Ce que « gai » veut théoriquement dire L'étude de la construction identitaire masculine comme celle des rapports sociaux entre hommes hétérosexuels et non hétérosexuels mène souvent à celle de l'emploi de l'épithète «gai» ou de la gamme...
moreCe que « gai » veut théoriquement dire L'étude de la construction identitaire masculine comme celle des rapports sociaux entre hommes hétérosexuels et non hétérosexuels mène souvent à celle de l'emploi de l'épithète «gai» ou de la gamme de termes qui lui sont apparentés 2. Cet aboutissement n'est pas étranger au constat de leur utilisation fréquente entre garçons adolescents ou entre hommes. Employés principalement par des garçons et des hommes et quelquefois par des filles et des femmes, ces termes s'adressent exclusivement à des garçons ou hommes – à quelques Cette pratique s'étend de plus à une diversité de pays, tel qu'en témoignent les terrains des chercheurs-es y ayant consacré leur intérêt. Même lorsqu'ils ne sont pas les destinataires explicites de ces épithètes (Burn, 2000; Nayak et Kehily, 1996; Pascoe, 2005), des jeunes hommes gais témoignent du fait qu'ils soient ou se sentent particulièrement ciblés par elles (Burn, Kadlec et Rexer, 2005). De leur côté, les garçons et les hommes qui les emploient se défendent généralement de les utiliser dans un sens faisant référence aux hommes gais ou dans l'optique de les diminuer (Bastien Charlebois, 2009; Burn, 2000; Pascoe, 2005), ce que corroborent certains adultes étant en contact étroit avec des jeunes (Grenier, 2005; Richard, 2013). De leurs propres dires, « gai » et ses termes apparentés désigneraient davantage la « stupidité », la « faiblesse » ou les comportements et affinités « féminins ». Cette tension interprétative se transpose chez les chercheurs-es qui, bien que s'entendant sur sa fonction régulatrice, sont en désaccord à propos des sujets impliqués dans l'utilisation 1 Nous tenons à remercier la personne qui a corrigé ce texte pour ses commentaires judicieux. 2 Les termes apparentés, au Québec, sont « tapette », « fif » et « moumoune », pour ne nommer qu'eux. Ils varient ensuite selon les espaces géographiques et les sphères linguistiques. La France connait « pédé », « pédale », « homo » et « tantouze »; les États-Unis et le Canada anglais, « fag », « faggot », et « gay »; la Grande-Bretagne et l'Australie : « poof » et « poofter ». Pour alléger le texte, nous n'allons employer que l'acception « épithète gai » ou « gai » pour référer à ce conglomérat de termes, tout en étant consciente que certaines nuances peuvent exister entre eux. Nous préférons « gai » car il représente le terme le plus usité au Québec. Puis nous privilégions l'appellation « épithète », puisqu'elle inclut à la fois l'offense (insulte) et le « jeu ». 3 Nous comprenons les distinctions corporelles « hommes » et « femmes » comme étant produites par la médecine. Celle-ci effectue également l'assignation initiale «garçon» et «fille», reprise ensuite par les multiples appareils sociaux régulateurs de la distinction. Nous nous joignons à la critique de cette vision dichotomique formulée par de nombreuses personnes féministes, transidentifiées ou intersex(ué)es, préférant une lecture approximative des corps qui soit réceptive à l'identification que préfèrent les personnes elles-mêmes. Les études sur les pratiques de l'épithète – y compris la nôtre-ont toutefois présumé jusqu'ici l'absence de sujets transidentifiés et intersexués dans les interactions envisagées. Il a depuis été porté à notre connaissance lors d'échanges informels que des personnes ne s'identifiant pas comme hommes, mais étant perçues comme tels, peuvent être également ciblées.