LES ENJEUX D’UN EMBARGO SUR LES ARMES FACE A LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER
Mémoire de recherche présenté par Enoch KOKONGO-TEGANDA
Sous la direction de Madame Catherine FABREGOULE
THEME : LES ENJEUX D’UN EMBARGO SUR
LES ARMES FACE A LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER : CAS DE LA CENTRAFRIQUE
1
Table des matières
AVANT-PROPOS………………………………………………………………..2
REMERCIEMENT……………………………………………………………….9
INTRODUCTION GENERALE ............................................................................. 12
PREMIRER PARTIE…………………………………………………………….23
CHAPITRE I :LA NECESSITE DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER ET DE LA SANCTION D’EMBARGO SUR LES
ARMES ............................................................................................................................... 23
Section 1 : Le contexte lié aux concepts de la responsabilité de protéger et la sanction
d’embargo sur les armes en RCA ........................................................................................ 23
Paragraphe 1 : La situation en République centrafricaine ........................................ 24
A-
La situation politique et sécuritaire ............................................................. 24
B-
La situation sociale et humanitaire ............................................................. 29
Paragraphe 2 : La consécration de la responsabilité de protéger au cœur de la crise
centrafricaine ........................................................................................................................ 31
A»
La responsabilité de protéger comme une obligation de nature « erga omnes
32
B-
La responsabilité de protéger comme une faculté morale in solidum pour la
Communauté internationale ............................................................................................. 33
Section 2 : La sanction d’embargo sur les armes une nécessité impérieuse à la mise
en œuvre de la responsabilité de protéger ........................................................................... 36
Paragraphe 1 : La justification de la sanction d’embargos sur les armes en RCA ... 37
A-
La sanction d’embargo sur les armes justifiée par le maintien ou le
rétablissement de la paix (art.39 de la Charte) ................................................................. 37
B-
La sanction d’embargo sur les armes un exemple de l’extension de la
protection de la population civile et du maintien de la paix ............................................. 38
Paragraphe 2 : Le mécanisme de la mise en œuvre de la sanction de l’embargo sur les
armes en RCA ...................................................................................................................... 39
2
A-
Le régime juridique ..................................................................................... 40
B-
Le rôle du comité de suivi des sanctions et du groupe des expert .............. 47
CHAPITRE 2 : L’ETAT CENTRAFRICAIN DANS LA MISE ŒUVRE DE LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER ................................................................................ 50
Section 1 : Le régime juridique de la mise en œuvre de la responsabilité de protéger
en RCA ................................................................................................................................ 50
Paragrahe1 : Les textes en application ..................................................................... 50
A-
La constitution du 30 Mars 2016 ................................................................ 50
B-
Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement
illicite
51
Paragraphe 2 : Les institutions en charge ................................................................. 53
A-
Le ministère de la défense ........................................................................... 53
B-
Le ministère de la justice ............................................................................ 55
Section 2 : Les efforts effectués en vue de l’exercice de la responsabilité de protéger
............................................................................................................................................. 57
Paragraphe 1 : La réforme du secteur de sécurité ..................................................... 57
A-
La formation des éléments de l’armée nationale ........................................ 59
B-
La mise en œuvre du processus DDRR ...................................................... 61
Paragraphe 2 : Le renforcement de l’Etat de droit ................................................... 61
A-
Le retour progressif de l’autorité de l’Etat dans les zones occupées .......... 61
B-
Le Processus politique africaine en vue du retour de l’autorité de l’Etat ... 63
CHAPITRE I : UN EMBARGO A L’EFFICACITE DISCUTABLE .................... 65
Section 1 : La défaillance de l’Etat centrafricain dans sa responsabilité de protéger
du fait de l’embargo sur les armes ....................................................................................... 65
Paragraphe 1 : La RCA un Etat en faillite ................................................................ 65
A-
L’absence de l’autorité étatique dans les zones occupées........................... 66
B-
L’Impuissance de l’Etat centrafricain d’assumer ses missions régaliennes 67
3
Paragraphe 2 : Le renforcement des positions des combattants ............................... 68
A-
La dynamique des trafics d’armes au sein des groupes amés ..................... 68
B-
Le Regain des violences sur le territoire centrafricain ................................ 69
Section 2 : Les conséquences liées à l’embargo sur les armes en RCA .................. 70
Paragraphe 1 : Les conséquence sécuritaire et humanitaire ..................................... 70
A-
Violations des droits de l’homme découlant de l’insécurité ....................... 71
B-
Les mouvements des déplacés internes extensifs ....................................... 72
Paragraphe 2 : Les conséquences sociales, politiques et économiques .................... 73
A-
Incitation à la discrimination et à la violence ......................................... 73
B-
Établissement de structures administratives et fiscales parallèles par les
groupes armés ................................................................................................................... 74
C-
La Prolifération des entreprises minières et ses conséquences pour la sécurité
74
CHAPITRE II : LES DEFIS A RELEVER DANS LA MISE EN ŒUVRE DE LA
SANCTION D’EMBARGO POUR UNE MEILLEURE APPLICATION DE LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER ................................................................................ 76
Section 1 : La proportionnalité de la mesure de sanction ........................................ 76
Paragraphe 1 : Le processus de déclenchement de la sanction d’embargos sur les
armes .................................................................................................................................... 76
A-
L’existence des situations prévues à l’article 39 de la Charte de l’ONU ... 77
B-
Le choix de la sanction d’embargos sur les armes du fait de la situation
sécuritaire
79
Paragraphe 2 : Les modalités d’exécution de la sanction ......................................... 79
A-
Obligation des Etats membre d’appliquer la décision de la sanction
d’embargo sur les armes ................................................................................................... 80
B-
Obligation par les Etats de faire respecter la sanction par les entités
subsidiaires 82
4
Section 2 : La prévention des effets secondaire de la sanction d’embargo sur les armes
............................................................................................................................................. 83
Paragraphe 1 : Les moyens prévus à l’obstruction des effets secondaires des sanctions
d’embargo sur les armes ....................................................................................................... 83
A-
Les moyens juridiques ................................................................................ 83
B-
Les moyens institutionnels .......................................................................... 85
Paragraphe 2 : les effets secondaires de la sanction d’embargos sur les armes en RCA
.............................................................................................................................................. 86
A-
Les effets secondaires de l’embargo sur les armes sur la sécurité en RCA 87
B-
Les effets de la sanction d’embargos sur la responsabilité de protéger ...... 88
CONCLUSION GENERALE ................................................................................. 91
Bibliographie ........................................................................................................... 97
5
LISTE DES ABREVIATIONS
ANE : Autorité Nationale des Elections
BINUCA : Bureaux Intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en
Centrafrique
BONUCA : Bureau des Nations unies en République centrafricaine pour la
consolidation de la paix
CEEAC : Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale
CEI : Commission Electorale Indépendante
CEMI : Commission Electorale Mixte et Indépendante
CIISE : Commission Internationale de l’Intervention et de la Souveraineté des Etats
CNDDR : Commission Nationale du Désarmement, Démobilisation et Réinsertion
CNT : Conseil National de Transition
COPAX : Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique Centrale
CPI : Cour Pénale Internationale
CPJP : Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix
CPSK : Convention Patriotique pour le Salut du Kodro
DDR : Désarmement, Démobilisation et Réinsertion
DDRR : Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Rapatriement
DPI : Dialogue Politique Inclusif
EUFOR : Force de l’Union Européenne
FACA : Force des Armées Centrafricaines
FAO : Programme des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture
FMI : Fonds Monétaire International
FNUAP : Fonds des Nations Unies pour la Population
6
FOMUC : Force Multinationale en Centrafrique
HCT : Haut Conseil de Transition
LRA : Lord Resistance Army
MARAC : Mécanisme d’Alerte Rapide de l’Afrique Centrale
MICOPAX : Mission de la consolidation de la paix
MINURCA : Mission des Nations Unies en République Centrafricaine
MINURCAT : Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad
MINUSCA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la
Stabilisation en Centrafrique
MISAB : Mission Interafricaine de Surveillance des Accords de Bangui
MISCA : Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique
OIT : Organisation International du Travail
OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONU : Organisation des Nations Unies
ONUSIDA : Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/sida
OPAC : Protocole Facultatif à la Convention concernant l’Implication des enfants
dans les conflits armés.
OPSC : Protocole Facultatif à la Convention concernant la vente des enfants, la
prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
PACE : Projet d’Appui au Cycle Electoral
PAM : Programme Alimentaire Mondial
PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement
PRAC : Projet de réinsertion des ex-combattants et d’appui aux communautés
PRASEJ : Projet d’appui à la sécurité pour le développement au système judiciaire
et aux droits de l’homme
7
PSD : Projet de Sécurité pour le Développement
R2P : Responsabilité de Protéger
RSS : Réforme du Secteur de Sécurité
SDHJ : Section des Droits de l’Homme et Justice
UFDR : Union des Forces Démocratiques et Républicaines
UFVN : Union des Forces Vives de la Nation
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture
UNHCR : Haut-commissariat des Nations Unies aux Réfugiés
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
8
AVANT-PROPOS
Située au cœur de l’Afrique, la République centrafricaine, pays membre des Nations
Unies s’est confronté au cours de ces dernières décennies par une série de crise militaropolitiques qui se sont soldés par une intervention de la communauté internationale et plus
particulièrement de l’ONU au côté de ses dirigeants pour un retour à l’ordre constitutionnel
et démocratique.
En effet, la problématique de la sanction d’embargo sur les armes en RCA soulève
un sérieux problème celui de la responsabilité de protéger par l’Etat centrafricain. Car on
assiste à une montée en puissance des groupes armés malgré la sanction et que l’Etat ne peut
intervenir faute des moyens et du fait de la sanction d’embargo sur les armes.
Cette étude se focalise d’une part sur l’importance de la sanction mas tout en
précisant ses effets secondaires sur la responsabilité de protéger par l’Etat centrafricain. Ce
qui nous conduit à donner certaines pistes permettant d’éviter d’une part que la sanction
d’embargo soit une entrave à la réalisation du devoir de la R2P par un Etat sous sanction
d’embargo sur les armes tel qu’il en est de la République centrafricaine qui a de la peine à
répondre à cette obligation régalienne.
Certes, les efforts déployés par les Nations Unies pour le maintien de la paix en
Centrafrique sont louables, mais il se pose cependant avec acquitté la question des effets de
la sanction d’embargo sur les armes surtout de son renouvellement qui constitue une entrave
à la notion de l’obligation de protéger.
9
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier du fond du cœur toutes les personnes qui n’ont ménagé
aucun effort pour la réalisation de ce travail.
Tout d’abord notre remerciement va à l’endroit de notre Directrice de mémoire,
Madame Catherine FABREGOULE qui, en dépit de ses multiples occupations, rend toujours
disponible et attentive à notre travail. Nous lui disons merci.
A tous les Professeurs du Département de Droit Public Général de l’Université Paris
13 qui, malgré les tracasseries des crises qu’a connu le pays, ne se sont jamais lassés de
donner le meilleur d’eux-mêmes pour parfaire notre formation. Nous vous disons également
merci.
A vous mes chers parents, Docteur GANDA-TE-GREMBOMBO François Désiré et
Madame GANDA-TE-GREMBOMBO née SOKAMBI Régina Pulchérie qui, depuis les
âges de l’existence de celui qui aujourd’hui trouve sa joie en la réalisation de ce travail où
vous êtes le cœur, n’ont cessé de le porter dans vos prières, de l’accompagner de vos conseils
de père et de mère et de lui fournir tout le confort possible d’être ce qu’il est ; il me serait
très ingrat de ne vous dire merci de tout mon cœur.
A vous mes tantes paternelles, GREMBOMBO Adèle et GREYAZOBA-TEGREMBOMBO Marie-Solange, qui ne cessent de m’apporter votre aide, trouvez en ce
travail le fruit de vos sacrifices.
A
vous
mes
frères,
KOUZOUKERE
GREMBOMBO
Evrard
Fabrice,
GREMBOMBO-TE-GANDA Elysée, Gabyno KOYANGA, Crépine YENGUERE,
YENGUERE-TE-GANDA Esther Ornella, GREGANDA Edon-Désiré, GANDA-TEGREMBOMBO Eldaa, Eric, Eber, Ela, Eloge Jean, Tiphanie, Bradley TENDOULI, par la
présente, je tiens non seulement à vous remercier pour vos prières, mais également à vous
encourager. Sachez que rien n’est impossible si et seulement si vous y croyez et vous vous
y mettez.
Pour en finir, je tiens à remercier tous ceux qui de loin ou de près m’ont aidé à réaliser
ce travail. Puisse le Seigneur vous comble de sa grâce et murit en vos cœur le don de l’amour.
« Rien ne peut aller au-delà de nos capacités si nous croyons ».
10
11
INTRODUCTION GENERALE
La coutume internationale a toujours admis la pratique de sanctions à l'encontre d'un
Etat. Ainsi, si les sanctions sont devenues aujourd’hui une coutume en droit internationale
pour remettre dans la l’égalité internationale certains Etats, il n’en demeure pas moins que
celles-ci peuvent, toutefois avoir des conséquences sur les Etats sanctionnés et plus
particulièrement la population ou les citoyens de ses Etats.
L’usage des sanctions est une pratique très ancienne des pouvoirs politiques. Dès la
Grèce antique, l’usage des blocus, des embargos et autres formes de répressions étaient
utilisées pour faire pression sur un adversaire et l’affaiblir1. Cependant, le XXème siècle a
vu une utilisation croissante des sanctions internationales, notamment depuis la fin de la
guerre froide2. Vers les années 50, certains Etats ont commencé à multiplier l’usage des
sanctions. Les Nations Unies, qui n’en avaient mis en œuvre qu’à deux reprises pendant la
guerre froide3 en raison de l’usage du droit de véto, y ont désormais régulièrement recours,
sur la base de l’article 41 (chapitre VII) de la Charte4. Ainsi, sous les auspices de l’ONU et
1
Bernard Ferrand, « Quels fondements juridiques aux embargos et blocus aux confins des XXe et
XXIe siècles », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 214, Presses universitaires de France, 2004/2
; et Roberto Bonfatti et Kevin H. O ’Rourke, « Growth, Import Dependence and War », Discussion Papers in
Economic and Social History, n° 132, University of Oxford, juillet 2014
2
Emmanuel Lebrun-Damiens et Patrick Allard, In Les sanctions internationales sont-elles efficaces
? La normalisation des sanctions dans le spectre des outils diplomatique, P.145
3
La Résolution 216 du Conseil de sécurité de l’ONU du 12 novembre 1965 contre de la Rhodésie du
Sud et la Résolution 421 du 9 décembre 1977 contre de l’Afrique du Sud.
4
Cf. les sanctions en ex-Yougoslavie (2), en Haïti, en Iraq (2), en Angola, au Rwanda, en Sierra
Leone, en Somalie et en Érythrée, en Érythrée et en Éthiopie, au Libéria (3), en République démocratique du
Congo, en Côte d’Ivoire, au Soudan, au Liban, en République populaire démocratique de Corée, en Iran, en
12
la mise en place des régimes autonomes5, certaines institutions internationales telle que l’UE,
l’UA, la ligue arabe, l’OEA et le Commonwealth ont commencé à prendre des mesures de
sanctions. Cependant, les sanctions du Conseil de sécurité prennent souvent diverses formes
et visent divers objectifs. Elles vont des sanctions économiques et commerciales de portée
générale à des mesures plus ciblées, telles que des embargos sur les armes, des interdictions
de voyager et des restrictions financières ou frappant les produits de base. Les sanctions du
Conseil de Sécurité sont parfois prises pour appuyer les transitions pacifiques, sanctionner
les changements anticonstitutionnels, lutter contre le terrorisme6, protéger les droits de
l’homme7 et promouvoir la non-prolifération des armes8.
En effet, les conflits armés internationaux ou non internationaux, et ainsi que les
catastrophes naturelles, constituent des réalités les plus cruelle de l’histoire de l’humanité.
Le bilan de ses phénomènes est d’une grande importance et parait terrifiant aussi bien du
point de vue des conséquences qui en découle, que dans la mise en œuvre d’un arsenal
juridique élaboré par la communauté internationale ; et plus particulièrement par les Nationsunies qui tentent de palier à ses maux. Toutefois, en dépit de efforts déployés durant la
période d’après-guerre pour, non seulement mettre un terme aux conflits, mais le plus
souvent préconiser le règlement des différends par voies pacifique, l’on comptabilise depuis
les années 1990 à aujourd’hui que plus 90% des victimes des conflits sont des civils9. A cet
effet, à partir des années 1990, les Etats membres de l’ONU ont opté de centrer leur
préoccupation vers les individus. L’Etat devient dès lors le premier garant de la protection
des droits de ses citoyens.
Libye (2), en Guinée-Bissau, en République centrafricaine, au Yémen et la Mali, ainsi que contre Al-Qaida et
les Taliban.
5
Exemple du droit de l’Union-européenne (Article 7 TUE) et du droit de l’Union-Africaine.
6
Résolution 2642 du 28 mars 2019, lutte contre le financement du terrorisme.
7
Résolution du Conseil de sécurité 2277 du 30 mars 2016, MONUSCO
8
La Résolution 1540 du 28 avril 2004.
9
DEYRA (M), L’essentiel du Droit des conflits armés. Paris, Gualino, EJA, 2002, p. 113. Collection.
Carrés
13
Le génocide rwandais de 1994 et la guerre en Ex-Yougoslavie en 1991, ont permis
aux Etats de comprendre que, non seulement un gouvernement n’est en mesure d’assurer la
protection de ses populations, il peut par ailleurs être source de menaces pour celles-ci. A
cet effet, dans le but de parvenir à un plus grand consensus international en situation de crise
et de ne plus avoir à opérer un choix entre le respect de la souveraineté et l’impératif
d’intervenir à des fins de protection humaine, à l’appel du Secrétaire général de l’ONU, Kofi
Annan, la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats
(CIISE), mise en place par le Gouvernement canadien en septembre 2000, a proposé, en
décembre 2001, le concept de la « responsabilité de protéger ». C’est un concept dont les
jalons ont été élucidés par Bernard KOUCHNER et Mario BETTATI autour de la notion du
droit d’ingérence. L'idée d'ingérence humanitaire apparait durant la guerre de Biafra (19671970). Ce conflit a entraîné une grande famine, largement couverte par les médias
occidentaux mais totalement ignorée par les chefs d'Etats et de gouvernement au nom de la
neutralité et de la non-ingérence. Cette situation a entraîné la création des Médecins sans
frontières qui défendaient l'idée selon laquelle certaines situations sanitaires exceptionnelles
pouvaient justifier à titre extraordinaire la remise en cause de la souveraineté des États. C’est
ainsi que le philosophe Jean-François Revel crée le terme droit d'ingérence en 1979. C’est
une reconnaissance du droit qu'ont une ou plusieurs nations de violer la souveraineté
nationale d'un autre Etat, dans le cadre d'un mandat accordé par une autorité supranationale.
La notion du droit d’ingérence a été utilisée pour la première fois à l'occasion de
l'intervention militaire de plusieurs Etats occidentaux au Kurdistan irakien en 1991. Il
s’agissait de protéger les Kurdes alors sévèrement réprimés par les autorités irakiennes. Le
Conseil de sécurité des Nations unies, invoqua une "menace contre la paix et la sécurité
internationales". Toutefois, des critiques se sont soulevées à l’encontre de la notion et plus
précisément du fait qu’il existe un flou conceptuel autour de la notion qui est sans base et ni
définition juridique et laisse ainsi, la porte aux abus10. Et par ailleurs, selon certaines
critiques, il existe déjà d’autres instruments pour justifier une intervention à des fins
humanitaires, notamment les Conventions de Genève ainsi que le Chapitre VII de la Charte
des Nations unies, si la situation est qualifiée par le Conseil de sécurité de menace contre la
paix et la sécurité internationales, et aussi la crainte d’un impérialisme humanitaire remettant
10
Cf. l’article de la France terre asile : de la souveraineté des Etats au droit d’ingérence, 2019
14
en cause la souveraineté des États, murit ses critiques. Ce qui va conduire le secrétaire
général de l’ONU, Kofi Annan à s’interroger lors de l’assemblée Générale de l’ONU en
Mars 2000 sur la probabilité d’abandonner l’interventionnisme humanitaire pour la violation
de la souveraineté étatique ; s’il arrivait que des droits humains sont violés. En réponse, le
Gouvernement canadien crée la CIISE en septembre 2000 qui portera dans son rapport de
200111 le concept de la responsabilité de protéger qui inclus la responsabilité de l’Etat et
ainsi que de la communauté internationale en matière de protection des populations civiles.
En effet, le concept de la responsabilité de protéger s’est articulé autour de trois sources de
génération :
o des réflexions philosophiques anciennes à savoir : la tradition de la
guerre juste, la doctrine de la souveraineté, et la théorie de l’intervention
humanitaire ;
o des développements juridiques de l’après-1945 notamment le droit
international des droits de l’homme [DIDH] et le droit international
humanitaire [DIH]) et des changements structurels de l’après-guerre
froide12.
Ce concept va donner une nouvelle vision à la notion de la souveraineté. Car avec les
traités de Westphalie en 1648 les Etats disposaient de leurs populations comme bon leur
semble, sans qu’ils soient redevables à quiconque. Comme le dit G. Evans c’est une
souveraineté prédatrice, équivalente à un permis de tuer13. Mais avec le concept de la R2P,
on voit naître une conception large de la souveraineté qui conduit à la responsabilité de l’Etat.
L’idée de souveraineté comme responsabilité n’est pas nouvelle, elle a été au cœur de la
construction doctrinale de la souveraineté14. Pour Hobbes, l’autorité du souverain dépend de
11
Cf. le Rapport de la CIISE, La Responsabilité de Protéger, Publication du centre de recherche pour
le développement international (CRDI), Déc. 2001
12
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, in Dans La responsabilité de protéger, Paris, Presses de Sciences
Po (2015), P.7
13
G. Evans, « State Sovereignty Was a Licence to Kill », interview SEF News, 22 mai 2008
14
B. Delcourt, « La responsabilité de protéger et l’interdiction du recours à la force : entre normativité
et opportunité », in SFDI (dir.), La Responsabilité de protéger, Paris, Pedone, 2008, p. 312
15
sa puissance de protection. Il affirme à ce propos : « L’obligation qu’ont les sujets envers le
souverain est réputée durer aussi longtemps, et pas plus, que le pouvoir par lequel celui-ci
est apte à les protéger »15. Dès lors qu’il n’est plus capable de les protéger, il perd sa
souveraineté disait Jean-Baptiste Jeangène VILMER16. Pour Glanville, les souverains de
l’époque étaient responsables soit devant Dieu, soit devant leur peuple, soit devant la société
internationale, encore embryonnaire, et leur défaillance pouvait respectivement donner lieu
à un jugement divin, une révolution ou une condamnation, une sanction, voire une
intervention extérieure17. Cette dernière vision conduit certains auteurs doctrinaires, comme
l’affirme J.B. Jeangène Vilmer, à estimer que la protection des populations est une raison
légitime d’intervenir militairement18. C’est une conception développée de la tradition de la
guerre juste.
Cependant, vers les années 1990 et avec le génocide serbe, on voit paraitre une
conception extensive de la responsabilité des Etats. La responsabilité des Etats ne se limite
plus seulement à l’acte illicite du droit international mais elle tend vers l’acte de
l’abstention19, et surtout des violations massives des droits de l’homme comme cause de
responsabilité20. Francis Deng affirme que : « l’État a l’obligation de permettre à sa
15
T. Hobbes, Léviathan, II, 21, trad. F. Tricaud, Paris, Sirey, 1971, p. 233
16
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, in Dans La responsabilité de protéger, op. cit., P.7
17
L. Glanville, Sovereignty and the Responsibility to Protect, Chicago, The University of Chicago
Press, 2014. P.20
18
J.-B. Jeangène Vilmer, La Guerre au nom de l’humanité
19
CIJ, Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, la CIJ estime que la
Convention oblige les États à prévenir les génocides, non seulement sur leur territoire mais aussi lorsqu’ils sont
conduits dans et par des États tiers, à condition toutefois qu’il s’agisse d’un territoire sous contrôle. Elle en
conclut que la Serbie a « violé son obligation de prévenir le génocide de Srebrenica, et a ainsi engagé sa
responsabilité internationale
20
Le SGNU Javier Pérez de Cuéllar en 1991 disait : « ce qui est en jeu, ce n’est pas le droit
d’intervention, mais bien l’obligation collective qu’ont les États de porter secours et réparation dans les
situations d’urgence où les droits de l’homme sont en péril ».
16
population de vivre et qu’il s’agit même d’une condition sine qua non de sa souveraineté21,
et que, pour mériter le nom de gouvernement, un gouvernement doit désormais satisfaire
certaines conditions, qui impliquent toutes des limitations de l’usage du pouvoir ; et que la
communauté internationale a l’obligation de s’en assurer22 ».
A cet effet, la responsabilité devient une nécessité vitale pour la communauté
internationale, comme le dit J.B. Jeangène Vilmer la responsabilité de protéger est pour la
communauté internationale un moyen d’exister23. Martin Van Creveld affirme pour sa part
que : « la demande la plus importante à laquelle toute communauté politique doit répondre
est la demande de protection24 ». Ainsi, depuis l’apparition du concept de la responsabilité
de protéger en 2000, la communauté internationale fait parfois recours à elle pour intervenir
et sauver des populations civiles. Il s’agit en effet pour la communauté internationale
d’intervenir pour protéger les populations civiles lorsqu’un Etat ne dispose pas les moyens
de le faire ou ne veut le faire du fait de la volonté politique tel en est-il des raisons de
l’intervention de la communauté internationale en Libye, en Côte-d’Ivoire et ainsi qu’en
République Centrafricaine.
La République Centrafricaine a connu une série de crises militaro-politiques dont la
dernière de 2013 avec la prise du pouvoir par la rébellion Séléka sous le commandement du
Président Michel DOTODJA, a placé le pays sous multiples sanctions de l’ONU parmi
lesquelles l’embargo sur les armes. Un embargo sur les armes désigne un type de sanction
internationale qui consiste en une restriction partielle ou totale des transferts d’une ou de
plusieurs catégories d’armes vers un ou plusieurs destinataires25. L’objectif premier est de
réduire ou de bloquer l’accès à des équipements militaires et à des services ou aides
financières qui leur seraient associés. Il a pour effet d’influencer le comportement d’un
21
F. Deng et alii, Sovereignty as Responsibility, Washington D.C., Brookings, 1996, p. xviii.
22
Ibid., p. 4 et 6. Voir F. Deng, « From “Sovereignty as Responsibility” to the “Responsibility to
Protect” », Global Responsibility to Protect, 2, 2010, p. 353-370
23
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, in Dans La responsabilité de protéger, op. cit.,P 9
24
C. Schmitt, La Notion de politique, trad. M.-L. Steinhauser, Paris, Flammarion, 1992, p. 17
25
Moreau Virginie, Les embargos sur les armes de l’union européenne : des mesures symboliques ?
Note d’Analyse du GRIP, 21 juin 2012, p. 7
17
acteur sur la scène internationale dans un sens qui favorise la paix et la sécurité. Dans son
champ d’application, il peut être dirigé contre un Etat dans sa totalité (sanction globale), ou
contre certaines entités ou catégories de personnes jugées seules responsable d’une menace
à la paix et à la sécurité (sanction ciblée)26. L’histoire des embargos n’est pas linéaire. Elle
a évolué et s’est adaptée au fil de leur utilisation. Le premier embargo des années 1990,
lequel s’appliquait à l’Irak, a montré les limites d’un système global d’embargo qui, à un
certain moment, peut devenir contre-productif et renforcer le pouvoir en place car il frappe
injustement les populations civiles. De la même manière, et en particulier en ce qui concerne
les armes, l’idée s’est progressivement dégagé qu’un embargo devait être précisé dans son
champ d’application, sa durée et ses objectifs. En même temps, les moyens de contrôle, c'està-dire les évaluations des embargos, sont apparus comme une donnée importante. A cet
égard, la création de Comités des sanctions en Mai 1968 par le Conseil de sécurité de l’ONU
et, depuis 1999, la nomination de Groupes d’experts chargés de lui présenter des rapports
sur l’état de l’application des mesures onusiennes, ont permis de faire des constatations
importantes et de fournir des données servant de bases à des analyses ultérieures.
L’efficacité des embargos sur l’approvisionnement en armes et munitions est une
question majeure qui conditionne l’avenir même de telles mesures. Légalement, il est du
devoir des Etats membres des Nations unies d’appliquer les résolutions du Conseil de
sécurité et, de surcroît, nul État ne peut prétendre ignorer les décisions dudit Conseil. Or, le
non-respect des embargos sur les armes a été mis en exergue, non seulement par les enquêtes
des Groupes d’experts pour les divers Comités des sanctions, mais également par des
organismes spécialisés dans le droit humanitaire et les efforts de paix, tels qu’Amnesty
International, Human Rights Watch, Global Witness, ainsi que par les médias.
Cependant, au regard de l’obligation de protéger qui consiste à avoir en sa disposition
des moyens qu’il faut, notamment matériels à savoir des armements et la volonté d’agir, pour
la protection de son territoire et de ses populations contre toutes tentatives pouvant entrainer
des violations massives des droits de l’homme, l’embargos sur les armes en faveur d’un Etat
apparaît dès lors comme une problématique à cette mission régalienne de l’Etat ; d’où
26
Ibid., p. 6 et 7
18
l’importance de notre sujet de recherche : les enjeux d’un embargos sur les armes face à la
responsabilité de protéger : cas de la République Centrafricaine.
La RCA qui s’étend sur une superficie de 623.000km², a connu une histoire marquée
par de nombreux coups d’Etat qui ont fragilisé l’ordre constitutionnel d’une part et ont
asphyxié, d’autre part, le système démocratique de ce pays, tout en inscrivant cette ancienne
colonie française dans un cycle d’insécurité particulièrement préoccupante pour ses
5.134.480 millions d’habitants, classés parmi les plus pauvres du monde. La RCA partage
près de 4000km de frontières avec les pays voisins comme le Congo Brazzaville, la
République Démocratique du Congo, le Sud-Soudan, le Soudan et le Tchad, dont l’une des
caractéristiques est une instabilité sociopolitique. Elle subit le contre coup de cette instabilité
sous régionale avec conséquences : l’infiltration des groupes armées, la grande circulation
des armes légères. De même, le pays s’est illustré au cours de la décennie par une spirale de
crises militaro-politiques, dont les dernières de mars 2003 et 2013, se soldent par le putsch
du 15 mars 2003, celui du 24 mars 2013 et la riposte sévère des « anti-balakas » du 05
décembre 2013. Bien qu’aujourd’hui le pays ait connu un retour à l’ordre constitutionnel par
le biais des élections présidentielles et législatives de février 2016 et malgré les efforts de la
MINUSCA27 avec la présence des forces onusiennes, le pays demeure dans un cycle de
violence entrainant le renouvellement constant de la sanction d’embargos sur les armes.
En s’intéressant à la problématique d’un embargo sur les armes, plusieurs questions
se révèlent notamment celles de son application, de son respect et de son contrôle. En effet,
depuis 1990 à aujourd’hui, les décisions d’embargos sur les armes des nation-unies ont fait
objet de sabotage de la part des Etats. Certains décident d’aller à l’encontre de cet embargo
au nom de la défense ou de la protection de leur territoire et notamment de répondre aux
missions régaliennes des Etats ; et d’autres évoquent la nécessité de protéger leurs
populations à savoir l’obligation de protéger. Toutefois, le cadre de la sanction d’embargos
sur les armes en RCA présente des enjeux encourus d’une part dans son application et
d’autres part des conséquences liées au maintien de cet embargos. Car non seulement la
sanction d’embargos sur les armes semble aller à l’encontre de la volonté du gouvernement
centrafricain d’utiliser ses forces de défense nationale afin de lutter contre les exactions
27
Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation en Centrafrique crée
par la résolution 2149
19
commises par les groupes rebelles dans les villes occupées, mais elle soulève aussi bien des
controverses dans la classe politiques et au sein des communautés centrafricaines qui
semblent être abandonnées à la merci de ses mercenaires de guerre sans foi, ni loi.
En effet, d’après le représentant de la Fédération internationale des sociétés de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, au cours du débat sur les questions relatives aux droits
de l'homme, l'imposition de sanctions à l'encontre de certains pays dans l'espoir de susciter
une amélioration de la situation des droits de l'homme va souvent à l'encontre de l'objectif
recherché28.
Ainsi, l’intérêt de notre étude si situe à deux niveaux, d’abord un intérêt social et
politique et ensuite un intérêt scientifique. En effet, la situation sécuritaire que vit la
République centrafricaine résulte d’une analyse lointaine des réalités sociales que vit le
peuple centrafricain. Les tueries et les violations massives des droits humains et surtout le
régime de terreur mis en place par les groupes rebelles dans les zones sous leur contrôle et
ainsi que l’inaction du gouvernement centrafricain, son silence et son incapacité de réagir ou
de riposter pour protéger la population, sont autant d’éléments qui cadrent à notre étude. Car
pour assumer ses fonctions, l’Etat doit exister, et donc bénéficier de tous ses moyens de
défense et surtout pouvoir exercer sa souveraineté sur l’étendue de son territoire. Il ne s’agit
pas seulement de confier aux contagions venant dans le but de la mission de l’Onu de réaliser
cette mission protectrice des populations. Car le concept de la responsabilité de protéger
requiert avant tout la responsabilité du Gouvernement centrafricain de mettre en œuvre tous
les moyens nécessaires à la protection de la population centrafricaine. L’intérêt scientifique
de notre étude se situe dans une approche critique. Car malgré la sanction d’embargo sur les
armes en RCA, le flux des tensions et des exactions continue d’être perpétré à l’endroit des
civils. On assiste toujours à des situations des foyers de tensions entre les groupes rebelles
et des mouvements des déplacés internes massifs. Et par ailleurs, l’impossibilité du
gouvernement centrafricain de pouvoir agir en riposte pour la protection de la population et
l’inaction des forces onusiennes qui assistent de manière pitoyable à certains massacres de
la population civile29, soulèvent des questions. Car non seulement le peuple centrafricain
28
29
Communiqué de presse, AG/SHC/390
Voir les conflits d’Alindao du 15 novembre 2018 où 112 personnes ont été massacrés en présence
des forces onusiennes.
20
sollicite la présence de ses forces armées nationale pour assurer sa protection, mais on assiste
d’un autre côté à la circulation massive des armes légère et de grands calibres entre les
groupes rebelle alors que le gouvernement ne peut déployer les forces de défenses nationales
par faute de moyens car sous sanctions d’embargo.
Tous ses éléments de fait laissent autant de doute au succès dû à l’embargos sur les
armes et nous conduit à cette question : l’embargo sur les armes en république centrafricaine
constitue-t-il une entrave à la notion d’obligation de protéger par l’Etat Centrafricain ?
Pour répondre à cette question, nous allons utiliser un certain nombre de techniques,
pour la réalisation de ce travail. D’une manière générale, les techniques sont des procédés
opératoires rigoureux, bien définis, transmissibles et susceptibles d’être appliqués à des
phénomènes sociaux. Elles permettent d’atteindre un but, et leur choix dépend de l’objectif
poursuivi et de la méthode choisie. Ainsi, deux techniques vont nous permettre de bâtir notre
développement. Il s’agit entre autres de la recherche documentaire qui nous a permis de
rassembler les éléments nécessaires à la compréhension de l’interaction entre l’embargo sur
les armes et la responsabilité de protéger ; ensuite de la recherche fonctionnaliste d’après
laquelle : « la fonction est perçue par rapport au système social tout entier ». Elle permet
d’apprécier les objectifs assignés à la sanction d’embargo sur les armes en vue de la
protection de la population centrafricaine. Elle permet également de comprendre si lesdits
objectifs, notamment ceux de la sanction d’embargos sur les armes sont compatibles à la
réalisation du concept de R2P par l’Etat centrafricain.
Par conséquent, nous verrons dans une première partie la compatibilité entre la
sanction d’embargo sur les armes et la responsabilité de protéger. Car l’embargos sur les
armes peut être une nécessité à la responsabilité de protéger en RCA (Première partie). Mais
toutefois, la sanction d’embargo sur les armes peut être une entrave à la responsabilité de
protéger. Car au regard de la situation sécuritaire en RCA et plus particulièrement la position
des forces onusiennes de la MINUSCA, on constate certains effets secondaires néfastes à la
prise de la décision de la sanction d’embargo face à la R2P (Deuxième partie).
21
PREMIERE PARTIE : LA SANCTION D’EMBARGOS SUR LES
ARMES, UNE NECESSITE FACE A LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
EN RCA
Selon le rapport de la CIISE de 2001, la responsabilité de protéger comprend trois
obligations particulières. La première est la responsabilité de prévenir. Cette responsabilité
vise à éliminer à la fois les causes profondes et les causes directes des conflits internes et des
autres crises qui mettent en danger les populations. La deuxième obligation est celle de la
responsabilité de réagir devant la nécessité de protéger les populations victimes de conflits.
Cette réaction implique le recours à des mesures coercitives telles que des sanctions, des
poursuites internationales et, dans les cas extrêmes, le recours à une intervention militaire.
La troisième obligation est la responsabilité de reconstruire. Ce qui consiste à fournir, surtout
après une intervention militaire, une assistance aux États afin de faciliter la reprise des
activités, la reconstruction et la réconciliation, en agissant sur les causes des exactions
auxquelles l’intervention devait mettre un terme ou avait pour objet d’éviter. De ses trois
obligations, c’est au tour de la seconde que notre réflexion s’articule.
La crise centrafricaine de 2013 paraît la plus meurtrière de l’histoire de son peuple.
Cette crise militaro-politique a entrainé le pays dans un chaos inouïe avec des violations
massives des droits de l’homme et des mouvements des réfugiés à grande échelle. Ainsi,
dans l’ultime but de sauver la population et de restaurer l’autorité de l’Etat, la sanction
d’embargos sur les armes en RCA paraît une nécessité pour la communauté internationale
afin de pallier l’insuffisance de l’Etat centrafricain de protéger la population civile face aux
atrocités des groupes rebelles. A cet effet, pour cerner cette problématique, il s’avère
judicieux de voir d’une part la nécessité de la mise en œuvre de la responsabilité de protéger
et de la sanction d’embargo sur les armes (Chapitre I) et d’autre part l’Etat centrafricain dans
la mise en œuvre la responsabilité de protéger (Chapitre 2).
22
CHAPITRE I :LA NECESSITE DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA
RESPONSABILITE
DE
PROTEGER
ET
DE
LA
SANCTION
D’EMBARGO SUR LES ARMES
Dans son rapport de 2009 concernant la mise en œuvre de la responsabilité de
protéger30, le Secrétaire général des Nations unies a soutenu que le concept de R2P repose
sur trois piliers. Ces trois piliers ne sont pas hiérarchisés et ont une importance égale. Ils
doivent être envisagés ensemble, sans quoi le principe du devoir de protection serait
incomplet. Le premier suppose la responsabilité de l’État en matière de protection. Le
deuxième consiste dans l’engagement pris par la communauté internationale d’assister et
aider les États à s’acquitter de leurs obligations. Quant au troisième pilier, il consiste dans la
responsabilité des États membres de mener en temps voulu une action collective et résolue
lorsqu’un État ne peut ou ne veut pas s’acquitter de la responsabilité qui lui incombe31. La
réaction de la communauté internationale trouve alors son fondement dans ce dernier pilier.
A cet effet, dans le cadre de notre recherche nous allons, d’une part étudier le contexte lié au
concept de la responsabilité de protéger et la sanction d’embargo sur les armes en RCA
(Section 1) et d’autre part étudier la nécessité de la sanction d’embargo due au contexte
(Section 2).
Section 1 : Le contexte lié aux concepts de la responsabilité
de protéger et la sanction d’embargo sur les armes en RCA
Pour mieux comprendre le contexte lié au concept de la R2P en RCA et la sanction
d’embargo sur les armes, il faut passer en revue la situation en RCA (Paragraphe 1) afin de
comprendre la nécessité d’user de la R2P en RCA (Paragraphe 2)
30
Organisation des Nations unies, La mise en œuvre de la responsabilité de protéger, Rapport du
Secrétaire général des Nations unies, document A/63/677, 12 janvier 2009
31
Marianne Hanna, La responsabilité de protéger : de l’émergence du concept à son application,
Article publié dans la Revue Juridique n°17 de l'Université Saint-Esprit de Kaslik, Février 2017.
23
Paragraphe 1 : La situation en République centrafricaine
Pour mieux comprendre ce qui se passe en RCA, il est judicieux d’analyser la
situation politique et sécuritaire (A) d’une part et d’autre part, la situation sociale et
humanitaire (B).
A- La situation politique et sécuritaire
L’histoire de République centrafricaine, vaste pays faiblement peuplé, a été marquée
par une pauvreté profondément enracinée, des tensions ethniques, une instabilité politique
généralisée et des conflits armés, notamment au cours des dix (10) dernières années. Le pays
a également souffert de l’instabilité régionale et des conflits internes dans des pays voisins,
qui ont entraîné des mouvements de réfugiés d’armes et de groupes rebelles à travers ses
frontières poreuses. A la suite, en effet, d’une série de conflits internes et de mutineries en
1996 et 1997, des initiatives de médiation sous régionales se sont soldées par la mise en
place en février 1997 de la Mission Interafricaine de Surveillance des Accords de Bangui
(MISAB), qui a été remplacée en avril 1998 par une opération de maintien de paix intitulée
« Mission des Nations-Unies en République centrafricaine (MINURCA) ». Après le succès
des élections de septembre 1999, la MINURCA a été remplacée par le Bureau d’appui des
Nations-Unies pour la consolidation de la paix en Centrafrique (BONUCA). Ce bureau
continue d’appuyer les initiatives visant à consolider la paix et à assurer la réconciliation
nationale.
En août 2002, la situation en matière de sécurité en République Centrafricaine s’est
sensiblement détériorée, notamment dans le nord du pays. En octobre 2002, la Communauté
économique et monétaire de l’Afrique centrale a créé la Force Multinationale en
Centrafrique (FOMUC). Cette force sous régionale, qui comptait 380 soldats, du Tchad, du
Gabon et du Congo, a joué un rôle utile au rétablissement de la paix et la sécurité. Dans une
perspective de sortie de crise, un dialogue national lancé en 2002 a été interrompu, lorsque
le général François BOZIZE a remplacé le président Ange-Félix Patassé à la suite d’un coup
d’Etat en mars 2003. Le gouvernement de transition du président BOZIZE va organiser
ultérieurement en septembre 2004 un dialogue national auquel ont participé les anciens
présidents de la République centrafricaine, à l’exception du président Patassé. Le Général
BOZIZE a par la suite remporté les élections présidentielles et législatives en mai 2005 ;
mais la fragile stabilité du pays a été compromise par l’insécurité causée par les groupes
24
criminels et l’émergence d’une nouvelle rébellion armée dans le nord-ouest et le nord-est du
pays32. Ces groupes rebelles sont constitués de partisans de l’ancien président Patassé et
d’éléments précédemment associés au président BOZIZE, qui se sont depuis retournés
contre lui. Les FACA ont été régulièrement la cible d’attaques de ces groupes rebelles et les
autorités centrafricaines ont du mal à maintenir l’ordre dans plusieurs parties du pays. Cette
faiblesse d’instauration conduit en effet les Nations Unies à intervenir dans le cadre de la
consolidation de la paix en créant la MINURCAT par la Résolution 1778 du Conseil de
Sécurité.
Malgré la signature de différents accords de paix entre 2007 et 2008, le changement
attendu dans le nord de la RCA n’arrive pas assez tôt pour ceux qui se sentent négligés en
termes de développement et d’aide en provenance de Bangui33. Les principales dispositions
des accords de paix ne sont pour la plupart pas appliquées. Cependant, avec l’élection du
Président BOZIZE réélu en 2011 dès le premier tour à l’élection présidentielle à la tête du
pays34, la RCA va connaître une forme de rébellion relevant de la coalition des différents
groupes armés. La séléka (qui signifie « alliance » en sango, principale langue du pays) voit
le jour en août 2012 en tant que coalition de mouvements politiques qui existaient déjà et de
groupes armés sous une direction commune. D’anciens proches partisans de BOZIZE, y
compris des membres de sa garde présidentielle, s’opposent ouvertement au régime et
gonflent les rangs de la rébellion35. La séléka commence dès lors a occupé les grandes villes
de la RCA en semant la terreur et le désarroi, en commettant des violations massives des
droits de l’homme. Elle sera stoppée aux portes de Bangui par des troupes tchadiennes et par
32
J. Graf, Rapport Conflict analysis-Central African Republic-2011, p. 6
33
HRW, Rapport « je peux encore sentir l’odeur des morts ». La crise oubliée des droits humains en
République centrafricaine, 18 septembre 2013, p. 33
34
UA, Report of the Chairperson for the Commission on the Situation in the Central African Republic,
PSC/PR/2. (CCCXLV), 6 December 2012, p. 1
35
Cf. HRW, je peux encore sentir l’odeur des morts. La crise oubliée des droits humains en
République centrafricaine, 18 septembre 2013, p. 31 ; ICG, République centrafricaine : les urgences de la
transition, 11 juin 2013, p. 7
25
la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (la « MICOPAX ») de la Communauté
économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC)36 en décembre 2012.
L’accord de Libreville du 11 janvier 2013, négocié par la CEEAC, permet d’éviter
provisoirement un coup d’Etat et débouche sur une période de trois ans de pouvoir partagé.
Toutefois, cette période est un échec et la séléka s’empare finalement du pouvoir à Bangui
le 24 mars 2013, contraignant BOZIZE à l’exil. Le 25 mars 2013, en réaction à ce coup
d’Etat, l’Union Africaine (UA) suspend la participation de la RCA aux activités de l’Union
et impose des sanctions à sept dirigeants de la séléka, notamment des restrictions à leurs
déplacements et le gel de leurs avoirs37.
En octobre 2013, le Conseil de sécurité de l’ONU déclare que la situation en
Centrafrique se caractérise « par un effondrement total de l’ordre public et par l’absence de
l’Etat de droit38 », formulation qui sera reprise dans toutes les résolutions à venir au sujet de
la RCA. En fin 2013, les violences prennent une tournure confessionnelle, en particulier à
l’ouest et au centre du pays. Aussi, en décembre 2013, le Conseil relève un « état de la
sécurité qui continue de se détériorer en République centrafricaine » et se dit
particulièrement préoccupé « par l’apparition d’une nouvelle logique de violence et de
représailles et par le risque qu’elle dégénère en fracture religieuse et ethnique à l’échelle
nationale, de nature à se muer en situation incontrôlable et s’accompagner de crimes graves
au regard du droit international, en particulier des crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité 39».
Cependant, les atrocités prétendument commises par les combattants de la séléka,
musulmans pour la plupart, visant principalement les non-musulmans, exaspèrent la
population et donnent lieu à la création de groupes tels que les « anti-balaka » signifiant «
36
Rapport du FIDH, ICG, République centrafricaine : les urgences de la transition, 11 juin 2013, p. 8
37
Cf. UA, communiqué du CPS- PSC/PR/COMM-(CCCLXIII), 25 mars 2013
38
Préambule de la résolution 2121 du Conseil de sécurité, 10 octobre 2013.
39
Préambule de la résolution 2127 du conseil de sécurité, 5 décembre 2013.
26
anti-balles AK40 ». Ces groupes vont à leur tour s’en prendre aux communautés musulmanes,
alimentant ainsi la spirale de la violence et des représailles.
L’incapacité des autorités de la séléka en tête du pays va pousser les dirigeants de la
CEEAC à opérer un changement politique, en déstabilisant le chef de la séléka Michel
DJOTODJA à la présidence du pays, qui sera remplacé par Catherine SAMBA-PANZA
comme chef d’Etat de transition41. A cet effet, les Nations Unies, se préoccupant de la
situation, prirent à l’unanimité la résolution 2127 du 5 décembre 2013 qui crée la MISCA et
en imposant par la même résolution des sanctions parmi lesquelles la sanction d’embargos
sur les armes en RCA. Par ailleurs, la persistance des conflits conduira la communauté
internationale et plus particulièrement l’ONU par le biais du Conseil de Sécurité à prendre
la résolution 2149 du 10 avril 2014 créant la MINUSCA.
Toutefois, malgré le retour à l’ordre constitutionnel par les élections présidentielles
et législatives de 2016, le pays continue de connaître des foyers de tensions. En effet,
l’évolution du conflit, les divisions et l’évolution des allégeances au sein des différentes
factions, ont conduit au morcellement du pays, aujourd’hui majoritairement contrôlé par des
groupes armés. D’anciens membres de la Séléka, des milices anti-balakas, ou des groupes
armés criminels, luttent entre eux pour s’approprier les ressources du pays (pétrole, diamant,
bétail ou contrôle des routes) et commettent régulièrement des attaques meurtrières. Les
groupes armés continuent à contrôler une large part du territoire et la situation sécuritaire
reste fragile42.
Un accord de paix a été signé le 6 février à Bangui entre le gouvernement
centrafricain et les 14 groupes armés signataires de la feuille de route de Libreville (17 juillet
2017) dans le cadre de l’Initiative de paix portée par l’Union africaine et les pays de la région.
Cet accord est le huitième signé depuis 2012 et prévoit, comme le demandaient les groupes
40
UA premier rapport intérimaire de la Commission de l’Union africaine sur la situation en
République centrafricaine et les activités de la mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite
africaine (MISCA), 7 mars 2014, p. 4
41
42
Cf. Jeune Afrique, Catherine SAMBA-PANZA élue présidente de la transition, 20 janvier 2014
Cf. L’attaque d’un camp de déplacés à Alindao en novembre 2018, affrontements entre l’UPC et la
MINUSCA à Bambari en janvier 2019.
27
armés, la mise en place d’un gouvernement inclusif, des mesures de décentralisation et une
réforme de la fonction publique. Les groupes armés s’engagent à une cessation immédiate
des violences, à se dissoudre, à faciliter le redéploiement des services de l’État sur
l’ensemble du territoire et à participer au processus de démobilisation, désarmement,
réintégration et rapatriement (DDRR). Des mesures pour la réinsertion économique et
sociale des anciens combattants seront adoptées. L’accord rejette l’idée d’impunité et met
en place un mécanisme de justice transitionnelle avec la création d’une Commission vérité,
justice, réparation et réconciliation.
Comme prévu par l’accord, le président TOUADERA a nommé un gouvernement
inclusif le 4 mars 2019. Sa composition a été vivement dénoncée par les groupes armés,
ceux-ci jugeant que la place qui leur était faite était insuffisante43. A la suite de consultations
à Addis-Abeba du 18 au 20 mars 2019 sous l’égide de l’UA, le président TOUADERA a
formé le 22 mars, un nouveau gouvernement : Firmin NGREBADA reste premier ministre ;
les ex-groupes armés ont une place accrue au gouvernement (12 ministres) et ont obtenu 12
postes dans la haute fonction publique, à la Présidence de la République et à la Primature et
5 postes de sous-préfet.
L’opération de l’ONU créée en avril 201444 par le Conseil de sécurité. Elle a
principalement pour mandat la protection des populations et l’appui au processus politique
(appui aux efforts de réconciliation, au processus de démobilisation des groupes armés, à la
réforme des forces de sécurité, à la lutte contre l’impunité). La résolution 2387 du Conseil
prévoit le renforcement des capacités de la mission, notamment par une hausse du plafond
de troupes à hauteur de 900 hommes, portant ainsi l’effectif maximal autorisé à 11 650
militaires45. Le 13 décembre 2018, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2448
renouvelant pour un an le mandat de la MINUSCA, en dépit des abstentions russe et
chinoise. Jusqu’à ce jour, notons que 76 Casques bleus ont perdu la vie en RCA.
43
Sur les 36 ministères, huit (8) ministères a été octroyé aux groupes armés.
44
Cf. la Résolution 2149 du 10 Avril 2014
45
Le 29 mai la MINUSCA comptait 13 595 personnels en uniforme, dont 11 160 militaires et 2039
policiers.
28
Notons aussi que la Sous-région et l’UA ont joué un rôle positif dans la sortie de crise
en RCA. La CEEAC a fourni l’essentiel des contingents de la MISCA, opération de l’UA
déployée en décembre 2013, dont les troupes sont ensuite devenues la colonne vertébrale de
la MINUSCA, qui a pris le relai à partir de septembre 2014. La CEEAC a également soutenu
le processus de transition, à travers la médiation régionale confiée au Congo. Dès après la
prestation de serment du président TOUADERA, la RCA a réintégré les instances de l’UA,
puis celles de l’OIF dont elle avait été suspendue après la prise du pouvoir par la Séléka en
mars 2013. Le 17 juillet 2017, la RCA, l’UA, la CEEAC, la CIRGL et les pays de la région
ont signé à Libreville une feuille de route pour la paix et la réconciliation en RCA qui fixe
un cadre unique pour les discussions avec les groupes armés et la recherche d’un accord
politique global.
La mission européenne de conseil et de formation opérationnelle des forces armées
centrafricaines EUTM RCA, déployée en juillet 2016 a pour mandat d’accompagner la
restructuration des forces armées. À la demande de la France, le Conseil des Affaires
étrangères tenu le 15 octobre 2018 a acté l’établissement temporaire d’une composante civile
à la mission EUTM (dite « EUTM+ ») d’une quinzaine de personnels.
Ses situations de conflits à répétitions alimentent la chaine de la reconduite de la
sanction d’embargo sur les armes et empêche ainsi l’Etat à pouvoir répondre à son obligation
de protéger sa population de manière efficace.
B- La situation sociale et humanitaire
La population centrafricaine est inégalement répartie sur le territoire national, 70%
de la population vit sur un tiers du territoire. Du point de vue du capital humain, la
République centrafricaine est une population à dominance jeune. La structure pyramidale
des âges indique qu’il y’a 40.9% pour la catégorie de 0-14 ans inclus, tandis que celle de 1564 ans inclus affiche 55%46. Au plan culturel et sociologique, le pays est composé d’une
multitude de groupes ethniques. Selon le recensement général de la population et de l’habitat
(RGPH-15), il en compterait une centaine répartie en fonction des grands groupes suivants :
Gbaya 33%, Banda 27%, Mandja 13%, Sara 10%, Mboum 7%, M’baka 4%, Yakoma 4%,
et autres 2%. Toutefois, en dépit de cette diversité, le pays se divise en deux moitiés occupées
46
Cf. Rapport du FNUAP, janvier 2014
29
par deux grands groupes tribaux, les Gbaya et les Banda qui forment respectivement les
3/10ème et près du ¼ de cette population. A côté de ces grands groupes répertoriés, il existe
des minorités socioculturelles, à l’exemple des Mbororo, sous-population descendant des
peuls ou des Foulani, des pygmées ou Bambengua et des réfugiés.
En effet, la situation sociale en RCA était fragile bien avant la survenance des crises.
L’indice de développement humain (IDH) classe la RCA à la 188ème position sur une liste
de 189 pays47, tandis que l’analyse globale de la vulnérabilité alimentaire effectuée par le
Programme alimentaire mondial (PAM) montrait qu’environ 30% des ménages
centrafricains vivent dans une situation d’insécurité alimentaire48. De même, la revue à miparcours de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en fin
2019, montrait que la RCA pouvait difficilement atteindre les objectifs fixés. Car
l’application des projets souffre de l’incompétence des agents. Enfin, alors que le pays avait
adopté la plupart des lois nécessaires pour se conformer aux conventions fondamentales de
l’Organisation internationale du travail (OIT), l’indice d’inégalité de genre publié par le
PNUD classe le RCA à la 138ème place sur 146 pays en 201949.
Selon le rapport du PNUD sur le Développement humain, la RCA compte 4,2
millions d’habitants50, divisés en près de quatre-vingts groupes ethniques, la plupart ayant
leur propre langue en dépit du développement du sango comme langue véhiculaire
commune, et en quatre groupes religieux principaux51.
La situation humanitaire en République centrafricaine constitue aussi un grave sujet
de préoccupation. Elle tient essentiellement aux événements internes et à la pauvreté
profondément enracinée. L’instabilité dans les pays voisins, notamment en Tchad, au
Soudan et au Soudan du Sud, y est également pour quelque chose. En dehors de Bangui et
47
www.solidarites.org/fr/ressources-humaines/rca-un-contexte-volatile-des-defis-immenses
48
Rapport de FAO, 21 Mars 2019
49
Cf. Le rapport du PNUD sur le développement du travail en RCA, Septembre 2019
50
PNUD, Rapport mondial sur le développement humain. La lutte contre le changement climatique :
un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé, rapport 2007-2008 (chiffres de 2005).
51
Nelson Alusala,Armed conflict and disarmament. Selected Central African case-studies, ISS
Monograph Series, n° 129, mars 2007, chap. II, p. 11.
30
des principales villes régionales, les services de base, tels que l’éducation, l’eau et
l’assainissement et les services de santé, sont quasi inexistants. Il n’y’a pas d’infrastructure
de base. Les tensions n’ont cessé de s’accroître depuis 2016 et la communauté internationale
juge que la situation en République centrafricaine se détériore rapidement. Selon les
estimations, plus d’un million de personnes sur une population totale d’environ 4.5 millions
d’habitants sont touchées52. Notons que la crise a fortement affecté l’ensemble des secteurs
économiques, notamment en zone rurale, où l’insécurité a désorganisé ou anéanti les
activités. L’activité économique reprend lentement, mais le PIB est loin d’avoir retrouvé son
niveau d’avant crise. La production vivrière a connu une reprise, mais celles de café, de
palmier à huile et de coton ont atteint un niveau dérisoire. L’activité dans l’agroalimentaire,
le commerce et le BTP croît, grâce, notamment, à la présence étrangère. La levée partielle
de l’embargo sur les diamants et la relance de l’exploitation forestière ouvrent également de
nouvelles perspectives.
Par ailleurs, les finances publiques se caractérisaient déjà avant la crise par une
trésorerie structurellement déficitaire, une capacité d’investissement très faible, une forte
dépendance à l’aide budgétaire extérieure et des difficultés à assurer le service de la dette. A
partir de mars 2013, l’effondrement des recettes douanières et fiscales du pays a rendu
d’autant plus importants les appuis de ses partenaires internationaux. Les recettes
budgétaires ont crû sensiblement en 2015, sans permettre au gouvernement de financer le
développement. Les dépenses sont globalement maîtrisées. Le FMI a approuvé en 2016 un
nouveau programme (3 ans) basé sur le rétablissement progressif de l’économie.
Paragraphe 2 : La consécration de la responsabilité de protéger au cœur
de la crise centrafricaine
La République centrafricaine est devenue depuis l’avènement de la séléka un théâtre
de régime des violences meurtrières. La crise centrafricaine était avant une crise méconnue
par la communauté internationale. Il a fallu l’intervention de certains centrafricains vivant
en France qui de par leur action, vont demander au Gouvernement français se pencher sur la
52
Cf. Rapport Spécial de la mission FA/PAM d’évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire
en république centrafricaine, Mars 2019
31
situation en RCA, car les crimes commis par les groupes armés et plus particulièrement la
Séléka ne pouvaient rester sous silence. Dès lors, la France va saisir le Conseil de sécurité
pour débattre de la question centrafricaine. Cette acte d’appel à la Communauté
internationale montre combien la situation sécuritaire et humanitaire en république
centrafricaine sont de nature « erga omnes »(A), car elles les crimes commis par les groupes
rebelles sont de nature imprescriptibles et que l’impossibilité de l’Etat centrafricain de réagir
en riposte du fait de l’embargo sur les armes, pour protéger sa population conduit à un prise
de conscience collective de la communauté internationale à intervenir à cette fin de
protection, d’où la responsabilité de protéger comme une faculté morale in solidum pour la
communauté internationale (B).
A- La responsabilité de protéger comme une obligation de nature « erga omnes »
La conception traditionnelle selon laquelle la communauté internationale ne serait
qu’une société d’Etats, que ceux-ci seraient les seuls sujets du droit international, n’est plus
guère défendue aujourd’hui. Les Etats conservent certes un rôle de premier plan dans le
théâtre des relations internationales. Ils sont à la fois les créateurs et les principaux
destinataires des règles du droit international. En ce sens, ils demeurent les sujets primaires
du droit des gens. Cependant, les organisations internationales, les individus et d’autres
entités occupent aujourd’hui un rôle croissant dans les relations internationales. Dans son
avis consultatif de 1949 relatif à la réparation des dommages subis au service des Nations
Unies, la Cour internationale de Justice a reconnu cette évolution en soulignant que les sujets
de droit, dans un système juridique, ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature
ou à l’étendue de leurs fonctions53. A cet effet, le respect des obligations erga omnes dû à
l’égard de tous n’exclut pas qu’il puisse y avoir des créanciers plus « directement » ou «
subjectivement » intéressés. En fait, nombre de règles instituant des obligations erga omnes
bénéficient au premier chef, dans un cas concret d’application, à un Etat, un peuple ou un
individu particulier. Si l’on prend par exemple l’interdiction du recours à la force, la règle
bénéficie d’abord aux Etats sur un plan subjectif. A chaque fois que la règle trouve matière
à application, un Etat en bénéficie de manière directe, alors que les autres Etats ne sont
53
CIJ Recueil, 1949, p. 178
32
concernés que par son respect qu’au titre de leur intérêt général au maintien de la paix et de
la sécurité internationales. Dans d’autres cas, comme ceux de l’interdiction du génocide, du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou en général des normes relatives à la protection
des droits de l’homme, les bénéficiaires directs sont les individus et groupes d’individus
protégés. Cette seconde situation est celle autour de laquelle notre démarche s’articule. En
effet, la situation sécuritaire en RCA est complexe du point de vue des droits fondamentaux.
Les assassinats à répétitions par les groupes armés, les massacres exécutés par les groupes
armés se multiplient. On assiste chaque fois à des attaques meurtrières contre des populations
civiles sans défense et sous le regard impuissant du gouvernement centrafricain de pouvoir
agir car faute de moyen. Toutes ses situations sont déplorables et interpelle la conscience
universelle d’où le choix au lendemain de l’UA, à la prise du pouvoir par la séléka,
d’intervenir par biais de la MISCA, afin de pallier à ce manquement des violations graves et
systématiques des droits humains causés par les groupes armés.
Par ailleurs, en suivant la position de la CIJ dans l’affaire la Barcelona Traction, où
la Cour paraît clairement vouloir limiter le concept d’obligations erga omnes à certaines
normes fondamentales du droit international en soulignant l’importance des droits en cause
et en citant à titre d’exemples que des principes cardinaux du droit international
contemporain, telles l’interdiction de l’agression, la prohibition du génocide ou les normes
protégeant les droits fondamentaux de la personne humaine54, l’on tire en effet de cette
position au regard de la situation en RCA que la responsabilité de protéger est une obligation
de nature erga ormnes. Car les facteurs en jeux, à savoir la paix et la sécurité internationale
sont mise en cause d’une part par les conflits à répétitions, et d’autre part par les violations
massives des droits de l’homme.
B- La responsabilité de protéger comme une faculté morale in solidum pour la
Communauté internationale
Perçue comme notion de la guerre juste, c’est Walzer qui intégra cette notion de
moralité dans le discours politique contemporain par la parution de son livre Just and Unjust
War en 1977 (Walzer, Guerres justes et injustes, 2006). Il popularise l’essence de cette
54
François Voeffray, L’actio popularis ou la défense de l’intérêt collectif devant les juridictions
internationales, Graduate Institute Publications, 2004, P.242
33
doctrine en adhérant à la définition proposée par Saint-Augustin : « la doctrine de guerre
juste est un modèle de pensée et un ensemble de règles de conduite morale définissant à
quelle condition la guerre est une action moralement acceptable55 ». Comme le dit Benjamin
cette théorie est issue d’une longue réflexion morale sur la légitimité de la violence.
Aujourd’hui, elle trouve des applications pratiques en s’associant avec le droit international
et humanitaire contemporain56. Walzer propose la division du concept en trois catégories
distinctes, quoiqu’indissociables :
a. Le Jus ad Bellum : se réfère aux conditions légitimant le droit d’aller en
guerre.
b. Le Jus in Bello : représente les règles et lois limitant l’exercice de la guerre.
Il se réfère aux comportements des différents acteurs à adopter pour respecter
le cadre légal.
c. Le Jus post Bellum : se réfère à l’après-guerre, sa phase terminale. Il inclut,
entre autres, les accords de paix et de reconstruction.
Le droit d’intervenir militairement au nom de la Responsabilité de protéger retombe
donc sur le Jus ad Bellum où six critères sont établis afin de légitimer une telle action, écrit
KATHERYNE RUEL ST-LOUIS dans son mémoire57.
La responsabilité de protéger est d’abord une obligation de l’État et, si l’État
n’assume pas cette responsabilité, la communauté internationale a une responsabilité
complémentaire de protéger. En effet, lors du Sommet mondial de 2005, les Chefs d’État et
de Gouvernement ont affirmé que le devoir de protéger les populations du génocide, des
crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité incombe d’abord à
chaque État et que ce devoir exige la mise en œuvre de mesures de prévention. Ils ont
également affirmé que la communauté internationale, à travers l’Organisation des Nations
unies, a la responsabilité de recourir à des moyens pacifiques afin d’aider les États à protéger
55
Saint-Augustin, Paix et guerre, Paris Migne, 2010 éd. Pierre-Yves Fux, coll. « Les Pères dans la foi,
101 ». P. 25
56
57
Michaël Walzer, Guerres justes et injustes, Berlin, 1999
KATHERYNE RUEL ST-LOUIS, La Responsabilité de protéger : analyse sur l’état du concept
après le passage de la théorie à la pratique, Mémoire de recherche défendu le 28/03/2018, P. 20
34
les populations civiles de tels crimes. Toutefois, si les moyens pacifiques se révèlent
insuffisants et que les autorités nationales échouent à assurer la protection des civils, les
représentants des États ont exprimé leur engagement de réagir collectivement, en temps
voulu, sous les directives du Conseil de sécurité et conformément au chapitre VII de la
Charte des Nations unies. Les recommandations du Document final du Sommet mondial
concernant la responsabilité de protéger de 2005, envisage une responsabilité subsidiaire de
la communauté internationale en affirmant « qu’il incombe à la communauté internationale,
dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies, de mettre en œuvre les moyens
diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux
Chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies, afin d’aider à protéger les populations
du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité
»58. En dernier recours, seulement « lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et
que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations
[…] » que les Etats sont prêts « à mener en temps voulu, une action collective résolue, par
l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII
[…] ». Par ailleurs, la communauté internationale s’engage également à « aider les Etats à
se doter des moyens de protéger leurs populations […] et à apporter une assistance aux
pays dans lesquels existent des tensions avant qu’une crise ou un conflit n’éclate 59». A cet
effet, au regard de la situation sécuritaire qui prévaut en RCA, particulièrement avec les
conflits meurtriers entre les couches sociales de confessions musulmanes et chrétiennes
d’une part et d’autre part au laxisme du Gouvernement centrafricain de pouvoir mettre terme
aux conflits, la communauté internationale ne serait restée indifférente. Car en partant des
Déclarations relatives aux droits de l’homme qui mentionnent sans cesse le respect de la vie,
et plus particulièrement les articles : Art.5 de la DUDH de 1945, Art.7 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, Art.3 de la CEDH, les Etats ont l’obligation d’œuvrer à
la protection de leur population. C’est dans cet optique que le Conseil de sécurité, à travers
sa Résolution 1674 sur la protection des civils lors des conflits armés60 réaffirme les
58
Document final du Sommet mondial des Nations Unies, doc. ONU A/60/L.1 (2005), § 139.
59
Id op cité.
60
Cf. la Résolution 1674 (2006), § 4
35
recommandations du Document final du Sommet mondial concernant la responsabilité de
protéger.
Notons que le Document final du Sommet mondial concernant la responsabilité de
protéger mentionne que non seulement aucun Etat ne peut se servir de sa souveraineté
comme rempart aux violations graves des droits de l’homme, mais aucun Etat ne peut être
indifférent face à ces crimes, et ce, quel que soit le lieu de leur commission. Les Etats
membres de la communauté internationale doivent donc assumer une responsabilité
collective à l’égard de tous les êtres humains qui seraient victimes des violations les plus
graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
Ainsi, afin de répondre efficacement à la protection des civils en RCA, la
communauté internationale par le biais du Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de placer
le pays sous sanction d’embargo sur les armes qui s’avère nécessaire à la mise en œuvre de
la responsabilité de protéger.
Section 2 : La sanction d’embargo sur les armes une
nécessité impérieuse à la mise en œuvre de la responsabilité de
protéger
Les décisions d’embargos sur les armes des Nations Unies représentent une mesure
de dernier recours, appliquée en général lorsqu’une situation humanitaire ou des droits
humains dans un pays a atteint un point critique. Les décisions d’imposer un embargo sur
les armes, ou plus important encore, de s’abstenir de le faire, sont également largement
orientés par des considérations politiques. Cependant, pour mieux comprendre les décisions
d’embargos sur les armes en RCA, il faut, d’une part, arriver à leur justification (Paragraphe
1), ce qui conduit évidemment étudier le mécanisme juridique de la mise en œuvre de la
sanction d’embargo sur les armes d’autre part (Paragraphe 2)
36
Paragraphe 1 : La justification de la sanction d’embargos sur les armes
en RCA
La sanction d’embargo sur les armes en RCA est justifiée d’une part par le maintien
de la paix ou le rétablissement de la paix (A)e et d’autre part comme une extension de la
protection des civils (B)
A- La sanction d’embargo sur les armes justifiée par le maintien ou le rétablissement
de la paix (art.39 de la Charte)
Le concept de maintien de la paix n’est pas expressément mentionné dans la Charte
des Nations Unies. Il a changé au cours du temps en fonction de l’évolution du rôle de
l’Organisation dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Toutefois, certaines
situations, notamment celle de menace ou rupture de paix font appel à l’usage de l’article 39
de la charte suite à la constatation des faits. Ainsi, au regard de la situation que nous
analysons en RCA, avec la prise du pouvoir en 2013 par la rébellion séléka, il y’ a en effet
rupture de paix d’où la décision de la sanction d’embargo sur les armes61.
En effet, l’article 39 de la Charte constitue la disposition centrale qui fonde le pouvoir
de sanction du chapitre VII. Cet article indique que le Conseil de sécurité des Nations Unies
doit toujours déterminer si une situation donnée représente une menace contre la paix, une
rupture de la paix ou un acte d’agression, avant de pouvoir adopter des mesures coercitives
afin de maintenir ou rétablir la paix, conformément aux articles 41 et 42 de la Charte. Par
ailleurs, la charte ne donne pas une définition claire et univoque de ces manquements dans
le texte, c’est pourquoi le Conseil use de son pouvoir discrétionnaire pour qualifier une
situation. Et son choix de qualifier une situation de « menace contre la paix » relève du fait
que la notion de menace contre la paix revêt une définition très large. Ainsi, le Conseil a, à
plusieurs reprises, qualifiées de menace contre la paix certaines situations conflictuelles qui
se produisent au niveau interne. En guise d’exemple nous pouvons citer les cas : Rhodésie
du sud en 1966, Afrique du sud en1977, ex-Yougoslavie après son éclatement en 1991, du
Rwanda en 1994, de la Somalie en 1992, du Congo en 1997, de la Côte-d’Ivoire en 2000, du
Soudan du Sud en 2005, du Mali en 2010, de la Libye en 2011, et plus particulièrement la
61
Cf. la Résolution 2127 de 2013
37
RCA en 2013. Dans ses cas cités, le Conseil a pris des mesures allant dans le cadre des
sanctions d’embargos sur les armes à l’endroit des Etats mais également des groupes armés
exerçant dans ses Etats afin de mettre un terme aux conflits et de concourir à une meilleure
protection de la population civile.
B- La sanction d’embargo sur les armes un exemple de l’extension de la protection de
la population civile et du maintien de la paix
Au milieu des années 1990, les Casques bleus se sont retrouvés déployés dans des
conflits internes, dans lesquels la population civile était fréquemment la cible d’attaques.
Des missions telles que la MINUAR au Rwanda et la FORPRONU en ex-Yougoslavie ont
été confrontées à des attaques systématiques contre des civils que les Casques bleus n’étaient
pas préparés à affronter. Ces conflits, ainsi que ceux en Somalie, en Sierra Leone et au Timor
oriental, ont vu des groupes armés cibler des civils, notamment par l’utilisation de la violence
sexuelle comme tactique de guerre et de graves violations des droits de l’enfant.
Le Conseil de sécurité a donc inscrit la protection des civils à son ordre du jour et a
élaboré une architecture de résolutions renforçant le rôle des Casques bleus en matière de
protection. Les mandats et les règles d’engagement ont été définis de sorte que les Casques
bleus aient le pouvoir d’agir. Le Conseil a également adopté des résolutions visant à établir
des cadres pour se pencher sur la question des enfants62 dans les conflits armés et les
violences sexuelles liées aux conflits63.
Il incombe toujours aux Etats d’assurer la protection de leurs populations, mais
toutefois, les casques bleus de l’ONU emploient des moyens pour aider les gouvernements
à s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection par des conseils, un soutien
technique et logistique et le renforcement des capacités. Les missions de maintien de la paix
cherchent également, par le biais des bons offices politiques et de la médiation, à adopter
une approche préventive pour la protection des civils. Cela dit, de nombreux Casques bleus
62
Cf. les résolutions 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011) et 2068 (2012) sur le sort des enfants en
temps de conflit armés.
63
Cf. les résolutions 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013)
et 2122 (2013), sur les femmes et la paix et la sécurité
38
sont autorisés, en dernier recours, à agir pour protéger physiquement les civils. C’est dans
cette optique que certaines résolutions du Conseil visant des situations où il oblige l’envoie
des casques bleus pour des missions de paix de limiter le flux d’armes entre les belligérants
par biais d’embargos sur les armes afin d’offrir aux casques bleus des conditions favorables
d’intervention. Ses résolutions portant des sanctions d’embargos autorisent souvent aux
casques bleus d’intervenir afin de protéger les civils64.
Les différentes résolutions
d’embargos sur les armes en RCA ont mentionné de manière explicite la notion de la
protection des civils65.
Paragraphe 2 : Le mécanisme de la mise en œuvre de la sanction de l’embargo
sur les armes en RCA
Les embargos sont un instrument essentiel à la disposition des Nations unies pour
rétablir ou maintenir la paix et la sécurité internationales, en dehors du recours à la force.
Leur importance a récemment été rappelée par le Conseil de Sécurité des Nations unies dans
sa résolution 2117 du 26 septembre 2013. Les embargos imposés par les Nations unies se
distinguent par leur caractère universel et dès lors qu’une résolution imposant un embargo a
été adoptée par le Conseil de Sécurité, elle doit être appliquée par tous les Etats.
Les régimes de sanction ont, en effet, progressivement évolué dans le temps.
L’embargo total a laissé la place à des sanctions visant certaines entités, une partie du
territoire ou encore des équipements spécifiques. Parallèlement, des dérogations ont été
introduites, notamment à des fins humanitaires ou de protection. L’ensemble de ces
évolutions résultent du constat que les sanctions peuvent avoir des effets indésirables sur la
population civile, notamment les groupes les plus vulnérables.
Dans le cadre de notre travail, nous verrons d’une part le régime de sanction
d’embargo sur les armes en RCA (A), avant de se pencher, d’autre part, sur le rôle du comité
de suivi des sanctions car dans la grande majorité des cas, l’adoption par le Conseil de
64
Cf. les résolutions 1265 (1999), 1296 (2000), 1674 (2006), 1738 (2006) et 1894 (2009) sur la
protection des civils en période de conflit armé.
65
Cf. les Paragraphes 17 au Paragraphe 24 de la résolution 2127 du 5 Décembre 2013
39
Sécurité d’une résolution imposant un embargo s’accompagne de la mise en place d’un
Comité des sanctions (B), organe subsidiaire du Conseil de Sécurité et composés de
représentants de tous ses Etats membres.
A- Le régime juridique
Dans le cadre de l’étude du régime juridique de la sanction d’embargos sur les armes
en RCA nous allons nous attarder que sur les résolutions visant l’embargos sur les armes.
En effet, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité de
l’ONU préoccupant de la situation sécuritaire que traverse la RCA, a adopté certaines
résolutions visant la sécurité des civils, des personnes déplacés et ainsi que des réfugiés.
Ainsi, suite aux différentes déclarations des observateurs internationaux faites sur la
situation de la crise en Centrafrique, le Conseil de Sécurité à l’unanimité a pris la «
Résolution 2127 » du 05 décembre 2013. En effet, le représentant permanant de la France a
déploré la tragédie de la situation en République Centrafricaine. Car l’ensemble de la
population était touché par une crise humanitaire et le pays menaçait de sombrer dans le
chaos. Alors que la RCA avait été jusqu’à ce moment une crise oubliée. Ainsi, le représentant
permanant a estimé qu’il était du devoir collectif du Conseil de soutenir l’action de l’Union
africaine et de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC).
L’adoption de cette résolution va permettre la création de la MISCA qui sera soutenue par
les forces françaises de l’opération Sangaris. En effet, les forces africaines de la MISCA,
ainsi que les forces françaises se voyaient dotées d’un mandat robuste sous chapitre VII.
Cette résolution renforçait également l’action du Conseil sur deux volets essentiels : la lutte
contre les violations des droits de l’homme ainsi que le soutien au processus de transition et
l’intention d’adopter des sanctions à l’encontre des individus qui le menaceraient.
La « Résolution 2134 » du 28 janvier 2014 présentée par la France au Conseil fut
adopté à l’unanimité. Cette résolution donne mandat de l’ONU sous chapitre VII à la force
de l’Union Européenne qui sera déployée en Centrafrique, en appui de la force de l’Union
africaine (MISCA) et des forces françaises (Sangaris). Cette résolution demande par ailleurs
une accélération de la période de transition en Centrafrique, avec des élections si possibles
avant la fin de l’année 2014. Elle met enfin en place un régime de sanctions de l’ONU contre
ceux qui entraveraient le processus politique ou commettraient des violations des droits de
l’homme. Elle proroge par ailleurs le mandat du BINUCA jusqu’au 31 janvier 2015.
40
Par ailleurs, le Conseil Constatant que la situation qui règne en République
centrafricaine continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région, décide
par la résolution 2196 du 22 janvier 2015 que, jusqu’au 29 janvier 2016, tous les États
Membres devront continuer de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture,
la vente ou le transfert directs ou indirects à la République centrafricaine, à partir de leur
territoire ou à travers leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou
d’aéronefs battant leur pavillon, d’armements et de matériel connexe de tous types, y
compris les armes et les munitions, les véhicules et les matériels militaires, les équipements
paramilitaires et les pièces détachées correspondantes, ainsi que toute assistance technique
ou formation et toute aide financière ou autre en rapport avec les activités militaires ou la
fourniture, l’entretien ou l’utilisation de tous armements et tout matériel connexe, y compris
la mise à disposition de mercenaires armés venant ou non de leur territoire, et décide
également que cette mesure ne s’applique pas :
o Aux fournitures destinées exclusivement à l’appui de la MINUSCA, de
la Force régionale d’intervention (FRI) de l’Union africaine, des
missions de l’Union européenne et des forces françaises déployées en
République centrafricaine, ou à leur utilisation par celles-ci ;
o A la MINUSCA, à la FRI et aux missions de l’Union européenne et
forces françaises déployées en République centrafricaine pour dispenser
des conseils organisationnels et une formation non opérationnelle aux
forces gouvernementales centrafricaines, dans le cadre de l’exécution de
leurs mandats, et prie ces forces de l’informer, dans les rapports qu’elles
lui adressent régulièrement, des mesures prises dans ce cadre :
o Aux livraisons de matériel militaire non létal destiné exclusivement à un
usage humanitaire ou de protection et à l’assistance technique ou la
formation connexes qui auront été approuvées à l’avance par le Comité ;
o Aux vêtements de protection, dont les gilets pare-balles et les casques
militaires, temporairement exportés en République centrafricaine, pour
leur usage personnel uniquement, par le personnel des Nations Unies, les
représentants des médias et les agents humanitaires et du développement
et le personnel connexe ;
41
o Aux livraisons d’armes légères et de matériel connexe destinés
exclusivement à être utilisés dans le cadre des patrouilles internationales
qui assurent la sécurité dans l’aire protégée du Trinational de la Sangha
afin de lutter contre le braconnage, la contrebande d’ivoire et d’armes et
d’autres activités contraires au droit interne de la République
centrafricaine ou aux obligations que le droit international met à la
charge de ce pays ;
o Aux livraisons d’armes et de matériel létal connexe destinés aux forces
de sécurité centrafricaines et devant être utilisés exclusivement aux fins
de la réforme du secteur de la sécurité ou de l’appui à celle-ci, sous
réserve de l’approbation préalable du Comité ;
o Aux autres ventes ou livraisons d’armes et de matériel connexe, ou à la
fourniture d’assistance ou de personnel, sous réserve de l’approbation
préalable du Comité.
Par ailleurs, cette résolution autorise tous les États Membres qui découvrent des
articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont interdits par le
paragraphe 1 de la présente résolution à les saisir, à les enregistrer et à les neutraliser (en les
détruisant, en les mettant hors d’usage, en les entreposant ou en les transférant à un État autre
que le pays d’origine ou de destination aux fins de leur élimination), et décide également
que tous les États sont tenus de coopérer à cet égard. Le Conseil par cette résolution demande
de nouveau aux autorités de transition de s’attaquer, avec l’aide de la MINUSCA et des
partenaires internationaux, au transfert illicite, à l’accumulation déstabilisatrice et au
détournement d’armes légères et de petit calibre en République centrafricaine et d’assurer
de façon sûre et efficace la gestion, l’entreposage et la sécurité de leurs stocks d’armes
légères et de petit calibre, ainsi que la collecte et la destruction des stocks excédentaires et
des armes et munitions saisies, non marquées ou détenues illicitement, et souligne à quel
point il importe d’intégrer ces éléments à la réforme du secteur de la sécurité et aux
programmes de désarmement, démobilisation, réintégration et réinstallation ou rapatriement.
Le conseil va une fois de plus reconduire l’embargos sur les armes pour une durée
d’un an par sa résolution 2262 du 22 Janvier 2016. Par cette résolution, le Conseil engage
vivement les autorités de transition de la République centrafricaine et les autorités élues qui
leur succéderont à renforcer leurs capacités, avec l’appui de la MINUSCA, du Service de la
42
lutte anti-mines, ainsi que des autres partenaires internationaux, pour ce qui est de stocker et
gérer les armes et munitions qu’elles détiennent, y compris celles qui sont transférées des
stocks de la MINUSCA, conformément aux pratiques internationales optimales et aux
normes internationales, tout en veillant à ce que les forces armées centrafricaines et les forces
nationales qui reçoivent de telles armes et munitions soient pleinement formées et
contrôlées66. Reconnaissant, que l’embargo sur les armes peut jouer un rôle déterminant dans
la lutte contre le transfert illicite d’armes et de matériels connexes en République
centrafricaine et dans la région et concourir de façon non négligeable à la consolidation de
la paix après les conflits, au désarmement, à la démobilisation, au rapatriement et à la
réintégration (DDRR) ainsi qu’à la réforme du secteur de la sécurité, rappelant ses
résolutions 2117 (2013), 2127 (2013), 2220 (2015) et 2262 (2016) et se déclarant vivement
préoccupé par la menace que font peser sur la paix et la sécurité en République centrafricaine
le transfert illicite, l’accumulation déstabilisatrice et le détournement d’armes légères et de
petit calibre ainsi que l’emploi de ces armes contre les civils touchés par le conflit armé, le
Conseil reconduit une fois de plus par sa résolution 2339 du 27 janvier 2017 l’embargo sur
les armes.
La résolution 2399 renouvelant le régime de sanctions sur la République
centrafricaine (RCA). Cette résolution reconduit à l’identique le dispositif existant sur
l’embargo des armes, l’interdiction de voyager et les gels des avoirs. Le texte, parrainé par
la France, ouvre toutefois la possibilité d’élaborer de critères permettant d’évaluer l’impact
de l’embargo sur les armes dans le pays afin que celui-ci puisse être modifie notamment en
fonction des progrès de la réforme du secteur de la sécurité. Il met l’accent sur les incitations
à la violence, à caractère ethnique, religieuse ou dirigées contre la Mission de stabilisation
de l’ONU pour la RCA (MINUSCA), dont les auteurs ne désormais resteront pas impunis.
Aussi, selon la résolution, les attaques contre les travailleurs humanitaires, qui font de la
RCA le pays le plus dangereux pour ces travailleurs, seront désormais reconnues comme un
critère de désignation au même titre, par exemple, que les attaques contre la MINUSCA.
66
Cf. Paragraphe 4 de la Résolution 2226 du 22 Janvier 2016
43
Le Conseil a décidé de prolonger les sanctions ciblées dans sa résolution 2507 (2020).
Les alinéas a) à i) du paragraphe 1 de la résolution 2507 (2020) et les paragraphes 1467, 1768,
18 et 19 de la résolution 2399 (2018) contiennent des dérogations à ces mesures. Dans la
résolution 2507, les membres du Conseil de sécurité exhortent les autorités de la République
centrafricaine et les groupes armés signataires à mettre en œuvre l’Accord de paix de bonne
foi et sans délai69. Ils exhortent aussi les groupes armés à mettre un terme aux violations de
l’Accord de paix et à toutes formes de violence contre les civils, le personnel de maintien de
la paix des Nations Unies et le personnel humanitaire, ainsi qu’aux activités déstabilisatrices,
aux incitations à la haine et à la violence et aux entraves à la liberté de circulation. Ils leur
67
Paragraphe 14 : (….) Décide que les mesures imposées par le paragraphe 9 ci-dessus ne s’appliquent
pas dans les cas suivants : a) Lorsque le Comité établit que tel ou tel voyage se justifie par des raisons
humanitaires, y compris un devoir religieux ; b) Lorsque l’entrée ou le passage en transit est nécessaire aux
fins d’une procédure judiciaire ;
c) Lorsque le Comité conclut que telle ou telle dérogation favoriserait la
réalisation des objectifs de paix et de réconciliation nationale en République centrafricaine et la stabilité dans
la région
68
Paragraphe 17 : Décide que les mesures visées au paragraphe 16 ci-dessus ne s’appliquent pas aux
fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques dont les États Membres concernés auront
déterminé :
a) Qu’ils sont nécessaires pour régler des dépenses ordinaires – denrées alimentaires, loyers,
mensualités de prêts hypothécaires, médicaments, soins médicaux, impôts, primes d’assurance, factures de
services collectifs de distribution – ou pour régler ou rembourser des dépenses engagées dans le cadre de la
prestation de services juridiques, notamment des honoraires, conformément à la législation nationale, ou des
frais ou commissions liés au maintien en dépôt de fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques
gelés, conformément à la législation nationale, après que l’État Membre concerné a informé le Comité de son
intention d’autoriser, dans les cas où cela serait justifié, l’accès à ces fonds et autres avoirs financiers ou
ressources économiques et en l’absence de décision contraire du Comité dans les cinq jours ouvrables suivant
cette notification ; b) Qu’ils sont nécessaires pour régler des dépenses extraordinaires, à condition que le ou
les États Membres concernés en aient avisé le Comité et que celui-ci ait donné son accord ; c) Qu’ils font
l’objet d’un privilège ou d’une décision judiciaire, administrative ou arbitrale, auquel cas ils peuvent être
utilisés à cette fin, à condition que le privilège ou la décision soient antérieurs à la date de la présente résolution,
que le créancier privilégié ou le bénéficiaire de la décision judiciaire, administrative ou arbitrale ne soit pas
une personne ou une entité désignée par le Comité et que le privilège ou la décision judiciaire, administrative
ou arbitrale aient été portés à la connaissance du Comité par l’État ou les États Membres concernés
69
Cf. Paragraphe 2 du préambule de la Résolution 2507 du 31 janvier 2020
44
demandent de déposer les armes, immédiatement et sans condition, conformément aux
engagements pris dans le cadre de l’Accord de paix.
Dans ce contexte, le Conseil de sécurité décide de proroger le mandat de la
MINUSCA jusqu’au 15 novembre 2020 et de maintenir l’effectif maximal autorisé de la
MINUSCA à 11.650 militaires et 2.080 policiers, ainsi que 108 agents de l’administration
pénitentiaire.
Il charge notamment la MINUSCA de poursuivre son rôle politique dans le processus
de paix, notamment par un appui politique, technique et opérationnel à la mise en œuvre de
l’Accord de paix70. Il charge aussi la MINUSCA d’aider les autorités de la République
centrafricaine à préparer et à organiser des élections présidentielle, législatives et locales
pacifiques en 2020 et 2021 en leur offrant ses bons offices, en leur fournissant un appui en
matière de sécurité et un soutien opérationnel, logistique et, le cas échéant, technique71.
Au-delà de l’action de la justice centrafricaine et de la justice internationale, le
régime de sanctions sur la RCA permet désormais de sanctionner les individus qui se
livreront à des incitations à la violence dès lors que ces dernières seront de nature à nuire à
la paix, à la stabilité et à la sécurité de la RCA, a précisé le Représentant permanent de la
France auprès de l’ONU, François Delattre, lors de son intervention après le vote de la
résolution 2399 de 2018.
70
Déclaration du Président du Conseil de Sécurité, Paragraphe 2 « Le Conseil se félicite de la
signature, le 6 février 2019 à Bangui, de l’Accord pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine
par les autorités centrafricaines et 14 groupes armés, à l’issue des pourparlers de paix qui se sont tenus à
Khartoum du 24 janvier au 5 février 2019 dans le cadre de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation
et sous les auspices de l’Union africaine, se félicite également du consensus auquel sont parvenues les parties
signataires de l’Accord au sujet de la formation d’un gouvernement inclusif, conformément à son article 21,
ainsi que de l’engagement de l’Union africaine, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale
et de l’Organisation des Nations Unies, engage les parties prenantes centrafricaines à appliquer l’accord de
paix, de bonne foi et sans tarder, afin de répondre aux aspirations du peuple centrafricain à la paix, à la
sécurité, à la justice, à la réconciliation, à l’inclusivité et au développement, et demande aux pays voisins, aux
organisations régionales et à tous les partenaires internationaux de soutenir l’application de l’accord de paix
et de coordonner leur action afin de permettre à la République centrafricaine de connaître une paix et une
stabilité durables »
71
Cf. Paragraphe 2 du Préambule de la Résolution 2507
45
Dans le cadre du régime de sanctions, le Comité est chargé de désigner des personnes
ou entités conformément aux critères définis aux paragraphes 2072 et 2173 de la résolution
2399 (2018).
72
Cf. Paragraphe 20 de la résolution 2399 (2018) : Décide que les mesures visées aux paragraphes 9
et 16 s’appliquent aux personnes et entités que le Comité aura désignées comme se livrant ou apportant un
appui à des actes qui compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité en République centrafricaine, notamment
des actes qui menacent ou entravent la stabilisation et la réconciliation ou alimentent les violences
73
Décide également, à cet égard, que les mesures visées aux paragraphes 9 et 16 s’appliquent aussi
aux individus et entités que le Comité aura désignés comme : a) Agissant en violation de l’embargo sur les
armes imposé au paragraphe 54 de la résolution 2127 (2013) et prorogé au paragraphe 1 de la présente
résolution ou ayant directement ou indirectement fourni, vendu ou transféré à des groupes armés ou à des
réseaux criminels opérant en République centrafricaine des armes ou du matériel connexe ou des conseils
techniques, une formation ou une assistance, notamment financière, en rapport avec des activités violentes, ou
en ayant été les destinataires ;
b) Préparant, donnant l’ordre de commettre ou commettant, en République
centrafricaine, des actes contraires au droit international des droits de l’homme ou au droit international
humanitaire ou constituant des atteintes aux droits de l’homme ou des violations de ces droits, notamment des
attaques dirigées contre des civils, attentats à motivation ethnique ou religieuse, attentats commis contre des
biens de caractère civil, y compris des centres administratifs, des tribunaux, des écoles et des hôpitaux,
enlèvements, déplacements forcés ; c) Préparant, donnant l’ordre de commettre ou commettant des actes de
violence sexuelle ou sexiste en République centrafricaine ; d) Recrutant des enfants ou utilisant des enfants
dans le conflit armé en République centrafricaine, en violation du droit international ; e) Apportant un appui
à des groupes armés ou à des réseaux criminels par l’exploitation ou le trafic illicites de ressources naturelles
de la République centrafricaine telles que les diamants, l’or, la faune et la flore sauvages ou les produits qui en
sont tirés ; f) Faisant obstacle à l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à la République centrafricaine,
à l’accès à cette aide ou à sa distribution dans le pays ; g) Préparant, donnant l’ordre de commettre, finançant
ou commettant des attaques contre les missions de l’ONU ou les forces internationales de sécurité, notamment
la MINUSCA, les missions de l’Union européenne et les forces françaises, déployées sous les conditions
prévues au paragraphe 65 de la résolution 2387 (2017) et qui les soutiennent, ainsi que contre le personnel
humanitaire ; h) Dirigeant une entité désignée par le Comité en application des paragraphes 36 et 37 de la
résolution 2134 (2014), des paragraphes 11 et 12 de la résolution 2196 (2015), des paragraphes 12 et 13 de la
résolution 2262 (2016) ou de la présente résolution, ou ayant apporté un soutien à une personne ou une entité
désignée par le Comité en application des paragraphes 36 et 37 de la résolution 2134 (2014) des paragraphes
11 et 12 de la résolution 2196 (2015), des paragraphes 12 et 13 de la résolution 2262 (2016), des paragraphes
16 et 17 de la résolution 2339 (2017) ou de la présente résolution ou à une entité appartenant à une personne
ou une entité désignée ou contrôlée par elle, ou ayant agi en son nom, pour son compte ou sur ses instruction
46
B- Le rôle du comité de suivi des sanctions et du groupe des expert
Nous verrons d’une part, le mandat et les activités du comité (1) et d’autre part le
mandat et les activités du groupe des experts (2).
1- Mandat et activités du Comité
Le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013) concernant la
République centrafricaine a été créé le 5 décembre 2013 pour suivre l’application des
sanctions (embargo sur les armes) et pour s’acquitter des tâches prévues par le Conseil au
paragraphe 57 de ladite résolution.
Le Comité est composé des 15 membres du Conseil de sécurité et prend ses décisions
par consensus. La présidence du Comité, pour la période se terminant le 31 décembre 2020,
est assurée par Son Excellence M. Abdou Abarry (Niger). La vice-présidence est assurée par
le Viet Nam pour 2020. Il établit des rapports annuels sur ses activités. Il a mis en place des
directives régissant la conduite de ses travaux. Ses réunions officielles et informelles sont
annoncées dans le Journal des Nations Unies. Les activités du Comité sont appuyées par le
Groupe d’experts, dont les tâches sont définies au paragraphe 32 de la résolution 2399 (2018)
et dont le mandat a été prorogé par la résolution 2507 (2020).
Le Comité est chargé de l’exécution du mandat suivant :
o Suivre l’application des mesures imposées aux paragraphes 54 et 55 de la
résolution 2127 (2013) et aux paragraphes 30 et 32 de la résolution 2134 (2014),
reconduites au paragraphe 24 de la résolution 2399 (2018), en vue de renforcer,
de faciliter et d’améliorer l’application de ces mesures par les États Membres ;
o Passer en revue les informations concernant les personnes et entités qui se
livreraient à des actes décrits aux paragraphes 20 et 21 de la résolution 2399
(2018) ;
o Soumettre au Conseil un rapport sur ses activités et faire ensuite rapport au
Conseil chaque fois que le Comité l’estimera nécessaire ;
o Favoriser le dialogue entre le Comité et les États Membres intéressés, en
particulier ceux de la région, notamment en invitant leurs représentants à le
rencontrer afin d’examiner l’application des mesures ;
47
o Demander à tous les États toutes informations qu’il jugerait utiles concernant les
initiatives que ceux-ci ont prises pour que les mesures soient appliquées de façon
effective.
2- Mandat et Activités du groupe des expert
Le Groupe est composé de cinq membres qui travaillent depuis leur lieu de résidence.
Son mandat a été établi par le paragraphe 59 de la résolution 2127 (2013) pour une période
initiale de 13 mois, et prorogé conformément au paragraphe 32 de la résolution 2399 (2018),
dont les dispositions ont été réaffirmées par la résolution 2507 (2020) qui proroge son
mandat jusqu’au 31 Août 2020. Le Groupe est chargé de l’exécution du mandat suivant :
-
Aider le Comité à s’acquitter du mandat défini dans la résolution 2399 (2018) et
prorogé par la résolution 2507 (2020) ;
-
Réunir, examiner et analyser toutes informations provenant des États, des
organismes des Nations Unies compétents, d’organisations régionales et d’autres
parties intéressées concernant l’application des mesures édictées dans la résolution
2399 (2018) et réaffirmées par la résolution 2507 (2020) en particulier les violations
de ses dispositions ;
-
Remettre au Conseil de sécurité, après concertation avec le Comité, un rapport final
le 15 juillet 2020 au plus tard (paragraphe 7 de la résolution 2507 (2020) ;
-
Présenter des mises à jour au Comité, en particulier dans les situations d’urgence ou
lorsque le Groupe d’experts le juge nécessaire ;
-
Aider le Comité à préciser et à actualiser les informations concernant la liste des
personnes et entités désignées par le Comité conformément aux critères réaffirmés
aux paragraphes 20 et 21 de la résolution 2399 (2018), notamment en fournissant
des données biométriques et d’autres renseignements pouvant servir à établir le
résumé des motifs présidant à leur inscription sur la liste ;
-
Aider le Comité en lui fournissant des renseignements sur les individus et entités
susceptibles de remplir les critères de désignation énoncés aux paragraphes 20 et 21
de la résolution 2399 (2018) , notamment en communiquant ces renseignements au
Comité à mesure qu’ils deviennent disponibles, faire figurer dans ses rapports écrits
48
les noms des individus et entités à inscrire, les informations permettant de les
identifier et tous éléments tendant à montrer que ces critères de désignation sont
réunis;
-
Recueillir, en coopération avec la MINUSCA, tout élément attestant d’actes
d’incitation à la violence, en particulier à motivation ethnique ou religieuse, qui
compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité en République centrafricaine, et
permettant d’identifier les auteurs de tels actes, et en rendre compte au Comité ;
-
Coopérer avec l’Équipe de suivi du Processus de Kimberley pour la République
centrafricaine pour appuyer la reprise des exportations de diamants bruts en
provenance de la République centrafricaine et signaler au Comité si la reprise du
commerce déstabilise le pays ou profite à des groupes armés.
En définitive, notons que la sanction d’embargos sur les armes en RCA se justifie
aussi dans la nécessité d’un retour à normale afin de faciliter les bons offices de l’Etat dans
le cadre de la R2P. Car la responsabilité de protéger incombe avant tout à l’Etat.
49
CHAPITRE 2 : L’ETAT CENTRAFRICAIN DANS LA
MISE ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
La résolution 60/1 de l’Assemblée générale des Nations unies du 16 septembre 2005
consacre deux R2P : la principale, celle de l’État qui doit protéger ses populations de quatre
crimes limitativement énumérés : « génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique et crimes
contre l’humanité » et celle, subsidiaire, de la communauté internationale qui peut, sur
autorisation du secrétaire général des Nations unies, se substituer à l’État qui manque à son
obligation. A cet effet, nous verrons dans ce présent chapitre le régime juridique de la mise
en œuvre de la R2P en RCA (Section 1) ; ce qui va nous conduire à étudier les actions
effectives de l’Etat centrafricain en vue de cette fin (Section 2)
Section 1 : Le régime juridique de la mise en œuvre de la
responsabilité de protéger en RCA
Il s’agit d’étudier d’une part les textes en application (paragraphe 1) et d’autre part
les institutions en charges (Paragraphe 2).
Paragrahe1 : Les textes en application
Depuis son apparition dans le corpus des règles juridiques internationales, le concept
de R2P a conduit notamment les Etats sous les auspices de l’ONU à mettre en place le projet
d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (B). Bien que ce
texte joue un rôle important dans la mise en œuvre de la R2P, toutefois il existe certains
textes au niveau national qui font objet de la responsabilité de l’Etat comme garant de la
protection des personnes visant sur son territoire. Ainsi nous verrons à cet effet le texte en
question dans le cadre de notre étude sur la RCA à savoir la Constitution du 30 Mars 2016
(A)
A- La constitution du 30 Mars 2016
Adoptée par décret N°160218 du 30 Mars 2016, la Constitution centrafricaine
mentionne de manière explicite des garanties fondamentales de libertés liées à toute
personne vivant sur le territoire. Ses garanties sont mentionnées au Titre I notamment aux
50
articles 1 à 23 de la Constitution. Certes ses articles ne mentionnent pas de façon explicite
la notion de la R2P, mais l’on peut par ricochet les admettre à cette notion car les garanties
promues sont mises en œuvre par l’Etat en respectant la constitution qui est l’acte
fondamentale.
Par ailleurs on voit que l’article 29 mentionne de son côté de manière plus précise et
plus rapprochée de la notion du R2P. L’article 29 stipule :
« En cas de coup d’Etat, d’agression par un Etat tier ou des mercenaires, les autorités
habilitées par la Constitution ont le droit et le devoir de recourir à tous les moyens
pour rétablir la légalité constitutionnelle, y compris le recours aux accords de
coopération militaire ou de défense en vigueur »74.
Le paragraphe 2 de cet article va un peu plus loin en demandant même au citoyens
ou groupes de citoyens de se constituer en défense si de telle circonstances se produisent75.
A la lecture de ses différents articles, l’on constate que l’Etat est en effet le premier
garant de la protection des citoyens centrafricains et de toute personne vivant sur le territoire.
La Constitution permet ainsi, en cas de manquement à cette obligation de soulever la
responsabilité de l’Etat.
B- Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement
illicite
L’article premier du Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait
internationalement illicite stipule : « Tout fait internationalement illicite de l’Etat engage sa
responsabilité internationale 76». L’article 2 dudit projet donne une définition du fait
internationalement illicites en mentionnant les éléments du fait internationalement illicite de
l’Etat en ses termes :
« Il y a fait internationalement illicite de l’Etat lorsqu’un comportement consistant
en une action ou une omission :
74
Cf. article 29 de la Constitution centrafricaine du 30 Mars 2016.
75
Article 29, Paragraphe 2 : « Dans ses circonstances tout citoyen ou groupes de citoyens a le droit
et le devoir de s’organiser d’une manière pacifique, pour faire échec à l’autorité illégitime ».
76
Cf. Article 1du Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement illicite
51
Est attribuable à l’Etat en vertu du droit international ; et
b) Constitue une violation d’une obligation internationale de l’Etat »77.
En partant de cette définition, nous constatons qu’elle élargie le champ de
l’application de la notion de R2P. car si l’on se tient aux intentions du Conseil de sécurité de
l’ONU dans les affaires telles que celle de la Libye, la R2P a été utilisée selon le Conseil,
pour répondre au manquement du Gouvernement libyen d’assurer la protection de la
population civile. En effet, dans son rapport du 12 Janvier 2009, concernant la mise en œuvre
de la responsabilité de protéger, le Secrétaire général des Nations unies a soutenu que le
concept de la R2P, tel qu’il ressort du Document final du Sommet de 2005, repose sur trois
piliers ne sont pas hiérarchisés et ont une importance égale78. Ils doivent être envisagés
ensemble, sans quoi le principe du devoir de protection serait incomplet. Le Conseil a
qualifié ce manquement comme étant une violation d’une obligation du droit international
notamment la protection des civils79.
Cependant en ce qui concerne la RCA, l’article 10 alinéa 1 du Projet d’article sur la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite montre avec précision que la
Responsabilité de l’Etat centrafricain est en effet engagée. Car cet article stipule : « Le
comportement d’un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement de
l’Etat est considéré comme un fait de cet Etat d’après le droit international ». En effet, la
rébellion a réussi à prendre le pouvoir en Mars 2013 et les éléments armés de cette rébellion
ont commis des exactions graves des droits humains, allant des crimes de guerre au crime
contre l’humanité tel que le rappelle la Résolution 2127 du 5 décembre 2013. Et par ailleurs
leurs responsables qui étaient les gouvernants n’arrivaient guerre à protéger la population
civile ce qui a entrainé les différents régimes de sanction que connaît la RCA et plus
particulièrement les régimes de la sanction d’embargos sur les armes.
77
Cf. Article 2 du Projet d’articles sur la responsabilité de l’état pour fait internationalement illicite
78
Organisation des Nations unies, La mise en œuvre de la responsabilité de protéger, Rapport du
Secrétaire général des Nations unies, document A/63/677, 12 janvier 2009
79
Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité, le 26 février 2011, la résolution
1970 (2011) dans laquelle il a rappelé que les autorités libyennes ont la responsabilité de protéger le peuple
libyen, a condamné la violence et l’usage de la force contre les civils et a regretté les violations flagrantes et
systématiques des Droits de l’Homme.
52
Paragraphe 2 : Les institutions en charge
Il s’agit entre et autre du ministère de la Défense nationale (A) et du ministère de la
Justice (B).
A- Le ministère de la défense
Crée en 1960 après l’indépendance du pays, le ministère de défense et des armées est
chargé de veiller à la sécurité du pays et est également à la charge des anciens-combattants.
Il est composé de trois département à l’origine80 avant d’être complété par un quatrième
l’OCRB (Office Centrafricaine de Répression contre le Banditisme) en 199881.
Le secteur de la sécurité en RCA va bien au-delà des systèmes centraux chargés de
la défense nationale et de la sécurité de l’Etat. Ainsi, pour avoir une image complète, les
organismes paramilitaires, les acteurs non-étatiques de surveillance et de contrôle et les
partenaires internationaux doivent être examinés. Similaire à d’autres anciennes colonies
françaises, le noyau du secteur de la sécurité de la RCA comporte une série de services :
l’armée ; les Forces armées de la République centrafricaine (FACA), la Gendarmerie
nationale, une force militaire chargée de missions de police, des Forces aériennes, de
modestes Forces navales et fluviales, la Garde républicaine, la Police nationale et un service
de la sécurité nationale chargé des Renseignements étatiques. La mission et la fonction de la
plupart de ces forces et services ont récemment été stipulées dans la loi numéro 99.107 en
date du 24 octobre 1999 et dans le décret 00.230 du 3 octobre 2000. Le décret 00.230 du 3
octobre 2000, en application de la loi No 99.018 du 24 octobre 1999, établit le Conseil
suprême de la défense nationale (CSDN), présidé par le chef de l’Etat 82. Le CSDN sert
d’organisme consultatif rattaché à la Présidence et est chargé des questions relatives à la
80
Le Département des forces armées centrafricaines, le Département de la Gendarmerie et le
Département de la Police faisaient office du Ministère de la Défense et des Armées en RCA.
81
C’est un département des commandos de polices chargés de réprimer les bandits et d’intervenir pour
des situations alarmantes dans les banlieues.
82
BOUBACAR N’diaye, Défis et opportunités pour une réforme du secteur de la sécurité en
République centrafricaine. P. 2
53
défense nationale (incluant, de façon générale, la défense économique, civile, interne et
externe.) Cet important organisme a pour mission d’évaluer les menaces et les risques, à la
fois internes et externes, et d’élaborer des réponses efficaces pour les contrer. En outre, le
Conseil est chargé de coordonner les différents éléments de la défense nationale, à l’aide de
quatre sous-commissions où sont représentés un certain nombre de ministères clés. Il semble
que, jusqu’à présent, le CSDN n’a pas eu les moyens ni l’opportunité de jouer son rôle
pleinement. Toutefois, s’il est reformulé, le Conseil dispose des capacités et du potentiel
nécessaires pour contribuer considérablement à l’élaboration et la coordination d’une
initiative de Réforme du Secteur Sécuritaire (RSS). Les autres services de l’Etat associés à
la sécurité incluent les douanes et les services des eaux et forêts et l’autorité judicaire, y
compris le contrôle de travail des officiers de police judiciaire, la politique pénale, et le
système de gestion des prisons.
Pour les sociétés privées de sécurité des règlementations plus formelles et
systématiques n’ont pas encore été imposées par l’Etat. Dans le cas de la République
Centrafricaine et d’autres pays sortant de la guerre civile, les anciens combattants, les milices
ethniques/politiques résiduelles, les groupes armés d’autodéfense (comme les « archers »),
les groupes rebelles autoproclamés à la frontière entre le Soudan et le Tchad, les bandits
armés qui harcèlent les passants sur les pistes rurales (appelés Zaraguinas), font aussi partie
du secteur de la sécurité. Il est important de noter que, malgré de graves difficultés d’ordre
sécuritaire, le phénomène des enfants soldats, qu’ont connu d’autres pays en guerre, semble
avoir généralement épargné la RCA83. Les organismes constitutionnels, juridiques,
politiques ou les de facto organismes de surveillance font également partie du secteur de la
sécurité et leurs rôles, aptitudes et potentiel seront examinés et incorporés dans cet exercice
; ceci inclut notamment l’assemblée nationale, par le biais de ses Commissions chargées de
la défense nationale et de la sécurité et les organisations de la société civile procédant au
suivi des problèmes et questions liés à la sécurité84.
83
BOUBACAR N’diaye, Défis et opportunités pour une réforme du secteur de la sécurité en
République centrafricaine, P2
84
BOUBACAR N’diaye, Défis et opportunités pour une réforme du secteur de la sécurité en
République centrafricaine, P.3
54
B- Le ministère de la justice
Au sortir de la période coloniale, l‘organisation judiciaire centrafricaine était plutôt
sommaire. On comptait trois Tribunaux de Première Instance (à Bangui, Bambari et
Berberati) ainsi qu‘une quarantaine de justices de paix ; la juridiction d‘appel était à
Brazzaville, la Cour de Cassation de Paris coiffant l‘ensemble de ce dispositif juridictionnel.
Toutefois, dès le 18 octobre 1960, la création d‘une juridiction d‘appel à Bangui consacre la
caducité du système juridictionnel en vigueur dans l‘ex-AEF, une évolution confirmée par
les lois 61/183 du 15 février 1961 et 61/249 du 15 novembre 1961, modifiée par la loi 63/418
du 26 novembre 1963, qui ont mis en place une organisation judiciaire propre à la RCA. La
Cour Suprême fut donc installée le 2 mai 1962. En 1965 est intervenue une réforme
importante de l‘organisation judiciaire, qui a abouti à la suppression des tribunaux de droit
traditionnel85.
La RCA dispose aujourd‘hui d‘un organigramme juridictionnel beaucoup plus
achevé, au sein duquel coexistent des juridictions de l‘ordre judiciaire et de l‘ordre
administratif. Malheureusement, les performances de ces juridictions sont limitées, en raison
des diverses carences du système judiciaire : un budget insignifiant, un déficit en ressources
humaines et en moyens matériels, des infrastructures judiciaires et pénitentiaires dégradées,
l‘obsolescence de pans entiers du droit positif, une absence de formation continue et de
recyclage des professionnels de la justice86. Le ministère de la Justice, Garde des Sceaux
(MJGS), a été amputé de son appellation précédente de « ministère de la Justice et des Droits
de l‘Homme, Chargé de la Réforme du Droit », appellation qui reflétait à merveille la
mission naturelle et première de ce département de souveraineté de l‘État.
En effet, les premiers textes relatifs à l‘organisation interne du ministère de la Justice
remontent au début des années 196087. Il a été créé peu après, aux côtés du cabinet du Garde
85
Car les prérogatives des chefs coutumiers sont désormais limitées à un pouvoir de conciliation, qui
relève de la « justice gracieuse »
86
Jocelyn Ngoumbango Kohetto, L’accès au droit et à la justice des citoyens en République
centrafricaine, Thèse soutenue en Septembre 2013, P.118
87
cf. L’arrêté 6911 du 7 août 1963 et décret 64/220 du 04 juillet 1964 modifié par le décret n° 69/097
du 28 mars 1969
55
des Sceaux, une Direction générale des services judiciaires organisée autour de trois pôles :
la Direction des Affaires civiles et du Sceau, la Direction des Affaires criminelles et des
grâces, et la Direction de l‘Administration Pénitentiaire (DAP) qui a été transférée du
ministère de l‘Intérieur au ministère de la Justice en vertu du décret n° 80/345 du 25 juin
1980. On notera également que le décret n° 91/137 du 1er juin 1991 a créé une Inspection
Générale des Services Judiciaires (IGSJ) qui a pris le relais d‘un service ayant des
attributions comparables, la Direction de la Mission Mobile Judiciaire. Au cours de la
dernière décennie, l‘appareil judiciaire s‘est complètement étoffé, les évolutions les plus
notables intervenus au niveau des juridictions ayant été d‘une part le démembrement en 1995
de la Cour Suprême (qui a éclaté en quatre nouvelles juridictions : la Cour de Cassation88, le
Conseil d‘État89, la Cour des Comptes90 et la Cour Constitutionnelle91) et, d‘autre part, la
création de deux nouvelles Cours d‘Appel, à Bouar et à Bambari. Ces mutations qui se sont
accompagnées d‘une relative croissance des effectifs du personnel ont rendu obsolète
l‘organigramme du ministère de la Justice dont la structure, jusqu‘en 2005, était réduite à un
chef de cabinet, un directeur général, cinq directions et dix services (cf. décret n° 94.084 du
4 mars 1994 relatif à l‘organisation du ministère de la Justice).
L‘adoption d‘un nouvel organigramme du ministère de la Justice visait à répondre à
quatre préoccupations s‘inscrivant dans la réforme du secteur judiciaire :
o Une meilleure administration et gestion des personnels ;
o Un renforcement des capacités des personnels (formation continue) ;
o Une stratégie efficace
en matière de réalisation d‘équipements
et
d‘investissements dans le secteur de la justice ;
o l‘actualisation du droit national, afin de tenir compte des « exigences de la
mondialisation économique et financière ainsi que du mouvement de
rapprochement des institutions et d‘harmonisation du droit des États
88
Article 111 de La Constitution Centrafricaine du 30Mars 2016
89
Article 115 de la Constitution du 30 Mars 2016
90
Article 118 de la Constitution du 30 Mars 2016
91
Article 95 de la Constitution centrafricaine du 30 Mars 2016
56
francophones , notamment dans le cadre du droit des affaires (OHADA), des
assurances (Code CIMA), du pacte de non-agression ». Il s‘agissait de «
répondre aux exigences d‘harmonisation imposée par l‘évolution du droit
international et le processus d‘intégration régionale ».
Le ministère de la Justice, Garde des Sceaux, est actuellement régi par le décret n°
05.039 du 21 février 2005, modifié et complété par le décret n° 08.440 du 28 novembre 2008
portant organisation et fonctionnement du ministère de la Justice et fixant les attributions du
ministre. Sous l‘autorité du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, l‘organisation et le
fonctionnement du ministère de la Justice sont animés par le Cabinet du ministre et une
Inspection générale des services judiciaires elle-même rattachée au Cabinet92.
L’étude des différentes institutions nous amène à voir les efforts effectués en vue de
l’exercice de la R2P par l’Etat centrafricain.
Section 2 : Les efforts effectués en vue de l’exercice de la
responsabilité de protéger
En RCA, plusieurs efforts ont été faits en vue de l’exercice de la responsabilité de
protéger. Il s’agit entre et autre de la réforme du secteur de sécurité (Paragraphe 1), qui
conduit au renforcement de l’Etat de droit (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La réforme du secteur de sécurité
Les fondements politiques du lien entre sécurité et développement doivent être
recherchées dans les réflexions qui ont été menées au cours des années 1990 par plusieurs
institutions internationales. Ainsi, l’édition 1994 du rapport annuel du PNUD sur le
développement humain93, les consultations menées par la Banque mondiale dans environ
soixante de ses pays partenaires, et ayant abouti à la publication du rapport intitulé Voices
92
93
Cf. Les Etats généraux de la Justice, Bangui, du 9 au 12 octobre 2008
Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), La liberté culturelle dans un monde
diversifié : rapport mondial sur le développement humain, 2004
57
of the Poor94, et les travaux menés à Ottawa sur la sécurité humaine95 ont notamment
souligné l’interdépendance entre conflit et pauvreté, ainsi qu’entre pauvreté et violence, et
ont promu l’adoption d’une approche intégrée afin de répondre de manière efficace à
l’insécurité. Pourtant, et malgré une popularité croissante dans le discours international, la
RSS reste un concept largement contesté, et qui souffre d’un grand décalage entre les
principes qu’il énonce, et leur mise en œuvre effective. Le Comité d’aide au développement
(CAD) de l’OCDE a tenté de promouvoir une compréhension commune de la RSS, afin de
faciliter l’adoption de politiques et de stratégies coordonnées. La définition de la RSS par le
CAD relève d’une approche holistique, et comprend tous les acteurs, leurs rôles,
responsabilités et actions, dans une synergie visant à assurer la gestion du système de façon
cohérente avec les normes démocratiques et les principes de bonne gouvernance, contribuant
ainsi au bon fonctionnement du cadre général sécuritaire96.
Ainsi dans le cadre de la réforme du secteur de sécurité en RCA, le 19 décembre,
l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi de programmation militaire pour la période
2019-2023, prévoyant un montant de 374 millions au titre de dépenses destinées à mettre en
œuvre la notion d’armée de garnison, telle que définie dans le plan national de défense97.
Conformément à ce plan, qui vise à bâtir une armée de 9 800 soldats d’ici à 2023, le
Gouvernement a lancé, le 5 novembre, la première campagne nationale de recrutement de 1
023 nouveaux éléments dans les 16 préfectures en usant de critères de sélection objectifs98.
La MINUSCA a continué de fournir un appui technique et logistique aux autorités en vue
d’assurer un recrutement sans exclusive grâce à l’application de quotas pour les recrues de
toutes les préfectures et pour les femmes (15 %). Ainsi, nous verrons d’une part la formation
94
Deepa Narayan, Robert Chambers, Meera K. Shah et Patti Petesch (Banque mondiale), Voices of
the Poor: crying out for change, Oxford University Press, 2000 (voy. chapitre VIII, Anxiety, fear and
insecurities), p. 151-177.
95
International Commission on Intervention and State Sovereignty, « The Responsibility to Protect »,
Report of the International Commission on Intervention and State Sovereignty, Ottawa, ICSS, 2001.
96
Cf. Rapport Général du CAD de l’OCDE, Lignes directrices du CAD sur la réforme des systèmes
de sécurité et la gouvernance, 2005
97
Cf. Le rapport du Conseil de Sécurité de l’ONU du 15 février 2019, Paragraphe 40, P. 9
98
Cf. Le Rapport du Conseil de Sécurité de L’ONU du 15février 2019, Paragraphe 41 ; P. 9
58
des éléments de l’armée nationales et des forces de défense (A) et ensuite le processus du
DDRR (B).
A- La formation des éléments de l’armée nationale
Au 15 janvier 2019, 1 358 des 7 087 soldats des forces armées centrafricaines ont été
déployés en dehors de Bangui99. Au total, 896 membres des forces armées centrafricaines
formés par la Mission de formation de l’Union européenne et des experts militaires russes,
ont été déployés dans sept localités où ils sont à l’œuvre aux côtés de la MINUSCA. En
outre, 248 soldats sont actuellement formés par des experts militaires russes. La Mission a
renforcé ses activités de planification et d’assistance technique à ces unités déployées à ces
sept endroits, notamment par la planification conjointe et la coopération tactique. Elle a
également accru son appui logistique limité à l’armée, notamment sous forme d’évacuation
de blessés et d’alimentation en combustible dans des endroits plus reculés. La collaboration
sur le terrain entre les forces armées centrafricaines et la MINUSCA continue d’être
essentielle à l’amélioration de la protection des civils et à la réduction de la menace que
constituent les groupes armés et les activités criminelles. Le Gouvernement a continué
d’accomplir des progrès en matière de contrôle et de suivi des fautes commises par les forces
de défense et de sécurité intérieure dans le cadre d’une action élargie menée, avec l’appui de
la MINUSCA, pour améliorer la responsabilisation, la discipline et le respect des droits de
l’homme au sein de ces institutions. De nombreux cas de conduite répréhensible ont été
observés à Bambari, Obo et Paoua au cours de la période considérée, notamment des cas
d’agression physique à l’encontre de civils et entre les éléments des Forces armées
centrafricaines. L’Inspecteur général de l’armée et le Bureau du Procureur militaire, avec le
concours de la MINUSCA, mènent des enquêtes sur ces affaires. Au cours de la période
considérée, 97 gendarmes et 106 policiers ont été déployés dans les régions, principalement
à l’ouest du pays, ce qui porte le nombre total d’agents des forces de sécurité intérieure
nationales actuellement déployés en dehors de Bangui à 1 100 (729 gendarmes et 371
policiers)100. La MINUSCA a continué de coordonner la prestation d’une assistance
99
Cf. Le Rapport du Conseil de Sécurité de L’ONU du 15février 2019, Paragraphe 38 ; P. 8
100
Cf. Le Rapport du Conseil de Sécurité de L’ONU du 15février 2019
59
technique et l’organisation d’activités de formation par des partenaires internationaux. Le 20
novembre, 300 soldats des troisième et cinquième bataillon d’infanterie ont achevé un stage
de remise à niveau de deux mois sur les techniques de pointe en la matière, assuré par des
instructeurs russes. Le 6 décembre, la mission de formation de l’Union européenne a terminé
la formation de 330 soldats du bataillon amphibie. La MINUSCA a organisé des réunions
périodiques du Groupe de coordination internationale sur les forces de défense et de sécurité
intérieure centrafricaines, pour mieux coordonner l’octroi d’un appui aux forces de défense
et de sécurité, avec la participation de la Chine, des États-Unis d’Amérique, de la Fédération
de Russie et de la France, et ainsi que de l’Union africaine, de la CEEAC et de l’Union
européenne. Le 19 décembre, 248 gendarmes et 250 agents de police, recrutés avec le
concours de la MINUSCA, ont achevé leur formation, complétée par des modules
spécialisés, qui les préparaient à être déployés au sein d’unités antiémeutes. Leur
déploiement reste limité faute de moyens logistiques, d’infrastructure et de matériel. Enfin,
il faut noter que la MINUSCA, par l’intermédiaire du Service de la lutte antimines, a
continué d’appuyer la gestion des armes et des munitions en aidant les forces nationales de
défense et de sécurité intérieure dans le domaine de la planification de l’infrastructure101. La
Mission a également dispensé des formations spécialisées sur la gestion des installations de
stockage de munitions et d’armes, le marquage des armes et la destruction des munitions
autonomes à certains membres des forces de défense nationale.
L’objectif de la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) est donc de rétablir la
confiance de la population en l’Etat comme fournisseur principal de Sécurité et de Justice
conformément aux aspirations de celle-ci. Cette réforme vise non seulement les acteurs
classiques de la Sécurité (tels que l’Armée, Police, Justice,) mais également les ‘thèmes
transversaux (tels que Contrôle parlementaire, Rôle de la société civile et des média, …). Il
s’agit donc d’une réforme délicate, holistique et globale qui s’inscrit dans la durée et dans le
respect total de la souveraineté nationale du Partenaire.
101
Cf. Le Rapport du Conseil de Sécurité de L’ONU du 15février 2019
60
B- La mise en œuvre du processus DDRR
Le 17 décembre, le Gouvernement a lancé le programme national de désarmement,
de démobilisation, de rapatriement et de réintégration dans la partie occidentale du pays, à
partir de Paoua, avec le concours de la MINUSCA. Les opérations de désarmement et de
démobilisation à Bozoum et Paoua ont été achevées le 18 janvier. Au total, 137 excombattants, dont deux femmes, des deux factions Révolution et justice (Sayo et Belanga)
et antibalaka/Ngaissona ont été désarmés et démobilisés. En outre, 103 armes de guerre, 93
grenades, 7 roquettes, 2 obus de mortier et 3 199 cartouches ont été collectées. Le
Gouvernement avait l’intention de poursuivre ces opérations à Bouar et Koui, à la fin du
mois de février. Pour compléter ces efforts, la MINUSCA a continué d’étendre son
programme de lutte contre la violence de proximité dans huit localités, en partenariat avec
l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Bureau des Nations Unies pour
les services d’appui aux projets (UNOPS). Dans le cadre de ce programme, à ce jour, 3 190
combattants, jeunes et membres de la communauté, dont 1 049 femmes, ont participé à des
travaux de remise en état, des activités de cohésion sociale et des activités rémunératrices
menés à bien en partenariat avec l’UNOPS. Du 15 octobre 2018 au 28 janvier 2019, 205
armes de guerre, 4 466 armes artisanales, 132 munitions non explosées et 14 506 munitions
d’armes légères ont été collectées au titre de ces programmes. La stratégie nationale de lutte
contre la violence de proximité, élaborée avec l’aide de la MINUSCA, en consultation avec
l’équipe de pays des Nations Unies et les partenaires nationaux et internationaux, a été
transmise au Gouvernement pour approbation le 30 novembre. La stratégie offre un cadre
général d’harmonisation des positions de tous les partenaires nationaux et internationaux
participant à la conception et à la mise en œuvre de programmes de lutte contre la violence
de proximité.
Paragraphe 2 : Le renforcement de l’Etat de droit
A- Le retour progressif de l’autorité de l’Etat dans les zones occupées
Malgré les progrès accomplis dans le redéploiement des préfets, sous-préfets, forces
armées et forces de sécurité intérieure, la projection de l’autorité de l’État en dehors de
Bangui reste minime et son incidence limitée. L’action du Gouvernement est entravée par
l’insuffisance des moyens, le manque de ressources des institutions publiques et le legs de
61
décennies de mauvaise gouvernance, de pauvreté, d’inégalités dans la répartition des
ressources, de faible niveau d’instruction et de services publics restreints, soulignant la
nécessité constante non seulement de renforcer la présence de l’Etat en dehors de Bangui,
mais aussi de développer les capacités du Gouvernement central. La MINUSCA et l’équipe
de pays des Nations Unies ont continué d’aider le Gouvernement à mettre en œuvre sa
stratégie de rétablissement de l’autorité de l’État. La Mission et le Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD) ont aidé le Ministère de l’administration territoriale,
de la décentralisation et du développement local à effectuer les vérifications nécessaires
permettant de cartographier la présence de fonctionnaires des préfectures et de recueillir les
données destinées à mettre en lumière les lacunes qu’aura à évaluer le Premier Ministre, en
sa qualité de Président du Comité de coordination et de suivi de la mise en œuvre de la
stratégie. L’absence de banques en dehors de la capitale et les difficultés qui en découlent
au titre du versement des traitements demeurent un obstacle de taille au déploiement de
l’administration locale. La MINUSCA, le PNUD et la Banque mondiale continuent de
collaborer avec le Gouvernement dans le cadre de l’examen de propositions émanant des
institutions bancaires et de plaider avec les sociétés de télécommunications en faveur de
solutions bancaires en ligne qui offriraient la possibilité de remédier à ce problème.
Par ailleurs, les moyens d’action et le fonctionnement des structures judiciaires et
pénitentiaires nationales en dehors de Bangui sont demeurés limités, 15 tribunaux sur 27 de
première instance et cours d’appel commençant à être opérationnels, dont 13 hors de Bangui.
La Cour d’appel de Bangui, avec l’appui de la MINUSCA, a jugé 1_6 affaires pénales au
cours de sa deuxième audience pénale de 2018, du 19 novembre au 20 décembre, dont six
étaient avaient trait au conflit et ont abouti à la condamnation de trois accusés ex-Séléka et
quatre accusés anti-balaka. La MINUSCA continu de fournir un appui technique aux
autorités judiciaires enquêtant sur les différentes affaires liées à la crise et aux violations des
droits de l’homme. La Cour pénale spéciale a marqué une étape importante avec sa séance
inaugurale, le 22 octobre, marquant l’ouverture des enquêtes, suivie de la publication de la
stratégie en matière de poursuites de la Cour, le 4 décembre. Durant la période considérée,
la Mission a continué d’appliquer ses mesures temporaires d’urgence qui lui ont permis
d’appréhender 54 personnes soupçonnées d’avoir commis divers crimes, notamment des
meurtres, des viols, des enlèvements, des vols à main armée, des actes de torture et des
pillages et d’avoir détenu illégalement des armes. Le 9 janvier 2019, le Gouvernement a
approuvé une stratégie nationale de démilitarisation du système pénitentiaire, en même
62
temps que des politiques de santé et de réinsertion sociale des détenus, élaborées avec le
soutien de la Mission. Le recrutement de 150 nouveaux agents pénitentiaires civils achevé
le 22 novembre attend actuellement d’être approuvé par le Gouvernement de sorte que leur
formation puisse commencer. La MINUSCA a continué de renforcer l’encadrement et la
formation en matière de sécurité dans les prisons, ce qui a abouti au règlement d ’au moins
quatre problèmes de sécurité majeurs, dont une tentative d’évasion et une mutinerie. Elle a
également assuré une formation en cours d’emploi à la première équipe d’intervention
pénitentiaire nationale, qui sera déployée aux côtés de son équipe d’administration
pénitentiaire.
B- Le Processus politique africaine en vue du retour de l’autorité de l’Etat
L’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine,
qui a commencé ses activités en novembre 2017, a permis de faire des progrès vers la
réalisation des objectifs énoncés dans sa feuille de route102. En organisant des réunions à
Bangui et en effectuant plusieurs visites dans le pays, le groupe de facilitateurs de l’Union
africaine a recueilli les revendications des différents groupes, qui servent maintenant de base
au dialogue devant avoir lieu en vue de conclure un accord de paix entre le Gouvernement
et les 14 groupes armés. Conformément au calendrier adopté par l’Initiative africaine, une
série d’ateliers et de séminaires de formation ont eu lieu afin de préparer le dialogue qui a
abouti à l’accord de Khartoum du 6 février 2019 et de renforcer les capacités des principales
parties prenantes, notamment le groupe de facilitateurs, le Gouvernement, les 14 groupes
armés et la société civile.
Parallèlement à l’Initiative africaine, des actions de médiation sont également en fait
au niveau local, menées notamment par la MINUSCA, les autorités nationales et les chefs
religieux. Ces actions, auxquelles participent divers acteurs (groupes armés, autorités
locales, société civile et groupes religieux) et qui prennent différentes formes (formelle ou
informelle), visent à créer un climat propice au règlement de la dynamique des conflits au
niveau local et à permettre le retour effectif de l’autorité de l’Etat. Ses différents pourparlers
ont permis la signature de certains accords. Nous pouvons citer en exemple l’accord signé à
102
L’UA a mis en place une feuille de route en Février 2015 pour la sortie de crise en RCA avec
plusieurs points, notamment le retour effectif de l’autorité de l’Etat.
63
Bouar le 15 décembre 2017 par des groupes armés et les autorités locales sous l’égide de la
MINUSCA, et celui du 9 Avril 2018 à Bangassou par des groupes d’autodéfenses ainsi que
les personnes déplacées sous l’égide de la plateforme des confessions religieuses. D’autres
initiatives ont abouti sans que des accords officiels soient signés (à Bossangoa et
Bambari)103.
Le Gouvernement a également engagé le dialogue avec les groupes armés par
l’intermédiaire du conseiller du Président pour les questions de sécurité nationale, un
représentant de nationalité russe nommé à ce poste dans le cadre de la coopération entre les
Gouvernements centrafricain et russe, qui a rencontré à plusieurs reprises des chefs des
groupes armés pour s’entretenir de questions liées, entre autres, au désarmement, à la
démobilisation et à la réintégration, à la réconciliation nationale et au partage des revenus de
l’exploitation des ressources naturelles entre les autorités locales et nationales104.
103
Il y’a eu en Novembre et décembre 2019 des accords entre les autorités locales et les groupes armés
de la ville de Bossangoa au Nord-Ouest et à Bambari, ville située au centre de la RCA.
104
Cf. Paragraphe 5 du Rapport du groupe des experts sur la RCA de 2019.
64
DEUXIEME PARTIE : LA SANCTION D’EMBARGO SUR LES
ARMES UNE ENTRAVE A LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
Nous venons de voir l’importance et la justification de la sanction d’embargos sur les
armes en RCA. Mais toutes fois cette sanction de par son caractère présente des failles aussi
dans son application que son maintien. Cette situation nous conduit à émettre des doutes sur
l’efficacité de cet embargo (Chapitre 1) et à voir les défis majeurs à relever (Chapitre 2).
CHAPITRE I : UN EMBARGO A L’EFFICACITE DISCUTABLE
L’embargo sur les armes en RCA est certes un atout pour le retour à la normale, mais son
renouvellement multiple de par les différentes résolutions du Conseil de Sécurité et l’analyse
de la situation sécuritaire actuelle, laisse planer des doutes sur l’efficacité de cette sanction
d’embargo à l’encontre du pays. On assiste en effet, d’une part à la défaillance de l’Etat
centrafricain dans sa responsabilité de protéger (Section 1) du fait de l’embargos sur les
armes. Cette situation engendre des conséquences liées à la sanction d’embargos (Section 2)
Section 1 : La défaillance de l’Etat centrafricain dans sa
responsabilité de protéger du fait de l’embargo sur les armes
Depuis 2013, la RCA est devenue le théâtre des seigneurs de guerre sans foi, ni loi. L’Etat
centrafricain a perdu sa souveraineté. La présence des agents de l’Etat ne se limite qu’au
niveau de la capitale et le reste du territoire est occupé et géré par des roupes rebelles. Ce
qui nous conduit à observer une absence de l’autorité étatique (Paragraphe 1). Cette absence
de l’autorité de l’Etat permet en effet un renforcement des groupes armés sur l’étendue du
territoire (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : La RCA un Etat en faillite
Le concept d’Etat en faillite est généralement utilisé pour décrire la situation d’un Etat qui
se retrouve dans l’incapacité d’assumer ses fonctions régaliennes de base à la suite de
l’effondrement total ou partiel de ses institutions gouvernementales et administratives. Le
concept demeure toutefois controversé en droit international. Il est rejeté par une partie
minoritaire de la doctrine et fait l’objet d’interprétations différentes par celle qui l’admet,
tant en ce qui concerne son contenu que pour ses implications juridiques105. Cette notion est
apparue dans la doctrine politiste américaine au début des années 1990. Elle est utilisée pour
décrire un Etat « absolument incapable de se maintenir comme membre de la communauté
internationale, en raison notamment de l’effondrement de ses institutions, disaient Helman
105
Illy Ousseni. « L’État en faillite » en droit international, In Revue Québécoise de droit international, volume
28-2, 2015. p. 54
65
et Ratner106. En effet, la crise que traverse la RCA depuis 2013 est marquée par l’absence de
l’autorité étatique dans les zones occupée par les groupes armés (A) et l’impuissance de
l’Etat centrafricain d’assumer ses missions régaliennes (B)
A- L’absence de l’autorité étatique dans les zones occupées
Selon la conception extensive de la faillite de l’Etat, l’État en faillite est un État qui se
retrouve dans une incapacité liée à l’ineffectivité de ses autorités politiques et
administratives ; car l’Etat est souvent défini comme une structure politico-administrative
qui revendique avec succès le monopole de la contrainte physique légitime sur une
population habitant un territoire donné107. Pour Illy OUSSENI, l’ineffectivité de l’autorité
politique et administrative, qui incarne l’Etat, signifie la perte de ce monopole avec toutes
les conséquences qui s’ensuivent108. Dans la conception extensive de l’Etat en faillite, la
perte du monopole de la contrainte légitime est un élément essentiel. Ainsi, d’après Gérard
Cahin, la défaillance de l’Etat entraine la dégradation de la souveraineté interne à travers
l’affaiblissement exclusif de la souveraineté territoriale109. Pour William Zartman, la faillite
de l’Etat se traduit par la perte de contrôle de l’espace politique et économique 110. Enfin,
pour Chiara Giorgetti, le droit international considère comme Etats faillis les Etats dépourvus
d’un gouvernement effectif111.
De toutes ses différentes définitions seules les deux premières cadrent avec notre
recherche. En effet, La RCA, dont l’histoire est marquée par de nombreuses instabilités, a
connu pour sa part une rechute en mars 2013, avec le renversement de l’ex-président
François Bozizé et l’installation des rebelles de la Séléka au pouvoir. Une confusion
indescriptible s’en était suivie, avec la faillite quasi totale des institutions et de l’autorité de
l’État, livrant les populations à de multiples exactions. Depuis 2013 les ¾ du territoire
centrafricain se trouvent sous contrôle des groupes armés. Chaque roupe établie son
administration et gouverne à sa guise. Malgré le retour à l’ordre constitutionnel en 2016,
certaines portions du territoire sont sous domination de ses groupes. En exemple en 2018
106
Gerald B Helman et Steven R Ratner, « Saving Failed States » (1992), P.3
107
Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1971 p 57.
108
Illy Ousseni. « L’État en faillite » en droit international, In Revue Québécoise de droit international, volume
28-2, 2015. p.56
109
Gérard Cahin, « Le droit international face aux États défaillants », SFDI, L’Etat dans la mondialisation,
Colloque de Nancy, Paris, Pedone, 2013
110
William Zartman, Collapsed States : The Disintegration and Restoration of Legitimate Authority, Londres,
Lynne Rienner, 1995 ; P. 9
111
Chiara Giorgetti, A Principled Approach to State Failure : International Community Actions in Emergency
Situations, Leyde, Martinus Nijhoff, 2010
66
pour des missions de la campagne de la vaccination contre la poliomyélite il faut négocier
avec les groupes armés pour pouvoir aller dans ses zones. Dernièrement certains agents de
l’ANE dans le cadre de l’enrôlement des électeurs sur la liste électorale en vue des élections
de Décembre 2020, ont été chassé de Bambouti, une ville dans l’Est de la RCA. Par ailleurs
les barrières sont érigées sur certains axes par ses groupes armés et l’administration est aussi
géré dans les zones occupées par les groupes armés. En exemple en 2017 certains maires
sont nommés par les leaders des groupes armés. Tous ses éléments de fait montre à quel
point l’Etat centrafricain est un Etat failli.
B- L’Impuissance de l’Etat centrafricain d’assumer ses missions régaliennes
L’État n’est pas une structure qui doit seulement revendiquer le monopole de la contrainte
physique légitime. Il a des missions vis-à-vis de ses populations qu’il doit remplir. Parmi ces
missions, il y a celles dites régaliennes, à savoir la sécurité, le maintien de l’ordre, la justice,
la défense et la diplomatie, mais il y a également les missions dites de base que sont
l’éducation, la santé, la nourriture, l’eau potable, les infrastructures, les transports,
l’électricité, etc. Lorsqu’un État est incapable d’exercer ces fonctions ou de fournir ces
services en raison de la défaillance de ses institutions et en particulier de son gouvernement,
il sera alors considéré, dans l’acception large, comme un Etat en faillite. Ainsi, pour Gérard
Cahin, « peut être considéré comme Etat défaillant, l’Etat qui est dans l’incapacité d’exercer
tout ou partie de ses fonctions régaliennes de base en raison de la disparition totale ou
partielle d’une autorité politique effective sur son territoire112 ». Pour Serge Sur, le
phénomène de la faillite de l’État met en exergue un appareil d’État qui « ne peut plus
remplir ses fonctions essentielles, et spécialement assurer la sécurité physique de sa
population 113». Quant à Kamal Bayramzadeh, il pense que la faillite de l’Etat se traduit aussi
dans « la dégradation de la sécurité et des services publics, comme l’éducation ou la santé
114
». Enfin, pour William Zartman, la faillite signifie que les fonctions essentielles de l’État
ne sont plus remplies : « en tant que centre d’impulsion et de décision, l’État est paralysé et
inopérant ; en tant que symbole d’identité, il ne représente plus grand-chose aux yeux de sa
population ; en tant que territoire, il n’est plus sécurisé ; en tant qu’organisation politique,
il a perdu sa légitimité ; et en tant qu’organisation socio-économique, ses biens sont détruits
et il n’a plus le soutien de sa population, qui par ailleurs n’attend plus rien de lui115 ».
En effet, la crise de 2003 a entrainé la chute de l’Etat centrafricain qui n’est plus en mesure
d’assumer ses fonctions régaliennes. Les administrations dans les zones occupées sont
112
Gérard Cahin, « Le droit international face aux États défaillants », SFDI, L’Etat dans la mondialisation,
Paris, Pedone, 2013, P.114
113
114
Kamal Bayramzadeh, « Les États faillis et le terrorisme transnational » (2015) 1 Revue de la Faculté de
droit de l’Université de Liège, 1999 ; P.103
115
William Zartman, Collapsed States : The Disintegration and Restoration of Legitimate Authority, Londres,
Lynne Rienner, 1995 ; P. 9
67
dirigées par les leaders des groupes armés. La protection des civils est assumée par ses
groupes armés qui font la loi et commettent des crimes graves, allant des crimes de guerre à
des crimes contre l’humanité. Face à cette défaillance et à l’impuissance de l’Etat
centrafricain d’assumer ses fonctions régaliennes du fait de l’embargo sur les armes, on
assiste cependant à un renforcement des positions des groupes armés malgré la sanction
d’embargo sur les armes.
Paragraphe 2 : Le renforcement des positions des combattants
Les relations entre le Gouvernement et l’ex-Séléka sont de plus en plus tendues. Si l’exSéléka a durci ses positions, c’est en grande partie parce qu’elle a l’impression que le
Gouvernement, qui a gagné en puissance opérationnelle en acquérant récemment des armes,
privilégie une solution militaire et aligne sa position sur celle d’individus que le Groupe
d’experts a qualifiés de « bellicistes » dans son rapport final de 2017. On assiste ainsi à une
dynamique des trafics d’armes au sein des groupes armés (A) et un regain des violences sur
le territoire centrafricain (B)
A- La dynamique des trafics d’armes au sein des groupes amés
Le fait que le Gouvernement ait récemment acquis des armes a incité les factions de l’exSéléka à se réarmer. Certains de leurs éléments ont informé le Groupe d’experts que, puisque
le Gouvernement privilégiait l’option militaire (formation, réarmement et attaque) plutôt que
le processus politique, les groupes armés devaient se préparer. Notons que la RCA éprouve
de sérieuses difficultés à affirmer sa souveraineté en zones frontalières. En tant que complexe
géopolitique, elle est en proie à des dynamiques d'insécurité transfrontalière. L'essor
d'activités criminelles profite de la quasi-inexistence de l'Etat en RCA, incapable d'assurer
la sécurité sur toute l'étendue de son territoire. Des pans entiers de ce territoire sont
abandonnés permettant ainsi à ces réseaux de se déployer. Les frontières centrafricaines sont
« des lieux privilégiés pour leurs activités informelles116. Les réseaux criminels fonctionnent
comme des entreprises. De fait, ils cherchent à minimiser les dépenses et à maximiser les
gains. Hans De Marie HEUNGOUP parle à cet effet « d'entrepreneurs d'insécurité117 répartis
en cinq ordres : les gangs, les bandes armées, les milices, les groupes terroristes et les
rébellions qui sévissent au-delà des frontières118. Ils sont dotés de moyens logistiques pour
créer l'insécurité. Ils agissent pour s'enrichir, contrôler un territoire ou pour prendre le
pouvoir au sein d'un Etat.
C’est dans ce contexte que le groupe d'experts de l'ONU a publié un rapport dans lequel il
souligne l'existence d'un important trafic d'armes entre la Centrafrique, la République
Démocratique du Congo et le Congo. Selon le document, les groupes armés centrafricains
profitent de la porosité des frontières du pays pour se procurer des armes. Le rapport cite
plusieurs exemples. En janvier de cette année, l'Unité pour la Centrafrique (UPC) du chef
rebelle Ali Darassa, qui contrôle le sud-est de la RCA, aurait ainsi reçu pas moins de 18.000
cartouches en provenance de Yakoma, une ville de RDC, située de l'autre côté du fleuve
116
117
Roland POURTIER, op. cit., p. 93
Hans De Marie HEUNGOUP, « Entreprenariat d'insécurité, réseaux de contrebande et dynamiques
transfrontalières en Afrique Centrale », Enjeux, numéro 49, juin 2013, pp. 38-40.
118
Cf. Issa SAIBOU, « Les mutations polémologiques du banditisme en Afrique Centrale, Enjeux, numéro 33,
octobre-décembre 2007, pp. 10-15
68
Oubangui. Récemment, en Avril 2020 6.000 cartouches auraient été livrées aux milices antibalaka en provenance de Zongo, localité congolaise située juste en face de Bangui. Plus
grave, selon les experts, la République Centrafricaine est devenue une base de recrutement
de mercenaires centrafricains pour déstabiliser le Congo voisin.
Cette prolifération des armes ne surprend pas la présidente de l'Académie de la Paix et du
Développement Durable de Bangui, Antoinette Montaigne, qui affirme : « Nous avons des
frontières avec le Tchad, le Soudan, le Sud-Soudan, le Cameroun. Quand un pays n'a plus
de frontières comme c'est le cas en République centrafricaine, tout est possible. Je pense
qu'il est temps et la population le réclame à cor et à cri que l'armée centrafricaine soit
réactivée (...) A ce moment-là, on lève cet embargo qui est devenu d'une certaine façon un
permis de massacre, un permis pour occuper toutes les zones les plus riches du pays. On
n‘est pas loin d'un crime génocidaire »
Le renforcement des positions des groupes armés a conduit en effet aux regains des violences
sur le territoire centrafricain.
B- Le Regain des violences sur le territoire centrafricain
A quelques mois d’une élection présidentielle à haut risque, prévue pour décembre
2020, la Centrafrique est toujours en proie aux exactions des milices, malgré la signature
d’un accord de paix entre le pouvoir central et 14 groupes armés le 6 février 2019 à
Khartoum.
En effet, plusieurs affrontements ont eu lieu avant e même après la signature de
l’accord de Khartoum du 6 février 2019. Par exemple entre janvier et juin 2018, la préfecture
de la Ouaka a connu une vague d’instabilité qui s’est progressivement propagée à la
périphérie à Bambari. Les liens étroits qui unissent les populations et les groupes armés
rendent souvent plus complexe la dynamique à l’œuvre dans ce conflit.
Certaines de ses violences ont pris une tournure communautaire et religieuse entre
les citoyens de confessions musulmanes et chrétiennes. En Fin 2015, il y’a une série
d’attaque contre certaines Eglise et mosquées. Il y’a eu les tensions au PK5, déclenchées par
les chefs de groupes armés Abdoulaye Hissène et Mokom pour la défense d’intérêts
politiques et économiques privés. Aussi en 2017, on voyait un conflit entre ethnies
musulmanes, comme avec la planification d’une épuration ethnique des Fulani (Peuls). En
2018, on observe un retour aux divisions religieuses comme en 2014. Il y’a eu également
des actaques meurtrière dans le centre notamment à Alindao avec des massacres sur la
population civile, des maisons incendiées et des corps brulés par les éléments de l’UPC d’Ali
Darrasa vers fin novembre 2018. Le massacre d’Alindao a été condamné par l’ONU et le
Gouvernement centrafricain mais sans qu’il ait une action offensive contre l’UPC. Depuis
l’accord de paix de 2019, et en dépit de certaines avancées du processus politique, la sécurité
69
demeure compromise par des affrontements armés et des violences contre les civils dans
plusieurs régions du pays, ainsi que par des attaques contre les travailleurs humanitaires et
les soldats de la paix. Les discours sectaires et l’exploitation des différences religieuses ont
contribué à intensifier la violence intercommunautaire et à alimenter l’hostilité de la
population, qui est manipulée, à l’égard de la Mission et d’autres acteurs internationaux. Des
groupes armés comme le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) ont
tenté d’exploiter les tensions entre communautés en menaçant de lancer de nouvelles
offensives militaires contre Bangui alors qu’ils s’étaient engagés à dialoguer119.
Toutes ses situations sont des conséquences dues au maintien de l’embargo sur les
armes en RCA, car pour certains hommes politiques et certaines autorités de la société civile,
la MINUSCA n’arrive pas à assumer sa responsabilité de la protection des civiles et sont
parfois à l’origine des massacres. Car certains contingents venant des pays musulmans sont
accusés de collaboration avec les groupes armés de l’ex-séléka.
Section 2 : Les conséquences liées à l’embargo sur les armes
en RCA
Plusieurs conséquences relèvent du maintien de l’embargo sur les armes en RCA. Un
pays sans armés ne peut mener à bon escient sa mission régalienne de la protection de son
territoire. Nous avions d’une part des conséquences sécuritaire et humanitaire (Paragraphe
1) et d’autre part des conséquences sociales, politiques et économiques (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les conséquence sécuritaire et humanitaire
La République centrafricaine (RCA) traverse une crise profonde et complexe aux
conséquences humanitaires considérables. L’insécurité permanente, les contraintes
logistiques et la baisse des financements freinent l’accès humanitaire et expliquent les
difficultés à répondre aux besoins des plus vulnérables. La Centrafrique est l’un des pays les
plus pauvres et instables au monde. Si la crise de 2013 était politico-militaire, elle s’est
119
Cf. le Rapport du Secrétaire général du Conseil de Sécuritaire sur la RCA, S/2018/611.
70
transformée en un conflit intercommunautaire sans précédent120. Ce qui a engendré d’une
part des violations massives des droits de l’homme (A) et les mouvements des déplacés
internes (B).
A- Violations des droits de l’homme découlant de l’insécurité
La plupart des violations des droits de l’homme sont le fait des groupes armés qui
opèrent toujours plus ou moins librement dans certaines régions du pays et des carences de
l’Etat qui est encore incapable d’assurer son autorité sur l’ensemble du territoire, de prévenir
les violations et d’assurer le respect du droit et le fonctionnement de la justice.
Le respect des droits de la minorité musulmane et l’ancrage d’une culture du vivreensemble, conçus à long terme par l’ensemble du peuple centrafricain, doivent être renforcés
et nourris par le respect des droits de l’homme et des principes et des règles de la démocratie.
Des violations massives des droits humains et du droit humanitaire international sont
observées parmi lesquelles on retrouve les attaques contre les civils, les meurtres, les
pillages, les violences sexuelles, le recrutement d’enfants soldats, l’occupation d’écoles ou
l’intrusion de groupes armés dans des hôpitaux.
Le rapport du HCDH et de la MINUSCA de 2018 recense les graves violations du
droit international relatif aux droits de l'homme et au droit international humanitaire
commises par des forces gouvernementales successives et divers groupes armés locaux et
étrangers, ainsi que par des forces de défense internationales et étrangères. Mandatée par le
Conseil de sécurité des Nations Unies, l'étude décrit en détail 620 incidents, dont des récits
effroyables avec des villages entiers brûlés dans le cadre de campagnes de représailles ; des
récits de viols collectifs de femmes et de filles parfois âgées d'à peine cinq ans ; des
exécutions extrajudiciaires ; des décès suite à des cas de torture ou de mauvais traitements
dans des centres de détention ; des violences graves contre les personnes en raison de leur
religion, leur appartenance ethnique ou leur supposée affiliation à des groupes armés ; le
recrutement de milliers d'enfants par des groupes armés ; et des attaques contre des acteurs
humanitaires et des Casques bleus.
120
Cf. IASC, Aperçu des Besoins Humanitaires en RCA, octobre 2016
71
Toutes ses situations a conduit à une vague des mouvements des déplacés à l’intérieur
du pays pour fuir les exactions et se tenir à l’abri des combattants.
B- Les mouvements des déplacés internes extensifs
Depuis le début de la crise en décembre 2013, des centaines de milliers de personnes
ont été forcées de fuir leurs foyers quand les violences ont éclaté en République
centrafricaine (RCA), des militants tuant brutalement des civils, pillant des maisons et
incendiant des villages. Selon le rapport de l’UNCHR, environ 900 000 personnes ont été
déplacées par les violences depuis le début de la crise en Centrafrique en décembre 2013.
Elles ont cherché refuge au Cameroun, au Tchad, au Congo et en République démocratique
du Congo. Aujourd’hui encore, quelque 460 000 personnes sont réfugiées dans les pays
voisins de la Centrafrique (dont environ 220 000 depuis décembre 2013) et environ 436 000
sont des déplacés internes. Les organisations humanitaires estiment que plus de la moitié de
la population, soit 2,7 millions de personnes, a besoin d’aide humanitaire d’urgence121. Plus
de 623 400 réfugiés centrafricains sont toujours à l’abri au Cameroun, au Tchad, en
République Démocratique du Congo et au Congo et malgré des élections pacifiques en
février 2016, 684 004 personnes sont toujours déplacées à l’intérieur du pays.
En Centrafrique, le nombre de personnes déplacées internes a augmenté de plus de
70% en 2017. En avril 2018, il était de 669.997122. Tous les déplacés sont des personnes
ayant dû fuir leur domicile sans pour autant chercher refuge dans un pays voisin. En plus de
ces déplacés, 570.000 autres personnes se sont réfugiées dans les pays alentours. Le
phénomène des déplacés internes est devenu presque quotidien en RCA, car chaque jour du
moins, il y’a affrontement entre les groupes armés qui occasionne sans cesse la vague des
déplacés. Des milliers de personnes errent souvent à pied et se cachent dans les forêts
pendant des semaines, cherchant désespérément à fuir, parfois sans manger ni boire. Ceux
qui arrivent dans les sites pour réfugiés sont souvent traumatisés par les violences dont ils
ont été témoins et les taux de malnutrition ont atteint des niveaux très élevés.
121
www.unocha.org/car.
122
www.dw.com/fr/lonu-alerte-sur-la-situation-humanitaire-en-centrafrique/
72
Paragraphe 2 : Les conséquences sociales, politiques et économiques
Les conséquences sociales, politiques et économiques se mesurent d’une part par des
incitations à la discrimination (A), par l’établissement des structure administratives et
fiscales par les groupes armés (B) et enfin par la prolifération des entreprises minières (C).
A- Incitation à la discrimination et à la violence
Les troubles à Bangui ont relancé et exacerbé les discours d’incitation à la
discrimination et à la violence à motivation ethnique ou religieuse. En avril et mai 2018, les
journaux et les réseaux sociaux ont été inondés de discours hostiles envers le PK5 et sa
population ; l’objectif était double : tenir des propos discriminatoires visant à associer tous
les musulmans centrafricains aux mercenaires étrangers venus déstabiliser le pays, et inciter
directement à la commission d’actes de violence contre eux (voir annexe 5.2). Entre le 1er
avril et le 31 mai 2018, la MINUSCA a recensé 39 articles incitant à la discrimination, à
l’hostilité et à la violence publiés dans 11 journaux nationaux.
Par ailleurs, Le nom de l’opération militaire menée dans le PK5 a involontairement
contribué au discours des extrémistes car, en sango, le mot sukula signifie « nettoyage ».
Des médias ont incité à affamer, « nettoyer » ou détruire le PK5 à la suite de l’opération
Sukula », mais leurs appels ont redoublé d’intensité après les événements survenus à l’église
de Notre-Dame de Fatima ; les groupes d’autodéfense, et parfois la communauté musulmane
dans son ensemble, ont alors été couramment qualifiés de terroristes.
Des personnalités politiques ont aussi adopté des discours haineux. Ainsi, plusieurs
membres de l’Assemblée nationale ont fait des déclarations troublantes pendant la séance de
questions au Premier Ministre organisée le 1er mai, juste après les événements de l’église de
Notre-Dame de Fatima en 2017. Sylvain Ngoni, député de Bimbo, a notamment déclaré : «
Aujourd’hui, le PK5 est devenu le Tchad, et Je me demande si, avec vous, il ne faudrait pas
brûler le PK5 un jour ». La séance, en sango, a été diffusée en direct par Radio Centrafrique.
73
B- Établissement de structures administratives et fiscales parallèles par les
groupes armés
Pour les factions de l’ex-Séléka, et le FPRC en particulier, la collecte de taxes
constitue l’un des principaux objectifs de la création de structures administratives parallèles.
Selon leurs leaders ses structures ont un double objectif :
1- Remédier à l’absence de l’État dans les zones qu’elles contrôlaient ;
2- Générer des revenus afin de continuer à fournir des services publics à la population,
notamment en mettant en place des forces de sécurité.
A titre d’exemple, les dirigeants du FPRC ont indiqué au Groupe d’experts que le
passage en mai 2018 du convoi de matériel destiné à la construction d’hôpitaux à Bria et à
Ouadda dans le cadre de la coopération entre les gouvernements centrafricain et russe (voir
par. 13 plus haut) ainsi que la fourniture de services de sécurité à ce convoi par leurs
combattants, n’avaient été acceptés qu’en échange d’une contrepartie financière. Les
représentants de la Fédération de Russie ont démenti ces allégations et souligné que le FPRC
n’avait laissé passer ce convoi que pour permettre à la population des secteurs sous son
contrôle de bénéficier de nouveaux hôpitaux123.
Il y’a également une prolifération des entreprises minières qui alimente les conflits
entre les groupes armés.
C-
La Prolifération des entreprises minières et ses conséquences pour la
sécurité
L’exploitation illégale des ressources minérales demeure une importante source de
revenus pour les groupes armés présents dans l’est de la République centrafricaine, y
compris les factions de l’ex-Séléka et désormais, dans certains cas, les groupes antibalaka et
d’autodéfense. Les groupes armés continuent de tirer l’essentiel de leurs revenus de la
taxation illégale et du rançonnement des artisans miniers et des collecteurs, ainsi que de la
fourniture de services de sécurité.
Les principales zones d’extraction de diamants restent les préfectures de la HauteKotto, principalement les alentours de Bria, de Sam-Ouandja et de Yalinga et, dans une
moindre mesure, les préfectures de la Ouaka et du Mbomou. Bien que de taille modeste, des
123
Cf. le rapport des experts sur la situation en RCA 2018.
74
sites diamantifères sont également exploités dans la préfecture du Bamingui-Bangoran. L’or
provient essentiellement de la préfecture de la Ouaka. Les minerais en provenance de ces
zones continuent de passer en contrebande par la République démocratique du Congo, le
Soudan et le Tchad. Ils sont transportés par la route, mais également par voie aérienne,
comme l’ont montré deux saisies récentes. En guise d’exemple, le 30 juin 2017, l’Unité
spéciale antifraude (USAF) a confisqué 234,4 carats de diamants non déclarés à Patrick
Kozungu-Yakangi lors de son arrivée à l’aéroport international M’Poko de Bangui, à bord
d’un avion de la compagnie Minair en provenance de Bria.
Notons que le transport vers Bangui de diamants non déclarés en provenance de
zones minières comme Bria s’effectue le plus souvent à bord de petits aéronefs. Les
directeurs de plusieurs compagnies aériennes ont indiqué au Groupe d’experts que la
responsabilité juridique de vérifier si des passagers avaient en leur possession des minerais
non déclarés incombait aux seules autorités aéroportuaires. Dans des zones comme Bria et
ses alentours, où il n’existe actuellement aucune autorité aéroportuaire officielle et où la
MINUSCA n’exerce qu’un contrôle limité sur l’aéroport, les passagers ne subissent pas de
réelle fouille. Tous les avions à destination de Bangui sont donc susceptibles de servir au
transport de minerais vers la capitale146. Les artisans miniers et les collecteurs peuvent
acheter un billet d’avion à Bria, et il arrive même qu’ils reçoivent l’aide d’éléments de
groupes armés, lesquels menacent le personnel de bord pour qu’ils laissent ces personnes
monter dans l’avion124.
En définitive, la situation sécuritaire de la RCA mérite une attention particulière dans
la prise de la décision de la sanction d’embargo sur les armes. Car la sanction touche à un
office régalien de l’Etat à savoir la protection de la population. Ce qui nous conduit à étudier
les défis à relever dans la mise en œuvre de la sanction d’embargo sur les armes en
Centrafrique.
124
Cf. le Rapport des groupes des experts sur la situation en RCA, S/2017/1023
75
CHAPITRE II : LES DEFIS A RELEVER DANS LA MISE EN
ŒUVRE DE LA SANCTION D’EMBARGO POUR UNE MEILLEURE
APPLICATION DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
Les sanctions d’embargos sur les armes à l’encontre de la République centrafricaine
portent des effets aussi bien avantageux que néfaste. Certes elles sont prises dans le but de
réduire et de mettre un terme à la menace contre la paix et la sécurité internationale en
Centrafrique, toutefois le renouvellement sans cesse constitue une entrave à certaines actions
de l’Etat et plus particulièrement la responsabilité de l’Etat centrafricain d’assumer la
protection de la population civile. Car l’armée centrafricaine et tout le système sécuritaire
centrafricain est inactif et l’on voit une montée en puissance des groupes armés qui défient
aussi bien le Gouvernement centrafricain et également les forces onusiennes. Cette situation
est fortement critiquée par le gouvernement centrafricain et certains observateurs qui
demandent sans la levée de l’embargos sur les armes. A cet effet, il s’avère nécessaire
d’étudier la proportionnalité de la mesure de la sanction (Section 1) et d’autre part étudier la
prévention des effets secondaires de la sanction d’embargo sur les armes (section2) afin
d’éviter les entraves dues à la sanction d’embargos sur les armes à la responsabilité de
protéger en RCA.
Section 1 : La proportionnalité de la mesure de sanction
Avant d’étudier les modalités d’exécution de la sanction (paragraphe 2) qui
constituent des gardes fours à la bonne exécution de la sanction en évitant de porter atteinte
la responsabilité de protéger, il importe de voir avant tout le processus de déclenchement de
la sanction d’embargos sur les armes (Paragraphe 1)
Paragraphe 1 : Le processus de déclenchement de la sanction
d’embargos sur les armes
Les sanctions du chapitre VII de la Charte sont déclenchées par la constatation de
l’une des trois situations prévues à l’article 39 (A), cela permet d’expliquer le choix de la
sanction d’embargos sur les armes en RCA (B)
76
A- L’existence des situations prévues à l’article 39 de la Charte de l’ONU
L’article 39 de la Charte stipule : « Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une
menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des
recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et
42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ». En effet cet article ne
définit pas de façon plus précise et explicite les situations prévues. Comme le dit Djacoba
Liva T. : « On se trouve ainsi dans un système de sanction où non seulement les obligations
à la base de la réaction des Nations Unies ne sont pas explicitement posées comme telles
mais encore l’organe collectif qui va constater la violation de ces obligations ne doit obéir à
un critère juridique prédéfini pour opérer sa qualification 125». Cependant, l’Assemblé
Générale dans sa résolution 3314 du 14 décembre 1974 donne une définition de l’agression
dans l’article premier de ladite résolution en ses termes : « l’agression est l’emploi de la
force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance
politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations
Unies... ». En effet, cette définition ne tient lieu que pour des situations de conflits entre
Etats, ce qui rend plus difficile le cas des conflits armés non-international (CANI).
Cependant, le Conseil de Sécurité n’est pas lié par la définition donnée par cette résolution126,
en ce sens que celui-ci, compte tenu des circonstances du cas concret auquel il fait face, peut
décider de ne pas intervenir même face à des comportements considérés comme agression
par la résolution. Et aux termes de l’article 4, le Conseil peut considérer comme une
agression des actes que la résolution 3314 ne considère pas comme telle puisque
l’énumération des actes à l’article 3 n’est pas limitative. Il s’agit, comme le préambule de la
résolution l’indique, de principes généraux qui serviront de guide pour déterminer
l’agression. C’est dans cette optique que l’article 39 mentionne d’autres cas tel la rupture de
la paix. D’après DJACOBA, elle désigne une situation de conflit déjà éclaté mais dans
laquelle on n’a pas identifié le responsable ou déterminé l’agresseur127. Entre l’agression et
125
Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris
2005, P.101
126
Cf. l’article 2 de l’annexe de la Résolution 3314 du 14 décembre 1974
127
Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris
2005, P.120
77
la rupture de la paix, il n’y a donc pas de différence de nature mais une question
d’opportunité politique, c’est-à-dire un choix entre désigner ou non l’une des parties comme
étant l’agresseur128. En ce sens, l’agression n’est qu’une forme spéciale d’une rupture de la
paix129 disait D. WHITE. La préférence au recours à la qualification de rupture de la paix
résiderait alors dans le fait que celle-ci est « neutre et n’indique nullement à laquelle des
deux parties sont imputables les actes qui y ont conduit130 ».
Pour ce qui est de la menace contre la paix, elle est une anticipation de la conséquence
d’un comportement ou d’une situation sur l’état de paix internationale131. Pour B.
CONFORNETI : « Il s’agit d’une hypothèse vague et élastique qui, contrairement à
l’agression et à la rupture de la paix, n’est pas nécessairement caractérisée par des
opérations militaires ou en tout cas impliquant l’utilisation de la force, et qui par conséquent
peut correspondre aux comportements les plus variés des Etats 132».
Cependant, la situation en RCA se situe sur les deux derniers cas précis à l’article 39
de la Charte. Cette situation de menace de paix et rupture de la paix a conduit en effet à la
prise de la sanction d’embargos sur les armes laquelle mérite d’être élucidée.
128
129
Cf. N. D. White, The United Nations and the Maintenance of International Peace and Security, Manchester
University Press, 1990, p. 47.
130
J. Combacau, Le pouvoir de sanction, p. 96.
131
Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris
2005, P.145
132
B. Conforti, « Le pouvoir discrétionnaire du Conseil de sécurité en matière de constatation d’une menace
contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression », in R.-J. Dupuy (ed.), Le développement du
rôle du Conseil de sécurité. Peace-keeping and Peace-building, Colloque de l’Académie de droit international
de la Haye, Martinus Nijhoff, 1993, p. 53
78
B- Le choix de la sanction d’embargos sur les armes du fait de la situation
sécuritaire
La situation sécuritaire en RCA constitue à la fois un acte de menace contre la paix
et de rupture de la paix et a conduit le Conseil de sécurité à prendre un certain nombre de
sanctions parmi lesquelles l’embargo sur les armes.
En effet, l’embargos sur les armes pris par les différentes résolutions du Conseil sont
justifiées en fonction de l’évolution sécuritaire en République centrafricaine, notamment du
rapport des experts sur la situation en République centrafricaine. Il est certes évident que la
situation sécuritaire demeure très tendue, mais certains efforts ont été mené en vue du retour
de l’autorité de l’Etat sur l’étendue du territoire mais qui se heurte à la prise de position des
groupes armés qui eux sont mieux armés que les forces de défenses. Car l’on constate que
la sanction d’embargos sur les armes ne touche que le Gouvernement centrafricain au profit
des groupes armés qui, s’alimentent en armes sans être inquiétés et qui continuent de
commettre des exactions sur la population civile. Certains groupes armés ont même informé
le groupe d’expert sur certaines pratiques relevant de certaines ONG. En exemple, le 29
janvier 2018, des membres de l’UPC ont informé le Groupe d’experts qu’ils avaient arrêté
et fouillé des véhicules d’Ecolog International escortés par la MINUSCA devant le camp de
la Mission à Ippy et qu’ils y avaient trouvé 1 727 cartouches de chasse de la Manufacture
d’armes et de cartouches du Congo (MACC), 602 paquets de Tramadol et 1,5 kg de
marijuana. Six chauffeurs et chauffeurs assistants avaient été arrêtés, dont quatre avaient été
condamnés pour possession illicite de munitions et de marchandises prohibées ou pour
complicité.
Cette situation soulève en effet, un certain nombre de questionnement sur l’application de
l’embargo sur les armes vers la RCA et plus particulièrement sur les modalités d’exécution
desdites sanctions.
Paragraphe 2 : Les modalités d’exécution de la sanction
Les sanctions d’embargo sur les armes en RCA présentent une difficulté dans sa mise
en œuvre. Car on assiste d’une part à une circulation massive des armes entre les groupes
armés et d’autre part à une application juste à l’égard de l’Etat centrafricain qui se trouve
limiter dans l’exercice de ses pouvoirs régaliens, notamment la protection du territoire et de
la population. A cet effet, il s’avère nécessaire de porter un regard sur la trajectoire des flux
79
d’armes vers les groupes armés. Il s’agit ici de voir les obligations faites aux Etats membre
de l’ONU d’appliquer la décision de la sanction (A), car les armes parviennent aux groupes
armés en passant par le territoire des certains Etats voisins de la RCA. Notons aussi qu’il
existe des entités subsidiaires qui alimentent les groupes armés ; d’où nécessité d’obliger les
Etats de faire respecter la sanction par ses entités (B)
A- Obligation des Etats membre d’appliquer la décision de la sanction
d’embargo sur les armes
Tous les embargos des Nations Unies devraient être contraignants pour les Etats
Membre. La notion qu’un embargo puisse être facultatif revient à autoriser les entités sous
embargo à ignorer la volonté des Nations Unies. En effet, en vertu de l’Article 41 de la charte
des Nations Unies, les états sont légalement tenus de respecter les embargos imposés par le
Conseil de Sécurité et ont l’obligation de mettre en place des dispositions assurant le respect
des embargos par les personnes relevant de leur compétence.
Les mesures décidées par le Conseil de sécurité sont à exécuter par les Etats. Une
fois la résolution contenant les sanctions adoptées, le Secrétaire général de l’ONU la
transmet dans une note à tous les Etats membres, et aux Etats non-membres que les Nations
Unies veulent associer à l’application des sanctions. D’une manière générale, le Secrétaire
général appelle dans cette note l’attention des Etats sur le caractère obligatoire de la décision
prise par le Conseil de sécurité et leur demande de lui envoyer un rapport concernant toutes
les mesures internes prises en application de cette décision. Ces rapports nationaux seront
ensuite transmis par le Secrétaire général au Conseil de sécurité, qui les donnera à son tour
au Comité qu’il a créé pour surveiller l’application des sanctions.
Dans le cadre de la RCA, le Secrétaire général avait attiré tout particulièrement
l’attention des Etats sur le fait que le Conseil de sécurité agissait en vertu des articles 39 et
41 et a demandé aux Etas membres de faire appliquer les sanctions telles que mentionnées
dans le paragraphe 54 de la Résolution 2127 du 5 décembre 2013133. Cette pratique est
133
Cf. Paragraphe 54 de la Résolution 2127 du 5 décembre 2013 « ….Décide que, pour une période initiale
d’un an à compter de la date d’adoption de la présente résolution, tous les États Membres devront prendre
immédiatement les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou
80
toujours renouvelée dans toutes les résolutions concernant la RCA. Notons que l’obligation
des Etats membre de faire appliquer les décisions du Conseil est prévue aux articles 25 et
48, par. 1, de la Charte. Aux termes de l’article 25, « les Membres de l’Organisation
conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité ». C’est un
engagement des Etats, souscrit en adhérant à la Charte des Nations Unies, d’exécuter les
décisions à prendre par le Conseil dans l’accomplissement de ses fonctions.
Par ailleurs, il est encore plus difficile de vérifier si les états respectent les embargos,
en particulier les fournisseurs traditionnels et les Etats limitrophes, quand ils leur manquent
le cadre juridique ou les règlements et procédures administratives pour exercer efficacement
le contrôle de l’armement, de l’exportation et de l’importation des armes qui empêcheraient
leur trafic illicite. C’est un point particulièrement important quand on sait que les Comités
des Sanctions ne possèdent pas de dispositif de contrôle opérationnel. Ils doivent compter
sur les efforts des Etats Membre, qu’ils agissent indépendamment ou de manière concertée.
Ce type de coopération peut prendre diverses formes : unilatérale, multilatérale ou elle peut
se faire au travers des organisations régionales – et elle dépend du bon vouloir et de
l’engagement politique des Etats Membre à respecter les normes internationales. Le portée
et l’efficacité des législations et règlements nationaux constitue un gage de leur engagement,
et leur champ d’application devrait englober tous les types d’armes, surtout les armes légères
qui circulent souvent dans la société civile et qu’il est facile de cacher, et le contrôle de tous
les acteurs impliqués dans la production, l’assemblage, le stockage, les transferts, le
courtage, le financement et l’emploi des armes. C’est malheureusement loin d’être le cas,
même dans les Etats qui en auraient les moyens.
Cependant, en dépit de cette obligation faite aux Etats, on constate souvent une
violation de l’article 25. Dans le cas de la RCA, les flux d’armes légères et la circulation de
certaines armes de guerre se font sans cesse. Ses armes passent souvent entre la frontière de
indirects à la République centrafricaine, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs
ressortissants, ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, d’armements et de matériels
connexes de tous types, y compris les armes et les munitions, les véhicules et les matériels militaires, les
équipements paramilitaires et les pièces détachées correspondantes, ainsi que toute assistance technique ou
formation, et toute aide financière ou autre en rapport avec les arts militaires ou la fourniture, l’entretien ou
l’utilisation de tous armements et matériels connexes, y compris la mise à disposition de mercenaires armés
venant ou non de leur territoire… »
81
la RCA et la RDC et celle du Soudan du Sud. Le rapport des experts sur la situation en RCA
en a fait mention. Cette situation ne favorise pas en effet un apport positif de la sanction
d’embargo sur les armes en RCA et laisse douter sur l’efficacité de l’embargo comme
solution à la crise sécuritaire en Centrafrique. Car le gouvernement est privé d’achat d’armes
tan disque les groupes armés sont ravitaillés.
En dehors de l’obligation de faire respecter la décision des sanctions du Conseil par
les Etats membres, il y’a également une faille du côté des entités inter-étatiques qui mérite
notre attention.
B- Obligation par les Etats de faire respecter la sanction par les entités
subsidiaires
Nous parlerons ici des organisations internationales et des ONG. Car en RCA, on
assiste en effet à une violation des décisions par certaines ONG de la place134. Comme le dit
DJACOBA dans sa thèse, l’obligation par les Etats de faire respecter les décisions du Conseil
se présente sous deux aspects. D’une part, les Etats doivent user de toute leur influence pour
que les décisions du Conseil de sécurité soient appliquées par les organismes internationaux
auxquels ils font partie. C’est ce qui ressort de l’article 48, par. 2, de la Charte qui précise
que « les décisions du Conseil de sécurité sont exécutées par les Membres des Nations
Unies... grâce à leur action dans les organismes internationaux appropriés dont ils font partie
». Il a été précisé que les termes « organismes internationaux appropriés » visent aussi bien
les institutions spécialisées du système des Nations Unies que les autres organismes
internationaux n’ayant pas de personnalité internationale tels que les entreprises
multinationales et les Unions administratives lorsque des Etats signataires de la Charte en
constituent les seuls membres135.
Par ailleurs, notons que le respect de la décision de la sanction d’embargo demeure
ambigu, car en dehors des Etats, certaines organisations fournissent sans cesse des armes
aux groupes armés qui continuent de commettre des violation graves des droits humains et
134
Cf. le rapport du groupe des experts sur la RCA de 2018, Paragraphe 106
135
Bryde & Reinisch, “Commentary of Art. 48”, in B. Simma, ed. The Charter, p. 778
82
répandent leur domination sur l’étendue du territoire. Le rapport des experts l’a souligné. Ce
qui a conduit le Conseil à reconduire la sanction afin de pallier ses mauvaises habitudes en
vue d’un retour au calme et surtout le redéploiement de l’autorité de l’Etat centrafricain sur
toute l’étendue du territoire.
Cette situation nous amène à voir les préventions des effets de la sanction d’embargos
sur les armes.
Section 2 : La prévention des effets secondaire de la sanction
d’embargo sur les armes
Avant de se plonger sur les effets que provoque la sanction d’embargos sur les armes
en RCA (Paragraphe 2), nous verrons avant tout les moyens prévus à l’obstruction de ses
effets (paragraphe 1)
Paragraphe 1 : Les moyens prévus à l’obstruction des effets secondaires
des sanctions d’embargo sur les armes
Il s’agit en effet de voir d’une part les moyens juridiques (A) et d’autre part les
moyens institutionnelles prévues à cette fin (B).
A- Les moyens juridiques
Comme bases juridiques, il est interdit de prendre des mesures de sanctions
économiques unilatérales. L’Assemblée invoque en premier lieu plusieurs principes
fondamentaux du droit international. Il s’agit d’abord du principe selon lequel aucun Etat ne
peut recourir ni encourager le recours unilatéral à des mesures économiques, politiques ou
autres pour contraindre un autre Etat à lui subordonner l’exercice de ses droits souverains.
Ce principe est contenu dans la Déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats 136, et confirmé dans la
136
Cf. Assemblée Générale, la Résolution A/RES/2625 (XXV), 24 oct. 1970. Il s’agit du par. 2 du principe n°
3 relatifs à la non-intervention
83
résolution sur l’établissement d’un nouvel ordre économique international137 et dans la
Charte des droits et devoirs économiques des Etats138. D’une manière générale, l’Assemblée
précise que les mesures coercitives font obstacle aux relations commerciales entre Etats et
entravent la pleine réalisation de tous les droits de l’homme139. On constate à travers ces
résolutions successives de l’Assemblée générale qu’il y a une volonté de la majorité des
Etats à restreindre le pouvoir des Etats de prendre des mesures coercitives unilatérales. On
peut même dire qu’il y a une opinio juris en la matière. C’est ce qu’on peut relever de la
dernière résolution de l’Assemblée sur l’élimination de telles mesures quand elle note que «
la communauté internationale est opposée aux mesures économiques coercitives unilatérales
et extraterritoriales »140, constat fondé sur des déclarations des chefs d’Etats et de
gouvernement, constamment rappelées dans ses résolutions.
En effet, dans le cas de la Centrafrique les sanctions émises au lendemain de la prise
du pouvoir par la rébellion séléka et plus particulièrement celle de l’embargo sur les armes
a engendré certaines réticences vis-à-vis du pays. Certains Etats ont retiré leurs entreprises
par crainte des groupes armés et d’autres ont même interdit de commercer avec l’Etat
centrafricain en attendant le retour à l’ordre constitutionnel qui a eu lieu en Mars 2016.
L’Assemblée invoque ensuite le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes,
en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et s’emploient librement à
réaliser leur développement économique, social et culturel141. L’Assemblée se dit encore
guidée par les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, en particulier ceux qui
appellent à établir des relations amicales entre les nations et à renforcer la coopération visant
à résoudre les problèmes d’ordre économique et social.
137
Cf. Assemblée Générale, la résolution A/RES/3201 (S-VI), 1er mai 1974, par. 4 al. e)
138
Cf. assemblée Générale, la résolution A/RES/3281 (XXIX), 12 déc. 1974, art. 32.
139
Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris
2005, P. 784
140
Cf. Assemblée Générale, la résolution A/RES/55/6, al. 2 du préambule
141
Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires, PUF, Paris
2005, P784
84
Par ailleurs, les droits de l’homme constituent une autre base juridique des
recommandations de l’Assemblée générale sur l’élimination des mesures coercitives
unilatérales. Elle note d’abord que ces droits ont un « caractère universel, indissociable,
interdépendant et corrélatif »142, et fait référence à tous les droits fondamentaux de la
personne humaine, et en particulier au droit au développement dont l’exercice effectif
conditionne la jouissance des autres droits de l’homme.
La sanction d’embargos sur les armes comporte des effets néfastes sur l’existence de l’Etat
et conduit parfois à la fragilité de celui-ci. En RCA, la sanction d’embargo sur les armes
pose un réel problème. Certaines puissances exploitent en effet la situation pour s’enrichir.
Cette situation suscite des réactions de part et d’autre des Etats membres et ainsi qu’au sein
de certaines organisations internationales et ONG qui demandent parfois la levée des
sanctions et en particulier la sanction d’embargo.
B- Les moyens institutionnels
Si le Conseil de sécurité ne respecte pas les règles de prévention des effets
secondaires, les Etats peuvent y réagir en faisant constater ce non-respect par la Cour
internationale de Justice. Il est cependant difficile à la Cour de s’y prendre car il n’existe pas
un mécanisme approprié permettant à la Cour de se référer. Ce qui soulève notamment la
question de l’autorité de la Cour et du résultat attendu. Comme le souligne Djacoba, les Etats
ont deux possibilités à cet effet. Tout d’abord, par voie contentieuse, à l’occasion d’un
différend interétatique qui soulève une question de légalité des actes du Conseil ou par voie
consultative, à travers les actions des Etats au sein des organes et institutions habilités à
demander un avis consultatif.
En effet, l’obtention par voie contentieuse d’une décision d’illicéité des actes du
Conseil de sécurité est limitée, en premier lieu, par le fait que la Cour n’est ouverte qu’aux
Etats, et aux seuls Etats qui ont accepté sa juridiction. Ainsi, la règle posée à l’article 34 du
Statut de la Cour réduit fortement les entités habilitées à prendre l’initiative de l’action de
constatation, puisque sont ainsi exclus de cette faculté les individus, les organisations non
142
Ibn.
85
gouvernementales (ONG) et même les organisations internationales. Or, on a vu que ce sont
les individus qui demeurent les vraies victimes des effets secondaires des sanctions des
Nations Unies et qui seraient, par conséquent, les plus intéressés à faire constater l’illicéité
des décisions qui sont à l’origine de ces effets, avec le but ultime d’amener le Conseil à
modifier ou à retirer ces décisions. Il en va de même des ONG et des organisations
internationales qui rencontrent ces problèmes d’effets secondaires des sanctions dans leurs
activités quotidiennes. Elles essaient déjà d’y apporter des solutions en aval, et si elles en
avaient l’opportunité, elles ne se priveraient pas de soutenir une solution qui intervient à la
racine du mal, telle que la saisine de la CIJ pour faire apprécier la licéité d’une mesure de
sanction. Comme l’a si bien mentionné Djacoba, T. : « la Cour ne peut trancher un
désaccord né de l’application des sanctions que lorsque ce désaccord porte sur un point de
droit ou susceptible d’être réglé sur la base du droit, autrement dit lorsqu’il y a un
différend1165. Il a été ainsi dit que « [l]a fonction de la Cour est de dire le droit, mais elle
ne peut rendre des arrêts qu’à l’occasion de cas concrets dans lesquels il existe, au moment
du jugement, un litige réel impliquant un conflit d’intérêts juridiques entre les parties 143»
La deuxième possibilité se rapproche davantage du problème des effets secondaires des
sanctions, notamment ceux sur la population civile de l’Etat-cible. Il s’agit du cas où cet Etat
intente une action devant la Cour contre un autre Etat appliquant les sanctions. Il s’agit d’une
hypothèse où l’on peut effectivement soumettre à l’appréciation de la Cour une décision du
Conseil de sécurité produisant des effets secondaires écrit Djacoba.
Toutes ses mesures nous conduisent en effet, à voir les effets secondaires de la
sanction d’embargo sur les armes en RCA.
Paragraphe 2 : les effets secondaires de la sanction d’embargos sur les
armes en RCA
La mise en œuvre des sanctions du chapitre VII de la Charte a souvent des incidences
sur les Etats cibles. Dans le cadre de la RCA, nous verrons d’une part les effets sur la
situation sécuritaire même de l’Etat (A) et d’autre part sur la responsabilité de protéger (B)
143
Ibn, P. 888
86
A- Les effets secondaires de l’embargo sur les armes sur la sécurité en RCA
Le coup d'État de 2013 a entraîné l'effondrement institutionnel des FACA ; leurs
forces ont été submergées et forcées de fuir vers les pays voisins. Seulement 10% des
membres des FACA seraient revenus après le coup d'Etat, et beaucoup ont rejoint l'AntiBalaka, laissant le pays sans force de défense opérationnelle.
Cependant, si la paix, la réconciliation et la sécurité ont été perçues comme la priorité
absolue par 77 % des ménages interrogés lors de l'évaluation sur le relèvement et la
consolidation de la paix réalisée en 2016, l'amélioration de la sécurité par la réforme des
forces de sécurité, et en particulier des FACA, a été considérée comme un aspect essentiel
pour atteindre cet objectif144. Selon un Rapport du Secrétaire général, au 1er juin 2019, les
forces armées centrafricaines (FACA) étaient composées d'environ 7 000 soldats, dont 1 438
étaient déployés en dehors de Bangui. Il y’a environ 1070 d'entre eux qui ont été formés par
la Mission de formation de l'Union européenne (EUTM-RCA) et par des experts militaires
russes, avant d'être déployés aux côtés de la MINUSCA. Ces chiffres montrent également
des progrès limités en ce qui concerne le redéploiement des FACA sur l'ensemble du
territoire national. Car la RCA est sous sanction d’embargo et l’Etat ne peut se permettre de
déployer ses hommes sans matériels.
Par ailleurs, la république centrafricaine connait une reconduite sans cesse de la
sanction d’embargo sur les armes depuis 2013. Bien qu’il ait un léger soulagement par biais
de certaines puissances telles que la Russie et la France, on constate que la situation demeure
déplorable malgré la mesure d’embargo sur les armes. La présence de la Mission
Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en RCA (MINUSCA)
avec un effectif de 12 000 hommes, a certes joué un rôle dans la stabilisation du pays à
travers l’organisation réussie des élections, la défense des institutions démocratiques et la
protection des civils. Le retour à l’ordre constitutionnel marqué en mars 2016 par l’élection
d’un Président de la République au suffrage universel et la mise en place des Institutions
Républicaines, a permis d’élaborer des programmes politiques et socioéconomiques en vue
de la pacification, la stabilisation et le relèvement du pays. Mais toutefois, la sanction
144
Cf. Rapport du PNUD, Fiche pays/ Centrafrique 2019
87
d’embargos apparaît souvent comme un couteau à double tranchant. Car elle empêche d’une
part l’Etat centrafricain de se déployer sur l’étendue du territoire afin de sécuriser les zones
sous contrôle des groupes armés. Cette sanction fragilise la sécurité qui se construit. Les
services régaliens de l’Etat tels que la police, la justice avec les tribunaux ne peuvent siéger
dans les zones sous contrôle des groupes armés et l’impunité devient le mot d’ordre des
groupes armés qui violent les droits humains et surtout commettent des crimes de guerre, et
des crimes contre l’humanité.
Par ailleurs notons que cette sanction ayant empêché le déploiement des forces de
sécurité et de défenses dans les provinces a conduit à un mouvement des déplacés internes.
Les populations des villes et villages sous contrôle des groupes armés sont souvent obligés
de fuir leurs résidences afin de se mettre à l’abri de persécutions. Il y’ a également
l’enrôlement des enfants mineurs au sein des groupes armés. On assiste en effet au
phénomène des enfants soldats par manque de suivi dû à défaut de services étatiques et même
des ONG pouvant intervenir pour pallier ce phénomène.
La sanction d’embargo empêche également l’Etat centrafricain de construire une
sphère de stabilité économique. Les groupes armés monopolisent et dirigent l’exploitation
des matières première à défaut des services étatiques approprié et privent ainsi l’Etat
centrafricain de recouvrir ses recettes, lesquels sont indispensables au développement du
pays.
B- Les effets de la sanction d’embargos sur la responsabilité de protéger
Aujourd’hui, l’embargo sur la RCA se présente comme un fardeau pour le peuple
centrafricain et tous ses dirigeants, qui, voient cela une forme de punition et de domination
des puissances étrangères. Malgré les efforts continus des autorités nationales et des
partenaires internationaux, la situation sécuritaire en RCA reste instable. Si l'intensité du
conflit a globalement diminué, des pics de violence sont encore observés, résultant en des
affrontements entre groupes armés, des attaques contre les civils et des tensions entre
communautés. En conséquence, en juin 2019, environ 605 000 civils avaient fui vers les
88
pays voisins et plus de 610 000 se sont déplacés145. Le coup d’Etat de 2013 a entraîné
l'effondrement de l'ordre public, laissant le secteur de la justice dans une situation très
difficile, aggravée par le pillage, l'incendie de documents, l'occupation et la destruction de
locaux par les groupes armés. Les capacités des institutions judiciaires restent limitées à ce
jour, seules 18 des 27 juridictions de première instance et d'appel sont fonctionnelles entre
janvier et juin 2019146. Il y a moins de 182 juges dans le pays (1 juge pour 26 000 personnes),
un ratio trop faible pour répondre aux besoins de la justice. En 2018, plus de 72 % de la
population carcérale était en détention provisoire, le traitement des détenus ne respectant pas
les normes internationales. Les centres de détention ne sont pas fonctionnels et sont
surpeuplés, ce qui accroît les risques pour la sécurité et la santé, et sont pour la plupart gardés
par des soldats.
En effet, privée de son armé, la RCA se trouve dans une situation de déflagration
étatique. Tous les services de défenses sont non-opérationnelles. Les zones sous contrôles
des groupes armés manquent de services de bases comme la gendarmerie, la police et des
tribunaux. Les populations de ses zones ne peuvent bénéficiers d’une meilleure condition de
sécurité, ni en justice, ni en protection sociale et même en matière de santé. Les hôpitaux
dans les zones occupées ne fonctionnent pas, du moins que quelques services de premiers
soins avec un personnel pour une population de 100 à 250 habitants par villages ou villes.
Enfin, l’embargo sur les armes a également des conséquences sur la sécurité
alimentaire. En effet, avec le mouvement des déplacés internes, la RCA souffre d’un manque
de vivre. Les ONG de la place essaient avec les moyens de bord de venir en aide à ses
populations mais faute de sécurité, certaines sont contraints de se limiter dans leur action
voir même fermer pour certains leurs bureaux dans les zones sous contrôles des groupes
armés.
Notons que la situation sécuritaire de la RCA est complexe et mérite une reforme tant dans
la prise des mesures de sanctions de la communauté internationale et plus particulièrement
celle de l’ONU et du Conseil de sécurité dans le cas de menace pour la paix ou de rupture
de paix. Ainsi, nous allons nous attarder sur les recommandations suite à la situation
145
Cf. le Rapport de OCHA Septembre 2019
146
Cf. le Rapport du Secrétaire Général de Juillet 2019
89
sécuritaire en RCA et plus particulièrement dans le cadre de la sanction d’embargo sur les
armes pour une meilleure application du devoir de la R2P.
90
CONCLUSION GENERALE
Le problème de sécurité est un défi majeur qui mérite d’être relevé afin qu’une paix
durable revienne en Centrafrique. Cette dernière est victime de ses frontières poreuses et les
conflits que connaissent ses voisins. C’est donc ce qui facilite le flux incontrôlé d’armes de
guerres et des combattants sur son territoire. Le trafic illicite d’armes favorise en effet la
création des milices composées majoritairement par des jeunes désœuvrés qui ne voient pas
d’autres perspectives d’avenir que de se lancer dans des actes de violences pour subvenir à
leurs besoins. C’est ainsi que l’ONU fidèle à sa mission d’accompagner la République
centrafricaine dans ce processus de maintien de la paix et de la sécurité, a répondu avec un
grand intérêt en imposant la sanction d’embargo sur les armes afin de limiter les flux des
armes et réduire la montée des groupes armés. Cet acte constitue un défi majeur car les forces
armées centrafricaines ayant été affaibli tant sur le plan humain, que sur le plan des
équipements et des infrastructures au cours de ces derniers années, ne peuvent protéger ni la
population ni le territoire national. Des alliances personnalisés et ethniques existent dans les
rangs de l’armée. La participation des forces armées gouvernementales dans les crises en
répétition que le pays a connue, y compris un usage excessif de la force et la violation des
droits de l’homme et du droit international humanitaire, est aggravée par l’incident récurrent
d’impunité. Le manque des moyens humains et matériels, et le délabrement des institutions
judicaires rendent le secteur de la justice inefficace notamment dans les zones rurales. Les
forces de police sont sensiblement mal équipées et faiblement déployées en dehors de la
capitale. Le conflit a aggravé aussi la prolifération des armes légères et de petits calibres à
l’intérieur du pays et dans la sous-région. Cette situation justifie à juste titre la sanction
d’embargo sur les armes. Mais toutefois, cette sanction pose un certain nombre de difficulté,
aussi bien dans son application que du fait de son maintien.
En effet, le respect des décisions des sanction et plus particulièrement des embargos
sur les armes doit être un impératif pour les Etats membres et ainsi que pour les certaines
entités inter-étatiques. C’est pourquoi une conception et une surveillance rigoureuse
associées au respect des conditions d’application des embargos peuvent significativement
contribuer à la promotion de la paix et de la sécurité internationale, et au respect de nombreux
droits humains et libertés fondamentales découlant du droit international. L’autorité du
Conseil de Sécurité et des Nations Unies est sérieusement entamée par les constantes
violations des décisions d’embargos des Nations Unies et par l’impunité dont jouissent leurs
91
contrevenants147. L’autorité des Nations-Unies est sérieusement érodée par les constantes
violations des décisions d’embargos sur les armes du Conseil de Sécurité. Il convient en effet
de contrôler objectivement si les décisions d’embargos des Nation-Unies sont respectées,
mais l’expérience a montré que pour être efficaces, ces contrôles devaient comporter des
mesures bien spécifiques. Le Conseil de Sécurité devrait continuer à améliorer la conception
des embargos sur les armes, mais devrait aussi aborder la question de l’impunité dont
jouissent leurs contrevenants. Les Etats Membres devraient fournir un cadre général pour un
contrôle efficace des transferts d’armes internationaux basé sur des critères communs
approuvés par l’Assemblée Générale, et qui soient totalement compatibles avec le droit
international. Les Etats Membre, en particulier et ceux qui sont limitrophes des entités sous
embargo, et les autres organisations intergouvernementales compétentes devraient aider les
Nations-Unies à améliorer les méthodes, techniques et procédures de contrôle. Car dans le
cadre de la RCA en exemple, les armes parviennent à circuler entre les groupes armés
facilement en passant par les frontières des pays tel que la RDC, le Soudan du Sud et parfois
par le Tchad et le Cameroun. Le rapport des experts a mentionné le flux venant de la RDC
en Septembre 2018148.
A cet effet, les dispositifs de contrôle doivent par conséquent pouvoir fournir, au
moment opportun, des preuves convaincantes et irréfutables du respect ou du non-respect
des décisions d’embargos des Nations Unies. Pour que la confiance s’installe et se
maintienne entre les parties concernées, il est indispensable de confirmer régulièrement le
respect des décisions d’embargos. Il est clair toutefois qu’il manque à ces dispositifs
internationaux plusieurs éléments fondamentaux, ou qu’ils ne fonctionnent pas bien, car ces
contrôles ne sont pas effectués au moment opportun, ou ils aboutissent à des conclusions
erronées149.
Le contrôle des violations des décisions d’embargos décrétés par le Conseil de
Sécurité des Nations-Unies mérite par conséquent un intérêt particulier. Il devrait prendre en
147
Cf. Brian Wood, renforcer le respect des décisions d’embargo sur les armes des nations unies – les
enjeux présentes par le suivi et le contrôle, 2016. P. 2
148
Cf ; le rapport des Experts sur la situation en République centrafricaine Décembre 2018
149
Cf. Brian Wood, renforcer le respect des décisions d’embargo sur les armes des nations unies – les
enjeux présentes par le suivi et le contrôle, 2016. P.4
92
compte la nature clandestine qui est intrinsèquement liée à ce type de trafic et à ses graves
conséquences. En particulier, la prolifération et le détournement des armes légères et de petit
calibre qui se produisent pendant les conflits et la répression étatique systématique entraînant
de graves violations des droits humains, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité
constituent des obstacles majeurs à ces contrôles. Par conséquent, l’élaboration des normes
et des systèmes juridiques et réglementaires efficaces visant à contenir le trafic illicite des
armes est indispensable pour prévenir la violation des décisions d’embargos des Nations
Unies. Le problème plus général du trafic illicite des armes est étroitement lié à la possession,
au transfert et au détournement illégal des armes par des acteurs non étatiques, et en
particulier des groupes criminels, et est souvent alimenté par le détournement d’armes
commis par des acteurs étatiques. Les embargos sur les armes sont des mesures de rétorsion
qui répondent aux menaces pesant sur la paix ou à l’aggravation d’une crise humanitaire qui
dans bien des cas, est déjà attisée par ces agissements illégaux. Les embargos sont par
conséquent des instruments souvent rudimentaires imposés tardivement qui ne peuvent être
pour cette raison déployés efficacement au titre d’un instrument des Nations-Unies destiné
à prévenir le trafic illicite des armes, sans le renforcement des contrôles nationaux. Ainsi,
une meilleure compatibilité entre les systèmes nationaux de contrôle et le droit international
renforcerait la surveillance et le respect des décisions d’embargos des Nations-Unies150.
Dans le cas de la RCA, les Etats devraient se mobiliser en mettant en place des
moyens de contrôle de circulation des armes. Car l’embargo sur les armes répond en effet à
un besoin vital, celui du maintien de la paix et de la sécurité tant au niveau national que de
la sous-région. C’est ainsi que le rapport Brian Wood décrit que : « une difficulté majeure
pour vérifier si les décisions d’embargos des Nations-Unies sont respectées est l’absence au
niveau national de contrôles rigoureux des activités des agents de courtage et de
transportation qui sont fréquemment impliqués dans le détournement illicite des armes151 ».
En 1996 la Commission du Désarment a décidé que : « les États devraient appliquer des
réglementations strictes sur les activités des marchands d’armes internationaux privés et
coopérer en vue d’empêcher ces marchands de se livrer au trafic d’armes152 ».
150
Ibn. P 8
151
www.nisat.org
152
Cf. Directives des Nations Unies sur les Transferts d’Armes Internationaux, 1996.
93
Cependant, en ce qui concerne la sanction d’embargo, son maintien, notons que la
circulation des armes entre les groupes armés et surtout le désir de rétablir l’autorité de l’Etat
sur l’étendue du territoire trouve en cet embargo un obstacle vis-à-vis de l’Etat centrafricain.
Cet obstacle est avant tout la garantie et la protection de la population civile des exactions
des groupes armés.
En effet, si l’embargo sur les armes est maintenu en RCA, il est du devoir de l’ONU
de se pencher sur le DDRR afin de permettre à la RCA de se libérer du joug des groupes
armés. Mais toutefois, notons que cet embargo à des effets très néfaste sur la responsabilité
de protéger. Le gouvernement centrafricain ne peut, malgré la formation des éléments de
l’armée nationale par les partenaires internationaux, déployer ses hommes dans les zones
sous contrôle afin d’apporter une assistance et protéger les populations. Car elle ne possède
pas les moyens nécessaires et pour répondre à ses besoins.
Par ailleurs, il est aujourd’hui demandé la levée de l’embargo sur les armes car on ne
peut continuer à assister à une montée en puissance des groupes armés tan disque l’Etat ne
peut se procurer des moyens de défenses régaliennes. La police et la gendarmerie ne peuvent
exercer leur fonction faute de la sanction d’embargo.
Dans le cadre de cette étude, nous avions essayé de démontrer les enjeux de la
sanction d’embargos sur les armes face à la responsabilité de protéger. Le premier garant de
la protection des populations et des civils est en effet l’Etat. Et il est appelé à disposer des
moyens nécessaires à cette fin. La sanction d’embargo apparaît dans le cas de notre étude
comme un obstacle à cette finalité. Car l’Etat centrafricain est privé de ses moyens, et malgré
le relais fait par la communauté internationale qui a agit conforment au principe de la R2P
dégagé dans le rapport de la CIISE de 2001, on assiste malheureusement à une situation
complexe due à la montée des groupes armés qui occupent plus 80% du territoire
centrafricain et commettent des exactions sur la population civile, tout en pillant les richesses
du pays et en la plaçant dans un cycle infernal de conflit meurtrier.
Face à cette situation, quelques recommandations sont formulées. Il faut :
-
Avancer un processus de dialogue national inclusif afin d’instaurer la sécurité sur
toute l’étendue du territoire nationale pour permettre la circulation des personnes et
des biens ;
94
-
Mettre une base militaire au niveau de toutes les sous-préfectures afin de lutter
contre les coupeurs de route et créer des régions militaires ;
-
Créer une structure au niveau préfectoral chargé d’identifier les besoins des
communautés locales afin de prévenir les conflits ;
-
Promouvoir la culture de la paix à travers la sensibilisation dans toutes les souspréfectures avec l’appui des ONG qui ont des compétences en la matière ;
-
Mettre à profit l’aide internationale afin de modifier l’image négative que les années
de crise ont donnée à la RCA, en s’engageant résolument au travail, que ce soit dans
le domaine agricole que commercial.
-
Faire un désarmement dans les pays voisins de la RCA qui n’ont pas connu jusquelà de conflits armés. Car, suite aux armes légères et de petits calibres vendus et qui
sont détenues par les populations civiles pourront un jour devenir une source
d’insécurité pour ces pays.
-
Il est également souhaitable que l’Unité Gouvernance et prévention des crises de
l’agence des Nations Unies pour le développement ait une cellule d’information et
une base des données, pour assurer la collecte d’information, sa gestion et diffusion.
Ce qui permettrait donc de conduire des études et des analyses des besoins en vue
de dégager les opportunités socio-économiques et une identification des besoins
pour la formulation des besoins spécifiques ;
-
La République Centrafricaine étant aussi profondément affectée par l’instabilité et
les crises récurrentes dans les pays frontaliers (Tchad, Soudan, Soudan du sud
Congo Démocratique), la pratique doit s’inscrire dans une perspective sous
régionale. Il est donc important d’appuyer les instances sous régionales dans la mise
en œuvre des mécanismes de prévention des crises existant à ce jour dans les textes
(COPAX, MARAC)153;
-
Ainsi, l’effectivité des mécanismes d’alerte, le déploiement d’une observation
permanente des pratiques démocratiques et des droits de l’homme apparaissent
153
COPAX : Conseil de paix et de Sécurité d’Afrique Centrale. MARAC : Mécanisme d’Alerte
Rapide de l’Afrique Centrale
95
comme des pistes essentielles de prévention des crises politiques ou de tensions
sociales préjudiciables à la stabilité des Etats et à la paix sans lesquelles aucune
entreprise de développement ne peut réussir ;
-
Il est important de veiller en particulier à la professionnalisation des organes de
gestion des élections, au partage et à la décentralisation du pouvoir, à la consécration
d’un véritable statut de l’opposition, au financement public des partis politiques
appelés non seulement à contribuer à l’expression du suffrage mais aussi à œuvrer à
l’éducation de leurs militants et à l’encadrement de leurs élus ; car les partis
politiques en RCA sont les prédateurs des conflits.
-
Il est indispensable d’avoir une pièce maîtresse qui détermine la possibilité d’agir
au vu de l’analyse des données évaluées dans des situations à fort potentiel
conflictuel. Les conditions d’une alerte réussie résident dans la capacité à ressembler
une information fiable, recoupée et validée par des sources différenciées ; à repérer
les nœuds conflictuels et les facteurs d’instabilités sur lesquels des initiatives rapides
doivent être engagées pour empêcher le conflit d’éclater ou de s’amplifier ; à
mobiliser les différentes parties concernées, acteurs politiques, société civile,
médias, organisations syndicales, ligues de défense des droits de l’homme et
instances régionales et internationales, afin d’arrêter la dégradation de la situation.
96
Bibliographie
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AUTRES DOCUMENTS
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La Résolution 2127 du 5 décembre 2013
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La Résolution 2134 du 28 janvier 2014
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La résolution 2196 du 22 janvier 2015
-
La résolution 2262 du 22 Janvier 2016
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La Résolution 2339 du 27 janvier 2017
-
La Résolution 2399 du 31 Janvier 2018
99
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La Résolution 2454 du 31 Janvier 2019
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La Résolution 2507 du 31 Janvier 2020.
SITE INTERNET
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www.unocha.org/car.
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www.dw.com/fr/lonu-alerte-sur-la-situation-humanitaire-en-centrafrique/
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www.nisat.org
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