Longtemps, l’historiographie, de Diodore de Sicile à Victor Davis Hanson, en passant par Pierre Vidal-Naquet, a offert une place toute particulière à la bataille de Leuctres. La source la plus ancienne qui nous est parvenue à propos de...
moreLongtemps, l’historiographie, de Diodore de Sicile à Victor Davis Hanson, en passant par Pierre Vidal-Naquet, a offert une place toute particulière à la bataille de Leuctres. La source la plus ancienne qui nous est parvenue à propos de celle-ci nous provient de Xénophon. La bataille de Leuctres, qui se serait, a priori, déroulée le 6 juillet 371 avant notre ère, nous est contée dans les segments 4 à 16, du chapitre 4 du sixième livre des Helléniques de Xénophon, écrit quelques années après les événements. Cet auteur, né aux environs de 426 av. J.-C., fut un citoyen athénien, élève de Socrate. Ses sympathies vis-à-vis de la plus grande rivale d’Athènes, Sparte, le pousse - entre autre - à s’engager comme mercenaire en Asie Mineure, lors de l’expédition des Dix milles. Condamné à l’exil par sa cité natale pour s’être mis au service de la puissance rivale, après moultes péripéties, il finit néanmoins ses jours à Athènes. Écrit par un philosophe politique et stratège ayant connu la réalité du combat, ce récit de la bataille de Leuctres est particulièrement intéressant à analyser, d'un point de vu tactique, militaire et historique.
A la suite de la Paix d’Antalcidas en 386 avant notre ère, affirmant la pacification des relations entre Athéniens, Spartiates et Perses, Sparte exige la désagrégation de la Confédération béotienne. Celle-ci constituerait une entrave à la liberté des cités grecques la constituant. De nombreuses cités de Béotie formaient alors un koinon, une « confédération » administrée par des institutions fédérales, dans lesquelles les divers membres la composant sont théoriquement égalitairement représentés. De jure, un koinon se passe d’hégèmôn. De facto, Thèbes, principale cité béotienne domine les autres. Paradoxalement, la puissance impérialiste spartiate aspirait à défendre l’autonomia des poleis, menaçant, dès lors, toutes cités-Etats ne respectant pas les clauses du traité de paix. Face au refus de Thèbes de reconnaître l’indépendance des cités béotiennes, Sparte dû intervenir militairement. Thèbes fut alors placée entre les mains d’une oligarchie, dont les intérêts convergeaient avec ceux des Spartiates. A l’instar du mythique roi Oedipe, de nombreux Thébains furent ainsi contraints à l'exil. Rapidement, les Thébains, menés par Epaminondas et Pélopidas, reprirent le contrôle de la cité, avant de refonder la Confédération béotienne. Thèbes lutta pour chasser les dernières forces spartiates de Béotie. Face à l’affront fait à sa puissance, Sparte, épaulée par ses alliés de la Ligue du Péloponnèse, envoie une armée en Béotie pour détruire les ambitions thébaines. L’armée spartiate menée par Cléombrote II, affronte l’armée béotienne, dirigée par les chefs thébains, dans la plaine de Leuctres, située sur le territoire de Thespies, une cité de Béotie. Étonnamment, et ce malgré l’inégalité numérique des deux belligérants, le texte de Xénophon nous narre une grande victoire thébaine.
La bataille de Leuctres, symbole d’une véritable « révolution militaire » – pour reprendre les termes de Pierre Vidal-Naquet – renverse le rapport de force géopolitique entre les deux belligérants, concédant à Thèbes la supériorité sur Sparte. Face à la puissance de Sparte, la victoire de Thèbes résulte d'une certaine lucidité stratégique et d'une solide maîtrise de l'art de la guerre. Inattendue pour les contemporains, mais joué d'avance sous la plume de Xénophon, le désastre militaire spartiate renverse les rapports de force entre les deux cités. La puissance impérialiste spartiate s’écrase face à la robustesse de la Confédération béotienne.