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Valérie SCHRAM AMBIGUÏTÉS ET VICISSITUDES DES NOMS D’ARBRES DANS LE GREC D’ÉGYPTE : LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST1 RÉSUMÉ. – Cet article s’intéresse au processus de dénomination des arbres à l’œuvre dans la langue grecque d’Égypte et examine l’évolution de quelques uns de ces noms entre le IIIe s. av. J.-C. et le VIIIe s. ap. J.-C. d’après les sources papyrologiques grecques documentaires. L’étude du cas du jujubier épine-du-christ illustre ainsi comment le phytonyme παλίουρος, qui désigne en Grèce un buisson épineux (Paliurus spina-christi Mill., Rhamnaceae), s’enrichit d’un nouveau sens dans la langue d’Égypte puisqu’il y désigne une autre espèce de Rhamnaceae, le Ziziphus spina-christi (L.) Willd. À l’ambiguïté de cette dénomination, qui masque la spécificité de l’espèce égyptienne capable de se développer sous la forme d’un véritable arbre dont les Égyptiens consommaient les fruits et exploitaient le bois de longue date, s’ajoute un phénomène de redénomination. À partir du IIe s. apparaît en effet dans les papyrus le nom δίζυφον, qui, s’il désigne dans la koinê le fruit du jujubier commun (Ziziphus jujuba Mill.) — espèce découverte en Syrie et introduite en Italie peu auparavant — ne peut s’appliquer dans la langue grecque d’Égypte qu’au fruit de l’espèce locale, c’est-à-dire le même Z. spina-christi. La comparaison de ce cas avec les résultats issus de l’étude d’autres noms d’arbres d’Égypte suggère plus largement un renouvellement du vocabulaire botanique à 1 Ce titre est emprunté à l’article de S. Amigues « Ambiguïtés et vicissitudes des noms de plantes, de Théophraste à Linné », Bulletin de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, t. 31, 2000, p. 53-61, en guise de modeste hommage à l’ensemble de ses travaux sur la botanique. Qu’elle soit ici encore chaleureusement remerciée d’avoir relu mes travaux de thèse sur le jujubier. Je remercie en outre les auditeurs présents lors de la communication pour les commentaires, références ou pistes de réflexion dont ils ont eu la gentillesse de me faire part. REG tome 131 (2018/1), 123-147. 124 VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 l’époque romaine qui ne peut, comme le montre le cas du jujubier, s’expliquer par la seule introduction de nouvelles espèces dans le paysage égyptien. ABSTRACT. – This paper examines the naming process of trees in the Greek language used in Egypt and reviews the evolution of some trees names as seen through the documentary papyrological sources, from the IIIrd c. B.C. to the VIIIth c. A.D. The case study of the Christ’s thorn jujube exemplifies how the plant name παλίουρος, which refers in Greece to thorny bushes (Paliurus spina-christi Mill., Rhamnaceae), receives a new meaning in the Greek language of Egypt, since it is used there to name a different, local, species from the family of the Rhamneaceae, namely the Ziziphus spina-christi (L.) Willd. Not only does this ambiguous name obscure the specificity of the Egyptian species able to grow as an actual tree capable of providing both edible fruits and good timber, but in addition this name gets later replaced by another. From the IInd c. A.D. onward the name δίζυφον appears in the papyri. Though this word refers in the koinê to the fruit of the common jujube tree (Ziziphus jujuba Mill.), newly discovered and introduced from Syria to Italy, it can only name, in Egypt, the local species, the same Z. spina-christi. Comparing this case with the results of other tree names review may more significantly suggest a renewal of the botanic vocabulary in the Roman period, which, as shown by the jujube case, cannot merely be explained by the introduction of new species in the Egyptian landscape. Introduction Il est bien connu que la langue grecque parlée en Égypte a développé des particularismes lexicaux propres à circonscrire l’environnement local et à nommer les réalités matérielles et techniques nécessaires à son exploitation. Dans le cadre de mes recherches portant sur les ressources en bois et leur exploitation en Égypte, je me suis ainsi trouvée confrontée à l’épineuse question de l’identification des espèces botaniques qui se cachent derrière les phytonymes apparaissant dans les sources papyrologiques, et dont les traductions usuelles ne rendent pas toujours compte2. Ainsi, l’examen suivi du nom des principales essences pourvoyeuses de bois — acacia, sycomore, saule, tamaris, perséa et jujubier — à travers l’ensemble du corpus papyrologique grec m’a permis de faire ressortir deux traits saillants pour la compréhension de ce lexique, qui constituent aussi les principales entraves à la juste association entre le signifiant et son signifié3. Le premier tient à 2 Cette communication présente des résultats issus d’une thèse en cours sur « L’arbre et le bois dans l’Égypte gréco-romaine » (EPHE ; UMR 8167 – Orient & Méditerranée), sous la direction de J.-L. Fournet (Collège de France/EPHE), financée par un contrat doctoral du MENESR fléché IFAO (2014-2017). 3 Sur les particularismes linguistiques — surtout lexicaux — du grec d’Alexandrie, consulter FOURNET 2009 ; sur le vocabulaire de l’agriculture, voir notamment CADELL 1970, 1974, 1992 ; sur le nom de l’acacia et du sycomore dans le grec d’Égypte, voir KRAMER 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 125 « l’ambiguïté » des phytonymes grecs dans le contexte phytogéographique particulier qu’est l’Égypte ; elle résulte du processus de création phytonymique par emprunt4. Le croisement des sources textuelles et archéobotaniques fait en effet apparaître qu’un certain nombre de phytonymes grecs classiques se voient transférés, par analogie, à des espèces locales, et se trouvent ainsi enrichis d’un nouveau sens propre au contexte égyptien — ce qui a pour effet de masquer dans la documentation tant la réalité botanique de la flore égyptienne, que la réalité économique de son exploitation. Le second tient aux « vicissitudes » des phytonymes et résulte de l’ampleur de la période couverte par la documentation papyrologique grecque, qui s’étend du IIIe s. av. J.-C. jusqu’au VIIIe s., après la conquête arabo-musulmane. Certains arbres, désignés par un premier phytonyme à l’époque ptolémaïque, en reçoivent un nouveau à l’époque romaine, ce qui a pour effet de donner une fausse impression de solution de continuité dans l’exploitation de l’arbre et de ses produits. Pour illustrer ces deux phénomènes, je voudrais proposer dans un premier temps l’étude du cas particulier d’un arbre quelque peu oublié qui apparaît d’abord dans les papyrus sous le nom de παλίουρος. Cela me permettra de montrer dans un second temps comment l’examen suivi de quelques noms d’arbres est susceptible d’ouvrir une fenêtre sur des particularités de l’évolution de la langue grecque d’Égypte, et d’envisager, enfin, une approche de l’arbre comme marqueur culturel, à travers le prisme de la documentation papyrologique. Étude de cas : paliure et jujubiers5 1. Le « paliure » dans les papyrus grecs Les premières attestations de l’essence dans la documentation papyrologique se font avec l’emploi de la famille lexicale de παλίουρος, désignant tantôt des fruits, tantôt des arbres sur pied, tantôt du bois, entre le Ier s. av. J.-C. et le IIe s. ap. J.-C. Ainsi, dans un contrat de location concernant trois jardins-cimetières (κηποτάφια) qui se trouvent dans le lieu dit de « la Palmeraie », à Alexandrie, le détail de la partie du loyer qui doit être remise en nature permet de donner une idée de la variété des fruits et légumes cultivés. 1993, 1998 et J. KRAMER 1993 ; sur le nom du perséa, voir AMIGUES 1986 ; sur le nom du tamaris, voir SCHRAM (à paraître). 4 S. Amigues identifie trois processus principaux à l’œuvre dans la création phytonymique, à savoir l’emprunt, la dérivation ou la composition. Elle définit ainsi le premier : « L’emprunt consiste dans le transfert à une plante du nom d’une autre plante, d’un animal ou d’un objet ; ce nom conserve intégralement ses caractères morphologiques, mais il s’enrichit d’une nouvelle acception » (AMIGUES [1992] 2002, p. 280). 5 Voir en annexe le tableau récapitulatif des occurrences papyrologiques. 126 VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 Chaque année, choisis parmi « les meilleurs et les plus beaux produits de la saison », sont ainsi attendus : « soixante grappes de raisin, deux mille palioura, deux mille figues et cinq paniers de sébestes »6. Il s’agit ici de la seule attestation du neutre παλίουρον pour désigner le fruit du παλίουρος7. On retrouve des παλίουροι — orthographiés πανίουροι8 — sur deux registres d’inspection de terrains, dans le Fayoum au IIe s. ap. J.-C. La description d’une parcelle de terres céréalières de Tebtynis fait ainsi apparaître qu’elle était également agrémentée de « 5 palmiers-dattiers, 1 palmier étêté, 2 paliouroi, 1 acacia »9, tandis dans le second registre, c’est apparemment une plantation de paliouros qui jouxte une palmeraie10. Mais la production fruitière de ces paliouroi n’était certainement pas la seule ressource qu’on exploitait. On dispose en effet également d’un acte de vente de bois selon lequel des pièces de tamaris, d’olivier, 6 BGU IV 1120 (Alexandrie, 5 av. J.-C.), l. 16-17 : σταφυλῆς βοτρύας ἑξήκοντα, παλίουρα δισχίλια, σῦκα δισχίλια, . . υξων | καλάθια πέντε. On peut ici corriger l’ed. pr. en restituant μυξῶν : il s’agit là, à ma connaissance, de l’occurrence la plus ancienne dans les sources papyrologiques de la culture du sébestier, Cordia sp. (μυξέα). Mais il n’est pas impossible que l’espèce ait été nommée différemment à l’époque ptolémaïque. Cordia sinensis est en effet un « petit arbre … vivant dans les steppes du Sahara et de l’Afrique orientale à l’Arabie et l’Inde … attesté dans l’Égypte ancienne dès la Ve dynastie », cf. la notice de BARAKAT & BAUM 1992, p. 39-40. Quelques documents montrent que l’espèce était cultivée dans l’Arsinoïte et dans la vallée du Nil à l’époque romaine : P.Ross.Georg. II 19, l. 16 (Oxyrhynchos, 141) ; P.Petaus 43, l. 11 (Ptolemais Hormou, c. 183-187) ; SPP V 28, l. 15 (Hermoupolis, III) ; SPP XX 58, A2, l. 16, 17 et 20 (Hermoupolis, III) ; P.Hamb. I 68, l. 35 (Aphroditô, 548 ou 563 [BL XII 83]). 7 Il faut néanmoins préciser que la lecture des dernières lettres du mot est difficile sur l’image. Mais la suffixation neutre de ce nom s’explique si l’on considère qu’il a été formé avec « le suffixe inanimé e/o qui a joué un rôle dans des noms de fruits ou de produits de la terre » qui sont « souvent obscurs », cf. CHANTRAINE 1979, p. 15-16. 8 À propos du remplacement d’une liquide par une nasale au IIe s. ap. J.-C., voir GIGNAC I, p. 109. 9 Le début du texte de la colonne 2 du P.Tebt. II 342 (Tebtynis, II [BL I 427 ; VII 271]), assez abîmé n’a pas fait l’objet d’une édition. Mais d’après la photo disponible en ligne, on peut restituer, l. 3-4 : ]. καὶ ἐν σι(τικοῖς) ἐδ(άφεσι) | φοί(νικες) ι παν[ίουροι (l. παλίουροι) β ἄ]κανθ(α) α ἐπισκ(έψεως) : il s’agit d’un précédent enregistrement des arbres, tandis que la suite, qui correspond au relevé d’inspection le plus récent, montre qu’il manque quatre palmiers. Pour que les comptes soient corrects, je propose de corriger l’édition qui indiquait l. 6 : ἐλαιῶνο(ς) φο(ρίμου) δ, « une oliveraie productive », et de lire (sur le modèle de la l. 88), ἐλάσσω φο[ί](νικες) δ. Soit, l. 5-6 : φοί(νικες) ε, ἀκέφαλο(ς) α, πανίουροι (l. παλίουροι) β, | ἄκανθ(α) α, ἐλάσσω φο[ί](νικες) δ, « et sur des terres céréalières, 10 palmiers-dattiers, 2 jujubiers, 1 acacia. (Relevé) d’inspection : 5 palmiers-dattiers, 1 palmier étêté, 2 jujubiers, 1 acacia, moins 4 palmiers ». 10 BGU II 563 (Arsinoïte, ap. 117 [BL I 53]), I, l. 22 : φ]οι(νικῶνος) φο(ρίμου) (ἀρούρης) ιϛ´ λβ´ πανιούρου (ἀρουρ ) [ , « 1/16 1/32 d’aroure de palmeraie productive, … d’aroure de jujubier ». 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 127 de paliouros et de saule ont été transportées par voie fluviale depuis Oxyrhynchos jusqu’au port d’Hermoupolis, un peu plus haut dans la vallée du Nil11. Ici aussi, c’est un adjectif dont la forme n’est pas attestée par ailleurs qui est employé : (ξύλα) παλιούρια. Comme pour les autres types de bois mentionnés dans ce document, on attendrait la forme dérivée avec le suffixe de matière en -ινος12. En l’occurrence, ce document permet d’ajouter un exemple de plus à la longue liste que dresse Chantraine pour attester la productivité du procédé de dérivation en -ιος — suffixe qui s’ajoute à toute espèce de mot, « depuis la langue homérique jusque dans la κοινή »13. L’éditeur de ce dernier texte traduisait le mot par « paliure » et indiquait en commentaire qu’il désignait un « buisson de ronces » en renvoyant à Théophraste14 ; mais l’instabilité des mots qui désignent l’espèce qui nous intéresse ici est peut-être déjà révélatrice d’un glissement dans la relation entre le signifiant et le signifié classique, lié au changement de contexte environnemental entre la Grèce et l’Égypte. 2. Identification botanique Chez Théophraste, le nom παλίουρος désigne une espèce d’arbrisseau (c’est un θάμνος en HP I, 3, 1), Paliurus spina-christi Miller, qui appartient à la famille des Rhamnaceae et se développe sous la forme d’un buisson épineux (fig. 1-2). J. André explique le nom comme un composé « vraisemblablement de πάλι(ν)-οὖρος “de nouveau gardien”, 11 P.Stras. IV 184 (Oxyrhynchos, II [BL V 136]), l. 3-4 : ξύλα | ἐρίκινα καὶ ἐλάϊνα καὶ παλιούρια καὶ ἰτέϊνα. Sur le sens de l’adjectif ἐρίκινος, qui remplace μυρίκινος à partir du IIe s. dans les papyrus, voir SCHRAM (à paraître). 12 CHANTRAINE 1979, p. 201. L’adjectif παλιούρινος n’est cependant attesté que chez Strabon XVI, 4, 17 d’après le TLG en ligne. Il faut aussi mentionner la forme de l’adjectif πανουργικόν qui qualifie du bois (ξύλον) dans le papyrus magique de Londres PGM V, 74 (IVe s. ). Reprenant l’édition de Preisendanz, Betz traduit : « gallows wood », soit du « bois de potence » (BETZ 1992, p. 102). Mais LSJ, s.v. πανουργικόν, propose d’interpréter la forme comme une erreur pour *πανιούρινον (l. παλιούρινον), avec un renvoi au BGU II 563. Or une recherche sur le LmPg en ligne, s.v. ξύλον, permet effectivement de mettre en évidence le fait que l’utilisation de bois dans les pratiques magiques est toujours accompagnée d’une détermination botanique, qu’il s’agisse de laurier (δάφνη), mûrier (μορέα), olivier (ἐλάϊνος), saule (ἰτέϊνος), etc. L’utilisation de jujubier dans ce type de pratiques est attestée par une defixio sur lamelle de plomb datée de la fin du IIIe s. et provenant de Byzacène (Haïdra, Tunisie) dont l’objet semble être de s’assurer l’assistance d’un démon pour récupérer des biens volés : en cas de refus, le magicien le menace ainsi : βαλῶ σε εἰς ὅλμον μολυβοῦν καὶ μετὰ παλιούρων κατακόψω σε, « je te jetterai dans un mortier de plomb et avec des paliures je te frapperai à coups redoublés » (trad. A. Audollent, Defix. Tab. 299). Si ce châtiment laissait l’éditeur perplexe, il faut sans doute comprendre, comme lui, que le bois devait ici servir de pilon d’autant plus menaçant que les épines (de jujubier sans doute ici) sont vouées à lacérer le démon insoumis, cf. AUDOLLENT 1910, p. 545-556. 13 CHANTRAINE 1979, p. 37. 14 P.Stras. IV 184, l. 4n. 128 VALÉRIE SCHRAM Fig. 1. Paliurus spina-christi Mill. (photo tirée de SOPHY). [REG, 131 Fig. 2. Paliurus spina-christi Mill. ou « porte-chapeau » (photo tirée de SOPHY). i.e. “deux fois gardien”, allusion aux deux stipules épineuses à la base des feuilles ; ces plantes forment des haies impénétrables »15. L’arbuste se caractérise, d’après S. Amigues, par son « fruit discoïde [qui] contient deux à quatre graines dans son renflement central entouré d’une aile membraneuse ondulée ; sa ressemblance avec un chapeau à large bords explique certains de nos noms vulgaires du paliure : “porte-chapeau”, “chapeau de bergère” »16. Mais trois problèmes conduisent à exclure cette identification dans les documents d’Égypte : le premier étant que le fruit du Paliurus spina-christi ne se consomme pas, alors que le paliouros des documents produit visiblement des fruits comestibles ; le second concerne le bois, dont on voit mal comment un « buisson de ronces » pourrait fournir de véritables pièces ; le troisième, de taille, est d’ordre phytogéographique : l’espèce du Paliurus spina-christi, commune en Grèce, n’appartient pas à la flore égyptienne. 15 ANDRÉ 2010 s.v. paliurus. Cette étymologie rend compte de la compréhension ancienne, sans doute populaire, du mot, d’après AP IX 414 (T. Tullius Geminus [Ier s. ap. J.-C.]) : Ἡ παλίουρος ἐγώ, τρηχὺ ξύλον, οὖρος ἐν ἕρκει. | Τίς μ’ ἄφορον λέξει, τὴν φορίμων φύλακα, « Je suis le paliure, arbuste épineux, gardien de clôture. Qui osera me dire infécond, moi, des arbres féconds le veilleur ? ». Le DELG, s.v., propose de lire οὖρον en second terme du composé, la plante étant diurétique. M. Casevitz, enfin, a porté à mon attention le parallèle que constitue le toponyme Palinure qu’il analyse πάλιν-οὖρος, composé aussi de l’adverbe πάλιν « de nouveau, en retour » et du nom οὖρος « vent favorable », cf. M. Casevitz, « Mètis, Chroniques d’étymologie » (Les Belles Lettres/La vie des classiques) 2016, p. 33. 16 Cf. S. Amigues n. 7, p. 192 (HP III 18, 3). Pour les références textuelles et l’identification botanique des différentes espèces décrites ou mentionnées par Théophraste sous le nom de παλίουρος, se reporter à l’index des noms de plantes à la fin de l’édition du livre IX de l’HP. 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 129 Comme souvent, il faut aller voir chez Athénée pour trouver la piste qui conduira à la solution, en l’occurrence la description attribuée à l’historien Agathoclès de Cyzique (IIIe av. J.-C. ?) de « ce que les Alexandrins appellent konnaron et paliouros »17: « Ce petit arbre n’est en rien inférieur par sa taille à un orme ou un pin, mais il a les branches nombreuses, allongées et un peu épineuses, et la feuille est tendre, vert-clair et de forme arrondie ; il fructifie deux fois l’an, au printemps et en automne ; le fruit est très sucré, de la grandeur d’une olive phaulie18, à laquelle il ressemble tant par la pulpe que par le noyau, mais il s’en distingue par la douceur de son jus, et on le mange lorsqu’il est encore vert ; lorsqu’il est desséché, on en fait de la farine »,19 et le personnage ayant introduit cette description de préciser : « dans la belle Alexandrie, j’ai souvent pris ce fruit servi en dessert »20. Cette description « du paliure d’Athénée » permettra à Prosper Alpin, médecin et botaniste italien ayant passé quelques années au Caire à la fin du XVIe s., de reconnaître dans « le paliure d’Athénée » l’arbre appelé en arabe nabca (fig. 3). Voici la description qu’il en donne : « En Égypte, l’arbre que les habitants appellent nabca se présente avec la taille d’un lotier21. Il est épineux comme l’acacia et porte des feuilles proches de celles du jujubier22, mais plus larges. Ses fleurs sont tout à fait semblables à celles du jujubier, blanches et petites, donnant naissance à de petits fruits ronds, parfumés, doux, très agréables au goût, rappelant ceux des grands 17 Athénée, Deipn. XIV 649f : ἐρῶ δὲ πρότερον περὶ τῶν παρὰ Ἀλεξανδρεῦσιν καλουμένων κοννάρων καὶ παλιούρων. À propos du mot konnaron, doublet apparemment alexandrin, voir aussi la notice qu’y consacre FOURNET 2009, p. 38-39. 18 C’est-à-dire une olive cueillie avant maturité et donc de taille « médiocre » renfermant une faible quantité d’huile, de saveur et d’odeur peu prononcées, utilisée surtout en parfumerie : je remercie ici S. Amigues qui m’a fait part de cette précision. 19 Athénée, Deipn. XIV 649f-650a : ἐστὶ δὲ τὸ δενδρίον μεγέθει μὲν πτελέης καὶ πεύκης οὐθέν τι μεῖον, ἀκρεμόνας δὲ ἔχει θαμέας καὶ δολιχοὺς καὶ ἐπ’ ὀλίγον ἀκανθώδεας, τὸ δὲ φύλλον τέρεν καὶ χλωρόν, τῇ φυῇ περιφερές. καρποφορεῖ δὲ δὶς τοῦ ἔτεος, ἦρός τε καὶ φθινοπώρου. γλυκὺς δὲ πάνυ ὁ καρπός, μέγεθος κατὰ φαυλίην ἐλάην καὶ τὴν σάρκα καὶ τὸ ὀστέον ταύτῃ προσείκελον, διαλλάσσον δὲ τῇ τοῦ χυμοῦ ἡδονῇ. καὶ τρώγεται ἔτι χλωρὸς ὁ καρπός· καὶ ἐπὴν αὐανθῇ, ποιοῦσιν ἐξ αὐτοῦ ἄλευρα, κτλ. 20 Athénée, Deipn. XIV 650b : ἀλλ’ ὅτι πολλάκις ἐν τῇ καλῇ Ἀλεξανδρείᾳ ἐπὶ τῶν δευτέρων τραπεζῶν παρακείμενα ἔλαβον. 21 Le latin lotus qui peut désigner différentes variétés de plantes, désigne ici une espèce de jujubier répandue sur la côte libyenne jusqu’en Égypte, le Ziziphus lotus (L.) Lam. Il s’agit d’un arbuste, très rameux, couvert d’épines, dont les fruits ont été reconnus par les Anciens comme ceux que consommaient les Lotophages homériques, cf. Théoph. HP IV 3, 1 et n. 4 p. 214 ; et Strabon XVII, 3, 17, avec le commentaire de B. Laudenbach (CUF), n. 1, p. 175-177. 22 Le « jujubier » désigne l’espèce commune en Méditerranée Ziziphus jujuba Mill. (syn. Ziziphus zizyphus [L.] H. Karst.). 130 VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 Fig. 3. Nabca ou « paliure d’Athénée », d’après Prosper ALPIN 1581-1584, p. 19. cerisiers appelés “cerisiers de Marostica”. Ces fruits sont très appréciés des Égyptiens de haut rang et des Turcs »23. Si, comme on le voit ici, différentes espèces qui se ressemblent sont invoquées à titre de comparaison, il a été établi par les botanistes que l’arbre ainsi décrit correspondait au jujubier épine-du-christ, le Ziziphus spina-christi Willd., dont la ressemblance avec sa cousine grecque (Paliurus spina-christi Miller) a aussi été reconnue par la nomenclature moderne qui les classe toutes les deux dans la même famille des Rhamnaceae24. Aussi, malgré la confusion qui règne dans le passage de Théophraste concernant ces différentes espèces25, il faut en déduire que le 23 Prosper ALPIN 1581-1584, p. 16. BEDEVIAN 1994, n° 3653 : shagar en-nabq ou es-sidr en arabe ; voir aussi TACKHÖLM 1974, p. 344-345. 25 Voir les commentaires que donne S. Amigues à HP IV, 3, 1-4, passage consacré à la description du jujubier de Libye (Z. lotus), comparé au paliure grec (P. spina-christi), et appelé tantôt λωτός tantôt παλίουρος, mais dont certains traits appartiennent au jujubier d’Égypte (Z. spina-christi) ; elle fait notamment remarquer (n. 8 p. 215) qu’il met en lumière le rapprochement fait par les colons d’Euhespérides entre différentes espèces de Rhamnaceae sous le même nom de παλίουρος ; et attribue le caractère confus du passage à l’entremêlement de différentes sources (n. 9 p. 215-216). 24 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST Fig. 4. Ziziphus spina-christi, Tanuf, Oman, janv. 2011 (photo Ph. Weigell). 131 Fig. 5. Fruits et feuilles de Ziziphus spina-christi, Louqsor, Égypte, fév. 2013 (photo Ch. Bouchaud). terme παλίουρος, qui ne peut désigner dans les sources papyrologiques le paliure épine-du-christ, y est en fait le nom du jujubier épine-duchrist26 — espèce bien représentée dans toute l’Égypte, sous deux variétés : l’une sauvage, épineuse, capable de s’adapter aux milieux les plus arides, l’autre, cultivée, sans épine, que l’on retrouve du Delta jusqu’aux oasis27 (fig. 4-5). Cette différence, qui pourrait paraître anecdotique, a néanmoins son importance puisque cette espèce de jujubier se développe sous la forme d’un véritable arbre, « au tronc d’une bonne grosseur » selon Théophraste28, et dont Delile dira qu’il est « l’un des plus beaux arbres de l’Égypte », utile à maints égards, notamment pour son bois de qualité29. Le fait que son tronc soit suffisamment large pour permettre d’en tirer des pièces d’une taille convenable explique ainsi qu’il apparaisse dès la IIIe dynastie sur des sarcophages, sa solidité justifie son usage pour des chevilles ou encore du mobilier divers, et son caractère « imputrescible par nature » selon Théophraste30, qu’il ait pu être employé en charpenterie navale31. Mais les lacunes de nos connaissances 26 Avec pour seule restriction que les mentions de παλίουρος dans la région d’Alexandrie pourraient aussi renvoyer à l’espèce buissonnante présente sur la côte méditerranéenne de l’Égypte, Z. lotus, cf. supra. 27 TACKHÖLM 1974, p. 345. 28 Théophraste classe bien cette espèce qu’il appelle λωτός dans la catégorie des arbres, pour l’identification voir le commentaire de S. Amigues (HP IV 3, 4) n. 3 p. 213-214. 29 « Florae aegyptiacae illustratio », dans Description de l’Égypte, par C. Panckoucke, tome XIX, Paris, 1824 (2nde éd.), p. 272. 30 Théoph. HP V, 4, 2 : Ἀσαπῆ δὲ φύσει κυπάριττος κέδρος ἔβενος λωτός, « sont imputrescibles par nature le cyprès, le cade, l’ébène, le jujubier épine-du-christ » ; c’est aussi un bois foncé comme celui du perséa (IV 2, 5) ; compact et lourd (V 3, 1) ; utilisé pour les statues de culte (V, 3, 7). 31 GALE 2000, p. 347 ; pour le jujubier épine-du-christ dans l’Égypte ancienne, nbs, voir BAUM 1988, p. 169-176. 132 VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 concernant l’utilisation des différents bois d’Égypte dans les domaines domestique et agricole pour l’époque gréco-romaine — dues à la rareté des analyses xylologiques pour cette époque — rendent toute estimation de la fréquence de son utilisation difficile32. Néanmoins, les observations ethnographiques et botaniques de N. Henein montrent que le jujubier épine-du-christ était encore abondamment utilisé dans l’économie rurale d’un village de Haute-Égypte resté à l’écart de la modernisation dans les années 1970 : le bois, en raison de sa solidité, servait notamment à la fabrication de portes et escaliers, mais aussi pour les outils, les charrues, ou les roues hydrauliques33. On peut ainsi supposer que ces usages traditionnels en reflètent de plus anciens34. 3. Redénomination à l’époque romaine Cette première identification faite, restait à résoudre la question de la rareté des sources papyrologiques mentionnant le παλίουρος en regard de l’intérêt économique que représente l’espèce, tant pour l’exploitation du bois que pour la consommation alimentaire ou médicale des fruits, alors qu’il devait être disponible dans la majeure partie de l’Égypte. C’était sous un autre nom que résidait la solution : à partir du IIe s., l’arbre, ou plutôt son fruit, n’apparaît apparemment plus que sous le nom ζίζυφον, ou plutôt δίφυζον. L’apparition de ce nom dans les textes semble directement liée à la découverte, rapportée par Pline (XV 14, 47), par les Romains d’un nouveau fruit, le ziziphon, introduit à Rome depuis la Syrie vers la fin du règne d’Auguste, semé dans les camps, et dont l’arbre était surtout apprécié pour l’ornement qu’il offrait aux terrasses romaines. L’espèce, aujourd’hui couramment appelée « jujubier commun », Ziziphus jujuba Mill., est originaire d’Extrême-Orient, où elle est toujours cultivée et utilisée notamment en médecine traditionnelle. Elle a été introduite à une époque inconnue au Levant d’où elle aurait été importée en Italie puis commercialisée dans l’ensemble du bassin méditerranéen. Le fruit (fig. 6), apprécié pour ses qualités gustatives autant que pour ses vertus médicinales, apparaît d’ailleurs dans l’Édit de Dioclétien35. 32 On doit à S. Marchand la publication récente de résultats d’analyse de bois d’époque gréco-romaine provenant des fouilles du site de Tebtynis (Fayoum). Elle y indique ainsi que le jujubier fait partie des bois locaux le plus utilisés pour les objets de la vie quotidienne (après le tamaris, l’olivier et le saule), notamment pour des bouteilles à usage cosmétique, cf. MARCHAND 2018. 33 HENEIN 2001, p. 116. 34 À ce propos, voir aussi LUCAS 1948, p. 505-506 s.v. Sidder. 35 ANDRÉ 1981, p. 81 ; cf. S. Lauffer (éd.), Diokletians Preisedikt, VI, 56 et commentaire p. 231. Les fruits, mucilagineux, ressemblent à des olives, on les consomme quand ils sont encore verts, ils ont alors le goût et la consistance d’une pomme ; en mûrissant, ils virent au brun et prennent le goût et la consistance de la datte, ce qui leur vaut aussi l’appellation moderne vulgaire de « dattes chinoises ». 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 133 Fig. 6. Jujubes sur l’arbre (Ziziphus jujuba Mill.) Il semblerait bien que les Grecs d’Égypte ne soient pas passés à côte de cette découverte : le mot circule à travers les papyrus depuis la vallée du Nil et le Fayoum jusque dans les oasis du désert libyque, du IIe s. jusqu’au VIe/VIIe s. À ceci près que là encore, l’espèce du jujubier commun n’appartient pas à la flore égyptienne. Il faut donc en conclure, que sous ce nouveau nom, c’est toujours le fruit de l’espèce locale, le jujubier épine-du-christ, qu’il faut restituer. L’origine du mot est mal élucidée : Chantraine la juge obscure, Frisk le rapproche du syriaque zūzfā36. De l’examen des sources papyrologiques, on retient surtout l’instabilité graphique du nom. La forme ζίζυφον qui apparaît chez Galien ne s’y trouve pas37. C’est la graphie δίζυφον qui est la plus utilisée, parmi l’ensemble des variantes qui ont cours38 : σίζυφον, ζίζυφον, δίδυφον, et même σίσιπον à Kellis dans l’oasis de Dakhla, forme que l’éditeur rapproche de l’emprunt copte 36 DeLg s.v. ; FRISK 1960, s.v. Mais CARNOY 1959 pense qu’il s’agit plutôt d’un emprunt du syriaque au grec et restitue d’ailleurs un y étymologique dans le phytonyme, s.v. zizyphon. 37 Sauf peut-être dans le P.Flor. II 170 (BL X 71), l. 3 : ζίζυφα, mais la première lettre est de lecture incertaine. Les attestations de ζίζυφον restent assez rares dans les sources grecques : on trouve mention du fruit chez Galien, De alimentorum facultatibus, II, 38 (VI, 623 éd. Kühn), puis chez Oribase ou dans les Hippiatrica, mais le nom de l’arbre n’est attesté que dans la compilation byzantine des Géoponiques, τὸ ζίζυφον (X, 3 ; X 43, 1). À partir de l’époque byzantine à côté des graphies variées de ζίνζιφον, on trouve chez Alexandre de Tralles, Therap. II, 219, 20, la forme ζιζουλά, d’où CARNOY 1959, s.v., fait remonter l’italien giuggiola. 38 C’est d’ailleurs sous la forme δίζυφον que le terme est lemmatisé dans le Dge. À propos des différents phénomènes phonologiques dont rendent compte ces variantes, voir GIGNAC I : échange δ / ζ devant un ι, cf. p. 75-76 ; échange ζ > σ, cf. p. 120 ; perte d’aspiration en position intervocalique φ > π, cf. p. 93. 134 VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 ⲥⲓⲥⲟⲩⲡⲉ — à côté des formes venues de l’égyptien nbs : ⲛⲟⲩⲃⲥ, ⲛⲟⲃⲥ39. Cette espèce qui a joué un rôle important attesté dès l’époque préhistorique dans la consommation humaine en Égypte, peut-être quelque peu dédaignée à l’époque ptolémaïque par les colons gréco-macédoniens, semble ainsi, sous un nouveau nom, faire l’objet d’un regain d’intérêt à l’époque romaine40. D’après des lettres, des comptes alimentaires, des reçus et des ordres de livraisons, on vend, on achète, on offre des jujubes. On en cultive dans l’Arsinoïte, le long de la vallée du Nil, et jusque dans les oasis du désert Libyque : à Kellis, au IVe s., le fruit fait même explicitement l’objet d’exportation vers la vallée du Nil, ce qui implique, comme le fait remarquer R. Bagnall dans son édition du Kellis Agricultural Account Book, que la valeur du fruit devait permettre d’amortir les frais de transport sur près de 300 km. Il classe d’ailleurs le fruit parmi les produits de l’oasis à haute valeur ajoutée, au même titre que le coton, les figues, les dattes, les olives et l’huile d’olive41. 4. Du jujubier dans les registres de réquisition de matériaux d’époque arabe ? Quoique l’usage du bois du jujubier épine-du-christ ne soit pas attesté explicitement dans les sources papyrologiques entre le IIIe s. et le VIIe s., quelques identifications archéobotaniques montrent qu’il est utilisé aux époques romaine et byzantine puisqu’il apparaît notamment sur des éléments de décor architectural42. Aussi, le fait que cette réalité perdure justifie, il me semble, de conclure cette étude de cas autour d’un dernier rebondissement phytonymique. À l’époque arabe, ce ne sont plus les ressources fruitières égyptiennes qui intéressent le nouveau pouvoir en place ; en revanche les comptes de matériaux destinés 39 Les jujubes apparaissent dans plusieurs lettres coptes de Kellis, dans les P.Kell.Kopt. V : ⲛⲟⲩⲃⲥ 38, 40, 45, 48 ; ⲛⲟⲃⲥ 21, 22 ; et les P.Kell.Kopt. VII : ⲛⲟⲩⲃⲥ 77, 36 ; ⲛⲟⲃⲥ 125, 18 et ⲥⲓⲥⲟⲩⲡⲉ 65, 32 (lettre concernant entre autres la vente de jujubes). 40 Une étude de l’agriculture oasienne à l’époque perse, aux Ve et IVe S. av. J.-C. dans la région de Douch (oasis de Kharga), a permis de montrer que le jujubier épine-du-christ faisait au moins partie de la végétation spontanée qui s’était développée grâce au développement de l’irrigation dans la région à l’époque perse. Mais la rareté des restes de fruits y est interprétée comme la marque d’un désintérêt pour cette espèce qui aurait été marginalisée suite à la diversification des cultures fruitières (NEWTON et al. 2013, p. 14). De la même manière, les colons gréco-macédoniens semblent davantage intéressés, d’après les textes de l’époque ptolémaïque, par l’introduction des espèces et variétés qui leur étaient familières, plutôt que par l’exploitation des espèces fruitières locales, ce qui peut effectivement expliquer aussi l’absence des jujubes dans les textes de cette époque. 41 P.Kell. IV p. 78. 42 CoDex, s.v. Ziziphus ; l’essentiel des bois de jujubier analysés provient des collections coptes du Louvre, cf. RUTSCHOWSCAYA 1986. 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 135 aux grands chantiers de construction montrent bien l’intérêt que trouvait l’administration arabe à exploiter systématiquement toutes les ressources ligneuses43. Si c’est essentiellement le sycomore, l’acacia et le palmier qui servent à la construction ou à la réparation de la flotte arabe à cette période, on trouve dans trois registres officiels émanant du bureau du pagarque à Aphroditô, en moyenne-Égypte, la mention, abrégée παλοι ou παλου entre autres mentions de bois. La première, dans le P.Lond. IV 1414, l. 9 (Aphroditô, VIII) avait été résolue par πᾶλοι, et expliquée par l’éditeur comme un emprunt au latin pali, pour désigner des pieux ; la seconde, παλου, qui apparaît dans le P.Lond. IV 1442, l. 8 et 22 (Aphroditô, VIII) avait été résolue comme l’abréviation de παλούκια, dérivé tardif de pali44. Si aucune de ces solutions n’est impossible, la seconde des formes proposées n’est pas attestée par ailleurs dans les papyrus, la première ne l’est que très rarement. Aussi, il me semble qu’à côté des acacias, ἀκανθ(έαι), et sycomores, συκο(μορέαι), du P.Lond. IV 1414, ou des poutres de palmiers, φοι(νικοδόκια), du P.Lond. IV 1442, une résurgence du mot désignant des jujubiers, παλίουροι, trouverait bien sa place45 — il serait même étonnant que ce bois ne soit pas réquisitionné pour les arsenaux alors qu’il est réputé solide, durable et résistant à l’eau46. Quant au troisième registre, qui fait apparaître la séquence παλου, le P.Lond. 1433, l. 266, 538 et 566 (Aphroditô, 706/707)47, il comporte des sections concernant cette fois des travaux de renforcement des 43 À ce propos, voir notamment MORELLI 1998. P.Lond. IV 1442, l. 22n : « παλου : if this is not a mere slip for πάλοι, pali (but cf. 1433, 25 where it also occurs), it probably stands for either παλουδαμέντα, paludamenta, or παλούκια, pali (Ducange). As the requisitions are for naval purposes, the latter is the more probable, and cf. 1414, 9 παλοι ». 45 Dans la mesure où l’on attend chaque fois un nominatif pluriel, l’abrévation παλοι peut se résoudre παλ(ίουρ)οι, c’est-à-dire avec la désinence en exposant. L’abréviation παλου du P.Lond. IV 1442, l. 22 peut quant à elle s’interpréter de deux manières : il pourrait s’agir d’une « abréviation à thème discontinu » selon la terminologie de A. Blanchard, où « l’abréviation se réduit aux composants du mot », ici il faudrait donc lire παλ(ί)-ου(ροι), cf. BLANCHARD 1974, p. 12 ; à moins de considérer qu’il s’agit de l’abréviation de πάλουρος, forme tardive du mot, lemmatisée dans le LBG, s.v., soit πάλου(ροι). On retrouve encore παλου dans une section du P.Lond. IV 1433, l. 25 concernant des réquisitions de bois pour les chantiers navals de Babylôn. 46 On a d’ailleurs identifié du bois de jujubier épine-du-christ sur la quille d’un bateau d’époque romaine échoué dans le lac de Tibériade, attestant ainsi l’utilisation de ce bois en construction navale en méditerranée orientale, cf. WERKER 1990, p. 69. 47 P. ex. P.Lond. IV 1433, l. 537 : Π(α)ῦ(νι) ιθ ὀν(όματι) τ[ι](μῆς) [πα]λου α λ(ό)γ(ῳ) φιλοκ(α)λ(είας) παραχώμ(ατος), « Pauni, le 19 : pour le prix d’un jujubier, 1, pour la réparation de la digue latérale ». Dans la mesure où l’on attend ici un génitif, l’abréviation παλου peut se résoudre παλ(ιούρ)ου, παλ(ι)ού(ρου) ou encore παλού(ρου), cf. n. 45. Sur le sens de παράχωμα, voir BONNEAU 1993, p. 47-48. 44 136 VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 digues dans le même village d’Aphroditô ; les entrées sont datées du mois de juin, soit juste avant la crue. Ici aussi, plutôt qu’un pieu dont on aurait en l’occurrence qu’une seule unité, je propose d’y voir un arbre entier. Outre son bois, il pouvait en effet aussi offrir ses branchages, fort utiles pour façonner cette « armature végétale » nécessaire au maintien des digues, et ainsi décrite par le naturaliste Pierre Belon du Mans : « Ils (les Égyptiens) font des levées de peur que le Nil ne déborde, lesquelles ils renforcent avec fagots de paille, de cannes de sucre, de Halimus, et Rhamnus, et Tamarisques, afin de tenir le Nil en son lit »48 — le « Rhamnus » étant précisément un des noms que l’on trouve chez les naturalistes pour notre jujubier épine-du-christ. Ainsi, s’il faut bien voir là des mentions de jujubier, la résurgence du mot παλίουρος pourrait s’expliquer par « la tendance archaïsante des documents fiscaux en matière de terminologie technique » dans le domaine agricole, relevée par H. Cadell49. Mais on ne peut exclure que le terme παλίουρος ait continué à être utilisé parallèlement à δίζυφον pour désigner plus spécifiquement le bois — sans que l’on en ait conservé d’autre attestation documentaire — et cela s’expliquerait assez bien si l’on considère que le terme δίζυφον n’a pas été adopté en Égypte pour combler un vide terminologique. On peut en effet faire l’hypothèse que l’extension sémantique de δίζυφον se soit limitée au fruit, tandis que l’ancien phytonyme παλίουρος aurait été conservé parallèlement pour nommer l’arbre pourvoyeur de bois. Phytonymes grecs en contexte égyptien Cette étude de cas m’ayant permis de préciser les raisons pour lesquelles il vaut mieux approcher les phytonymes que l’on trouve dans la documentation papyrologique avec une certaine circonspection, il faudrait encore essayer d’inscrire le cas du jujubier dans un ensemble plus large. En confrontant les résultats issus de l’étude des autres noms d’arbres pourvoyeurs de bois d’après leurs occurrences dans les papyrus, il m’est en effet apparu que l’on pouvait mettre en parallèle des tendances d’ordre morphologique ou lexical concomitantes. La première de ces tendances, dont l’évocation doit permettre de conclure le cas du jujubier, est celle qui consiste à renommer les espèces selon les époques. Ainsi, à l’exemple exposé précédemment, il faut ajouter le cas du tamaris. Si là aussi les espèces grecques différent des 48 Passage tiré de Pierre BELON du Mans 1547, f 102a, cité par MICHEL 2005, p. 261. Dans les sources papyrologiques, le P.Petr. III, 43, fr. 2, v° 4, l. 10 atteste ainsi l’utilisation de la frondaison de tamaris pour le renforcement des digues, l. 10 : π[αρ]αφρυγανίσαι τὸ χῶμα τ[ῆ]ι μυρικίνηι κόμηι. 49 CADELL 1983, p. 128-129. 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 137 espèces égyptiennes, les colons ont bien reconnu l’arbre à l’époque ptolémaïque et lui ont donc naturellement donné le même nom, classique, de μυρίκη, avec l’adjectif correspondant μυρίκινος. C’est d’ailleurs l’arbre ou le bois, parmi les essences envisagées ici, dont on trouve le plus grand nombre d’occurrences dans les sources papyrologiques pour cette époque. Le nom semble parfaitement stable, mais seulement jusqu’à la fin du Ier s., où il se fait remplacer par l’adjectif ἐρικίνος dérivé de l’ἐρείκη, qui désigne ailleurs dans le bassin méditerranéen une forme de bruyère arbustive (Erica arborea L.) — mot qui lui-même se stabilise alors dans les documents jusqu’à l’époque arabe. À ces exemples, il faudrait sans doute ajouter nombre de fruitiers dont les noms, fluctuants, sont encore mal déterminés pour l’époque ptolémaïque, et qui ne semblent apparaître dans la documentation qu’à l’époque romaine, mais dont on ne connaît pas précisément la période à laquelle ils ont été introduits en Égypte. Mais d’un autre côté, il faut aussi relever une évidence : certains phytonymes paraissent très stables sur l’ensemble de la période considérée. Le saule se trouve ainsi désigné dans les documents d’époques ptolémaïque et romaine soit directement sous le nom ἰτέα, soit plus souvent par l’adjectif ἰτέϊνος — qu’il indique l’essence d’un bois ou qu’il soit substantivé pour désigner des plants — tandis que le dérivé ἰτεών, -ῶνος, désigne la plantation, en l’occurrence l’oseraie. Le perséa, arbre sacré des Égyptiens cultivé en Égypte dès l’Ancien Empire, a été reconnu comme le Mimusops laurifolia (Forssk.) Friis, une espèce disparue d’Égypte aujourd’hui, provenant de la corne de l’Afrique. Les colons grecs, réattribuant son introduction en Égypte à Persée revenant d’Éthiopie, s’approprient l’arbre et les symboles de fertilité que représentent son fruit abondant, au goût délicat, et son feuillage toujours vert : ils le cultivent et le plantent près de leurs temples dès le IIIe s. av. J.-C.50 Quant au nom de l’arbre, il est étonnamment stable dans la documentation : tandis que l’on trouve dans les textes littéraires et médicaux les formes concurrentes περσέα, πέρσιον, περσεῖον ou περσαία, c’est incontestablement la forme περσέα qui domine dans les papyrus, avec, à partir du IIe s. la forme parallèle περσία. Par ailleurs, les documents donnent aussi, dès le IIIe s. av. J.-C., l’adjectif dérivé περσέϊνος, que l’on retrouve jusqu’au VIe s. — création exclusivement réservée à langue grecque d’Égypte, pour indiquer l’essence du bois, l’origine d’un noyau ou encore la couleur d’un vêtement. À ces exemples on pourra peut-être encore ajouter celui du sébestier, dont il a été question 50 À propos du perséa et de son identification, voir AMIGUES 1986 et, pour l’Égypte ancienne, BAUM 1988, p. 87-90 ; l’édition par P. Heilporn du P.Gascou 36 donne une bibliographie récente. 138 VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 plus haut (n. 6) : son nom doté du même suffixe, μυξέα, n’apparaît lui aussi que dans les sources papyrologiques — tandis que les sources médicales donnent μύξα. Mais l’espèce locale, bien connue des Égyptiens anciens, ne trouve de nom dans les papyrus qu’à partir du IIe s. Peut-être est-ce là aussi, comme pour le jujubier, le fruit d’une redécouverte à l’époque romaine, à moins que l’arbre n’ait été appelé autrement à la période ptolémaïque et que ce nom n’ait pas encore été clairement identifié. Parallèlement à ces noms qui se trouvent d’emblée, dans les documents, dotés du suffixe de nom d’arbre en -έα51, il faut relever, de manière concomitante, une évolution morphologique du nom de deux des arbres les plus importants du paysage égyptien : le sycomore et l’acacia. Le premier a reçu son nom de « mûrier », συκάμινος, par analogie avec le mûrier noir, Morus nigra L. Mais tandis que les sources techniques montrent que l’ambiguïté de cette dénomination dans un contexte non égyptien a conduit à produire un nom spécifique, συκόμορον, pour l’arbre d’Égypte52, il est, dans les sources papyrologiques, toujours désigné comme un « mûrier », συκάμινος, le contexte empêchant toute confusion. En revanche on constate que le mot, pour lequel on a supposé un emprunt sémitique53, apparaît reformé en συκαμινέα à partir du IIIe s.54 — forme qui supplante la première dans les sources papyrologiques à l’époque byzantine, avant de laisser finalement la place à συκομορέα à l’époque arabe55. De la même manière, l’acacia, « l’épine d’Égypte » des sources techniques et littéraires56, est simplement désigné par le nom ἄκανθα dans les papyrus à l’époque ptolémaïque (ou les dérivés ἀκάνθινος, ἀκάνθιος et ἀκανθών pour la plantation)57 ; jusqu’à ce qu’apparaisse à son tour la forme concurrente ἀκανθέα qui supplante là aussi la première de manière exclusive dès le IVe s., sans apparaître pour autant en dehors de la documentation papyrologique58. 51 CHANTRAINE 1979, p 92. C’est d’abord le nom du fruit d’après Strabon XVII, 2, 4, puis le nom de l’arbre et de son fruit d’après Diosc., De mat. med. I, 127 : συκόμορον· ἔνιοι δὲ καὶ τοῦτο συκάμινον καλοῦσι. καλεῖται δὲ καὶ ὁ ἀπ’ αὐτοῦ καρπὸς συκόμορον διὰ τὸ ἄστομον τῆς γεύσεως. δένδρον δέ ἐστι μέγα, « sycomore : certains l’appellent aussi sycaminos (“mûrier”) ; mais on appelle aussi le fruit “sycomoron” à cause de la fadeur de son goût. C’est un grand arbre, etc. ». 53 DELG, s.v. 54 La première attestation sûre apparaît dans le P.Flor. I 50 (Hermoupolis, 268). 55 La forme συκόμορον n’est en réalité jamais attestée dans les papyrus, le mot se trouvant le plus souvent abrégé. On trouve en revanche la forme συκομορέα au VIIe s. dans le P.Apoll. 11 et le CPR VIII 71. 56 Théoph. HP. IX 1, 2 : τῆς ἀκάνθης τῆς Αἰγυπτίας, cf. IV, 2, 8. 57 Cf. KRAMER 1993, p. 133. 58 Si ce n’est dans le récit hagiographique d’Andronicus et Athanasia de Daniel de Scété (VIe s.), 7, 127 (éd. Dahlman 2007, p. 175) : ἀββᾶς Ἀνδρόνικος κατὰ τὴν Αἴγυπτον 52 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 139 Ainsi, si l’on veut reprendre ces phénomènes de manière globale, il apparaît que, d’une part, les noms pourvus du suffixe en -έα sont stables, tandis que, d’autre part, les autres évoluent de deux manières : soit ils se voient remplacés par un autre nom, soit ils se reforment en -έα. Il est par conséquent tentant de postuler que ledit suffixe n’est pas sans avoir joué un rôle dans la stabilisation de ces noms, voire qu’il s’inscrit dans une tendance alexandrine de la κοινή. Si l’on considère par exemple le mot μορέα, qui semble être une création de l’époque hellénistique à partir du nom du fruit, μόρον, du mûrier noir (Morus nigra L.), Athénée, dans un passage concernant les différents noms de ces fruits en grec, évoque Nicandre qui, apparemment le premier, appelle l’arbre μορέη « comme aussi les Alexandrins » et de préciser que seuls les Alexandrins appellent ses fruits μόρα59. On retrouve cet usage chez Galien, qui vécut à Alexandrie, et qui dit préférer employer le nom μόρον, d’usage courant, plutôt que le vieux mot grec qui a la préférence des atticistes, συκάμινος60 — il livre plus loin le nom du mûrier : μορέα61. La réflexion qu’il engage à propos du nom du mûrier donne à penser que le choix qu’il fait de reprendre l’appellation commune n’est pas sans rapport avec l’ambiguïté du terme συκάμινος, ὁδεύων ἐκάθισεν ὑποκάτω ἀκανθέας ἵνα λάβῃ ἀναψυχήν, « Au cours de son voyage à travers l’Égypte, Abba Andronikos s’assit sous un acacia pour trouver un peu de fraîcheur ». L’éditeur indique en commentaire que le mot ἀκανθέα — qu’il transcrit akanthea dans la traduction — peut se rapporter à différentes plantes épineuses et que, mis à part cette occurrence, il ne se trouve que dans les papyrus où il semble aussi désigner un arbre fruitier (l. 127n. p. 235) : des différentes espèces d’acacias présentes en Égypte, c’est A. nilotica (L.) Willd. ex Del. la plus commune dans la vallée du Nil ; on la cultivait notamment sur les digues, pour en stabiliser la terre, pour son bois bien sûr, pour sa gomme, mais aussi pour ses gousses riches en tanins que l’on utilisait en médecine ainsi que pour traiter le cuir, cf. P.Paramone 6 et le commentaire de B. Kramer (l. 13 n., avec bibliographie). À propos des formes ἄκανθα / ἀκανθέα aux époques byzantine et arabe, cf. MORELLI 1998, n. 2, p. 167. 59 Athénée, Deipn., 51e ; cf. 51c : à propos des mûres, l’auteur précise que tout le monde les appelle sykamina, sauf les Alexandrins, qui seuls les appellent mora — et de préciser qu’il ne faut pas les confondre avec les fruits du figuier d’Égypte, que certains appellent sycomora. 60 Gal., De alim. fac., II 11 (éd. Kühn VI, 584) : Περὶ συκαμίνων, ἃ δὴ καὶ μόρα καλοῦσιν, « au sujet des mûres (sykamina), qu’on appelle en fait aussi mora », etc. 61 Gal., De alim. fac., II 13 (éd. Kühn VI, 589) : Τὸν τῶν βάτων καρπὸν ὀνομάζουσιν οἱ παρ’ ἡμῖν ἄνθρωποι βάτινα, καθάπερ μόρα τε καὶ συκάμινα τὸν τῆϲ μορέας τε καὶ συκαμινέας, καλοῦσι γὰρ ἑκατέρως αὐτά, « On appelle chez nous mûres sauvages (batina), les fruits des ronces (Rubus sp.), comme <on appelle> respectivement mora et sykamina <les fruits> du morea et du sykaminea (Morus nigra L.), car on leur donne indifféremment ces noms ». J.-L. Fournet propose aussi « de voir un témoignage de cet emploi alexandrin dans les Cyranides, I 12, 3 : Μορέα ἐστὶ φυτὸν δενδρικὸν πᾶσι γνωστόν, ἡ καὶ συκαμινέα λεγομένη, dans la mesure où cet ouvrage composé de plusieurs strates doit beaucoup à Harpocration d’Alexandrie », cf. FOURNET 2009, p. 40 [33]. On remarquera que c’est là aussi une des premières attestations littéraires du mot reformé συκαμινέα, après Galien, précédemment cité. 140 VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 puisqu’il fait valoir la volonté de se faire comprendre de tous au détriment de la pureté de sa langue. Or cette réflexion paraît d’autant plus pertinente si l’on considère l’introduction vraisemblablement récente du mûrier noir en Égypte62. Aussi, pour résoudre cette difficulté, il semble que les ressources linguistiques de la langue grecque aient été exploitées pour conduire à l’effacement progressif du terme ambigu de συκάμινος : la relexicalisation d’un ancien nom de la mûre μόρον, et la formation d’un dérivé sur le modèle de συκέα permettaient ainsi de nommer sans ambiguïté la mûre et son arbre ; tandis que la formation du composé συκόμορον puis du dérivé συκομορέα favorisait une identification claire du sycomore63. La nouveauté de ce dernier composé dans la langue grecque, qui apparaît reformé en -έα dans l’épisode dans lequel Zachée monte sur un sycomore pour apercevoir Jésus (Ev. Luc XIX, 4, 2 : ἀνέβη ἐπὶ συκομορέαν ἵνα ἴδῃ αὐτόν), constitue d’ailleurs sans doute la raison qui conduit Origène à gloser dans ses Homélies sur les psaumes : συκάμινος ἡ συκομορέα ἐστίν64, contribuant ainsi à la diffusion du nouveau phytonyme en dehors de l’Égypte. On peut ainsi rattacher les phénomènes présentés ici à certains faits de langue relevés par J.-L. Fournet dans ses recherches sur le grec alexandrin. Allant de pair avec le refus de l’emprunt, il note ainsi à propos du mot δαφνῖτις, que « l’alexandrinisme a probablement eu pour fonction de donner une allure bien grecque à un emprunt sémitique »65 : la généralisation du suffixe en -έα fait-elle partie de cette tendance ? Les noms des arbres ici envisagés sont souvent d’origine obscure ; cela aurait le mérite d’expliquer leur stabilité, sur le modèle de l’ἰτέα et des autres πτελέα, συκέα ou μηλέα d’Homère. Néanmoins 62 Le mûrier noir passe pour avoir été introduit en Égypte à l’époque romaine, cf. ASENSI 2003, p. 180, mais Diodore de Sicile, qui voyagea en Égypte dans les années 60/56 av. J.-C., en fait déjà mention dans sa description de la flore du Delta, BH I, 34, 8 : τῶν δὲ συκαμίνων αἱ μὲν τὸν τῶν μόρων καρπὸν φέρουσιν, αἱ δὲ τὸν τοῖς σύκοις ἐμφερῆ, « parmi les “mûriers”, les uns portent des mûres, les autres des fruits qui ressemblent à des figues ». 63 Galien dans sa rubrique sur le sycomore, Περὶ συκομόρων (De alim. fac., II 35 [éd. Kühn VI, 616-617]), explique la formation du mot par l’analyse des propriétés du fruit : « Quoiqu’il soit médiocrement sucré, ce fruit ne contient aucune âcreté, il est d’un principe plutôt humide et assez rafraîchissant, tout comme les mûres. Mieux, on le classerait à juste titre entre les mûres et les figues (ἐν τῷ μεταξὺ μόρων τε καὶ σύκων). Et il me semble que c’est justement de là que vient son nom. Ils sont ridicules en effet tous ceux qui disent que l’on appelle ce fruit sycomoron parce qu’il ressemble à des figues (σύκοις) insipides (μωροῖς) » ; l’idée qu’il faut analyser le mot σῦκον-μωρόν apparait chez Diosc. De mat. med. I, 127, cité plus haut. 64 Origène, Hom. 7, ps. 77, 5 (GCS 19, 2015, éd. Perrone, p. 445, l. 2 : συκομωρραία Codex Monacensis Graecus 314). Le grammairien alexandrin Hérodien donne aussi dans son traité Περὶ ὀρθογραφίας, s.v. συκομορέα : ε. 65 FOURNET 2009, p. 67. 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 141 pour nourrir la question de la différence entre la langue alexandrine et celle de la chôra égyptienne, il faut remarquer que l’analyse diachronique rendue possible par la documentation papyrologique permet de faire ressortir l’originalité lexicale de la langue d’Égypte : les formes refaites μυξέα et ἀκανθέα apparaissent comme spécifiques au grec d’Égypte, tandis que la forme συκομορέα, attestée à Alexandrie dès le IIe s., ne pénètre pas la langue des documents avant le VIIe s. puisque ces derniers conservent les συκαμινέα et συκάμινος, si ambigus partout ailleurs dans le monde grec. Quant aux noms dépourvus du suffixe, comme le jujubier et le tamaris, il faut sans doute lier leur redénomination à des influences extérieures à une époque où « par le biais de l’argot militaire, véhiculé par les soldats latinophones cantonnés dans la vallée du Nil, de nombreux mots latins ont pénétré le grec d’Égypte »66. On sait d’ailleurs, par la quantité de noyaux de jujubes retrouvés près des stations romaines du désert Oriental, que les soldats étaient friands de ces fruits67 – qu’ils ont sans aucun doute rapprochés de ceux qui avaient été fraîchement importés en Italie au Ier siècle. Perspectives La fenêtre que j’ai ici ouverte sur l’examen des évolutions morphologiques et lexicologiques des noms d’arbres dans le grec d’Égypte peut paraître bien étroite. Elle se place néanmoins dans la continuité d’un travail déjà accompli par H. Cadell, qui avait mis en avant le fait que la terminologie agricole avait essentiellement fait appel aux ressources morphologiques et sémantiques du grec pour se constituer, répugnant à l’emprunt de termes indigènes68. Mettant en évidence un renouvellement du vocabulaire dans le grec d’Égypte lié à l’effort de latinisation de Dioclétien et aux réformes structurelles de l’Égypte au 66 FOURNET 2009, p. 67. VAN DER VEEN 2011, p. 154. 68 CADELL 1970, p. 70-71 ; FOURNET 1989 présente un inventaire de mots grecs empruntés à l’égyptien, mettant ainsi en évidence le conservatisme de la langue grecque d’Égypte. On y relève ainsi, parmi les « emprunts certains » quelques noms servant à nommer des fruits ou des produits issus d’arbres égyptiens, notamment la gomme d’acacia, κόμμι ; le fruit du palmier-doum, κοῦκι ; la palme, βαΐς, et la fibre de palmier-dattier σεβένιον ; mais on ne trouve comme nom d’arbre que celui du ricin, κίκι : le nom désigne d’abord l’huile de ricin (Hdt. II, 94, apparemment bien connu des Athéniens d’après Platon, Timée 60a) mais sert aussi à désigner l’arbrisseau qui produit les graines dont est extraite l’huile : les colons s’emploient à le cultiver dès le IIIe s. av. J.-C. d’après les archives de Zénon, p. ex. P.Cair.Zen. II 59243, l. 14 : κίκι φυτεῦσαι ; P.Iand.Zen. 8, l. 4-5 : εἰς κίκιος φυ|τείαν ἀρουρῶν πέντε. J.-L. Fournet précise qu’on trouve le dérivé féminin κικέα chez les médecins Aétius et Paul d’Égine ; on ajoutera à ces références qu’il est déjà présent chez le médecin alexandrin Aelius Promotus (IIe s.), mais non attesté dans les papyrus. 67 142 IVe VALÉRIE SCHRAM [REG, 131 s., elle avait fait remarquer que l’évolution du vocabulaire était intimement liée aux mouvements historiques. Or il me semble ici que les documents donnent à voir aussi, dès le IIe s., un renouvellement du vocabulaire dans le domaine de la botanique, à une époque où la langue des Grecs d’Égypte montre par ailleurs une perméabilité aux influences extérieures manifeste pour le vocabulaire militaire. Mais il faut être prudent parce que l’interprétation que l’on peut donner du renouvellement du lexique botanique doit être double. L’apparition de nouveaux phytonymes autour du IIe et IIIe s. signale d’abord, bien sûr, l’introduction de nouvelles espèces ou du moins l’intensification de leur exploitation. La modification des paysages et des cultures dont les textes rendent compte est bien réelle. Néanmoins, dans le cas du jujubier, ce n’est pas tant le paysage qui est concerné. Ce qui transparaît à travers sa redénomination dans la langue, c’est, il me semble, une redéfinition de la valeur culturelle et économique attribuée à un élément du paysage. Cela nous permet alors de reconsidérer sous cet éclairage l’arbre en tant qu’objet culturel dont le caractère étranger peut être, à travers sa dénomination, amplifié, si cela permet d’en accroître la valeur économique, comme nous l’avons vu ; mais aussi, pour ainsi dire, camouflé lorsque le phytonyme assimile la plante étrangère à un monde connu et maîtrisé. Ainsi, le mot παλίουρος, lorsqu’il évoque le paliure, fait oublier que le jujubier local produit des fruits consommés de longue date en Égypte, tandis que le mot δίζυφον, autre forme d’emprunt qui tend à remplacer le premier, installe dans nos représentations un arbuste fruitier qui masque quant à lui la disponibilité de bois de qualité qu’offre notre jujubier épine-du-christ. C’est ainsi que sous les premiers Ptolémée, l’hellénisation du paysage passe certainement par des efforts d’introduction d’espèces et de variétés à la fois chères et utiles aux colons gréco-macédoniens, telles que les figuiers de Chios, des pins piniers des montagnes ou des variétés particulières de vigne, mais cette hellénisation passe aussi symboliquement par la langue. Les textes nous offrent d’ailleurs, en négatif, une image frappante d’une forme d’assimilation du paysage où les espèces familières comme le saule, l’olivier et le tamaris sont bien reconnues, tandis que les espèces étrangères comme le sycomore, l’acacia et le jujubier laissent la place au « mûrier » (συκάμινος), au « chardon » (ἄκανθα) et au « paliure » (παλίουρος) du paysage grec ; l’origine du perséa, enfin, fait l’objet d’une réinterprétation grecque conduisant à son adoption comme arbre sacré. Le paysage ainsi lissé qui se donne à lire dans les sources papyrologiques voile pourtant une différence essentielle entre le paysage grec et le paysage égyptien pour qui veut comprendre la réalité de l’exploitation économique des plantes. C’est ainsi tout un champ de recherche qui s’ouvre si l’on veut dresser un tableau plus complet de l’ensemble des phytonymes pour lesquels il 2018] LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST 143 faudrait vérifier l’identification précise des espèces aux différentes époques, au-delà des ambiguïtés et vicissitudes de leurs noms dans les textes — travail pour lequel il faut garder à l’esprit qu’une partie seulement des espèces est nommée par son nom, les espèces sans doute à la plus haute valeur économique, tandis que les autres se cachent derrière des termes génériques (δένδρον, φυτόν ou ξύλον) qui dissimulent, eux aussi, tout un pan d’un paysage qu’il faut alors aussi reconstruire dans les silences des documents. Valérie SCHRAM valerie_schram@yahoo.fr Abréviations bibliographiques Les papyrus grecs et coptes sont cités selon les sigles de la Checklist of Editions of Greek, Latin, Demotic and Coptic papyri, Ostraca and Tablets, consultable sur <http://papyri.info/docs/checklist>. Prosper ALPIN 1581-1584 – P. Alpin, Plantes d’Égypte (1581-1584), R. de Fenoyl (trad.), Voyageurs 22, Le Caire, 2007 (2nde éd.). AMIGUES 1986 – S. Amigues, « Sur le perséa d’Égypte », dans Hommages à François Daumas, Montpellier, 1986, p. 25-31 ( = AMIGUES 2002, p. 141-148). —, 1988-2006 – Théophraste, Recherches sur les plantes, texte établi et traduit par S. Amigues, tomes I-V, CUF, Paris, 1988-2006. —, 1992 – S. Amigues, « Le rôle de la métaphore dans la formation des noms grecs de plantes » dans S. Gély (éd.), Sens et pouvoirs de la nomination dans les cultures hellénique et romaine, t. 2 : Le nom et la métamorphose, Montpellier, 1992, p. 295-308 (= AMIGUES 2002, p. 279-290). —, 2000 – S. 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Référence Provenance Date lemme texte type contexte 1 BGU IV 1120 Alexandrie 5 av. 2 P.Tebt. II 343 Tebtynis (Arsinoïte) II παλίουρος, -ου πανίουροι arbres Registre d’inspection de terrain : parcelle avec palmiers, acacias et jujubiers. 3 P.Stras. IV 184 Oxyrhynchos II *παλιούριος, -α, -ον παλιούρια bois 4 BGU II 563 Arsinoïte II παλίουρος, ου παλιούρου arbres Registre d’inspection de terrain : plantation de jujubiers (?). Παλίουρος, ου Παλιούρου topon. (l. 7) Registre fiscal : « lieu-dit du Paliure (Παλιούρου) dans le vallon des Jujubiers (Λωτῶν) ». 190/191 παλίουρα fruits Contrat de location de jardins-cimetières à Alexandrie avec jujubiers. Vente de bois (tamaris, olivier, saule et jujubier). 6 SB VI 9025 Oxyrhynchos II δίζυφον, -ου διζύφων fruits Lettre d’affaires concernant diverses denrées et mentionnant l’envoi d’un panier de jujubes. 7 P.Oxy. VI 920 Oxyrhynchos II δίζυφον, -ου διζύφων fruits Compte de denrées dont 1 artabe de jujubes (20 dr. et 2 ob.). 8 P.Flor. II 170 Théadelphie (Arsinoïte) 255 ζίζυφον, -ου ? ζίζυφα fruits Lettre d’affaires (archives d’Herôninos) demandant l’envoi exprès de jujubes, à Arsinoè ? 9 P.Gen. II 117 Théadelphie (Arsinoïte) III δίζυφον, -ου δίζυφα fruits Lettre d’affaires (archives d’Herôninos) demandant d’envoyer des jujubes à des enfants. Kellis (Oasis magna) III/IV δίζυφον, -ου διζύφων fruits Ordre d’envoi de jujubes. 11 P.Kellis I 11 Kellis (Oasis magna) 350-399 ζίζυφον, -ου σιζύφου fruits Ordre de paiement : 2 artabes d’orge ou quatre mille talents ou une artabe de jujubes. [REG, 131 10 O.Kellis 90 VALÉRIE SCHRAM 5 P.Marm. r. col. 9 Marmarique *παλίουρον, -ου 146 Annexe Les occurrences du jujubier épine-du-christ dans les sources papyrologiques grecques documentaires 361-4 ou 376-9 δίζυφον, -ου διζύφ(ων) fruits Compte agricole, 11 occurrences de jujubes dont 5 matia vers la Vallée (l. 564-565 : εἰς Αἴ|γυπτον). 13 P.Bingen 119 Kellis (Oasis magna) IV δίζυφον, -ου διζύφ(ων) fruits Compte de dépenses : achat de jujubes. 14 P.Kellis I 54 Kellis (Oasis magna) IV δίζυφον, -ου διζ[ύφων] fruits Compte de dépenses en argent et en jujubes (versements à des personnages officiels). 15 SB VIII 9907 Hermoupolis 388 δίζυφον, -ου διδύφων fruits Contrat de location d’un verger avec palmiers, cédratiers et jujubiers (jujubes secs en rente). 16 P.Scholl 8 Hermoupolis 515 δίζυφον, -ου σισίπων fruits Contrat de location d’un verger avec palmiers et jujubiers. VI/VII δίζυφον, -ου δίδυφα fruits Lettre (archives des Apions) mentionnant une livraison de jujubes à Oxyrhynchos. 17 P.Oxy. LIX 4006 Oxyrhynchos 18 P.Lond. IV 1414 Aphroditô (Antaiopolite) VIII παλίουρος, -ου ? παλ(ίουρ)οι ? bois (l. 9-10) Réquisition de bois : 7 acacias, (?) sycomores et 22 jujubiers (?). 19 P.Lond. IV 1442 Aphroditô (Antaiopolite) VIII παλίουρος, -ου ? παλ(ί)ου(ροι) ? bois (l. 8 ; 22) Réquisition de bois pour chantiers navals : 15 poutres de palmiers, 5 nom. ; 6 jujubiers (?), 1 nom. 20 P.Lond. IV 1433 Aphroditô (Antaiopolite) déc. 706 παλίουρος, -ου ? παλ(ί)ου(ροι) ? bois (l. 25) Réquisition de bois pour chantiers navals : acacias, sycomores, palmier et 3 jujubiers (?), 0,5 nom. 21 P.Lond. IV 1433 Aphroditô (Antaiopolite) juin 707 παλίουρος, -ου ? παλ(ι)ού(ρου) ? bois (l. 266, 538, 566) Entretien des digues : 1 jujubier (?), 1/6 nom. LE CAS DU JUJUBIER ÉPINE-DU-CHRIST Kellis (Oasis magna) 2018] 12 P.Kellis IV 96 147