Qui a ouvert l’édition moderne d’une épopée antique s’est accoutumé à voir le texte découpé sur la page, hiérarchisé par des indentations qui organisent – et conditionnent – la lecture. Cependant cette « structuration » du texte diffère...
moreQui a ouvert l’édition moderne d’une épopée antique s’est accoutumé à voir le texte découpé sur la page, hiérarchisé par des indentations qui organisent – et conditionnent – la lecture. Cependant cette « structuration » du texte diffère d’une édition à l’autre, tributaire des décisions de l’éditeur. On pourrait définir des unités plus fines par le croisement de trois critères : la fin d’une unité narrative (un discours direct, le début d’un catalogue, ou, selon la terminologie de Greimas, la phase de manipulation, de compétence, d’action ou de sanction) coïncidant à la fois avec une fin de vers et une fin syntaxique (ponctuation forte). Il arrive que ces fins d’unités correspondent à des signes diacritiques présents dans les manuscrits ou papyrus (des paragraphoi), mais ces subdivisions sont encore trop grandes pour suffire à la rythmisation d’un texte. Si l’on resserre le champ de notre recherche aux unités narratives minimales, que l’on désignera ici par la métaphore de l’appartement, on observe que les groupes de vers qui les composent, détachés par la coïncidence entre fin de phrase et fin de vers, peuvent se combiner en blocs soudés par des répétitions lexicales, syntaxiques, phoniques ou thématiques. Ces nouveaux blocs, que l’on pourrait assimiler à des chambres à l’intérieur de l’appartement qu’est l’unité narrative, se caractérisent souvent par la répétition du même nombre de vers. C’est dans cette optique que nous aimerions aborder la question de la rythmisation des textes épiques, d’Hésiode à Eugenianos, en particulier Virgile, Ovide et Lucain, pour obtenir une vision d’ensemble. Appartement, chambre ou maison – « un palais magnifique à quatre appartements », dira Du Bellay de la composition des Regrets (CLVII) – comment le chantre rythme-t-il son poème, et comment, pour nous, se rythme la lecture ?
