Défis Cognitifs Du Changement Climatique V.07
Défis Cognitifs Du Changement Climatique V.07
Défis Cognitifs Du Changement Climatique V.07
cognitifs du
changement
climatique
Travail de session
remis aux professeurs
Pierre Poirier et Luc
Faucher – ISC 9000 -
DIC
Albert Lejeune
[DÉFIS COGNITIFS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE] 9 juin 2010
People are not accustomed to thinking hard, and are often content
to trust a plausible judgment that comes to mind.
Daniel Kahneman, American Economic Review 93 (5) December
2003, p. 1450
INTRODUCTION 3
SYNTHÈSE ET CONCLUSION 17
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 19
Introduction
Le Roy-Ladurie (1967) écrivait « Le climat c’est l’histoire du temps qu’il fait ». En raison
des fluctuations atmosphériques, au cours du temps qui passe, le climat varie et change
naturellement. En plus des saisons, ses variations provoquent des cycles de durée de
plus en plus longue. Lorsque l’on parle du changement climatique, il s’agit toutefois, des
changements résultant de l’activité humaine. En effet, l’activité humaine modifie le
système climatique qui est composé de l’atmosphère, des terres, des océans, des glaces
et de la biosphère. Le phénomène du changement climatique pose des défis cognitifs : il
s’agit (1) de penser une menace invisible, un phénomène agissant à une échelle de
temps sans commune mesure avec notre échelle limitée de la vie humaine; (2) de
calculer les probabilités de gains ou de pertes économiques, au niveau des grandes
régions climatiques; (3) d’évaluer les risques écologiques pour les générations futures i.
Ces défis sont souvent mal surmontés et les symptômes des échecs abondent : absence
de définition commune du phénomène du changement climatique, déni et
désinformation, négociations sans aboutissement, interprétations idéologiques d’un
phénomène qui ne devrait relever que de la science, questionnement des croyances des
chercheurs et de la valeur de la science, réactions émotives et difficultés d’évaluation
des risques.
Le but de ce papier est d’analyser les défis cognitifs reliés au changement climatique à
l’aide des sciences de la cognition de manière à en tirer des enseignements pour les
décideurs et les professionnels concernés par le changement climatique tels que les
hommes politiques, les urbanistes, les architectes et les gestionnaires de plus en plus
contraints à adopter des stratégies ‘vertes’.
Dans l’analyse de Nisbet et Meyers (2007), l’attention est l’élément clef de la prise de
conscience du changement climatique. En 1986, seuls 39% des américains reconnaissent
avoir eu des informations sur l’effet de serre. Après la canicule de l’été 1988, ce
pourcentage s’accroît de presque de 20 % et passe à 58%. En 2006, 90% des américains
possèdent un certain niveau de conscience du phénomène.
Par exemple, il est utile pour la survie d’un animal de savoir que son prédateur lui
tourne le dos ou lui fait face et le menace, la conscience de la posture du prédateur
devient une condition de sa survie. Mais qu’apporte la conscience du changement
climatique d’un point de vue individuel? Les réponses sont individuellement plus que
limitées et il est difficile d’en percevoir les bénéfices. L’action individuelle, même
consciente et informée, pourrait ne pas être une réponse suffisante à l’ampleur du
phénomène du changement climatique. En conséquence, comment l’attention peut-elle
être soutenue et centrée sur le changement climatique de telle sorte qu’il puisse être
possible de prendre collectivement les précautions nécessaires?
Un exemple intéressant est donné par les effets et conséquences du film d’Al Gore - An
Inconvenient Truth ? Quels sont les termes d’une telle projection auprès d’un public?
Combien de temps ce type de film documentaire permet-il la conscience du phénomène
du changement climatique? Ou tout au moins permet-il une meilleure compréhension?
Il ne semble pas exister de corrélation entre la conscience du phénomène du
changement climatique et sa compréhension. Niesbet et Meyers (2007) soulignent
qu’un niveau de conscience du changement climatique de 90% de l’opinion publique
américaine n’est pas un indice de compréhension du problème. En effet, les sondages
Gallup pris chaque année de 2001 à 2005 révèlent que seuls 11% des répondants
pensent en savoir beaucoup sur le changement climatique.
Les prototypes singularisent les Selon la vue du concept comme Selon la vue des concepts
propriétés des membres d’une exemplaire, nos processus comme théorie, nos
catégorie de façon statistique. cognitifs supérieurs sont définis représentations mentales sont
Dans la plupart des modèles de sur des représentations de similaires aux théories
prototype, les prototypes sont membres spécifiques d’une scientifiques et les processus
supposés encoder de catégorie qui valent pour cognitifs sont similaires aux
l’information à propos des l’ensemble de la catégorie. Un formes scientifiques de
propriétés typiques de la concept de classe d’objets raisonnement.
catégorie donnée, c'est-à-dire consiste alors en un ensemble
les propriétés propres à la d’exemplaires, ou de Un concept ou une classe
plupart des membres de la représentations de membres d’entités est alors une théorie au
catégorie. particuliers de cette classe. sujet de cette classe, c'est-à-dire
une structure de données qui
encode des généralisations
nomologiques, causales,
modales et fonctionnelles au
sujet de cette classe.
climatique devrait affecter chacun des habitants de la planète, ses impacts seront très
inégaux, ils dépendront des endroits plus ou moins exposés, aux inondations par
exemple, et des infrastructures en place. Les pays pauvres devraient être les plus
affectées (Norgaard, 2009).
1. La terre se réchauffe
2. Ce réchauffement aura des impacts dévastateurs sur la société humaine
3. Les gaz à effet de serre (GES) sont les principales causes de ce réchauffement et
4. La réduction de ces émissions de GES est la meilleure façon de réduire les
impacts négatifs du changement climatique.
L’enjeu crucial de la révision des croyances scientifiques est de faire face à des situations
où de nouvelles hypothèses ou évidences suscitent le besoin de rejeter des croyances
qui ont déjà été adoptées. Il faut donc évaluer toutes les hypothèses pertinentes en
rapport avec les nouvelles évidences. La base de données scientifique ainsi construite
se composera d’un ensemble de propositions décrivant des évidences et d’hypothèses
pour les expliquer. Pour Thagard et Findlay (2009), leur approche de recherche de la
cohérence dans les croyances rencontre bien les exigences fixées par Gärdenfors (1988,
1992) qui décrit les trois types de changement de croyances : expansion, révision, et
contraction. On parle d’expansion quand une nouvelle proposition est introduite dans
un système de croyances, de révision quand une nouvelle proposition implique le rejet
d’une ou de plusieurs anciennes propositions contradictoires, et de contraction quand
certaines propositions ne contribuent plus à maximiser la cohérence.
Cette importance de l’émotion est présente également dans l’évaluation des risques et
impacts du changement climatique. La section suivante, et dernière avant la conclusion,
revoit l’approche de Kahneman et Tversky où l’émotion peut se substituer à la pensée
rationnelle.
Le troisième rapport du GRIEC a été sévèrement critiqué pour n’avoir pas présenté les
projections de réchauffement climatique pour le 21 ème siècle à l’aide de probabilités
quantitatives. Mais la mise au point de prévisions quantifiées pose des défis
fondamentaux, en particulier au sujet de l’incertitude de la réponse du système et de
l’erreur du modèle (Allen et al., 2004). Il faut donc distinguer entre les incertitudes
suivantes : l’incertitude de scénario (incertitude due à différents scénarios d’émission de
GES); la variabilité naturelle (la variabilité climatique chaotique interne et celle
provenant de l’extérieur, du soleil, des volcans etc.); et l’incertitude de la réponse
(l’incertitude due à notre ignorance - état insuffisant de connaissances scientifique et
technologique - de la réponse du système climatique quand il est soumis à certaines
forces). En fait, l’incertitude de la réponse contribue pour 50% à l’incertitude des
prévisions pour l’année 2100, le reste étant dû principalement à des incertitudes de
scénario (idem).
Quand le risque est une sensation, cette association est dirigée par un affect. Cette
association implique alors le système 1, le système cognitif qui génère des réactions
rapides, automatiques et viscérales, particulièrement lors d’expériences récentes et
personnelles.
Quand le risque est une computation, le système 2 désigne alors un système analytique
trouvant ses fondements dans la logique formelle, les statistiques Bayésiennes, le calcul
des probabilités, qui fonctionne lentement. Il peut être mobilisé délibérément et
consciemment par des humains mais il manque alors de support affectif (Weber, 2006).
Dans le cas du changement climatique, le résultat du fonctionnement des systèmes 1 et
2 décrits par KT aboutit au paradoxe suivant : notre système analytique nous suggère de
sérieuses menaces dans le futur alors que notre système affectif ne nous alerte pas. Or,
l’attention provoquée par le volcan islandais Eyjafjöl et la perception consciente des
impacts du nuage jumelée à une sensation d’anxiété permet l’application rapide d’un
principe de précaution environnementale. Mais dans le cas du changement climatique,
la menace est diffuse, l’attention est absente, les sensations très limitées ce qui ne
permet pas aux autorités publiques de déclencher des mesures drastiques en vertu d’un
principe de précaution environnementale.
Pour KT, les individus ne sont pas habitués à investir les efforts nécessaires à pensée
rationnelle : People are not accustomed to thinking hard, and are often content to trust
a plausible judgment that comes to mind. Les gens se fient alors à un nombre limité de
principes heuristiques qui réduisent les tâches complexes d’attribution des probabilités
et de prédiction de valeurs à de simples opérations de jugement. L’attribution subjective
de probabilités ressemble à l’évaluation subjective de quantités physiques telles que la
distance et la taille.
Les experts scientifiques en changement climatique font face à ces heuristiques. Pour
Morgan (2004), les protocoles d’entrevue qui servent à obtenir des probabilités
subjectives doivent tenir compte de biais potentiels comme l’excès de confiance et les
heuristiques de jugement. Les jugements sont effectués selon des règles heuristiques.
Selon Kahneman et Tversky, il existe trois types d’heuristiques de jugement:
representativeness (représentativité : les personnes jugent la vraisemblance qu’un objet
appartienne à une classe particulière en termes de sa ressemblance avec cette classe),
availability (disponibilité : un jugement de probabilité dépend de l’aisance avec laquelle
une personne peut penser le précédentes occurrences de cet événement ou peut
imaginer de telles occurrences) et anchoring (ancrage : un jugement de probabilité est
Au cours de leurs discussions portant sur leurs jugements de probabilité, les experts en
changement climatique du GIEC ont mis au point un style de communication qui impose
de discuter de probabilités non avec des chiffres mais bien à partir de mots. Mais ces
mots possèdent une signification intuitive pour beaucoup de personnes. De ce fait, les
auteurs du rapport se sont efforcés de définir des étendues de probabilité à l’aide de
correspondances avec 7 termes tels que virtuellement certain, probable, plausible,
possible, improbable etc.
Le changement climatique est donc un défi cognitif pour le système 2. Nous avons
passé en revue certaines de ses caractéristiques cognitives : manque d’attention et de
conscience chez l’homme alors qu’un concept de justice environnementale globale se
développe sous forme d’exemplaires; difficultés de partager une théorie cohérente du
changement climatique, théorie toujours défiée par des croyances plus idéologiques
que scientifiques et finalement absence relative d’émotions telle que l’anxiété quant à
son impact.
Évidemment, le fait que le changement climatique soit un défi cognitif pour notre
système analytique place la communauté scientifique au cœur de ce défi. Et comme le
travail de prédiction est un travail d’analyse de l’incertitude et du risque, les
heuristiques de jugement seront toujours présentes et les experts veillent – y compris à
l’intérieur du GIEC – à les baliser.
Synthèse et conclusion
Les valeurs et les impacts environnementaux ne sont pas mutuellement exclusifs. Les
valeurs environnementales sont, par exemple, une croyance dans le droit des êtres
vivants à bénéficier d’un environnement sain, ce qui peut pousser une compagnie ou un
ensemble de compagnies à revoir les GES émis par une chaîne logistique. Les
règlements gouvernementaux attirent l’attention des gestionnaires et peuvent les
amener à une perception consciente des impacts sur le climat de leurs activités. Les
opportunités économiques impliquent la conception de nouveaux produits ou processus
‘verts’ alors que le risque de perte est lié à une non-conformité environnementale. Les
développements de KT sont utiles pour réfléchir aux gains et aux pertes dans le futur.
Les crises organisationnelles font suite à des crises qui peuvent résulter de manque de
transparence, de comportements non éthiques ou de fautes de gestion, telle que la
crise de marée noire dans le golfe du Mexique (New York Times, 2010).
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i
Le changement climatique devrait produire en effet des changements tels que le retrait des glaciers, la fonte de la
banquise, l’élévation du niveau moyen des océans, la modification des régimes de précipitations pouvant entraîner
inondations et sécheresses, l’augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements climatiques extrêmes
comme les ouragans ou les cyclones, la modification de la circulation de courants marins comme le Gulf Stream. Sans
compter les effets sur l’agriculture et les conséquences sur les risques de disparition de la faune et la flore.
ii CONSCIENTS DU PROBLÈME QUE POURRAIT POSER LE CHANGEMENT CLIMATIQUE À L’ÉCHELLE DU GLOBE, L’ORGANISATION MÉTÉOROLOGIQUE MONDIALE
(OMM) ET LE PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR L’ENVIRONNEMENT (PNUE) ONT CRÉÉ, EN 1988, LE GROUPE D’EXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL SUR
L’ÉVOLUTION DU CLIMAT (GIEC). LE GIEC EST UN ORGANE INTERGOUVERNEMENTAL QUI EST OUVERT À TOUS LES PAYS MEMBRES DE L’ONU ET DE L’OMM.
LE GIEC A POUR MISSION D’ÉVALUER, SANS PARTI PRIS ET DE FAÇON MÉTHODIQUE, CLAIRE ET OBJECTIVE, LES INFORMATIONS D’ORDRE SCIENTIFIQUE,
TECHNIQUE ET SOCIO-ÉCONOMIQUE QUI NOUS SONT NÉCESSAIRES POUR MIEUX COMPRENDRE LES FONDEMENTS SCIENTIFIQUES DES RISQUES LIÉS AU
CHANGEMENT CLIMATIQUE D’ORIGINE HUMAINE, CERNER PLUS PRÉCISÉMENT LES CONSÉQUENCES POSSIBLES DE CE CHANGEMENT ET ENVISAGER
D’ÉVENTUELLES STRATÉGIES D’ADAPTATION ET D’ATTÉNUATION. IL N’A PAS POUR MANDAT D’ENTREPRENDRE DES TRAVAUX DE RECHERCHE NI DE SUIVRE
L’ÉVOLUTION DES VARIABLES CLIMATOLOGIQUES OU D’AUTRES PARAMÈTRES PERTINENTS. SES ÉVALUATIONS SONT PRINCIPALEMENT FONDÉES SUR LES
PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES DONT LA VALEUR SCIENTIFIQUE EST LARGEMENT RECONNUE.
L’UNE DES PRINCIPALES ACTIVITÉS DU GIEC CONSISTE À PROCÉDER, À INTERVALLES RÉGULIERS, À UNE ÉVALUATION DE L’ÉTAT DES CONNAISSANCES RELATIVES
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE. LE GIEC ÉLABORE AUSSI DES RAPPORTS SPÉCIAUX ET DES DOCUMENTS TECHNIQUES SUR DES SUJETS QUI NÉCESSITENT DES
INFORMATIONS ET DES AVIS SCIENTIFIQUES INDÉPENDANTS ET CONTRIBUE EN OUTRE À LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION-CADRE DES NATIONS UNIES SUR
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (CHANGEMENT CLIMATIQUENUCHANGEMENT CLIMATIQUE) PAR SES TRAVAUX SUR LES MÉTHODES À APPLIQUER POUR LES
INVENTAIRES NATIONAUX DE GAZ À EFFET DE SERRE.
LE GIEC DÉFINIT ACTUELLEMENT LES GRANDES LIGNES DU CINQUIÈME RAPPORT D’EVALUATION (AR5), QUI PARAÎTRA EN 2014. COMME CE FUT LE CAS DANS LE
PASSÉ, LES GRANDES LIGNES SONT ÉLABORÉES SELON DES MODALITÉS PRÉCISES AUXQUELLES DOIVENT SE CONFORMER DES SPÉCIALISTES DU CHANGEMENT
CLIMATIQUE DE TOUTES LES DISCIPLINES ET DES UTILISATEURS DES RAPPORTS DU GIEC, EN PARTICULIER LES REPRÉSENTANTS GOUVERNEMENTAUX. LES
GRANDES LIGNES SERONT PRÉSENTÉES À LA TRENTE ET UNIÈME ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU GIEC ET AUX SESSIONS DE SES TROIS GROUPES DE TRAVAIL, QUI SE
RÉUNIRONT À BALI, INDONÉSIE, DU 26 AU 29 OCTOBRE 2009.
LE GIEC EST AUSSI EN TRAIN D’ÉLABORER DEUX RAPPORTS SPÉCIAUX. UN RAPPORT SPÉCIAL SUR “ LES SOURCES D’ÉNERGIE RENOUVELABLES ET LES MESURES
D’ATTÉNUATION DU CHANGEMENT CLIMATIQUE” DEVRAIT ÊTRE PRÊT EN 2010. LE RAPPORT SPÉCIAL “ GÉRER LES RISQUES D’ÉVÉNEMENTS EXTRÊMES ET DES
CATASTROPHES POUR AMÉLIORER L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE” EST AUSSI EN PRÉPARATION ET VA SORTIR EN 2011. (SOURCE :
http://www.ipchangement climatique.ch/home_languages_main_french.htm#1 ).