Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
Le paradoxe électoral en Afrique subsaharienne1 Bertrand SIMON, Département de Science Politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Depuis les années 1990, l’Afrique subsaharienne est très majoritairement revenue vers le multipartisme, et a accompli également de nombreux progrès démocratiques. Les constitutions ont changé, les libertés fondamentales y sont mieux garanties, le droit électoral a progressé, des codes de bonne conduite en matière électorale se sont développés, des accords de coopération ont été initiés dans le but de renforcer la démocratie, etc. La charte de l’Union Africaine relative aux élections est elle aussi venue couronner, au niveau du continent, ces progrès réalisés dans les états-nations. Pourtant, les élections sont souvent des moments de crise dans les états d’Afrique subsaharienne, peut-être même plus qu’elles ne contribuent à les dénouer. En somme, si la démocratie électorale est devenue centrale en Afrique sub-saharienne, cette aire géographique est aussi le lieu d’un paradoxe électoral. C’est ce que nous allons tenter de montrer dans ce travail, en tentant d’expliquer également quelle paraît être la raison majeure de ce paradoxe. Une démocratie électorale L’apport de l’Accord de Cotonou Quoi que puissent en dire, parfois, les dirigeants de certains états africains qui crient à l’ingérence lorsque l’Union Européenne se permet des commentaires sur le déroulement des processus électoraux, le fait d’avoir signé l’Accord de Cotonou ancrait les pays signataires dans le champ du patrimoine électoral européen durant toute la période de validité de cet accord. En effet, si l’Accord de Cotonou avait pour objectif général d’entériner l’adoption par les signataires des objectifs du millénaire en matière de développement durable, ce concept de développement y est défini comme étant « centré sur la personne humaine, qui en est l’acteur et le bénéficiaire principal, et postule le respect et la promotion de l’ensemble des droits de 1 Chapitre d’un ouvrage collectif à paraître en 2021. « Le paradoxe électoral en Afrique subsaharienne ». In Reda Nour (s.l.d.), Afrique et développement, Rabat, Publications de la REMALD, à paraître en 2021. l’homme ». Ainsi, « le respect de tous les droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris le respect des droits sociaux fondamentaux, la démocratie basée sur l’État de droit, et une gestion transparente et responsable des affaires publiques font partie intégrante du développement durable »2. Dans ce contexte, les droits civils et politiques apparaissaient comme centraux, et étaient reconnus comme des sujets de dialogue et de coopération entre les parties. L’Accord de Cotonou affirmait ainsi que chaque état avait vocation à développer sa propre culture de la démocratie, mais que celle-ci ne pouvait s’enraciner que dans le terreau des « principes démocratiques ». Or, ces derniers, selon l’Accord « sont des principes universellement reconnus sur lesquels se fonde l’organisation de l’État pour assurer la légitimité de son autorité, la légalité de ses actions qui se reflète dans son système constitutionnel, législatif et réglementaire, et l’existence de mécanismes de participation »3. L’Accord de Cotonou étant également un texte visant à établir des procédures de dialogue et des mécanismes de coopération entre les pays de la zone ACP et ceux de l’Union Européenne, ces domaines y étaient définis comme constituant « un élément important du dialogue politique », de sorte que le partenariat entre les acteurs se traduisait par un soutien actif à « la promotion des droits de l’homme, les processus de démocratisation, la consolidation de l’État de droit et la bonne gestion des affaires publiques »4. Ainsi, en vertu de l’Accord de Cotonou, l’Union Européenne apportait « un appui aux réformes politiques, institutionnelles et juridiques, et au renforcement des capacités des acteurs publics, privés et de la société civile, dans le cadre des stratégies qui sont décidées d’un commun accord entre l’État concerné et la Communauté »5. Le patrimoine électoral européen comme cadre de référence En matière de démocratisation, les instruments communs à tous les états de l’Union Européenne, mais aussi à ceux qui relèvent de sa politique de voisinage, notamment les états de la zone euro-méditerranéenne, à ceux qui aspirent à intégrer l’UE et à ceux qui font partie de ce que l’on appelle le Partenariat Oriental, constituent ce que la Commission de Venise nomme le « patrimoine électoral européen ». 2 Accord de Cotonou, Titre II, Article 9, p. 23. Ibid., p. 24. 4 Ibid., p. 24. 5 Ibid., p. 24. 3 Ce patrimoine électoral européen repose sur un certain nombre de grands principes. En premier lieu sur la notion de suffrage, qui doit être universel, égal, libre, secret et direct. Il est aussi nécessaire que des élections soient organisées selon une périodicité régulière, que les droits et libertés fondamentales soient respectés. Enfin, le droit électoral propre à chaque pays doit être stable, et se situer à des niveaux législatifs élevés, autrement dit ceux de lois constitutionnelles ou de lois organiques spécifiques, mais en aucun cas à un simple niveau réglementaire. Enfin, des garanties procédurales doivent exister, et des possibilités de recours offertes à tout candidat ou électeur qui éprouverait le besoin motivé d’en introduire un. Le respect de ces grands principes est, selon la Commission de Venise, la condition nécessaire d’un bon fonctionnement de la démocratie6. Lorsqu’il s’agit donc, dans le cadre d’un dialogue, ou d’un partenariat stratégique entre l’UE et un état signataire de l’Accord de Cotonou, de mettre en place une collaboration visant à renforcer le développement de la démocratie et à améliorer le fonctionnement de la vie et des institutions politiques, le cadre de référence auquel se reporte l’UE, les principes qui inspirent ses recommandations ou guident les orientations stratégiques du partenariat, sont donc issus de ce patrimoine électoral européen. Certes, l’assistance dans ces domaines électoraux n’est que rarement menée directement par la Commission de Venise, institution la plus légitime sur ces sujets, auprès des états africains, en particulier au Sud du Sahara. La Commission intervient cependant en soutien régulier de réformes auprès de certains états d’Afrique du Nord, comme la Tunisie, le Maroc, et même l’Égypte. Par ailleurs, dans le cadre du Campus UniDem Med, elle contribue au renforcement des capacités des magistrats et fonctionnaires de sept pays du bassin méditerranéen et d’Afrique du Nord (Algérie, Jordanie, Liban, Mauritanie, Maroc, Palestine et Tunisie) dans les domaines de l’État de droit, de la bonne gouvernance, et des droits fondamentaux. L’assistance en matière électorale passe bien plus par l’intervention d’ONG spécialisées, financées par l’Union Européenne dans le cadre des contrats et marchés mis en place par le bureau de la coopération d’EuropAid, notamment à travers les lots n°7, Gouvernance et Affaires Intérieures, et n°12, Aide Humanitaire, Gestion de Crise et Assistance post-crise du European Framework Contract Beneficiairies7. Néanmoins, ces acteurs non-gouvernementaux sont tenus de s’inscrire dans le cadre général défini par le plan d’action en faveur des droits de l’homme 6 Cf. sur l’ensemble de ces points les documents de la Commission de Venise intitulés, Le Patrimoine Électoral Européen, CDL (2002), 7ème révision, Strasbourg, 18 février 2002., et Code de Bonne Conduite en Matière Électorale, lignes directrices et rapport explicatif, Avis n°190/2002, CDL-AD (2003), 23ème révision, adoptés par la Commission de Venise lors de sa 52ème session, Venise, 18-19 octobre 2002). 7 https://ec.europa.eu/europeaid/sites/devco/files/beneficiaries-2013-detailed-description-all-lots.pdf et de la démocratie, défini quadriennalement par le Conseil de l’Union Européenne. Ce plan, qui s’appuie lui aussi sur le patrimoine électoral européen, met en avant la nécessité d’adapter ces standards aux contextes nationaux de chacun des états. Dans cette optique, le plan 20152019, mettait par exemple l’accent sur la nécessité de développer l’intégrité des processus électoraux, notamment en renforçant les capacités des organismes de gestion des élections, comme les commissions électorales nationales8. Les progrès de la démocratie électorale Globalement, les états d’Afrique subsaharienne bénéficient ainsi de nombreux programmes d’assistance électorale et d’action civique, tendant à y renforcer le poids des structures et de la culture démocratique, et ce depuis le début des années 19909. D’ailleurs, le Dialogue régional de Cotonou, organisé par l’Institut pour la Démocratie et l’Assistance Électorale (IDEA) en novembre 2017 avait réussi à dégager un consensus au sein des participants des différents panels. Les participants y avaient unanimement souligné que l’Afrique des années 1990 et suivantes n’était plus celle des années 1970-1980, dans la mesure où les principes du pluralisme politique, de la compétition électorale et de l’alternance ont réussi à s’y imposer10. Du point de vue des populations, et non plus de celui des experts, la confiance dans le processus électoral semble aussi avoir progressé. Ainsi, selon l’étude menée par l’Afrobaromètre durant les années 2014-2015 dans 36 pays, 41% des enquêtés estiment que les élections sont entièrement libres et équitables, 24% qu’elles le sont, mais que demeurent de « petits problèmes », et 14% qu’elles le sont mais que subsistent des problèmes majeurs. Seuls 11% des personnes interrogées estiment qu’elles ne sont ni libres ni équitables, et 10% ne savent se prononcer11. 8 Cf. sur ce point le document 10987/15 du Conseil de l’Union Européenne intitulé Council Conclusions on the Action Plan on Human Rights and Democracy 2015 – 2019 : http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST10897-2015-INIT/en/pdf 9 On pourrait toutefois faire remonter les origines de la coopération entre l’UE et le continent africain en matière de développement de la démocratie au premier accord de Lomé, signé en 1975. Depuis lors, tous les textes définissant ou encadrant l’action extérieure de l’Union Européenne font de la démocratie un de ses principes fondamentaux. 10 Cf. Rapport de l’IDEA, Trois décennies de transition démocratique en Afrique, Dialogue régional de Cotonou, 10-12 novembre 2017, Stockholm, avril 2018, pp. 11-12 : https://www.idea.int/publications/catalogue/three-decades-democratic-transition-africa-what-are-dividendscitizens?lang=fr 11 La gestion des élections en Afrique, Afrobaromètre, Synthèse politique n°35, Septembre 2016. p.2. : http://afrobarometer.org/sites/default/files/publications/Documents%20de%20politiques/ab_r6_policypaperno35 _gestion_des_elections_en_afrique_fr.pdf FIGURE 1 : PERCEPTION DES PROCESSUS ÉLECTORAUX EN ARIQUE (SOURCE : AFROBAROMÈTRE) Le paradoxe électoral Sur ces bases, il semblerait donc que les états d’Afrique subsaharienne se soient de plus en plus et de mieux en mieux approprié les instruments de la démocratie électorale. Comment expliquer dès lors que, parallèlement à ces progrès, on puisse assister depuis des décennies à des violences électorales nombreuses et récurrentes, ainsi qu’à des contestations systématiques des résultats, comme si, justement, les élections ne s’étaient pas déroulées dans un climat d’intégrité sincère et équitable ? Si l’on s’attache en effet à répertorier les violences et les contestations qui ont émaillées les processus électoraux depuis le début des années 2000 en Afrique sub-saharienne, le tableau que cette recension dresse des élections en Afrique est beaucoup moins idyllique que celui auquel un examen de la progression des instruments de la démocratie électorale nous conduirait. En effet, depuis le début des années 2000, on a assisté à des phénomènes de contestation de l’intégrité des processus électoraux plus ou moins violents dans de très nombreux pays de cette aire géographique. Les contestations électorales ont même abouti à ce que certains pays se trouvent en quelque sorte dotés de deux présidents. L’un officiellement désigné par le juge électoral chargé de statuer sur les irrégularités et les recours dénoncés par les candidats, l’autre auto-proclamé sur la base de résultats issus de décomptes des votes, parfois dûment constatés et certifiés, y compris par des observateurs internationaux. Ainsi, depuis 2016, Jean Ping au Gabon conteste la réalité de l’élection d’Ali Bongo Ondimba. Depuis octobre 2018, le Professeur Maurice Kamto dénonce un hold-up électoral qui l’aurait privé de la victoire au profit du sortant Paul Biya dans l’élection présidentielle camerounaise. Enfin, depuis janvier 2019, Martin Fayulu s’insurge contre la désignation comme vainqueur de l’élection présidentielle en République Démocratique du Congo non pas du candidat du parti au pouvoir, mais d’un autre candidat de l’opposition, Félix Tshisekedi. Tout l’objet de ce travail consistera donc à tenter d’expliquer ce paradoxe. D’un côté, la démocratie électorale semble progresser en Afrique subsaharienne, notamment à travers l’adoption d’instruments et de cadres juridiques et institutionnels. De l’autre, le déroulement des processus électoraux est émaillé de nombreux incidents et les contestations électorales des résultats y sont de plus en plus nombreuses, fréquentes, et spectaculaires. Comment cela est-il possible ? Que manque-t-il aux états d’Afrique subsaharienne pour que la démocratie électorale y fonctionne sereinement et efficacement, de sorte que la population puisse s’y reporter comme à une solution d’alternance démocratique et ait la certitude que ses choix électoraux sont respectés. Évaluer la performance électorale Pour y parvenir, nous avons choisi d’appliquer à la situation de quatre états d’Afrique subsaharienne la méthode que nous avons contribué à développer avec les équipes de la DGII du Conseil de l’Europe, et notamment avec Guillaume LOISEAU et François FRIEDERICH12, méthode qui a conduit à la création d’un indicateur européen de la performance électorale (EEPI, pour European Electoral Performance Index). Cet indicateur expérimental permet, en interne, de faire ressortir les progrès de la démocratie pays par pays, d’identifier des champs prioritaires, et d’évaluer si les actions menées par le Conseil de l’Europe en matière assistance électorale y ont été suivies d’effets tangibles13. Dans la mesure où le cadre général des processus électoraux africains s’appuie sur des standards internationaux et, comme nous l’avons souligné dans l’introduction, sur les standards européens principalement, l’EEPI nous permet d’appliquer à leur situation une grille de lecture valide en matière de performance électorale, puisque les critères utilisés par l’EEPI y sont aussi parfaitement utilisables. 12 Nous tenons d’ailleurs à les remercier chaleureusement de nous autoriser ainsi à expérimenter l’utilisation d’un outil interne au Conseil de l’Europe dans le cadre d’une recherche scientifique, et hors du périmètre européen. 13 En préparation et en test depuis 2017, l’European Electoral Performance Index (EEPI) a été utilisé pour la première fois dans le rapport 2019 du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour évaluer la portée des actions du Conseil dans les pays du partenariat oriental. L’EEPI cherche à prendre en compte l’ensemble du processus électoral, en élaborant des indicateurs pour chacune des trois périodes qui le composent : la période pré-électorale, la période électorale et la période post-électorale. L’EEPI intègre toutes les dimensions du processus, en amont comme en aval de l’élection elle-même. Il examine en effet les conditions de possibilité et de bon déroulement de l’élection, et définit les éléments objectifs qui mesurent une véritable culture de la démocratie électorale. Par ailleurs, les critères utilisés pour constituer l’indice dérivent directement des standards électoraux européens, ce qui permet également de mesurer des écarts par rapport à ces standards, et d’identifier avec précision des points de progression possibles. L’EEPI rend possible et facile la quantification de la performance électorale. En effet pour chaque critère observé, on détermine simplement leur degré de satisfaction par rapport aux standards en matière d’élection. Si le critère est pleinement satisfait, le pays se voit attribuer le maximum de points, une partie des points s’il n’est que partiellement satisfait et 0 point s’il ne l’est pas. Les données permettant de déterminer le degré de satisfaction pour chaque critère sont facilement accessibles, car elles se trouvent dans les textes législatifs, ou dans les rapports d’observation des missions internationales, par exemple. Pour gagner en précision et mieux coller à la réalité, l’EEPI distingue également trois périodes dans le cycle électoral : la période pré-électorale, la période électorale et la période post-électorale, en attribuant à chaque cycle une note. Chaque point est associé à un système transversal basé sur une échelle de qualité représentée par 5 couleurs (vert sombre/vert/jaune/rouge), les codes couleurs utilisés permettant de visualiser aisément les points problématiques dans le processus électoral pour chaque pays. Tous les critères ne s’appliquent pas à tous les pays, ce qui conduit à tenir compte de leurs spécificités électorales ou structurelles. Le score obtenu est donc toujours proportionnel. Enfin, afin de mettre en valeur les critères les plus importants dans le déroulement du processus électoral, certains d’entre eux sont surpondérés. Par exemple, le respect du secret du vote, l’établissement de listes électorales fiables comptent plus dans la qualité du processus électoral que la possibilité offerte de voter par procuration. Dans le score global obtenu par chaque pays, l’EEPI peut ainsi distinguer le score obtenu sur les critères principaux et le mettre en valeur, en raison de son importance majeure. Les critères des trois phases du processus électoral Dans un processus électoral, on peut distinguer trois phases : une phase pré-electorale, correspondant à tout ce qui se déroule avant l’ouverture de la campagne et l’élection. Dans cette phase, de multiples facteurs rentrent en ligne de compte, dont le cadre légal, les mesures prises pour inciter les électeurs à participer à l’élection et leur faire connaître leurs droits, le paysage médiatique, où le pluralisme des opinions politiques doit être respecté, ainsi que toutes les opérations contribuant à l’enregistrement des électeurs aussi bien que des candidatures. La seconde phase est la période électorale proprement dite, qui regroupe la campagne électorale elle-même, ainsi que toutes les opérations de vote le jour de l’élection. La troisième phase, quant à elle, constitue la période post-électorale, et s’articule autour de la publication des résultats, des possibilités de recours des électeurs et des candidats, et du contentieux électoral. La mesure de la performance électorale que permet cet outil expérimental qu’est l’EEPI s’opère grâce à des critères de performance déterminés pour chacune des périodes sur la base des textes légaux, des standards internationaux, et des recommandations de la Commission de Venise. Tous les éléments servant à définir les critères constituent le patrimoine électoral européen que nous avons présenté au début de ce travail, et sont réunies dans le Code de Bonne Conduite en Matière électorale établi par la Commission de Venise14. Il faut ensuite se reporter à la situation particulière de chaque pays étudié pour déterminer si le critère est totalement satisfait, partiellement satisfait, ou pas satisfait du tout. Pour cela, on dispose à la fois des textes légaux, et des rapports des missions d’observations électorales, qui servent de base objective et fiable pour déterminer le degré de satisfaction de chaque critère. En tout, 81 critères différents sont examinés pour chaque pays. La période pré-électorale comprend 43 critères différents, dont 13 critères majeurs, qui sont surpondérés par rapport aux autres. La période électorale en contient quant à elle 29, dont 13 critères majeurs également. Enfin, la période post-électorale, plus simple, à examiner, rassemble seulement 9 critères, dont 5 critères majeurs surpondérés. 14 Code de Bonne Conduite en Matière Électorale, lignes directrices et rapport explicatif, Avis n°190/2002, CDL-AD (2003), 23ème révision, adoptés par la Commission de Venise lors de sa 52ème session, Venise, 18-19 octobre 2002). Sur cette base, nous avons donc choisi de reprendre à notre compte la logique et le mode de fonctionnement de l’EEPI, et de l’appliquer à la situation de quatre états d’Afrique subsaharienne qui ont connu, durant ces dernières années, des élections dont le déroulement ou les résultats ont donné lieu, durant ces trois dernières années à des contestations électorales, majeures : le Cameroun, le Gabon, le Mali, la République Démocratique du Congo. Afin de disposer d’un point de comparaison avec l’Europe, nous avons également choisi de nous livrer au même exercice pour la France et l’Allemagne. La performance électorale dans quatre états d’Afrique subsaharienne Afin de tenter d’étudier la performance électorale dans ces quatre états d’Afrique subsaharienne, nous avons donc constitué pour chaque pays un corpus composé de l’ensemble des textes juridiques régissant le processus électoral ou y intervenant, et des rapports établis par les missions d’observation, exactement comme nous le faisons dans le cadre des usages de l’EEPI au sein du Conseil de l’Europe. Il s’agit ainsi de mesurer, par rapport à la norme définie par le patrimoine électoral européen en matière de critères et de garanties procédurales du processus électoral, l’écart de chaque système national. Les corpus obtenus comprennent ainsi les constitutions de chaque état, leurs lois électorales, les textes régissant le fonctionnement et le financement de ces derniers, le pluralisme des médias, le fonctionnement de la justice électorale et des procédures de recours, les textes définissant les statuts, la composition et les missions des organismes de gestion des élections. À ces textes s’ajoutent les rapports des missions de l’Union Européenne, de l’Organisation Internationale de la Francophonie, de l’ONU, de l’Union Africaine, en fonction des disponibilités de ce dernier. L’Union Africaine ne publie en effet pas systématiquement ses rapports d’observation. L’avantage de ces rapports et de pointer du doigt les difficultés d’application des cadres légaux, et leurs limites, et surtout de signaler les libertés parfois prises avec la loi, ou d’en révéler certaines ambiguïtés. Sur ces bases, nous allons donc nous efforcer de tirer quelques enseignements globaux, et de souligner certaines particularités, forces et faiblesses, des processus électoraux des quatre pays choisis. Malheureusement, le cadre limité de cette recherche ne nous permettra que de souligner les aspects les plus saillants, sans pouvoir entrer dans le détail de chacun des 81 critères. Ceci pourra faire l’objet d’une prochaine recherche plus détaillée, qui s’efforcerait de tendre à l’exhaustivité. Les résultats globaux : un cadre légal relativement satisfaisant L’indicateur de la performance électorale permet de disposer d’un score global pour l’ensemble des critères couvrant l’intégralité du processus électoral, en même temps que de résultats détaillés pour chacun des phases. Les scores globaux obtenus par le Cameroun, le Gabon, le Mali, et la République Démocratique du Congo, ces quatre états d’Afrique subsaharienne où les processus électoraux ont débouché sur des contestations plus ou moins vives et massives des résultats des élections qui s’y sont déroulées récemment, situent chacun d’eux à des niveaux de performances relativement satisfaisants, voire très satisfaisants. En effet, le Gabon et le Mali, dont on peut pourtant douter qu’ils s’agissent de pays pleinement démocratiques, obtiennent respectivement des scores globaux de 80,19% de critères satisfaits pour le Gabon, et même 83,94% pour le Mali. Les scores du Cameroun et de la République Démocratique du Congo, sont en revanche bien moins élevés. La RDC satisfait aux critères à 72,10%, et le Cameroun seulement à 70,22%. Par comparaison, ces scores situent ces quatre états entre les démocraties européennes anciennes et où les élections se déroulent sans heurts ni irrégularités majeures, comme l’Allemagne (90,80%) ou la France (92,11%), et des pays d’Europe de l’Est en transition démocratique, comme l’Ukraine (69,92%), ou la République de Moldova (71,01%), dont les scores sont légèrement inférieurs à ceux du Cameroun ou de la RDC. TABLEAU 2 : SCORES DE PERFORMANCE ÉLECTORALE GLOBALE ALLEMAGNE CAMEROUN FRANCE GABON MALI R. D. CONGO SCORE EN % 90,80% 70,22% 92,11% 80,19% 83,21% 72,10% SCORE MAXIMAL 125 136 133 135 137 138 SCORE EN POINTS 113,5 95,5 122,5 108,25 115 99,5 Ces scores globaux sont à rapprocher de l’étude menée sur la perception des processus électoraux par les populations dans le cadre de l’Afrobaromètre, que nous avons citée dans la première partie. On comprend donc que les perceptions des populations, traduisant une amélioration de la qualité des processus électoraux n’est pas une simple vue de l’esprit, mais traduit un réel progrès dans l’élaboration des législations électorales dans ces états africains. Si 41% de personnes interrogées estiment que les élections sont désormais libres et équitables, et 24% que seuls de « petits problèmes » étaient constatés, c’est aussi, et peut-être avant tout parce que le droit électoral a progressé, s’est étoffé, et que la transition démocratique commence à devenir effective, au moins dans sa forme purement juridique. D’ailleurs, ces progrès sont particulièrement sensibles en ce qui concerne les critères majeurs pris en compte par l’indicateur. À de rares exceptions près, comme les questions d’accès des femmes à des fonctions électives, celles de l’indépendance des médias de service public et de respect du pluralisme, et celles relatives aux délais de publication des résultats des élections, on peut constater que les résultats obtenus par les quatre pays sont soit à la hauteur des normes juridiques les plus élevées, soit que ceux-ci satisfont partiellement les critères majeurs. C’est particulièrement vrai pour ce qui relève du respect des libertés fondamentales, d’association, de circulation, d’expression, d’opinion, de réunion, etc… Par ailleurs, dans certains pays étudiés, la raison majeure de considérer que ces libertés fondamentales n’étaient pas garanties relève de problèmes évidents de sécurité. Ainsi, le Mali, dont une grande partie du territoire s’avère être une zone très imparfaitement contrôlée par l’état et qui a instauré l’état d’urgence et ne cesse de faire voter par le parlement son renouvellement, ne peut, dans de telles conditions, satisfaire parfaitement à ce critère. Il en va de même pour la République Démocratique du Congo, dont les provinces orientales sont soumises à des troubles civils importants. Le Cameroun pourrait aussi, compte tenu de la situation dans les zones anglophones, relever du même cas de figure. Toutefois, la récente répression des manifestations post-électorales, et l’arrestation de nombreux leaders de l’opposition, en premier lieu du Professeur Maurice Kamto, Président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), montrent que le régime du Président Paul Biya manifeste une tendance autoritaire très forte, et ne respecte plus les libertés fondamentales, en élargissant le plus possible la notion de trouble à l’ordre public, seul motif de restriction desdites libertés15. Si l’on se focalise successivement sur chacune des phases du processus électoral, les résultats obtenus révèlent en revanche des disparités notables, tant dans la comparaison d’un état à l’autre, qu’entre les phases au sein d’un même processus électoral national. Ainsi, pour le Cameroun, il semble que le maillon le plus faible du processus électoral soit la période électorale elle-même, avec un score de seulement 66,67% des critères satisfaits. Inversement, cette période électorale en elle-même, qui regroupe la campagne officielle et les opérations du jour du vote, semblent beaucoup mieux se dérouler au Gabon (88,21%), et au Mali (89,81%). Dans une moindre mesure, c’est aussi dans cette période que la République Démocratique du Congo obtient son meilleur score de satisfaction des critères (75,45%). Inversement, en ce qui concerne le cadre légal le plus large, celui que l’on peut observer dans la période pré-électorale, c’est la République Démocratique du Congo qui enregistre le plus grand écart par rapport à la norme définie par les standards du patrimoine électoral européen. Les critères n’y sont en effet satisfaits qu’à 66,67%. TABEAU 3 : SCORES POUR CHAQUE PÉRIODE DU PROCESSUS ÉLECTORAL ALLEMAGNE 15 CAMEROUN FRANCE GABON MALI R. D. CONGO « La liberté de communication, la liberté d’expression, la liberté de presse, la liberté de réunion, la liberté d’association, la liberté syndicale et le droit de grève sont garantis dans les conditions fixées par la loi ». Préambule de la Constitution du Cameroun. PRÉELECTORALE 74,59% 70,77% 86,67% 73,08% 82,50% 66,67% ÉLECTORALE 100,00% 66,67% 100,00% 88,21% 89,81 % 75,45% POSTÉLECTORALE 77,78% 71,05% 86,84% 73,68% 84,21% 73,68% La période post-électorale est aussi un point de faiblesse pour trois des quatre états que nous avons choisi d’étudier. La principale faiblesse se situe dans les délais de publication des résultats, qui, au Gabon, au Cameroun, et en République Démocratique du Congo, sont en général longs, et l’ont été encore plus lors des dernières élections majeures, en l’occurrence les élections présidentielles. Or, plus ces délais sont longs, plus la sincérité du scrutin est un sujet de doute dans la population. Par ailleurs, si les délais sont longs, cela laisse aussi à ceux qui sont chargés de publier les résultats une plus grande latitude pour les truquer en dernière limite. Ainsi, il semble que l’on puisse assister à une élection qui se passe admirablement bien sur le plan du déroulement des opérations de vote et des respects des principes qui en garantissent les fondements, mais que tout soit remis en cause dans la phase de publication des résultats. Lors de l’élection présidentielle de 2016 au Gabon, les observateurs s’étaient ainsi félicités de la façon dont les opérations de vote s’étaient réalisées : « Dans près de 95% des bureaux observés, les conditions de vote ont été jugées satisfaisantes en raison de l’absence d’affluence excessive, de tension, d’agitation ou d’activités de campagne. Le secret du vote a été garanti dans les mêmes proportions16 ». Autant d’éléments majeurs sur la base desquels se construit la sincérité du scrutin étaient au rendez-vous. Même la remontée des résultats dans huit des neuf provinces gabonaises s’étaient effectuées de façon transparente, et rapide. Il n’en fut pas de même toutefois dans la province du Haut-Ogoué, dont les résultats se firent attendre durant plusieurs jours, jusqu’à ce que leur publication fasse basculer le scrutin en faveur du sortant, Ali Bongo Ondimba. Dans son rapport, la Mission d’Observation Électorale (MOE) de l’Union Européenne note ainsi que « dans le Haut-Ogooué où la MOE a relevé un processus de consolidation particulièrement opaque et des anomalies au niveau des commissions électorales, le taux de participation tel que publié par le Ministère de l’intérieur 16 Rapport final de la MOE de l’Union Européenne sur l’élection présidentielle du 27/08/2016, p. 27 : https://cdn5eeas.fpfis.tech.ec.europa.eu/cdn/farfuture/y3SqVaWezWMSGObd9c93S6qE1Z8k0TGIiBQ9u2qz3z4/mtime:148 1549521/sites/eeas/files/gabon_moe_rapport_final_0.pdf est de 99,93%, avec 95,47% des suffrages pour le président sortant. Le taux de participation au niveau national, sans le Haut- Ogooué, s’évalue à 54,24%. Le nombre d’abstentions et des bulletins blancs et nuls dans une seule des 15 Commissions électorales locales (CEL) de cette province est supérieur à celles annoncées pour l'ensemble des 15 CEL de la province. Ce constat remet en question l'intégrité des résultats de la province »17. De la même façon, les résultats tardèrent à être publiés lors de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 au Cameroun, ainsi que pour celle du 30 décembre 2018 en RDC. Dans les deux cas, ce retard fut la source de suspicions fortes et nombreuses, qui conduisirent plusieurs candidats à intenter des recours devant la juridiction suprême. L’autre faiblesse majeure tient dans le refus des états étudiés de prendre en compte les enseignements et préconisations émanant des missions d’observation électorale. Ces dernières font généralement ressortir avec beaucoup de précision les dysfonctionnements qu’elles ont pu observer, et dénoncent parfois de véritables fraudes massives organisées au profit du candidat sortant. Non seulement les états n’en tiennent pas compte, mais ils sont même parfois enclins à contester le bien-fondé des rapports, voire les principes mêmes de l’observation électorale, qu’ils se sont pourtant engagés à accepter et à respecter. À la suite de la publication du rapport de la MOE de l’Union Européenne, le gouvernement gabonais avait même cherché à discréditer la mission, et avait qualifié son action d’ingérence18. Ajoutons également que, durant la dernière élection présidentielle au Cameroun, aucune mission d’observation n’était présente, et que, durant celle de RDC, seule une mission de l’Organisation Internationale de la Francophonie était présente, avec celle de l’Union Africaine. L’ONU et l’Union Européenne avaient été écartées délibérément par le Président Joseph Kabila. Par ailleurs, quand ces observations des missions d’observation électorale sont prises en compte par les états, c’est le plus souvent en créant des « codes de bonne conduite », proposés à la signature de tous les participants au processus électoral. Il en existe ainsi un, particulièrement bien formalisé, au Cameroun, ratifié par l’ensemble des parties prenantes le 6 septembre 2018, à un mois donc de la date du scrutin présidentiel19. Or, comme le souligne la 17 Rapport final de la MOE de l’Union Européenne sur l’élection présidentielle du 27/08/2016, p. 5 : https://cdn5eeas.fpfis.tech.ec.europa.eu/cdn/farfuture/y3SqVaWezWMSGObd9c93S6qE1Z8k0TGIiBQ9u2qz3z4/mtime:148 1549521/sites/eeas/files/gabon_moe_rapport_final_0.pdf 18 Cf. la déclaration d’Alain Claude Bilie Bye Nze, porte-parole du gouvernement à l’époque de la publication du rapport : « Il faut savoir qu’au Gabon nous sommes souverains et indépendants. Les menaces des députés européens ne vont pas faire trembler la République gabonaise ». 19 Code de bonne conduite pour les acteurs du processus électoral au Cameroun, adopté lors de la septième concertation entre Elecam et les autres acteurs du processus électoral à Yaoundé, le 6 septembre 2018 : Professeure camerounaise Brusil Metou, ces codes de bonne conduite n’ont aucune valeur réelle en termes juridiques, et n’ont pas d’autre rang que celui d’un recueil d’engagements moraux. Pour Brusil Metou, ces codes de bonne conduite constituent une sorte de « droit mou »20, dont l’efficience est, au mieux, symbolique, mais jamais réelle, et envahissent le droit électoral en l’affaiblissant. Toutefois, force est de constater que chaque état dispose d’un système de recours et de gestion du contentieux électoral, et respecte la plupart du temps les délais qui semblent raisonnable aux yeux des normes telles qu’elles sont définies dans le patrimoine électoral européen. Tout citoyen a ainsi une possibilité de recours devant une juridiction compétente, les procédures et les instances de recours sont clairement définies pour chaque type d’élection, et, en cas de constatation d’une anomalie, le juge de dernière instance a la possibilité d’annuler l’élection. Un des soucis majeurs est que ce juge ne procède quasiment jamais à l’annulation de l’élection, à l’exception notable de la Cour Constitutionnelle du Kenya en septembre 2017. L’autre tient au fait que ces cours constitutionnelles sont généralement acquises au pouvoir sortant, non pas tant en raison du mode de nomination, qui, finalement, n’est pas si différent de celui qui préside à la composition du Conseil Constitutionnel français, qu’en raison d’une culture politique propre à l’état, voire à la société tout entière, même si cette dernière semble s’en défendre en se révoltant parfois, comme nous allons tenter de le montrer dans la partie suivante. Un point noir subsiste cependant au sein du cadre légal qui préside au bon déroulement du processus électoral pour chacun des quatre états étudiés. Il s’agit des questions qui touchent au découpage électoral. Sur ce point le patrimoine électoral européen implique que tous les moyens juridiques et organisationnels soient mis en place pour éviter un découpage partisan ou inéquitable, à travers la création d’une commission indépendante présidant au découpage électoral, en premier lieu. http://www.elecam.cm/?q=fr/content/code-de-bonne-conduite-pour-les-acteurs-du-processus-electoral-aucameroun 20 METOU Brusil Miranda, « Les codes de bonne conduite aux élections ou l'invasion du droit constitutionnel par du « droit mou » dans les démocraties nouvelles ou rétablies en Afrique noire francophone », Revue française de droit constitutionnel 2013/3 (n° 95), p. 639-660. Il faut également que cette commission puisse bénéficier, grâce à une composition réfléchie, d’expertises en matière de droit électoral, bien sûr, mais aussi en matière de sociologie, de démographie, et de géographie, afin que le découpage des circonscriptions électorales, notamment pour les élections législatives, soit le plus équitable possible, et ne manifeste aucun déséquilibre, hors celui que peuvent induire justement des mécanismes de compensation des inégalités de population entre les territoires. En effet, un territoire rural peu peuplé pourrait, si l’on se basait exclusivement sur des critères numériques en rapport avec la démographie, ne plus avoir de représentant. Ainsi, ses problèmes spécifiques, enclavement, dominante agricole dans l’économie, présence de services publics, etc… risqueraient de ne plus être ainsi pris en compte, et les populations vivant dans ces territoires auraient la juste impression d’être totalement négligées. Il faut également que les partis politiques de toutes tendances puissent être représentés au sein de cette commission, ou au moins régulièrement consultés, afin d’éviter un découpage partisan qui avantagerait le parti au pouvoir, voire favoriserait son maintien. On parle en ce cas de « gerrymandering », ou de charcutage électoral, deux termes qui désignent cette pratique de découpage partisan en faveur de celui qui organise et effectue le découpage en circonscriptions électorales. Or, sur ce plan précis, aucun élément juridique ou administratif du cadre légal n’existe dans trois des pays pris en compte, la seule exception étant le Mali, qui ne satisfait toutefois que partiellement aux critères. Le découpage électoral est en effet, au Cameroun, au Gabon ou en RDC, soit directement organisé par le Ministère de l’Intérieur, soit pris en charge par le Parlement, dans lequel le parti au pouvoir est logiquement majoritaire, et souvent très largement. Cela lui permet, dans les deux cas, de découper les circonscriptions à sa guise, afin de favoriser sa représentation. Ainsi, en janvier 2018, le gouvernement gabonais a modifié à la fois le nombre de députés et le découpage électoral. Au lieu de 120 représentants, l’Assemblée Nationale en comptera désormais 143. Cette augmentation, en elle-même, n’est pas forcément choquante, si elle a pour fondement la volonté d’amélioré la démocratie représentative dans un pays où la démographie croîtrait. En revanche, le mode de découpage choisi révèle des anomalies flagrantes, que l’on peut assimiler à un découpage partisan. En effet, la répartition des sièges par provinces révèle des inégalités considérables, à tous les niveaux, y compris au niveau provincial. Ainsi, l’Estuaire, la province la plus peuplée n’est représentée à l’Assemblée Nationale gabonaise que par un député pour 34449 habitants, alors que la seconde, le Haut-Ogooué, l’est par 1 député pour 10904 habitants. Il en va de même pour l’Ogooué-Maritime, avec un député pour 12120 habitants. Le découpage électoral a globalement tendance à favoriser la représentation des provinces rurales moins peuplées que celle des provinces urbaines où se concentre pourtant la majeure partie de la population. En outre, la première et la troisième sont des provinces réputées pour n’être guère favorables au parti au pouvoir, alors que la seconde est le fief électoral de la famille Bongo. Une prime a donc délibérément été accordée, grâce au découpage électoral, aux provinces fidèles au pouvoir en place, où le Parti Démocratique Gabonais remporte ses meilleurs scores. Inversement, les provinces ayant le plus massivement voté pour Jean Ping lors du scrutin présidentiel de 2016 ont été les plus sanctionnées, en voyant leur ratio siège/habitants augmenter considérablement. DÉCOUPAGE ÉLECTORAL DE JANVIER 2018 AU GABON SOURCE : COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU GOUVERNEMENT DU 28/01/2018, ET DGS, RECENSEMENT 2013, PUBLIÉ EN 2015 Province de l’Estuaire Province du Haut-Ogooué Province du Woleu-Ntem Province de la Ngounié Province de l’Ogooué-Maritime Province de l’Ogooué-Lolo Province de l’Ogooué-Ivindo Province de la Nyanga Province du Moyen-Ogooué SIÈGES 26 23 18 18 13 12 12 11 10 HABITANTS SIÈGE/HABITANTS 895 689 250 799 154 986 100 838 157 562 65 771 63 293 52 854 69 287 1/34449 1/10904 1/8610 1/5602 1/12120 1/5480 1/5274 1/4804 1/6928 VOTE 2016 PING – 60,88% BONGO – 95,46% PING – 72,9% PING – 53,76% PING - 68,26% BONGO – 53,25% BONGO – 65,96% PING – 52,08% PING – 68,68% Ainsi, il ressort de cet examen global et rapide des quatre pays retenus à l’aune des critères issus des standards électoraux européens, que le cadre légal est globalement respecté. Les libertés fondamentales sont garanties par les constitutions, même si elles ne sont pas, dans le cadre de l’exercice du pouvoir, totalement respectées. La loi électorale a un statut de premier rang, et les opérations électorales ne sont donc pas régies par de simples décrets ou ordonnances à géométrie variable soumises à l’arbitraire des intérêts du pouvoir. Par ailleurs, il existe un système de recours, dont l’issue est certes trop souvent prévisible, mais rien dans le cadre légal stricto sensu n’empêcherait qu’il puisse en être autrement. Enfin, si les listes électorales sont souvent difficiles à établir, ces difficultés ne sont pas, là non plus, liées au cadre légal, mais à des conditions de développement socio-économiques qui rendent peu aisé le déploiement d’un système d’état civil fiable, indispensable préalable à l’établissement des listes électorales. Ainsi, lors de la dernière campagne d’enrôlement menée par la Commission Électorale Nationale Indépendante de RDC, le processus de nettoyage du fichier électoral en deuxième main a permis d’en retirer de nombreux nouveaux-nés et défunts, en plus de permettre aux nouveaux majeurs d’être inscrits. Des faiblesses importantes subsistent cependant, au niveau du respect du pluralisme dans les médias, de la faiblesse des programmes d’éducation civique à destination de la population, de politiques insuffisantes de lutte contre la fraude électorale, et surtout des conditions présidant au découpage électoral et des délais de publication des résultats. Mais ces points ne relèvent peut-être pas tant du cadre légal lui-même, que d’une culture politique propre aux états étudiés, et qui influe bien plus sur le déroulement et l’issue du scrutin que les lois en vigueur et les institutions chargées de les appliquer. État dynastique, indifférenciations et déficit de culture démocratique S’interrogeant sur les difficiles avancées de la démocratie en Afrique subsaharienne, JeanFrançois Bayart21 a entrepris une analyse fine de la complexité des mécanismes qui interviennent dans la démocratisation des états africains, et insiste sur les usages et utilisations de la tradition. L’auteur souligne également souvent la nécessité de « détropicaliser » l’Afrique afin de mieux en comprendre les phénomènes politiques et sociaux. Nous allons ici tenter nous aussi de « détropicaliser » l’Afrique afin de faire ressortir une des caractéristiques fondamentales des quatre états que nous avons étudiés, caractéristiques qui pèsent sur le processus électoral et empêchent les cadres légaux de jouer leur rôle plein et entier dans les élections. Dans cet article, Jean François Bayart constate que le « rapport de la tradition à la modernité est en soi ambivalent d’un point de vue politique. Il peut légitimer aussi bien l’autoritarisme que la démocratie »22. Nous ne pouvons que souscrire à cette analyse. Si la tradition, telle qu’elle existe et telle qu’elle a été parfois recréée et instrumentalisée par les acteurs politiques d’Afrique subsaharienne, d’Houmphouët-Boigny à Joseph Kabila, en passant par Mobutu, Gbagbo, Wade ou Bongo, interagit ou interfère avec les processus de démocratisation, elle a joué un rôle majeur dans les histoires de chacun des états, qu’ils soient parvenus à un stade avancé de transition démocratique comme le Sénégal ou le Bénin, ou soient encore placés sous un régime autoritaire. Toutefois, deux aspects nous semblent mériter d’être ici soulignés, pour tenter de comprendre pourquoi le cadre légal des élections, plutôt performant au demeurant, ne débouche 21 BAYART Jean-François, « La démocratie à l'épreuve de la tradition en Afrique subsaharienne », Pouvoirs 2009/2 (n° 129), p. 27-44. 22 Ibid., p. 42. pas sur des alternances politiques, ni sur une avancée plus notable de la démocratie dans certains états d’Afrique subsaharienne, en particulier les quatre qui ont fait l’objet de cette étude. Tout d’abord, le renversement du processus de différenciation que le développement d’un état moderne implique. Ensuite, le poids que ce renversement peut avoir sur la culture démocratique dans la population. Pour cela, nous allons nous aussi tenter de « détropicaliser » le sujet, et faire référence à la façon dont Pierre Bourdieu a décrit la naissance de l’état moderne en Europe23. Un processus d’indifférenciation entre public et privé Dans ces deux articles, Pierre Bourdieu insiste sur le fait que la naissance de l’état moderne et l’abandon d’un état dynastique implique la mise en place d’un processus de différenciation entre la sphère privée et la sphère publique. La « Maison du roi », reposant sur la lignée et la transmission biologique et héréditaire du pouvoir, doit ainsi céder sa place à un état où la fonction prime sur la personne. Dans l’état dynastique, la confusion était totale entre les ressources personnelles du roi et le Trésor du Royaume, entre le Roi et la Couronne, et la gestion des affaires publiques et des affaires privées n’étaient pas séparées. Les alliances diplomatiques prenaient la forme des mariages, et le roi faisait appel à ses frères cadets, ses cousins, ses oncles, ses neveux, pour l’aider à prendre des décisions et à diriger le royaume. Le processus de différenciation entre public et privé s’est traduit, selon Bourdieu, par l’apparition d’une nouvelle classe d’hommes, les fonctionnaires, auxquels le souverain a choisi de faire appel lorsqu’il s’est senti menacé par les rivalités intrafamiliales. Cette caste bureaucratique s’est ainsi développée, expropriant successivement les acteurs privés de toutes leurs prérogatives, pour concentrer les capitaux et les pouvoirs entre les mains d’un état, désormais voué à l’intérêt général et non plus à l’intérêt particulier, au royaume et non au roi. Lors de la période coloniale, les états colonisateurs avaient eux aussi développé en Afrique une administration, une bureaucratie, instaurant dans les sociétés africaines une nouvelle forme de différenciation entre public et privé. Lorsque les mouvements d’indépendance font ainsi naître en Afrique une multiplicité d’états, ceux-ci peuvent dès l’origine s’appuyer une tradition bureaucratique étatique, qui favorisera les processus de différenciation. Ainsi, d’ailleurs comme le souligne Jean-François Bayart, les premières élections qui ont lieu dans ces états 23 Cf. BOURDIEU Pierre, « De la maison du roi à la raison d'État » , in Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 118, juin 1997, pp. 55-68, et « Esprits d'Etat », in Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 96-97, mars 1993, pp. 49-62. nouvellement nés se déroulent souvent très bien, avec un degré de transparence et d’efficacité peut-être supérieur à celui qui prévaut aujourd’hui, alors que les garanties légales et procédurales se sont étendues et renforcées. Le multipartisme y était d’ailleurs de mise. L’apparition de partis uniques, dirigés par des leaders forts, a installé, après cette première phase somme toute plutôt démocratique, des régimes autoritaires menés par des chefs d’état dont certains sont encore aujourd’hui en fonction, comme Paul Biya, Teodoro Obiang, Idriss Deby, ou dont les descendants ont accédé au pouvoir, comme Faure Gnassimbé Eyadema, ou Ali Bongo Ondimba. De véritables dynasties politiques se sont ainsi formées, avec des fonctionnements claniques, et un partage des postes clés entre membres de la même dynastie ou du même clan. Durant toutes ces années, une autre forme d’indifférenciation a vu le jour, et a renforcé la première : l’indifférenciation entre l’État et le Parti, le parti unique alimentant seul l’appareil d’état, favorisant donc aussi le renforcement d’une dynastie qui avait la main sur les deux. Au Gabon, l’actuel Président a occupé des portefeuilles ministériels durant la présidence de son père, dont la directrice de cabinet était aussi sa fille Pascaline. Dans l’entourage du Président Ali Bongo, on trouvait aussi jusque récemment deux de ses frères ou demi-frères, Alex et Frédéric. Par ailleurs, la Présidente de la Cour Constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo était l’épouse d’Omar Bongo, et se trouve donc être la marâtre de l’actuel président. Au Congo, Denis Sassou Nguesso est entouré de ses deux filles, dont l’une est également députée. Au Tchad, le directeur adjoint du cabinet d’Idriss Deby n’est autre que son fils Zakaria. En Guinée Équatoriale, Teodoro Obiang est président depuis 1979, tandis que son fils Teodorin a été nommé en 2016 Vice-Président, avant d’être englué dans des affaires de corruption et d’enrichissement personnel. En République Démocratique du Congo, Joseph Kabila a succédé à son père adoptif assassiné en 2001, Laurent-Désiré Kabila, pour n’être officiellement élu qu’en 2006, soit un intérim de cinq ans sans aucune légitimité donnée par les urnes, et mais avec celle d’être l’héritier dynastique. Indifférenciation et corruption Dans l’appareil d’état, la multiplication des membres d’une même famille apparaît donc comme un renversement de ce mouvement de différenciation entre sphère publique et sphère privée, que le processus de construction de l’État moderne avait initié. Famille et gouvernement tendent à nouveau à se rapprocher, et la « Maison du Roi » renaît. Cela implique que, souvent, la confusion entre budget personnel et budget de l’État peut elle aussi réapparaître, comme aux grandes heures de l’État dynastique médiéval que décrit Pierre Bourdieu. Les affaires dites des bien mal-acquis, dans lesquels certaines des familles citées ci-dessus sont impliquées, comme les Bongo ou les Obiang, en sont une regrettable illustration. Les travaux de Douglas A. Yates24, ont, en outre, bien montré comment la confiscation des ressources d’un pays par un clan au pouvoir s’illustrait à travers plusieurs exemples, dont la captation de l’argent issu de l’industrie pétrolière au Gabon. La dynastie au pouvoir intronise en effet aussi ses membres à la tête des entreprises publiques, en particulier de celles qui sont supposées apporter le plus de ressources financières à l’état. À ce sujet, il convient de souligner que la structure dynastique de l’état, en confondant public et privé, est aussi une des causes majeures de ces fléaux que sont pour la démocratie le clientélisme et la corruption, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la captation des ressources et la concentration des capitaux économiques entre les mains de la dynastie au pouvoir lui permet de disposer de fonds colossaux qu’elle peut redistribuer comme elle l’entend, mais toujours en se créant des obligés, qui ne seront que peu enclins à mordre la main qui les nourrit. Clientélisme et corruption sont donc un moyen privilégié de redistribution des ressources, qui bouleverse profondément la structure de la société. Ensuite, au lieu de tabler sur une redistribution égalitaire ou équitable des richesses, on met en place une véritable structure, un modèle systémique de redistribution qui distingue ses bénéficiaires au sein de la population en fonction du soutien qu’ils pourront apporter et de leur fidélité à la dynastie. Cette structure, ce système, devient le modèle de fonctionnement de l’état aussi bien que de la société civile. Ainsi, les citoyens se trouvent contraints à renoncer eux aussi à toute différenciation entre sphère publique et sphère privée. En effet, en acceptant des honneurs, des fonctions, de l’argent ou des avantages, octroyés par la dynastie et ses membres, chacun oublie l’intérêt général et le service public et ne pense plus qu’à se servir lui aussi au nom de ses intérêts particuliers. Par conséquent, la corruption, que l’on a tendance à limiter à ses aspects financiers, s’apparente bien plus à une corruption des représentations et des valeurs collectives qui animent la société démocratique. La communauté et l’intérêt général ne comptent plus, seul compte pour chacun, à l’image de ce qui se passe au sein de l’état 24 Yates, Douglas A, “ Neo-“Petro-monialism” and the Rentier State in Gabon”, in Matthias Basedau & Andreas Mehler, eds., Resource Politics in Sub-Saharan Africa, Hamburg, Institute of African Affairs, 2005, pp. 173190. Cf également, du même auteur, The Rentier State in Africa: Oil rent dependency and neocolonialism in the Republic of Gabon, Trenton NJ, Africa World Press, 1996. dynastique, l’intérêt particulier, soi, et sa famille. Ils ne sont plus des citoyens, juste des individus, que le clientélisme et la corruption maintient dans une logique d’intérêt personnel. Le modèle de redistribution clientéliste a également tendance à être reproduit à tous les niveaux de la société et à se généraliser, chacun pouvant tour à tour, dans n’importe quelle situation, devenir corrupteur ou corrompu : pour une place en crèche, une admission au lycée, l’obtention d’un permis de construire, la résolution d’un problème d’adduction d’eau, etc… Le modèle reposant sur le clientélisme et la corruption percole donc, depuis le haut de l’état jusqu’au bas de la société civile. Dans la conférence organisée par IDEA fin 2015 sur les transitions démocratiques en Afrique Centrale, le Dr François Ekoko, représentant de l’ONU dans la région d’Afrique Centrale pour la coopération Sud-Sud, soulignait que « sur les plans économique et financier, le détournement de fonds publics pour l’enrichissement personnel est devenu la norme pour ceux qui ont accès aux finances de l’État. Aux échelons intermédiaires et inférieurs de l’administration, la corruption est à la fois le moyen de compléter son « maigre » salaire et de grappiller des « miettes » du gâteau national, tandis que l’échelon supérieur se taille la part du lion »25. État dynastique et indifférenciation : une entrave au processus électoral Par ailleurs, si ces familles tiennent l’État en leurs mains, elles tiennent aussi le parti majoritaire, selon une logique clanique également. Le cercle de la famille s’y élargit généralement aux cousins, aux oncles, aux neveux, beaux-frères, belles sœurs, ou aux épouses ou époux des uns et des autres, etc… Les partis de l’opposition ne sont pas non plus à l’abri du modèle dynastique, et deux manières distinctes. Il existe en effet des dynasties d’opposants, comme Etienne Tshisekedi et son fils Félix, actuel Président de RDC. Mais il existe aussi des opposants qui le sont devenus au prix d’un divorce avec le clan. Ainsi, le rival actuel d’Ali Bongo Ondimba, Jean Ping, n’est autre que son ancien beau-frère, ex-compagnon de Pascaline Bongo. Ce qui vaut pour l’état, le parti majoritaire, l’opposition, vaut aussi dans les entreprises publiques de médias. Les chaînes de télévision publiques sont également tenues par des cadres et des journalistes dont la proximité au pouvoir n’est guère dissimulée, comme l’était la télévision française au temps du général de Gaulle et de l’ORTF. Cela explique que, malgré un cadre légal qui, dans chacun des pays étudiés, prévoit un traitement égal des candidats par les 25 Approfondir la transition vers la gouvernance démocratique en Afrique centrale, organisée par IDEA à Libreville, les 14 et 15 décembre 2015 : https://www.idea.int/publications/catalogue/deepening-transitiondemocratic-governance-central-africa médias durant la campagne, les rapports de missions d’observations électorales soulignent systématiquement que l’accès aux médias de service public des candidats de l’opposition est moindre que celui du candidat de la majorité et de ses soutiens. En somme, la structure de l’état dynastique interdit une pleine indépendance des médias. En effet, puisque la différence entre public et privé est abolie par l’état dynastique, la différence entre l’intérêt de la dynastie ou du clan et l’intérêt général l’est aussi. Dans le domaine des médias, avant tout de service public, cette indifférenciation fondamentale se traduit par une forte homologie entre les champs médiatiques et politiques. Nous avions plus haut souligné que le manque de pluralisme politique dans les médias et les difficultés d’accès à ces derniers rencontrées par les partis et candidats d’opposition étaient un des points noirs du processus électoral. On voit donc, à ce niveau, que le retour à un modèle d’état dynastique entrave le bon fonctionnement de ce dernier, dans la mesure où il réduit les possibilités d’expression pluraliste des courants d’opinion politique, et, plus globalement, va à l’encontre du principe d’égalité des chances. Les médias et réseaux sociaux, qui donnent à chacun la possibilité de s’exprimer, pourraient être vus comme une solution de développement du pluralisme politique, et ce d’autant qu’ils comptent de plus en plus d’utilisateurs. Cette hypothèse est tout à fait exacte, mais, justement parce qu’elle l’est, de nombreux régimes politiques africains ont recours à des coupures d’accès aux réseaux sociaux, voire à l’Internet tout entier, lorsque surviennent des crises politiques ou des événements dont l’opinion publique s’empare. Ce fut par exemple le cas au Cameroun après le scrutin du 7 octobre 2018, ou en RDC après celui du 30 décembre. Ces coupures permettent d’éviter des effets de contagion, et surtout d’empêcher d’éventuelles mobilisations de s’organiser. Le modèle dynastique de l’État et sa structure clientéliste ont aussi une autre conséquence sur le processus électoral. Comme le souligne Xavier Philippe, les institutions démocratiques que sont les cours constitutionnelles, les commissions électorales indépendantes, les autorités de régulation des médias « ont toutes les plus grandes difficultés à réagir et à imposer leur pouvoir de protection ». Parfois forces de propositions de réformes renforçant la démocratie électorale, elles oscillent entre « résistance » et « collaboration » avec le pouvoir politique, mais que, globalement, elles « deviennent particulièrement vulnérables à une prise de contrôle par le pouvoir politique »26. 26 Cf. Philippe, Xavier, « La légitimation constitutionnelle des démocratures », in Pouvoirs, 2019/2, n° 169, p. 42. La mainmise dynastique sur les institutions influe sur la composition des organismes de gestion des élections, autant que sur celle des organes juridiques de recours. L’indépendance de ces institutions et juridictions est donc très souvent remise en cause, en raison des influences que la dynastie au pouvoir exerce sur elles. Parfois, c’est au niveau même des principes de composition de ses organes que les dés sont pipés, parfois, c’est seulement en vertu de leur composition elle-même. Au niveau des principes de composition des commissions électorales, par exemple, la règle d’une proportionnalité entre majorité et opposition peut prévaloir, selon le cadre légal. Au mieux, on choisit une égalité entre les deux. Au pire, de donner à l’opposition autant de poids dans la commission qu’elle en a dans la représentation nationale. Dans le second cas, la Commission s’avère donc contrôlée par le pouvoir en place, de facto. Dans le premier en revanche, on cherche généralement à compenser cette égalité entre majorité et opposition par l’adjonction au collège des membres de personnalités issues de la société civile. C’est justement là que la logique clientéliste joue son rôle, de sorte que la dynastie peut nommer des membres issus de la société civile qui lui sont acquis. Le Cameroun a choisi un autre mode de composition du Conseil Électoral d’Elecam, en ce qu’aucun de ses membres n’est issu d’un parti politique ni n’a exercé des fonctions politiques récemment. Par exemple, Delphine Tsanga a bien exercé dans fonctions ministérielles, mais entre 1975 et 1984. La majeure partie des membres sont donc issus des grands corps de l’administration publique, ou de la société civile, mais ne sont pas des représentants de partis. Il en va de même pour la composition de la Direction Générale des Élections, pour laquelle les fonctions de membre sont incompatibles avec une longue liste d’autres fonctions, politiques, administratives, ou coutumières27. Sur le papier, cela peut-être une garantie d’indépendance politique, mais, en vertu de la logique clientéliste de l’état dynastique, il se pourrait bien que cela ne soit pas le cas. Enfin, l’État a aussi la main sur les finances des Commissions Électorales, puisque c’est lui qui en fixe le budget et le contrôle. Sans une réelle indépendance budgétaire et financière, les OGE ne peuvent jouer pleinement leur rôle d’organisateur impartial des élections, puisque leurs tentatives pour améliorer le déroulement du processus électoral peuvent être contrecarrées par le gouvernement, auquel il suffit de ne pas octroyer de crédits pour la mise en place de ces réformes. 27 Cf. http://www.elecam.cm/?q=fr/node/193 et http://www.elecam.cm/?q=fr/content/la-direction-générale-deselections Pour ce qui est de la composition des cours constitutionnelles, les règles de composition sont souvent les mêmes. Le pouvoir nomme les membres, et ceux-ci sont souvent des obligés, quand ils ne sont pas eux-mêmes membres de la dynastie au pouvoir, comme c’est le cas de MarieMadeleine Mborantsuo au Gabon. L’indépendance du juge constitutionnel, souvent dernier juge électoral, et proclamateur des résultats des élections, repose sur un savoir juridique qui peine parfois à s’opposer à une expérience politique. Pire, le champ juridique se confond ainsi souvent avec le champ politique, à rebours de ce que recommandait Jean-Jacques Chevallier lorsqu’il soulignait que la science constitutionnelle devait se situer « dans un rapport d’extériorité principielle au politique »28. Or, dans la pratique, on observe une grande porosité entre les deux champs, les constitutionnalistes passant souvent du champ académique ou juridique au champ politique, pour retourner ensuite à l’un des deux précédents, et vice-versa. Ainsi, au Cameroun, le Conseil Constitutionnel créé par Paul Byia en février 2018 comporte en son sein lors de sa mise en place plusieurs de ces 11 membres ayant occupé des fonctions politiques ou dans l’appareil d’état, comme le montre le tableau ci-dessous. Clément Atangana CHAMP JURIDIQUE Magistrat CHAMP ACADÉMIQUE Chargé de Mission à la Présidence Secrétaire d’État Ministre (2 fois) Emmanuel Bonde Joseph-Marie Bipoun Woum Florence Rita Arrey Emile Essombe Paul Nchoji Nkwi Jean-Baptiste Baskouda Sanda Bah Oumarou 28 CHAMP POLITIQUE Cour Internationale de Justice Professeur de Droit Ministre (2 fois) Magistrate Magistrat Professeur d’Anthropologie Administrateur de la recherche au MESR Conseiller politique (SDF) Secrétaire d’État Directeur de Cabinet et Conseiller à la Présidence Sénateur Secrétaire Général de l’Assemblée Cf. Chevallier, Jean-Jacques, « L’entrée en expertise », in Politix, Vol. 9, n° 36, 4ème trimestre 1996, p. 33/ Charles Etienne Lekene Donfack Professeur de Droit Jean Fouman Akame Professeur de Droit Ahmadou Tijani Nationale Ambassadeur Directeur de la Prospective au MESR Ministre Conseiller à la Présidence Député Préfet Gouverneur L’indifférenciation entre public et privé, le modèle dynastique de l’État, et le système de clientélisme et de corruption qui en découlent sont donc, on le voit, aux antipodes de la démocratie. Ils en sapent même les principes les plus fondamentaux. On comprend aisément pourquoi, dans ce cadre, les états que nous avons étudiés ont aussi peu recours à l’éducation civique des citoyens, et que les programmes de formation et de sensibilisation aux élections y sont si rares. Ne pas développer l’éducation civique, ne pas expliquer aux électeurs ce qu’est la démocratie électorale, permet de ne surtout pas faire évoluer les mentalités, et de faire perdurer le plus longtemps possible les modèles dynastiques et clientélistes. Quelles solutions ? Malgré le progrès indéniable des cadres légaux, des lois constitutionnelles et électorales notamment, certains peuples africains n’ont pas le sentiment que les élections peuvent apporter une solution à leurs problèmes. L’idéal démocratique qui leur est présenté depuis l’accession à l’indépendance, et qui était bien plus présent aux premiers temps de ces jeunes états, semble désormais s’être dissout dans l’état dynastique. De sorte que la participation aux élections n’est pas toujours très élevée, et que le corps électoral de certains états n’a plus confiance dans l’issue d’un processus qui lui semble pipé. Face à cet état de fait, la réaction des peuples oscille entre révolte et résignation, parfois avec humour, comme en témoigne ce raisonnement tchadien que j’ai plusieurs fois entendu, mais qui n’est pas propre au Tchad : « Même si on vote pour l’autre candidat, c’est toujours Deby qui est élu. Peut-être devrait-on voter pour Deby ? Ça ferait peutêtre élire l’autre ? ». Pourtant les états d’Afrique sub-saharienne disposent souvent d’un cadre légal qui permettrait l’organisation d’élections équitables, et sincères. C’est bien là tout le paradoxe électoral que nous soulignons dès le début de ce travail, et qui en constituait même le titre. Que faudrait-il donc faire pour lever ce paradoxe, systématiquement, dans tous les pays africains, et que la démocratie s’y réalise et favorise ainsi le développement ? Plusieurs solutions semblent possibles. Certaines radicales, consisteraient à opter pour l’éradication des dynasties au pouvoir, par des révolutions sanglantes, ou des coups d’état qui pourraient l’être tout autant. Elles ne sont évidemment pas souhaitables, eu égard au prix à payer. En outre, rien ne garantit qu’une nouvelle dynastie ne succéderait pas à la précédente, ne remettant pas le moins du monde en cause ce modèle, mais changeant seulement l’identité et le profil de ceux qui construisent un système politique pour servir leurs intérêts privés. D’autres solutions consisteraient à renforcer les démarches d’assistance électorale, pour permettre aux états d’Afrique d’améliorer encore leurs cadres légaux pour les élections. Mais cette démarche, si louable soit-elle, n’est en aucun cas un rempart. La plus parfaite législation n’est utile que si l’on veut véritablement s’en servir, ou si l’on peut. Or, ce que nous avons tenté de montrer en exposant comment certains points noirs du processus électoral dans les quatre états que nous avons étudiés ne sont pas liés au droit, mais aux structures mêmes que la conception dynastique de l’état a mises en place, tend à accréditer l’idée que la logique de l’état dynastique, avec son système clientéliste et la corruption qui l’accompagne, est plus fort que le droit électoral. Il le sape, il le mine de l’intérieur, et il en limite donc l’efficience, la portée, et les effets. S’il est un domaine où la coopération, au service du développement, peut-être fructueuse, c’est celui de l’éducation. Le développement de l’alphabétisation, mais aussi celui de l’éducation en général, et particulièrement celui de l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne sont à notre avis primordiaux. S’ouvrir à d’autres cultures, voir que d’autres solutions existent, comprendre ce que sont la démocratie et les élections notamment apparaît comme un objectif central. L’objectif est simple, aussi simple qu’ambitieux, mais s’inscrit malheureusement dans des perspectives à long terme : non seulement former des formateurs et faire émerger de nouvelles élites capables elles-mêmes de former des citoyens. Mais aussi, mais surtout, participer à un changement des mentalités, afin de réinstaurer en elle la différenciation entre sphère publique et sphère privée. À ce titre, la multiplication des coopérations universitaires, Nord-Sud et Sud-Sud, à travers des échanges d’étudiants, de professeurs, et la création de doubles-diplômes associant les deux partenaires universitaires, le soutien aux ONG locales qui œuvrent en faveur de l’éducation civique des populations, le soutien aux formations et écoles qui contribuent à renforcer les capacités des différents acteurs des processus électoraux, telles que l’EFEAC en RDC, ou le Master Élections à l’Université d’Abomey-Calavi, seraient des plus utiles. Elles ouvriraient la voie à un véritable progrès de la démocratie. Plus modestement, dans une logique de développement de la démocratie électorale, il faudrait aussi permettre aux membres et aux cadres techniques des OGE d’Afrique de s’unir au sein d’un réseau d’échanges, ouvert aux experts et universitaires du reste du monde qui travaillent eux aussi sur les sujets des élections. Mutualiser les problèmes et les expériences, s’inscrire dans des logiques de coopération multilatérales, se nourrir des expériences des autres, s’unir face aux difficultés que rencontrent les OGE dans leurs relations avec le pouvoir, ne pourrait que leur être profitable. Plus encore, ce type de coopérations, de formations, de séminaires permettant l’échange, devrait être étendu à tous les acteurs du processus électoral : gouvernants, élus, représentants des partis politiques ou d’organisations de la société civile, magistrats, membres et cadres des OGE, journalistes gagneraient à échanger, à se comprendre. Sans doute, les aides des organisations internationales ou des états devraient-elles se concentrer sur ce type de programmes de coopération, de façon à initier des dynamiques d’échange et de recherche, autant qu’un développement des bonnes pratiques électorales, mais aussi des connaissances fondamentales dans tous les domaines du savoir liés au processus électoral et à la démocratie : les sciences juridiques et politiques, la sociologie, la philosophie, l’histoire, notamment. S’il est un champ propice à l’amélioration du fonctionnement de la démocratie électorale, c’est bien celui-ci. Bibliographie AGBOBLI Christian, LOUM Ndiaga, « Régulation et autorégulation de la communication médiatique au Sénégal et au Togo : état des lieux et critiques en contexte électoral », Les Enjeux de l'information et de la communication 2016/1 (n° 17), p. 33-49. ATERIANUS-OWANGA Alice, DEBAIN Mathilde, « Demain, un jour nouveau ? » Un renversement électoral confisqué au Gabon », Politique africaine 2016/4 (n° 144), p. 157-179. BAYART Jean-François, « La démocratie à l'épreuve de la tradition en Afrique subsaharienne », Pouvoirs 2009/2 (n° 129), p. 27-44. BOURDIEU Pierre, « De la maison du roi à la raison d'État » , Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 118, juin 1997, pp. 55-68. BOURDIEU Pierre, « Esprits d'Etat », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 96-97, mars 1993, pp. 49-62. CHEVRILLON-GUIBERT Raphaëlle, « Sud-Soudan : les acteurs de la construction et de la formation de l'État. Sociologie des nouvelles élites administratives », Afrique contemporaine 2013/2 (n° 246), p. 53-80. DARRACQ Vincent, MAGNANI Victor, « Les élections en Afrique : un mirage démocratique ? », Politique étrangère 2011/4 (Hiver), p. 839-850. DUFIEF Élise, « Processus électoraux et trajectoires politiques en Éthiopie et en Ouganda », Afrique contemporaine 2015/1 (n° 253), p. 53-68. ENWEREMADU David U., « De l'abus endémique à l'exemplarité électorale ? Les élections de 2011 au Nigeria », Afrique contemporaine 2011/3 (n° 239), p. 119-132. FOUÉRÉ Marie-Aude, « L’affiche électorale : art, stratégie et matière à politique. La Révolution, l’opposition et les élections de 2015 à Zanzibar », Politique africaine 2016/4 (n° 144), p. 115-134. GOBE Éric, « Système électoral et révolution : la voie tunisienne », Pouvoirs 2016/1 (N° 156), p. 71-82. GUEYE Babacar, « La démocratie en Afrique : succès et résistances », Pouvoirs 2009/2 (n° 129), p. 5-26. KELLEY, Judith. « D-Minus Elections: The Politics and Norms of International Election Observation », International Organization, vol. 63, n° 4, 2009, pp. 765–787. MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », Revue internationale de politique comparée 2007/1 (Vol. 14), p. 69-93. MELEDJE Djedjro Francisco, « Le contentieux électoral en Afrique », Pouvoirs 2009/2 (n° 129), p. 139-155. METOU Brusil Miranda, « Les codes de bonne conduite aux élections ou l'invasion du droit constitutionnel par du « droit mou » dans les démocraties nouvelles ou rétablies en Afrique noire francophone », Revue française de droit constitutionnel 2013/3 (n° 95), p. 639-660. PERROT Sandrine et al., « La fabrique du vote : placer la matérialité au cœur de l’analyse », Politique africaine 2016/4 (n° 144), p. 5-26. RADER Anna C., « Politiques de la reconnaissance et de l’origine contrôlée : la construction du Somaliland à travers ses cartes d’électeurs », Politique africaine 2016/4 (n° 144), p. 51-71. RAKOTONIRINA Haingo Mireille, « Le dialogue interrégional UE-Afrique depuis Cotonou : le cas de la facilité de soutien à la paix en Afrique », Politique européenne 2007/2 (n° 22), p. 125-147. SANTA-CRUZ, Arturo, « Constitutional Structures, Sovereignty, and the Emergence of Norms: The Case of International Election Monitoring”, International Organization, vol. 59, no. 3, 2005, pp. 663–693. TOZZO Émile A., « La réforme des médias publics en Afrique de l'Ouest. Servir le gouvernement ou le citoyen ? », Politique africaine 2005/1 (N° 97), p. 99-115. WILLIS Justin et al., « La machine électorale : culture matérielle des bureaux de vote au Ghana, au Kenya et en Ouganda », Politique africaine 2016/4 (n° 144), p. 27-50. ANNEXE 1 : TABLEAU RÉCAPITULATIF DES CRITÈRES EXAMINÉS DANS L’EEPI PÉRIODE PRÉ-ÉLECTORALE PÉRIODE ÉLECTORALE PÉRIODE POST-ÉLECTORALE 1. 44. 73. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. Les élections démocratiques ne sont pas possibles sans respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de la liberté d'expression et de la presse, de la liberté de circulation à l'intérieur du pays, ainsi que de la liberté de réunion et d'association à des fins politiques, y compris par la création de partis politiques. Des restrictions ne sont possibles que si elles sont prévues par la loi. Les règles du droit électoral doivent avoir au moins rang législatif, à l'exception des règles techniques et de détail. Un organe impartial doit être compétent pour l'application du droit électoral. La Commission centrale électorale est indépendante, permanente et irrévocable pour la durée de son mandat. La commission électorale centrale doit avoir dans ses membres au moins un magistrat, ayant des connaissances en matière électorale, et doit avoir dans ses membres des délégués des partis ou de candidats représentés au Parlement ou ayant eu un certain nombre de suffrages, et ayant des connaissances en matière électorale. Les partis politiques doivent être représentés de manière égale ou proportionnelle dans les commissions électorales ou sinon pouvoir observer le travail de la commission électorale. Les membres des commissions électorales reçoivent une formation électorale aux standards électoraux. Les nouveaux découpages électoraux ne sont pas partisans et ne défavorisent pas les minorités nationales. Les nouveaux découpages électoraux tiennent compte d'un avis d'une commission comprenant une majorité de membres indépendants (géographe, sociologue, représentation de partis, et de minorités nationales) et sont effectués au moins tous les 10 ans. Les sièges doivent être répartis de manière égale entre les circonscriptions (maximum 15% d'écart, sans circonstances spéciales). La commission de découpage électoral est indépendante. Des moyens légaux sont mis en place pour assurer un pourcentage minimum de personnes de chaque sexe parmi les candidats. Pour les organes législatifs, les élections ont lieu à intervalles réguliers et raisonnables (pas plus de 5 ans). Au moins une des chambres du Parlement national est élue directement. La représentation de chacun des deux sexes au sein du Parlement ou à la chambre basse du Parlement ne doit pas être inférieure à 40%. Les observateurs électoraux nationaux et internationaux ont la possibilité d’observer les élections pendant les 3 phases. Les observateurs doivent pouvoir se rendre en tout lieu sauf disposition contraires prévues dans la loi. Une loi fixe l'âge minimum pour voter et pour se porter candidat. La législation condamne les discours de haine. Une loi sanctionne la fraude électorale. Les organes législatifs infra-nationaux sont élus directement. Les assemblées locales sont élues directement. La participation aux élections nationales est supérieure à 50%. Les autorités nationales aident à la formation civique et à l'information sur le vote et les élections. Des programmes spécifiques sont mis en place pour les primo-votants. Des programmes spécifiques sont mis en place pour les personnes vulnérables. Des programmes spécifiques sont mis en place pour les minorités nationales. 45. 46. 47. 48. 49. 50. 51. 52. 53. 54. 55. 56. 57. 58. 59. 60. 61. 62. 63. 64. 65. 66. 67. 68. 69. 70. 71. 72. Les autorités publiques sont soumises à un devoir de neutralité pendant la campagne électorale (le financement des partis politiques et des candidats, l'affichage électoral et le droit de manifester). La loi assure un financement transparent des partis politiques et des campagnes électorales. Une loi sanctionne tout manquement au respect des règles de financements. Il existe une possibilité de plafonner les dépenses de campagnes électorales (notamment concernant le domaine de la publicité). La loi prévoit une couverture des élections par les médias audiovisuels proportionnelle ou stricte. Les autorités publiques sont tenues de garantir et de respecter la neutralité de la couverture par les médias audiovisuels et en particulier le service public. La loi prévoit un accès minimal des candidats dans les médias privés (télévision, radio et presse d'opinion). Toute personne ayant le droit de vote doit pouvoir l'exercer. Le suffrage doit être libre et individuel. Le secret du vote est garanti. Les électeurs ont tous le même nombre de voix. Il y a plusieurs possibilités pour voter (vote en bureau de vote, vote par procuration, vote postal, etc.). Le vote électronique ne doit être admis que s'il est sûr et fiable. L'acte de vote est facilité pour les personnes à mobilité réduite et pour les personnes souffrant de handicap sensoriel. L’ouverture et la fermeture des bureaux de vote sont respectés. Le matériel électoral est mis à disposition de l’électeur. Pendant les opérations de vote, les bulletins de vote ne peuvent être manipulés que par les électeurs. Le bureau de vote peut compter des membres représentant des partis et des candidats. Les représentants des partis politiques et/ou des candidats peuvent observer la tenue du scrutin. L’identité des électeurs est contrôlée avant le vote. L'électeur peut s'isoler pour voter. La sécurité de l’urne est assurée. L’intégrité du dépouillement est assurée. Le décompte des voix, des bulletins nuls, blancs et endommagés est effectué de manière sincère et transparente. Deux paramètres sont pris en compte pour vérifier la justesse du vote : le nombre d’électeur ayant voté (émargements) et le nombre de bulletins dans l’urne. Les observateurs ont la possibilité d’effectuer un dénombrement parallèle des suffrages. Les résultats sont transmis de manière directe, immédiate et transparente au bureau centralisateur. Les procès-verbaux des bureaux de vote et les listes des votants ou des non-votants sont accessibles. Les résultats du bureau de vote sont soumis à publicité. 74. 75. 76. 77. 78. 79. 80. 81. Les résultats définitifs sont publiés rapidement (moins de 5 jours). Les autorités nationales prennent en considération les rapports des observateurs électoraux nationaux et internationaux. Tout électeur peut effectuer un recours électoral. La loi définit clairement la procédure de recours (compétence, responsabilités des diverses instances, exigence de quorum) qui doit être simple, notamment concernant sa recevabilité. Les coûts engendrés par cette procédure sont raisonnables. Il existe une instance compétente pour traiter tout litige concernant la loi électorale. L’instance de recours en matière électorale est soit une commission électorale, soit un tribunal. Quand les commissions électorales supérieures sont des instances de recours, elles doivent pouvoir annuler les décisions des commissions électorales inférieures. L’instance de recours en matière électorale en dernière instance est un tribunal. L'instance de recours en matière électorale doit pouvoir annuler le résultat d'un scrutin en cas d'irrégularité majeure et exiger l'organisation d'un nouveau scrutin. Les délais de recours et de prise de décision concernant les recours doivent être de trois à cinq jours en première instance. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43. Une sensibilation est clairement établie pour empêcher les fraudes électorales. Les différents moyens de voter ainsi que les dates limites sont clairement expliqués. L'expression du pluralisme politique est assurée dans les médias. Les médias de service public sont indépendants. La loi prévoit un mécanisme indépendant de contrôle des médias quant aux sujets électoraux. Le droit de vote est acquis avec la majorité civile. Le droit de vote et d'éligibilité est accordé aux citoyens nationaux résidants à l'étranger. Il y a une possibilité pour les résidents étrangers de voter aux élections locales (possibilité de condition de durée de résidence). S’il y a une condition de résidence pour l'accès au droit de vote, elle n’excède pas six mois pour les nationaux concernant les élections locales ou régionales. Tous les électeurs peuvent s’inscrire sur les listes électorales, sauf si cela est proportionnel et pour des motifs en rapport avec la santé mentale. Les listes électorales sont permanentes, actualisées annuellement et publiées. Des modifications des listes électorales sont possibles avant le scrutin, mais pas dans le bureau de vote. Des dispositifs sont mis en place afin de faciliter l'inscription des électeurs sur les listes électorales. Les partis politiques issus de minorités nationales sont reconnus. La validation des candidatures doit être terminée avant le début de la campagne électorale. Le processus de sélection des candidats au sein des partis politiques est transparent. Si la présentation des candidatures est soumise à une condition de signature, cela doit être soumis à des règles claires (notamment concernant les délais) et la loi ne doit pas exiger la signature de plus de 1% du corps électoral. ANNEXE 2 TABLEAU COMPARATIF SCORES DE 4 PAYS D’AFRIQUE SUB-SAHARIENNE SIGNATAIRES DE L’ACCORD DE COTONOU SELON LES CRITÈRES MIS EN AVANT PAR LA COMMISSION DE VENISE EN MATIÈRE DE BONNES PRATIQUES ÉLECTORALES ALLEMAGNE CAMEROUN FRANCE GABON MALI R. D. CONGO 90,80% 70,22% 92,11% 80,19% 83,21% 72,10% 125 136 133 135 137 138 113,5 95,5 122,5 108,25 114 99,5 74,59% 70,77% 86,67% 73,08% 82,50% 66,67% 21 27 25,5 29,5 25 24,5 1 • Les élections démocratiques ne sont pas possibles sans respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de la liberté d'expression et de la presse, de la liberté de circulation à l'intérieur du pays, ainsi que de la liberté de réunion et d'association à des fins politiques, y compris par la création de partis politiques. Des restrictions ne sont possibles que si elles sont prévues par la loi. 3 3 3 3 1,5 2,25 2 • Les règles du droit électoral doivent avoir au moins rang législatif, à l'exception des règles techniques et de détail. 1 1 1 1 1 1 3 • Un organe impartial doit être compétent pour l'application du droit électoral. 0 1 0 1 1 1 4 • La Commission centrale électorale est indépendante, permanente et irrévocable pour la durée de son mandat. 0 3 0 3 3 3 5 • La commission électorale centrale doit avoir dans ses membres au moins un magistrat, ayant des connaissances en matière électorale, et doit avoir dans ses membres des délégués des partis ou de candidats représentés au Parlement ou ayant eu un certain nombre de suffrages, et ayant des connaissances en matière électorale. 0,5 1 1 1 6 • Les partis politiques doivent être représentés de manière égale ou proportionnelle dans les commissions électorales ou sinon pouvoir observer le travail de la commission électorale. 0 1 1 1 7 • Les membres des commissions électorales reçoivent une formation électorale aux standards électoraux. 1,5 1,5 1,5 2,25 8 • Les nouveaux découpages électoraux ne sont pas partisans et ne défavorisent pas les minorités nationales. 0 0 1 0 9 • Les nouveaux découpages électoraux tiennent compte d'un avis d'une commission comprenant une majorité de membres indépendants (géographe, sociologue, représentation de partis, et de minorités nationales) et sont effectués au moins tous les 10 ans. 0 0 0,5 0 INDICATEUR DE LA PERFORMANCE ÉLECTORALE SCORE GLOBAL EN % SCORE MAXIMAL SCORE GLOBAL EN NOMBRE Période pré-électorale Cadre légal (Garantie du droit électoral) 1 10 • Les sièges doivent être répartis de manière égale entre les circonscriptions (maximum 15% d'écart, sans circonstances spéciales). 11 • La commission de découpage électoral est indépendante. 12 • Des moyens légaux sont mis en place pour assurer un pourcentage minimum de personnes de chaque sexe parmi les candidats. 13 0,5 0 1 0,5 0 1 0 0 0 0 0 3 1,5 0 1,5 • Pour les organes législatifs, les élections ont lieu à intervalles réguliers et raisonnables (pas plus de 5 ans). 1 1 1 0,5 0,5 0 14 • Au moins une des chambres du Parlement national est élue directement. 3 3 3 3 3 3 15 • La représentation de chacun des deux sexes au sein du Parlement ou à la chambre basse du Parlement ne doit pas être inférieure à 40%. 0 0 0 0 0 0 16 • Les observateurs électoraux nationaux et internationaux ont la possibilité d’observer les élections pendant les 3 phases. 1 1 0 17 • Les observateurs doivent pouvoir se rendre en tout lieu sauf disposition contraires prévues dans la loi. 1 1 1 1 1 0,5 18 • Une loi fixe l'âge minimum pour voter et pour se porter candidat. 1 1 1 1 1 1 19 • La législation condamne les discours de haine. 3 3 3 3 0 0 20 • Une loi sanctionne la fraude électorale. 1 1 1 1 0 0,5 21 • Les organes législatifs infra-nationaux sont élus directement. 3 3 3 3 3 3 22 • Les assemblées locales sont élues directement. 3 3 3 3 3 3 Formation, éducation et sensibilisation 5 3,5 4 6 4 3,5 • La participation aux élections nationales est supérieure à 50%. 0 1 1 1 0,5 0 0 0 0 1 0,5 1 0 0 1 0 0 1 1 0 0 0 0 0,5 23 24 25 26 • Les autorités nationales aident à la formation civique et à l'information sur le vote et les élections. • Des programmes spécifiques sont mis en place pour les primovotants. • Des programmes spécifiques sont mis en place pour les personnes vulnérables. 1 1 27 • Des programmes spécifiques sont mis en place pour les minorités nationales. 0 0 1 0 0 0 28 • Une sensibilation est clairement établie pour empêcher les fraudes électorales. 1 1 1 1 3 0,5 29 • Les différents moyens de voter ainsi que les dates limites sont clairement expliqués. 3 1,5 0 3 0 0,5 Médias 7 4 7 2,5 9 4,5 30 • L'expression du pluralisme politique est assurée dans les médias. 3 1,5 3 1,5 3 1,5 31 • Les médias de service public sont indépendants. 3 1,5 3 0 3 1,5 32 • La loi prévoit un mécanisme indépendant de contrôle des médias quant aux sujets électoraux. 1 1 1 1 3 1,5 Enregistrement des électeurs et des candidats 12,5 11,5 15,5 9,5 11,5 11,5 33 • Le droit de vote est acquis avec la majorité civile. 1 1 1 1 1 1 34 • Le droit de vote et d'éligibilité est accordé aux citoyens nationaux résidants à l'étranger. 1 1 1 1 1 1 35 • Il y a une possibilité pour les résidents étrangers de voter aux élections locales (possibilité de condition de durée de résidence). 1 36 • S’il y a une condition de résidence pour l'accès au droit de vote, elle n’excède pas six mois pour les nationaux concernant les élections locales ou régionales. 37 • Tous les électeurs peuvent s’inscrire sur les listes électorales, sauf si cela est proportionnel et pour des motifs en rapport avec la santé mentale. 38 1 0,5 0,5 0,5 0 0,5 0,5 • Les listes électorales sont permanentes, actualisées annuellement et publiées. Des modifications des listes électorales sont possibles avant le scrutin, mais pas dans le bureau de vote. 3 3 3 3 3 3 39 • Des dispositifs sont mis en place afin de faciliter l'inscription des électeurs sur les listes électorales. 1 1 1 1 1 1 40 • Les partis politiques issus de minorités nationales sont reconnus. 1 1 1 1 1 41 • La validation des candidatures doit être terminée avant le début de la campagne électorale. 3 3 3 3 3 3 42 • Le processus de sélection des candidats au sein des partis politiques est transparent. 1 1 1 0,5 1 1 43 • Si la présentation des candidatures est soumise à une condition de signature, cela doit être soumis à des règles claires (notamment concernant les délais) et la loi ne doit pas exiger la signature de plus de 1% du corps électoral. Période électorale 3 100,00% 66,67% 100,00% 88,21% 89,81% 75,45% Campagne électorale 13 8,5 13 7 8 8 44 • Les autorités publiques sont soumises à un devoir de neutralité pendant la campagne électorale (le financement des partis politiques et des candidats, l'affichage électoral et le droit de manifester). 3 1,5 3 1,5 1,5 1,5 45 • La loi assure un financement transparent des partis politiques et des campagnes électorales. 1 0,5 1 0,5 0,5 0,5 46 • Une loi sanctionne tout manquement au respect des règles de financements. 1 1 1 1 0,5 1 47 • Il existe une possibilité de plafonner les dépenses de campagnes électorales (notamment concernant le domaine de la publicité). 1 1 1 48 • La loi prévoit une couverture des élections par les médias audiovisuels proportionnelle ou stricte. 3 3 3 1,5 3 1,5 49 • Les autorités publiques sont tenues de garantir et de respecter la neutralité de la couverture par les médias audiovisuels et en particulier le service public. 3 1,5 3 1,5 1,5 1,5 50 • La loi prévoit un accès minimal des candidats dans les médias privés (télévision, radio et presse d'opinion). 1 0 1 1 1 1 Opérations de vote 41 27,5 41 39,75 40,5 33,5 1 51 • Toute personne ayant le droit de vote doit pouvoir l'exercer. 3 3 3 3 3 1,5 52 • Le suffrage doit être libre et individuel. 3 3 3 3 3 3 53 • Le secret du vote est garanti. 3 1,5 3 3 3 3 54 • Les électeurs ont tous le même nombre de voix. 3 3 3 3 3 3 55 • Il y a plusieurs possibilités pour voter (vote en bureau de vote, vote par procuration, vote postal, etc.). 1 1 0 56 • Le vote électronique ne doit être admis que s'il est sûr et fiable. 1 1 0 57 • L'acte de vote est facilité pour les personnes à mobilité réduite et pour les personnes souffrant de handicap sensoriel. 1 0,5 1 0 0 1 58 • L’ouverture et la fermeture des bureaux de vote sont respectés. 1 0,5 1 1 0,5 0,5 59 • Le matériel électoral est mis à disposition de l’électeur. 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 60 61 • Pendant les opérations de vote, les bulletins de vote ne peuvent être manipulés que par les électeurs. • Le bureau de vote peut compter des membres représentant des partis et des candidats. 1 1 62 • Les représentants des partis politiques et/ou des candidats peuvent observer la tenue du scrutin. 1 1 1 1 1 1 63 • L’identité des électeurs est contrôlée avant le vote. 3 1,5 3 3 3 3 64 • L'électeur peut s'isoler pour voter. 3 1,5 3 3 3 3 65 • La sécurité de l’urne est assurée. 3 1,5 3 3 3 3 66 • L’intégrité du dépouillement est assurée. 3 1,5 3 3 3 3 67 • Le décompte des voix, des bulletins nuls, blancs et endommagés est effectué de manière sincère et transparente. 3 1,5 3 3 3 3 3 0 3 3 3 0 68 • Deux paramètres sont pris en compte pour vérifier la justesse du vote : le nombre d’électeur ayant voté (émargements) et le nombre de bulletins dans l’urne. 69 • Les observateurs ont la possibilité d’effectuer un dénombrement parallèle des suffrages. 1 0,5 1 1 1 0,5 70 • Les résultats sont transmis de manière directe, immédiate et transparente au bureau centralisateur. 1 1 1 0,75 1 1 71 • Les procès-verbaux des bureau de vote et les listes des votants ou des non-votants sont accessibles. 1 1 1 1 1 1 72 • Les résultats du bureau de vote sont soumis à publicité. 1 1 1 1 1 1 Période post-électorale 77,78% 71,05% 86,84% 73,68% 84,21% 73,68% Période post-électorale 14 13,5 16,5 14 16 14 73 • Les résultats définitifs sont publiés rapidement (moins de 5 jours). 1 0 1 0 1 0 74 • Les autorités nationales prennent en considération les rapports des observateurs électoraux nationaux et internationaux. 1,5 0 1,5 0 0 0 75 • Tout électeur peut effectuer un recours électoral. 3 3 3 3 3 3 76 • La loi définit clairement la procédure de recours (compétence, responsabilités des diverses instances, exigence de quorum) qui doit être simple, notamment concernant sa recevabilité. Les coûts engendrés par cette procédure sont raisonnables. 1,5 1,5 3 3 3 3 77 • Il existe une instance compétente pour traiter tout litige concernant la loi électorale. 0 1 1 1 1 1 78 • L’instance de recours en matière électorale est soit une commission électorale, soit un tribunal. 1 1 1 1 1 1 79 • Quand les commissions électorales supérieures sont des instances de recours, elles doivent pouvoir annuler les décisions des commissions électorales inférieures. L’instance de recours en matière électorale en dernière instance est un tribunal. 3 3 3 3 3 3 80 • L'instance de recours en matière électorale doit pouvoir annuler le résultat d'un scrutin en cas d'irrégularité majeure et exiger l'organisation d'un nouveau scrutin. 3 3 3 3 3 3 81 • Les délais de recours et de prise de décision concernant les recours doivent être de trois à cinq jours en première instance. 1 0 0 1 0