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LES ENJEUX D’UN EMBARGO SUR LES ARMES FACE A LA RESPONSABILITE DE PROTEGER Mémoire de recherche présenté par Enoch KOKONGO-TEGANDA Sous la direction de Madame Catherine FABREGOULE THEME : LES ENJEUX D’UN EMBARGO SUR LES ARMES FACE A LA RESPONSABILITE DE PROTEGER : CAS DE LA CENTRAFRIQUE 1 Table des matières AVANT-PROPOS………………………………………………………………..2 REMERCIEMENT……………………………………………………………….9 INTRODUCTION GENERALE ............................................................................. 12 PREMIRER PARTIE…………………………………………………………….23 CHAPITRE I :LA NECESSITE DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER ET DE LA SANCTION D’EMBARGO SUR LES ARMES ............................................................................................................................... 23 Section 1 : Le contexte lié aux concepts de la responsabilité de protéger et la sanction d’embargo sur les armes en RCA ........................................................................................ 23 Paragraphe 1 : La situation en République centrafricaine ........................................ 24 A- La situation politique et sécuritaire ............................................................. 24 B- La situation sociale et humanitaire ............................................................. 29 Paragraphe 2 : La consécration de la responsabilité de protéger au cœur de la crise centrafricaine ........................................................................................................................ 31 A» La responsabilité de protéger comme une obligation de nature « erga omnes 32 B- La responsabilité de protéger comme une faculté morale in solidum pour la Communauté internationale ............................................................................................. 33 Section 2 : La sanction d’embargo sur les armes une nécessité impérieuse à la mise en œuvre de la responsabilité de protéger ........................................................................... 36 Paragraphe 1 : La justification de la sanction d’embargos sur les armes en RCA ... 37 A- La sanction d’embargo sur les armes justifiée par le maintien ou le rétablissement de la paix (art.39 de la Charte) ................................................................. 37 B- La sanction d’embargo sur les armes un exemple de l’extension de la protection de la population civile et du maintien de la paix ............................................. 38 Paragraphe 2 : Le mécanisme de la mise en œuvre de la sanction de l’embargo sur les armes en RCA ...................................................................................................................... 39 2 A- Le régime juridique ..................................................................................... 40 B- Le rôle du comité de suivi des sanctions et du groupe des expert .............. 47 CHAPITRE 2 : L’ETAT CENTRAFRICAIN DANS LA MISE ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER ................................................................................ 50 Section 1 : Le régime juridique de la mise en œuvre de la responsabilité de protéger en RCA ................................................................................................................................ 50 Paragrahe1 : Les textes en application ..................................................................... 50 A- La constitution du 30 Mars 2016 ................................................................ 50 B- Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement illicite 51 Paragraphe 2 : Les institutions en charge ................................................................. 53 A- Le ministère de la défense ........................................................................... 53 B- Le ministère de la justice ............................................................................ 55 Section 2 : Les efforts effectués en vue de l’exercice de la responsabilité de protéger ............................................................................................................................................. 57 Paragraphe 1 : La réforme du secteur de sécurité ..................................................... 57 A- La formation des éléments de l’armée nationale ........................................ 59 B- La mise en œuvre du processus DDRR ...................................................... 61 Paragraphe 2 : Le renforcement de l’Etat de droit ................................................... 61 A- Le retour progressif de l’autorité de l’Etat dans les zones occupées .......... 61 B- Le Processus politique africaine en vue du retour de l’autorité de l’Etat ... 63 CHAPITRE I : UN EMBARGO A L’EFFICACITE DISCUTABLE .................... 65 Section 1 : La défaillance de l’Etat centrafricain dans sa responsabilité de protéger du fait de l’embargo sur les armes ....................................................................................... 65 Paragraphe 1 : La RCA un Etat en faillite ................................................................ 65 A- L’absence de l’autorité étatique dans les zones occupées........................... 66 B- L’Impuissance de l’Etat centrafricain d’assumer ses missions régaliennes 67 3 Paragraphe 2 : Le renforcement des positions des combattants ............................... 68 A- La dynamique des trafics d’armes au sein des groupes amés ..................... 68 B- Le Regain des violences sur le territoire centrafricain ................................ 69 Section 2 : Les conséquences liées à l’embargo sur les armes en RCA .................. 70 Paragraphe 1 : Les conséquence sécuritaire et humanitaire ..................................... 70 A- Violations des droits de l’homme découlant de l’insécurité ....................... 71 B- Les mouvements des déplacés internes extensifs ....................................... 72 Paragraphe 2 : Les conséquences sociales, politiques et économiques .................... 73 A- Incitation à la discrimination et à la violence ......................................... 73 B- Établissement de structures administratives et fiscales parallèles par les groupes armés ................................................................................................................... 74 C- La Prolifération des entreprises minières et ses conséquences pour la sécurité 74 CHAPITRE II : LES DEFIS A RELEVER DANS LA MISE EN ŒUVRE DE LA SANCTION D’EMBARGO POUR UNE MEILLEURE APPLICATION DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER ................................................................................ 76 Section 1 : La proportionnalité de la mesure de sanction ........................................ 76 Paragraphe 1 : Le processus de déclenchement de la sanction d’embargos sur les armes .................................................................................................................................... 76 A- L’existence des situations prévues à l’article 39 de la Charte de l’ONU ... 77 B- Le choix de la sanction d’embargos sur les armes du fait de la situation sécuritaire 79 Paragraphe 2 : Les modalités d’exécution de la sanction ......................................... 79 A- Obligation des Etats membre d’appliquer la décision de la sanction d’embargo sur les armes ................................................................................................... 80 B- Obligation par les Etats de faire respecter la sanction par les entités subsidiaires 82 4 Section 2 : La prévention des effets secondaire de la sanction d’embargo sur les armes ............................................................................................................................................. 83 Paragraphe 1 : Les moyens prévus à l’obstruction des effets secondaires des sanctions d’embargo sur les armes ....................................................................................................... 83 A- Les moyens juridiques ................................................................................ 83 B- Les moyens institutionnels .......................................................................... 85 Paragraphe 2 : les effets secondaires de la sanction d’embargos sur les armes en RCA .............................................................................................................................................. 86 A- Les effets secondaires de l’embargo sur les armes sur la sécurité en RCA 87 B- Les effets de la sanction d’embargos sur la responsabilité de protéger ...... 88 CONCLUSION GENERALE ................................................................................. 91 Bibliographie ........................................................................................................... 97 5 LISTE DES ABREVIATIONS ANE : Autorité Nationale des Elections BINUCA : Bureaux Intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Centrafrique BONUCA : Bureau des Nations unies en République centrafricaine pour la consolidation de la paix CEEAC : Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale CEI : Commission Electorale Indépendante CEMI : Commission Electorale Mixte et Indépendante CIISE : Commission Internationale de l’Intervention et de la Souveraineté des Etats CNDDR : Commission Nationale du Désarmement, Démobilisation et Réinsertion CNT : Conseil National de Transition COPAX : Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique Centrale CPI : Cour Pénale Internationale CPJP : Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix CPSK : Convention Patriotique pour le Salut du Kodro DDR : Désarmement, Démobilisation et Réinsertion DDRR : Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Rapatriement DPI : Dialogue Politique Inclusif EUFOR : Force de l’Union Européenne FACA : Force des Armées Centrafricaines FAO : Programme des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FMI : Fonds Monétaire International FNUAP : Fonds des Nations Unies pour la Population 6 FOMUC : Force Multinationale en Centrafrique HCT : Haut Conseil de Transition LRA : Lord Resistance Army MARAC : Mécanisme d’Alerte Rapide de l’Afrique Centrale MICOPAX : Mission de la consolidation de la paix MINURCA : Mission des Nations Unies en République Centrafricaine MINURCAT : Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad MINUSCA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en Centrafrique MISAB : Mission Interafricaine de Surveillance des Accords de Bangui MISCA : Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique OIT : Organisation International du Travail OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONU : Organisation des Nations Unies ONUSIDA : Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/sida OPAC : Protocole Facultatif à la Convention concernant l’Implication des enfants dans les conflits armés. OPSC : Protocole Facultatif à la Convention concernant la vente des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. PACE : Projet d’Appui au Cycle Electoral PAM : Programme Alimentaire Mondial PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement PRAC : Projet de réinsertion des ex-combattants et d’appui aux communautés PRASEJ : Projet d’appui à la sécurité pour le développement au système judiciaire et aux droits de l’homme 7 PSD : Projet de Sécurité pour le Développement R2P : Responsabilité de Protéger RSS : Réforme du Secteur de Sécurité SDHJ : Section des Droits de l’Homme et Justice UFDR : Union des Forces Démocratiques et Républicaines UFVN : Union des Forces Vives de la Nation UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture UNHCR : Haut-commissariat des Nations Unies aux Réfugiés UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance 8 AVANT-PROPOS Située au cœur de l’Afrique, la République centrafricaine, pays membre des Nations Unies s’est confronté au cours de ces dernières décennies par une série de crise militaropolitiques qui se sont soldés par une intervention de la communauté internationale et plus particulièrement de l’ONU au côté de ses dirigeants pour un retour à l’ordre constitutionnel et démocratique. En effet, la problématique de la sanction d’embargo sur les armes en RCA soulève un sérieux problème celui de la responsabilité de protéger par l’Etat centrafricain. Car on assiste à une montée en puissance des groupes armés malgré la sanction et que l’Etat ne peut intervenir faute des moyens et du fait de la sanction d’embargo sur les armes. Cette étude se focalise d’une part sur l’importance de la sanction mas tout en précisant ses effets secondaires sur la responsabilité de protéger par l’Etat centrafricain. Ce qui nous conduit à donner certaines pistes permettant d’éviter d’une part que la sanction d’embargo soit une entrave à la réalisation du devoir de la R2P par un Etat sous sanction d’embargo sur les armes tel qu’il en est de la République centrafricaine qui a de la peine à répondre à cette obligation régalienne. Certes, les efforts déployés par les Nations Unies pour le maintien de la paix en Centrafrique sont louables, mais il se pose cependant avec acquitté la question des effets de la sanction d’embargo sur les armes surtout de son renouvellement qui constitue une entrave à la notion de l’obligation de protéger. 9 REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier du fond du cœur toutes les personnes qui n’ont ménagé aucun effort pour la réalisation de ce travail. Tout d’abord notre remerciement va à l’endroit de notre Directrice de mémoire, Madame Catherine FABREGOULE qui, en dépit de ses multiples occupations, rend toujours disponible et attentive à notre travail. Nous lui disons merci. A tous les Professeurs du Département de Droit Public Général de l’Université Paris 13 qui, malgré les tracasseries des crises qu’a connu le pays, ne se sont jamais lassés de donner le meilleur d’eux-mêmes pour parfaire notre formation. Nous vous disons également merci. A vous mes chers parents, Docteur GANDA-TE-GREMBOMBO François Désiré et Madame GANDA-TE-GREMBOMBO née SOKAMBI Régina Pulchérie qui, depuis les âges de l’existence de celui qui aujourd’hui trouve sa joie en la réalisation de ce travail où vous êtes le cœur, n’ont cessé de le porter dans vos prières, de l’accompagner de vos conseils de père et de mère et de lui fournir tout le confort possible d’être ce qu’il est ; il me serait très ingrat de ne vous dire merci de tout mon cœur. A vous mes tantes paternelles, GREMBOMBO Adèle et GREYAZOBA-TEGREMBOMBO Marie-Solange, qui ne cessent de m’apporter votre aide, trouvez en ce travail le fruit de vos sacrifices. A vous mes frères, KOUZOUKERE GREMBOMBO Evrard Fabrice, GREMBOMBO-TE-GANDA Elysée, Gabyno KOYANGA, Crépine YENGUERE, YENGUERE-TE-GANDA Esther Ornella, GREGANDA Edon-Désiré, GANDA-TEGREMBOMBO Eldaa, Eric, Eber, Ela, Eloge Jean, Tiphanie, Bradley TENDOULI, par la présente, je tiens non seulement à vous remercier pour vos prières, mais également à vous encourager. Sachez que rien n’est impossible si et seulement si vous y croyez et vous vous y mettez. Pour en finir, je tiens à remercier tous ceux qui de loin ou de près m’ont aidé à réaliser ce travail. Puisse le Seigneur vous comble de sa grâce et murit en vos cœur le don de l’amour. « Rien ne peut aller au-delà de nos capacités si nous croyons ». 10 11 INTRODUCTION GENERALE La coutume internationale a toujours admis la pratique de sanctions à l'encontre d'un Etat. Ainsi, si les sanctions sont devenues aujourd’hui une coutume en droit internationale pour remettre dans la l’égalité internationale certains Etats, il n’en demeure pas moins que celles-ci peuvent, toutefois avoir des conséquences sur les Etats sanctionnés et plus particulièrement la population ou les citoyens de ses Etats. L’usage des sanctions est une pratique très ancienne des pouvoirs politiques. Dès la Grèce antique, l’usage des blocus, des embargos et autres formes de répressions étaient utilisées pour faire pression sur un adversaire et l’affaiblir1. Cependant, le XXème siècle a vu une utilisation croissante des sanctions internationales, notamment depuis la fin de la guerre froide2. Vers les années 50, certains Etats ont commencé à multiplier l’usage des sanctions. Les Nations Unies, qui n’en avaient mis en œuvre qu’à deux reprises pendant la guerre froide3 en raison de l’usage du droit de véto, y ont désormais régulièrement recours, sur la base de l’article 41 (chapitre VII) de la Charte4. Ainsi, sous les auspices de l’ONU et 1 Bernard Ferrand, « Quels fondements juridiques aux embargos et blocus aux confins des XXe et XXIe siècles », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 214, Presses universitaires de France, 2004/2 ; et Roberto Bonfatti et Kevin H. O ’Rourke, « Growth, Import Dependence and War », Discussion Papers in Economic and Social History, n° 132, University of Oxford, juillet 2014 2 Emmanuel Lebrun-Damiens et Patrick Allard, In Les sanctions internationales sont-elles efficaces ? La normalisation des sanctions dans le spectre des outils diplomatique, P.145 3 La Résolution 216 du Conseil de sécurité de l’ONU du 12 novembre 1965 contre de la Rhodésie du Sud et la Résolution 421 du 9 décembre 1977 contre de l’Afrique du Sud. 4 Cf. les sanctions en ex-Yougoslavie (2), en Haïti, en Iraq (2), en Angola, au Rwanda, en Sierra Leone, en Somalie et en Érythrée, en Érythrée et en Éthiopie, au Libéria (3), en République démocratique du Congo, en Côte d’Ivoire, au Soudan, au Liban, en République populaire démocratique de Corée, en Iran, en 12 la mise en place des régimes autonomes5, certaines institutions internationales telle que l’UE, l’UA, la ligue arabe, l’OEA et le Commonwealth ont commencé à prendre des mesures de sanctions. Cependant, les sanctions du Conseil de sécurité prennent souvent diverses formes et visent divers objectifs. Elles vont des sanctions économiques et commerciales de portée générale à des mesures plus ciblées, telles que des embargos sur les armes, des interdictions de voyager et des restrictions financières ou frappant les produits de base. Les sanctions du Conseil de Sécurité sont parfois prises pour appuyer les transitions pacifiques, sanctionner les changements anticonstitutionnels, lutter contre le terrorisme6, protéger les droits de l’homme7 et promouvoir la non-prolifération des armes8. En effet, les conflits armés internationaux ou non internationaux, et ainsi que les catastrophes naturelles, constituent des réalités les plus cruelle de l’histoire de l’humanité. Le bilan de ses phénomènes est d’une grande importance et parait terrifiant aussi bien du point de vue des conséquences qui en découle, que dans la mise en œuvre d’un arsenal juridique élaboré par la communauté internationale ; et plus particulièrement par les Nationsunies qui tentent de palier à ses maux. Toutefois, en dépit de efforts déployés durant la période d’après-guerre pour, non seulement mettre un terme aux conflits, mais le plus souvent préconiser le règlement des différends par voies pacifique, l’on comptabilise depuis les années 1990 à aujourd’hui que plus 90% des victimes des conflits sont des civils9. A cet effet, à partir des années 1990, les Etats membres de l’ONU ont opté de centrer leur préoccupation vers les individus. L’Etat devient dès lors le premier garant de la protection des droits de ses citoyens. Libye (2), en Guinée-Bissau, en République centrafricaine, au Yémen et la Mali, ainsi que contre Al-Qaida et les Taliban. 5 Exemple du droit de l’Union-européenne (Article 7 TUE) et du droit de l’Union-Africaine. 6 Résolution 2642 du 28 mars 2019, lutte contre le financement du terrorisme. 7 Résolution du Conseil de sécurité 2277 du 30 mars 2016, MONUSCO 8 La Résolution 1540 du 28 avril 2004. 9 DEYRA (M), L’essentiel du Droit des conflits armés. Paris, Gualino, EJA, 2002, p. 113. Collection. Carrés 13 Le génocide rwandais de 1994 et la guerre en Ex-Yougoslavie en 1991, ont permis aux Etats de comprendre que, non seulement un gouvernement n’est en mesure d’assurer la protection de ses populations, il peut par ailleurs être source de menaces pour celles-ci. A cet effet, dans le but de parvenir à un plus grand consensus international en situation de crise et de ne plus avoir à opérer un choix entre le respect de la souveraineté et l’impératif d’intervenir à des fins de protection humaine, à l’appel du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE), mise en place par le Gouvernement canadien en septembre 2000, a proposé, en décembre 2001, le concept de la « responsabilité de protéger ». C’est un concept dont les jalons ont été élucidés par Bernard KOUCHNER et Mario BETTATI autour de la notion du droit d’ingérence. L'idée d'ingérence humanitaire apparait durant la guerre de Biafra (19671970). Ce conflit a entraîné une grande famine, largement couverte par les médias occidentaux mais totalement ignorée par les chefs d'Etats et de gouvernement au nom de la neutralité et de la non-ingérence. Cette situation a entraîné la création des Médecins sans frontières qui défendaient l'idée selon laquelle certaines situations sanitaires exceptionnelles pouvaient justifier à titre extraordinaire la remise en cause de la souveraineté des États. C’est ainsi que le philosophe Jean-François Revel crée le terme droit d'ingérence en 1979. C’est une reconnaissance du droit qu'ont une ou plusieurs nations de violer la souveraineté nationale d'un autre Etat, dans le cadre d'un mandat accordé par une autorité supranationale. La notion du droit d’ingérence a été utilisée pour la première fois à l'occasion de l'intervention militaire de plusieurs Etats occidentaux au Kurdistan irakien en 1991. Il s’agissait de protéger les Kurdes alors sévèrement réprimés par les autorités irakiennes. Le Conseil de sécurité des Nations unies, invoqua une "menace contre la paix et la sécurité internationales". Toutefois, des critiques se sont soulevées à l’encontre de la notion et plus précisément du fait qu’il existe un flou conceptuel autour de la notion qui est sans base et ni définition juridique et laisse ainsi, la porte aux abus10. Et par ailleurs, selon certaines critiques, il existe déjà d’autres instruments pour justifier une intervention à des fins humanitaires, notamment les Conventions de Genève ainsi que le Chapitre VII de la Charte des Nations unies, si la situation est qualifiée par le Conseil de sécurité de menace contre la paix et la sécurité internationales, et aussi la crainte d’un impérialisme humanitaire remettant 10 Cf. l’article de la France terre asile : de la souveraineté des Etats au droit d’ingérence, 2019 14 en cause la souveraineté des États, murit ses critiques. Ce qui va conduire le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan à s’interroger lors de l’assemblée Générale de l’ONU en Mars 2000 sur la probabilité d’abandonner l’interventionnisme humanitaire pour la violation de la souveraineté étatique ; s’il arrivait que des droits humains sont violés. En réponse, le Gouvernement canadien crée la CIISE en septembre 2000 qui portera dans son rapport de 200111 le concept de la responsabilité de protéger qui inclus la responsabilité de l’Etat et ainsi que de la communauté internationale en matière de protection des populations civiles. En effet, le concept de la responsabilité de protéger s’est articulé autour de trois sources de génération : o des réflexions philosophiques anciennes à savoir : la tradition de la guerre juste, la doctrine de la souveraineté, et la théorie de l’intervention humanitaire ; o des développements juridiques de l’après-1945 notamment le droit international des droits de l’homme [DIDH] et le droit international humanitaire [DIH]) et des changements structurels de l’après-guerre froide12. Ce concept va donner une nouvelle vision à la notion de la souveraineté. Car avec les traités de Westphalie en 1648 les Etats disposaient de leurs populations comme bon leur semble, sans qu’ils soient redevables à quiconque. Comme le dit G. Evans c’est une souveraineté prédatrice, équivalente à un permis de tuer13. Mais avec le concept de la R2P, on voit naître une conception large de la souveraineté qui conduit à la responsabilité de l’Etat. L’idée de souveraineté comme responsabilité n’est pas nouvelle, elle a été au cœur de la construction doctrinale de la souveraineté14. Pour Hobbes, l’autorité du souverain dépend de 11 Cf. le Rapport de la CIISE, La Responsabilité de Protéger, Publication du centre de recherche pour le développement international (CRDI), Déc. 2001 12 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, in Dans La responsabilité de protéger, Paris, Presses de Sciences Po (2015), P.7 13 G. Evans, « State Sovereignty Was a Licence to Kill », interview SEF News, 22 mai 2008 14 B. Delcourt, « La responsabilité de protéger et l’interdiction du recours à la force : entre normativité et opportunité », in SFDI (dir.), La Responsabilité de protéger, Paris, Pedone, 2008, p. 312 15 sa puissance de protection. Il affirme à ce propos : « L’obligation qu’ont les sujets envers le souverain est réputée durer aussi longtemps, et pas plus, que le pouvoir par lequel celui-ci est apte à les protéger »15. Dès lors qu’il n’est plus capable de les protéger, il perd sa souveraineté disait Jean-Baptiste Jeangène VILMER16. Pour Glanville, les souverains de l’époque étaient responsables soit devant Dieu, soit devant leur peuple, soit devant la société internationale, encore embryonnaire, et leur défaillance pouvait respectivement donner lieu à un jugement divin, une révolution ou une condamnation, une sanction, voire une intervention extérieure17. Cette dernière vision conduit certains auteurs doctrinaires, comme l’affirme J.B. Jeangène Vilmer, à estimer que la protection des populations est une raison légitime d’intervenir militairement18. C’est une conception développée de la tradition de la guerre juste. Cependant, vers les années 1990 et avec le génocide serbe, on voit paraitre une conception extensive de la responsabilité des Etats. La responsabilité des Etats ne se limite plus seulement à l’acte illicite du droit international mais elle tend vers l’acte de l’abstention19, et surtout des violations massives des droits de l’homme comme cause de responsabilité20. Francis Deng affirme que : « l’État a l’obligation de permettre à sa 15 T. Hobbes, Léviathan, II, 21, trad. F. Tricaud, Paris, Sirey, 1971, p. 233 16 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, in Dans La responsabilité de protéger, op. cit., P.7 17 L. Glanville, Sovereignty and the Responsibility to Protect, Chicago, The University of Chicago Press, 2014. P.20 18 J.-B. Jeangène Vilmer, La Guerre au nom de l’humanité 19 CIJ, Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, la CIJ estime que la Convention oblige les États à prévenir les génocides, non seulement sur leur territoire mais aussi lorsqu’ils sont conduits dans et par des États tiers, à condition toutefois qu’il s’agisse d’un territoire sous contrôle. Elle en conclut que la Serbie a « violé son obligation de prévenir le génocide de Srebrenica, et a ainsi engagé sa responsabilité internationale 20 Le SGNU Javier Pérez de Cuéllar en 1991 disait : « ce qui est en jeu, ce n’est pas le droit d’intervention, mais bien l’obligation collective qu’ont les États de porter secours et réparation dans les situations d’urgence où les droits de l’homme sont en péril ». 16 population de vivre et qu’il s’agit même d’une condition sine qua non de sa souveraineté21, et que, pour mériter le nom de gouvernement, un gouvernement doit désormais satisfaire certaines conditions, qui impliquent toutes des limitations de l’usage du pouvoir ; et que la communauté internationale a l’obligation de s’en assurer22 ». A cet effet, la responsabilité devient une nécessité vitale pour la communauté internationale, comme le dit J.B. Jeangène Vilmer la responsabilité de protéger est pour la communauté internationale un moyen d’exister23. Martin Van Creveld affirme pour sa part que : « la demande la plus importante à laquelle toute communauté politique doit répondre est la demande de protection24 ». Ainsi, depuis l’apparition du concept de la responsabilité de protéger en 2000, la communauté internationale fait parfois recours à elle pour intervenir et sauver des populations civiles. Il s’agit en effet pour la communauté internationale d’intervenir pour protéger les populations civiles lorsqu’un Etat ne dispose pas les moyens de le faire ou ne veut le faire du fait de la volonté politique tel en est-il des raisons de l’intervention de la communauté internationale en Libye, en Côte-d’Ivoire et ainsi qu’en République Centrafricaine. La République Centrafricaine a connu une série de crises militaro-politiques dont la dernière de 2013 avec la prise du pouvoir par la rébellion Séléka sous le commandement du Président Michel DOTODJA, a placé le pays sous multiples sanctions de l’ONU parmi lesquelles l’embargo sur les armes. Un embargo sur les armes désigne un type de sanction internationale qui consiste en une restriction partielle ou totale des transferts d’une ou de plusieurs catégories d’armes vers un ou plusieurs destinataires25. L’objectif premier est de réduire ou de bloquer l’accès à des équipements militaires et à des services ou aides financières qui leur seraient associés. Il a pour effet d’influencer le comportement d’un 21 F. Deng et alii, Sovereignty as Responsibility, Washington D.C., Brookings, 1996, p. xviii. 22 Ibid., p. 4 et 6. Voir F. Deng, « From “Sovereignty as Responsibility” to the “Responsibility to Protect” », Global Responsibility to Protect, 2, 2010, p. 353-370 23 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, in Dans La responsabilité de protéger, op. cit.,P 9 24 C. Schmitt, La Notion de politique, trad. M.-L. Steinhauser, Paris, Flammarion, 1992, p. 17 25 Moreau Virginie, Les embargos sur les armes de l’union européenne : des mesures symboliques ? Note d’Analyse du GRIP, 21 juin 2012, p. 7 17 acteur sur la scène internationale dans un sens qui favorise la paix et la sécurité. Dans son champ d’application, il peut être dirigé contre un Etat dans sa totalité (sanction globale), ou contre certaines entités ou catégories de personnes jugées seules responsable d’une menace à la paix et à la sécurité (sanction ciblée)26. L’histoire des embargos n’est pas linéaire. Elle a évolué et s’est adaptée au fil de leur utilisation. Le premier embargo des années 1990, lequel s’appliquait à l’Irak, a montré les limites d’un système global d’embargo qui, à un certain moment, peut devenir contre-productif et renforcer le pouvoir en place car il frappe injustement les populations civiles. De la même manière, et en particulier en ce qui concerne les armes, l’idée s’est progressivement dégagé qu’un embargo devait être précisé dans son champ d’application, sa durée et ses objectifs. En même temps, les moyens de contrôle, c'està-dire les évaluations des embargos, sont apparus comme une donnée importante. A cet égard, la création de Comités des sanctions en Mai 1968 par le Conseil de sécurité de l’ONU et, depuis 1999, la nomination de Groupes d’experts chargés de lui présenter des rapports sur l’état de l’application des mesures onusiennes, ont permis de faire des constatations importantes et de fournir des données servant de bases à des analyses ultérieures. L’efficacité des embargos sur l’approvisionnement en armes et munitions est une question majeure qui conditionne l’avenir même de telles mesures. Légalement, il est du devoir des Etats membres des Nations unies d’appliquer les résolutions du Conseil de sécurité et, de surcroît, nul État ne peut prétendre ignorer les décisions dudit Conseil. Or, le non-respect des embargos sur les armes a été mis en exergue, non seulement par les enquêtes des Groupes d’experts pour les divers Comités des sanctions, mais également par des organismes spécialisés dans le droit humanitaire et les efforts de paix, tels qu’Amnesty International, Human Rights Watch, Global Witness, ainsi que par les médias. Cependant, au regard de l’obligation de protéger qui consiste à avoir en sa disposition des moyens qu’il faut, notamment matériels à savoir des armements et la volonté d’agir, pour la protection de son territoire et de ses populations contre toutes tentatives pouvant entrainer des violations massives des droits de l’homme, l’embargos sur les armes en faveur d’un Etat apparaît dès lors comme une problématique à cette mission régalienne de l’Etat ; d’où 26 Ibid., p. 6 et 7 18 l’importance de notre sujet de recherche : les enjeux d’un embargos sur les armes face à la responsabilité de protéger : cas de la République Centrafricaine. La RCA qui s’étend sur une superficie de 623.000km², a connu une histoire marquée par de nombreux coups d’Etat qui ont fragilisé l’ordre constitutionnel d’une part et ont asphyxié, d’autre part, le système démocratique de ce pays, tout en inscrivant cette ancienne colonie française dans un cycle d’insécurité particulièrement préoccupante pour ses 5.134.480 millions d’habitants, classés parmi les plus pauvres du monde. La RCA partage près de 4000km de frontières avec les pays voisins comme le Congo Brazzaville, la République Démocratique du Congo, le Sud-Soudan, le Soudan et le Tchad, dont l’une des caractéristiques est une instabilité sociopolitique. Elle subit le contre coup de cette instabilité sous régionale avec conséquences : l’infiltration des groupes armées, la grande circulation des armes légères. De même, le pays s’est illustré au cours de la décennie par une spirale de crises militaro-politiques, dont les dernières de mars 2003 et 2013, se soldent par le putsch du 15 mars 2003, celui du 24 mars 2013 et la riposte sévère des « anti-balakas » du 05 décembre 2013. Bien qu’aujourd’hui le pays ait connu un retour à l’ordre constitutionnel par le biais des élections présidentielles et législatives de février 2016 et malgré les efforts de la MINUSCA27 avec la présence des forces onusiennes, le pays demeure dans un cycle de violence entrainant le renouvellement constant de la sanction d’embargos sur les armes. En s’intéressant à la problématique d’un embargo sur les armes, plusieurs questions se révèlent notamment celles de son application, de son respect et de son contrôle. En effet, depuis 1990 à aujourd’hui, les décisions d’embargos sur les armes des nation-unies ont fait objet de sabotage de la part des Etats. Certains décident d’aller à l’encontre de cet embargo au nom de la défense ou de la protection de leur territoire et notamment de répondre aux missions régaliennes des Etats ; et d’autres évoquent la nécessité de protéger leurs populations à savoir l’obligation de protéger. Toutefois, le cadre de la sanction d’embargos sur les armes en RCA présente des enjeux encourus d’une part dans son application et d’autres part des conséquences liées au maintien de cet embargos. Car non seulement la sanction d’embargos sur les armes semble aller à l’encontre de la volonté du gouvernement centrafricain d’utiliser ses forces de défense nationale afin de lutter contre les exactions 27 Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation en Centrafrique crée par la résolution 2149 19 commises par les groupes rebelles dans les villes occupées, mais elle soulève aussi bien des controverses dans la classe politiques et au sein des communautés centrafricaines qui semblent être abandonnées à la merci de ses mercenaires de guerre sans foi, ni loi. En effet, d’après le représentant de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, au cours du débat sur les questions relatives aux droits de l'homme, l'imposition de sanctions à l'encontre de certains pays dans l'espoir de susciter une amélioration de la situation des droits de l'homme va souvent à l'encontre de l'objectif recherché28. Ainsi, l’intérêt de notre étude si situe à deux niveaux, d’abord un intérêt social et politique et ensuite un intérêt scientifique. En effet, la situation sécuritaire que vit la République centrafricaine résulte d’une analyse lointaine des réalités sociales que vit le peuple centrafricain. Les tueries et les violations massives des droits humains et surtout le régime de terreur mis en place par les groupes rebelles dans les zones sous leur contrôle et ainsi que l’inaction du gouvernement centrafricain, son silence et son incapacité de réagir ou de riposter pour protéger la population, sont autant d’éléments qui cadrent à notre étude. Car pour assumer ses fonctions, l’Etat doit exister, et donc bénéficier de tous ses moyens de défense et surtout pouvoir exercer sa souveraineté sur l’étendue de son territoire. Il ne s’agit pas seulement de confier aux contagions venant dans le but de la mission de l’Onu de réaliser cette mission protectrice des populations. Car le concept de la responsabilité de protéger requiert avant tout la responsabilité du Gouvernement centrafricain de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à la protection de la population centrafricaine. L’intérêt scientifique de notre étude se situe dans une approche critique. Car malgré la sanction d’embargo sur les armes en RCA, le flux des tensions et des exactions continue d’être perpétré à l’endroit des civils. On assiste toujours à des situations des foyers de tensions entre les groupes rebelles et des mouvements des déplacés internes massifs. Et par ailleurs, l’impossibilité du gouvernement centrafricain de pouvoir agir en riposte pour la protection de la population et l’inaction des forces onusiennes qui assistent de manière pitoyable à certains massacres de la population civile29, soulèvent des questions. Car non seulement le peuple centrafricain 28 29 Communiqué de presse, AG/SHC/390 Voir les conflits d’Alindao du 15 novembre 2018 où 112 personnes ont été massacrés en présence des forces onusiennes. 20 sollicite la présence de ses forces armées nationale pour assurer sa protection, mais on assiste d’un autre côté à la circulation massive des armes légère et de grands calibres entre les groupes rebelle alors que le gouvernement ne peut déployer les forces de défenses nationales par faute de moyens car sous sanctions d’embargo. Tous ses éléments de fait laissent autant de doute au succès dû à l’embargos sur les armes et nous conduit à cette question : l’embargo sur les armes en république centrafricaine constitue-t-il une entrave à la notion d’obligation de protéger par l’Etat Centrafricain ? Pour répondre à cette question, nous allons utiliser un certain nombre de techniques, pour la réalisation de ce travail. D’une manière générale, les techniques sont des procédés opératoires rigoureux, bien définis, transmissibles et susceptibles d’être appliqués à des phénomènes sociaux. Elles permettent d’atteindre un but, et leur choix dépend de l’objectif poursuivi et de la méthode choisie. Ainsi, deux techniques vont nous permettre de bâtir notre développement. Il s’agit entre autres de la recherche documentaire qui nous a permis de rassembler les éléments nécessaires à la compréhension de l’interaction entre l’embargo sur les armes et la responsabilité de protéger ; ensuite de la recherche fonctionnaliste d’après laquelle : « la fonction est perçue par rapport au système social tout entier ». Elle permet d’apprécier les objectifs assignés à la sanction d’embargo sur les armes en vue de la protection de la population centrafricaine. Elle permet également de comprendre si lesdits objectifs, notamment ceux de la sanction d’embargos sur les armes sont compatibles à la réalisation du concept de R2P par l’Etat centrafricain. Par conséquent, nous verrons dans une première partie la compatibilité entre la sanction d’embargo sur les armes et la responsabilité de protéger. Car l’embargos sur les armes peut être une nécessité à la responsabilité de protéger en RCA (Première partie). Mais toutefois, la sanction d’embargo sur les armes peut être une entrave à la responsabilité de protéger. Car au regard de la situation sécuritaire en RCA et plus particulièrement la position des forces onusiennes de la MINUSCA, on constate certains effets secondaires néfastes à la prise de la décision de la sanction d’embargo face à la R2P (Deuxième partie). 21 PREMIERE PARTIE : LA SANCTION D’EMBARGOS SUR LES ARMES, UNE NECESSITE FACE A LA RESPONSABILITE DE PROTEGER EN RCA Selon le rapport de la CIISE de 2001, la responsabilité de protéger comprend trois obligations particulières. La première est la responsabilité de prévenir. Cette responsabilité vise à éliminer à la fois les causes profondes et les causes directes des conflits internes et des autres crises qui mettent en danger les populations. La deuxième obligation est celle de la responsabilité de réagir devant la nécessité de protéger les populations victimes de conflits. Cette réaction implique le recours à des mesures coercitives telles que des sanctions, des poursuites internationales et, dans les cas extrêmes, le recours à une intervention militaire. La troisième obligation est la responsabilité de reconstruire. Ce qui consiste à fournir, surtout après une intervention militaire, une assistance aux États afin de faciliter la reprise des activités, la reconstruction et la réconciliation, en agissant sur les causes des exactions auxquelles l’intervention devait mettre un terme ou avait pour objet d’éviter. De ses trois obligations, c’est au tour de la seconde que notre réflexion s’articule. La crise centrafricaine de 2013 paraît la plus meurtrière de l’histoire de son peuple. Cette crise militaro-politique a entrainé le pays dans un chaos inouïe avec des violations massives des droits de l’homme et des mouvements des réfugiés à grande échelle. Ainsi, dans l’ultime but de sauver la population et de restaurer l’autorité de l’Etat, la sanction d’embargos sur les armes en RCA paraît une nécessité pour la communauté internationale afin de pallier l’insuffisance de l’Etat centrafricain de protéger la population civile face aux atrocités des groupes rebelles. A cet effet, pour cerner cette problématique, il s’avère judicieux de voir d’une part la nécessité de la mise en œuvre de la responsabilité de protéger et de la sanction d’embargo sur les armes (Chapitre I) et d’autre part l’Etat centrafricain dans la mise en œuvre la responsabilité de protéger (Chapitre 2). 22 CHAPITRE I :LA NECESSITE DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER ET DE LA SANCTION D’EMBARGO SUR LES ARMES Dans son rapport de 2009 concernant la mise en œuvre de la responsabilité de protéger30, le Secrétaire général des Nations unies a soutenu que le concept de R2P repose sur trois piliers. Ces trois piliers ne sont pas hiérarchisés et ont une importance égale. Ils doivent être envisagés ensemble, sans quoi le principe du devoir de protection serait incomplet. Le premier suppose la responsabilité de l’État en matière de protection. Le deuxième consiste dans l’engagement pris par la communauté internationale d’assister et aider les États à s’acquitter de leurs obligations. Quant au troisième pilier, il consiste dans la responsabilité des États membres de mener en temps voulu une action collective et résolue lorsqu’un État ne peut ou ne veut pas s’acquitter de la responsabilité qui lui incombe31. La réaction de la communauté internationale trouve alors son fondement dans ce dernier pilier. A cet effet, dans le cadre de notre recherche nous allons, d’une part étudier le contexte lié au concept de la responsabilité de protéger et la sanction d’embargo sur les armes en RCA (Section 1) et d’autre part étudier la nécessité de la sanction d’embargo due au contexte (Section 2). Section 1 : Le contexte lié aux concepts de la responsabilité de protéger et la sanction d’embargo sur les armes en RCA Pour mieux comprendre le contexte lié au concept de la R2P en RCA et la sanction d’embargo sur les armes, il faut passer en revue la situation en RCA (Paragraphe 1) afin de comprendre la nécessité d’user de la R2P en RCA (Paragraphe 2) 30 Organisation des Nations unies, La mise en œuvre de la responsabilité de protéger, Rapport du Secrétaire général des Nations unies, document A/63/677, 12 janvier 2009 31 Marianne Hanna, La responsabilité de protéger : de l’émergence du concept à son application, Article publié dans la Revue Juridique n°17 de l'Université Saint-Esprit de Kaslik, Février 2017. 23 Paragraphe 1 : La situation en République centrafricaine Pour mieux comprendre ce qui se passe en RCA, il est judicieux d’analyser la situation politique et sécuritaire (A) d’une part et d’autre part, la situation sociale et humanitaire (B). A- La situation politique et sécuritaire L’histoire de République centrafricaine, vaste pays faiblement peuplé, a été marquée par une pauvreté profondément enracinée, des tensions ethniques, une instabilité politique généralisée et des conflits armés, notamment au cours des dix (10) dernières années. Le pays a également souffert de l’instabilité régionale et des conflits internes dans des pays voisins, qui ont entraîné des mouvements de réfugiés d’armes et de groupes rebelles à travers ses frontières poreuses. A la suite, en effet, d’une série de conflits internes et de mutineries en 1996 et 1997, des initiatives de médiation sous régionales se sont soldées par la mise en place en février 1997 de la Mission Interafricaine de Surveillance des Accords de Bangui (MISAB), qui a été remplacée en avril 1998 par une opération de maintien de paix intitulée « Mission des Nations-Unies en République centrafricaine (MINURCA) ». Après le succès des élections de septembre 1999, la MINURCA a été remplacée par le Bureau d’appui des Nations-Unies pour la consolidation de la paix en Centrafrique (BONUCA). Ce bureau continue d’appuyer les initiatives visant à consolider la paix et à assurer la réconciliation nationale. En août 2002, la situation en matière de sécurité en République Centrafricaine s’est sensiblement détériorée, notamment dans le nord du pays. En octobre 2002, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale a créé la Force Multinationale en Centrafrique (FOMUC). Cette force sous régionale, qui comptait 380 soldats, du Tchad, du Gabon et du Congo, a joué un rôle utile au rétablissement de la paix et la sécurité. Dans une perspective de sortie de crise, un dialogue national lancé en 2002 a été interrompu, lorsque le général François BOZIZE a remplacé le président Ange-Félix Patassé à la suite d’un coup d’Etat en mars 2003. Le gouvernement de transition du président BOZIZE va organiser ultérieurement en septembre 2004 un dialogue national auquel ont participé les anciens présidents de la République centrafricaine, à l’exception du président Patassé. Le Général BOZIZE a par la suite remporté les élections présidentielles et législatives en mai 2005 ; mais la fragile stabilité du pays a été compromise par l’insécurité causée par les groupes 24 criminels et l’émergence d’une nouvelle rébellion armée dans le nord-ouest et le nord-est du pays32. Ces groupes rebelles sont constitués de partisans de l’ancien président Patassé et d’éléments précédemment associés au président BOZIZE, qui se sont depuis retournés contre lui. Les FACA ont été régulièrement la cible d’attaques de ces groupes rebelles et les autorités centrafricaines ont du mal à maintenir l’ordre dans plusieurs parties du pays. Cette faiblesse d’instauration conduit en effet les Nations Unies à intervenir dans le cadre de la consolidation de la paix en créant la MINURCAT par la Résolution 1778 du Conseil de Sécurité. Malgré la signature de différents accords de paix entre 2007 et 2008, le changement attendu dans le nord de la RCA n’arrive pas assez tôt pour ceux qui se sentent négligés en termes de développement et d’aide en provenance de Bangui33. Les principales dispositions des accords de paix ne sont pour la plupart pas appliquées. Cependant, avec l’élection du Président BOZIZE réélu en 2011 dès le premier tour à l’élection présidentielle à la tête du pays34, la RCA va connaître une forme de rébellion relevant de la coalition des différents groupes armés. La séléka (qui signifie « alliance » en sango, principale langue du pays) voit le jour en août 2012 en tant que coalition de mouvements politiques qui existaient déjà et de groupes armés sous une direction commune. D’anciens proches partisans de BOZIZE, y compris des membres de sa garde présidentielle, s’opposent ouvertement au régime et gonflent les rangs de la rébellion35. La séléka commence dès lors a occupé les grandes villes de la RCA en semant la terreur et le désarroi, en commettant des violations massives des droits de l’homme. Elle sera stoppée aux portes de Bangui par des troupes tchadiennes et par 32 J. Graf, Rapport Conflict analysis-Central African Republic-2011, p. 6 33 HRW, Rapport « je peux encore sentir l’odeur des morts ». La crise oubliée des droits humains en République centrafricaine, 18 septembre 2013, p. 33 34 UA, Report of the Chairperson for the Commission on the Situation in the Central African Republic, PSC/PR/2. (CCCXLV), 6 December 2012, p. 1 35 Cf. HRW, je peux encore sentir l’odeur des morts. La crise oubliée des droits humains en République centrafricaine, 18 septembre 2013, p. 31 ; ICG, République centrafricaine : les urgences de la transition, 11 juin 2013, p. 7 25 la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (la « MICOPAX ») de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC)36 en décembre 2012. L’accord de Libreville du 11 janvier 2013, négocié par la CEEAC, permet d’éviter provisoirement un coup d’Etat et débouche sur une période de trois ans de pouvoir partagé. Toutefois, cette période est un échec et la séléka s’empare finalement du pouvoir à Bangui le 24 mars 2013, contraignant BOZIZE à l’exil. Le 25 mars 2013, en réaction à ce coup d’Etat, l’Union Africaine (UA) suspend la participation de la RCA aux activités de l’Union et impose des sanctions à sept dirigeants de la séléka, notamment des restrictions à leurs déplacements et le gel de leurs avoirs37. En octobre 2013, le Conseil de sécurité de l’ONU déclare que la situation en Centrafrique se caractérise « par un effondrement total de l’ordre public et par l’absence de l’Etat de droit38 », formulation qui sera reprise dans toutes les résolutions à venir au sujet de la RCA. En fin 2013, les violences prennent une tournure confessionnelle, en particulier à l’ouest et au centre du pays. Aussi, en décembre 2013, le Conseil relève un « état de la sécurité qui continue de se détériorer en République centrafricaine » et se dit particulièrement préoccupé « par l’apparition d’une nouvelle logique de violence et de représailles et par le risque qu’elle dégénère en fracture religieuse et ethnique à l’échelle nationale, de nature à se muer en situation incontrôlable et s’accompagner de crimes graves au regard du droit international, en particulier des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité 39». Cependant, les atrocités prétendument commises par les combattants de la séléka, musulmans pour la plupart, visant principalement les non-musulmans, exaspèrent la population et donnent lieu à la création de groupes tels que les « anti-balaka » signifiant « 36 Rapport du FIDH, ICG, République centrafricaine : les urgences de la transition, 11 juin 2013, p. 8 37 Cf. UA, communiqué du CPS- PSC/PR/COMM-(CCCLXIII), 25 mars 2013 38 Préambule de la résolution 2121 du Conseil de sécurité, 10 octobre 2013. 39 Préambule de la résolution 2127 du conseil de sécurité, 5 décembre 2013. 26 anti-balles AK40 ». Ces groupes vont à leur tour s’en prendre aux communautés musulmanes, alimentant ainsi la spirale de la violence et des représailles. L’incapacité des autorités de la séléka en tête du pays va pousser les dirigeants de la CEEAC à opérer un changement politique, en déstabilisant le chef de la séléka Michel DJOTODJA à la présidence du pays, qui sera remplacé par Catherine SAMBA-PANZA comme chef d’Etat de transition41. A cet effet, les Nations Unies, se préoccupant de la situation, prirent à l’unanimité la résolution 2127 du 5 décembre 2013 qui crée la MISCA et en imposant par la même résolution des sanctions parmi lesquelles la sanction d’embargos sur les armes en RCA. Par ailleurs, la persistance des conflits conduira la communauté internationale et plus particulièrement l’ONU par le biais du Conseil de Sécurité à prendre la résolution 2149 du 10 avril 2014 créant la MINUSCA. Toutefois, malgré le retour à l’ordre constitutionnel par les élections présidentielles et législatives de 2016, le pays continue de connaître des foyers de tensions. En effet, l’évolution du conflit, les divisions et l’évolution des allégeances au sein des différentes factions, ont conduit au morcellement du pays, aujourd’hui majoritairement contrôlé par des groupes armés. D’anciens membres de la Séléka, des milices anti-balakas, ou des groupes armés criminels, luttent entre eux pour s’approprier les ressources du pays (pétrole, diamant, bétail ou contrôle des routes) et commettent régulièrement des attaques meurtrières. Les groupes armés continuent à contrôler une large part du territoire et la situation sécuritaire reste fragile42. Un accord de paix a été signé le 6 février à Bangui entre le gouvernement centrafricain et les 14 groupes armés signataires de la feuille de route de Libreville (17 juillet 2017) dans le cadre de l’Initiative de paix portée par l’Union africaine et les pays de la région. Cet accord est le huitième signé depuis 2012 et prévoit, comme le demandaient les groupes 40 UA premier rapport intérimaire de la Commission de l’Union africaine sur la situation en République centrafricaine et les activités de la mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), 7 mars 2014, p. 4 41 42 Cf. Jeune Afrique, Catherine SAMBA-PANZA élue présidente de la transition, 20 janvier 2014 Cf. L’attaque d’un camp de déplacés à Alindao en novembre 2018, affrontements entre l’UPC et la MINUSCA à Bambari en janvier 2019. 27 armés, la mise en place d’un gouvernement inclusif, des mesures de décentralisation et une réforme de la fonction publique. Les groupes armés s’engagent à une cessation immédiate des violences, à se dissoudre, à faciliter le redéploiement des services de l’État sur l’ensemble du territoire et à participer au processus de démobilisation, désarmement, réintégration et rapatriement (DDRR). Des mesures pour la réinsertion économique et sociale des anciens combattants seront adoptées. L’accord rejette l’idée d’impunité et met en place un mécanisme de justice transitionnelle avec la création d’une Commission vérité, justice, réparation et réconciliation. Comme prévu par l’accord, le président TOUADERA a nommé un gouvernement inclusif le 4 mars 2019. Sa composition a été vivement dénoncée par les groupes armés, ceux-ci jugeant que la place qui leur était faite était insuffisante43. A la suite de consultations à Addis-Abeba du 18 au 20 mars 2019 sous l’égide de l’UA, le président TOUADERA a formé le 22 mars, un nouveau gouvernement : Firmin NGREBADA reste premier ministre ; les ex-groupes armés ont une place accrue au gouvernement (12 ministres) et ont obtenu 12 postes dans la haute fonction publique, à la Présidence de la République et à la Primature et 5 postes de sous-préfet. L’opération de l’ONU créée en avril 201444 par le Conseil de sécurité. Elle a principalement pour mandat la protection des populations et l’appui au processus politique (appui aux efforts de réconciliation, au processus de démobilisation des groupes armés, à la réforme des forces de sécurité, à la lutte contre l’impunité). La résolution 2387 du Conseil prévoit le renforcement des capacités de la mission, notamment par une hausse du plafond de troupes à hauteur de 900 hommes, portant ainsi l’effectif maximal autorisé à 11 650 militaires45. Le 13 décembre 2018, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2448 renouvelant pour un an le mandat de la MINUSCA, en dépit des abstentions russe et chinoise. Jusqu’à ce jour, notons que 76 Casques bleus ont perdu la vie en RCA. 43 Sur les 36 ministères, huit (8) ministères a été octroyé aux groupes armés. 44 Cf. la Résolution 2149 du 10 Avril 2014 45 Le 29 mai la MINUSCA comptait 13 595 personnels en uniforme, dont 11 160 militaires et 2039 policiers. 28 Notons aussi que la Sous-région et l’UA ont joué un rôle positif dans la sortie de crise en RCA. La CEEAC a fourni l’essentiel des contingents de la MISCA, opération de l’UA déployée en décembre 2013, dont les troupes sont ensuite devenues la colonne vertébrale de la MINUSCA, qui a pris le relai à partir de septembre 2014. La CEEAC a également soutenu le processus de transition, à travers la médiation régionale confiée au Congo. Dès après la prestation de serment du président TOUADERA, la RCA a réintégré les instances de l’UA, puis celles de l’OIF dont elle avait été suspendue après la prise du pouvoir par la Séléka en mars 2013. Le 17 juillet 2017, la RCA, l’UA, la CEEAC, la CIRGL et les pays de la région ont signé à Libreville une feuille de route pour la paix et la réconciliation en RCA qui fixe un cadre unique pour les discussions avec les groupes armés et la recherche d’un accord politique global. La mission européenne de conseil et de formation opérationnelle des forces armées centrafricaines EUTM RCA, déployée en juillet 2016 a pour mandat d’accompagner la restructuration des forces armées. À la demande de la France, le Conseil des Affaires étrangères tenu le 15 octobre 2018 a acté l’établissement temporaire d’une composante civile à la mission EUTM (dite « EUTM+ ») d’une quinzaine de personnels. Ses situations de conflits à répétitions alimentent la chaine de la reconduite de la sanction d’embargo sur les armes et empêche ainsi l’Etat à pouvoir répondre à son obligation de protéger sa population de manière efficace. B- La situation sociale et humanitaire La population centrafricaine est inégalement répartie sur le territoire national, 70% de la population vit sur un tiers du territoire. Du point de vue du capital humain, la République centrafricaine est une population à dominance jeune. La structure pyramidale des âges indique qu’il y’a 40.9% pour la catégorie de 0-14 ans inclus, tandis que celle de 1564 ans inclus affiche 55%46. Au plan culturel et sociologique, le pays est composé d’une multitude de groupes ethniques. Selon le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH-15), il en compterait une centaine répartie en fonction des grands groupes suivants : Gbaya 33%, Banda 27%, Mandja 13%, Sara 10%, Mboum 7%, M’baka 4%, Yakoma 4%, et autres 2%. Toutefois, en dépit de cette diversité, le pays se divise en deux moitiés occupées 46 Cf. Rapport du FNUAP, janvier 2014 29 par deux grands groupes tribaux, les Gbaya et les Banda qui forment respectivement les 3/10ème et près du ¼ de cette population. A côté de ces grands groupes répertoriés, il existe des minorités socioculturelles, à l’exemple des Mbororo, sous-population descendant des peuls ou des Foulani, des pygmées ou Bambengua et des réfugiés. En effet, la situation sociale en RCA était fragile bien avant la survenance des crises. L’indice de développement humain (IDH) classe la RCA à la 188ème position sur une liste de 189 pays47, tandis que l’analyse globale de la vulnérabilité alimentaire effectuée par le Programme alimentaire mondial (PAM) montrait qu’environ 30% des ménages centrafricains vivent dans une situation d’insécurité alimentaire48. De même, la revue à miparcours de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en fin 2019, montrait que la RCA pouvait difficilement atteindre les objectifs fixés. Car l’application des projets souffre de l’incompétence des agents. Enfin, alors que le pays avait adopté la plupart des lois nécessaires pour se conformer aux conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT), l’indice d’inégalité de genre publié par le PNUD classe le RCA à la 138ème place sur 146 pays en 201949. Selon le rapport du PNUD sur le Développement humain, la RCA compte 4,2 millions d’habitants50, divisés en près de quatre-vingts groupes ethniques, la plupart ayant leur propre langue en dépit du développement du sango comme langue véhiculaire commune, et en quatre groupes religieux principaux51. La situation humanitaire en République centrafricaine constitue aussi un grave sujet de préoccupation. Elle tient essentiellement aux événements internes et à la pauvreté profondément enracinée. L’instabilité dans les pays voisins, notamment en Tchad, au Soudan et au Soudan du Sud, y est également pour quelque chose. En dehors de Bangui et 47 www.solidarites.org/fr/ressources-humaines/rca-un-contexte-volatile-des-defis-immenses 48 Rapport de FAO, 21 Mars 2019 49 Cf. Le rapport du PNUD sur le développement du travail en RCA, Septembre 2019 50 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain. La lutte contre le changement climatique : un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé, rapport 2007-2008 (chiffres de 2005). 51 Nelson Alusala,Armed conflict and disarmament. Selected Central African case-studies, ISS Monograph Series, n° 129, mars 2007, chap. II, p. 11. 30 des principales villes régionales, les services de base, tels que l’éducation, l’eau et l’assainissement et les services de santé, sont quasi inexistants. Il n’y’a pas d’infrastructure de base. Les tensions n’ont cessé de s’accroître depuis 2016 et la communauté internationale juge que la situation en République centrafricaine se détériore rapidement. Selon les estimations, plus d’un million de personnes sur une population totale d’environ 4.5 millions d’habitants sont touchées52. Notons que la crise a fortement affecté l’ensemble des secteurs économiques, notamment en zone rurale, où l’insécurité a désorganisé ou anéanti les activités. L’activité économique reprend lentement, mais le PIB est loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant crise. La production vivrière a connu une reprise, mais celles de café, de palmier à huile et de coton ont atteint un niveau dérisoire. L’activité dans l’agroalimentaire, le commerce et le BTP croît, grâce, notamment, à la présence étrangère. La levée partielle de l’embargo sur les diamants et la relance de l’exploitation forestière ouvrent également de nouvelles perspectives. Par ailleurs, les finances publiques se caractérisaient déjà avant la crise par une trésorerie structurellement déficitaire, une capacité d’investissement très faible, une forte dépendance à l’aide budgétaire extérieure et des difficultés à assurer le service de la dette. A partir de mars 2013, l’effondrement des recettes douanières et fiscales du pays a rendu d’autant plus importants les appuis de ses partenaires internationaux. Les recettes budgétaires ont crû sensiblement en 2015, sans permettre au gouvernement de financer le développement. Les dépenses sont globalement maîtrisées. Le FMI a approuvé en 2016 un nouveau programme (3 ans) basé sur le rétablissement progressif de l’économie. Paragraphe 2 : La consécration de la responsabilité de protéger au cœur de la crise centrafricaine La République centrafricaine est devenue depuis l’avènement de la séléka un théâtre de régime des violences meurtrières. La crise centrafricaine était avant une crise méconnue par la communauté internationale. Il a fallu l’intervention de certains centrafricains vivant en France qui de par leur action, vont demander au Gouvernement français se pencher sur la 52 Cf. Rapport Spécial de la mission FA/PAM d’évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire en république centrafricaine, Mars 2019 31 situation en RCA, car les crimes commis par les groupes armés et plus particulièrement la Séléka ne pouvaient rester sous silence. Dès lors, la France va saisir le Conseil de sécurité pour débattre de la question centrafricaine. Cette acte d’appel à la Communauté internationale montre combien la situation sécuritaire et humanitaire en république centrafricaine sont de nature « erga omnes »(A), car elles les crimes commis par les groupes rebelles sont de nature imprescriptibles et que l’impossibilité de l’Etat centrafricain de réagir en riposte du fait de l’embargo sur les armes, pour protéger sa population conduit à un prise de conscience collective de la communauté internationale à intervenir à cette fin de protection, d’où la responsabilité de protéger comme une faculté morale in solidum pour la communauté internationale (B). A- La responsabilité de protéger comme une obligation de nature « erga omnes » La conception traditionnelle selon laquelle la communauté internationale ne serait qu’une société d’Etats, que ceux-ci seraient les seuls sujets du droit international, n’est plus guère défendue aujourd’hui. Les Etats conservent certes un rôle de premier plan dans le théâtre des relations internationales. Ils sont à la fois les créateurs et les principaux destinataires des règles du droit international. En ce sens, ils demeurent les sujets primaires du droit des gens. Cependant, les organisations internationales, les individus et d’autres entités occupent aujourd’hui un rôle croissant dans les relations internationales. Dans son avis consultatif de 1949 relatif à la réparation des dommages subis au service des Nations Unies, la Cour internationale de Justice a reconnu cette évolution en soulignant que les sujets de droit, dans un système juridique, ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs fonctions53. A cet effet, le respect des obligations erga omnes dû à l’égard de tous n’exclut pas qu’il puisse y avoir des créanciers plus « directement » ou « subjectivement » intéressés. En fait, nombre de règles instituant des obligations erga omnes bénéficient au premier chef, dans un cas concret d’application, à un Etat, un peuple ou un individu particulier. Si l’on prend par exemple l’interdiction du recours à la force, la règle bénéficie d’abord aux Etats sur un plan subjectif. A chaque fois que la règle trouve matière à application, un Etat en bénéficie de manière directe, alors que les autres Etats ne sont 53 CIJ Recueil, 1949, p. 178 32 concernés que par son respect qu’au titre de leur intérêt général au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Dans d’autres cas, comme ceux de l’interdiction du génocide, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou en général des normes relatives à la protection des droits de l’homme, les bénéficiaires directs sont les individus et groupes d’individus protégés. Cette seconde situation est celle autour de laquelle notre démarche s’articule. En effet, la situation sécuritaire en RCA est complexe du point de vue des droits fondamentaux. Les assassinats à répétitions par les groupes armés, les massacres exécutés par les groupes armés se multiplient. On assiste chaque fois à des attaques meurtrières contre des populations civiles sans défense et sous le regard impuissant du gouvernement centrafricain de pouvoir agir car faute de moyen. Toutes ses situations sont déplorables et interpelle la conscience universelle d’où le choix au lendemain de l’UA, à la prise du pouvoir par la séléka, d’intervenir par biais de la MISCA, afin de pallier à ce manquement des violations graves et systématiques des droits humains causés par les groupes armés. Par ailleurs, en suivant la position de la CIJ dans l’affaire la Barcelona Traction, où la Cour paraît clairement vouloir limiter le concept d’obligations erga omnes à certaines normes fondamentales du droit international en soulignant l’importance des droits en cause et en citant à titre d’exemples que des principes cardinaux du droit international contemporain, telles l’interdiction de l’agression, la prohibition du génocide ou les normes protégeant les droits fondamentaux de la personne humaine54, l’on tire en effet de cette position au regard de la situation en RCA que la responsabilité de protéger est une obligation de nature erga ormnes. Car les facteurs en jeux, à savoir la paix et la sécurité internationale sont mise en cause d’une part par les conflits à répétitions, et d’autre part par les violations massives des droits de l’homme. B- La responsabilité de protéger comme une faculté morale in solidum pour la Communauté internationale Perçue comme notion de la guerre juste, c’est Walzer qui intégra cette notion de moralité dans le discours politique contemporain par la parution de son livre Just and Unjust War en 1977 (Walzer, Guerres justes et injustes, 2006). Il popularise l’essence de cette 54 François Voeffray, L’actio popularis ou la défense de l’intérêt collectif devant les juridictions internationales, Graduate Institute Publications, 2004, P.242 33 doctrine en adhérant à la définition proposée par Saint-Augustin : « la doctrine de guerre juste est un modèle de pensée et un ensemble de règles de conduite morale définissant à quelle condition la guerre est une action moralement acceptable55 ». Comme le dit Benjamin cette théorie est issue d’une longue réflexion morale sur la légitimité de la violence. Aujourd’hui, elle trouve des applications pratiques en s’associant avec le droit international et humanitaire contemporain56. Walzer propose la division du concept en trois catégories distinctes, quoiqu’indissociables : a. Le Jus ad Bellum : se réfère aux conditions légitimant le droit d’aller en guerre. b. Le Jus in Bello : représente les règles et lois limitant l’exercice de la guerre. Il se réfère aux comportements des différents acteurs à adopter pour respecter le cadre légal. c. Le Jus post Bellum : se réfère à l’après-guerre, sa phase terminale. Il inclut, entre autres, les accords de paix et de reconstruction. Le droit d’intervenir militairement au nom de la Responsabilité de protéger retombe donc sur le Jus ad Bellum où six critères sont établis afin de légitimer une telle action, écrit KATHERYNE RUEL ST-LOUIS dans son mémoire57. La responsabilité de protéger est d’abord une obligation de l’État et, si l’État n’assume pas cette responsabilité, la communauté internationale a une responsabilité complémentaire de protéger. En effet, lors du Sommet mondial de 2005, les Chefs d’État et de Gouvernement ont affirmé que le devoir de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité incombe d’abord à chaque État et que ce devoir exige la mise en œuvre de mesures de prévention. Ils ont également affirmé que la communauté internationale, à travers l’Organisation des Nations unies, a la responsabilité de recourir à des moyens pacifiques afin d’aider les États à protéger 55 Saint-Augustin, Paix et guerre, Paris Migne, 2010 éd. Pierre-Yves Fux, coll. « Les Pères dans la foi, 101 ». P. 25 56 57 Michaël Walzer, Guerres justes et injustes, Berlin, 1999 KATHERYNE RUEL ST-LOUIS, La Responsabilité de protéger : analyse sur l’état du concept après le passage de la théorie à la pratique, Mémoire de recherche défendu le 28/03/2018, P. 20 34 les populations civiles de tels crimes. Toutefois, si les moyens pacifiques se révèlent insuffisants et que les autorités nationales échouent à assurer la protection des civils, les représentants des États ont exprimé leur engagement de réagir collectivement, en temps voulu, sous les directives du Conseil de sécurité et conformément au chapitre VII de la Charte des Nations unies. Les recommandations du Document final du Sommet mondial concernant la responsabilité de protéger de 2005, envisage une responsabilité subsidiaire de la communauté internationale en affirmant « qu’il incombe à la communauté internationale, dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies, de mettre en œuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies, afin d’aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité »58. En dernier recours, seulement « lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations […] » que les Etats sont prêts « à mener en temps voulu, une action collective résolue, par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII […] ». Par ailleurs, la communauté internationale s’engage également à « aider les Etats à se doter des moyens de protéger leurs populations […] et à apporter une assistance aux pays dans lesquels existent des tensions avant qu’une crise ou un conflit n’éclate 59». A cet effet, au regard de la situation sécuritaire qui prévaut en RCA, particulièrement avec les conflits meurtriers entre les couches sociales de confessions musulmanes et chrétiennes d’une part et d’autre part au laxisme du Gouvernement centrafricain de pouvoir mettre terme aux conflits, la communauté internationale ne serait restée indifférente. Car en partant des Déclarations relatives aux droits de l’homme qui mentionnent sans cesse le respect de la vie, et plus particulièrement les articles : Art.5 de la DUDH de 1945, Art.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Art.3 de la CEDH, les Etats ont l’obligation d’œuvrer à la protection de leur population. C’est dans cet optique que le Conseil de sécurité, à travers sa Résolution 1674 sur la protection des civils lors des conflits armés60 réaffirme les 58 Document final du Sommet mondial des Nations Unies, doc. ONU A/60/L.1 (2005), § 139. 59 Id op cité. 60 Cf. la Résolution 1674 (2006), § 4 35 recommandations du Document final du Sommet mondial concernant la responsabilité de protéger. Notons que le Document final du Sommet mondial concernant la responsabilité de protéger mentionne que non seulement aucun Etat ne peut se servir de sa souveraineté comme rempart aux violations graves des droits de l’homme, mais aucun Etat ne peut être indifférent face à ces crimes, et ce, quel que soit le lieu de leur commission. Les Etats membres de la communauté internationale doivent donc assumer une responsabilité collective à l’égard de tous les êtres humains qui seraient victimes des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Ainsi, afin de répondre efficacement à la protection des civils en RCA, la communauté internationale par le biais du Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de placer le pays sous sanction d’embargo sur les armes qui s’avère nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilité de protéger. Section 2 : La sanction d’embargo sur les armes une nécessité impérieuse à la mise en œuvre de la responsabilité de protéger Les décisions d’embargos sur les armes des Nations Unies représentent une mesure de dernier recours, appliquée en général lorsqu’une situation humanitaire ou des droits humains dans un pays a atteint un point critique. Les décisions d’imposer un embargo sur les armes, ou plus important encore, de s’abstenir de le faire, sont également largement orientés par des considérations politiques. Cependant, pour mieux comprendre les décisions d’embargos sur les armes en RCA, il faut, d’une part, arriver à leur justification (Paragraphe 1), ce qui conduit évidemment étudier le mécanisme juridique de la mise en œuvre de la sanction d’embargo sur les armes d’autre part (Paragraphe 2) 36 Paragraphe 1 : La justification de la sanction d’embargos sur les armes en RCA La sanction d’embargo sur les armes en RCA est justifiée d’une part par le maintien de la paix ou le rétablissement de la paix (A)e et d’autre part comme une extension de la protection des civils (B) A- La sanction d’embargo sur les armes justifiée par le maintien ou le rétablissement de la paix (art.39 de la Charte) Le concept de maintien de la paix n’est pas expressément mentionné dans la Charte des Nations Unies. Il a changé au cours du temps en fonction de l’évolution du rôle de l’Organisation dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Toutefois, certaines situations, notamment celle de menace ou rupture de paix font appel à l’usage de l’article 39 de la charte suite à la constatation des faits. Ainsi, au regard de la situation que nous analysons en RCA, avec la prise du pouvoir en 2013 par la rébellion séléka, il y’ a en effet rupture de paix d’où la décision de la sanction d’embargo sur les armes61. En effet, l’article 39 de la Charte constitue la disposition centrale qui fonde le pouvoir de sanction du chapitre VII. Cet article indique que le Conseil de sécurité des Nations Unies doit toujours déterminer si une situation donnée représente une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression, avant de pouvoir adopter des mesures coercitives afin de maintenir ou rétablir la paix, conformément aux articles 41 et 42 de la Charte. Par ailleurs, la charte ne donne pas une définition claire et univoque de ces manquements dans le texte, c’est pourquoi le Conseil use de son pouvoir discrétionnaire pour qualifier une situation. Et son choix de qualifier une situation de « menace contre la paix » relève du fait que la notion de menace contre la paix revêt une définition très large. Ainsi, le Conseil a, à plusieurs reprises, qualifiées de menace contre la paix certaines situations conflictuelles qui se produisent au niveau interne. En guise d’exemple nous pouvons citer les cas : Rhodésie du sud en 1966, Afrique du sud en1977, ex-Yougoslavie après son éclatement en 1991, du Rwanda en 1994, de la Somalie en 1992, du Congo en 1997, de la Côte-d’Ivoire en 2000, du Soudan du Sud en 2005, du Mali en 2010, de la Libye en 2011, et plus particulièrement la 61 Cf. la Résolution 2127 de 2013 37 RCA en 2013. Dans ses cas cités, le Conseil a pris des mesures allant dans le cadre des sanctions d’embargos sur les armes à l’endroit des Etats mais également des groupes armés exerçant dans ses Etats afin de mettre un terme aux conflits et de concourir à une meilleure protection de la population civile. B- La sanction d’embargo sur les armes un exemple de l’extension de la protection de la population civile et du maintien de la paix Au milieu des années 1990, les Casques bleus se sont retrouvés déployés dans des conflits internes, dans lesquels la population civile était fréquemment la cible d’attaques. Des missions telles que la MINUAR au Rwanda et la FORPRONU en ex-Yougoslavie ont été confrontées à des attaques systématiques contre des civils que les Casques bleus n’étaient pas préparés à affronter. Ces conflits, ainsi que ceux en Somalie, en Sierra Leone et au Timor oriental, ont vu des groupes armés cibler des civils, notamment par l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre et de graves violations des droits de l’enfant. Le Conseil de sécurité a donc inscrit la protection des civils à son ordre du jour et a élaboré une architecture de résolutions renforçant le rôle des Casques bleus en matière de protection. Les mandats et les règles d’engagement ont été définis de sorte que les Casques bleus aient le pouvoir d’agir. Le Conseil a également adopté des résolutions visant à établir des cadres pour se pencher sur la question des enfants62 dans les conflits armés et les violences sexuelles liées aux conflits63. Il incombe toujours aux Etats d’assurer la protection de leurs populations, mais toutefois, les casques bleus de l’ONU emploient des moyens pour aider les gouvernements à s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection par des conseils, un soutien technique et logistique et le renforcement des capacités. Les missions de maintien de la paix cherchent également, par le biais des bons offices politiques et de la médiation, à adopter une approche préventive pour la protection des civils. Cela dit, de nombreux Casques bleus 62 Cf. les résolutions 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011) et 2068 (2012) sur le sort des enfants en temps de conflit armés. 63 Cf. les résolutions 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013) et 2122 (2013), sur les femmes et la paix et la sécurité 38 sont autorisés, en dernier recours, à agir pour protéger physiquement les civils. C’est dans cette optique que certaines résolutions du Conseil visant des situations où il oblige l’envoie des casques bleus pour des missions de paix de limiter le flux d’armes entre les belligérants par biais d’embargos sur les armes afin d’offrir aux casques bleus des conditions favorables d’intervention. Ses résolutions portant des sanctions d’embargos autorisent souvent aux casques bleus d’intervenir afin de protéger les civils64. Les différentes résolutions d’embargos sur les armes en RCA ont mentionné de manière explicite la notion de la protection des civils65. Paragraphe 2 : Le mécanisme de la mise en œuvre de la sanction de l’embargo sur les armes en RCA Les embargos sont un instrument essentiel à la disposition des Nations unies pour rétablir ou maintenir la paix et la sécurité internationales, en dehors du recours à la force. Leur importance a récemment été rappelée par le Conseil de Sécurité des Nations unies dans sa résolution 2117 du 26 septembre 2013. Les embargos imposés par les Nations unies se distinguent par leur caractère universel et dès lors qu’une résolution imposant un embargo a été adoptée par le Conseil de Sécurité, elle doit être appliquée par tous les Etats. Les régimes de sanction ont, en effet, progressivement évolué dans le temps. L’embargo total a laissé la place à des sanctions visant certaines entités, une partie du territoire ou encore des équipements spécifiques. Parallèlement, des dérogations ont été introduites, notamment à des fins humanitaires ou de protection. L’ensemble de ces évolutions résultent du constat que les sanctions peuvent avoir des effets indésirables sur la population civile, notamment les groupes les plus vulnérables. Dans le cadre de notre travail, nous verrons d’une part le régime de sanction d’embargo sur les armes en RCA (A), avant de se pencher, d’autre part, sur le rôle du comité de suivi des sanctions car dans la grande majorité des cas, l’adoption par le Conseil de 64 Cf. les résolutions 1265 (1999), 1296 (2000), 1674 (2006), 1738 (2006) et 1894 (2009) sur la protection des civils en période de conflit armé. 65 Cf. les Paragraphes 17 au Paragraphe 24 de la résolution 2127 du 5 Décembre 2013 39 Sécurité d’une résolution imposant un embargo s’accompagne de la mise en place d’un Comité des sanctions (B), organe subsidiaire du Conseil de Sécurité et composés de représentants de tous ses Etats membres. A- Le régime juridique Dans le cadre de l’étude du régime juridique de la sanction d’embargos sur les armes en RCA nous allons nous attarder que sur les résolutions visant l’embargos sur les armes. En effet, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité de l’ONU préoccupant de la situation sécuritaire que traverse la RCA, a adopté certaines résolutions visant la sécurité des civils, des personnes déplacés et ainsi que des réfugiés. Ainsi, suite aux différentes déclarations des observateurs internationaux faites sur la situation de la crise en Centrafrique, le Conseil de Sécurité à l’unanimité a pris la « Résolution 2127 » du 05 décembre 2013. En effet, le représentant permanant de la France a déploré la tragédie de la situation en République Centrafricaine. Car l’ensemble de la population était touché par une crise humanitaire et le pays menaçait de sombrer dans le chaos. Alors que la RCA avait été jusqu’à ce moment une crise oubliée. Ainsi, le représentant permanant a estimé qu’il était du devoir collectif du Conseil de soutenir l’action de l’Union africaine et de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC). L’adoption de cette résolution va permettre la création de la MISCA qui sera soutenue par les forces françaises de l’opération Sangaris. En effet, les forces africaines de la MISCA, ainsi que les forces françaises se voyaient dotées d’un mandat robuste sous chapitre VII. Cette résolution renforçait également l’action du Conseil sur deux volets essentiels : la lutte contre les violations des droits de l’homme ainsi que le soutien au processus de transition et l’intention d’adopter des sanctions à l’encontre des individus qui le menaceraient. La « Résolution 2134 » du 28 janvier 2014 présentée par la France au Conseil fut adopté à l’unanimité. Cette résolution donne mandat de l’ONU sous chapitre VII à la force de l’Union Européenne qui sera déployée en Centrafrique, en appui de la force de l’Union africaine (MISCA) et des forces françaises (Sangaris). Cette résolution demande par ailleurs une accélération de la période de transition en Centrafrique, avec des élections si possibles avant la fin de l’année 2014. Elle met enfin en place un régime de sanctions de l’ONU contre ceux qui entraveraient le processus politique ou commettraient des violations des droits de l’homme. Elle proroge par ailleurs le mandat du BINUCA jusqu’au 31 janvier 2015. 40 Par ailleurs, le Conseil Constatant que la situation qui règne en République centrafricaine continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région, décide par la résolution 2196 du 22 janvier 2015 que, jusqu’au 29 janvier 2016, tous les États Membres devront continuer de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à la République centrafricaine, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, d’armements et de matériel connexe de tous types, y compris les armes et les munitions, les véhicules et les matériels militaires, les équipements paramilitaires et les pièces détachées correspondantes, ainsi que toute assistance technique ou formation et toute aide financière ou autre en rapport avec les activités militaires ou la fourniture, l’entretien ou l’utilisation de tous armements et tout matériel connexe, y compris la mise à disposition de mercenaires armés venant ou non de leur territoire, et décide également que cette mesure ne s’applique pas : o Aux fournitures destinées exclusivement à l’appui de la MINUSCA, de la Force régionale d’intervention (FRI) de l’Union africaine, des missions de l’Union européenne et des forces françaises déployées en République centrafricaine, ou à leur utilisation par celles-ci ; o A la MINUSCA, à la FRI et aux missions de l’Union européenne et forces françaises déployées en République centrafricaine pour dispenser des conseils organisationnels et une formation non opérationnelle aux forces gouvernementales centrafricaines, dans le cadre de l’exécution de leurs mandats, et prie ces forces de l’informer, dans les rapports qu’elles lui adressent régulièrement, des mesures prises dans ce cadre : o Aux livraisons de matériel militaire non létal destiné exclusivement à un usage humanitaire ou de protection et à l’assistance technique ou la formation connexes qui auront été approuvées à l’avance par le Comité ; o Aux vêtements de protection, dont les gilets pare-balles et les casques militaires, temporairement exportés en République centrafricaine, pour leur usage personnel uniquement, par le personnel des Nations Unies, les représentants des médias et les agents humanitaires et du développement et le personnel connexe ; 41 o Aux livraisons d’armes légères et de matériel connexe destinés exclusivement à être utilisés dans le cadre des patrouilles internationales qui assurent la sécurité dans l’aire protégée du Trinational de la Sangha afin de lutter contre le braconnage, la contrebande d’ivoire et d’armes et d’autres activités contraires au droit interne de la République centrafricaine ou aux obligations que le droit international met à la charge de ce pays ; o Aux livraisons d’armes et de matériel létal connexe destinés aux forces de sécurité centrafricaines et devant être utilisés exclusivement aux fins de la réforme du secteur de la sécurité ou de l’appui à celle-ci, sous réserve de l’approbation préalable du Comité ; o Aux autres ventes ou livraisons d’armes et de matériel connexe, ou à la fourniture d’assistance ou de personnel, sous réserve de l’approbation préalable du Comité. Par ailleurs, cette résolution autorise tous les États Membres qui découvrent des articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont interdits par le paragraphe 1 de la présente résolution à les saisir, à les enregistrer et à les neutraliser (en les détruisant, en les mettant hors d’usage, en les entreposant ou en les transférant à un État autre que le pays d’origine ou de destination aux fins de leur élimination), et décide également que tous les États sont tenus de coopérer à cet égard. Le Conseil par cette résolution demande de nouveau aux autorités de transition de s’attaquer, avec l’aide de la MINUSCA et des partenaires internationaux, au transfert illicite, à l’accumulation déstabilisatrice et au détournement d’armes légères et de petit calibre en République centrafricaine et d’assurer de façon sûre et efficace la gestion, l’entreposage et la sécurité de leurs stocks d’armes légères et de petit calibre, ainsi que la collecte et la destruction des stocks excédentaires et des armes et munitions saisies, non marquées ou détenues illicitement, et souligne à quel point il importe d’intégrer ces éléments à la réforme du secteur de la sécurité et aux programmes de désarmement, démobilisation, réintégration et réinstallation ou rapatriement. Le conseil va une fois de plus reconduire l’embargos sur les armes pour une durée d’un an par sa résolution 2262 du 22 Janvier 2016. Par cette résolution, le Conseil engage vivement les autorités de transition de la République centrafricaine et les autorités élues qui leur succéderont à renforcer leurs capacités, avec l’appui de la MINUSCA, du Service de la 42 lutte anti-mines, ainsi que des autres partenaires internationaux, pour ce qui est de stocker et gérer les armes et munitions qu’elles détiennent, y compris celles qui sont transférées des stocks de la MINUSCA, conformément aux pratiques internationales optimales et aux normes internationales, tout en veillant à ce que les forces armées centrafricaines et les forces nationales qui reçoivent de telles armes et munitions soient pleinement formées et contrôlées66. Reconnaissant, que l’embargo sur les armes peut jouer un rôle déterminant dans la lutte contre le transfert illicite d’armes et de matériels connexes en République centrafricaine et dans la région et concourir de façon non négligeable à la consolidation de la paix après les conflits, au désarmement, à la démobilisation, au rapatriement et à la réintégration (DDRR) ainsi qu’à la réforme du secteur de la sécurité, rappelant ses résolutions 2117 (2013), 2127 (2013), 2220 (2015) et 2262 (2016) et se déclarant vivement préoccupé par la menace que font peser sur la paix et la sécurité en République centrafricaine le transfert illicite, l’accumulation déstabilisatrice et le détournement d’armes légères et de petit calibre ainsi que l’emploi de ces armes contre les civils touchés par le conflit armé, le Conseil reconduit une fois de plus par sa résolution 2339 du 27 janvier 2017 l’embargo sur les armes. La résolution 2399 renouvelant le régime de sanctions sur la République centrafricaine (RCA). Cette résolution reconduit à l’identique le dispositif existant sur l’embargo des armes, l’interdiction de voyager et les gels des avoirs. Le texte, parrainé par la France, ouvre toutefois la possibilité d’élaborer de critères permettant d’évaluer l’impact de l’embargo sur les armes dans le pays afin que celui-ci puisse être modifie notamment en fonction des progrès de la réforme du secteur de la sécurité. Il met l’accent sur les incitations à la violence, à caractère ethnique, religieuse ou dirigées contre la Mission de stabilisation de l’ONU pour la RCA (MINUSCA), dont les auteurs ne désormais resteront pas impunis. Aussi, selon la résolution, les attaques contre les travailleurs humanitaires, qui font de la RCA le pays le plus dangereux pour ces travailleurs, seront désormais reconnues comme un critère de désignation au même titre, par exemple, que les attaques contre la MINUSCA. 66 Cf. Paragraphe 4 de la Résolution 2226 du 22 Janvier 2016 43 Le Conseil a décidé de prolonger les sanctions ciblées dans sa résolution 2507 (2020). Les alinéas a) à i) du paragraphe 1 de la résolution 2507 (2020) et les paragraphes 1467, 1768, 18 et 19 de la résolution 2399 (2018) contiennent des dérogations à ces mesures. Dans la résolution 2507, les membres du Conseil de sécurité exhortent les autorités de la République centrafricaine et les groupes armés signataires à mettre en œuvre l’Accord de paix de bonne foi et sans délai69. Ils exhortent aussi les groupes armés à mettre un terme aux violations de l’Accord de paix et à toutes formes de violence contre les civils, le personnel de maintien de la paix des Nations Unies et le personnel humanitaire, ainsi qu’aux activités déstabilisatrices, aux incitations à la haine et à la violence et aux entraves à la liberté de circulation. Ils leur 67 Paragraphe 14 : (….) Décide que les mesures imposées par le paragraphe 9 ci-dessus ne s’appliquent pas dans les cas suivants : a) Lorsque le Comité établit que tel ou tel voyage se justifie par des raisons humanitaires, y compris un devoir religieux ; b) Lorsque l’entrée ou le passage en transit est nécessaire aux fins d’une procédure judiciaire ; c) Lorsque le Comité conclut que telle ou telle dérogation favoriserait la réalisation des objectifs de paix et de réconciliation nationale en République centrafricaine et la stabilité dans la région 68 Paragraphe 17 : Décide que les mesures visées au paragraphe 16 ci-dessus ne s’appliquent pas aux fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques dont les États Membres concernés auront déterminé : a) Qu’ils sont nécessaires pour régler des dépenses ordinaires – denrées alimentaires, loyers, mensualités de prêts hypothécaires, médicaments, soins médicaux, impôts, primes d’assurance, factures de services collectifs de distribution – ou pour régler ou rembourser des dépenses engagées dans le cadre de la prestation de services juridiques, notamment des honoraires, conformément à la législation nationale, ou des frais ou commissions liés au maintien en dépôt de fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques gelés, conformément à la législation nationale, après que l’État Membre concerné a informé le Comité de son intention d’autoriser, dans les cas où cela serait justifié, l’accès à ces fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques et en l’absence de décision contraire du Comité dans les cinq jours ouvrables suivant cette notification ; b) Qu’ils sont nécessaires pour régler des dépenses extraordinaires, à condition que le ou les États Membres concernés en aient avisé le Comité et que celui-ci ait donné son accord ; c) Qu’ils font l’objet d’un privilège ou d’une décision judiciaire, administrative ou arbitrale, auquel cas ils peuvent être utilisés à cette fin, à condition que le privilège ou la décision soient antérieurs à la date de la présente résolution, que le créancier privilégié ou le bénéficiaire de la décision judiciaire, administrative ou arbitrale ne soit pas une personne ou une entité désignée par le Comité et que le privilège ou la décision judiciaire, administrative ou arbitrale aient été portés à la connaissance du Comité par l’État ou les États Membres concernés 69 Cf. Paragraphe 2 du préambule de la Résolution 2507 du 31 janvier 2020 44 demandent de déposer les armes, immédiatement et sans condition, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’Accord de paix. Dans ce contexte, le Conseil de sécurité décide de proroger le mandat de la MINUSCA jusqu’au 15 novembre 2020 et de maintenir l’effectif maximal autorisé de la MINUSCA à 11.650 militaires et 2.080 policiers, ainsi que 108 agents de l’administration pénitentiaire. Il charge notamment la MINUSCA de poursuivre son rôle politique dans le processus de paix, notamment par un appui politique, technique et opérationnel à la mise en œuvre de l’Accord de paix70. Il charge aussi la MINUSCA d’aider les autorités de la République centrafricaine à préparer et à organiser des élections présidentielle, législatives et locales pacifiques en 2020 et 2021 en leur offrant ses bons offices, en leur fournissant un appui en matière de sécurité et un soutien opérationnel, logistique et, le cas échéant, technique71. Au-delà de l’action de la justice centrafricaine et de la justice internationale, le régime de sanctions sur la RCA permet désormais de sanctionner les individus qui se livreront à des incitations à la violence dès lors que ces dernières seront de nature à nuire à la paix, à la stabilité et à la sécurité de la RCA, a précisé le Représentant permanent de la France auprès de l’ONU, François Delattre, lors de son intervention après le vote de la résolution 2399 de 2018. 70 Déclaration du Président du Conseil de Sécurité, Paragraphe 2 « Le Conseil se félicite de la signature, le 6 février 2019 à Bangui, de l’Accord pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine par les autorités centrafricaines et 14 groupes armés, à l’issue des pourparlers de paix qui se sont tenus à Khartoum du 24 janvier au 5 février 2019 dans le cadre de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation et sous les auspices de l’Union africaine, se félicite également du consensus auquel sont parvenues les parties signataires de l’Accord au sujet de la formation d’un gouvernement inclusif, conformément à son article 21, ainsi que de l’engagement de l’Union africaine, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et de l’Organisation des Nations Unies, engage les parties prenantes centrafricaines à appliquer l’accord de paix, de bonne foi et sans tarder, afin de répondre aux aspirations du peuple centrafricain à la paix, à la sécurité, à la justice, à la réconciliation, à l’inclusivité et au développement, et demande aux pays voisins, aux organisations régionales et à tous les partenaires internationaux de soutenir l’application de l’accord de paix et de coordonner leur action afin de permettre à la République centrafricaine de connaître une paix et une stabilité durables » 71 Cf. Paragraphe 2 du Préambule de la Résolution 2507 45 Dans le cadre du régime de sanctions, le Comité est chargé de désigner des personnes ou entités conformément aux critères définis aux paragraphes 2072 et 2173 de la résolution 2399 (2018). 72 Cf. Paragraphe 20 de la résolution 2399 (2018) : Décide que les mesures visées aux paragraphes 9 et 16 s’appliquent aux personnes et entités que le Comité aura désignées comme se livrant ou apportant un appui à des actes qui compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité en République centrafricaine, notamment des actes qui menacent ou entravent la stabilisation et la réconciliation ou alimentent les violences 73 Décide également, à cet égard, que les mesures visées aux paragraphes 9 et 16 s’appliquent aussi aux individus et entités que le Comité aura désignés comme : a) Agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé au paragraphe 54 de la résolution 2127 (2013) et prorogé au paragraphe 1 de la présente résolution ou ayant directement ou indirectement fourni, vendu ou transféré à des groupes armés ou à des réseaux criminels opérant en République centrafricaine des armes ou du matériel connexe ou des conseils techniques, une formation ou une assistance, notamment financière, en rapport avec des activités violentes, ou en ayant été les destinataires ; b) Préparant, donnant l’ordre de commettre ou commettant, en République centrafricaine, des actes contraires au droit international des droits de l’homme ou au droit international humanitaire ou constituant des atteintes aux droits de l’homme ou des violations de ces droits, notamment des attaques dirigées contre des civils, attentats à motivation ethnique ou religieuse, attentats commis contre des biens de caractère civil, y compris des centres administratifs, des tribunaux, des écoles et des hôpitaux, enlèvements, déplacements forcés ; c) Préparant, donnant l’ordre de commettre ou commettant des actes de violence sexuelle ou sexiste en République centrafricaine ; d) Recrutant des enfants ou utilisant des enfants dans le conflit armé en République centrafricaine, en violation du droit international ; e) Apportant un appui à des groupes armés ou à des réseaux criminels par l’exploitation ou le trafic illicites de ressources naturelles de la République centrafricaine telles que les diamants, l’or, la faune et la flore sauvages ou les produits qui en sont tirés ; f) Faisant obstacle à l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à la République centrafricaine, à l’accès à cette aide ou à sa distribution dans le pays ; g) Préparant, donnant l’ordre de commettre, finançant ou commettant des attaques contre les missions de l’ONU ou les forces internationales de sécurité, notamment la MINUSCA, les missions de l’Union européenne et les forces françaises, déployées sous les conditions prévues au paragraphe 65 de la résolution 2387 (2017) et qui les soutiennent, ainsi que contre le personnel humanitaire ; h) Dirigeant une entité désignée par le Comité en application des paragraphes 36 et 37 de la résolution 2134 (2014), des paragraphes 11 et 12 de la résolution 2196 (2015), des paragraphes 12 et 13 de la résolution 2262 (2016) ou de la présente résolution, ou ayant apporté un soutien à une personne ou une entité désignée par le Comité en application des paragraphes 36 et 37 de la résolution 2134 (2014) des paragraphes 11 et 12 de la résolution 2196 (2015), des paragraphes 12 et 13 de la résolution 2262 (2016), des paragraphes 16 et 17 de la résolution 2339 (2017) ou de la présente résolution ou à une entité appartenant à une personne ou une entité désignée ou contrôlée par elle, ou ayant agi en son nom, pour son compte ou sur ses instruction 46 B- Le rôle du comité de suivi des sanctions et du groupe des expert Nous verrons d’une part, le mandat et les activités du comité (1) et d’autre part le mandat et les activités du groupe des experts (2). 1- Mandat et activités du Comité Le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013) concernant la République centrafricaine a été créé le 5 décembre 2013 pour suivre l’application des sanctions (embargo sur les armes) et pour s’acquitter des tâches prévues par le Conseil au paragraphe 57 de ladite résolution. Le Comité est composé des 15 membres du Conseil de sécurité et prend ses décisions par consensus. La présidence du Comité, pour la période se terminant le 31 décembre 2020, est assurée par Son Excellence M. Abdou Abarry (Niger). La vice-présidence est assurée par le Viet Nam pour 2020. Il établit des rapports annuels sur ses activités. Il a mis en place des directives régissant la conduite de ses travaux. Ses réunions officielles et informelles sont annoncées dans le Journal des Nations Unies. Les activités du Comité sont appuyées par le Groupe d’experts, dont les tâches sont définies au paragraphe 32 de la résolution 2399 (2018) et dont le mandat a été prorogé par la résolution 2507 (2020). Le Comité est chargé de l’exécution du mandat suivant : o Suivre l’application des mesures imposées aux paragraphes 54 et 55 de la résolution 2127 (2013) et aux paragraphes 30 et 32 de la résolution 2134 (2014), reconduites au paragraphe 24 de la résolution 2399 (2018), en vue de renforcer, de faciliter et d’améliorer l’application de ces mesures par les États Membres ; o Passer en revue les informations concernant les personnes et entités qui se livreraient à des actes décrits aux paragraphes 20 et 21 de la résolution 2399 (2018) ; o Soumettre au Conseil un rapport sur ses activités et faire ensuite rapport au Conseil chaque fois que le Comité l’estimera nécessaire ; o Favoriser le dialogue entre le Comité et les États Membres intéressés, en particulier ceux de la région, notamment en invitant leurs représentants à le rencontrer afin d’examiner l’application des mesures ; 47 o Demander à tous les États toutes informations qu’il jugerait utiles concernant les initiatives que ceux-ci ont prises pour que les mesures soient appliquées de façon effective. 2- Mandat et Activités du groupe des expert Le Groupe est composé de cinq membres qui travaillent depuis leur lieu de résidence. Son mandat a été établi par le paragraphe 59 de la résolution 2127 (2013) pour une période initiale de 13 mois, et prorogé conformément au paragraphe 32 de la résolution 2399 (2018), dont les dispositions ont été réaffirmées par la résolution 2507 (2020) qui proroge son mandat jusqu’au 31 Août 2020. Le Groupe est chargé de l’exécution du mandat suivant : - Aider le Comité à s’acquitter du mandat défini dans la résolution 2399 (2018) et prorogé par la résolution 2507 (2020) ; - Réunir, examiner et analyser toutes informations provenant des États, des organismes des Nations Unies compétents, d’organisations régionales et d’autres parties intéressées concernant l’application des mesures édictées dans la résolution 2399 (2018) et réaffirmées par la résolution 2507 (2020) en particulier les violations de ses dispositions ; - Remettre au Conseil de sécurité, après concertation avec le Comité, un rapport final le 15 juillet 2020 au plus tard (paragraphe 7 de la résolution 2507 (2020) ; - Présenter des mises à jour au Comité, en particulier dans les situations d’urgence ou lorsque le Groupe d’experts le juge nécessaire ; - Aider le Comité à préciser et à actualiser les informations concernant la liste des personnes et entités désignées par le Comité conformément aux critères réaffirmés aux paragraphes 20 et 21 de la résolution 2399 (2018), notamment en fournissant des données biométriques et d’autres renseignements pouvant servir à établir le résumé des motifs présidant à leur inscription sur la liste ; - Aider le Comité en lui fournissant des renseignements sur les individus et entités susceptibles de remplir les critères de désignation énoncés aux paragraphes 20 et 21 de la résolution 2399 (2018) , notamment en communiquant ces renseignements au Comité à mesure qu’ils deviennent disponibles, faire figurer dans ses rapports écrits 48 les noms des individus et entités à inscrire, les informations permettant de les identifier et tous éléments tendant à montrer que ces critères de désignation sont réunis; - Recueillir, en coopération avec la MINUSCA, tout élément attestant d’actes d’incitation à la violence, en particulier à motivation ethnique ou religieuse, qui compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité en République centrafricaine, et permettant d’identifier les auteurs de tels actes, et en rendre compte au Comité ; - Coopérer avec l’Équipe de suivi du Processus de Kimberley pour la République centrafricaine pour appuyer la reprise des exportations de diamants bruts en provenance de la République centrafricaine et signaler au Comité si la reprise du commerce déstabilise le pays ou profite à des groupes armés. En définitive, notons que la sanction d’embargos sur les armes en RCA se justifie aussi dans la nécessité d’un retour à normale afin de faciliter les bons offices de l’Etat dans le cadre de la R2P. Car la responsabilité de protéger incombe avant tout à l’Etat. 49 CHAPITRE 2 : L’ETAT CENTRAFRICAIN DANS LA MISE ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER La résolution 60/1 de l’Assemblée générale des Nations unies du 16 septembre 2005 consacre deux R2P : la principale, celle de l’État qui doit protéger ses populations de quatre crimes limitativement énumérés : « génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité » et celle, subsidiaire, de la communauté internationale qui peut, sur autorisation du secrétaire général des Nations unies, se substituer à l’État qui manque à son obligation. A cet effet, nous verrons dans ce présent chapitre le régime juridique de la mise en œuvre de la R2P en RCA (Section 1) ; ce qui va nous conduire à étudier les actions effectives de l’Etat centrafricain en vue de cette fin (Section 2) Section 1 : Le régime juridique de la mise en œuvre de la responsabilité de protéger en RCA Il s’agit d’étudier d’une part les textes en application (paragraphe 1) et d’autre part les institutions en charges (Paragraphe 2). Paragrahe1 : Les textes en application Depuis son apparition dans le corpus des règles juridiques internationales, le concept de R2P a conduit notamment les Etats sous les auspices de l’ONU à mettre en place le projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (B). Bien que ce texte joue un rôle important dans la mise en œuvre de la R2P, toutefois il existe certains textes au niveau national qui font objet de la responsabilité de l’Etat comme garant de la protection des personnes visant sur son territoire. Ainsi nous verrons à cet effet le texte en question dans le cadre de notre étude sur la RCA à savoir la Constitution du 30 Mars 2016 (A) A- La constitution du 30 Mars 2016 Adoptée par décret N°160218 du 30 Mars 2016, la Constitution centrafricaine mentionne de manière explicite des garanties fondamentales de libertés liées à toute personne vivant sur le territoire. Ses garanties sont mentionnées au Titre I notamment aux 50 articles 1 à 23 de la Constitution. Certes ses articles ne mentionnent pas de façon explicite la notion de la R2P, mais l’on peut par ricochet les admettre à cette notion car les garanties promues sont mises en œuvre par l’Etat en respectant la constitution qui est l’acte fondamentale. Par ailleurs on voit que l’article 29 mentionne de son côté de manière plus précise et plus rapprochée de la notion du R2P. L’article 29 stipule : « En cas de coup d’Etat, d’agression par un Etat tier ou des mercenaires, les autorités habilitées par la Constitution ont le droit et le devoir de recourir à tous les moyens pour rétablir la légalité constitutionnelle, y compris le recours aux accords de coopération militaire ou de défense en vigueur »74. Le paragraphe 2 de cet article va un peu plus loin en demandant même au citoyens ou groupes de citoyens de se constituer en défense si de telle circonstances se produisent75. A la lecture de ses différents articles, l’on constate que l’Etat est en effet le premier garant de la protection des citoyens centrafricains et de toute personne vivant sur le territoire. La Constitution permet ainsi, en cas de manquement à cette obligation de soulever la responsabilité de l’Etat. B- Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement illicite L’article premier du Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement illicite stipule : « Tout fait internationalement illicite de l’Etat engage sa responsabilité internationale 76». L’article 2 dudit projet donne une définition du fait internationalement illicites en mentionnant les éléments du fait internationalement illicite de l’Etat en ses termes : « Il y a fait internationalement illicite de l’Etat lorsqu’un comportement consistant en une action ou une omission : 74 Cf. article 29 de la Constitution centrafricaine du 30 Mars 2016. 75 Article 29, Paragraphe 2 : « Dans ses circonstances tout citoyen ou groupes de citoyens a le droit et le devoir de s’organiser d’une manière pacifique, pour faire échec à l’autorité illégitime ». 76 Cf. Article 1du Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement illicite 51 Est attribuable à l’Etat en vertu du droit international ; et b) Constitue une violation d’une obligation internationale de l’Etat »77. En partant de cette définition, nous constatons qu’elle élargie le champ de l’application de la notion de R2P. car si l’on se tient aux intentions du Conseil de sécurité de l’ONU dans les affaires telles que celle de la Libye, la R2P a été utilisée selon le Conseil, pour répondre au manquement du Gouvernement libyen d’assurer la protection de la population civile. En effet, dans son rapport du 12 Janvier 2009, concernant la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, le Secrétaire général des Nations unies a soutenu que le concept de la R2P, tel qu’il ressort du Document final du Sommet de 2005, repose sur trois piliers ne sont pas hiérarchisés et ont une importance égale78. Ils doivent être envisagés ensemble, sans quoi le principe du devoir de protection serait incomplet. Le Conseil a qualifié ce manquement comme étant une violation d’une obligation du droit international notamment la protection des civils79. Cependant en ce qui concerne la RCA, l’article 10 alinéa 1 du Projet d’article sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite montre avec précision que la Responsabilité de l’Etat centrafricain est en effet engagée. Car cet article stipule : « Le comportement d’un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement de l’Etat est considéré comme un fait de cet Etat d’après le droit international ». En effet, la rébellion a réussi à prendre le pouvoir en Mars 2013 et les éléments armés de cette rébellion ont commis des exactions graves des droits humains, allant des crimes de guerre au crime contre l’humanité tel que le rappelle la Résolution 2127 du 5 décembre 2013. Et par ailleurs leurs responsables qui étaient les gouvernants n’arrivaient guerre à protéger la population civile ce qui a entrainé les différents régimes de sanction que connaît la RCA et plus particulièrement les régimes de la sanction d’embargos sur les armes. 77 Cf. Article 2 du Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement illicite 78 Organisation des Nations unies, La mise en œuvre de la responsabilité de protéger, Rapport du Secrétaire général des Nations unies, document A/63/677, 12 janvier 2009 79 Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité, le 26 février 2011, la résolution 1970 (2011) dans laquelle il a rappelé que les autorités libyennes ont la responsabilité de protéger le peuple libyen, a condamné la violence et l’usage de la force contre les civils et a regretté les violations flagrantes et systématiques des Droits de l’Homme. 52 Paragraphe 2 : Les institutions en charge Il s’agit entre et autre du ministère de la Défense nationale (A) et du ministère de la Justice (B). A- Le ministère de la défense Crée en 1960 après l’indépendance du pays, le ministère de défense et des armées est chargé de veiller à la sécurité du pays et est également à la charge des anciens-combattants. Il est composé de trois département à l’origine80 avant d’être complété par un quatrième l’OCRB (Office Centrafricaine de Répression contre le Banditisme) en 199881. Le secteur de la sécurité en RCA va bien au-delà des systèmes centraux chargés de la défense nationale et de la sécurité de l’Etat. Ainsi, pour avoir une image complète, les organismes paramilitaires, les acteurs non-étatiques de surveillance et de contrôle et les partenaires internationaux doivent être examinés. Similaire à d’autres anciennes colonies françaises, le noyau du secteur de la sécurité de la RCA comporte une série de services : l’armée ; les Forces armées de la République centrafricaine (FACA), la Gendarmerie nationale, une force militaire chargée de missions de police, des Forces aériennes, de modestes Forces navales et fluviales, la Garde républicaine, la Police nationale et un service de la sécurité nationale chargé des Renseignements étatiques. La mission et la fonction de la plupart de ces forces et services ont récemment été stipulées dans la loi numéro 99.107 en date du 24 octobre 1999 et dans le décret 00.230 du 3 octobre 2000. Le décret 00.230 du 3 octobre 2000, en application de la loi No 99.018 du 24 octobre 1999, établit le Conseil suprême de la défense nationale (CSDN), présidé par le chef de l’Etat 82. Le CSDN sert d’organisme consultatif rattaché à la Présidence et est chargé des questions relatives à la 80 Le Département des forces armées centrafricaines, le Département de la Gendarmerie et le Département de la Police faisaient office du Ministère de la Défense et des Armées en RCA. 81 C’est un département des commandos de polices chargés de réprimer les bandits et d’intervenir pour des situations alarmantes dans les banlieues. 82 BOUBACAR N’diaye, Défis et opportunités pour une réforme du secteur de la sécurité en République centrafricaine. P. 2 53 défense nationale (incluant, de façon générale, la défense économique, civile, interne et externe.) Cet important organisme a pour mission d’évaluer les menaces et les risques, à la fois internes et externes, et d’élaborer des réponses efficaces pour les contrer. En outre, le Conseil est chargé de coordonner les différents éléments de la défense nationale, à l’aide de quatre sous-commissions où sont représentés un certain nombre de ministères clés. Il semble que, jusqu’à présent, le CSDN n’a pas eu les moyens ni l’opportunité de jouer son rôle pleinement. Toutefois, s’il est reformulé, le Conseil dispose des capacités et du potentiel nécessaires pour contribuer considérablement à l’élaboration et la coordination d’une initiative de Réforme du Secteur Sécuritaire (RSS). Les autres services de l’Etat associés à la sécurité incluent les douanes et les services des eaux et forêts et l’autorité judicaire, y compris le contrôle de travail des officiers de police judiciaire, la politique pénale, et le système de gestion des prisons. Pour les sociétés privées de sécurité des règlementations plus formelles et systématiques n’ont pas encore été imposées par l’Etat. Dans le cas de la République Centrafricaine et d’autres pays sortant de la guerre civile, les anciens combattants, les milices ethniques/politiques résiduelles, les groupes armés d’autodéfense (comme les « archers »), les groupes rebelles autoproclamés à la frontière entre le Soudan et le Tchad, les bandits armés qui harcèlent les passants sur les pistes rurales (appelés Zaraguinas), font aussi partie du secteur de la sécurité. Il est important de noter que, malgré de graves difficultés d’ordre sécuritaire, le phénomène des enfants soldats, qu’ont connu d’autres pays en guerre, semble avoir généralement épargné la RCA83. Les organismes constitutionnels, juridiques, politiques ou les de facto organismes de surveillance font également partie du secteur de la sécurité et leurs rôles, aptitudes et potentiel seront examinés et incorporés dans cet exercice ; ceci inclut notamment l’assemblée nationale, par le biais de ses Commissions chargées de la défense nationale et de la sécurité et les organisations de la société civile procédant au suivi des problèmes et questions liés à la sécurité84. 83 BOUBACAR N’diaye, Défis et opportunités pour une réforme du secteur de la sécurité en République centrafricaine, P2 84 BOUBACAR N’diaye, Défis et opportunités pour une réforme du secteur de la sécurité en République centrafricaine, P.3 54 B- Le ministère de la justice Au sortir de la période coloniale, l‘organisation judiciaire centrafricaine était plutôt sommaire. On comptait trois Tribunaux de Première Instance (à Bangui, Bambari et Berberati) ainsi qu‘une quarantaine de justices de paix ; la juridiction d‘appel était à Brazzaville, la Cour de Cassation de Paris coiffant l‘ensemble de ce dispositif juridictionnel. Toutefois, dès le 18 octobre 1960, la création d‘une juridiction d‘appel à Bangui consacre la caducité du système juridictionnel en vigueur dans l‘ex-AEF, une évolution confirmée par les lois 61/183 du 15 février 1961 et 61/249 du 15 novembre 1961, modifiée par la loi 63/418 du 26 novembre 1963, qui ont mis en place une organisation judiciaire propre à la RCA. La Cour Suprême fut donc installée le 2 mai 1962. En 1965 est intervenue une réforme importante de l‘organisation judiciaire, qui a abouti à la suppression des tribunaux de droit traditionnel85. La RCA dispose aujourd‘hui d‘un organigramme juridictionnel beaucoup plus achevé, au sein duquel coexistent des juridictions de l‘ordre judiciaire et de l‘ordre administratif. Malheureusement, les performances de ces juridictions sont limitées, en raison des diverses carences du système judiciaire : un budget insignifiant, un déficit en ressources humaines et en moyens matériels, des infrastructures judiciaires et pénitentiaires dégradées, l‘obsolescence de pans entiers du droit positif, une absence de formation continue et de recyclage des professionnels de la justice86. Le ministère de la Justice, Garde des Sceaux (MJGS), a été amputé de son appellation précédente de « ministère de la Justice et des Droits de l‘Homme, Chargé de la Réforme du Droit », appellation qui reflétait à merveille la mission naturelle et première de ce département de souveraineté de l‘État. En effet, les premiers textes relatifs à l‘organisation interne du ministère de la Justice remontent au début des années 196087. Il a été créé peu après, aux côtés du cabinet du Garde 85 Car les prérogatives des chefs coutumiers sont désormais limitées à un pouvoir de conciliation, qui relève de la « justice gracieuse » 86 Jocelyn Ngoumbango Kohetto, L’accès au droit et à la justice des citoyens en République centrafricaine, Thèse soutenue en Septembre 2013, P.118 87 cf. L’arrêté 6911 du 7 août 1963 et décret 64/220 du 04 juillet 1964 modifié par le décret n° 69/097 du 28 mars 1969 55 des Sceaux, une Direction générale des services judiciaires organisée autour de trois pôles : la Direction des Affaires civiles et du Sceau, la Direction des Affaires criminelles et des grâces, et la Direction de l‘Administration Pénitentiaire (DAP) qui a été transférée du ministère de l‘Intérieur au ministère de la Justice en vertu du décret n° 80/345 du 25 juin 1980. On notera également que le décret n° 91/137 du 1er juin 1991 a créé une Inspection Générale des Services Judiciaires (IGSJ) qui a pris le relais d‘un service ayant des attributions comparables, la Direction de la Mission Mobile Judiciaire. Au cours de la dernière décennie, l‘appareil judiciaire s‘est complètement étoffé, les évolutions les plus notables intervenus au niveau des juridictions ayant été d‘une part le démembrement en 1995 de la Cour Suprême (qui a éclaté en quatre nouvelles juridictions : la Cour de Cassation88, le Conseil d‘État89, la Cour des Comptes90 et la Cour Constitutionnelle91) et, d‘autre part, la création de deux nouvelles Cours d‘Appel, à Bouar et à Bambari. Ces mutations qui se sont accompagnées d‘une relative croissance des effectifs du personnel ont rendu obsolète l‘organigramme du ministère de la Justice dont la structure, jusqu‘en 2005, était réduite à un chef de cabinet, un directeur général, cinq directions et dix services (cf. décret n° 94.084 du 4 mars 1994 relatif à l‘organisation du ministère de la Justice). L‘adoption d‘un nouvel organigramme du ministère de la Justice visait à répondre à quatre préoccupations s‘inscrivant dans la réforme du secteur judiciaire : o Une meilleure administration et gestion des personnels ; o Un renforcement des capacités des personnels (formation continue) ; o Une stratégie efficace en matière de réalisation d‘équipements et d‘investissements dans le secteur de la justice ; o l‘actualisation du droit national, afin de tenir compte des « exigences de la mondialisation économique et financière ainsi que du mouvement de rapprochement des institutions et d‘harmonisation du droit des États 88 Article 111 de La Constitution Centrafricaine du 30Mars 2016 89 Article 115 de la Constitution du 30 Mars 2016 90 Article 118 de la Constitution du 30 Mars 2016 91 Article 95 de la Constitution centrafricaine du 30 Mars 2016 56 francophones , notamment dans le cadre du droit des affaires (OHADA), des assurances (Code CIMA), du pacte de non-agression ». Il s‘agissait de « répondre aux exigences d‘harmonisation imposée par l‘évolution du droit international et le processus d‘intégration régionale ». Le ministère de la Justice, Garde des Sceaux, est actuellement régi par le décret n° 05.039 du 21 février 2005, modifié et complété par le décret n° 08.440 du 28 novembre 2008 portant organisation et fonctionnement du ministère de la Justice et fixant les attributions du ministre. Sous l‘autorité du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, l‘organisation et le fonctionnement du ministère de la Justice sont animés par le Cabinet du ministre et une Inspection générale des services judiciaires elle-même rattachée au Cabinet92. L’étude des différentes institutions nous amène à voir les efforts effectués en vue de l’exercice de la R2P par l’Etat centrafricain. Section 2 : Les efforts effectués en vue de l’exercice de la responsabilité de protéger En RCA, plusieurs efforts ont été faits en vue de l’exercice de la responsabilité de protéger. Il s’agit entre et autre de la réforme du secteur de sécurité (Paragraphe 1), qui conduit au renforcement de l’Etat de droit (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : La réforme du secteur de sécurité Les fondements politiques du lien entre sécurité et développement doivent être recherchées dans les réflexions qui ont été menées au cours des années 1990 par plusieurs institutions internationales. Ainsi, l’édition 1994 du rapport annuel du PNUD sur le développement humain93, les consultations menées par la Banque mondiale dans environ soixante de ses pays partenaires, et ayant abouti à la publication du rapport intitulé Voices 92 93 Cf. Les Etats généraux de la Justice, Bangui, du 9 au 12 octobre 2008 Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), La liberté culturelle dans un monde diversifié : rapport mondial sur le développement humain, 2004 57 of the Poor94, et les travaux menés à Ottawa sur la sécurité humaine95 ont notamment souligné l’interdépendance entre conflit et pauvreté, ainsi qu’entre pauvreté et violence, et ont promu l’adoption d’une approche intégrée afin de répondre de manière efficace à l’insécurité. Pourtant, et malgré une popularité croissante dans le discours international, la RSS reste un concept largement contesté, et qui souffre d’un grand décalage entre les principes qu’il énonce, et leur mise en œuvre effective. Le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE a tenté de promouvoir une compréhension commune de la RSS, afin de faciliter l’adoption de politiques et de stratégies coordonnées. La définition de la RSS par le CAD relève d’une approche holistique, et comprend tous les acteurs, leurs rôles, responsabilités et actions, dans une synergie visant à assurer la gestion du système de façon cohérente avec les normes démocratiques et les principes de bonne gouvernance, contribuant ainsi au bon fonctionnement du cadre général sécuritaire96. Ainsi dans le cadre de la réforme du secteur de sécurité en RCA, le 19 décembre, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi de programmation militaire pour la période 2019-2023, prévoyant un montant de 374 millions au titre de dépenses destinées à mettre en œuvre la notion d’armée de garnison, telle que définie dans le plan national de défense97. Conformément à ce plan, qui vise à bâtir une armée de 9 800 soldats d’ici à 2023, le Gouvernement a lancé, le 5 novembre, la première campagne nationale de recrutement de 1 023 nouveaux éléments dans les 16 préfectures en usant de critères de sélection objectifs98. La MINUSCA a continué de fournir un appui technique et logistique aux autorités en vue d’assurer un recrutement sans exclusive grâce à l’application de quotas pour les recrues de toutes les préfectures et pour les femmes (15 %). Ainsi, nous verrons d’une part la formation 94 Deepa Narayan, Robert Chambers, Meera K. Shah et Patti Petesch (Banque mondiale), Voices of the Poor: crying out for change, Oxford University Press, 2000 (voy. chapitre VIII, Anxiety, fear and insecurities), p. 151-177. 95 International Commission on Intervention and State Sovereignty, « The Responsibility to Protect », Report of the International Commission on Intervention and State Sovereignty, Ottawa, ICSS, 2001. 96 Cf. Rapport Général du CAD de l’OCDE, Lignes directrices du CAD sur la réforme des systèmes de sécurité et la gouvernance, 2005 97 Cf. Le rapport du Conseil de Sécurité de l’ONU du 15 février 2019, Paragraphe 40, P. 9 98 Cf. Le Rapport du Conseil de Sécurité de L’ONU du 15février 2019, Paragraphe 41 ; P. 9 58 des éléments de l’armée nationales et des forces de défense (A) et ensuite le processus du DDRR (B). A- La formation des éléments de l’armée nationale Au 15 janvier 2019, 1 358 des 7 087 soldats des forces armées centrafricaines ont été déployés en dehors de Bangui99. Au total, 896 membres des forces armées centrafricaines formés par la Mission de formation de l’Union européenne et des experts militaires russes, ont été déployés dans sept localités où ils sont à l’œuvre aux côtés de la MINUSCA. En outre, 248 soldats sont actuellement formés par des experts militaires russes. La Mission a renforcé ses activités de planification et d’assistance technique à ces unités déployées à ces sept endroits, notamment par la planification conjointe et la coopération tactique. Elle a également accru son appui logistique limité à l’armée, notamment sous forme d’évacuation de blessés et d’alimentation en combustible dans des endroits plus reculés. La collaboration sur le terrain entre les forces armées centrafricaines et la MINUSCA continue d’être essentielle à l’amélioration de la protection des civils et à la réduction de la menace que constituent les groupes armés et les activités criminelles. Le Gouvernement a continué d’accomplir des progrès en matière de contrôle et de suivi des fautes commises par les forces de défense et de sécurité intérieure dans le cadre d’une action élargie menée, avec l’appui de la MINUSCA, pour améliorer la responsabilisation, la discipline et le respect des droits de l’homme au sein de ces institutions. De nombreux cas de conduite répréhensible ont été observés à Bambari, Obo et Paoua au cours de la période considérée, notamment des cas d’agression physique à l’encontre de civils et entre les éléments des Forces armées centrafricaines. L’Inspecteur général de l’armée et le Bureau du Procureur militaire, avec le concours de la MINUSCA, mènent des enquêtes sur ces affaires. Au cours de la période considérée, 97 gendarmes et 106 policiers ont été déployés dans les régions, principalement à l’ouest du pays, ce qui porte le nombre total d’agents des forces de sécurité intérieure nationales actuellement déployés en dehors de Bangui à 1 100 (729 gendarmes et 371 policiers)100. La MINUSCA a continué de coordonner la prestation d’une assistance 99 Cf. Le Rapport du Conseil de Sécurité de L’ONU du 15février 2019, Paragraphe 38 ; P. 8 100 Cf. Le Rapport du Conseil de Sécurité de L’ONU du 15février 2019 59 technique et l’organisation d’activités de formation par des partenaires internationaux. Le 20 novembre, 300 soldats des troisième et cinquième bataillon d’infanterie ont achevé un stage de remise à niveau de deux mois sur les techniques de pointe en la matière, assuré par des instructeurs russes. Le 6 décembre, la mission de formation de l’Union européenne a terminé la formation de 330 soldats du bataillon amphibie. La MINUSCA a organisé des réunions périodiques du Groupe de coordination internationale sur les forces de défense et de sécurité intérieure centrafricaines, pour mieux coordonner l’octroi d’un appui aux forces de défense et de sécurité, avec la participation de la Chine, des États-Unis d’Amérique, de la Fédération de Russie et de la France, et ainsi que de l’Union africaine, de la CEEAC et de l’Union européenne. Le 19 décembre, 248 gendarmes et 250 agents de police, recrutés avec le concours de la MINUSCA, ont achevé leur formation, complétée par des modules spécialisés, qui les préparaient à être déployés au sein d’unités antiémeutes. Leur déploiement reste limité faute de moyens logistiques, d’infrastructure et de matériel. Enfin, il faut noter que la MINUSCA, par l’intermédiaire du Service de la lutte antimines, a continué d’appuyer la gestion des armes et des munitions en aidant les forces nationales de défense et de sécurité intérieure dans le domaine de la planification de l’infrastructure101. La Mission a également dispensé des formations spécialisées sur la gestion des installations de stockage de munitions et d’armes, le marquage des armes et la destruction des munitions autonomes à certains membres des forces de défense nationale. L’objectif de la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) est donc de rétablir la confiance de la population en l’Etat comme fournisseur principal de Sécurité et de Justice conformément aux aspirations de celle-ci. Cette réforme vise non seulement les acteurs classiques de la Sécurité (tels que l’Armée, Police, Justice,) mais également les ‘thèmes transversaux (tels que Contrôle parlementaire, Rôle de la société civile et des média, …). Il s’agit donc d’une réforme délicate, holistique et globale qui s’inscrit dans la durée et dans le respect total de la souveraineté nationale du Partenaire. 101 Cf. Le Rapport du Conseil de Sécurité de L’ONU du 15février 2019 60 B- La mise en œuvre du processus DDRR Le 17 décembre, le Gouvernement a lancé le programme national de désarmement, de démobilisation, de rapatriement et de réintégration dans la partie occidentale du pays, à partir de Paoua, avec le concours de la MINUSCA. Les opérations de désarmement et de démobilisation à Bozoum et Paoua ont été achevées le 18 janvier. Au total, 137 excombattants, dont deux femmes, des deux factions Révolution et justice (Sayo et Belanga) et antibalaka/Ngaissona ont été désarmés et démobilisés. En outre, 103 armes de guerre, 93 grenades, 7 roquettes, 2 obus de mortier et 3 199 cartouches ont été collectées. Le Gouvernement avait l’intention de poursuivre ces opérations à Bouar et Koui, à la fin du mois de février. Pour compléter ces efforts, la MINUSCA a continué d’étendre son programme de lutte contre la violence de proximité dans huit localités, en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS). Dans le cadre de ce programme, à ce jour, 3 190 combattants, jeunes et membres de la communauté, dont 1 049 femmes, ont participé à des travaux de remise en état, des activités de cohésion sociale et des activités rémunératrices menés à bien en partenariat avec l’UNOPS. Du 15 octobre 2018 au 28 janvier 2019, 205 armes de guerre, 4 466 armes artisanales, 132 munitions non explosées et 14 506 munitions d’armes légères ont été collectées au titre de ces programmes. La stratégie nationale de lutte contre la violence de proximité, élaborée avec l’aide de la MINUSCA, en consultation avec l’équipe de pays des Nations Unies et les partenaires nationaux et internationaux, a été transmise au Gouvernement pour approbation le 30 novembre. La stratégie offre un cadre général d’harmonisation des positions de tous les partenaires nationaux et internationaux participant à la conception et à la mise en œuvre de programmes de lutte contre la violence de proximité. Paragraphe 2 : Le renforcement de l’Etat de droit A- Le retour progressif de l’autorité de l’Etat dans les zones occupées Malgré les progrès accomplis dans le redéploiement des préfets, sous-préfets, forces armées et forces de sécurité intérieure, la projection de l’autorité de l’État en dehors de Bangui reste minime et son incidence limitée. L’action du Gouvernement est entravée par l’insuffisance des moyens, le manque de ressources des institutions publiques et le legs de 61 décennies de mauvaise gouvernance, de pauvreté, d’inégalités dans la répartition des ressources, de faible niveau d’instruction et de services publics restreints, soulignant la nécessité constante non seulement de renforcer la présence de l’Etat en dehors de Bangui, mais aussi de développer les capacités du Gouvernement central. La MINUSCA et l’équipe de pays des Nations Unies ont continué d’aider le Gouvernement à mettre en œuvre sa stratégie de rétablissement de l’autorité de l’État. La Mission et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont aidé le Ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et du développement local à effectuer les vérifications nécessaires permettant de cartographier la présence de fonctionnaires des préfectures et de recueillir les données destinées à mettre en lumière les lacunes qu’aura à évaluer le Premier Ministre, en sa qualité de Président du Comité de coordination et de suivi de la mise en œuvre de la stratégie. L’absence de banques en dehors de la capitale et les difficultés qui en découlent au titre du versement des traitements demeurent un obstacle de taille au déploiement de l’administration locale. La MINUSCA, le PNUD et la Banque mondiale continuent de collaborer avec le Gouvernement dans le cadre de l’examen de propositions émanant des institutions bancaires et de plaider avec les sociétés de télécommunications en faveur de solutions bancaires en ligne qui offriraient la possibilité de remédier à ce problème. Par ailleurs, les moyens d’action et le fonctionnement des structures judiciaires et pénitentiaires nationales en dehors de Bangui sont demeurés limités, 15 tribunaux sur 27 de première instance et cours d’appel commençant à être opérationnels, dont 13 hors de Bangui. La Cour d’appel de Bangui, avec l’appui de la MINUSCA, a jugé 1_6 affaires pénales au cours de sa deuxième audience pénale de 2018, du 19 novembre au 20 décembre, dont six étaient avaient trait au conflit et ont abouti à la condamnation de trois accusés ex-Séléka et quatre accusés anti-balaka. La MINUSCA continu de fournir un appui technique aux autorités judiciaires enquêtant sur les différentes affaires liées à la crise et aux violations des droits de l’homme. La Cour pénale spéciale a marqué une étape importante avec sa séance inaugurale, le 22 octobre, marquant l’ouverture des enquêtes, suivie de la publication de la stratégie en matière de poursuites de la Cour, le 4 décembre. Durant la période considérée, la Mission a continué d’appliquer ses mesures temporaires d’urgence qui lui ont permis d’appréhender 54 personnes soupçonnées d’avoir commis divers crimes, notamment des meurtres, des viols, des enlèvements, des vols à main armée, des actes de torture et des pillages et d’avoir détenu illégalement des armes. Le 9 janvier 2019, le Gouvernement a approuvé une stratégie nationale de démilitarisation du système pénitentiaire, en même 62 temps que des politiques de santé et de réinsertion sociale des détenus, élaborées avec le soutien de la Mission. Le recrutement de 150 nouveaux agents pénitentiaires civils achevé le 22 novembre attend actuellement d’être approuvé par le Gouvernement de sorte que leur formation puisse commencer. La MINUSCA a continué de renforcer l’encadrement et la formation en matière de sécurité dans les prisons, ce qui a abouti au règlement d ’au moins quatre problèmes de sécurité majeurs, dont une tentative d’évasion et une mutinerie. Elle a également assuré une formation en cours d’emploi à la première équipe d’intervention pénitentiaire nationale, qui sera déployée aux côtés de son équipe d’administration pénitentiaire. B- Le Processus politique africaine en vue du retour de l’autorité de l’Etat L’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, qui a commencé ses activités en novembre 2017, a permis de faire des progrès vers la réalisation des objectifs énoncés dans sa feuille de route102. En organisant des réunions à Bangui et en effectuant plusieurs visites dans le pays, le groupe de facilitateurs de l’Union africaine a recueilli les revendications des différents groupes, qui servent maintenant de base au dialogue devant avoir lieu en vue de conclure un accord de paix entre le Gouvernement et les 14 groupes armés. Conformément au calendrier adopté par l’Initiative africaine, une série d’ateliers et de séminaires de formation ont eu lieu afin de préparer le dialogue qui a abouti à l’accord de Khartoum du 6 février 2019 et de renforcer les capacités des principales parties prenantes, notamment le groupe de facilitateurs, le Gouvernement, les 14 groupes armés et la société civile. Parallèlement à l’Initiative africaine, des actions de médiation sont également en fait au niveau local, menées notamment par la MINUSCA, les autorités nationales et les chefs religieux. Ces actions, auxquelles participent divers acteurs (groupes armés, autorités locales, société civile et groupes religieux) et qui prennent différentes formes (formelle ou informelle), visent à créer un climat propice au règlement de la dynamique des conflits au niveau local et à permettre le retour effectif de l’autorité de l’Etat. Ses différents pourparlers ont permis la signature de certains accords. Nous pouvons citer en exemple l’accord signé à 102 L’UA a mis en place une feuille de route en Février 2015 pour la sortie de crise en RCA avec plusieurs points, notamment le retour effectif de l’autorité de l’Etat. 63 Bouar le 15 décembre 2017 par des groupes armés et les autorités locales sous l’égide de la MINUSCA, et celui du 9 Avril 2018 à Bangassou par des groupes d’autodéfenses ainsi que les personnes déplacées sous l’égide de la plateforme des confessions religieuses. D’autres initiatives ont abouti sans que des accords officiels soient signés (à Bossangoa et Bambari)103. Le Gouvernement a également engagé le dialogue avec les groupes armés par l’intermédiaire du conseiller du Président pour les questions de sécurité nationale, un représentant de nationalité russe nommé à ce poste dans le cadre de la coopération entre les Gouvernements centrafricain et russe, qui a rencontré à plusieurs reprises des chefs des groupes armés pour s’entretenir de questions liées, entre autres, au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration, à la réconciliation nationale et au partage des revenus de l’exploitation des ressources naturelles entre les autorités locales et nationales104. 103 Il y’a eu en Novembre et décembre 2019 des accords entre les autorités locales et les groupes armés de la ville de Bossangoa au Nord-Ouest et à Bambari, ville située au centre de la RCA. 104 Cf. Paragraphe 5 du Rapport du groupe des experts sur la RCA de 2019. 64 DEUXIEME PARTIE : LA SANCTION D’EMBARGO SUR LES ARMES UNE ENTRAVE A LA RESPONSABILITE DE PROTEGER Nous venons de voir l’importance et la justification de la sanction d’embargos sur les armes en RCA. Mais toutes fois cette sanction de par son caractère présente des failles aussi dans son application que son maintien. Cette situation nous conduit à émettre des doutes sur l’efficacité de cet embargo (Chapitre 1) et à voir les défis majeurs à relever (Chapitre 2). CHAPITRE I : UN EMBARGO A L’EFFICACITE DISCUTABLE L’embargo sur les armes en RCA est certes un atout pour le retour à la normale, mais son renouvellement multiple de par les différentes résolutions du Conseil de Sécurité et l’analyse de la situation sécuritaire actuelle, laisse planer des doutes sur l’efficacité de cette sanction d’embargo à l’encontre du pays. On assiste en effet, d’une part à la défaillance de l’Etat centrafricain dans sa responsabilité de protéger (Section 1) du fait de l’embargos sur les armes. Cette situation engendre des conséquences liées à la sanction d’embargos (Section 2) Section 1 : La défaillance de l’Etat centrafricain dans sa responsabilité de protéger du fait de l’embargo sur les armes Depuis 2013, la RCA est devenue le théâtre des seigneurs de guerre sans foi, ni loi. L’Etat centrafricain a perdu sa souveraineté. La présence des agents de l’Etat ne se limite qu’au niveau de la capitale et le reste du territoire est occupé et géré par des roupes rebelles. Ce qui nous conduit à observer une absence de l’autorité étatique (Paragraphe 1). Cette absence de l’autorité de l’Etat permet en effet un renforcement des groupes armés sur l’étendue du territoire (Paragraphe 2) Paragraphe 1 : La RCA un Etat en faillite Le concept d’Etat en faillite est généralement utilisé pour décrire la situation d’un Etat qui se retrouve dans l’incapacité d’assumer ses fonctions régaliennes de base à la suite de l’effondrement total ou partiel de ses institutions gouvernementales et administratives. Le concept demeure toutefois controversé en droit international. Il est rejeté par une partie minoritaire de la doctrine et fait l’objet d’interprétations différentes par celle qui l’admet, tant en ce qui concerne son contenu que pour ses implications juridiques105. Cette notion est apparue dans la doctrine politiste américaine au début des années 1990. Elle est utilisée pour décrire un Etat « absolument incapable de se maintenir comme membre de la communauté internationale, en raison notamment de l’effondrement de ses institutions, disaient Helman 105 Illy Ousseni. « L’État en faillite » en droit international, In Revue Québécoise de droit international, volume 28-2, 2015. p. 54 65 et Ratner106. En effet, la crise que traverse la RCA depuis 2013 est marquée par l’absence de l’autorité étatique dans les zones occupée par les groupes armés (A) et l’impuissance de l’Etat centrafricain d’assumer ses missions régaliennes (B) A- L’absence de l’autorité étatique dans les zones occupées Selon la conception extensive de la faillite de l’Etat, l’État en faillite est un État qui se retrouve dans une incapacité liée à l’ineffectivité de ses autorités politiques et administratives ; car l’Etat est souvent défini comme une structure politico-administrative qui revendique avec succès le monopole de la contrainte physique légitime sur une population habitant un territoire donné107. Pour Illy OUSSENI, l’ineffectivité de l’autorité politique et administrative, qui incarne l’Etat, signifie la perte de ce monopole avec toutes les conséquences qui s’ensuivent108. Dans la conception extensive de l’Etat en faillite, la perte du monopole de la contrainte légitime est un élément essentiel. Ainsi, d’après Gérard Cahin, la défaillance de l’Etat entraine la dégradation de la souveraineté interne à travers l’affaiblissement exclusif de la souveraineté territoriale109. Pour William Zartman, la faillite de l’Etat se traduit par la perte de contrôle de l’espace politique et économique 110. Enfin, pour Chiara Giorgetti, le droit international considère comme Etats faillis les Etats dépourvus d’un gouvernement effectif111. De toutes ses différentes définitions seules les deux premières cadrent avec notre recherche. En effet, La RCA, dont l’histoire est marquée par de nombreuses instabilités, a connu pour sa part une rechute en mars 2013, avec le renversement de l’ex-président François Bozizé et l’installation des rebelles de la Séléka au pouvoir. Une confusion indescriptible s’en était suivie, avec la faillite quasi totale des institutions et de l’autorité de l’État, livrant les populations à de multiples exactions. Depuis 2013 les ¾ du territoire centrafricain se trouvent sous contrôle des groupes armés. Chaque roupe établie son administration et gouverne à sa guise. Malgré le retour à l’ordre constitutionnel en 2016, certaines portions du territoire sont sous domination de ses groupes. En exemple en 2018 106 Gerald B Helman et Steven R Ratner, « Saving Failed States » (1992), P.3 107 Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1971 p 57. 108 Illy Ousseni. « L’État en faillite » en droit international, In Revue Québécoise de droit international, volume 28-2, 2015. p.56 109 Gérard Cahin, « Le droit international face aux États défaillants », SFDI, L’Etat dans la mondialisation, Colloque de Nancy, Paris, Pedone, 2013 110 William Zartman, Collapsed States : The Disintegration and Restoration of Legitimate Authority, Londres, Lynne Rienner, 1995 ; P. 9 111 Chiara Giorgetti, A Principled Approach to State Failure : International Community Actions in Emergency Situations, Leyde, Martinus Nijhoff, 2010 66 pour des missions de la campagne de la vaccination contre la poliomyélite il faut négocier avec les groupes armés pour pouvoir aller dans ses zones. Dernièrement certains agents de l’ANE dans le cadre de l’enrôlement des électeurs sur la liste électorale en vue des élections de Décembre 2020, ont été chassé de Bambouti, une ville dans l’Est de la RCA. Par ailleurs les barrières sont érigées sur certains axes par ses groupes armés et l’administration est aussi géré dans les zones occupées par les groupes armés. En exemple en 2017 certains maires sont nommés par les leaders des groupes armés. Tous ses éléments de fait montre à quel point l’Etat centrafricain est un Etat failli. B- L’Impuissance de l’Etat centrafricain d’assumer ses missions régaliennes L’État n’est pas une structure qui doit seulement revendiquer le monopole de la contrainte physique légitime. Il a des missions vis-à-vis de ses populations qu’il doit remplir. Parmi ces missions, il y a celles dites régaliennes, à savoir la sécurité, le maintien de l’ordre, la justice, la défense et la diplomatie, mais il y a également les missions dites de base que sont l’éducation, la santé, la nourriture, l’eau potable, les infrastructures, les transports, l’électricité, etc. Lorsqu’un État est incapable d’exercer ces fonctions ou de fournir ces services en raison de la défaillance de ses institutions et en particulier de son gouvernement, il sera alors considéré, dans l’acception large, comme un Etat en faillite. Ainsi, pour Gérard Cahin, « peut être considéré comme Etat défaillant, l’Etat qui est dans l’incapacité d’exercer tout ou partie de ses fonctions régaliennes de base en raison de la disparition totale ou partielle d’une autorité politique effective sur son territoire112 ». Pour Serge Sur, le phénomène de la faillite de l’État met en exergue un appareil d’État qui « ne peut plus remplir ses fonctions essentielles, et spécialement assurer la sécurité physique de sa population 113». Quant à Kamal Bayramzadeh, il pense que la faillite de l’Etat se traduit aussi dans « la dégradation de la sécurité et des services publics, comme l’éducation ou la santé 114 ». Enfin, pour William Zartman, la faillite signifie que les fonctions essentielles de l’État ne sont plus remplies : « en tant que centre d’impulsion et de décision, l’État est paralysé et inopérant ; en tant que symbole d’identité, il ne représente plus grand-chose aux yeux de sa population ; en tant que territoire, il n’est plus sécurisé ; en tant qu’organisation politique, il a perdu sa légitimité ; et en tant qu’organisation socio-économique, ses biens sont détruits et il n’a plus le soutien de sa population, qui par ailleurs n’attend plus rien de lui115 ». En effet, la crise de 2003 a entrainé la chute de l’Etat centrafricain qui n’est plus en mesure d’assumer ses fonctions régaliennes. Les administrations dans les zones occupées sont 112 Gérard Cahin, « Le droit international face aux États défaillants », SFDI, L’Etat dans la mondialisation, Paris, Pedone, 2013, P.114 113 114 Kamal Bayramzadeh, « Les États faillis et le terrorisme transnational » (2015) 1 Revue de la Faculté de droit de l’Université de Liège, 1999 ; P.103 115 William Zartman, Collapsed States : The Disintegration and Restoration of Legitimate Authority, Londres, Lynne Rienner, 1995 ; P. 9 67 dirigées par les leaders des groupes armés. La protection des civils est assumée par ses groupes armés qui font la loi et commettent des crimes graves, allant des crimes de guerre à des crimes contre l’humanité. Face à cette défaillance et à l’impuissance de l’Etat centrafricain d’assumer ses fonctions régaliennes du fait de l’embargo sur les armes, on assiste cependant à un renforcement des positions des groupes armés malgré la sanction d’embargo sur les armes. Paragraphe 2 : Le renforcement des positions des combattants Les relations entre le Gouvernement et l’ex-Séléka sont de plus en plus tendues. Si l’exSéléka a durci ses positions, c’est en grande partie parce qu’elle a l’impression que le Gouvernement, qui a gagné en puissance opérationnelle en acquérant récemment des armes, privilégie une solution militaire et aligne sa position sur celle d’individus que le Groupe d’experts a qualifiés de « bellicistes » dans son rapport final de 2017. On assiste ainsi à une dynamique des trafics d’armes au sein des groupes armés (A) et un regain des violences sur le territoire centrafricain (B) A- La dynamique des trafics d’armes au sein des groupes amés Le fait que le Gouvernement ait récemment acquis des armes a incité les factions de l’exSéléka à se réarmer. Certains de leurs éléments ont informé le Groupe d’experts que, puisque le Gouvernement privilégiait l’option militaire (formation, réarmement et attaque) plutôt que le processus politique, les groupes armés devaient se préparer. Notons que la RCA éprouve de sérieuses difficultés à affirmer sa souveraineté en zones frontalières. En tant que complexe géopolitique, elle est en proie à des dynamiques d'insécurité transfrontalière. L'essor d'activités criminelles profite de la quasi-inexistence de l'Etat en RCA, incapable d'assurer la sécurité sur toute l'étendue de son territoire. Des pans entiers de ce territoire sont abandonnés permettant ainsi à ces réseaux de se déployer. Les frontières centrafricaines sont « des lieux privilégiés pour leurs activités informelles116. Les réseaux criminels fonctionnent comme des entreprises. De fait, ils cherchent à minimiser les dépenses et à maximiser les gains. Hans De Marie HEUNGOUP parle à cet effet « d'entrepreneurs d'insécurité117 répartis en cinq ordres : les gangs, les bandes armées, les milices, les groupes terroristes et les rébellions qui sévissent au-delà des frontières118. Ils sont dotés de moyens logistiques pour créer l'insécurité. Ils agissent pour s'enrichir, contrôler un territoire ou pour prendre le pouvoir au sein d'un Etat. C’est dans ce contexte que le groupe d'experts de l'ONU a publié un rapport dans lequel il souligne l'existence d'un important trafic d'armes entre la Centrafrique, la République Démocratique du Congo et le Congo. Selon le document, les groupes armés centrafricains profitent de la porosité des frontières du pays pour se procurer des armes. Le rapport cite plusieurs exemples. En janvier de cette année, l'Unité pour la Centrafrique (UPC) du chef rebelle Ali Darassa, qui contrôle le sud-est de la RCA, aurait ainsi reçu pas moins de 18.000 cartouches en provenance de Yakoma, une ville de RDC, située de l'autre côté du fleuve 116 117 Roland POURTIER, op. cit., p. 93 Hans De Marie HEUNGOUP, « Entreprenariat d'insécurité, réseaux de contrebande et dynamiques transfrontalières en Afrique Centrale », Enjeux, numéro 49, juin 2013, pp. 38-40. 118 Cf. Issa SAIBOU, « Les mutations polémologiques du banditisme en Afrique Centrale, Enjeux, numéro 33, octobre-décembre 2007, pp. 10-15 68 Oubangui. Récemment, en Avril 2020 6.000 cartouches auraient été livrées aux milices antibalaka en provenance de Zongo, localité congolaise située juste en face de Bangui. Plus grave, selon les experts, la République Centrafricaine est devenue une base de recrutement de mercenaires centrafricains pour déstabiliser le Congo voisin. Cette prolifération des armes ne surprend pas la présidente de l'Académie de la Paix et du Développement Durable de Bangui, Antoinette Montaigne, qui affirme : « Nous avons des frontières avec le Tchad, le Soudan, le Sud-Soudan, le Cameroun. Quand un pays n'a plus de frontières comme c'est le cas en République centrafricaine, tout est possible. Je pense qu'il est temps et la population le réclame à cor et à cri que l'armée centrafricaine soit réactivée (...) A ce moment-là, on lève cet embargo qui est devenu d'une certaine façon un permis de massacre, un permis pour occuper toutes les zones les plus riches du pays. On n‘est pas loin d'un crime génocidaire » Le renforcement des positions des groupes armés a conduit en effet aux regains des violences sur le territoire centrafricain. B- Le Regain des violences sur le territoire centrafricain A quelques mois d’une élection présidentielle à haut risque, prévue pour décembre 2020, la Centrafrique est toujours en proie aux exactions des milices, malgré la signature d’un accord de paix entre le pouvoir central et 14 groupes armés le 6 février 2019 à Khartoum. En effet, plusieurs affrontements ont eu lieu avant e même après la signature de l’accord de Khartoum du 6 février 2019. Par exemple entre janvier et juin 2018, la préfecture de la Ouaka a connu une vague d’instabilité qui s’est progressivement propagée à la périphérie à Bambari. Les liens étroits qui unissent les populations et les groupes armés rendent souvent plus complexe la dynamique à l’œuvre dans ce conflit. Certaines de ses violences ont pris une tournure communautaire et religieuse entre les citoyens de confessions musulmanes et chrétiennes. En Fin 2015, il y’a une série d’attaque contre certaines Eglise et mosquées. Il y’a eu les tensions au PK5, déclenchées par les chefs de groupes armés Abdoulaye Hissène et Mokom pour la défense d’intérêts politiques et économiques privés. Aussi en 2017, on voyait un conflit entre ethnies musulmanes, comme avec la planification d’une épuration ethnique des Fulani (Peuls). En 2018, on observe un retour aux divisions religieuses comme en 2014. Il y’a eu également des actaques meurtrière dans le centre notamment à Alindao avec des massacres sur la population civile, des maisons incendiées et des corps brulés par les éléments de l’UPC d’Ali Darrasa vers fin novembre 2018. Le massacre d’Alindao a été condamné par l’ONU et le Gouvernement centrafricain mais sans qu’il ait une action offensive contre l’UPC. Depuis l’accord de paix de 2019, et en dépit de certaines avancées du processus politique, la sécurité 69 demeure compromise par des affrontements armés et des violences contre les civils dans plusieurs régions du pays, ainsi que par des attaques contre les travailleurs humanitaires et les soldats de la paix. Les discours sectaires et l’exploitation des différences religieuses ont contribué à intensifier la violence intercommunautaire et à alimenter l’hostilité de la population, qui est manipulée, à l’égard de la Mission et d’autres acteurs internationaux. Des groupes armés comme le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) ont tenté d’exploiter les tensions entre communautés en menaçant de lancer de nouvelles offensives militaires contre Bangui alors qu’ils s’étaient engagés à dialoguer119. Toutes ses situations sont des conséquences dues au maintien de l’embargo sur les armes en RCA, car pour certains hommes politiques et certaines autorités de la société civile, la MINUSCA n’arrive pas à assumer sa responsabilité de la protection des civiles et sont parfois à l’origine des massacres. Car certains contingents venant des pays musulmans sont accusés de collaboration avec les groupes armés de l’ex-séléka. Section 2 : Les conséquences liées à l’embargo sur les armes en RCA Plusieurs conséquences relèvent du maintien de l’embargo sur les armes en RCA. Un pays sans armés ne peut mener à bon escient sa mission régalienne de la protection de son territoire. Nous avions d’une part des conséquences sécuritaire et humanitaire (Paragraphe 1) et d’autre part des conséquences sociales, politiques et économiques (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les conséquence sécuritaire et humanitaire La République centrafricaine (RCA) traverse une crise profonde et complexe aux conséquences humanitaires considérables. L’insécurité permanente, les contraintes logistiques et la baisse des financements freinent l’accès humanitaire et expliquent les difficultés à répondre aux besoins des plus vulnérables. La Centrafrique est l’un des pays les plus pauvres et instables au monde. Si la crise de 2013 était politico-militaire, elle s’est 119 Cf. le Rapport du Secrétaire général du Conseil de Sécuritaire sur la RCA, S/2018/611. 70 transformée en un conflit intercommunautaire sans précédent120. Ce qui a engendré d’une part des violations massives des droits de l’homme (A) et les mouvements des déplacés internes (B). A- Violations des droits de l’homme découlant de l’insécurité La plupart des violations des droits de l’homme sont le fait des groupes armés qui opèrent toujours plus ou moins librement dans certaines régions du pays et des carences de l’Etat qui est encore incapable d’assurer son autorité sur l’ensemble du territoire, de prévenir les violations et d’assurer le respect du droit et le fonctionnement de la justice. Le respect des droits de la minorité musulmane et l’ancrage d’une culture du vivreensemble, conçus à long terme par l’ensemble du peuple centrafricain, doivent être renforcés et nourris par le respect des droits de l’homme et des principes et des règles de la démocratie. Des violations massives des droits humains et du droit humanitaire international sont observées parmi lesquelles on retrouve les attaques contre les civils, les meurtres, les pillages, les violences sexuelles, le recrutement d’enfants soldats, l’occupation d’écoles ou l’intrusion de groupes armés dans des hôpitaux. Le rapport du HCDH et de la MINUSCA de 2018 recense les graves violations du droit international relatif aux droits de l'homme et au droit international humanitaire commises par des forces gouvernementales successives et divers groupes armés locaux et étrangers, ainsi que par des forces de défense internationales et étrangères. Mandatée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, l'étude décrit en détail 620 incidents, dont des récits effroyables avec des villages entiers brûlés dans le cadre de campagnes de représailles ; des récits de viols collectifs de femmes et de filles parfois âgées d'à peine cinq ans ; des exécutions extrajudiciaires ; des décès suite à des cas de torture ou de mauvais traitements dans des centres de détention ; des violences graves contre les personnes en raison de leur religion, leur appartenance ethnique ou leur supposée affiliation à des groupes armés ; le recrutement de milliers d'enfants par des groupes armés ; et des attaques contre des acteurs humanitaires et des Casques bleus. 120 Cf. IASC, Aperçu des Besoins Humanitaires en RCA, octobre 2016 71 Toutes ses situations a conduit à une vague des mouvements des déplacés à l’intérieur du pays pour fuir les exactions et se tenir à l’abri des combattants. B- Les mouvements des déplacés internes extensifs Depuis le début de la crise en décembre 2013, des centaines de milliers de personnes ont été forcées de fuir leurs foyers quand les violences ont éclaté en République centrafricaine (RCA), des militants tuant brutalement des civils, pillant des maisons et incendiant des villages. Selon le rapport de l’UNCHR, environ 900 000 personnes ont été déplacées par les violences depuis le début de la crise en Centrafrique en décembre 2013. Elles ont cherché refuge au Cameroun, au Tchad, au Congo et en République démocratique du Congo. Aujourd’hui encore, quelque 460 000 personnes sont réfugiées dans les pays voisins de la Centrafrique (dont environ 220 000 depuis décembre 2013) et environ 436 000 sont des déplacés internes. Les organisations humanitaires estiment que plus de la moitié de la population, soit 2,7 millions de personnes, a besoin d’aide humanitaire d’urgence121. Plus de 623 400 réfugiés centrafricains sont toujours à l’abri au Cameroun, au Tchad, en République Démocratique du Congo et au Congo et malgré des élections pacifiques en février 2016, 684 004 personnes sont toujours déplacées à l’intérieur du pays. En Centrafrique, le nombre de personnes déplacées internes a augmenté de plus de 70% en 2017. En avril 2018, il était de 669.997122. Tous les déplacés sont des personnes ayant dû fuir leur domicile sans pour autant chercher refuge dans un pays voisin. En plus de ces déplacés, 570.000 autres personnes se sont réfugiées dans les pays alentours. Le phénomène des déplacés internes est devenu presque quotidien en RCA, car chaque jour du moins, il y’a affrontement entre les groupes armés qui occasionne sans cesse la vague des déplacés. Des milliers de personnes errent souvent à pied et se cachent dans les forêts pendant des semaines, cherchant désespérément à fuir, parfois sans manger ni boire. Ceux qui arrivent dans les sites pour réfugiés sont souvent traumatisés par les violences dont ils ont été témoins et les taux de malnutrition ont atteint des niveaux très élevés. 121 www.unocha.org/car. 122 www.dw.com/fr/lonu-alerte-sur-la-situation-humanitaire-en-centrafrique/ 72 Paragraphe 2 : Les conséquences sociales, politiques et économiques Les conséquences sociales, politiques et économiques se mesurent d’une part par des incitations à la discrimination (A), par l’établissement des structure administratives et fiscales par les groupes armés (B) et enfin par la prolifération des entreprises minières (C). A- Incitation à la discrimination et à la violence Les troubles à Bangui ont relancé et exacerbé les discours d’incitation à la discrimination et à la violence à motivation ethnique ou religieuse. En avril et mai 2018, les journaux et les réseaux sociaux ont été inondés de discours hostiles envers le PK5 et sa population ; l’objectif était double : tenir des propos discriminatoires visant à associer tous les musulmans centrafricains aux mercenaires étrangers venus déstabiliser le pays, et inciter directement à la commission d’actes de violence contre eux (voir annexe 5.2). Entre le 1er avril et le 31 mai 2018, la MINUSCA a recensé 39 articles incitant à la discrimination, à l’hostilité et à la violence publiés dans 11 journaux nationaux. Par ailleurs, Le nom de l’opération militaire menée dans le PK5 a involontairement contribué au discours des extrémistes car, en sango, le mot sukula signifie « nettoyage ». Des médias ont incité à affamer, « nettoyer » ou détruire le PK5 à la suite de l’opération Sukula », mais leurs appels ont redoublé d’intensité après les événements survenus à l’église de Notre-Dame de Fatima ; les groupes d’autodéfense, et parfois la communauté musulmane dans son ensemble, ont alors été couramment qualifiés de terroristes. Des personnalités politiques ont aussi adopté des discours haineux. Ainsi, plusieurs membres de l’Assemblée nationale ont fait des déclarations troublantes pendant la séance de questions au Premier Ministre organisée le 1er mai, juste après les événements de l’église de Notre-Dame de Fatima en 2017. Sylvain Ngoni, député de Bimbo, a notamment déclaré : « Aujourd’hui, le PK5 est devenu le Tchad, et Je me demande si, avec vous, il ne faudrait pas brûler le PK5 un jour ». La séance, en sango, a été diffusée en direct par Radio Centrafrique. 73 B- Établissement de structures administratives et fiscales parallèles par les groupes armés Pour les factions de l’ex-Séléka, et le FPRC en particulier, la collecte de taxes constitue l’un des principaux objectifs de la création de structures administratives parallèles. Selon leurs leaders ses structures ont un double objectif : 1- Remédier à l’absence de l’État dans les zones qu’elles contrôlaient ; 2- Générer des revenus afin de continuer à fournir des services publics à la population, notamment en mettant en place des forces de sécurité. A titre d’exemple, les dirigeants du FPRC ont indiqué au Groupe d’experts que le passage en mai 2018 du convoi de matériel destiné à la construction d’hôpitaux à Bria et à Ouadda dans le cadre de la coopération entre les gouvernements centrafricain et russe (voir par. 13 plus haut) ainsi que la fourniture de services de sécurité à ce convoi par leurs combattants, n’avaient été acceptés qu’en échange d’une contrepartie financière. Les représentants de la Fédération de Russie ont démenti ces allégations et souligné que le FPRC n’avait laissé passer ce convoi que pour permettre à la population des secteurs sous son contrôle de bénéficier de nouveaux hôpitaux123. Il y’a également une prolifération des entreprises minières qui alimente les conflits entre les groupes armés. C- La Prolifération des entreprises minières et ses conséquences pour la sécurité L’exploitation illégale des ressources minérales demeure une importante source de revenus pour les groupes armés présents dans l’est de la République centrafricaine, y compris les factions de l’ex-Séléka et désormais, dans certains cas, les groupes antibalaka et d’autodéfense. Les groupes armés continuent de tirer l’essentiel de leurs revenus de la taxation illégale et du rançonnement des artisans miniers et des collecteurs, ainsi que de la fourniture de services de sécurité. Les principales zones d’extraction de diamants restent les préfectures de la HauteKotto, principalement les alentours de Bria, de Sam-Ouandja et de Yalinga et, dans une moindre mesure, les préfectures de la Ouaka et du Mbomou. Bien que de taille modeste, des 123 Cf. le rapport des experts sur la situation en RCA 2018. 74 sites diamantifères sont également exploités dans la préfecture du Bamingui-Bangoran. L’or provient essentiellement de la préfecture de la Ouaka. Les minerais en provenance de ces zones continuent de passer en contrebande par la République démocratique du Congo, le Soudan et le Tchad. Ils sont transportés par la route, mais également par voie aérienne, comme l’ont montré deux saisies récentes. En guise d’exemple, le 30 juin 2017, l’Unité spéciale antifraude (USAF) a confisqué 234,4 carats de diamants non déclarés à Patrick Kozungu-Yakangi lors de son arrivée à l’aéroport international M’Poko de Bangui, à bord d’un avion de la compagnie Minair en provenance de Bria. Notons que le transport vers Bangui de diamants non déclarés en provenance de zones minières comme Bria s’effectue le plus souvent à bord de petits aéronefs. Les directeurs de plusieurs compagnies aériennes ont indiqué au Groupe d’experts que la responsabilité juridique de vérifier si des passagers avaient en leur possession des minerais non déclarés incombait aux seules autorités aéroportuaires. Dans des zones comme Bria et ses alentours, où il n’existe actuellement aucune autorité aéroportuaire officielle et où la MINUSCA n’exerce qu’un contrôle limité sur l’aéroport, les passagers ne subissent pas de réelle fouille. Tous les avions à destination de Bangui sont donc susceptibles de servir au transport de minerais vers la capitale146. Les artisans miniers et les collecteurs peuvent acheter un billet d’avion à Bria, et il arrive même qu’ils reçoivent l’aide d’éléments de groupes armés, lesquels menacent le personnel de bord pour qu’ils laissent ces personnes monter dans l’avion124. En définitive, la situation sécuritaire de la RCA mérite une attention particulière dans la prise de la décision de la sanction d’embargo sur les armes. Car la sanction touche à un office régalien de l’Etat à savoir la protection de la population. Ce qui nous conduit à étudier les défis à relever dans la mise en œuvre de la sanction d’embargo sur les armes en Centrafrique. 124 Cf. le Rapport des groupes des experts sur la situation en RCA, S/2017/1023 75 CHAPITRE II : LES DEFIS A RELEVER DANS LA MISE EN ŒUVRE DE LA SANCTION D’EMBARGO POUR UNE MEILLEURE APPLICATION DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER Les sanctions d’embargos sur les armes à l’encontre de la République centrafricaine portent des effets aussi bien avantageux que néfaste. Certes elles sont prises dans le but de réduire et de mettre un terme à la menace contre la paix et la sécurité internationale en Centrafrique, toutefois le renouvellement sans cesse constitue une entrave à certaines actions de l’Etat et plus particulièrement la responsabilité de l’Etat centrafricain d’assumer la protection de la population civile. Car l’armée centrafricaine et tout le système sécuritaire centrafricain est inactif et l’on voit une montée en puissance des groupes armés qui défient aussi bien le Gouvernement centrafricain et également les forces onusiennes. Cette situation est fortement critiquée par le gouvernement centrafricain et certains observateurs qui demandent sans la levée de l’embargos sur les armes. A cet effet, il s’avère nécessaire d’étudier la proportionnalité de la mesure de la sanction (Section 1) et d’autre part étudier la prévention des effets secondaires de la sanction d’embargo sur les armes (section2) afin d’éviter les entraves dues à la sanction d’embargos sur les armes à la responsabilité de protéger en RCA. Section 1 : La proportionnalité de la mesure de sanction Avant d’étudier les modalités d’exécution de la sanction (paragraphe 2) qui constituent des gardes fours à la bonne exécution de la sanction en évitant de porter atteinte la responsabilité de protéger, il importe de voir avant tout le processus de déclenchement de la sanction d’embargos sur les armes (Paragraphe 1) Paragraphe 1 : Le processus de déclenchement de la sanction d’embargos sur les armes Les sanctions du chapitre VII de la Charte sont déclenchées par la constatation de l’une des trois situations prévues à l’article 39 (A), cela permet d’expliquer le choix de la sanction d’embargos sur les armes en RCA (B) 76 A- L’existence des situations prévues à l’article 39 de la Charte de l’ONU L’article 39 de la Charte stipule : « Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ». En effet cet article ne définit pas de façon plus précise et explicite les situations prévues. Comme le dit Djacoba Liva T. : « On se trouve ainsi dans un système de sanction où non seulement les obligations à la base de la réaction des Nations Unies ne sont pas explicitement posées comme telles mais encore l’organe collectif qui va constater la violation de ces obligations ne doit obéir à un critère juridique prédéfini pour opérer sa qualification 125». Cependant, l’Assemblé Générale dans sa résolution 3314 du 14 décembre 1974 donne une définition de l’agression dans l’article premier de ladite résolution en ses termes : « l’agression est l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies... ». En effet, cette définition ne tient lieu que pour des situations de conflits entre Etats, ce qui rend plus difficile le cas des conflits armés non-international (CANI). Cependant, le Conseil de Sécurité n’est pas lié par la définition donnée par cette résolution126, en ce sens que celui-ci, compte tenu des circonstances du cas concret auquel il fait face, peut décider de ne pas intervenir même face à des comportements considérés comme agression par la résolution. Et aux termes de l’article 4, le Conseil peut considérer comme une agression des actes que la résolution 3314 ne considère pas comme telle puisque l’énumération des actes à l’article 3 n’est pas limitative. Il s’agit, comme le préambule de la résolution l’indique, de principes généraux qui serviront de guide pour déterminer l’agression. C’est dans cette optique que l’article 39 mentionne d’autres cas tel la rupture de la paix. D’après DJACOBA, elle désigne une situation de conflit déjà éclaté mais dans laquelle on n’a pas identifié le responsable ou déterminé l’agresseur127. Entre l’agression et 125 Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris 2005, P.101 126 Cf. l’article 2 de l’annexe de la Résolution 3314 du 14 décembre 1974 127 Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris 2005, P.120 77 la rupture de la paix, il n’y a donc pas de différence de nature mais une question d’opportunité politique, c’est-à-dire un choix entre désigner ou non l’une des parties comme étant l’agresseur128. En ce sens, l’agression n’est qu’une forme spéciale d’une rupture de la paix129 disait D. WHITE. La préférence au recours à la qualification de rupture de la paix résiderait alors dans le fait que celle-ci est « neutre et n’indique nullement à laquelle des deux parties sont imputables les actes qui y ont conduit130 ». Pour ce qui est de la menace contre la paix, elle est une anticipation de la conséquence d’un comportement ou d’une situation sur l’état de paix internationale131. Pour B. CONFORNETI : « Il s’agit d’une hypothèse vague et élastique qui, contrairement à l’agression et à la rupture de la paix, n’est pas nécessairement caractérisée par des opérations militaires ou en tout cas impliquant l’utilisation de la force, et qui par conséquent peut correspondre aux comportements les plus variés des Etats 132». Cependant, la situation en RCA se situe sur les deux derniers cas précis à l’article 39 de la Charte. Cette situation de menace de paix et rupture de la paix a conduit en effet à la prise de la sanction d’embargos sur les armes laquelle mérite d’être élucidée. 128 129 Cf. N. D. White, The United Nations and the Maintenance of International Peace and Security, Manchester University Press, 1990, p. 47. 130 J. Combacau, Le pouvoir de sanction, p. 96. 131 Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris 2005, P.145 132 B. Conforti, « Le pouvoir discrétionnaire du Conseil de sécurité en matière de constatation d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression », in R.-J. Dupuy (ed.), Le développement du rôle du Conseil de sécurité. Peace-keeping and Peace-building, Colloque de l’Académie de droit international de la Haye, Martinus Nijhoff, 1993, p. 53 78 B- Le choix de la sanction d’embargos sur les armes du fait de la situation sécuritaire La situation sécuritaire en RCA constitue à la fois un acte de menace contre la paix et de rupture de la paix et a conduit le Conseil de sécurité à prendre un certain nombre de sanctions parmi lesquelles l’embargo sur les armes. En effet, l’embargos sur les armes pris par les différentes résolutions du Conseil sont justifiées en fonction de l’évolution sécuritaire en République centrafricaine, notamment du rapport des experts sur la situation en République centrafricaine. Il est certes évident que la situation sécuritaire demeure très tendue, mais certains efforts ont été mené en vue du retour de l’autorité de l’Etat sur l’étendue du territoire mais qui se heurte à la prise de position des groupes armés qui eux sont mieux armés que les forces de défenses. Car l’on constate que la sanction d’embargos sur les armes ne touche que le Gouvernement centrafricain au profit des groupes armés qui, s’alimentent en armes sans être inquiétés et qui continuent de commettre des exactions sur la population civile. Certains groupes armés ont même informé le groupe d’expert sur certaines pratiques relevant de certaines ONG. En exemple, le 29 janvier 2018, des membres de l’UPC ont informé le Groupe d’experts qu’ils avaient arrêté et fouillé des véhicules d’Ecolog International escortés par la MINUSCA devant le camp de la Mission à Ippy et qu’ils y avaient trouvé 1 727 cartouches de chasse de la Manufacture d’armes et de cartouches du Congo (MACC), 602 paquets de Tramadol et 1,5 kg de marijuana. Six chauffeurs et chauffeurs assistants avaient été arrêtés, dont quatre avaient été condamnés pour possession illicite de munitions et de marchandises prohibées ou pour complicité. Cette situation soulève en effet, un certain nombre de questionnement sur l’application de l’embargo sur les armes vers la RCA et plus particulièrement sur les modalités d’exécution desdites sanctions. Paragraphe 2 : Les modalités d’exécution de la sanction Les sanctions d’embargo sur les armes en RCA présentent une difficulté dans sa mise en œuvre. Car on assiste d’une part à une circulation massive des armes entre les groupes armés et d’autre part à une application juste à l’égard de l’Etat centrafricain qui se trouve limiter dans l’exercice de ses pouvoirs régaliens, notamment la protection du territoire et de la population. A cet effet, il s’avère nécessaire de porter un regard sur la trajectoire des flux 79 d’armes vers les groupes armés. Il s’agit ici de voir les obligations faites aux Etats membre de l’ONU d’appliquer la décision de la sanction (A), car les armes parviennent aux groupes armés en passant par le territoire des certains Etats voisins de la RCA. Notons aussi qu’il existe des entités subsidiaires qui alimentent les groupes armés ; d’où nécessité d’obliger les Etats de faire respecter la sanction par ses entités (B) A- Obligation des Etats membre d’appliquer la décision de la sanction d’embargo sur les armes Tous les embargos des Nations Unies devraient être contraignants pour les Etats Membre. La notion qu’un embargo puisse être facultatif revient à autoriser les entités sous embargo à ignorer la volonté des Nations Unies. En effet, en vertu de l’Article 41 de la charte des Nations Unies, les états sont légalement tenus de respecter les embargos imposés par le Conseil de Sécurité et ont l’obligation de mettre en place des dispositions assurant le respect des embargos par les personnes relevant de leur compétence. Les mesures décidées par le Conseil de sécurité sont à exécuter par les Etats. Une fois la résolution contenant les sanctions adoptées, le Secrétaire général de l’ONU la transmet dans une note à tous les Etats membres, et aux Etats non-membres que les Nations Unies veulent associer à l’application des sanctions. D’une manière générale, le Secrétaire général appelle dans cette note l’attention des Etats sur le caractère obligatoire de la décision prise par le Conseil de sécurité et leur demande de lui envoyer un rapport concernant toutes les mesures internes prises en application de cette décision. Ces rapports nationaux seront ensuite transmis par le Secrétaire général au Conseil de sécurité, qui les donnera à son tour au Comité qu’il a créé pour surveiller l’application des sanctions. Dans le cadre de la RCA, le Secrétaire général avait attiré tout particulièrement l’attention des Etats sur le fait que le Conseil de sécurité agissait en vertu des articles 39 et 41 et a demandé aux Etas membres de faire appliquer les sanctions telles que mentionnées dans le paragraphe 54 de la Résolution 2127 du 5 décembre 2013133. Cette pratique est 133 Cf. Paragraphe 54 de la Résolution 2127 du 5 décembre 2013 « ….Décide que, pour une période initiale d’un an à compter de la date d’adoption de la présente résolution, tous les États Membres devront prendre immédiatement les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou 80 toujours renouvelée dans toutes les résolutions concernant la RCA. Notons que l’obligation des Etats membre de faire appliquer les décisions du Conseil est prévue aux articles 25 et 48, par. 1, de la Charte. Aux termes de l’article 25, « les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité ». C’est un engagement des Etats, souscrit en adhérant à la Charte des Nations Unies, d’exécuter les décisions à prendre par le Conseil dans l’accomplissement de ses fonctions. Par ailleurs, il est encore plus difficile de vérifier si les états respectent les embargos, en particulier les fournisseurs traditionnels et les Etats limitrophes, quand ils leur manquent le cadre juridique ou les règlements et procédures administratives pour exercer efficacement le contrôle de l’armement, de l’exportation et de l’importation des armes qui empêcheraient leur trafic illicite. C’est un point particulièrement important quand on sait que les Comités des Sanctions ne possèdent pas de dispositif de contrôle opérationnel. Ils doivent compter sur les efforts des Etats Membre, qu’ils agissent indépendamment ou de manière concertée. Ce type de coopération peut prendre diverses formes : unilatérale, multilatérale ou elle peut se faire au travers des organisations régionales – et elle dépend du bon vouloir et de l’engagement politique des Etats Membre à respecter les normes internationales. Le portée et l’efficacité des législations et règlements nationaux constitue un gage de leur engagement, et leur champ d’application devrait englober tous les types d’armes, surtout les armes légères qui circulent souvent dans la société civile et qu’il est facile de cacher, et le contrôle de tous les acteurs impliqués dans la production, l’assemblage, le stockage, les transferts, le courtage, le financement et l’emploi des armes. C’est malheureusement loin d’être le cas, même dans les Etats qui en auraient les moyens. Cependant, en dépit de cette obligation faite aux Etats, on constate souvent une violation de l’article 25. Dans le cas de la RCA, les flux d’armes légères et la circulation de certaines armes de guerre se font sans cesse. Ses armes passent souvent entre la frontière de indirects à la République centrafricaine, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions, les véhicules et les matériels militaires, les équipements paramilitaires et les pièces détachées correspondantes, ainsi que toute assistance technique ou formation, et toute aide financière ou autre en rapport avec les arts militaires ou la fourniture, l’entretien ou l’utilisation de tous armements et matériels connexes, y compris la mise à disposition de mercenaires armés venant ou non de leur territoire… » 81 la RCA et la RDC et celle du Soudan du Sud. Le rapport des experts sur la situation en RCA en a fait mention. Cette situation ne favorise pas en effet un apport positif de la sanction d’embargo sur les armes en RCA et laisse douter sur l’efficacité de l’embargo comme solution à la crise sécuritaire en Centrafrique. Car le gouvernement est privé d’achat d’armes tan disque les groupes armés sont ravitaillés. En dehors de l’obligation de faire respecter la décision des sanctions du Conseil par les Etats membres, il y’a également une faille du côté des entités inter-étatiques qui mérite notre attention. B- Obligation par les Etats de faire respecter la sanction par les entités subsidiaires Nous parlerons ici des organisations internationales et des ONG. Car en RCA, on assiste en effet à une violation des décisions par certaines ONG de la place134. Comme le dit DJACOBA dans sa thèse, l’obligation par les Etats de faire respecter les décisions du Conseil se présente sous deux aspects. D’une part, les Etats doivent user de toute leur influence pour que les décisions du Conseil de sécurité soient appliquées par les organismes internationaux auxquels ils font partie. C’est ce qui ressort de l’article 48, par. 2, de la Charte qui précise que « les décisions du Conseil de sécurité sont exécutées par les Membres des Nations Unies... grâce à leur action dans les organismes internationaux appropriés dont ils font partie ». Il a été précisé que les termes « organismes internationaux appropriés » visent aussi bien les institutions spécialisées du système des Nations Unies que les autres organismes internationaux n’ayant pas de personnalité internationale tels que les entreprises multinationales et les Unions administratives lorsque des Etats signataires de la Charte en constituent les seuls membres135. Par ailleurs, notons que le respect de la décision de la sanction d’embargo demeure ambigu, car en dehors des Etats, certaines organisations fournissent sans cesse des armes aux groupes armés qui continuent de commettre des violation graves des droits humains et 134 Cf. le rapport du groupe des experts sur la RCA de 2018, Paragraphe 106 135 Bryde & Reinisch, “Commentary of Art. 48”, in B. Simma, ed. The Charter, p. 778 82 répandent leur domination sur l’étendue du territoire. Le rapport des experts l’a souligné. Ce qui a conduit le Conseil à reconduire la sanction afin de pallier ses mauvaises habitudes en vue d’un retour au calme et surtout le redéploiement de l’autorité de l’Etat centrafricain sur toute l’étendue du territoire. Cette situation nous amène à voir les préventions des effets de la sanction d’embargos sur les armes. Section 2 : La prévention des effets secondaire de la sanction d’embargo sur les armes Avant de se plonger sur les effets que provoque la sanction d’embargos sur les armes en RCA (Paragraphe 2), nous verrons avant tout les moyens prévus à l’obstruction de ses effets (paragraphe 1) Paragraphe 1 : Les moyens prévus à l’obstruction des effets secondaires des sanctions d’embargo sur les armes Il s’agit en effet de voir d’une part les moyens juridiques (A) et d’autre part les moyens institutionnelles prévues à cette fin (B). A- Les moyens juridiques Comme bases juridiques, il est interdit de prendre des mesures de sanctions économiques unilatérales. L’Assemblée invoque en premier lieu plusieurs principes fondamentaux du droit international. Il s’agit d’abord du principe selon lequel aucun Etat ne peut recourir ni encourager le recours unilatéral à des mesures économiques, politiques ou autres pour contraindre un autre Etat à lui subordonner l’exercice de ses droits souverains. Ce principe est contenu dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats 136, et confirmé dans la 136 Cf. Assemblée Générale, la Résolution A/RES/2625 (XXV), 24 oct. 1970. Il s’agit du par. 2 du principe n° 3 relatifs à la non-intervention 83 résolution sur l’établissement d’un nouvel ordre économique international137 et dans la Charte des droits et devoirs économiques des Etats138. D’une manière générale, l’Assemblée précise que les mesures coercitives font obstacle aux relations commerciales entre Etats et entravent la pleine réalisation de tous les droits de l’homme139. On constate à travers ces résolutions successives de l’Assemblée générale qu’il y a une volonté de la majorité des Etats à restreindre le pouvoir des Etats de prendre des mesures coercitives unilatérales. On peut même dire qu’il y a une opinio juris en la matière. C’est ce qu’on peut relever de la dernière résolution de l’Assemblée sur l’élimination de telles mesures quand elle note que « la communauté internationale est opposée aux mesures économiques coercitives unilatérales et extraterritoriales »140, constat fondé sur des déclarations des chefs d’Etats et de gouvernement, constamment rappelées dans ses résolutions. En effet, dans le cas de la Centrafrique les sanctions émises au lendemain de la prise du pouvoir par la rébellion séléka et plus particulièrement celle de l’embargo sur les armes a engendré certaines réticences vis-à-vis du pays. Certains Etats ont retiré leurs entreprises par crainte des groupes armés et d’autres ont même interdit de commercer avec l’Etat centrafricain en attendant le retour à l’ordre constitutionnel qui a eu lieu en Mars 2016. L’Assemblée invoque ensuite le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes, en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et s’emploient librement à réaliser leur développement économique, social et culturel141. L’Assemblée se dit encore guidée par les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, en particulier ceux qui appellent à établir des relations amicales entre les nations et à renforcer la coopération visant à résoudre les problèmes d’ordre économique et social. 137 Cf. Assemblée Générale, la résolution A/RES/3201 (S-VI), 1er mai 1974, par. 4 al. e) 138 Cf. assemblée Générale, la résolution A/RES/3281 (XXIX), 12 déc. 1974, art. 32. 139 Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris 2005, P. 784 140 Cf. Assemblée Générale, la résolution A/RES/55/6, al. 2 du préambule 141 Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris 2005, P784 84 Par ailleurs, les droits de l’homme constituent une autre base juridique des recommandations de l’Assemblée générale sur l’élimination des mesures coercitives unilatérales. Elle note d’abord que ces droits ont un « caractère universel, indissociable, interdépendant et corrélatif »142, et fait référence à tous les droits fondamentaux de la personne humaine, et en particulier au droit au développement dont l’exercice effectif conditionne la jouissance des autres droits de l’homme. La sanction d’embargos sur les armes comporte des effets néfastes sur l’existence de l’Etat et conduit parfois à la fragilité de celui-ci. En RCA, la sanction d’embargo sur les armes pose un réel problème. Certaines puissances exploitent en effet la situation pour s’enrichir. Cette situation suscite des réactions de part et d’autre des Etats membres et ainsi qu’au sein de certaines organisations internationales et ONG qui demandent parfois la levée des sanctions et en particulier la sanction d’embargo. B- Les moyens institutionnels Si le Conseil de sécurité ne respecte pas les règles de prévention des effets secondaires, les Etats peuvent y réagir en faisant constater ce non-respect par la Cour internationale de Justice. Il est cependant difficile à la Cour de s’y prendre car il n’existe pas un mécanisme approprié permettant à la Cour de se référer. Ce qui soulève notamment la question de l’autorité de la Cour et du résultat attendu. Comme le souligne Djacoba, les Etats ont deux possibilités à cet effet. Tout d’abord, par voie contentieuse, à l’occasion d’un différend interétatique qui soulève une question de légalité des actes du Conseil ou par voie consultative, à travers les actions des Etats au sein des organes et institutions habilités à demander un avis consultatif. En effet, l’obtention par voie contentieuse d’une décision d’illicéité des actes du Conseil de sécurité est limitée, en premier lieu, par le fait que la Cour n’est ouverte qu’aux Etats, et aux seuls Etats qui ont accepté sa juridiction. Ainsi, la règle posée à l’article 34 du Statut de la Cour réduit fortement les entités habilitées à prendre l’initiative de l’action de constatation, puisque sont ainsi exclus de cette faculté les individus, les organisations non 142 Ibn. 85 gouvernementales (ONG) et même les organisations internationales. Or, on a vu que ce sont les individus qui demeurent les vraies victimes des effets secondaires des sanctions des Nations Unies et qui seraient, par conséquent, les plus intéressés à faire constater l’illicéité des décisions qui sont à l’origine de ces effets, avec le but ultime d’amener le Conseil à modifier ou à retirer ces décisions. Il en va de même des ONG et des organisations internationales qui rencontrent ces problèmes d’effets secondaires des sanctions dans leurs activités quotidiennes. Elles essaient déjà d’y apporter des solutions en aval, et si elles en avaient l’opportunité, elles ne se priveraient pas de soutenir une solution qui intervient à la racine du mal, telle que la saisine de la CIJ pour faire apprécier la licéité d’une mesure de sanction. Comme l’a si bien mentionné Djacoba, T. : « la Cour ne peut trancher un désaccord né de l’application des sanctions que lorsque ce désaccord porte sur un point de droit ou susceptible d’être réglé sur la base du droit, autrement dit lorsqu’il y a un différend1165. Il a été ainsi dit que « [l]a fonction de la Cour est de dire le droit, mais elle ne peut rendre des arrêts qu’à l’occasion de cas concrets dans lesquels il existe, au moment du jugement, un litige réel impliquant un conflit d’intérêts juridiques entre les parties 143» La deuxième possibilité se rapproche davantage du problème des effets secondaires des sanctions, notamment ceux sur la population civile de l’Etat-cible. Il s’agit du cas où cet Etat intente une action devant la Cour contre un autre Etat appliquant les sanctions. Il s’agit d’une hypothèse où l’on peut effectivement soumettre à l’appréciation de la Cour une décision du Conseil de sécurité produisant des effets secondaires écrit Djacoba. Toutes ses mesures nous conduisent en effet, à voir les effets secondaires de la sanction d’embargo sur les armes en RCA. Paragraphe 2 : les effets secondaires de la sanction d’embargos sur les armes en RCA La mise en œuvre des sanctions du chapitre VII de la Charte a souvent des incidences sur les Etats cibles. Dans le cadre de la RCA, nous verrons d’une part les effets sur la situation sécuritaire même de l’Etat (A) et d’autre part sur la responsabilité de protéger (B) 143 Ibn, P. 888 86 A- Les effets secondaires de l’embargo sur les armes sur la sécurité en RCA Le coup d'État de 2013 a entraîné l'effondrement institutionnel des FACA ; leurs forces ont été submergées et forcées de fuir vers les pays voisins. Seulement 10% des membres des FACA seraient revenus après le coup d'Etat, et beaucoup ont rejoint l'AntiBalaka, laissant le pays sans force de défense opérationnelle. Cependant, si la paix, la réconciliation et la sécurité ont été perçues comme la priorité absolue par 77 % des ménages interrogés lors de l'évaluation sur le relèvement et la consolidation de la paix réalisée en 2016, l'amélioration de la sécurité par la réforme des forces de sécurité, et en particulier des FACA, a été considérée comme un aspect essentiel pour atteindre cet objectif144. Selon un Rapport du Secrétaire général, au 1er juin 2019, les forces armées centrafricaines (FACA) étaient composées d'environ 7 000 soldats, dont 1 438 étaient déployés en dehors de Bangui. Il y’a environ 1070 d'entre eux qui ont été formés par la Mission de formation de l'Union européenne (EUTM-RCA) et par des experts militaires russes, avant d'être déployés aux côtés de la MINUSCA. Ces chiffres montrent également des progrès limités en ce qui concerne le redéploiement des FACA sur l'ensemble du territoire national. Car la RCA est sous sanction d’embargo et l’Etat ne peut se permettre de déployer ses hommes sans matériels. Par ailleurs, la république centrafricaine connait une reconduite sans cesse de la sanction d’embargo sur les armes depuis 2013. Bien qu’il ait un léger soulagement par biais de certaines puissances telles que la Russie et la France, on constate que la situation demeure déplorable malgré la mesure d’embargo sur les armes. La présence de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en RCA (MINUSCA) avec un effectif de 12 000 hommes, a certes joué un rôle dans la stabilisation du pays à travers l’organisation réussie des élections, la défense des institutions démocratiques et la protection des civils. Le retour à l’ordre constitutionnel marqué en mars 2016 par l’élection d’un Président de la République au suffrage universel et la mise en place des Institutions Républicaines, a permis d’élaborer des programmes politiques et socioéconomiques en vue de la pacification, la stabilisation et le relèvement du pays. Mais toutefois, la sanction 144 Cf. Rapport du PNUD, Fiche pays/ Centrafrique 2019 87 d’embargos apparaît souvent comme un couteau à double tranchant. Car elle empêche d’une part l’Etat centrafricain de se déployer sur l’étendue du territoire afin de sécuriser les zones sous contrôle des groupes armés. Cette sanction fragilise la sécurité qui se construit. Les services régaliens de l’Etat tels que la police, la justice avec les tribunaux ne peuvent siéger dans les zones sous contrôle des groupes armés et l’impunité devient le mot d’ordre des groupes armés qui violent les droits humains et surtout commettent des crimes de guerre, et des crimes contre l’humanité. Par ailleurs notons que cette sanction ayant empêché le déploiement des forces de sécurité et de défenses dans les provinces a conduit à un mouvement des déplacés internes. Les populations des villes et villages sous contrôle des groupes armés sont souvent obligés de fuir leurs résidences afin de se mettre à l’abri de persécutions. Il y’ a également l’enrôlement des enfants mineurs au sein des groupes armés. On assiste en effet au phénomène des enfants soldats par manque de suivi dû à défaut de services étatiques et même des ONG pouvant intervenir pour pallier ce phénomène. La sanction d’embargo empêche également l’Etat centrafricain de construire une sphère de stabilité économique. Les groupes armés monopolisent et dirigent l’exploitation des matières première à défaut des services étatiques approprié et privent ainsi l’Etat centrafricain de recouvrir ses recettes, lesquels sont indispensables au développement du pays. B- Les effets de la sanction d’embargos sur la responsabilité de protéger Aujourd’hui, l’embargo sur la RCA se présente comme un fardeau pour le peuple centrafricain et tous ses dirigeants, qui, voient cela une forme de punition et de domination des puissances étrangères. Malgré les efforts continus des autorités nationales et des partenaires internationaux, la situation sécuritaire en RCA reste instable. Si l'intensité du conflit a globalement diminué, des pics de violence sont encore observés, résultant en des affrontements entre groupes armés, des attaques contre les civils et des tensions entre communautés. En conséquence, en juin 2019, environ 605 000 civils avaient fui vers les 88 pays voisins et plus de 610 000 se sont déplacés145. Le coup d’Etat de 2013 a entraîné l'effondrement de l'ordre public, laissant le secteur de la justice dans une situation très difficile, aggravée par le pillage, l'incendie de documents, l'occupation et la destruction de locaux par les groupes armés. Les capacités des institutions judiciaires restent limitées à ce jour, seules 18 des 27 juridictions de première instance et d'appel sont fonctionnelles entre janvier et juin 2019146. Il y a moins de 182 juges dans le pays (1 juge pour 26 000 personnes), un ratio trop faible pour répondre aux besoins de la justice. En 2018, plus de 72 % de la population carcérale était en détention provisoire, le traitement des détenus ne respectant pas les normes internationales. Les centres de détention ne sont pas fonctionnels et sont surpeuplés, ce qui accroît les risques pour la sécurité et la santé, et sont pour la plupart gardés par des soldats. En effet, privée de son armé, la RCA se trouve dans une situation de déflagration étatique. Tous les services de défenses sont non-opérationnelles. Les zones sous contrôles des groupes armés manquent de services de bases comme la gendarmerie, la police et des tribunaux. Les populations de ses zones ne peuvent bénéficiers d’une meilleure condition de sécurité, ni en justice, ni en protection sociale et même en matière de santé. Les hôpitaux dans les zones occupées ne fonctionnent pas, du moins que quelques services de premiers soins avec un personnel pour une population de 100 à 250 habitants par villages ou villes. Enfin, l’embargo sur les armes a également des conséquences sur la sécurité alimentaire. En effet, avec le mouvement des déplacés internes, la RCA souffre d’un manque de vivre. Les ONG de la place essaient avec les moyens de bord de venir en aide à ses populations mais faute de sécurité, certaines sont contraints de se limiter dans leur action voir même fermer pour certains leurs bureaux dans les zones sous contrôles des groupes armés. Notons que la situation sécuritaire de la RCA est complexe et mérite une reforme tant dans la prise des mesures de sanctions de la communauté internationale et plus particulièrement celle de l’ONU et du Conseil de sécurité dans le cas de menace pour la paix ou de rupture de paix. Ainsi, nous allons nous attarder sur les recommandations suite à la situation 145 Cf. le Rapport de OCHA Septembre 2019 146 Cf. le Rapport du Secrétaire Général de Juillet 2019 89 sécuritaire en RCA et plus particulièrement dans le cadre de la sanction d’embargo sur les armes pour une meilleure application du devoir de la R2P. 90 CONCLUSION GENERALE Le problème de sécurité est un défi majeur qui mérite d’être relevé afin qu’une paix durable revienne en Centrafrique. Cette dernière est victime de ses frontières poreuses et les conflits que connaissent ses voisins. C’est donc ce qui facilite le flux incontrôlé d’armes de guerres et des combattants sur son territoire. Le trafic illicite d’armes favorise en effet la création des milices composées majoritairement par des jeunes désœuvrés qui ne voient pas d’autres perspectives d’avenir que de se lancer dans des actes de violences pour subvenir à leurs besoins. C’est ainsi que l’ONU fidèle à sa mission d’accompagner la République centrafricaine dans ce processus de maintien de la paix et de la sécurité, a répondu avec un grand intérêt en imposant la sanction d’embargo sur les armes afin de limiter les flux des armes et réduire la montée des groupes armés. Cet acte constitue un défi majeur car les forces armées centrafricaines ayant été affaibli tant sur le plan humain, que sur le plan des équipements et des infrastructures au cours de ces derniers années, ne peuvent protéger ni la population ni le territoire national. Des alliances personnalisés et ethniques existent dans les rangs de l’armée. La participation des forces armées gouvernementales dans les crises en répétition que le pays a connue, y compris un usage excessif de la force et la violation des droits de l’homme et du droit international humanitaire, est aggravée par l’incident récurrent d’impunité. Le manque des moyens humains et matériels, et le délabrement des institutions judicaires rendent le secteur de la justice inefficace notamment dans les zones rurales. Les forces de police sont sensiblement mal équipées et faiblement déployées en dehors de la capitale. Le conflit a aggravé aussi la prolifération des armes légères et de petits calibres à l’intérieur du pays et dans la sous-région. Cette situation justifie à juste titre la sanction d’embargo sur les armes. Mais toutefois, cette sanction pose un certain nombre de difficulté, aussi bien dans son application que du fait de son maintien. En effet, le respect des décisions des sanction et plus particulièrement des embargos sur les armes doit être un impératif pour les Etats membres et ainsi que pour les certaines entités inter-étatiques. C’est pourquoi une conception et une surveillance rigoureuse associées au respect des conditions d’application des embargos peuvent significativement contribuer à la promotion de la paix et de la sécurité internationale, et au respect de nombreux droits humains et libertés fondamentales découlant du droit international. L’autorité du Conseil de Sécurité et des Nations Unies est sérieusement entamée par les constantes violations des décisions d’embargos des Nations Unies et par l’impunité dont jouissent leurs 91 contrevenants147. L’autorité des Nations-Unies est sérieusement érodée par les constantes violations des décisions d’embargos sur les armes du Conseil de Sécurité. Il convient en effet de contrôler objectivement si les décisions d’embargos des Nation-Unies sont respectées, mais l’expérience a montré que pour être efficaces, ces contrôles devaient comporter des mesures bien spécifiques. Le Conseil de Sécurité devrait continuer à améliorer la conception des embargos sur les armes, mais devrait aussi aborder la question de l’impunité dont jouissent leurs contrevenants. Les Etats Membres devraient fournir un cadre général pour un contrôle efficace des transferts d’armes internationaux basé sur des critères communs approuvés par l’Assemblée Générale, et qui soient totalement compatibles avec le droit international. Les Etats Membre, en particulier et ceux qui sont limitrophes des entités sous embargo, et les autres organisations intergouvernementales compétentes devraient aider les Nations-Unies à améliorer les méthodes, techniques et procédures de contrôle. Car dans le cadre de la RCA en exemple, les armes parviennent à circuler entre les groupes armés facilement en passant par les frontières des pays tel que la RDC, le Soudan du Sud et parfois par le Tchad et le Cameroun. Le rapport des experts a mentionné le flux venant de la RDC en Septembre 2018148. A cet effet, les dispositifs de contrôle doivent par conséquent pouvoir fournir, au moment opportun, des preuves convaincantes et irréfutables du respect ou du non-respect des décisions d’embargos des Nations Unies. Pour que la confiance s’installe et se maintienne entre les parties concernées, il est indispensable de confirmer régulièrement le respect des décisions d’embargos. Il est clair toutefois qu’il manque à ces dispositifs internationaux plusieurs éléments fondamentaux, ou qu’ils ne fonctionnent pas bien, car ces contrôles ne sont pas effectués au moment opportun, ou ils aboutissent à des conclusions erronées149. Le contrôle des violations des décisions d’embargos décrétés par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies mérite par conséquent un intérêt particulier. Il devrait prendre en 147 Cf. Brian Wood, renforcer le respect des décisions d’embargo sur les armes des nations unies – les enjeux présentes par le suivi et le contrôle, 2016. P. 2 148 Cf ; le rapport des Experts sur la situation en République centrafricaine Décembre 2018 149 Cf. Brian Wood, renforcer le respect des décisions d’embargo sur les armes des nations unies – les enjeux présentes par le suivi et le contrôle, 2016. P.4 92 compte la nature clandestine qui est intrinsèquement liée à ce type de trafic et à ses graves conséquences. En particulier, la prolifération et le détournement des armes légères et de petit calibre qui se produisent pendant les conflits et la répression étatique systématique entraînant de graves violations des droits humains, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité constituent des obstacles majeurs à ces contrôles. Par conséquent, l’élaboration des normes et des systèmes juridiques et réglementaires efficaces visant à contenir le trafic illicite des armes est indispensable pour prévenir la violation des décisions d’embargos des Nations Unies. Le problème plus général du trafic illicite des armes est étroitement lié à la possession, au transfert et au détournement illégal des armes par des acteurs non étatiques, et en particulier des groupes criminels, et est souvent alimenté par le détournement d’armes commis par des acteurs étatiques. Les embargos sur les armes sont des mesures de rétorsion qui répondent aux menaces pesant sur la paix ou à l’aggravation d’une crise humanitaire qui dans bien des cas, est déjà attisée par ces agissements illégaux. Les embargos sont par conséquent des instruments souvent rudimentaires imposés tardivement qui ne peuvent être pour cette raison déployés efficacement au titre d’un instrument des Nations-Unies destiné à prévenir le trafic illicite des armes, sans le renforcement des contrôles nationaux. Ainsi, une meilleure compatibilité entre les systèmes nationaux de contrôle et le droit international renforcerait la surveillance et le respect des décisions d’embargos des Nations-Unies150. Dans le cas de la RCA, les Etats devraient se mobiliser en mettant en place des moyens de contrôle de circulation des armes. Car l’embargo sur les armes répond en effet à un besoin vital, celui du maintien de la paix et de la sécurité tant au niveau national que de la sous-région. C’est ainsi que le rapport Brian Wood décrit que : « une difficulté majeure pour vérifier si les décisions d’embargos des Nations-Unies sont respectées est l’absence au niveau national de contrôles rigoureux des activités des agents de courtage et de transportation qui sont fréquemment impliqués dans le détournement illicite des armes151 ». En 1996 la Commission du Désarment a décidé que : « les États devraient appliquer des réglementations strictes sur les activités des marchands d’armes internationaux privés et coopérer en vue d’empêcher ces marchands de se livrer au trafic d’armes152 ». 150 Ibn. P 8 151 www.nisat.org 152 Cf. Directives des Nations Unies sur les Transferts d’Armes Internationaux, 1996. 93 Cependant, en ce qui concerne la sanction d’embargo, son maintien, notons que la circulation des armes entre les groupes armés et surtout le désir de rétablir l’autorité de l’Etat sur l’étendue du territoire trouve en cet embargo un obstacle vis-à-vis de l’Etat centrafricain. Cet obstacle est avant tout la garantie et la protection de la population civile des exactions des groupes armés. En effet, si l’embargo sur les armes est maintenu en RCA, il est du devoir de l’ONU de se pencher sur le DDRR afin de permettre à la RCA de se libérer du joug des groupes armés. Mais toutefois, notons que cet embargo à des effets très néfaste sur la responsabilité de protéger. Le gouvernement centrafricain ne peut, malgré la formation des éléments de l’armée nationale par les partenaires internationaux, déployer ses hommes dans les zones sous contrôle afin d’apporter une assistance et protéger les populations. Car elle ne possède pas les moyens nécessaires et pour répondre à ses besoins. Par ailleurs, il est aujourd’hui demandé la levée de l’embargo sur les armes car on ne peut continuer à assister à une montée en puissance des groupes armés tan disque l’Etat ne peut se procurer des moyens de défenses régaliennes. La police et la gendarmerie ne peuvent exercer leur fonction faute de la sanction d’embargo. Dans le cadre de cette étude, nous avions essayé de démontrer les enjeux de la sanction d’embargos sur les armes face à la responsabilité de protéger. Le premier garant de la protection des populations et des civils est en effet l’Etat. Et il est appelé à disposer des moyens nécessaires à cette fin. La sanction d’embargo apparaît dans le cas de notre étude comme un obstacle à cette finalité. Car l’Etat centrafricain est privé de ses moyens, et malgré le relais fait par la communauté internationale qui a agit conforment au principe de la R2P dégagé dans le rapport de la CIISE de 2001, on assiste malheureusement à une situation complexe due à la montée des groupes armés qui occupent plus 80% du territoire centrafricain et commettent des exactions sur la population civile, tout en pillant les richesses du pays et en la plaçant dans un cycle infernal de conflit meurtrier. Face à cette situation, quelques recommandations sont formulées. Il faut : - Avancer un processus de dialogue national inclusif afin d’instaurer la sécurité sur toute l’étendue du territoire nationale pour permettre la circulation des personnes et des biens ; 94 - Mettre une base militaire au niveau de toutes les sous-préfectures afin de lutter contre les coupeurs de route et créer des régions militaires ; - Créer une structure au niveau préfectoral chargé d’identifier les besoins des communautés locales afin de prévenir les conflits ; - Promouvoir la culture de la paix à travers la sensibilisation dans toutes les souspréfectures avec l’appui des ONG qui ont des compétences en la matière ; - Mettre à profit l’aide internationale afin de modifier l’image négative que les années de crise ont donnée à la RCA, en s’engageant résolument au travail, que ce soit dans le domaine agricole que commercial. - Faire un désarmement dans les pays voisins de la RCA qui n’ont pas connu jusquelà de conflits armés. Car, suite aux armes légères et de petits calibres vendus et qui sont détenues par les populations civiles pourront un jour devenir une source d’insécurité pour ces pays. - Il est également souhaitable que l’Unité Gouvernance et prévention des crises de l’agence des Nations Unies pour le développement ait une cellule d’information et une base des données, pour assurer la collecte d’information, sa gestion et diffusion. Ce qui permettrait donc de conduire des études et des analyses des besoins en vue de dégager les opportunités socio-économiques et une identification des besoins pour la formulation des besoins spécifiques ; - La République Centrafricaine étant aussi profondément affectée par l’instabilité et les crises récurrentes dans les pays frontaliers (Tchad, Soudan, Soudan du sud Congo Démocratique), la pratique doit s’inscrire dans une perspective sous régionale. Il est donc important d’appuyer les instances sous régionales dans la mise en œuvre des mécanismes de prévention des crises existant à ce jour dans les textes (COPAX, MARAC)153; - Ainsi, l’effectivité des mécanismes d’alerte, le déploiement d’une observation permanente des pratiques démocratiques et des droits de l’homme apparaissent 153 COPAX : Conseil de paix et de Sécurité d’Afrique Centrale. MARAC : Mécanisme d’Alerte Rapide de l’Afrique Centrale 95 comme des pistes essentielles de prévention des crises politiques ou de tensions sociales préjudiciables à la stabilité des Etats et à la paix sans lesquelles aucune entreprise de développement ne peut réussir ; - Il est important de veiller en particulier à la professionnalisation des organes de gestion des élections, au partage et à la décentralisation du pouvoir, à la consécration d’un véritable statut de l’opposition, au financement public des partis politiques appelés non seulement à contribuer à l’expression du suffrage mais aussi à œuvrer à l’éducation de leurs militants et à l’encadrement de leurs élus ; car les partis politiques en RCA sont les prédateurs des conflits. - Il est indispensable d’avoir une pièce maîtresse qui détermine la possibilité d’agir au vu de l’analyse des données évaluées dans des situations à fort potentiel conflictuel. Les conditions d’une alerte réussie résident dans la capacité à ressembler une information fiable, recoupée et validée par des sources différenciées ; à repérer les nœuds conflictuels et les facteurs d’instabilités sur lesquels des initiatives rapides doivent être engagées pour empêcher le conflit d’éclater ou de s’amplifier ; à mobiliser les différentes parties concernées, acteurs politiques, société civile, médias, organisations syndicales, ligues de défense des droits de l’homme et instances régionales et internationales, afin d’arrêter la dégradation de la situation. 96 Bibliographie OUVRAGES GENERAUX - Bernard Ferrand, « Quels fondements juridiques aux embargos et blocus aux confins des XXe et XXIe siècles », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 214, Presses universitaires de France, 2004 - Roberto Bonfatti et Kevin H. 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