour d’un jury – je n’y
compte guère – je refuserai cette retraite
de responsabililité. Le vote secret me dégoûte, que voulez-vous !
Pirenne n’est pas encore fort connu, il
n’est donc pas encore un pouvoir. Il n’est,
partant, nécessaire ni de le craindre ni de
le respecter. Y a-t-il là un sentiment que
nous ne coudoyions tous les jours ? Son
art n’est point fait pour plaire, puisqu’il
n’y a rien de semblable, en somme, et que
le terme de comparaison manque pour en
doser la valeur. Il n’a rien de l’imagerie
aimable et propre aux gentilles couleurs
bien déterminées, rien de la pâte épaisse
et chaude qui permet à la peinture dite si
erronément « flamande » de considérer
avec, un dédain paisible les cuirs de
Cordoue les plus patinés ou les pipes
d’écume les mieux culotées ; il n’est pas
même ésotérique.
Pirenne n’est que vrai, et il n’est pas
littéral ; sa vérité est symbolique parce
qu’il voit l’esprit plus que la lettre, parce
qu’il dédaigne ce que nous admettons
conventionnellement comme vrai, pour
arracher à la nature seule et à son cœur
l’éloquence de nos impressions. Il a le
sens de la grandeur dans la simplicité. En
faut-il davantage pour n’être point compris ?
N’accusons donc pas le Cercle artistique d’avoir mis l’ombre d’une animosité jalouse dans sa décision ; un groupe
anonyme de propriétaires des royaumes
terrestres a agi conformément à sa nature… injustement parce que aveugle,
brutalement parce que sans manquer de
bonté, j’en suis convaincu, il n’a pas beaucoup de délicatesse.
Il faut, je le répète, espérer que la commission du Cercle est fort nombreuse et
que le nombre des présents fut restreint.
Je n’écris pas ceci par amitié, souriant
parfois de don Quichotte, mais j’accomplis un devoir, plus vis-à-vis de l’art luimême, que nous devons placer haut dans
nos cœurs, que vis-à-vis d’un artiste.
Tout cordialement à vous,
Georges LE BRUN
Theux, Grand Vinâve, 4, le 28 décembre
1905.
D’autre part, nous avons lu dans
l’Étoile le compte rendu élogieux
d’une exposition de M. Maurice Pirenne
au Cercle artistique. Quel est ce mystère ?…
L’Art moderne, 4 mars 1906, no 9, p. 68-69.
le salon de la libre esthétique
le groupe belge
Plus intensément que jamais en cette exposition j’ai ressenti les affinités des tempéraments artistes d’une époque opposées
aux qualités et aux défauts essentiels à
chaque race.
Je ne pourrais dire école belge – un individualisme trop impérieux anime les
peintres d’aujourd’hui pour qu’il soit possible de les enrégimenter –, et pourtant les
voilà bien tous de notre siècle, en dépit
d’attaches lointaines à de grands ancêtres.
C’est bien plus la mentalité qu’il faut étudier, l’idéal qu’il faut discuter chez un artiste, que la valeur de telle œuvre, pour
aider à l’intelligence du mouvement de
fière indépendance auquel nous assistons
depuis longtemps déjà. Si le calme a succédé aux cris, ce n’est point que l’intérêt
faiblisse en ces dernières expositions : mais
l’éducation se fait, et beaucoup de ceux
qui ne comprennent pas ou qui réprouvent
sont un peu honteux de ne point comprendre ou de réprouver… Nous sommes
si loin du non me pudet fateri nescire !
Il est intéressant ici de constater l’insuffisance des dons les plus riches à produire une œuvre durable, et le secours
décisif qu’apporte à une plastique émue et
consciente un esprit rythmique et cultivé.
Ruminons longuement avant de peindre,
mais, de grâce, ne peignons pas en ruminant.
Il a été parlé d’Isidore Verheyden, dont
l’importante exposition fait regretter la
mort (1). La tâche, ardue encore et délicate,
est allégée.
M. Louis Thévenet a de l’atmosphère,
de la couleur et des valeurs des tons une
conception charmante. Il aime de tout son
cœur les intérieurs qu’il peint en ingénu,
original sans le vouloir être spécialement.
Je connais peu d’harmonistes plus discrets, plus distingués, peu de poètes plus
touchants.
Voilà donc un pur artiste. Arrêtons là
des éloges bien mérités, pour discuter son
manque d’équilibre. La composition, la
mise en page d’un tableau sont choses capitales. Ce n’est pas qu’il faille faire de
jolis arrangements, disposer d’aimables
accessoires ; loin de là. Mais il faut dans la
sobriété un équilibre tel qu’une œuvre
vous entre dans l’œil sans que le poids
d’un côté l’entraine, sans que le souci de
ce qui n’y est pas hante votre cerveau. Ce
que peint un artiste doit être suffisant par
son volume et sa signification pour que
notre vue l’embrasse d’emblée, sans déchet. C’est d’une difficulté considérable,
les écrits de georges lebrun | 121
mais l’œuvre de M. Thévenet est trop intéressante pour ne la point discuter.
Un souci de rythme plus manifeste chez
M. Oleffe a produit une page pénétrante,
Avant le festin. L’artiste est aussi là tout
entier, expliqué par sa peinture : l’amour
des harmonies franches, subtiles ou nerveuses, une mise en page hardie. Peut-être
à côté de cela un peu de lourdeur, pas assez de souci de ce qui se trouve derrière les
étoffes. Des touches éloquentes et des surfaces matérielles en ce sens qu’elles sont
trop manifestement « peintes ». C’est un
métier complexe, nous le savons, mais il
ne faut pas que chacun y puisse prétendre.
Une grande probité, une belle énergie, un
paisible mépris du convenu, du déjà vu,
de la belle peinture – au sens assommant
de ce mot qui présume de la pierre ponce
et du bitume de Judée, du vernis – anime
l’œuvre de M. Oleffe.
Le coloriste exceptionnel qu’est M. Jean
Le Mayeur ne se doute pas du tout qu’il y
a autre chose en art que des tons magnifiques. Quand on joint les délicieuses harmonies de la Ferme rose, de la Neige, et du
Printemps, ce n’est point fini. Ce qu’il y a
même d’embarrassant, c’est que cela ne fait
précisément que commencer ! Imaginez
une forme moins dédaigneuse de son symbole, une coordination moins tâtonnante,
et nous pourrions admirer un frémissant
poème.
L’impérieux individualisme dont j’ai
parlé ne fait point souffrir M. Modest Huys ;
si Emile Claus a mauvais caractère, il
aura des désagréments.
Voici un volontaire, un artiste pénétré
de sa mission, poète rêveur, enthousiaste,
convaincu. Il est habile et gauche tout à la
fois, profond et puéril. Il nous vient en droite
ligne du moyen âge, et je n’en connais guère
de moins archaïsant. M. Eugène Dopchie
tout entier est l’homme de Sous la lampe,
de la Colonne de cavalerie. Ces cavaliers
122 | georges le brun
sont des joujous naïfs sur une grande table.
Il a plus de cœur que de savoir, ce que
nous sommes enclins à proclamer vertu. À
force d’être honnête, il est un peu timide :
à force de vivre de leur intimité et de sa
conscience, ses vieux sont un peu étiolés.
L’écueil est là, et le remède aussi ; un peu
– très peu – plus loin dans cette ingrate, et
qui sait si cette vie interne n’eût pas victorieusement rayonné ? Il y a dans cet art
des trésors d’observation et de tendresse.
Avez-vous vu sur la cheminée, près d’un
des vieux, ces pots noyés dans une lumière
blonde, ces pots solides et lourds dans l’air
légers ? Avez-vous aussi admiré cette église
du béguinage imprégnée d’une reposante
lumière diffuse ?
Beaucoup de talent, trop peu d’amour
de l’existence, une âme triste et hautaine
sans doute, mais, je le crains un peu, une
âme d’archéologue arrête l’essor de M. Réné
Gevers. Il dessine de belles choses avec de
belles couleurs, son métier est intéressant.
Il aime trop ces choses pour ce qu’elles
sont elles-mêmes et le modernisme qui s’y
infiltrerait, l’anachronisme qui leur apporterait la vie lui ferait mal.
Les vues de Paris de M. Bärwolf ont
des qualités de facture remarquables.
C’est un peu lourd, mais c’est fort sincère,
la couleur est discrète et fine, la matière en
est fort belle. J’ai peut-être tort de trouver
cela un peu lourd… Ce n’est peut-être
point assez neuf, mais il y a là une volonté
peu banale et une intelligence déliée.
J’aurais, je pense, parlé de tous les
peintres belges si je signale la distinction
de couleur des toiles de M. Heintz et l’insuffisance de sa forme et de son style, puis
les promesses aimables de Mlle P. Deman.
(À suivre.)
(1) Voir, dans notre dernier numéro, l’article
de M. Octave Maus.
L’Art moderne, 11 mars 1906, no 10, p. 75-77.
le salon de la libre esthétique (1)
les peintres étrangers
La peinture de M. Borchardt a le défaut
très grave d’être trop lourde… ou point
assez. À cultiver les qualités de sa race, à
poursuivre sans parti pris aucun son tempérament, M. Borchardt donnerait son
exacte mesure. – Pourquoi s’assujettir ?
C’est ainsi que le tableau Au bord de la
mer, de Mme Alice Dannenberg, se trouve
être une chose fort complète, en même
temps qu’il trahit absolument ses soucis
d’artiste : consciente de sa lourdeur, elle la
souligne, elle la rend drôle, vivante et
splendide. Cette grosse femme, toute dévêtue, assise sur le sable, n’est point une
caricature ; elle a été vue et rendue d’un
cœur ironique et joyeux ; et c’est aussi, à ne
s’en tenir qu’au métier, un morceau capital.
Grosse comme la joie à la fois rustaude et
fine du bon Alcofribas Nazin, cette vision
de la nature et des choses est aussi très spirituelle. L’incomparable opulence des harmonies les plus distinguées du ciel et du
sable, des chairs et du linge supprime du
coup, sans rien altérer de ce qui doit rester
épais, toute vulgarité à cette belle artiste.
La Suisse et l’Espagne évoquent, non
sans talent, des personnalités plus définies.
La rosserie suraiguë de Toulouse Lautrec
ne reçoit aucune atteinte de la morbidesse
un peu déliquescente de Mlle Albeniz… et
Mlle Zuricher ne détrône pas Cézanne.
Un Norvégien, M. Diriks, aime les éléments et se passionne pour leurs émeutes.
Cela nous vaut sa Rafale de neige, d’une
puissante acuité.
Je craindrais que l’amour des fumées
et de la neige ne conduisit M. Paerels (un
Hollandais, celui-ci) jusqu’à la glorification de la couleur blanche pour elle-même.
Si cette vision sied à merveille à certaines
œuvres, telles ses Fumées de dragueur d’une
grande finesse et d’un profond mystère,
il deviendrait fastidieux de l’ériger en
système.
Puis c’est M. Stephen Haweis, dont toute
la peinture proclame qu’il est Anglais.
Une exquise saveur de coloration, un
calme souverain dans les attitudes féminines le requièrent visiblement. Il aime ses
prédécesseurs nationaux, mais la grâce
française l’a effleuré. – Cette grâce, sans
tuer son tempérament, a touché davantage M. Tomas-William Marshall. Sa façon
de situer ses maisons a quelque chose de
volontaire et de puéril. C’est enfantin et sa
lubie de sertir les contours est presque
captivante. Dans le Tub, la main qui lave
le dos a une souplesse délicieuse, et la distinction un peu maladive de la couleur qui
caractérise sa race est extraordinaire dans
le Reflet et dans les Peupliers à Joigny.
En vain pourtant chercherons-nous
parmi les étrangers qui ne sont pas de
France, si j’en excepte Mme Dannenberg,
quelque frisson non éprouvé.
Je ne sais pourquoi un chauvinisme un
peu agressif nous rend injustes à l’égard
de la peinture française. Il y a de ces préjugés qui s’enracinent dans le néant alors
qu’il importerait à notre honneur que nous
fissions justice de ces jugements étroits et
téméraires : à aucun prix on n’accorde aux
Français la couleur ; et si l’un d’entre eux
force notre admiration, sans plus de cérémonie nous en faisons aussitôt un Flamand.
Reconnaître que la France ne doit rien
à l’Italie, ni à la Flandre, ni à la Hollande,
n’enlèvera rien au mérite d’aucune école :
leur valeur est intrinsèque et tout indépendante de la critique.
Quand un peuple entier crierait que
la terre est carrée, je pense bien qu’imper-
les écrits de georges lebrun | 123
turbablement elle demeurerait plutôt un
peu ronde !
Je ne sais point dans l’histoire de l’Art
d’école plus diverse et plus une. Des fresques
de Rocamadour ou du Petit Quévily à
Rouen, du portrait de Jean-le-Bon, de la
Pietà de Villeneuve, de Fouquet et du
maître de Moulins à Watteau, Chardin,
Fragonard ou Debucourt, nous ne passons
que par une crise morbide, une influence
étrangère : c’est après le passage néfaste du
Primatice à Fontainebleau. Mais Claude
Gelée et le Poussin bientôt témoignent de
l’éclatante revanche de l’esprit national.
À travers tant de siècles, le même
rayon toujours jeune illumine l’école entière : le goût noble et plein de tact dans
l’ordonnance, le rythme de la composition, la modération, mais aussi la signification claire et stylée des allures, le charme
subtil des harmonies et la sérénité un peu
narquoise ou attendrie, mais jamais, au
grand jamais, désordonnée de l’expression.
Tout le xixe siècle procède de cette âme
de la Patrie ; parfois plus profonde, plus
mélancolique, plus sombre peut-être, elle
ne s’est jamais alourdie.
En dépit de son enthousiasme pour
Rubens, qui subit bien plus l’influence de
Venise que Delacroix la sienne. Eugène
Delacroix est différemment orchestral.
Et tous les autres : David, Ingres ou
Chassériaux ; Decamps ou Géricault ;
Rousseau, Millet et Corot ; Manet, Puvis
ou Fantin Latour… Tous ceux, en somme,
qui vivent encore et que nous aimons, sont
bien de Gaule !
S’il faut absolument assigner une origine, des atavismes, si lointains fussent-ils,
qu’Athènes – mais Athènes seule –, revendique l’esprit de la France, fille d’Aristophane
et de Périclès.
Tous les exposants de cette année sont des
nouveaux venus, la floraison est saine, belle
et claire, hardie et gaie. Les recherches
ardues des naturistes portent leurs fruits.
124 | georges le brun
Les outrances ont disparu. Ceci n’est
point un paradoxe : les témérités que nous
voyons sont très sages, car nous y allons
découvrir des éléments plastiques de tout
repos. Puissé-je ne point terminer ces
lignes sans avoir rangé plus d’un à l’avis
que des classiques marchent dans cette
avant-garde.
Certes ce n’est point ici M. Alcide Le
Beau que je vise, encore que son tableau
Au bord du lac ne soit pas tout à fait
dépourvu de qualités. Ce n’est point non plus,
quoique davantage peut-être, M. Alexandre
Urbain : sa couleur est un peu brutale, sa
touche épaisse, et l’Allemagne, du chef
aussi de ses mises en pages trop appuyées,
ne le revendiquerait pas sans raison. Ses
Deux amies décèlent un indéniable savoir.
Nous nous acheminons avec M. GeorgesLéon Dufrénoy vers une notion plus artiste,
parce que moins voulue, de la signification
des choses. À ne citer que ce canal, vu de
quelque terrasse vénitienne, au soir tombant – sa toile la plus complète car à la
solidité matérielle elle joint la lumière, la
couleur, l’air et la vie –, admirons l’impression des gondoles mystérieuses qui
grouillent dans l’eau mouvante.
J’inclinerais à apparenter les personnalités intéressantes de MM. Henri Matisse,
Jean Puy, Albert Marquet et Charles Camoin.
Si le premier n’apparaît point tout
d’abord comme le plus séduisant, il ne
semble pas moins, à le scruter, le plus rhétoricien de sa méthode et de son intelligence
de la plastique. Et si la volonté originelle
part de chez lui, la réalisation poétique la
plus déterminée du rêve préconisé appartient, semble-t-il, aux autres. Témoin, le
Paysage de M. Jean Puy et son Souvenir
de Concarneau, où la lumière vibre dans
les plus hardies tonalités, sans discordance. Plus aigus et plus vrais encore les
paysages de M. Marquet, chez qui le sens
des oppositions de la lumière et de l’ombre
touche au maximum de la sonorité. Quant
à M. Camoin, il est fort inégal. Il n’est pas
non plus le moindre de ces artistes ; il s’écarte
davantage de cet air de famille qui les
unit. La matérialité des tons qui ôte à son
Canal à Martigues et à son Capri l’atmosphère impondérable qui donne à l’éclat des
tons lumineux tout leur accent, disparaît
de sa Vue de Saint-Tropez pour en faire une
des œuvres les plus complètes de l’exposition ; et nous pouvons ici admirer de pair
la composition, le sens très subtil des valeurs
et le respect des tons locaux, très francs en
dépit des contingences de l’éloignement et
du clair obscur ; et si sa Dame au parasol
japonais étais plus sévère d’anatomie, certes
nous aurions une belle réalisation du rêve
d’éclatante symphonie de couleurs de cet
artiste.
(La fin au prochain numéro)
L’Art moderne, 18 mars 1906, no 11, p. 83-84.
le salon de la libre esthétique (2)
les peintres étrangers
Les trois toiles de M. Henri-Charles Manguin
nous font aimer celui-ci presque sans restrictions. Ses études, peu ou point vêtues,
ont une chasteté lumineuse et claire. C’est
la peinture d’un artiste ému et aussi d’un
homme de tact et de goût. On criera. Les
cris sont nécessaires ; d’abord ils font
connaître ceux qui les poussent.
Le bonheur et le bien-être de se trouver
au soleil propice, caressé par les fraicheurs
de l’ombre frôlante, ne comporte rien en
soi qui atteigne notre respect de la pudeur.
Il n’y a dans les œuvres de M. Manguin
que des sentiments profondément intimes et
d’amabilité charmante. Point de vieillards
parmi les buissons de ces retraites pour
nous remémorer Suzanne. Point d’opposition libidineuse pour servir de repoussoir
à la décence. Point d’hypocrisie, donc, mais
de la souplesse et de la joie, des poses
exquises, gracieuses et fraîches… d’une
fraîcheur acidulée, tempérée par la tiédeur
qui assouplit. La lumière règne en une
profusion qui n’aveugle point et qui est
l’essence même du soleil des étés cléments ;
et dans la synthèse hardie de cette manière
ingénue et fraîche il y a quelque chose de
si gentil et de si jeune, de si fin et de si bien
ordonné que je me demande ce que
voudraient les plus grincheux.
Que Mme Lucie Cousturier me pardonne
de n’avoir point commencé cette étude par
les considérations que m’a suggérées sa
peinture. Je lui devais cet honneur à cause
de son mérite et indépendamment de tous
autres égards. J’ai mieux aimé finir par les
artistes que je préférais et ai foi que cet
innocent épicurisme me sera pardonné.
Non plus que chez M. Manguin je ne
trouve sa couleur littéralement vraie. Mais
dans les œuvres admirées surtout des pontifes qui nient l’élan juvénile des chercheurs
indépendants d’aujourd’hui, et qui, avouonsle franchement, ont aussi maintes fois toute
notre admiration, trouvons-nous une
couleur moins conventionnelle ? La claire
franchise peut-être plus symbolique que
littérale de ceux-ci ne vaut-elle point la
splendeur corsée de ceux-là ? La vérité de
Rembrandt rayonne au delà de sa couleur.
Il y a plus de conventions que nous n’imaginons en art, et nous prenons trop pour la
vérité, la coutume. La lettre tue et l’esprit
vivifie et c’est un fort vivifiant esprit que
nous avons le bonheur de discerner.
L’accentuation des caractères est un des
éléments de la synthèse ? Dans le portrait
de Mme Cousturier il y a un divan et des
coussins, de l’étoffe ; une dame drapée
dans un très simple peignoir bleu. Assise,
les écrits de georges lebrun | 125
elle est rêveuse et grave, les jambes croisées,
le coude sur les genoux, le menton dans la
main. Les coussins sont moelleux, l’étoffe
souple n’a ni plus ni moins que son épaisseur.
La grâce pénétrante et songeuse de cette
jeune femme est d’autant plus prenante
qu’elle est sans apparat. Je suis ému d’un
pareil abandon, qui dans sa pondération
délicieuse et discrète ne pouvait émaner que
d’une femme. Mme Cousturier a peint aussi
des fleurs. Que vanterai-je le plus ? La sonorité de leurs brillants pétales ou leur légèreté ? Dans le pot de tulipes à contre-jour
je ne puis me lasser d’admirer la transparence des fleurs opposée à l’opacité du
vase, leur fragilité opposée à sa solidité.
Plus complète peut-être encore, au point
de vue du respect de la nature de chaque
chose, ses Fleurs des champs : les rideaux,
le tapis épais et un peu terne sur le bois
dur de la table, l’éclat des fleurs rouges et
jaunes qui vivent bien dans l’air entre le
blanc des rideaux et le ton lie-de-vin du
tapis sont d’une artiste intensément pénétrée
de la nature.
Mais nulle part je n’ai rencontré davantage, allié à l’équilibre de la composition,
un sentiment plus pur de l’atmosphère et
du soleil que dans ses paysages. Rien n’en
dépasse l’eurythmie, la lumière et la noblesse,
et pourtant si nous nous plaçons au point
de vue de la vérité littérale, c’est faux. Le
ton que recherchent nos habitudes n’y est
pas, mais le dessin, la lumière et le style
sont profondément sentis. Vaudrait-il mieux
que tout y fût ? Je le crois, mais n’oserais
encore en répondre, car il n’existe point
d’œuvres absolument complètes et ce qui
se trouve ici compense largement ce qui
manque.
Ce qui fut voulu me paraît chez
Mme Cousturier, comme chez M. Manguin
à peu près réalisé et voici qui nous donne
raison lorsque nous supplions qu’on nous
laisse la paix une bonne fois avec le souci
trop exclusif du métier.
Trop de perfection engendre la froideur.
J’en veux trouver l’éclatant témoignage
au dôme de Pise, où la barbare mosaïque
de Cimabue anéantit d’impeccables Andréa
del Sarto.
les sculpteurs
Un honnête buste de Renoir, par M. Paul
Paulin, très vivant et très senti ; d’assez
élégantes petites plaquettes de M. Otakar
Spaniel, sculpteur tchèque ; les débuts
habiles de nos compatriotes Mlles L. Mayr
et Y. Serruys, qui ne vont point au delà
encore d’une adresse fort considérable
pour leur âge ; les œuvres de MM. Albert
Marque et J. Jouant, dont l’envoi est sérieux,
font au milieu des salles de peintures une
diversion fort aimable.
Puis un Allemand, M. Bernhard Hoetger,
qui, las sans doute de s’en prendre à Rodin
et à Meunier, bifurque subitement vers un
art synthétique et plus personnel, apparenté
à celui de M. Aristide Maillol peut-être, mais
d’une grâce nerveuse et d’une simplicité
très consciente dans sa Tête de femme et
dans son Torse de jeune femme.
D’essence synthétique et décorative, la
statuaire, plus qu’aucun autre art, s’agrandit
en raison de ce qu’elle dépouille de superflu.
Finissons donc cette étude trop sommaire
peut-être, par quelques mots sur l’art de
M. Maillol. Il faut bien procéder de quelqu’un,
et les plus orgueilleux en ont pris leur parti.
Comme Gauguin, qui s’émut du charme
puissant et mystérieux des fétiches. M. Maillol
a été impressionné par la grandeur impérieuse des Égyptiens et des Orientaux. Rien
de trop chez lui, des mouvements très vivants
et très justes, des formes essentielles, mais
suffisantes. Une impression d’art intense,
synthétisée aux limites du possible. C’est
tout. Les sculpteurs qui ont quelque chose
à dire et le savent exprimer sont bien rares !
M. Maillol est à coup sûr de ceux-là. Dans
ses œuvres précitées, M. Hoetger aussi est
en passe d’y atteindre.
Les Lambris de chêne, Xhoffraix, vers 1895,
huile sur toile, 65 × 42 cm. Coll. privée. [27]
126 | georges le brun
les écrits de georges lebrun | 127
Réforme, 1903, no 2, p. 17-21.
le salon jubilaire
de la libre esthétique
Het zal onze lezers niet verwonderen dat wij
in ons tweede nummer een artikel plaatsen
aan de jongste tentoostelling van de « Libre
Esthetique » gewijd, wanneer wij ons daar
mee ten doel stellen een hulde te brengen
aan den heer Otave Maus een groot hervormer. Te meer is het ons een vreugde dit
te kunnen doen nu de heer Otave Maus na
twintig jaren van volhardend streven bij
gelegenheid van gezegde tentoonstelling
niet alleen een jubileum viert, maar een
triomf tevens.
En 1884 la franche lumière que ne demandait
qu’à s’épanouir paisiblement se vit déclarer
la guerre par l’immémorial pot au bitume.
Lorsque l’on est jeune et que l’on se sent
taillé pour la lutte, la guerre est un sport
agréable.
Monsieur Octave Maus groupa les XX
et depuis lors il fut le commandant de
l’avant-garde. On vit des outrances, on se
chamailla, les vieux ne furent pas contents…
Le mécontentement est le diagnostique de
la décrépitude.
L’école ancienne eut des champions
pleins de bonne volonté, mais on ne défend
pas une école, parce qu’une école cela
n’existe pas.
L’école c’est tout ce qui est à la remorque
d’un créateur, ce n’est donc rien.
Les jeunes, proscrits en ce temps-là
des Salons officiels, laissèrent les bouddhas
s’adorer entre eux et donnèrent une large
et cordiale hospitalité à leurs confrères malmenés et méconnus.
Tels vinrent les voir pour s’en gausser
qui s’en furent les admirant.
On rua bien un peu dans les rangs, mais
les escarmouches furent plus fastidieuses que
tragiques et de tout ce tapage est résulté la
128 | georges le brun
victoire de la lumière, de la sincérité et de
la personnalité.
Les Salons de Gand et de Bruxelles,
obligés encore à quelque déférence pour
les échantillons surannés, reçoivent aujourd’hui ceux que l’esprit d’antan eût bannis.
Est-ce à dire que le beau soit une question
de mode ? Non point.
Mais ce qu’il faut abattre sans pitié ce
sont les parasites qui vivent aujourd’hui
encore de l’aspect extérieur déshonnoré par
un vil esprit de mercantilisme, de la réputation et du génie des Leys, des de Braeckeleer,
des Artan et de tous les sincères, en somme,
qui combattirent non point pour un drapeau
ou pour une chapelle mais pour la puissante
Vérité. Ceux-là qui admirent assez quelqu’un
pour le redire ne le comprennent pas. Ceux-là
nuls resteront (il vaut mieux avoir le courage de le dire) qui n’auront aimé que
leur conception à eux.
Octave Maus, avec un tact plein de délicatesse et d’humour, un sens des arts plastiques digne d’un praticien, amena le public
à admettre petit à petit bien des choses
qu’il eût réprouvées. Il se servit du snobisme pour tuer le snobisme sans le faire
crier et il peut revendiquer une large part
d’honneur dans la création de l’éclectisme
contemporain. Si les XX avaient vécu en
tant que cercle plus de dix ans il en serait
advenu ce qu’il advient de tous les cercles,
une coterie où la routine s’infiltre et finit
par gangrener l’organisme le plus sain ; et
puis Nature se plait en diversité, on avait
remporté des victoires, mais la guerre n’était
pas finie. Les vieux ne veulent jamais s’en
aller et c’est parfois si drôle de les voir se
cramponner hargneux et suffisants à
leurs illusions, que l’indignation du juste
désarme.
La Libre Esthétique succéda aux XX.
Elle fut plus large et plus accueillante
encore s’il se peut.
Tout ce que ces dernières années révélèrent de plus intéressant se vit là. Ce Salon
jubilaire clôture dignement un second cycle
de dix années de combats. Les attrapades
n’ont plus d’aigreur, ceux qui sont aptes à
comprendre discutent avec l’autorité de la
compétence et la politesse des gens qui ont
une conviction tranquille. C’est le sentiment
de l’insuffisance qui énerve. Parfois une
pitrerie de critique de mauvais goût (les gens
d’esprit sont rares) éclate plus réjouissante
que néfaste. Rien ne fortifie une puissance
comme une attaque niaise et Dieu sait si
La Libre Esthétique en a subi de ces assauts
de renards affamés de raisins qu’ils finissent
par trouver trop verts.
Et voilà le résultat d’une volonté invincible et d’une vitalité véhémente.
De tendances, point. L’éclectisme le plus
large, l’accueil le plus courtoisement hospitalier à tout ce qui exprime une recherche
indépendante. Et c’est ainsi que M. Maurice
Denis et M. Jacques Émile Blanche se
trouvent simultanément invités. Le métier
du second est tout traditionnel, il ne pourrait pas même provoquer une observation
prudhommesque de la part d’un académicien. C’est fort bien peint, si ce n’est
l’enfant de droite, dans cet arc-en-ciel admirable, et qui semble avoir été ajouté et
collé sur le fond sans souci de l’atmosphère.
La couleur est chaude, d’une coulée simple
et belle. Rien qui nous sorte, quant à l’aspect,
des bonnes choses consacrées. Mais l’esprit,
la psychologie, le sentiment de la Vie et le
sens intime sont d’une belle et aigüe modernité : ce qui prouve que l’on peut être soi
en avouant ce que l’on doit aux autres.
M. Denis, lui, ne veut rien devoir à personne
et pour le prouver il s’acharne parfois à
dessiner très mal. Mais c’est plus fort que
lui, un rythme presque divin berce ses
gaucheries et sa plage reste inoubliable
d’équilibre, de noblesse et de sérénité. Il
écrit des gestes antiques et son écriture ne
parvient pas à être assez maladroite pour
atténuer la splendeur de son style.
Un souffle de panthéisme puissant et
contenu, un sentiment de la nature profond
et simple anime les dessins de M. Maurice
Pirenne. Devant ses œuvres, nous éprouvons
cette impression de naïveté loyale qui charme
et requiert sans cesse davantage.
C’est littéralement vrai, mais d’une vérité
transcendentale qui stylise, inconsciemment
peut être, ce qu’elle exprime ou tout au moins
dégage sans appuyer visiblement (ce qui
serait un signe de décadence) le rythme de
toute chose.
C’est un art modeste mais qui vous
poursuit quand on l’a vu et compris. Cela
ne ressemble à personne et c’est une si
sincère transcription de l’état de nos cœurs
et de l’aspect de nos contrées qu’il n’y a là
rien qui nous déroute.
Et c’est un mérite peu ordinaire que
d’être fort original sans excentricité.
C’est ainsi que M. Georges Lemmen a
trouvé, lui aussi, un art intéressant entre tous
et qu’il le fait comprendre à merveille.
Le portrait de jeune fille en robe rouge
est d’une acuité de vision si profonde et si
éloquente que l’on se sent ici encore en
présence d’un de ces artistes qui devant la
Nature ont la force et la dignité toujours
récompensées de disparaître eux mêmes,
de s’abstraire.
Les œuvres ainsi conçues sont toujours
personnelles. Je ne lui ferai qu’un timide
reproche, mais encore je puis me tromper :
il est parfois un peu « couleur » et je ne sais
si la franchise de tons un peu crus, un peu
opposés ne constitue pas le dernier lien
qui le rattache aux décorateurs. Un ton
dans une ambiance, dans la lumière, est aussi
beau par ce qu’on en devine au travers des
altérations, que par ce que l’on en voit de
littéral. Et cela seul, à mes yeux, matérialise encore un peu l’art de M. Lemmen.
Il y a des peintres qui ne sont que des
hommes de métier. Ce n’est déjà pas trop
les écrits de georges lebrun | 129
mal, les bons ouvriers se font rares, mais
c’est bien humble de ne pas viser plus
haut ; il y en a qui sortent du domaine des
arts plastiques et font de la philosophie, de
l’histoire, de la morale ou de l’anecdote.
Une œuvre peut toujours faire pardonner
une tendance, mais une tendance n’a pas
le droit de vivre au nom d’une œuvre.
D’autres ne sont que poètes ; c’est méritoire mais, pour qu’une œuvre reste, il faut
avec la vérité sentimentale et le sens poétique de tout ce qui touche à la nature, la
force plastique. C’est pourquoi M. Degouve
de Nuncques* qui est incontestablement
un poète radieux, n’est pas un peintre.
En rapport du métier au sentiment, cet
équilibre si subtil, cette pondération sereine devrait être le souci primordial de
tout artiste. Un exemple charmant nous
en est fourni par les dessins lumineux,
clairs et impalpables, émus et stylés de
Mme Julie Massin* et dans une note toute
différente par les mâles eaux-fortes de
M. Baertsoen.
Je voudrais aimer l’envoi de M. Besnard,
mais je trouve là un art si énervé, l’expression
d’une vie si factice, d’une lumière parfois
si morbide que j’en suis à ne plus voir les
magistrales qualités que d’autres plus
autorisés lui découvrent. Un excellent
paysage, pourtant, est plein de verdure et
de joie. Mais sur la masse d’eau du premier
plan je ne sens pas la fluidité et le bloc
d’air qui vibre, allège le cœur et dilate la
poitrine.
Je ne sais pourquoi je n’ai point parlé
encore de l’envoi de M. Van Rysselberghe
qui reste des derniers sur la brêche et défend
héroïquement le pointillisme.
Il est de taille au reste, et son prodigieux
talent est à la hauteur de la tâche. On ne
peut que l’admirer. Il importe, ici surtout,
que la critique ne soit point littéraire mais
porte exclusivement sur le fond.
Il ne faut pas désapprouver sans dire
pourquoi l’on désapprouve. Je suis presque
mis en gaîté par cette idée que des tas de
130 | georges le brun
gens dont on se gausse ont bien voulu me
précéder et ont même en quelque sorte
demandé à M. Van Ryselberghe de renoncer
à son procédé.
Flaubert nous apprend que Mme Dupuis
ayant eu vent des relations de son fils Léon,
clerc du notaire Du Boccage avec Mme
Bovary s’en vint trouver ce digne homme,
pour qu’il usât de son influence sur son
pauvre Léon ! – Du Boccage eut un élan
d’éloquence persuasive qui me fait songer
à ces critiques et mon Dieu, il faut l’avouer,
à moi-même en cet instant : (que s’il ne
voulait faire cela pour sa mère, il le fit du
moins pour lui… Du Boccage !)
En somme ce que j’ai à dire n’attaque
pas le pointillisme en lui-même. Il ne vise
que l’abus d’un procédé, quel qu’il soit. Il
y a une chose qui prime la décomposition
prismatique et l’illusion des vibrations atmosphériques, c’est le respect de la matière
intime des choses et cela peut, certes, être
obtenu aussi bien avec le pointillisme qu’avec
n’importe quel procédé. Là n’est pas la
question. Tels fonds bleus qui sont des murs
ont des fluidités de ciels et je suis convaincu
que cela provient de ce que M. Van Rysselberghe
s’arrête lorsqu’une figure est à son plan
et le contente… Le reste est parfois trop
hâtif, peut être ? Remarquez que dans les
figures et les vêtements cela ne nous gêne
en aucune façon, mais que seuls les fonds
et les terrains manquent de force.
Et pour le surplus Théo Van Rysselberghe
est un maître admirable. Il sait tout ce que
l’on peut savoir et il a un sentiment de la
vie et du geste, une subtilité dans la signification psychique des attitudes ou de la
couleur qui compensent bien largement
les petits reproches qu’on peut lui faire. À
côté de lui M. Santer est mort et glacial, sa
distinction factice procède de cette éternelle imitation de Van Dijck à Velasquez
qui inspire les portraitistes anglais. Ce n’est
point à travers les autres qu’il faut voir la
nature, c’est à travers ses yeux à soi, avec
toute la puissance réceptive de son esprit
et de son cœur.
Et c’est par là que Santiago Rusinol
me séduit. Ses « Amandiers » chantent le
printemps en un pays onduleux, objet de
la sollicitude des hommes, avec au fond
une mer sereine et profonde qui se marie
au ciel radieux.
Le printemps de Dreydorff est un beau
poème et son intérieur, avec quelques
lourdeurs dans les pénombres, n’en est
pas moins requérant.
Le vieux garçon de M. Max Stremmel
aussi est une interprétation magistrale
dans la modestie de ces intérieurs confortables et bébêtes dont le règne impérissable de Louis-Philippe dota nos grand’mères.
Tout à sa poésie, il suffit d’en pénétrer
le charme. L’espace me fait défaut pour
parler de M. Aloïs de Laet qui mériterait
une étude. De M. Moreau-Nélaton qui à
côté de choses un peu mortes en montre
d’une infinie distinction de nuances. De
M.M. Lebasque, Ottmann et Maufra dont
le Château-Gaillard est exquis, de M. Paviot
et d’autres.
Il n’est point jusqu’à l’auteur de ces
lignes qui n’eût désiré consacrer un grand
article de louanges à son exposition et doit
s’en passer pour ne point être obligé de
prolonger son article.
En fait de sculpteurs, le prince Troubetzkoy
difficile à comprendre pour ceux qui croient
que le grand art réside dans les sujets
compassés, les péplums et le nu. Ce grand
art, c’est l’intimité du sentiment qui déborde
et qui chante sous la ligne, quelle qu’elle
soit ; qui rythme et contient ce sentiment.
Et la « Maternité » du prince Troubetzkoy
est d’une envolée, d’une simplicité et d’une
pénétration qui n’appartiennent pas à notre
temps, mais à toute l’humanité. Quoique
plus abstraites ses autres œuvres atteignent
encore à cette hauteur.
Il a quelque chose à dire qui nous intéresse tous et il sait le dire.
Il y a encore de fort bonnes choses de
M. Paul Du Bois dont la distinction, la
force et la grâce s’affinent chaque jour.
La terre cuite (un portrait d’enfant) de
M. Alexandre Charpentier, splendide de
vie et de naïveté originale, puis ses plaquettes
nerveuses et savantes. Les médailles de
M. de Vreese, dont de bonnes, celles de M.
Dufresne, l’envoi de M. Georges Minne.
Les bijoux de Mlle Molitor, de M. Rivaud,
des reliures et des porcelaines, des affiches.
En somme, une exposition nombreuse,
choisie et variée, faite avec un goût très
sûr et très hardi, un éclectisme capable de
tout comprendre.
De ce second terme révolu, on a déduit
que la « Libre Esthétique » avait terminé
sa mission. On peut terminer une mission
à l’égard du passé, peut être. À l’égard de
l’avenir, jamais.
Si Octave Maus avait dû désarmer il
l’eût fait depuis longtemps.
Il est jeune encore et son esprit le sera
toujours. Tout ce qu’il y a de forces adolescentes et généreuses au service de l’Art
lui sera toujours reconnaissant et restera
solidaire de son effort.
* Les œuvres de M. W. Degouve de Nuncques
et de Mme Julie Massin sont exposées en ce
moment à la « Binnenhuis die Haghe ». Nous
n’en avons pas donné de reproductions, nous
proposant de donner prochainement un article
assez étendu sur ces deux artistes.
les écrits de georges lebrun | 131
L’Éventail, 20 mars 1904.
la libre esthétique
Cette manifestation vient bien à son heure,
devant un public préparé à la comprendre.
Il convenait aussi d’avoir le courage de
rendre cet hommage désintéressé et généreux à ceux qui ont combattu jusqu’à la
victoire. Son influence éducatrice aura une
répercussion profonde.
J’ai été affligé de voir qu’animés d’intentions fraternelles mais trop protectionnistes, certains critiques reprochaient à
l’exposition son caractère trop exclusivement français, seul de nos compatriotes,
Théo Van Rysselberghe y étant représenté. Habitant Paris, faisant partie de
l’avant-garde, ayant, avec des alternatives
de succès et de luttes ardentes, soutenu en
ami convaincu la cause des jeunes, s’étant
donné sans restrictions à ce mouvement dont
il est un des chefs incontestés, il importait
à tous qu’il y figurât. Et puis, pourquoi
défendre ceux qui ne se plaignent pas ? Je
ne vois point que Claus et Heymans, deux
maîtres que chacun respecte, aient protesté.
Le plus intéressant peut-être des impressionnistes belges, au contraire, Georges
Lemmen, et qui figurerait en fière posture
n’importe où, ne semble guère se préoccuper
des frontières, lui. Admirons son attitude.
Je suis convaincu que tous ceux qui avaient
des titres à participer à cette manifestation
sont profondément ennuyés de voir s’agiter un étendard en leur faveur.
Le rôle de la Libre Esthétique est précis.
Elle veut nous montrer ce qui se fait ailleurs
et nous devrions encourager de toutes nos
forces cette œuvre de vulgarisation. Ce
n’est point le succès des étrangers qui diminuera la valeur des peintres belges. Le
public, j’en ai la conviction, n’a pas besoin
d’être conduit par la main. Ne voir jamais
que les mêmes œuvres, n’est-ce point piétiner
sur place ?
Et puisque nous n’allons pas voir les
Impressionnistes chez eux, nous devrions
être bien heureux qu’on nous les amène
chez nous !
C’est l’apothéose de vingt ans de guerre
pour la lumière et la liberté. C’est le combat
opiniâtre de la nature contre les tableaux,
de l’intuition et de l’indépendance contre
la routine et l’école.
L’impressionnisme est un mot au sens
large qui n’implique pas la pensée de maîtres,
de disciples, de genre ou de classe bien déterminée.
À mon avis, sont impressionnistes tous
les peintres qui ont regardé la nature avec
religion et tendresse, qui l’ont aimée pour
sa fraîcheur, son éternelle jeunesse, son
sentiment poignant de radieuse indifférence ou sa grandeur sublime et sereine.
L’impressionnisme a surtout banni l’anecdote et conservé la poésie.
Après les siècles de gloire de Van Eyck
et de Rubens, nous entrons dans une période
de tristesse où la peinture draine un passé
trop lourd. Les mieux doués restent écrasés
par les ancêtres… Nous sommes trop respectueux, la piété de nos sentiments nous
étouffe. Leys a dépensé un talent admirable
à recommencer Rembrandt, puis les primitifs de Van Eyck à Holbein. Le Belge peint
fort bien. Bien peindre, c’est, pour beaucoup
d’artistes de talent, étendre onctueusement
une couleur épaisse et riche, faire un tableau
qui rappelle les belles peintures des maîtres
disparus. Bien peindre, à la vérité, c’est
faire oublier qu’une certaine façon de triturer des couleurs sur de la toile s’appelle
« de la peinture », c’est éveiller un sentiment
immatériel de nature et d’émotion profonde… rien de plus.
Votre patriotisme dût-il en souffrir,
pendant que nous rêvions vernis et patines,
Femme à la baratte, juin 1899,
fusain, rehauts de pastel et de crayon de couleur sur papier, 60,5 × 47 cm.
Coll. Denooz-Doms. [50]
132 | georges le brun
les écrits de georges lebrun | 133
pendant que nous voyions, admirions et
enviions les chefs-d’œuvre tels qu’ils sont
en oubliant ce qu’ils furent aux jours
heureux de leur naissance, les maîtres de
France, bravant les sarcasmes et parfois la
misère, marchèrent droit à la conquête de
l’air et de la couleur vraie. Il appartenait à
ces âmes légères et rythmiques, spirituelles
et graves qui s’épanouirent de Fouquet au
Poussin, à Claude Gellée, à Watteau et qui
nous apportaient ensuite les merveilles
des trois premiers quarts du xixe siècle, de
nous conduire à ces œuvres indépendantes
et claires qui sont l’Impressionnisme. Et
pourtant, si nous voulons y regarder de près,
sommes-nous bien loin des paysages de
Touraine, des heures d’Étienne Chevalier
ou des antiquités judaïques des Josèphe ?
Les délicieux Fragonard, Chardin ou Quentin
de la Tour ne renieraient point Manet ni
Renoir ; et Claude Lorrain aimerait Monet.
La tradition française est continue et
forte. Ne nous inspirons pas de ses œuvres,
aimons son esprit sagace et frondeur. Ils
respectent assez leurs maîtres pour ne les
point imiter.
C’est une leçon merveilleuse d’indépendance et de fierté que cette exposition
récapitulatrice. Il y a des outrances de
métier, il y a quelques visions maladives
de chairs salies ou verdissantes, mais il y a
aussi d’exquises fraîcheurs, d’émouvantes
et naïves expressions sentimentales, des
grâces d’un raffinement incomparable, des
éclats sonores de lumières triomphales, du
mouvement et de la tendresse, de la puissance très saine et de l’émotion bien forte,
de troublantes impressions barbares et de
savantes synthèses.
Nous voyons là réunis Renoir, Degas,
Monet, Maurice Denis et Charles Guérin ;
Van Rysselberghe, Seurat, Mary Cassatt
et l’exquise Berthe Morisot ; Manet, Paul
Gauguin et Cézanne. Ces révolutionnaires
d’aujourd’hui sont les classiques de demain
et c’est ce que cette admirable exposition
nous démontre. N’est-il point charmant de
ne pas rencontrer un seul vieux tableau
dans une salle de musée, d’y voir la fleur
des chairs, l’azur du ciel et la fraîcheur des
roses ? Et puisque c’est au travers de la
chanson des peintres que nous voyons la
nature, allons vers ceux qui l’on pénétrée
jusqu’au cœur.
N’oublions point que rien n’est plus
fastidieux ni fatal à l’émotion spontanée
et personnelle que le souci des maquillages
qui dénaturent une page de poésie pour en
faire la somptueuse toile cirée qu’on appelle
un tableau.
N’est-il point désolant de voir que
l’école flamande n’a souvent hérité que la
matérialité des beaux praticiens ?
La lettre tue et l’esprit vivifie. Mettons
les dons admirables qui nous sont dévolus
au service de la vie, oublions la peinture et
les lettres si nous voulons être artistes et
poètes.
Petite fille qui tricote, Xhoffraix, 1900, huile sur toile, 67 × 52 cm. Bruges, coll. privée. [59]
134 | georges le brun
les écrits de georges lebrun | 135
RECENSEMENT
DES ŒUVRES
DE GEORGES LE BRUN
Paysan à la houe, s.l., 1899, pastel et fusain sur papier, 86 × 56 cm. Coll. privée. [51]
136
Brigitte, Olivier, Françoise, Thierry Le Brun
Passeuse de Georges Le Brun,
Jeanne, la ille du peintre
Jeanne Le Brun est née dans la maison familiale de Theux en 1907 moins de sept ans
avant la disparition de son père Georges Le Brun sur le front de l’Yser en 1914. Ce fut
un drame pour elle qui a toujours gardé de ce père des souvenirs touchants. Dans ses
mémoires, elle raconte : « Munie d’un petit panier je jouais à la marchande de baisers.
Je lui en vendais des gros, des tout petits… Je puis dans mes souvenirs remonter à ma
toute petite enfance. Je dormais dans la chambre de mes parents dans un petit lit détaché
d’un haut berceau et mis par terre, car je remuais beaucoup. De là je pouvais tout
observer. Je vois encore mes parents assis sur le bord de leur lit, maman sur les genoux
de papa, dans sa grande chemise de nuit à longues manches avec un col à petits festons.
C’est ainsi que j’eus très tôt l’image du bonheur. » Cette image du bonheur, Georges Le Brun
l’exprime avec sa sensibilité poétique dans un fusain représentant Nathalie sa femme et
leur petit garçon André contemplant avec tendresse Jeanne emmaillotée dans ses langes.
Ces trois regards, celui de son père, de sa mère et de son grand frère la nourriront toute
sa vie.
Elle a également été comblée par l’affection des amis de ses parents : les peintres
Maurice Pirenne et Pierre Delcour, le poète Fernand Séverin, le pianiste Georges de
Golesco qui « jouait Chopin comme jamais je ne l’entendis plus, pas même Rubinstein… »,
le metteur en scène Oscar Lejeune : « Un jour Oscar nous dit très excité qu’on ouvrait un
cinéma à Theux, une sorte de petite grange, des bancs de bois, Les Nuits de Chicago,
Georges Bancroft, Evelyn Brent, Clive Brook… ce film admirable nous révéla cet art de
notre temps… Oscar vint nous annoncer plus tard que Copeau et ses comédiens quittaient
leur retraite pour venir jouer à Liège. Je n’avais encore jamais été au théâtre. Nous
fîmes donc partie de ce petit noyau de public qui vécut ces heures inoubliables. La pièce
s’appelait L’Illusion. Et c’était l’illusion. Le rideau se levait. On entendait Copeau méditer
seul sur la scène. Un à un ses comédiens venaient le supplier de jouer. Et Copeau
acquiesçait. Et ils jouèrent la Célestine… Lorsqu’on apprit que le musée Picasso à Paris
avait acquis la Célestine, à la première occasion j’allai la voir, le cœur battant. C’était elle,
exactement, le regard trouble de la vieille sorcière, entremetteuse. Ah Picasso ! »
La Maman et ses bébés, Sancourt, 1908,
fusain sur papier vergé, 39,5 × 25,5 cm. Coll. privée. [118]
138
George Le Brun avec l’un de ses enfants, vers 1905,
photographie, 5 × 8 cm. Paris, coll. privée.
André et Jeanne Le Brun, vers 1909,
photographie, 9,9 × 6,5 cm.
Paris, coll. privée.
Jeanne est restée en contact étroit avec Maurice Pirenne qui était très attaché à
Georges Le Brun : « L’été 1919 nous fîmes un séjour à Xhoffraix avec les Maurice Pirenne
et les Albert Duesberg. C’était un été terriblement sec et chaud mais dans la Fagne il
faisait délicieux. Le soir Maurice Pirenne et Albert Duesberg faisaient la lecture. Ils lisaient
très bien l’un et l’autre, Valéry, Claudel… Maurice Pirenne faisait des croquis, il se
chargeait de peu de choses. Nous disions que son attirail de peintre pouvait tenir dans
une boîte d’allumettes. Il était pittoresque avec des pinces à linge autour de son chapeau
pour maintenir ses feuilles de papier. On allait à Longfaye, à Ovifat. Les villages étaient
très beaux avec les vieilles fermes à toits de chaume et les grandes haies taillées comme
dans les tableaux de papa… Plus tard, lorsque Maurice Pirenne était très vieux et sa vue
ayant beaucoup baissé (c’est alors, je crois, qu’il fit ses plus beaux tableaux) j’allais de
temps en temps le voir à Verviers, il me parlait de papa, de ses tableaux et c’était pour moi
un grand plaisir, pour lui aussi me semblait-il… Très vite après la guerre nous allâmes
Maman, André et moi à Xhoffraix… C’était la Fagne, la vraie Fagne, celle des tableaux
de papa, qui n’était pas encore défigurée par les sapinières. Nous fûmes accueillis avec
émotion par les paysans. Papa avait partagé leur vie, faisant à Xhoffraix et à Longfaye
de très longs séjours, sept années durant. »
Avec sa mère, Jeanne fit plusieurs voyages en Italie, inspirés par les lettres d’Italie de
Georges Le Brun : « Nous arrivâmes à Poggibonzi où nous découvrîmes un vieux cocher
qui se mit à nettoyer sa petite charrette et à la munir de banquettes et d’un parasol.
C’était inouï. Toute la route fut exactement ce que papa raconte. Ce merveilleux paysage,
les vignes en guirlandes, et le vieux cocher qui nous cueillait de belles grappes. »
C’est dans le domaine des arts que son amour de la vie s’est manifesté avec le plus
d’éclat, elle suivit à Liège les cours d’histoire de l’art : « J’eus les deux premières années
140 | georges le brun
des professeurs passionnants, Laurent pour l’art
grec, très laid il prenait les poses des éphèbes. Mais
personne ne riait, on était subjugué. Capart pour
l’art égyptien… C’était l’Egypte toute entière qui
revivait devant nous. Il y avait surtout FierensGevaert qui avait rencontré papa lors de son retour
d’Italie devant un tableau attribué à Memling et
que papa assurait être de Van der Weyden. Ils en
avaient longuement discuté et étaient devenus très
bons amis… Simultanément à l’histoire de l’art, je
m’étais inscrite au Conservatoire au cours de solfège
qui était enseigné par un professeur passionné
vraiment fascinant. Il arrivait au cours, frappait une
note sur le piano et nous disait « qu’est-ce que c’est ? »
Silence… il était consterné. « Mais cette note crie
qu’elle est un fa », nous disait-il. Je passai un très
bon examen… À Bruxelles je fis la connaissance de
Paul Decoster, philosophe, professeur à l’ULB. Il
était très musicien et je peux dire qu’il m’initia à la
André et Jeanne Le Brun avec un major anglais
musique, Jean Sébastien Bach surtout, mais aussi à la Libération, 1918, photographie, 11,2 × 8 cm.
Stravinsky et le jazz hot, Louis Armstrong, Duke Paris, coll. privée.
Ellington… Il mettait un 78 tours et dirigeait à la
manière des grands chefs d’orchestre, il était très drôle. Dès qu’il avait un nouveau disque
il me téléphonait : “venez vite, je vous attends pour le jouer”. » Jusqu’à son dernier
souffle Jeanne fut une passionnée d’opéra.
Elle a pu vivre sa passion artistique dans son travail au service des Expositions du
palais des Beaux-Arts de Bruxelles : « Après les vernissages des expositions on allait à la
taverne du palais des Beaux-Arts et là on picolait jusqu’à des heures indues. On avait
souvent vu Robert Giron, balai en mains, fignolant les salles alors que le public arrivait.
On était tous, huissiers compris, prêts à travailler la nuit quand c’était nécessaire. En
dehors de cela l’atmosphère était très détendue, chacun sachant ce qu’il avait à faire et
le faisant consciencieusement. »
Avec la même passion, elle a cultivé le sens de l’amitié. Pour rien au monde elle n’aurait
raté le déjeuner hebdomadaire de la « bande du mardi » qui, depuis 1935 et pendant plus
de quarante ans, se retrouvait au restaurant Perraudin dans les « grands fous rires d’une
amitié immuable » comme l’écrit l’auteur anonyme du livre Le Souvenir d’une certaine
image (Bruxelles, Wesmael-Charlier, 1980) sur la vie d’Yvan Denis. C’étaient, outre
Yvan Denis, Suzanne Delvaux, Gérard Bertouille, Lionel et Anita Giraud-Mangin,
Mayou Iserentant, Olivier Picard, Paul Willems, Jacques Hartung, Albert Dasnoy…
et, comme le dit cet auteur, Jeanne Le Brun « sensible et racée comme une orchidée
sauvage ». En dehors de ce rendez-vous hebdomadaire c’étaient toutes sortes de retrouvailles tels « les aïolis gigantesques chez Jeanne Le Brun ».
Il lui fallait découvrir le monde : séjour captivant à Cuba et au Mexique en 1932
et 1933, où elle rencontre Diego Rivera et découvre avec enthousiasme les civilisations
précolombiennes : « Ce furent deux années merveilleuses. » Dans les années 1950, ce fut
la grande aventure africaine. Suivant son frère, elle créa une plantation de café.
Kanyamagana fut à la fois une exploitation exemplaire et une sorte de résidence
passeuse de georges le brun, jeanne, la fille du peintre | 141
Véronique Carpiaux, Léna Hofman, Valérie Minten
Notice méthodologique
Maison, croisillons noirs, Xhoffraix, 1913,
aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 40 × 62 cm. Coll. privée. [130]
d’artistes où aimaient séjourner ses amis et ceux de sa mère, dont la romancière Marie
Gevers. Elle continua à parcourir le monde, bivouaquant dans sa 2 CV. Elle s’est souvent
envolée en Colombie-Britannique pour rendre visite à son frère et y retrouver de nombreux
tableaux de Georges Le Brun qui, comme ceux de sa propre collection, avaient précédemment séjourné de longues années en Afrique.
Toute sa vie elle n’eut de cesse de faire connaître l’œuvre de son père, d’en faire un
archivage systématique, de multiplier les contacts avec les musées et les historiens de
l’art de la charnière des xixe et xxe siècles. Pour nous, ses neveux et pour nos enfants et
petits-enfants, elle a été une merveilleuse passeuse de l’univers de Georges Le Brun, une
conteuse qui savait nous enchanter.
142 | georges le brun
Nous avons reçu de la famille de Georges Le Brun près de deux cents fiches de travail
patiemment rédigées par Jeanne Le Brun, fille du peintre, historienne de l’art, reprenant
les éléments indispensables à un inventaire (titre, lieu, date, technique, dimensions,
collection), mais aussi des informations plus fouillées comme les expositions, les publications et parfois, l’état de conservation, les écrits de l’artiste, les données techniques.
Ces fiches se trouvaient dans différents classeurs, eux-mêmes séparés par des intercalaires portant des titres tels que « Tableaux à rechercher », « Œuvres certaines », « Œuvres
dont je connais l’existence, mais que je n’ai jamais vues », etc. Par souci d’efficacité,
nous avons choisi de classer ces deux cents fiches en deux catégories :
1 / celles se rapportant à des illustrations (photographies en couleur et / ou en noir et
blanc) annexées aux fiches ;
2 / celles n’ayant aucune iconographie et pour lesquelles l’historienne de l’art était en
questionnement (appartenance, identification, etc.).
Pour des raisons évidentes, nous avons pris le parti de ne mentionner dans ce catalogue
que la première catégorie de fiches, la seconde restant disponible pour des recherches
ultérieures.
Dans la série d’œuvres ayant une fiche et une illustration, nous avons privilégié les
informations fournies par Jeanne Le Brun afin de respecter au mieux son travail.
Prenons l’exemple des titres des œuvres rarement donnés par l’artiste lui-même. Jeanne
Le Brun, les collectionneurs, les musées ou les photographes ont pris le parti d’attribuer
un titre à chaque œuvre pour une raison évidente d’identification. Plusieurs titres
existent donc pour une seule œuvre, contribuant à brouiller les pistes. Nous avons décidé
d’accorder la priorité aux choix posés par Jeanne Le Brun. Le seul élément parfois
modifié est la localisation actuelle des œuvres. Dans le cadre de ce recensement, nous
avons favorisé la reproduction des œuvres abouties de l’artiste, écartant certains
croquis, sauf si ceux-ci ont été exposés. Certaines annotations de Jeanne Le Brun n’ont
pas pu être publiées par manque de place, mais les éléments les plus importants apparaissent en notes de bas de page.
Nous avons rédigé une liste d’abréviations de catalogues et d’expositions cités par
Jeanne Le Brun dans ses fiches. Ceux-ci forment une première bibliographie intéressante
sur l’artiste [ci-contre].
À la lumière des nouvelles recherches faites dans le cadre de ce projet, et plus particulièrement grâce au travail de longue haleine du photographe verviétois Jacques Spitz,
nous avons pu identifier de nouvelles œuvres de Le Brun. Dans les cas les plus heureux,
les photographies ont « retrouvé » la fiche qu’avait rédigée Jeanne Le Brun à leur propos.
Par contre, les photographies sans identification ont été ajoutées chronologiquement à
sa liste. Il est possible que ces œuvres sans fiche aient pourtant été consignées par Jeanne
Le Brun, mais des titres aussi vagues que Intérieur ou Paysage ardennais ne nous ont
pas permis de faire le lien entre son travail et l’image retrouvée. Un maximum d’informations, parfois encore fort lacunaires, complètent malgré tout ces reproductions.
Nous espérons que la publication de ce premier recensement des œuvres de Georges
Le Brun que nous devons à sa fille sera le début d’un intérêt accru pour l’artiste, amenant
des chercheurs et scientifiques à faire de nouvelles recherches pour identifier et localiser
les nombreuses œuvres actuellement restées sans information.
Liste des abréviations des expositions et catalogues cités par Jeanne Le Brun [jusqu’en 1997]
Salon triennal des Beaux-Arts, Gand, 1899 : StBAG, 1899
7e exposition de La Libre Esthétique, Bruxelles, du 1er au 31 mars 1900 : LE, 1900
Exposition d’art et d’art décoratif, Verviers, le 30 mars 1901 : EaadV, 1901
Association pour l’encouragement des Beaux-Arts. Salon de 1902,
palais des Beaux-Arts, parc de la Boverie, Liège, 1902 : AeBA, 1902
Salon triennal des Beaux-Arts, Bruxelles, 1903 : StBAB, 1903
10e exposition de La Libre Esthétique, Bruxelles, du 26 février au 29 mars 1903 : LE, 1903
Salle des Beaux-Arts, Verviers, du 5 au 17 mars 1904 : SaBAV, 1904
Association pour l’encouragement des Beaux-Arts. Salon de 1912,
palais des Beaux-Arts, parc de la Boverie, Liège, du 4 mai au 30 juin 1912 : AeBA, 1912
Studio, rue des Petits-Carmes, Bruxelles, du 9 au 19 décembre 1912 : STUDIO, 1912
Hall de la Bibliothèque centrale, Liège, du 25 mai au 8 juin 1913 : HBCL, 1913
Salon triennal des Beaux-Arts, Bruxelles, 1914 : StBAB, 1914
Association pour l’encouragement des Beaux-Arts. Salon de 1914,
palais des Beaux-Arts, parc de la Boverie, Liège, du 10 mai au 21 juin 1914 : AeBA, 1914
Société des beaux-arts de Verviers (rétrospective), mars 1920 : SBAV, 1920
Association pour l’encouragement des Beaux-Arts. Salon de 1920,
palais des Beaux-Arts, parc de la Boverie, Liège, du 19 juin au 25 juillet 1920 : AeBA, 1920
Le Bac en pierre, Xhoffraix, vers 1894,
huile sur toile, 55 × 74 cm. Maison communale de Theux. [12]
Petite fille devant une fenêtre, Xhoffraix, vers 1895,
huile sur toile, 54 × 70,5 cm. Coll. M.-L. Doms. [28]
Société royale des Beaux-Arts de Verviers, février 1936 : SRBAV, 1936
Les Peintres de l’Ardenne, 7e salon, galerie Georges Giroux, Bruxelles,
du 28 juin au 29 juillet 1958 : GGG, 1958
Cercle Pro Arte, Maison Le Brun, Theux, du 3 au 20 septembre 1966 : CPA, 1966
De l’allégorie au symbole, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique,
du 23 février au 5 mai 1968 : MRBAB, 1968
Musées de Verviers (centenaire de la naissance de Georges Le Brun),
de novembre à décembre 1973 : MV, 1973
144 | georges le brun
recensement des œuvres de georges le brun | 145
Intérieur sans personnage, Xhoffraix, vers 1895,
fusain sur papier, 73 × 58 cm. Musées de Verviers. [40]
Intérieur à Xhoffraix, s.l.n.d., fusain vernis sur papier,
44,5 × 32 cm. Coll. A. Doms. [155]
Cercle des Beaux-Arts de Verviers, 1975 : CBAV, 1975
L’Homme au poêle, s.l.n.d.,
fusain et rehauts d’aquarelle sur papier,
63 × 36 cm. Bruxelles, coll. privée. [143]
Pastelle und Zeichnungen des Belgisches Symbolismus, Francfort-sur-le-Main,
Frankfurter Kunstverein, du 7 mai au 24 juillet 1988 : FK, 1988
Bruxelles, Musée d’Ixelles, de décembre 1975 à janvier 1976 : MI, 1975-1976
Musée de Liège, 1976 : ML, 1976
Arbeit und alltag, Berlin, Kunsthalle, de septembre à octobre 1979 : KB, 1979
William Degouve de Nuncques et les intimistes verviétois, Stavelot, musée de
l’Ancienne Abbaye Stavelot, du 13 juillet au 16 septembre 1990 : MaaS, 1990
De Manet à Matisse, sept ans d’enrichissement au musée d’Orsay,
Paris, musée d’Orsay, du 14 novembre 1990 au 10 mars 1991 : MO, 1990-1991
Belgian Art : 1880-1914, New York, Brooklyn Museum, avril 1980 : BM, 1980
Fin de siècle (1885-1905), CGER, le 2 juin 1991 : CGER, 1991
Art et société en Belgique, Charleroi, palais des Beaux-Arts,
d’octobre à novembre 1980 : PBAC, 1980
Impressionism to symbolism, Londres, Royal Academy of Arts,
du 7 juillet au 2 octobre 1994 : RAAL, 1994
Cologne, Belgisches Haus, du 5 novembre au 19 décembre 1981 : BHC, 1981
Affaires culturelles, Liège, du 5 novembre au 23 décembre 1982 : AcL, 1982
Paradis perdus. L’Europe symboliste, Montréal, musées royaux des Beaux-Arts,
du 8 juin au 15 octobre 1995 : MRBAM, 1995
Le Symbolisme en Belgique, Tokyo, musée national d’Art moderne,
du 12 novembre 1982 au 23 janvier 1983 : MNAMT, 1982-1983
Paris-Bruxelles / Bruxelles-Paris, Paris, Galeries nationales du Grand Palais,
du 21 mars au 14 juillet 1997 : GNGP, 1997
Le symbolisme – le réalisme, Paris, Centre Wallonie – Bruxelles,
du 16 octobre 1987 au 10 janvier 1988 : CWB, 1987-1988
Paris-Bruxelles / Bruxelles-Paris, Gand, musée des Beaux-Arts,
du 6 septembre au 14 décembre 1997 : MBAG, 1997
146 | georges le brun
recensement des œuvres de georges le brun | 147
1. Rouheid, Rouheid, 5 juin 1890, aquarelle sur papier, 22 × 28 cm. Signé, daté et situé
en bas à droite : « Rouheid. 5 juin 1890. Georges Le Brun ». Paris, coll. privée. [repr. p. 13]
2. Paysage au moulin, vers 1890, aquarelle sur papier, 20,9 × 30,3 cm.
Paris, coll. privée.
ŒUVRES DE GEORGES LE BRUN
3. Chemin forestier, 1890, aquarelle sur papier signée et datée en bas à gauche :
« 1890 Georges Le Brun », 25,7 × 35 cm. Paris, coll. privée.
4. Clôture, octobre 1890, aquarelle sur papier, 25,2 × 34,9 cm.
Paris, coll. privée.
avertissement
Ce recensement n’est pas exhaustif et comporte certaines imprécisions.
La mention de plusieurs dimensions possibles pour une même œuvre,
notamment, résulte de la transcription fidèle des notes de Jeanne Le Brun,
notre source principale pour l’élaboration de ce recensement d’œuvres.
Les notes se trouvent en page 182.
5. L’Enclos, 1890, aquarelle sur papier, 28,9 × 22,2 cm.
Paris, coll. privée.
8. En promenade, 1891, aquarelle sur papier, 27,9 × 19 cm.
Paris, coll. privée.
6. Paysage avec une mare, maisons et arbres, Andrimont, 1891,
aquarelle sur papier, 19,5 × 28 cm. Coll. Freddy Michels.
9. Maison à Andrimont, Andrimont, 1892, aquarelle sur papier, 24,4 × 34 cm.
Paris, coll. privée.
7. Automne, 1891, crayon et aquarelle sur papier, 34,9 × 25,7 cm.
Paris, coll. privée.
10. Trois vaches dans un pré (recto), s.l., 1893, gouache sur papier cartonné, 39 × 58 cm
et Port de Bruxelles, le soir (verso), Bruxelles, 1893, aquarelle, crayon et encre de
Chine sur papier cartonné [repr. p. 90]. Coll. Georges Voos de Ghistelles, coll. Suzanne
Voos, coll. Courtjoie, coll. Jeanne Le Brun, New York, coll. privée. In : SBAV, 1920,
cat. 1 (catalogue des œuvres non exposées) ; SRBAV, 1936, cat. 61.
150 | georges le brun
œuvres de georges le brun | 151
11. Ferme à Xhoffraix, Xhoffraix, 1894, fusain et aquarelle sur papier, 40 × 29 cm,
monogrammé en bas à droite : « GLB ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-448. In :
SBAV, 1920, cat. 71 ; SRBAV, 1936, cat. 75 ; MV, 1973, cat. 48.
15. Jeune garçon pelant des pommes de terre, Xhoffraix, 1895,
fusain sur papier, 65 × 40 cm. Signé et daté : « Georges Le Brun 1895 ».
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-456. In : AeBA, 1920, cat. 38 ;
SBAV, 1920, cat. 4 ; CPA, 1966, cat. 7 ; MV, 1973, cat. 49 ;
CBAV, 1975, cat. 7 ; MI, 1975-1976, cat. 2 ; ML, 1976, cat. 2 ;
BHC, 1981, cat. 1 ; MaaS, 1990, cat. 49.
12. Le Bac en pierre, Xhoffraix, vers 1894, huile sur toile, 55 × 74 cm.
Maison communale de Theux. [repr. p. 144]
13. Cour de ferme (femme avec un cochon, barricade), s.l., vers 1895,
fusain sur papier, 34 × 47 cm. Coll. Denooz-Doms. In : MV, 1973, cat. 26.
16. Promeneur ardennais (homme guêtré marchant), Xhoffraix, vers 1895,
fusain sur papier, 32 × 20 cm. Musées de Verviers, inv. PIR-1943-457.
In : SBAV, 1920, cat. 53 ; SRBAV, 1936, cat. 28 ; MV, 1973, cat. 63.
14. Tête d’homme avec chapeau1, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier,
34,5 × 26,5 cm. Coll. Joseph Doms, coll. A. Doms.
17. Bœuf paissant, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 35 × 50 cm.
Coll. privée. In : AeBA, 1920, cat. 54 ; SBAV, 1920, cat. 53 ;
SRBAV, 1936, cat. 29. [repr. p. 84]
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18. La Femme à la houe, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier,
53,5 × 36,5 cm. Bruxelles, coll. privée. In : SRBAV, 1936, cat. 31.
23. Homme assis, jambes écartées, mains jointes, Xhoffraix, vers 1895, fusain et pastel
sur papier, 56,5 × 40,5 cm. Coll. A. Doms. In : SBAV, 1920, cat. 49 ; MV, 1973, cat. 29. [repr. p. 49]
24. Tête de vieux imberbe, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 60 × 42 cm
ou 34 × 26 cm. Bruxelles, coll. privée. In : AeBA, 1920, cat. 16 ; SBAV, 1920, cat. 20.
19. Buste de paysan avec chapeau (Le Pyromane), Xhoffraix, vers 1895,
fusain et mine de plomb sur papier, 70 × 59 cm. New York, coll. privée.
25. Ardennaise (jaquette bleue) ou La Femme en bleu, Xhoffraix, vers 1895,
huile sur toile, 57 × 45 cm. Montréal, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 22 ;
AeBA, 1920, cat. 17 ; SRBAV, 1936, cat. 15.
20. Buste de paysan sans chapeau, Xhoffraix, vers 1895,
fusain sur papier, 49,2 × 33,5 cm. Coll. privée2. [repr. p. 59]
21. Les Lambris, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier, 62 × 42 cm.
Coll. A. Le Brun, New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 38. [repr. p. 6]
26. Ardennaise (Femme debout en barada), Xhoffraix, vers 1895,
fusain sur papier, 36 × 20 cm. Coll. A. Le Brun, localisation inconnue.
In : SBAV, 1920, cat. 51 ; SRBAV, 1936, cat. 77.
22. La Morte (recto), Tête de femme (verso), Xhoffraix, vers 1895, crayon, fusain et
pastel sur papier, 32 × 42 cm. Coll. Joseph Doms, coll. A. Doms. In : SBAV 1920, cat. 47.
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27. Les Lambris de chêne, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 65 × 42 cm.
Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 19 ; SRBAV, 1936, cat. 13 ; MV, 1973, cat. 30. [repr. p. 127]
32. L’Homme qui dort, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 66,5 × 50 cm.
Coll. privée. In : SBAV, 1936, cat. 88 ; MV, 1973, cat. 14 ; MI, 1975-1976, cat. 4 ;
ML, 1976, cat. 4.
28. Petite fille devant une fenêtre, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 54 × 70,5 cm.
Coll. Joseph Doms, coll. M.-L. Doms. In : SBAV, 1920, cat. 18 ; MV, 1973, cat. 24. [repr. p. 144]
29. Tête d’homme à la pipe, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 44 × 36 cm.
New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 43 ; SRBAV, 1936, cat. 25.
33. Petite fille (Intérieur), Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 28 × 18 cm.
Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 36 ; AeBA, 1920, cat. 49.
30. Tête d’homme à la pipe avec chapeau, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier,
50 × 35 cm. Localisation inconnue. In : SBAV, 1920, cat. 45.
34. Vieux en sarrau, Xhoffraix, vers 1895, aquarelle sur papier,
dimensions et localisation inconnues. In : SBAV, 1920, cat. 25. [repr. p. 33]
31. Femme buvant, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 66 × 40 cm. Coll. privée.
In : SBAV, 1920, cat. 34 ; AeBA, 1920, cat. 48 ; SRBAV, 1936, cat. 20.
35. Ardennaises travaillant aux champs, Xhoffraix, vers 1895,
aquarelle, gouache et encre de Chine sur papier, 38 × 27 cm. Signé en bas à gauche
« Georges Le Brun ». Bruxelles, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 28. [repr. p. 80]
36. Homme balayant, Xhoffraix, vers 1895, fusain et mine de plomb sur papier,
58 × 58 cm. Bruxelles, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 32. [repr. p. 28]
37. Homme pelant des pommes de terre, Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile, 83 × 65 cm.
Coll. Famille Crismer. In : SBAV, 1920, cat. 17 ; SRBAV, 1936, cat. 11. [repr. p. 89]
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38. Homme pelant des pommes de terre, Xhoffraix, vers 1895,
fusain sur papier, 70 × 56 cm. Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 33.
43. Homme debout devant une fenêtre, Xhoffraix, vers 1895,
fusain sur papier, 58,5 × 28,5 cm. Coll. Jacques Follet, Zurich, coll. Daniel Bollier.
39. Une fagne (fumée), Xhoffraix, 1895, aquarelle sur papier,
36,5 × 51,5 cm. Signé et daté en bas à droite : « Georges Le Brun 1895 ».
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-455. In : SBAV, 1920, cat. 27 ; SRBAV, 1936, cat. 17 ;
MV, 1973, cat. 62 ; CBAV, 1975, cat. 17 ; MI, 1975-1976, cat. 1 ; ML, 1976, cat. 1. [repr. p. 82]
44. Tête d’homme imberbe (avec chapeau), Xhoffraix, vers 1896,
fusain sur papier, 49,5 × 39 cm. Bruges, coll. privée. [repr. p. 84]
45. Femme tricotant près du poêle, Xhoffraix, vers 1896, fusain sur papier.
Coll. Mme Herbraut, localisation inconnue. In : SRBAV, 1936, cat. 72.
40. Intérieur sans personnage, Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier, 73 × 58 cm.
Musées de Verviers. In : SBAV, 1920, cat. 37. [repr. p. 146]
41. Femme au retordoir (recto), Xhoffraix, vers 1895, aquarelle, fusain
et rehauts de pastel sur papier, et Homme assis (verso), fusain sur papier, 40 × 47 cm.
Coll. Famille Crismer. In : SBAV, 1920, cat. 48.
46. La Femme au hasple, Xhoffraix, 1897, huile sur toile, 66 × 62 cm.
Coll. Famille Crismer. In : SRBAV, 1936, cat. 71 ; MI, 1975-1976, cat. 7 ; ML, 1976, cat. 7.
[repr. p. 87]
42. Troncs d’arbres, s.l.n.d., aquarelle sur papier, 38,5 × 55 cm.
Signé en bas à gauche : « Georges le Brun ». Coll. privée.
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47. Les Bœufs, Xhoffraix, vers 1897, fusain sur papier (croquis pour un tableau perdu,
Homme chargeant du fumier), 35,5 × 72 cm. Coll. Jason-Doms, Liège.
In : SBAV, 1920, cat. 8 ; SRBAV, 1936, cat. 6 ; MI, 1975-1976, cat. 8 ; ML, 1976, cat. 8.
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48. Les Portes bleues, Xhoffraix, vers 1897, aquarelle, gouache et fusain sur papier,
71 × 52 cm. Signé : « Georges Le Brun ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 29 ;
SRBAV, 1936, cat. 18 ; MV, 1973, cat. 32 ; MI, 1975-1976, cat. 6 ; ML, 1976, cat. 6.
53. L’Automne à Xhoffraix, Xhoffraix, 1899, pastel sur papier, triptyque,
76 × 56 cm / 76 × 108 cm / 76 × 56 cm. In : AeBA, 1920, cat. 36 ; SBAV, 1920,
cat. 14. Descriptif : 1 / La Récolte de pommes de terre (volet gauche),
Bruxelles, coll. privée ; 2 / Le Labour (panneau central détruit) ;
3 / Le Berger (volet droit), coll. privée. In : SRBAV, 1936, cat. 100. [repr. p. 14]
54. Le Caban, Xhoffraix, 1899, crayon et pastel sur papier, 75 × 51,2 cm.
Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1899 ».
Louvain-la-Neuve, musée du Dialogue, inv. BO233. Donation Boyadjan. In : StBAG,
1899, cat. 849 ; LE, 1900, cat. 172 ; EaadV, 1901, cat. 138 ; SBAV, 1920, cat. 10 ; MV,
1973, cat. 41 ; MI, 1975-1976, cat. 9 ; ML, 1976, cat. 9 ; BHC, 1981, cat. 2. [repr. p. 108]
55. Menace d’orage (Le Faucheur), Xhoffraix, 1899, fusain et rehauts de blanc sur
papier, 65 × 49 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB juin 1899 ».
New York, coll. privée. In : STUDIO, 1912, cat. 41 ; HBCL, 1913, cat. 203 ;
AeBA, 1920, cat. 45 ; SBAV, 1920, cat. 13 ; SRBAV, 1936, cat. 8 ; MI, 1975-1976,
cat. 10 ; ML, 1976, cat. 10.
49. Intérieur à Longfaye (deux Ardennaises dont l’une épluche des pommes de terre),
Longfaye, 1899, aquarelle, fusain et pastel sur papier, 47 × 32 cm. Coll. Albert Duesberg,
coll. Heusy, coll. Oscar Lejeune, coll. Lejeune. In : SRBAV, 1936, cat. 23 ; MV, 1973, cat. 33.
50. Femme à la baratte, juin 1899, fusain, rehauts de pastel et de crayon de couleur
sur papier, 60,5 × 47 cm. Coll. Denooz-Doms. In : MV, 1973, cat. 23. [repr. p. 132]
51. Paysan à la houe, s.l., 1899, pastel et fusain sur papier, 86 × 56 cm. Monogrammé
en bas à gauche : « GLB » ; daté en bas à droite : « 1899 ». Coll. privée. [repr. p. 136]
52. Le Bénédicité3, Xhoffraix, 1899, fusain sur papier, 57 × 43 cm.
Coll. A. Doms. In : SBAV, 1920, cat. 9, SRBAV, 1936, cat. 7 ; MV, 1973, cat. 27. [repr. p. 63]
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56. Dans la Fagne ou Le Chêne des chênes ou Lu tchâne al tchâne ou Le Vieux Chêne,
Xhoffraix, vers 1899 ou 1900, aquarelle, gouache et pastel sur papier,
79 × 56 cm. Signé en haut à droite : « Georges Le Brun ». Dédicacé « A mon ami
Eugène Laermans ». Paris, coll. privée. In : MV, 1973, cat. 39 ; MI, 1975-1976, cat. 3 ;
ML, 1976, cat. 3 ; BHC, 1981, cat. 4 ; AcL, 1982, cat. 34 ; FK, 1988, cat. 114. [repr. p. 69]
57. Une rue à Florence le soir, Florence, 1900, fusain sur papier, 29,5 × 19,5 cm.
Monogrammé, situé et daté en bas à droite : « GLB Florence 1900 ».
Coll. Levaux-Hauzeur, coll. Françoise Van Cauwenberghe, localisation inconnue.
In : SBAV, 1920, cat. 10 (catalogue des œuvres non exposées). [repr. p. 70]
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58. Église de Saint-Vith (intérieur), Xhoffraix, 1900, crayon et aquarelle sur papier,
40 × 60 cm. Monogrammé et daté : « GLB 1900 ». Coll. CFWB, en dépôt aux Musées
de Verviers, inv. P18850. In : EaadV, 1901, cat. 139bis ; SaBAV, 1904, cat. 2 ; AeBA,
1912, cat. 779 ; STUDIO, 1912 ; HBCL, 1913, cat. 83 ; AeBA, 1920, cat. 42 ;
SBAV, 1920, cat. 56 ; MaaS, 1990, cat. 514.
62. Dans un presbytère, Thimister, 1901, fusain, aquarelle et pastel sur papier,
73 × 50 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1901 ».
Liège, musée des Beaux-Arts (BAL), inv. aw2141. In : SBAV, 1920, cat. 60 ;
MI, 1975-1976, cat. 43 ; ML, 1976, cat. 43 ; BHC, 1981, cat. 5 ; FK, 1988, cat. 115 ;
MaaS, 1990, cat. 52. [repr. p. 100]
63. La Ferme-château, Thimister, vers 1902, huile sur toile, 70 × 80 cm.
Signé : « Georges Le Brun ». Bruxelles, Musée d’Ixelles, inv. OM119. In : LE, 1903, cat.
187 ; SBAV, 1920, cat. 9 (catalogue des œuvres non exposées) ; GGG, 1958, cat. 21 ;
CPA, 1966, cat. 25 ; MV, 1973, cat. 16 ; MI, 1975-1976, cat. 14 ; ML, 1976, cat. 14 ;
BHC, 1981, cat. 6 ; MaaS, 1990, cat. 54. [repr. p. 10]
64. La Porteuse de lait, Thimister, vers 1902, gouache, crayon gras et mine de plomb
sur papier, 62 × 47 cm. Monogrammé en bas à droite : « GLB ». Coll. privée. In : SBAV,
1920, cat. 59.
59. Petite fille qui tricote, Xhoffraix, 1900, huile sur toile, 67 × 52 cm. Bruges, coll.
privée. In : SBAV, 1920, cat. 15 ; AeBA, 1920, cat. 45 ; SRBAV, 1936, cat. 9. [repr. p. 135]
60. L’homme qui passe, Xhoffraix, vers 1900-1903, fusain sur papier vergé,
47 × 62 cm. Monogrammé en bas à droite : « GLB ». Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-453. In : SaBAV, 1904, cat. 9 ; SRBAV, 1936, cat. 76 ; MV, 1973, cat. 60 ;
CBAV, 1975, cat. 15 ; MI, 1975-1976, cat. 11 ; ML, 1976, cat. 11 ; KB, 1979, cat. 85 ;
PBAC, 1980, cat. 60 ; BHC, 1981, cat. 4 ; CWB, 1987-1988, cat. 38 ; MaaS, 1990,
cat. 50 ; CGER, 1991 ; RAAL, 1994, cat. 39 ; MRBAM, 1995, cat. 188. [repr. p. 30]
61. L’Enfilade, Longfaye, 1901, fusain sur papier, 64 × 40 cm. Monogrammé : « GLB ».
Localisation inconnue. In : STUDIO, 1912, cat. 49 ; HBCL, 1913, cat. 100 ; SBAV,
1920, cat. 16 ; AeBA, 1920, cat. 47 ; SRBAV, 1936, cat. 10.
65. Cour de ferme à Charneux ou Le Grand Châtaignier, Thimister, vers 1902,
huile sur carton, 75 × 60 cm. Signé au milieu à gauche : « Georges Le Brun ».
Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 58 ; AeBA, 1920, cat. 18 ;
MI, 1975-1976, cat. 13 ; ML, 1976, cat. 13. [repr. p. 55]
66. Intérieur ensoleillé, Longfaye, vers 1903, huile, dimensions inconnues.
Coll. M. Beckmann, localisation inconnue. In : SRBAV, 1936, cat. 81.
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67. Bouquet de roses sur un poêle5, Xhoffraix, 1902 ou 1903, huile, 63 × 39 cm.
Coll. privée. In : LE, 1903, cat. 189 ; SaBAV, 1904, cat. 16 ;
SBAV, 1920, cat. 57 ; AeBA, 1920, cat. 43.
68. La Tricoteuse, Xhoffraix, février-mars 1903, huile sur carton, 54 × 55 cm.
Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1903 ». Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-449. In : SaBAV, 1904, cat. 22 ; SBAV, 1920, cat. 63 ; SRBAV, 1936, cat.
35 ; CPA, 1966, cat. 2 ; MV, 1973, cat. 50 ; CBAV, 1975, cat. 8 ; MI, 1975-1976, cat. 19 ;
ML, 1976, cat. 19 ; KB, 1979, cat. 96 ; PBAC, 1980, cat. 63 ; BHC, 1981, cat. 10. [repr. p. 95]
69. La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise, Longfaye, fin mai 1903, aquarelle, crayon
et pastel sur papier, 65,5 × 48 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1903 ».
Paris, coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 13 ; SBAV, 1920, cat. 61 ; SRBAV, 1936,
cat. 34 ; MV, 1973, cat. 21 ; MI, 1975-1976, cat. 23 ; ML, 1976, cat. 23 ; KB, 1979,
cat. 84 ; BHC, 1981, cat. 12. [repr. p. 50]
72. Le Toit de chaume, Longfaye, 1903, aquarelle, pastel et fusain sur papier,
48 × 65 cm. Monogrammé en bas à gauche : « GLB ». Bruxelles, coll. Belfius Banque,
inv. 2257. In : SaBAV, 1904, cat. 11 ; STUDIO, 1912, cat. 40 ; SBAV, 1920, cat. 677 ;
AeBA, 1920, cat. 23 ; MV, 1973, cat. 40 ; MI, 1975-1976, cat. 24 ; ML, 1976, cat. 24.
73. La Grande Charmille ou Les Nuages roses, Longfaye, 1903, aquarelle, crayon et
rehauts de pastel sur papier, 47 × 61 cm. Monogrammé et daté : « GLB 1903 ».
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-4. In : StBAB, 1903, cat. 591 ; SaBAV, 1904, cat. 6 ;
HBCL, 1913, cat. 84 ; SBAV, 1920, cat. 6 (catalogue des œuvres non exposées) ; AeBA, 1920,
cat. 12 ; SRBAV, 1936, cat. 65 ; CPA, 1966 ; MV, 1973, cat. 61 ; CBAV, 1975, cat. 16 ; MI,
1975-1976, cat. 61 ; ML, 1976, cat. 61 ; BHC, 1981, cat. 13 ; MaaS, 1990, cat. 60. [repr. p. 57]
74. La Fileuse ou Jeune fille au rouet, Xhoffraix, 1903, aquarelle, fusain et pastel sur
papier vergé, 49 × 64 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1903 ». Coll.
Alfred Lobet, coll. Jean Lobet, localisation inconnue. In : SaBAV, 1904, cat. 10 ; SBAV,
1920, cat. 65 ; MI, 1975-1976, cat. 27 ; ML, 1976, cat. 27 ; KB, 1979, cat. 98 ; PBAC,
1980, cat. 62 ; BHC, 1981, cat. 15 ; AcL, 1982, cat. 26.
70. La Matinée sereine, Ovifat, juillet 1903, huile sur toile, 89 × 100 cm.
Signé, daté et dédicacé en bas à droite : « A Georges Voos de Ghistelles,
Georges Le Brun 1903 ». New York, coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 17 ;
SBAV, 1920, cat. 8 (catalogue des œuvres non exposées) ; SRBAV, 1936, cat. 68 ;
CPA, 1966, cat. 23 ; MV, 1973, cat. 35 ; MI, 1975-1976, cat. 16 ; ML, 1976, cat. 16. [repr. p. 19]
71. La Vieille Tricoteuse ou Symphonie en bleu ou Intérieur bleu6, Xhoffraix, 1903,
huile sur carton, 75 × 61 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1903 ».
Musées de Verviers, inv. PIR 1943-451. In : StBAB, 1903, cat. 590 ; SaBAV, 1904,
cat. 20 ; SRBAV, 1936, cat. 73 ; CPA, 1966, cat. 4 ; MV, 1973, cat. 51 ; CBAV, 1975,
cat. 9 ; MI, 1975-1976, cat. 20 ; ML, 1976, cat. 20 ; KB, 1979, cat. 95 ; PBAC, 1980,
cat. 64 ; BHC, 1981, cat. 11 ; MaaS, 1990, cat. 55. [repr. p. 96]
75. Intérieur de ferme, Xhoffraix, 1903, fusain et crayon sur papier, 25 × 35 cm.
Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1903 ». Coll. Famille Crismer. In :
SRBAV, 1936, cat. 22 ; MV, 1973, cat. 45 ; MI, 1975-1976, cat. 26 ; ML, 1976, cat. 26. [repr. p. 39]
76. La lumière qui fuse ou Le soleil qui fuse8, Xhoffraix, 1903, huile sur toile,
54,5 × 37,5 cm. Signé en bas à droite : « Georges Le Brun 1913 ». Coll. privée. In :
SaBAV, 1904, cat. 21 ; SBAV, 1920, cat. 70. [repr. p. 25]
77. La Cafetière sur le poêle, Xhoffraix, vers 1903, huile sur carton, 53 × 29 cm.
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-452. In : LE, 1903, cat. 190 ; SRBAV, 1936,
cat. 74 ; CPA, 1966, cat. 5 ; MV, 1973, cat. 59 ; CBAV, 1975, cat. 14 ; MI, 1975-1976,
cat. 18 ; ML, 1976, cat. 18 ; BHC, 1981, cat. 8. [repr. p. 17]
164 | georges le brun
œuvres de georges le brun | 165
78. Un homme et une femme se parlant au-dessus d’une haie ou Le Jardin ardennais,
Longfaye, 1903, huile, 87 × 66 cm. Localisation inconnue. In : StBAB, 1903, cat. 589 ;
SaBAV, 1904, cat. 19 ; HBCL, 1913, cat. 85 ; SBAV, 1920, cat. 7 (catalogue des œuvres
non exposées).
79. L’homme qui s’en retourne, Xhoffraix, 1903, aquarelle sur papier, 47 × 62 cm.
Coll. Échevin Spinhayer, localisation inconnue. In : SaBAV, 1904, cat. 18 ;
SBAV, 1920, cat. 64. [repr. p. 19]
82. Le Soir d’automne, Xhoffraix, 1903, aquarelle, pastel et fusain sur papier,
50 × 68 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1903 ». Coll. privée.
In : SaBAV, 1904, cat. 4 ; SBAV, 1920, cat. 69 ; MI, 1975-1976, cat. 25 ; ML, 1976, cat.
25 ; BHC, 1981, cat. 17 ; AcL, 1982, cat. 31 ; FK, 1988, cat. 117 ; CGER, 1991.
83. La Garde-malade, Longfaye, vers 1903, huile sur toile, 47 × 64 cm. Signé à droite
« Georges Le Brun ». Musées de Verviers, inv. PIR 1943-450. In : LE, 1903, cat. 188 ;
SaBAV, 1904, cat. 8 ; SBAV, 1920, cat. 4 (catalogue des œuvres non exposées) ;
AeBA, 1920, cat. 10 ; SRBAV, 1920, cat. 63 ; CPA, 1966, cat. 3 ; MV, 1973, cat. 58 ;
CBAV, 1975, cat. 13 ; MI, 1975-1976, cat. 17 ; ML, 1976, cat. 17 ; KB, 1979, cat. 92 ;
BM, 1980, cat. 44 ; PBAC, 1980, cat. 65 ; BHC, 1981, cat. 7 ; MaaS, 1990, cat. 53. [repr. p. 97]
84. Paysage à Mont, Mont (Xhoffraix), vers 1903, fusain, pastel et aquarelle
sur papier, 30 × 51 cm. Monogrammé : « GLB ». Paris, coll. privée.
80. Le Faucheur, Xhoffraix, 1903, aquarelle et gouache sur papier, 54,5 × 45 cm.
Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1903 ». New York, coll. privée.
In : SRBAV, 1936, cat. 80 ; CPA, 1966, cat. 24 ; MV, 1973, cat. 34 ; MI, 1975-1976, cat.
22 ; ML, 1976, cat. 22.
85. La petite fille qui s’en va, Xhoffraix, vers 1903, fusain sur papier, 63 × 48 cm.
Monogrammé en bas à droite : « GLB ». Coll. Lombard, coll. Sabatini, coll. Émile Peltzer,
Liège, musée des Beaux-Arts (BAL), inv. 2388. In : LE, 1903, cat. 192 ; SaBAV, 1904,
cat. 1 ; SBAV, 1920, cat. 5 (catalogue des œuvres non exposées) ; AeBA, 1920, cat. 11 ;
SRBAV, 1936, cat. 64 ; FK, 1988, cat. 125.
81. La Sapinière ou Le Bois de sapins, Xhoffraix, 1903, huile sur toile, 49 × 65,5 cm.
Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1903 ». Coll. privée.
In : SaBAV, 1904, cat. 15 ; SBAV, 1920, cat. 62 ; MV, 1973, cat. 42 ; MI, 1975-1976,
cat. 21 ; ML, 1976, cat. 21 ; BHC, 1981, cat. 14 ; MaaS, 1990, cat. 56. [repr. p. 75]
166 | georges le brun
œuvres de georges le brun | 167
86. L’enfant qui met ses souliers, Xhoffraix, vers 1903, fusain et crayon sur papier,
62 × 49 cm. Monogrammé en bas à gauche : « GLB ». Bruges, coll. privée. In : SaBAV,
1904, cat. 12 ; SBAV, 1920, cat. 66 ; MI, 1975-1976, cat. 15 ; ML, 1976 ; cat. 15 ; KB,
1979, cat. 97 ; PBAC, 1980, cat. 61 ; BHC, 1981, cat. 9 ; AcL, 1982, cat. 24 ; FK, 1988,
cat. 116. [repr. p. 38]
91. Vue de l’église de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, août 1904,
aquarelle, pastel et fusain sur papier, 39 × 24,5 cm. Monogrammé et daté en bas
à gauche : « GLB août 1904 ». Coll. Alfred Lobet, coll. Jean Lobet, coll. Bruno Fornari,
localisation inconnue. In : SBAV, 1920, cat. 72 ; MI, 1975-1976, cat. 29 ; ML, 1976,
cat. 29 ; BHC, 1981, cat. 20.
87. Fenêtre ouverte (recto) et Vase sur une table (verso), s.l., vers 1903-1904,
huile sur carton, 57 × 46 cm. Paris, coll. privée. In : SaBAV, 1904, cat. 3.
88. Vue de Notre-Dame de Paris, Paris, 1903, huile sur toile, 140 × 100 cm.
Signé : « Georges Le Brun ». Fondation Albert Vandervelden. In : SBAV, 1920,
cat. 11 (catalogue des œuvres non exposées). [repr. p. 20]
89. La Dame au miroir, s.l., avril 1904, fusain et crayon sur papier, 38 × 24 cm.
Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB avril 1904 ».
Paris, coll. privée. In : MI, 1975-1976, cat. 31. [repr. p. 67]
90. Le Grand Orme, Theux (Maison-Bois), juin 1904, aquarelle, fusain et pastel
sur papier, 40 × 25 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1904 ».
New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 74 ; AeBA, 1920, cat. 24 ; MI, 1975-1976,
cat. 28 ; ML, 1976, cat. 28 ; BHC, 1981, cat. 19.
92. Sur les remparts de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, septembre 1904,
fusain et pastel sur papier, 24 × 38 cm. Monogrammé et daté en bas à droite :
« GLB septembre 1904 ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-429. In : SRBAV, 1936,
cat. 78 ; CPA, 1966, cat. 10 ; MV, 1973, cat. 52 ; CBAV, 1975, cat. 10 ; MI, 1975-1976,
cat. 30 ; ML, 1976, cat. 30 ; BHC, 1981, cat. 21. [repr. p. 36]
93. La Neige, s.l., 1904, aquarelle et rehauts de pastel sur papier, 58 × 77 cm.
Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1904 ». Montréal, coll. privée.
In : MI, 1975-19769 ; ML, 197610 ; BHC, 1981, cat. 17 ; AcL, 1882, cat. 29. [repr. p. 94]
94. Paysage à Hodbomont, Theux, vers 1904, aquarelle et pastel sur papier,
18 × 37 cm. Paris, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 89.
95. Porte de Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905, fusain et pastel
sur papier, 62 × 49 cm. Monogrammé, daté et situé en bas à gauche : « GLB mars 1905
Limburg a.d. Lahn ». Musées de Verviers, inv. PIR-1943-460. In : SRBAV, 1936, cat. 79 ;
MV, 1973, cat. 53 ; CBAV, 1975, cat. 11 ; MI, 1975-1976, cat. 32 ; ML, 1976, cat. 32. [repr. p. 26]
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œuvres de georges le brun | 169
96. Soir de pluie à Limburg an der Lahn, Limburg an der Lahn, mars 1905, fusain,
aquarelle et pastel sur papier vergé, 63 × 48 cm. Monogrammé, daté et situé en bas à
droite : « GLB mars 1905 Limburg a.d. Lahn ». Musées de Verviers, inv. PIR 1943-458.
In : MV, 1973, cat. 54 ; MI, 1975-1976, cat. 33 ; ML, 1976, cat. 33 ; BHC, 1981, cat. 22. [repr. p. 77]
102. Le Perron de Theux le soir, Theux, 1906, aquarelle, pastel et gouache sur papier,
56 × 46 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1906 ». Belgique, coll. privée.
In : SBAV, 1920, cat. 77 ; SRBAV, 1936, cat. 37 ; MV, 1973, cat. 22 ; MI, 1975-1976,
cat. 39 ; ML, 1976, cat. 39. [repr. p.92]
97. Intérieur à la Bouxherie, Theux, 1905, aquarelle, pastel et fusain sur papier,
29 × 24 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1905 ». Musées de Verviers,
inv. PIR 1943-461. In : SBAV, 1920, cat. 15 (catalogue des œuvres non exposées) ;
AeBA, 1920, cat. 13 ; SRBAV, 1936, cat. 67 ; CPA, 1966, cat. 11 ; MV, 1973, cat. 55 ; MI,
1975-1976, cat. 34 ; ML, 1976, cat. 34. [repr. p. 8]
103. La Salle à manger, Theux (maison Le Brun), 1906, pastel sur papier, 51 × 80 cm.
Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB 1906 ». Bruxelles, Musée d’Ixelles,
inv. CC1571. In : SBAV, 1920, cat. 78 ; AeBA, 1920, cat. 37 ; SRBAV, 1936, cat. 38 ;
MI, 1975-1976, cat. 41 ; ML, 1976, cat. 41 ; BM, 1980, cat. 45 ; BHC, 1981, cat. 25 ;
CWB, 1987-1988, cat. 39 ; FK, 1988, cat. 119 ; MaaS, 1990, cat. 57. [repr. p. 22]
98. Intérieur de l’église de Limbourg, Limburg an der Lahn, 1905,
aquarelle, pastel et crayon sur papier, 43 × 49 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche :
« GLB 1905 ». New York, coll. privée. In : STUDIO, 1912 ; HBCL, 1913, cat. 91 ;
SBAV, 1920, cat. 76 ; AeBA, 1920, cat. 34 ; MV, 1973, cat. 3 ; CBAV, 1975,
cat. 6 ; MI, 1975-1976, cat. 35 ; ML, 1976, cat. 35 ; BHC, 198111. [repr. p. 72]
104. Le Bourg dans la vallée (vue de l’église de Theux), Theux, 1906, huile sur toile,
65,5 × 86 cm. Signé et daté en bas à droite : « Georges Le Brun 1906 ». Coll. privée.
In : MI, 1975-1976 ; ML, 1976. [repr. p. 43]
99. Portrait de Mlles Amélie et Jeanne Rodriguez d’Evora, Sancourt, vers 1905-1913,
huile sur toile, dimensions inconnues. Localisation inconnue12.
105. L’Alcôve, Jevoumont (Theux), 1906, huile sur carton, 66 × 43 cm. Signé et daté
en bas à droite : « Georges Le Brun 1906 ». Paris, coll. privée. In : HBCL, 1913, cat. 96 ;
SBAV, 1920, cat. 79 ; AeBA, 1920, cat. 19 ; SRBAV, 1936, cat. 39 ; CPA, 1966, cat. 16 ;
MV, 1973, cat. 4 ; CBAV, 1975, cat. 5 ; MI, 1975-1976, cat. 40 ; ML, 1976, cat. 40 ;
BHC, 1981, cat. 24 ; AcL, 1982, cat. 23 ; MaaS, 1990, cat. 58. [repr. p. 12]
106. La Cour du château de Sancourt, Sancourt, 1906, huile sur toile, 49 × 108 cm.
Signé et daté : « Georges Le Brun 1906 ». New York, coll. privée. In : HBCL, 1913,
cat. 92 ; SBAV, 1920, cat. 80.
100. Champ labouré, Sancourt, janvier 1906, aquarelle, crayon et pastel sur papier,
25 × 36 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB janvier 1906 ». Musées de
Verviers, inv. PIR-1943-462. In : SRBAV, 1936, cat. 70 ; CPA, 1966, cat. 12 ; MV, 1973,
cat. 56 ; MI, 1975-1976, cat. 37 ; ML, 1976, cat. 37 ; BHC, 1981, cat. 23. [repr. p. 79]
101. Croquis de Mlle Amélie Rodriguez d’Evora, Sancourt, 1906,
fusain sur papier, 34,5 × 27 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1906 ».
Paris, coll. privée. In : MI, 1975-1976, cat. 38 ; ML, 1976, cat. 38.
170 | georges le brun
107. Le Jardin des poules, Sancourt, vers 1906, huile sur carton, 53 × 65 cm.
Coll. privée. In : SRBAV, 1936, cat. 43 ; CPA, 1966, cat. 17 ; MV, 1973, cat. 13 ;
MI, 1975-1976, cat. 36 ; ML, 1976, cat. 36.
œuvres de georges le brun | 171
108. André Le Brun à 15 mois, Theux, 16 janvier 1907, pastel sur papier, 86 × 55 cm.
Titré, monogrammé et daté en bas à gauche : « André Le Brun à 15 mois
GLB 16-1-07 ». Montréal, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 82 ; SRBAV, 1936, cat. 41.
112. À Sancourt (la femme et le fils du peintre), Sancourt, vers 1907, huile sur carton,
60 × 47 cm. Paris, coll. privée. [repr. p. 184]
113. Printemps à Sancourt, Sancourt, vers 1907, huile sur carton, 21 × 24 cm.
Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 84 ; MV, 1973, cat. 12 ; MI, 1975-1976,
cat. 42 ; ML, 1976 ; cat. 42.
109. Le Potager de la Bouxherie au printemps, Theux, 15 mai 1907, pastel sur papier,
70 × 80 cm. Situé, monogrammé et daté : « Theux GLB 15 mai 1907 ». Bruxelles,
Musée d’Ixelles, inv. CC2800. In : HBCL, 1913, cat. 93 ; SBAV, 1920, cat. 81 ; SRBAV,
1936, cat. 40 ; MV, 1973, cat. 3713. [repr. p. 21]
114. Hodbomont le soir, Theux, janvier 1908, aquarelle, fusain et pastel sur papier,
22,5 × 40 cm. Monogrammé et daté : « GLB janvier 1908 ». Coll. Henri le Docte,
localisation inconnue. In : HBCL, 1913, cat. 8714 ; SBAV, 1920, cat. 90 ; AeBA, 1920,
cat. 25 ; SRBAV, 1936, cat. 46 ; MI, 1975-1976, cat. 47 ; ML, 1976, cat. 47.
110. Portrait de Madame Léon Le Brun (mère de l’artiste), Theux (maison Le Brun),
mai 1907, fusain rehaussé de blanc sur papier, 35 × 23 cm. Monogrammé et daté en
bas à gauche : « GLB mai 1907 ». Coll. Pollet-Le Brun, coll. Schicks-Pollet, coll.
Moonen-Schicks, localisation inconnue. In : MI, 1975-1976, cat. 43 ; ML, 1976, cat. 43 ;
BHC, 1981, cat. 26 ; AcL, 1982, cat. 30 ; FK, 1988, cat. 120. [repr. p. 185]
111. Portrait de fillette (Emma Pollet), Theux (maison Le Brun), août 1907,
fusain sur papier, 29 × 20 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche :
« GLB août 1907 ». Paris, coll. privée. In : MI, 1975-1976, cat. 44 ;
ML, 1976, cat. 44 ; BHC, 1981, cat. 27.
115. À Sancourt, 1908, Sancourt, fusain sur papier, 20 × 29 cm. Monogrammé et daté
en bas à gauche : « GLB août 1908 ». New York, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 85 ;
SRBAV, 1936, cat. 43 bis ; MI, 1975-1976, cat. 48 ; ML, 1976, cat. 48.
172 | georges le brun
œuvres de georges le brun | 173
116. Lecture le soir, Theux (maison Le Brun), 1908, fusain et crayon sur papier vergé,
38 × 30 cm. Signé et daté en bas à gauche : « G Le Brun 1908 ». Paris, musée d’Orsay,
inv. RF MO AG 2014 4. In : HBCL, 1913, cat. 101 ; SBAV, 1920, cat. 88 ; MV, 1973, cat.
46 ; MI, 1975-1976, cat. 50 ; ML, 1976, cat. 50. [repr. p. 65]
121. Le Bon Lolo, Sancourt, 1910, crayon sur papier, 39 × 25 cm. Monogrammé et daté
au milieu à droite : « Georges Le Brun 1910 ». Paris, coll. privée. In : HBCL, 1913,
cat. 99 ; SBAV, 1920, cat. 93 ; SRBAV, 1936, cat. 48 ; CPA, 196616 ; MV, 1973, cat. 7 ;
MI, 1975-1976, cat. 52 ; ML, 1976, cat. 52 ; BHC, 1981, cat. 31.
117. L’Escalier ou L’Intérieur gris bleu, Theux (maison Le Brun), 1908, huile sur toile,
63 × 45 cm. Signé et daté en haut à gauche : « Georges Le Brun 1908 ». Bruxelles,
musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 6375. In : STUDIO, 1912, cat. 44 ;
HBCL, 1913, cat. 94 ; SBAV, 1920, cat. 87 ; AeBA, 1920, cat. 21 ; SRBAV, 1936, cat. 45 ;
MRBAB, 1968, cat. 27 ; MV, 1973, cat. 15 ; MI, 1975-1976, cat. 46 ; ML, 1976, cat. 46 ;
BHC, 1981, cat. 28.
122. Le Repas de l’enfant, Theux (maison Le Brun), vers 1910, huile sur toile,
58 × 75 cm. Coll. privée. In : STUDIO, 1912 ; SBAV, 1920, cat. 95 ;
AeBA, 1920, cat. 22 ; SRBAV, 1936, cat. 49. [repr. p. 41]
123. Une petite fille du peuple, Étaples, vers 1910, fusain sur papier, 38 × 19 cm.
Monogrammé : « GLB ». Paris, coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 94.
118. La Maman et ses bébés, Sancourt, 1908, fusain sur papier vergé, 39,5 × 25,5 cm.
Monogrammé, situé et daté en bas à gauche : « GLB Sancourt 1908 ». Coll. privée.
STUDIO, 1912 ; HBCL, 1913, cat. 98 ; SBAV, 1920, cat. 83 ; SRBAV, 1936, cat. 42 ;
CPA 1966, cat. 21 ; MV, 1973, cat. 5 ; MI, 1975-1976, cat. 49 ; ML, 1976, cat. 49 ;
BHC, 1981, cat. 29. [repr. p. 138]
119. La Cuisine, Theux (maison Le Brun), 1908, huile sur toile, 50 × 40 cm. Signé et
daté : « Georges Le Brun 1908 ». Paris, coll. privée. In : STUDIO, 1912, cat. 48 ;
HBCL, 1913, cat. 95 ; SBAV, 1920, cat. 86 ; AeBA, 1920, cat. 20 ; SRBAV, 1936, cat. 44 ;
MI, 1975-1976, cat. 45 ; ML, 1976, cat. 45. [repr. p. 40]
120. Le Vestibule, Theux (maison Le Brun), 1909, fusain, crayon et pastel
sur papier vélin, 62 × 48 cm. Monogrammé et daté en bas à droite : « GLB 1909 ».
Paris, musée d’Orsay, don de Jeanne Le Brun, 1990, inv. RF 4266115. In : SBAV, 1920,
cat. 92 ; AeBA, 1920, cat. 54 ; SRBAV, 1936, cat. 47 ; MV, 1973, cat. 6 ; MI, 1975-1976,
cat. 51 ; ML, 1976, cat. 51 ; BHC, 1981, cat. 30 ; AcL, 1982, cat. 33 ; FK, 1988, cat. 121 ;
MO, 1990-1991, cat. 254 ; GNGP, 1997, cat. 235 ; MBAG, 1997, cat. 235. [repr. p. 64]
174 | georges le brun
124. La Neige sur le village, Spixhe (Theux), janvier 1912, aquarelle, gouache et mine
de plomb sur carton, 43 × 49 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche :
« GLB janvier 1912 ». Paris, coll. privée. In : HBCL, 1913, cat. 90 ; SBAV, 1920, cat. 96 ;
AeBA, 1920, cat. 63 ; MV, 1973, cat. 1 ; MI, 1975-1976, cat. 53 ; ML, 1976, cat. 53 ;
BHC, 1981, cat. 32 ; FK, 1988, cat. 122. [repr. p. 11]
œuvres de georges le brun | 175
125. La Faux, Lierneux, juillet 1912, aquarelle, crayon et rehauts de pastel sur papier,
39 × 62 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche : « GLB juillet 1912 ».
Paris, coll. privée. In : STUDIO, 1912 ; HBCL, 1913, cat. 89 ; SBAV, 1920, cat. 98 ;
AeBA, 1920, cat. 27 ; SRBAV, 1936, cat. 51 ; MI, 1975-1976, cat. 54 ;
ML, 1976, cat. 54. [repr. p. 34]
131. Femme balayant (intérieur), Longfaye, 1913, aquarelle, crayon et rehauts
de pastel sur papier. Coll. Petit, localisation inconnue17. In : SBAV, 1920, cat. 100 ;
SRBAV, 1936, cat. 52.
126. Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur, Lierneux, août 1912, aquarelle,
crayon et pastel sur papier, 63,5 × 44,5 cm. Monogrammé et daté en bas à gauche :
« GLB août 1912 ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 97 ; AeBA, 1920, cat. 26 ;
SRBAV, 1936, cat. 50 ; MV, 1973, cat. 18 ; MI, 1975-1976, cat. 55 ; ML, 1976, cat. 55 ;
BHC, 1981, cat. 33 ; AcL, 1982, cat. 27. [repr. p. 53]
127. Femme buvant du lait (intérieur), Longfaye, juillet 1913, aquarelle rehaussée
de pastel sur papier, 60 × 47 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun
juillet 1913 ». Coll. Jeanne Le Brun, coll. Paul Severin, coll. Claude de Valkeneer,
localisation inconnue. In : SBAV, 1920, cat. 101 ; AeBA, 1920, cat. 29 ; SRBAV, 1936,
cat. 53 ; CPA, 1966, cat. 18 ; MV, 1973, cat. 11 ; CBAV, 1975, cat. 4 ; MI, 1975-1976,
cat. 57 ; ML, 1976, cat. 57 ; BHC, 1981, cat. 35.
132. Le Village dans la vallée, Hébronval (près de Lierneux), 1913, aquarelle et rehauts
de pastel sur papier, 54 × 76 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1913 ».
Bruxelles, coll. privée. In : HBCL, 1913, cat. 86 ; SBAV, 1920, cat. 99 ; AeBA, 1920,
cat. 28 ; SRBAV, 1936, cat. 83 ; MV, 1973, cat. 10 ; MI, 1975-1976, cat. 58 ; ML, 1976,
cat. 58 ; AcL, 1982, cat. 32. [repr. p. 83]
133. La Ferme de la Haase, s.l., 1913, aquarelle, crayon et pastel sur papier, triptyque,
39 × 25 cm / 39 × 50 cm / 39 × 25 cm. Signé et daté sur le panneau central, en bas à
droite : « Georges Le Brun 1913 » ; monogrammé sur le volet droit, en bas : « GLB ».
Coll. privée. In : AeBA, 1914, cat. 374 ; SBAV, 1920, cat. 102 ; SRBAV, 1936,
cat. 54 ; MV, 1973, cat. 47 ; MI, 1975-1976, cat. 59 ; ML, 1976, cat. 59 ; BHC, 1981,
cat. 36 ; AcL, 1982, cat. 25 ; MaaS, 1990, cat. 59. [repr. p. 47]
128. La Croix, Xhoffraix, 1913, fusain et mine de plomb sur papier, 46 × 60,5 cm.
Coll. A. Doms. In : SBAV, 1920, cat. 104 ; AeBA, 1920, cat. 52 ; SRBAV, 1936, cat. 56 ; MV,
1973, cat. 28. [repr. p. 27]
129. Printemps à Ruy (Les Agneaux), Ruy (La Gleize), 1913, aquarelle, fusain et
pastel sur papier, 54 × 76 cm. Signé et daté en bas à droite : « Georges Le Brun 1913 ».
Coll. privée. In : AeBA, 1914, cat. 373 ; SBAV, 1920, cat. 103 ; AeBA, 1920, cat. 30 ;
SRBAV, 1936, cat. 55 ; MV, 1973, cat. 38 ; CBAV, 1975, cat. 3 ; MI, 1975-1976, cat. 56 ;
ML, 1976, cat. 56 ; BHC, 1981, cat. 34. [repr. p. 61]
130. Maison, croisillons noirs, Xhoffraix, 1913, aquarelle et rehauts de pastel
sur papier, 40 × 62 cm. Signé : « Georges Le Brun ». Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat.
107 ; AeBA, 1920, cat. 33 ; MV, 1973, cat. 19. [repr. p. 142]
176 | georges le brun
134. Maisons à Spixhe, Spixhe (Theux), 1913, aquarelle, crayon gras et rehauts
de pastel sur papier, 60 × 90 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun 1913 ».
Coll. privée. In : SBAV, 1920, cat. 105 ; AeBA, 1920, cat. 31 ; SRBAV, 1936, cat. 57 ;
CPA, 1966, cat. 14 ; MV, 1973, cat. 9 ; CBAV, 1975, cat. 2 ; MI, 1975-1976, cat. 60 ;
ML, 1976, cat. 60 ; BHC, 1981, cat. 37 ; AcL, 1982, cat. 28 ; FK, 1988, cat. 123. [repr. p. 93]
135. La Grande Charmille. Neige, Longfaye ou Xhoffraix, 1913, aquarelle et rehauts
de pastel sur papier, 54,4 × 76 cm. Signé et daté en bas à gauche : « Georges Le Brun
XII – 1913 ». Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 863418.
In : AeBA, 1914, cat. 375 ; SBAV, 1920, cat. 106 ; AeBA, 1920, cat. 32 ; SRBAV, 1936,
cat. 58 ; CPA, 1966, cat. 15 ; MV, 1973, cat. 8 ; CBAV, 1975, cat. 1 ; MI, 1975-1976,
cat. 62 ; ML, 1976, cat. 62 ; BHC, 1981, cat. 38 ; FK, 1988, cat. 124. [repr. p. 24]
136. La Haute Fagne, Longfaye, 1914, aquarelle et pastel sur papier, triptyque,
54 × 77 cm / 67 × 100 cm / 54 × 77 cm. Signé et daté : « Georges Le Brun 191419 ».
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-463. In : AeBA, 1914, cat. 371 ; SBAV, 1920,
cat. 108 ; AeBA, 1920, cat. 14 ; CPA, 1966, cat. 13 ; MV, 1973, cat. 57 ; CBAV, 1975,
cat. 12 ; MI, 1975-1976, cat. 63 ; ML, 1976, cat. 63 ; BHC, 1981, cat. 39 ; MNAMT,
1982-1983, cat. 106 ; MaaS, 1990, cat. 61. [repr. p. 44-45]
œuvres de georges le brun | 177
137. Les Ruches20, s.l., 1914, aquarelle sur papier, 52 × 74,5 cm (encadré).
New York, coll. privée.
142. La Conversation, s.l.n.d., fusain, crayon et aquarelle sur papier, 53 × 68 cm.
Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 85]
143. L’Homme au poêle, s.l.n.d., fusain et rehauts d’aquarelle, 63 × 36 cm.
Bruxelles, coll. privée. [repr. p. 147]
144. L’Enfilade, s.l.n.d., crayon gras, mine de plomb et fusain sur papier,
62 × 45,5 cm. Coll. privée. [repr. p. 4]
145. Jban-Querin – Mathî Gentjes de Xhoffraix, Xhoffraix, s.d., fusain sur papier,
43 × 33 cm. Signé en bas à gauche : « Georges Le Brun ». Coll. privée.
138. Homme chargeant du fumier, s.l.n.d., fusain sur papier, 99 × 67 cm ou 99 ×
70 cm. Détruit. In : SBAV, 1920, cat. 7 ; SRBAV, 1936, cat. 5.
139. Jeune garçon pelant des pommes de terre, Xhoffraix, s.l.n.d., huile sur toile,
65 × 40 cm. Coll. privée. [repr. p. 98]
146. Le Bénédicité, intérieur à Xhoffraix, s.d., fusain sur papier, 62 × 47 cm.
Coll. privée. [non repr.]
140. Vue de la Fagne, Xhoffraix, s.d., aquarelle sur papier, 38 × 55 cm.
Coll. Maurice Pirenne senior, coll. Maurice Pirenne junior, localisation inconnue.
In : SRBAV, 1936, cat. 2. [repr. p. 32]
147. Ardennaise de profil, s.l.n.d., huile sur toile, 69 × 54,5 cm.
Bruxelles, coll. privée.
141. L’Abreuvoir ou L’Eau de source, s.l.n.d., aquarelle sur papier, 39,3 × 28 cm.
Coll. Famille Crismer.
178 | georges le brun
œuvres de georges le brun | 179
148. La Couturière, s.l.n.d., fusain sur papier, 47 × 34 cm. Coll. privée.
151. L’Âtre, s.l.n.d., fusain sur papier, 44 × 32 cm. Localisation inconnue.
149. Vieux Hêtre sur la Washay de Xhoffraix, s.d., huile sur carton, 29 × 23 cm.
Coll. Abbé Beckman, coll. privée.
152. Vue de Fagne, s.l.n.d., aquarelle sur papier, 34,5 x 44 cm. Coll. privée. [repr. p. 32]
153. Chemin de Fagne, s.l.n.d., aquarelle sur papier cartonné, 29 × 39 cm.
New York, coll. privée. [repr. p. 119]
154. Tête de femme au bonnet, s.l.n.d., fusain et crayon sur papier, 59 × 44 cm.
Coll. A. Doms. [repr. p. 33]
155. Intérieur à Xhoffraix, s.l.n.d., fusain vernis sur papier, 44,5 × 32 cm.
Coll. Joseph Doms, coll. A. Doms. [repr. p. 146]
156. Tête de femme, s.l.n.d., fusain, 59 × 44 cm. Coll. Joseph Doms, coll. A. Doms.
150. Paysage de Spixhe, Spixhe, s.d., fusain sur papier, 51 × 54 cm.
Coll. Rosena Hutin, coll. Jeanne Closset, coll. André Wilkin.
180 | georges le brun
œuvres de georges le brun | 181
1. « A été découpé et recollé suite au bombardement
de la guerre 40 » (remarque de Jeanne Le Brun).
2. Jeanne Le Brun stipule que les œuvres 12 et 13
sont les portraits de deux paysans, les frères
Lallemand, dont l’un mettait le feu aux meules.
Le croquis 12 fut rebaptisé par la suite Le Pyromane,
bien que Jeanne ne lui ait jamais donné ce titre.
3. « Abîmé pendant le bombardement de la Seconde
Guerre mondiale » (remarque de Jeanne Le Brun).
4. « A peut-être été exposé à La Libre Esthétique
sous le titre La Vieille Église, en 1903, au no 191
du catalogue » (remarque de Jeanne Le Brun).
5. « A été très abimé et repeint. L’œuvre est
aujourd’hui méconnaissable par rapport à la
version originale » (remarque de Jeanne Le Brun).
6. Jeanne Le Brun mentionne que La Vieille
Tricoteuse aurait pu être exposée sous les titres
Symphonie en bleu au StBAB et Intérieur bleu
à la SaBAV et à la SRBAV. Pirenne signale
qu’une Symphonie en bleu a été exposée en 1904
à la SaBAV.
7. « Sous le titre Bâtiment à toit de chaume,
dimensions inexactes » (remarque de Jeanne Le
Brun).
8. Forme une sorte de diptyque avec La Cafetière
sur le poêle.
9. « Œuvre exposée mais ne figurant pas
au catalogue » (remarque de Jeanne Le Brun).
182 | georges le brun
10. « Œuvre exposée mais ne figurant pas
au catalogue » (remarque de Jeanne Le Brun).
11. « Exposé mais non repris dans le catalogue »
(remarque de Jeanne Le Brun).
12. « Œuvre laissée au Congo, sans doute
irrécupérable » (remarque de Jeanne Le Brun).
13. « Présent au catalogue mais non exposé,
car le prêt a été refusé au dernier moment »
(remarque de Jeanne Le Brun).
14. « Il aurait été exposé sous le nom Hameau
le soir » (remarque de Jeanne Le Brun).
15. Offert au musée d’Orsay par Jeanne Le Brun,
fin mars 1990. L’œuvre est acceptée à l’unanimité
par le Comité des conservateurs et par le Comité
de la Réunion des musées nationaux de France.
16. « A été exposé mais ne figure pas au catalogue »
(remarque de Jeanne Le Brun).
17. « Œuvre complètement détériorée, trouée
et décolorée ; a été confiée à l’IRPA pour étude »
(remarque de Jeanne Le Brun).
18. « Acquis par les musées royaux des Beaux-Arts
de Belgique lors de l’exposition au Musée d’Ixelles
en 1975-1976 » (remarque de Jeanne Le Brun).
19. « Signature aujourd’hui invisible »
(remarque de Jeanne Le Brun).
20. « Dernière œuvre de l’artiste, laissée inachevée »
(remarque de Jeanne Le Brun).
Denis Laoureux
Chronologie
1873 | Naissance en Belgique, à Verviers, le 16 juin, de
Georges Le Brun, fils d’Emma Laplanche et de Léon
Le Brun, ingénieur.
1893 | Le Brun soumet le Port de Bruxelles, le soir
[repr. p. 90] au jury d’admission du Salon triennal de
Bruxelles, mais l’œuvre est refusée. Il s’inscrit à l’Université libre de Bruxelles où il commence des études
de médecine.
1894 | Ayant décidé d’arrêter ses études, Le Brun part
vivre dans le hameau de Xhoffraix où il s’installe dans
une auberge modeste. Il rentre régulièrement à
Verviers dans la maison familiale. Dans sa peinture,
l’artiste met en scène les activités du monde paysan.
1895 | Le Brun passe quelques mois à Bruxelles et s’inscrit
dans la classe de Jean-François Portaels avant de laisser
cet enseignement académique pour revenir à Xhoffraix.
Il fait la connaissance d’Eugène Laermans à qui il
dédicace Le Chêne des chênes [repr. p. 69].
1897 | Le Brun voyage durant un mois en Hollande et fait
le tour des musées. Maurice Pirenne cite Rembrandt,
Vermeer et Pieter de Hooch parmi les peintres qui ont
intéressé Le Brun.
1898 | Le Brun passe l’année à Bruxelles.
1899 | Alors qu’il quitte Bruxelles pour revenir à Xhoffraix
en mars, Le Brun fait son entrée dans le monde de
l’art. Il expose Le Caban [repr. p. 108] au Salon des BeauxArts de Gand et il participe à La Libre Esthétique
avec L’Heure silencieuse et Le Jardinier de novembre1.
L’artiste achève le triptyque L’Automne à Xhoffraix
[repr. p. 14]. Ce tableau vient conclure la première période
de sa carrière. Une évolution commence à se faire sentir
dans sa peinture. Progressivement, la référence aux
métiers disparaît, la présence de la figure humaine
diminue, l’espace se complexifie et la lumière dématérialise la pesanteur des êtres et des objets.
1900 | Du 15 mars au 1er juin, Le Brun quitte les Fagnes
pour effectuer un voyage culturel en Italie. Il entretient
avec sa famille une correspondance qui constitue une
documentation précieuse sur la réception de l’art italien
dans le symbolisme belge. À son retour d’Italie, il passe
quelques semaines à Xhoffraix, puis s’installe dans le
pays de Herve, à Thimister où il ne reste que deux mois.
C’est alors à nouveau à Bruxelles qu’il retourne,
d’octobre 1900 à mars 1901. Dans la capitale, il rencontre
Nathalie de Roissart, sa future épouse.
1901 | En mars, Le Brun s’installe à Thimister, puis repart
à Xhoffraix, revient à nouveau à Thimister. Le Brun
expose pour la première fois à Verviers.
À Sancourt (la femme et le fils du peintre), Sancourt, vers 1907,
huile sur carton, 60 × 47 cm. Paris, coll. privée. [112]
Portrait de Madame Léon Le Brun
(mère de l’artiste), Theux (maison Le Brun),
mai 1907, fusain rehaussé de blanc sur papier,
35 × 23 cm. Localisation inconnue. [110]
Ed. Wettstein, Georges Le Brun boxant,
photographie, 10,5 × 6,5 cm.
Paris, coll. privée.
1907 | Naissance de Jeanne Le Brun, qui entreprendra
l’inventaire des œuvres de son père.
1911 | À Bruxelles, à la salle Studio, une exposition collective rassemble Maurice Pirenne, Auguste Donnay,
Philippe Derchain et Pierre Delcour. L’Art moderne rend
compte de l’événement : « Ce qui frappe à première
vue c’est le ton gris, presque incolore, de l’ensemble. »
Le Brun est comparé à Xavier Mellery.
1912 | Seconde exposition à la salle Studio avec Delcour,
Derchain, Donnay et Pirenne. Le Salon triennal de la
Ville de Liège présente une pièce de Le Brun.
1913 | Exposition collective à la Bibliothèque centrale de
Liège avec Pirenne, Derchain, Delcour auxquels s’ajoutent
François Colleye et le sculpteur Achille Chainaye.
1914 | Le Salon de Liège expose le triptyque de La Haute
Le Brun, son épouse et sa fille Jeanne, s.l.n.d.,
Fagne [repr. p. 44-45] qui apparaît avec le recul comme le Georges
photographie, 6,5 × 9,2 cm. Paris, coll. privée.
testament pictural de l’artiste. Le 26 octobre, Le Brun
meurt sur le front de l’Yser. Il a quarante et un ans.
1920 | La première exposition personnelle consacrée à Le Brun est organisée à la salle
de la Société des beaux-arts de Verviers. Pirenne publie le texte de la conférence qu’il
fit dans ce contexte, et qui reste l’une des principales sources de documentation sur
l’artiste [p. 13-27].
Famille Le Brun au château de Sancourt, s.l.n.d.,
photographie, 5,2 × 8,2 cm. Paris, coll. privée.
1902 | Le Brun quitte Thimister pour Longfaye en juillet.
1903 | Le Brun participe pour la deuxième fois au salon de La Libre Esthétique. Il réalise
une série de dessins sur le thème de « la lumière qui fuse » dans l’espace pour dématérialiser les êtres et les choses. Il inaugure une collaboration avec la revue L’Art
moderne où il publie régulièrement jusqu’en 1908.
1904 | C’est une année charnière. Après avoir séjourné à Paris en décembre 1903 et
janvier 1904, Le Brun revient en Belgique. En août, il part travailler quelques
semaines dans une usine de galvanoplastie en Allemagne. Cette année est aussi celle
de sa seconde exposition à Verviers où il présente une Symphonie en bleu [repr. p. 96]
et La lumière qui fuse [repr. p. 25]. L’artiste épouse Nathalie de Roissart le 1er octobre.
Le couple s’installe à Theux dans une maison du xviie siècle où Le Brun vivra
jusqu’à sa mort avec ses deux enfants nés en 1905 et 1907. De nouvelles œuvres
dépeignent la vie de la famille Le Brun et l’atmosphère de la maison. Pour la seconde
et dernière fois, l’artiste expose à Verviers, avec Maurice Pirenne et Bertha Ceutner,
à la salle de la Société des beaux-arts.
1905 | Naissance d’André, fils de Georges Le Brun. En mars, ce dernier expose à Liège
avec Pirenne. À la fin de l’année, il publie dans L’Art moderne un billet d’humeur à
la suite de l’annulation en dernière minute de l’exposition Pirenne prévue au Cercle
artistique et littéraire.
186 | georges le brun
Georges Le Brun, carabinier volontaire
(3e debout à droite), s.l.n.d.,
photographie, 5 × 8 cm.
Paris, coll. privée.
1. Ces deux œuvres ne sont pas mentionnées dans
le recensement publié ici car Jeanne Le Brun ne
les a ni vues ni localisées. Cependant, elle précise :
L’Heure silencieuse, s.l.n.d., dessin, 80 × 90 cm,
localisation inconnue, in : StBAG, 1899, cat. 848 ;
LE, 1900, cat. 170 ; Le Jardinier de novembre, s.l.,
s.d., dessin, 93 × 77 cm, localisation inconnue,
in : LE, 1900, cat. 171.
chronologie | 187
Bibliographie
écrits de georges le brun
« L’esposizione dei primitivi fiamminghi », in Rassegna d’Arte, octobre 1902, no 10, p. 145-147.
« Le Salon jubilaire de La Libre Esthétique », in Réforme, 1903, no 2, p. 17-21.
« Breughel il Vecchio », in Rassegna d’Arte, avril 1903, no 4, p. 49-51.
« Le prochain Salon triennal », in L’Art moderne, 19 juillet 1903, no 29, p. 253.
« Les Dinanderies », in L’Art moderne, 16 août 1903, no 33, p. 286-287.
« Le Salon des Beaux-Arts », in L’Art moderne, 6 septembre 1903, no 36, p. 307-308.
« Maurice Denis. Les Chapelles du Vésinet », in L’Art moderne, 28 février 1904, no 9, p. 66-68.
« La Libre Esthétique », in L’Éventail, 20 mars 1904, n. p.
« Exposition Maurice Pirenne. Correspondance », in L’Art moderne, 31 décembre 1905, no 53, p. 425
« Le Salon de La Libre Esthétique. Le Groupe belge », in L’Art moderne, 4 mars 1906, no 9, p. 68-69.
« Le Salon de La Libre Esthétique (1). Les peintres étrangers », in L’Art moderne, 11 mars 1906, no 10, p. 75-77.
« Le Salon de La Libre Esthétique (2). Les peintres étrangers et les sculpteurs », in L’Art moderne, 18 mars 1906,
no 11, p. 83-84.
sur georges le brun
M.K.M., « Au Studio. Exposition d’œuvres d’Auguste Donnay, Georges Le Brun, Maurice Pirenne,
Philippe Derchain, Pierre Delcour », in L’Art moderne, 17 décembre 1911, p. 405.
Charles Delchevalerie, « Quatre artistes verviétois », in Wallonia, t. 20, Liège, 1913, p. 515-517.
Maurice Pirenne, Georges Le Brun 1873-1914. Sa vie de peintre, édité par Auguste Nicolet, Verviers,
Société des beaux-arts, 1920.
Émile Desprechins, Georges Le Brun. Peintre de la Fagne, Bruxelles, Van Oest, 1925.
Jules Bosmant, La Peinture et la sculpture au pays de Liège de 1793 à nos jours, Liège, Mawet, 1930, p. 289-292.
Georges Le Brun, préface de Pierre Delcour, cat. exp., Verviers, Société royale des Beaux-Arts, 16-27 février 1936.
Francine-Claire Legrand, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Laconti, coll. « Belgique – Art du Temps », 1971,
p. 202-204.
Georges Le Brun, texte de Francine-Claire Legrand, cat. exp., Verviers, musées des Beaux-Arts,
10 novembre-9 décembre 1973.
Rétrospective d’hommage aux grands artistes verviétois : Philippe Derchain, Georges Le Brun, Maurice Pirenne,
textes de Jules Bosmant, Maurice Pirenne et André Blavier, Verviers, salle des Beaux-Arts, 23 mars-3 avril 1975.
Francine-Claire Legrand, « La mystérieuse simplicité de Georges Le Brun », in Georges Le Brun 1873-1914,
Bruxelles, Musée d’Ixelles, 12 décembre 1975 – 11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 1975, n. p.
Jeanne Le Brun, « Georges Le Brun », in Georges Le Brun 1873-1914, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 12 décembre
1975 – 11 janvier 1976, Bruxelles, Musée d’Ixelles, 1975, n. p.
Jules Bosmant, « Le réalisme poétique », in Rita Lejeune, Jacques Stiennon (dir.), La Wallonie. Le pays et les
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« Georges Le Brun », in Belgian Art 1880-1914, cat. exp., New York, Brooklyn Museum, 23 avril-29 juin 1980,
New York, Brooklyn Museum, Division of Publications and Marketing Services, 1980, p. 115-116.
Madeleine Octave Maus, Trente années de lutte pour l’art [1926], Bruxelles, Lebeer Hossmann, 1980, p. 241, 245,
285, 295.
René Micha, « Symboliste des Ardennes », in Georges Le Brun 1873-1914, cat. exp., Cologne, Belgisches Haus
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L’École verviétoise : Derchain, Gérard, Le Brun, Pirenne, textes d’André Blavier et d’Anne Thiry, Verviers,
bibliothèque communale, 5-27 novembre 1982, Liège, Affaires culturelles, 1982.
Pastelle und Zeichnungen des belgischen Symbolismus, Francfort-sur-le-Main, Frankfurter Kunstverein
Steinernes Haus am Römerberg, 7 mai-24 juillet 1988, Francfort-sur-le-Main, Der Kunstverein, 1988, p. 163-175.
Francine-Claire Legrand, « Georges Le Brun », in William Degouve de Nuncques et les intimistes verviétois,
Bruxelles, Crédit communal, 1990, p. 32-34.
Natascha Langerman, Contribution à l’étude du symbolisme : l’œuvre de Georges Le Brun, mémoire de fin
d’études, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, faculté de Philosophie et Lettres, 1992.
Natascha Langerman, « Intérieur et intimisme dans l’œuvre de Georges Le Brun (1901-1914) », in Annales
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Georges Schmits, Les Intimistes verviétois, Verviers, éditions La Dérive, 1997.
Francis Carrette et Catherine De Croës (dir.), Les Peintres du silence, cat. exp., Bruxelles, Hôtel de Ville,
12 septembre-18 novembre 2001, Bruxelles, association Bruxelles-Musées-Expositions, 2001.
Michel Draguet, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Fonds Mercator, 2004, p. 315-317.
Les Archives du rêve, dessins du musée d’Orsay : carte blanche à Werner Spies, cat. exp., Paris, musée d’Orsay,
26 mars-30 juin 2014, Paris, musées d’Orsay et de l’Orangerie / Hazan, 2014, p. 366-367.
Liste des œuvres exposées
Intérieur de ferme, Xhoffraix, 1903,
fusain et crayon sur papier, 25 × 35 cm.
Coll. Famille Crismer.
[repr. p. 39]
La Conversation, s.l.n.d.,
fusain, crayon et aquarelle sur papier,
53 × 68 cm. Bruxelles, coll. privée.
[repr. p. 85]
Homme pelant des pommes de terre,
Xhoffraix, vers 1895, huile sur toile,
83 × 65 cm. Coll. Famille Crismer.
[repr. p. 89]
La Récolte de pommes de terre,
Xhoffraix, 1899, pastel sur papier,
76 × 56 cm. Bruxelles, coll. privée.
[repr. p. 14]
Le Bénédicité, intérieur à Xhoffraix,
s.d., fusain sur papier, 62 × 47 cm.
Coll. privée.
[non repr.]
Jeune garçon pelant des pommes
de terre, Xhoffraix, 1895, fusain,
65 × 40 cm. Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-456.
[repr. p. 153]
Petite fille qui tricote, Xhoffraix, 1900,
huile sur toile, 67 × 52 cm.
Bruges, coll. privée.
[repr. p. 135]
Jeune garçon pelant des pommes de
terre, Xhoffraix, s.d., huile sur toile,
65 × 40 cm. Coll. privée.
[repr. p. 98]
L’Enfilade, s.l.n.d., crayon gras,
mine de plomb et fusain sur papier,
62 × 45,5 cm. Coll. privée.
[repr. p. 4]
L’Homme au poêle, s.l.n.d., fusain
et rehauts d’aquarelle sur papier,
63 × 36 cm. Bruxelles, coll. privée.
[repr. p. 147]
Ardennaises travaillant aux champs,
Xhoffraix, vers 1895, aquarelle,
gouache et encre de Chine sur papier,
38 × 27 cm. Bruxelles, coll. privée.
[repr. p. 80]
Une fagne (fumée), Xhoffraix, 1895,
aquarelle sur papier, 36,5 × 51,5 cm.
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-455.
[repr. p. 82]
Femme buvant, Xhoffraix, vers 1895,
fusain sur papier, 66 × 40 cm.
Coll. privée.
[repr. p. 156]
Buste de paysan sans chapeau,
Xhoffraix, vers 1895, fusain sur papier,
49,2 × 33,5 cm. Coll. privée.
[repr. p. 59]
Homme assis, jambes écartées,
mains jointes, Xhoffraix, vers 1895,
fusain et pastel sur papier,
56,5 × 40,5 cm. Coll. A. Doms.
[repr. p. 49]
Ardennaise (jaquette bleue)
ou La Femme en bleu, Xhoffraix,
vers 1895, huile sur toile, 57 × 45 cm.
Montréal, coll. privée.
[repr. p. 155]
Tête d’homme imberbe (avec chapeau),
Xhoffraix, vers 1896, fusain sur papier,
49,5 × 39 cm. Bruges, coll. privée.
[repr. p. 84]
Homme balayant, Xhoffraix, vers 1895,
fusain et mine de plomb sur papier,
58 × 58 cm. Bruxelles, coll. privée.
[repr. p. 28]
La Femme au hasple, Xhoffraix, 1897,
huile sur toile, 66 × 62 cm.
Coll. Famille Crismer.
[repr. p. 87]
Homme balayant, dessin préparatoire,
vers 1895, fusain sur papier,
51 × 20,5 cm. Coll. privée.
[non repr.]
Paysan à la houe, s.l., 1899,
pastel et fusain sur papier, 86 × 56 cm.
Coll. privée.
[repr. p. 136]
La Femme à la houe, Xhoffraix, vers
1895, fusain, 53,5 × 36,5 cm. Bruxelles,
coll. privée.
[repr. p. 154]
Dans la Fagne ou Le Chêne des chênes
ou Lu tchâne al tchâne ou Le Vieux
Chêne, Xhoffraix, vers 1899 ou 1900,
aquarelle, gouache et pastel sur papier,
79 × 56 cm. Paris, coll. privée.
[repr. p. 69]
Dans un presbytère, Thimister, 1901,
fusain, aquarelle et pastel sur papier,
73 × 50 cm. Liège, musée des BeauxArts (BAL), inv. aw2141.
[repr. p. 100]
Cour de ferme à Charneux ou Le Grand
Châtaignier, Thimister, vers 1902,
huile sur carton, 75 × 60 cm.
Coll. privée.
[repr. p. 55]
Cour de ferme à Charneux,
dessin préparatoire, vers 1902,
encre de Chine sur papier, 30 × 23 cm.
Coll. privée.
[repr. p. 54]
La Porteuse de lait, Thimister,
vers 1902, gouache, crayon gras, mine
de plomb, 62 × 47 cm. Coll. privée.
[repr. p. 163]
La lumière qui fuse ou Le soleil qui
fuse, Xhoffraix, 1903, huile sur toile,
54,5 × 37,5 cm. Coll. privée.
[repr. p. 25]
L’enfant qui met ses souliers, Xhoffraix,
vers 1903, fusain et crayon sur papier,
62 × 49 cm. Bruges, coll. privée.
[repr. p. 38]
La Grande Charmille ou Les Nuages
roses, Longfaye, 1903, aquarelle,
crayon et rehauts de pastel sur papier,
47 × 61 cm. Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-4.
[repr. p. 57]
La Sapinière ou Le Bois de sapins,
Xhoffraix, 1903, huile sur toile,
49 × 65,5 cm. Coll. privée.
[repr. p. 75]
Fenêtre ouverte (recto) et Vase sur une
table (verso), s.l., vers 1903-1904,
huile sur carton, 57 × 46 cm.
Paris, coll. privée.
[repr. p. 168]
La Dame au miroir, avril 1904,
fusain et crayon sur papier, 38 × 24 cm.
Paris, coll. privée.
[repr. p. 67]
L’homme qui passe, Xhoffraix,
vers 1900-1903, fusain sur papier
vergé, 47 × 62 cm. Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-453.
[repr. p. 30]
La Neige, s.l., 1904, aquarelle
et rehauts de pastel sur papier,
58 × 77 cm. Montréal, coll. privée.
[repr. p. 94]
La Gardeuse de vaches ou L’Ardennaise,
Longfaye, fin mai 1903, aquarelle,
crayon et pastel sur papier, 65,5 × 48 cm.
Paris, coll. privée.
[repr. p. 50]
Sur les remparts de Limburg an der
Lahn, Limburg an der Lahn,
septembre 1904, fusain et pastel
sur papier, 24 × 38 cm. Musées
de Verviers, inv. PIR-1943-429.
[repr. p. 36]
Paysage à Mont, Mont (Xhoffraix),
vers 1903, fusain, pastel et aquarelle,
30 × 51 cm. Paris, coll. privée.
[repr. p. 167]
La Cafetière sur le poêle, Xhoffraix,
vers 1903, huile sur carton, 53 × 29 cm.
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-452.
[repr. p. 17]
Porte de Limburg an der Lahn,
Limburg an der Lahn, mars 1905,
fusain et pastel sur papier, 62 × 49 cm.
Musées de Verviers, inv. PIR-1943-460.
[repr. p. 26]
Soir de pluie à Limburg an der Lahn,
Limburg an der Lahn, mars 1905,
fusain, aquarelle et pastel sur papier
vergé, 63 × 48 cm. Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-458.
[repr. p. 77]
Le Bourg dans la vallée (vue de l’église
de Theux), Theux, 1906, huile sur toile,
65,5 × 86 cm. Coll. privée.
[repr. p. 43]
La Faux, Lierneux, juillet 1912,
aquarelle, crayon et rehauts de pastel
sur papier, 39 × 62 cm. Paris, coll. privée.
[repr. p. 34]
Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur,
Lierneux, août 1912, aquarelle,
crayon et pastel sur papier,
63,5 × 44,5 cm. Coll. privée.
[repr. p. 53]
L’Alcôve, Jevoumont (Theux), 1906,
huile sur carton, 66 × 43 cm.
Paris, coll. privée.
[repr. p. 12]
Intérieur, porte ouverte sur l’extérieur,
dessin préparatoire, vers 1912,
fusain et encre rouge sur papier,
48,5 × 61,5 cm. Coll. privée.
[repr. p. 52]
Champ labouré, Sancourt, janvier 1906,
aquarelle, crayon et pastel sur papier,
25 × 36 cm. Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-462.
[repr. p. 79]
La Neige sur le village, Spixhe (Theux),
janvier 1912, aquarelle, gouache
et mine de plomb sur carton,
43 × 49 cm. Paris, coll. privée.
[repr. p. 11]
La Salle à manger, Theux (maison
Le Brun), 1906, pastel sur papier,
51 × 80 cm. Bruxelles, Musée d’Ixelles,
inv. CC1571.
[repr. p. 22]
Maison, croisillons noirs, Xhoffraix,
1913, aquarelle et rehauts de pastel
sur papier, 40 × 62 cm. Coll. privée.
[repr. p. 142]
La Cuisine, Theux (maison Le Brun),
1908, huile sur toile, 50 × 40 cm.
Paris, coll. privée.
[repr. p. 40]
Maisons à Spixhe, Spixhe (Theux),
1913, aquarelle, crayon gras et rehauts
de pastel sur papier, 60 × 90 cm.
Coll. privée.
[repr. p. 93]
Lecture le soir, Theux (maison Le Brun),
1908, fusain et crayon sur papier vergé,
50 × 40 cm. Paris, musée d’Orsay,
inv. RF MO AG 2014 4.
[repr. p. 65]
Printemps à Ruy (Les Agneaux),
Ruy (La Gleize), 1913, aquarelle,
fusain et pastel sur papier, 54 × 76 cm.
Coll. privée.
[repr. p. 61]
La Maman et ses bébés, Sancourt, 1908,
fusain sur papier vergé, 39,5 × 25,5 cm.
Coll. privée.
[repr. p. 138]
Le Village dans la vallée, Hébronval
(près de Lierneux), 1913, aquarelle
et rehauts de pastel sur papier,
54 × 76 cm. Bruxelles, coll. privée.
[repr. p. 83]
Le Vestibule, Theux (maison Le Brun),
1909, fusain, crayon et pastel sur
papier vélin, 62 × 48 cm. Paris, musée
d’Orsay, don de Jeanne Le Brun,
inv. RF 42661.
[repr. p. 64]
La Croix, Xhoffraix, 1913,
fusain et mine de plomb sur papier,
46 × 60,5 cm. Coll. A. Doms.
[repr. p. 27]
Le Repas de l’enfant, Theux (maison
Le Brun), vers 1910, huile sur toile,
58 × 75 cm. Coll. privée.
[repr. p. 41]
La Haute Fagne, Longfaye, 1914,
aquarelle et pastel sur papier,
triptyque, 54 × 77 cm / 67 × 100 cm /
54 × 77 cm. Musées de Verviers,
inv. PIR-1943-463.
[repr. p. 44-45]
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
pour toutes les photographies :
© Jacques Spitz, photographe
à l’exception de :
© Musée d’Ixelles : p. 10, 21, 22
© RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / photo : Tony Querrec : p. 64
© RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / photo : Patrice Schmidt : p. 65
© Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo : Grafisch Buro Lefevre, Heule : p. 24
© Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo : Guy Cussac, Bruxelles : p. 174
© UCL – Musée de Louvain-la-Neuve / photo : Jean-Pierre Bougnet : p. 108
Cet ouvrage a été composé en Old Style et en Schindler .
La photogravure a été réalisée par Apexgraphic, Paris.
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer et de façonner en octobre 2015
sur les presses d’Agpograf, Barcelone, Espagne.