Mirela LAZĂR , Pierre MORELLI
« Journalisme d’investigation et dispositifs d’information
expérientiels. La gamification à des fins d’apprentissage »
"Investigative journalism and experiential information dispositives:
Gamification for the purpose of apprenticeship"
Pour citer ce chapitre
Lazăr M., Morelli P., 2019, « Journalisme d’investigation et dispositifs d’information
expérientiels. La gamification à des fins d’apprentissage », pp. 241-262, in Roxin I., Tajariol
F., Hosu I., Pélissier N., dirs, Information, communication et humanités numériques. Enjeux
et défis pour un enrichissement épistémologique, Cluj-Napoca (Roumanie), Edition Accent.
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Commons : attribution, pas d’utilisation commerciale, pas de modifications 3.0.
Journalisme d’investigation
et dispositifs d’information expérientiels.
La gamification à des fins d’apprentissage
Mirela LAZĂR*
Pierre MORELLI**
* SPARTA
Faculté de Journalisme et des Sciences de la Communication
Université de Bucarest
1-3 Iuliu Maniu
061071 Bucarest
miralazar05@yahoo.com
** CREM EA 3476
Université de Lorraine
Île du Saulcy BP 60228
57045 Metz Cedex 01
pierre.morelli@univ-lorraine.fr
RÉSUMÉ. Dans un contexte de regain en plasticité des dispositifs d’information et de démocratisation
des pratiques et des habiletés numériques, l’enseignement du journalisme doit être repensé en termes
d’énaction en le focalisant sur l’acquisition de compétences par l’expérience et la pratique des environnements d’information numérique. Nous nous proposons dans cette étude de questionner le recours
à des logiques expérientielles dans l’apprentissage du journalisme d’investigation en analysant deux
dispositifs numériques d’information traversés par la gamification : Pirate Fishing et #Hacked. Nous
prenons appui sur la méthode de l’analyse de dispositif pour examiner le cadre d’interactivité mis en
scène à travers l’agencement des marqueurs de la jouabilité, au sein duquel sont configurés des modes
et des postures d’appropriation d’une expérience d’investigation susceptible de légitimer l’engagement
performatif et la motivation intrinsèque du pratiqueur dans une situation de fidélité au réel.
MOTS-CLÉS : journalisme d’investigation, médias praticables, jouabilité, apprentissage du journalisme.
241
ABSTRACT. In a context of renewed plasticity of the dispositives of information and of democratization
of digital practices and skills, teaching journalism needs to be reassessed in terms of enaction by focusing on the development of competencies through the experience and the practice of digital information
environments. In this study, we aim to question the use of experiential logics in investigative journalism
learning by analyzing two digital dispositives of information that integrate gamification : Pirate Fishing
and #Hacked. We rely on the dispositive analysis to examine the interactivity framework staged through
the disposition of the gameplay markers, within which modes and postures of appropriation of an experience of investigation are configured likely to legitimize the performative engagement and the intrinsic
motivation of the practitioner being placed in a situation similar to a real one.
KEYWORDS: investigative journalism, practicable media, gameplay, journalism education.
1. Introduction
Au sein des écosystèmes d’information actuels circulent et s’échangent de multiples formes de représentations articulant son, texte et images (multimédia) de sorte
que dans notre monde interconnecté s’activent tous types d’acteurs sociaux (auteurs,
lecteurs, professionnels, amateurs, informateurs…) et prolifèrent plusieurs formes
d’énoncés co-construits.
La perception et le rapport à l’information connaissent une importante complexification, ce qui a pour effet de modifier le regard que les journalistes portent sur leur
métier. Comme le soulignent Ian Bogost, Simon Ferrari et Bobby Schweizer (2010 :
10), le journalisme est aujourd’hui amené à renouveler aussi bien ses modes de production que sa réflexion sur l’actualité1. Sommée de s’adapter et d’être « sur mesure » (Merzeau, 2007 : 4), l’information est construite, transmise et mise en débat au
sein de l’hypersphère (ibid.). Dans cette nouvelle médiasphère (Debray, 1991, 1994
et 2000) se multiplient et s’interconnectent les contenus, ce qui, dans un contexte
de regain de plasticité des dispositifs d’information (Morelli, Lazăr, 2015 ; Merzeau,
2007) et de démocratisation des pratiques et des habiletés numériques, favorise leur
adaptabilité.
Le journalisme d’investigation connaît, de nos jours, une évolution très rapide dans
un contexte de très grande mobilité des flux d’information et de très forte production
de métadonnées par les médias sociaux. De nouveaux outils et de nouvelles méthodes
pour collecter, analyser et présenter les données se développent, alors qu’augmentent
les menaces numériques. Pratiquer et enseigner ce type de journalisme oblige désormais à s’affranchir des approches classiques au profit d’idées novatrices en phase avec
la culture numérique (Doueihi, 2008) des étudiants en journalisme.
1 “(…) journalism can and will embrace new modes of thinking about news in addition to new modes of
production.“ (« … le journalisme peut adopter et adoptera de nouvelles façons d’appréhender
l’actualité en plus des nouveaux modes de production. », notre traduction).
242
Dans cet article, nous nous proposons d’analyser des formats numériques expérientiels et de penser le recours à de telles logiques en rapport avec l’apprentissage du
journalisme d’investigation. Plus précisément nous nous intéressons au choix assumé
par Juliana Ruhfus, une journaliste britannique de la rédaction en anglais de la chaîne
Al Jazeera, d’appliquer le concept de gamification (Deterding et al., 2011 ; Genvo, 2008,
2013a) pour la réalisation de deux dispositifs numériques d’information d’actualité.
Offrant « des expériences hybrides dynamiques », ces jeux vidéos « sont conçus pour
structurer des relations fluides, d’une part entre les données numériques et l’univers
du jeu, et d’autre part entre les données numériques et le joueur dans le monde physique. » (Jones, 2016 : 9, notre traduction)2. Les procédures et les structures incarnées
par ces « systèmes créatifs, algorithmiques et formellement sophistiqués » (Jones, 2013 :
33) « répondent aux préoccupations fondamentales des humanités numériques »
(idem) à l’heure actuelle, tant au niveau structurel que théorique.
L’apprentissage du journalisme d’investigation ne saurait toutefois s’appuyer
uniquement sur le recours à des dispositifs expérientiels conçus à travers le prisme
de la gamification, les conséquences des enquêtes journalistiques en contexte réel
étant d’une toute autre nature que celle rencontrées dans l’univers des jeux. C’est
pourquoi nous postulons que, dans ces pratiques, un éveil à la dimension critique
est indispensable afin de rapporter l’expérience aux questions éthiques et déontologiques de la profession. Ce texte se veut donc une contribution à l’analyse des dispositions expérientielles telles que les propose la gamification au regard des nouveaux
contextes d’apprentissage du journalisme d’investigation.
Dans ce qui suit, le concept de gamification est confronté aux questions des compétences à acquérir avec, pour fil rouge, l’expériencialité comme piste de développement d’un agir compétent. Nous présentons ensuite notre cadre analytique et les
choix conceptuels nous permettant de rapporter l’usage de la gamification aux compétences à travers l’analyse des marqueurs de la jouabilité ainsi que du type d’éthos
construit dans et par deux dispositifs d’information. Cela nous amène à discuter
les enjeux de la conception d’un dispositif qui assigne des postures aux joueurs et
convoque, dans un contexte réaliste, un imaginaire de vérité (Charaudeau, 2005) au
service d’un éthos de crédibilité.
2. La gamification à des fins d’apprentissage
Issus de la « génération z »3, les futurs élèves en journalisme entretiennent un
rapport fréquent et régulier avec les médias sociaux. Adeptes des jeux numériques,
2 “[Games] are designed to structure fluid relationships, between digital data and the gameworld, on the
one hand, and between digital data and the player in the physical world, on the other hand.”
3 Individus nés à partir de 2000 et qui sont confrontés à une grande présence de l’informatique
et de l’Internet dans leur vie.
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ils constituent une classe d’individus pour lesquels la pratique ne réclame pas forcément de passer par un long apprentissage initial. Ces étudiants sont rompus à
l’autodidaxie effectuée à partir de tutoriels et de MOOCs4 et à l’entraide entre pairs.
C’est donc surtout à travers un ensemble d’expériences qu’ils développent leurs compétences.
2.1 Agir compétent et expériencialité
La profession se précarise et subit des mutations dans un contexte socio-économique fragilisé par la prolifération de logiques disruptives. Ce phénomène a pour
effet de développer l’incertitude (Bauman, 2005) et augmente la complexité de la
construction des formations au journalisme, tant les compétences professionnelles
à développer relèvent d’une polyvalence et d’une créativité accrues. Il s’agit en effet de préparer les futurs journalistes à la gestion efficace de la gamme des situations (Lazăr, Păuș, 2013) qui participent de l’évolution permanente de la profession
(Ruellan, 2007).
Pour Philippe Jonnaert (2006 : 32), les compétences et plus précisément leur acquisition se révèlent à partir de situations concrètes : « Une compétence est inscrite
dans une situation et est tributaire des actions de la personne impliquée dans cette
situation. ». Les compétences s’obtiennent et se renforcent en situation5 sur la base
de connaissances antérieurement acquises et à partir des « champs d’expériences
d’une personne, ou d’un collectif de personnes » (Jonnaert, et al., 2015 : 15). Elles se
construisent par transfert « d’autres situations plus ou moins isomorphes à celles (…)
à traiter. » (ibid. : 14).
Dans le cas qui nous intéresse, à savoir l’apprentissage des futurs étudiants en
journalisme d’investigation, la compétence journalistique comme articulation de
« savoir », « savoir-faire » et « savoir-être » (Le Boterf, 2002) doit être de surcroît actualisée par rapport aux contextes numériques. Cela nous fait penser l’apprentissage,
à la suite de Domenico Masciostra (2017), en termes d’énaction : « Apprendre c’est
agir en situation et faire progresser son agir » (ibid. : 4).
L’« agir compétent in situ » (ibid. : 1) opère selon quatre dimensions ce qui amène
l’individu (ibid. : 6-10) : à acquérir un état d’esprit (« se disposer »), à identifier à tout
moment les circonstances spatiales et temporelles dans lesquelles il se trouve (« se situer »), à préparer l’agir, à le structurer et à en superviser le cours (« se positionner »)
et à progresser dans l’exercice de l’activité en question (« se réaliser »). Ce préalable
est d’autant plus important car la situation n’est pas seulement le lieu ou le cadre de
4 Massive Open Online Courses.
5 Elles sont toujours associées « au minimum à une situation, (voire) à une famille de situations »
(Jonnaert et al., 2015 : 15).
244
construction de la compétence, elle participe aussi de la validation de la compétence :
« Une personne ou un collectif de personnes sont toujours déclarés compétents
après les traitements des situations. » (Jonnaert et al., 2015 : 28). Ainsi, les compétences sont-elles réputées acquises une fois « le résultat du traitement achevé, réussi
et socialement accepté (…) par une personne ou un collectif de personnes dans un
contexte déterminé » (ibid. : 14).
Entre apprendre à apprendre et désapprendre pour réapprendre s’installent donc
des logiques expérientielles que nous nous proposons de questionner en croisant des
formes contemporaines de production journalistique (webdocumentaire, application
mobile) et le concept de gamification afin d’interroger les nouveaux rapports aux
compétences professionnelles qui se dessinent avec les formes avancées d’interactivité. Le processus expérientiel du jeu recontextualise les connaissances procédurales
enseignées dans l’apprentissage de l’investigation journalistique. Le « play » fait sens
pour l’apprenti journaliste et active une prédisposition (« disposition ») à mettre en
œuvre une pensée critique (« critical thinking », cf. Nicholson, 2012).
2.2 La gamification comme moteur expérientiel
Le concept de gamification consiste, selon Sebastian Deterding6, à utiliser, comme
dans le cas des jeux sérieux, des éléments de conception de jeux (game design) à
d’autres fins que le jeu en lui-même7, à savoir dans des contextes de « non-jeu ». Ces
éléments peuvent appartenir à l’une des cinq catégories suivantes (Deterding et al.,
2011 : 4) : le design d’interface (Game interface design patterns), le cadre de fonctionnement (Game design patterns and mechanics), les principes du jeu (Game design principles
and heuristics), le type de jeu (Game models) et les méthodes de conception (Game design methods).
Faire jouer autrui à un jeu situe l’expérience de la jouabilité dans une perspective
communicationnelle et constitue en soi, comme le précise Sébastien Genvo (2013a :
9-10), « un fait de communication ». Utiliser les ressorts fonctionnels et communicationnels de la gamification amène à bénéficier d’une affordance liée aux principes
clairement présents dans les dispositifs ludiques que Scott Nicholson (2015 : 1) appelle BLAP gamification : le statut du joueur (Badge), la présence d’un classement
faisant état de l’avancée de ce dernier au sein du jeu (Level & Leaderbords, l’objectif
à atteindre avec succès (Achievement) et le score obtenu (Points). La présence de ce
type d’information contribue à renforcer chez le destinataire la sensation d’être en
présence d’une forme de jeu. Elle participe donc de l’éthos ludique (Genvo, 2013a)
6 “‘Gamification’ is the use of game design elements in non-game contexts.” (Deterding et al., 2011 : 2).
7 “Similar to serious games, “gamification” uses elements of games for purposes other than their normal
expected use as part of an entertainment game.” (Deterding et al., 2011 : 4).
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du dispositif. La dimension communicationnelle réside dans « la transmission d’une
’signification partagée’ de jeu, ce dernier revêtant des conceptions, significations,
connotations et formes différentes selon les personnes… » (Genvo, 2013b : 10).
La gamification donne corps à des médias praticables (Bianchini, Fourmentraux,
2007) au sein desquels se négocient les activités et le sens. Cela peut aller jusqu’à reproduire de manière mimétique une situation de la vie réelle (expériencialité narrative8, cf. Monika Fludernick, 1996). Cette expériencialité s’exerce à travers la jouabilité
(Boissier, 2004) du dispositif par l’activation des règles inscrites dans les programmes
informatiques qui composent l’œuvre et qui sont appréhendées (sous la forme de la
construction du cadre narratif) par les destinataires à force d’expériences.
Les jeux numériques favorisent, par la pratique, la perception et la transmission
de la complexité (Bogost, Ferrari, Schweizer, 2010 : 9). Choisir comme principe de
fonctionnement d’un dispositif d’information le registre du jeu signifie déplacer la
focale d’une question de lecture prise comme acte interprétatif d’un texte préexistant
vers l’activation d’une expérience menée à travers un dispositif de simulation (le jeu
numérique), en tous points similaire à une expérience de la vie réelle. « Les actions
du joueur se réalisent dans une aire intermédiaire d’expérience, située entre la réalité
extérieure et intérieure » (Genvo, 2013b : 15).
Plutôt que des « papiers » ou des articles multimédia à lire, le destinataire dispose
de simulations interactives, de modèles et d’univers à explorer avec lesquels il compose (navigation, annotations, commentaires…). Bien plus que l’activation d’un potentiel technologique, ou que l’exploration par immersion, nous avons affaire à une
construction de sens qui associe le destinataire. Les technologies « dispositivent »
l’action et transforment les acteurs sociaux en pratiqueurs (Mahé, 2012) de l’information. La pratique ainsi définie fonctionne « comme le lieu, le nœud de négociation et
de coproduction de la représentation et de nouvelles formes de réalités médiatiques »
(ibid. : 122). L’action n’est toutefois pas à sens unique car en retour se produit un effet
de bouclage. En pratiquant l’œuvre, le pratiqueur est également « pratiqué et transformé par elle » (idem). L’action participe de la production de représentations par la
mise en application de règles prédéfinies, ce que Ian Bogost (2007) a conceptualisé
sous le terme de « rhétorique procédurale ».
Le renforcement du caractère expérientiel permet aux usagers de trouver des liens
personnels et du sens dans un contexte réel (Nicholson, 2015) par des éléments de
jeu non nécessairement basés sur un système de récompenses, de buts et de scores.
Transformant le jeu et l’apprentissage, il est au cœur du concept de « gamification
signifiante » (meaningful gamification) proposé par Scott Nicholson (2012 ; 2015).
8 “… what I call experientiality, namely by the quasi-mimetic evocation of real-life experience”
(Fludernick, 1996 : 9) [« … ce que j’appelle expériencialité, notamment par l’évocation quasi-mimétique d’expériences vécues »] (Notre traduction).
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Il s’agit alors d’utiliser des éléments du jeu qui aident à construire la motivation
intrinsèque et, par conséquent, à créer du sens9 tout en prenant bien soin d’établir
une connexion entre les « expériences, connaissances et compétences antérieures »
du pratiqueur et son engagement plus profond avec le contexte extérieur10, celui du
monde réel (la corruption, la guerre…). Cette mise en relation est importante pour
l’apprentissage du journalisme car elle favorise l’acquisition de compétences.
« Le concepteur d’un dispositif de gamification signifiante doit toutefois fournir
une variété d’expériences et de moyens de s’engager pour augmenter les chances
de chaque participant de trouver quelque chose de significatif »11, tout en veillant à
limiter la frustration inhérente du joueur face au risque d’échouer sous la pression
du score.
Mobiliser le registre du jeu permet de découvrir par la pratique les tenants et
aboutissants de l’investigation journalistique et d’en appréhender les arcanes. Les
règles de l’enquête sont données à travers une expérience ludique, le jeu n’étant toutefois pas une finalité en soi. Les marqueurs de la jouabilité sont progressivement
découverts et activés (le « play ») amenant le joueur à produire et à articuler un ensemble de représentations qui relèvent de l’univers du journalisme d’investigation.
Les dispositifs gamifiés peuvent alors constituer un support complémentaire efficace
pour l’apprentissage.
3. Méthodologie
Notre cadre analytique repose sur une approche sémio-pragmatique de la méthode de l’analyse de dispositif (Caborn, 2007). Dans un premier temps, est interrogé
l’usage de la gamification dans la conception des dispositifs numériques d’information au service du journalisme d’investigation. Puis sera considéré le rapport aux
compétences qui peuvent s’instancier à travers le traitement réussi, sur le registre du
jeu, d’une situation de simulation d’un contexte réel.
Les chercheurs ayant opérationnalisé la notion de dispositif se sont focalisés sur
l’hétérogénéité (un réseau établi entre « du dit aussi bien que du non-dit », Foucault,
1977 : 299) ainsi que sa fonction stratégique, le dispositif étant « toujours inscrit dans
9 “Using game design elements to help build intrinsic motivation and, therefore, meaning in non-game
settings is known as ‘meaningful gamification’.” (Nicholson, 2015 : 3).
10 “… gamification is about taking game elements and applying them to a real-world setting” (Nicholson,
2015 : 5). [«… la gamification consiste à prendre des éléments de jeu et à les appliquer à un
environnement réel ».] (Notre traduction).
11 “A designer of a meaningful gamification system will have to provide a variety of experiences and ways
of engaging to raise the chances that each participant can find something meaningful.” (Nicholson,
2015 : 4).
247
un jeu de pouvoir, mais toujours lié aussi à une ou à des bornes de savoir, qui en
naissent, mais tout autant le conditionnent » (ibid. : 300).
Inspiré par Foucault, Siegfried Jäger (2001 : 56-57) conceptualise le dispositif à
travers trois aspects de la connaissance fonctionnant en relation :
« 1. pratiques discursives dans lesquelles sont principalement transportées des
connaissances ; 2. actions en tant que pratiques non discursives, dans lesquelles sont
toutefois transportées des connaissances, qui sont précédées de connaissances et / ou
constamment accompagnées de connaissances ; 3. manifestations / matérialisations qui
représentent des matérialisations de pratiques discursives à travers des pratiques non
discursives, dans lesquelles l’existence de manifestations (objets) ne survit que grâce à
des pratiques discursives et non discursives. »12
Cette approche de l’analyse de dispositif envisage la notion de connaissance
« comme force de liaison » (Jäger, Maier, 2014) et de médiation et cible plus précisément l’ensemble pouvoir/connaissance. Actions et objets traduisent le processus de
création de la réalité dans le dispositif à travers l’attribution de significations. L’analyse de dispositif offre une portée plus large que l’analyse de discours. Elle prend en
compte non seulement les textes, les actions et la matérialisation des actions, mais
aussi « les liens qui les unissent et les relations de pouvoir que ces textes, actions et
objets liés de manière stratégique créent ».13 (Caborn, 2007 : 116, notre traduction).
Joannah Caborn (2007 : 117) reprend chez Siegfried Jäger (2001) cette catégorisation à trois éléments en interaction dans une grille sémiotique de lecture du
dispositif ce qui lui permet de matérialiser la complémentarité entre, d’une part,
textes, actions et objets comme catégories de signifiants et, d’autre part, les significations qui leur sont attribuées dans le discours (« découvrables dans les paratextes »)
comme signifiés.
Lus dans cette perspective, les deux dispositifs qui composent notre corpus, le
webdocumentaire Pirate Fishing14 et l’application mobile #Hacked15, intègrent de manière stratégique des processus hétérogènes, des pratiques discursives réglementées, qui concourent à la création d’un espace d’interactivité destiné aux internautes.
Pirate Fishing et #Hacked sont également analysés comme des dispositifs de pouvoir
12 “1 discursive practices in which primarily knowledge is transported; 2 actions as non-discursive practices, in which, however, knowledge is transported, which are preceded by knowledge and/or constantly
accompanied by knowledge; 3 manifestations/materializations which represent materializations of discursive practices through non-discursive practices, whereby the existence of manifestations (`objects’)
only survives through discursive and non-discursive practices” (Jäger, 2001 : 56-57).
13 “… the links between them and the power relations that these strategically linked texts, actions and
objects create.”
14 https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
15 https://syhacked.com/
248
symbolique (entre ceux qui établissent les procédures, la stratégie, et ceux qui sont
censés les mettre en œuvre), des places (postures) discursives étant assignées aux
acteurs dans la scène d’énonciation qu’implique le texte (Maingueneau, 2002).
Nous examinons comment, à travers les marqueurs pragmatiques de la jouabilité
(Genvo, 2013a : 75-76), les acteurs constitués par les discours sont amenés à actualiser ces postures. Les pratiqueurs se positionnent dans un contexte pragmatique
pour accomplir leurs actions, mais ils sont amenés aussi à « le produire à travers une
certaine stratégie interprétative analysable. » (Genvo, 2013b : 20). Les pratiques discursives relatives à la production (règles et contraintes) et à l’interprétation des textes
et les pratiques non-discursives (connectivité, manipulation de l’interface visuelle)
transforment le joueur en ‘sujet agissant’ engagé dans la production et l’activation
des connaissances (Jäger, 2001) susceptibles de s’accorder avec les particularités des
situations. Entre « rhétorique procédurale » (Bogost, 2007 : ix) et « persuasion autoréférentielle » (ibid. : 47), quels types d’éthos (Maingueneau, 2002 ; Genvo, 2013a : 103135), en tant comportements appréhendés dans « une situation de communication
précise » (Maingueneau, 2002 : 60), sont-ils construits dans et par le dispositif afin de
déterminer l’engagement du pratiqueur dans une situation de jeu réaliste ? L’usage
de la notion d’éthos amène à une réflexion sur « le processus plus général de l’adhésion des sujets à un certain positionnement. » (idem).
4. « Dispositiver » les modes et les postures d’appropriation
d’une expérience d’investigation
Le webdocumentaire Pirate Fishing propose aux internautes de suivre Juliana
Ruhfus à travers les rouages d’une enquête visant à dénoncer des actes de pêche illégale dans le delta de Shebro Island en Sierra Leone. Il s’agit de collecter toutes sortes
d’informations (témoignages filmés, preuves …) et de se départir de la corruption
qui touche les autorités locales afin de les obliger à intervenir pour protéger la pêche
locale des braconniers qui pillent les ressources maritimes.
#Hacked est une application mobile de journalisme d’investigation basée sur des
situations et des personnages réels. Adoptant le registre du jeu, la journaliste et son
équipe proposent de vivre une expérience de guerre électronique en Syrie au cours
de laquelle sont contactés et interrogés des activistes et des hackers.
4.1. De l’éthos ludique à l’éthos de crédibilité
À travers les pages écrans de ces deux dispositifs numériques, s’affichent les
choix de mise en scène de l’énonciateur et de l’énoncé. La visée principale est ici
perlocutoire. Elle consiste à impliquer et à recueillir l’adhésion du destinataire. Ce
« processus d’influence d’autrui » (Maingueneau, 2002 : 60) est suscité par la forme
249
dynamique de l’éthos constituée dans l’« expérience sensible du discours » (ibid. :
56). Par le recours, annoncé et assumé, à la gamification, c’est tout d’abord un « éthos
ludique » (Genvo, 2013a) qui est (co-)construit, engageant les utilisateurs à procéder
à l’agencement des règles du jeu afin de résoudre certains problèmes d’actualité (cf.
Genvo, 2013a : 35). Le rapport à l’information est alors simplifié puisque les modalités d’interactions (ibid. : 113) opèrent via l’emprunt métaphorique des principes inhérents aux jeux. Dans les deux dispositifs, l’interacteur est perpétuellement confronté
à des marqueurs de la jouabilité et de la structure du jeu (idem). Ces rappels visuels
permettent d’identifier les conditions d’application du jeu. À ce titre, ils font, d’une
certaine façon, figure de contrat explicite entre les concepteurs et les « joueurs », en
lien avec les représentations que ceux-ci se font de la structure du jeu (ibid. : 115).
La relation de pouvoir construite en termes de contractualisation des échanges est
asymétrique. Le contrôle étant unidirectionnel (par la journaliste), le joueur ne peut
en effet qu’obéir aux consignes pour progresser dans le jeu. Plusieurs marqueurs
activent l’univers ludique et diégétique dans Pirate Fishing :
− un cartouche (Figure 1) affichant au fur et à mesure le niveau atteint, le nombre
de points obtenus et ceux qu’il reste à obtenir, le statut auquel le joueur sera
parvenu (« activist », « city explorer », « corruption investigation »), ainsi que les éléments de preuves accumulés et des liens vers les réseaux sociaux ;
− des écrans intermédiaires de félicitations apparaissant lors du passage à un niveau supérieur ou de
l’obtention d’un nouveau statut (Figures 4 et 5) ;
− des espaces de bureaux schématiquement reconstitués, au sein desquels sont laissés à l’appréciation de
l’utilisateur les choix de la suite (Figure 8) ;
− des cartes interactives positionnant les lieux où se déroulent les investigations ;
− un carnet de note virtuel où sont placées preuves,
notes personnelles et informations contextuelles recueillies ;
− des boutons de navigation permettant d’accéder à
l’étape suivante ou de parvenir à des informations
complémentaires et/ou contextuelles.
Figure 1. Cartouche qui précise le degré
d’avancée dans le « jeu ». Pirate Fishing.
Source : https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
250
Dans le cas de #Hacked, l’écran d’accueil propose de
poursuivre comme visiteur anonyme ou de s’enregistrer
afin de reprendre plus tard le parcours. Un avertissement
explicite s’affiche faisant état du recours à la gamification
(Figure 2). Il annonce qu’un piratage simulé est possible et
dégage Al Jazeera de toute responsabilité quant aux contenus des sites web choisis par la journaliste16.
Figure 2. Avertissement qui spécifie
le recours à la « gamification ». #Hacked.
Source : https://syhacked.com/
Contrairement à Pirate Fishing qui est conçu pour un affichage sur ordinateur, ici,
la configuration de l’interface simule un écran de smartphone, donc oblige à simplifier la forme sous laquelle se présentent les données marquant l’avancée dans le
jeu. L’interface montre la teneur des échanges à la manière des réseaux sociaux. Des
marqueurs pragmatiques annoncent à des moments clés du parcours les clauses particulières du contrat inhérent à la gamification : temps
imparti à l’enquête (cinq jours virtuels), obligation de
collecter au moins 60% de données afin de compléter le rapport à remettre au final. Le jeu peut toutefois
être entravé, comme le précise une notification (Figure 3), car chaque piratage fait perdre du temps. Ce
risque est expressément rappelé avec pour conseil de
contrôler tous les liens avant de les activer, sous peine
d’échec.
Figure 3. Notification sur les clauses du contrat. #Hacked.
Source : https://syhacked.com/
De nombreux types d’échanges s’opèrent lors de la mise en place de cet éthos
ludique. Ces échanges sont organisés selon une invitation à se lancer dans l’investigation structurée sous forme de jeu, annoncée dès le début et rappelée tout au long
du parcours. Cela revient à créer une « feintise ludique partagée » (Genvo, 2013a :
124), à savoir les conditions d’un « faire comme si » l’utilisateur menait une enquête
journalistique de terrain afin de faire surgir la vérité.
16 “This app is journalism in a game format and with simulated hacks. It contains websites from our own
research. Al Jazeera cannot take responsibility for their content. By logging in you agree with these terms
and conditions.” (https://syhacked.com)
251
L’imaginaire de vérité (Charaudeau, 2005) est convoqué pour fonder un autre
éthos (un « éthos visé » selon Maingueneau, 2002 : 59), celui de crédibilité, articulé à
un effet pragmatique de confiance visant à renforcer l’engagement dans la résolution
des tâches. Relevant d’une conception stratégique, la spécificité de cet éthos renvoie
à la figure qui se porte « garante » (ibid. : 66) d’indices textuels et paratextuels de véracité, à savoir la journaliste chevronnée Juliana Ruhfus. L’incorporation supposée
de l’interacteur « va au-delà d’une simple identification à un personnage garant, elle
implique un ‘monde éthique’ dont ce garant est partie prenante et auquel il donne
accès. » (ibid. : 61). La journaliste affirme que le matériau que l’interacteur affronte
dans #Hacked est constitué sur la base de faits réels ainsi que de véritables profils
d’hackers ou de témoins, lesquels continuent, pouvons-nous constater, à alimenter
leurs comptes Twitter au-delà de la période présupposée des interactions.
« Nous voulons que les gens sachent qu’il ne s’agit pas d’un jeu de fiction. C’est la vraie vie. C’est ainsi que la cyber-guerre syrienne s’est déroulée au cours des deux dernières années. Des personnes ont été arrêtées
pour avoir fait ce que nous décrivons dans cette histoire. Des gens ont été
piratés dans la vraie vie. Des personnes ont été torturées pour leur faire révéler les contenus postés sur les réseaux sociaux afin que le régime puisse
sévir contre les réseaux. »17.
« Notification : les profils sur les réseaux sociaux auxquels nous vous connectons
dans #Hacked appartiennent tous à des personnes réelles. »18
Les situations de jeu ont été construites à partir de sources originales fournies et
sécurisées par un hacker syrien collaborateur de Juliana Rufus, ce qui augmente la
qualité de l’investigation journalistique. L’éthos de crédibilité est ainsi partagé entre
la journaliste et ses collaborateurs.
4.2. Postures assignées aux joueurs dans le dispositif d’énonciation
Les règles qui encadrent la procédure du jeu dans les deux dispositifs, donc le
« game », s’actualisent à travers la pratique du jeu (le « play »). Le « play » peut être considéré comme embrayeur de l’engagement performatif19 et de la motivation intrinsèque
17 “We want people to know this is not a fictional game. This is all real life, this is how the Syrian cyberwar has unfolded over the past couple of years. People have been arrested for doing
things that we portray in this story. People have been hacked in real life. People have been
tortured to reveal their social media content so that the regime could crack down on networks.”
(https://www.aljazeera.com/indepth/features/2016/10/al-jazeera-launches-interactive-investi
gation-hacked-161002153028714.html)
18 “Notification: the social media profiles that we link you to in #hacked all belong to real people.”
(https://syhacked.com/)
19 Expérientiel, analytique et contextualisant.
252
de l’utilisateur sur le registre du défi de soi-même. Dans Pirate Fishing et #Hacked, les
interactions via l’interface s’accompagnent d’une actualisation énonciative (la deixis
« je-ici-maintenant ») au cours de laquelle l’interacteur construit un cadre narratif basé
sur l’expérience de la vie réelle et décline, dans l’acte d’interprétation, trois modes
de scénarisation de l’interactivité : ludicisante20, hypermédiatique21 et constructive22.
Au sein du webdocumentaire, par exemple, l’« interactivité ludicisante » (Gantier,
2016) met en évidence le potentiel de jouabilité du dispositif puisque l’internaute
joue à faire l’enquête et voit son score s’incrémenter au fur et à mesure de sa progression. Une « interactivité hypermédiatique » (ibid.) régit le passage à la suite
(la navigation) ainsi que le déclenchement de séquences vidéo. L’interactivité que
nous avons appelée « constructive » participe d’une construction sémantique par
drag & drop ou par assemblage d’informations qui amène à placer des polaroïds
correspondant aux sujets abordés dans les clips et aux révélations qu’ils présentent
dans un carnet séparant les preuves, les notes journalistiques et les informations
contextuelles.
Dans Pirate Fishing, le passage de ‘simple observateur’ à ‘reporter junior’ et enfin
à ‘reporter sénior’ est facilité par le traitement de l’erreur consistant à renvoyer dans
sa position initiale toute vignette mal placée. Ces trois ‘figures’, en lien avec l’enjeu
auctorial, sont ainsi « incorporées » (cf. Maingueneau, 2002) par le joueur à travers
les éthos associés aux deux dispositifs. L’interacteur est alors appelé à s’approprier
plusieurs types de postures discursives. La figure/posture, en tant que « levier d’un
positionnement » (Amossy, 2009 : 5), est le lien entre l’intra- et l’extratextuel, « entre
ce qui se trame dans le discours de l’auteur et ce que projette la parole des autres »
(ibid.). Les postures se dégageant dans la scénographie interactive des dispositifs
sont, selon notre dénomination, celles de ‘joueur-fouineur’, de ‘reporter rigoureux’,
bien organisé, de ‘reporter prudent’ et de ‘reporter responsabilisé’.
Inspirée principalement par l’éthos ludique, la posture de ‘joueur-fouineur’ est
construite sur le modèle « challenge-réussite-récompense » (Gantier, 2016), quantifiant la performance dans le jeu : « Êtes-vous un activiste ou un explorateur de la ville ?
Prouvez-le ! Explorez la carte détaillée et gagnez des badges supplémentaires. »23 ;
« Félicitations ! Explorateur de la ville. Vous avez gagné un extra-badge ! » ; « Félicitations ! Enquête sur la corruption. Vous avez gagné un extra-badge ! » (Figures 4 et 5).
20 Affichage de l’avancée dans le jeu, de messages de félicitation à chaque niveau atteint, des résultats obtenus et quantification de la progression dans le jeu.
21 Présence d’écrans d’hypernavigation, de liens narrativisés, d’incise ou de bifurcation (cf. Clément,
2004).
22 Collecte et assemblage d’éléments de preuve ou de fils de messages Twitter.
23 “Are you an activist or a city explorer? Prove it! Explore the in-depth map and win extra badges.”
(https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/)
253
Figures 4-5. Félicitations après avoir gagné un extra-badge. Pirate Fishing.
Source : https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
« Bienvenue en Sierra Leone! Vous êtes un ‘chercheur débutant’. Regardez les clips de cette enquête interactive pour collecter des informations. (...)
Chaque point comptera pour votre promotion en tant que ‘reporter senior’. (...)
Vous trouverez plus de vidéos d’investigation et les regarder vous rapportera
des ‘badges de spécialiste’. »24 (Figure 6. Notre traduction)
Figure 6. Avertissement d’accueil. Pirate Fishing.
Source : https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
La posture du ‘reporter rigoureux’ fait émerger une « gamification signifiante »
(Nicholson, 2012) activée par le croisement de la performance du jeu avec une motivation intrinsèque. Il s’agit notamment d’œuvrer dans le strict respect des principes
de la profession. Des situations d’enquête journalistique sont proposées à suivre pas
à pas (Pirate Fishing) ou à implémenter à force d’entretiens et de recoupement d’informations de terrain (#Hacked), sous les conseils de Juliana Ruhfus. Dans le webdocumentaire Pirate Fishing, l’internaute est invité à rejoindre l’équipe composée de la
journaliste et d’un fonctionnaire du Ministère de la Pêche et de la Marine, ainsi que
24 https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
254
d’un membre de la Fondation pour la justice environnementale qui récupère toute
information utile chez les pêcheurs. Consigne lui est donnée de s’en tenir aux faits,
de chercher à produire des preuves irréfutables et de choisir ses contacts en conséquence.
« Ce chalutier a l’air méfiant. Mais si c’est un pirate, nous devons le prouver ! »
(Figure 7)
Figure 7. Pirate Fishing.
Source : https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
« Découvrez la vérité d’un membre de l’équipage. »25 (Figure 8)
Figure 8. Écran donnant accès au récit d’un membre de l’équipage. Pirate Fishing.
Source : https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
« De retour à terre, nous comparons les photos du Five Star avec les images
du navire de pêche illégal que nous avons prises. Mais les mâts sont différents
et les hublots ne sont pas les mêmes. Une impasse... Le Five Star n’est pas le
chalutier pirate! » (Figure 9)
25 https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
255
Figure 9. Mise en garde par Juliana Ruhfus. Pirate Fishing.
Source : https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
Dans la posture de ‘reporter rigoureux’, l’internaute doit faire preuve de pugnacité face à la corruption de certains responsables locaux et aux manœuvres des trafiquants rompus à l’art de camoufler les preuves. S’il n’y a pas de production propre
de la part de l’interacteur (écrit, questions, propositions, commentaires), ce dernier
est toutefois amené à vivre la complexité que représente pareille enquête : déclenchement de nombreux clips vidéo (scènes filmées et montées qui représentent la situation), déplacement des enquêteurs et interviews, création de correspondances,
construction de sens à partir d’éléments dispersés de manière à échafauder sa propre
compréhension tout en prenant conscience des obstacles. Pour la rigueur du travail,
#Hacked propose quatre axes d’investigation : « début de la guerre cybernétique
syrienne » ; « comment fonctionnent les virus » ;
« quelles données sont volées » ; « évolution de la
situation ». Juliana Ruhfus annonce d’emblée les
règles du jeu (Figure 10) : l’internaute dispose de
seulement cinq jours pour réunir le maximum d’informations tout en prenant bien soin des données recueillies. Quel que soit le parcours effectué, la journaliste prévient qu’un point sera fait avec elle après
remise d’un rapport d’enquête.
Figure 10. Message d’avertissement de Juliana Ruhfus.
#Hacked.
Source: https://syhacked.com/
« Vous avez cinq jours pour obtenir le maximum d’informations, mais
soyez prudent lorsque vous collectez vos données car certaines d’entre elles
sont infectées par des logiciels malveillants et des virus ! » (Figure 10)
256
L’avertissement est explicite : ne croire personne et être circonspect car la fiabilité
des sources n’est nullement assurée, ce qui entraîne le joueur à assumer la posture
du ‘reporter prudent’. Il a ce choix de réponses : « Je serai prudent. » ; « Vous n’avez
pas besoin de me dire ça. »26. Dans Pirate Fishing existe le risque de ne pas pouvoir
réinvestir dans l’enquête ce qui a été vu, dans #Hacked, le risque d’échouer, voire
d’entrer en contact avec des personnes peu recommandables. À travers les situations
de guerre numérique qu’il affrontera dans #Hacked l’internaute apprendra également à veiller à sa propre sécurité sur internet, ce qui le place dans une position de
‘reporter responsabilisé’ face aux défis du numérique.
Même si la transcription du réel vers une application
mobile entraîne une certaine simplification du processus, elle ne diminue pas le réalisme des risques encourus dans ce travail d’investigation.
Figure 11. Mise en garde de Ziad. #Hacked.
Source: https://syhacked.com/
Une première recommandation est formulée par Ziad, le producteur de Juliana
Ruhfus pour la Syrie : « Je peux vous aider à trouver des personnes, mais vous devez
faire attention à ne pas les exposer à des risques, d’accord ? » (Figure 11).
Référence est également faite au besoin de sécuriser la communication, à travers
l’envoi par Ziad d’une phase secrète consignée dans un
enregistrement sonore, ce qui lui évite d’être interceptée (Figure 12) :« Nous devrions établir des communications sécurisées. Si je vous envoie un courrier électronique, vérifiez toujours que j’utilise notre ‘phrase sûre’.
(...) Si ce n’est pas dans l’email, n’y croyez pas »27.
Figure 12. Réception de la phrase secrète. #Hacked.
Source: https://syhacked.com/
Le joueur est appelé à composer avec le risque de piratage par des hackers
membres de l’armée électronique syrienne. Il dispose à cet effet d’un analyseur de
virus à activer avant d’ouvrir chaque lien.
26 “I will be careful.”; “You don’t need to tell me that.” (https://syhacked.com/)
27 https://syhacked.com/
257
Dans le webdocumentaire, le défi de l’enquête pour le joueur tient en l’assemblage adéquat de matériaux d’informations (photographies du navire attestant sa
position en mer, photographies de l’équipage et des dégâts sur le matériel des pêcheurs locaux ainsi que les preuves de corruption) au sein d’un rapport qui se doit
d’être irréfutable (Figure 13) par les autorités sierra-léoniennes.
« FÉLICITATIONS ! Vous avez fait de l’excellent travail et vous obtiendrez
une promotion. Mais plus important encore, à la suite de votre enquête, les
autorités sierra-léoniennes ont condamné Ocean 3 à une amende de 155 000
dollars. Et cela a fait une vraie différence! » (Figure 13)
Figure 13. Message de félicitations. Pirate Fishing.
Source : https://interactive.aljazeera.com/aje/2014/piratefishingdoc/
4.3. Des dispositifs catalyseurs de la construction de compétences
Les deux dispositifs analysés favorisent, par la manière dont ils invitent à se faire
pratiquer comme objets sémiotiques, une immersion « basée sur les défis » (Ermi,
Mäyrä, 2011 : 101) impliquant à la fois habiletés de joueur et réflexion stratégique.
Dans ces dispositifs n’est pas principalement visée la production d’informations par
l’interacteur, mais le mode de transmission de ces informations qu’il convient désormais de repenser. Le dispositif est donc construit comme un guide de découverte
et d’apprentissage de l’investigation en ligne. Des mises en garde sont lancées, les
erreurs sont corrigées, les consignes mettent le destinataire toujours sur la bonne
piste, le jeu devient le lieu d’une expérience attrayante mais responsable sur le terrain numérique.
Nous avons affaire à un processus de responsabilisation à la pratique du journalisme d’investigation confronté aux défis d’internet, aux menaces et aux risques
du monde digital. Ici l’environnement d’apprentissage est résolument actif car le
dispositif enclenche une affordance motivationnelle (Deterding et al., 2011) dont les
conséquences peuvent déterminer l’apprenant à modéliser des situations d’enquête
plus adaptées au contexte numérique actuel et aux phénomènes de désinformation.
258
Pareilles situations pourraient constituer un cadre de construction et de validation des compétences (Jonnaert et al., 2015). Tel que relevé par Juliana Ruhfus, le
webdocumentaire Pirate Fishing a été labellisé comme outil d’enseignement du journalisme par la World Association of Newspapers and News Publishers (WAN-IFRA) et
l’American Journalism Educators Association. Il est d’ores et déjà utilisé en tant que tel
dans des écoles de journalisme et des universités28.
Conclusion
À travers l’analyse de dispositif, nous avons étudié la manière dans laquelle deux
artefacts numériques conçus sous format de jeu créent des situations dont la structure (le « système de règles et de contraintes », Genvo, 2013b : 19) est appropriée au
déroulement d’un travail d’investigation journalistique. L’imbrication entre les pratiques discursives se rapportant aux textes et les pratiques non-discursives (actions
basées sur l’activation de connaissances ludiques et empiriques) se matérialise dans
un « objet » (Caborn, 2007) que les pratiqueurs expérimentent, s’approprient, tout en
le dotant de sens. Avec une structure qui se revendique à la fois du jeu et de l’enquête
journalistique, ces dispositifs s’adressent à des joueurs enclins à développer des compétences pour ce genre d’actions.
Le webdocumentaire Pirate Fishing procède de l’expériencialité narrative
(Fludernick, 1996) et place l’internaute dans des postures de découverte des méandres
d’une enquête complexe et de réflexion sur les choix tactiques. Il met en scène des
situations de contournement d’obstacles, telles que la corruption ou le manque
d’intérêt des autorités locales qui obligent la journaliste Juliana Ruhfus à mener sa
propre enquête : constituer des preuves photographiques de présence illicite dans
les eaux territoriales ; identifier les navires suspects ; recueillir des témoignages et les
confronter avec toute sortes de sources objectives d’information (par exemple, cartes
dynamiques de déplacement de navires).
Dans #Hacked, on est confronté à la réalité de la guerre en Syrie entre 2014 et 2016,
à partir de laquelle les postures proposées au joueur sont instanciées dans les modalités d’échange avec des acteurs réels (journalistes, activistes politiques). Les propos
de ces personnages sont enregistrés et s’inscrivent dans un parcours conversationnel
censé être suivi par l’interacteur tenu d’analyser les dires et de protéger ses sources
tout en en vérifiant la sincérité, prenant soin de ne pas faire l’objet de piratage. Mises
en scène, les conversations opèrent sur le registre de la feintise (Jost, 1995) mais
poussent à parcourir le fil Twitter d’informateurs toujours en action. À travers les
actions et les choix proposés au joueur, le « play » reconfigure l’espace sémiotique (le
28 http://www.julianaruhfus.com/interactive-investigations/pirate-fishing-2/
259
design d’interface) en lien direct avec le degré d’appropriation du « game » et impacte
les habiletés que le joueur aura développées à force de pratiquer le jeu.
Le design d’interaction (Gantier, 2016) fonctionne quant à lui sur le mode de la
« performance interactive » (Boissier, 2004). La gamification est pensée ici en deçà de
la coupure jeu/jeu-sérieux donc ludique/ludicisation.
Dans quelles conditions les compétences mises en œuvre au sein de dispositifs
gamifiés pourraient-elles être validées et transférées dans les pratiques professionnelles ? On peut en effet se demander si l’interprétation des situations qu’engage une
compétence est « déductible de la seule expérience pratique » (Rey, 2009 : 111). La
reconnaissance d’une compétence suppose qu’une récurrence intervienne tant au niveau des situations semblables que son énoncé recouvre qu’à celui de la perception,
par les sujets, des éléments communs aux multiples situations dans lesquelles elle est
mobilisée afin d’obtenir des résultats analogues (cf. Rey, 2009 : 104).
Nous sommes ici dans un « work in progress » qui nous a permis d’affiner nos
hypothèses sans pour autant pouvoir les vérifier en situation d’enseignement, ce qui
relativise la portée des résultats. Ce point aveugle pourrait nous amener à envisager,
dans un avenir proche, l’observation de l’usage de ce type de dispositifs par des
étudiants dans l’apprentissage du journalisme d’investigation et à évaluer les compétences acquises.
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INFORMATION,
COMMUNICATION ET
HUMANITÉS NUMÉRIQUES.
Enjeux et défis pour
un enrichissement épistémologique
Actes du 23e Colloque Franco-Roumain
en Sciences de l’Information et de la Communication
18, 19 et 20 octobre 2018, Université Babeș-Bolyai, Cluj-Napoca
Coordonnateurs
Ioan
Federico
Ioan
Nicolas
ROXIN
TAJARIOL
HOSU
PÉLISSIER
ISBN 978-606-561-203-7
© Accent, 2019
Cluj-Napoca
www.accentpublisher.ro
Coperta: Alexandru MAXIM (UBB, Cluj-Napoca).
Présidents du colloque HumaNum’18
Ioan ROXIN (ELLIADD, Montbéliard)
Ioan HOSU (Université Babeș-Bolyai, Cluj-Napoca)
Nicolas PÉLISSIER (UCA SICLAB)
Présidents du comité de programme
Federico TAJARIOL (ELLIADD, Montbéliard)
Alain LAMBOUX-DURAND (ELLIADD, Montbéliard)
Comité scientifique
Delia Cristina BALABAN (UBB, Cluj-Napoca), Camelia BECIU (Université de Bucarest, FJSC/
Académie Roumaine), Ioana BERINDAN-NEAGOE (UMF, Cluj-Napoca), Cristina BOGDAN
(Université de Bucarest, Faculté de Lettres), Jean-Jacques BOUTAUD (CIMEOS, Dijon),
Robert Andrei BUCHMANN (UBB Cluj-Napoca), Stéphane CHAUDIRON (GERiiCO, Lille),
Malina CIOCEA (SNSPA, Bucarest), Gheorghe CLITAN (Université de l’Ouest de Timișoara),
Mihai COMAN (Université de Bucarest, FJSC), Franck CORMERAIS (MICA, Bordeaux),
Ioan DRĂGAN (Université de Bucarest, Faculté de sociologie), Gina DRULA (Université
de Bucarest), Ioan HOSU (UBB, Cluj-Napoca), Alain LAMBOUX-DURAND (ELLIADD,
Montbéliard), Patrizia LAUDATI (DEVISU, Valenciennes), Mirela LAZĂR (Université de
Bucarest, FJSC), Olivier Le DEUFF (MICA, Bordeaux), Irina Diana MADROANE (Université
de l’Ouest de Timișoara), Andreea MOGOȘ (UBB, Cluj-Napoca), Angeliki MONNIER (CREM,
Metz), Denisa OPREA (SNSPA, Bucarest), Nicolas PÉLISSIER (SIC.Lab, Nice), Nicolae
PERPELEA (Académie Roumaine – Institut de Sociologie), Luciana RĂDUȚ-GHAGHI (LT2D,
Cergy-Pontoise), Paul RASSE (SIC.Lab Nice), Pierre RATINAUD (LERASS, Toulouse),
Daniela ROVENTA-FRUMUȘANI (Université de Bucarest, FJSC), Ioan ROXIN (ELLIADD,
Montbéliard), Gheorghe Cosmin SILAGHI (UBB Cluj-Napoca), Brigitte SIMONNOT (CREM,
Metz), Nikos SMYRNAIOS (LERASS, Toulouse), Adrian STAII (ELICO, Lyon), Federico
TAJARIOL (ELLIADD, Montbéliard), Éric TRIQUET (Agorantic, Avignon), Anca VELICU
(Académie Roumaine – Institut de Sociologie), Manuel ZACKLAD (DICEN-IDF, CNAM Paris).
Organisation scientifique pour la France
• Laboratoire ELLIADD (EA 4661), Université de Franche-Comté
• Laboratoire MICA (EA 4426), Université Bordeaux Montaigne
• Laboratoire SIC.Lab Méditerranée (EA 3280), Université Côte d’Azur
Organisation scientifique pour la Roumanie
• Académie Roumaine, Laboratoire de Sociologie de la Communication
et de l’Espace Public, Institut de Sociologie.
• Université Babeș-Bolyai, Cluj-Napoca, Centre de Recherches
sur la Communication et l’Innovation Sociale.
Comité d’organisation du colloque
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Horea BĂDĂU (FJSC, Bucarest)
Valer Daniel BREAZ (UAB, Alba Iulia)
Vasile COZMA (USAMV, Cluj-Napoca)
Ioan HOSU (UBB, Cluj-Napoca)
Ioana IANCU (UBB, Cluj-Napoca)
Alexandru IRIMIE (UMF, Cluj-Napoca)
Cosmin IRIMIEŞ (UBB, Cluj-Napoca)
Laura IRIMIEŞ (UBB, Cluj-Napoca)
Olivier Le DEUFF (MICA, Bordeaux)
Alain LAMBOUX-DURAND (ELLIADD, Montbéliard)
Alexandru MAXIM (UBB, Cluj-Napoca)
Arina NEAGU (UBB, Cluj-Napoca)
Nicolas OLIVERI (SIC.Lab, Nice)
Anișoara PAVELEA (UBB, Cluj-Napoca)
Cristina Bianca POCOL (USAMV, Cluj-Napoca)
Ioan ROXIN (ELLIADD, Montbéliard)
Mihnea STOICA (UBB, Cluj-Napoca)
Federico TAJARIOL (ELLIADD, Montbéliard)
Andreea VOINA (UBB, Cluj-Napoca)
Avec le soutien de :
• l’Association Francophone des Humanités Numériques (Humanistica)
• l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), Direction régionale
de l’Europe Centrale et Orientale
• l’Institut Français de Cluj-Napoca
• la Société Française pour les Sciences de l’Information
et de la Communication (SFSIC)
TABLE DES MATIÈRES
Humanités Numériques, Information et Communication.
Dynamique et fécondité de la recherche francophone en SIC
Ioan ROXIN, Federico TAJARIOL, Ioan HOSU, Nicolas PÉLISSIER ....................11
Section 1
Le numérique : un levier pour les recherches en SIC
Hybrider les dispositifs de recherche : la nécessaire combinaison
des méthodes numériques et traditionnelles pour analyser l’activité
communicationnelle au travail
Caroline DATCHARY, Thomas CORNILLET .............................................................19
Le traitement médiatique de la vaccination infantile
dans la presse nationale : quels usages et apports du logiciel Iramuteq ?
Audrey ARNOULT, Mylène COSTES ...........................................................................33
Instagram Data Analysis: #hurricaneirma
Mihaela-Alina COSTE .......................................................................................................47
Exploring the meme-sphere using semantic relatedness on Know Your Meme
Flavia ȚĂRAN ....................................................................................................................63
Faire son entrée dans le milieu virtuel : numérisation de la mémoire
de la Grande Guerre et de la Grande Union de 1918 en Roumanie
Diana LUTZ, Vlad POPOVICI .......................................................................................81
Section 2
Le numérique dans la construction et la médiation du savoir
Post-chirographie documentaire et empirie numérique.
Actualisation de questions de méthode
Gloria AWAD ......................................................................................................................93
Objets connectés : nouveaux dispositifs
pour la médiation des savoirs scientifiques ?
Aymeric BOUCHEREAU, Ioan ROXIN ..........................................................................109
Classification de textes anglais L2 par niveau de compétence langagière.
Autour d’une compétition d’apprentissage automatique en traitement
automatique des langues
Yannis HARALAMBOUS .............................................................................................129
Construction du sens dans le Data Art
Françoise CHAMBEFORT ............................................................................................143
OduS, dispositif et corpus.
Penser (autrement) la recommandation culturelle des systèmes informatisés
Eloi FLESCH ....................................................................................................................157
Les technologies du Web Sémantique au service de l’approche
One Health en médecine humaine et animale
Antonin SEGAULT, Vasile COZMA, Ioan ROXIN ..................................................177
Modeling of key mechanisms in cancer progression – focus on apoptosis
Diana GULEI, Anca ONACIU, Bogdan Adrian TIGU, Alina-Andreea ZIMȚA,
Cristina CIOCAN, Patriciu ACHIMAȘ-CADARIU, Alexandru IRIMIE,
Ioana BERINDAN-NEAGOE ......................................................................................189
Section 3
Le numérique et les pratiques sociales et professionnelles
Accompagnement de la transition numérique des organisations,
l’impossible formation à la coopération
Sylvie ALEMANNO, Eva YAO .........................................................................................197
Les chatbots, vecteur humanisant ou financier ?
Franck DEBOS .................................................................................................................213
La communication de la police nationale sur les réseaux sociaux numériques.
De la quête de likes aux techniques de gouvernementalité
Isabelle HURÉ, Guillaume Le SAULNIER ...................................................................225
Journalisme d’investigation et dispositifs d’information expérientiels.
La gamification à des fins d’apprentissage
Mirela LAZĂR, Pierre MORELLI ................................................................................241
Section 4
Le numérique et la valorisation du patrimoine et de la mémoire collective
La visite familiale interactive libre au musée :
accompagner le parent dans son rôle de médiateur culturel.
Le cas du Musée du Papier d’Angoulême
Cristina BĂDULESCU, Charles-Alexandre DELESTAGE,
Valérie-Inés de La VILLE ..................................................................................................265
Des pratiques adolescentes à la coédition d’un web-documentaire
sur la culture scientifique. Une nécessaire dialectique entre SIC et CSTI
David GALLI, Christian GERINI ..................................................................................279
L’exposition Terra Data : une médiation des savoirs sans enjeu
Éric TRIQUET, Eloi FLESCH ......................................................................................295
L’apport du web sémantique à la sauvegarde du patrimoine immatériel.
Les cas du textile, de la musique et de la mine
Stéphane CHAUDIRON, Bernard JACQUEMIN, Éric KERGOSIEN .................311
Section 5
Le numérique et les pratiques de création et de réception des contenus
Numérique vs. papier :
mutations discursives dans les guides de voyage sur la Roumanie
Gabriela ROTAR ................................................................................................................331
Challenges lectoraux : ludicité littéraire et web club de lecteurs
Fabienne SOLDINI ..........................................................................................................349
La chaîne de télévision digitale comme acteur-réseau.
Le rôle de HBO dans la transmission des savoirs sur l’Europe de l’Est
KESZEG Anna ...................................................................................................................361
Les médias sociaux : vers un nouveau type d’ethos ?
Delia OPREA ...................................................................................................................373
Grammaire de la Fake News.
Deux modalités de l’écriture de la Fake news en média court et média long
Florent MONTACLAIR .....................................................................................................387
INDEX DES AUTEURS ...................................................................................................411
CLUJ-NAPOCA