L’existence humaine est marquée collectivement par une succession d’exils, dont la Bible notamment se fait la transmettrice, à travers les récits des tribulations du peuple d’Israël qu’elle relate. Dès les origines, l’Adam est expulsé du...
moreL’existence humaine est marquée collectivement par une succession d’exils, dont la Bible notamment se fait la transmettrice, à travers les récits des tribulations du peuple d’Israël qu’elle relate. Dès les origines, l’Adam est expulsé du jardin en Eden baigné de félicité, puis suivent les différentes tribulations des patriarches, celles du peuple d’Israël, les épreuves, sur fond d’exil des âmes humaines qui se corrompent à de multiples reprises dans l’adoration d’idoles proscrites, dans diverses trahisons, etc. Les exemples d’exils ne cessent de se multiplier de nos jours encore, répétant depuis des siècles ce que les prédécesseurs ont aussi vécu, portant à croire que l’exil serait inhérent à l’homme.
Et puis, individuellement, l’exil est, dès le premier cri, l’expulsion brutale hors du lieu de gestation aquatique où tout est donné, offert, vers un milieu aérien et un lieu nouveaux, nouvel exil. Et puis tout au long de la vie, à chaque épreuve… Sauf que, selon Claude Vigée, « Privé de la conscience née de la présence secrète de l’Aleph en chacun de nous, le monde matériel est pur exil pour l’homme ; dès que cette conscience s’éveille en nous, le temps promis de la rédemption et du retour peut commencer enfin sur terre » (Claude Vigée, Dans le silence de l’aleph, Paris, Albin Michel, 1992, p. 31). C’est ce que suggère François Cheng lorsqu’il définit le vrai voyage comme « […] la transmutation d’un voyage qu’on a déjà fait en soi, un soi qui cherche à se transcender en vue d’un dépassement, d’une réconciliation » (François Cheng, L’un vers l’autre : en voyage avec Victor Segalen, Paris, Albin Michel, 2008, p. 41). C’est autour de la question de l’exil de l’âme que se nouera l’exposé, et de l’idée de réconciliation qui va de pair avec celle de réparation (תיקון Tiqoun), un voyage vers les retrouvailles, avec soi et avec l’autre, des retrouvailles collectives téléologiques.