Zakaria Rhani est anthropologue et professeur assistant au CJB, le Centre Jacques Berque pour les études en sciences humaines et sociales au Maroc. Son intérêt pour le Maroc, sa terre natale, s'est concrétisé à la suite de quelques...
moreZakaria Rhani est anthropologue et professeur assistant au CJB, le Centre Jacques Berque pour les études en sciences humaines et sociales au Maroc. Son intérêt pour le Maroc, sa terre natale, s'est concrétisé à la suite de quelques publications sur ce sujet. Son plus récent ouvrage, Le pouvoir de guérir : mythe, mystique et politique au Maroc, porte sur l'importance des mythes et de l'hagiographie au sein des dynamiques politiques et socioculturelles au Maroc. Rhani montre comment les structures politiques actuelles ont été construites, au fi l des siècles, à la suite de tensions incessantes entre les sultans et les saints. Les dissensions entre ces deux acteurs revêtent une grande importance, car elles sont la genèse de la transmission du pouvoir ainsi que la dualité entre le cosmique et le sociopolitique au Maroc (p. 15). L'auteur expose dans l'ouvrage son observation et sa compréhension du culte du saint Ben Yeffu. Il montre ainsi que les dynamiques politiques du Maroc ne peuvent être comprises séparément de la religion islamique, de ses saints et de ses mythes et rituels. Ce sont d'ailleurs ces mêmes dynamiques et ces mêmes réalités qui agiront sur le futur de la société marocaine. Pour comprendre ces dynamiques et ces structures marocaines, l'auteur divise son ouvrage en sept chapitres. Les deux premiers visent à expliquer l'origine des saints par l'hagiographie et à mettre en lumière leurs lignages, montrant la légitimité des sultans, descendants du prophète. Si les sultans reçoivent leur pouvoir (baraka) du prophète, les saints la reçoivent de Dieu ou par une fi liation reliée au prophète. Le sultan représente une autorité visible, tandis que le saint est garant de l'autorité invisible. Les deux projettent un charisme et une autorité indiscutables. Ainsi, le sultan perçoit les saints comme étant des rivaux. Les deux chapitres suivants présentent le saint Ben Yeffu et le mythe qui lui est relatif. Rhani, pour son étude ethnographique, s'est rendu au sanctuaire de ce dernier. Il explicite comment Yeffu est devenu un saint en affrontant plusieurs périples et en s'opposant à un sultan noir. L'importance des guérisseurs, des représentants des saints au sein des sanctuaires est ensuite mise en évidence. Pour illustrer la capacité d'évolution des rites et des mythes, Rhani présente le témoignage de la guérisseuse Bouchra, qui montre bien la plasticité et la capacité d'adaptation des rites et des mythes aux besoins sociaux et culturels. La tension entre les saints et le sultan est toujours d'actualité et sous-tend les enjeux sociopolitiques actuels. Ces dynamiques sociopolitiques et religieuses sont en constante évolution. Plusieurs Marocains aimeraient ainsi voir le retour d'un califat au Maroc. Rhani offre une vue d'ensemble de l'hagiographie marocaine qui permet de mieux comprendre la politique et le système religieux du Maroc actuel. Cette publication est destinée à un public universitaire ainsi qu'à des spécialistes du monde maghrébin. Le texte, très soigné et précis, est accompagné de photographies et de cartes qui appuient les données de l'auteur. Si Rhani ne laisse pas ses origines infl uencer son travail d'ethnologue, sa connaissance du Maroc lui permet d'avoir une compréhension précise des données recueillies. Tout au long de son ouvrage, il priorise les témoignages oraux ainsi que la tradition orale plutôt que de