Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
LE COQ ET LA POULE EN GRÈCE ANCIENNE : MUTATIONS D’UN RAPPORT DE DOMESTICATION Christophe Chandezon Presses Universitaires de France | « Revue archéologique » © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) ISSN 0035-0737 ISBN 9782130828341 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-archeologique-2021-1-page-69.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 2021/1 n° 71 | pages 69 à 104 LE COQ ET LA POULE EN GRÈCE ANCIENNE : MUTATIONS D’UN RAPPORT DE DOMESTICATION* par Christophe Chandezon À la mémoire de ma collègue Christine Hamdoune © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Résumé. – Le coq domestique n’arrive véritablement dans le monde grec que pendant la première moitié du Ier millénaire av. J.-C., même si des individus ont pu y avoir été apportés à l’époque mycénienne, mais à titre de curiosité. C’est donc une espèce qui s’intègre tardivement à la faune domestique grecque. Sa domestication a eu lieu en Asie du Sud-Est, à partir du coq sauvage (Gallus gallus). À son arrivée en Grèce, le coq a été surtout vu comme un oiseau exotique et utilisé pour les combats. L’exploitation de la poule pour les œufs et la viande ne se produit que dans le courant de l’époque classique, mais c’est un tournant majeur dans la configuration des rapports anthropozoologiques avec cette espèce domestique. Cela a aussi eu un impact sur les pratiques alimentaires et les sacrifices. Abstract. — Domestic fowl was not really known in the Greek world until the first half of the first millennium BC, although individuals may have been introduced in the Mycenaean period, but only with the status of an exotic curiosity. This species is therefore a late addition to the Greek domestic fauna. Its domestication took place in Southeast Asia, from the wild junglefowl (Gallus gallus). At first, Greeks saw the cock mostly as an exotic bird and used it for cockfighting. The exploitation of the hen for eggs and meat only developed during the classical period, but it was a major turning point in the configuration of human/animal relationship with this domestic species. It also had an impact on food culture and sacrifices. Mots-clés. – Coq. Poule. Volaille. Grèce. Domestication. Combat de coqs. Élevage aviaire. Alimentation. Viande. Œuf. Sacrifice. Genre. Histoire des animaux. Anthropozoologie. Archéozoologie. Keywords. — Cock. Hen. Fowl. Greece. Domestication. Cockfighting. Poultry farming. Food. Meat. Egg. Sacrifice. Gender. Animal studies. Anthrozoology. Zooarchaeology. « Der nachhomerische Name Alektôr beweißt, daß, in dieser Zeit der Kampfhahn, nicht das eierlegende Huhn, im Vordergrund des Interesses bei den Griechen stand. » P. Kretschmer 1 * Je remercie Hélène Normand, Arnaud Zucker, Armelle Gardeisen, Kévin Bouchité, Émilie Blaise, Marco Vespa, Jean Trinquier et Jean-Charles Moretti qui m’ont aidé soit sur des points précis, soit par une relecture générale. Leurs suggesREV. ARCH. 1/2021, p. 69-104 tions de fond ou leurs compléments bibliographiques ont souvent été déterminants. 1. KRETSCHMER 1938, p. 35-36. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Cock and hen in ancient Greece: Mutations of a domesticating link 70 Christophe Chandezon Columelle, au Ier siècle apr. J.-C., dans son traité d’agriculture, consacre un long développement à l’élevage des poules. Il voit les choses en grand et souligne les enjeux de cet élevage pour un propriétaire de villa : © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) « Le revenu qui provient de ces oiseaux de basse-cour n’est pas à dédaigner, si on les soigne convenablement, comme faisaient la plupart des Grecs, et surtout les Déliens, qui ont acquis de la célébrité à cet égard. Ces peuples recherchaient surtout, en raison de leur grande taille et de leur courage dans les combats, les races de Tanagra et de Rhodes ; ils ne prisaient pas moins les poules de Chalcis, et celles de Médie, que, par le changement d’une lettre, le vulgaire sans instruction appelle poules de Mélos. Quant à nous, nous préférons l’espèce indigène, parce que nous ne partageons pas le goût des Grecs, qui élevaient le coq, ce fier oiseau, pour les joutes et le combat ; nous pensons, nous, que les poules doivent constituer un revenu pour le père de famille industrieux, et non pas pour un instructeur d’oiseaux batailleurs, dont souvent tout le patrimoine, engagé dans le pari, lui est ravi par la victoire d’un pugiliste emplumé. » (Columelle, De l’agriculture, VIII, 2, 4-5 ; texte latin éd. Loeb ; trad. fr. Louis du Bois Panckoucke modifiée.) L’affaire est entendue : il est plus raisonnable d’élever des poules pour les œufs ou pour la viande que des coqs de combat, surtout si l’on est proche d’une ville, donc d’un marché, où les prix sont plus élevés 2. La cuisine de l’époque impériale utilise d’ailleurs largement la viande de cette volaille. Dans l’Art culinaire d’Apicius, elle occupe un tiers du livre VI, consacré à la cuisine des oiseaux 3. Des pattes de poule figurent sur la mosaïque d’asarôtos oikos de la Vigna Lupi (IIe siècle apr. J.-C.) [fig. 1] 4. L’œuf intervient dans de nombreuses recettes, notamment pour les liaisons. Il est à la base de toute une famille de plats de la cuisine romaine, celle des patinae 5. Il est servi dans la gustatio qui inaugure le repas. Une mosaïque de Daphnè près d’Antioche montre comment les œufs sont présentés, dans des coquetiers avec des cuillers posées à côté sur un plateau comportant aussi des pieds de porc et des artichauts (fig. 2) 6. L’essor des aliments issus de l’élevage de la poule touche aussi la partie grecque de l’empire : Galien, dans le développement sur les volailles de son traité Sur les facultés des aliments, commence par là et loue les qualités diététiques de la viande de poule engraissée, des ailes de poule ou des crêtes de coq 7. Dans les riches maisons 2. Columelle, De l’agriculture, VIII, 5, 9. 3. Apicius, Art culinaire, VI, 236-251. 4. Musei Vaticani inv. 10132. WERNER 1998, p. 260-275. La mosaïque montre un tarsométatarse avec l’extrémité proximale bien formée. C’est donc bien une poule, pas un animal jeune (analyse K. Bouchité). Cette copie date de l’époque d’Hadrien, mais le modèle remonte au IIe siècle av. J.-C. Pline, Histoire naturelle, XXXVI, 184, attribue l’invention du motif à un mosaïste de Pergame, Sôsos. La mosaïque du Museo Gre- goriano Profano en est le meilleur témoignage (DUNBABIN 1999, p. 26-27). 5. BLANC, NERCESSIAN 1992, p. 135-137. 6. LEVI 1947, vol. I, p. 132-137 et II, pl. CLIII a (IIe siècle apr. J-C.). Sur la viande de poule et les œufs dans la cuisine romaine, voir notamment BLANC 2017, paragr. 17-23. 7. Galien, Sur les facultés des aliments, III, 18 et 20 (et aussi III, 21, sur les œufs des volailles en général). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Huius igitur villatici generis non spernendus est reditus, si adhibeatur educandi scientia, quam plerique Graecorum et praecipue celebravere Deliaci. Sed et hi, quoniam procera corpora et animos ad proelia pertinaces requirebant, praecipue Tanagricum genus et Rhodium probabant, nec minus Chalcidicum et Medicum, quod ab imperito vulgo litera mutata Melicum appellatur. Nobis nostrum vernaculum maxime placet: omisso tamen illo studio Graecorum, qui ferocissimum quemque alitem certaminibus et pugnae praeparabant. Nos enim censemus instituere vectigal industrii patrisfamilias, non rixosarum avium lanistae, cuius plerumque totum patrimonium, pignus aleae, victor gallinaceus pyctes abstulit. Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 71 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 1. Patte de poulet sur la mosaïque de la Vigna Lupi, IIe siècle apr. J.-C. Museo Gregoriano Profano, 10132. © Città del Vaticano - Direzione dei Musei e dei Beni Culturali. 2. Plat avec œufs, artichauts et pieds de porc, Daphnè près d’Antioche, IIe siècle apr. J.-C. Musée d’Antioche, DH-27-O. © Princeton University, Department of Art and Archaeology. Comme on le voit, pour le monde grec – car en fait c’est sur lui que va se concentrer notre attention – faire l’histoire de Gallus gallus 9 en tant qu’espèce domestique nécessite de mobiliser une documentation aussi bien écrite qu’iconographique et archéologique, en attendant les données paléogénétiques. Deux grandes révolutions dans l’histoire des rapports entre cette espèce et les hommes de l’espace méditerranéen ont eu lieu dans l’Antiquité classique. La première, au début du Ier millénaire av. J.-C., est tout bonnement l’introduction définitive de l’espèce dans la faune domestique des Grecs, même si on voit d’abord surtout des coqs de combat. L’autre révolution se situe entre époque classique et Haut-Empire : c’est l’essor de l’élevage des poules pondeuses, des poulets et des chapons. Ce tournant n’oppose pas les Grecs des époques archaïque et classique – peuple guerrier intéressé par les coqs de combat – aux Romains de l’Empire – gens plus pragmatiques et qui auraient compris combien la poule était plus rentable 10. Columelle dit bien qu’il avait été pris par les Grecs et que les Déliens s’étaient déjà taillé une jolie réputation dans ce domaine. Aucune de ces deux révolutions n’est clairement datée. Elles sont en partie occultées 8. GALIK, FORSTENPOINTNER, WEISSENGRUBER 2014, p. 784-785 (toutes les publications des maisons de la Colline vont dans ce sens) ; TAEUBER 2016, vol. 1, p. 246, gr 357, avec mention d’achat de κόττος (poulet : le mot annonce le grec moderne). 9. Un point de vocabulaire : Gallus gallus est le nom donné à l’espèce. Cela désigne la forme sauvage (le coq doré, dont le coq Bankiva est la sous-espèce indonésienne) et la forme domestique (Gallus gallus domesticus). En français, on tend à désigner l’espèce par le mot « coq », quand on ne parle pas du seul mâle par opposition à la femelle (la « poule »). Si les petits sont appelés « poussins », les mots « poulet » et « poulette » sont à réserver à des individus jeunes. Un mâle castré est un « chapon » et une femelle castrée une « poularde ». 10. Un siècle auparavant, Varron était loin d’être aussi catégorique même s’il évoque les grands profits (magni fructus) que l’on peut tirer de l’élevage des poules (Varron, Économie rurale, III, 9, 2). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) du Haut-Empire à Éphèse, la consommation de viande de poule et de coq est bien attestée par l’archéozoologie et les listes de dépenses gravées sur les enduits peints 8. Cette importance de la viande et de l’œuf de poule ne nous étonne pas : ce sont actuellement des aliments très courants, voire bas de gamme. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. 72 Christophe Chandezon par une impression confuse suggérant que notre rapport à cette espèce serait de tout temps. Or ce rapport est profondément historique 11. Il pose aussi un problème anthropozoologique, celui de la façon dont une culture s’approprie puis intègre une nouvelle espèce domestique 12. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq sauvage (Gallus gallus), à l’origine de l’espèce domestique, est présent en Inde, dans le Sud-Est asiatique et le sud de la Chine. C’est fondamentalement une espèce du milieu subtropical. Il ne possède en outre qu’une médiocre aptitude au vol et n’est pas migrateur. Il est inconnu ailleurs que dans les régions que nous venons de mentionner et son arrivée dans d’autres milieux ne peut qu’être l’œuvre des hommes, qui doivent les transporter, ce qui est aisé, et les acclimater, ce qui l’est moins 13. Par ailleurs, il existe plusieurs sous-espèces de Gallus gallus, dont une ou plusieurs ont été domestiquées, ce qui a pu induire des croisements permettant de sélectionner des caractéristiques intéressantes selon les usages. Gallus gallus fait partie de l’ordre des galliformes, auquel appartiennent notamment aussi les faisans. Dans l’analyse du matériel archéozoologique, la détermination du coq et du faisan n’est pas toujours évidente, ce qui a compliqué la réflexion sur la domestication de Gallus gallus. Les lieux et les époques des domestications du coq sont beaucoup discutés : est-ce en Inde, en Asie du Sud-Est, en Chine ? La domestication est-elle plus ancienne que la date traditionnellement retenue, au IIIe millénaire av. J.-C. ? Pour l’instant, ces questions restent sans réponses qui feraient consensus, même si la tendance est à revenir à une date plutôt récente et à l’hypothèse de plusieurs foyers de domestication en Asie du Sud-Est et en Inde. C’est donc plutôt vers 2500-1500 av. J.-C. et plutôt dans une zone qui va de l’Inde au Vietnam que les domestications auraient eu lieu, et c’est seulement vers 1500-1000 av. J.-C. que le Proche-Orient connaît désormais cette espèce domestique, ce qui suppose une expansion depuis l’Inde, donc plutôt par une route méridionale. La diffusion du coq domestique vers l’ouest pose, en effet, un certain nombre de problèmes. Deux routes principales ont été envisagées, l’une par mer depuis l’Inde vers la Méditerranée, l’autre continentale et eurasiatique 14. Dans tous ces débats, que dominent archéozoologues et maintenant paléogénéticiens, la question de l’arrivée du 11. Sur l’histoire du coq dans l’Antiquité classique : HEHN 1894, p. 314-329 ; KELLER 1913, vol. 2, p. 131-145 ; ORTH 1913 ; SELTMAN 1925, p. 93-101 ; THOMPSON 1936, p. 3344 ; CUMONT 1942 ; POLLARD 1977, p. 88-89 ; DALBY 2003, p. 83-84 ; ARNOTT 2007, p. 9-11 ; LEWIS, LLEWELLYN-JONES 2018, p. 243-254. Voir aussi MYNOTT 2018, notamment p. 157-161 (combats ; sur ce point, déjà DUMONT 1988), NADEAU 2016 (sur la viande) et PITT 2017 (synthèse sur les données archéozoologiques). L’article de CSAPO 2008 va audelà de l’analyse des combats de coqs. Pour le monde romain, voir BLANC 2017. 12. À propos de Gallus gallus, la question a été soulevée par SYKES 2012. 13. PITT 2017, p. 14-29 et 41-62. 14. Un article de WEST, ZHOU 1988 a ouvert la discussion. Il conserve l’hypothèse d’une domestication en Inde vers 2000 av. J.-C. mais la fait précéder par une domestication plus ancienne dans le Sud-Est asiatique vers 6000 av. J.-C., d’où son élevage aurait atteint la Chine avant de prendre la route de l’Europe de l’Ouest par le continent. Par la suite, on a même envisagé une domestication au début de l’Holocène, en Chine du Nord. Récemment, ces conclusions ont été combattues par PETERS et al. 2016 et EDA et al. 2016. Les solutions que nous avons retenues dans le texte principal (entre Inde et Vietnam et plutôt vers 2500-1500 av. J.-C.) s’inscrivent dans cette tendance et ce sont celles qu’a proposées PITT 2017, p. 132-133. Une étude récente de paléogénétique semble indiquer que la domestication aurait porté sur la sous-espèce Gallus gallus spadiceus, qui se trouve dans le sud-est de la Chine et au nord de la Thaïlande et de la Birmanie : WANG et al. 2020. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) L’ INT RODU C TI ON DU C OQ E N GRÈ C E 73 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) coq domestique en Grèce à l’avantage de pouvoir être posée dans le cadre d’une culture où l’on peut aussi compter sur les sources écrites et iconographiques nombreuses. Les problèmes sont envisageables dans le cadre d’une chronologie relativement fine. Dès l’Antiquité, on a noté que le coq ne semblait pas connu d’Homère 15. Alektryôn – le futur zoonyme pour le coq – n’est encore qu’un anthroponyme bien adapté à des guerriers car apparenté au verbe alexô qui signifie « se défendre » 16. L’espèce n’apparaît pas non plus dans la poésie hésiodique. Il a donc fallu du temps pour qu’alektryôn finisse par désigner un oiseau. Ce ne serait chose faite qu’au milieu du VIe siècle av. J.-C., avec un fragment du poète Théognis qui évoque le chant des coqs à l’aube 17. Ces constatations ne livrent pas des terminus post quem et ante quem solides, surtout avec le grand naufrage de la littérature de l’Archaïsme. L’aède homérique pourrait très bien avoir choisi de ne pas mentionner cet animal dans ses fonctions alimentaires, qu’elles soient fondées sur l’usage de sa chair ou des œufs. Après tout, les héros homériques ne consomment pas de poisson mais uniquement de la viande, trait qu’il est impossible de prendre comme un reflet des pratiques alimentaires du VIIIe siècle av. J.-C. 18. Il est cependant plus surprenant que le coq, si lié au monde des combats – son chant est comme un appel à partir se battre et lui-même est une métaphore du guerrier 19 – ne soit pas mentionné. C’est un argument qui tend à valider le raisonnement a silentio et indique que les Grecs du milieu du VIIIe siècle av. J.-C. ne semblaient pas encore connaître l’espèce ou du moins qu’elle était alors encore perçue comme trop récente pour pouvoir être intégrée au monde héroïque. Faute de textes, l’iconographie a joué un rôle majeur dans le débat. Dans un article de 1965, Philippe Bruneau avait étudié l’histoire du motif des coqs affrontés dans l’art grec 20. Il y a montré qu’il fit son apparition à la fin du VIIe siècle av. J.-C., dans la céramique corinthienne : ce n’est évidemment pas le signe de l’arrivée du coq, mais celui du moment où la pratique des combats de coqs commence à orienter la culture visuelle des Grecs. Eva Grabow a repris le dossier de l’iconographie du coq et publié ses résultats en 2015. Elle a pu repérer les premières occurrences du coq dans les images grecques dès la seconde moitié du VIIIe siècle av. J.-C., mais insiste aussi sur le fait que la représentation du coq ne signifie pas nécessairement une connaissance directe de l’animal, mais pourrait aussi s’expliquer par la reprise de motifs iconographiques orientaux 21. Quelques documents permettent d’examiner les jalons chronologiques principaux de l’introduction du coq dans le monde grec. On a parfois évoqué la possibilité de représentations anciennes de coqs et même de poules, dès le IIe millénaire av. J.-C., mais les éléments en ce sens sont fragiles. 15. Homère, Iliade, XVII, 602 (ci-dessous). Eustathe écrit sur ce vers : τὸ δὲ τοῦ ζῴου ὄνομά φασιν οἱ παλαιοὶ οὐδέπω ἐπὶ Ὁμήρου ἐγνῶσθαι (« Les Anciens affirment que le nom de l’animal n’était pas encore connu du temps d’Homère »). RICHTER 1968, p. 83-84. Un autre mot pour désigner le coq, ἀλέκτωρ, apparaît aussi comme anthroponyme dans la poésie homérique : Odyssée, IV, 10 (cet Alektôr est un aristocrate spartiate). 16. CHANTRAINE 1968, s.v., t. 1, p. 58. Cette même racine a donné naissance à des noms comme Alexis. 17. Théognis, 862-864 : ἀλλ’ ἐγὼ αὑτομάτη / ἑσπερίη τ’ ἔξειμι καὶ ὀρθρίη αὖθις ἔσειμι, / ἦμος ἀλεκτρυόνων φθόγγος ἐγειρομένων (« mais un mouvement naturel me tire le soir de mon gîte, et m’y ramène à l’aube, à la voix des coqs qui s’éveillent. », trad. J. Carrière, CUF ; éd. WEST 1971, Theognideia, p. 214215 ; ces vers sont donc dans la CUF de J. Carrière [1975], p. 105, et aussi dans la Loeb par D. E. Gerber [1999], p. 298299). On ne peut exclure que cette citation vienne du poète tragique Théognis dont Aristophane se moque dans les années 420-410 av. J.-C., mais qui n’est connu par aucun fragment (Aristophane, Acharnaniens, 11 et 140 ; Thesmophories, 170) : TrGF, p. 146-147. 18. NADEAU 2016, p. 16. 19. VENDRIES 2002. Nous y reviendrons. 20. BRUNEAU 1965. Pour l’étude de la documentation iconographique, voir aussi HOFFMANN 1974. 21. GRABOW 2015. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 74 Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 3. Sceau de Zakro, Crète, IIe millénaire av. J.-C. (d’après Hogarth 1902, pl. X, no 128). 4. Deux statuettes d’oiseaux du Céramique, Athènes, vers 750-700 av. J.-C. Musée du Céramique, no T 50/V. © L. Coste. Il y a cependant bien, en Grèce, une présence iconographique du coq dès la période 750700 av. J.-C. Elle se manifeste d’abord sous la forme de figurines en bronze représentant indubitablement des coqs. On en a trouvé à Olympie, Argos ou Lindos. Vers la fin du VIIIe siècle av. J.-C. apparaissent aussi les premières images de coqs sur des vases protoattiques et protocorinthiens 28. Il reste néanmoins difficile d’assurer que ceux qui ont produit ces images avaient réellement vu 22. BRUNS 1970, p. 14. Déjà VICKERY 1936, p. 66-68. 23. HOGARTH 1902, p. 88, no 128 (« Two cocks facing across an altar ») et pl. X-128, mais VICKERY 1936, p. 68, trouve cette identification incertaine. 24. KERAMOPOULOS 1918, p. 94-101, contre l’élevage de Gallus gallus en Grèce mycénienne. La présence du coq en Grèce au IIe millénaire av. J.-C. est une hypothèse généralement repoussée au profit d’une diffusion seulement à la fin de l’Archaïsme : SALLARES 1991, p. 233 ; DALBY 2003, p. 83-84. 25. Comme à Tirynthe ou Lerne : REESE 2013, p. 466. Voir aussi à Commos en Crète : REESE, ROSE, PAYNE 1995, p. 200202. 26. KNIGGE 1988, p. 21-23, fig. 14 (il s’agit d’une tombe d’enfant). Voir aussi KÜBLER 1954, p. 245 et pl. 144 (l’identification de coqs y est présentée comme incertaine). Merci à H. Normand pour son avis sur ces œuvres. 27. BRUNEAU 1965, p. 90-91 = CVA USA 2, pl. 8.1. 28. GRABOW 2015, p. 4-8 et 18-31, avec les références et les photographies des objets. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Les supposés plats tripodes à œufs d’époque minoenne pouvaient aussi bien servir pour des escargots, des œufs d’oiseaux domestiques comme des œufs d’oie ou même d’espèces sauvages 22. On croit aussi reconnaître des coqs entourant un autel sur un sceau minoen de Zakro, et c’est assez convainquant (fig. 3) 23. Les arguments en faveur d’une connaissance du coq dans l’Égée du IIe millénaire av. J.-C. sont donc rares et contestés 24. On peut au mieux proposer l’arrivée de quelques individus à titre de curiosités et de rares indices archéozoologiques semblent aller dans ce sens 25. Pour la Grèce géométrique, les représentations de coqs demeurent rares. On a parfois cru en reconnaître dans deux statuettes de la seconde moitié du VIIIe siècle av. J.-C. qui faisaient partie du matériel de l’une des plus riches tombes géométriques du Céramique d’Athènes, mais l’identification n’est guère assurée. La forme du corps ne va pas dans ce sens et il manque des éléments caractéristiques de l’espèce comme la queue avec ses plumes en faucille. Le seul élément auquel cette identification pourrait s’accrocher est la crête qui ne se retrouve pas chez d’autres galliformes comme les perdrix (fig. 4) 26. Sur un vase géométrique, Philippe Bruneau avait suggéré de reconnaître un coq et une poule. L’identification semble encore moins probante 27. 75 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) des coqs ou seulement des images de l’animal arrivées de l’est 29. S’il n’y a encore que peu d’indices pour le VIIIe siècle av. J.-C., les choses changent au siècle suivant. Le matériel de l’agora d’Athènes livre de solides éléments. Il y a souvent des coqs sur des vases de la seconde moitié du VIIe siècle av. J.-C. 30. Des coqs affrontés apparaissent sur des monnaies d’electrum du trésor de l’Artémision d’Éphèse : leur frappe a dû avoir lieu dans cette région d’Asie Mineure, durant la seconde moitié du VIIe siècle av. J.-C. 31. L’arrivée du coq domestique en Grèce n’est qu’un chapitre de l’histoire de cet animal, même si le phénomène est important, car il touche à son introduction en Méditerranée et en Europe : la Grèce a été indéniablement une de ses portes d’entrée. Il faut la situer vers 750-650 av. J.-C., peut-être après une étape en Mésopotamie et dans le Levant 32. L’iconographie enregistre les premiers signes de la présence du coq domestique dans l’avifaune domestique des Grecs pour cette époque, un bon siècle avant le plus ancien témoignage des sources écrites. Si la date est bonne, nous avons un contexte évident, celui de l’attrait pour les orientalia, qui marque la Grèce géométrique et se renforce à partir du milieu du VIIIe siècle av. J.-C. Le coq s’insérerait dans cette pratique qui participait à la définition des hiérarchies sociales et qu’Alain Duplouy a résumée par l’expression « Collectionner le monde » 33. L’introduction soulève la question d’éventuels intermédiaires qui n’a pas seulement été posée par les chercheurs mais aussi par les Grecs, montrant comment on pouvait alors « penser » ce genre de phénomènes. La première hypothèse scientifique avancée se fondait sur la dénomination du coq comme l’« oiseau perse », ce qui avait naguère été utilisé pour situer l’arrivée du coq en Grèce à la fin de l’Archaïsme. C’est ce que l’on lisait dans l’ouvrage ancien de Victor Hehn, un classique sur l’introduction des espèces étrangères en Méditerranée 34. Au début du XXe siècle, à un moment où l’on attribuait aux Phéniciens un rôle essentiel dans les contacts culturels méditerranéens, l’introduction du coq en Grèce comme en Italie leur a été assignée 35, d’autres avançant un itinéraire continental par l’Asie Mineure, notamment la Lydie 36. À vrai dire, cette recherche d’un acteur principal, d’une route privilégiée, est sans doute un peu vaine et, de même qu’on renonce de plus en plus à l’hypothèse de centres uniques de domestication des espèces animales, il faut aussi peut-être abandonner l’idée que leur expansion géographique n’aurait suivi qu’une route et qu’à chaque fois il serait nécessaire d’identifier une culture assumant la fonction de passeur de nouveauté. Le texte canonique pour l’association du coq avec les Perses se trouve dans la comédie d’Aristophane Les oiseaux, représentée en 414 av. J.-C. Aux vers 483-487, le poète cherche à prouver que les oiseaux furent les premiers à commander aux hommes, avant même les dieux : 29. GRABOW 2015, p. 72-73. PITT 2017, p. 21 décrit ce phénomène d’une expression frappante : « knowledge rather than residency ». 30. LAMBERTON, ROTROFF 1985, p. 6-7 et ill. 7 et 10. 31. ROBINSON 1951, p. 164-165, et no 35-36, pl. XXXVIII (les coqs sont bien reconnaissables). 32. LIMET 1994. 33. DUPLOUY 2006, p. 151-153. 34. HEHN 1894, p. 315-316 Malgré les documents qui montrent le contraire, on retrouve cette idée dans VICKERS 1990, p. 114, ou AUBERGER 2010, p. 69, où l’on lit : « les volailles, coqs et poules si ordinaires pour nous, ne sont arri- vées en Grèce qu’avec les guerres médiques. Les Perses installés à demeure en Macédoine pendant des années ont eu le temps de l’acclimater pendant leur séjour. » 35. L’hypothèse phénicienne est séduisante, mais correspond à une époque où l’on attribuait beaucoup aux Phéniciens. On la trouve chez ORTH 1913, col. 252. Sur les Phéniciens et la circulation des orientalia, DUPLOUY 2006, p. 164-174. Elle séduit encore (par exemple PITT 2017, p. 21, 63 et passim). En vérité, elle ne repose sur rien de concret, mais cela ne veut pas dire qu’il faille la repousser. Bruno D’Andrea a entrepris un travail sur cette question. 36. Par exemple dans PERDRIZET 1893. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 76 Christophe Chandezon αὐτίκα δ’ ὑμῖν πρῶτ’ ἐπιδείξω τὸν ἀλεκτρυόν’, ὡς ἐτυράννει ἦρχέ τε Περσῶν πρῶτος πάντων Δαρείων καὶ Μεγαβάζων, ὥστε καλεῖται Περσικὸς ὄρνις ἀπὸ τῆς ἀρχῆς ἔτ’ ἐκείνης. « Tout de suite et d’abord, je vous citerai le coq, qui était tyran et commandait aux Perses avant tous, les Dareios et Mégabazos, si bien qu’on l’appelle l’oiseau de Perse en raison de cette antique souveraineté. » Immédiatement après, il explique les raisons de cette association : διὰ ταῦτ’ ἄρ’ ἔχων καὶ νῦν ὥσπερ βασιλεὺς ὁ μέγας διαβάσκει ἐπὶ τῆς κεφαλῆς τὴν κυρβασίαν τῶν ὀρνίθων μόνος ὀρθήν. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) La qualification du coq comme l’oiseau perse n’est pas une invention d’Aristophane. Elle figurait déjà dans Cratinos, un poète comique d’une génération antérieure 38. Elle circule encore après l’époque classique 39 et explique pourquoi Varron puis Columelle tendent à corriger le nom d’un type de poules qu’ils connaissent, les Melica, formé sur le nom de Mélos dans les Cyclades, en Medica 40. Des auteurs grecs font aussi du coq un oiseau servi à la table royale perse 41. L’association du coq avec les rois d’Orient pourrait aussi expliquer pourquoi un satrape de Bactriane ou d’Arachosie, Sôphytès, a frappé monnaie au type du coq dans les années 300 av. J.-C. 42. L’association coqs/Perses doit aussi en partie sous-tendre l’histoire de Thémistocle utilisant un combat de coqs comme exemplum à l’usage des Athéniens pendant la seconde guerre médique que rapporte Élien, Histoire variée, II, 28 : Μετὰ τὴν κατὰ τῶν Περσῶν νίκην Ἀθηναῖοι νόμον ἔθεντο ἀλεκτρυόνας ἀγωνίζεσθαι δημοσίᾳ ἐν τῷ θεάτρῳ μιᾶς ἡμέρας τοῦ ἔτους· πόθεν δὲ τὴν ἀρχὴν ἔλαβεν ὅδε ὁ νόμος ἐρῶ. Ὅτε Θεμιστοκλῆς ἐπὶ τοὺς βαρβάρους ἐξῆγε τὴν πολιτικὴν δύναμιν, ἀλεκτρυόνας ἐθεάσατο μαχομένους· οὐδὲ ἀργῶς αὐτοὺς εἶδεν, ἐπέστησε δὲ τὴν στρατιάν, καὶ ἔφη πρὸς αὐτοὺς ‘ἀλλ’ οὗτοι μὲν οὔτε ὑπὲρ πατρίδος οὔτε ὑπὲρ πατρῴων θεῶν οὔτε μὴν ὑπὲρ προγονικῶν ἠρίων κακοπαθοῦσιν, οὐδὲ ὑπὲρ δόξης οὐδὲ ὑπὲρ ἐλευθερίας οὐδὲ ὑπὲρ παίδων, ἀλλ’ ὑπὲρ τοῦ μὴ ἡττηθῆναι ἑκάτερος, μηδὲ εἶξαι θατέρῳ τὸν ἕτερον.’ Ἅπερ οὖν 37. Voir DUNBAR 1995, p. 330-333. Au v. 707 où Περσικὸς ὄρνις suffit à désigner le coq ; au v. 277, il est annoncé comme ὁ Μῆδος et on s’étonne qu’il ne soit pas venu en chameau. Quand la crête n’évoque pas la tiare du Grand Roi, elle est assimilée au cimier du casque grec : Lucien, Songe, 3, ὡς ἔτι τοῦ κράνους τὸν λόφον ἔχειν ἐπὶ τῇ κεφαλῇ (« si bien qu’il a encore la crête du casque sur la tête », trad. J. Bompaire, CUF ; voir CSAPO 2008, p. 18). 38. PCG II, Cratinus fr. 279, p. 262-263 : ὥσπερ ὁ Περσικὀς […] ἀλέκτωρ, cité par Athénée, IX, 374 D (« comme le coq de Perse »). Voir aussi pour le début du Ve siècle av. J.-C. le proverbe évoqué par Élien, Histoire variée, XIII, 17 : Πτήσσει Φρύνιχος ὥς τις ἀλεκτρυὼν παροιμία, « Phrynichos se cacha comme un coq ». Il serait né de la fuite du poète après la représentation de La prise de Milet. Le contexte perse peut avoir influencé ce proverbe. 39. Par ex. chez Ménodote de Samos, au IIIe siècle av. J.-C. : Athénée, XIV, 655a. La qualification du coq comme oiseau perse revient dans la lexicographie : Suda, s. v. Ἀλεκτορίδες· […] ὅτι Περσικὸς ὄρνις ὁ ἀλέκτωρ λέγεται διὰ τὴν λοφίαν. Καὶ ζήτει ἐν τῷ Περσικὸς ὄρνις (« Les poules : […] car le coq est appelé l’oiseau de Perse, à cause de sa crête. Voir aussi à “Oiseau de Perse”. ») 40. Varron, Économie rurale, III, 9, 6 ; Columelle, De l’agriculture, VIII, 2, 4. Cf. Pline, Histoire naturelle, X, 48. 41. Hérakleidès de Kymè dans Athénée, IV, 145e. Le texte fait référence à des coqs (Πολλοὶ δὲ καὶ ὄρνιθες ἀναλίσκονται, οἵ τε στρουθοὶ οἱ Ἀράβιοι – ἐστὶν δὲ τὸ ζῷον μέγα – καὶ χήνες καὶ ἀλεκτρυόνες. « On fait aussi périr beaucoup d’oiseaux, comme des autruches d’Arabie – c’est un très grand animal –, des oies et des coqs. »). 42. IMHOOF-BLUMER, KELLER 1889, pl. V, 44 ; MITCHINER 1975, p. 23 ; BERNARD, PINAULT, ROUGEMONT 2004, notamment p. 311-314, sur le sens du coq sur ces monnaies. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) « C’est donc pour cela que maintenant encore, pareil au grand Roi, il fait de grands pas, et sur sa tête, seul de tous les oiseaux, porte la tiare droite. » (Trad. Hilaire Van Daele, CUF.) 37 Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 77 εἰπὼν ἐπέρρωσε τοὺς Ἀθηναίους. Τὸ τοίνυν γενόμενον αὐτοῖς σύνθημα τότε ἐς ἀρετὴν ἐβουλήθη διαφυλάττειν καὶ ἐς τὰ ὅμοια ἔργα ὑπόμνησιν. « Après la victoire contre les Perses, les Athéniens établirent une loi prescrivant d’organiser des combats de coqs un jour par an, aux frais de l’État, dans le théâtre. Je vais vous expliquer d’où cette loi tire son origine. Tandis que Thémistocle menait les forces de la cité à la rencontre des barbares, il observa des coqs qui combattaient. Il ne les vit pas en vain. Il fit arrêter l’armée et adressa ces propos aux soldats : “Ce n’est pas pour la patrie ni pour les dieux ancestraux, ni pour les tombeaux familiaux, pour la gloire ou pour la liberté, ni même pour leurs enfants que ceuxci mettent leur vie en danger, mais c’est pour ne pas se laisser vaincre par l’autre et pour ne pas céder.” Par ces paroles, il réconforta les Athéniens. Il voulut donc perpétuer l’exemple qui ce jour-là, les avait incités à la vaillance, comme rappel en vue de hauts faits semblables. » (Trad. Alessandra Lukinovich et Anne-France Morand, Les Belles Lettres.) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) UNE FAMILI ARI TÉ C ROI SSANTE AVE C L’E SPÈ C E Les coqs de Thémistocle sont des coqs combattants. C’est avant tout pour ce trait éthologique du mâle que les Grecs de l’époque archaïque se sont intéressés à cet oiseau. Le motif des coqs affrontés, qui se rencontre dès la céramique orientalisante, perdure dans les productions attiques. On pense aux coqs des colonnes entourant Athéna Promachos sur les amphores panathénaïques à partir des années 540-530 av. J.-C. et jusqu’à la fin du Ve siècle av. J.-C., peut-être par allusion à l’ardeur guerrière de ces oiseaux, comme sur cet exemplaire du musée Vivenel à Compiègne où le peintre a insisté sur la crête de l’oiseau et sur ses longues plumes caudales appelées en français les faucilles, mais n’a pas représenté l’ergot (fig. 5) 44. Ce motif des amphores panathénaïques a suscité des interprétations divergentes dont aucune n’a convaincu. Il tisse un lien entre le coq et la culture de l’agôn 45. Cela a peut-être conduit plus tard à présenter Agôn personnifié avec un coq de combat dans les mains 46. Au VIe siècle av. J.-C., les allusions aux coqs de combat deviennent très fréquentes dans la peinture sur vase 47. Parfois, c’est même la mise en scène des combats qui est illustrée, 43. Voir déjà PERDRIZET 1893, p. 162-163 : « Ce n’est qu’un conte. » Pour BRUNEAU 1965, p. 107, c’est une « historiette suspecte ». Analyse et contextualisation dans NADEAU 2016 et VESPA 2019. 44. Les colonnes aux coqs ne sont pas présentes dès l’origine des amphores panathénaïques : BRUNEAU 1965, p. 107 ; BENTZ 1998, p. 51-53 ; THEMELIS 2007, p. 31-32 ; POPKIN 2012, spécialement p. 216-221 ; ECKERMAN 2012, en faveur d’une interprétation comme une commémoration de victoires de combats de coqs ; GRABOW 2015, p. 63-67, avec analyse des sens possibles de cette image. Les coqs des colonnes disparaissent à l’extrême fin du Ve s. av. J.-C. et sont remplacés par des statues, représentées sur les colonnes : VALAVANIS 1987, p. 470-474, qui attribue ce changement à un affaiblissement symbolique de ces coqs. 45. Sur la naissance de la culture agonistique, ROUBINEAU 2016, p. 23-25. Le lien entre coq et agôn est déjà souligné par SELTMAN 1925, p. 93-101. Pour BENTZ 1998, p. 52-53, le coq comme cadeau érotique aurait aussi joué. 46. Voir le miroir de bronze du troisième quart du IVe siècle av. J.-C de Lyon (ARNOLD-BIUCCHI 1981, t. I.1, p. 304, et I.2, p. 224), mais la figure est très féminine (coiffure, parure), ce qui inciterait à reconnaître plutôt Niké. C’est cette image d’Agôn qui apparaîtrait sur les accoudoirs du trône du prêtre de Dionysos au théâtre d’Athènes, cf. ci-dessous. 47. GRABOW 2015, notamment p. 72. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Cette anecdote, qui fait changer l’oiseau de côté dans le conflit entre Grecs et Perses, est historiquement douteuse 43. Le texte d’Élien, rédigé en pleine époque sévérienne, cadre cependant bien avec le goût pour les combats de coqs en Italie et en Grèce qui perdure pendant le HautEmpire en les rattachant à de prestigieux souvenirs historiques. 78 Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 5. Athéna, les deux colonnes et les deux coqs sur une amphore panathénaïque, Athènes, vers 500-475 av. J.-C. Musée Vivenel, Compiègne, L.986. © Musée Antoine Vivenel, Compiègne. 6 et 7. Préparatifs d’un combat de coqs, lécythe, Athènes, fin du VIe siècle av. J.-C. Musée du Louvre, F368. © Musée du Louvre / H. Lewandowski. Cette période de la fin de l’Archaïsme voit se multiplier l’image du coq seul, dans des contextes militaire, religieux, érotique ou funéraire. Un coq apparaît sur la face est du monument funéraire des Harpyies à Xanthos en Lycie, vers 500-480 av. J.-C., où il est apporté en offrande soit à un défunt, soit à une divinité (fig. 8) 51. C’est un des éléments qui tissent un lien entre le 48. PERDRIZET 1893. 49. Pollux, Onomasticon, X, 160 : […] οἷον οἰκίσκος ὀρνίθειος […] καὶ καλιὰ δὲ καὶ καλιὸς ὁ τοιοῦτος οἰκίσκος […] (« De même, un petit logement pour les oiseaux […] et ce petit logement s’appelle kalia ou kalios. »). Le terme καλιὰ est employé dans un papyrus de Zénon, PSI VI, 569 : nous en reparlerons. 50. Voir Eschyle, Euménides, 866 : ἐνοικίου δ’ ὄρνιθος οὐ λέγω μάχην (« je ne veux pas parler du combat de l’oiseau qu’on élève chez soi »). 51. JENKINS 2006, p. 163-168, fig. 156. Sur un autre côté, un jeune homme tient un autre oiseau par les ailes (fig. 159), une colombe. Sur la date de ce monument, parfois descendu aux années 470 av. J.-C., RIDGWAY 1970, p. 95. Sur les coqs (et © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) comme sur un lécythe du Louvre de la fin du VIe siècle av. J.-C. où deux propriétaires tiennent chacun leur champion, l’un déjà à terre, l’autre encore dans les bras de son maître (fig. 6 et 7) 48. Un spectateur – ou un juge – est là. Au mur, est suspendu ce qui semble être une cage de transport, en grec un kalios ou une kalia 49. C’est une scène de prélude au combat. La mise en présence des deux coqs stimule l’agressivité de ces mâles. Le goût des combats de coqs était répandu en cette période de la fin du VIe siècle et du début du Ve siècle av. J.-C. et Eschyle y fait une allusion dans Les Euménides, en 458 av. J.-C., mais en mauvaise part. Ils symbolisent la discorde entre citoyens 50. 79 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) coq et les pratiques funéraires 52. Des coqs figurent sur les pinakes du sanctuaire de Perséphone à Locres en Italie : sur l'un, par exemple, un coq est apporté à Hadès et Perséphone (courant Ve siècle av. J.-C.) 53. On rencontre aussi le coq comme épisème de bouclier, ce qui est normal en raison de sa valeur d’exemplum virtutis pour les combattants 54. Pausanias décrit un bouclier sans doute archaïque car portant une dédicace sinistroverse qu’il voit à Olympie avec un coq comme emblème. Il était censé être celui d’Idoménée, descendant d’Hélios 55. On a du reste découvert à Olympie des silhouettes de coq ornant des boucliers du VIe siècle av. 8. L’offrande du coq, monument des Harpyies, Xanthos, J.-C. 56. Parfois, les peintres explicitent aussi vers 500-480 av. J.-C. Original au British Museum (1848,1020.1), moulage du musée des Moulages, l’affrontement de deux hoplites en encadrant université de Montpellier 3, A-058. © A. Seguin. 57 leur combat par l’image de deux coqs . L’oiseau figure souvent comme cadeau dans les relations entre érastes et éromènes dès la seconde moitié du VIe siècle av. J.-C. Le peintre de Berlin l’a représenté comme cadeau de Zeus à Ganymède sur un cratère à figures rouges du début du Ve siècle av. J.-C. (fig. 9) 58. S’il l’on offre des coqs aux éromènes, si l’on s’en réclame en tant qu’hoplite, c’est parce que l’oiseau est signe à la fois d’ardeur masculine 59 et modèle de combativité 60. Vers 500 av. J.-C., le coq apparaît aussi comme type monétaire. Au début du VIe siècle av. J.-C., Karystos en Eubée émettait des monnaies représentant un coq (fig. 10). Le type s’explique autant par la célébrité des coqs de combat de Karystos que par un jeu de mots entre le verbe karyssô, « proclamer par voix de héraut », le nom de la cité et l’image du coq en tant que héraut annonçant l’arrivée du soleil 61. À la même période, Himère, en Sicile, s’est montrée constante dans l’emploi de ce type. Une émission de drachmes du début du Ve siècle av. J.-C. présente même une poule au revers, motif rare dans l’iconographie les poules) dans la sculpture grecque, voir RICHTER 1930, p. 39-40 et pl. LXIII. 52. GRABOW 2015, p. 61-62. 53. LEWIS, LLEWELLYN-JONES 2018, p. 252-253 ; ThesCRA I, p. 115 et pl. 75, no Gr 115 (J. Boardman et al.). Les coqs sont fréquents sur les tablettes du sanctuaire de Perséphone à Locres : MARRONI, TORELLI 2016, p. 37-38 et p. 92. Un pinax mal conservé semble montrer une poule entourée de deux poussins : LISSI CARONNA, SABBIONE, VLAD BORRELLI 1999, t. 1, p. 155-157, et t. 4, pl. XVII ; LISSI CARONNA, SABBIONE, VLAD BORRELLI 2007, t. 3, fig. 91. Il est unique dans la série et très fragmentaire : les deux poussins sont bien visibles, mais de la poule, on ne voit que les pattes et les cuisses. 54. Par exemple sur une coupe du Louvre à figures rouges par Skythès (fin du VIe siècle av. J.-C.), BOARDMAN 1996, ill. 91. Voir aussi HOFFMANN 1974, p. 201-202. 55. Pausanias, V, 25, 9 : ὅτου δὲ ὁ ἀλεκτρυών ἐστιν ἐπίθημα τῇ ἀσπίδι, Ἰδομενεύς ἐστιν ὁ ἀπόγονος Μίνω· τῷ δὲ Ἰδομενεῖ γένος ἀπὸ Ἡλίου τοῦ πατρὸς Πασιφάης. Ἡλίου δὲ ἱερόν φασιν εἶναι τὸν ὄρνιθα καὶ ἀγγέλλειν ἀνιέναι μέλλοντος τοῦ ἡλίου (« Le person- nage dont le bouclier porte un coq en blason est Idoménée, le descendant de Minos. La famille d’Idoménée descend d’Hélios père de Pasiphaé : cet oiseau est, dit-on, l’oiseau sacré d’Hélios, il annonce que le soleil va se lever », trad. J. Pouilloux, CUF). 56. KUNZE 1956, p. 60-61 et pl. 30. 57. GRABOW 2015, p. 48 et 81, no 78 et pl. 16.45 : sur une amphore attique de la période 570-560 av. J.-C. conservée au Metropolitan Museum de New York, inv. 56.171.15. 58. Louvre (G 175). Voir aussi sur une coupe du peintre d’Euaikmè (Ashmolean Museum, Oxford) où l’éraste tient le coq en s’approchant de l’éromène : BOARDMAN 1996, ill. 373. 59. CSAPO 2008, p. 24-33. 60. VENDRIES 2003. 61. Sur le coq « héraut » d’Hélios, voir ci-dessus n. 55. Cf. THEMELIS 2007, p. 32. Le coq se rattache aussi à Hermès dont il est le parèdre (Lucien, Songe, 2 : ἐγὼ δὲ Ἑρμοῦ πάρεδρος ὢν λαλιστάτου καὶ λογιωτάτου θεῶν ἁπάντων, « Or moi, je suis le parèdre d’Hermès, le plus loquace et le plus éloquent de tous les dieux », trad. J. Bompaire). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) monétaire (fig. 11) 62. La poule est en effet peu fréquente dans l’iconographie archaïque. Une terre cuite béotienne du Getty représente une femme nourrissant une poule et ses poussins (vers 500-475 av. J.-C.), signe d’élevage et peut-être déjà expression des soins maternels (fig. 12) 63. Quand la poule est représentée, c’est surtout en combinaison avec des coqs. Elle figure ainsi sur les bandes décorées de coupes des petits-maîtres, comme sur cet exemplaire du Louvre où, par polarisation, elle occupe un côté, l’autre montrant des coqs (fig. 13) 64. Un peu plus tard, vers 480 av. J.-C., la frise d’un monument funéraire de Xanthos juxtapose des couples de coqs affrontés, prêts à se battre ou déjà en train de le faire. Les poules apparaissent soit en spectatrices du combat, soit indifférentes à ce qui se déroule (fig. 14 et 15) 65. Une chous classique à figures rouges trouvée à Érétrie montre de jeunes garçons nourrissant des coqs et des poules 66. Les caractéristiques des coqs sont toujours les mêmes (faucilles, crête haute, barbillons qui pendent sous la tête, ergots souvent, mais pas toujours). Elles masculinisent l’animal, dessinant comme un cimier et une barbe. Sur le plan iconographique, la silhouette des poules est pour nous plus surprenante, au point qu’elle rappellerait plus celle des pigeons. L’oiseau n’a pas encore cette forme trapue et ronde que nous lui connaissons. Les poules des imagiers grecs des époques archaïque et classique arborent plutôt une allure gracile et longiligne ; la crête et les barbillons manquent. L’élément caractéristique essentiel est la queue et ses plumes rectrices. C’est encore la silhouette de la poule sauvage, type bankiva. Manifestement, la zootechnie n’a pas encore beaucoup contribué à modifier l’aspect des poules domestiques. 10. Statère de Karystos, avec coq, fin du VIe siècle av. J.-C. British Museum, 1896,0601.42. © The Trustees of the British Museum. 9. Cratère avec Ganymède au cerceau et au coq, peintre de Berlin, Athènes, vers 500-490 av. J.-C. Musée du Louvre, G175. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / S. Maréchalle. 62. IMHOOF-BLUMER, KELLER 1889, pl. V, no 41-42 ; cf. no 35. Le coq aurait une valeur érotique liée au héros fondateur d’Himère, Himéros : DARMON 1980, p. 81-82. Un jeu de mot entre Himère et héméra, le jour, n’est pas à exclure. 63. TRUE, HAMMA 1994, p. 104-105, cat. no 44. 11. Drachme d’Himère avec coq et poule, début du Ve siècle av. J.-C. British Museum, 1928,0120.35. © The Trustees of the British Museum. 64. KOZLOFF, GEHRIG 1983, no 101, p. 105-106. 65. COOK 1976, p. 69. 66. MARTIN PRUVOT, REBER, THEURILLAT 2010, p. 169, no 96, période 430-425 av. J.-C. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 80 Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 81 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 13. Coupe des petits-maîtres, avec coqs et poules, Athènes, vers 550-525. av. J.-C. Musée du Louvre, Elé36. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / T. Querrec. 14. Détail d’un monument funéraire, poules, Xanthos, vers 480 av. J.-C. British Museum, 1848,1020.16. © The Trustees of the British Museum. 15. Partie de frise d’un monument funéraire, coqs et poules, Xanthos, vers 480 av. J.-C. British Museum, 1848, 1020.13. © The Trustees of the British Museum. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 12. Statuette d’une femme nourrissant une poule et ses poussins, Béotie, vers 500-475 av. J.-C. J. Paul Getty Museum, Villa collection, Malibu, California, gift of B. and L. Fleischman, no 96.AD.101. © J. Paul Getty Museum. Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) L’intérêt des Grecs pour le coq devait venir en partie du plumage de l’oiseau 67. Ce goût pour « l’oiseau aux plumes de pourpre », selon une expression de Cratinos 68, n’est cependant pas clairement exprimé dans les textes. On en trouve peut-être une expression tardive dans une lettre des archives de Zénon de Caunos, datée de février 252 av. J.-C. et que lui a envoyée un certain Philinos. Philinos est le propriétaire d’un domaine du voisinage, dans le Fayoum (Égypte). Par l’intermédiaire d’un chamelier, Libanos, il expédie à Zénon toute une série de biens dont de nombreux oiseaux décrits d’après la couleur de leur plumage et celle de leurs yeux. Ces oiseaux, des mâles et des femelles qui semblent à chaque fois former des couples, sont seulement nommés comme ornitha, mais ce mot s’applique alors déjà dans la langue courante aux poules. Des cages pour les contenir (des kaliai) sont envoyées en même temps 69. C’est donc le coq qui occupe l’essentiel du champ iconographique. Pour ceux qui en possèdent, il sert de status symbol 70. C’est en partie à ce titre qu’il apparaît, mais rarement, sur des stèles funéraires. On ne peut en effet uniquement expliquer la présence du coq sur ces monuments de manière symbolique, en le liant au passage de la nuit au jour et à l’idée de renaissance 71. Il figure aussi sur des stèles en tant qu’animal de compagnie à partir du IVe siècle av. J.-C., même si le motif de l’enfant attaqué par un coq a sans doute plutôt une valeur symbolique, exprimant la mort prématurée 72. Accueillir un nouvel animal, c’est aussi lui donner un nom. Pour le coq et la poule, les locuteurs hellénophones ont hésité 73. Trois mots apparentés sont utilisés pour le coq : alektryôn, alektôr et alektoron 74. Le verbe alexein, « défendre », a dû jouer un rôle important dans le processus, surtout dans un contexte de popularité des combats de coqs. Alektryôn – nous l’avons dit – est aussi un anthroponyme porté par un héros que l’Iliade mentionne brièvement. Il est le père du guerrier Leitos que blesse Hector 75. Le mythe a fini par faire de cet Alektryôn le gardien peu vigilant des amours d’Arès et d’Aphrodite, censé faire le guet, mais qui s’endort au moment où 67. Élien, La personnalité des animaux, XVI, 2, sur les couleurs des plumes des coqs indiens : χρόαν δὲ ἔχει τὰ πτερὰ τῶν Ἰνδῶν ἀλεκτρυόνων χρυσωπόν τε καὶ κυαναυγῆ κατὰ τὴν σμάραγδον λίθον (« Les plumes des coqs indiens sont de couleur dorée, avec des reflets bleutés qui rappellent l’émeraude. », trad. A. Zucker, qui pense qu’Élien décrit ici une variété indienne de faisan ; cela pourrait aussi correspondre au plumage de Gallus gallus, qu’on trouve plutôt dans le nord-est de l’Inde, la sousespèce la plus présente en Inde, Gallus sonneratii, ayant un plumage moins doté). 68. PCG II, Cratinus fr. 121, p. 183 : ὄρνιθα φοινικóπτερον (Athénée, IX, 373d). 69. PSI 569 ; trad. ORRIEUX 1983, p. 92. Tout le monde ou presque a cru reconnaître des coqs et des poules dans ces oiseaux. EVANS 2010 a suggéré qu’il pourrait s’agir de pigeons, car le critère de la couleur de l’œil irait mieux. Nous ignorons s’il y a eu une utilisation artisanale des plumes de coq dans l’Antiquité. Aujourd’hui, elles servent à faire des mouches de pêche. Le papyrus PCZ 59266, de mai 251 av. J.-C., montre aussi un emploi d’ornis pour parler d’une poule et les œufs de poule sont là des ὤια ὀρνίθεα. 70. Platon, Lysis, 211e : les coqs sont enviables, ainsi que les chevaux, les chiens, les cailles. Sur cette valeur des coqs, HOFFMANN 1974, p. 210-213. 71. WOYSCH-MÉAUTIS 1982, p. 41 et 120-121 (pl. 30, no 215 et 216). Sur la symbolique du coq, CSAPO 2008, p. 16. 72. Voir une stèle smyrniote de la basse époque hellénistique, celle d’Amyntès fils d’Apollônios, où un enfant cherche à protéger un fruit qu’il tient dans la main d’un coq : HASSELINROUS, LAUGIER, MARTINEZ 2010, no 31, p. 76-77, avec la notice de L. Laugier, pour qui le défunt est un enfant. J.-L. Martinez dans PASQUIER, MARTINEZ 2007, p. 202, suggère que ce motif reproduit un groupe sculpté montrant un enfant attaqué par un coq, repris ailleurs et comparable au groupe de l’enfant à l’oie. Sur cette stèle de Smyrne, voir aussi ZANKER 1993, p. 221-222, où le coq est interprété dans le cadre d’un discours plus général sur la paideia. Dans la réalité, les attaques de coqs contre des enfants (et parfois des vieillards) peuvent être dangereuses. Pour un enfant, entrer dans un poulailler et faire face au coq est une épreuve. VENDRIES 2007 retrouve ce motif sur la mosaïque de Piazza Armerina, dans les années 320 apr. J.-C. ; là, l’enfant se défend contre le coq, et ne cherche pas à protéger un fruit. 73. Sur ce genre de problème en grec, voir BODSON 2005, notamment p. 455 et 464-465, et BODSON 2014, p. 561, pour le coq (version électronique diffusée par l’auteure). 74. CHANTRAINE 1968, t. 1, p. 58. 75. Homère, Iliade, XVII, 602. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 82 Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 83 vient le jour, laissant à Hélios l’occasion d’entrevoir la scène d’adultère 76. Lucien en a finalement fait le dieu principal de l’île des rêves 77. Par la suite, l’anthroponyme Alektryôn est resté très rare 78. Comment appeler la poule ? Une solution a consisté à reprendre alektryôn, avec un article féminin, hê alektryôn. C’est une pratique habituelle du grec : ho hippos est le cheval, hê hippos la jument, comme ho bous le bœuf, hê bous, la vache. Aristophane dans les Nuées, une pièce de 423 av. J.-C., imagine ce dialogue entre Strepsiade et Socrate (v. 659-667, trad. Hilaire Van Daele CUF modifiée) : © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) « Socrate — […] parmi les quadrupèdes, quels sont ceux qui sont proprement masculins ? Strepsiade — Mais je les connais les masculins, à moins que je ne sois fou : bélier, bouc, taureau, chien, coq. Socrate — Vois-tu ce qui t’arrive ? La femelle, tu l’appelles “coq” tout comme le mâle. Strepsiade — Comment donc ? Voyons. Socrate — Comment ? “Coq” et “coq”. Strepsiade — En effet, par Poséidon. Mais alors, comment me faut-il l’appeler ? Socrate — “Coque” et l’autre “coq”. Strepsiade — Coque ? Bon d’accord, par l’Air. » Le passage d’Aristophane indique une autre solution consistant à féminiser la forme nominale en hê alektryaina. Il est cependant le seul auteur grec à employer ce mot qu’on ne retrouve sinon que chez les scholiastes qui commentent Aristophane. L’auteur comique s’amuse donc à jouer avec la langue, mais en suivant un schéma. Au début du Ve siècle av. J.-C., il avait fallu trouver un féminin à leôn et on avait alors inventé leaina 79. On trouve en fait surtout, pour la poule, la forme hê alektoris, employée notamment par Aristote 80. En pratique, les Grecs semblent avoir pris l’habitude d’utiliser hê ornis, « l’oiseau », mais au féminin, pour désigner particulièrement la poule 81. Cette évolution est clairement soulignée au IIe siècle apr. J.-C. par Galien, dans son traité Sur les facultés des aliments, où il écrit (III, 18), pour que son lecteur n’ait pas de doutes sur ce dont il parle : 76. Lucien, Songe, 3. Voir CSAPO 2008, p. 17-18. 77. Lucien, Histoires vraies, II, 32. 78. Le Lexicon of Greek Personal Names donne deux résultats seulement, en Laconie et en Macédoine, ce dernier exemple étant un surnom : celui d’un Adaios, Ἀδαῖος ὁ Ἀλεκτρυὼν ἐπικαλούμενος (Athénée, XII, 532e) ; avec jeu de mots sur le chant du coq. 79. Les deux premières occurrences se trouvent chez Eschyle, par exemple Agamemnon, 1258. Sur les questions de genre des zoonymes : voir l’étude à paraître de Cristiana Franco. 80. Nombreux exemples, ainsi dans Aristote, Histoire des animaux, VI, 1, 558b13, 21. 81. On dira aussi ἡ ὄρνις Μελεαγρίς, « la poule méléagride », pour désigner la pintade : Pausanias, X, 32, 16. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Σω. […] τῶν τετραπόδων ἅττ’ ἐστὶν ὀρθῶς ἄρρενα. Στ. ἀλλ’ οἶδ’ ἔγωγε τἄρρεν’, εἰ μὴ μαίνομαι· κριός, τράγος, ταῦρος, κύων, ἀλεκτρυών. Σω. ὁρᾷς ἃ πάσχεις; τήν τε θήλειαν καλεῖς ἀλεκτρυόνα κατὰ ταὐτὸ καὶ τὸν ἄρρενα. Στ. πῶς δή, φέρε; Σω. πῶς; ἀλεκτρυὼν κἀλεκτρυών. Στ. νὴ τὸν Ποσειδῶ. νῦν δὲ πῶς με χρὴ καλεῖν; Σω. ἀλεκτρύαιναν, τὸν δ’ ἕτερον ἀλέκτορα. Στ. ἀλεκτρύαιναν; εὖ γε, νὴ τὸν Ἀέρα· 84 Christophe Chandezon Ὄρνιθας ὀνομαζόντων τῶν παλαιῶν ἅπαντα τὰ πτηνὰ καὶ δίποδα ζῷα τοῖς νῦν Ἕλλησιν ἔθος ἤδη γέγονε τὰς ὑπ’ ἐκείνων ἀλεκτορίδας καλουμένας μόνας οὕτω προσαγορεύειν, ὥσπερ γε καὶ τοὺς ἄρρενας ἐν αὐταῖς ἀλεκτρυόνας. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Les exemples d’emploi restrictif d’ornis dans les textes de l’époque impériale sont nombreux. On en trouve notamment chez Élien, qui oppose alektryôn et ornis 83. Le développement sur les coqs et les poules, dans les Deipnosophistes d’Athénée, commence aussi par ce point de vocabulaire : l’usage est désormais de parler à leur sujet d’ornithes et d’ornithia 84. Athénée a rassemblé un dossier montrant que ce fait de langue était déjà perceptible du temps de Ménandre, donc au début de l’époque hellénistique. Il y a peut-être des signes plus précoces encore de cette évolution. Xénophon, dans l’Anabase, emploie ornis pour la volaille domestique des paysans d’Arménie, et il y a des chances qu’il s’agisse de poules. Il est difficile de dire quand le basculement vers ornis = poule a eu lieu dans la langue courante mais le phénomène n’en est pas moins intéressant parce qu’il témoigne que la poule a fini par devenir la volaille par excellence, à la place de l’oie. La difficulté à lui donner un nom, le choix de faire dériver celui-ci du nom du coq sont révélateurs d’un décalage entre le moment où l’espèce s’est fait une place dans le bestiaire grec, grâce à l’intérêt pour le coq, et le moment où la poule a fini par devenir l’oiseau de basse-cour. LES CO M BATS DE C OQS : DU DI VE RTI SSE ME NT À L’AGÔN I NST I T U É ? Quand Pindare et Eschyle mentionnent le coq, au début du Ve siècle av. J.-C. 85, c’est donc pour les combats. La source textuelle classique la plus précise sur ce divertissement est l’orateur Eschine (IVe siècle av. J.-C.) 86. Il présente les combats de coqs (et de cailles) comme des spectacles de taverne attirant un public peu relevé et plutôt jeune. Ils pouvaient cependant aussi passionner des membres des élites et des hommes mûrs. Ils font l’objet d’une certaine réprobation de la part de Platon qui y voit une occupation un peu vaine, sans doute acceptable pour des enfants, mais ridicule pour des gens plus âgés 87. Les sources tardives ajoutent à cela pas mal d’informations. 82. Voir aussi la précision dans Hésychios, ἀλεκτρυόνες· κοινῶς οἱ παλαιοὶ καὶ τὰς θηλείας ὄρνεις ἐκάλουν. (« Alektryones : les Anciens appelaient aussi ainsi de façon générale les femelles. ») Cela témoigne de l’évolution du vocabulaire grec. 83. Élien, La personnalité des animaux, II, 30. Cf. en XVII, 46, où ornis désigne les alektryones et les alektorides. 84. Athénée, IX, 373a : ἀλλὰ μὴν καὶ ὄρνιθας καὶ ὀρνίθια νῦν μόνως ἡ συνήθεια καλεῖ τὰς θηλείας (« mais en fait, maintenant, l’usage est d’appeler ornithes et ornithia seulement les femelles » ; citation de Myrtilos). 85. Pindare, Olympiques, 12, 14 : un vainqueur d’Himère, Ergotélès, y est comparé à ἐνδομάχας ἅτ’ ἀλέκτωρ συγγόνῳ παρ’ ἑστίᾳ, « un coq qui livre d’obscures batailles auprès du foyer domestique ». Cf. Eschyle, Euménides, 861, avec mention des encouragements vocaux destinés aux coqs en plein combat. 86. Eschine, Contre Timarque, 53 et 59 (analyse dans FISCHER 2004). Le plateau (τηλία) sur lequel on fait se battre les coqs apparaît aussi dans les combats de cailles (mâles) chez Pollux, Onomasticon, IX, 108. Cela rappelle des usages pour les combats de coqs ou de cailles en Chine : GRAY 1878, t. 1, p. 394. Mention de paris dans Plutarque, Fortune des Romains, 7, 319F, à Rome à la fin de la République (voir aussi dans la citation de Columelle, en introduction), comme aujourd’hui à Bali (GEERTZ 1975, p. 425-432). CSAPO 2008, p. 30 et 35-36, associe ce loisir à la jeunesse et aux aristocrates, ce qui n’est pas si net dans les sources. 87. Platon, Lois, VII, 789b-C. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) « Les anciens appelaient oiseaux tous les animaux ailés et bipèdes, mais c’est devenu une habitude chez les Grecs de nos jours d’appeler ainsi uniquement ceux qu’ils nommaient alektorides, ainsi que leurs mâles les alektryones. » (Trad. John Wilkins, CUF, modifiée) 82. 85 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Élien explique que certains, dans les classes aisées, pouvaient, comme pour des chiens et des chevaux, faire faire des tombes et composer des épigrammes à la mémoire de leurs coqs de combat 88. Sans doute les Grecs étaient-ils aussi attentifs à ces animaux, qu’ils gardaient volontiers à la maison, que le sont aujourd’hui les Balinais 89. Le succès de ce divertissement était tel qu’il avait suscité des pratiques zootechniques. On avait mis au point des types de coqs de combat, équivalents aux races combattantes actuelles. Ils sont connus avant tout par les traités latins d’agriculture. Il y avait les coqs de Tanagra et ceux de Chalcis, bons combattants certes, mais piètres reproducteurs, à éviter donc dans les poulaillers, sauf peut-être pour des croisements. Columelle parle aussi des coqs de Rhodes 90. La réputation des coqs de Tanagra remontait au moins à l’époque hellénistique. Une épigramme d’Antipatros de Sidon (IIe siècle av. J.-C.) en parlait déjà 91 et Pausanias, décrivant Tanagra, signalait la présence de deux types différents de coqs, les machimoi (les combattants), et les kossyphoi, noirs comme des merles ou des corbeaux 92. Les coqs de combat d’Alexandrie sont évoqués par une source tardive, les Géoponiques 93. En Égypte, du reste, Gallus gallus ne s’introduit dans le bestiaire qu’à l’époque hellénistique, sa présence auparavant étant sporadique 94. Les terres cuites animalières de l’époque gréco-romaine représentent en revanche souvent le coq en tant qu’oiseau combattant, donc dans un contexte iconographique emprunté au monde grec 95. Le combat reposait sur des pratiques codifiées. On préparait les coqs en les nourrissant avec de l’ail 96, ce qui rappelle les recommandations aux athlètes. Les combats se terminaient en général par la mort d’un combattant au moins, parfois des deux 97, et se déroulaient dans une ambiance sonore dense : cris des spectateurs, chant du coq vainqueur 98. La férocité de l’affrontement expliquait que l’ardeur du coq servît à exhorter les soldats au combat, mais pour la cité, comme dans l’anecdote d’Élien 99. L’idée était aussi sous-jacente dans un passage de Diogène Laërce montrant Socrate en train de donner au stratège Iphicrate l’exemple de deux coqs se battant 100. 88. Élien, Histoire variée, VIII, 4, sur un Athénien qui faisait des funérailles à ses chiens et coqs préférés. 89. GEERTZ 1975, p. 418-419. Cette étude offre un riche matériau ethnographique. 90. Varron, Économie rurale, III, 9, 6 ; Columelle, De l’agriculture, VIII, 2, 4 et 13. Voir aussi Martial, Épigammes, III, 58, 17, qui, dans la description d’une basse-cour romaine, mentionne coq et poule de Rhodes. 91. Anthologie palatine, VII, 424, d’Antipatros de Sidon (IIe siècle av. J.-C.) : ὅ τ’ εὐόρνιθι Τανάγρᾳ / οἰωνὸς βλαστῶν, θοῦρος ἐγερσιμάχας (« le volatile qui naît à Tanagra riche en oiseaux, impétueux exciteur de bataille », 3-4), plus loin, νύκτερος ὄρνις (le « chanteur nocturne », trad. P. Watz et al., CUF). 92. Pausanias, IX, 22, 4 : ἔστι δὲ καὶ γένη δύο ἐνταῦθα ἀλεκτρυόνων, οἵ τε μάχιμοι καὶ οἱ κόσσυφοι καλούμενοι. (« Il existe là deux genres de coqs, les uns appelés combattants, les autres merles. », trad. personnelle). Cf. Babrius, 5. L’évocation des coqs de Tanagra revient dans Lucien, Songe, 4, et Pline, Histoire naturelle, X, 48. 93. Géoponiques, XIV, 7, 30. 94. VERNUS, YOYOTTE 2005, p. 397-403. Un des ostraka de la Vallée des rois, près de Thèbes, comporte un dessin de coq datant du XIIIe siècle av. J.-C. : LEWIS, LLEWELLYN-JONES 2018, p. 245-246. 95. BOUTANTIN 2014, p. 362-377. 96. Aristophane, Cavaliers, 493-495, dans le passage où l’on prépare le marchand de saucisses à affronter Cléon. Le combat qui s’annonce est métaphoriquement assimilé à un combat de coqs. Voir aussi Xénophon, Le banquet, IV 9. 97. Pline, Histoire naturelle, X, 47, sur la fréquence de combats entraînant la mort des deux coqs et donc la difficulté à déterminer le vainqueur. Voir BRADLEY 1998, p. 550-551. 98. Eschyle, Euménides, 861. 99. VESPA 2019 : le but de cette histoire dépasse le simple exemple animal. Les hommes doivent utiliser leur ardeur combattante pour le salut de la cité, et non se battre entre eux sans enjeu, comme le font les coqs. Les hommes montrent ainsi leur supériorité sur les animaux. 100. Diogène Laërce, II, 30. Voir Plutarque, Sur les contradictions stoïciennes, 1049A, citant le philosophe Chrysippe sur l’utilité des coqs : χρησίμως γεγόνασιν· ἐπεγείρουσι γὰρ ἡμᾶς καὶ τοὺς σκορπίους ἐκλέγουσι καὶ κατὰ τὰς μάχας ἐπιστρέφουσι, ζῆλόν τινα πρὸς ἀλκὴν ἐμποιοῦντες· ὅμως δὲ δεῖ κατεσθίειν καὶ τούτους, ἵνα μὴ τὴν χρείαν ὑπερβάλλῃ τὸ πλῆθος τῶν νεοττῶν. (« Leur existence est utile, parce qu’ils nous réveillent, parce qu’ils enlèvent les scorpions, et parce qu’ils nous font affronter les batailles en faisant naître en nous une certaine ardeur au combat. Mais il faut quand même les manger eux aussi afin que la masse des poussins n’excède pas le besoin qu’on en a. », trad. D. Babut, CUF ; Stoicorum veterum fragmenta, éd. von Arnim, III, Leipzig, 1903, p. 177, frgt 705). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 86 Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 16. Accoudoirs du siège du prêtre de Dionysos, théâtre de Dionysos, Athènes. Photo © Ch. Vendries. 101. La datation du trône du prêtre et de son décor au IVe siècle av. J.-C. domine : FIECHTER 1935, p. 64-65 ; MAASS 1972, p. 60-76, notamment p. 69-71 sur le relief qui nous intéresse (avec présentation des hypothèses et préférence pour le IVe siècle av. J.-C.) ; WURSTER 1979, p. 62 ; GOGOS 2008, p. 70-75. Voir aussi HOFFMANN 1974, p. 195-198, sur les biais idéologiques qui ont pesé sur l’analyse d’une œuvre dont on a parfois repoussé la datation classique, car les combats de coqs auraient été un spectacle indigne des Grecs de cette époque. 102. L’association du coq à Éros est fréquente et souligne la dimension guerrière autant qu’érotique du dieu. Voir un miroir de bronze (vers 340 av. J.-C.) d’une tombe de la nécropole d’Aineia en Macédoine : DESCAMPS-LEQUIME et al. 2011, no 191.1, 313. Là, Éros est représenté dans une position d’attaque, un arc à la main, un coq à ses pieds. La figure a été aussi souvent identifiée à Agôn et ARNOLD-BIUCCHI 1981 le fait figurer dans le LIMC à l’article « Agôn », en laissant subsister la possibilité d’une image d’Éros. 103. PALAGIA 2008, p. 222 et 224. 104. Lucien, Anacharsis, 37, avec aussi mention des combats de cailles. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) À un certain moment, à Athènes, les combats de coqs ont fini par être institutionnalisés, ce qui veut dire que la cité se mit à prendre en charge l’organisation de combats. Chaque année, il y en avait un dans le théâtre de Dionysos. Le passage d’Élien à propos de Thémistocle fait remonter cela aux guerres médiques. L’information s’appuie sur un réel dossier, dont le décor sur les accoudoirs du siège du prêtre de Dionysos Éleuthereus dans le théâtre. Sa datation débattue oscille entre le IVe siècle av. J.-C. et l’époque antonine (fig. 16) 101. On voit un personnage nu, Éros ou plutôt Agôn 102, qui tend un coq prêt à attaquer : le coq adverse est présent, à terre, sculpté dans l’amortissement de l’accoudoir. Les combats de coqs apparaissent aussi sur le calendrier de la Petite Métropole pour le mois de Poseidéôn, là encore, comme s’il s’agissait d’un spectacle institutionnalisé. On date aujourd’hui ce relief de l’époque impériale (fig. 17) 103. Lucien, toujours à l’époque impériale, suggère également que la loi imposait aux adolescents d’assister à ces combats, dans le but de leur enseigner l’esprit guerrier 104. 87 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 17. Le combat de coqs du calendrier de la Petite Métropole, Athènes. Moulage du musée des Moulages, université Montpellier 3, A-327. © M. Dantan. Tout cela pose le problème de l’époque de cette institutionnalisation. Certains la font remonter au VIe siècle av. J.-C., d’où les coqs des colonnes encadrant Athéna sur les amphores panathénaïques 105. On est en droit d’en douter, comme de la datation aux lendemains de la seconde guerre médique que suggère Élien. Les documents parlant de cet agôn institutionnalisé rapportent certes la pratique à l’époque classique, mais datent tous de l’époque impériale 106. On peut au mieux situer l’institutionnalisation athénienne au IVe siècle av. J.-C., mais sur l’unique base du décor du théâtre de Dionysos. L’ambiance patriotique de l’époque de Lycurgue fournirait un contexte possible 107. Une autre date dans le courant du IIe siècle av. J.-C. est envisageable. En 146/5 av. J.-C., deux monétaires athéniens, Charias et Hérakleidès, choisissent comme différent pour les tétradrachmes à la couronne qu’ils font frapper un coq avec une palme dans son bec 108. Une institutionnalisation remontant alors aux années 170-160 av. J.-C. s’expliquerait car elles voient une profonde réorganisation de la vie agonistique athénienne 109. On ne doit enfin pas écarter l’hypothèse d’une institutionnalisation en pleine époque impériale. Le plus probable est donc qu’à 105. ECKERMAN 2012, p. 43, interprète les coqs des amphores panathénaïques comme la commémoration de combats de coqs vus « whether as a formal event or as an informal spectacle », en ne s’appuyant, pour l’hypothèse de combats « formels », que sur les textes d’époque impériale. Il admet que ces combats ne sont jamais attestés dans le programme des Panathénées (FISCHER 2004, p. 70-71, suggère leur intégration aux Dionysia). Ajoutons qu’aucun texte ne fait de lien entre les combats de coqs et Athéna ; l’oiseau semble peu lié à la déesse. 106. VESPA 2019, p. 436-446. Voir aussi p. 454 : « i testi che provengono dalla Grecia classica non fanno menzione di combatti- menti di galli di natura rituale, in qualche modo dunque istituzionalizzati e inseriti in contesti di agoni pubblici durante feste della comunità civica. » 107. Et l’histoire du combat de coqs à la bataille de Salamine pourrait elle aussi avoir été forgée dans ce contexte qui voit la mise en place d’une ambitieuse politique navale : HOFFMANN 1974, p. 219-220. 108. THOMPSON 1961, p. 65-71 et pl. 16 (datation en 178/7 av. J.-C., corrigée par HABICHT 1991, p. 5). 109. Voir SARRAZANAS 2021 sur les agonothètes athéniens. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) la fin de l’époque archaïque et au début de l’époque classique, les combats de coqs n’étaient que des divertissements de particuliers. Lucien insiste sur les destinataires du spectacle public : les adolescents. Il y a certes un lien ancien entre le coq et l’adolescent, comme le montrent les cadeaux aux éromènes, mais l’idée du combat de coqs en tant que spectacle propre à éduquer les enfants et les jeunes contient des références idéologiques évoquant plutôt la culture impériale, comme l’a montré Marco Vespa 110. Il semble y avoir aussi eu institutionnalisation à Pergame d’après Pline l’Ancien. L’hérôon de Diodoros Pasparos à Pergame a livré deux reliefs de marbre avec un coq et une palme (début du Ier siècle apr. J.-C.). Peut-être cet édifice consacré à la mémoire d’un grand bienfaiteur de la cité de la basse époque hellénistique était-il le lieu où ces combats étaient organisés 111. Telle est donc la première façon dont le coq a été exploité par les Grecs. Il est arrivé comme oiseau exotique et, très vite, il a été apprécié pour le spectacle. Les combats étaient sans doute déjà pratiqués au VIIe siècle av. J.-C., d’où le motif des coqs affrontés. Cette espèce nouvelle a aisément trouvé sa place dans la culture agonale naissante 112. Ce spectacle est demeuré populaire jusqu’à l’époque impériale 113 mais alors on avait compris l’intérêt que présentait la femelle. Pendant plusieurs siècles, la poule est restée dans l’ombre du mâle. Certes, elle figure très tôt sur les images, quoique rarement. La statuette béotienne atteste la présence d’élevages, évidemment indispensables pour la reproduction, mais leur rôle économique est resté au second plan, si tant est qu’il a été réellement développé. La façon hésitante avec laquelle les Grecs ont inventé un mot pour désigner la poule est révélatrice. LE T EMPS DE S É LE VAGE S Dans la poésie homérique, la volaille de basse-cour est l’oie : on pense à celles que Pénélope nourrissait à Ithaque 114. Il en allait déjà ainsi dans l’Égypte du IIe millénaire av. J.-C. Ni en Grèce géométrique, ni, auparavant, dans l’Égypte ramesside ne figuraient le pigeon, la pintade ou la poule. En Grèce, le canard apparaissait uniquement comme gibier. Huit siècles après les poèmes homériques, les traités latins d’agriculture donnent une image plus variée des basses-cours méditerranéennes. Quand le basculement s’est-il fait ? Peut-on lier ce changement à des mutations culturelles, à de nouveaux contextes sociaux ou économiques ? 110. BRADLEY 1998, p. 544-556 notamment. Plutarque, De l’amour fraternel, 487E-F, souligne le risque de brouilles entre frères qui peuvent en naître. Sur la dimension moralement inquiétante de ces combats et la violence de ces spectacles, FRANCO 2018 et VESPA 2019, p. 446-456. 111. Pline, Histoire naturelle, X, 50 : Pergami omnibus annis spectaculum gallorum publice editur ceu gladiatorum (« À Pergame, tous les ans, on donne en public des combats de coqs comme ailleurs des combats de gladiateurs. », trad. E. de SaintDenis, CUF). Le décor de marbre de l’hérôon est mis en place lors d’une restauration de la première moitié du Ier siècle apr. J.-C. Les deux reliefs, dont l’un n’est plus connu que par un moulage, encadraient la niche, les coqs se faisant face. Ils sont interprétés en référence à l’idée de victoire : FILGIS, RADT 1986, p. 74-75 et 89 et pl. 20-23 ; RADT 1999, p. 248-254. 112. DUPLOUY 2006, p. 271-282. 113. Caracalla et Géta, encore enfants, font combattre des cailles et des coqs, signes des querelles fratricides qui les opposent par la suite : Hérodien, III, 10, 3. Déjà, à l’adolescence, Antoine et Octave avaient annoncé leur rivalité future lors de combats de cailles et de coqs : Plutarque, Marc Antoine, 33, 4. Sur ces passages, BRADLEY 1998, p. 545-547, et VESPA 2019, p. 455-456. 114. L’attachement de Pénélope à ses oies et les soins qu’elle tenait à leur apporter en personne apparaissent dans le récit de son rêve : Homère, Odyssée, XIX, 535-581. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 88 89 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) La perte des traités grecs d’agriculture oblige à se tourner vers des sources comme les ouvrages zoologiques d’Aristote. L’ampleur des informations concernant la poule dans la zoologie aristotélicienne est frappante. L’Histoire des animaux contient une description précise du développement de l’œuf de poule 115. Par ailleurs, Aristote souligne à plusieurs reprises un avantage majeur de la poule, le fait qu’elle ponde presque toute l’année, sauf, écrit-il, aux alentours du solstice d’hiver 116. Certaines s’y épuisent au point d’en mourir. Cette courte pause, en fin d’année dans notre calendrier, où la poule cesse de produire des œufs, sera du reste l’objet d’efforts pour la raccourcir. Aristote donne aussi des recettes sur la castration de coqs par le croupion, selon une méthode qui diffère des recommandations des traités latins où l’on brûle les ergots. Ces précisions ne peuvent s’expliquer que par l’existence dès l’époque classique d’élevages pour les œufs et la viande, car c’est un avantage de l’espèce de fournir des protéines de cette double manière 117. La découverte progressive de la valeur de la poule a eu pour conséquence la constitution d’un savoir zootechnique et l’émergence de types plus ou moins réputés pour la ponte ou la viande. Les poules naines, dites d’Adria ou adrianiques, passaient pour bonnes pondeuses chez Aristote 118 ; l’information est ensuite répétée. Aristote distingue aussi deux catégories de poules, les communes (agenneis) et les poules sélectionnées (gennaiai), meilleures pondeuses 119. L’île de Délos a joué un rôle important au dire des traités latins d’agriculture. C’est là qu’auraient été inventés l’engraissement et un type réputé dit de Délos ; on y pratiquait aussi la castration et l’élevage des chapons 120. Il est toutefois difficile de s’assurer que Délos fut réellement un centre majeur dans la constitution des pratiques avicoles grecques. La seule ferme délienne ayant fait l’objet d’une fouille méthodique, la ferme aux jambages de granit, en usage pendant toute l’époque hellénistique, a livré des traces archéozoologiques attestant la présence d’une basse-cour avec des poules 121. Mais ce n’est pas une preuve suffisante, dans la mesure où, à l’époque hellénistique, cet élevage devait déjà être très répandu. L’engraissement passait par la castration des poussins mâles, une manière d’en tirer profit et de traiter un problème zootechnique que l’industrie avicole actuelle résout par broyage ; d’une certaine façon, poulets et chapons sont liés au développement de l’élevage de poules pondeuses. L’engraissement permettait de produire (mais moins rapidement que de nos jours) des poules de grain, siteutai ornithes, pour reprendre une expression employée 115. Aristote, Histoire des animaux, VI, 3, 561a6-562b. L’observation du développement des œufs de poule a nourri l’embryologie grecque, comme on le voir dans [Hippocrate], De la nature de l’enfant, 29, 2, avec observation d’un lot d’œufs (ᾠὰ) confiés à couver à des poules (ἀλεκτορίσιν). Plus tard surgit aussi la question de l’œuf et de la poule : Plutarque, Propos de table, II, 3, 635C-638A : question Πότερον ἡ ὄρνις πρότερον ἢ τὸ ᾠὸν ἐγένετο, « Lequel, de la poule ou de l’œuf, a existé le premier ? » (on notera l’emploi d’ὄρνις pour désigner la poule). Elle repose sur un présupposé fixiste. 116. Aristote, Histoire des animaux, V, 13, 544a31-33, et VI, 1, 558b13-14 et 21-22. 117. PERRY-GAL et al. 2015, p. 9852. Mais n’oublions pas que bien des ruminants domestiques présentent le même avantage, avec le lait et la viande. 118. Aristote, De la génération des animaux, III, 1, 749b 2829, αἱ Ἀδριανικαί ; Aristote, Histoire des animaux, VI, 1 558b, 14-21. 119. Aristote, De la génération des animaux, III, 1, 749b, 3031, καὶ αἱ γεννεῖς τῶν γενναίων πολυτοκώτεραι ; Aristote, Histoire des animaux, VI, 1 558b 14-16 : καίτοι ἧττον πολυτόκοι αἱ γενναῖαι τῶν γεννῶν εἰσιν (« les poules communes sont meilleures pondeuses »). Sur le sens de gennaios à propos des animaux domestiques, BLAINEAU 2015, p. 161-163. 120. Pline, Histoire naturelle, X, 139, qui explique que l’on a appris là à engraisser les poules. Voir aussi Varron, Économie rurale, III, 9, 2, et Columelle, De l’agriculture, VIII, 2, 4. Cicéron, Academica, II, 57 : Tamen hoc accepimus, Deli fuisse complures saluis rebus illis, qui gallinas alere permultas quaestus causa solerent (« Pourtant, nous avons appris qu’à Délos, au temps de sa prospérité, de nombreux habitants faisaient commerce d’élever une grande quantité de poules. », trad. J. KanyTurpin, GF) et les Déliens étaient si experts en ce domaine qu’ils étaient capables de dire de tel œuf qu’il avait été pondu par telle poule. Sur les chapons de Délos, voir BRUNEAU 1985, p. 547-549 (= 2006, p. 669-671). 121. LEGUILLOUX 2003b, p. 251-252. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) dès la fin du IVe siècle av. J.-C. et qui se retrouve dans des papyrus 122. La pratique de l’engraissement avait atteint Rome au début du IIe siècle av. J.-C. : elle y a été combattue par une loi somptuaire de C. Fannius, consul en 161 av. J.-C. Elle interdisait les poulardes dans les banquets et les éleveurs la contournèrent en se mettant à engraisser des coqs 123. Les élevages avaient des dimensions variables, et ce sont encore les traités d’agriculture latins qui nous renseignent. Columelle recommandait de ne pas dépasser 200 poules 124. C’était encore très loin des usines à viande et à œufs actuelles. La plupart du temps, ces poulaillers romains portaient des noms grecs (ornithôn, ornithotropheia, ornithoboskeia 125), signe de l’origine grecque de ces pratiques. Le mot qui désigne la « cage pour engraisser une poule », talaros, évoque le panier tressé 126. Il fallait un personnel spécialisé pour tout cela 127, notamment pour surveiller les poules en train de couver. Une des caractéristiques de ce temps des élevages est en effet que, numériquement, comme on le voit par l’archéozoologie, les poules l’emportent nettement sur les coqs. À Maresha, un site archéologique de Judée, pendant l’époque hellénistique, le phénomène est patent, mais on le constate aussi à Alexandrie au même moment 128. La poule était devenue la volaille domestique par excellence, devant l’oie. Son domaine était la cour et la ferme (aulè) et Galien, au IIe siècle apr. J.-C., emploie naturellement l’expression « poules et coqs de ferme », kata tas épauleis 129, pour parler de cette volaille. Elle y forme une sorte de troupe, une agélè 130, et vit au milieu des autres animaux domestiques, sans s’effrayer du voisinage des chevaux, des ânes ou des bœufs 131. Elle remplit l’espace sonore de ses cris : le coq réveille le matin, trouble parfois la nuit, tirant les gens de leurs rêves 132, tandis que le caquetage des poules est un bruit habituel de la campagne 133. Cette accoutumance à l’homme et à ses autres animaux permet de les désigner comme des oiseaux familiers (ornithes êthades) 134. Poules et coqs ont leur place dans l’oikos 135 : ils sont oikogeneis 136. Leur élevage est une affaire souvent féminine 137, dans la continuité de ce qui se passait avec Pénélope, qui s’occupait des oies d’Ithaque, comme nous 122. Athénée, XIV, 656e (Matrôn de Pitané, voir ROUp. 365, n. 1249). Athénée, I, 22d, compare les savants du Musée d’Alexandrie à des poules (ou oiseaux) de luxe qu’on engraisse : σιτοῦνται καθάπερ οἱ πολυτιμότατοι ὄρνιθες (citation de Timôn de Phlionte, IIIe siècle av. J.-C.). Un papyrus de Zénon (années 250 av. J.-C.) mentionne une volaille engraissée (ὁ ὄρνιξ ὁ σιτευτός), probablement une poule (PCZ 59375, l. 1). 123. Pline, Histoire naturelle, X, 139-140. Voir le commentaire de CORBIER 1989, p. 130-131 et 139. 124. Columelle, De l’agriculture, VIII, 2, 7. 125. Varron, Économie rurale, III, 3, 1, et III, 9, 2. En latin, un élevage de ce type s’appelait un gallinarium. 126. Athénée, I, 22d (citation de Timôn de Phlionte). 127. Varron, Économie rurale, III, 9, 7 ; Columelle, De l’agriculture, VIII, 2, 7 : en latin, celui qui s’occupe du poulailler est appelé pastor gallinarum ou gallinarius. 128. PERRY-GAL et al. 2015, p. 9851 (Maresha) ; MORAND 2020, p. 165-168 (Alexandrie) ; je remercie l’auteur de cette thèse récente de m’avoir permis de la consulter, avant même sa publication. 129. Voir aussi Galien, De l’hygiène, VI, 6, 435 (De sanitate tuenda libri, éd. Kühn) : οὕτω γὰρ καὶ ταῖς ἀλεκτορίσι καὶ τοῖς ἀλεκτρυόσι τοῖς κατὰ τὰς ἐπαύλεις τρεφομένοις ἔνεστι χρῆσθαι (« c’est ainsi qu’il faut en user des poules et des coqs que l’on élève dans les fermes. », trad. personnelle). GIER-BLANC 2018, 130. Élien, La personnalité des animaux, II, 30, et IV, 16. Ce mot désigne tout groupe d’individus d’une même espèce. 131. Élien, La personnalité des animaux, V, 50. 132. Le thème du chant du coq alors que l’on est encore en pleine nuit sert d’introduction à Lucien, Songe, 1. Voir aussi le chant continu des coqs à Lébadée en Béotie, annonciateur de la victoire thébaine de Leuctres, en 371 av. J.-C. (Cicéron, De la divination, I, 74 et II, 56). 133. Plutarque, Propos de table, V, 1, 674 B : ἀλεκτορὶς γὰρ βοῶσα συνεχῶς καὶ κορώνη λυπηρὸν ἄκουσμα καὶ ἀηδές ἐστιν, ὁ δὲ μιμούμενος ἀλεκτορίδα βοῶσαν καὶ κορώνην εὐφραίνει. (« Le caquetage continuel d’une poule ou le croassement de la corneille sont agaçants et désagréables à entendre, mais si quelqu’un imite une poule qui caquette ou une corneille qui croasse, il nous amuse. », trad. F. Fuhrmann, CUF). 134. Élien, La personnalité des animaux, II, 30, et V, 50. 135. La poule est par excellence un de ces animaux qui vit au contact de l’homme : déjà Eschyle, Euménides, 866, ἐνοίκιος ὄρνις, puis Nicandre, Thériaques, 558, ὄρνις κατοικίς ; κατοικίδιος chez Alexandre d’Aphrodise, I, 1 : Géoponiques, I, 3-8 ; Oppien, Cynégétique, ΙΙΙ, 118 la désigne comme ὄρνις κατὰ δῶμα συνέστιος ἀνθρώποισιν. Cf. Élien, La personnalité des animaux, II, 30, σὺν τοῖς ὄρνισι τοῖς οἰκέταις. 136. Aristote, Histoire des animaux, VI, 558b20. 137. Même association bien plus tard chez Palladius, trad. éd. Nisard, I, 27, 1 : Gallinas educare nulla mulier nescit, quae © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 90 91 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) l’avons vu avec la statuette béotienne (fig. 12), et comme cela était encore le cas dans le monde romain 138. L’œuvre dégage une familiarité affective entre l’éleveuse et ses animaux. Le rapport entre l’homme et l’animal se traduit par ce geste qui consiste à nourrir. Hérondas décrit deux femmes se préoccupant de les faire rentrer pour leur donner du grain et les comptant à cette occasion par crainte des prélèvements que pouvaient effectuer voleurs et prédateurs 139. À la longue, c’est tout un savoir qui s’est développé, notamment pour sélectionner des pondeuses et des couveuses. L’enjeu est toujours de choisir les meilleures, car de là vient le revenu. Les couleurs de plumage sont utilisées comme critère de sélection. Surtout, l’apparence extérieure des poules change visiblement : elles deviennent plus rondes, plus grandes aussi d’après les données archéozoologiques, annonçant l’allure trapue des poules à l’époque impériale 140. Le type s’éloigne de celui de la poule sauvage, qui était encore retenu par les imagiers de la fin de l’époque archaïque. On cherche aussi à faire éclore des œufs même lorsque l’on n’a pas de poule couveuse, à s’occuper au mieux des poussins 141. L’essor de cet élevage a eu des conséquences dans plusieurs domaines. Le thème symbolique de la poule protégeant ses poussins apparaît dans la poésie hellénistique. Alceios de Mytilène, un poète d’époque augustéenne, y a recours dans une épigramme où la poule qui, en hiver, meurt de froid en tentant de réchauffer ses poussins, sert à faire honte aux mères indignes que furent Procné et Médée 142. L’exemplum est évidemment trop beau pour rester négligé par Plutarque dans son traité De l’amour de la progéniture : « Nous avons chaque jour devant les yeux la manière dont les poules prennent soin de leurs poussins, étendant les ailes pour couvrir les uns, laissant les autres monter sur leur dos et accourir vers elles de tous côtés, tandis qu’elles poussent des cris de joie et de tendresse. La vue des chiens et des serpents les fait fuir, quand elles ne craignent que pour elles-mêmes, mais s’il s’agit de leurs petits, elles tiennent tête et combattent au-delà de leurs forces 143. » Cela ne pesait toutefois guère en regard du riche répertoire symbolique qui s’était développé autour du coq 144. Les conséquences les plus manifestes touchent l’alimentation. L’œuf de poule commence à être souvent utilisé dès l’époque classique. Nous avons vu qu’Aristote insistait sur la ponte régulière de la poule 145, un avantage considérable sur l’oie dont les œufs étaient aussi consommés 146. modo videtur industria (« Aucune femme, pour peu qu’elle se montre active, n’est incapable d’élever des poules. » trad. R. Martin, CUF). Columelle écrivait que si on avait peu de poules, on pouvait les confier à une vieille femme ou un enfant (De l’agriculture, VIII, 2, 7), mais il parlait d’un élevage de grande taille, alors que celui auquel pense Palladius est l’élevage que l’on fait dans une simple ferme. 138. BLANC 2017, paragr. 12 et fig. 6. 139. Hérondas, VI, 98-102. 140. PERRY-GAL et al. 2015, p. 9851 ; PITT 2017, p. 19, 219. 141. Bilan dans Géoponiques, XIV, 7-9. 142. Aristote, Histoire des animaux, IX, 8, 613b14, qui observe le même comportement chez les cailles et les perdrix. 143. Plutarque, De l’amour de la progéniture, 494E : τὰς δ’ ἀλεκτορίδας ἐν τοῖς ὄμμασι καθ’ ἡμέραν ἔχομεν ὃν τρόπον τὰ νεόττια περιέπουσι, τοῖς μὲν ἐνδῦναι χαλῶσαι τὰς πτέρυγας, τὰ δ’ ἐπιβαίνοντα τῶν νώτων καὶ προστρέχοντα πανταχόθεν ἀναδεχόμεναι μετὰ τοῦ γεγηθός τι καὶ προσφιλὲς ἐπιφθέγγεσθαι· κύνας δὲ καὶ δράκοντας, ἂν περὶ αὑτῶν φοβηθῶσι, φεύγουσιν, ἂν δὲ περὶ τῶν τέκνων, ἀμύνονται καὶ διαμάχονται παρὰ δύναμιν. (Trad. J. Dumortier, CUF.) 144. Par exemple, CUMONT 1942, sur la symbolique du coq blanc notamment et les liens avec Hélios. Voir aussi les métaphores guerrières et érotiques liées au coq que nous avons évoquées dans les parties précédentes de cet article. Cette question de la symbolique du combat de coqs a aussi été abordée par HOFFMANN 1974, p. 204-209. 145. Aristote, Histoire des animaux, VI, 1, 558b13-14, notamment. 146. Athénée, II, 57e et 58a. Il mentionne aussi la consommation d’œufs de paonne en 58a. En revanche, [Hippocrate], Du régime, II, 50, ne consacre qu’un court paragraphe aux œufs (le texte parle des ᾠὰ ὀρνίθων, « œufs des oiseaux », et rien ne permet de voir s’il pense aux œufs de poule en particulier). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) L’œuf de poule fait partie des tragêmata, ces en-cas de banquet, à grignoter pour faciliter l’absorption du vin. Un passage d’Ephippos, un poète comique du début du IVe siècle av. J.-C. les mentionne ainsi 147. À l’époque impériale, on apporte des plateaux d’œufs au moment de la gustatio, donc en début de repas 148. Plutarque s’en voit servir lors d’un repas chez son ami Sosius Senecio 149. Il est plus difficile de voir quel rôle jouaient les œufs dans les préparations culinaires des Grecs faute d’équivalent grec au traité attribué à Apicius, où ils interviennent dans de nombreuses recettes. Il était donc important de chercher à garder les œufs consommables le plus longtemps possible 150. Il y avait aussi des emplois non alimentaires des œufs, ainsi dans l’artisanat – par exemple par les peintres 151 – ou dans la fabrication des médicaments 152. Les coquilles broyées étaient utilisées en dentifrice 153. La viande de poule et de poulet a également conduit à une lente reconfiguration de l’alimentation carnée des Grecs, même si elle n’est jamais devenue cet aliment bas de gamme qu’elle est actuellement. Les mentions de consommation de viande de poule se multiplient au IVe siècle av. J.-C. Certes, elle n’apparaît pas dans la liste des viandes du traité hippocratique Du régime, mais il ne mentionne aucune volaille 154. En revanche, la description d’un somptueux banquet de mariage par un certain Hippolochos de Macédoine, qui aurait eu lieu vers 300 av. J.-C. en Macédoine, comporte des poules 155. Les volailles apparaissent aux premier et deuxième services dans ce repas qui en a comporté sept, sans compter les desserts. Dans le premier arrivent des poules, des canards, des palombes et une oie 156. Le philosophe stoïcien Chrysippe avait, au IIIe siècle av. J.-C., commenté la préférence pour la chair des poules blanches sur celle des noires, alors que les éleveurs privilégient comme meilleures pondeuses les poules rousses avec les extrémités des ailes noires 157. Le même Chrysippe, très inspiré par l’espèce, remarque aussi que la fécondité de cet oiseau en fait une abondante source de nourriture 158. La remarque est révélatrice. Elle annonce les lignes de Columelle citées en introduction. Bien plus tard, Galien mentionne les cuissons attendues : rôtie, cuite à la poêle, dans de la graisse ou du bouillon. Il considère la viande des volailles comme plutôt légère, donc digeste et convenable aux malades 159, et recommande de préférer la viande des jeunes animaux. Il signale le bouillon blanc, le leukos zômos, qu’on confectionne avec sa chair. Les œufs de poule et sa viande s’insèrent dans le discours gastronomique qui 147. Athénée, II, 58a, citant Ephippos. 148. BLANC, NERCESSIAN 1992, p. 135. L’usage est aussi attesté par l’iconographie et les ustensiles de consommation sont archéologiquement identifiés. Cet usage romain de servir les œufs en début de repas explique peut-être l’expression latine ab ovo : GRAZZINI 2014, p. 142-145. 149. Plutarque, Propos de table, II, 3, 1, 635E. 150. Voir les recettes données par Léontinos dans Géoponiques, XIV, 11, 6-7. 151. Pline, Histoire naturelle, XXXV, 45. Artémidore, II, 43 (éd. Pack, p. 178, l. 1) : cet emploi des œufs en peinture explique qu’en rêver est bon pour les peintres. 152. Pline, Histoire naturelle, XXIX, 29-51. Pour Pline, l’œuf est avec la laine l’ingrédient le plus fréquent dans la composition des médicaments. 153. Pline, Histoire naturelle, XXIX, 46. 154. [Hippocrate], Du régime, II, 46 155. Athénée, III, 126e-127e. Sur ce texte, voir MILANEZI 2013. 156. Athénée, IV, 128d : ὄρνεις τε καὶ νῆσσαι, προσέτι δὲ καὶ φάτται καὶ χὴν καὶ τοιαύτη τις ἅλλη ἀφθονία σεσωρευμένη (« des poules et des canards, et en plus des colombes et une oie et une montagne de semblables autres choses. », trad. personnelle). 157. Athénée, IX, 373a : ce commentaire aurait été fait dans le livre V du traité Sur le bien et le plaisir (Stoicorum veterum fragmenta, éd. von Arnim, III, Leipzig, 1903, p. 199, frgt 4). Couleur des poules pondeuses : Varron, Économie rurale, III, 9, 4 ; Géoponiques, XIV, 7, 9 (αἱ μελανόπτεροι). 158. Cf. ci-dessus n. 100. 159. Galien, Sur les facultés des aliments, III, 18 : la viande de porc sert d’opposé à celle de volaille dans le texte de Galien. Voir aussi la préparation à la parthe, où on procède à une cuisson en crapaudine, Pline, Histoire naturelle, X, 140. On retrouve ces types de cuisson dans Apicius, Art culinaire, V, 240, 242, 244, 245, 247, 248. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 92 93 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) les présente comme des aliments plutôt élégants, dignes d’une cuisine opulente. Le gastronome de l’époque hellénistique Artémidôros donnait une recette de mattyê (ragoût) utilisant un poulet tué en le saignant par la tête. Ce type de préparation s’appliquait aussi au petit gibier, comme le lièvre, ou à d’autres volailles comme la pintade. Le même gastronome recommande de ne pas plumer une poule immédiatement après l’avoir saignée 160. Aussi bien pour ses œufs que sa viande, l’oie demeurait cependant au-dessus de la poule 161 : elle répondait mieux au goût pour les nourritures grasses. Mais à la différence des poules, les oies ne permettent pas autant l’intensification des élevages. Nombre d’indices incitent à voir dans le développement des élevages de poules une des solutions aux problèmes d’approvisionnement carné des villes en Méditerranée antique 162. Les sites archéologiques, à partir de l’époque classique, attestent la fréquente présence de la poule, alors qu’elle est presque absente avant. Plus on avance dans le temps, plus elle est visible. C’est le cas à l’acropole de Mytilène, où elle apparaît à la fin de l’époque classique 163. Dans le sanctuaire de Némée, le bâtiment servant d’hôtellerie est le seul du sanctuaire, au IVe siècle av. J.-C., à avoir livré des traces de la consommation de poules 164. Dans le Péloponnèse, à Messène, ville fondée en 370 av. J.-C., le coq et la poule apparaissent au IIIe siècle av. J.-C. 165. On les retrouve dans le matériel archéozoologique d’Éleuthernes en Crète, toujours à l’époque hellénistique 166, et évidemment dans les grands sites urbains d’époque impériale en Grèce et en Asie Mineure. À Alexandrie, la nette prédominance de la poule sur l’oie dans l’alimentation carnée est un fait constant. Les poules l’emportent nettement sur les coqs dans le matériel archéozoologique, et les animaux consommés sont plutôt adultes, signe que les poules pondeuses ont sans doute été nombreuses à finir dans le circuit alimentaire 167. On consomme de la poule à Corinthe au IIe siècle apr. J.-C. 168, de même qu’à Sagalassos en Pisidie 169. Les graffiti des Maisons de la colline à Éphèse et leur matériel archéozoologique montrent que leurs habitants, au Ier-IIIe siècles apr. J.-C., mangeaient régulièrement de la viande de poule 170. Dans le désert oriental de l’Égypte, vers 100 apr. J.-C., les petites garnisons romaines non seulement en consommaient, mais en élevaient aussi pour leur approvisionnement en œufs et en viande, quitte à revendre les surplus à l’extérieur 171. Les poules avaient là une allure gracile et les plumes retrouvées en fouilles montrent que beaucoup étaient blanches, ce qui va dans le sens des textes. Les papyrus de l’Égypte romaine mentionnent aussi régulièrement les petits éleveurs vendant œufs et poulets 172. La poule et le coq s’insèrent également dans le bestiaire sacrificiel. On ne reviendra pas sur le coq d’Asclépios, qu’illustre la demande de Socrate, juste avant sa mort et qui semble un thème 160. Athénée, XIV, 663d : ἔστι τις ὄρνιθος ματτύης. Ἐσφάχθω μὲν διὰ τοῦ στόματος είς τὴν κεφαλήν, κτλ. (« il y a une mattyê faite avec de la poule. Elle est mise à mort par la tête, en passant par le bec… », trad. personnelle). 161. Dans Apicius, Art culinaire, VI, 235, l’unique recette d’oie précède celles de poule dans la partie sur les volailles. 162. PITT 2017, p. 25 et 126, insiste sur le lien entre développement du phénomène urbain et expansion du coq domestique dans toute l’Europe du Ier millénaire av. J.-C. Cette simplification est évidemment un peu excessive, mais néanmoins suggestive. 163. RUSCILLO 1993, p. 206-207. Les œufs de poule y sont souvent consommés à partir de l’époque impériale. 164. MACKINNON 2013, p. 137 et 143. 165. NOBIS 1994, p. 302. 166. NOBIS 2003, p. 92-93 et 97. 167. MORAND 2020, p. 161-168. Voir aussi PERRY-GAL et al. 2015, p. 9851. 168. REESE 1987, p. 265-266. 169. DE CUPERE 2001, p. 32-37. 170. Par exemple, dans les publications de ces maisons, voir TAEUBER 2016 et GALIK, FORSTENPOINTNER, WEISSENGRUBER 2014. 171. LEGUILLOUX 2003a, p. 563 et 571 ; LEGUILLOUX 2011, p. 172 ; LEGUILLOUX 2018, p. 569-570. 172. Métier d’ὀρνιθᾶς : voir P.Oxy. 1568, 2139, 3055 et 3056 (IIIe siècle apr. J.-C.). Voir SCHNEBEL 1925, p. 340-341. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) littéraire autant que le reflet d’une pratique courante 173. Deux points évidemment liés l’un à l’autre méritent d’être soulignés. D’abord, ce n’est que relativement tard que le coq et la poule apparaissent dans les sacrifices : les mentions allant dans ce sens ne surgissent, dans les textes, que pendant l’époque classique 174, même si leur usage comme offrande funéraire peut avoir précédé et même induit leur intégration dans les sacrifices proprement dits ; on constate du reste que les banquets funéraires, à l’époque hellénistique, entraînent parfois la consommation et l’offrande de coqs 175. Deuxième point : il semble que c’est principalement au profit de divinités nouvelles que les sacrifices des coqs et des poules aient été pratiqués. Asclépios en bénéficie et des inscriptions datées vers 400 av. J.-C. mentionnent des sacrifices de poules (kalaïdes) dans son sanctuaire d’Épidaure 176, de même que l’archéozoologie atteste sa présence dans l’Asclépieion de Messène 177. On retrouve des coqs dans les animaux sacrifiés au Sarapieion C de Délos, au IIe siècle av. J.-C. Auprès de l’un des deux autels dont le matériel a été étudié, ils sont seuls présents ; auprès de l’autre, 4 coqs et 10 poules ont été identifiés 178. Là, les oiseaux avaient été déposés entiers sur le foyer ; seules les têtes manquaient, ce qui indique une mise à mort par décapitation. L’un des avantages de la poule, en raison de sa taille, était de permettre l’offrande sur le feu de la totalité de l’animal 179. Un autre était que coqs et poules faisaient des victimes assez bon marché, à la portée de fidèles plutôt modestes 180. Ils leur permettaient de participer au rite du sacrifice sanglant. Poules et coqs sont vus comme occupant l’extrémité inférieure de l’échelle des animaux de sacrifice, l’autre étant tenue par le bœuf 181. Nous avons une illustration de l’irruption du coq et de la poule dans les sacrifices par une inscription thessalienne récemment publiée et provenant des environs de Larissa (milieu du IIe siècle av. J.-C.). Le sanctuaire mélange culte grec (Artémis Phylaké, les Moires…) et aspects orientaux, notamment syriens 182. La place des oiseaux dans le bestiaire sacrificiel semble un indice de cette influence 183. Dans de multiples cas, les sacrifices impliquent un coq (alektôr), une poule (alektoris) adulte, parfois un poussin (nossos alektôr), le choix du sexe étant souvent laissé aux fidèles. Certains sacrifices imposent des poules blanches. D’autres oiseaux interviennent aussi dans ces sacrifices, comme les oies 184 ou les cailles, dont 173. Platon, Phèdre, 118A. Cf. Hérondas, IV, 11-13, où des femmes offrent un sacrifice à Asclépios, en insistant sur la modestie de l’offrande, puisqu’elles ne peuvent sacrifier de bœuf. Ce thème du sacrifice du coq à Asclépios est repris dans Artémidore, V, 9, éd. Pack, p. 304. Élien, Histoire variée, V, 17, parle du coq comme de l’oiseau sacré d’Asclépios et raconte qu’un homme qui en avait tué un fut mis à mort par les Athéniens. Cf. ThesCRA I (A. Hermary, M. Leguilloux), p. 76-77, qui constatent que l’iconographie ne donne pas d’exemple d’association du coq au dieu, et STAFFORD 2008. 174. BODSON 1978, p. 99-100 ; VILLING 2017, notamment p. 64-73. 175. LEPETZ, CLAVEL 2018, pour une tombe d’Alexandrie, datant de l’extrême fin de l’époque hellénistique. À vrai dire, toute cette question de l’usage du coq, de la poule, de ses œufs en contexte funéraire et pour le monde grec reste fort peu documenté archéologiquement et n’a pas fait l’objet de synthèse. PITT 2017, p. 88-89, fait quelques remarques à l’échelle de l’Europe, donc d’une manière bien trop large pour nous. Par ailleurs, le regroupement des offrandes funéraires et des sacrifices n’aide pas à y voir clair et le concept d’usage rituel montre là ses limites. 176. IG IV2, 1, 40 et 41 (CGRN 34). 177. NOBIS 1994 et NOBIS 2001. On a aussi peut-être des sacrifices de jeunes poulets à Sarapis et Isis dans un texte de Priène règlementant le culte : I.Priene 196, l. 9-11 (θύσει δὲ ὁ ἱερεὺς τῶι Σαρά[πιδι — / κ]αὶ τῆι Ἴσιδι τῶν νομιζομένων νοσ[σῶν δύο καὶ θήσει ἐπὶ / [τ]ραπέζ[η]ς, « que le prêtre fasse le sacrifice à Sarapis […] et à Isis des deux poussins prescrits et les déposer sur la table. »). 178. BRUN, LEGUILLOUX 2013. 179. BRUN, LEGUILLOUX 2013, p. 175. 180. STAFFORD 2008, p. 212, écrit que, de toutes les explications du sacrifice du coq, « none seems to be as well supported by the ancient evidence as the more prosaic point that a cock would have been cheap enough for most people to afford ». 181. Dans Hérondas, IV, 15-16, le sacrifice du coq est signe de pauvreté, à l’opposé de celui d’une truie grasse ou d’un bœuf. Sur cette échelle, HEADLAM, KNOX 1966, p. 180, et STAFFORD 2008, p. 216-217. 182. CARBON 2016. 183. PARKER, SCULLION 2016, notamment p. 220-225 (déjà une remarque dans ce sens dans PARKER 2016). 184. Sur les sacrifices d’oies, voir VILLING 2017, p. 77-94. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 94 Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 95 nous avons là une des très rares attestations sacrificielles. Ces sacrifices servent notamment à des rites de purification et certains sont des holocaustes 185. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq n’est sans doute arrivé en Grèce égéenne qu’assez tardivement, au tout début de l’Archaïsme, à l’issue d’un voyage commencé bien avant en Asie du Sud-Est. Certes, il est possible que des coqs et poules aient pu parvenir en Grèce avant cela, au IIe millénaire av. J.-C., mais leur élevage n’a pas été maîtrisé avant la période 750-650 av. J.-C. On aurait donc eu une sorte de phase de pré-introduction dans le monde égéen, aussi bien en Crète que sur le continent. C’est un schéma de ce genre qui apparaît pour l’Égypte, où on a pu faire venir des coqs comme curiosités exotiques à l’époque ramesside, mais où leur véritable intégration à la faune domestique a été plus tardive. Derrière tout cela semble se dessiner une histoire du coq domestique dans le monde grec en plusieurs étapes. La première voit l’introduction de quelques individus isolés, à titre de curiosités. On sait les reconnaître, parfois les représenter, mais ils n’apparaissent que peu dans les sources. L’image de l’animal peut se diffuser sans que les contacts avec lui soient fréquents. La deuxième étape entraîne la maîtrise et la diffusion de l’élevage, ce qui implique une plus grande intégration culturelle 186. Ce degré est franchi parce que l’espèce a trouvé une utilité et commence à se faire une « niche domestique », pour parler comme Jacqueline Pitt 187. Un élevage peut alors commencer, et ce phénomène peut se produire même lorsque la fonction de l’animal n’est que de marquer le prestige et la richesse des possesseurs. On le voit pour les paons, que les Grecs n’ont guère élevés que dans ce but 188. Dans le cas du coq, l’élevage s’est d’abord développé grâce à l’usage du mâle pour des combats. Il a ainsi été intégré à des stratégies de distinction sociale. C’est à ce moment-là que se crée une communauté anthropozoologique durable qui lie les hommes à cette espèce animale. La troisième étape voit une mutation des usages de l’espèce, avec la progressive montée en puissance des élevages dans un but alimentaire, en privilégiant désormais les femelles. L’usage économique semble désormais l’emporter. Que cette évolution se soit produite au cours de l’époque classique n’est pas anodin. C’est alors qu’intervient une redéfinition des modes d’exploitation des ressources appelée la « révolution oikonomique » 189. Les remarques de Columelle avec lesquelles j’ai commencé en expriment l’aboutissement : à quoi bon perdre son argent avec les coqs de combats alors que l’élevage de poules est si rentable pour toute personne soucieuse de son patrimoine ? Mais le passage du philosophe Chrysippe, dans le courant du IIIe s. av. J.-C. disant des coqs que, même s’ils sont un modèle d’ardeur guerrière, il faut cependant bien les manger, tellement ils sont prolifiques, était déjà bien le constat de cette mutation 190. Cette phase 185. DECOURT, TZIAPHALIAS 2015. Nous gardons la numérotation des faces de cette première édition (BOUCHON, DECOURT 2017 ont proposé de l’inverser). Les passages qui nous intéressent figurent sur la face B du texte : l. 1-6, 14, 2425 (coqs blancs), 30-31 (poussin mâle et poule), 75-76 (poule). Notons aussi que l’offrande d’œuf est aussi évoquée, mais pour signaler qu’il est exclu sur le grand autel : face B, l. 75-76. Voir p. 39-40 de cette publication les commentaires sur les oiseaux sacrifiés dans ce culte. 186. LIMET 1994, p. 42-43, justement à propos de la poule. 187. PITT 2017, p. 96. 188. Jean Trinquier va prochainement publier des études à ce sujet. 189. Je reprends ici une notion proposée par DESCAT 1988, p. 105-106. 190. Voir ci-dessus, n. 100. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) CO NCLUS ION : U NE E SPÈ C E , DE U X ANI MAU X Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) « oikonomique » se traduit aussi par une perte de prestige de l’espèce. L’oiseau perse, que les éphèbes exhibent avec fierté, s’est mué en poulet juché sur le tas de fumier, comme dans la fable de Phèdre du poulet qui trouve une perle 191. Si tel fut le scénario des différentes situations anthropozoologiques – et seules de nouvelles données archéozoologiques pourront le confirmer ou non – on aurait alors un cas d’animal dont on peut suivre les étapes de l’incorporation dans la faune domestique grecque 192. En Grèce, l’espèce n’a donc pas immédiatement trouvé sa place définitive. Il serait faux de supposer que l’arrivée d’un nouvel animal domestique doit combler un vide préexistant. C’est avec l’introduction que se dessinent peu à peu des usages susceptibles d’évoluer. Si ces usages n’apparaissent pas, l’introduction n’a guère d’impact sur les faunes domestiques. Le succès de l’introduction d’une espèce dépend ainsi du contexte culturel, social et économique, des capacités d’une culture à l’intégrer dans une communauté anthropozoologique elle-même susceptible d’évolutions. Les relations des hommes avec cet animal domestique se sont aussi développées selon une grille très genrée, le coq et la poule étant certes unis par l’appartenance à la même espèce, mais en en incarnant deux visages opposés. Le coq, oiseau combattant, métaphore du guerrier, de l’athlète puis du gladiateur, est fortement solaire. Tout en fait un oiseau hyper-masculin, ce que l’on retrouve dans d’autres cultures où se pratique le combat de coqs, un sport uniquement masculin, comme il l’était déjà pour les Grecs 193. Jamais les femmes ne paraissent dans les images comme spectatrices des combats. En Grèce, le coq n’est que très exceptionnellement associé à l’univers féminin 194. La poule au contraire incarne le monde de l’oikos, du moins son annexe immédiate qu’est l’aulè. Son élevage est d’abord une affaire de femmes, alors que les soins pour les coqs de combat étaient une affaire masculine. La poule elle-même est hyper-féminine par l’attention qu’elle accorde à ses poussins. L’opposition est déjà nette, vers 540 av. J.-C., sur la coupe du peintre d’Amasis du Louvre, où une femme reçoit une poule tandis que le coq est le cadeau fait à l’éromène (fig. 18 et 19) 195. Élien, encore une fois, est un bon témoin de cette façon de percevoir cette espèce. Il raconte que parfois, parce que la poule est morte, un coq peut être amené à couver des œufs, mais qu’alors il s’abstient de chanter, par honte d’accomplir une tâche féminine 196. Le coq kinaidos est une aberration, un paradoxe 197. Une autre histoire, qui évoque des élevages sacrés, présente coqs et poules comme élevés dans deux sanctuaires proches, mais dans le respect d’une stricte séparation, les unes dans celui d’Hébè, les autres dans celui d’Héraclès, les coqs ne traversant la frontière que pour le besoin de la reproduction 198. Avec le coq et la poule, nous sommes devant une espèce fortement polarisée. Peu d’autres espèces présentent aussi nettement ces deux visages : sans doute l’opposition taureau / vache est-elle un peu semblable, même si les soins donnés aux bovins sont toujours demeurés une affaire masculine. À la différence du bœuf (j’emploie ici une dénomination spécifique), le fort dimorphisme sexuel chez la poule et le coq offrait de vastes possibilités. 191. Phèdre, Fables, III, 12 (Pullus ad margaritam), où l’animal n’est plus qu’un vulgaire Pullus gallinaceus qui ne sait que faire de la perle qu’il a trouvée dans le tas de fumier où il cherchait de la nourriture. 192. Voir les suppositions allant dans le même sens de SYKES 2012, p. 159-162. 193. Voir l’étude sur les combats de coqs à Bali de GEERTZ 1975. 194. Antipatros de Sidon, dans Anthologie palatine, VII, 425, épigramme funéraire pour une femme : le coq signifie qu’elle se levait tôt pour travailler la laine. 195. Sur cette coupe à figures noires : LISSARRAGUE 2000, p. 50-52, ill. 35-36. D’autres animaux servent de cadeaux : cygne, biche, lièvre et même panthère. Sur cette pratique, voir DOVER 1982, p. 117 ; CALDER 2017, p. 72-76. 196. Élien, La personnalité des animaux, IV, 29. 197. Lucien, Songe, 27 : κίναιδον ἀλεκτρυόνα. Voir CSAPO 2008, p. 24-25. 198. Voir aussi Élien, La personnalité des animaux, V, 5 ; XI, 26 ; et XVII, 46, où l’opposition entre le coq et la poule est particulièrement marquée. Sur ce type d’effet de polarisation, FRANCO 2014, p. 148-153. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 96 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 18. Skyphos du peintre d’Amasis : une poule offerte à une femme, Athènes, vers 540 av. J.-C. Musée du Louvre, A479. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Les frères Chuzeville. 19. Skyphos du peintre d’Amasis : un coq offert à un éphèbe, Athènes, vers 540 av. J.-C. Musée du Louvre, A479. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Les frères Chuzeville. 97 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 98 Christophe Chandezon © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Christophe CHANDEZON Université de Montpellier 3 / Paul-Valéry Route de Mende 34090 Montpellier LabEx ARCHIMEDE / EA 4424 CRISES. chrchandezon@yahoo.com BIBLIOGRAPHIE ARNOLD-BIUCCHI 1981 C. ARNOLD-BIUCCHI, « Agon », Lexicon iconographicum mythologiae classicae (LIMC) I.1, Zurich-Munich, p. 303-305, et I.2, p 223-225. ARNOTT 2007 W. G. ARNOTT, Birds in the Ancient World from A to Z, Londres-New York. AUBERGER 2010 J. AUBERGER, Manger en Grèce classique, Québec. BENTZ 1998 M. BENTZ, Panathenaische Preisamphoren. Eine athenische Vasengattung und ihre Funktion vom 6.-1. Jahrhundert v. Chr., Bâle. BERNARD, PINAULT, ROUGEMONT 2004 P. BERNARD, G.-J. PINAULT, G. ROUGEMONT, « Deux nouvelles inscriptions grecques de l’Asie centrale », JS, p. 227-356. BLAINEAU 2015 A. BLAINEAU, Le cheval de guerre en Grèce ancienne, Rennes. BLANC 2017 N. BLANC, « Pullus, gallus et gallina : déclinaisons antiques », Revue d’ethnoécologie, 12 (DOI : 10.4000/ethnoecologie.3264). BLANC, NERCESSIAN 1992 N. BLANC, A. NERCESSIAN, La cuisine romaine antique, Grenoble. BOARDMAN 1996 J. BOARDMAN, Les vases athéniens à figures rouges. La période archaïque, trad. fr. par C.-M. Diebold, Paris. 199. DIGARD 2009, p. 22. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Un dernier aspect de cette histoire du coq en Grèce mérite d’être remarqué : il concerne l’apport des Grecs (et des Romains) à la domestication et, plus globalement, à l’histoire des rapports entre hommes et animaux domestiques. Après les temps forts du processus domesticatoire, depuis la fin du Paléolithique, la participation du monde gréco-romain peut paraître mince. Il ne semble pas y avoir une seule espèce dont la domestication pourrait être mise au crédit des cultures de la Méditerranée du Ier millénaire av. J.-C. L’arrivée du cheval avait été le dernier acte d’éclat d’une vieille aventure. C’est ainsi que l’entend Jean-Pierre Digard, dans un livre qui a eu de l’influence pour fonder l’approche anthropologique des animaux domestiques. Digard y écrit : « L’apport de l’Antiquité gréco-romaine apparaît en revanche assez modeste. Non que l’élevage n’y fût pas pratiqué. Mais cette activité n’a pas suscité de réflexion comparable en quantité et en qualité à celle qui s’exerça dans d’autres domaines : on ne relève aucun ouvrage de synthèse notoire en langue grecque et les travaux des rares agronomes latins […] apparaissent relativement mineurs 199. » C’est un peu forcer le trait. À bien y regarder, et en se limitant aux seuls Grecs, le bestiaire domestique a connu des mutations notables, avec l’arrivée de nouvelles espèces : le coq et la poule évidemment, les colombidés dont l’élevage se développe alors, et même la pintade, pour se limiter à la basse-cour. Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication 99 BODSON 1978 L. BODSON, Hiera zoa. Contribution à l’étude de la place de l’animal dans la religion grecque ancienne, Bruxelles. BODSON 2005 L. BODSON, « Naming the exotic animals in ancient Greek and Latin », A. MINELLI, G. ORTALLI, G. SANGA (éd.), Animal Names, Venise, p. 453-480. BODSON 2014 L. BODSON, « Zoological knowledge in ancient Greece and Rome », G. L. CAMPBELL (éd.), The Oxford Handbook of Animals in Classical Thought and Life, Oxford, © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) BOUCHON, DECOURT 2017 R. BOUCHON, J.-C. DECOURT, « Le règlement religieux de Marmarini (Thessalie) : nouvelles lectures, nouvelles interprétations », Kernos, 30, p. 159-186. BOUTANTIN 2014 C. BOUTANTIN, Terres cuites et culte domestique. Bestiaire de l’Égypte gréco-romaine, Leyde-Boston. BRADLEY 1998 K. BRADLEY, « The sentimental education of the Roman child: the role of petkeeping », Latomus, p. 523-557 et pl. XII-XXV. BRUN, LEGUILLOUX 2013 H. BRUN, M. LEGUILLOUX, « Rituels sacrificiels et offrandes animales dans le Sarapieion C de Délos », G. EKROTH, J. WALLENSTEN (éd.), Bones, Behaviour and Belief, Stockholm, p. 167-179. BRUNEAU 1965 P. BRUNEAU, « Le motif des coqs affrontés dans l’imagerie antique », BCH, 89, p. 90-121. BRUNEAU 1985 P. BRUNEAU, « Deliaca (VI) », BCH, 109, p. 545-567 (= J.-C. MORETTI [éd.], P. BRUNEAU, Études d’archéologie délienne [BCH suppl., 47], Athènes, 2006, p. 667-689). BRUNS 1970 G. BRUNS, Küchenwesen und Mahlzeiten (Archaeologia Homerica, II.Q), Göttingen. CALDER 2017 L. CALDER, « Pet and image in the Greek world: The use of domesticated animals in human interraction », T. FÖGEN, E. THOMAS (éd.), Interactions Between Animals and Humans in Graeco-Roman Antiquity, Berlin-Boston, p. 61-88. CARBON 2016 J.-M. CARBON, « The festival of the Aloulaia, and the association of Alouliastiai. Notes concerning the new inscriptions from Larisa/Marmarini », Kernos, 29, p. 185-208. CHANTRAINE 1968 P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris (2e éd. 2009). COOK 1976 B. F. COOK, Greek and Roman Art in the British Museum, Londres. CORBIER 1989 M. CORBIER, « Le statut ambigu de la viande à Rome », DHA, 15, p. 107-158. CSAPO 2008 E. CSAPO, « Cockfights, contradictions and the mythopoetics of ancient Greek culture », Arts, 28, p. 9-45. CUMONT 1942 F. CUMONT, « Le coq blanc des Mazdéens et les Pythagoriciens », CRAI, 86, p. 284-300. DALBY 2003 A. DALBY, Food in the Ancient World from A to Z, Londres-New York. DARMON 1980 J.-P. DARMON, Nymfarum Domus. Les pavements de la maison des Nymphes à Néapolis (Nabeul, Tunisie) et leur lecture, Leyde. DECOURT, TZIAPHALIAS 2015 J.-C. DECOURT, A. TZIAPHALIAS, « Un règlement religieux de la région de Larissa : cultes grecs et “orientaux” », Kernos, 28, p. 13-51. DESCAMPS-LEQUIME et al. 2011 S. DESCAMPS-LEQUIME, K. CHARATZOPOULOU et al. (éd.), Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique, Paris. DESCAT 1988 R. DESCAT, « Aux origines de l’oikonomia grecque », QUCC, n. s. 28, p. 103-119. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) p. 556-578. Christophe Chandezon DE CUPERE 2001 B. DE CUPERE, Animals at Ancient Sagalassos. Evidence of the Faunal Remains (Studies in Eastern Mediterranean Archaeology, IV), Turnhout. DIGARD 2009 J.-P. DIGARD, L’homme et les animaux domestiques. Anthropologie d’une passion, 2e éd., Paris. DOVER 1982 K. J. DOVER, L’homosexualité grecque, trad. fr. S. SAÏD, Grenoble. DUMONT 1988 J. DUMONT, « Les combats de coq furent-ils un sport ? », Pallas, 34, p. 33-44. DUNBABIN 1999 K. M. D. DUNBABIN, Mosaics of the Greek and Roman World, Cambridge. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) DUNBAR 1995 N. DUNBAR, Aristophanes, Birds, Oxford. DUPLOUY 2006 A. DUPLOUY, Le prestige des élites. Recherches sur les modes de reconnaissance sociale en Grèce entre les Xe et Ve siècles avant J.-C., Paris. ECKERMANN 2012 C. ECKERMAN, « Cockfighting and the iconography of Panathenaic amphorae », ICS, 37, p. 39-50. EDA et al. 2016 M. EDA, P. LU, H. KIKUCHI, Z. LI, F. LI, J. YUAN, « Reevaluation of early Holocene chicken domestication in Northern China », Journal of Archaeological Science, 67, p. 25-31 (en ligne : https://doi.org/10.1016/j.jas.2016.01.012). EVANS 2010 T. V. EVANS, « Counting chickens in PSI VI 569 », ZPE, 173, p. 191-200. FIECHTER 1935 E. FIECHTER, Das Dionysos-Theater in Athen, I. Die Ruine, Stuttgart. FILGIS, RADT 1986 M. N. FILGIS, W. RADT, Die Stadtgrabung. I. Das Heroon (AvP, XV.1), Berlin. FISCHER 2004 N. FISCHER, « The perils of Pittalakos: Settings of cock fighting and dicing in Classical Athens », S. BELL, G. DAVIES (éd.), Games and Festivals in Classical Antiquity (BAR, 1220), Oxford, p. 65-78. FRANCO 2014 C. FRANCO, Shameless. The Canine and the Feminine in Ancient Greece, trad. M. FOX, Oakland Ca. FRANCO 2018 C. FRANCO, « Animals », M. BETTINI, W. M. SHORT (éd.), The World Through Roman Eyes. Anthropological Approaches to Ancient Cultures, Cambridge, p. 275298. GALIK, FORSTENPOINTNER, WEISSENGRUBER 2014 A. GALIK, G. FORSTENPOINTNER, G. WEISSENGRUBER, « Die archäozoologischen Funde », H. THÜR, E. RATHMAYER (éd.), Hanghaus 2 in Ephesos. Die Wohneinheit, 6, 3 vol., Vienne, 2014, p. 773-799. GEERTZ 1975 C. GEERTZ, « Deep play: Notes on the Balinese cockfight », C. GEERTZ, The Interpretation of Cultures. Selected Essays, Londres, p. 412-453. GOGOS 2008 S. GOGOS, Das Dionysostheater von Athen. Architektonische Gestalt und Funktion, Vienne. GRABOW 2015 E. GRABOW, Der Hahn – Haustier oder Dämon? Studien zu griechischen Vasenbildern (Boreas Beiheft, 11), Münster. GRAY 1878 J. H. GRAY, China: A History of the Laws, Manners and Customs of the People, 2 vol., Londres. GRAZZINI 2014 S. GRAZZINI, « Con cosa si inizia la cena?: la gerarchia delle portate come simbolo ambivalente di sequenzialità: (Cicerone, Pro Cluentio 71, Orazio, Satire 1, 3, 6-7 e Ars poetica 147) », MD, 73, p. 137-147. HABICHT 1991 C. HABICHT, « Zu den Münzmeistern der Silberprägung des neuen Stils », Chiron, 21, p. 1-23. HASSELIN-ROUS, LAUGIER, MARTINEZ 2010 I. HASSELIN-ROUS, L. LAUGIER, J.-L. MARTINEZ (dir.), D’Izmir à Smyrne. Découverte d’une cité antique, Paris. HEADLAM, KNOX 1966 W. HEADLAM, A.D. KNOX, Herodas.The Mimes and Fragments, Cambridge. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 100 101 HEHN 1894 V. HEHN, Kulturpflanzen und Hausthiere in ihrem Übergang aus Asien nach Griechenland und Italien sowie in das übrige Europa, 2e éd., Berlin. HOFFMANN 1974 H. HOFFMANN, « Hahnenkampf in Athen. Zur Ikonologie einer attischen Bildformel », RA, 2, p. 195-220. HOGARTH 1902 D.G. HOGARTH, « The Zakro sealings », JHS, 22, p. 76-93 et pl. VI-X. IMHOOF-BLUMER, KELLER 1889 F. IMHOOF-BLUMER, O. KELLER, Tier- und Pflanzenbilder auf Münzen und Gemmen des klassischen Altertums, Leipzig. JENKINS 2006 I. JENKINS, Greek Architecture and its Sculpture in the British Museum, Londres. KELLER 1913 O. KELLER, Die antike Tierwelt, vol. II, Leipzig. KERAMOPOULOS 1918 A. D. KERAMOPOULOS, « Μυκηναϊκά », AD, 4, p. 88-101. KNIGGE 1988 U. KNIGGE, Der Kerameikos von Athen. Führung durch Ausgrabungen und Geschichte, Athènes. KOZLOFF, GEHRIG 1983 A. KOZLOFF, U. GEHRIG (éd.), Tierbilder aus vier Jahrtausenden. Antiken der Sammlung Mildenberg, Mayence. KRETSCHMER 1938 P. KRETSCHMER, « Literaturbericht für das Jahr 1935 », Glotta, 27, p. 1-40. KÜBLER 1954 K. KÜBLER, Die Nekropole des 10. bis 8. Jahrhunderts (Kerameikos, V.1), Berlin. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) KUNZE 1956 E. KUNZE, Bericht über die Ausgrabungen in Olympia, Bericht V, Berlin-New York. LAMBERTON, ROTROFF 1985 R. D. LAMBERTON, S. I. ROTROFF, Birds of the Athenian Agora, Princeton. LEGUILLOUX 2003a M. LEGUILLOUX, « Les animaux et l’alimentation d’après la faune : les restes de l’alimentation carnée des fortins de Krokodilô et Maximianon », H. CUVIGNY (éd.), La route de Myos Hormos. L’armée romaine dans le désert oriental d’Égypte, Le Caire, p. 549-588. LEGUILLOUX 2003b M. LEGUILLOUX, « The Delian chora in Classical and Hellenistic times: An island landscape planned for pastoralism », E. KOTJABOPOULOU et al. (éd.), Zooarchaeology in Greece. Recent Advances (British School at Athens Studies, 9), Londres, p. 251-256. LEGUILLOUX 2011 M. LEGUILLOUX, « Les animaux à Didymoi d’après les restes fauniques du dépotoir extérieur », H. CUVIGNY (éd.), Didymoi I. Une garnison romaine dans le désert oriental d’Égypte, Le Caire, p. 167-204. LEGUILLOUX 2018 M. LEGUILLOUX, « L’exploitation des animaux dans les praesidia des routes de Myos Hormos et de Bérénice : alimentation, transports et matières premières artisanales », J.-P. BRUN, T. FAUCHER, B. REDON, S. SIDEBOTHAM (dir.), Le désert oriental d’Égypte durant la période gréco-romaine : bilans archéologiques, Paris, p. 561-590. LEPETZ, CLAVEL 2018 S. LEPETZ, B. CLAVEL, « A Hellenistic funerary altar and sacrificials remains in the necropolis of Alexandria », M.-D. NENNA, S. HUBER, W. VAN ANDRINGA (éd.), Constituer la tombe, honorer les défunts en Méditerranée hellénistique et romaine, Alexandrie, p. 117-136. LEVI 1947 D. LEVI, Antioch Mosaic Pavements, 2 vol., Princeton-Londres-La Haye. LEWIS, LLEWELLYN-JONES 2018 S. LEWIS, L. LLEWELLYN-JONES, The Culture of Animals in Antiquity. A Sourcebook with Commentaries, Oxford-New York. LIMET 1994 H. LIMET, « Le chat, les poules et les autres : le relais mésopotamien vers l’Occident », L. BODSON (éd.), Des animaux introduits par l’homme dans la faune de l’Europe, Liège, p. 39-54. LISSARRAGUE 2000 F. LISSARRAGUE, Vases grecs. Les Athéniens et leurs images, Paris. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication Christophe Chandezon LISSI CARONNA, SABBIONE, VLAD BORRELLI 1999 E. LISSI CARONNA, C. SABBIONE, L. VLAD BORRELLI, I pinakes di Locri Epizefiri. Musei di Reggio Calabria e di Locri. Parte I, 4 tomes, Rome. LISSI CARONNA, SABBIONE, VLAD BORRELLI 2007 E. LISSI CARONNA, C. SABBIONE, L. VLAD BORRELLI, I pinakes di Locri Epizefiri. Musei di Reggio Calabria e di Locri. Parte III, 6 tomes, Rome. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) MAASS 1972 M. MAASS, Die Prohedrie des Dionysostheaters in Athen (Vestigia, 15), Munich. MACKINNON 2013 M. MACKINNON, « “Side” matters: Animal offerings at ancient Nemea », G. EKROTH, J. WALLENSTEIN (éd.), Bones, Behaviour and Belief. The Zooarchaeological Evidence as a Source for Ritual Practice in Ancient Greece and Beyond, Stockholm, p. 129-147. MARRONI, TORELLI 2016 E. MARRONI, M. TORELLI, L’obolo di Persefone. Immaginario e ritualità dei pinakes di Locri, Pise. MARTIN PRUVOT, REBER, THEURILLAT 2010 C. MARTIN PRUVOT, K. REBER, T. THEURILLAT (dir.), Cité sous terre. Des archéologues suisses explorent la cité grecque d’Érétrie, Gollion. MILANEZI 2013 S. MILANEZI, « Les noces de Caranos de Macédoine », C. GRANDJEAN, C. HUGONIOT, B. LION (éd.), Le banquet du monarque dans le monde antique, Rennes, p. 343-372. MITCHINER 1975 M. MITCHINER, Indo-Greek and Indo-Scythian Coinage, vol. I: The Early IndoGreeks and their Antecedants, Londres. MORAND 2020 N. MORAND, Approche archéozoologique de la cité d’Alexandrie de sa fondation à la fin du Moyen Âge (IVe siècle av. J.-C. – XVe siècle), thèse soutenue le 26 mai 2020, Muséum national d’histoire naturelle (à paraître : Études alexandrines, 54). MYNOTT 2018 J. MYNOTT, Birds in the Ancient World, Oxford. NADEAU 2016 R. NADEAU, « Chicken à la perse », W. BROEKAERT, R. NADEAU, J. WILKINS (éd.), Food, Identity and Cross-Cultural Exchange in the Ancient World (Coll. Latomus, 354), Bruxelles, p. 13-23. NOBIS 1994 G. NOBIS, « Die Tierreste aus der antiken Messene-Grabung 1990/91 », M. KOKABIAND, J. WAHL (éd.), Beiträge zur Archäozoologie und Prähistorischen Anthropologie, 8, Stuttgart, p. 297-313. NOBIS 2001 G. NOBIS, « Archäozoologische Studien an Tierresten aus Alt Messene/Ithome (SW-Peloponnes, Griechenland), Grabungen 1992 bis 1996 », H. BUITENHUIS, W. PRUMMEL (éd.), Animals and Man in the Past: Essays in Honour of Dr. A. T. Clason, Emeritus Professor of Archaeozoology, Rijksuniversiteit Groningen, the Netherlands, Groningue, p. 95-121. NOBIS 2003 G. NOBIS, « Αρχαιολογική μελέτη στην Ελεύθερνα της Κρήτης (ανασκαφές 19947)· συμβολή στον προβληματισμό για την εξάπλωση των αγρίων θηλαστικών σε αυτή τη ζωογεωγραφική περιοχή », E. KOTJABOPOULOU et al. (éd.), Zooarchaeology in Greece. Recent Advances (British School at Athens Studies, 9), Londres, p. 91-102. ORRIEUX 1983 C. ORRIEUX, Les papyrus de Zénon. L’horizon d’un Grec en Égypte au avant J.-C., Paris. IIIe siècle ORTH 1913 W. ORTH, RE, s. v. « Huhn », col. 2519-2536. PALAGIA 2008 O. PALAGIA, « The date and iconography of the calendar frieze of the little Metropolis, Athens », JdI, 123, p. 215-237. PARKER 2016 R. PARKER, « The nameless goddess of Marmarini », ZPE, 199, p. 58-59. PARKER, SCULLION 2016 R. PARKER, S. SCULLION, « The mysteries of the goddess of Marmarini », Kernos, 29, p. 209-266. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 102 103 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) PASQUIER, MARTINEZ 2007 A. PASQUIER, J.-L. MARTINEZ, 100 chefs-d’œuvre de la sculpture grecque au Louvre, Paris. PERDRIZET 1893 P. PERDRIZET, « Sur l’introduction en Grèce du coq et des combats de coqs. À propos d’un lécythe archaïque du musée du Louvre », RA, 21, p. 157-167 et pl. 5. PERRY-GAL et al. 2015 L. PERRY-GAL, A. ERLICH, A. GILBOA, G. BAR-OZ, « Earliest economic exploitation of chicken outside East Asia: Evidence from the Hellenistic Southern Levant », Proceedings of the National Academy of Sciences, 112.32, p. 9849-9854 (DOI : 10.1073/pnas.1504236112). PETERS et al.2016 J. PETERS, O. LEBRASSEUR, H. DENG, G. LARSON, « Holocene cultural history of Red jungle fowl (Gallus gallus) and its domestic descendant in East Asia », Quaternary Science Review, 142, p. 102-119 (DOI : 010.1016/j.quascirev. 2016.04.004). PITT 2017 J. C. PITT, The Ecology of Chickens: An Examination of the Introduction of the Domestic Chicken Across Europe after the Bronze Age, PhD Bournemouth University. POLLARD 1977 J. POLLARD, Birds in Greek Life and Myth, Londres. POPKIN 2012 M. L. POPKIN, « Roosters, columns, and Athena on early panathenaic prize amphoras: Symbols of a new Athenian identity », Hesperia, 81, p. 207-235. RADT 1987 W. RADT, Pergamon: Geschichte und Bauten einer antiken Metropole, Darmstadt. REESE 1987 D. S. REESE, « A bone assemblage at Corinth of the second century after Christ », Hesperia, 56, p. 256-274 et pl. 45-46. REESE, ROSE, PAYNE 1995 D. S. REESE, M. J. ROSE, S. PAYNE, « The Minoan Fauna », J. W. SHAW, M. C. SHAW (éd.), Kommos I.1, Princeton, p. 163-291. REESE 2013 D. S. REESE, « Appendix V. The fauna », E.C. BANKS, The Settlement and Architecture of Lerna (Lerna, VI), Princeton, p. 421-467. RICHTER 1930 G. M. A. RICHTER, Animals in Greek Sculpture. A Survey, Oxford-Londres. RICHTER 1968 W. RICHTER, Die Landwirtschaft im homerischen Zeitalter (Archaeologia Homerica, II.H), Göttingen. RIDGWAY 1970 B. S. RIDGWAY, The Severe Style in Greek Sculpture, Princeton. ROBINSON 1951 E. S. G. ROBINSON, « The coins from the Ephesian Artemision reconsidered », JHS, 71, p. 156-167. ROUBINEAU 2016 J.-M. ROUBINEAU, Milon de Crotone ou l’invention du sport, Paris. ROUGIER-BLANC 2018 S. ROUGIER-BLANC (éd.), Athénée de Naucratis, Le banquet des savants, livre XIV (Ausonius Scripta Antiqua, 117), Bordeaux. RUSCILLO 1993 D. RUSCILLO, « Faunal remains from the acropolis site, Mytilene », EMC, 37, p. 201-210. SALLARES 1991 R. SALLARES, The Ecology of the Ancient Greek World, Londres. SARRAZANAS 2021 C. SARRAZANAS, La cité des spectacles permanents. Organisation et organisateurs des concours civiques dans l'Athènes hellénistique et impériale, Bordeaux. SCHNEBEL 1925 M. SCHNEBEL, Die Landwirtschaft im hellenistischen Ägypten, Munich. SELTMAN 1925 C.T. SELTMAN, « Eros: In early attic legend and art », ABSA, 26, p. 88-105. STAFFORD 2008 E. STAFFORD, « Cocks to Asklepios: Sacrificial practice and healing cult », V. MEHL, P. BRULÉ (éd.), Le sacrifice antique. Vestiges, procédures et stratégies, Rennes, p. 205-221. SYKES 2012 N. SYKES, « A social perspective on the introduction of exotic animals: The case of the chicken », World Archaeology, 44, p. 158-169. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) Le coq et la poule en Grèce ancienne : mutations d’un rapport de domestication Christophe Chandezon TAEUBER 2016 H. TAEUBER, « VIII. Graffiti und Inschriften », E. RATHMAYR (éd.), Hanghaus 2 in Ephesos. Die Wohneinheit 7. Baubefind, Ausstattung, Funde, Vienne, vol. 1, p. 233-257. THEMELIS 2007 P. THEMELIS, « Panathenaic prizes and dedications », O. PALAGIA, A. CHOREMISPETSIERI (éd.), The Panathenaic Games, Oxford-Oakville, p. 21-32. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) THOMPSON 1936 D’A. W. THOMPSON, A Glossary of Greek Birds, Londres-Oxford. THOMPSON 1961 M. THOMPSON, The New Style Silver Coinage of Athens, New York. TRUE, HAMMA 1994 M. TRUE, K. HAMMA (éd.), A Passion for Antiquities. Ancient Art from the Collection of Barbara and Lawrence Fleischman, Malibu. VALAVANIS 1987 P. VALAVANIS, « Säulen, Hähne, Niken und Archonten auf panathenäischen Preisamphoren », AA, p. 467-480. VENDRIES 2002 C. VENDRIES, « Un coq gallo-romain “sonnant la victoire” : une image de la guerre antique réutilisée à l’époque de Vichy », P. BUTON (éd.), La guerre imaginée, Paris, p. 45-56. VENDRIES 2003 C. VENDRIES, « Le coq dans l’Antiquité gréco-romaine », Le coq. Histoires de plume et de gloire. Exposition du 15 mars au 31 août 2003 au musée départemental de l’abbaye de Saint-Riquier (Somme), Saint-Riquier, p. 24-30. VENDRIES 2007 C. VENDRIES, « L’enfant et le coq. Une allusion à la gladiature sur la mosaïque des “enfants chasseurs” de Piazza Armerina », AntTard, 15, p. 159-179. VERNUS, YOYOTTE 2005 P. VERNUS, J. YOYOTTE, Le bestiaire des pharaons, Paris. VESPA 2019 M. VESPA, « Rituale, spettacolo o gioco d’azzardo? Memorie del combattimento dei galli in Grecia antica. Considerazioni linguistiche e antropologiche », Enthymema, 23, p. 434-460 (DOI : 10.13130/2037-2426/11939). VICKERS 1990 M. VICKERS, « Atttic symposia after the Persian wars », O. MURRAY, Sympotica: A Symposium on the Symposion, Oxford, p. 105-121. VICKERY 1936 K. F. VICKERY, Food in Early Greece, Urbana. VILLING 2017 A. VILLING, « Don’t kill the goose that lays the golden egg? Some thoughts on bird sacrifices in ancient Greece », S. HITCH, I. RUTHERFORD (éd.), Animal Sacrifice in the Ancient Greek World, Cambridge, p. 63-101. WANG et al. 2020 M.-S. WANG, M. THAKUR et al., « 863 genomes reveal the origin and domestication of chicken », Cell Research, 30.8, p. 693 701 (DOI : 10.1038/s41422-0200349-y). WERNER 1998 K. E. WERNER, Die Sammlung antiker Mosaiken in den Vatikanischen Museen, Cité du Vatican. WEST 1971 M. L. WEST, Iambi et elegi graeci ante Alexandrum cantati, vol. I, Oxford. WEST, ZHOU 1988 B. WEST, B.-X. ZHOU, « Did chickens go north? New evidence for domestication », Journal of Archaeological Science, 15, p. 515-533. WOYSCH-MÉAUTIS 1982 D. WOYSCH-MÉAUTIS, La représentation des animaux et des êtres fabuleux sur les monuments funéraires grecs de l’époque archaïque à la fin du IVe siècle av. J.-C. (Cahiers d’archéologie romande, 21), Lausanne. WURSTER 1979 W. W. WURSTER, « Die neuen Untersuchungen am Dionysostheater in Athen », Architectura, 9, p. 58-76. ZANKER 1993 P. ZANKER, « The Hellenistic grave stelai from Smyrna: Identity and self-image in the polis », A. BULLOCH, E. S. GRUEN, A. A. LONG, A. STEWART (éd.), Images and Ideologies. Self-Definition in the Hellenistic World, Berkeley-Los Angeles-Londres, p. 212-230. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 02/06/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.214) 104