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N° 85 Glanes En Brocéliande Raymond d’Antin, mort pour la France La revue Glanes, sous la nouvelle formule qui vous est proposée, a souhaité participer à la transmission de la mémoire du Centenaire de 1918. En poursuivant ses objectifs de sauvegarde du Patrimoine sous toutes ses formes, la Maison du Patrimoine en Brocéliande et les rédacteurs bénévoles de Glanes participeront donc, toute l’année 2018, à la démarche engagée par Montfort Communauté dans le cadre de la commémoration de fin de la Grande Guerre en évoquant le destin de quelques habitants de notre territoire. 11 juin 1880 naissance à Iffendic de Raymond d’Antin. 22 octobre 1901 admission à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. 21 sep tembre 1903 sous-lieutenant au 48 è m e régiment d’infanterie de Guingamp. 2 août 1914 premier jour de la mobilisation générale. Il rejoint Rennes au 41 ème régiment d’infanterie, comme lieutenant de réserve. 13 juille t 1915 promotion au grade de capitaine. 8 sep tembre 1915 médaille militaire avec palme et étoile de bronze. 4 février 1916 malade, Raymond d’Antin est évacué à l’arrière. 26 avril 1918 tué à Hangarden-Santerre. Dates clés un enfant d’Iffendic R aymond Marie Louis François d’ANTIN est né le 11 juin 1880 au château de Tréguil à Iffendic. C’est le premier garçon après la naissance de trois sœurs : Marie Thérèse en 1867, Marguerite en 1869 et Yvonne en 1875. Ses parents sont tous les deux de très ancienne noblesse. Son père, le baron Charles d’ANTIN, est châtelain à Sauveterre dans les Hautes Pyrénées et sa mère Adélaïde HUCHET de CINTRE est héritière du manoir de Tréguil qui appartient à sa famille depuis 1715. Charles d’ANTIN ainsi que son frère et son beau-frère sont à l’origine du pèlerinage national à Lourdes en 1882. Raymond d’ANTIN, seul fils de la famille, est destiné tout naturellement à la carrière militaire. Il intègre l’école militaire de Saint Cyr où il est reçu 169ème au concours de 1901. Dans cette promotion du centenaire de la Légion d’honneur, de 1901 à 1903, ils sont 449 élèves. Puis il est affecté comme sous-lieutenant au 48ème régiment d’infanterie basé à Guingamp. N° 85 Glanes En Brocéliande Le labyrinthe Argonne Promu Lieutenant, toujours au 48ème RI, il se marie le 24 novembre 1908 à Hénon dans les Côtes du Nord, avec MarieJosèphe ESPIVENT de CATUELAN. Ils ont respectivement 28 et 23 ans. Leur premier fils, Jean, nait à Tréguil en 1909 et y décèdera en 1940. Leur deuxième enfant Marie-Ghislaine, née en 1911, deviendra religieuse et sera inhumée en 2011 à Malestroit sous le nom de sœur Marie Bernard d’ANTIN. Après la naissance de Marie-Gislaine, Raymond Raymond, père de trois d’ANTIN démissionne enfants, de l’armée en 1912. Il a 32 ans. Leur 3ème enfant, hérite du titre Géraud, va naître à de Baron. Paris en 1913. Il résidera ensuite à Tréguil. Le grand-père, Charles d’ANTIN, décède à Tréguil en 1914 juste avant la déclaration de guerre. Raymond, père de trois enfants, hérite du titre de Baron. Il a 34 ans à la mobilisation, soit seulement un an de plus que la limite pour quitter l’armée de réserve. Son parcours de combattant (1914-1918) : d’Arras à Hangarden-Santerre e 02 août 1914, la mobilisation générale est décrétée. Pour faire face à la guerre, huit millions d’hommes, entre 18 et 45 ans sont mobilisés de 1914 à 1918. Raymond est mobilisé à Rennes dans le 41ème régiment d’infanterie, comme lieutenant de réserve. L Arras Après une période de formation pour les réservistes, Raymond d’Antin est promu Capitaine et rejoint le front en juillet 1915 au 48ème RI, le régiment des débuts de sa carrière militaire, dans le secteur d’Arras. (Un régiment est commandé par un Colonel, il compte entre 3 000 et 4 000 hommes répartis en 3 bataillons. Chaque bataillon est divisé en 4 compagnies de théoriquement 250 hommes dont les officiers sont capitaines.) Le régiment qu’il incorpore a été terriblement éprouvé autour d’Arras qui ne sera cependant jamais pris. Son régiment résiste pendant la bataille du « Labyrinthe » dans l’ouest d’Arras, puis l’ennemi est « fixé ». En un an de guerre, près de 150 000 hommes, toutes nationalités confondues, ont laissé leurs vies dans les tranchées d’Argonne. Fin octobre 1915, le haut commandement allemand décide de cesser ces assauts bien trop destructeurs. Désormais, la guerre se fera avec des tirs d’artillerie et des explosions de mines. Raymond d’ANTIN est cité une première fois le 8 septembre 1915. Il reçoit la médaille militaire avec palme et étoile de bronze. Cette décoration a été instituée en début d’année pour honorer le courage des combattants quel que soit leur grade. Verdun Le 20 février, l'ennemi lance sur Verdun une formidable attaque. Le 48ème est appelé dans le secteur du Mont des Allieux, puis d'Avocourt ; il y resta jusqu'à la fin d'avril. Le 11 août, le 48ème est en ligne. Le 1er et le 3ème bataillons sont chargés d'attaquer l'abri bétonné 118 et la crête de l'ouvrage de Thiaumont. La Champagne L’Argonne ème Le 48 part en août pour le secteur d’Argonne. Malgré les efforts des Allemands appuyés par des moyens matériels considérables et inusités, le 48ème n’a pas fléchi mais il a été en partie écrasé sur place. Pour autant ce secteur deviendra imprenable pour l’ennemi. Malgré la supériorité technique des Allemands, les pertes sont très lourdes des deux côtés pour un gain de territoire insignifiant. Dès le 9 septembre, le 48ème est envoyé en Champagne devant Saint-Hilaire-le-Grand, à l'est d'Auberive. Le secteur est calme et le régiment y répare peu à peu les pertes de l'été. En décembre 1917, Raymond d’ANTIN est réaffecté au 41ème RI. Le 16 avril 1918, son régiment relève le 141ème RI sur le front Hangard-en-Santerre. Le village de Hangard-en-Santerre, centre de ravitaillement important pendant la bataille de la somme, Caveau familial à Iffendic a été rasé en 1918, lors de l'offensive de Ludendorff ; il avait peu souffert jusqu'à cette date et représentait pour les combattants un lieu de demi-repos. Dès le 18 septembre les Allemands recommencent leurs attaques. Les 20 et 21 le bombardement ennemi se fait encore plus intense. Les pertes sont élevées. Dans sa dernière lettre il écrit : « J’ai toujours confiance ; je me remets entièrement entre les mains de Dieu, et lui demande de tout mon cœur de me donner le cran nécessaire, pour pouvoir faire tout mon devoir ». Le 26 avril à 5h15, l’attaque, avec toutes les forces du régiment, est prononcée pour prendre le village d’Hangard. Mais la préparation d’artillerie n’a pas obtenu les résultats espérés. Les mitrailleuses ennemies installées à la lisière ouest du village et du boqueteau sont intactes. Les pertes sont immédiatement très sévères. Au 2ème bataillon, le commandant Thomas et le lieutenant Bergougnoux sont blessés. Le capitaine d’Antin, le lieutenant de Pully sont tués ; au 1er bataillon, le capitaine Treint est blessé, la plupart des mitrailleurs et des fusiliers-mitrailleurs sont mis hors de combat. Raymond d’ANTIN est tué en entraînant ses hommes à l’assaut, à Hangard-en-Santerre le 26 avril 1918, à trente mètres des lignes allemandes. L’ennemi avait braqué une mitrailleuse sur son corps, pour empêcher ses hommes de le reprendre. Dans la nuit du 27 au 28, le régiment est relevé. Du 15 au 28 avril 1918, il a perdu 210 hommes, dont 8 officiers, et 533 blessés, dont 15 officiers. Les rescapés sont mis au repos, à 70 Km du front, à Songeons. Une messe est célébrée, le 10 mai, à la mémoire de tous ceux du 41ème qui sont tombés. Le capitaine d’ANTIN est cité à titre posthume : « Commandant une compagnie de première ligne, a, malgré le bombardement intense et le feu extrêmement nourri de mitrailleuses dirigées sur son unité, réussi à faire progresser ses hommes, marchant lui-même toujours en avant. Tué glorieusement au moment où il abordait l’objectif qui lui avait été donné ». Sa famille le fera ensevelir à Iffendic dans le caveau familial. JC Guéguen La mort glorieuse de Raymond d’Antin S a photographie de faire-part de décès, prise entre décembre 1917 et sa mort, montre l’officier, sous l’uniforme du 41ème RI, arborant la légion d’honneur et la Croix de Guerre, avec cette mention : « tombé glorieusement pour le France ». Une mort « glorieuse » Classique, pour ne pas dire convenue, cette expression interroge. Qu’est-ce qu’en effet, en 1918, une mort « glorieuse » ? Le « champ d’honneur » n’est assurément plus à cette époque celui que pouvait se figurer le jeune Raymond d’Antin au seuil de sa carrière militaire, La France [...] est en ce jour de 1901 où persuadée qu’une il est reçu 169ème au nouvelle guerre concours de Saint-Cyr. avec l’Allemagne En ce XXème siècle naisest inévitable. sant, la France amputée depuis 1871 de l’Alsace et de la Lorraine est persuadée qu’une nouvelle guerre avec l’Allemagne est inévitable. Mais elle imagine celle-ci gagnée grâce à la force du « choc » contre le « feu », au moyen d’une bataille « décisive ». C’est bien le modèle napoléonien qui est présent dans N° 85 Glanes En Brocéliande il est mort « du 16 au 30 avril 1918 », sans plus de précisions. toutes les consciences et ce n’est sans doute pas un hasard si la promotion saint-cyrienne de Raymond d’Antin prend le nom de « Légion d’honneur », pour célébrer le centenaire de cette décoration née sous l’Empire mais devenue par la suite un des symboles éminents de la IIIe République. Le silence des archives dit bien combien la mort de Raymond d’Antin, le 26 avril 1918, diffère de la guerre telle qu’elle pouvait être perçue ne serait-ce que cinq ans plus tôt. Ce jour-là, à Hangarden-Santerre, pas de charge héroïque comme à Austerlitz ou Iéna mais une mort quasi anonyme, sur un champ de bataille tellement dominé par les armes industrielles ou l’homme semble ne presque plus y avoir sa place. Au soir du 26 avril 1918, le journal des marches et des opérations du 41ème RI, sorte de carnet de bord du régiment, fait état d’un impressionnant « total approximatif des pertes » : « 700 à 750 hommes manquent à l’appel, le régiment a perdu 21 officiers depuis 10 jours », soit environ un quart des effectifs blessés, tués ou disparus. Pour survivre, il faut se blottir dans une cagna, se recroqueviller dans un abri. Toute tête tentant d’apercevoir ce qui se passe est celle d’un mort en sursis, cible potentielle d’un projectile, ce qui explique que les archives ne peuvent montrer éellement passé. ce qui s’est réellement La preuve en est que la fiche matricule de Raymond d’Antin, document administratif censé résumer son parcours militaire, indique qu’il est mort « du 16 au 30 avril 1918 », sans plus de précisions. Retour au mouvement Pourtant, d’une certaine manière, la mort de cet officier témoigne d’une rupture fondamentale dans le conflit. Alors que la guerre ne semblait devoir plus finir, enlisée dans l’immobilité des tranchées, les Allemands déclenchent à partir du 21 mars 1918 une série d’offensives qui, contre toute attente, ramène les opérations en terrain ouvert. Pour Berlin, il y a en effet là une fenêtre d’opportunité unique. Depuis l’armistice de BrestLitovsk signé le 3 mars 1918, l’Allemagne ne se bat plus contre la Russie devenue bolchévique et peut concentrer ses troupes uniquement sur le front ouest, avant que le corps expéditionnaire levé par Washington n’entre véritablement en action et rééquilibre les forces. Même si en mars 1918 le 41ème RI est relevé par un régiment américain, les Doughboys mettent du temps à se déployer. Disposant de la supériorité numérique, les Allemands parviennent à franchir les tranchées ennemies et reviennent à la guerre mouvements, usant de tactiques d’assaut et d’infiltration d’une grande efficacité. C’est dans Comi t é de rédact ion : Henry Dor anlo, Je an-Christophe Guéguen, Odile Henrion. 2 rue de Gael 35160 Iffendic ; maisondupat rimoine@gmail.com Les art icles rédigés e t les opinions émises le son t sous l a responsabili t é de leurs au t eurs. Nous souhai tons des illust r at ions e t des légendes qui corresponden t aux t ex t es proposés. Le choix des t ex t es, ainsi que l a décision de publicat ion, est confiée au comi t é de rédact ion. ce contexte, pour tenter de contrer le flux adverse, que le 41ème RI de Rennes est envoyé dans la Somme, à la mi-avril 1918, et plus précisément à Hangard-en-Santerre. Pour les Français, les Britanniques et les Australiens qui combattent dans le secteur, la situation a tout de la terrible retraite de l’été 1914, mais en pire. Harcelés par les Allemands, les poilus évoluent tant bien que mal au milieu de l’aviation, des gaz asphyxiants, des lance-flammes et des chars d’assaut, autant d’engins de mort qui n’existaient presque pas quatre ans auparavant. Sans compter l’artillerie et les mitrailleuses toujours plus agressives. C’est dans ce chaos que le baron Raymond d’Antin trouve la mort, « tué à l’ennemi » comme le disent avec la sécheresse qui les caractérise les archives administratives. C’est là son « champ d’honneur ». Gloire et paix Dès lors, la « mort glorieuse » est sans doute moins une description précise des circonstances du trépas de Raymond d’Antin – celles-ci échappant on l’a vu largement au regard des archives, qu’une formule cherchant à conjurer son absence. En mourant, le capitaine commandant la 7ème compagnie du 41ème régiment d’infanterie de Rennes laisse en effet derrière lui une épouse et trois enfants. Pour eux, sortir de cette guerre est avant tout vivre avec l’absent. C’est d’ailleurs probablement pourquoi sa dépouille est ramenée à Iffendic, pour être inhumée dans le caveau familial ; une manière comme une autre de tenter de retrouver la paix. Erwan Le Gall Av ec l e sou t ien de Mon t f or t Commun au t é