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Quelques aperçus sur l’histoire des villes Les grandes revues françaises d’histoire (1876-1968) L’enquête présentée ici a été initiée par Patrice Bourdelais et Jean-Luc Pinol et porte sur les usages du mot “ville” dans les revues d’histoire précedent la période clairement identifiée de l’histoire urbaine, qui s’impose en France à la fin des années 19601. Il s’agit de tester la validité d’une conception assez généralement partagée, selon laquelle on serait passé à cette époque en France d’une histoire “dans la ville” à une histoire “de la ville”. De ce point de vue la thèse sur la ville de Caen de Jean-Claude Perrot2 serait le marqueur de l’apparition d’un questionnement sur la ville chez les historiens. En conséquence, pour qui s’intéresserait aux recherches sur la ville d’avant la fin des années 1960, c’est en dehors de la discipline historique qu’il faudrait aller voir. Or, il suffit de renvoyer aux grands travaux de Pirenne, dès les années 1880, sur l’origine des constitutions urbaines3, pour remettre en cause cette affirmation et être tenté d’aller plus loin en interrogeant les productions passées. L’enquête se limite ici aux articles publiés dans trois revues : la Revue historique, la Revue d’histoire moderne et contemporaine, et les Annales E.S.C4. Cette liste aurait pu se trouver augmentée d’autres revues généralistes, voire de revues régionales, mais nous nous sommes limités ici à une première approche qui devrait permettre de poser les éléments essentiels d’une chronologie. La période retenue est celle des années 1876-1968, elle commence avec la Revue historique et s’achève au moment où Jean-Claude Perrot soutient sa thèse. Le corpus retenu compte 225 articles, nombre obtenu à partir d’une première liste de 400 titres d’articles choisis, soit pour l’usage explicite des mots ville, cité, urbain et de leurs dérivés, soit pour l’usage d’un nom de ville. Les textes exclus l’ont principalement été parce qu’ils renvoyaient à la localisation d’un événement, ou à une métonymie (Rome pour la papauté…). 1 Cette étude a été rendue possible par l’obtention d’une ACI du CNRS intulée : “Invention des questions, invention des sources de l’histoire urbaine (France et Europe du Sud)”. 2 Jean-Claude Perrot, Genèse d’une ville moderne Caen au XVIIIe siècle, Mouton & Co et Éds. de l’E.H.E.S.S.,Paris, 1975. 3 Dans la Revue Historique, on verra, en 1893, son article sur “L'origine des constitutions urbaines au moyen âge”. 4 Si la Revue Historique conserve son nom tout au long de la période, en revanche, les Annales changent de nom, plusieurs fois (Annales d’histoire économique et sociale jusqu’en 1939, elles sont ensuite les Annales d’histoire sociale de 1939 à 1942, puis les Mélanges d’histoire sociale de 1942 à 1944, puis les Annales d’histoire sociale en 1945 et deviennent les Annales Économies, société civilisation à partir de 1946). Quant à la Revue d’histoire moderne et contemporaine, elle n’existe pas tout au long de la période : présente de 1899 à 1914, elle se transforme en Revue d’histoire moderne de 1926 à 1940, puis les Études d’histoire moderne et contemporaine de 1947 à 1953, et redeviennent ensuite la Revue d’histoire moderne et contemporaine à partir de 1953. 1 225 articles en 92 ans. Les 225 articles représentent, en moyenne, 2,5 articles par an, mais cette indication n’a que peu de sens puisque le nombre des revues étudiées et la production totale varient dans le temps. De 1876 à 1899, la Revue historique est seule, de 1899 à 1918 s’y adjoint la Revue d’histoire moderne et contemporaine. De 1918 à 1926, la Revue historique est à nouveau Ensemble des revues 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1876-1885 1886-1895 1896-1905 1906-1915 1916-1925 1926-1935 1936-1945 1946-1955 1956-1965 seule, puis apparaît la Revue d’histoire moderne qui existe jusqu’en 1940. En 1929 sont apparues les Annales d’histoire… qui se maintiendront après 1968 tout comme la Revue historique. En 1947 paraissent les Études d’histoire moderne et contemporaine qui seront remplacées en 1954 par la Revue d’histoire moderne et contemporaine. De fortes variations donc, qui se trouvent encore complexifiées par la variation du nombre des numéros par an (entre 4 et 6) selon les moments. La moyenne par numéro de revues, à raison d’un peu plus de 750 volumes pour la période est d’environ un article sur la ville toutes les trois livraisons et demie (sachant que le nombre de livraisons annuelles varie entre 4 et 14). Si la production d’articles sur la ville ne variait pas du fait d’une évolution de l’intérêt pour la question, mais simplement en fonction des possibilités de publication, on aurait alors une croissance du nombre des articles du seul fait de l’augmentation du nombre des livraisons de revues. 2 Dans Production théorique calculée en tenant compte du nombre de livraisons et du nombre d'articles de 1876 à 1968 les faits, s’il est certain 4,5 qu’il 4 existe une très forte relation 3,5 3 entre la production 2,5 théorique (calculée 2 1,5 en fonction d’une 1 moyenne annuelle et 0,5 du 0 nombre 1966 1956 1946 1936 1926 1916 1906 1896 1886 1876 livraisons) de et la production observée, on peut cependant déterminer des moments particuliers d’intérêt pour la ville dans les revues d’histoire. Comparaison entre production théorique et production observée en tenant compte du nombre de livraisons et du nombre d'articles 14 production théorique Production observée 12 10 8 6 4 2 1966 1963 1960 1957 1954 1951 1948 1945 1942 1939 1936 1933 1930 1927 1924 1921 1918 1915 1912 1909 1906 1903 1900 1897 1894 1891 1888 1885 1882 1879 1876 0 Ce graphique met tout d’abord en évidence une forte variation de la production tout au long de la période qui s’étend de 1876 à 1968. On n’a pas ici un moment où l’histoire des villes serait constamment absente puis un moment où elle serait toujours présente, mais on 3 peut avoir, à moins de dix ans d’intervalle, une période sans article, suivie d’une forte production elle-même suivie d’une disparition des articles sur la ville. Ce graphique permet par ailleurs de voir que si les relations entre production théorique et production observée sont fortes, il n’en existe pas moins des moments de surproduction, autour de 1900, entre 1927 et 1940, puis entre 1950 et 1968. Pour affiner, il est possible d’analyser la fluctuation par rapport à la production théorique, en la décrivant comme une variation à la moyenne. Moyenne annuelle du nombre des articles par livraisons de revue 9 8 Écart à la moyenne Moy. mobile sur 5 pér. (Écart à la moyenne) 7 6 5 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 1964 1956 1948 1940 1932 1924 1916 1908 1900 1892 1884 1876 -5 On retrouve ici la forte variation tout au long de la période ainsi que les moments d’intérêts pour l’histoire des villes. En revanche, ce qui se dégage à l’étude de la courbe constituée à partir des moyennes mobiles c’est l’existence de deux moments particuliers (les années 1925-39 et les années 1950-1960) pendant lesquels la ville semble occuper une place plus forte dans les préoccupations des historiens. À un moindre niveau, on pourrait également évoquer un court instant, pendant les années 1880, qui serait suivi d’un deuxième moment autour de 1900. Inversement, il faut insister sur le désintérêt relatif des années 1902 à 1925, et des années 1940-1950. La période 1970-2000 a donc été précédée d’au moins un autre moment fort d’intérêt pour la ville. Notons cependant que la période 1950-1968 s’achève par un effondrement, après 1962, de la production sur la ville dans les trois revues. 4 La variation thématique De nombreuses discussions ont précédé l’élaboration d’une grille de dépouillement thématique, qui tout imparfaite qu’elle est, n’en permet pas moins quelques analyses5. Une première analyse thématique consiste à étudier la répartition de l’ensemble des articles publiés entre 1876 et 1968. Nombre d'articles Répartition thématique des articles publiés dans les trois revues entre 1876 et 1965. 24 Revues généralistes 1876-1965 22 Institutionnel urbain et administration dans la ville 20 18 La fonction La population La forme et le bâtit 16 Le social et le professionnel 14 La religion Le culturel et la représentation 12 10 8 6 4 2 0 1876-1885 1886-1895 1896-1905 1906-1915 1916-1925 1926-1935 1936-1945 1946-1955 1956-1965 Si l’on tente de décrire rapidement les évolutions, ce qui se distingue c’est le passage d’une domination de la thématique institutionnelle jusqu’en 1935 à la thématique fonctionnelle après 1935. De façon très caricaturale, on pourrait dire ici qu’à l’histoire politique succède l’histoire économique. En affinant, on insisterait sur la forte croissance d’une nouvelle thématique après 1926 : le social et le professionnel. On voit bien derrière cette présentation ce qui domine, il y aurait en histoire des villes un avant et un après Annales… Dans cet ordre d’idées, le moment particulier de l’intérêt pour la thématique 5 Deux autres classifications ont été testées. Si les résultats en sont différents, il semble que les moments les plus intéressants restent les mêmes. 5 fonctionnelle entre 1896 et 1905 serait la réaction aux travaux de Pirenne. Les fondateurs des Annales ont d’ailleurs fait de Pirenne leur collaborateur6. Si cette idée a probablement du sens, il semble cependant qu’il faille fortement la corriger en ne s’intéressant pas seulement à ce qui semble dominer. En effet, la proportion de textes rattachés à d’autres thèmes varie également dans le temps. Faible jusqu’en 1925 (le plus souvent inférieur à 15% malgré une pointe vers 1900 à 23%, ils connaissent une forte croissance entre 1926 et 1935 (30%) pour perdre ensuite, au moins proportionnellement, leur importance (- de 10% au moment de la Deuxième Guerre mondiale, il ne remonte à 22% qu’après 1956). On rapprochera le mouvement ainsi déterminé de ceux évoqués auparavant et qui fournissait un rythme des évolutions assez semblables. En effet, on retrouve les pointes des années 1900, celles des années 1930 et celles de l’après-guerre. Sans que l’on puisse de façon certaine relier ces deux processus aux rythmes proches, on n’en retiendra pas moins l’idée qu’il serait possible de dépeindre les évolutions de la production de textes portant sur la ville dans les trois revues d’histoire comme connaissant, au moins en apparence trois moments : le premier autour de 1900, le deuxième pendant les années trente, le dernier pendant les années 1950-1965. Parmi ces trois moments, on distinguera celui des années 1930 qui se caractérise par une ouverture des questionnements de l’histoire des villes sur des thématiques diverses. Dès lors, la description qui insiste sur la relation stricte entre l’histoire des villes et une historiographie qui vise à démontrer la succession des courants allant de l’institutionnel à l’économie et la société tient mal. Ajoutons d’ailleurs que la thématique institutionnelle se maintient sur la période. Afin de tenter d’avoir une vision un peu différente de celle que nous venons d’utiliser, il est possible de représenter les thématiques en tenant compte du nombre de livraisons. Ainsi, ce ne sera plus en chiffres absolus, mais en proportion que nous pourrons comprendre les évolutions7. Répartition thématique pondérée 6 Charles-olivier Carbonell, L’historiographie, Paris, PUF, 1981, p. 109. Pour un aperçu des productions de ces revues, on se reportera à H.L. Wesseling, “The Annales School and Writing of Contemporary History”, Review, I, Hiver 1978, pp. 185-194. 7 6 0,16 0,14 Institutionnel urbain et administration dans la ville La fonction 0,12 Proportion d'articles La population 0,1 La forme et le bâtit 0,08 Le social et le professionnel 0,06 La religion 0,04 Le culturel et la représentation moyenne de production par thème 0,02 0 1876-1885 1886-1895 1896-1905 1906-1915 1916-1925 1926-1935 1936-1945 1946-1955 1956-1965 Le graphique montre bien l’importance proportionnelle de chaque thématique tout au long de la période. Ainsi les questions institutionnelles entre 1886 et 1895 sont elles aussi importantes dans l’ensemble de la production que celles portant sur les fonctions urbaines en fin de période. Le fait de pouvoir rapprocher la production thématique d’articles sur la ville avec la moyenne par thème permet de revenir sur l’idée évoquée plus haut de “thématique dominante”. Il semble sur ce point possible d’opérer un classement des thématiques nettement plus fin. Il est évident de ce point de vue que la pertinence de cette opération augmente avec le nombre d’articles réellement produit. Ainsi, entre 1876 et 1885, il est difficile d’attribuer une signification forte au fait que le thème social et professionnel dépasse la moyenne : il ne s’agit que d’un article. En revanche, la période 1896-1905, malgré un nombre d’articles réduit (13) conserve son intérêt en même temps parce qu’elle est le moment d’une diversification des thèmes, et celui de la très forte croissance (de courte durée) de la thématique fonctionnelle. Le plus intéressant semble être que les années 1926-1935 sont celles de l’évidente domination de l’institutionnel et de la fonction, tout en plaçant clairement le social et le professionnel dans le groupe des thématiques moins présentes. L’idée de la diversité est donc encore renforcée pour ce moment. En effet, avec 13 articles en dehors des deux thématiques dominantes, c’est plus du tiers de la production (37%) qui alimente l’idée d’une diversification de la production. Il semble pour finir que les années qui courent de 1936 à 1955 forment une sorte de transition avant qu’un modèle dominant — mêlant thématiques 7 fonctionnelle, institutionnelle et sociale — ne s’impose, entre 1951 et 1965. À cette date, la production non dominante est inférieure au quart des 68 articles publiés. Comme nous l’avions vu lors de l’étude de la répartition de l’ensemble de la production sans différenciation thématique, il semble évident que trois moments particuliers de discours sur la ville méritent d’être étudiés. Le premier, et peut-être le moindre, est celui des années du tournant du siècle. Là, c’est l’importance de la thématique fonctionnelle qui semble devoir être mieux comprise, même si la coprésence d’autres thématiques mérite au moins un rapide examen. Le deuxième moment qui semble a priori le plus intéressant est celui des années 1928-1939. En effet, ces années semblent être le moment d’une curiosité tous azimuts pour la ville. Ce sont en effet 60 articles qui sont écrits à ce moment, qui voit la domination — jusqu’ici presque sans partage — de la thématique institutionnelle remise en cause non seulement par la croissance de la thématique fonctionnelle, mais encore par toutes les autres. Les thèmes non dominants forment un ensemble de même poids que les questionnements relatifs aux institutions ou aux fonctions. C’est justement dans cette diversité que réside la spécificité de la période, puisqu’elle sera suivi d’un troisième moment qui nous est plus connu et dans lequel s’imposent les thématiques fonctionnelles, institutionnelles et sociales et professionnelles. Notons cependant qu’il faut bien se garder de voir dans cette dernière période la simple application d’une historiographie dominante constituée au croisement de l’économie et de la société. Ici l’histoire de la ville conserve sa particularité en cela qu’elle maintient son intérêt pour les aspects institutionnels qui perdent en importance dans bien d’autres champs de la recherche historique. Autant de productions que de revues ? Nous avons tenté plus haut d’évacuer au moins en partie une approche qui ferait varier les questionnements sur l’histoire des villes en deux temps : avant et après les Annales d’histoire économique et sociale. Il faut revenir ici sur cette question en tentant de dépasser le refus de principe. C’est donc ici au travers d’une étude des publications d’articles par revue que nous essayerons de comprendre l’ensemble des évolutions évoquées jusqu’ici. 8 Publication d’articles (225) en histoire des villes dans les trois revues 1876-1965 55 50 Annales 50 45 Revue historique 40 Revue d'histoire moderne et contemporaine Nombre d'articles 35 30 25 20 20 15 15 14 12 11 10 6 7 5 7 10 13 7 7 9 3 6 4 8 1946-1955 1956-1965 4 0 1876-1885 1886-1895 1896-1905 1906-1915 1916-1925 1926-1935 1936-1945 Il semble possible de décrire les évolutions de ce graphique en cinq temps. Le premier est celui de la domination sans partage de la Revue historique entre 1876 et 1895 (et en fait jusqu’en 1899). Pendant cette période, cette publication est la seule revue généraliste de la discipline historique. D’autres revues existent et peuvent publier des articles sur la ville, mais aucune ne semble avoir la stature de la Revue historique. Le deuxième temps est celui d’une augmentation du nombre des revues dans les sciences sociales qui touche la discipline historique avec, par exemple, la naissance de la Revue d’histoire moderne et contemporaine. Cette deuxième période qui se solde par l’échec de la Revue d’histoire moderne et contemporaine, si elle entraîne d’abord une faible chute des publications sur la ville dans la Revue historique n’a pas dans les faits de résultats importants sur le nombre des publications. La Revue d’histoire moderne et contemporaine semble donc s’ajouter à la Revue historique dans un contexte de concurrence apparemment peu active en ce qui concerne l’histoire des villes. La chute rapide de la production dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine après 1906 montre en quelque sorte qu’elle n’a pas réussi à s’imposer à ce moment donné ; ce qui sera sanctionné par sa disparition en 1918. Le troisième temps assez court va de 1919 à 1925 et voie le retour de la suprématie de la Revue historique. L’absence de concurrence forte explique peut-être ici la stabilité à un bas niveau des publications sur la ville. Le quatrième temps en revanche est celui de l’apparition, ou de la réapparition de revues généralistes 9 (Annales HES et Revue d’histoire moderne) et va être le moment d’une forte croissance des publications sur la ville, tant en général qu’au niveau de la Revue historique qui passe de 7 articles pour 10 ans entre 1906 et 1925 à 11 articles en 10 ans entre 1926 et 1935. L’histoire de la ville, qui n’était pas une question dominante de l’historiographie jusqu’à cette date, semble donc devenir un terrain où la concurrence entre revues se développe. C’est d’ailleurs dès 1926 que la production observée dépasse la production théorique d’articles sur la ville. Le dernier temps, de 1936 à 1965, est celui de l’effondrement de l’histoire des villes dans la Revue historique qui semble progressivement laisser le terrain libre à une revue très dynamique : les Annales. Pour cette revue, dernière arrivée, la croissance est constante depuis 1929 et s’accentue après 1955. Après cette date, il semble bien que l’histoire de villes soit principalement traitée dans cette seule revue généraliste (50 articles entre 1956 et 1965 contre 18 articles dans les deux autres revues soit presque les trois quarts de la production). Quant à la Revue d’histoire moderne…, il semble que ce soit avec le retour de la Revue d’histoire moderne et contemporaine que l’histoire des villes reprenne un peu de place dans cette publication. Lorsque l’on tente d’analyser plus finement les publications d’articles sur la ville dans ces trois revues, il est possible de dépasser une présentation décennale et d’en revenir à la production annuelle. Rythme annuel de publications des trois revues 10 Annales d'Histoire Revue historique 8 Revue d'histoire moderne… 6 4 2 10 1966 1961 1956 1951 1946 1941 1936 1931 1926 1921 1916 1911 1906 1901 1896 1891 1886 1881 1876 0 On retrouve les tendances qui viennent d’être évoquées pour les courbes décennales, mais s’y ajoute, dans le cas particulier des Annales…, un phénomène de très forte production pendant les années 1960-1962 (1960 10 articles ; 1961 9 articles ; 1962 8 articles). Le phénomène est d’ailleurs encadré par de fortes années de production entre 1957 et 1965 (5,5 articles en moyenne pendant cette période [50 articles en 9 ans]). La chute du nombre de publications sur la ville dans cette revue est d’autant plus marquée. Au moment où la thèse de Perrot est soutenue, il semble que ce soit à peu près cinq ans après une phase d’hyperproduction, qui cacherait ainsi les recherches plus anciennes. Conclusion L’imposition d’une nouvelle forme d’histoire par une nouvelle revue (Les Annales…) qui apparaît dans le champ des recherches historiques a eu pour conséquence l’oubli d’une grande partie de l’intérêt des recherches historiques sur la ville dans les années 1920, et cela, chez les historiens. Il ne faut pas pour autant voir les Annales… comme une revue qui aurait visé à établir une pensée unique en histoire des villes, voire en “histoire urbaine” — car l’expression apparaît dans les Annales… dès 1930. En fait, c’est tout le contraire, et il suffit de lire la note critique que Lucien Febvre écrit dès 1929 à propos de l’ouvrage du commandant Quenedet sur la maison urbaine rouennaise pour s’en convaincre et comprendre combien les premières Annales furent sensibles aux questions de leur temps. À lire Febvre, voilà une piste à suivre pour comprendre ce qu’est la ville. Cependant, comme pour d’autres propositions, il ne sera pas entendu et l’axe finalement suivi par la revue en ce qui concerne l’histoire urbaine sera fixé par Georges Espinas, héritier revendiqué de Pirenne, auteur de plus en plus réduit à la portion congrue de son œuvre par les générations suivantes. Nicolas Verdier CNRS Paris. 11