«Prometheus» 43, 2017, 115-134
HORACE ET LE PYTHAGORISME*
L’auteur de l’article “Pitagora” de l’Enciclopedia Oraziana, Giovanni
Casertano, remarque dès le début que les allusions d’Horace à Pythagore
sont pour la plupart plaisantes et ironiques1. Cela est bien loin de nous surprendre, si l’on pense aux vignettes plaisantes dont nombre de philosophes
sont les protagonistes dans plusieurs endroits de l’œuvre d’Horace, comme
l’a bien montré Paolo Fedeli dans un autre important article de l’Enciclopedia Oraziana2. On sait qu’Horace se proclame nullius addictus iurare in
verba magistri3 et que ce qu’il reconnaît comme l’enseignement le plus
fiable, c’est la sagesse pratique de son père ou d’un paysan simple mais fort
judicieux comme Ofellus4. À côté de Démocrite, d’Empédocle et de Chrysippe, l’une des cibles de son ironie est justement Pythagore.
Par cette attitude, Horace se fait-il vraiment le porte-parole de la méfiance et de l’hostilité qui, dès le début de l’époque impériale, finit par entourer les doctrines pythagoriciennes, qu’Ovide célébrait encore à la fin de
ses Métamorphoses, comme le croit Leonardo Ferrero dans son livre célèbre
sur le pythagorisme dans le monde romain5? On peut se le demander, mais
on ne peut pas douter de la réalité de cette atittude.
L’une des cibles les plus faciles de l’ironie anti-pythagoricienne, étaient,
comme on peut bien s’en douter, les tabous alimentaires prônés par cette
école philosophique, dont les Grecs s’étaient déjà beaucoup moqués6. Il se
peut que, lorsque, au début de la quatrième satire du second livre, le gourmet
Catius proclame que les préceptes culinaires qu’il va ensuite détailler sont
supérieurs aux enseignements de Pythagore, ce dernier ne représente que la
sagesse philosophique, sans rapport direct avec ses doctrines végétariennes:
c’est le cas en effet de Socrate et Platon qui lui sont associés7; il faut cependant remarquer que les mets décrits par Catius ne se composent pas seulement de légumes, mais de poisson et de viande aussi, s’opposant par là aux
préceptes du pythagorisme8.
* Ce travail a été présenté le 13 janvier 2011 à l’Université Paris IV-Sorbonne à l’occasion du colloque “Les Présocratiques dans la poésie latine”.
1
Casertano 1996, 856: “i suoi rapidi riferimenti sono per lo più scherzosi ed ironici”.
2
Fedeli 1996, 604.
3
Hor. Epist. 1.1.14.
4
Cf. Fedeli 1996, 605.
5
Ferrero 1955, 11.
6
Cf. p. ex. les passages comiques cités, entre autres, par Diog. L. 8.37-38.
7
Hor. Sat. 2.4.1-3 ‘Unde et quo Catius?’ ‘Non est mihi tempus aventi / ponere signa novis
praeceptis, qualia vincent / Pythagoran Anytique reum doctumque Platona’.
8
Il se peut que Hor. Epist. 1.12.21 seu piscis seu porrum et caepe trucidas contienne encore une allusion plaisante aux doctrines alimentaires pythagoriciennes, étant donné que, se-
116
A. SETAIOLI
L’ironie, toute débonnaire qu’elle soit, est bien plus clairement saisissable lorsqu’Horace, rêvant de revenir prochainement à la campagne, souhaite
pouvoir bientôt manger un plat de “fèves parentes de Pythagore” accompagné de légumes bien assaisonnés au lard9. Il faut souligner ici qu’Horace non
seulement raille le précepte pythagoricien qui prescrit de s’abstenir de fèves
“comme de la tête de ses propres parents”, mais qu’en plus, si l’on en croit Pythagore, il commet un double sacrilège alimentaire: non seulement il mange
des fèves, mais de plus il fait gras en assaisonnant ses légumes par du lard.
Mais ces tabous alimentaires mêmes étaient étroitement reliés, dans la
pensée des pythagoriciens, à la doctrine la plus emblématique de leur école:
celle de la métempsycose. Chez Horace elle apparaît déjà dans le recueil des
Épodes. L’un des rivaux en amour d’Horace l’avait supplanté dans le cœur
de la belle Neaera. Il était très riche et de plus était initié aux mystères du
pythagorisme, qui, à l’âge d’Horace, était encore à la mode, comme nous
l’avons dit plus haut; mais cela ne l’empêchera pas d’être abandonné à son
tour par la belle inconstante. La doctrine pythagoricienne ne pourra donc pas
le mettre à l’abri des chagrins d’amour. Toutefois la formulation d’Horace
laisse entrevoir déjà ce qu’il considère comme la plus grande illusion des
adeptes du pythagorisme: la métempsycose, déjà conçue comme le triomphe
sur la mort: nec te Pythagorae fallant arcana renati (“bien que les mystères
de Pythagore, qui naquit de nouveau, ne t’échappent pas”)10. On peut comprendre que cette doctrine ne vaille pas grand-chose dans les escarmouches
amoureuses; il est bien plus grave que sa promesse de vie renouvelée ne soit
considérée que comme une illusion. On entrevoit déjà ici le biais tout particulier par lequel Horace – et avec lui d’autres Romains, tels qu’Ovide,
comme nous le verrons – ont considéré la doctrine pythagoricienne de la métempsycose. Mais nous reviendrons bientôt sur ce point.
Le ton plaisant qu’Horace emploie pour parler de la métempsycose se reconnaît par exemple dans l’allusion à l’incarnation antérieure du maître luimême sous les traits du guerrier troyen Euphorbe. C’est la plus fréquemment
attestée parmi les nombreuses incarnations que l’on attribuait à Pythagore11.
lon Plin. NH 19.94, Pythagore avait écrit un traité sur l’oignon (cf. Ferrero 1955, 103 n. 464;
Casertano 1996, 856-7); mais peut-être cette expression n’est-elle qu’une reprise de ce
qu’Horace avait dit un peu avant à propos de son ami Iccius: que celui-ci ne se conforme pas
à l’idéal de sobriété décrit aux vers 7-11 et s’alimente de poissons (une nourriture de prix), ou
bien qu’il lui soit fidèle en ne se nourrissant que de légumes, il devra également cultiver
l’amitié de Grosphus.
9
Hor. Sat. 2.6.63-64 o quando faba Pythagorae cognata simulque / uncta satis pingui ponentur holuscula lardo?
10
Hor. Epod. 15.21. On ne trouve pas grand-chose dans le commentaire de Watson 2003,
477.
11
Elle se retrouve dans presque toutes les listes des réincarnations de Pythagore, toutes
HORACE ET LE PYTHAGORISME
117
Mais Horace, dans l’ode d’Archytas (1.28), que nous allons devoir analyser
à fond un peu plus loin, ne se limite pas à dire qu’Euphorbe avait été une incarnation antérieure de Pythagore: il nomme le philosophe lui-même Euphorbe12; bien plus, il emploie des couleurs décidément homériques pour le
faire: il se sert du patronyme solennel Panthoiden, qui se trouvait déjà chez
Homère au même cas, l’accusatif, et dans la même position métrique13; il utilise aussi une tournure, Orco / demissum, qui n’est pas sans rappeler la formule homérique célèbre du début de l’Iliade (”Aidi proivayen)14.
Je ne connais que deux autres textes où Pythagore est appelé “Euphorbe”.
L’un se trouve chez un écrivain dont l’intention satirique ne fait point de
doute: c’est Lucien, chez qui Ménippe s’adresse à Pythagore, aux enfers,
sous quelques-unes de ses identités antérieures: “Salut, Euphorbe, ou Apollon, ou ce que tu veux”15. Bien plus intéressant, mais pas aussi clair, est un
fragment de Callimaque, où le poète attribue directement à Euphorbe les
doctrines géométriques et alimentaires de Pythagore16. Il me semble clair que
l’identification pure et simple du philosophe avec sa prétendue incarnation
aux temps de la guerre de Troie vise à donner une représentation plaisante de
la doctrine de la métempsycose et de la personne même de Pythagore, qui ne
serait que l’une de ses multiples incarnations successives.
L’attitude d’Horace à l’égard de la métempsycose apparaît clairement
dans un passage célèbre de l’épître à Auguste, où il critique Ennius pour ne
s’être pas soucié, dans la suite de son poème, de justifier le début solennel où
il se présentait comme la réincarnation d’Homère17. Le poète fait allusion au
songe bien connu d’Ennius, qui se trouvait dans le proème des Annales. Si
différentes qu’elles soient; cf. p. ex. Diog. L. 8.4-5; Gell. 4.11.14; Lucian. gall. 20 dioivsei
me;n oujde;n h[n te Eu[forbon h] Puqagovran h[n te ∆Aspasivan kalh'/" h] Kravthta. Quelquefois,
comme chez Horace, Euphorbe est la seule incarnation antérieure mentionnée (p. ex. Ov. Met.
15.160-4; Tert. An. 31.3). La raison la plus plausible de ce choix est l’‘étymologie’ du nom
d’Euphorbe, qu’on pouvait interpréter comme “celui qui mange la bonne nourriture”, en
suivant les tabous du pythagorisme. Cf. Hendry 1995, qui de son côté remarque que chez
Homère (Il. 17.40) la mère d’Euphorbe s’appelle Frovnti", un nom tout proche de frontiv"
(“pensée”).
12
Nisbet-Hubbard 1970, 328, ont raison de citer la définition d’Ennius qu’on trouve chez
Pers. 6.11 (Maeonides Quintus) d’après le songe pythagoricien de l’auteur des Annales.
13
Il. 13.756 (quoique se référant à Polydamas).
14
Il. 1.3. Cf. Pieri 2004, 324 nn. 6-7.
15
Lucian. Dial. Mort. 20.3 cai're, w\ Eu[forbe h] “Apollon h] o{ti a]n qevlh/". Cf. Gall. 20,
cité supra, note 11.
16
Callim. fr. 191.58-63 Pf. (= 11 A 3a DK, par rapport à Thalès). Sur ces vers v. LloydJones 1967; West 1971; Lloyd-Jones 1974.
17
Hor. Epist. 2.1.50-52 Ennius, et sapiens et fortis et alter Homerus, / ut critici dicunt,
leviter curare videtur / quo promissa cadant et somnia Pythagorea.
118
A. SETAIOLI
en Grèce on disait que le poète Stésichore était Homère réincarné18, Ennius
le disait, bien plus audacieusement, de lui-même. L’attitude d’Horace à
l’égard d’Homère est nuancée et très complexe, comme j’ai cherché à le démontrer dans deux essais19 et dans l’article “Omero” de l’Enciclopedia Oraziana.20 Toutefois, pour lui aussi le grand poète grec représentait, du moins
en théorie, le sommet le plus haut que la poésie avait atteint; et la poésie
primitive d’Ennius ne constituait sûrement pas, à ses yeux, un argument en
faveur de la réincarnation d’Homère dans l’auteur des Annales. La négation
de la continuité littéraire entre Homère et Ennius entraîne au même temps la
négation de la doctrine pythagoricienne de la métempsycose.
Tout cela reçoit une confirmation très claire à partir de l’esquisse de
l’outre-tombe qu’on peut reconstruire en partant de la poésie d’Horace,
comme j’ai cherché à le faire dans deux essais21 et dans l’article “Oltretomba” de l’Enciclopedia Oraziana22. Eh bien: toutes les rivières infernales
de la tradition, sauf le Phlégéthon, apparaissent chez Horace23; cependant le
Léthé est chez lui une rivière comme les autres, dont la fonction est retenir
les morts aux enfers; ce n’est pas la rivière où les âmes viennent boire l’oubli
avant de se réincarner, comme c’était le cas chez Platon et même chez l’ami
d’Horace, Virgile, avec lequel, nous le verrons, notre poète entretint un dialogue à distance portant sur le caractère définitif de la mort.
Mais il nous faut revenir à l’ode d’Archytas (1.28) pour déceler les idées
les plus importantes d’Horace sur la métempsycose. Le biais par lequel notre
poète considère cette doctrine, que l’on peut seulement entrevoir dans
l’épode 15, se révèle ici en toute clarté. Nous savons que pour Pythagore la
réincarnation de l’âme est due à un kuvklo" ajnavgkh"24, à une contrainte à laquelle elle aimerait bien se soustraire. Les témoignages des Pythagoriciens,
de Philolaos25 jusqu’à la Vie de Pythagore de Jamblique26, s’accordent pour
nous dire que la rentrée de l’âme dans le corps, qui est un véritable tombeau
de chair, n’est qu’un châtiment auquel elle est soumise. Nous sommes tout à
fait sûrs qu’on concevait la métempsycose de cette manière même dans le
18
AP 7.75 (Antipater de Sidon), avec une allusion explicite au pythagorisme.
Setaioli 1973; Setaioli 1993.
20
Setaioli 1996.
21
Setaioli 1995a; Setaioli 2005.
22
Setaioli 1997.
23
Achéron: Hor. C. 1.3.36; 3.3.16; Cocyte: C. 2.14.18; Styx: C. 1.34.10;2.20.8; 4.8.25;
Léthé: C. 4.7.27-28 (Lethaea… vincula). Le sommeil et l’oubli associés au Léthé dans l’Epod.
14.3 Lethaeos… somnos n’ont rien à faire avec la métempsycose; ils se réfèrent simplement à
l’inertie produite par l’amour.
24
Cf. Diog. L. 8.14.
25
Philol. 44 B 14 DK.
26
Iambl. VP 18.55.
19
HORACE ET LE PYTHAGORISME
119
pythagorisme d’une époque plus proche d’Horace, parce que nous la retrouvons dans l’écrit que la tradition attribue à Timée de Locres27. Timée nous
dit très clairement que la fonction de la métempsycose est punitive et que par
là elle est aussi à l’origine des formes inférieures de vie. Il ajoute pourtant un
élément qui provient peut-être d’une couche plus récente du pythagorisme:
la fausseté des châtiments mythologiques des enfers. Il s’accorde sur cela
avec le Pythagore d’Ovide28, qui considère ces fables comme materies vatum, purs récits littéraires à rejeter résolument pour libérer l’âme de la
crainte de la mort, tandis que Timée les croit utiles à détourner les ignorants
des crimes et n’hésite pas à louer Homère pour sa description fantaisiste de
l’au-delà29.
On sait, en effet, que le pythagorisme de l’âge hellénistique, mais peutêtre déjà de Philolaos30, interprétait les châtiments infernaux de la mythologie comme une allégorie des passions qui nous tourmentent dans cette vie
terrestre – ce qui permit à Lucrèce31 de l’emprunter dans sa plaidoirie matérialiste contre la crainte de la mort32. Quelques échos de cette allégorie parviennent même à Horace, par la diatribe, lorsqu’il interprète le supplice de
Tantale comme le symbole de l’avare qui souffre la faim et la soif au milieu
de la richesse33.
À côté de l’idée ancienne de la réincarnation comme châtiment on rencontre chez Timée l’idée qui semblerait en être la conséquence naturelle:
l’inexistence de l’outre-tombe. Mais il ne semble pas qu’il en ait été ainsi
dans le pythagorisme plus ancien. Selon Diogène Laërte, Pythagore supposait un séjour dans l’au-delà entre deux incarnations34, et on racontait que
Pythagore lui-même avait rencontré aux enfers, entre autres, Homère et Hésiode, probablement punis à jamais35.
Sur l’arrière-plan de ces positions pythagoriciennes, essayons maintenant
de déterminer celle d’Horace dans l’ode d’Archytas.
Cette ode est peut-être la plus difficile de tout le recueil lyrique d’Horace.
Il faudrait un livre tout entier pour illustrer toutes les interprétations qu’on a
données de cette ode. Heureusement, le point le plus controversé n’affecte
27
Tim. Locr. 104c-e. Cf. Baltes 1972, 241-244.
Ov. Met. 15.155.
29
Tim. Locr. 104 d ejpainevw to;n ∆Iwniko;n poihta;n ejkplagevnta" poieu'nta tw;" ejnageva".
30
Cf. Plat. Gorg. 493b (qui fait partie du fr. 44 B 14 DK cité plus haut, note 25), où apparaît déjà une allégorie semblable du mythe des Danaïdes.
31
Lucr. 3.978-1023. À Rome on retrouve ce symbolisme chez Phaedr. append. 5.
32
Cf. Cumont 1920; Setaioli 1995b, 173-205, avec la littérature discutée.
33
Hor. Sat. 1.1.68-72.
34
Diog. L. 8.4 o{sa hJ yuch; ejn tw'/ ”Aidh/ e[paqe kai; aiJ loipai; tivna uJpomevnousi.
35
Diog. L. 8.21.
28
120
A. SETAIOLI
pas de façon décisive l’aspect qui nous intéresse. Il suffira, dès lors, de rappeler que l’ode a été interprétée tantôt comme un monologue tantôt comme
un dialogue, et que les savants ne sont même pas d’accord sur le personnage
ou les personnages qui parlent. Je signalerai seulement en note quelquesunes de ces interprétations, en privilégiant les plus récentes36. Pour ma part,
je crois qu’il s’agit du monologue d’un naufragé jeté mort sur la plage, et qui
s’adresse d’abord au philosophe pythagoricien Archytas, enterré non loin, et
ensuite à un marin, un nauta, qui passe près de la côte.
Dans cette ode, où quelqu’un adresse la parole au philosophe pythagoricien Archytas de Tarente, on a cru reconnaître un peu partout des éléments
imputables au pythagorisme. On a par exemple spéculé sur le nombre des
vers de la poésie et sur celui des parties en lesquelles on peut la diviser37; on
a vu une allusion aux recherches d’Archytas sur la limite et l’illimité38, et
jusque dans les personnages mythologiques – Tantale, Tithon et Minos –
36
L’ode est le monologue d’un naufragé pour Wilamowitz Moellendorff 1893; CallahanMusurillo 1964; Nisbet-Hubbard 1970, 317-318; Syndikus 1972, 263; Meier 1999; Filée
2000; D’Angour 2003. Elle est un monologue d’Archytas pour Ussani 1900, 119; Vessey
1976 (telle était déjà l’interprétation des scholiastes: Porph. et Ps. Acro ad Hor. C. 1.28.1, qui
néanmoins se contredisent plus loin: cf. Gualandri 1985, 77 n. 3). Elle est un monologue du
fantôme du pythagoricien hérétique Hippasos de Métaponte pour McKay 1977, 317-8. L’ode
est un dialogue entre le nauta et Archytas pour Petrone 1974; Turpin 1986. Entre un naufragé
défunt et Archytas pour Della Corte 1990, 111-115. Entre un viator (Ulysse? Le poète) et le
fantôme d’Archytas, aux enfers, pour Kilpatrick 1968, 201-206. Entre Horace et un naufragé
pour ‘Patricius’ 1965, et, de façon plus nuancée, pour Gualandri 1985. Pour Frischer 1984 les
premiers 20 vers sont prononcés par Horace, les suivants sont l’épitaphe sur le tombeau
d’Archytas; il a été probablement suivi par Shackleton Bailey 1985, 31-32, qui met entre
guillemets les vv. 21-36. Une variante se rencontre chez Cavarzere 1996, 186, qui attribue les
vv. 1-20 au poète et les vv. 21-36 à un a[tafo" qui s’adresse à Horace par l’épitaphe d’un
autre tombeau. On comprend bien pourquoi Pasquali 1920, 714, avouait: “non mi sento di
giudicare un carme che non comprendo appieno”. Les travaux qui offrent les revues les plus
complètes des interpétations de l’ode sont ceux de Filée 2000 et de Gualandri 1985, qui est
aussi la plus digne d’attention parmi les partisans du dialogue.
37
P. ex. Gantar 1984, 134 n. 35 (le nombre des vers de l’ode, 36, est le carré de 6); Filée
2000, 62 [36 est la somme des cubes de 1, 2 et 3; la première section de 20 vers correspond à
la somme des quatre premiers nombres pairs (2+4+6+8), tandis que la seconde de 16 vers résulte de l’addition des quatre premiers nombres impairs (1+3+5+7)].
38
P. ex. D’Angour 2003, 212 et 216-217, qui se réclame aussi des recherches du pythagoricien Hippasos de Métaponte, que déjà MacKay 1977 avait évoqué (cf. note 36). Cf. aussi
Gantar 1984, 128-130, qui pense aux recherches d’Archytas sur le problème de l’infini
spatial. On a même vu dans les mots aerias temptasse domos du v. 5 une allusion à la colombe de bois capable de voler qu’Archytas aurait fabriquée (Gell. 10.12.9): Filée 2000, 62.
Les mots numeroque carentis harenae ont été interprétés par quelqu’un par rapport au problème posé par le Yammivth" d’Archimède (p. ex. Gantar 1984, 127-128; Gualandri 1985, 80
n. 11). Frischer 1984, 75-76 nie cette relation.
HORACE ET LE PYTHAGORISME
121
nommés aux vv. 7-9 on a cru découvrir des symboles pythagoriciens39, tandis que Bernard Frischer a même imaginé qu’ils avaient été sculptés sur le
cénotaphe d’Archytas40. Mais toutes ces tentatives pour rechercher des allusions cachées au pythagorisme négligent ce qui saute aux yeux dès les premiers vers de notre ode.
On peut discuter sur le ton avec lequel le personnage imaginé par Horace
s’adresse à Archytas; on a souvent souligné qu’il l’admire comme savant,
malgré l’ironie qu’on décèle dans son attitude41; mais il faut aussi remarquer
que le jugement du locuteur à propos de Pythagore ne coïncide pas avec celui d’Archytas, comme le démontrent les mots iudice te, “à ton jugement”
(v. 14)42: c’est Archytas qui juge qu’il est non sordidus auctor / naturae verique, “un théoricien non méprisable des vérités naturelles”. Cette opinion ne
semble pas du tout partagée par le locuteur. Or, sur quoi porte ce jugement?
Les premiers vers de l’ode nous disent qu’Archytas, malgré toute sa
science, à dû mourir, comme quelques personnages célèbres du mythe et
comme son propre maître Pythagore, même s’il s’est vanté d’être revenu de
l’au-delà et d’avoir reconnu dans un temple le bouclier d’Euphorbe qui lui
avait appartenu dans une vie antérieure. Horace ne croit pas à la métempsycose, comme nous le verrons tout à l’heure; mais ce qui frappe le lecteur est
sa manière de la concevoir: elle n’est pas le châtiment d’une âme contrainte
à revenir dans un corps-tombeau, comme pour le pythagorisme authentique,
mais plutôt une garantie d’immortalité, et c’est comme telle qu’Horace la
rejette: comme une vantardise assurément illusoire, et qui de plus, même si
elle était fondée, nous ne montrerait qu’une réalité tout à fait écœurante.
On dit souvent que dans cette ode Horace soutient la mortalité totale de
l’âme. Nous n’avons malheureusement pas le temps de développer la conception horatienne de l’âme et de son destin, conception que j’ai essayé
d’esquisser dans les trois articles déjà cités43. Dans l’Enciclopedia Oraziana,
d’ailleurs, on trouve seulement l’article “Psiche”, dû à Claudio Moreschini44,
qui porte principalement sur les différentes facultés psychiques et leurs explications, analysées surtout à travers l’usage linguistique d’Horace, mais qui
traite très peu de l’âme comme substance et encore moins de son destin.
Malheureusement il n’y a pas d’article “Anima” dans l’Enciclopedia Oraziana. Mais il suffit d’examiner avec attention le contexte de cette ode pour
39
Cf. Délaunois 1963, ad loc.; Filée 2000, 63.
Frischer 1984, 87.
41
Cf. p. ex. Fedeli 1996, 604; Casertano 1996, 857; D’Angour 2003, 213.
42
Cf. p. ex. Frischer 1984, 76-77; D’Angour 2003, 213.
43
Setaioli 1995a; Setaioli 1997; Setaioli 2005, cités plus haut, notes 21-22. On ne trouve
pas grand-chose chez Oksala 1973, 173-178.
44
Moreschini 1997.
40
122
A. SETAIOLI
aboutir à des conclusions tout semblables à celles que j’ai atteintes dans les
articles cités à travers l’analyse de toute l’œuvre d’Horace.
On notera d’abord que le poète paraît accepter la conception du pythagorisme le plus ancien lorsqu’il dit que le Panthoïde Euphorbe (nous avons
déjà souligné l’ironie cachée dans cette appellation de Pythagore) fut renvoyé à nouveau aux enfers (iterum Orco / demissum, vv. 10-11), après avoir
reconnu le bouclier qui avait été le sien durant la guerre de Troie. Donc,
même si la métempsycose existait, il y aurait un temps intermédiaire entre
deux incarnations qu’on devrait passer aux enfers: une idée qui, nous l’avons
vu, est attribuée à Pythagore lui-même45. Il en résulte que, même si cela est
vrai, la métempsycose entraîne une succession de morts46 qui nous ramènent
continuellement aux enfers auxquels on croyait s’être soustraits. C’est pourquoi Horace fait cette apparente concession au pythagorisme; encore lui ôtet-il toute importance doctrinale du fait que, avant même de l’avoir faite, il
nous dit de manière tranchante que la mort est définitive: Euphorbe est bien
descendu aux enfers, mais, malgré tout, il y est encore: habentque / Tartara
Panthoiden (vv. 9-10). Le Tartare, donc, retient encore (le présent habent ne
doit pas nous échapper) son alter ego Pythagore47, malgré toutes ses prétentions de revenir au monde des vivants.
Pour le Pythagore authentique, cela va sans dire, c’est seulement par la
séparation d’avec le corps que l’âme peut atteindre son bonheur; mais Horace, lui, imagine-t-il vraiment dans cette ode qu’après cette séparation l’âme
soit totalement anéantie, comme on le dit souvent? Il faut naturellement accorder leur juste poids aux conventions littéraires, mais les vers que nous venons d’examiner ne nous permettent pas d’en tirer cette conclusion. Euphorbe existe encore dans un outre-tombe sombre et désolé, bien qu’il ne
puisse jamais revenir à la vie. La conception d’Horace, au contraire de celle
des pythagoriciens, posait que la plénitude de la vie était dans les joies de ce
monde. Il ne se lasse jamais de répéter qu’après la mort il n’y a plus de joie,
et devant la mort il parle comme l’insensé de Lucrèce; il dit à Postumus: “tu
devras abandonner la terre, la maison, la femme bien-aimée”48; Lucrèce fait
parler de cette manière son insensé: “bientôt ta maison et ta femme bien-aimée ne t’accueilleront plus”49. Et quoique Horace se cramponne à tous les
espoirs de survie dans la plénitude que la culture de son temps mettait à sa
disposition (survie par la poésie, pour lui-même et ses modèles Alcée et Sapho, dans des sedes… piorum séparées du reste de l’outre-tombe; par la
45
Cf. supra, note 34.
Cela est bien souligné par Gualandri 1985, 91.
47
Pythagore est placé dans l’au-delà encore par Marc. Aur. 6.47.3. Cf. 3.3; 4.48.
48
Hor. C. 2.14.21-22.
49
Lucr. 3.894-895.
46
HORACE ET LE PYTHAGORISME
123
gloire, pour les héros jusqu’à Auguste; par la renommée que le poète peut
conférer; etc.), il avoue, à la fin de sa vie, dans le véritable testament spirituel qu’on lit dans les derniers vers de l’épître à Florus, qu’il n’a pas réussi à
vaincre l’effroi de la mort50.
Son attitude ne se relie pas à une philosophie quelconque, même pas au
matérialisme épicurien, mais plutôt à des idées préphilosophiques, qui
n’excluent même pas la croyance aux fantômes et aux persécutions qu’ils
font subir aux vivants51. Il y a bien quelques passages, quoique pas tout à fait
univoques, où Horace semble exclure toute forme de survie de l’âme: la
mort, dit-il, est la dernière ligne52 et, ensuite, nous ne sommes que poussière
et ombre53. Mais la forme la plus fréquente que la représentation de
l’imaginaire d’outre-tombe reçoit chez Horace est bien celle, sombre et désolée, de l’au-delà homérique, où l’âme survit de manière affaiblie dans les
ténèbres, comme j’ai essayé de montrer dans les articles déjà cités.
C’est bien ce que l’on retrouve aussi dans notre ode. Il s’y trouve à ce
sujet deux passages qui méritent d’être mis en relief. Au vers 6 morituro
s’accorde-t-il avec tibi (v. 4) ou bien avec le plus proche animo (v. 5)? On a
trop hâtivement affirmé que dans le premier cas Horace soutiendrait la mortalité seulement de l’homme, qui survient lorsque l’âme se sépare du corps,
tandis que dans le second il faudrait penser qu’il considère l’âme elle-même
comme destinée à l’anéantissement54. Mais même si morituro doit être rattaché à animo, comme je le pense moi-même, cela est bien loin d’entraîner
cette conclusion. Le terme signifie seulement que l’âme se sépare du corps et
perd la plénitude de la vie dont elle jouissait sur la terre; mais quelque chose
d’Archytas, dont l’âme était destinée à mourir lorsque le philosophe était en
vie, doit survivre: on remarquera que le locuteur s’adresse à lui par un présent, comme à propos de Pythagore encore retenu (habent) dans le Tartare. Il
ne lui dit pas “il ne t’a servi à rien”, mais “il ne te sert à rien d’avoir mesuré
l’univers” – nec quicquam tibi p ro d e st (v. 4) –, comme s’il parlait à une
âme survivant encore, quoique sous une forme affaiblie, dans un outretombe ténébreux. Et n’oublions pas que, par le simple fait de lui adresser la
parole, il fait semblant de penser qu’Archytas existe encore de quelque manière. Et si, comme nous le croyons, la poésie est un monologue d’un mort
qui s’adresse à un autre mort, cette ode, comme on le verra, est loin de nier
50
Hor. Epist. 2.2.207.
Cf. p. ex. Hor. Epod. 5.91-96; Epist. 2.2.209. Cf. Sat. 1.8.29 et 40-41 pour l’évocation
des morts.
52
Hor. Epist. 1.16.78 mors ultima linea rerum est.
53
Hor. C. 4.7.16 pulvis et umbra sumus.
54
Gualandri 1985, 87.
51
124
A. SETAIOLI
de façon absolue une survie quelconque de l’âme55.
L’autre passage se trouve aux vv. 15-16: sed omnis u n a manet nox / et
calcanda s e m e l via leti. On y a vu une contradiction avec ce qu’Horace
avait dit plus haut sur Pythagore/Euphorbe renvoyé à nouveau aux enfers
(ite r u m Orco / demissum, vv. 10-11)56. Mais, justement, nous avons vu
qu’Horace n’évoque la réincarnation qu’après l’avoir vidée de toute signification doctrinale par la constatation préalable du caractère définitif de la
mort: Pythagore est encore aujourd’hui aux enfers (habentque / Tartara
Panthoiden, vv. 9-10). Una nox signifie “des ténèbres égales pour tous”57, et
calcanda semel via leti veut dire qu’il faut la parcourir “une bonne fois pour
toutes”; l’idée au premier plan est celle du caractère inévitable et définitif de
la mort, quoique la signification d’“une seule fois” soit bien présente aussi:
nous avons vu que le Tartare qui retient encore Pythagore ne permet pas
d’envisager un retour de l’au-delà, malgré les vantardises des pythagoriciens.
De ce qui précède devrait résulter clairement, désormais, que ce qu’Horace nie n’est pas la survie de l’âme dans un outre-tombe désolé, mais plutôt
la possibilité de se soustraire à la mort. La suite de la poésie, avec la demande de sépulture, confirme d’ailleurs que c’est bien la conception traditionnelle de la mort et de l’au-delà, telle qu’on la retrouve à partir d’Homère,
qu’Horace a à l’esprit dans cette ode.
Que personne ne peut échapper à la mort est un topos très répandu dans la
littérature antique, des écrits consolatoires à la diatribe, en passant par
l’épigramme. Il s’exprime souvent par une revue de grands personnages qui,
malgré leurs mérites ou leur puissance, durent en fin de compte mourir58. Il
s’agit du topos de l’“ubi sunt?”, qui fut développé avec une grande puissance
poétique par Lucrèce au troisième livre59, et connut ensuite une grande diffusion dans toute la poésie européenne. En France il suffit de rappeler la Ballade des dames du temps jadis et la Ballade des seigneurs du temps jadis de
François Villon: “mais où sont les neiges d’antan?”, “mais où est le preux
Charlemagne?”. Nous trouvons une liste de ce type dans notre ode aussi: Archytas est mort comme moururent Tantale, Tithon, Minos et son propre
55
Wilamowitz Moellendorff 1893, 6, voyait de l’ironie dans le discours d’un mort rejetant
la doctrine de la métempsycose. Frischer 1984, 72, se fonde sur cette prétendue difficulté pour
rejeter la thèse selon laquelle l’ode est le monologue d’un mort.
56
Cf. p. ex. Nisbet-Hubbard 1970, 329-330. Justes réserves chez Gualandri 1985, 90-91.
57
Si l’on accepte que iterum Orco / demissum n’est pas une véritable concession aux
croyances pythagoriciennes, on pourrait même y voir aussi l’idée d’“ininterrompue”, comme
chez Catull. 5.6 nox est perpetua una dormienda.
58
Sur ce topos v. en particulier Conte 1965.
59
Lucr. 3.1035-1044. Pour l’influence de ce passage lucrétien sur notre ode v. Grassi
2003, 221-225.
HORACE ET LE PYTHAGORISME
125
maître Pythagore avant lui. Nous avons déjà parlé de Pythagore. Pour ce qui
concerne les trois personnages mythologiques qui le précèdent, on remarquera d’abord qu’il s’agit de trois privilégiés, qui avaient été favorisés de
manière exceptionnelle par les dieux – ce qui, selon Horace, n’empêcha pas
leur mort.
De Tantale, à vrai dire, nous savons par Pindare que non seulement il dînait avec les dieux, comme nous le dit Horace, mais qu’il était devenu immortel en mangeant l’ambroisie et en buvant le nectar60; mais il est néanmoins l’une des figures les plus emblématiques de l’outre-tombe mythique,
où il est châtié par le supplice de la faim et de la soif ou par une pierre suspendue au-dessus de sa tête. De même, Minos, qui non seulement partageait
les secrets de Zeus, mais était aussi son fils, apparaît traditionnellement aux
enfers où il remplit la fonction de juge. Le cas est différent pour Tithon. On
sait qu’il avait été enlevé par Eos en raison de sa beauté. La déesse en fit son
époux et demanda à Zeus de le rendre immortel, mais en oubliant de solliciter aussi pour lui la jeunesse éternelle. Tithon veillissait donc de plus en plus,
mais sans jamais mourir. L’histoire est déjà racontée dans l’hymne homérique à Aphrodite; selon une tradition postérieure Tithon fut finalement
transformé en cigale61. Il n’y a pas de tradition fiable témoignant de la mort
de Tithon62. On a dès lors discuté sans fin sur la raison pour laquelle Horace
le fait mourir (occĭdit, v. 8)63. On a même proposé de corriger le texte pour
éliminer cette “poetic inexactitude”, comme l’appelle Griffith64, en lisant soit
Sithonius, c’est-à-dire “le Thrace”, Orphée65, soit Tithonius, à lire avec synérèse, c’est-à-dire Memnon, le fils d’Eos et de Tithon66. Je crois pourtant
qu’une solution satisfaisante est apportée par la comparaison avec un autre
60
Pind. Ol. 1.62-64 nevktar ajmbrosivan te / ... oi|sin a[fqiton / qevn nin.
Sur Tithon v. Schmidt 1916-1924; Wüst 1937.
62
Cf. Jackson 1997, 502. Le témoignage du Ps. Acro ad Hor. C. 2.16.19 tarde mortuus
est per damna deficientis aetatis paraît induit du texte même d’Horace. Cf. aussi Pieri 2004,
329.
63
Cf. p. ex. Griffith 1945; Campbell 1946; Robertson 1947; Rose 1947; Griffiths 1948;
Campbell 1948. Un compte-rendu complet de la discussion se trouve chez Pieri 2004, dont la
solution n’est pas pourtant acceptable. Quant à remotus in auras (v. 8), il se réfère probablement soit au ciel soit au lieu “au bout du monde” où Tithon fut transporté en vol par Eos.
C’est assurément un signe de distinction (cela correspond à conviva deorum, v. 7, et à Iovis
arcanis… admissus, v. 9), pas une allusion à sa mort, selon quelques interprétations; Brillante
1987, 72, y voit l’allusion à un ajfanismov" miraculeux de Tithon. Turpin 1986, 80, traduit:
“taken up by the winds”. On peut comparer Hor. C. 1.2.49-50 ocior aura / tollat.
L’expression fut bien comprise par Stat. silv. 1.2.44-45 alma per auras / … prensum aveheret
Tithonia biga.
64
Griffith 1945, 45.
65
Campbell 1946.
66
Pieri 2004.
61
126
A. SETAIOLI
passage lyrique d’Horace où il est encore question de Tithon.
Dans la seizième ode du deuxième livre, afin d’illustrer l’idée que personne n’est tout à fait heureux, le poète se réfère à Achille, qui mourut très
jeune, et à Tithon, qui fut “amoindri par une longue vieillesse”: longa Tithonum minuit senectus67. On a voulu voir dans ces mots une allusion à la transformation de Tithon en cigale68, mais il me semble qu’ils s’accordent plutôt
avec les sources qui nous parlent du rapetissement progressif du vieux Tithon, qui fut enfin placé dans un berceau, comme un enfant69. On se rappelle,
d’ailleurs, d’un autre être d’une vieillesse prodigieuse, la Sibylle, que chez
Pétrone Trimalcion raconte avoir vue renfermée dans une ampoule suspendue, demandant de mourir70.
Horace connaissait donc la version la plus répandue du mythe de Tithon.
Pourquoi l’a-t-il changée ici? Il est intéressant, à cet égard, de considérer
d’autres listes de grands trépassés chez Horace. On rencontre Numa Pompilius et Ancus Martius dans l’épître six du livre un71, et encore Ancus, accompagné par Tullus Hostilius et Énée dans l’ode sept du livre quatre72. Cette
ode est intéressante, parce qu’elle s’achève par deux autres exemples, mythologiques cette fois, destinés à prouver qu’il n’y a pas de retour de la mort:
Pirithous, et Hippolyte, que Diane ne rappela pas à la vie malgré sa pudeur:
infernis neque enim tenebris Diana pudicum / liberat Hippolytum73. Or, dans
l’Énéide Virgile raconte tout le contraire: Diane aurait bien ressuscité Hippolyte74. Le désaccord avec Virgile à propos d’Hippolyte a été dûment remarqué par les interprètes. Mais il y en a un autre encore plus frappant dans
l’ode, qui n’a pas été souligné comme il le devait75. Comme nous l’avons vu,
Énée aussi, dans cette poésie, se trouve dans l’outre-tombe. Or, dans
l’Énéide, Virgile s’empresse de nous faire savoir, au début et à la fin du
poème, par la bouche même de Jupiter, qu’Énée sera rendu immortel et reçu
au ciel76.
67
Hor. C. 2.16.30. Cf. Pers. 6.16 minui senio.
Pieri 2004, 325. De très intéressants développements sur le symbolisme de la cigale,
avec de fréquentes références à Tithon se trouvent chez Brillante 1987.
69
Cf. p. ex. Schmidt 1916-1924, 1025; Wüst 1937, 1517; King 1986, 20.
70
Petr. 48.8. Pour des conceptions semblables dans l’antiquité et dans le folklore moderne
v. Smith 1975, 131-132; King 1986, 22 n. 11.
71
Hor. Epist. 1.6.27 ire tamen restat, Numa quo devenit et Ancus.
72
Hor. C. 4.7.14-15 nos ubi decidimus / quo pius Aeneas, quo dives Tullus et Ancus, / pulvis et umbra sumus.
73
Hor. C. 4.7.25-26.
74
Verg. Aen. 7.765-777.
75
Mais cf. Traina 19862, 265; Fedeli-Ciccarelli 2008, 346.
76
Verg. Aen. 1.259-260 sublimemque feres ad sidera caeli / magnanimum Aenean;
12.794-795 indigetem Aenean scis ipsa et scire fateris / deberi caelo fatisque ad sidera tolli.
68
HORACE ET LE PYTHAGORISME
127
Dans un article intitulé Le Virgile d’Horace77 j’ai montré que le quatrième livre des Odes, et en particulier la dernière poésie, est rempli d’hommages à l’Énéide; mais, nous dit ici Horace, ni Hippolyte ni même le fondateur de la race romaine, célébré comme un dieu par le poème national, ne
purent se soustraire à la mort, quoi que Virgile ait prétendu. Dans le même
article j’ai aussi remarqué que le seul conflit véritable entre les deux amis
portait sur le caractère inévitable et définitif de la mort. La piété, la vertu que
Virgile attribue à Énée, et qu’Horace attribue à Virgile lui-même, ne peut
rien contre elle78; et, avec une sincérité qu’on ne trouve pas ailleurs, il lui dit
que même en chantant mieux qu’Orphée il ne fera pas revivre l’ami défunt79
– c’est-à-dire que même la poésie n’est pas en mesure de donner l’immortalité, contredisant ce qu’Horace s’efforce de croire par ailleurs ainsi que,
encore une fois, l’œuvre poétique de Virgile: cette fois le quatrième livre des
Géorgiques. Eh bien: Horace adopte des versions différentes des mythes
conférant l’immortalité lorsqu’il vise de façon polémique les positions de
quelqu’un qui, lui, l’affirme, qu’il s’agisse de Virgile ou des pythagoriciens.
C’est alors qu’il renverse purement et simplement ces histoires, tandis qu’il
ne se soucie pas de le faire là où il ne polémise pas, comme lorsqu’il fait
semblant de croire au pouvoir immortalisant de la poésie et qu’il suit la version traditionnelle du mythe en décrivant Tithon amoindri par la vieillesse80.
Dans notre ode, au contraire, il place ce héros, qu’on prétendait vieux mais
immortel, au milieu du groupe des personnages mythologiques qui ne purent
échapper à la mort malgré les honneurs que les dieux leur avaient rendus.
Mais dans notre ode Horace développe un autre thème qui, quoique ne
provenant pas nécessairement du pythagorisme, lui avait été souvent associé
et allait l’être de façon éclatante dans la représentation qu’Ovide donne de
Pythagore dans le dernier livre des Métamorphoses. J’ai analysé à fond ce
texte dans un article paru dans l’un des volumes d’hommage à Michael von
Albrecht81. On doit souligner d’abord qu’Ovide conçoit la métempsycose de
la même manière qu’Horace: comme la garantie que l’âme est immortelle et
que l’outre-tombe affreux de la mythologie n’existe pas: il n’est qu’un sim77
Setaioli 2006.
Hor. C. 2.14.2-4 nec pietas moram / rugis et instanti senectae / adferet indomitaeque
morti; 4.7.23-24 non te / restituet pietas; 1.24.11-12 tu [= Vergili] frustra pius, heu, non ita
creditum / poscis Quintilum deos. Dans C. 4.7.15 (v. supra, note 72), Traina 19862, 265 a raison de lire pius Aeneas plutôt que pater Aeneas. Cf. aussi Fedeli-Ciccarelli 2008, 345-6.
79
Hor. C. 1.24.13-18.
80
Ou du moins il ne le fait que de façon indirecte: dans C. 2.18.36-38 (hic superbum /
Tantalum atque Tantali / genus coercet) il place encore une fois Tantale aux enfers, comme
dans l’ode d’Archytas, mais il ajoute sa descendance; or, on sait par Homère (Od. 4.561-569)
que l’un des descendants de Tantale, Ménélas, échappa à la mort.
81
Setaioli 1998.
78
128
A. SETAIOLI
ple sujet de poésie: materies vatum82. Horace, nous l’avons vu, ne croit pas à
cette affirmation, si éloignée qu’elle soit du pythagorisme authentique. La
position d’Ovide est plus nuancée: il assortit cette idée pythagoricienne – ou
pseudo-pythagoricienne – de considérations matérialistes de facture lucrétienne destinées à combattre la crainte de la mort, mort qui ne peut atteindre
ni le corps ni l’âme83. Mais, comme l’âme de l’Archytas d’Horace a atteint
les demeures célestes et parcouru le ciel (aerias temptasse domos animoque
rotundum / percurrisse polum, vv. 5-6), de même, Ovide raconte que l’esprit
de Pythagore avait rejoint les dieux84. Plus loin Pythagore lui-même décrit de
façon bien plus vivante le vol de son esprit à travers le cosmos85. J’ai étudié
ce motif de façon détaillée dans l’article que je viens de citer86. On trouvait
déjà l’image du voyage céleste dans le proème de Parmenide87, et après Platon, qui l’emploie dans le Théétète88, elle devient un lieu commun, surtout
dans des textes marqués par le ton enthousiaste de la révélation. On la
trouve, par exemple, plusieurs fois chez Philon d’Alexandrie89, mais aussi
chez l’épicurien Lucrèce, dans sa description du voyage de l’esprit d’Épicure
à travers le cosmos90, et chez Manilius91 et les astrologues grecs92; et on
pourrait ajouter bien d’autres écrivains93.
Mais dans la plupart de ces textes il s’agit d’une métaphore; à partir de
Platon c’est la diavnoia, la pensée ou l’esprit de l’homme, qui entreprend ce
82
Ov. Met. 15.155.
Ov. Met. 15.153-159 o genus attonitum gelidae formidine mortis, / quid Styga, quid
manes et nomina vana timetis, / materiem vatum, falsique pericula mundi? / Corpora, sive
rogus flamma seu tabe vetustas / abstulerit, mala posse pati non ulla putetis: / morte carent
animae semperque priore relicta / sede novis domibus vivunt habitantque receptae.
84
Ov. Met. 15.62-64 isque licet caeli regione remotus / mente deos adiit et, quae natura
negabat / visibus humanis, oculis ea pectoris hausit. Pour le thème de l’“œil de l’âme” qu’Ovide joint ici à celui du “vol de l’esprit” v. Setaioli 1998, 493 ss.
85
Ov. Met. 15.147-149 iuvat ire per alta / astra, iuvat terris et inerti sede relicta / nube
vehi validisque umeris insistere Atlantis. On pourra aussi se référer à Ov. Fast. 1.295-308.
86
Cf. aussi la riche bibliographie discutée dans cet essai, en particulier Jones 1926, encore
utile, quoiqu’il ne soit plus nécessaire aujourd’hui de prouver que ce thème n’a pas été mis en
vogue par Posidonius. V. aussi Festugière 1949, 441-459.
87
Parmen. 28 B 1 DK.
88
Plat. Theaet. 173e-174a (en citant Pind. fr. 292 Maehler).
89
Philo Opif. Mund. 69-71; Spec. Leg. 1.37; 2.45; Leg. Alleg. 3.84; Quis Rer. Div. Her.
239; cf. Quod Det. Pot. Ins. Sol. 89. Pour Philon v. Méasson 1986.
90
Lucr. 1.72-77; cf. aussi Cic. fin. 2.102.
91
Manil. 4.905-910.
92
P. ex. Vett. Val. 6, pr. 9, p. 231.6-8 Pingree. Philon polémise contre l’appropriation de
ce thème par les astrologues: De Migr. Abr. 184; De Somn. 1.53-54.
93
P. ex. Cic. Nat. Deor. 2.153; p. u{you" 35.2-3; Sen. De Ot. 5.6; le début du De Mundo
ps. aristotelicien; Asclep. 6, et bien d’autres textes hermétiques.
83
HORACE ET LE PYTHAGORISME
129
voyage cosmique; or, ce qui nous intéresse surtout, ce sont les précédents
chamanistes de cette conception, qui supposait à l’origine un vol matériel ou,
au moins, une véritable translation psychique. Nous en avons trouvé quelques traces dans la description de son propre vol par le Pythagore ovidien.
En particulier, se faire transporter sur les nuages, comme il le dit (nube vehi,
v. 149), n’a, à ma connaissance, qu’un seul parallèle, qui se trouve dans un
papyrus de Bologne que j’ai étudié il y a bien longtemps94, et qui contient un
poème, peut-être orphique, décrivant l’outre-tombe; on y rencontre dans les
Champs Elysées les âmes des poètes qui durant leur vie ont chanté, comme
Hésiode, les œuvres des hommes et la généalogie des dieux, et ont chevauché les nuages aériens (hjerivwn ejfuv[p]erqen ojchsavmenai ne[felavwn)95.
Cette image est bien le reste d’une traditon chamaniste dont les racines
s’enfoncent dans des conceptions archaïques proches de la magie – une
sphère dont la figure de Pythagore, comme la légende l’avait bientôt décrit,
fait partie à juste titre. On attribuait, au sens littéral, la capacité de voler à
plusieurs personnages associés à lui, aussi bien qu’à Orphée. Et il ne doit pas
nous échapper qu’il s’agit presque toujours de figures unissant la qualité de
chaman et celle de poète inspiré. On disait cela, par exemple, d’Abaris96 et
de Musée97, et on attribuait des translations psychiques à Aristée de Proconnèse98 et à Hermotime99. Or, celui-ci était l’une des incarnations précédentes
de Pythagore lui-même100, dont d’ailleurs on racontait des miracles semblables, comme l’ubiquité101. Nous avons vu que chez les philosophes l’idée du
vol de l’âme finit par devenir une métaphore pour signifier l’élan de l’esprit
vers les vérités supérieures; mais la conscience de cette transition s’entrevoit
encore chez Maxime de Tyr, qui rapproche Aristée de Proconnèse de Pythagore, en mentionnant aussi son incarnation comme Euphorbe, et illustre par
des références platoniciennes le passage de la conception chamaniste à la représentation philosophique102.
Archytas, en pythagoricien qu’il était, pouvait bien être considéré comme
capable d’un vol de l’esprit destiné à lui permettre d’atteindre la connaissance des vérités cachées. Cicéron nous fait connaître une formule d’Archy94
Setaioli 1970.
PBol 4, v. 105 Lloyd-Jones-Parsons.
96
Abaris était appelé aijqrobavth" et se mouvait ajerobatw'n (Porph. VP 29; Iambl. VP
136; cf. 91). Sur Abaris et les autres figures semblables v. Dodds 1959, 171-174.
97
Selon Paus. 1.22.7. V. Rzach 1933, 760.
98
Cf. Plin. NH 7.174; Max. Tyr. 10.2-3; 38.3.
99
Cf. Plin. ibid.; v. Wellmann 1912, 904; Dodds 1959, 177-180.
100
Cf. Diog. L. 8.5; Porph. VP 45; Hippolyt. Philos. 2.10, p. 557.7 Diels.
101
Pyth. 14.7 DK.
102
Max. Tyr. 10.2-3. Le thème du vol de l’esprit a été développé à plusieurs reprises par
Maxime de Tyr: cf. 11.10; 16.6; 38.3.
95
130
A. SETAIOLI
tas imaginant se trouver au sommet du ciel103. Selon le père Festugière104 cette idée aurait pu suggérer à Platon celle de l’ascension depuis les bas-fonds
terrestres où nous habitons jusqu’à la surface sphérique de la terre baignée
du pur éther, qu’on trouve dans le Phédon105. Bien plus, le savant anglais J.S.
Morrison106 se fonde sur notre ode pour soutenir que l’image platonicienne
du voyage céleste des âmes qu’on rencontre dans le Phèdre107 provient d’Archytas. Pour ma part, je pense qu’il est difficile, à partir de ce que Cicéron et
Horace attribuent à Archytas, de déduire que ce philosophe pythagoricien
concevait le vol de l’esprit autrement que de façon métaphorique.
On pourra pourtant, peut-être, reconnaître l’image du vol de l’esprit au
début même de notre ode, sans la limiter aux expressions des vv. 5-6 aerias
temptasse domos animoque rotundum / percurrisse polum. Au début de l’ode
Horace nous dit qu’Archytas a mesuré la mer, la terre et le sable infini108. On
a souvent reconnu dans l’expression terrae… mensorem la traduction du
grec gewmevtrh"109; mais l’idée de la mesure s’accompagne fréquemment de
celle du vol de l’esprit, spécialement, c’est vrai, par rapport au cosmos110, et
Sénèque achève la préface au premier livre des Questions naturelles en parlant de la mesure de Dieu lui-même (mensus deum)111.
Mais Horace, lui, que pensait-il vraiment de cette représentation? Bien
avant lui le thème du vol de l’esprit, en version chamaniste ou philosophique, avait fait l’objet de bien des plaisanteries. Nous en trouvons un échantillon dans les Nuages d’Aristophane, où Socrate est représenté “marchant
dans l’air” (ajerobatw')112 et “suspendant en haut sa pensée”113 afin de s’enquérir de la nature du soleil et des choses d’en haut. Une parodie plaisante se
retrouve encore dans l’Icaroménippe de Lucien, où Ménippe monte luimême au ciel, et, entre autres, y rencontre Empédocle – le dernier chaman
103
Cic. Lael. 88 verum ergo illud est, quod a Tarentino Archyta, ut opinor, dici solitum
nostros senes commemorare audivi ab aliis senibus auditum: “si quis in caelum ascendisset,
naturamque mundi et pulchritudinem siderum perspexisset, insuavem illam admirationem ei
fore; quae iucundissima fuisset, si aliquem, cui narraret, habuisset”.
104
Festugière 1949, 447 n. 3.
105
Plat. Phaedo 109b-e.
106
Morrison 1957, 215-216.
107
Plat. Phaedr. 246a-248e.
108
Hor. C. 1.28.1-2 te maris et terrae numeroque carentis harenae / mensorem.
109
Cf. p. ex. Nisbet-Hubbard 1970, 320; Gualandri 1985, 80 n. 11.
110
P. ex. Lucian. Icarom. 6 oujranou' te pevrata diora'n e[faskon kai; to;n h{lion periemevtroun; Asclep. 6 caelum… metitur; Nemes. 1, p. 15.64 Morani ajstevrwn... mevtra.
111
Sen. Nat. Quaest. 1, pr. 17.
112
Aristoph. Nub. 225.
113
Aristoph. Nub. 229 kremavsa" to; novhma kai; th;n frontivda.
HORACE ET LE PYTHAGORISME
131
grec, comme l’appelle Dodds114 – qui, comme le Socrate d’Aristophane, “marche dans l’air” (il emploie le même verbe: ajerobatw')115.
Et Horace? Dans l’épître douze du livre un il traite le topos du vol de
l’esprit en se référant à Démocrite, dont Diogène Laërte rapporte l’admiration qu’il avait pour Pythagore116, et à propos duquel Cicéron nous dit qu’
“il voyageait à travers tout l’infini”, par l’esprit, naturellement117. Voici ce
qu’en dit Horace, qui ailleurs critique Démocrite pour ses doctrines irrationnelles sur la poésie118: “nous nous étonnons si l’on laissa le bétail paître
librement dans les champs de Démocrite, pendant que son âme, rendue rapide par la séparation du corps, se trouvait à l’étranger”119. On ne peut pas
méconnaître ici l’ironie contenue dans la représentation de l’âme qui va “à
l’étranger” (peregre)120 en abandonnant son corps aussi bien que ses possessions, qui courent en effet à leur ruine. Ici le vol de l’âme est une représentation ridicule qui se révèle en réalité nuisible. Dans le cas d’Archytas, nous
l’avons vu, c’est une vantardise inutile, qui ne sauve pas de la mort. Horace
a-t-il donc totalement rejeté l’idée de l’élan de l’âme? Il l’a bien sûr fait à
propos de la recherche scientifique et de la philosophie; et pourtant notre
poète a connu, lui aussi, l’élan de l’âme. Écoutons-le: “l’esprit et l’âme
m’emmènent à la campagne et désirent briser les obstacles qui les empêchent
de flâner”121. On reconnaît ici l’influence des images que Lucrèce avait appliquées au vol de l’intellect d’Épicure122; chez les deux poètes les protagonistes sont la mens et l’animus, et ici, aussi bien que là, on brise les remparts
qui nous enserrent: chez Lucrèce il s’agit des “remparts de feu du cosmos”;
chez Horace, bien plus modestement, des empêchements qui le retiennent
loin de la campagne; mais ce fut seulement pour la campagne qu’Horace
connut l’amour enthousiaste que d’autres esprits portèrent à la philosophie et
à la science.
Université de Perugia
ALDO SETAIOLI
114
Dodds 1959, 183-184.
Lucian. Icarom. 11 et 13 respectivement. Dans le second passage Empédocle dit: ejn th'/
selhvnh/ katoikw' ajerobatw'n ta; pollav.
116
Diog. L. 9.38.
117
Cic. Tusc. 5.114 <in> infinitatem omnem peregrinabatur.
118
Hor. Ars Poet. 295-298. Cf. Fedeli 1996, 604.
119
Hor. Epist. 1.12.12-13 miramur, si Democriti pecus edit agellos / cultaque dum peregre est animus sine corpore velox.
120
Il y a peut-être une parodie de la représentation lucrétienne d’Épicure, qui par son intellect a parcouru (peragravit, 1.74) l’infini.
121
Hor. Epist. 1.14.8-9 istuc [= à la campagne] mens animusque / fert et amat spatiis
obstantia vincere claustra.
122
Lucr. 1.72-74 ergo vivida vis animi pervicit et extra / processit longe flammantia moenia mundi / atque omne immensum peragravit mente animoque.
115
132
A. SETAIOLI
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134
A. SETAIOLI
ABSTRACT:
Horace’s allusions to Pythagoras and his doctrines often carry mocking overtones. In particular, he rejects the belief in metempsychosis, taken as an empty boast entailing the pretension
to overcome death and the bleakness of Hades.
KEYWORDS:
Horace; Pythagoras and Pythagoreanism; metempsychosis; life and death.