Décembre
2019
Vol.
1,
Juin 2020
Vol.
2, Décembre
2020
Revue des Langues, Lettres et Sciences de l’Homme et de la Société
Numéro008
010,Décembre
Vol.1,2,Juin
Décembre
009,
Vol.
2020 2020
Numéro
2019
ISSN : 2518 - 4237
Revue des Langues, Lettres et Sciences
de l’Homme et de la Société
Faculté des Lettres et
Sciences Humaines
ISSN : 2518 - 4237
Faculté des Lettres et
Sciences Humaines
Revue des Langues, Lettres et Sciences
de l’Homme et de la Société
Numéro
010,009,
Vol.Vol.
2, Décembre
2020
Numéro
1, Juin2019
2020
Numéro
008,
Décembre
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
En couverture,
photo d’un grenier traditionnel kabiyè
prise au « musée de Yadè », « Kabɩyɛ
sɔsaa ɖiwa »
©LƆŋGBOWU, Revue des Langues, Lettres et Sciences de l’Homme et
de la Société, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de
Kara-Togo
N°010, Vol. 2, Décembre 2020
ISSN : 2518 – 4237
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
ADMINISTRATION DE LA REVUE
COMITE DE REDACTION
Directeur Scientifique : Akoété AMOUZOU, Professeur Titulaire
Directeur de publication : Nakpane LABANTE, Maître de
Conférences
Rédacteur en Chef : Tchaa PALI, Maître de Conférences
Coordinateur de publication : Boussanlègue TCHABLE,
Maître de Conférences
Secrétaire : Essonam BINI, Maître-Assistant
Assistant à la rédaction : Kokou TCHALLA, Maître-Assistant
COMITE SCIENTIFIQUE INTERNATIONAL
Pr Komla SANDA (Université de Kara)
Pr Amouzou KOU’SANTA (Université de Kara)
Pr Adama KPODAR (Université de Kara)
Pr Yaovi AKAKPO (Université de Lomé)
Pr Komi. KOSSI-TITRIKOU (Université de Lomé)
Pr Kodjona KADANGA (Université de Lomé)
Pr Komlan NUBOUKPO (Université de Lomé)
Pr Badjow TCHAM (Université de Lomé)
Pr Akoété AMOUZOU (Université de Kara)
Pr Abou NAPON (Université de Ouagadougou)
Pr Tamasse DANIOUE (Université de Lomé)
Pr Hugues MOUCKAGA (Université Oumar Bongo de Libreville)
Pr Alou KEITA (Université de Ouagadougou)
Pr Atafeï PEWISSI (Université de Lomé)
Pr Komlan E. ESSIZEWA (Université de Lomé)
Pr Musanji NGALASSO-MWATA (Université Bordeaux
Montaigne)
Pr Laré KANTCHOA (Université de Kara)
Pr Hounkpati B. C. CAPO (Université d’Abomey-Calavi)
Pr Flavien GBETO (Université d'Abomey-Calavi)
Pr Momar CISSE (Université Cheikh Anta Diop)
Pr Mahougnon KAKPO (Université d'Abomey-Calavi)
Pr Kokou E. PERE-KEWEZIMA (Université de Lomé)
Pr Issa TAKASSI (Université de Lomé)
Pr Alpha BARRY (Université Bordeaux Montaigne)
M. Moustapha GOMGNIMBOU, Directeur de Recherche
(CNRST)
Pr Ousseynou FAYE (Université Cheikh Anta Diop de Dakar)
Pr M. BANTENGA (Université de Ouagadougou)
COMITE DE LECTURE
Pr Akoété AMOUZOU (Université de Kara), Pr Tamasse DANIOUE
(Université de Lomé), Pr Atafeï PEWISSI (Université de Lomé), Pr
Komlan E. ESSIZEWA (Université de Lomé), Pr Mahougnon
KAKPO (Université d'Abomey-Calavi), Pr Kokou E. PEREKEWEZIMA (Université de Lomé), Pr Alpha BARRY (Université
Bordeaux Montaigne), Pr E. ASSIMA-KPATCHA (Université de
Lomé) ; Pr N. A. GOEH-AKUE (Université de Lomé) ; M. Kossi
i
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
BADAMELI, Maître de Conférences (Université de Kara) ; Pr Padabo
KADOUZA (Université de Kara) ; M. Komlan KOUZAN, Maître de
Conférences (Université de Kara) ; Pr Laré KANTCHOA (Université
de Kara) ; M. KAMMAMPOAL Bawa, Maître de Conférences
(Université de Kara) ; M. Nakpane LABANTE, Maître de Conférences
(Université de Kara), Mme Kuwèdaten NAPALA, Maître de
Conférences (Université de Kara) ; Mme Balaïbaou KASSAN, Maître
de Conférences (Université de Kara) ; M. Assogba GUEZERE, Maître
de Conférences (Université de Kara) ; M. Komi KPATCHA, Maître de
Conférences (Université de Kara) ; M. Koffi SOSSOU, Maître de
Conférences ; M. Bammoy NABE, Maître de Conférences (Université
de Kara) ; M. Boussanlègue TCHABLE, Maître de Conférences
(Université de Kara) ; M. Tchaa PALI, Maître de Conférences
(Université de Kara) ; Pr Paboussoum PARI (Université de Lomé) ; Pr
Martin Minlipe GANGUE (Université de Lomé); Pr Pitaloumani
GNAKOU ALI (Université de Lomé) ; Mme Kouméalo ANATE,
Maître de Conférences (Université de Lomé) ; Pr Essohanam
BATCHANA (Université de Lomé) ; Pr Kokou GBEMOU (Université
de Lomé) ; Pr Séna AKAKPO-NUMADO (Université de Lomé) ; Pr
Atiyihwè AWESSO (Université de Lomé), M. Gbati NAPO, Maître de
Conférences (Université de Lomé), M. Bernard KABORE, Maître de
Conférences (Université Joseph Ki-Zerbo).
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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
SOMMAIRE
ADMINISTRATION DE LA REVUE
SOMMAIRE
LIGNE EDITORIALE
SYNTHESE DES ARTICLES
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iii
vii
xi
LANGUES ET LETTRES
13
L’expression culturelle dans kroh ! Les femmes ont déserté la
maison, de Yacouba Traoré, THIOMBIANO Torbilinla
Elisabeth & KAMBOU Quilet-tonnan …………..…………
Développement et durabilité: antagonisme ou symbiose regard
de littéraire, KLOUTSE Biava Kodjo ………………..……...
Morphologie et sémantique des noms chez Jean-Marie Adiaffi
Adé et Maurice Bandaman, TAKORE-KOUAME Aya
Augustine ……………………………………………………..
John Ruganda’s social vision regarding moral decay and the
deconstruction of prostitution in black mamba, KOUMAI
Bossah …………………………………………………..….….
L’identité métisse à l’épreuve de la violence raciale dans Le
chercheur d’Afriques et Le lys et le flamboyant d’Henri Lopès,
MADJINDAYE Yambaïdjé ……………………………..…...
The Quest for Female Autonomy: Breaking Marital Chains in
Hurston’s Their Eyes Were Watching God and Emecheta’s The
Joys of Motherhood, BEGEDOU Komi ………………........…
Le français langue étrangère comme matière enseignée dans les
écoles nigérianes : la nécessite d’une reforme
d’enseignement/apprentissage, AJANI Akinwumi Lateef .…..
Le proverbe dans la construction du discours eʋe, analyse de Ku
ɖi ƒo na wo de Klu Akotey, NORDJOE Kossi Kouma &
AVEGNON Komivi Delali …………………………….…......
The american dream and its ambiguities, AMIN Larry &
GUELLY Koffitsè Ekélékana Isidore ………………….…...
(De-)Konstruktion der Subalternposition. Zu Parallelen
zwischen feministischem und postkolonialem Diskurs in Ilona
Maria Hilliges´ Roman Sterne über Afrika, DOUTI
Boaméman ……………………………………………………
Lecture dialectologique des formules de salutation en milieu
xwla, au Sud du Bénin, HOUNZANGBE Zinsou & ANANIKASSA Kokou Rubern Arnold ……………………..………
Promotion des langues africaines : obstacles et solutions, ZIME
YERIMA Idrissou ……………………………………………
SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA SOCIETE
iii
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27
41
55
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Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
La reddition de compte dans les démocraties représentatives : la
palabre, une institution alternative à la sanction électorale ?,
LINSOUSSI Kinhou Fanou Alain ……………………..……
Désir d’enfant chez quelques jeunes adultes souffrant de
drépanocytose au Gabon : de la valorisation narcissique à
l’angoisse de mort, NYAMA Firmin Marius Olivaint ……...
Adolescence et rite de passage : la construction du moi à travers
le processus de séparation-individuation chez l’adolescente
gabonaise, NGABOLO Georgette & BIKA Gildas …….........
Espace numérique et fake news en Afrique : sur les traces des
langues, de la téléphonie et des croyances religieuses,
AFFAGNON Qemal ……………………...………………….
L’influence de l’utilisation des outils didactiques sur la qualité
de l’enseignement de l’archéologie au secondaire au Tchad : cas
de quelques établissements de la ville de N’Djamena,
NDIGMBAYEL REOULAR Urbain & NANGKARA
Clison ……………………………………………………...…..
Usage des TIC en contexte familial et performances en français
et en mathématiques chez les élèves du primaire dans la Région
des Savanes au Togo, HOULOUM Biriziwè, MEWEZINO
Esso-Mondjonna & TCHABLE Boussanlègue……………...
Le paradigme libéral et le tournant post-communautaire de
l’Etat-nation, AMEWU Yawo Agbéko ……………..………..
Heidegger. Pourquoi détruit-il la tradition ontologique ?,
OVENANGA-KOUMOU Dimitri …………………..………
Manipulation des besoins dans la société techno-industrielle et
la problématique de la liberté humaine chez Herbert Marcuse,
SAKALOU Bledé …………………………………………….
Historique de l’organisation du hadj au Burkina Faso (1960-2019),
OUBDA Mahamoudou ………………………………..………….
Femme et culture de la paix dans les monts Mandara de
l’extrême-Nord et les Hauts-plateaux de l’Ouest-Cameroun
(XIXe-XXe siècles) : regards croisés, NENKAM Chamberlain
& DIYE Jeremie ……………………………………………...
Les politiques d’électrification en Afrique subsaharienne : enjeu
régional et approche globale (1980-2017), POKAM
KAMDEM Williams ………..………………………………..
L’exploitation de la faune en AEF et au Gabon : entre intérêts
économiques et préservation de la nature (1935-1968),
MOUTANGOU Fabrice Anicet ……………………..………
Mutations dans les arts et champs nouveaux de créativité : le cas
de l’art africain, TOME Adama …………………..…………...
Les sachets plastiques dans l’alimentation de rue et dégradation
de l’environnement de la ville de Daloa, KOUAME Yao
Alexis, KOUADIO N’guessan Roger Carmel, KOFFI Guy
Roger Yoboué & KOUASSI Konan …………………………
Variabilité pluviométrique et stratégies d’adaptation de
production animale chez les éleveurs des monts Mandara
(Extrême-Nord
Cameroun),
KALDAOUSSA
Paul,
TEWECHE Abel & LIBA’A Natali Kossoumna ……………
iv
207
229
239
255
267
283
299
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335
349
371
391
415
445
463
481
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Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
Adaptation et variabilité climatique à Bambala au Nord-Ouest
ivoirien, FOFANA Lacina, KASSI Kadjo Jean Claude &
SOSSOU Koffi Benoît …………………….……...…….…….
La gestion de la crise sanitaire de la Covid-19 et la mobilité
durable en Côte d’Ivoire, KOUASSI David Aurélie Abigaïl
& KOUASSI Kouamé Sylvestre …………………...………..
Regards d’adolescents de Cotonou sur le dialogue parent-enfant
en matière de sexualité, AFFO Alphonse Mingnimon………..
Impacts des projets de rénovation urbaine dans les quartiers
centraux et les noyaux villageois de la ville de Divo (Côte
d’Ivoire), COULIBALY Salifou …………………..…….……
Précarité socioéconomique et délinquance des gangs
d’adolescents dits ‘‘microbes’’ à Abidjan, COULIBALY
Donatehe ………………………………………………….…...
v
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515
533
547
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Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
LIGNE EDITORIALE
Lɔŋgbowu est une revue à parution semestrielle de la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Kara. Elle publie les articles
des domaines des langues, des lettres, des sciences de l’homme et de la société.
Les textes doivent tenir compte de l’évolution des disciplines couvertes et
respecter la ligne éditoriale de la revue. Ils doivent en outre être originaux
et n’avoir pas fait l’objet d’une acceptation pour publication dans une autre
revue à comité de lecture.
Les articles soumis à la revue Lɔŋgbowu sont anonymement instruits
par deux évaluateurs. En fonction des avis de ces deux instructeurs, le comité
de rédaction décide de la publication de l’article soumis, de son rejet ou alors
demande à l’auteur de le réviser en vue de son éventuelle publication.
Les articles à soumettre à la revue doivent être conformes aux normes
ci-dessous décrites.
PRESENTATION GENERALE DES MANUSCRITS
À partir de ce numéro 004, la revue Lɔngbowou ne peut recevoir pour
instruction ni publier un article s’il ne respecte pas les normes typographiques,
scientifiques et de référencement (NORCAMES /LSH) adoptées par le
CTS/LSH, le 17 juillet 2016 à Bamako, lors de la 38 ème session des CCI dont
voici in extenso une partie du point 3 de ces normes à l’attention de tous les
auteurs.
« 3. DES NORMES ÉDITORIALES D’UNE REVUE DE LETTRES OU
SCIENCES HUMAINES
3.1. Aucune revue ne peut publier un article dont la rédaction n’est pas
conforme aux normes éditoriales (NORCAMES). Les normes
typographiques, quant à elles, sont fixées par chaque revue.
3.2. La structure d’un article doit être conforme aux règles de rédaction
scientifique, selon que l’article est une contribution théorique ou résulte d’une
recherche de terrain.
3.3. La structure d’un article scientifique en Lettres et Sciences Humaines se
présente comme suit :
- Pour un article qui est une contribution théorique et fondamentale : Titre,
Prénoms et Nom de l’auteur, Institution d’attache, adresse électronique,
Résumé en Français [250 mots maximum], Mots clés [7 mots maximum],
[Titre en Anglais] Abstract, Keywords, Introduction (justification du
thème, problématique, hypothèses/objectifs scientifiques, approche),
Développement articulé, Conclusion, Bibliographie.
- Pour un article qui résulte d’une recherche de terrain : Titre, Prénoms et
Nom de l’auteur, Institution d’attache, adresse électronique, Résumé en
Français [250 mots au plus], Mots clés [7 mots au plus], [Titre en Anglais],
Abstract, Keywords, Introduction, Méthodologie, Résultats et Discussion,
Conclusion, Bibliographie.
- Les articulations d’un article, à l’exception de l’introduction, de la
conclusion, de la bibliographie, doivent être titrées, et numérotées par des
chiffres (exemples : 1. ; 1.1. ; 1.2 ; 2. ; 2.2. ; 2.2.1 ; 2.2.2. ; 3. ; etc.). (ne pas
automatiser ces numérotations)
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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
3.4. Les passages cités sont présentés en romain et entre guillemets (Pas
d’Italique donc !). Lorsque la phrase citant et la citation dépassent trois lignes,
il faut aller à la ligne, pour présenter la citation (interligne 1) en romain et en
retrait, en diminuant la taille de police d’un point.
3.5. Les références de citation sont intégrées au texte citant, selon les cas,
de la façon suivante :
- (Initiale (s) du Prénom ou des Prénoms de l’auteur. Nom de l’Auteur, année
de publication, pages citées) ;
- Initiale (s) du Prénom ou des Prénoms de l’auteur. Nom de l’Auteur (année
de publication, pages citées).
Exemples :
- En effet, le but poursuivi par M. Ascher (1998, p. 223), est « d’élargir
l’histoire des mathématiques de telle sorte qu’elle acquière une perspective
multiculturelle et globale (…), d’accroitre le domaine des mathématiques :
alors qu’elle s’est pour l’essentiel occupé du groupe professionnel occidental
que l’on appelle les mathématiciens(…)».
- Pour dire plus amplement ce qu’est cette capacité de la société civile, qui
dans son déploiement effectif, atteste qu’elle peut porter le développement et
l’histoire, S. B. Diagne (1991, p. 2) écrit :
Qu’on ne s’y trompe pas : de toute manière, les populations ont toujours
su opposer à la philosophie de l’encadrement et à son volontarisme leurs
propres stratégies de contournements. Celles-là, par exemple, sont
lisibles dans le dynamisme, ou à tout le moins, dans la créativité dont sait
preuve ce que l’on désigne sous le nom de secteur informel et à qui il
faudra donner l’appellation positive d’économie populaire.
- Le philosophe ivoirien a raison, dans une certaine mesure, de lire, dans ce
choc déstabilisateur, le processus du sous-développement. Ainsi qu’il le dit :
le processus du sous-développement résultant de ce choc est vécu concrètement
par les populations concernées comme une crise globale : crise socio-économique
(exploitation brutale, chômage permanent, exode accéléré et douloureux), mais
aussi crise socio-culturelle et de civilisation traduisant une impréparation
sociohistorique et une inadaptation des cultures et des comportements humains aux
formes de vie imposées par les technologies étrangères. (S. Diakité, 1985, p.
105).
3.6. Les sources historiques, les références d’informations orales et les
notes explicatives sont numérotées en série continue et présentées en
bas de page
3.7. Les divers éléments d’une référence bibliographique sont
présentés comme suit :
NOM et Prénom (s) de l’auteur, Année de publication, Zone titre, Lieu de
publication, Zone Éditeur, pages (p.) occupées par l’article dans la revue
ou l’ouvrage collectif. Dans la zone titre, le titre d’un article est présenté
en romain et entre guillemets, celui d’un ouvrage, d’un mémoire ou d’une
thèse, d’un rapport, d’une revue ou d’un journal est présenté en italique.
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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
Dans la zone Éditeur, on indique la Maison d’édition (pour un
ouvrage), le Nom et le numéro/volume de la revue (pour un article). Au cas
où un ouvrage est une traduction et/ou une réédition, il faut préciser après le
titre, le nom du traducteur et/ou l’édition (ex : 2nde éd.).
3.8. Ne sont présentées dans les références bibliographiques que les
références des documents cités. Les références bibliographiques sont
présentées par ordre alphabétique des noms d’auteur. Par exemple :
Références bibliographiques
AMIN Samir, 1996, Les défis de la mondialisation, Paris, L’Harmattan.
AUDARD Cathérine, 2009, Qu’est-ce que le libéralisme ? Éthique, politique,
société, Paris, Gallimard.
BERGER Gaston, 1967, L’homme moderne et son éducation, Paris, PUF.
DIAGNE Souleymane Bachir, 2003, « Islam et philosophie. Leçons d’une
rencontre », Diogène, 202, 4, p. 145-151.
DIAKITE Sidiki, 1985, Violence technologique et développement. La
question africaine du développement, Paris, L’Harmattan.
Typographie française
- La revue Lɔŋgbowu s’interdit tout soulignement et toute mise de quelque
caractère que ce soit en gras.
- Les auteurs doivent respecter la typographie française concernant la
ponctuation, l’écriture des noms, les abréviations…
Les appels de notes sont des chiffres arabes en exposant, sans parenthèses,
placés avant la ponctuation et à l’extérieur des guillemets pour les citations.
Tout paragraphe est nécessairement marqué par un alinéa d’un
cm à gauche pour la première ligne.
Tableaux, schémas et illustrations
En cas d’utilisation des tableaux, ceux-ci doivent être numérotés en
chiffres romains selon l’ordre de leur apparition dans le texte.
Les schémas et illustrations doivent être numérotés en chiffres arabes selon
l’ordre de leur apparition dans le texte.
La présentation des figures, cartes, graphiques, … doit respecter le
miroir de la revue qui est de 16 x 24. Ces documents doivent porter le titre
précis, la source, l’année et l’échelle (pour les cartes).
Le non-respect des normes éditoriales entraîne le rejet du projet
d’article.
LES DROITS DE PUBLICATION
Une fois l’article accepté par le comité de rédaction, l’auteur devra
entrer en contact avec la rédaction de la revue pour l’acquittement des droits
de publication qui s’élèvent à 40 000 FCFA.
Lɔŋgbowu étant une revue de recherche et d’information éditée sans
but lucratif, les auteurs ne percevront pas de versement de droits.
ÉPREUVES ET PUBLICATIONS
Avant publication, l’auteur reçoit par courrier électronique un jeu
d’épreuves à vérifier. Il doit les retourner corrigées sous huitaine à la
rédaction. Seules les corrections typographiques sont admises sur les
épreuves.
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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
L’auteur reçoit, après parution, le tiré-à-part de son article en version
électronique au format PDF. Il pourra recevoir, sur demande, un exemplaire
de la revue en payant les frais d’expédition.
Les articles sont la propriété de la revue et peuvent faire l’objet, avec
l’accord de l’auteur, d’une mise en ligne.
DISPOSITIONS FINALES
Les articles doivent parvenir au secrétariat de rédaction de la revue au
plus tard à la fin du mois de mars pour le numéro de juin et la fin du mois de
septembre pour le numéro de décembre de chaque année.
Les textes doivent être envoyés à l’adresse suivante :
Email : rellshs2016@gmail.com
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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
SYNTHÈSE DES ARTICLES
Les contributions constituant l’ossature de ce 10ème numéro de la
Revue Lɔŋgbowu, réparti en Vol. 1 et Vol. 2, sont très riches et variées.
Dans le domaine des langues et lettres, différents auteurs ont
orienté leurs recherches vers des thématiques très diversifiées. En
littérature, ils ont abordé les questions de l’autonomisation des femmes,
d’identité et de violence raciale, de développement et de durabilité dans
la vision du littéraire. On y trouve aussi des contributions sur l’image
iconique dans la bande dessinée, d’écriture filmique, de la stylistique
et de l’hypallage, de l’analyse des proverbes, etc. à partir d’études des
œuvres d’écrivains africains en particulier.
Les chercheurs en sciences du langage ont mené des
investigations sur la dérivation verbale, l’étude des ressources
linguistiques à travers des textes romanesques, les pronoms personnels
et l’indexation ainsi que la morphologie et la sémantique des noms sans
oublier les problématiques de l’auto-alphabétisation, et les questions de
la reforme d’enseignement/apprentissage, de la promotion des langues
africaines.
Différentes thématiques du domaine des sciences de l’homme et
de la société ont été traitées dans ce numéro. Dans le champ de la
sociologie et de l’anthropologie, les recherches portent sur le
leadership des partis d’opposition face au défi de l’alternance politique,
mais aussi sur le pouvoir des femmes dans un contexte syndical. Les
questions de la santé sexuelle et des épidémies ainsi que celle de la
résilience face aux pratiques rituelles liées à la mort ont également été
évoquées. Les articles en psychologie et en sciences de l’éducation se
sont focalisés sur l’analyse des performances des apprenants dans une
stratégie de scolarisation particulière, la qualité de l’enseignement à
travers les outils didactiques, l’usage des TIC en lien avec les
performances scolaires. D’autres encore ont concerné la construction
du moi à travers le processus de séparation-individuation, la pauvreté
et la délinquance juvénile.
Les recherches en histoire ont porté sur la vie politique et
l’affirmation identitaire, les chefferies traditionnelles et les lieux de
pouvoir, mais aussi sur l’histoire des religions et de l’art africain.
D’autres encore parlent de l’histoire économique, des énergies et des
enjeux économiques voire de l’exploitation des richesses dans les pays
anciennement colonisés.
En géographie, les publications se sont orientées vers l’étude des
facteurs de la dégradation de l’environnement, des changements
climatiques et des stratégies d’adaptation des producteurs, les pratiques
agricoles et les déterminants de la dégradation des terres. L’étude des
projets d’aménagement et de développement urbain, la problématique
de la gestion des déchets ont aussi retenu l’attention des chercheurs. On
y trouve également des sujets portant sur la commercialisation des
produits de contrebande et sur les déterminants de la migration
clandestine, les conflits d’usage entre agriculteurs et éleveurs, la
xi
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
problématique de la gestion des crises sanitaires en temps de la Covid19, etc.
En philosophie, les questions qui ont été analysées portent sur le
paradigme libéral de l’Etat-nation et la problématique de la liberté
humaine, la tradition ontologique et des pratiques ésotériques
africaines face au mysticisme chrétien, les questions de la condition
paysanne sous l’angle de la pensée politique et économique de Marx
xii
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
L’EXPLOITATION DE LA FAUNE EN AEF ET AU GABON :
ENTRE INTERETS ECONOMIQUES ET PRESERVATION DE
LA NATURE (1935-1968)
MOUTANGOU Fabrice Anicet
Résumé
Les campagnes d’exploration de l’Afrique s’accompagnent souvent des
publications des récits détaillés. Certaines de ces publications, à travers des
croquis forts détaillés, mettent en avant la faune du continent. En Afrique
équatoriale, des explorateurs tels P. S. de Brazza (1992), par le truchement
d’une série de dessins, ont forgé l’imaginaire des lecteurs. Certains d’entredeux, poussés par le goût de l’aventure, se sont essayés à la chasse et ont
embrassé des carrières de chasseurs professionnels ou guides de chasses. Pour
limiter les risques de gaspillage et tirer profit des activités y relatives, les
autorités de l’AEF adoptent une série de textes visant à organiser l’exploitation
et la préservation de la faune. Indépendant en 1960, le Gabon tente de s’inscrire
dans le sillon tracé par l’ancienne puissance coloniale. Mais cette nouvelle
dynamique s’est souvent heurtée à une série d’écueils tels que le manque de
moyens financiers ou logistiques et la résistance des populations. En scrutant
l’évolution des dispositions en matière de gestion de la faune en AEF et au
Gabon, cet article tente de mettre en lumière la politique administrative
structurée autour de la recherche de l’équilibre entre la volonté de préserver la
faune, les besoins des populations en viande et le profit économique généré par
l’exploitation des animaux.
Mots-clés : Chasse, faune, tourisme, législation, AEF, Gabon
Abstract
Campaigns to explore Africa are often accompanied by the publication
of detailed accounts. Some of these publications, through very detailed
sketches, highlight the fauna of the continent. In equatorial Africa, explorers
such as P. S. de Brazza (1992), through a series of drawings, forged the
imagination of readers. Some in between, driven by a taste for adventure, have
tried their hand at hunting and have taken up careers as professional hunters or
guides. To limit the risk of waste and profit from related activities, the AEF
authorities are adopting a series of texts aimed at organizing the exploitation
and preservation of wildlife. Independent in 1960, Gabon attempted to follow
the path traced by the former colonial power. But this new dynamic has often
come up against a series of pitfalls, such as the lack of financial or logistical
resources and the resistance of the populations. By examining the evolution of
wildlife management arrangements in AEF and Gabon, this article attempts to
highlight the administrative policy structured around the search for a balance
Université Omar Bongo (Gabon) ; Email : imenu4@yahoo.fr
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Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
between the desire to preserve wildlife and the needs of populations in meat
and the economic profit generated by the exploitation of animals.
Keywords : Hunting, fauna, tourism, legislation, AEF, Gabon
Introduction
Au milieu des années 1930, les puissances impérialistes tentent
de juguler les effets de la crise économique mondiale, en initiant des
réformes structurelles tous azimuts. Dans les colonies, ces efforts se
traduisent par le toilettage des dispositions légales en matière
d’exploitation des produits naturels et un contrôle plus accru des
opérateurs économiques. Pour les spécialistes de l’histoire coloniale de
l’Afrique, la décennie 1930 se caractérise par « la mise en place des
formes modernes de l’impérialisme » (C. Coquery-Vidrovtich et H.
d’Almeida-Topor, 1976, p. 377). En AEF, la mesure phare initiée par
la France reste sans conteste « la décision de supprimer l’autonomie
financière du Gabon et des autres colonies du groupe de l’AEF » (G. A.
Nzenguet Iguemba, 2005, p. 257) et surtout l’accroissement des
contributions fiscales (P.R. Ombigath, 2006, p. 149). En marge de ces
dispositions générales, la France s’attèle à tirer profit de l’ensemble des
ressources disponibles sur place. À ce titre, la faune et l’ensemble des
activités gravitant autour de son exploitation font désormais l’objet
d’une attention particulière. De 1935 à 1959, une attention particulière
est portée à la modernisation des textes existants. Après la disparition
de l’AEF et l’avènement de l’Etat gabonais en 1960, ces dispositions
subissent de multiples adaptations. En 1968, la note technique du
Ministère gabonais des eaux et forêts, relative à la chasse et la
protection de la nature, témoigne encore de la difficulté à trouver le
juste équilibre entre les différentes parties en présence. Avec
l’affermissement du conflit Homme/faune, conséquence du classement
de l’éléphant comme espèce intégralement protégée depuis le début des
années 2000, cet article a pour objectif de revisiter l’armature juridique
et administrative régissant l’exploitation de la faune en AEF et au
Gabon. En parallèle, il scrute les mobiles à l’origine des difficultés
administratives en matière d’application de la loi.
À cet effet, la présente réflexion tente de répondre à une
interrogation structurelle et humaine : comment organiser l’exploitation
de la faune en AEF et au Gabon tout en préservant l’équilibre
environnemental et les intérêts des différentes parties en présence ?
Pour contenter les parties en présence et s’assurer d’un contrôle certain
sur les activités cynégétiques, les différentes administrations, aussi bien
celle de l’AEF que celle du Gabon, vont régulièrement adapter leurs
textes et méthodes aux différentes conjonctures.
L’analyse des modalités de mise en valeur du potentiel
faunistique d’AEF et du Gabon appelle à scruter une somme
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documentaire variée. Nos principales sources d’information restent
sans conteste les archives d’époque. Aux Archives Nationales du
Gabon (ANG), l’ensemble des dossiers traitant directement ou
indirectement des questions de chasse, de circulation d’armes et de
tourisme (fonds de la Présidence de la République, archives
provinciales comportant les sous-série 2dh (I), 2dj (II), 2dc (I), 2db (I),
2df (I), les archives du ministère du transport et de l’information, du
ministère des eaux et forêts, etc.) ont fait l’objet d’une attention
particulière. Pour élargir nos connaissances sur le sujet et confronter
l’esprit des textes à la réalité du terrain, les récits de vie des guides de
chasses et autres aventuriers (A. Davesne, 1943 ; Goulphin, 1987 ; C.
Dedet, 1995 ; F. Falcon, 1999, etc.) nous ont livré d’importantes
informations sur les tenants et les aboutissants de cette activité.
Les cinq points qui structurent cette réflexion traitent de l’impact
des décisions administratives relatives à la gestion de la faune dès 1935,
des difficultés de contrôler des opérations de chasse (deuxième moitié
des années 1940), des efforts administratifs dans l’encadrement des
activités cynégétiques (première moitié des années 1950), de la
décolonisation du secteur chasse (fin des années 1950) et de
l’impossible adéquation entre la chasse traditionnelle et respect des lois
en vigueur (décennie 1960).
1. Les enjeux de la nouvelle approche de l’exploitation de la faune
en AEF et au Gabon (1935-1945)
L’Afrique des grandes découvertes, l’Afrique des forêts et
savanes, l’Afrique au potentiel faunistique inestimable alimente les
fantasmes des Occidentaux en quête d’aventures et d’exotisme depuis
des siècles. Plus que toutes les autres activités, « la chasse coloniale
attirait fréquemment l’admiration et l’imagination du public » (E.
Jennings, 2012, p. 338). Dans l’empire britannique par exemple, plus
que partout ailleurs, « la chasse coloniale émaillait la littérature
enfantine, l’iconographie et les musées notamment, offrant une évasion
certaine à des Britanniques en situation urbaine […] à l’apogée de
l’empire, tout Anglais souhaitait posséder une peau de tigre. » (E.
Jennings, 2012, p. 338).
En Afrique Equatoriale française, l’intérêt pour la faune, bien
qu’ancien et encadré depuis les années 1910, ne mobilise pas forcément
les autorités coloniales. Mais la Crise économique des années 1930 et
la quête de nouvelles sources de revenus poussent le gouvernement
général de l’AEF, en accord avec les autorités métropolitaines, à
rechercher de nouvelles sources de revenus. A cet effet, le tourisme et
ses corollaires ont été instrumentalisés « par les autorités coloniales à
des fins économiques » (A. Demay, 2012, p. 298). Ainsi, l’exploitation
de la faune sous toutes ses formes, longtemps négligée et considérée
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comme une simple activité ludique, intègre la liste des pratiques
susceptibles de renflouer les caisses des colonies de la fédération.
1.1. Un cadre administratif et législatif repensé pour susciter
l’engouement des chasseurs et touristes
Les récits pittoresques de certains colonisateurs ne laissent aucun
doute sur le peu d’intérêt qui est accordé aux lois relatives à la chasse.
Les Occidentaux résidents en colonie ne se conforment que très
rarement aux dispositions légales en la matière. La première expérience
de chasse d’A. Davesne (1943, p. 63-74) en AEF illustre bien cet état
d’esprit :
En ce temps-là, je détestais la chasse et les chasseurs. Mais
comment résister à un appel qui s’adresse à vos sentiments
philanthropiques […] j’achetai donc la carabine […] Arrivée à
Libreville, ma première visite fut pour un camarade du Service
des Eaux et Forêts [sans permis de chasse en bonne et due forme,
il se lance quand même dans une campagne de chasse au gros
gibier].
Maintenant je distingue assez bien les défenses [d’éléphant] qui
lui luisent faiblement, dans la pénombre verte […] Ah ! Quelque
chose vient de s’agiter derrière l’arbuste qui le dissimule :
l’oreille sans doute. C’est le moment de tirer. Entre l’œil et
l’oreille, plutôt vers l’oreille et légèrement au-dessus de la ligne
qui joint l’œil à l’orifice de l’oreille.
Loin d’être isolés, des exemples similaires sont enregistrés
partout en AEF comme on peut aussi le constater avec M. Delaporte
(1944, p. 151). Conscientes de l’intérêt économique que revêt la
maitrise de l’ensemble des activités structurées autour de la faune, les
autorités voient grand en initiant un cycle de réformes structurelles.
Pour limiter l’exploitation sauvage de la faune, les dispositions
administratives surannées sont soit remises au goût du jour, soit
simplement annulées au profit d’une armature en phase avec les
nouvelles réalités du terrain. Dans cette optique, l’attention est non
seulement portée sur les colons expatriés, mais surtout sur les résidents.
C’est ainsi que le décret du 13 avril 1935 entérine la création d’un
nouveau permis dit « permis sportif de moyenne chasse ». Grâce à ce
document, l’administration compte bien susciter l’intérêt et encadrer les
randonnées des colons installés dans la région. Ainsi, les résidents ont
désormais « le droit d’abattre pour un prix réduit quelques spécimens
des espèces protégées »1. Les latitudes d’animaux à abattre avec ce
1
ANG, AEF, Affaires politiques, Circulaire n o 79 au sujet de l’application des règlements de
chasse, Brazzaville, 1935.
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nouveau permis sont aussi largement à l’avantage des chasseurs et
s’inscrivent « dans le sens de la plus grande tolérance », comme le
soutient L. Blancou2.
Dans la même perspective, on observe une volonté de
durcissement des dispositions relatives à l’obtention et l’usage des
permis
commerciaux
responsables, selon l’administration,
d’innombrables dérives. Le dépassement des quotas d’abattage
journaliers des gazelles et antilopes est notamment pointé du
doigt : « pas plus de 2 antilopes ou gazelles de la même espèce le même
jour »3. Pour mettre un terme à l’anarchie, l’armature les mesures
barrières sont enrichies grâce à l’institution des postes tels que
lieutenants de chasse, inspecteurs et conseillers techniques bénévoles,
guide de chasse4. Par ailleurs, la liste des espèces protégées s’est aussi
allongée pour des raisons de protection, mais surtout pour susciter
l’intérêt des chasseurs. A côté des buffles, partiellement protégés, les
gorilles, les chevrotains aquatiques, les pangolins, les hiboux,
chouettes, vautours, pythons et bien d’autres sont désormais
entièrement protégés dès 19365. Pour marquer les esprits et convaincre
les plus sceptiques des chasseurs et touristes, une nouvelle organisation
fiscale est aussi adoptée.
1.2. Une « fiscalité faunique » flexible mais peu rentable pour
l’administration
La nécessité de mettre en valeur les richesses des colonies d’AEF
est à l’origine de l’intérêt porté à la chasse en particulier et
l’exploitation de la faune en général. L’évolution du cadre général, ainsi
qu’on l’a précédemment vu, s’est accompagnée d’un assouplissement
de la politique fiscale.
Ainsi, face aux difficultés de recouvrement des pénalités liées au
non-respect des dispositions relatives à l’exercice de la chasse, le décret
du 13 avril 1935 réduit considérablement les amendes y relatives :
« réduction des pénalités en ce qui concerne les amendes fiscales, de
manière à en rendre l’application possible, alors que dans le passé
beaucoup de poursuites ont été abandonnées [du fait] de la sévérité des
peines que les tribunaux ne pouvaient pas même adapter à la
responsabilité même des délinquants »6. Dans l’esprit des initiateurs de
cette politique de souplesse, il est question d’inciter les chasseurs
indélicats à faire amande honorable en s’acquittant des pénalités de
moins en moins onéreuses. Mais, sur le terrain, cette disposition peut
2
ANG, Rapport sur La protection de la nature en Afrique Equatoriale Française par Lucien
Blancou, 1946.
3
ANG, AEF, Affaires politiques, Circulaire no 79…, op.cit.
4
ANG, Rapport sur La protection…, op.cit.
5
Id.
6
Id.
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aussi s’avérer contre-productive. En effet, la modicité desdites pénalités
peut conforter les chasseurs hors la loi, à l’exemple d’A. Davesne
(1943, p. 78), coupable d’avoir chassé l’éléphant sans aucune
autorisation préalable. Conscient de la souplesse des pénalités, il
n’hésite pas à ironiser sur le procès intenté contre lui par
l’administration :
La nouvelle de mon succès m’avait précédé [...]. Arrivé au cheflieu de la colonie, j’appris qu’un procès m’était intenté pour
avoir chassé sans permis. Quelle affaire ! J’avais fort mal choisi
mon moment : tout était calme dans la colonie [Gabon] et les
tribunaux chômaient. Les magistrats, heureux de se distraire, me
consacrèrent tout leur temps […]. Je parvins à me défendre et
m’en tirai avec une amende.
En réalité, les cas d’abus dans l’exercice de la chasse en AEF et
au Gabon ne débouchent presque jamais sur des condamnations
sévères. Le colonat blanc installé sur place ne court donc aucun risque
majeur, en dehors du paiement d’amendes, très souvent dérisoires.
En marge de la réduction des pénalités, l’administration tente
d’appâter les occidentaux installés sur place grâce à la baisse des prix
des permis de moyenne chasse et l’incitation à chasser le buffle :
Le prix du permis de moyenne chasse a été fixé à un taux le
mettant à la portée de toutes les bourses mais, par contre, les
buffles ont été placés comme au Cameroun à l’annexe II du
décret, c’est-à-dire dans la catégorie des animaux partiellement
protégés, de façon à augmenter l’attrait dudit permis et à inciter
les résidents à se le procurer7.
Si la volonté de réformer le secteur chasse pour mieux tirer
profits des revenus y relatifs est manifeste, les nouvelles dispositions
sus indiquées soulèvent néanmoins quelques observations. En effet, en
cherchant à contenter à tout prix les résidents permanents, principaux
braconniers de la faune, le Gouvernement de l’AEF les place, de facto,
dans une situation de juge et partie. Toute chose susceptible d’annihiler
les efforts de contrôle et répression. L’autre écueil de cette nouvelle
organisation de la chasse tient à l’absence des autochtones. Comme on
peut le constater, à aucun moment il n’est fait mention de la possibilité
d’envisager l’octroi d’un permis de chasse à un autochtone. Tout se
passe comme s’ils n’existent pas. Les décrets promulgués plus tard
(1937 et 1939 notamment)8, en dehors de favoriser la création des
7
8
ANG, AEF, Affaires politiques, Circulaire n° 79…, op.cit.
ANG, Rapport sur La protection…, op.cit.
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réserves naturelles, parcs nationaux, réserves de faune…, ne corrigèrent
pas les limites observées plus haut. Enfin, le sous-équipement
chronique dans lequel se trouvent l’AEF à l’orée de la Seconde Guerre
mondiale et surtout l’incapacité administrative à couvrir l’ensemble du
territoire de la fédération (C. Coquery-Vidrovtich, 2001, p. 77) rendent
pratiquement illusoire ce projet de réforme. La modicité du nombre de
guides de chasse reconnus entre 1930 et 1935, 43 au total (H. J.
Ontsouka, 2019, p. 51), sur un territoire de l’AEF de plus de 1 200 000
km2 de superficie, témoigne de ces difficultés. Il faudra attendre la fin
de la Seconde Guerre mondiale pour voir les autorités de l’AEF
imaginer à nouveau une énième réforme du code de la chasse.
2. L’AEF, ses grands espaces et sa faune : un exutoire pour les
démobilisés de la métropole (1946-1949)
Aux aventuriers de la période d’avant-guerre va succéder une
nouvelle génération d’acteurs du tourisme cynégétique en AEF et au
Gabon. Pour comprendre cette mutation, il importe de considérer deux
situations : le besoin d’évasion et la nécessité du suivi des projets de
développement initiés en AEF.
Comme on le verra plus loin, la presque totalité des
fonctionnaires d’AEF, les spécialistes ou acteurs du monde de la chasse
et les promoteurs du tourisme cynégétique notamment, ont en commun
le fait d’avoir été mobilisés pendant le conflit. Les hostilités terminées,
nombreux parmi eux peinent à retrouver une vie normale en métropole.
Dans cette perspective, et en accords avec le ministère des colonies, les
colonies se sont présentées à eux comme des solutions aux
traumatismes post-guerre. Cette politique d’expatriation vers l’AEF
coïncide avec le lancement du vaste projet de développement
économique et social de la région, conformément au vœu de la
métropole et financé par le biais du FIDES (F.A. Moutangou, 2013, p.
305). En conséquence, les colonies verront le lancement de nombreux
projets nécessitant la mobilisation d’une population occidentale
importante. Les soldats démobilisés (C. Dedet, 1995, p. 410) vont
rapidement constituer l’essentiel des travailleurs affectés à ces tâches.
2.1. Colon de circonstance et chasseur dans l’âme : les
caractéristiques du promoteur de chasse d’après-guerre
Apres 1945, l’AEF et la colonie du Gabon enregistrent l’arrivée
d’occidentaux actifs pour le compte de l’administration ou des
exploitants privés ainsi que le soutient F. Bernault (1996, p. 46) :
Le gouverneur Astier de Pompignan indiqua que les Européens
devraient se limiter au rôle de techniciens, de guides, de gérants
de coopératives et de sociétés de prévoyance […]. [Les
administrateurs] furent vite débordés par l’ampleur des
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nouvelles arrivées […]. L’administration qui n’aurait plus voulu
après-guerre « ni surplus ni rebut » parmi les Blancs, dut faire
face à une population coloniale multipliée […]. La politique
d’investissements massifs de la France en Afrique, organisée
grâce au FIDES, explique en grande partie la venue de nouvelles
recrues coloniales : employés des entreprises de travaux
publiques, fonctionnaires, enseignants et animateurs.
C’est dans cette masse compacte nouvellement installée que la
chasse sportive et le tourisme cynégétique trouveront un écho
favorable. En effet, amoureux de chasse, des récits d’aventures
pittoresques, des découvertes, des armes etc., attitude confortée par
quatre ans de guerre, les promoteurs du tourisme cynégétique postguerre en AEF et au Gabon présentent presque tous le même profil.
Ils sont presque tous des militaires dans l’âme d’abord. En effet,
dans les récits de leurs vies en Afrique, les chasseurs et promoteurs de
tourisme cynégétiques mettent toujours en avant leur passé de militaires
et surtout combattants lors du seconde conflit mondiale. C’est le cas
notamment du guide de chasse du nom d’Henri Guizard :
Ayant quitté l’Europe après cette drôle de guerre, fuyant un
monde qui ne paraissait pas nous convenir, nous nous sommes
retrouvés ainsi plusieurs garçons à Port-Gentil, comme ailleurs
au Gabon, venant d’horizon différents, avec enfuis au fond de
nous des souvenirs et des images d’une autre vie, là-bas… sur
une autre planète. (F. Goulphin, 1987, p. 183)
Le récit de vie Roger Fabre est encore plus explicite sur ce passé
de combattant et les opportunités qui sont offertes aux démobilisés en
quête d’aventure en milieu colonial : « Au lendemain des maquis,
parvenu à l’âge d’homme, Roger Fabre choisit le Cameroun [sous
tutelle française]. Le jeune Toulousain parti au titre du service de santé
est bientôt titulaire d’une licence de chasse : il se fait guide
professionnel » (C. Dedet, 1995). Que dire du récit épique de la vie de
Totor, chasseur à la réputation bien trempée (R. Vacquier, 1986, p. 87),
tour à tour passé par le bagne puis les rangs des troupes combattantes
ainsi qu’il aime à se présenter : « Tu vois, mec, je suis comme un pacha,
je ne dois rien à personne. J’ai tiré dix ans à Cayenne. J’ai payé, j’ai été
volontaire chez de Gaulle, j’ai tiré ma peau de Bir-Hakeim » (J. C.
Brouillet, 1972, p. 225).
À la lecture des passages dédiés au passé militaire des experts de
chasse, tout porte à croire que la participation aux combats a facilité
l’installation. On aurait dit que ce passé de combattant (parfois de franctireur) les prédestinait à la vie en colonie, aux métiers de chasseur, guide
de chasse ou de promoteur de tourisme cynégétique. Mais avant cette
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dernière étape, ils ont presque tous officié ailleurs que dans le milieu
cynégétique En effet, les premiers pas de la majorité des chasseurs
devenus professionnels se déroulent d’abord dans d’autres branches
d’activité. Ainsi, avant de terminer guide de chasse professionnel, Henri
Guizard a par exemple été tour à tour « prospecteur forestier, coupeur
de bois, chercheur d’or, de diamant, boucanier et chasseur
professionnel ». (F. Goulphin, 1987, p. 8). Quant à J. Falcon (1999,
p.15), son statut de chasseur professionnel ne l’a pas fait oublier sa
fonction de mécanicien-navigant dans l’armée française.
Ces traits caractéristiques tranchent nettement avec les profils des
chasseurs de la première génération peu ou pas destinés à cette activité
réputée difficile et surtout dangereuse. Comme on vient de le voir, dans
la période d’après-guerre, on a plus affaire à des professionnels du
maniement des armes et surtout rompus aux difficultés de la vie
d’errance à travers les bivouacs et autres tentes de couchage. Le fait
d’avoir d’abord officié ailleurs que dans la chasse au moment de
l’installation permet à ces véritables baroudeurs de bénéficier des
connaissances à tous les niveaux, aussi bien dans l’administration que
chez les exploitants privés. Toute chose susceptible de favoriser des
passe-droits dans l’obtention des documents voire l’application stricte
de la loi en cas de manquements aux dispositions relatives à la chasse.
C’est dans ce contexte que l’administration va se hâter de proposer des
innovations visant à encadrer la chasse et les métiers qui en découlent.
2.2. L’administration réduite à réguler le pillage de la faune en AEF
et au Gabon
Apres la guerre, on l’a vu, la caste des chasseurs actifs sur la
presque totalité de la fédération compte dans ses ranges de nombreux
militaires démobilisés. Plusieurs d’entre eux sont aguerris au
maniement des armes et au tir avec précision. Ainsi, loin des centres
urbains et face à une administration presque toujours démunie, certains
n’hésitent pas à contourner les dispositions légales en matière de chasse.
C’est pourquoi la reprise en main par l’administration du secteur chasse
a nécessité la promulgation d’une nouvelle armature juridique et
administrative.
Dans un premier temps, il est question d’assainir
l’environnement dans lequel l’exercice de la chasse doit se dérouler. À
ce propos, le contrôle des armes et munition, la règlementation de la
chasse, le trafic d’animaux vivants et la question des réserves naturelles
retiennent l’attention. À ce titre, le décret du 18 novembre 1947
règlementant la chasse en Afrique Noire Française9 et les textes
d’application subséquemment adoptés sont envisagés comme des
9
ANG, JOAEF du 1 janvier, décret no47-2254 du 18 novembre 1947 réglementant la chasse en
Afrique Noire Française, 1948.
423
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bréviaires pour la bonne marche des activités cynégétiques dans les
possessions françaises. Ainsi, ledit décret réaffirme par exemple
d’interdiction de chasser sans permis et consacre la création de trois
grands permis (le permis scientifique de chasse et de capture, le permis
sportif et le permis de capture commerciale).
Le permis sportif, de loin le plus sollicité, se structure en quatre
branches : le permis de petite chasse, le permis de moyenne chasse, le
permis spécial de passagers et le permis de grande chasse. Les
conditions de délivrance desdits permis, les taxes y relatives et les
conditions de leur utilisation paraissent moins draconiennes qu’on peut
l’imaginer. En effet, si le permis scientifique de chasse et de capture est
délivré directement par le ministère de la France d’Outre-Mer
(essentiellement pour les structures de recherche scientifique), les
permis sportif et de capture commerciale quant à eux peuvent être
délivrés par des chefs de territoire voire les chefs de subdivisions
administratives10 selon des dispositions précisées dans un arrêté datant
de 1953 : « ces différentes autorités pourront toujours, à leur échelon,
déléguer leurs pouvoirs à certains chefs de services administratifs ou au
représentant local du service des Eaux, Forêts et Chasse »11. Parfois des
permis complémentaires sont accolés aux permis sportifs pour aider à
ravitailler en viande les exploitants privés voire les populations :
À titre exceptionnel, sur proposition et sous contrôle de
l’Inspection des Chasses, dans les régions ou le ravitaillement en
viande n’existe pas, il pourra être délivré des permis
complémentaires aux titulaires de permis sportifs. Ceux-ci
pourront faire chasser un employé en leur lieu et place et sous
leur entière responsabilité, uniquement avec les armes à canons
lisses qu’ils détiennent régulièrement12
C’est certainement en usant de ce permis complémentaire que
Totor a longtemps ravitaillé les chantiers forestiers en viande boucanée
chassée par des Gabonais à son service ainsi qu’il l’expliquait à Jean
Claude Brouillet (1972, p. 218) : « Je ramasse cinq ou six […] nègres,
je leur colle un flingue dans les pattes, ils me déquillent les éléphants.
J’engage une autre bande […] pour transporter la barbaque, la fumer
[…] et je vends ça aux forestiers pour faire bouffer leurs manœuvres
sur les chantiers. » Au regard de la désinvolture dont fait montre ce
chasseur de circonstance, on peine à croire que l’utilisation par lui des
10
Id.
ANG, JOAEF, Arreté créant en AEF des zones d’intérêt cynégétique et modifiant les arrêtés
2314 du 16 juillet 1953 et 2928 bis du 3 septembre 1953 sur la règlementation de la chasse en
AEF, 1953.
12
ANG, JOAEF du 1 janvier, décret no 47-2254 du 18 novembre 1947…, op.cit.
11
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chasseurs africains, conformément à l’arrêté du 15 janvier 1949,
respecte la législation :
Seuls les autochtones indemnes de condamnations par le tribunal
répressif, notamment connus comme ayant une bonne conduite
et justifiant s’être mis en règle avec leurs obligations fiscales,
peuvent être autorisés à chasser pour le compte de détenteurs
d’armes régulièrement autorisés dans les conditions prévues à
l’article 2313
Loin d’être un cas isolé, la presque totalité des chasseurs usant
de ce procédé d’exploitation de la faune ne respecte pas cette
disposition. En effet, dans une région équatoriale vaste comme quatre
fois la France, peu équipée en structure administrative et où la
population se déplace au gré des conjonctures, comment procéder à la
vérification du pédigrée de chacune des personnes engagées ? En
réalité, ce genre de dispositions n’étaient que formelles et les chasseurs
occidentaux n’y prêtaient que très peu attention, à l’image du forestier
Jean Michonet (C. Dedet, 1985, p. 237) :
Afin de pourvoir les fumoirs [des chantiers], je prends également
modèle sur mon père qui, jadis, au Moyen-Ogooué, avait
toujours deux ou trois chasseurs attitrés […]. Tout allait changer,
fort heureusement, avec l’arrivée de Bouquinda. [Il] avait
commencé à chasser pour mon père, quelques années plus tôt
[…]. L’homme avait une science extraordinaire des choses de la
nature. Froid et méthodique, il choisissait son gibier […]
Bouquinda ne rentre jamais sans deux ou trois potamochères,
deux ou trois antilopes.
À côté des permis de chasse, un certain nombre de dispositions,
considérées comme favorables à la protection de la faune, mais en
réalité favorables aux exploitants, sont aussi adoptées dans la foulée.
C’est notamment le cas de l’arrêté publié au Journal Officiel du 1er avril
1949 interdisant la chasse dans les réserves naturelles, la chasse des
animaux protégés, la poursuite et le tir des animaux en véhicule à
moteur, la chasse aux phares ou à la lanterne14.
En parallèle de ces restrictions apparentes, une kyrielle de
dispositions souples et peu contraignantes donnent la latitude aux
chasseurs et promoteurs de tourisme cynégétique de disposer de la
13
ANG, JOAEF, Arreté fixant les modalités d’application en AEF du décret n o 47-2254 du 18
novembre 1947, réglementant la chasse dans les territoires africains relevant du Ministère de la
France d’outre-mer, 1949.
14
ANG, JOAEF, Arreté fixant les modalités d’application en AEF du décret n o 47-2254 du 18
novembre 1947…, op. cit.
425
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faune sans grandes difficultés. C’est notamment le cas de la délibération
no42/48, fixant les droits de sortie à percevoir sur les animaux vivants
exportés de l’AEF : chimpanzé (2000f), chat sauvage (50f), lion
(1000f), hyène (300f), éléphant (10 000f), phacochère (100f), buffle
(500f), autruche (250f), aigle (50 f)15, etc. Au regard des profils des
clients intéressés par le tourisme cynégétique en AEF : docteurs et
anciens administrateurs coloniaux (F. Goulphin, 1987, p.16) voire
industriels (C. Dedet, 1995, p. 101), ces sommes paraissent bien
dérisoires et peu dissuasives. Roger Fabre ne se trompe donc pas
lorsqu’il affirme, au sujet de ses deux premiers clients venus chasser
sous sa responsabilité : « Pour Chiraz et Gandin, ni le temps ni l’argent
ne semble faire problème » (C. Dedet, 1995, p. 101).
Quant aux dispositions relatives à la protection de la faune, elles
sont encore plus dérisoires que la tarification relative à la sortie des
animaux vivants. En effet, en dehors de l’interdiction relative à
l’importation, la vente, l’achat de toutes les lampes et lanternes dites de
chasse, l’essentiel des dispositions visant directement l’exploitation des
animaux se résument à de simples recommandations ainsi que peut le
constater dans un arrêté datant d’avril 1949 :
Il est donc recommandé aux chasseurs sportifs de ne pas tirer les
pintades au moment de la reproduction, c’est-à-dire lorsque les
couples formés (article 18). Les permis de chasse ne visent en
principe, pour tout gibier, que les mêmes adultes de chaque
espèce. Il est donc recommandé d’épargner les femelles,
accompagnées ou non de leurs petits, de même que les animaux
non adultes (article 20).16
Ces recommandations paraissent bien légères et difficiles à
considérer quand on place côte à côte le tempérament parfois trempé
des chasseurs-guides de chasse et des clients. En effet, se considérant
comme des aventuriers d’une nouvelle ère, les premiers, dans un esprit
de défiance face aux lois imposées par la métropole, se refusent parfois
à obtempérer. Quant aux clients, souvent fortunés, la connaissance des
dispositions en matière de chasse n’est pas une priorité.
S’agissant de la lutte contre la prolifération d’armes et munitions
de chasse dans la fédération de l’AEF, il apparait clairement que
l’administration ignore volontiers les véritables responsables des
dérives liées à leur trafic. En effet, au lieu de s’attaquer de front à
l’importation frauduleuse de ces instruments de chasse, l’arrêté du 8
15
ANG, JOAEF, Délibération no 42/48, fixant les droits de sortie à percevoir sur les animaux
vivants exportés de l’AEF, 1950.
16
ANG, JOAEF, Arreté fixant les modalités d’application en AEF du décret no 47-2254…, op.
cit.
426
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
septembre 1949, dans son article premier, se borne à réaffirmer
l’interdiction faite aux autochtones de posséder des armes à feu :
Le pourcentage d’armes perfectionnées pouvant être détenues
par les autochtones et fixé par l’article 33 de l’arrêté du 1 er
décembre 1943, réglant les modalités d’application du décret du
7 septembre 1915 sur les armes à feu en AEF est porté de cinq
armes pour mille habitants de tout sexe et de tout âge, dans
chaque territoire de la fédération.17
Déjà exclus voire discriminés dans le processus d’acquisition de
permis de chasse (au regard des conditions fixées par l’administration),
les autochtones sont aussi interdits, de manière insidieuse, de posséder
des armes et munitions perfectionnées. De fait, il leur est impossible de
contribuer directement, en qualité de chasseur professionnel ou guide
de chasse, à l’essor d’un secteur d’activité très en verve après la
Seconde Guerre mondiale. Leurs connaissances de la brousse et des
animaux, les aptitudes de certains au maniement des armes modernes,
etc. ne les propulsent guère qu’au rang de pisteur porteur.
L’analyse de ces nouvelles dispositions structurelles relatives à
l’exploitation de la faune en AEF et au Gabon soulève des remarques
et surtout des interrogations. Au sujet des permis de chasse notamment,
il apparait clairement que le permis de moyenne chasse se présente
comme la synthèse du permis de petite chasse et de grande chasse.
L’autre remarque, et non des moindres, demeure sans conteste les larges
possibilités d’abattage d’animaux qu’offrent l’ensemble desdits permis,
y compris les animaux protégés. En contrepartie du paiement des
redevances supplémentaires, les permis de moyenne et grande chasse
par exemple donnent même la possibilité au chasseur d’abattre des
animaux protégés :
Contre payement de droits fixes déterminés selon les
dispositions prévues […], ils confèrent [les permis de moyenne
chasse de catégorie A et B] tout d’abord les mêmes droits sous
les mêmes réserves que le permis de petite chasse en ce qui
concerne les animaux non protégées. Ils donnent de plus le droit
de tuer un certain nombre d’animaux protégés, variable suivant
les territoires et fixés par des arrêtés d’application locaux en
conformité avec les dispositions de l’annexe IV du présent
décret18
ANG, JOAEF, Arrêté portant modification des dispositions de l’article 33 de l’arrête du 1 er
décembre 1943, fixant les modalités d’application du décret du 7 septembre 1915 sur les armes à
feu en AEF, 1949.
18
ANG, JOAEF, Arreté fixant les modalités d’application en AEF du décret no 47-2254…, op. cit.
17
427
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Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
Et, en cas de dépassement des quotas, des simples rappels à
l’ordre et le payement des redevances y relatives suffisent à contenter
l’administration. Il en est de même pour les taxes perçues sur les permis
de chasse. Avec autant de largesse et de laxisme, il n’est donc pas
étonnant que des doutes subsistent sur la volonté des autorités à limiter
le gaspillage et préserver la faune. En effet, comment parler de
protection avec une taxation laxiste ? Comment faire appliquer la loi
dans un contexte marqué par l’absence totale de rigueur dans le contrôle
des activités. Le guide de chasse, Roger Fabre, ne s’est pas privé
d’exercer son métier pendant quelques années sans aucune autorisation
officielle (C. Dedet, 1995, p. 90) : « Flizot continue de voir d’un
mauvais œil les incursions de Fabre dans les zones de chasse de la
Bénoué et, pour les safaris-photos, dans la réserve de waza. Conscient
que le temps presse, celui-ci s’étonne de ce que ses demandes de licence
pour ce type d’activité n’aient jamais abouti ».
Par ailleurs, les cas de massacre d’animaux protégés sous couvert
de l’autorisation spéciale de chasser ou de la protection des populations,
avec le concours de l’administration, sont légion et interrogent sur les
réelles ambitions des autorités. Ainsi, dans un chantier forestier de
Remboue (zone côtière du Gabon), un administrateur de métier et
chasseur dans ses heures perdues, réputé pour être à son 300e éléphant
tué, est appelé à la rescousse (E. Tirion, 1991, p. 161) :
Nous allons descendre à Libreville et prévenir Houdin qui est
secrétaire à la Chambre de Commerce. C’est un chasseur
d’éléphants chevronné. Je sais qu’il en est à son 300e […]. Le
samedi suivant, la famille Houdin arrive en pinasse […]. Peutêtre dix minutes plus tard, une masse énorme et grise se profile
à quelques cinq mètres d’eux. Houdin tire […]. L’éléphant se
tait et ne bouge plus […]. L’éléphant, une femelle, n’a que de
toutes petites défenses […]. Houdin peut ajouter un éléphant de
plus sur sa liste déjà longue.
Même cas de figure dans la colonie du Cameroun où Roger Fabre
et un de ses acolytes sont sollicités par l’administrateur du secteur
d’Alagarno pour la battue des éléphants. Pour se donner bonne
conscience face aux potentielles critiques, il n’hésite pas à invoquer des
pratiques véreuses d’autres colons chasseurs d’éléphants : « Quant à
Flizot, il n’a rien à dire, la battue est autorisée. Est-ce qu’il se gêne, lui,
sous prétexte qu’un éléphant est malade ou dangereux, pour aller
flinguer, avec son compère Ribeiro, un gros porteur dans la réserve
même ? » (C. Dedet, 1995, p.52). À l’évidence, la notion de
préservation de la faune prônée par les autorités n’est que pure illusion.
Comme on vient de le constater, ces manquements ou entraves à
la législation sont le fait des chasseurs constitués en caste. C’est
428
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
pourquoi l’administration a tenté de structurer et encadrer les métiers
liés à la faune.
3. Les tentatives pour structurer les métiers de la faune :
l’administration à l’épreuve d’une caste d’insoumis (1949-1956)
Les chasseurs actifs en AEF et au Gabon ont toujours évolué
selon leurs propres règles. Grâce à leur témérité, caractère forgé
pendant la Seconde Guerre mondiale, ils se sentent parfois au-dessus
des lois et rechignent souvent de s’y conformer. Pour l’administration,
il était nécessaire d’y mettre de l’ordre en déterminant notamment les
contours des profils et les conditions de délivrance des autorisations
d’exercer les métiers de chasseur, guide des chasses et entrepreneur de
tourisme cynégétique.
3.1. Le métier de chasseur : une vocation naturelle difficile à
encadrer
Comme on l’a vu précédemment, le statut de chasseur n’est pas
le plus compliqué à acquérir. Le goût du risque et de l’aventure suffisent
parfois à susciter la vocation. J. Falcon (1999, p. 124) ne croit pas si
bien dire lorsqu’il affirme que « l’Afrique est un continent ou le
voyageur rencontre des aspects très différents et variés. À cette époque,
le voyageur était militaire, administratif ou religieux, et presque
toujours chasseur par nécessité et sécurité ». Presque tous les colons se
sont essayés à la chasse, avec des fortunes diverses. Michel Bertier,
exploitant forestier au Gabon, s’est essayé à la chasse à l’éléphant au
détour d’une battue organisée autour de son exploitation (E. Tirion,
1991, p. 161). Que dire de Jean Michonet, naguère pourvoyeur de maind’œuvre pour les chantiers forestiers, devenu chasseur de crocodiles par
curiosité (C. Dedet, 1985, p. 371) :
En marge des équipées fluviales, je m’intéressais de plus en plus
à ce qui touche aux crocodiles. Ce qui m’attire, au début, ce sont
des considérations techniques : l’habitat du reptile, ce que j’ai
appris de ses mœurs. Ce que j’ai vu […] me laisse deviner une
chasse sportive ou la ruse, la surprise, le renouvellement des
situations doivent jouer un rôle prépondérant. Je voudrais m’y
éprouver […].
Comme on peut le constater, pratiquer la chasse et se considérer
comme chasseur professionnel ne nécessitent donc pas forcément le
déploiement des spécificités particulières. Dans ces conditions, le
chasseur peut tuer à la carte, sur commande voire par nécessité. Seule
l’expérience et les trophées (animaux tués) forgent sa notoriété. La
pratique de la chasse peut s’accommoder avec d’autres métiers (c’est le
cas de Houdin évoqué plus haut). Au regard de ce qui précède, les
429
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
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tentatives administratives visant à redéfinir le métier de chasseur ne se
sont limités qu’au stade de projet. En revanche, il y a bien eu immixtion
administrative dans le développement du métier de guide de chasse.
3.2. Le guide de chasse : la nécessité de maitriser le terrain et les
rouages administratifs
En AEF et au Gabon, le corps des guides de chasse se structure
dès la fin de la Seconde Guerre mondiale avec les arrivées massives des
métropolitains en quête d’évasion et surtout d’aventures. D’abord
laissée entre les seules mains des « chasseurs dit professionnels », cette
activité a vite attiré l’attention de l’administration. Désireuse de
contrôler les leviers du tourisme cynégétique en construction et les
hommes qui l’animent19, elle a donc imaginé la création d’une licence
de guide des chasses. Pour l’obtenir, les chasseurs professionnels, les
seuls habilités à postuler, doivent remplir des conditions spéciales : être
honorable, faire preuve de compétence, détenir des qualités techniques
nécessaires. À la fin des années 1940, les contours du guide des chasses
sont édictées : « Est réputé guide de chasse quiconque organise à titre
onéreux pour le compte d’autrui des expéditions de chasse. Ces
expéditions doivent s’opérer en conformité avec les dispositions du
présent décret »20. Plus loin, des précisions relatives aux étapes à
franchir pour devenir guide des chasses sont précisées :
La profession de guide de chasse nécessite, pour être exercée, la
délivrance d’une licence spéciale annuelle accordée par le chef
de territoire […]. Cette licence ne peut être délivrée qu’à des
chasseurs d’une honorabilité et d’une compétence reconnue. Les
titres des candidats seront étudiés par une commission désignée
par arrêté local et dont l’inspecteur en chef des chasses du
territoire, le directeur des affaires économiques et le directeur
des affaires politiques21
En 1956, le projet d’arrêté fixant pour l’AEF les conditions
requises pour l’exercice des professions d’entrepreneur de tourisme
cynégétique et de guide de chasse, donne les grandes lignes des
procédures administratives structurant le processus de délivrance de la
licence de guide de chasse. La plus symbolique d’entre elle reste sans
conteste l’institution d’une fonction d’aspirant-guide de chasse. Etape
essentielle pour accéder au grade de guide de chasse, le statut
d’aspirant-guide de chasse concerne les personnes ayant demandé leur
inscription au chef de service des eaux, forets et chasse du territoire, et
ANG, JOAEF, Arreté fixant les modalités d’application en AEF du décret no 47-2254…, op. cit.
ANG, JOAEF du 1 janvier, décret no 47-2254 du 18 novembre 1947…, op.cit.
21
Id.
19
20
430
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employées, sous la responsabilité de son employeur, par un
entrepreneur de tourisme cynégétique ou un guide de chasse qui lui
apprend, en échange de service, le métier de guide de chasse22.
Véritable politique de compagnonnage, l’aspirant-guide de chasse peut
aussi bénéficier du soutien financier de l’administration ainsi que
l’atteste l’article 7 du même projet d’arrêté : « Des subventions, à titre
individuelles, pourront être accordées aux aspirants-guides pour
subvenir partiellement à leurs besoins, pendant la durée de leur
apprentissage »23. À la suite de cette immersion sur le terrain, l’aspirantguide de chasse est apte à postuler au statut de guide de chasse.
Pour l’obtention d’une licence de guide de chasse, le candidat
doit désormais se soumettre à un examen professionnel. Face à une
commission d’examen composée d’un officier des Eaux et Forêts ou
Inspecteur des Chasses (président), un officier des Eaux et Forêts ou un
Inspecteur des chasses, un fonctionnaire en charge des questions du
tourisme, un guide de chasse de chasse (tous membres), il doit plancher
sur une épreuve théorique (zoologie, biologie, réglementation de la
chasse, armes et munitions, langues étrangères, hygiène, etc.) et une
épreuve pratique (dépannage d’un véhicule, tir sur cible, tir de chasse,
organisation d’un safari, etc.)24. Le dossier de candidature comprend
entre autres la preuve d’une inscription sur la liste des aspirants-guides
de chasse, être présenté par un guide de chasse, résider dans le territoire
ou il demande à passer l’examen, être français, être majeur, être titulaire
d’un permis de grande chasse25, etc.
Nonobstant ces bonnes dispositions de façade, il nous est difficile
de trouver des exemples des guides de chasse ayant passé l’ensemble
de ces épreuves. En revanche, les cas de fraude dans l’obtention
desdites licences sont légions. Pour l’obtention de sa licence, Roger
Fabre, guide de chasse très actif en AEF et au Cameroun dès les années
1950, a par exemple usé de son amitié avec Pierre Bourgoin, inspecteur
général des chasses. N’ayant pu obtenir de licence malgré la
constitution d’un dossier en bonne et due forme, il n’a pas hésité à
solliciter le concours direct de son ami, l’inspecteur général des chasses
de l’AEF (C. Dedet, 1995, p. 90) :
Flizot [le compagnon de Fabre] continue de voir d’un mauvais
œil les incursions de Fabre dans les zones de chasse […].
Conscient que le temps presse, celui-ci s’étonne de ce que ses
demandes de licence pour ce type d’activité n’aient jamais
abouti. Pourquoi ne pas faire une nouvelle requête, cette fois
22
ANG, Fonds PR, Assemblée territoriale du Gabon, Projet d’arrêté créant en AEF la profession
de guide et d’entrepreneur de tourisme cynégétique, 1956.
23
Id.
24
Id.
25
Id.
431
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Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
auprès du colonel Bourgoin ? Quinze jours après avoir adressé
un dossier complet à Brazzaville, l’intéresse reçoit sa licence de
chasseur et de guide professionnel valable sur l’ensemble des
territoires de l’Afrique Equatoriale Française.
En usant des relations, voire du laxisme administratif, il n’est pas
exclu que le procès d’obtention des licences de guide des chasses n’ait
été que formel. En effet, arrivés presque tous sur recommandations, les
acteurs du tourisme cynégétique d’après-guerre bénéficient presque
toujours du soutien des administrateurs coloniaux au moment de
s’installer. Ces soutiens de poids permettent souvent aux chasseurs de
bénéficier d’un carnet d’adresse très important, aussi bien dans
l’administration que chez les exploitants privés. Toute chose
susceptible de favoriser les passe-droits dans l’obtention des documents
administratifs et l’application stricte des dispositions relatives à la
chasse en AEF. Enfin, le sommet de la pyramide dans la hiérarchie du
secteur cynégétique en Afrique équatoriale reste sans conteste la licence
d’entrepreneur de tourisme cynégétique.
3.3. Le métier d’entrepreneur de tourisme cynégétique : une
synthèse entre les métiers de chasseur et guide de chasse
Dernier échelon dans l’organigramme de l’exploitation
cynégétique, l’entrepreneur de tourisme cynégétique peut-être une
personne, une société ou une association. La profession d’entrepreneur
de tourisme cynégétique nécessité la mobilisation des qualités et
potentialités nécessaires à l’acquisition du titre de chasseur
professionnel et guide des chasses. Véritable synthèse de l’ensemble
des activités liées au milieu cynégétique, les entités physiques ou
morales postulant doivent constituer un dossier complet d’honorabilité
et de technicité devant être étudié par une commission similaire à celles
de guide des chasses. Toutefois : « Les entrepreneurs de tourisme ne
peuvent exercer la profession de guide de chasse […] que s’ils ont
obtenu la licence prévue pour l’exercice de celle-ci »26. Il en est de
même pour la conduite des excursions : « Ils ne peuvent faire conduire
de safaris de chasse, de vision, de photographie ou de cinématographie
d’animaux sauvages que par des guides de chasse ou des aspirantsguides »27. Moins actifs sur le terrain, les entrepreneurs de tourisme
cynégétique jouent davantage le rôle d’intermédiaires entre les clients
occidentaux et les acteurs sur le terrain africain. Avec le concours des
aspirant-guides et guides des chasses, ils se chargent aussi des
procédures administratives liées à la délivrance des documents voire
paquetage nécessaire à l’exercice des safaris. Au regard des résultats
26
27
ANG, Fonds PR, Assemblée territoriale du Gabon, Projet d’arrêté…, op. cit.
Id.
432
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peu concluants, l’ensemble de ces dispositions connaitront des
modifications liées notamment au processus de décolonisation.
4. La décolonisation des activités cynégétiques : effacement de la
fédération et émergence des territoires (1956-1959)
Les années 1950 se caractérisent par l’évolution du processus de
décolonisation des territoires d’Afrique. En AEF, ce processus prend la
forme d’une plus grande autonomie des territoires. Il se double d’une
participation importante des autochtones dans la prise de décisions
grâce à l’avènement des assemblées territoriales. Composée de 40
membres (Occidentaux et autochtones réunis), l’assemblée territoriale
du Gabon (L. Sanmarco et S. Mbajum, 2007, p. 338), comme celles
d’autres territoires d’AEF, entend impulser le processus
d’autonomisation du territoire. L’organisation de l’exploitation de la
faune n’y échappe pas.
4.1. Des textes et dispositions adaptés au territoire gabonais
La participation des autochtones à la prise des décisions étant
devenue effective grâce aux assemblées territoriales, la question de la
faune au Gabon et du tourisme cynégétique en général prend surtout la
forme de la délimitation des aires protégées.
Dans sa séance ordinaire d’avril 1956, l’assemblée territoriale de
la colonie, sur proposition du gouvernement général de l’AEF, entérine
la création de 5 zones d’intérêt cynégétique (Wonga-Wongue, IguelaSetté-Cama-Basse Nyanga, Ndende-Divenié-Haut-Ogooué-BoouéLastourville et la zone de Franceville)28. Par zone d’intérêt cynégétique,
il faut voir les zones susceptibles d’être proposées à la conservation de
la faune pour un usage multiple : « Ce sont des régions où, sans
inconvenants pour l’économie générale, il semble indiquer de favoriser
le développement du gibier soit pour attirer le tourisme soit pour assurer
la continuité du ravitaillement de certains centres »29. Le but ultime de
l’instauration desdites zones reste sans conteste la délimitation des
réserves de faune (la chasse doit y être complètement interdite afin que
le gibier s’y multiplie sans être inquiété), des domaines de chasse
réservés au tourisme, des secteurs de ravitaillement organisés pour le
ravitaillement de certains secteurs des populations30.
Par ailleurs, à l’intérieur de ces zones, les animaux sont repartis
selon deux logiques : intégralement et partiellement protégés. Dans le
premier groupe se trouvent entre autres les lamantins, gorilles,
chimpanzés chevrotins, éléphants pygmées, etc. Le second groupe
quant à lui comprends les buffles, les hippopotames, les pangolins,
28
Id.
Id.
30
Id.
29
433
Lɔŋgbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la
Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
panthères, etc. L’abattage des animaux du second groupe nécessite la
délivrance d’un permis de moyenne chasse, grande chasse ou le permis
de passager31. Selon les territoires de la fédération, les quotas d’abattage
peuvent varier. Ainsi, avec un permis de passager, les territoires du
Gabon et du Moyen-Congo autorisent par exemple l’abattage des
buffles (2), bongo (1), situtunga (1), cobe onctueux (2)32. En Oubangui
et au Tchad, il était question de 1 buffle, 3 cobes ponctués33, etc. Dans
tous les cas, il apparait que les recettes de la fédération semblent avoir
connu une embellie, ainsi que l’atteste P. Bourgeois en 1951 : « En
AEF, le budget extrêmement modeste de la colonie se trouva très bien
des revenus procurés par l’exportation animales » (R. Vacquier, 1986,
p. 214.).
Enfin, le cheminement vers l’autonomisation passe aussi par la
vulgarisation des modèles et procédés d’établissement des documents
relatifs à la chasse dans les différentes subdivisions administratives.
C’est notamment le cas des demandes de permis de chasse et les états
de recettes effectuées au titre des armes et chasse. S’agissant par
exemple du modèle de permis de chasse, il demeure uniforme quel que
soit le type de permis. Les représentants administratifs ont l’obligation
de le diffuser partout où le besoin s’impose, proportionnellement au
nombre de demandes annuelles, afin d’éviter le gaspillage. Dans l’esprit
des décideurs : « Cet imprimé permettra d’exiger des intéressés des
demandes complètes, conformes aux règlements et susceptibles d’éviter
nombre de fraudes en matière d’armes à utiliser, de permis non
susceptibles de délivrance… »34. Avec l’instauration des conseils de
territoire comme on vient de le voir, la centralisation administration
autour du gouvernement général de l’AEF s’efface au détriment des
territoires. Cette évolution notoire permet surtout aux responsables
administratifs locaux d’adopter des dispositions qui tiennent compte
des spécificités de chacun des territoires. Toutefois, malgré ces
précautions, les motifs d’inquiétude demeurent toujours.
4.2. Discrimination et manquements à la législation : les ambiguïtés
administratives
La méconnaissance des procédures et parfois la mauvaise foi des
administrateurs limitent souvent la bonne marche des activités
cynégétiques au Gabon. En effet, les manquements à la législation, dans
un contexte général de décolonisation, prennent d’abord la forme d’une
31
ANG, Fonds Bitam, 2DJ (II) 32.3, correspondance du Gouverneur de la France d’Outre-mer
chef du territoire du Gabon à messieurs les chefs de région, 1956.
32
ANG, Fonds PR, Assemblée territoriale du Gabon, Projet d’arrêté…, op. cit.
33
Id.
34
ANG, Fonds Koula-Moutou, 2DH (I) 8.450, Service forestier, Circulaire n o 4396 relative aux
imprimés de demande de permis de chasse et états de recettes effectuées au titre des armes et
chasse, 1950.
434
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radicalisation du processus d’exclusion des autochtones coupables, diton, d’innombrables accidents. Ainsi, sur instruction officielles, des
conditions drastiques voire arbitraires leur sont imposées pour
l’acquisition des permis de chasse et de possession d’armes. Dans une
circulaire datée du début des années 1950, le gouverneur de la France
d’Outre-mer, chef du territoire du Gabon, sur interpellation de
l’Inspecteur Général des Eaux, Forets et Chasses de l’AEF, précise : « Il
est donc nécessaire aussi de n’accorder des permis de moyenne chasse
à des autochtones, détenteurs d’armes lisses perfectionnées, qu’avec
discrimination »35. Cette politique discriminatoire passe notamment par
la multiplication d’interrogations aussi curieuses que farfelues : « Le
chasseur chasse-t-il vraiment lui-même et non par procuration […] ? Le
chasseur est-il déjà connu comme expérimenté au point de vue
maniement des armes et de la chasse elle-même […] ? »36.
L’autre écueil reste sans conteste la négligence dans
l’établissement des rapports sur les activités de chasses et les armes en
circulation. Il s’agit notamment de l’insuffisance de renseignements, la
difficulté à enregistrer les rapports d’activité de toutes les régions, etc. :
Les renseignements fournis par la région du Woleu-Ntem
sont également forts incomplets […]. Si certains de vos
chefs de région commencent à appliquer normalement les
prescriptions de cette circulaire, beaucoup trop ont encore
tendance à se contenter de vous transmettre les états des
chefs de districts au fur et à mesure qu’ils leur parviennent.
Vous devez à nouveau insister pour que le groupement
complet de ces statistiques soit opéré par régions37.
Au travers de ces récriminations et rappels à l’ordre, faut-il voir
une réelle volonté de faire fructifier les revenus liés à la délivrance des
permis de chasse et les frais liés à l’enregistrement des armes en
circulation ? Dans tous les cas, au regard du soit-transmis adressé au
chef de la région du Woleu-Ntem, les plus hautes autorités de l’AEF ne
cachent guère leurs ambitions : « De l’application des nouveaux textes,
il doit découler une augmentation très sensible des recettes, mais encore
faut-il pour l’apprécier qu’à la base ces recettes soient perçues d’une
façon précise et complète, et qu’à tous les échelons le contrôle puisse
en être effectué »38. Cependant, comment faire davantage de profits sur
l’exploitation de la faune en excluant les autochtones ? L’indépendance
35
ANG, Fonds Bitam, 2DJ (II) 32.4, Circulaire du gouverneur de la France d’Outre-mer, chef du
territoire du Gabon, à messieurs les chefs de régions, 1953.
36
Id.
37
Id.
38
ANG, Fonds Bitam, 2DJ (II) 32.4, Soit-Transmis à monsieur le chef de la région du WoleuNtem, 1955.
435
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des territoires africains apportera une tentative de solution à cette
préoccupation.
5. « Armes et chasse pour tous » : un slogan en vogue dans le nouvel
état gabonais (1960-1968)
Exclus des circuits officiels de possession d’armes et d’exercice
de la chasse dite sportive, la marche vers l’indépendance du Gabon
donne l’occasion de changer de paradigmes. En effet, conscients de
l’intérêt sans cesse grandissant des Gabonais pour les armes et la
chasse, certains acteurs politiques d’époque en manque de popularité
n’hésitent pas à brandir l’argument de la distribution d’armes et permis
de chasse en cas de victoire aux élections. (J. C. Brouillet, 1972, p.
200) :
Je base ma campagne électorale sur l’obtention par tout citoyen
d’un permis de chasse, et l’autorisation d’achat d’un fusil calibre
12, qui serait fourni par mes soins à mes électeurs […]. J’ai
promis le fusil aux électeurs qui voteraient pour moi. Or, j’ai eu
deux mille voix et j’ai reçu quatre mille lettres me demandant le
fusil.
Au-delà de son caractère démagogique, cette promesse de
campagne a le mérite de révéler les fortes envies des autochtones en
matière d’armes à feu perfectionnées et permis de chasse. Loin d’éluder
cette réalité, les autorités du nouvel état gabonais vont s’efforcer de
trouver le juste milieu afin de contrôler la circulation des armes et la
pratique de la chasse.
5.1. Modernisation des pratiques de chasse et contrôle des armes :
le crédo des nouvelles autorités gabonaises
Bien que l’indépendance du Gabon ait été déclarée le 17 août
1960, le processus d’autonomisation et la prise de contrôle du territoire
par les autochtones sont effectifs avant cette date symbolique. Pour
marquer le coup, l’organisation administrative et législative du
territoire connaîtra des nombreux chamboulements. S’agissant de
l’exploitation de la faune notamment, des nouvelles dispositions, sur la
base des acquis de l’époque coloniale, sont adoptées.
En effet, au terme desdites nouvelles dispositions, on y apprend
par exemple que la chasse est exploitée au profit de l’état gabonais, via
la délivrance des permis de chasse payant et l’acquittement d’un certain
nombre de taxtes y relatives et surtout l’obtention d’un permis de port
d’arme39. Le décret-loi du 30 décembre 1960 fixe au nombre de 5 le
JORG, Loi no 46/60 du 8 juin 1960 réglementant l’exercice de la chasse et l’usage des armes de
chasse, 15 juillet 1960.
39
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total des permis de chasse en usage au Gabon. Leurs prix varient selon
le type de chasse sollicitée : permis ordinaire de chasse 1000 Fcfa,
permis de grande chasse 5000 Fcfa, permis spéciaux pour touristes en
résidents 1000 Fcfa, permis scientifique (gratuit) et le permis de capture
commerciale 10 000 Fcfa40. Dans le même ordre d’idée, la possession
d’une arme est désormais assujettie à l’obtention d’un permis de port
d’armes et surtout au paiement d’une assurance en bonne et due forme.
L’une des plus grandes nouveautés dans la législation de la chasse postcoloniale reste sans conteste la fin de la discrimination raciale en
matière d’armes et permis de chasse. Conformément au décret no84/P.R
du 12 avril 1961, il est désormais possible pour un Gabonais, dès l’âge
de 16 ans, de solliciter et d’obtenir un permis de chasse41. Toutefois, les
demandeurs locaux sont astreints au paiement d’une taxe : 500 Fcfa le
permis de port d’arme et 1000 Fcfa pour le permis ordinaire de chasse42.
Bien que révolutionnaires, ces nouvelles dispositions, avec à la clé, le
paiement des taxes, restreignent les possibilités d’une population
majoritairement pauvre et démunie. Si travailler pour l’administration
ou faire de la politique était un excellent circuit d’ascension sociale, il
a aussi garanti l’octroi des permis de possession d’arme et de chasse43
(F. Bernault, 1996, p. 313).
En parallèle de ces innovations retentissantes, on observe une
véritable refonte de la politique de classement des aires d’exploitation.
Désormais, toutes les activités liées à la faune doivent se développer à
l’intérieur des espaces bien déterminés dits « aires d’exploitation
rationnelle de la faune »44. Créées en vue d’y développer le tourisme de
vision et le tourisme cynégétique (chasse sportive notamment), l’AERF
est envisagée comme une zone classée par arrêté du chef de l’état dans
laquelle l’exploitation de la faune est strictement règlementée.
Généralement, on y trouve une réserve de faune et un domaine de
chasse voire un parc national45. Toutefois, les objectifs de ces
différentes entités ne sont pas les mêmes. Alors que la réserve de faune
favorise le tourisme de vision en prohibant la chasse (en 1968, le Gabon
compte de réserves de faune : Moukalaba et Petit Loango), le domaine
40
ANG, Fonds Koula-Moutou, 2DH (I) 8.470, Décret-loi no 00022/PM, le 30 décembre 1960.
JORG, Décret no84/ P.R. du 12 avril 1961, fixant les modalités d’application de la loi 46/60 du
8 juin 1960 réglementant l’exercice de la chasse et l’usage des armes de chasse et du décret-loi no
22 du 30 décembre 1960 fixant les taxes en matière de chasse, 15 avril 1961.
42
ANG, Fonds Koula-Moutou, 2DH (I) 8.470, Région de l’Ogooué-lolo, Correspondance du préfet
de l’Ogooué-lolo à messieurs des sous-préfets et agents spéciaux, 1961.
43
Id.
44
ANG, Fonds Lambaréné, 2DC (I) 64.9, Réglementation des aires d’exploitation rationnelles de
la faune prévue par la loi 46/60 du 8 juin 1960, Décret portant réglementation des aires
d’exploitation rationnelle de faune, le 5 juillet 1964.
45
ANG, Ministère des Eaux et Forêts, Service de la chasse/pêche et pisciculture, Note technique,
Expression courante en matière de législation de la chasse et de la protection de la nature, 2 mai
1968.
41
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de chasse quant à lui est envisagé comme une zone dans laquelle la
chasse est autorisée selon les normes en vigueur (en 1968, compte 3
domaines de chasse : Iguela, Ndendé et Wonga-Wongue). Pour sa part,
le parc national est une zone d’intérêt cynégétique, scientifique et
touristique où les animaux sont intégralement protégés46. Si ces
démembrements de domaine cynégétique constituent à une innovation,
on peut quand même déplorer le risque de lourdeur administrative lié à
la délivrance des documents relatifs à leur mise en valeur dans le cadre
des activités touristiques. Dans tous les cas, cette véritable révolution
impacte aussi sur le métier de guide de chasse.
Alors que la délivrance de la licence de guide de chasse
nécessitait d’être d’abord inscrit sur une liste d’aspirant-guide de chasse
puis une série d’épreuves théoriques et pratiques, les nouvelles
dispositions paraissent moins lourdes. En effet, à la suite de la loi no
46/60 du 8 juin 1960, est désormais considéré comme guide de chasse :
[Une] personne titulaire par décret d’une charge de guide de
chasse qui lui permet de détenir, pour le compte de ses clients,
l’exclusivité de la chasse sur la totalité d’un secteur et qui est
autorisée à pénétrer avec ses clients dans les réserves de faune
pour y faire photographier et cinématographier les animaux 47
De cette nouvelle disposition, deux enseignements sont à noter.
D’abord, on observe la disparition de la notion d’aspirant-guide de
chasse. En effet, contrairement à la période coloniale, il n’est plus
question, pour prétendre au statut de guide de chasse, de passer par
l’étape d’aspirant-guide. Dans le même ordre d’idée, le concours visant
à l’obtention de la licence de guide de chasse disparaît aussi. Cette
dernière disposition est un clin d’œil fait aux autochtones. En effet, avec
la levée des obstacles représentés par les épreuves écrites et pratiques
naguère en vigueur, l’obtention d’une licence de guise de chasse ne
dépendait désormais que du bon vouloir des seules autorités
administratives.
Le second enseignement, et non des moindres, demeure sans
conteste l’attribution des aires d’exploitation à chaque guide de chasse.
Désormais, contrairement à l’anarchie en vigueur avant 1960, un guide
de chasse est attaché à un secteur de chasse. Dans ledit secteur, il détient
le monopole de l’organisation des activités touristiques, y compris la
chasse48. Toute intrusion d’un tiers, dans le cadre de l’organisation
d’activités touristiques ou de chasse, constitue ainsi une violation de la
46
Id.
Id.
48
JORG, Loi no 46/60 du 8 juin 1960 réglementant l’exercice de la chasse et l’usage des armes de
chasse…, op. cit.
47
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loi. Reconverti en chasseur de crocodiles au Gabon au début des années
1960, Roger Fabre, chasseur professionnel et guide de chasse réputé en
a d’ailleurs fait les frais. Apres des excursions dans le sud du Gabon,
dans un domaine de chasse déjà attribué, il reçoit, via un télégramme,
une injonction du président gabonais, Léon Mba : « Président
république Gabon à M. Fabre-Priere avoir à cesser abattage
systématique crocodiles sur basse Nyanga-Zone d’intérêt cynégétique
réservée à guide de chasse Patry-Signé : Léon Mba » (C. Dedet, 1995,
p. 169). Ce rappel à l’ordre témoigne du changement de régime au
Gabon et de la volonté gouvernementale de faire respecter l’ordre en
matière d’activités cynégétiques. Si Roger Fabre s’est facilement plié
aux injonctions officielles, la situation parait plus compliquée du côté
des chasseurs gabonais.
5.2. Les Gabonais à l’épreuve de la chasse réglementée : entre
incompréhension et méconnaissance des lois
Au sujet d’armes et permis de chasse en AEF et au Gabon,
Florence Bernault soutient l’idée selon laquelle seuls les autochtones
évolués figurant sur les listes d’électeurs y avaient droit (F. Bernault,
1996, p. 313). Après l’indépendance du Gabon en 1960 et la
prolifération des élections libres, des formes de clientélismes dans la
distribution des autorisations de détention d’armes et permis de chasse
tendent à se généraliser. Il semble que les hommes politiques, dans un
souci de s’assurer le soutien des populations de l’hinterland, n’hésitent
pas à distribuer des cadeaux tels que les fusils, les munitions et les
permis. Cependant, les détenteurs d’armes et permis, trop souvent
occupés par des activités autres que la chasse, usent régulièrement des
services des tiers. Souvent inexpérimentés et peu au fait de la législation
en vigueur, ces derniers sont au cœur d’innombrables accidents et
manquements aux lois en vigueur.
En mai 1962 par exemple, le service eau et forêts signale quatre
accidents de chasse dans la région du Woleu-Ntem. Des quatre
accidents, dont deux mortels, tout porte à croire que des chasseurs
inexpérimentés aient confondu des anthropoïdes aux humains. D’autre
part, trois des quatre chasseurs n’étaient capables de fournir aux
gendarmes des autorisations administratives nécessaires à l’exercice de
la chasse49. Deux enseignements émergent de cette situation : la
méconnaissance de la législation (les chimpanzés et gorilles étant des
espèces intégralement protégées) et l’absence de justifications quant à
la détention des armes50. Mieux, ces armes auraient été prêtées à ces
chasseurs de circonstance en dehors du cadre officiel prévu par la loi.
49
ANG, Fonds Bitam, 2DJ(II) 32.6, Correspondance de l’ingénieur des travaux des eaux et forêts
en service à Oyem à monsieur le préfet du Woleu-Ntem, mai 1962.
50
Id.
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Toute chose qui expose leurs propriétaires à des poursuites judiciaires
conformément à la loi51.
Ainsi qu’on le voit, la décolonisation et l’accession du Gabon à
la souveraineté internationale a entrainé d’autres types de difficultés en
matière d’exploitation de faune. S’il parait plus aisé de faire appliquer
la loi chez les Occidentaux en villégiature en brousse, la situation parait
plus compliquée chez les autochtones. Peu au fait des lois en vigueur,
pas du tout expérimentés dans les opérations de chasse avec des armes
perfectionnées, ils sont à n’en pas douter un danger pour eux-mêmes,
pour la faune et surtout pour la bonne marche de l’organisation
administrative en matière d’activités cynégétiques.
Conclusion
La chasse et l’exploitation de la faune en Afrique remontent aux
premières heures de l’expansion occidentale sur le continent.
Cependant, la propension au gaspillage et à l’exploitation illégale
amène les autorités à initier des réformes visant non seulement à tirer
profit de cette activité lucrative mais surtout à protéger les espèces de
l’extermination. Si la volonté politique est bien présente aussi bien du
côté des autorités coloniales que du côté des responsables du nouvel
état gabonais, les résultats sur le terrain sont plus mitigés que
concluants. En effet, la méconnaissance des textes, la gabegie, le refus
d’obtempérer, la corruption, etc. ont souvent freiné ces volontés de
réforme. Les incessantes modifications des textes, les rappels à l’ordre
et autres condamnations pour non-respect des normes en matière de
chasse, témoignent de cette difficulté à trouver le juste milieu entre
intérêts privés, intérêts publiques et préservation de la nature.
Sources et bibliographie
Sources
Sources imprimées
*Rapport
Rapport sur la protection de la nature en Afrique Equatoriale
Française par Blancou Lucien, pp. 36-44.
*Journal Officiel de l’Afrique Equatoriale Française
- Décret no 47-2254 du 18 novembre 1947 réglementant la chasse en Afrique Noire Française, 1948.
- Arrêté portant modification des dispositions de l’article 33 de l’arrête
du 1er décembre 1943, fixant les modalités d’application du décret du
7 septembre 1915 sur les armes à feu en AEF, 1949.
51
Id.
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- Arreté fixant les modalités d’application en AEF du décret no 47-2254
du 18 novembre 1947, réglementant la chasse dans les territoires
africains relevant du Ministère de la France d’outre-mer, 1949.
- Fonds Koula-Moutou, 2DH (I) 8.450, Service forestier, Circulaire no
4396 relative aux imprimés de demande de permis de chasse et états de
recettes effectuées au titre des armes et chasse, 1950.
- Délibération no 42/48, fixant les droits de sortie à percevoir sur les
animaux vivants exportés de l’AEF, 1950.
- Arreté créant en AEF des zones d’intérêt cynégétique et modifiant les
arrêtés 2314 du 16 juillet 1953 et 2928 bis du 3 septembre 1953 sur la
règlementation de la chasse en AEF, 1953.
- Fonds Bitam, 2DJ (II) 32.4, Circulaire du gouverneur de la France
d’Outre-mer, chef du territoire du Gabon, à messieurs les chefs de
régions, 1953.
*Journal Officiel de la République Gabonaise
- Loi no 46/60 du 8 juin 1960 réglementant l’exercice de la chasse et
l’usage des armes de chasse, 15 juillet 1960.
- Fonds Koula-Moutou, 2DH (I) 8.470, Décret-loi no 00022/PM, le 30
décembre 1960.
- Décret no84/ P.R. du 12 avril 1961, fixant les modalités d’application
de la loi 46/60 du 8 juin 1960 réglementant l’exercice de la chasse et
l’usage des armes de chasse et du décret-loi no 22 du 30 décembre 1960
fixant les taxes en matière de chasse, 15 avril 1961.
- Fonds Lambaréné, 2DC (I) 64.9, Réglementation des aires
d’exploitation rationnelles de la faune prévue par la loi 46/60 du 8 juin
1960, Décret portant réglementation des aires d’exploitation rationnelle
de faune, le 5 juillet 1964.
Sources d’archives
- Affaires politiques, Circulaire no 79 au sujet de l’application des
règlements de chasse, Brazzaville, 1935.
- Fonds Bitam, 2DJ (II) 32.4, Soit-Transmis à monsieur le chef de la
région du Woleu-Ntem, 1955.
- Fonds PR, Assemblée territoriale du Gabon, Projet d’arrêté créant en
AEF la profession de guide et d’entrepreneur de tourisme cynégétique,
1956.
- Fonds Bitam, 2DJ (II) 32.3, correspondance du Gouverneur de la
France d’Outre-mer chef du territoire du Gabon à messieurs les chefs
de région, 1956.
- Fonds Koula-Moutou, 2DH (I) 8.470, Région de l’Ogooué-lolo,
Correspondance du préfet de l’Ogooué-lolo à messieurs des souspréfets et agents spéciaux, 1961.
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Société, N° 010, Vol. 2, Décembre 2020
- Fonds Bitam, 2DJ(II) 32.6, Correspondance de l’ingénieur des travaux
des eaux et forêts en service à Oyem à monsieur le préfet du WoleuNtem, mai 1962.
- Ministère des Eaux et Forêts, Service de la chasse/pêche et
pisciculture, Note technique, Expression courante en matière de
législation de la chasse et de la protection de la nature, 2 mai 1968.
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