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Le décor de l’architecture paléochrétienne P. Silvio Moreno Université privée de Suisse Octobre – novembre 2022 « Un lieu de culte, c’est un jeu de volumes, un espace avec ses diversités; mais, dans ces échanges de pleins et de vides, sur ces limites qui introduisent la lumière extérieure ou la répartissent sur les parois et dans les vaisseaux des salles basilicales comme vers le centre du baptistère, les pierres ont leur part, lisses ou décorées, tout comme d'autres décors, les stucs, les mosaïques, les peintures. Ces derniers ont souvent péri, il nous reste, dans le meilleur des cas, des murs qui ont perdu leur couverture et leur enduit, des colonnes fragmentées, des pavement en mosaïques souvent incomplets. Très souvent nous devons nous contenter de chercher dans les réserves d’un musée un souvenir de ce qui fut la parure d’une église ou d’un baptistère des IVe-VIIe siècles » (P-A Février dans « Naissances des arts chrétiens », 1991). LE DÉCOR SCULPTÉ ET LES PIERRES D’IMPORTATION Il est sur et certains que les pierres voyagent dans la méditerranée et leur commerce est une réalité qui n'a cessé, au moins depuis l'époque augustéenne, d'affecter le monde paléochrétien. Arrivaient le marbre de Carrare (Italie), celui de l'île de Proconnèse ou des terres de l'Asie Mineure, voire de l'Eubée et de l'Attique; tout comme le marbre jaune des carrières de Chemtou en Proconsulaire, le granit et le porphyre d'Egypte ou la pierre de Lacédémone. Les unes étaient réservées à la taille des chapiteaux - le marbre blanc ou gris, les autres aux fûts des colonnes lorsque ce n'était point aux revêtements des sols et des murs. Chapiteau à têtes de béliers. Ce chapiteau sculpté dans du marbre de Proconnèse (île de la mer de Marmara) est une production d'origine orientale. Il s'insère dans une série d'autres œuvres exportées soit vers Ravenne, soit vers la Proconsulaire et la Byzacène, et témoigne des échanges commerciaux et artistiques de la fin du Ve et du début du vie siècle. Arles, musée lapidaire. Fleur de chapiteau corinthien de Carthage LA TERRE CUITE Le décor architectural en terre cuite a longtemps été délaissé par les chercheurs, en raison de la dispersion, de la relative pauvreté du matériel et surtout de l'obligation, faute de véritables découvertes in situ, de l'aborder comme si les éléments de ce décor étaient de simples objets utilitaires sans contexte ni fonction précis. Il est souvent difficile d'imaginer l'importance de ce décor, pourtant si étroitement lié et intégré à une architecture. La connaissance de ces éléments de décor n'est pour tant pas récente. Dès la fin du XIXe siècle, ce type de matériel était connu en Tunisie et en Espagne. Les découvertes - surtout africaines et espagnoles - furent souvent signalées jusqu'en 1930 : les auteurs relataient les trouvailles, décrivaient les objets, mais ne cherchaient que rarement à s'interroger sur la technique et la destination des éléments en terre cuite. Pour la France paléochrétienne, les fragments de décor trouvés offrent une typologie et une iconographie assez dissemblables de celles des séries africaines ou espagnoles. Si l’on tient compte des découvertes africaines et espagnoles, on peut admettre que la terre cuite était d'usage courant en Occident dans le décor, surtout dans les églises. Egalement certaines découvertes attestent l'emploi des carreaux de terre cuite pour le revêtement de sol. Mais la terre cuite était surtout utilisée à l'intérieur des édifices pour les murs et les plafonds: la plupart des carreaux africains sont des décors de caissons apparaissant entre les poutres du plafond. Le revêtement mural devait être réparti sur des emplacements déterminés dans l'édifice et vraisemblablement être disposé en frise. L'agencement horizontal pouvait se composer d'une juxtaposition de carreaux identiques; de suites de carreaux aux décors diversifies. Il est evident qu'il existait aussi un décor extérieur connu dans bien des civilisations du Moyen Age (par exemple les églises médiobyzantines). Adam et Eve Les types découverts peuvent être classés en : 1. Rosaces ; 2. Rosaces à légende ; 3. Animaux ; 4. Hommes ; 5. Sujets bibliques (Adam, Eve, le sacrifice d’Abraham, miracles du Christ) ; 6. Sujets profanes ; 7. Les apôtres. Le visage du Christ Christ et la samaritaine LA MOSAIQUE PALEOCHRETIENNE Le développement de la technique de la mosaïque pendant l'Antiquité tardive est connu presque exclusivement grâce aux vestiges de plus en plus nombreux de décors de maisons. Là où la vérification peut être faite, force est de constater qu'il n'y a de différences réelles ni dans la technique ni dans le style, et j'oserais même dire ni dans l'iconographie, entre le décor des grandes maisons et celui des édifices religieux actuellement connus. Le deuxième problème important, et qui touche à la fois les pavements des maisons et ceux des églises, est celui de la chronologie des sols qui n’est pas toujours évidente dans beaucoup de cas. A partir du IVème siècle avec la naissance d’une nouvelle architecture on constate une croissance de l’art de la mosaïque en milieu chrétien. Les recherches archéologiques ont livré de nombreuses mosaïques qui tapissaient le sol des églises et des baptistères ainsi que les absides et les plafonds ou recouvraient les tombes environnantes (en particulier pour la Tunisie). L’analyse des pavements de sol des églises d’époque paléochrétienne et byzantine en Afrique du Nord atteste la présence d’un programme iconographique (inspiré de l’enseignement des pères de l’Eglise et de la bible) ayant présidé à l’organisation du décor, dont les points iconographiques sont l’universalité de l’Eglise, la « catholica » ; les notions de renaissance à la vie divine par le baptême avec la profession de foi et l’appartenance et fidélité à la communauté catholique dans cette vie et dans l’éternité. Mais dans d’autres secteur de la méditerranée les thèmes variaient selon leur emplacement : l'histoire sainte se déroulait sur les murs de la nef (l’Ancien Testament annonçant l’œuvre divine et le Nouveau Testament montrant l’accomplissement de cette œuvre), les thèmes du Salut, de la Rédemption et du règne de Dieu que étaient évoqués dans le chœur et l’abside : tandis que sur les murs de la nef se déroulaient des thèmes narratifs et cycliques, l'abside était donc réservée aux images synthétiques (l'Agneau, les quatre Evangélistes, le Christ en majesté, etc.). Les contacts et échanges avec les écoles du nord de l’Adriatique, de Syrie-Palestine et de Grèce ont certes été déterminants pour l’émergence de ce style de production, typique d’une époque d’unité à la fois politique, religieuse et artistique. Les catégories des mosaïques chrétiennes en Afrique du Nord, spécialement en Tunisie peuvent être divisées ainsi : 1- Mosaïques funéraires sur pavement. Dalles et caissons. Bipartites et tripartites. Motif : géométrique, animalier, végétal, biblique et à personnage. 2 - Mosaïques décoratives sur pavement : géométriques et fleuries. 3 - Mosaïques figurées avec images symboliques ou bibliques sur pavement. 4 - Mosaïques de baptistères : géométriques et symboliques. Furnus minus. Mosaïque funéraire du mausolée de Blossius IVème s. Musée du Bardo. Furnus minus et Sfax, Tunisie. LES LAMPES VOTIVES ET CERAMIQUE L’autre élément important du décor était les lampes votives utilisées dans les églises ou dans les cimetières. Un ensemble d’observations surtout à Carthage permet de reconnaître les lampes païennes qui étaient d’usage général, dans les habitations comme dans les cimetières pendant les trois premiers siècles, et les lampes vraiment chrétiennes dont l’usage semble s’être répandu surtout après la paix constantinienne. Les lampes notamment chrétiennes ont été classées en fonction du sujet central qui figure sur la cuvette: scènes bibliques ; scènes chrétiennes ; oiseaux et animaux ; dauphins et poissons ; chrismes et croix les plus nombreux. Les acteurs d’une mission archéologique • • • • • • • • • • Le fouilleur Le topographe L’architecte Le dessinateur Le photographe L’anthropologue Le sédimentologue Le palynologue (pollen) Le restaurateur Le responsable de la documentation matériel • Le responsable du matériel de fouille Bibliographie fondamentale AA.VV, Naissance des art chrétiens, Paris, 1991 Cerulli, G. Il mondo dell’Archeologia Cristiana, Roma, 2018 Bejaoui, F. Céramique et religion chrétienne, Tunis, 1997 Baratte, F. Mosaïques romaines et chrétiennes au Musée du Louvre, Paris, 1978