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Adil Hind 2010 These PDF

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Université de Montréal

Le régime juridique international de la responsabilité du transporteur maritime de


marchandises sous connaissement : un échec?

par
Hind Adil

Études supérieures
Faculté de droit

Thèse présentée à la Faculté de droit


en vue de l’obtention du grade de doctorat
en droit
Option droit des affaires

décembre 2009

© Hind Adil, 2009


Université de Montréal
Faculté des études supérieures et postdoctorales

Cette thèse est intitulée :

Le régime juridique international de la responsabilité du transporteur maritime de


marchandises sous connaissement : un échec?

Présentée par :
Hind Adil

A été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :

Didier LLUELLES, président-rapporteur


Guy LEFEBVRE, directeur de recherche
Benoît MOORE, membre du jury
Jie JIAO, examinateur externe
Claude COMTOIS, représentant du doyen de la FES
i
Résumé
Les avocats, praticiens et universitaires qui sont engagés dans le droit des transports
internationaux de marchandises par mer ont l’habitude de travailler avec un régime
complexe de responsabilité du transporteur maritime.
La coexistence de plusieurs conventions régissant ce régime et l’imprécision des textes de
ces différentes législations rendent leur application difficile d’où l’échec permanent du vœu
d’uniformisation de ce droit.
En premier lieu, nous retrouvons le régime de base celui de la Convention de Bruxelles sur
l’unification de certaines règles en matière de connaissement, ratifiée le 25 août 1924 et ses
Protocoles modificatifs annexés en 1968 et 1979. Il s’agit d’un régime fondé sur la
présomption de responsabilité comprenant une liste de cas exonératoires appelés « cas
exceptés ». En second lieu figurent les Règles de Hambourg, édictées en 1978, qui
établissent un régime basé sur la présomption de faute du transporteur à l’exception de deux
cas exonératoires : l’incendie et l’assistance ou la tentative de sauvetage. Enfin, apparaît la
Convention sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement
ou partiellement par mer, adoptée par les Nations unies en 2009, sous l’appellation « Les
Règles de Rotterdam », qui adopte un régime de responsabilité « particulier ».
Cette étude a tenté d’analyser ces mécanismes juridiques mis en place. Pour ce faire, nous
nous sommes concentrées sur les sources du dysfonctionnement de ces régimes, afin de
favoriser le développement d’initiatives d’uniformisation des règles de responsabilité du
propriétaire du navire.
L’analyse des textes positifs, de la doctrine et de la jurisprudence, nous a permis de
constater que les différentes approches du régime juridique du transporteur maritime des
marchandises sous ces différentes législations ne garantissent pas la prévisibilité et la
sécurité juridiques recherchées par les différents acteurs maritimes.
Par conséquent, l’absence d’un régime cohérent et unifié a créé des incertitudes au sein de
la communauté maritime internationale et au sein des tribunaux en cas de litige.
Pour surmonter cette réalité complexe, notre thèse propose une approche qui pourra
simplifier ce régime, l’approche objective.

Mots-clés : propriétaire du navire, transporteur, marchandises, connaissement, dommages,


pertes, retard, durée de la responsabilité, prévisibilité juridique, présomption de
responsabilité, diligence raisonnable, navigabilité, cas exceptés, présomption de faute, force
majeure, etc.
ii
Abstract
Lawyers, academics and practitioners who are involved in law of carriage of goods by sea
are used to working with a complex regime of carrier’s liability.
The coexistence of multiple international conventions governing the regime of liability of
the maritime carrier and their different and inconsistent legislative styles, have become the
main reason for lack of uniformity in the field of the carriage of goods by sea. The Brussels
Convention for the Unification of Certain Rules Relating to Bill of Lading signed in August
25, 1924 and its Protocols amending 1968 and 1979 are based on presumption liability
regime with a list of "excepted cases". A second Convention known as the Hamburg Rules
of 1978 established a regime based on the presumption of fault of the carrier with two
exceptions: fire and assistance or salvage. Finally, in 2009 the United Nations adopted the
Convention on Contract for the International Carriage of Goods Wholly or Partly by Sea
based on a ''special'' regime.
This study of the three conventions attempts to analyze their legal mechanisms and the
sources of their dysfunction.
By analyzing the positive texts, jurisprudence, opinions and thoughts of scholars on this
matter, we found that the different legal approaches adopted under these various laws do
not ensure predictability and legal certainty sought out by maritime actors and courts.
To overcome this complex reality, this thesis proposes an approach that will simplify the
applicability of the rules of carrier’s liability, which is the objective approach.

Keywords : ship-owner, carrier, cargo, bill of lading, damages, loss, delay, period of
liability, predictability, presumption of liability, presumption of fault, due diligence,
seaworthiness, excepted cases, force majeure, etc.
iii

Table des matières


Introduction………………………………………………………………….1

Chapitre historique………………………………………….………….......11

Section 1 — Le droit maritime romain…………………………………....11

Section 2 — Le droit maritime des « Temps modernes »…………………16

Section 3 — Le droit maritime contemporain …………………………….21

Partie I — Le fondement de base du régime de responsabilité du


propriétaire du navire sous la Convention de Bruxelles de 1924
et des Règles de La Haye-Visby de 1968 …………………………….35

Chapitre I — L’obligation de navigabilité et l’exercice de la diligence


raisonnable ………………………………………………………………….37

Section 1 — Aspect technique de la navigabilité …………………………38

Sous-section 1 — La conception nautique de navigabilité ………………39

Sous-section 2 — La conception commerciale de navigabilité…………...50

Section 2 — La diligence raisonnable dans la mise en état de navigabilité


. ……………………………………………………………………………58

Sous-section 1 — Détermination et durée de la diligence


raisonnable…………………………………………………………….......59

Sous-section 2 — Le statut des préposés et contractants indépendants ….70

Sous-section 3 — Le régime de preuve de la navigabilité du navire ……..76

Chapitre II — Le régime de responsabilité du propriétaire du navire ….97

Section 1 — Les cas exceptés relatifs au navire………..............................98


iv

Sous-section 1 — Faute dans la navigation et dans l’administration du


navire………………………………………………………………………98

Sous-section 2 — Le vice caché du navire et le cas d’innavigabilité au


cours du voyage maritime ………………………………………………..119

Sous-section 3 — L’acte d’assistance et de sauvetage et le déroutement


raisonnable ……………………………………………………………....124

Section 2 — Périls de mer et cas similaires de la Convention de Bruxelles


. …………………………………………………………………………..132

Sous-section 1 — L’acte de dieu, périls, dangers ou accidents de la mer ou


d’autres eaux navigables …………………………………………………133

Sous-section 2 — Les faits de guerre et d’ennemis publics …………….147

Sous-section 3 — Les émeutes et troubles civils ………………………..152

Sous-section 4 — Arrêt, fait du prince ou saisie judiciaire ……………...152

Section 3 — Autres événements extérieurs . ……………………………..155

Sous-section 1 — L’incendie.……………………………………………155

Sous-section 2 — Grèves et lock-out .………………………………….163

Sous-section 3 — Faits constituant un événement non imputable au


transporteur ………………………………………………………………166

Conclusion de la première partie …………………………………………171

Partie II — Les régimes subséquents du régime de base de la


Convention de Bruxelles de 1924 ……………………………………174

Chapitre I — Le régime de Hambourg et l’abandon des cas exceptés ...175


v
Section 1 — L’obligation générale du transporteur .. ……………………177

Sous-section 1 — La période de responsabilité du contrat de transport ...177

Sous-section 2 — L’article V.1 et l’obligation de navigabilité ………….184

Section 2 — Fondement de la responsabilité du transporteur maritime et le


régime de preuve . ………………………………………………………..186

Sous-section 1 — Présomption de faute et régime de preuve …………...186

Sous-section 2 — Le retard .……………………………………………..190

Section 3 — L’exonération générale …………………………………….205

Sous-section 1 — la suppression de la faute dans la navigation et dans


l’administration du navire .……………………………………………….205

Sous-section 2 — Les événements de force majeure ……………………210

Section 4 — L’exonération particulière. …………………………………214

Sous-section 1 — La concurrence des causes du dommage …………….214

Sous-section 2 — Le cas d’incendie .……………………………………217

Conclusion du chapitre I de la seconde partie. …………………………..225

Chapitre II — La responsabilité du transporteur maritime dans la


Convention sur le contrat de transport international de marchandises
effectué entièrement ou partiellement par mer ………………………….227

Section 1 — Les obligations du transporteur ……………………………238

Sous-section 1 — L’obligation de navigabilité ………………………….238

Sous-section 2 — Les obligations relatives à la cargaison………………244

Section 2 — Le régime de responsabilité du transporteur maritime des


Règles de Rotterdam …………………………………………………….257
vi

Sous-section 1 — La règle générale d’exonération ……………………..259

Sous-section 2 — Les règles particulières d’exonération ……………….263

Conclusion du chapitre II de la seconde partie ………………………….275

Conclusion générale ………………………………………………………279


vii

Liste des abréviations


A. Atlantic Reporter
A.C. Law Reports, Appeal Cases
A.C.L. American Comparative Law
Ann. C.D.I. Annuaire de la Commission du
droit international
Ann. G. Annales de Géographie
Avi. Aviation Cases (C.C.H.)
A.D.M.A. Annuaire de droit maritime et
aérien
A.L.R. American Law Reports
A.M.C. American Maritime Cases
All.E.R. All England Law Reports
A.J.L.H. American Journal of Legal
History
A.J.C.L. The American Journal of
Comparative Law
A.J.I.L. The American Journal of
International Law
A.M.C. American Maritime Cases
Ann. Air & Space L. Annals of Air and Space Law
Annales de droit aérien et spatial
A&NZ. Mar. L.J. Australian and New Zealand
Maritime Law Journal
Aust. Y.I.L. Australian Year Book of
International Law
App. Cas. Appeal Cases. 2nd Series
B.T.L. Bulletin des transports et
Bull.Trans.L. logistiques
Brooklyn J.I.L. Brooklyn Journal of
International Law
Bull. Cass. Bulletin des Arrêts de la Cour de
Cassation (France)
C.A. Recueils de jurisprudence du
Québec, Cour d’appel
Cass.civ. Bulletin des arrêts de la Cour de
cassation, chambres civiles
C.A.P. Cour d’appel plus
C. de D. Cahiers de droit
C.F. Recueils des arrêts de la Cour
fédérale du Canada
C.L.R. Commonwealth Law Reports
Col. L.R. Columbia Law Review
C.L.T. The Canadian Law Times
viii
C.P. Recueils de jurisprudence du
Québec. Cour provinciale
C.P.D. Common Pleas Division
C.R. Criminal Reports
C.R.T.C. Canadian Railway and Transport
Cases
C.T.C. Recueil d’arrêts sur les
transports
D.L.J. Dalhousie Law Journal
D.E.T. Droit européen des transports
D.L.R. Dominion Law Reports
D.M.F. Revue de droit maritime
Français
Drake. L.R. Drake Law Review
E.T.L. European Transportation Law
EX.C.R. Exchequer Court Reports
Ex. D. Law Reports Exchequer
Division
F.C.R. Federal Courts Reports
F.R. Federal Reporter
F. Supp. Federal Supplement
F.T.R. Federal Trial Reports
Harv. L.R. Harvard Law Review
Harv. I.L.J. Harvard International Law
Journal
H.L. Law Reports, English and Irish
Appeals
Dir. Mar. Il Diritto Marittimo
Dick. L.R. Dickinson Law Review
D.S. Droit et Société
J. Afr. L. Journal of African Law
J. du B. Journal du Barreau
J.B.L. Journal of Business Law
J.C.O. The Journal of Commerce
Online
J.D.I. Journal du Droit International
J.E. Jurisprudence Express
J.L.Eco. Journal of Law and Economics
J.L.S. Journal of Legal Studies
J.I.M.L. Journal of International
Maritime Law
J.M.L.C. Journal of Maritime Law and
J. Mar. L. & Com. Commerce
J.M.M. Journal de la marine marchande
J.W.T.L. Journal of World Trade Law
K.B. Law Reports- King’s Bench
Division
ix
K.B.D. King’s Bench Division (Law
Reports)
Lawyer. Am. Lawyer of Americas
L.C.R. Lower Canada Reports
L. Ed. United States Supreme Court
Reports, Lawyers edition
Ll.L.Rep. Lloyd’s Law Reports
Ll. List. L. Rep. Lloyd’s List Law Reports
L.M.C.L.Q. Lloyd’s Maritime and
Commercial Law Quarterly
L.R. Lois révisées du Canada
L.T. Law Times Reports
Mal. L.J. Malaya Law Journal
McGill L.J. McGill Law Journal
M.L.R. The Modern Law Review
N.J. New Jersey Reports
N.J. Super. New Jersey Superior Court
N.J.L. New Law Journal
N.Y.S.2d. New York Supplement
N.W. North Western Reporter
Oxford J. L. S. Oxford journal of Legal Studies
P. Law Reports Probate
P. Pacific Reporter
Pa Petites affiches
P.C. Privy Council Appeals
Ph. Pub. Aff. Philosophy & Public Affairs
Q.B. Law Reports- Queen’s Bench
Division
R du B. Revue du barreau
R. du B.C. Revue du Barreau canadien
R. Hav. Recueil du Havre
R.G.D. Revue général de droit
R.G.D.A. Revue générale de droit des
assurances
R. de D. Revue de droit
Rev. Dr. Unif. Revue de droit uniforme
R.H.D. Revue d’histoire du droit
Revue Scapel Revue de droit commercial,
maritime, aérien et des
transports
R.C.L.F. Revue de la Common Law en
Français
R.C.S. Recueil des arrêts de la Cour
suprême du Canada
R.D.C. Revue de droit comparé de
l’Association québécoise pour
l’étude comparative de droit
x
R.D.A.S. Revue française de droit aérien
et spatial
R.D.M.C. Revue de droit maritime
comparé
R. du N. La Revue du notariat
R.D.U. Revue de droit uniforme
R.F.D.A. Revue française de droit aérien
R.H.D. Revue d’histoire du droit
R.I.D.M. Revue internationale du droit
maritime
R.J.T. Revue juridique Thémis
R.T.D.C. Revue trimestrielle de droit civil
R.T.D.Com. Revue Trimestrielle de droit
commercial
S.C.L.R. The Supreme Court Law Review
S.E. South Eastern Reporter
S.T.L.R. South Texas Law Review
S.L.R. Stanford Law Review
S.Q. Statuts révisés du Canada (avant
1969)
So. Southern Reporter
S.R.C. Statuts révisés du Canada
S.W. South Western Reporter
T.L.R. Times Law Reports
Tul. L.R. Tulane Law Review
Tex. L.R. Texas Law Review
Texas I.L.J. Texas International Law Journal
Trans. L.J, T.L.J. Transport Law Journal
Tul. L.R. Tulane Law Review
Tul. Mar. L. J. Tulane Maritime Law Journal
U.C.L.R. University of Chicago Law
Review
U.M.L.R. University of Miami Law
Review
U.S United States Supreme Court
Reports
U.S. Avr. United States Aviation Reports
Yale. L.J. Yale Law Journal
W.L.R. Western Law Review
xi

Remerciements
Je tiens à remercier ici les personnes qui ont contribué, à divers titres, à l’achèvement de
cette thèse et à rendre cette recherche intéressante.

Je souhaiterais tout d’abord remercier avec un profond respect mon professeur Guy
Lefebvre pour son encadrement de qualité, sa grande disponibilité, sa rigueur scientifique,
ses orientations fructueuses et ses encouragements continus, qui m’ont permis de travailler
dans les meilleures conditions et ont sûrement été la clé de réussite de ce travail.

Je présente toute ma reconnaissance à mes parents pour leur soutien moral et financier tout
au long de mon parcours universitaire. Sans eux, ce projet ne pouvait aboutir à sa fin.
J'espère que cette thèse sera un remerciement au soutien et à la confiance sans cesse
renouvelée dont ils ont fait preuve à mon égard.

Cela va de soi, je remercie évidemment toute ma famille pour son irremplaçable et


inconditionnel soutien. Ils ont été présents pour écarter les doutes, soigner les blessures et
partager les joies. Cette thèse est un peu la leur, aussi. Merci Yassir, Lamia, Abdou, kabira,
Lilya, Hanane, Mohamed,…

Je ne saurai oublier également Hind, Firdaws, Melissa, Nagham, Sara, Yasmina et Zakaria
pour leur sincère et profonde amitié.

Cette gratitude va également à mes collègues et personnels de la Faculté et Bibliothèque de


droit, que j’ai eu le plaisir de côtoyer durant ces trois dernières années d’études.

J’aimerai aussi remercier les responsables de la bourse de fin d’études de la Faculté des
études supérieures et postdoctorales de me l’avoir accordée, qui a certainement eu un
impact important sur l’achèvement de cette thèse.

Enfin, pourquoi ne pas le dire, dans cette épreuve où seuls le courage et la maîtrise des
connaissances ne suffisent pas, la force qui donne l’impulsion ne peut provenir que de
Dieu.
Introduction
L’expérience nous apprend que plus le transport maritime international se

développe1, plus l’on fait face à une réalité dynamique, mais d’une complexité déroutante.

Devant cette situation, il est vraisemblable d’envisager le besoin de promulguer des

lois capables de gérer et de prévenir les conflits qui se multiplient. La stabilité du marché

de transport maritime n’est réalisable que si une certaine confiance est établie entre les

différents acteurs maritimes, à savoir les assureurs, les propriétaires de navires, les

chargeurs, les banquiers, etc. Cette confiance est mieux instaurée lorsque la loi accomplit sa

tâche de prévisibilité juridique.

Malheureusement, les règles en vigueur constituent pour la communauté maritime

une source d’incertitude et de confusion. La « surréglementation » existante, l’incohérence

et la « superposition désuniformisante »2 des textes positifs constituent un premier écueil,

quant à l’application des différentes règles, et une source d’insécurité juridique3.

Aujourd’hui, la responsabilité juridique internationale du propriétaire du navire4 sous

1
Selon la CNUCED, au début de l’année 2008, la flotte marchande mondiale totale a connu une hausse de
7,2 % par rapport à l´année 2007, en ligne :
<http://www.unctad.org/Templates/Webflyer.asp?docID=10755&intItemID=1634&lang=2> (consulté le 28
nov. 2008).
2
Antoine VIALARD, « Sisyphe et l’uniformisation internationale du droit maritime », D.M.F.1999.213;
voir : Barthélemy MERCADAL, « Regards sur le droit des transports », dans René RODIÉRE, Études
offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p. 423; Francesco BERLINGIERI, « Uniformité de la loi sur le
transport maritime : perspectives de succès », dans Pierre BONASSIES, Études de droit maritime à l’aube du
XXIe siècle, mélanges offerts à Pierre Bonassies, Paris, Éd. Moreux, 2001, p. 57; William TETLEY, « Le
régime juridique du transport des marchandises par eau : l’uniformisation du droit en péril »,
A.D.M.O.1998.95.
3
Cette situation a engendré des difficultés d’analyse par les théoriciens de droit et une complexité majeure
d’appréciation par les tribunaux, du moment où la multiplicité des règles en vigueur a donné lieu à des
conflits de lois plus intéressants que ceux des juridictions. Ce n’est plus juste une question de compétence
judiciaire ou d’interprétation d’un seul texte, mais plutôt un choix de loi et le moyen de l’appliquer.
4
Le sujet de l’identification du propriétaire du navire a été longuement débattu, toutefois nous nous
abstiendrons de l’aborder dans notre étude. Nous nous contenterons de mentionner, que dans notre analyse,
l’utilisation du terme propriétaire de navire signifie le transporteur de la marchandise, tel que défini par
l’article I (a) de la Convention de Bruxelles de 1924 sur l’unification de certaines règles en matière de
connaissement. Il identifie le transporteur comme propriétaire de navire, quand il s’agit de contrat de
transport, et d’affréteur quand il s’agit de contrat d’affrètement. De plus, l’emploi généralisé du terme
2
contrat de transport5 ou sous connaissement6 est l’une des institutions qui souffrent le plus

de l`hétérogénéité des législations qui la gouvernent.

En jetant un coup d’œil d’ensemble sur les efforts fournis dernièrement par les

différentes organisations maritimes, afin de mettre de l’ordre dans ce droit, nous constatons

que la responsabilité du propriétaire du navire est l’une des questions névralgiques qui

occupent l’esprit des participants intervenant dans les débats juridiques au sein de ces

organisations.

La responsabilité du propriétaire du navire est régie par un ensemble de règles

disparates. De ce nombre, la Convention de Bruxelles pour l’unification de certaines règles

en matière de connaissement, ratifiée le 25 août 1924, et ses protocoles modificatifs

annexés en 1968 et 1979. Cette convention est connue sous l’appellation « Règles de La

transporteur en tant que propriétaire de navire suit la tradition française de l’Ordonnance de la marine
marchande de Colbert. En anglais, on parle aussi de « shipowner ». Beaucoup, sinon la totalité des
connaissements tente de résoudre ce problème en incluant une clause qui identifie spécifiquement le
transporteur en tant que propriétaire ou affréteur de navire. Ces clauses sont communément appelées « clause
de dévolution du navire », en anglais « Demise Clause ». Pour plus de détails voir : Massimiliano
RIMABOSCHI, L’unification du droit maritime : contribution à la construction d’un ordre juridique
maritime, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2000, p. 329 et suiv.; Jens WEINMAN, Identifying The
Carrier: the Effect and Validity of Demise- and Identity of Carrier Clauses in Bills of Lading – A
Comparative Study, en ligne :
<http://lawspace.law.uct.ACza:8080/dspace/bitstream/2165/251/1/WEINMANnJ_2005.pdf> (consulté le 6
nov. 2008). Voir également les décisions suivantes: Canadian Klockner Ltd. v. D⁄S. A⁄S Flint Kubon and
Federal Commerce and Navigation Co. Ltd. (The Mica), [1973] 2 Ll.L.Rep. 478 (Can. F. Ct. 1973); Carling
O’Keefe Breweries v. C.N. Marine, [1990] 1 F.C. 483; Union Carbide Corp. v. Fednav Ltd., (1997) 131
F.T.R. 241; Jian Sheng Co. Ltd. v. The ‘Trans Aspiration’’, [1998] 3 F.C. 418.
5
Tassel explique que, d’un point de vue juridique, « le contrat de transport est constitué par trois éléments :
une remise-prise en charge d’une marchandise, une remise-prise de livraison de ladite marchandise et une
personne qui, selon un régime juridique déterminé, répond du dommage subi par la marchandise entre la prise
en charge par lui-même et la prise de livraison par le destinataire. » : Yves TASSEL, « Projet CNUDCI : une
double critique de fond », D.M.F.2004.3.4.
6
Le contrat de transport maritime est en général un contrat consensuel. Le contrat de transport sous
connaissement se distingue du contrat de transport simple qui relève uniquement du destinataire de la
marchandise. Le contrat de transport sous connaissement est un contrat lié à une vente et revente maritimes en
cours de voyage. Pour ces fins, le connaissement constitue le titre représentatif de la cargaison et la preuve de
la prise en possession de la marchandise. Négociable, ce titre peut paraître sous différentes formes
relativement au mode de transfert des droits de la cargaison. Le connaissement peut être « au porteur », c’est-
à-dire que le transfert des droits sur la marchandise se fait directement par la remise du titre. Il peut également
être « à ordre », lorsque le transfert des droits se fait par endossement, c’est-à-dire par une signature au dos du
titre ; il peut être aussi « à personne dénommée », quand le transfert est plus complexe. Pour plus de détails,
voir : Jean PINEAU, Le contrat de transport : terrestre, maritime, aérien, Montréal, Éditions Thémis, 1986,
p. 176 et suiv.; C. McLAUGHLIN, « The Evolution of Ocean Bills of Lading », 35 Yale L.J. 548 (1925-26).
3
Haye/Haye-Visby ». Elle se fonde sur un régime juridique basé sur une responsabilité de

plein droit en présence d’une liste de cas qui exonèrent le propriétaire du navire (ou

transporteur) appelés les « cas exceptés ».

Une autre convention réputée est celle des Nations Unies sur le transport de

marchandises par mer de 1978, appelée « Règles de Hambourg ». Elle institue un régime

basé sur la présomption de faute du transporteur et abandonne le système d’énumération

des cas exceptés, sauf pour deux cas : l’incendie et l’assistance ou la tentative de

sauvetage7. Nous observerons au cours de nos développements que d’un point de vue

économique, ce texte a fondamentalement changé le régime de base relativement à la

répartition des risques entre les propriétaires de marchandises et les transporteurs.

Plus récente, figure la Convention sur le contrat de transport international de

marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer, sous l’appellation « Règles de

Rotterdam » qui fut adoptée « promptement » à l’Assemblée générale des Nations Unies

(ONU), le 11 décembre 20088. Cette convention a vu le jour grâce aux travaux du groupe

III sur les transports de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial

international9 (CNUDCI) qui débutèrent en 2002. Son champ d’application s’étend à

7
Infra, p. 142.
8
Selon le communiqué des Nations Unies, l’Assemblée générale a autorisé la tenue d’une cérémonie
d’ouverture lors de la signature de la Convention, le 23 septembre 2009 à Rotterdam, aux Pays-Bas.
L’Assemblée a également recommandé que les règles fixées dans la Convention soient connues sous le nom
de « Règles de Rotterdam ». En cas d’adoption, les Règles de Rotterdam devraient apporter les bénéfices
suivants : (1) harmoniser et moderniser les lois internationales sur le transport de marchandises dont bon
nombre datent des années 1920, et même avant; (2) mener à une réduction générale des frais de transaction;
(3) accroître le degré de prévisibilité quand des problèmes surviennent; et (4) susciter une plus grande
confiance commerciale dans la conduite de transactions internationales : N.U, Doc.AG/10798, 67e et 68e
séances plénières, 11/12/2008, en ligne : <http://www.un.org/News/fr-press/docs/2008/AG10798.doc.htm>
(consulté le 3 janvier 2009).
9
Le projet de convention a porté sur l’ensemble des questions régies par les conventions précitées, celle sur
l’unification de certaines règles en matière de connaissement (Règles de La Haye/Haye-Visby) et celle de
Hambourg de 1978. Il s’agit des avaries communes, du champ d’application, la communication électronique
et les documents de transport, les dispositions supplémentaires relatives au transport par mer ou autres eaux
navigables, le droit de contrôle pendant le transport des parties ayant un intérêt dans la cargaison, le fret, la
4
presque tous les aspects du contrat de transport maritime et comprend quatre-vingt-seize

articles. La responsabilité du transporteur maritime y est principalement fondée sur une

présomption de responsabilité10.

Cette convention adopte une nouvelle philosophie et apporte maints changements

importants, sans toutefois échapper à la critique. Bien que les travaux du projet de cette

convention aient visé la clarté et la transparence, la direction qu’ont pris les débats ce

faisant ne fut pas pleinement satisfaisante. Il en résulte un texte submergé d’interpolations

et de détails inutiles qui nuisent à sa compréhension.

De ce fait, la poursuite de l’analyse des questions liées au contrat de transport, en

particulier celle du régime de responsabilité du propriétaire du navire pour le transport

maritime sous connaissement, est clairement justifiée quant à son intérêt crucial, en ce qui a

trait au processus d’unification du droit maritime international. Or, la multiplicité des

approches juridiques de ce régime porte atteinte à cet objectif. De surcroît, cette finalité se

trouve affaiblie par les lacunes et réticences des textes qui laissent place à différentes

interprétations nationales11.

Une autre difficulté accentue ce débordement juridique, le rôle des États à ratifier,

ou encore, à adapter leurs législations internes aux lois internationales. Les États prennent

soit trop de temps à ratifier les Conventions en vigueur, d’où le besoin d’une nouvelle mise

à jour de ces règles avant même leur adoption, soit s’abstiennent complètement d’y adhérer

liberté contractuelle, la livraison au destinataire, la situation juridique du chargeur, les règles de procédure, la
responsabilité du transporteur et le transfert des droits sur les marchandises.
10
L’article 18 (1) énonce que : « Le transporteur est responsable de la perte ou du dommage subi par les
marchandises ainsi que du retard à la livraison, si l’ayant droit prouve que cette perte, ce dommage ou ce
retard, ou l’événement ou la circonstance qui l’a causé ou y a contribué, s’est produit pendant la durée de sa
responsabilité telle que celle-ci est définie au chapitre 4. »
11
Cf. William TETLEY, « Interpretation and Construction of the Hague⁄ Hague-Visby and Hamburg Rules »,
1 J.I.M.L. 30 (2004).
5
par méfiance qu’un nouveau système, dont ils sont incertains des effets, nuise à leurs droits,

comme ce fut le cas pour les Règles de Hambourg de 1978.

À la lumière de ce qui précède, nous nous interrogerons sur les finalités d’un régime

de responsabilité mettant en jeu la prévisibilité juridique, qui ne saurait se réaliser qu’en

parvenant à atteindre les objectifs suivants :

- Répartir les responsabilités liées à la manutention et aux soins des marchandises sous

contrat. Un régime de responsabilité doit déterminer clairement les obligations des parties

au contrat de transport ainsi que les exonérations possibles.

- Définir nettement la durée du régime en question. Le fait de connaître le moment où

commence et finit la responsabilité de chacune des parties permet de mesurer équitablement

leurs obligations respectives et leurs effets juridiques par rapport aux marchandises

transportées.

- Fixer les limitations pécuniaires de cette responsabilité et préciser les documents

nécessaires au contrat de transport.

- Prévoir les instruments juridiques en vue d’appliquer la responsabilité en vertu du régime

en place, eu égard aux questions procédurales comme celles portant sur les délais

judiciaires et les avis de réclamations, ainsi que celles sur l’arbitrage et le choix de

juridictions.

Notre champ d’études se limitera à étudier les deux premiers objectifs, tels que

susmentionnés. Ce faisant, nous nous abstiendrons d’analyser toutes ces finalités. Nous

avons choisi de retenir pour notre réflexion le régime de responsabilité du propriétaire du

navire et le traitement des causes d’exonérations légales. Toute la problématique du choix

du régime de responsabilité du transporteur maritime sous connaissement repose sur la

conservation ou la suppression des cas exceptés comme nous le verrons postérieurement.


6
Quelle serait alors l’approche juridique qui répondrait d’une manière conséquente à

ces objectifs?

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait

proposé quatre approches pour instaurer le régime de responsabilité du propriétaire du

navire12 :

1- Le maintien des dispositions des Règles de La Haye/Haye-Visby;

2- Le maintien des dispositions des Règles de La Haye/Haye-Visby avec la suppression de

la faute dans la navigation et dans l’administration du navire;

3- Un régime qui se rapproche de la portée des Règles de Hambourg;

4- Un régime de responsabilité plus strict du transporteur, à l’exception des cas de force

majeure13.

Les deux premières options énumérées ci-dessus nous apparaissent faire fausse

route, quoi qu’elles puissent trouver appui chez les transporteurs, puisqu’elles se

positionnent en leurs faveurs. La conservation d’un régime connu généralement par tous les

États ne résout pas les difficultés juridiques réelles qu’il engendre. Loin d’être iconoclaste,

cette approche est mal adaptée au but d’assurer la prévisibilité juridique attendue d’une loi

dont les effets affectent le commerce de tous les États.

Nous aurons l’occasion de démontrer que le maintien du régime de la Convention

de Bruxelles va à l’encontre de la volonté d’établir l’équilibre contractuel et la transparence

juridique. Le contexte actuel fait appel à un changement de vision. D’autant plus que, les

défaillances des dispositions de cette convention ne se limitent pas au cas de la faute dans la

12
Voir : OCDE, Rapport de l’OCDE, « Les régimes de responsabilité pour les cargaisons », par Roger
CLARKE, (Janvier 2001), CTM, para. 54, p. 28, en ligne : <
http://www.oecd.org/dataoecd/27/20/34766689.pdf> (consulté le 10 janvier 2007).
13
Infra, p. 240.
7
navigation et dans l’administration du navire. Les différents auteurs qui ont traité de ce

sujet témoignent des difficultés d’application de ce système juridique.

Pour ce qui est de la troisième option suggérée, nous nous interrogeons sur le sens

d’un régime proche de celui des Règles de Hambourg. Si nous songeons au régime de

preuve de cette convention et à la formulation ambiguë de certaines de ses dispositions, que

nous aurons l’occasion d’analyser dans cette étude, cette démarche paraît inefficace, car

elle n’autorise pas l’uniformité.

En réalité, ce dysfonctionnement des régimes applicables au propriétaire du navire

est le fruit d’une guerre acharnée entre les intérêts des transporteurs et ceux des chargeurs.

Loin des intérêts économiques, ces régimes dénotent d’« une absence de toute construction

systématique, faute d’un manque de tradition juridique et doctrinale commune entre les

États, surtout ceux qui relèvent de la culture de la civil law [droit civil] et ceux de common

law. »14 Rappelons que la problématique de cette divergence gravite autour du maintien ou

de la suppression des cas exceptés, ce qui explique logiquement notre choix de retenir la

dernière option proposée.

Notre étude du régime de responsabilité du propriétaire de navire portera donc sur la

quatrième option, dont la caractéristique principale est sa simplicité, dans le but de pallier à

la situation chaotique15 des régimes applicables, et ce, en retournant à la source par le

truchement du droit romain16. La règle de base est simple. Elle sous-tend que le propriétaire

14
M. RIMABOSCHI, préc., note 4, p. 20.
15
Voir : Georges ASSONITIS, Réglementation internationale des transports maritimes dans le cadre de la
CNUCED, Paris, P.U.F., 1991, p. 211 et 212.
16
Sanborn écrit : « If the shipowner agrees to carry goods safely (salvum fore recepit) he is bound to deliver
them at the journey’s end in the same condition as when they were received (Dig. IV, 9, 3, I). […] He is
relieved only if the loss or damage occurred by damnum fatale, such as pirates or shipwreck (Dig. IV, 9, 3,
I) »: Frederic Rockwell SANBORN, Origins of the Early English Maritime and Commercial Law,
Professional Books Limited, 1989, p. 11.
8
de navire ou le transporteur maritime est responsable de la marchandise transportée, sauf en

cas de force majeure, de vice caché ou de faute du chargeur.

Cette proposition semble séduisante, même si sa mise en œuvre peut paraître

difficile en raison des intérêts divergents déjà évoqués. En outre, certains juristes et

praticiens de droit s’opposeront à cette approche, sous le motif que l’événement de la force

majeure laissera davantage de possibilités d’interprétation de la part des juges, bien que le

régime en vigueur n’en fasse pas moins. D’autres s’opposeront complètement à l’approche

légaliste en faisant valoir que le droit maritime a pour source les coutumes et usages des

gens de mer. Ce sont les tenants de la lex mercatoria ou la lex maritima. Toutefois,

l’histoire est juge de la situation. L’abus de la liberté contractuelle impose des lois

impératives.

Chaque système a ses inconvénients, assurément, mais à l’heure actuelle, une telle

approche aurait le mérite de mettre fin à l’éclatement du régime applicable et de situer le

régime du propriétaire du navire dans un contexte d’uniformisation générale du droit des

transports17, ainsi que celui du droit maritime avec le droit de la mer, afin de réaliser la

sécurité des opérations maritimes et de répondre adéquatement aux attentes du droit

international de transport. Cette démarche offrirait l’avantage de simplifier l’administration

du régime de preuve du fait libératoire, et par conséquent le travail des magistrats.

En outre, les règles du droit commun (droit civil général ou droit commun

spécifique) ont toujours dominé le droit maritime18. Comme le souligne Bonassies, « [l]es

règles concernant le consentement et la cause, la théorie générale de la responsabilité avec

17
Voir : Article 17.1 de la Convention sur le contrat de transport international de marchandises par route
(CMR) et l’article 18 de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien
international.
18
Cf. Arnaud MONTAS, « Le rapport du droit maritime au droit commun, entre simple particularisme et
véritable autonomie », D.M.F.2008.307.
9
la règle de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, ont toujours été

respectées par le droit maritime, dont les solutions ont évolué avec celles du droit civil. »19

Pour prouver la justesse de cette assertion et en assurer l’adhésion, il suffit de

consulter les différents rapports rédigés par les organisations maritimes qui orientent leurs

efforts vers une approche objective, malgré une certaine méfiance due au poids

disproportionné des négociations20.

Ce régime fonctionnait correctement à une époque où l’industrie maritime n’était

pas aussi avancée technologiquement et commercialement que de nos jours. Le propriétaire

du navire était responsable de la cargaison transportée depuis son chargement jusqu’à sa

livraison au destinataire. La seule situation où le transporteur pouvait bénéficier de

l’exonération était le cas de force majeure. Aujourd’hui, l’industrie navale est très

sophistiquée21. Un regard furtif sur les progrès techniques de ce secteur permet d’affirmer

que le propriétaire du navire est en mesure d’assurer le transport de la cargaison dans de

conditions favorables, d’autant plus que la responsabilité du propriétaire du navire est

devenue largement supportable par le développement de l’assurance. Aussi, l’instauration

19
Pierre BONASSIES, « Le droit maritime français 1950-2000, évolution et perspectives », Revue Scapel
2002.5.10.
20
CNUDCI, Rapport du groupe de travail de la CNUDCI sur les travaux de sa quarantième session. Doc.
A/CN. 9/645 (Vienne, 16 juin-11 juillet 2008), en ligne :
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V08/507/45/PDF/V0850745.pdf?OpenElement> (consulté le 3
janvier 2009).
21
« More than 90 percent of world trade is moved by the maritime commercial shipping industry. Subject to
free market forces, this industry has achieved a high level of efficiency, which has contributed to the
expanding global economy by enabling the low-cost movement of goods around the world. Worldwide
seaborne trade has more than quadrupled in the last 40 years and now exceeds 6 billion tonnes per annum,
with an annual growth rate of about 4 percent. Currently some 10,000 shipping companies flying the flags of
150 different countries operate a commercial shipping fleet of roughly 50,000 vessels... New concepts, such
as container ships, LNG carriers, open-hatch forest-product ships, and car carriers have revolutionized the
way products are moved. Other improvements have been in the productivity of shipbuilding, the efficiency of
hulls and propulsion systems, reductions in manpower requirements through automation, and economies of
scale brought about by larger and larger ships. » : <http://www.nae.edu/nae/bridgecom.nsf/weblinks/MKEZ-
7FQPCB?OpenDocument> (consulté le 30 nov. 2008).
10
d’une limitation légale de la responsabilité du transporteur lui permet de se protéger en cas

de dommages.

Les risques que peuvent encourir les marchandises en cours de voyage sont en

grande partie prévisibles. Dans le cas où le dommage ou la perte ont pour cause un

événement extérieur, imprévisible et incontrôlable, le transporteur deviendrait donc

irresponsable.

Il convient alors de se demander comment déterminer les obligations du

transporteur et sa responsabilité pour la perte ou les dommages subis aux marchandises.

Pour répondre à cette question, nous avons jugé utile, au préalable, d’étudier dans

un premier chapitre préliminaire, l’évolution historique du régime de responsabilité du

propriétaire du navire, depuis l’apparition des législations maritimes écrites par les

historiens, c’est-à-dire le droit romain, jusqu’à nos jours.

Ce chapitre est à notre sens indispensable pour l’étude d’une institution aussi

complexe. L’histoire du droit maritime expliquerait sa vraie essence. La responsabilité

maritime a pour source le contrat et la loi22. Il est donc nécessaire de comprendre le sens de

cette source à travers les deux grandes familles de droit, celle de tradition romano-

germanique et celle de tradition anglo-saxonne. Cette vision comparée permettra de bien

cerner les difficultés et la complexité du régime actuel, tel que l’observe Tetley :

« Maritime law had its origin in the civilian tradition, but developed in the civil and

common law jurisdictions, both of which have contributed to its modern content. »23

22
Les lois écrites sont inspirées des coutumes et usages des gens de mer.
23
William TETLEY, International Maritime and Admiralty Law, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 9.
Chapitre historique

Dans le présent chapitre, nous nous pencherons sur certaines époques de l’histoire

maritime qui ont exercé une influence majeure sur notre droit positif actuel. L’approche

historique sera particulièrement éclairante et permettra de constater comment le fondement

juridique de la responsabilité du propriétaire du navire, enraciné dans une tradition

juridique, s’affaiblit à mesure que le droit gagne en complexité et en subtilité.

Nous examinerons en premier lieu le régime du propriétaire du navire en droit

romain, pour exposer en second lieu le droit maritime du XIXe siècle sous le titre « Temps

modernes ». En dernier lieu, nous analyserons le droit contemporain à travers les

conventions qui régissent le contrat de transport maritime international sous connaissement.

Section 1 — Le droit maritime romain

Depuis l’existence des législations maritimes, et même avant cette période grâce aux

usages et coutumes des gens de mer24, les règles régissant l’activité maritime avaient en

général un caractère commun avec quelques variations relatives à la politique des

gouvernements, quant à l’importance accordée au commerce par mer. Les règles maritimes

24
Avant l’ère de codification des lois maritimes, c'est-à-dire l’époque romaine, le commerce maritime était
régi par les usages et les coutumes, comme ce fut le cas pour les Phéniciens et les Carthaginois. Selon
Pardessus : « Ces usages ont dû prendre une sorte d’uniformité dans tout ce qui [était] relatif au même genre
de transactions. La mauvaise foi, ou diverses circonstances, ayant fait naître des contestations, l’autorité des
jugements a consacré ses usages; […] Il se peut que les Phéniciens aient leurs lois maritimes fixes, mais
malheureusement l’histoire n’en dispose pas. La même probabilité s’applique pour un grand nombre de
peuples qui se sont livrés au commerce maritime comme les Lydiens, les Crétois, les Arabes, les Indiens et
particulièrement chez les Rhodiens » : J.-M. PARDESSUS, Collection de lois maritimes, antérieures au
XVIIIe siècle, t. I, Paris, Imprimé par autorisation du Roi à l’Imprimerie Royale, 1959, p. 18-21. En ce qui
concerne les lois rhodiennes, il est généralement convenu qu’elles représentent les lois maritimes les plus
anciennement connues, grâce aux Romains qui les ont insérées dans leurs lois relatives aux activités
nautiques, sans qu’elles soient en contradiction avec les lois romaines.
En ce qui a trait à la République d’Athènes, la législation commerciale des Athéniens répondait au même
principe, bien qu’ils ne disposent pas d’une législation spécialement maritime, le transport de marchandises
par mer était soumis à la règle commune qui veut que tout engagement soit fidèlement rempli. Voir : M.-D.-
A. AZUNI, Origine et progrès du droit et de la législation maritime avec des observations sur le Consulat de
la mer, Paris, De l’Imprimerie D’A Beraud, 1810, p. 41.
12
aspiraient depuis ce temps à l’unité25. La responsabilité du propriétaire du navire, en

particulier, reposait sur presque les mêmes principes.

En droit romain26, le transporteur ou propriétaire du navire devait indemniser le

chargeur pour toute perte ou dommage subi à la cargaison, à moins qu’il ne s’agisse de la

faute du chargeur, d’un vice propre de la marchandise, ou d’un cas de force majeure27. Un

principe qui réfère au receptum nautarum28 et au receptum cauponum et stabilariorium29.

Après l’effondrement de l’Empire romain, la législation maritime romaine conserva

toute sa vigueur30. Les changements qu’a subis le droit romain furent moins considérables

25
Le rêve demeure le même, mis à part les enjeux qui changent d’une époque à l’autre.
26
Pour plus de détails sur les lois romaines (le Digeste, les Codes théodosien et justinien, la Constitution de
l’empereur Léon VI, etc.), voir : J.-M. PARDESSUS, Collection de lois maritimes, antérieures au XVIIIe
siècle, t. II, Paris, Imprimé par autorisation du Roi à l’Imprimerie Royale, 1959; M.-D.-A AZUNI, préc., note
24, p. 62-101; Le Baron Ferdinaud DE CUSSY, Phases et causes célèbres du droit maritime des nations, t.
I, Leipzig, F.A. Brockhaus, 1856.
27
Voir : Paul HUVELIN, Études d’histoire du droit commercial romain (histoire externe-droit maritime),
Paris, Libraire du Recueil Sirey, 1929, p. 135; Dominique GAURIER, Le droit maritime romain, Rennes,
Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 68. Voir aussi le texte intégral de la législation maritime des
Romains : « Excerpta Juris Romani, Ad Rem Nauticam Spectantia », dans J.-M. PARDESSUS, préc., note 24,
p. 85-132.
28
P. HUVELIN, id. p. 68.
Robaye écrit : « Les transporteurs maritimes, d’après l’édit du préteur, sont tenus de restituer, quoi qu’il
arrive, les objets qui leur sont confiés. […] La condition d’imputation du dommage au transporteur se réduit à
l’existence du dommage lui-même. » : R. ROBAYE, « Responsabilité objective ou subjective en droit romain
», R.H.D.1990.345.357.
29
Revuelta résume ces concepts comme suit : « La responsabilité objective issue du receptum nautarum,
cauponum et stabulariorum, appliquée tout d'abord aux nautae (propriétaires de l'entreprise de navigation)
puis rapidement étendue aux caupones (aubergistes) et aux stabularii (gérants d'étables ou d'écuries avec
auberge attenante) dans le domaine des services liés au transport terrestre, traduit la volonté du préteur de
renforcer la sécurité juridique du trafic commercial. De ce fait, l'actio de recepto peut être intentée par toute
personne, quelle que soit sa catégorie professionnelle, ayant conclu le receptum, c'est-à-dire ayant consigné
quelque chose dans ces établissements dans l’optique d'une restitution complète et intacte. De même, la
légitimation passive de l'action concerne non seulement l'absence de restitution ou la restitution défectueuse
des effets, imputable au dominus negotii ou au personnel affecté à sa negotiatio, mais aussi la clientèle elle-
même : passagers du navire, clients du stabulum ou personnes logées dans la caupona, ces dernières pouvant
être des pensionnaires habituels (inhabitatores) ou occasionnels (viatores). Cela montre ainsi la portée
considérable de l'édit de receptis en ce qui concerne les sujets dignes de protection ainsi que les responsables
de tout vol ou dommage survenu dans le domaine de l'entreprise de transport ou d'hébergement en question,
commis sur les objets du receptum. » : María Salazar REVUELTA, « Les sujets intervenants dans le transport
de marchandises et/ou de personnes à Rome : légitimation active et passive pour l'action du receptum
nautarum, cauponum et stabulariorum », en ligne : <http://www.u-
bourgogne.fr/HISTOIREDROIT/publications/tome65/tome65.html#maria_salazar_revuelta> (consulté le 29
oct. 2009). Voir : P. HUVELIN, préc., note 27, p. 143-146, W. TETLEY, préc., note 23, p. 11.
30
Pardessus affirme à ce propos : « Quoiqu’en général les lois suivent le sort des empires, qu’elles naissent, se
développent et perdent leur autorité avec les peuples qui les ont faites, Rome semble avoir été exceptée de
13
que ceux des contrats de commerce maritime. Ce droit constitue jusqu’à présent l’arrière-

plan de toutes les législations civiles, son fondement. L’uniformité était presque l’essence

du droit maritime31. La Cour suprême des États-Unis lui a reconnu cette qualité en

affirmant dans son ancien arrêt The Lottawanna de 1874 ce qui suit :

« The maritime law is part of the law of nations, one of the great
beauties of which is its universality. Uniformity has been declared
to be its essence. »32

Dès le XVe siècle furent édités des textes codifiant les coutumes communes33 de la

communauté maritime. Les Rôles d’Oléron34, imprimés vers 1450, inspirèrent le droit

maritime de la façade atlantique de l’Europe et des pays riverains de la mer du Nord. En

méditerranée, le droit maritime international fut influencé par le Consulat de la Mer, une

compilation célèbre qui servira de base ou de complément aux coutumes d’Amsterdam,

d’Enchysen, de Staver, aux lois de Wisby en Gothland, aux lois de la Hanse teutonique et

aux lois françaises réunies sous le nom de « Guidon de la mer »35.

cette destinée commune. Les hordes du Nord qui, sous des noms divers, fondirent sur l’empire d’Occident et
s’en partagèrent les débris, ne parvinrent à détruire à ce grand événement ce qui [avait] été dit dans une autre
circonstance : les vaincus ont donné leurs lois aux vainqueurs. » : J.-M. PARDESSUS, préc., note 24, p. 133.
31
Pardessus souligne : « Les altérations du droit romain furent moins grandes en ce qui concerne les contrats
du commerce maritime, c’était toujours et partout pour des besoins du même genre. L’immutabilité ainsi que
l’uniformité [étaient] presque de l’essence du droit maritime. Par ailleurs, une des plus importantes
modifications qu’a subi la législation maritime dans quelques localités, [était] relative au mode de
contribution aux pertes et avaries causées par les cas de force majeure pendant le voyage maritime. [C’est ce
qu’on appelle de nos jours le principe des avaries communes] » : J.-M. PARDESSUS , préc., note 24 , p.140.
Voir : Charles CALVO, Le droit international théorique et pratique, 3e éd., t. I, Paris, Guillaume et Cie
Éditeurs, 1880, p. 6.
32
The Lottawanna, 88 US 558, 565 et 566.
33
Les statuts des villes maritimes italiennes, comme les Statuts de Trani, les Tables d’Amalfi ou allemandes,
comme le Statut de la Hanse teutonique, voir : M.-D.-A. AZUNI, préc., note 24, p. 161 et suiv.
34
Voir le texte intégral, dans J.-M. PARDESSUS, préc., note 24, p. 323 et suiv. En Europe, aucune loi n’était
appropriée spécialement au domaine maritime avant les croisades. Le développement du commerce à cette
époque, par le truchement des contacts avec les marins byzantins qui profitaient déjà d’un certain nombre de
conventions, a donné lieu à la compilation des Rôles d'Oléron à la fin du XIIe siècle, sur décision d’Aliénor
d'Aquitaine. Ce code, enrichi au XIIIe siècle, reste la base de nombreuses législations maritimes. Il a été
imprimé dès 1450. Au XIVe siècle, le Guidon de la mer voit le jour. Rédigé à Rouen, il gérera le régime de
l’assurance maritime.
35
F. DE CUSSY, préc., note 26, p. 10. Selon Pardessus, le Consulat de la mer était considéré comme un
véritable code de procédure maritime. La date de sa rédaction demeure incertaine. Une probabilité fait état de
sa rédaction vers 1283 sous le règne de Pierre III pour la ville de Valence. Pour une étude plus détaillée,
14
Au XVIIe siècle, l’Ordonnance de la marine marchande, dite « Ordonnance de

Colbert », édictée par Louis XIV, roi de France, promulguée en août 1681, « et complétée

en novembre 1684 par une ordonnance pour la Bretagne »36, fait du régime du transporteur

maritime une règle de droit commun où le débiteur doit payer des dommages et intérêts en

cas d’inexécution de son obligation ou dans le cas du retard à la livraison, sauf s’il rapporte

la preuve du cas de force majeure37 ou du vice propre de la marchandise. Ce sont là les

seuls cas pouvant libérer le transporteur de sa responsabilité. Cette règle offrait au

transporteur un fondement contractuel de sa responsabilité. Sa principale obligation lui

imposait la délivrance des marchandises à leur destination dans le même état qu’à leur

réception.

Exerçant une grande influence sur d’autres pays qui codifièrent également leur droit

maritime38, cette ordonnance, malgré son caractère national, devint pratiquement la loi

vénérée de toutes les nations maritimes. D’ailleurs, les tribunaux anglais s’y sont fortement

inspirés pour régler les litiges, et « le parlement de Londres pour légiférer en droit

maritime »39. Le droit civil a joué un rôle important dans la construction du droit maritime

de la common law.

consulter : J.-M. PARDESSUS, préc., note 26, p. 1 et suiv.; M.-D.-A. AZUNI, préc., note 24; Thomas Pierre
Adrien GROULT, Discours sur le droit maritime ancien, moderne, françois, étranger, civil, militaire et sur la
manière de l'étudier, Paris, Imprimerie royale, 1786.
36
Philippe-Jean HESSE, « Éléments d’histoire des sources du droit maritime français »,
A.D.M.O.1998.19.23.
37
Infra, p. 243.
38
Pays-Bas, Vénétie, Deux-Siciles, Espagne, Prusse, Suède, etc.
39
Guy LEFEBVRE, « L’uniformisation du droit maritime canadien aux dépens du droit civil québécois :
lorsque l’infidélité se propage de la Cour suprême à la Cour d’appel du Québec », (1997) R.J.T. 577, 588. La
Cour suprême du Canada a reconnu l’influence du droit civil sur le droit canadien maritime, inspiré fortement
de la common law, en affirmant que : « Il est certain que l’évolution du droit d’amirauté anglais, dont dérive une
partie considérable du droit maritime canadien, doit beaucoup à la tradition civiliste. Au début, la common law
n’était pas dotée des outils nécessaires pour traiter de questions relevant des domaines commercial et maritime, de
sorte que les cours d’amirauté, quand elles étaient appelées à statuer sur des litiges en matière maritime,
appliquaient des principes conçus sur le continent. Les cours d’amirauté étaient en fait présidées par des
civilistes. N’oublions toutefois pas que ces cours, à l’instar d'autres tribunaux anglais spécialisés, devaient lutter
constamment pour résister au pouvoir toujours croissant des tribunaux de la common law, et leur compétence en
15
Tetley souligne à ce propos que :

« What cannot be denied, however, is the role played by the civil


law in the early stages of English maritime law. The civil law
provided the codal authorities which English judges consulted, as
the only comprehensive sources of written maritime law available;
and when it was necessary, the judges of the Admiralty courts could
supplement the codes, as well as the common law, with civil law
principles and established mercantile customs. »40

La rupture avec la tradition romano-germanique du droit maritime en Angleterre

s’est fait sentir en 1660, avec le mouvement des juridictions de droit commun qui aspirait à

restreindre les compétences de la Cour d’amirauté. À leurs yeux, cette cour empiétait sur

leurs fonctions. Cette ambition se réalisera en 1669-70 lorsque l’on délaissa le droit civil,

qui influençait de façon moindre le droit maritime anglais, tout en continuant d’en être le

fondement41.

En Angleterre, les principes de la common law42 font du transporteur l’assureur de

la marchandise, par le truchement d’une responsabilité stricte de résultat43. Le transporteur

se porte garant de délivrer la marchandise à sa destination dans son état de réception au

chargement, sauf pour les cas énumérés dans le contrat de transport constituant des

événements de force majeure : l’acte de Dieu et les actes d’ennemis publics.

matière civile ordinaire est devenue extrêmement étroite et circonscrite. En particulier, elles n'avaient pas
compétence relativement aux affaires en cette matière qui avaient pris naissance dans les limites du royaume. » :
Q.N.S. Paper Co. v. Chartwell Shipping Ltd., [1989] 2 R.C.S. 683, 685. Cf. André BRAËN, « Le droit
maritime du Québec à l’aube de la codification », (1985) 16 R.G.D. 429.
40
W. TETLEY, préc., note 23, p. 18.
41
Id., p. 16 et suiv.
42
Cf. Jacques VANDERLINDEN, Histoire de la Common Law, Centre international de la common law en
français, les Éditions Yvon Blais, 1996, en ligne :
<http://www.vanuatu.usp.ACfj/courses/LA100F2_Histoire_Common_Law/LA100F_PDF_Docs/Microsoft_
Word_-_HistoireDeLaCommonLaw(1).pdf> (consulté le 22 janv. 2009).
43
Voir : Francis RYNOLDS, « Common Carriers, Bailment and Carriage by Sea », dans Eric VAN
HOOYDONK, English and Continental Maritime Law After 115 Years of Maritime Law Unification: A
Search for Differences Between Common Law and Civil Law, Antwerp Maritime Law Seminars, Maklu,
2003, p. 61 et 62; John D. KIMBALL, « Shipowner’s Liability and the Proposed Revision of the Hague Rules
», 6 J.M.L.C. 217, 220 (1974-75).
16
Angell mentionne à ce propos ce qui suit :

« to give due security to property, the law has added to that


responsibility of a carrier, which immediately arises out of his
contract to carry for a reward, namely, that of taking all reasonable
care of it, the responsibility of an insurer. From his liability as an
insurer, the carrier is only to be relieved by two things, both so well
known to all the country, when they happen, that no person would
be so rash as to attempt to prove, that they had happened when they
had not; namely, the act of god, and the king’s enemies. »44

Néanmoins, il n’existait aucune loi en droit anglais qui privait le transporteur du

droit d’insérer au connaissement des clauses exonératoires ou des clauses limitatives de sa

responsabilité.

Au XIXe siècle, les divers systèmes de droit adhéraient au même régime de

responsabilité45. Par ce fait, les chartes-parties et les connaissements devenaient la loi des

parties. Les pays civilistes comme ceux de la common law, malgré les divergences de leurs

traditions juridiques46, se trouvèrent face à une contractualisation illimitée.

Section 2 — Le droit maritime des « Temps modernes »

Vers la fin du XIXe siècle, cette liberté devint une source d’abus. L’équilibre

contractuel était atteint d’un vice monopolistique des transporteurs. Estimant leurs charges

trop lourdes, les transporteurs inséraient dans les contrats de transport ou les

connaissements des clauses limitatives de responsabilité, dites « clauses de négligences »47,

44
Joseph K. ANGELL, A Treatise of the Law of Carriers of Goods and Passengers by Land and by Water:
American Law the Formative Years, New York, Arno Press, 1972, p. 147 et 148.
45
René RODIÉRE, Traité général de droit maritime, t. I, « Les contrats d’affrètement », Paris, Dalloz, 1968,
p. 219.
46
Voir sur l’histoire du droit maritime : Eugène CAUCHY, Le droit maritime international considéré dans
ses origines et dans ses rapports avec les progrès de la civilisation, Guillaumin, 1862; Cf. L. GESSNER, Le
droit des neutres sur mer, 2e éd., Berlin, Charles Heymann, Librairie Éditeur, 1876; Patrick GRIGGS,
« Common Law and Civil Law : a CMI Perspective », dans E.VAN HOOYDONK, préc., note 43, à la page
159.
47
Voir : Francis SAUVAGE, La clause de négligence et les clauses de non-responsabilité des fautes dans le
contrat de transport par mer, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1911.
17
comme celles relatives à l’état de la marchandise dites « poids inconnu », « quantité

inconnue », ou « que dit être ». L’habitude d’insérer dans le connaissement de telles clauses

était depuis le XVIIe siècle le fait d’importantes compagnies maritimes anglaises dont les

dirigeants siégeaient au Parlement48.

À l’évidence, les tribunaux se trouvèrent contraints d’admettre à un certain degré

leur validité par respect du principe de l’autonomie de la volonté contractuelle. Ce fut le cas

surtout en Angleterre et en France49. Les juges furent dans l’obligation de reconnaître leur

légitimité, car le fait de limiter brusquement la liberté contractuelle des propriétaires des

navires allait nuire au commerce maritime des États et désavantager leurs propres

transporteurs vis-à-vis des armateurs étrangers, d’autant plus que les pays détenant le

monopole du commerce maritime étaient essentiellement des États transporteurs.

En somme, les propriétaires de navires n’avaient plus d’incitation, par la force de la

loi, à répondre raisonnablement à leurs obligations respectives. Ils n’avaient donc pas à se

soucier de délivrer la cargaison en bon état. En revanche, la reconnaissance de ces clauses

par la jurisprudence souleva l’ire de différents acteurs au contrat de transport maritime. Les

chargeurs en particulier étaient insatisfaits de ces clauses qui leur imposaient de renoncer à

leurs droits. D’âpres luttes s’ensuivirent avant de parvenir à un compromis. L’initiative du

changement vint d’un pays où les chargeurs étaient nombreux, les États-Unis. Ces derniers

adoptèrent une loi, le Harter Act, le 13 février 189350, imposant la nullité des clauses de

non-responsabilité du transporteur. Cette nouvelle loi prohiba sous peine de nullité, voire

48
Thomas G. CARVER, Carver’s Carriage by Sea, London, Stevens & Sons, 1982, p. 630; Paul TODD,
Cases and Materials on Bills of Lading, Oxford, BSP Professional Books, 1987, p. 287.
49
Voir: Athanassios N. YIANNPOULOS, « Bills of Lading and the Conflict of Laws: Validity of
"Negligence" Clauses in France », 7 (4) A.J.C.L. 516 (1958).
50
Cette loi porte le nom du sénateur Michael D. Harter qui a présenté le projet auprès du Congrès américain.
Exportateur de profession, son projet était rédigé dans le seul intérêt des chargeurs. Voir : R. RODIÉRE,
préc., note 45, p. 364 et 365.
18
même de se voir infliger une amende de deux mille dollars l’insertion, dans les

connaissements, de clauses d’exonération de la responsabilité du transporteur. En revanche,

l’armateur n’était pas tenu de répondre des fautes dans la navigation et dans

l’administration du navire, à condition qu’il ait agi avec diligence avant et au début du

voyage maritime51.

Cole soutient à ce propos ce qui suit :

« The Harter Act, while exempting a shipowner who exercises due


diligence to make his ship seaworthy from liability for damage or
loss resulting from what may be shortly described as navigation
risks, prohibits him from inserting in any bill of lading or shipping
document any clause relieving him from liability for what may be
termed carriers’ risks-that is, from liability for loss or damage
arising from negligence, fault, or failure in proper loading, stowage,
custody, care, or failure in proper loading, stowage, custody, care,
or proper delivery of merchandise. »52

Le Harter Act eut une grande influence53 sur la législation maritime de plusieurs

pays54, et trouva appui chez une grande partie de la jurisprudence établie. En contrepartie,

51
Il est permis de concevoir qu’à cette époque, les motifs d’exonérer le transporteur pour faute dans la
navigation et dans l’administration du navire provenaient de l’absence des moyens de communication
sophistiqués. L’industrie navale bénéficiait de moins d’outils technologiques que de nos jours. Aujourd’hui,
ce concept maintenu par le régime de base de Bruxelles de 1924 a fait couler beaucoup d’encre, en raison des
incertitudes qu’il a engendrées, que nous aurons l’occasion d’aborder dans la partie qui suivra. Plusieurs
auteurs se sont exprimés clairement sur ces raisons historiques, par exemple, Lee et Kim qui affirment : « In
those days of wooden ships, overseas trading was a dangerous joint venture between the ship and cargo
owners. Shipowners risked the ship, the captain and crew risked their lives, and shippers risked their goods.
Under the circumstances, Vessel Management Default was one of the exemptions from liability for the
carrier. A mariner or a servant of a ship escaped liability under maritime laws if he did not intend to commit
the default. However, there was no exemption if the mariner or ship servant did not exercise due diligence to
make the vessel seaworthy, or if he committed Commercial Default. This was the case even though there was
Vessel Management Default. » : Eun Sup LEE et Seon Ok KIM, « A Carrier’s Liability for Commercial
Default and Default in Navigation or Management of the Vessel », T.L.J. 205, 212 (2000).
52
Sanford D. COLE, The Hague Rules Explained being the Carriage of Goods by Sea Act, 1924, 3e éd.,
London, Effingham Wilson, 1930, p. 18.
53
Lee et Kim notent : « […] certain British dominions that were large exporters of raw materials followed the
example of the Harter Act. These countries believed that the carrier interests in the mother country did not
treat shippers fairly » : E.-S. LEE et S.-O. KIM, préc., note 51, 210.
54
Le Paramount Act australien du 15 décembre 1904, le Shipping and Sea Men Act néo-zélandais de 1908 et
le Water Carriage of Goods Act canadien en 1910.
19
ce texte ne pouvait résoudre directement le problème de conflits de lois occasionné par les

divergences des traditions juridiques et des lois nationales55. De plus, le Harter Act ne

s’appliquait que lorsque le connaissement concernait un transport maritime d’un port à un

autre port des États-Unis vers l’étranger.

La solution dut être repensée. S’imposa alors le besoin de compléter « les essais

faits au XVIIe siècle excipant, des codes maritimes médiévaux, une “codification

universelle” des principes généraux de ce droit. »56 Il fallait établir une loi unificatrice à

caractère international, afin que la norme évolue vers l’universalité du régime juridique du

transport maritime57.

La création d’un connaissement type consista en une première approche pour

résoudre le problème, à condition qu’il soit approuvé et appliqué par tous les pays

transporteurs. De fait, son application se restreignit aux règles affranchies des législations

internes, car contraires à l’ordre public. L’expérience des connaissements de Liverpool de

1882, du Eastern Trade, des chartes-parties de Baltic, de la London Corn Trade

Association et du connaissement hanséatique de 1886 s’érigérent en exemples significatifs

dans cette tentative conventionnelle d’unification. Le choix d’une méthode souple, la voie

contractuelle, pour unifier ce droit fut un pas ambitieux, qui n’aboutit toutefois pas au

résultat espéré. Cet effort d’harmonisation fut interrompu par le déclenchement de la

55
Cf. Michel POURCELET, Le transport maritime sous connaissement : droit canadien, américain et
anglais, Montréal, les Presses de l’Université de Montréal, 1972, p. 4; Christopher B. KENDE, « Le concept
de limitation de responsabilité en droit maritime américain », D.M.F.1987.727.
56
M. RIMABOSCHI, préc., note 4, p. 65.
57
L’uniformisation du droit maritime international reprend en général la rédaction des Règles d’York et
d’Anvers, de 1890, sous l’égide de l’« International Law Association ». Cependant, l’unification du droit
maritime international avait débuté véritablement en 1897 avec la création en Belgique du C.M.I. En 1910
furent signées les deux conventions internationales sur l’abordage et l’assistance maritime. L’apparition de
nouvelles organisations internationales a ainsi favorisé l’essor du droit maritime international. L’O.M.C.I., qui
deviendra l’O.M.I, puis la C.N.U.C.E.D, a également entrepris des travaux de codification du droit maritime
international.
20
Première Guerre mondiale (1914-1918), dont les effets furent néfastes sur l’économie

mondiale : blocus, nationalisme, etc.

Les travaux de l’International Law Association58 aboutirent en septembre 1921, en

l’occasion de la Conférence de La Haye, à l’adoption de règles sur le transport maritime

sous connaissement, coïncidant avec le début du droit maritime international

contemporain59. Pour la première fois, un accord était conclu entre transporteurs, chargeurs,

banquiers et assureurs. Ces règles restèrent néanmoins lettre morte, du fait de leur caractère

supplétif et de l’hostilité marquée par la Grande-Bretagne à toute législation touchant les

intérêts de ses transporteurs60. Pour dénouer l’impasse, il fallut faire appel à une méthode

d’unification impérative : une convention internationale dotée d’un aspect normatif ou

impératif grâce à la participation de représentants étatiques.

En 1922, la Conférence diplomatique de Bruxelles rassembla plusieurs parties

gouvernementales dans le but de préparer un projet de convention sur la responsabilité du

propriétaire du navire. Elle se voit confier simultanément un second projet en vue de

déterminer la limitation de sa responsabilité. La Conférence reprend alors les Règles de La

Haye de 1921 avec quelques modifications de détails, afin de préparer un projet de

convention, celui de la Convention de Bruxelles sur l’unification de certaines règles en

matière de connaissement, qui sera ratifiée le 25 août 1924.

58
Il s’agit de l’Association de réforme et de codifications des lois des nations (Association for the Reform and
the Codification of the Law of Nations), qui changea son nom en 1905 pour International Law Association.
Voir : James B. MILES, Association for the Reform and the Codification of the Law of Nations, A Brief Case
of its Formation, Paris, E. Brière, 1875.
59
Voir : Michael F. STURLEY, The Legislative History of the Carriage of Goods by Sea Act and the Travaux
Préparatoires of the Hague Rules, vol. II, Colorado, Fred B. Rothman & Co, 1990. Sur le processus
d’unification des différentes institutions du droit maritime, voir : M. RIMABOSCHI, préc., note 4, p. 60 et
suiv.
60
R. RODIÉRE, préc., note 45, p. 368 et 369.
21
Section 3 — Le droit maritime contemporain

Entrée en vigueur en 1931, la Convention de Bruxelles de 1924, portant également

le nom de « Règles de La Haye » fut un exploit dans le monde de la navigation. Elle a été

ratifiée directement et indirectement61 par presque tous les États maritimes. Ce texte

constitua pour la première fois un compromis entre les différents États et atteignit du coup

le but de la communauté maritime qui espérait de cette convention un droit commun du

transport maritime international62.

Conscients des excès auxquels conduisit le principe de la liberté contractuelle, les

dispositions de la Convention sont d’ordre impératif63. L’article 3 (8) de cette convention

rend nulle toute clause dont le contrat de transport est destiné à modifier la responsabilité

61
Certains États ont inséré la présente convention dans leurs législations nationales. Ce fut le cas du Canada,
de la Belgique, de l’Espagne, de la Hongrie, de la Grande-Bretagne, des pays scandinaves, etc. Au Canada, le
transport maritime international des marchandises est régi par la partie V de la loi sur la responsabilité en
matière maritime, The Marine Liability Act, S.C. 2001, c. 6.
62
Souvent, les transporteurs élisent ce texte comme loi régissant leur contrat de transport par l’insertion d’une
clause dite « Paramount ». Malgré le fait qu’il s’agisse d’une clause contractuelle supposant la volonté
bilatérale des parties, c’est souvent le transporteur qui rédige le contrat et le chargeur y adhère. La réalité des
rapports de forces économiques dans la rédaction du contrat de transport maritime faisait en sorte que la
pluralité des volontés dans la rédaction du contrat était enfreinte. La reconnaissance de cette clause et son
application auprès des tribunaux sont confrontées à d’importantes difficultés. Pour plus de détails, voir :
Pierre BONASSIES et Christian SCAPEL, Droit maritime, Paris, L.G.D.J. 2006, p. 580.
À titre d’exemple, la clause Paramount est rédigée comme suit:
« Clause Paramount
(a) This Bill of Lading shall have effect subject to the International Convention for the Unification of certain
Rules relating to Bills of Lading, dated at Brussels 25 August 1924 (The Hague Rules) as enacted in the
country of shipment, unless the protocol, dated Brussels 23 February 1968 (The Hague-Visby Rules) or the
United States Carriage of Goods by Sea Act, 1936 (U.S. COGSA, 46 U.S.C. Appendix 1300-1315) apply
compulsorily.
(b) When no such enactments are in force in the country of shipment, the corresponding Hague Rules, Hague-
Visby Rules or U.S. COGSA legislation (Hague/Visby/COGSA legislation) of the country of destination shall
apply, but in respect of shipments to which no such enactments are compulsorily applicable, the terms of the
Hague Rules shall apply.
(c) The applicable Hague/Visby/COGSA legislation shall govern throughout the time when the Goods are in
the actual or constructive custody of the Carrier. The Carrier takes all reservation possible under the
Hague/Visby/COGSA legislation relating to the period before loading and after discharging and while the
Goods are in the charge of another Carrier, and to deck cargo and live animals. », en ligne : <
http://www.hanjin.com/en/container/shipping/original_bl_term.pdf> (consulté le 5 décembre 2008).
63
Cf. Francis SAUVAGE, « La notion d’ordre public dans le contrat de transport des marchandises »,
D.M.F.1963.131.
22
du propriétaire du navire64. Ce texte fait, en principe, du connaissement65 le document

formant titre66 pour le transport des marchandises et sert à réaliser67 le contrat de

transport68. Cette règle s’applique aussi à des documents similaires69 représentatifs de la

marchandise et du contrat de transport.

La période de responsabilité du transporteur maritime, conformément à l’article I

(e), « couvre le temps écoulé depuis le chargement des marchandises à bord du navire

jusqu’à leur déchargement du navire »; l’article III (2) déclare quant à lui que le

transporteur « procédera de façon appropriée et soigneuse au chargement […] et au

déchargement des marchandises transportées ». Ces articles révèlent le sectionnement du

contrat de transport. La responsabilité du propriétaire du navire se limite à la phase

purement maritime « dans un but précis, celui de ne pas empiéter trop lourdement sur les

législations nationales. »70 Par conséquent, cette limitation dans le temps résulte du fait que,

passé ce moment, le capitaine devient le seul maître à bord71. Le régime de responsabilité

est de plein droit, quoi que le transporteur puisse s’exonérer en invoquant l’un des cas

64
L’article 3 (8) affirme que : « Toute clause, convention ou accord dans un contrat de transport exonérant le
transporteur ou le navire de responsabilité pour perte ou dommage concernant des marchandises provenant de
négligence, faute ou manquement aux devoirs ou obligations édictées dans cet article ou atténuant cette
responsabilité autrement que ne le prescrit la présente convention, sera nulle, non avenue et sans effet. Une
clause cédant le bénéfice de l’assurance au transporteur ou toute clause semblable sera considérée comme
exonérant le transporteur de sa responsabilité. »
Cf. Gyula EÖRSI, « The Validity of Clauses Excluding or Limiting Liability », 23 (2) A.J.C.L. 215, 235
(1975)
65
Voir : J. PINEAU, préc., note 6, p. 176.
66
Voir: E. Clemens Horst Co. v. Biddell Brothers, [1912] A.C. 18 (H.L. 1912).
67
Cf. The Ardennes (Owner of Cargo) v. The Ardennes (Owners), [1950] 2 All E.R. 517 (Q.B. 1950);
Parsons Corp. v. C.V. Scheepvaartonderneming (Happy Ranger), [2002] 2 Ll.L.Rep. 357 (C.A. 2002).
68
Cf. Martine RÉMOND-GOUILLOUD, Le contrat de transport, Paris, Dalloz, 1993, p. 19 et suiv.
69
Voir : Nippon Yusen Kaisha v. Ramjiban Serowgee, [1938] 2 All E.R. 285 (P.C. 1938).
70
J. PINEAU, préc., note 6, p. 220. Voir : Jan LOPUSKI, « Contrats maritimes internationaux et le problème
de la liberté contractuelle », D.M.F.1983.337.344; Jean-Pierre RÉMERY, « Remarques sur le droit applicable
au contrat international de transport maritime de marchandises », dans P. BONASSIES, préc., note 2, à la
page 277.
71
Claude HOSNER, La responsabilité du transporteur maritime, étude de droit suisse, Lausanne, Nouvelle
Bibliothèque, Droit et Jurisprudence, 1956, p. 80.
23
exceptés lié à l’obligation de navigabilité72. Ces cas exonératoires, traduits du terme anglais

« Excepted cases », représentent les exonérations conventionnelles que les transporteurs

anglais avaient pris l’habitude d’insérer dans leurs connaissements73.

À ce stade, on justifia cette liste de cas exonératoires comme une sorte de

compensation réservée au transporteur qui était désormais privé du bénéfice des clauses

contractuelles. Il n’avait alors d’autres choix que d’accepter d’élever le montant minimum

de la limitation de sa responsabilité74. Advenant le cas où les participants continentaux

accepteraient d’insérer cette liste dans la présente convention, la priorité, sans nul doute, eut

été donnée aux exportateurs anglais qui prédominaient le marché international, ce qui aurait

influencé le processus des négociations.

Par ailleurs, l’effet de cette réglementation demeure limité, car le champ

d’application de ces règles est restreint. De nombreuses matières sont hors convention : le

transport des marchandises en pontée, le transport des animaux vivants75 ainsi que les

72
Infra, p. 43 et suiv.
73
Le fait que les clauses d’exonération soient d’inspiration anglaise présente deux inconvénients. En premier
lieu, il en résulte une énumération inutile due à la confusion de ces cas avec les exonérations du droit
commun, comme c’est le cas pour la notion d’incendie que nous examinerons postérieurement. En second
lieu, le droit anglais ne considère pas la force majeure des pays civilistes comme un seul cas qui engloberait
les différents événements extérieurs. Sans doute parce que la pensée juridique anglaise a l’habitude de
procéder par énumération d’espèces. Certains auteurs soulignent l’exemple suivant : « The act of god, The
king’s enemies, Pirates, robbers, thieves, whether on board or not, pilferage, barratry of master and mariners,
arrest and restraints of princes, rulers, and peoples, strikes, lock-outs, or stoppage of labour from whatever
cause, leakage, ullage, spiles, jettison, fire, perils of boilers, steam, or steam machinery, and consequence of
defects therein or damages thereto, escape of steam, explosion, Risks of steam navigation, perils of
navigation, detention by ice, breakdown by steamer, latent defect, risk of craft, risk of storage afloat or on
shore, save risk of boats so far as ships are liable, etc. » : Alain Abraham MOCATA, Micheal MUSTILL et
Stewart Crauford BODY, Scrutton on Charterparties and Bills of Lading, Londres, Sweet & Maxwell, 1984,
p. 209, 210 et 211. Voir: F. SAUVAGE, préc., note 47.
74
Cet argument nous apparaît invraisemblable, car la limitation légale en cas de responsabilité du transporteur
est exorbitante pour le chargeur. Elle repose sur la somme de 100 livres sterling par colis ou unité, ou
l’équivalent de cette somme en une autre monnaie.
75
Le transport des animaux vivants est d’une nature très particulière. Il nécessite des soins minutieux et un
traitement spécial. Les parties sont libres, dans le respect de l’ordre public, de s’entendre sur les conditions de
transport de cette marchandise.
24
autres contrats de transport comme ceux sur l’affrètement ou les chartes-parties76. Aussi, les

phases antérieure au chargement et postérieure au déchargement sont soumises à la liberté

contractuelle. La validité des clauses conventionnelles pour ces deux périodes est

vraisemblablement conforme à l’article 7 de la Convention de Bruxelles77.

Par conséquent, bien que cette convention fût ratifiée par un grand nombre d’États78,

les difficultés d’application et d’interprétation de ses dispositions mettent en doute son

efficacité. Ainsi en est-il de l’affaire S⁄S Mancaster Castle79. Brièvement, la Chambre des

Lords refusa dans l’espèce l’exonération du transporteur pour la faute de ses contractants

indépendants80, quant à l’obligation de navigabilité, et lui ordonna la réparation des

dommages, d’où le mécontentement des transporteurs britanniques. Les transporteurs

estimèrent pour la première fois que la Convention présentait des défauts, sans compter

l’insatisfaction des chargeurs qui aspiraient au changement.

Ces différents facteurs ont progressivement mené à la révision de la Convention de

Bruxelles81. Le Comité maritime international a donc entamé de longues négociations pour

76
« The Brussels Convention was not conceived as a comprehensive and self-sufficient code regulating the
carriage of goods by sea; it was intended merely to unify certain rules relating to bills of lading, and only with
regard to damages occurring between the time of loading and discharge to hull cargo than live animals. » :
Athanassion N. YIANNOPOULOS, Negligence Clauses in Ocean Bills of Lading, Conflict of Law and the
Brussels Convention of 1924, A Comparative Study, Louisiana State University Press, 1962, p. 6.
77
« In any case the carrier's responsibility shall cease at the time when the goods are discharged from the
vessel and in any case all risks and expenses (including expenses for landing, lighterage, storage, cartage, port
charges, etc.) incurred by delivery otherwise than from the vessel's side shall be borne by shipper and/or
consignee notwithstanding any custom of the port to the contrary. »: ITO -Int'l Terminal Operators c. Miida
Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752, 759.
78
Le gouvernement anglais, par exemple, avait promulgué sa législation nationale, le Carriage of Goods by
Sea Act 1924, mettant en vigueur les Règles de Bruxelles, avant même la fin de la Conférence diplomatique.
Les Règles de La Haye-Visby ont été adoptées à travers le Carriage of Goods by Sea Act de 1971, avec pour
dessein de remplacer les Règles de La Haye de 1924.
79
Infra, p. 81.
80
Cet arrêt a démontré la difficulté de distinction entre le vice caché et l’innavigabilité du navire que nous
analyserons. Infra, p. 81.
81
Voir : Samir MANKABADY, « Comments on the Hamburg Rules », dans Samir MANKABADY, The
Hamburg Rules on The Carriage of Goods by Sea, Boston, Sijthoff-Leyden, 1978, p. 32 et 33.
25
réviser les Règles de La Haye de 1924. Fut ainsi ratifié en 1968 le Protocole de Visby, entré

en vigueur en 1977.

Les modifications apportées se résument comme suit :

- L’application des Règles de La Haye-Visby à tout connaissement de transport de

marchandises entre ports relevant de deux États différents, lorsque le connaissement est

émis dans un État contractant, ou lorsque le transport a lieu au départ d’un port d’un État

contractant, ou lorsque le connaissement en prévoit l’application;

- La fixation d’une limite monétaire plus élevée pour le transporteur, afin d’intégrer les

conséquences de la conteneurisation croissante des marchandises82. La somme doit être

supérieure ou équivalente à 10 000 francs par colis, ou unité, ou 30 francs par kilogramme

de poids brut pour les marchandises perdues ou endommagées;

- L’introduction de la faute inexcusable qui prive le propriétaire du navire du bénéfice de la

limitation de responsabilité; et

- L’inclusion d’une clause spécifique de limitation applicable aux conteneurs.

La deuxième modification du Protocole de Visby de 1979, entré en vigueur en 1984,

concerne les droits de tirage spéciaux (DTS) en tant qu’unité de compte de la limitation

légale83.

Malgré les changements apportés, les Protocoles de La Haye-Visby déçoivent les

attentes des organisations des pays des chargeurs provenant essentiellement de pays en voie

de développement84. Les solutions prévues par ces protocoles ne peuvent résoudre que

82
P. BONASSIES et Ch. SCAPEL, préc., note 62, p. 574.
83
Voir : Michael WHITE, Australian Maritime Law, 2em éd., Federation Press, 2000, p. 65.
84
Voir : G. ASSONITIS, préc., note 15, p. 13. Certains auteurs comme Keefe et Colinard argumentent sur ce
point: « The Hague Rules were drafted in the early 1920; […] many of the developing countries did not even
exist when the rules were formulated. In their view the rules are an anachronism in the drafting of which they
had no say and which favour the carrier-often a national of a developed country which partook in the drafting-
at the expense of the developing country. » : Patrick J.-O’ KEEFE et R.-J. COLINARD, « The Law of the Sea
26
partiellement les problèmes à régler, puisque les amendements préservent le régime de base

de la Convention de Bruxelles85. La position des chargeurs persista devant les abus

observés dans les opérations de transport par les armateurs.

Shah attire l’attention sur la gravité de cette situation comme suit:

« In fact over the years serious gaps and abuses were increasingly
reported in the operation of the Rules. Galling, particularly to
shippers from developing countries, was the carriers’ continuing
evasion of those very responsibilities the Rules were drawn up to
uphold. Some 17 exceptions, notably perils of the sea, negligence in
navigation, and a ‘‘catch-all’’ exception which can be invoked
when all the other exceptions fail, were still pleadable to excuse
him. Moreover, even if the carrier accepts responsibility his liability
was limited to 100$ per package or unit. Finally, with no model bill
of lading or other form of documentary restraint, he could with
impunity continue to insert practically any form of exceptive clause,
invalid in terms of the Hague Rules, in his bills of lading. Such
clauses are particularly detested in developing countries where
shippers tend, from lack of expertise and weaker bargaining power,
to acquiesce in them. The only alternative is expensive litigation of
uncertain outcome. »86
Les chargeurs estimèrent que, du point de vue pratique, l’évolution de l’industrie

navale, surtout avec l’apparition de la conteneurisation, avait diminué les risques de la

navigation et que, par suite, la protection du transporteur pour des risques qui n’existaient

plus n’était pas justifiée87. Assurément, la difficulté juridique qui s’est posée avec acuité est

celle des effets du sectionnement du contrat de transport sur la période de transfert des

risques et le statut juridique des marchandises en attente à quai ou en cas de transbordement

avant l’arrivée du navire transportant la marchandise au port de destination. Les chargeurs

and the Marine Carrier’s Liability », 10 J.W.T.L. 344 (1976); Pierre BONASSIES, « Problèmes et avenir de la
limitation de responsabilité », D.M.F.1993.95.96; Yves TASSEL, « Le Droit maritime - un anachronisme? »,
XV A.D.M.O.1997.151.157.
85
Plusieurs États soumis au régime de Bruxelles n’ont pas ratifié ces amendements, ce qui pose souvent
problème aux juges, surtout en ce qui a trait aux limitations légales. Voir : P. BONASSIES et Ch. SCAPEL,
préc., note 62, p. 580 et 581.
86
M.-J. SHAH, « The revision of the Hague Rules on Bill of Lading within the UN system-Key issues », dans
S. MANKABADY, préc., note 81, à la page 5.
87
Voir : G. ASSONITIS, préc., note 15, p. 203.
27
ont estimé que la phase purement maritime du contrat de transport accorde au transporteur

une double protection juridique :

« […] le fait de retarder ainsi exagérément jusqu’à l’extrême limite


le transfert des risques ou de responsabilité au transporteur au
départ du navire, pour, à l’inverse, l’en décharger presque
précipitamment à l’arrivée. D’autant plus que ce sectionnement
abusif posait en pratique le problème de la condition juridique des
marchandises pendant leur séjour à quai, car le transporteur prend
généralement la marchandise en charge avant le chargement et la
livre au destinataire bien après le déchargement et dans un lieu
éloigné du quai. »88

De surcroît, les plafonds de la limitation légale89 accordés au transporteur n’étaient

plus adaptés aux changements que subissait l’économie mondiale après la dépression

économique des États-Unis, entre 1929-193990. L’un des problèmes majeurs rencontrés par

la Convention de Bruxelles est celui des effets de l’inflation persistante après cette crise

économique, en raison de la limitation fixée à cent livres sterling ou à la valeur courante de

100 livres sterling or sur le marché libre par colis ou unité.

C’est ainsi que les chargeurs soumirent un rapport au secrétariat de la CNUCED

exprimant leur appel urgent à la prise de mesures nécessaires pour repenser le régime

juridique du contrat de transport maritime en vigueur91, celui des Règles de La Haye/Haye-

Visby.

88
Victor-Emmanuel BOKALLI, « La protection des chargeurs à travers les Règles de Hambourg », D.M.F.
1997.237.246; cf. Michel JUGLART, « Sectionnement ou unité du contrat de transport maritime? »,
D.M.F.1960.451.
89
Cf. William TETLEY, « Package & Kilo Limitations and the Hague, Hague/Visby and Hambourg Rules &
Gold », 26 (1) J.M.L.C. 135 (1995); P.-Y. NICOLAS, « La conversion de ‘franc’ des Conventions
internationales de droit privé maritime », D.M.F.1980.579; Emmanuel DE PONTAVICE, « À la recherche
d’une unité de compte universelle pour les conventions internationales de droit privé sur la responsabilité », 6
A.D.M.A.1982.39.
90
Voir : Joseph C. SWEENY, « Review of the Hamburg Conference », dans The Speaker’s Papers for the
Bill of Lading Conventions Conference, Lloyd’s of London Press, p. 4.
91
Selon Rodière, il était attendu : « […] dans la perspective d’une convention inspirée moins encore par le
souci de favoriser les chargeurs que par la haine des armateurs, aux trois principes suivants :
1 ° une responsabilité à peu près absolue des transporteurs, la liste des cas les libérant se trouvant resserrée au
maximum, sinon même fermée, à la manière du Protocole de Guatemala-City en matière aérienne;
28
Les objectifs décrits dans ce rapport se résument comme suit :

« (a)That a fair balance be struck of the allocation of risks, rights


and obligations in the rules on liability between carriers and
shippers;
(b)That lacunae, uncertainties and ambiguities exposed in the
working of the Hague Rules be stemmed and corrected as far as
possible;
(c)That appropriate provisions be drafted concerning the burden of
proof;
(d)That the following specific areas be considered for revision and
amplification:
(1) Responsibility for cargo for the entire period it is in the charge
or control of the carrier or his agents;
(2) The ‘‘Scheme of responsibilities, liabilities, rights and
immunities’’ incorporated in the Hague Rules and their Visby
Protocol, and their interaction, including the elimination or
modification of certain exceptions to carriers’ liability;
(3) Jurisdiction;
(4) Responsibilities for deck cargoes, live animals, and
transhipment;
(5) Extension of the period of limitation;
(6) Definitions;
(7) Elimination of Invalid Clauses in Bills of Lading;
(8) Deviation, seaworthiness and unit limitation of liability. »92

Ces finalités animèrent fortement les négociations au sein du Groupe de travail de la

CNUDCI93 qui, suite à un long examen, adopta la Convention de Hambourg de 197894,

basée sur un régime de responsabilité fondé sur la présomption de faute et sur un régime

unifié de preuve incombant au transporteur, sauf pour les cas d’incendie95 et d’assistance ou

2 ° une sensible élévation des plafonds de réparation, sinon même le principe de la réparation intégrale des
dommages soufferts par les ayants droit;
3 ° quant à la troisième règle, elle ne changeait pas, les solutions restent intangibles pour les transporteurs,
mais sa sévérité s’accroissant par son application à des règles plus sévères pour eux. » : René RODIÉRE, « La
responsabilité du transporteur maritime suivant les Règles de Hambourg 1978 », D.M.F.1978.451.453.
92
M.-J. SHAH, préc., note 86, aux pages 9 et 10.
93
Voir : John D. KIMBALLI, « Shipowner’s Liability and the Proposed Revision of the Hague Rules », 7
J.M.L.C. 217 (1975-76).
94
Voir : M.-J. SHAH, préc., note 86, p. 1. Sur l’état de ratification des Règles de Hambourg, voir en ligne :
également : <http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/transport_goods/Hamburg_status.html> ou la
carte géographique sur : <http://legacarta.net/maps/start.php?change_lang=french&ref=6> (consulté le 12 fév.
2008).
95
L’article 4 de la Convention de Hambourg énonce que :
29
de tentative de sauvetage en mer96. La vocation de cette nouvelle convention visait à mettre

fin à la dualité du régime du transporteur qui résultait du sectionnement du contrat de

transport, en préconisant le principe de port à port, au lieu de la règle du palan à palan de

la Convention de Bruxelles de 1924.

La Convention de Hambourg abandonnera le système d’énumération des cas

exceptés dont le principal apport fut la suppression de la faute dans la navigation et dans

l’administration du navire. Il en résultera une conséquence cruciale en pratique :

l’augmentation du coût du fret pour les chargeurs et une hausse des primes d’assurances de

responsabilité pour le propriétaire du navire.

Shah observe à ce propos ce qui suit :

« The crux of the major attack against the draft was its deletion in
Article 5 (basic rules of liability) of the Hague Rules exceptions for
negligence in navigation, launched primarily by representatives of
cargo marine insurers and carriers from a few countries with large
fleets in developed countries. These critics alleged that the net
effect of the proposed change would be the imposition of higher
freights to account for higher liability insurance costs; the loss or
reduction of cargo insurance markets, and greater litigation
stemming from alleged ambiguities in the Articles on liability. »97

Les transporteurs avancèrent plusieurs arguments contre l’adoption de cette

convention en faveur de la suppression de la faute dans la navigation et dans

« a) Le transporteur est responsable : i) Des pertes, dommages ou retard à la livraison causés par l’incendie
s’ils résultent de sa faute ou négligence ou celle de ses préposés ou mandataires.
ii) Des pertes, dommages ou retard à la livraison causés par l’incendie, si le demandeur prouve qu’ils résultent
de la faute ou de la négligence du transporteur ou de ses préposés ou mandataires dans l’adoption de toutes les
mesures qui pouvaient être exigées pour éteindre l’incendie et éviter ou atténuer ses conséquences.
b) Dans le cas où un incendie à bord du navire porte atteinte aux marchandises, si le demandeur ou le
transporteur le désire, une enquête sera menée conformément aux pratiques des transports maritimes, sur la
cause et les circonstances de l’incendie, et un exemplaire du rapport d’expert sera mis, sur demande, à la
disposition du transporteur ou du demandeur, selon le cas. »
96
L’article 6 de la Convention de Hambourg affirme que : « Le transporteur n’est pas responsable, sauf du
chef d’avaries communes, lorsque la perte, le dommage ou le retard à la livraison résulte de mesures prises
pour sauver des vies ou de mesures raisonnables prises pour sauver des biens en mer. »
97
M.-J. SHAH, préc., note 86, p. 11.
30
l’administration du navire. Ce changement entraînerait une augmentation du coût du fret

obligeant le transporteur à supporter des charges d’assurance plus élevées. De ce fait, les

assureurs de responsabilité augmenteraient leurs tarifs, ce qui se répercuterait sur le coût du

transport. De même, le prix de l’assurance sur facultés ne sera pas revu à la baisse, de sorte

que l’assureur du propriétaire de la marchandise aura à exercer de nombreuses actions

récursoires, souvent hypothétiques du fait de la difficulté d’exécuter un jugement rendu

contre des armateurs de certaines nationalités. Une seconde critique porta sur le maintien de

deux cas exceptés de la Convention de base, celui de l’incendie et celui de l`assistance ou

de sauvetage, et sur le régime de preuve.

Les Règles de Hambourg furent ainsi largement critiquées98 et ne purent remporter

le succès escompté. Le but recherché était de loin réalisé, car au lieu d’établir un régime de

responsabilité clair et précis, un double régime de preuve était établi. Le propriétaire du

navire devrait désormais prouver l’exercice de sa diligence raisonnable et démontrer

l’évènement qui avait causé le dommage.

Cependant, ces nouvelles règles ont réussi à apporter des changements

significatifs99, par l’instauration d’un régime simple de responsabilité et par l’abandon de la

faute nautique ainsi que le découpage des trois phases de transport100.

98
Voir : Raymond ACHARD, « Les Règles de Hambourg à nouveau mises en examen »,
D.M.F.1994.255.258.
99
La limitation légale a été légèrement modifiée et une nouvelle unité de chargement a été ajoutée, le
conteneur. Voir : L'article 1(c) de la Convention douanière de 1972; l’article 2 la Convention internationale
sur la sécurité des conteneurs (CSC); Adalberto TEMPESTA, « Quelques réflexions sur les transports par
conteneurs et transports multimodaux », 6 A.D.M.A.1982.371; Eric RATH, « Containers: their Definition and
Implications », 7 T.L.J. 53, 54 (1975); Frank M.-K. WICKMANS, « The Container Revolution and the Per »,
22 D.E.T.1987.506; Léon LAVERGNE, Les transports par mer, Paris, 1975, p.11 et suiv.; M.-E. DE
ORCHIS, « The Container and the Package Limitation- the Search for Predictability », 5 J.M.L.C. 251 (1974).
100
L’article IV.1 des Règles de Hambourg énonce que :
« La responsabilité du transporteur en ce qui concerne les marchandises couvre la période pendant laquelle les
marchandises sont sous sa garde au port de chargement, durant le transport et au port de déchargement. 2.
Aux fins du paragraphe 1 du présent article, les marchandises sont réputées être sous la garde du transporteur
a) à partir du moment où celui-ci les prend en charge des mains :
31
Les Nations Unies finirent par adopter de nouvelles règles appelées « Règles de

Rotterdam » sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement

ou partiellement par mer, confirmant ainsi l’échec de la réglementation en vigueur et le

besoin d’un nouveau texte plus adapté au but101, celui d’établir un compromis réel102 visant

l’uniformité au nom de la sécurité juridique103, surtout que le transport maritime

international a connu une période d’ajustement difficile au cours des années quatre-vingt,

du fait des développements technologiques et de l’émergence de la conteneurisation104.

C’est à l’initiative du Comité maritime international (CMI) que les travaux sur cette

nouvelle convention débutèrent. Après avoir consulté les associations nationales du droit

maritime et pris le soin d’organiser deux importantes réunions, l’une à New York, l’autre à

Singapour, le CMI remit à la Conférence des Nations Unies pour le développement et le

commerce international (CNUDCI) un premier texte d’instrument, afin de proposer une

nouvelle convention internationale sur le transport maritime de marchandises. La CNUDCI

décida de constituer un groupe de travail pour examiner ces dispositions. Rapidement, le

i) du chargeur ou d’une personne agissant en son compte; ou


ii) d’une autorité ou autre tiers auquel les marchandises doivent être remises pour expédition conformément
aux lois et règlements applicables au port de chargement;
2) jusqu’au moment où il en effectue la livraison :
i) en remettant les marchandises au destinataire; ou
ii) dans les cas où le destinataire ne reçoit pas les marchandises du transporteur, en les mettant à la disposition
du destinataire conformément au contrat ou aux lois ou aux usages du commerce considérés applicables au
port de déchargement; ou
iii) en remettant les marchandises à une autorité ou autre tiers auquel elles doivent être remises conformément
aux lois et règlements applicables au port de déchargement. »
101
Voir : Jacques PUTZEYS, « Le droit des transports au sein des Nations Unies », (2001) 2 R.D.U. 327.
102
Rimaboschi avance que : « [c]ette recherche de compromis a été cependant comprise comme une difficulté
de la matière. La « Law of Compromise » conduira souvent, en fait, à des négociations qui aboutiraient à la
formulation de textes vagues et dont l’étendue exacte serait difficile à cerner. Une autre difficulté serait aussi
constituée par le fait que chaque convention pose ses propres définitions, au début du texte, même pour des
notions fondamentales comme « navire » ou « propriétaire du navire ». Ces définitions étant parfois
différentes, l’uniformité est quelque peu perdue au sein des instruments mêmes qui devaient poser des règles
uniformes » : M. RIMABOSCHI, préc., note 4, p. 116; voir : José M. ALCANTARA, « Coordination
Between Maritime Convention : A Pathological Survey », Dir. Mar.1999.260.
103
La stabilité juridique et jurisprudentielle est propice à la stabilité du marché maritime. La maîtrise du cadre
légal dans lequel se pratique une activité est essentielle à son application. Si ce cadre est mouvant, incertain et
imprévisible, son interprétation devient complexe et les frontières des règles elles-mêmes seront dépassées.
104
En ligne : <http://cetai.hec.ca/publicat/cr/94_01.pdf> (consulté le 28 nov. 2008).
32
groupe de travail de la CNUDCI sur le droit des transports fut mis en place. Ce groupe de

travail s’est réuni pour la première fois au mois d’avril 2002 au siège des Nations Unies, à

New York, et commença à étudier le projet. La dernière session fut la 21e. Elle eut lieu à

Vienne, du 14 au 25 janvier 2008105. Le 11 décembre 2008, l’Assemblée générale des

Nations Unies adopta la Convention sur le contrat de transport international de

marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer.

Or, le texte de cette nouvelle convention, quoique d’envergure en matière

d’obligations106 du transporteur maritime, laisse planer des incertitudes sur sa mise en

œuvre, à cause des zones d’ombre qui entourent son champ d’application107, du fondement

de la responsabilité du transporteur maritime, du régime de preuve, etc.

Il semble qu’il s’agisse d’un double régime de responsabilité, parce qu’il prévoit

l’interpénétration de deux systèmes de responsabilité108. Nous sommes en présence d’un

105
Voir l’ensemble des rapports et travaux du groupe III sur le site officiel de la CNUDCI :
<http://www.uncitral.org/uncitral/fr/commission/working_groups/3Transport.html> (disponible à ce jour).
106
« Article 15. Obligations particulières applicables au voyage par mer.
Le transporteur est tenu avant, au début et pendant le voyage par mer d’exercer une diligence raisonnable
pour :
a) Mettre et maintenir le navire en état de navigabilité;
b) Convenablement armer, équiper et approvisionner le navire et le maintenir ainsi armé, équipé et
approvisionné tout au long du voyage; et
c) Approprier et mettre en bon état les cales et toutes les autres parties du navire où les marchandises sont
transportées, y compris les conteneurs fournis par lui dans ou sur lesquels les marchandises sont transportées,
et les maintenir appropriées et en bon état, pour leurs réception, transport et conservation. »
Le texte porte aussi une attention particulière aux documents de transports. Voir : chapitre 3 et 8 de la
Convention.
107
Aujourd’hui, la nouvelle Convention s’est détachée de la conception unimodale de transport. On parle d’un
champ d’application plus étendu : entièrement ou partiellement par mer. L’article 5 énonce que : « 1. Sous
réserve de l’article 6, la présente Convention s’applique aux contrats de transport dans lesquels le lieu de
réception et le lieu de livraison, ainsi que le port de chargement d’un transport maritime et le port de
déchargement du même transport maritime, sont situés dans des États différents, si, aux termes du contrat de
transport, l’un quelconque des lieux ci-après se trouve dans un État contractant:
a) Le lieu de réception ;
b) Le port de chargement ;
c) Le lieu de livraison ; ou
d) Le port de déchargement. »
108
Voir : Guy LEFEBVRE, « Le projet préliminaire de la CNUDCI et la responsabilité du transporteur de
marchandises par mer : périple difficile ou échouement? », (2003) 37 R.J.T. 431, 435-471; Philippe
33
premier régime de base fondé sur la présomption de responsabilité, très proche de celui des

Règles de La Haye/Haye-Visby. L’article 12 (1) rend le transporteur responsable des

marchandises depuis leur réception jusqu’à leur livraison. Un second régime se fonde sur la

présomption d’absence de faute par le renversement du fardeau de la preuve. Selon

l’article 17 (2), le transporteur est déchargé de tout ou en partie de sa responsabilité s’il

prouve que la cause ou l’une des causes de la perte, du dommage ou du retard n’est pas

imputable à sa faute ou à celles des agents et contractants indépendants. En outre,

l’article 17 (3) édicte quinze cas exceptés. Trop longue, cette liste ne comprend pas la faute

dans la navigation et dans l’administration du navire.

De prime a bord, et à l’évidence, cette convention est sujette à la critique, ce que

nous observerons dans notre seconde partie (chapitre II). Lors des travaux préparatoires de

la CNUDCI, différents auteurs ont jugé le projet de cette convention malveillant. Certains

en soulignent sa forte régression109, d’autres l’ont décrit comme un « nid à procès ». Selon

Lefebvre, « ce projet, loin d’améliorer la situation existante, la complexifie davantage et

contribue à accentuer le phénomène de “nid à procès” du transport maritime sous

connaissement. »110

En résumé, le processus d’uniformisation du droit des transports maritimes sous

connaissement a toujours connu des remous. La nouvelle Convention quant à elle

représente le planisphère du fondement des régimes en vigueur. Toutefois, l’assise de ce

régime demeure l’approche objective111 qui se trouve tantôt dans la sphère des

responsabilités de plein droit par le jeu du nombre des cas exonératoires directs accordés au

DELEBECQUE, « Le projet d’instrument sur le transport international de marchandises par mer. Projet
CNUDCI », D.M.F.2003.915; Y. TASSEL, préc., note 5, 3.
109
Y. TASSEL, préc., note 5, 9.
110
G. LEFEBVRE, préc., note 108, 472.
111
Alain SÉRIAUX, La faute du transporteur, Paris, Économica, 1984, p. 5.
34
propriétaire du navire, tantôt dans la sphère des responsabilités pour faute par le

renversement du fardeau de la preuve.

Nous entreprenons maintenant l’étude du régime de base de responsabilité du

propriétaire du navire, celui de la Convention de Bruxelles de 1924 ou Règles de La

Haye/Haye-Visby. Pour éviter tout débordement, nous traiterons en premier lieu de

l’obligation primordiale qui précède l’exonération, c’est-à-dire l’obligation de navigabilité,

pour ensuite étudier les cas d’exonération légale qui posent le plus de problèmes. En

seconde partie, nous examinerons le fondement de responsabilité des régimes des Règles de

Hambourg de 1978 et de la Convention sur le contrat de transport international de

marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer.


Partie I — Le fondement de base du régime de responsabilité du
propriétaire du navire sous la Convention de Bruxelles de 1924
et des Règles de La Haye-Visby de 1968
Les Règles de La Haye/Haye-Visby reposent sur un régime de responsabilité de

plein droit ou de présomption de responsabilité. Néanmoins, la place de la faute, l’exercice

de la diligence raisonnable, la longue liste des cas exceptés, ainsi que le régime de preuve

ont atténué ses effets. Nous essaierons de dégager ici le mécanisme de ce régime et les

causes de son dysfonctionnement. Pour ce faire, nous étudierons le texte de la Convention

de Bruxelles de 1924 à la lumière de la doctrine et la jurisprudence qui s’y rapportent, par

l’entremise de décisions canadiennes, américaines, anglaises, australiennes et françaises112.

Dans un premier chapitre, nous analyserons l’obligation principale de navigabilité

du propriétaire du navire liée à l’exercice de la diligence raisonnable. Le choix de

consacrer notre chapitre premier à l’obligation de navigabilité n’est pas un fait du hasard.

Cette obligation pose d’emblée différents problèmes : contenu imprécis, durée limitée, etc.

De surcroît, cette obligation conditionne, particulièrement chez les pays anglo-saxons, le

droit d’invoquer l’exonération légale pour un des cas exceptés113. Pineau souligne à ce sujet

qu’« il s’agit là de la question la plus controversée, la plus ambiguë, la plus navrante

soulevée par les Règles de La Haye. »114

Nous traiterons de la notion de navigabilité et des différents aspects que doit réunir

le navire pour accomplir son voyage maritime. L’exécution de l’obligation de navigabilité

sera ensuite passée en revue, notamment, les difficultés de preuve de la diligence

112
La jurisprudence qui est à notre portée nous sera utile, afin de compléter notre examen.
113
Toutefois, il faut garder en mémoire que le propriétaire du navire est tenu, en vertu de l’article 3.2, d’une
obligation générale, celle de procéder de façon appropriée et soigneuse à chacune des opérations relatives au
contrat de transport, depuis le chargement jusqu’au déchargement.
114
J. PINEAU, préc., note 6, no 169, p. 197.
36
raisonnable, sa durée et son étendue à l’égard des préposés et des contractants indépendants

du transporteur ainsi que de son rapport avec le droit d’invoquer l’exonération.

Dans un second chapitre, nous nous pencherons sur l’examen du régime de

responsabilité du transporteur maritime. Notre étude n’a pas la prétention d’étudier toute la

liste des cas exceptés, mais plutôt de concentrer nos efforts sur un examen approfondi des

cas posant le plus de difficultés d’application par les juges. Citons à titre d’exemple la faute

dans la navigation et dans l’administration du navire, l’incendie et le péril de mer.

Rappelons que l’objectif de notre thèse est de démontrer le dysfonctionnement des

régimes de responsabilité en vigueur, par l’analyse de ces difficultés d’application et

d’appréciation par les tribunaux et les praticiens de droit.


Chapitre I — L’obligation de navigabilité et l’exercice de la diligence
raisonnable

L’obligation de navigabilité a été introduite pour la première fois par le Harter Act

américain en 1893, afin de trouver un équilibre entre les intérêts des chargeurs et des

transporteurs. En common law, cette obligation était une obligation absolue, c’est-à-dire de

résultat. Avec la Convention de Bruxelles de 1924, cette approche a été remplacée par une

obligation de moyen sous l’étiquette de la diligence raisonnable.

La navigabilité signifie que le navire doit être en bonne condition, apte à charger la

cargaison en toute sécurité et à la conserver en bon état durant le voyage maritime jusqu’au

déchargement. L’appréciation de la navigabilité change ainsi d’un voyage à l’autre.

Giashi souligne à ce propos ce qui suit :

« Seaworthiness is relative to the nature of the ship, the particular


voyage, and the cargo to be carried.
The undertaking requires that the ship be fit in all respects to carry
her cargo safely to her destination having regard to the usual perils
to be expected. »115

L’exonération pour innavigabilité suppose de la part du transporteur l’application de

l’article III (1) qui énonce que :

« Le transporteur sera tenu avant et au début du voyage d’exercer


une diligence raisonnable pour :
a) mettre le navire en état de navigabilité;
b) approprier et mettre en bon état les cales, chambres froides et
frigorifiques et toutes autres parties du navire où des marchandises
sont chargées pour leur réception, transport et préservation. »

De cet article, nous dégageons les différents aspects de la navigabilité du bâtiment

pouvant être répartis en deux catégories : un aspect technique et un aspect contractuel.

L’aspect technique concerne la notion de navigabilité. Il constitue un concept élargi et ne

115
Christopher J. GIASHI, Canadian Law of Carriage of Goods by Sea: an Overview, Vancouver, B.C.
novembre 2004, p. 5, en ligne: <http://www.admiraltylaw.com/papers/carriage_of_goods_outline.pdf>
(consulté le 15 février 2009).
38
selimite pas au seul cas de flottabilité. En revanche, nous entendons par l’aspect

contractuel, l’exécution de l’obligation de navigabilité et les exigences légales qui s’y

rapportent. La décision The Eurasian Dream énumère ces différents aspects de la

navigabilité comme suit :

« (1) The vessel must be in a suitable condition and suitably


manned and equipped to meet the ordinary perils likely to be
encountered while performing the services required of it. This
aspect of the duty relates to the following matters:
a) The physical condition of the vessel and its equipment;
b) Competence⁄efficiency of the master and crew;
c) The adequacy of stores and documentation.
(2) The vessel must be cargoworthy in the sense that it is in a fit
state to receive the specified cargo. »116

Pour illustrer notre réflexion, l’étude des conditions physiques, c’est-à-dire l’aspect

technique du navire (section 1), nous sera utile ainsi que l’examen de la navigabilité en tant

qu’obligation juridique (section 2).

Section 1 — Aspect technique de la navigabilité

La navigabilité du navire suppose deux conceptions techniques. La première, dite

nautique, concerne la sécurité du navire (sous-section 1); la seconde, dite commerciale,

concerne la capacité du navire à recevoir et à conserver la marchandise jusqu’à son

déchargement au port de destination (sous-section 2).

116
Papera Traders Co. Ltd. and Others v. Hyundai Merchant Marine Co. Ltd. and Another (The Eurasian
Dream), [2002] 1 Ll.L.Rep. 719 (Q.B. 2002).
Dans l’affaire The Bunga Seroja, la Haute Cour d’Australie affirme que : « Article III, r.1 therefore
effectively imposes an obligation of the carrier to carry the goods in a ship which is adequate in terms of her
structure, manning, equipment and facilities having regard to the voyage and the nature of the cargo. » : Great
China Metal Industries Co. Ltd. v. Malaysian International Shipping Corporation Berhad (The Bunga
Seroja), [1999] 1 Ll.L.Rep. 512 (H.C. Aust. 1999).
39
Sous-section 1 — La conception nautique de navigabilité

La navigabilité nautique suppose deux critères pour s’assurer de la sécurité du

navire : la qualité du bâtiment (paragr. 1) et l’armement (paragr. 2).

Paragraphe 1 — La qualité du navire

La qualité du navire signifie que le bâtiment doit non seulement pouvoir naviguer

dans des conditions climatiques hostiles sans laisser pénétrer l’eau par la coque117, mais

qu’il doit aussi être équipé pour compléter en sécurité son voyage118.

Afin de garantir cette navigabilité, le navire doit répondre aux trois critères

suivants :

Tout d’abord, la structure du navire doit être suffisamment solide, de sorte que sa

solidité puisse s’apprécier par la qualité et la capacité des matériaux utilisés, afin de résister

au phénomène d’usure des structures. Les professionnels en construction navale doivent

tenir compte dans leur choix de matériaux quant à l’aptitude au vieillissement de la coque

pour s’assurer une solidité suffisante de la structure dans son ensemble.

Ensuite, le navire doit pouvoir flotter adéquatement sur la mer, en considérant la

combinaison de forces, le poids du navire et la poussée d’Archimède119 : le navire flotte si

la poussée est égale au poids de l’eau déplacée par la carène du navire.

117
States Steamship United States, 259 F.2d 458 (9 th Cir. 1958); Peter Paul inc. v. The M\S Christer Salem,
152 F. Supp. 410 (S.D.N.Y. 1957).
118
Eridiana v. Rudolf Oetker (The Fjord Wind), [1999] 1 Ll.L.Rep. 307 (Q.B.), conf. par [2000] 2 Ll.L.Rep.
191 (C.A.); The Lendoudis Evangelos, [2001] 2 Ll.L.Rep. 304, 306 (Q.B.); The Eurasian Dream, préc., note
116, 736.
119
Principe hydrostatique qui veut que tout corps plongé dans un fluide subisse une poussée verticale, dirigée
de bas en haut, égale au poids du fluide déplacé. Voir en ligne :
<http://fr.wikipedia.org/wiki/Pouss%C3%A9e_d'Archim%C3%A8de > (consulté le 1 mars 2009).
40
Enfin, le bâtiment doit assurer une stabilité et avoir l’aptitude de se maintenir droit

et de résister aux inclinaisons ou de ne pas prendre de gîte, surtout pendant les périodes de

tangage et de roulis120.

Ce qui nous amène à discuter de la structure du navire et des moyens de sa

propulsion et de sa direction.

A- La structure du navire

Pour être navigable, le navire doit posséder une coque et un pont en parfait état. La

défectuosité de la coque laissant pénétrer l’eau est une cause majeure de l’innavigabilité du

navire.

La jurisprudence existante démontre la sévérité des juges à l’égard des défauts

d’étanchéité de la coque du navire et sa résistance121 pour naviguer ou compléter le voyage.

L’exigence d’une coque étanche et solide est un élément indispensable au bon état de la

navigabilité du navire, d’autant plus que la coque finit par s’user, à défaut de soins

appropriés. La solidité de la structure du bâtiment nécessite la prise en considération de la

résistance des matériaux utilisés et des phénomènes de fatigue des structures lors de la

construction ainsi que d’un entretien régulier, tout au long de l’activité ou de la vie du

navire. À titre d’illustration, dans l’affaire américaine Federazione Italiana v. Mandask

120
« Le roulis est le mouvement alternatif du navire autour de l'axe longitudinal qui passe par son centre de
gravité, pour s'incliner alternativement sur tribord et sur bâbord. S'il s'incline d'un côté seulement, on dit qu'il
gîte. Le mouvement de roulis, qu'il soit brusque ou lent, peut entraîner des problèmes à bord : ripage de
cargaison, désarrimage de véhicules, désamorçage de pompes, bris de matériel, accidents humains. », en
ligne : <http://fr.wikipedia.org/wiki/Roulis> (consulté le 1 mars 2009).
121
Cf. Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada; la Convention « Safety of Life at Sea »1974; les
Conventions MARPOL et OILPOL qui édictent des normes techniques visant à renforcer la sécurité des
navires transportant des cargaisons à risques (pétroliers, tankers, supertankers, very large crude carrier,
chimiquiers, vraquiers transportant du gaz liquéfié, etc.).
41
Compania122, la Cour d’appel de la seconde division a jugé le navire innavigable du fait de

fissures dans le blindage des cloisons formant l’intérieur de la coque.

Dans le même sens, citons la décision anglaise The Torenia123 au sujet de la

corrosion apparente de l’acier de la coque existant avant le début du voyage, qui a rendu le

navire innavigable. Le transporteur est censé être conscient de l’existence d’une telle

défectuosité, surtout qu’il ne s’agit pas d’un vice caché.

Dans le même sillage, la Cour de cassation française a jugé, dans un arrêt du 10

novembre 1959124, que l’oxydation des tôles de revêtement de la coque du navire ayant

provoqué un trou puis une voie d’eau rendait le navire innavigable, car le vice de la coque

aurait pu être décelé par une vérification plus attentive. Le même raisonnement a été retenu

dans une décision récente de la Cour d’appel de Douai, qui a jugé d’innavigable un navire

ayant subi une « oxydation généralisée des œuvres mortes du navire, un état de fatigue

généralisé en rapport avec l’âge du navire associé à un manque d’entretien manifeste, un

mauvais fonctionnement des pompes de ballast incapables de pomper une quantité

anormale de 3.900 tonnes d’eau présente dans les doubles fonds [et] une cassure d’environ

150 mm sur le bordé bâbord par travers de la cale no 5. »125

L’exigence du bon état de la coque du navire est aussi applicable pour le pont126. Le

pont du bâtiment est généralement soumis à l’action des flots. Des fissures peuvent

facilement laisser pénétrer l’eau en cas de mauvais temps, à travers les fentes. Un

122
388 F.2d 434 (2nd Cir. 1968).
123
[1983] 2 Ll.L.Rep. 210, 230 et 234 (Q.B.). Voir: The Toledo, [1995] 1 Ll.L.Rep. 40, 50, 52 et 53 (Adm.
Ct.).
124
Cass. 10 novembre 1959, D.M.F.1960.141.
125
C.A. Douai, 31 janvier 2002, D.M.F.2002.586.588, obs. Y. TASSEL. Voir aussi : Cass. 3 décembre 1974,
D.M.F.1975.221.213 ; Cass. 13 juin 1989, D.M.F.1990.467, note R. ACHARD; C.A. Aix-en-Provence, 27
octobre 1989, D.M.F.1989.126 ;
126
Le pont du navire constitue la couverture subhorizontale de la coque, qui sert de passage de l’avant à
l’arrière, et du bâbord à tribord.
42
dysfonctionnement du système de fermeture des panneaux de cale situés sur le pont du

navire peut causer son innavigabilité en permettant à l’eau de pénétrer dans les cales127. Par

exemple, la Cour d’appel de Paris a confirmé que : « Quand il y a eu pénétration d’eau de

mer dans les cales par les panneaux en raison d’une étanchéité insuffisante et par mer

difficile, la responsabilité du transporteur doit être retenue pour la cargaison perdue en

raison de la mouille. »128

Toutefois, un arrêt de la Cour suprême de Suède démontre l’hésitation des juges,

quant au contenu de l’obligation de navigabilité. En l’espèce, le Clary-Thordén129, navire à

pont-abri moderne, en anglais shelter-deck, quitte New York en décembre 1956, à

destination de Stockholm. Durant son voyage, ce bâtiment a été assailli par une tempête et

des lames brisérent l’écoutille du pont arrière. L’ouverture des écoutilles non fermées du

pont-abri et de l’entrepont a laissé pénétrer l’eau dans la cale, ce qui a endommagé la

cargaison.

Les tribunaux, aussi bien en première instance qu’en appel, ont jugé que le fait que

les écoutilles de l’entrepont ne soient pas fermées rendait le navire innavigable. En

revanche, la Cour suprême suédoise déclarera que pour ce type de navire, les parois

latérales et les ponts non couverts sont censés donner au navire et à sa marchandise une

protection suffisante, tout en « admettant toutefois que les écoutilles de ces ponts soient

fermées et condamnées et que l’ouverture de tonnage soit fermée au moyen des dispositifs

prévus à cet effet […] sans qu’il soit nécessaire de condamner les écoutilles de l’entrepont

127
Voir : Sears Roebuck & Co. v. American President Lines, [1972] 1 Ll.L.Rep. 385 (U.S. 1972).
128
C.A. Paris, 29 mai 1987, D.M.F.1988.170.
129
Thorden Lines A.B. v. Stockholms Sifrsakrings, cité par Kaj PINEUS, « Jurisprudence suédoise »,
D.M.F.1963.439.
43
et celles du pont-abri. »130 Le Clary-Thordén remplit donc les conditions nécessaires pour

être en parfait état de navigabilité.

Ce raisonnement de la Cour relève un point crucial, celui de la distinction entre les

deux obligations du transporteur de la Convention de Bruxelles, dont le rapport est flou

dans ce texte: la navigabilité du navire et la prise de soins de la cargaison en cours de route.

Dans son appréciation de la navigabilité, la Cour suprême a pris en considération

uniquement le type du navire, de sorte qu’il est réputé avoir rempli les conditions de bon

état de navigabilité avant et au début du voyage maritime, tout en reconnaissant que les

écoutilles des ponts devaient être fermées pour assurer la protection de la cargaison à la

survenance du mauvais temps.

Or, nous estimons que le transporteur dans ce cas doit être jugé sur la base de

l’article III (2) de la Convention de Bruxelles. L’obligation de conserver la marchandise

durant le voyage maritime devrait, selon le raisonnement de la Cour, engager la

responsabilité de l’armateur, sauf que le contenu imprécis de la navigabilité et la relation

douteuse entre les obligations du transporteur prêtent à confusion.

Par ailleurs, d’autres éléments sont également essentiels à la navigabilité nautique.

Une conception du compartimentage et une utilisation des ballasts et réservoirs adéquates

ont une incidence directe sur la stabilité du navire.

L’opération de lest, en anglais « ballast »131 est primordiale pour assurer la stabilité

du navire. Un bâtiment qui voyage en mer vide ou avec un faible poids de marchandises,

devra prendre suffisamment de lest pour assurer sa stabilité. Le navire doit être assez «

130
Id., 442.
131
Pour plus de détails, consulter :
<http://www.tc.gc.ca/securitemaritime/epe/environnement/ballast/definition.htm>, (consulté le 1 mars 2009).
44
enfoncé dans l’eau pour que l’hélice et le gouvernail fonctionnent correctement et que la

proue n’émerge pas de l’eau, en particulier dans des conditions de grosse mer. »132

Une mauvaise procédure dans l’opération de ballastage peut endommager

gravement la marchandise133. Pour cette raison, la prise de lest est une opération qui

nécessite beaucoup de soin. Un nettoyage du double fond est ainsi obligatoire avant chaque

nouveau remplissage pour éviter la contamination des réservoirs134. Conséquemment, les

tuyaux ou joints des orifices de fermeture des ballasts doivent être maintenus étanches135.

En outre, le navire doit être muni de moyens de propulsion et de direction adéquats

pour assurer la navigabilité nautique, une fois qu’il a pris la mer.

B- La propulsion et la direction du navire

Le bon fonctionnement des machines du navire assurant sa propulsion constitue une

condition primordiale de la navigabilité nautique. Les moteurs doivent correspondre aux

dimensions du navire et à la durée et à l’endroit du trajet à parcourir.

Dans l’affaire américaine Karobi Lumber Co. v. S.S. Norco136, la Cour a décidé que

le navire qui quitte le port avec seulement une de ses deux chaudières qui fonctionne est

innavigable. Aussi, le cas du navire Tadgera137 illustre bien les conséquences qui peuvent

résulter du mauvais état des machines. Le navire est arrivé au port de destination avec un

retard de quinze jours, car il lui a fallu effectuer des réparations sur les moteurs. Suite au

132
< http://www.tc.gc.ca/securitemaritime/epe/environnement/ballast/definition.htm#02> (consulté le 1 mars
2009).
133
Voir: Amercian Mail Line v. U.S.A., 377 F. Supp. 657 (W.D. Wash. 1974).
134
Voir : Normes de nettoyage des navires en vue d’une immersion en mer, juillet 2001, Environnement
Canada, Protection de l’environnement, Région du Pacifique et du Yukon, en ligne :
<http://www.pyr.ec.gc.ca/ep/ocean-disposal/french/cleanupstandard_jul01_f.htm#6 > (consulté le 1 mars
2009).
135
C.A. Amsterdam, 27 janvier 1954, cité par H. SCHADÉE, « Résumé de la jurisprudence néerlandaise-
1957, 1958 », D.M.F.1960.313.
136
[1966] A.M.C. 315 (S.D. Ala. 1966).
137
Sentence arbitrale, 3 février 1961, D.M.F.1961.557.
45
rapport d’expertise ayant confirmé que ces réparations étaient nécessaires, les arbitres ont

jugé le navire innavigable.

Le problème du mauvais état des machines peut également être relié à l’insuffisance

et à la qualité du combustible. La jurisprudence a nettement affirmé l’innavigabilité du

navire pour insuffisance de combustible138. Sa qualité est également importante, puisque

des risques élevés sont liés au mauvais choix du combustible, surtout en cas d’échouement

ou d’abordage, du fait d’une diminution de la puissance des machines, voire de l’arrêt de

leur fonctionnement. Le respect des instructions du constructeur des machines est capital

quant aux caractéristiques du combustible à utiliser. Par exemple, dans l’affaire The Evje139,

il a été décidé que le navire était innavigable, car ses soutes avaient été remplies avec un

combustible d’une densité de 0.9930, alors que le bon fonctionnement des machines

demandait une densité maximale de 0.970140.

Le navire doit également être doté de certaines qualités de maniabilité à l’aide

d’organes appropriés. Pour des soucis de sécurité, la jurisprudence fait preuve d’une grande

exigence concernant les organes de direction du navire, puisqu’une simple défaillance141

peut conduire le navire à échouement ou à la mise en danger de la vie de l’équipage. Par

exemple, un navire sans gouvernail perd toute capacité à se diriger. Le tribunal commercial

138
Voir : Trib. com. Marseille, 25 mai 1950, D.M.F.1951.246; Ymata Iron and Steel v. Anthony, [1975]
A.M.C. 1605 (S.D.N.Y. 1975).
139
[1976] 2 Ll.L.Rep. 714 (Q.B.).
140
Le Juge Donaldson avance dans son jugement: « [...] where the maker of the vessel’s engine specifies a
maximum specific gravity, it is incumbent upon the owners, the master or the chief engineer to make this
requirement clear when ordering supplies of bunkers, and it is the duty of the chief engineer to check the
documents to see that the fuel delivered appears to meet this requirement. I do not know what was ordered,
but the chief engineer should have been aware outside the limits specified by the engine makers. It follows
that in my judgment the vessel was unseaworthy at the beginning of the voyage either because she had
insufficient bunkers, or because they were of the wrong quality, or for both reasons this unseaworthiness was
the cause of casualty. Furthermore, each form of unseaworthiness could and would have been avoided if the
owners had exercised due diligence to make the vessel seaworthy » : The Evje, préc., note 139, 720.
141
Union of India v. N.V. Reederij Amsterdam ( The Amstelot), [1963] 2 Ll.L.Rep. 223 (H.L.).
46
de Bordeaux142 a jugé le navire innavigable en raison d’une avarie de barre. L’usure

anormale et le défaut de surveillance de l’armateur engagent sa responsabilité.

En somme, les organes et apparaux du navire sont essentiels pour une bonne

navigation. En revanche, le rôle de l’opérateur humain l’est davantage.

Paragraphe 2 — L’armement

La complexité des différentes installations de bord exige un effectif complet, dès le

début du voyage. L’équipage à bord doit être suffisant143 et compétent144 pour être en

mesure d’effectuer un entretien et une utilisation correcte des différentes composantes du

navire. L’erreur humaine145 est souvent la cause majeure des pertes ou dommages causés à

la cargaison et au navire. De plus, la bonne communication des renseignements relatifs au

navire est un moyen obligatoire de sécurité. Un personnel non qualifié ou mal informé peut

causer des dommages considérables aux marchandises lors de la manutention146.

Aux États-Unis, la Cour d’appel de la seconde division dans sa décision Waldron v.

Moore-McCormack Lines147 a affirmé à ce propos ce qui suit :

« If shipowner has furnished well-manned ship, with competent


crew, there can be no liability for personal injuries caused by order
of officer of ship that has not proved to be such as would not have
been made by reasonably prudent man under the circumstances
under doctrine of seaworthiness. »148

142
Trib. com. Bordeaux, 11 janvier 1963, D.M.F.1963.230.
143
Voir : Horn v. C.I.A. de Navigacion Fruco S.A., 404 F.2d 422 (5 th Cir. 1968); United States v. M\V
Marilena, 433 F.2d. 164 (4 th Cir. 1969).
144
Un équipage compétent signifie qu’il soit familier avec la structure du navire et ses équipements ainsi qu’il
soit capable de gérer des situations imprévues lorsque le navire est en détresse. Voir : Robin Hood Flour
Mills, Ltd. v. N. M. Paterson & Sons, Ltd. (The Farrandoc), [1967] 1 Ex. CR. 431, [1967] 2 Ll.L.Rep. 276
(Ex. Ct. Can.).
145
Cf. B.-S. DHILLON, Human Reliability and Errors in Transportation Systems, London, Publication
Springer, 2007; Raphaël BAUMLER, « L’instrumentation des codes ISM et ISP », A.D.M.O. 2005.95.102.
146
Par exemple, des marchandises qui ne supportent pas d’être poussées ou trainées rudement au sol. Voir:
Crumady v. The Joachim Hendrick Fisser, 358 U.S. 423 (1959); Reid v. Quebec Paper Sales & Transp.Co.,
340 F.2d 34 (2nd Cir. 1965); cf. Columbia Law Review Association Inc., « Admiralty: Inadequate Manpower
and the Unseaworthiness Doctrine », 66 (6) Col. L.R. 1180 (1966).
147
356 F.2d 247 (2nd Cir. 1966).
148
Id., 247 et 248.
47
Dans le même sens, citons l’affaire American President Lines, Ltd. v. Redfern149 où

la Cour d’appel de la neuvième division soutient que le nombre insuffisant de personnel

rend le navire innavigable. Ainsi, dans l’affaire Standard Oil Company of New York v. Clan

Line Steamers Limited150, le propriétaire du navire a été tenu responsable pour

l’innavigabilité de son bâtiment, car il a omis de communiquer au commandant de bord

l’information qu’il avait reçue de la compagnie de construction du navire en question, en ce

qui concerne la quantité d’eau qui devait être maintenue dans les citernes de ballast, ainsi

que du moyen privilégié de chargement du navire. Le commandant de bord a ordonné à

l’équipage de vider deux citernes de ballastage (en anglais, ballast tank), ce qui a conduit

au chavirement du navire et ainsi à sa perte. La Chambre des Lords a déclaré que même,

sans instructions, un capitaine habile et expérimenté aurait connu ce fait sur le navire.

Dans l’affaire précitée The Farrandoc151, le propriétaire du navire avait engagé un

ingénieur en vérifiant uniquement ses diplômes et certificats, sans s’assurer de son

expérience professionnelle relativement au type du navire pour lequel il avait été engagé.

Lors du voyage maritime, l’ingénieur a ouvert la mauvaise valve, durant l’opération de

pompage, ce qui a fait pénétrer l’eau dans les cales endommageant ainsi la cargaison de blé.

Le tribunal a jugé que le transporteur a manqué à son obligation de navigabilité du fait de

l’incompétence de son employé, ce qui met en cause son manque de diligence raisonnable,

car il était censé montrer à l’ingénieur les plans de la chambre des engins et ceux du

système des tuyaux au préalable. Les dommages pouvaient donc être évités en

connaissance de cause.

149
345 F.2d 629 (9 th Cir. 1965).
150
[1924] A.C. 100, 120 et 121.
151
The Farrandoc, préc., note 144, 175.
48
L’affaire The Eurasian Dream152 constitue un exemple éloquent de la négligence du

transporteur due à l’incompétence du personnel à bord, qui a représenté une des causes

majeures de l’innavigabilité du navire causant un grave incendie à bord. Pour accélérer les

opérations de déchargement, les débardeurs, évitant de rebrancher les batteries, ont eu

recours à une méthode risquée eu égard à la nature de la cargaison, qui consistait à verser

une petite quantité d’essence dans le carburateur et démarrer le moteur en utilisant une

puissante batterie mobile. À chaque remplissage des carburateurs, un peu d’essence se

répandait sur le pont, alors qu’une petite étincelle jaillissant des cosses de la batterie

suffisait pour enflammer cette essence. De surcroît, le point de départ de l’incendie aurait

pu être rapidement maîtrisé à l’aide d’un extincteur. Or, les experts ont déclaré dans leur

rapport que des extincteurs situés à proximité du foyer d’incendie étaient partiellement

déchargés et leur fonctionnement rendu incertain. De plus, les appareils respiratoires étaient

en nombre insuffisant. Manifestement, aucun certificat de visites des extincteurs, des

appareils respiratoires, des bouteilles de CO², des portes étanches au gaz ne pouvait être

produit. Enfin, le transporteur était incapable d’apporter la preuve que son équipage avait

été formé contre l’incendie pour ce type de cargaison.

La Cour a déclaré que :

« The fire would not have broken out if the master and crew had
been properly instructed and trained; the master and crew were
ignorant as to the peculiar hazards of car carriage, and car carries;
the Univan manuals failed to give guidance as to the supervision of
stevedores; and the vessel was not but ought to have been supplied
with specific documentation dealing with the danger of fire on car
carriers and the precautions to be taken to avoid such fires including
supervision of stevedores and the prohibition of hazardous activities
by stevedores. »153

152
[2002] 1 Ll.L.Rep. 719 (Q.B.).
153
The Eurasian Dream, préc., note 116, 719.
49
En France, une décision du tribunal de Bordeaux mérite également d’être retenue,

celle du navire Heidberg154 où l’équipage n’était constitué que de deux officiers titulaires

de brevet et de licence de mécanicien ainsi que de six marins non qualifiés. Au moment de

la collision, le commandant en second dormait, tandis qu’un pilote à bord ne faisait pas

partie de l’équipage du navire. L’insuffisance d’équipage a obligé le capitaine à quitter la

passerelle et à procéder lui-même à des opérations de mouvements de lest. Le tribunal a

jugé que l’insuffisance du nombre d’officiers était une cause d’innavigabilité du navire. De

plus, le personnel d’un navire doit posséder les compétences techniques nécessaires pour

que le navire puisse compléter son voyage en tenant compte des risques de la navigation155.

Suivant ces différentes décisions jurisprudentielles, il appert que l’aspect nautique

occupe une place importante quant à la navigabilité du bâtiment, surtout qu’il ne se limite

pas aux machines du navire, puisque le facteur humain constitue un élément vital156. Par

voie de conséquence, l’attitude des juges dénote une certaine sévérité par rapport à

l’appréciation de la diligence raisonnable du transporteur. Toutefois, l’appréciation des

juges demeure subjective relativement à chaque cas où il sera pris en considération les

dimensions, les machines et les diverses installations du navire.

Ainsi se termine la partie de notre étude sur l’aspect nautique de l’obligation de

navigabilité. Il convient à présent d’examiner son aspect commercial, plus complexe, par

l’étude des qualités du navire relatives aux aménagements qui intéressent directement la

cargaison transportée.

154
Trib. com. Bordeaux, 25 septembre 1993, D.M.F.1993.731.
155
Voir sur l’incompétence du capitaine : The Eurasian Dream, préc., note 116, 719; Trib. fédéral de la
Nouvelle-Orléans, 30 mars 1981, cité par P. BONASSIES, « États-Unis d’Amérique, jurisprudence 1979-
1982 », D.M.F.1984.369.370.
156
Voir : Edgar GOLD, Gard Handbbok on Marine Pollution, 2e éd., Gard, 1997, p. 255 et suiv.; England
P&I Association, Report for the North of England P&I Association, « The Human Element in Claims- What
Role of the P&I Clubs? », par Philippe ANDERSON, Newcastle, 1993.
50
Sous-section 2 — La conception commerciale de navigabilité

La conception commerciale de navigabilité concerne la capacité157 du navire à

recevoir158, à transporter et à conserver la cargaison durant le voyage en considération de sa

nature159. Il s’agit du second élément de la navigabilité que le droit de la common law

nomme de « cargoworthiness ».

Toutefois, il serait difficile de définir d’une façon générale le bon état de

navigabilité commerciale du navire, puisqu’elle est appréciée par rapport à la nature de la

cargaison transportée. Un navire peut être navigable pour une marchandise donnée sans

l’être pour un autre type de cargaison. Par exemple, le transport des produits liquides n’est

pas soumis aux mêmes conditions et consignes de navigabilité que le transport de produits

secs en vrac.

Les éléments du navire retenus par la jurisprudence relatifs à la navigabilité

commerciale sont nombreux. Il s’agit essentiellement du bon état des cales, des systèmes de

ventilation160, du vaigrage et du fardage (paragraphe 1). Le transporteur doit également

veiller au fonctionnement adéquat des chambres froides et frigorifiques (paragraphe 2) pour

157
Les nouveaux porte-conteneurs sans pont permettent certes d’augmenter la capacité des navires, mais
aggravent considérablement le risque de mouille, car ils laissent pénétrer plus facilement les lames et paquets
de mer dans les cales.
158
C.A. Versailles, 20 décembre 2001, D.M.F.2002.251, obs. Y. TASSEL.
159
Dans l’affaire The Good Friend, le juge Staughton déclare que : « [...] the obligation to make a ship
seaworthy itself includes an obligation to see that the ship is fit for cargo service. Where the particular service
is specified in the contract, it is an obligation to see that the ship is fit to carry the specified cargo on the
specified voyage » : Empresa Cubana Importada de Alimentos ‘’Alimport’’ v. lasmos Shipping Co. S.A. (The
Good Friend), [1984] 2 Ll.L.Rep. 586, 592 (Q.B.); voir : Elder Dempster & Co. v. Paterson Zochonis & Co.
Ltd., [1924] Ll.L.Rep. 319, [1924] A.C. 522 (H.L.).
160
Le transport des céréales, par exemple, nécessite une ventilation forcée pour éviter les échauffements et
l’utilisation de protections qui tapissent les cales, afin que la marchandise ne soit pas en contact avec l’acier.
Voir : Calif. Packing Corp. v. States Marine., [1960] A.M.C. 2203 (Cal. S.D. 1960); C.A. Aix-en-Provence, 7
septembre 2001, Revue Scapel 2002.40, en ligne : <www.cdmt.droit.u-3mrs.fr/revue/texte02_1.doc>
(consulté le 4 avril 2008).
51
éviter, par exemple, des interruptions de la chaîne du froid ou une omission de branchement

des conteneurs frigorifiques à quai en attente des opérations de mise à bord.

Paragraphe 1 — Le bon état des cales et citernes

Pour que le navire soit en bon état de navigabilité, les cales et citernes doivent être

étanches161 et parfaitement adaptées à la cargaison transportée. Le transporteur doit être

diligent à ce que son navire remplisse les conditions voulues pour exécuter convenablement

son contrat de transport, en considération de la nature de chaque marchandise

transportée162. Les différentes grues et appareils de chargement doivent aussi fonctionner

proprement pour pouvoir charger la cargaison à l’intérieur des cales en toute sécurité163.

En outre, les cales et citernes doivent être propres164 et nettoyées soigneusement

après chaque déchargement. Ces mesures hygiéniques sont importantes pour éviter toute

contamination de la marchandise transportée chargée ultérieurement dans ces cales. Les

facteurs de contamination sont nombreux et peuvent être attribués à un évènement lié au

moyen de transport lui-même. Par exemple, la fumée d’un incendie à bord peut contaminer

des produits de consommation alimentaires comme du lait contaminé par du mazout, alors

que le double fond du navire a été percé en raison d’une manutention brutale; l’aluminium

161
Nous avons vu précédemment que les panneaux de cales appartenaient à la navigabilité nautique, sauf s’ils
sont endommagés. Dans ce cas, ils peuvent causer des dommages à la cargaison en faisant pénétrer l’eau dans
les cales. Pour cette raison, l’étanchéité des cales ou citernes est primordiale pour la conservation de la
marchandise, surtout lorsqu’il s’agit de transport d’hydrocarbures. Voir sur les différents cas du mauvais état
des panneaux (fissures, rouille, etc.) : Tuxpan Lim. Procs, 765 F. Supp. 1150 (S.D.N.Y. 1991); Thyssen, Inc.
v. S⁄S Eurounity, [1994] A.M.C. 400 (S.D.N.Y. 1993), conf. par 21 F.3d 533, [1994] A.M.C. 1638 (2nd Cir.
1994); BHP Trading Asia Ltd. v. Oceaname Shipping Ltd., (1996) 67 F.C.R. 211.
162
M.D.C Ltd. v. N.V. Zeevaart Maats Beursstraat, [1962] 1 Ll.L.Rep. 180 (Q.B.); Interstate Steel v. Crystel
Gem, [1970] A.M.C. 617 (S.D.N.Y. 1970); Trib. com. Rouen, 2 mars 1962, D.M.F.1963.407.
163
Hang Fung Shipping and Trading Co., Ltd. v. Mullion and Co., Ltd., [1966] 1 Ll.L.Rep. 511 (Q.B.); C.A.
Paris, 19 juin 1959, D.M.F.1960.86.87.
164
Le nettoyage des cales fait forcément appel à d’autres opérations, en cas de besoin. Par exemple, en cas de
présence de rats ou de vermine, la dératisation et la fumigation sont obligatoires pour la bonne navigabilité du
navire. Voir une cargaison de tomates infestée par les rats : Trib. com. Rouen, 9 mars 1962, D.M.F.1963.407;
voir aussi: Cheikh Boutros Selim El-Khoury and Others v. Cylon Shipping Lines, Ltd. (The Madeleine),
[1967] 2 Ll.L.Rep. 224 (Q.B.).
52
d’une citerne peut contaminer du sucre chargé trop chaud. La contamination peut aussi se

produire entre marchandises incompatibles chargées dans le même moyen de transport, du

fait de les charger dans un même conteneur ou cale : des fruits dégageant de l’éthylène avec

des fruits réagissant à ce gaz; du bois prés de textiles ayant la propriété d’absorber

l’humidité éventuelle; du ciment en sac sur du sucre en vrac.

Existent aussi les cas de contamination de denrées alimentaires solides comme les

céréales, qui nécessiteront des procédures de nettoyage appropriées des cales, de séchage,

de désodorisation165 et de dépoussiérage166. Dans l’affaire notoire The Good Friend167, il a

été jugé que le navire est innavigable, étant non apte à recevoir la cargaison de farine de

soja, parce que les cales étaient infestées de parasites.

Dans le cas d’aliments liquides, citons l’affaire Tattersall v. National S.S. C168, où

une cargaison d’alcool a été gâtée, car les citernes n’ont pas été aptes à transporter le vin,

en raison du manque de nettoyage ou du nettoyage incomplet, suivant le déchargement d’un

liquide solvant169. Aussi, dans une décision française de la Cour d’appel de Montpellier du

26 février 1952, les juges ont décidé qu’un navire-citerne était innavigable, car le vin avait

été chargé dans des cuves fraîchement repeintes, ce qui a contaminé son arôme170.

165
Les mauvaises odeurs peuvent, par exemple, être traitées en injectant de l’ozone dans les cales.
166
Cette opération est essentielle, parce que la poussière est fortement exposée à l’humidification durant le
voyage, ce qui peut donner lieu au développement de moisissures.
167
Préc., note 159, 586.
168
(1884) 12 Q.B.D. 297. Le tribunal de la Seine, le 28 juin 1961, a jugé qu’un navire-citerne était
innavigable, car il était inapte à transporter une cargaison de vin dû à l’insuffisance de nettoyage des citernes
après un déchargement d’huiles végétales : Trib. com. Seine, 28 juin 1961, D.M.F.1962.620.
169
Un solvant est un liquide qui a la propriété de dissoudre et de diluer d’autres substances sans les modifier
chimiquement et sans lui-même se modifier. Il existe trois types de solvants : 1. les solvants protéiques ou
protogénes qui possèdent un ou plusieurs atomes d’hydrogène susceptibles de former des liaisons hydrogènes.
Par exemple, l’eau, le méthanol et l’éthanol; 2. les solvants aprotiques polaires qui possèdent un moment
dipolaire non nul et dénué d’atomes d’hydrogène susceptibles de former des liaisons hydrogénées comme
l’acétonitrile, le diméthylesulfoxyde et le tétrahydrofurane; 3. les solvants aprotiques apolaires possédant un
moment dipolaire permanent nul. Par exemple, le benzène et les hydrocarbures. En ligne :
<http://fr.wikipedia.org/wiki/Solvant#Exemples_de_solvants> (consulté le 22 mars 2009).
170
C.A. Montpellier, 26 février 1952, D.M.F.1953.8.
53
Par conséquent, il semble que la contamination de la marchandise représente un

incident fréquent de l’aspect commercial de la navigabilité, qui dénote souvent un défaut de

nettoyage et d’entretien des cales ou un arrimage défectueux171. Le transporteur doit être

conscient de la nécessité non seulement du bon entretien des cales, mais aussi de la nature

de la marchandise qu’il transporte. Certaines marchandises nécessitent une ventilation

constante, d’autres exigent une température précise.

Paragraphe 2 — Aération des cales

L’aération des cales est inévitable pour assurer le renouvellement de l’air, afin de

conserver la marchandise transportée. Elle peut s’effectuer par ventilation (A) ou par

l’utilisation d’installations frigorifiques en accord avec la nature de la cargaison et du trajet

à effectuer (B).

A- Ventilation des cales

La ventilation172 des cales a pour objectif de limiter les élévations de température et

d’éviter l’excès de chaleur ainsi que l’émanation et l’imprégnation de différents gaz ou

odeurs dégagés par la marchandise transportée. Par exemple, un navire qui transporte de la

farine sans être muni d’installations qui permettent l’aération des cales lors d’intempéries

171
La faute d’arrimage engage en principe la responsabilité du transporteur. Cependant, l’application de cette
règle est fortement nuancée par la consécration de la Convention de Bruxelles de 1924 du cas excepté de la
faute dans la navigation et dans l’administration du navire, que nous aurons l’occasion d’étudier dans les
pages qui suivent.
172
Lefebvre mentionne : « Pour permettre la ventilation des cales, on utilise couramment un système de
manches à air. Ce système comporte deux manches dont l’ouverture est dirigée d’une façon opposée. Le
premier a son ouverture orientée vers le vent afin d’aspirer le nouvel air à l’intérieur des cales et le deuxième
est tourné contre le vent pour dégager l’air vicié. » : Guy LEFEBVRE, « L’obligation de navigabilité et le
transport de marchandises sous connaissement », (1990) 31 C.D. 81, 97. Notons qu’il a été jugé que lorsque
les manches à air sont en mauvais état, le navire est considéré comme innavigable. Voir l’affaire : The Jean
Bart, 197 F. 1002 (D.Cal. 1911).
54
est innavigable, car ce type de cargaison s’échauffe et s’endommage, s’il n’est pas soumis à

une ventilation constante173.

L’affaire anglaise Bradley v. Federal Steam Navigation174 en est une illustration

concrète. En l’espèce, le navire transportait une cargaison de pommes de Tasmania à

Londres, à Liverpool. Les pommes avaient été chargées en bon état apparent. À l’arrivée, la

cargaison était infestée et complètement endommagée. Le chargeur a avancé que le navire

était innavigable avant et au début du voyage, à cause de son système de ventilation inapte

ou inadéquat à un tel type de navire. La Cour a jugé, en revanche, que, conformément à la

pratique et à l’état de la technologie au moment de la survenance du dommage, le bâtiment

disposait d’un système de ventilation approprié.

Suivant ce raisonnement, nous déduisons que si la pratique et la technologie ont

confirmé son inadaptation, le navire pouvait être considéré comme innavigable, ce qui

engagerait la responsabilité du transporteur.

La conséquence fréquente du manque de ventilation durant le voyage maritime est

attribuable à la buée de cale175, surtout lorsqu’il est question de marchandises dites

hygroscopiques, comme les produits collants et pâteux, les produits pharmaceutiques ou

agroalimentaires, les céréales, le coton, le bois, etc. De surcroît, certains produits industriels

peuvent subir une oxydation par buée de cale, ce qui est un obstacle à leur

commercialisation, comme le cas de boîtes de conserves ou de produits métallurgiques

(acier et métaux). Indubitablement, la buée de cale176 qui provient de la nature de la

173
Pour une cargaison de bananes, voir : C.A. Rennes, 21 novembre 1956, D.M.F.1957.94.
174
[1926] 24 Ll.List.L.Rep. 446. (A.C.).
175
La buée de cale se définit comme la condensation de vapeur d’eau ou d’humidité atmosphérique qui se
forme sur la marchandise ou sur le navire et retombe sur la marchandise.
176
Pour plus de détails sur la buée de cale, voir : William TETLEY, « La buée de cale d’après la Convention
de Bruxelles et la jurisprudence internationale », D.M.F.1964.323.
55
marchandise177 se forme souvent par faute du transporteur, du moment où ce dernier n’a

pas pris toutes les précautions pour un bon arrimage de la cargaison178, voire d’un contrôle

efficace du système179 de ventilation180, de vaigrage181, de fardage182, d’aération et

d’assèchement, à moins qu’il ne prouve le vice propre de la chose183.

Il nous reste à soulever un autre point déterminant proportionnellement à la capacité

du navire à conserver la cargaison, celui du bon fonctionnement des installations

frigorifiques.

177
La buée de cale peut provenir du navire lui-même ou d’un péril de mer. Dans l’affaire Louis Wessels v.
S.S. Asturias, 126 F.2d 999 (2nd Cir. 1942), la buée de cale ne peut être qualifiée de péril de mer que si toutes
les précautions nécessaires étaient prises pour l’éviter.
178
Rita Sister, [1946] A.M.C. 910, 911 (E.D.pa. 1946).
179
Les systèmes de prévention contre la buée de cale sont assez avancés de nos jours. Voir : GAROCHE,
« Buée de cale, avaries aux marchandises, moyens de prévention. », J.M.M.1950.2762.
180
Paris, 30 avril 1974, D.M.F.1974.738.
181
Le vaigrage consiste à poser une sorte de plancher sur le double fond ou sur les membrures du navire, pour
empêcher que le suintement de la buée de cale n’endommage la marchandise. Voir : Cass. 19 mars 1952,
D.M.F.1952.360.
182
Selon le glossaire du transport, le fardage est l’action de placer des planches de bois le long des parois du
navire afin d’éviter leur contact avec la marchandise. Ce procédé est indispensable pour un bon arrimage des
marchandises. Consulter en ligne : <www.lepur.geo.ulg.ac/glossaries/misc/uncitral.html > (consulté le 16
avril 2009). Voir : Grace Lines Inc. v. Central Gulf Steamship Corp., 416 F.2d 977 (5 th Cir. 1969);
Diethelmand and Co. v. SS. Flying Trader, 141 F. Supp. 271 (S.D.N.Y. 1956). Voir aussi : C.A. Rouen, 27
septembre 1957, D.M.F.1958.478; Trib. com. Dunkerque, 9 avril 1951, D.M.F.1952.36.
183
Il s’agit du cas excepté de l’article IV.2 (m) de la Convention de Bruxelles qui énonce que : « […] perte ou
dommage résultant de vice caché, nature spéciale ou vice propre de la marchandise ». Le vice propre de la
marchandise transportée peut être défini comme une cause de perte ou d’avarie dérivant de la nature interne
de celle-ci, ce qui la rend dangereuse ou impropre à supporter les risques d’un transport ordinaire. Selon
Danjon, le vice propre de la marchandise signifie : « soit une disposition naturelle de la marchandise à
s’altérer d’elle-même. Par exemple, la fermentation pour le liquide, l’échauffement pouvant aller jusqu’à
combustion pour la matière grasse, la maladie pour les animaux, soit une détérioration antérieure au
voyage. » : Daniel DANJON, Traité de droit maritime, 2e éd., t. III, Paris, Librairie générale de
jurisprudence, 1926, no 908. La Cour de Paris a précisé dans l’affaire Alteleipziger et a.c. Sté Compagnie
européenne d’assurance et a., 8 avril 1999, B.T.L.1999.399, que : « Considérant que le conteneur [épaules et
cuisses de lièvres congelés] ayant été empoté et livré plombé par le chargeur, il n’incombait pas au
transporteur d’effectuer la mise de la marchandise à la température nécessaire à son transport; qu’il apparaît
en définitive que les avaries constatées ont une origine antérieure au transport et ne sauraient être imputées au
transporteur. » Voir aussi : F.W. Pirie Co.Ltd. v. S.S. Mormactrade, [1970] A.M.C. 1227 (S.D.N.Y. 1970);
Dow Chemical Co. (U. K.) v. S.S. Giovanella D’Amico, 297 F. Supp. 699 (S.D.N.Y. 1969). Cf. Paul Bertrand
DE LA GRASSIÉRE, « Le vice propre des marchandises en droit maritime », D.M.F.1960.514.
56
B- Le bon fonctionnement des installations frigorifique

Un très grand nombre de produits transportés par mer est de nature

périssable, comme les denrées alimentaires (viande, poisson, produits laitiers, fruits

tempérés, etc.) et autres produits tels que les fleurs, les plantes, les produits

pharmaceutiques ou chimiques, etc.

Afin de supporter de longs trajets ainsi que des variations de température, les

équipements frigorifiques et leur bonne utilisation sont indispensables pour la bonne

conservation de ce type de cargaison. Ces installations doivent être en parfait état pour le

bon entretien des produits en cale. Ils « doivent pouvoir fonctionner dans une large plage de

températures ambiantes et sous des conditions climatiques très variables (rayonnement

solaire, intempéries, etc.). Ils doivent être robustes et fiables du fait d’environnements de

transport souvent difficiles. »184

Le fonctionnement de ces installations exige des précisions et des contraintes

techniques indispensables. Le transporteur doit tenir compte de la nature de la marchandise

qu’il transporte et des variations qu’elle peut subir durant le voyage. Certaines denrées sont

propices au mûrissement rapide ou à la distribution de la chaleur et de l’humidité, ce qui

impose que la marchandise ne doive pas subir de rupture dans la chaîne du froid par

l’observation du facteur temps, et aussi par une organisation performante des différentes

ruptures de charge185.

Eu égard à cette situation délicate, la jurisprudence a fait du système de réfrigération

un élément important de la navigabilité commerciale du navire. Par exemple, dans l’affaire

184
Laëtitia MERLE, Le transport maritime sous température dirigée, mémoire pour l’obtention du Master II
professionnel, Marseille, Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille, Université de droit,
d’économie et des sciences d’Aix-Marseille 2005, p. 8.
185
Id., pour plus de détails.
57
Atlantic Banana Co. v. MV Calanca186, la Cour américaine a décidé que le bâtiment est

innavigable, car les installations frigorifiques n’étaient pas en état de fonctionner

normalement.

Il est donc évident que si les équipements frigorifiques sont défectueux, la

marchandise s’avariera, occasionnant pour le transporteur un bris dans son obligation de

conserver la cargaison durant le voyage maritime, comme prévue dans l’article III (2) de la

Convention de Bruxelles. L’obligation générale du propriétaire du navire « de procéder de

façon appropriée et soigneuse au chargement, à la manutention, à l’arrimage, au transport, à

la garde, aux soins et au déchargement des marchandises transportées » vient suppléer

l’obligation de diligence quant à cet aspect commercial de la navigabilité dont la durée est

limitée avant et au début du voyage maritime187.

En résumé, l’analyse de la doctrine et de la jurisprudence quant à la navigabilité

technique du navire (conception de la navigabilité) démontre qu’il s’agit d’un concept très

large, qui s’apprécie selon la nature du voyage, de la marchandise et de l’état de l’évolution

technologique. Nous avons remarqué également que la position des juges varie quant à

l’aspect commercial de la navigabilité qui est étroitement lié à l’obligation de prise de soin

de la cargaison durant le voyage maritime. La difficulté juridique qui se pose est la relation

imprécise entre l’article III (1) et III (2), à savoir la durée de l’obligation de navigabilité et

et l’exercice de la diligence raisonnable.

186
[1972] A.M.C. 880 (S.D.N.Y. 1972).
187
Cette obligation générale de prise de soins doit conduire les actes du transporteur dans l’exécution de son
contrat de transport et dans l’accomplissement des opérations successives, c’est-à-dire depuis le chargement
de la marchandise jusqu’à la livraison. Il s’agit d’une règle impérative, à notre sens, puisque la Convention de
Bruxelles est une loi internationale d’ordre public. Toutefois, les jurisprudences, notamment anglaise et
australienne, ont jugé que certaines activités de cette obligation peuvent être confiées au chargeur par
convention des parties au contrat de transport comme pour l’opération de chargement. C’est ce qu’on appelle
« Liberty Clauses ». Voir : Pyrene Co. Ltd. v. Scindia Steam Navigation Co. Ltd., [1954] 1 Ll.L.Rep. 321
(Q.B. 1954); G.H Renton & Co Ltd v. Palmyra Trading Corporation of Panama, [1957] A.C. 149, [1956] 3
All E.R. 957 (H.L.) Jindal Iron & Steel Co Ltd and Others v. Islamic Solidarity Shipping Co. Jordan Inc.
(Jordan II), [2005] 1 Ll.L.Rep. 57 (H.L.).
58
Il convient alors de s’interroger sur la nature et la durée de l’obligation de

navigabilité et de déterminer si c’est une obligation qui se délègue ou non.

Section 2 — La diligence raisonnable dans la mise en état de navigabilité

L’obligation de navigabilité du navire est une règle primordiale, mais non une

obligation absolue ou stricte de résultat.

L’obligation de navigabilité est liée à l’exercice de la diligence raisonnable du

transporteur qui l’exonère, à moins qu’il ne s’agisse de sa faute personnelle. L’article III (1)

de la Convention de Bruxelles de 1924 déclare : « Le transporteur sera tenu avant et au

début du voyage d’exercer une diligence raisonnable pour : a) mettre le navire en état de

navigabilité. »

La notion de diligence raisonnable est aussi exigée selon l’article IV (1) qui exonère

le transporteur des avaries causées par l’innavigabilité du navire s’il a exercé la diligence

requise. Ce concept se trouve également dans le cas excepté du vice caché de l’article IV.2

(p) qui énonce que : « Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou

dommage résultant ou provenant de vices cachés échappant à une diligence raisonnable. »

L’étude de la diligence raisonnable implique tout d’abord l’examen de la notion et

de la durée de cette obligation, puisque c’est ce choix épineux du législateur international

qui constitue la clef de voûte de l’application du régime exonératoire des Règles de La

Haye⁄Haye-Visby. Partant, nous tenterons de démontrer les difficultés d’application de

l’obligation de diligence raisonnable quant au régime de preuve et au statut des préposés et

contractants indépendants.
59
Sous-section 1 — Détermination et durée de l’exercice de la diligence
raisonnable

Malgré qu’il s’agisse d’un concept important dans le Harter Act américain188 ainsi

que dans les conventions en vigueur, la diligence raisonnable n’a pas été définie

expressément par ses règles. Son appréciation est l’œuvre tant de la doctrine que de la

jurisprudence.

Au moment de l’adoption de la Convention de Bruxelles, le Harter Act américain

avait déjà une trentaine d’années d’existence, et son application devant les tribunaux avait

donné lieu à l’appréciation du contenu de l’obligation de diligence raisonnable.

En outre, le concept du « raisonnable »189 a connu de grands débats quant à sa

définition dans les différents systèmes juridiques190.

Héritière toutefois de la pratique anglo-saxonne, cette notion signifie que le

transporteur doit prendre toutes les mesures nécessaires et utiles pour mettre son navire en

188
L’article 3 du Harter Act dispose : « If the owner [...] shall exercise due diligence to make the said vessel
in all respects seaworthy and properly manned, equipped and supplied, neither the vessel, her [...] owners
shall become or be held responsible for damage or loss resulting from fault or error in navigation or in the
management of said vessel, nor shall the vessel, her owner or owners charterers, agents or master be held
liable for losses arising from danger of the sea or other navigable waters, acts of god or public enemies, or the
inherent defect, quality, or vice of the thing carried, or from insufficiency of package, or seizure under legal
process, or for loss resulting from any act or omission of the shipper or owner of the goods, his agent or
representative, or from saving or attempting to save life or property at sea, or from any deviation in rendering
such service. »
189
Selon Salmon « [c]e qui est raisonnable ou équitable et le comportement qui correspond à une « diligence
due », dépendent essentiellement d’une part des circonstances de fait qui entourent le cas d’espèce, d’autre
part des valeurs qui sont agitées par l’application concrète du droit au cas d’espèce. Ces valeurs sont
infiniment variables dans le temps et dans l’espace. Leur application dans une communauté aussi divisée
idéologiquement que l’est la société internationale où le consensus est difficile à trouver ne va pas sans
soulever des difficultés. » : Jean J.-A. SALMON, « Les notions à contenu variable en droit international
public », dans Chaim PERLEMAN et Raymond VANDER ELST, Les notions à contenu variable en droit,
Bruxelles, Bruylant, 1984, à la page 265.
190
Voir : Guillaume WEISZBERG, Le « Raisonnable » en droit du commerce international, thèse de doctorat
en droit, Paris, Université Panthéon-Assas (Paris II), 2003.
60
bon état de navigabilité191. Autrement dit, il doit agir comme un professionnel soigneux,

minutieux et consciencieux pour exercer son obligation de navigabilité.

Dans l’affaire Grain Growers Export Co. v. Canada Steamship Lines Ltd,

l’obligation de diligence raisonnable est définie comme suit :

« Not merely a praiseworthy or sincere, though unsuccessful, effort,


but such an intelligent and efficient attempt as shall make it
[seaworthy] so, as far as diligence can secure it. »192

En droit français, l’équivalent se trouve dans le principe du bon père de famille ou

dans celui du bonus pater familias du droit romain qui signifie que le débiteur doit se

comporter avec prudence et diligence dans le dessein de garder les biens qui lui sont

confiés comme s’il en est le propriétaire.

Nous remarquons que la différence de terminologie dans les deux systèmes

juridiques n’affecte pas le fondement du sens du terme diligence raisonnable193. Nous

partageons ainsi le même avis que Lefebvre, notamment que son emploi se situe dans un

contexte international :

« La différence de terminologie que l’on rencontre ici ne doit pas


susciter d’indécision. En effet, nous remarquons que l’interprétation
donnée au terme diligence raisonnable est sensiblement le même. Il
ne pouvait être autrement étant donné le caractère d’uniformité qui
doit exister dans l’application d’une convention internationale par
laquelle les parties contractantes ont voulu adopter les principes
consacrés par la pratique internationale. »194

191
Cf. Clark v. Barnwell, 53 U.S. 272 ( How. 1851); Pan-American Petroleum Transportation v. Robins Dry
dock & Repair Co., 281 F. 97 (2nd Cir.1922).
192
[1918] 43 O.L.R. 330, 344 et 345 (Ont. S.C. App. Div.), conf. par (1919) 59 R.C.S. 643; Tuxpan Lim.
Procs., 765 F. Supp. 1150, 1179, [1991] A.M.C. 2432, 2445 (S.D.N.Y. 1991).
193
Cf. Trib. com. Paris, 30 mai 1979, D.M.F.1981.233.
194
G. LEFEBVRE, préc., note 172, 100. Cf. Sze PING-FAT, Carrier’s Liability under The Hague, Hague-
Visby and Hamburg Rules, Kluwer Law International, 2002, p. 211.
61
Le concept dans les différents systèmes juridiques repose sur l’obligation de

moyen195. Selon Rodiére, la navigabilité « est moins une qualité objective du navire que le

produit des diligences du fréteur. »196.

Les magistrats doivent prendre en considération différents facteurs pour apprécier la

diligence raisonnable : la nature de la cargaison transportée, la navigabilité du navire, la

saison en cours, les connaissances techniques, etc.197 En principe, les juges se basent sur le

test suivant : quel aurait été le comportement normal d’un transporteur compétent et

soigneux dans tel cas198?

Dans l’arrêt anglais Eridiana v. Rudolf Oetker (The Fjord Wind)199, le juge Clarke a

considéré que l’effectivité du test de diligence raisonnable est de se demander si le

transporteur, en ayant connaissance du vice l’avait soigné. Il a estimé que, en l’espèce, le

transporteur était négligent. L’innavigabilité établie, il incombe au défendeur de démontrer

qu’il a exercé l’obligation de diligence raisonnable :

« […] seaworthiness is concerned with the state of the vessel rather


than with whether the owners acted prudently or with due diligence.
The only relevance of the standard of the reasonably prudent owner
is to ask whether, if he had known of the defect [...], he would have
taken steps to rectify it. In this instant case, there can I think be no
doubt that he would, if he had known that there was a defect which
would cause the bearing to fail as it did, which it seems to me is the
relevant state of knowledge for this purposes. It follows that the
vessel was unseaworthy. »200

195
Il s’agit de « la « moins contraignante » des obligations, en ce qui concerne le débiteur : elle consiste à
prendre les moyens requis pour parvenir à un résultat; elle n’implique aucune obligation de parvenir au
résultat lui-même. » : Didier LLUELLES et Benoît MOORE, Droit des obligations, Montréal, les Éditions
Thémis, 2006, p. 43.
196
René RODIÉRE, « Le bon état de navigabilité du navire affrété », D.M.F.1965.387.391.
197
The Bunga Seroja, préc., note 116, 527.
198
Voir : The North Star, 206 F. Supp. 767 (W.D. Wash. 1962).
199
Préc., note 118.
200
The Fjord Wind, préc., note 118, 199 (C.A.).
62
Un autre cas précisant ce propos est celui du navire Guhin201 où une cargaison de

maïs a été endommagée à cause de son échauffement. Un incident qui aurait pu être évité si

le transporteur avait pris les mesures nécessaires pour isoler le maïs des parties métalliques

et pour aérer suffisamment les cales. En l’espèce, le navire n’était pas spécialement adapté

au transport d’une telle marchandise, s’agissant d’un navire du type liberty-ship202. En

revanche, ce bâtiment était utilisé en période de guerre pour assurer le ravitaillement de la

nation, et les magistrats ont jugé que tous les moyens d’aération des cales dont le navire

était muni ont été utilisés au mieux. De ce fait, le transporteur a satisfait pleinement à son

obligation de diligence raisonnable à mettre le navire en bon état de navigabilité.

Nous estimons que, dans des circonstances exceptionnelles comme celles de la

guerre, les juges ne pouvaient être aussi exigeants, tant que le transporteur, avec le

minimum de moyens dont il disposait, a exercé sa diligence raisonnable.

Les tribunaux, cependant, font preuve de sévérité dans le cas de transport d’objets

périssables ou de substances dangereuses. Dans l’affaire du Kapitan Sakharvov203, les juges

ont estimé que le transporteur n’avait pas rempli son obligation de navigabilité avant et au

début du voyage, car le fait d’arrimer une cargaison d’isopentane, un liquide hautement

inflammable, en cale donnant lieu à un incendie est un manque de diligence raisonnable du

transporteur. L’expert a conclu qu’il « devait être évident pour des propriétaires de navires

et des marins expérimentés qu’une telle marchandise ne devait pas être arrimée en un lieu

confiné sans qu’il fut bien ventilé. »204

201
C.A. Rouen, 18 mai 1956, D.M.F.1956.529.
202
Le terme liberty ship désigne les navires construits en masse aux États-Unis pour le transport du matériel à
destination des Alliés au cours de la Seconde Guerre mondiale. En ligne : <http://www.techno-
science.net/?onglet=glossaire&definition=2013> (consulté le 24 mars 2009).
203
Northern Shipping v. Deutsche Seereederei (The Kapitan Sakharov), [2000] 2 Ll.L.Rep. 255 (C.A.).
204
Id., 150.
63
Une décision plus ancienne, celle du navire Paraskevopoulos205, abonde dans le

même sens pour une avarie causée à une cargaison de blé par suite de l’ouverture d’une

caisse à mazout. La Cour française a tenu le transporteur responsable, car il n’a pas exercé

sa diligence raisonnable pour les motifs suivants :

« Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de s’être contredit en


déclarant, d’une part, que la due diligence devait s’entendre d’une
diligence raisonnable, moyenne, à la portée de toute personne
normalement douée, zélée et diligente, et en décidant, d’autre part,
que le capitaine […] n’avait pas fourni la due diligence parce qu’il
n’avait pas exercé une surveillance personnelle et permanente de
l’ouverture des tanks à mazout;
Mais attendu que l’arrêt a retenu qu’en présence du risque
considérable qu’un produit aussi inflammable et aussi dangereux
pour la marchandise avec laquelle il entre en contact que le mazout,
le transporteur avait le devoir impérieux d’exercer personnellement
et d’une manière permanente la surveillance de l’ouverture des
réservoirs jusqu’à ce qu’ils fussent suffisamment recouverts de sacs
pour interdire toute tentative de sabotage ou toute indiscrétion
dangereuse […]. »206

Pour ce qui est des problèmes liés à la conception purement technique de la

navigation, nous avons déjà évoqué un grand nombre de décisions démontrant que

l’appréciation de la navigabilité et sa mise en œuvre ne partent pas d’un principe, mais

s’examinent cas par cas. Autrement dit, il n’y a pas de solution de principe quant à

l’appréciation de la notion de diligence raisonnable. Elle est tributaire des circonstances et

dépend des faits et du comportement du transporteur vis-à-vis de la marchandise en sa

charge, ce que souligne avec justesse Knauth :

« The courts have refused to state a definite formula, and judge each
case on its facts, keeping the shipowners in the dark until the event
is known. This attitude undoubtedly stimulates the shipowners
strongly to err in the direction of being over-diligent. If the ship and
cargo arrive safely, obviously there has been adequate diligence, or
good luck. If the ship is lost, or arrives with a damage, the question

205
2 Gaz. Pal.1951.225.
206
Id., 225.
64
is whether the loss was due to lack of due diligence to make
seaworthy, etc., or to a sea peril, Act of God or latent defect,
operating in spite of the exercise of due diligence.»207

En ce qui concerne la durée de cette obligation, la Convention de Bruxelles limite

l’exercice de la diligence raisonnable quant à la navigabilité du navire avant et au début du

voyage208. L’innavigabilité en cours du voyage maritime n’engage pas la responsabilité du

transporteur, sous réserve qu’il satisfasse à son obligation pour la période d’avant et au

début du voyage209.

Cependant, le texte de Bruxelles ne détermine ni la signification du mot voyage ni

les périodes avant et au début du voyage. De cette imprécision résultent des divergences

d’interprétation au sein de la jurisprudence internationale. Par exemple, ce n’est qu’après

d’âpres efforts doctrinaux et jurisprudentiels dans les pays de la common law, que l’on est

majoritairement parvenu à admettre que le navire doit être en état de navigabilité avant le

voyage, c’est-à-dire « au moment où les opérations de mise à bord de la marchandise vont

être commencées »210, et se termine à la fin du chargement211 de la cargaison et à partir du

moment où commence le voyage maritime.

Pineau souligne :

207
Arnauld W. KNAUTH, The American Law of Ocean Bills of Lading, 4em éd., Baltimore, American
Maritime Cases, 1953, p. 187.
208
Cf. Richard ALKENS, Richard LORD et Micheal BOOLS, Bills of Lading, London, Informa, 2006, p. 246
et suiv.
209
L’article IV (1) de la Convention de Bruxelles édicte que : « Ni le transporteur ni le navire ne seront
responsables des pertes ou dommages provenant ou résultant de l’état d’innavigabilité, à moins qu’il ne soit
imputable à un manque de diligence raisonnable de la part du transporteur à mettre le navire en état de
navigabilité ou à assurer au navire un armement, équipement ou approvisionnement convenables, ou à
approprier et mettre en bon état les cales, chambres froides et frigorifiques et toutes autres parties du navire où
des marchandises sont chargées, de façon qu’elles soient aptes à la réception, au transport et à la préservation
des marchandises, le tout conformément aux prescriptions de l’art. 3, par. 1. Toutes les fois qu’une perte ou
un dommage aura résulté de l’innavigabilité, le fardeau de la preuve en ce qui concerne l’exercice de la
diligence raisonnable tombera sur le transporteur ou sur toute autre personne se prévalant de l’exonération
prévue au présent article. »
210
G. LEFEBVRE, préc., note 194, 106; W. TETLEY, préc., note 261, p. 894.
211
L’expression « chargement à bord du navire » signifie en principe toute la phase de chargement, à savoir
depuis le levage de la marchandise, jusqu’au moment où elle est déposée dans le navire. Voir : Pyrene Co.
Ltd. v. Scindia Steam Navigation Co. Ltd., préc., note 187.
65
« […] le transporteur a une obligation de mettre son navire en bon
état de navigabilité, tant sur le plan nautique que commercial,
« avant et au début du voyage », c’est-à-dire, dit-on, entre le
moment du chargement de la cargaison et le moment où le navire
commence son voyage vers le port de destination de cette
cargaison. »212

Le voyage débute quand toutes les écoutilles sont fermées, les visiteurs sont à terre

et les commandes de la passerelle sont transmises, afin que le navire se déplace par ses

propres moyens ou par des remorqueurs ou les deux. Ce qui signifie que le voyage débute

au moment où le navire commence à s’éloigner de son lieu d’amarrage pour quitter le port,

c’est à ce point du temps que normalement l’obligation de navigabilité cesse213. À cet

égard, l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Maxine Footwear Co. v. Canadian Merchant

Marine Ltd214, mérite de retenir l’attention215, surtout qu’il a été d’une grande influence sur

l’appréciation des juges, en établissant le principe que le transporteur est tenu d’assurer la

navigabilité du bâtiment durant toute la période qui s’étend du début du chargement

jusqu’au départ du navire. Une fois en mer, l’obligation de navigabilité du transporteur

cesse216. Le transporteur doit prouver que durant cette période il a exercé la diligence

212
J. PINEAU, préc., note 6, p. 198.
213
Voir: Mississipi Shipping Co. v. Zander & Co., 270 F.2d 345 (5 th Cir. 1959).
214
[1957] R.C.S. 801. En l’espèce, des marchandises chargées au port d’Halifax ont été totalement
endommagées à la suite d’un incendie qui est survenu avant le départ du navire de ce port. Après les
opérations de chargement, on s’est aperçu qu’un tuyau d’évacuation d’eau passant à proximité des cales était
gelé. Un employé du port l’a dégelé, avec un chalumeau à acétylène. Quelques heures plus tard, le navire est
toujours à quai et un incendie s’est déclenché. Le réchauffement trop poussé avait mis le feu au liège qui isole
le tuyau. Les juges ont déclaré que l’obligation d’exercer la diligence raisonnable avant et au début du
voyage exige que cette diligence continue à s’exercer durant la période qui s’étend du début du chargement de
la marchandise jusqu’au moment où le navire commence son voyage. Le transporteur n’a donc pas exercé la
diligence requise pour mettre son navire en parfait état de navigabilité.
215
Cet arrêt est prépondérant, car il statue sur plusieurs problèmes difficiles d’application de la Convention de
Bruxelles de 1924, concernant d’une part la détermination du moment précis où doit s’exercer la diligence
raisonnable du transporteur pour mettre son navire en état de navigabilité, et d’autre part, la place de
l’exercice de cette diligence raisonnable relativement au droit d’invoquer l’exonération légale de l’article IV
de la Convention de Bruxelles.
216
Toutefois, le transporteur ne peut négliger son navire une fois le voyage commencé, puisque l’article III
(2) précité lui impose de procéder « de façon appropriée et soigneuse au chargement, à la manutention, à
l’arrimage, au transport, à la garde, aux soins et au déchargement des marchandises transportées ». Bonassies
et Scapel affirme ce sur point que : « Ainsi fondamentale, l’obligation de soins appropriés, vient d’abord
66
raisonnable quant à la navigabilité du navire par rapport aux dommages ou pertes subis. À

défaut d’apporter cette preuve, il ne peut invoquer le bénéfice des cas exceptés217.

L’obligation de diligence est requise chaque fois que le transporteur veut bénéficier des cas

exonératoires218.

Cet arrêt confirme que la durée de l’obligation de navigabilité de la Convention de

Bruxelles rompt avec la tradition britannique basée sur la doctrine des étapes (en anglais

stages). Selon cette doctrine, l’obligation de navigabilité réapparaît à chaque étape du

voyage. Carver219 explique cette doctrine en distinguant les différentes étapes du voyage

maritime qui se résument comme suit :

1- L’étape du ravitaillement en combustible (en anglais, bunkering stages), c’est-à-

dire que le navire doit avoir suffisamment de carburant pour achever la première

période du voyage le conduisant à un port d’escale. Avant de quitter ce dernier,

il doit à nouveau s’approvisionner pour pouvoir arriver à sa prochaine

destination. En effet, la navigabilité du navire est exigée durant chaque période

se situant entre deux ports d’approvisionnement en combustible. Le transporteur

a une obligation absolue pour déterminer les escales, organiser le ravitaillement

relayer l’obligation de diligence. Dans la mesure où elle vise notamment le transport de la marchandise dans
sa totalité, elle implique en effet-au-delà des dispositions limitant en apparence l’obligation du transporteur
quant à la navigabilité « avant et au début du voyage », le devoir permanent pour ledit transporteur de
maintenir la navigabilité de son bâtiment tout au long du voyage. Il appartient donc à celui-ci de rester en
contact permanent avec son capitaine (chose aisée, eu égard aux moyens de communication modernes), et de
prendre à tout moment toute mesure propre à rétablir la navigabilité du navire » : P. BONASSIES et Ch.
SCAPEL, préc., note 62, p. 642.
217
Le fond du problème est en fait la longue liste des cas exceptés que nous aurons l’occasion d’étudier dans
notre second chapitre. L’obligation générale de prise de soin demeure également limitée. C’est pour cette
raison qu’il aurait été préférable d’imposer une obligation continue de la navigabilité du transporteur.
218
Sur les différentes doctrines traitant du rapport entre l’article III et IV, voir : Nicholas John
MARGETSON, The System of Liability of Articles III and IV of the Hague (Visby) Rules, Paris Legal
Publishers, 2008, p. 74-76.
219
Raoul P. COLINVAUX, Carriage by Sea, London, Stevens & Sons Limited, 1982, p. 120-124. Voir: E.-
R. Hardy IVAMY, « The Carriage of Goods by Sea Act, 1924, and the Doctrine of "Stages" », 23 (2) M.L.R.
198 (1960).
67
en combustible220 et assurer le bon état de navigabilité du bâtiment à chacune

des étapes221.

2- Le début du chargement (en anglais, loadings stages). Cette phase

était historiquement considérée comme une période distincte des autres étapes

du voyage qu’un navire doit effectuer222. Les décisions judiciaires ont retenu

que, si la marchandise s’avariait durant cette période de chargement, le

transporteur ne peut être tenu responsable pour l’innavigabilité du navire223. Ce

propos apporte l’idée suivante : « […] dans le cas où le navire quitte le port en

état d’innavigabilité par suite d’un mauvais arrimage de la cargaison, le

transporteur ne doit pas être tenu responsable de cette faute. »224

3- La période après le chargement, mais avant le départ du navire (en anglais, lying

stages). Dans cette phase, le transporteur doit fournir un navire stable lorsqu’il

« mouill[e] dans les eaux du port en attendant son départ. »225 Il ne peut se

départir de sa responsabilité en cas d’endommagement de la cargaison.

Cette brève démonstration sur la doctrine des étapes nous permet de constater que

ce raisonnement nous éloigne du contrat de transport, objet principal de la Convention de

Bruxelles, surtout lorsqu’il concerne deux chargements en même temps. Doctrine226 et

220
Quebec Marine Insurance Co. v. Commercial Bank of Canada, 3 P.C. 234 (1870).
221
Dans l’affaire Biccard v. Shepherd, (1861) 14 Moo. P.C. 471, le Conseil privé anglais a décidé que le
transporteur devait s’assurer du bon état de la navigabilité à chacune des étapes où le navire s’arrêtait pour
charger des marchandises. Cette décision est remarquable, parce qu’elle établit le principe que la navigabilité
du navire doit être apprécié relativement à une cargaison déterminée et non en lien avec le trajet total
accompli par le navire au cours de son itinéraire. Voir : Guy LEFEBVRE, L’obligation de navigabilité et le
transport des marchandises sous connaissement, mémoire de maîtrise, Montréal, Faculté des études
supérieures, Université de Montréal, 1986, p. 47.
222
Mc Fadden v. Blue Star Line, [1905] 1 K.B. 697.
223
Voir : Reed v. Page, [1927] 1 K.B. 743; Svenssons Travarnaktiedodbolay v. Cliffe S.S. Co., [1932] 1 K.B.
491.
224
G. LEFEBVRE, préc., note 221, p. 48.
225
G. LEFEBVRE, préc., note 221, p. 50.
226
Voir : J. PINEAU, préc., note 6, p. 198.
68
jurisprudence227 ont admis que l’interprétation juste de la Convention de Bruxelles est celle

en faveur d’une seule obligation, celle de la cargaison liée à chaque contrat de transport se

rapportant uniquement à deux ports : celui du chargement et celui du déchargement de la

marchandise en question.

L’arrêt du juge Hewson dans l’affaire Makedonia confirme ce fait :

« I see no obligation to read into the word "voyage" a doctrine of


stages, but a necessity to define the word itself. [...] "Voyage" in
this context means what it has always meant: the contractual voyage
from the port of loading to the port of discharge […] the obligation
on the shipowner was to exercise due diligence before and at the
beginning of sailing from the loading port to have the vessel
adequately bunkered for the first stage to San Pedro and to arrange
for adequate bunkers of a proper kind at San Pedro and other
selected intermediate ports on the voyage so that the contractual
voyage might be performed. Provided he did that, in my view, he
fulfilled his obligation in that respect. »228

Ce raisonnement a été également adopté dans l’affaire Leesh River Tea Co. v.

British India Steam Navigation Co.229, lorsque la cargaison transportée est arrivée

endommagée à cause d’un vol des couvercles de la chambre à soupape au port d’escale. La

Cour d’appel anglaise a jugé le navire en bon état de navigabilité pour la période avant et

au début du voyage, puisque la navigabilité du bâtiment pour cette période du voyage doit

être assurée au port de chargement de la cargaison transportée, c’est-à-dire au

commencement du voyage contractuel.

En principe, le mot voyage devrait être interprété, selon une marchandise bien

déterminée et non pas selon le trajet total accompli par un navire au cours de son itinéraire.

Dans l’exemple suivant, supposons qu’un navire charge une cargaison A du port de

227
Voir : Western Can. SS. Co. v. Can. Commercial Corp., [1960] R.C.S. 632; Riverstone Meat Co. v.
Lancashire Shipping Co. (The Muncaster Castle),[1961] 1 Ll.L.Rep. 57, [1961] A.C. 807 (H.L.); The
Amstelot, préc., note 141.
228
[1962] 1 Ll.L.Rep. 316, 329 et 330 (Adm. Ct.).
229
[1967] 2 Q.B. 250, [1966] 1 Ll.L.Rep. 455 (Q.B.), conf. par [1966] 2 Ll.L.Rep. 193 (C.A.).
69
Casablanca (Maroc) à destination de Marseille (France), faisant escale au port de Gibraltar,

il charge une autre marchandise B, arrivant au port de Barcelone (Espagne), il charge une

troisième cargaison C, le tout à la même destination, le port de Marseille. À l’arrivée, la

cargaison B se trouve endommagée. Le navire étant navigable au port A avant et au début

du voyage ne concerne en fait que le voyage contractuel de la cargaison chargé au port de

Casablanca. La navigabilité du bâtiment exigée pour la marchandise B doit être vérifiée

avant et au début du voyage maritime au port de Gibraltar. Il faut, par conséquent, établir la

distinction entre trajet maritime et voyage maritime. Dans un trajet, il y aura autant de

voyages et de débuts de voyages.

Par conséquent, l’état de la navigabilité du navire se mesure en fonction de l’endroit

précis230 où chaque chargeur a remis sa marchandise au transporteur231, c’est-à-dire en

fonction de chaque contrat de transport.

En revanche, cette interprétation dominante des juridictions anglo-saxonnes n’est

pas toujours admise par d’autres systèmes de droit. La Cour d’appel d’Amsterdam illustre

bien cette divergence. Elle définit le début du voyage comme suit :

« The ‘’beginning of the voyage ’’ is the time of loading. When


cargo is loaded in three ports, the beginning of the voyage is the
moment the ship leaves the first port. »232

230
Biccard v. Shepherd, préc., note 221; Leesh River Tea Co. v. British India Steam Navigation Co., préc.,
note 229. Les tribunaux ont même outrepassé cette décision en faisant du retard une cause d’innavigabilité du
navire avant et au début du voyage maritime. Dans l’affaire Morrisey et al. c. SS. A. & J. Faith, 252 F. Supp.
54, 58 (1965), [1966] A.M.C. 71, 76 (D.C., N.D. Ohio 1965), lors d’une saisie pratiquée sur le navire en
raison des dettes dues par l’armateur à des créanciers, il a été jugé que le propriétaire du navire n’a pas rempli
son obligation de navigabilité, suite au dommage causé à la marchandise transportée, à cause du retard dans
leur acheminement à destination. Lorsque la marchandise subit une détérioration majeure, comme dans le cas
des produits périssables, le retard est souvent considéré comme relatif à l’innavigabilité du navire, alors que
souvent durant le voyage maritime, on l’associe à un déroutement injustifiable.
231
Pour plus d’explications, voir : G. LEFEBVRE, préc., note 194, 81; Hardy IVAMY, Payne and Ivamy’s
carriage of goods by sea, 11e éd., Londres, Butterworths, 1979, p. 92.
232
C.A. Amsterdam, 12 nov. 1952, NJ 1954, 370, cité par N.-J. MARGESTON, préc., note 218, p. 42.
70
Cette décision nous paraît mal fondée, car elle s’éloigne du contrat de transport, sauf

qu’elle résume que l’imprécision du texte de Bruxelles quant à la durée de l’obligation de

navigabilité continuera à poser problème pour les juges nationaux233.

L’analyse de l’étendue dans le temps de l’obligation de diligence raisonnable, quant

à la navigabilité du navire du transporteur, nous invite à mesurer l’étendue de cette

obligation par rapport aux préposés et tiers au contrat de transport. Le transporteur maritime

peut-il déléguer son obligation de navigabilité à ses préposés et contractants indépendants?

Sous-section 2 — Le statut des préposés et contractants indépendants

En pratique, ce sont souvent les préposés du transporteur (officiers, marins,

mécaniciens, etc.) ou les entrepreneurs indépendants (société de classification, chantier

naval, etc.) qui s’occupent de mettre le navire en bon état de navigabilité.

En principe, la question des préposés ne pose pas problème. Doctrine et

jurisprudence conviennent que l’obligation de navigabilité est un acte personnel et ne peut

être déléguée aux préposés. Il s’agit d’une règle générale de droit commun qui engage la

responsabilité du transporteur pour le préjudice causé aux tiers par ses préposés.

Historiquement, c’est le statut des contractants indépendants qui suscite une grande

controverse. Le transporteur maritime peut-il déléguer son obligation de navigabilité à une

société de classification? Suffit-il au transporteur de choisir avec diligence ses

cocontractants pour se désengager de sa responsabilité?

À cet égard, citons l’affaire anglaise notoire The Muncaster Castle234 où

l’interprétation des juges n’a pu faire l’unanimité soulevant par la suite un vif débat au sein

233
J. PINEAU, préc., note 6, p. 204.
234
The Muncaster Castle, préc., note 227. Voir: C.A. Paris, 20 octobre 1952, D.M.F.1953.80; Argo Merchant
Lim. Procs., 486 F. Supp. 436, [1980] A.M.C. 1986 (S.D.N.Y. 1980); Tuxpan Lim Procs. 765 F. Supp. 1150,
1180, [1991] A.M.C. 2432, 2445 (S.D.N.Y. 1991).
71
de la Conférence de Stockholm du CMI, qui s’employait à réviser la Convention de

Bruxelles. En l’espèce, en février 1953, ce navire avait été confié à un chantier naval

reconnu compétent, les Établissements Stephens & Sons, de Glasgow pour une visite

annuelle d’entretien et de vérification.

Lors de l’examen d’inspection, tous les clapets de sécurité des dalots du navire

furent vérifiés, mais les couvercles fermant le regard d’accès à deux d’entre eux ont été mal

replacés par le charpentier chargé du travail. Le navire a pris ensuite la mer pour l’Australie

et aucune infiltration d’eau ne fut constatée. Toutefois, durant le voyage de retour en

Angleterre, le navire a été confronté à des conditions climatiques hostiles; les couvercles

qui avaient été mal ajustés à Glasgow se desserrèrent, et les marchandises entreposées dans

la cale no 5 subirent d’importants dommages.

Les juges du Tribunal d’amirauté et de la Cour d’appel ont estimé que le

transporteur a exercé sa diligence raisonnable quant à la navigabilité du navire, puisqu’il a

confié son navire à une entreprise réputée. Toutefois, cette décision fut rejetée par la

Chambre des Lords en confirmant que la diligence raisonnable attribuée au transporteur de

mettre le navire en bon état de navigabilité ne peut être déléguée.

La position de la Chambre des Lords a suscité le mécontentement des armateurs

anglais reconnaissant pour la première fois que la Convention de Bruxelles comporte des

faiblesses et doit être révisée. Les délégués britanniques ont donc proposé un amendement

lors du Congrès de Stockholm du Comité maritime international, tenu en juin 1963. Ils se

sont basés sur la problématique de la théorie du vice caché, afin de libérer le transporteur de

sa responsabilité quand il délègue l’exercice de la navigabilité à un chantier naval

compétent.

Le texte propose l’ajout de ce paragraphe à l’article III (1) de la Convention :


72
« Dans les cas où il est normal de recourir à un contractant
indépendant (y compris un bureau de classification), si le
transporteur a pris soin de s’adresser à un contractant d’une
compétence reconnue, il ne sera pas considéré comme ayant
manqué d’exercer une diligence raisonnable par le seul fait d’un
acte ou d’une omission imputable à ce contractant indépendant, à
ses préposés, à ses sous-traitants ou aux préposés de ces derniers et
concernant la construction, la réparation ou l’entretien du navire,
d’une partie de navire ou de son équipement. Cette disposition ne
dispense aucunement le transporteur de prendre toutes les
précautions raisonnables par voie de surveillance et de contrôle en
ce qui concerne tout travail effectué par ce contractant indépendant
comme il est dit ci-dessus. »235

Le Canada a voté pour cet amendement236, vraisemblablement pour des raisons

historiques237. Cependant, cette proposition a été fermement critiquée par l’Italie238 et la

235
Conférence de Stockholm du Comité maritime international, « Projet de Protocole ou Convention
internationale portant modification de la Convention internationale pour l’unification de certaines règles en
matière de connaissement signée à Bruxelles, le 25 août 1924 », D.M.F.1964.403.
236
Les partisans de l’amendement s’appuyaient, en fait, sur le principe de l’irresponsabilité du transporteur
pour vice caché du navire échappant à une diligence raisonnable. Ils ont affirmé que ce principe est atteint
lorsque le transporteur devient responsable à cause de certains vices dont il ne peut avoir connaissance, alors
qu’il s’agit de la faute du réparateur que l’armateur a soigneusement choisi. Les délégations qui ont voté pour
l’amendement sont : le Canada, le Danemark, la Finlande, la Grande-Bretagne, la Grèce, l’Inde, le Japon, les
Pays-Bas, le Norvège et la Suède. Celles qui ont rejeté le projet d’amendement sont les délégations de France
et d’Italie. Aussi, on trouve la Pologne, la Yougoslavie et la Belgique. Voir : M. RIMABOSCHI, préc., note
4, p. 210.
237
Consulter :
<http://www.canadainternational.gc.ca/united_kingdomroyaume_uni/bilateral_relations_bilaterales/index.asp
x?lang=fra > (consulté le 20 nov. 2009).
238
Berlingieri, représentant de l’Association du droit maritime en Italie, a affirmé que : « […] Suivant notre
loi il y a une règle ‘in tort’ suivant laquelle le commettant est uniquement responsable de ses fautes
personnelles et des fautes de ses préposés alors qu’il n’est pas responsable des fautes d’un sous-traitant
indépendant mais ce principe ne s’applique pas aux relations contractuelles. En matière de relations
contractuelles le commettant est responsable non seulement de ses fautes personnelles et de ses préposés,
mais également des fautes de ses sous-traitants indépendants. La raison pour laquelle ce principe a été
approuvé par notre loi et que le commettant est la personne qui prend soin d’une entreprise, et qui jouit de
tous les avantages que cette entreprise peut lui procurer et que, puisqu’elle bénéficie de tous ces avantages,
elle doit subir les pertes et les dommages pouvant résulter de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle elle
doit être responsable même si elle a recours à un ou des sous-traitants indépendants. Il y a bien entendu
quelques exceptions à ce principe dans la Convention de Bruxelles de 1924, le plus important concernant la
responsabilité du transporteur pour des fautes commises dans l’administration du navire, mais ceci est une
exception et ne pouvons pas étendre davantage ce principe. Nous pensons que si la proposition britannique
était acceptée, le propriétaire du navire pourrait en toutes circonstances échapper à sa responsabilité en ayant
recours pour accomplir ses obligations à des sous-traitants indépendants au lieu de (sic) préposés. Il pourrait,
par exemple, avoir recours à des sous-traitants indépendants pour effectuer l’arrimage à bord du navire et dans
pareil cas il ne serait plus responsable. Avant de commencer le voyage, il pourrait demander à un expert de la
société de classification d’effectuer une visite à bord du navire, afin de se rendre compte de la navigabilité du
73
France239. Ce sont les pays en faveur de la position française qui l’emportèrent, de sorte que

le projet d’amendement fut rejeté.

Les commentaires de Prodromidès sur le refus du projet d’amendement britannique,

à la suite de l’arrêt Muncaster-Castle, apportent un élément de réponse quant à l’esprit de la

Convention de Bruxelles lorsqu’il affirme :

« Nous n’avons parlé jusqu’ici que d’un chantier de réparation,


parce qu’il s’agissait d’un tel chantier dans l’affaire Muncaster-
Castle. Mais le texte de Stockholm est d’une grande généralité dans
ses termes : il vise tous « indépendants ».
Que l’armateur, au lieu de faire suivre les travaux de construction,
de réparation ou d’entretien de son navire par son propre ingénieur,
les fasse suivre par un ingénieur indépendant, et voilà le chargeur

navire. Si cet expert déclare que ce navire est navigable alors, conformément à la proposition britannique, le
propriétaire du navire n’encourra plus aucune responsabilité et nous estimons que cela est mauvais. » :
Conférence de Stockholm du CMI, Rapport de la Commission sur les clauses des connaissements, procès
verbal, 1963, p. 170 et 171, publié dans The Travaux Préparatoires of Hague Rules, cité par M.
RIMABOSCHI, préc., note 4, p. 209.
239
Le délégué français Prodromides a avancé à son tour qu’ : « Il est bien évident que, pour se prononcer sur
la question, il faut savoir ce que la décision du ‘Muncaster Castle’ a dit exactement. Nous ne l’avons pas sous
les yeux. Nous l’avons tous étudié mais nous ne l’avons pas très clairement à l’esprit. Si mes souvenirs sont
exacts, la question se présentait de la façon suivante : vous savez que, d’après la Convention de Bruxelles, il y
a deux cas d’exonération de responsabilité en faveur de l’armateur.
1. il n’est pas responsable en cas de vice caché du navire, un vice caché ayant échappé à sa due diligence.
Dans tous les pays, nous avons une jurisprudence à peu près unanime qui explique ce que l’on entend par vice
caché : c’est l’article 4 (2) de la Convention.
2. Puis vous avez l’article 4 (1) qui dit que l’armateur n’est pas responsable en cas d’innavigabilité du navire,
mais à la condition qu’il ait exercé la due diligence qui est exigée par l’article 3 de la Convention, pour mettre
son navire en état de bonne navigabilité avant le commencement du voyage et au départ du navire. Les deux
notions sont cousines germaines, mais constituent deux cas d’exonération. Or, Messieurs- et c’est un point sur
lequel je me permets d’attirer tout particulièrement votre attention dans l’affaire du ‘Mancaster Castle’, les
armateurs n’ont pas du tout placé la discussion sur le terrain du vice caché. Si, dans le cas du ‘Mancaster
Castle’, la défectuosité imputable au chantier pouvait constituer un vice caché, il n’y aurait pas eu d’affaire du
‘Mancaster Castle’. L’armateur n’aurait pas été condamné. L’amateur n’a pas opposé le vice caché, mais
l’innavigabilité. Il a prétendu ne pas être responsable parce que le navire était innavigable. Il a dit avoir exercé
la due diligence en s’adressant à un chantier compétent. La chambre des Lords- je résume en deux mots sa
décision- a dit : la due diligence n’est pas quelque chose de déléguable. La due diligence doit être exercée par
vous-même. Voilà, Messieurs, comment la question se présente. Par conséquent, la décision du ‘Mancaster
Castle’ ne doit pas être considérée a priori comme quelque chose de catastrophique pour les armateurs. Si l’on
se place sur le terrain du vice caché, l’armateur ne sera pas condamné. C’est seulement sur le terrain de l’autre
cas d’exonération, l’innavigabilité du navire qu’il s’agit d’apprécier comment devra être interprétée la notion
de due diligence. Messieurs, le Doyen Van Ryn s’est livré à une étude de droit comparé, et son rapport figure
dans les documents que nous avons, sur ce que décident, soit les décisions de jurisprudence, soit les auteurs
dans les différents pays. Vous avez alors vu que la quasi-totalité des pays ont en cette matière une
jurisprudence et une doctrine presque unanimes dans le sens de la décision du ‘Mancaster Castle’ » : publié
dans The Travaux Préparatoires of Hague Rules, p. 173 et 174, cité par M. RIMABOSCHI, préc., note 4, p.
210.
74
supportant les conséquences des fautes de ce dernier, l’armateur
étant censé avoir fait « due diligence », si cet ingénieur indépendant
était « d’une compétence reconnue. » 240

Ces commentaires constituent un raisonnement logique, considérant que :

1- Le propriétaire du navire doit être responsable des dommages causés par sa

faute qui est celle de ses préposés et cocontractants, puisque c’est lui qui en tire

les avantages économiques241. Renverser le fardeau de la preuve en faisant

supporter le chargeur des frais supplémentaires ainsi qu’une procédure lourde

est injuste242.

2- Ce principe pouvait poser problème lorsque les moyens de communication ou

de contrôle étaient assez médiocres, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le

transporteur peut actuellement exercer une supervision de ses employés par

l’installation d’un système de contrôle ou de surveillance, ainsi que par la mise à

jour de plans et une communication efficace des informations concernant les

tâches de navigabilité. L’adoption du nouveau code de sécurité243 maritime est

d’une utilité certaine, parce qu’il contribuera à mieux contrôler la bonne

exécution de la navigabilité du navire. L’application de ce code peut jouer un

240
M. PRODROMIDÈS, « La ‘due diligence’ au Congrès de Stockholm de juin 1963 du Comité maritime
international », D.M.F.1963.716.
241
Il faut rappeler que dans la pratique le but essentiel est celui d’absorber les risques, qui peut être réalisable
par l’institution d’un certain équilibre contractuel. Dans le milieu maritime, comme on a vu, il y a souvent des
déséquilibres profonds entre les parties au contrat. Cette situation affecte irrémédiablement la capacité des
marchés d’atteindre des niveaux d’équilibre satisfaisants.
242
Le professeur Lefebvre indique à ce propos que : « […] l’adoption de la proposition aurait comme
résultante de créer une grande incertitude pour le chargeur. D’une part, ce dernier devrait poursuivre le
transporteur pour voir s’il a commis une faute et, dans le cas où son action serait rejetée, l’armateur serait
alors obligé d’intenter une seconde action contre le réparateur ou le constructeur fautif. Cette procédure est
très lourde à supporter pour le chargeur, car il s’agit d’une action en responsabilité quasi délictuelle, ce qui
implique un fardeau de preuve beaucoup plus contraignant, car le chargeur doit prouver la faute de la
personne responsable des avaries. » : G. LEFEBVRE, préc., note 221, p. 68.
243
Infra, p. 101.
75
rôle crucial en matière de preuve de l’exercice de la diligence raisonnable du

transporteur244.

3- La terminologie proposée est assez vague et constitue une source de confusion.

Ainsi, qu’entend-on par « contractant d’une compétence reconnue » ou

l’expression « dans tous les cas où il est normal de recourir à un contractant

indépendant »245?

En outre, Lefebvre soulève un point capital, celui du fardeau de la preuve en ce qui

a trait à la surveillance et au contrôle des travaux exécutés par le contractant indépendant.

La proposition britannique « fait en sorte qu’il est impossible de se prononcer d’une

manière catégorique »246 sur qui pèse la charge de prouver la bonne surveillance des

travaux. Lefebvre ajoute :

« Sur le plan pratique, l’adoption de cette modification aurait certes


créé des obstacles quasi insurmontables lors d’une action en
responsabilité intentée par le chargeur. D’une part, un premier
recours aurait été essentiel afin de déterminer la responsabilité de
l’armateur. Advenant l’exonération de ce dernier, un recours
« récursoire » aurait été de mis à l’encontre du constructeur fautif,
le cas échéant. »247

De surcroît, suivant l’enquête menée par les représentants de la Commission sur les

clauses des connaissements à la Conférence de Stockholm du CMI, afin de vérifier la

position jurisprudentielle par rapport à l’article III (1) de la Convention de Bruxelles, il a

été constaté que la majorité des décisions nationales248 ont suivi le raisonnement juridique

244
Infra, p. 103 et suiv.
245
Voir : G. LEFEBVRE, préc., note 221, p. 68 et 69.
246
Id., p. 69.
247
G. LEFEBVRE, préc., note 194, 110.
248
Argo Merchant Lim. Procs., 486 F. Supp. 436 (S.D.N.Y. 1980); Consol Grain v. Marcona Conveyor
Corp., 716 F.2d 1077, 1081-82, [1985] A.M.C. 117, 121 et 122 (5 th Cir. 1983); Steel Coils, Inc. v. M⁄V Lake
Marion, 331 F.3d 422, 432, [2003] A.M.C. 1408, 1419, [2003] E.T.L. 601, 613 (5 th Cir. 2003). Voir aussi les
décisions anglaises: The Eurasian Dream, préc., note 116, 737; The Fjord Wind, préc., note 118, 199 et 204
(C.A.); The Kapitan Sakharov, préc., note 203, 271; The Kamsar Voyager, [2002] 2 Ll.L.Rep. 57, 69-71
76
de la Chambre des Lords à l’exception du droit suédois249. Par exemple, dans la décision

américaine Great American Insurance Co. v. Bureau Veritas250, la Cour d’appel des États-

Unis a confirmé que les sociétés de classification n’ont aucune obligation de navigabilité.

Le transporteur ne peut déléguer son obligation. Décider le contraire serait un abus, car il

serait injuste de déplacer la responsabilité de navigabilité vers un organisme de contrôle qui

n’a de contact avec le navire que pendant de brèves périodes de l’année, et faire de lui

l’assureur de tout navire visité et certifié navigable251.

En somme, pour pallier l’imprécision du texte de Bruxelles sur le statut des

contractants indépendants du transporteur, la jurisprudence a choisi, afin d’éviter des

situations inextricables, de suivre le raisonnement de la Chambre des Lords, suite à l’affaire

Muncaster Castle, qui établit que l’obligation de navigabilité ne peut être déléguée, que le

transporteur est responsable des actes fautifs de ses travailleurs indépendants qu’il a choisis

de bon gré.

Quant au régime de preuve de la navigabilité du navire, la Convention de Bruxelles

a également manqué de le clarifier, faisant en sorte qu’il n’a pas toujours été uniformément

interprété par les tribunaux.

Sous-section 3 — Le régime de preuve de la navigabilité du navire

Tout d’abord, le fardeau et l’ordre de preuve (sous-section 1) seront examinés pour

ensuite analyser les documents de la navigabilité (sous-section 2).

(Q.B.); The Yamatogowa, [1990] 2 Ll.L.Rep. 39, 50 (Q.B.); pour les décisions italiennes, voir : Cass. 20 mars
1959, Dir. Mar.1959.359. Pour les décisions françaises, voir : Cass. 20 février 1962, D.M.F.1962.335, n. R.
RODIÉRE; C.A. Aix-en-Provence, 8 novembre 1988, D.M.F.1990.704.
249
Rapport de M. VAN RYN, chargé de cette étude, dans the Travaux préparatoires of the Hague Rules, p.
150, cité par M. RIMABOSCHI, préc., note 4, p. 208.
250
478 F.2d 235 (2nd Cir. 1973).
251
Michel FERRER, La responsabilité des sociétés de classification, Presses universitaires d’Aix-Marseille-
PUAM, 2004, p. 288.
77
Paragraphe 1 — Le fardeau et ordre de preuve

L’article IV (1) de la Convention de Bruxelles énonce que : « […] Toutes les fois

qu’une perte ou un dommage aura résulté de l’innavigabilité, le fardeau de la preuve en ce

qui concerne l’exercice de la diligence raisonnable tombera sur le transporteur ou sur toute

autre personne se prévalant de l’exonération au présent article. »

Cet article semble clair, le fardeau de la preuve du bon exercice de la diligence

raisonnable quant à la navigabilité du navire incombe au transporteur en cas d’avaries. Les

dommages résultant de l’innavigabilité, mais n’affectant pas la cargaison elle-même sont

exclus du régime de responsabilité en question252. Dans cet esprit, la survenance du

dommage est présumée résulter de l’inexécution du contrat de transport253. Le chargeur n’a

qu’à prouver l’existence du contrat, l’inexécution de l’obligation qui en découle, c’est-à-

dire l’état conforme de la marchandise et le montant de la perte. En common law, le fait

d’émettre un connaissement net et embarqué est une preuve prima facie du bon état de la

marchandise lors du chargement.

Nonobstant, la doctrine ne fait pas l’unanimité sur la question de la charge de la

preuve, sans doute parce que la conception française diffère de la conception américaine.

En France, c’est à l’ayant droit à la marchandise de prouver l’innavigabilité fautive, ce que

rapportent Bonassies et Scapel dans ce qui suit :

« Il demeure que, tandis que, dans le régime du Harter act, c’est au


transporteur de faire d’abord la preuve de sa diligence à assurer la
navigabilité de son bâtiment, dans le régime de la Convention ou
dans celui du droit français, la charge de prouver l’innavigabilité
fautive pèse alors sur l’ayant droit. Mais, là aussi, la différence
s’estompe. En fait, le transporteur qui invoque un cas excepté a
grand intérêt à faire aussi la preuve de sa diligence, ne serait-ce que

252
Le transporteur peut être tenu responsable en dehors de la responsabilité pour pertes ou dommages.
253
Tel est bien le sens qu’on peut comprendre d’un régime de responsabilité de plein droit ou de présomption
de responsabilité selon les articles III et IV de la Convention de Bruxelles.
78
pour anticiper la critique du chargeur, ou pour convaincre le juge
que c’est bien le cas excepté invoqué par lui, et ce cas excepté seul,
qui est la cause du dommage. »254

Il en résulte que la jurisprudence française est très méfiante à accorder au

transporteur l’exonération par rapport à l’exercice de la diligence raisonnable vis-à-vis du

bon état de la navigabilité du navire255. Le seul cas où les juges ont tendance à être plus

indulgents est celui de l’innavigabilité soudaine256.

Certaines décisions néerlandaises partagent la position française. Par exemple, dans

l’affaire The Hua Fang257, la Cour de Rotterdam a estimé que selon les Règles de La

Haye/Haye-Visby, c’est au chargeur de prouver le manque de diligence raisonnable du

transporteur à mettre le bâtiment en bon état de navigabilité. La même interprétation a été

retenue dans l’affaire The Corrientes II258 où la marchandise fut endommagée à cause d’un

incendie. La Cour a décidé que c’est au propriétaire de la cargaison de prouver

l’innavigabilité du navire avant et au début du voyage et que la cause de l’incendie est la

faute personnelle du transporteur.

En revanche, la décision Amilla259 ne suit pas ce raisonnement. La Cour a affirmé

que le transporteur ne peut bénéficier de l’exonération de la faute nautique que lorsqu’il

apporte la preuve de la navigabilité du navire, car l’obligation de l’article IV (1) de la

Convention de Bruxelles est plus importante que son droit à l’exonération.

254
P. BONASSIES et Ch. SCAPEL, préc., note 62, p. 640.
255
Voir: C.A. Versailles, 20 décembre 2001, D.M.F.2002.251, obs.Y. TASSEL; C.A. Douai, 31 janvier 2002,
D.M.F.2002.586, obs.Y. TASSEL.
256
Voir: P. BONASSIES et Ch. SCAPEL, préc., note 62, p. 699 et 700.
257
C. District. Rotterdam, 30 December 1999, S&S 2001, 25, cité par M.-L. HENDRIKSE et N.-J.
MARGETSON, « Division of The Burden of Proof Under The Hague-Visby Rules », 12 J.I.M.L. 25, 30
(2006).
258
C.A. La Haye, 20 April 1993, S&S 1995, 11, cité par id., 30.
259
Cité par id., 31.
79
Margeston, dans ses commentaires sur cette dernière décision, a avancé que la

première question à se poser dans ce cas est celle de savoir si la Cour réfère à l’obligation

du transporteur sous l’article IV (1) ou plutôt à l’obligation de diligence raisonnable à

mettre le navire en bon état de navigabilité contenue dans l’article III (1). La disposition de

l’article IV (1) n’est pas vraiment une obligation, mais une répartition de la charge de la

preuve en cas de dommages causés par l’innavigabilité. À ce propos, il affirme que :

« Assuming the court actually meant the duty contained in art. III (1) (due diligence to

provide a seaworthy ship) the court reached a correct decision on the wrong grounds. »260

Cette dernière décision citée démontre la relation nuancée entre l’article III (1) et IV

(1) du texte de Bruxelles qui porte à confusion. Par conséquent, le problème de la charge de

la preuve a imposé en cas de litige que chacune des parties au contrat de transport fasse de

son mieux pour apporter ses preuves. Le professeur Tetley déclare sur ce point que la

majorité des juridictions résolvent cette difficulté en acceptant tous les éléments de preuve

présentés par les deux parties au litige261.

Du Pontavice explique sur ce point que :

« [...] dans la lutte judiciaire pratiquement, contrairement à la


description théorique, chacun apporte ses preuves d’emblée sans se
soucier de savoir qui a la charge de la preuve : il serait bien
dangereux à un défendeur n’ayant pas la charge de la preuve, par
exemple, d’attendre que l’adversaire ait apporté la preuve qui lui
incombe. Le procès n’est pas organisé de telle sorte, du reste, que le
juge ait à l’avertir avant de rendre sa sentence que le demandeur a
apporté la preuve qui lui incombait et que c’est maintenant à lui de
prouver une exception […] »262

260
N.-J. MARGESTON, préc., note 218, p. 6.4, 6.5.
261
William TETLEY, Marine Cargo Claims, 4em éd., vol. 1, Montréal, les Éditions Yvon Blais Inc., 2008,
p. 155.
262
E. DU PONTAVICE, « La loi du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritime »,
R.T D.Com 1966.675.696.
80
Afin de parer à ces difficultés relatives au déroulement de la preuve, les tribunaux

ont eu également recours à un ordre de preuve à respecter, sauf que, même sur ce point, il

n’y a pas eu lieu d’unanimité. Par exemple, dans l’affaire The Farrandoc, le juge Noël a

décidé de l’ordre de preuve qui suit :

« The cargo-owner must, firstly, prove damage or loss to his cargo


and as the primary obligation of the owner of the vessel is to deliver
to destination the goods of the plaintiff in like good order and
condition as when shipped, once damage or loss of the goods so
shipped is established, the owner of the vessel becomes prima facie
liable to the cargo-owner for the damages. This liability is,
however, subject to any exception clause contained in the bill of
lading such as that the loss or damage arises or results from an ‘act,
neglect, or default . . . in the navigation or in the management of the
ship’. If the shipowner establishes the cause of the damage or loss
and that he falls within the conditions of the above exception, the
owner of the cargo, in order to succeed, must then prove some other
breach of the contract of carriage to which the exception clause
provides no defence such as the unseaworthiness of the vessel, for
instance, and then the owner of the ship may establish, that
notwithstanding such unseaworthiness, he is still protected by the
exception clause because (1) unseaworthiness does not give rise to a
cause of action unless it consists of unfitness at the material time
(which must be at the commencement of the voyage) and damage to
the cargo must have been caused thereby and that such
unseaworthiness occurred after the commencement of the voyage or
it did not cause the loss or damage. »263

Par conséquent, selon le juge Noël, le déroulement de la preuve doit obéir à l’ordre

suivant :

1- Le propriétaire de la cargaison doit prouver la perte ou les dommages causés à sa

cargaison ;

263
The Farrandoc, préc., note 144, 276.
81
2- Une fois le chargeur prouve sa perte, c’est au transporteur de prouver la cause de la

perte, et que cette cause est couverte par l’une des cas exonératoires de l’article IV

de la Convention de Bruxelles ;

3- Ensuite, le propriétaire de la cargaison, en vue d’obtenir une indemnisation, une

autre fois doit prouver que la cause de la perte n’est pas un cas excepté, mais plutôt

l’innavigabilité du navire ou une faute dans la conservation de la marchandise en

vertu de l’article III.2;

4- Si cette preuve est établie, le transporteur a deux options pour éviter sa

responsabilité : soit qu’il doit prouver qu’il a exercé sa diligence raisonnable pour

mettre son navire en bon état de navigabilité avant et au début du voyage. Soit, en

cas d’innavigabilité, ramener la preuve que l’état du navire n’a pas contribué aux

pertes. La question à laquelle il faut répondre est la suivante : est-ce que la perte ou

le dommage allait se produire si le navire était en parfait état de navigabilité? Si oui,

l’innavigabilité est la cause directe du dommage. Si ce n’est pas le cas, la cause peut

être autre.

Nous estimons que cette procédure est illogique et alourdit le procès, puisque c’est

le transporteur seul qui possède toutes les informations possibles concernant son navire et

sa condition264. C’est au propriétaire du navire de se défendre pour échapper à sa

responsabilité, en prouvant l’exercice de son obligation primordiale de la navigabilité sans

oublier que le transporteur est tenu de son obligation générale de prise de soin

conformément à l’article III.2 de la Convention de Bruxelles. Le fait de mettre à la charge

du propriétaire de la cargaison la preuve que le dommage est causé en réalité par

264
Malgré l’existence du code de sécurité I.S.M., que nous aurons l’occasion d’étudier dans le paragraphe qui
suit, son application n’est pas imposée directement au transporteur.
82
l’innavigabilité du navire est une chose difficile et complexe à réaliser, car seul le

transporteur est en mesure d’apporter les éléments de preuve de la navigabilité de son

navire ou au contraire son absence. Différentes décisions admettent cette difficulté. À titre

d’illustration, l’affaire Shnell & Co. v. S.S. Vallescura265 ou encore Encyclopedia

Britannica, Inc. v. S.S. Hong Kong Producer266 qui soutiennent qu’il est impossible pour le

chargeur d’apporter la preuve du manque de diligence requise du transporteur quant à son

obligation de navigabilité :

« The burden of proof [...] placed on the carrier is a major weapon


in the shipper’s arsenal. It is almost impossible for the shipper to
prove that the carrier was negligent or lacked due diligence because
as a practical matter all evidence on those issues is in the carrier’s
hands. »267

Ce raisonnement rejoint l’ordre de preuve majoritairement appliqué à l’heure

actuelle par la jurisprudence de la common law et soutenu par les différentes hautes cours

de justice268.

Tetley résume le nouvel ordre de preuve comme suit :

« 1- The cargo claimant proves his loss and damage in the hands of
the carrier;
2- The carrier must prove the cause of the loss;
3- The carrier must prove due diligence to make the ship seaworthy
before and at the beginning of the voyage in respect of the loss;
4- The carrier must prove one of the exculpatory exceptions of art.
4(2) (a) to (q) of the Hague or Hague/Visby Rules;
5- The cargo claimant then attempts to prove lack of care of cargo
or attempts to disprove the above evidence of the carrier, including
lack of seaworthiness and lack of due diligence;
6- Both parties then have various arguments available to them. »269

265
293 U.S. 296, [1934] A.M.C. 1573 (U.S. 1934), en ligne:
<http://supreme.justia.com/us/293/296/case.html#306> (consulté le 3 janvier 2009).
266
Encyclopedia Britannica, Inc. v. S.S. Hong Kong Producer, [1969] A.M.C. 1741, 1754, [1969] 2 Ll.L.Rep.
536, 543 (2nd Cir. 1969).
267
Id., 543.
268
Maxine Footwear Co. Ltd. v. Can. Government Merchant Marine, préc., note 214, 801.
269
W. TETLEY, préc., note 261, p. 355.
83

En général, dans les pays de la common law, une fois les pertes sont prouvées, le

transporteur doit démontrer qu’il a exercé sa diligence raisonnable de la navigabilité du

navire avant qu’il ne puisse invoquer son droit à l’exonération de l’article IV (2) de la

Convention de Bruxelles270. Ce principe a été clairement affirmé par le Conseil privé dans

l’affaire précitée Maxine Footwear Co, Ltd. v. Can. Government Merchant Marine271 :

« Article III, rule 1, is an overriding obligation. If it is not fulfilled


and the non-fulfilment causes the damage the immunities of articles
IV cannot be relied on. This is the natural construction apart from
the opening words of article III, rule 2. The fact that that rule is
made subject to the provisions of article IV and rule 1 is not so
conditioned makes the point clear beyond argument. »272

Cet arrêt a été soutenu par la majorité des jugements. Dans Great China Metal

Industries Co. Ltd. v. Malaysian International Shipping Corporation Berhad (The Bunga

Seroja), le juge McHugh déclare que :

« Article III imposes a positive obligation on the carrier to exercise


due diligence to make the ship seaworthy. This obligation is an
overriding obligation which is not subject to the exceptions to
liability listed in Art. IV r.2. »273

Dans l’affaire Toronto Elevators, Ltd. v. Colonial Steamships Ltd., le juge Angers

abonde en ce sens :

« The primary obligation placed upon the carrier before he can take
advantage of one of the exceptions provided by article IV, rule 2 is
the exercise of due diligence.»274

270
Sunkist Growers, Inc. v. Adelaide Shipping Lines, Ltd., 603 F.2d 1327, 1341 (9 th Cir. 1979); Hasbro
Indus. v. M.S. St. Constantine, 698 F.2d 1008, 1010 (9 th Cir. 1983).
271
[1959] A.C. 589, [1959] 2 Ll.L.Rep. 105 (P.C.).
272
Maxine Footwear Co, Ltd. v. Can. Government Merchant Marine, préc., note 214, 801.
273
(1998) 158 A.L.R. 1, 24, [1999] 1 Ll.L.Rep. 512, 526, [1999] A.M.C. 427, 458 (C.S. Aust.). Voir aussi : la
Cour suprême d’Israël dans Zim Israel Navigation Ltd. v. The Israeli Phoenix Assurance Company Ltd. (The
Zim-Marseilles), [1999] E.T.L. 535.
274
[1950] Ex.C.R. 371, 375.
84
Par conséquent, lorsque la cause du dommage est d’une part l’innavigabilité du

navire et d’autre part, un péril de mer ou un autre cas excepté, le principe est que

l’innavigabilité est considérée la seule cause du dommage275, puisque l’obligation d’exercer

la diligence raisonnable de la navigabilité du navire est une obligation primordiale qui

précède l’exonération. La même règle s’applique lorsque la cause du dommage est

inconnue, et que le transporteur ne peut pas prouver l’exercice de sa diligence raisonnable

à mettre le navire en bon état de navigabilité avant et au début du voyage276.

En somme, la charge de la preuve de la mise en état de navigabilité du navire ne

repose pas sur une interprétation unanime dans les différents systèmes de droit, d'autant

plus que le rapport entre la preuve de diligence raisonnable de la navigabilité et le droit à

l’exonération souffre d’imprécision dans la Convention.

Toutefois, une interprétation judicieuse de la Convention de Bruxelles inspirée de la

common law souligne le fait que l’obligation de diligence raisonnable à mettre le bâtiment

en état acceptable de navigabilité précède l’exonération. Le transporteur maritime doit

apporter cette preuve avant d’invoquer l’exonération pour un des cas exceptés.

Le transporteur pourra donc faire valoir tous les éléments de preuve en sa

possession, dont les documents de transport, afin de prouver qu’il a pris toutes les mesures

nécessaires pour exercer sa diligence raisonnable.

275
The Eurasian Dream, préc., note 116, 719.
276
Dans l’affaire The Fjord Wind, le juge Moore-Bick affirme: « [...] since the cause of the casualty remained
unknown the owners could only discharge that burden by showing that they and M.A.N. the engine builders
between them did not overlook any lines of enquiry which competent experts could reasonably be expected to
have pursued; in the absence of what investigations were carried out the Court was not satisfied that that was
so and the owners were unable to discharge the burden off showing that they exercised due diligence to make
the vessel seaworthy. » : The Fjord Wind, préc., note 118, 308.
85
Paragraphe 2 — Les documents de la navigabilité

Dans le présent paragraphe, il sera discuté de la valeur juridique des certificats de

classification (A) souvent invoqués par les transporteurs à titre de preuve pour

l’exonération de leur responsabilité. Le rôle du nouveau code I.S.M. sera ensuite analysé, à

titre de moyen de preuve de la navigabilité du navire (B).

A- La valeur juridique des certificats de classification

Le certificat de navigabilité est délivré par la société de classification lorsque le

bâtiment en question correspond aux normes fixées par les règlements de classification277.

Autrement dit, le « certificat représente la concrétisation matérielle de l’avis des experts sur

la conformité du navire avec les normes fixées. »278 Toutefois, la délivrance de ces

certificats ne constitue pas une garantie de la navigabilité ou de l’intégrité de la structure279.

Doctrine et jurisprudence s’accordent pour dire que, certes, ces certificats ont une valeur

probante, mais ne constituent guère une preuve irréfragable de la navigabilité du navire280.

Il s’agit d’un moyen parmi d’autres pour prouver la diligence requise de la navigabilité du

navire. Cette valeur probatoire ne dépasse pas la valeur d’une présomption simple de

navigabilité, car elle peut être combattue par des preuves de présomptions contraires281.

277
Les domaines couverts par les sociétés de classification de la navigabilité du navire sont les matériaux, la
solidité des structures, les installations électriques et frigorifiques, la protection contre l’incendie et la
stabilité.
278
M. FERRER, préc., note 251, no 220, p. 117
279
Ferrer note : « Les sociétés de classification se désengagent dans leurs Règlements de toute garantie de
navigabilité afin d’éviter toute action récursoire de la part du transporteur dont la responsabilité serait engagée
sur le fondement de l’obligation de navigabilité. » : id., no 222, p. 117.
280
Les clauses au connaissement qui prévoient que les certificats de classification constituent une preuve
irréfragable de la navigabilité du navire sont considérées par la jurisprudence comme nulles en se basant sur
l’article III (8) de la Convention de Bruxelles qui dispose : « Toute clause, convention ou accord dans un
contrat de transport exonérant le transporteur ou le navire de responsabilité pour perte ou dommage
concernant des marchandises provenant de négligence, faute ou manquement aux devoirs ou aux obligations
édictées dans cet article ou atténuant cette responsabilité autrement que ne le prescrivent les présentes Règles,
sera nulle, non avenue et sans effet. » Voir : The Austrilia Star, [1940] 67 Ll.List.L.Rep. 110 (Adm. Div.);
Paraskevopoulos, préc., note 205, 225.
281
M. FERRER, préc., note 251, no 247, p. 127.
86
Autrement dit, « la production des certificats de visite et d’inspection ainsi que les

attestations d’experts constituent une présomption favorable pour le transporteur; mais il ne

s’agit pas d’une présomption irréfragable. »282 Le caractère relatif de ces certificats a été

démontré dans plusieurs décisions.

La Cour suprême du Canada dans son arrêt Goodfellow Lumber Sales Ltd. v.

Verreault283 déclara ainsi que le certificat de navigabilité n’était pas suffisant pour prouver

l’exercice de la diligence raisonnable du transporteur284.

Ce raisonnement a pour fondement le fait que l’écart de temps entre la délivrance du

certificat de classification et la survenance du dommage est souvent assez considérable. Par

exemple, le transporteur se rend compte de la nécessité d’effectuer des réparations relatives

à un appareil du navire à un port d’escale et ignore de les effectuer285.

Un autre type de cas a trait aux certificats de dératisation. Une décision du 9 mars

1962 par le tribunal de Rouen a jugé que la délivrance du certificat de dératisation, s’il

mettait le navire en règle avec les autorités sanitaires286, ne dégageait pas le transporteur de

son obligation de mettre les cales en état convenable pour la réception de la cargaison :

« […] il ne peut par ailleurs pas être sérieusement soutenu que la


présence de rats en quantité suffisante pour faire des dégâts aussi
importants que ceux constatés ait pu échapper à une diligence
raisonnable, cela d’autant plus que le navire ayant à transporter une
cargaison dont les rats sont friands, son capitaine et ses préposés
devaient apporter le plus grand soin à prévenir des avaries de ce

282
Claude CHAIBAN, Causes d’exonération du transporteur maritime marchandises; étude en droit libanais,
français et anglo-saxon, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1965, p. 121.
283
[1971] R.C.S. 522, 541.
284
Voir : Louise, [1943] A.M.C. 1246 (D. Md.1943); West Kyska, 155 F.2d 687, 682, [1946] A.M.C.
997, 1004 (5 th Cir. 1946). Voir aussi : C.A. Rouen, 11 juin 1948, D.M.F.1950.65; C.A. Paris, 12 décembre
1972, D.M.F.1973.292; Sentence arbitrale, 3 janvier 1996, D.M.F.1996.830.
285
The Turret Crown, 297 F. 766, [1924] A.M.C. 253 (2nd Cir. 1924).
286
Aujourd’hui, en vertu du Règlement sanitaire international (2005), les navires internationaux sont tenus
d'obtenir un certificat de contrôle sanitaire du navire ou un certificat d'exemption de contrôle sanitaire du
navire tous les six (6) mois. Les certificats de contrôle sanitaire du navire remplacent le certificat de
dératisation exigé par le Règlement sanitaire international (RSI) de 1969.
87
fait; que le certificat de dératisation dont il est fait état mettait peut-
être le navire en règle avec les autorités sanitaires des ports touchés
mais ne dégageait pas son obligation de mettre les cales en bon état
pour s’assurer la conservation de la marchandise particulièrement
délicate qu’il devait transporter, cela d’autant plus que ledit
certificat arrivait à expiration et qu’il devait être particulièrement
vigilant sur ce point. »287

En revanche, la présomption de fait du certificat de navigabilité devient une

présomption de droit de l’innavigabilité du navire si le transporteur n’en dispose pas ou que

la société de classification le retire288, compte tenu du mauvais état du bâtiment; ou encore

quand le transporteur néglige les mentions à respecter sur le certificat. Le navire serait

présumé innavigable en tant que « continuité logique de (la) diligence imposée. »289 Par

exemple, lorsque la coque du navire se brise en naviguant sur la glace, alors que le certificat

mentionnait clairement l’interdiction de naviguer sur des eaux glaciales.

Dans l’affaire Canadian National Railway Company v. E. and S. Barbour Limited,

il a été déclaré ce qui suit :

« The Henry Stone was not dispatched on ‘ice free’ voyage but
rather on a voyage during which it was expected that she would be
navigated in ice conditions which the master did not consider
‘infavorable’. The event proved that the vessel was unseaworthy for
navigation even under such conditions and as no steps were taken
by the appellant between the date of the steamship inspection and
the date of the losses to fit the Henry Stone ‘to be navigated on ice’,
I do not think that it can be said that the carrier has discharged the
burden of proving the exercise of due diligence. »290

287
Trib. com. Rouen, 9 mars 1962, D.M.F.1963.407.410 et 411.
288
C.A. Paris, 9 janvier 1973, D.M.F.1973.345; C.A. Aix-en-Provence, 28 février 1984, D.M.F.1985.402.
289
M. FERRER, préc., note 251, no 258, p. 131. Un autre exemple de diligence est illustré dans l’arrêt de la
Cour d’appel de Paris qui affirme que le transporteur « ne peut invoquer des attestations du Bureau Veritas
rédigées de façon trop générale pour entraîner la preuve d’un tel vice. […] cet armateur ne peut d’ailleurs
prétendre avoir exercé la diligence raisonnable lui incombant lorsqu’il a refusé la montée à bord, aux fins de
vérifications, d’un expert du Lloyd’s Register mandaté par l’affréteur. » : C.A. Paris, 19 juin 1959,
D.M.F.1960.86.
290
Canadian National Railway Company v. E. And S. Barbour Limited, [1963] R.C.S. 323, 328.
88
En conclusion, les certificats de classification sont un élément parmi d’autres qui

peuvent servir à prouver la navigabilité ou non du bâtiment. Leur force probante, mais non

irréfragable fait appel à d’autres moyens et documents de preuve qui sont à la portée

exclusive du transporteur. En revanche, l’application du Code international de gestion de la

sécurité des navires peut offrir aux deux parties au contrat de transport plusieurs documents

à titre de preuve (B).

B- Le Code international de gestion de la sécurité des navires (ISM) et


les documents de navigabilité

Suivant les cas notoires Herald of Free Enterprise291, Braer292 et Estonia293 qui ont

gravement porté atteinte à l’environnement294, l’Organisation maritime internationale

(OMI) a pris l’initiative de mettre en place un Code international de gestion de la sécurité

des navires et de la prévention de la pollution (code I.S.M. : International Safety

Management), adopté en 1993, dont l’entrée en vigueur au Canada est le 1er juillet 1998295.

Il a pour objet d’établir au sein des compagnies maritimes un système de gestion pour la

sécurité de l’exploitation des navires et de la prévention de la pollution. Ce texte est

reproduit au chapitre IX de la Convention internationale sur la sauvegarde de la vie

humaine en mer (SOLAS).

291
Consulter en ligne :
<http://www.maib.gov.uk/publications/investigation_reports/herald_of_free_enterprise/herald_of_free_enterp
rise_report.cfm > (consulté le 14 avril 2009).
292
Consulter en ligne : <http://en.wikipedia.org/wiki/Braer> (consulté le 14 avril 2009).
293
Consulter en ligne : < http://www.onnettomuustutkinta.fi/estonia> (consulté le 14 avril 2009).
294
Voir : Martine RÉMOND-GOUILLOUD, « Pollution des mers et droit : un choc de civilisations », 699
D.M.F.2009.98.
295
Au Canada, la mise en œuvre du Code I.S.M. touche environ trente navires auxquels s’applique la
Convention, dont les navires sont exploités par moins de dix compagnies, en ligne :
<http://www.gazette.gc.ca/archives/p2/1998/1998-07-08/html/sor-dors348-fra.html> (consulté le 14 avril
2009). Voir : Règlement (CE) no 336/2006 du Parlement européen.
89
Ce système de gestion est instauré par l’application d’un certain nombre de

procédures, afin de garantir la sécurité des opérations à bord des navires, lors d’un incident

ou d’un accident, et aussi pour la prévention de la pollution. Ce sont l’équipage et le

personnel à bord des navires qui veillent à respecter la bonne exécution de ces procédures,

ce qui implique l’embauche d’employés hautement qualifiés296, une formation continue et

un entraînement pratique fiable. Ces systèmes permettent aux membres de l’équipage d’être

attentifs et vigilants, afin d’éviter au maximum les incidents à bord.

Le code I.S.M. énonce dans son article 1.4 les modalités pratiques à suivre :

« Chaque compagnie devrait établir, mettre en œuvre et maintenir


un système de gestion de la sécurité qui comporte les modalités
pratiques suivantes :
1.4.1. une politique en matière de sécurité et de protection de
l’environnement;
1.4.2. des instructions et des procédures propres à garantir la
sécurité de l’exploitation des navires et la protection de
l’environnement, conformément à la réglementation internationale
et à la législation de l’État du pavillon pertinentes;
1.4.3. une hiérarchie et des moyens de communication permettant
aux membres du personnel de bord de communiquer entre eux et
avec les membres du personnel à terre;

296
Le code ISM dans son article 6 affirme ce qui suit :
« 6.1. La compagnie devrait s’assurer que le capitaine :
6.1.1. a les qualifications requises pour commander le navire;
6.1.2. connaît parfaitement le système de gestion de la sécurité de la compagnie; et
6.1.3. bénéficie de tout l’appui nécessaire pour s’acquitter en toute sécurité de ses tâches.
6.2. La compagnie devrait s’assurer que chaque navire est doté d’un personnel navigant qualifié, breveté et
ayant l’aptitude physique requise conformément aux prescriptions internationales et nationales pertinentes.
6.3. La compagnie devrait établir des procédures pour garantir que le nouveau personnel et le personnel
affecté à de nouvelles fonctions liées à la sécurité et à la protection de l’environnement reçoivent la formation
nécessaire à l’exécution de leurs tâches. Les consignes qu’il est essentiel de donner avant l’appareillage
devraient être identifiées, établies par écrit et transmises.
6.4. La compagnie devrait veiller à ce que l’ensemble du personnel intervenant dans le système de gestion de
la sécurité de la compagnie comprenne de manière satisfaisante les règles, règlements, recueils de règles,
codes et directives pertinents.
6.5. La compagnie devrait établir et maintenir des procédures permettant d’identifier la formation
éventuellement nécessaire pour la mise en œuvre du système de gestion de la sécurité et veiller à ce qu’une
telle formation soit dispensée à l’ensemble du personnel concerné.
6.6. La compagnie devrait élaborer des procédures garantissant que le personnel du navire reçoive les
renseignements appropriés sur le système de gestion de la sécurité dans une ou plusieurs langue(s) de travail
qu’il comprenne. »
90
1.4.4. des procédures de notification des accidents et du non-respect
des dispositions du présent code;
1.4.5. des procédures de préparation et d’intervention pour faire
face aux situations d’urgence; et
1.4.6. des procédures d’audit interne et de maîtrise de la gestion. »

Cet article ne fait que traduire les bonnes pratiques qu’un transporteur diligent doit

effectuer pour assurer la navigabilité de son navire297. Par conséquent, les documents exigés

par le présent code constituent un moyen objectif pour prouver la navigabilité du navire.

Comme le mentionne Anderson, le Code I.S.M. touche trois points essentiels du régime de

responsabilité : « Say what you do; Do what you say that you do; Show that you do what

you say that you do! »298

L’application de ce code permet aux chargeurs et transporteurs de disposer d’une

documentation abondante pour prouver ou pas la navigabilité du navire. Les dispositions de

l’article 10 de ce texte sur le maintien en bon état le navire299 exigent une documentation

pointilleuse de chaque mesure prise à bord ou par l’entreprise maritime, ainsi qu’une

supervision efficace de l’état technique du bâtiment. Le code I.S.M. dépend, dans une large

297
Voir : Ph. ANDERSON, « ISM and ISPS Codes- Influence on the Evolution of Liabilities », International
Colloquium on Maritime Legal Liabilities, 14-15 September 2006, The Institute of International Shipping and
Trade Law, University of Wales, Swansea. En ligne :
<http://www.ismcode.net/papers_and_articles/papers_and_articles.html> (consulté le 20 avril 2009).
298
Id., p. 2.
299
« 10.1. La compagnie devrait mettre en place des procédures permettant de vérifier que le navire est
maintenu dans un état conforme aux dispositions des règles et des règlements pertinents ainsi qu’aux
prescriptions supplémentaires qui pourraient être établies par la compagnie.
10.2. Pour satisfaire ces prescriptions, la compagnie devrait veiller à ce que :
10.2.1 des inspections soient effectuées à des intervalles appropriés;
10.2.2 toute irrégularité soit signalée, avec indication de la cause éventuelle, si celle-ci est connue ;
10.2.3 les mesures correctives appropriées soient prises; et que
10.2.4. ces activités soient consignées dans un registre.
10.3. La compagnie devrait établir dans le cadre du système de gestion de la sécurité des procédures
permettant d’identifier le matériel et les systèmes techniques dont la panne soudaine pourrait entraîner des
situations dangereuses. Le système de gestion de la sécurité devrait prévoir des mesures spécifiques pour
renforcer la fiabilité de ce matériel et de ces systèmes. Ces mesures devraient inclure la mise à l’essai à
intervalles réguliers des dispositifs et du matériel de secours ainsi que des systèmes techniques qui ne sont pas
utilisés en permanence.
10.4. Les inspections mentionnées au paragraphe 10.2 ci-dessus ainsi que les mesures visées au
paragraphe 10.3 devraient être intégrées dans le programme d’entretien courant. »
91
mesure, de la documentation imposée aux sociétés maritimes. Le navire devrait détenir le

document de conformité (DOC), le certificat de gestion de la sécurité (SMC), le document

de conformité provisoire et le certificat provisoire de gestion de la sécurité. En outre, le

Code I.S.M. exige que le navire mette à jour la documentation exigée pour la sécurité du

navire et sa navigabilité (graphiques, cartes300, manuels, etc.).

L’article 11 du Code affirme que :

« 11.2. La compagnie devrait s’assurer que :


11.2.1 des documents en cours de validité sont disponibles à tous
les endroits pertinents;
11.2.2 les modifications apportées à ces documents sont examinées
et approuvées par le personnel compétent; et
11.2.3 les documents périmés sont rapidement retirés.
11.3. Les documents utilisés pour décrire et mettre en œuvre le
système de gestion de la sécurité peuvent faire l’objet du "manuel
de gestion de la sécurité". Ces documents devraient être conservés
sous la forme jugée la plus appropriée par la compagnie. Chaque
navire devrait avoir à bord tous les documents le concernant. »

Ce système de contrôle de la documentation permettra de connaître le nombre de

copies en circulation et les endroits où elles doivent se trouver, de garantir que toutes les

copies en circulation sont à jour et que les documents obsolètes sont retirés, remplacés et

détruits.

À la lumière de ce qui précède, l’application effective du Code I.S.M. permettra aux

juges d’apprécier la diligence raisonnable du transporteur à mettre le navire en parfait état

de navigabilité sous une nouvelle optique plus fiable301. La preuve de la faute personnelle

300
Voir : Rey Banano Del Pacifico CA. and Others v. Transportes Navieros Ecuatorianos and Another (The
Isla Fernandina), [2000] 2 Ll.L.Rep. 15 (Q.B.).
301
Le professeur Anderson ajoute que : « What had changed, and what will, in my opinion, influence the
evolution of marine liability claims and disputes is the expectation, by potential claimants and the Courts, of
the existence of specific ‘objective evidence’. Prior to ISM implementation deadlines it may well have been
‘hoped’ that such evidence would exist- it can now be presumed that it will exist or, if it does not, then the
ship operator may need a very good explanation as to why it does not exist! », dans Ph. ANDERSON, préc.,
note 297, p. 11.
92
du transporteur pour les cas exceptés d’incendie de l’article IV (b) ou celui de l’article IV

(q)302 sera ainsi plus facile à établir303.

L’appréciation sera mesurée selon les certificats et documents S.M.S., ainsi que par

l’examen des rapports d’audits internes réguliers, des rapports d’audits signalant les non-

conformités et les actions correctives, des rapports constatant les corrections apportées,

minimisant de la sorte les situations d’urgence et l’anticipation de situations dangereuses.

La responsabilité du transporteur maritime dépendra du respect des procédures exigées par

le Code304, ce que souligne Tassel :

« La preuve du caractère personnel de la faute sera facilitée par le


nouveau code I.S.M. (international safety management). En
nommant un ‘monsieur sécurité’ chargé dans chaque entreprise de
suivre cette question et d’en faire rapport aux dirigeants, ceux-ci ne
pourront plus se retrancher derrière le fait que la faute commise par
un membre de l’entreprise ne peut leur être imputée, car par
hypothèse ils auront été informés par le préposé chargé de la
sécurité et, dans le cas contraire, il leur sera dit qu’ils ont commis
personnellement la faute de ne pas surveiller correctement ce
préposé. »305

Par ailleurs, l’application du Code I.S.M. révèle, à notre avis, un point très

fondamental, celui de la durée de l’obligation d’exercer la diligence raisonnable quant à la

navigabilité du bâtiment représentée par la Convention de Bruxelles. La période avant et au

début du voyage des Règles de La Haye/Haye-Visby continuera à créer des difficultés au

sein des tribunaux et des conflits de lois, selon les textes récemment adoptés. Le présent

302
Infra, p. 190.
303
Voir: Marylena Mendoza GARCIA, The ISM Code: A Reexamination of Certain Maritime Law Principles,
mémoire de maîtrise en droit, Montréal, Institut de droit comparé, Université McGill, 2001.
304
Dans l’arrêt, The Lady Gwendolen, le transporteur a été jugé responsable de l’innavigabilité de son navire,
parce qu’il n’a pas donné les instructions nécessaires au capitaine et à l’équipage sur les procédures de
sécurité à suivre, manquement qui a donné lieu à la collision. The Lady Gwendolen, [1965] 1 Ll.L.Rep. 335
(C.A.).
305
Yves TASSEL, « La spécificité du droit maritime », Académie de la Marine, le 6 décembre 2000, p. 5, en
ligne : <http://www.droit.univ-nantes.fr/labos/cdmo/centre-droit-maritime
oceanique/cdmo/neptunus/nept/nep21/nep21_1.pdf > (consulté le 14 avril 2009).
93
code exige que le transporteur ou la compagnie maritime, afin d’assurer sa conformité avec

les exigences établies, doive assurer la validité des certificats I.S.M. Ce qui signifie que le

transporteur doit veiller à ce que le navire soit en bon état de navigabilité en tout temps.

Nous estimons ainsi que le texte de Bruxelles doit être revu en faveur d’une

obligation continue, surtout que certains « membres de l’Association internationale des

sociétés de classification et des mutuelles de protection et d’indemnisation (clubs de P et I)

ont déjà annoncé qu’ils envisagent sérieusement de refuser la certification ou la couverture

d’assurance à moins que les compagnies n’aient mis en œuvre le Code ISM. »306

Il est évident que le Code I.S.M. ne fait ni partie des Règles de La Haye/Haye-Visby

ni des règles subséquentes307. Néanmoins, les documents qu’exige la navigabilité à l’heure

actuelle font appel à son application pour assurer l’exercice de la diligence raisonnable308.

Ce renforcement des mesures de sécurité offre une nouvelle option aux juges pour

apprécier l’obligation de navigabilité, puisque les éléments de preuve seront nécessairement

plus accessibles et faciles à apporter309. Le propriétaire du navire verra sa responsabilité

plus aisément impliquée, car les moyens de prouver sa faute pourront être fournis parmi la

panoplie d’informations générées par le système mis en place par ses soins, à partir de la

documentation exigée par le Code. Si ce système comporte des anomalies, il pourra être

306
<http://www.gazette.gc.ca/archives/p2/1998/1998-07-08/html/sor-dors348-fra.html> (consulté le 14 avril
2009).
307
Infra, p. 202 et 271.
308
Cependant, les documents sans lien direct avec le navire ou la cargaison ne promettent en rien le statut
navigable du bâtiment de transport. Dans l’affaire Tossa Marine Co Ltd. v. Alfred C. Toepfer
Schiffahrtsgesellschaft (The Derby), [1985] 2 Ll.L.Rep. 325 (C.A.), un navire qui transportait une cargaison à
destination du Portugal, il procéda, une fois arrivé au port de Leixões, au déchargement de sa marchandise.
Lors de cette opération, un représentant de la Fédération des employés de transport (Transport Workers
Federation, I.T.F) a demandé au propriétaire du navire s’il disposait de la carte bleue de l’I.T.F qui représente
en fait le certificat ou la garantie que le navire respecte le taux horaire des salaires de l’équipage ainsi que
leurs conditions de travail. Suite à l’absence de ce certificat, le T.I.F. a ordonné la suspension du chargement
jusqu’à ce qu’ils arrivent à un arrangement, ce qui engendra des retards. Toutefois, le juge Hobhouse a
affirmé que la carte bleue n’a pas de rapport avec les documents obligatoires à la navigabilité.
309
Cf. Alexandra BELLAYER-ROILLE, Le transport maritime et les politiques de sécurité de l’union
européenne, Éditions Apogée, 2000.
94
utilisé contre lui; si au contraire il fonctionne adéquatement, il pourra constituer une preuve

de l’exercice de sa diligence raisonnable à mettre et à maintenir son navire en parfait état

de navigabilité.

Les décisions récentes démontrent une appréciation du nouveau code. La décision

The Torepo310 en est un exemple éloquent. Elle met en cause un pétrolier qui disposait du

S.M.S et avait franchi le stade final de préparation de la certification I.S.M. Toutefois, il

ressort clairement de l’arrêt que le juge Steel avait à l’esprit les principes du Code I.S.M,

lors de l’examen de la preuve dans cette affaire. L’incident a entraîné une erreur dans la

navigation du navire. Les demandeurs tentaient d’attaquer l’ensemble du système S.M.S.

Or, le juge a précisé que le transporteur a respecté les procédures de la navigation et de

gestion de pont pour mettre son bâtiment en bon état de navigabilité. Le fait que les chartes

procurées par le capitaine étaient défectueuses n’affecte pas la navigabilité du navire311.

En résumé, l’analyse des différents aspects de la navigabilité démontre les

difficultés de la mise en œuvre et l’appréciation de cette obligation du transporteur sous le

régime de la Haye/Haye-Visby, en particulier quant à son contenu, sa durée et au régime de

preuve. De l’imprécision du texte de Bruxelles résulte des solutions divisées au sein des

tribunaux. Cette réalité fait en sorte que son appréciation demeure une affaire de juges312 en

ce qui concerne la nature du navire, son âge, la particularité de la cargaison, les eaux

310
[2002] 2 Ll.L.Rep. 535 (Adm. Ct.).
311
Le Juge Steel affirme : « Passage planning is not a science. There is inevitably an element of judgment as
to what annotations need to be added to the chart (or recorded elsewhere). I certainly accept that the passage
plan would have been improved by the addition of the three matters referred to. But it must be remembered
that the passage was not prepared by the master or officers of Torepo whose expertise in this field is criticized
by the claimants. It was prepared by pilots who had regularly taken vessels through the Patagonian channels
with no recorded difficulty. » : The Torepo, préc., note 310, 549.
312
« No area of federal law is judge-made at its source to such an extent as is the law of admiralty » : Mitchell
v. Trawler Racer, Inc., 362 U.S. 539, 550 (1960).
95
navigables313 et le développement de l’industrie navale314. Sans contredit, la navigabilité

évolue avec le progrès technique, les normes de construction des navires315 et celles de

l’État de port.

De cette réalité, il semble qu’une obligation de navigabilité continue316 inciterait le

transporteur à être plus vigilant. En conséquence, il serait porté à adapter l’exercice de sa

diligence aux circonstances de fait et à la nature du voyage. De plus, la gestion du risque

serait beaucoup plus réalisable, car le transporteur fera en sorte de le prévenir par les

moyens de précautions à prendre317 et les assurances318 à contracter. L’inconvénient pour le

313
Des navires destinés à naviguer dans des eaux fluviales peuvent ne pas être navigables en eau de mer.
Voir: The Quebec Marine Insurance Company v. The Commercial Bank of Canada, préc., note 220; Paterson
Zochonis v. Elder Dempster, préc., note 159.
314
Dans l’affaire The Lendoudis Evangelos, préc., note 118, 306, il a été déclaré que :
« Seaworthiness must be judged by the standards and practices of the industry at the relevant time, at least so
long as those standards and practices are reasonable. »
315
Un exemple récent est celui des mesures prises par l’O.M.I, en exigeant la nécessité de double coque pour
les navires-citernes, ce qui a pour résultante l’innavigabilité de celui à simple-coque. Suite également au
désastre de l’Érika, la Communauté européenne a exigé que les pétroliers d’un poids égal ou supérieur à 500
tonnes doivent être munis d’une double coque. Règlement (CE) no 417⁄2002 du Parlement européen et du
conseil du 18 février 2002 relatif à l’introduction accélérée des dispositions en matière de double coque ou de
normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque. Voir aussi : Directive (CE) no 21⁄1995,
du Conseil du 19 juin 1995, sur le contrôle par l’État du port, J.O.C.E., no L 157 du 7 juillet 1995, p. 1,
modifiée par la Directive (CE) no 42⁄ 1998 de la Commission du 19 juin 1998. En revanche, certains pays
comme le Canada pensent que : « Quoiqu’il puisse sembler bénéfique d'utiliser une citerne à double paroi afin
de contenir les fuites, en fait, l’espace entre les parois des citernes à double paroi peut recueillir des
contaminants et retenir l'humidité, ce qui peut provoquer une corrosion accélérée. De plus, il est plus difficile
d'effectuer une inspection adéquate, afin de détecter cette corrosion potentielle entre les parois de la citerne.
Une inspection périodique efficace et adéquate des citernes de transport contribue dans une large mesure à
prévenir les fuites et autres défaillances. Comme les citernes à double paroi ont davantage tendance à corroder
et sont plus difficiles à inspecter, il se peut qu’elles se révèlent moins fiables à long terme, à moins que des
mesures plus perfectionnées ne soient prises pour effectuer des inspections périodiques. Nous ne croyons
donc pas que les citernes à double paroi soient nécessaires pour assurer la sécurité. » : Zenon LEWYCKY, «
Transport du carburant diesel et du mazout : Transports Canada n’exige pas de citernes à double paroi », en
ligne : <http://www.tc.gc.ca/tmd/bulletin/ete2008.html#article4> (consulté le 23 mai 2009).
316
La Convention de Hambourg et la Convention sur le contrat de transport international de marchandises
entièrement ou partiellement par mer établissent une obligation continue de navigabilité, ce que nous
examinerons dans notre seconde partie.
317
La qualité de l’équipage et la gestion du risque du facteur humain dépendent de ses moyens. En effet, « le
besoin du maximum de sécurité aura une incidence directe sur les conditions de travail de l’équipage
(formation continue et revalidation des compétences) et augmentation des salaires. Il faut mentionner que les
conditions de travail en milieu marin sont particulières : plusieurs mois à bord (de 3 mois jusqu’à un an et
plus), organisation du travail par quart (Transport maritime) ou bordée (Offshore) : fatigue, travail de nuit et
décalage horaire variable, équipages multi raciaux, culturels et confessionnels, éloignement quasi permanent
du marin du contexte familial ou affectif : de plus en plus de marins dépressifs, plus ou très peu de possibilités
de "décompresser" à terre quelques heures depuis les mesures de sûreté maritime découlant des attentats du 11
96
chargeur sera une augmentation du fret, mais il bénéficiera en contrepartie d’une assurance

au coût moins élevé. Un chargeur ne serait-il pas plus persuadé de se voir à payer un fret

élevé, tout en ayant l’assurance que sa cargaison est en bonnes mains, au lieu de se voir

infliger d’autres frais considérables et la charge des pertes de sa cargaison en cas d’avarie?

Au terme de notre étude sur l’obligation de navigabilité, passons au second chapitre

pour poursuivre l’analyse des difficultés d’application des Règles de La Haye/Haye-Visby,

en ce qui concerne le régime de responsabilité du propriétaire du navire. La longue liste des

cas exceptés demeure, nous le verrons, un handicap pour l’exécution de l’obligation

générale de prise de soins du transporteur qui remplace l’obligation de navigabilité pendant

le voyage maritime. De plus, le transporteur maritime bénéficie d’une limitation légale de

responsabilité qui lui est très favorable319.

septembre 2001. », en ligne : <http://www.afcan.org/dossiers_reglementation/ism_p18.html> (consulté le 27


nov. 2008).
318
Les conditions de navigabilité ont une incidence directe sur l’indemnisation des assureurs en cas de pertes
ou dommages des marchandises.
319
La Convention de Bruxelles de 1924 a retenu la base de calcul de la limitation prévue dans les Règles de
La Haye de 1921. En effet, l’article IV (5) de la Convention de Bruxelles de 1924 énonce que : « Le
transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises
ou les concernant, pour une somme dépassant 100 livres sterling par colis ou unité, ou l’équivalent de cette
somme en une autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n’aient été déclarées par
le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée au connaissement. » La limitation
est alors fixée à cent livres sterling ou à la valeur courante de 100 livres sterling or sur le marché libre par
colis ou unité.
Chapitre II — Le régime de responsabilité du propriétaire du navire

Avant de discuter des causes d’exonération du transporteur (section 1), signalons

que ce régime de responsabilité du propriétaire de navire s’applique lorsqu’il est constaté

que la marchandise a subi des dommages. Sous la Convention de Bruxelles, il existe deux

types possibles de dommage qu’un chargeur peut subir lors de l’exécution de son contrat de

transport : les pertes320 et les avaries aux marchandises. Or, la Convention reste muette

quant au retard comme cause de dommage, ce qui donne nécessairement lieu à des

divergences d’interprétation. La notion de retard est prise en considération uniquement dans

le cadre de l’article III (2) mettant à la charge du transporteur l’obligation de procéder « de

façon appropriée et soigneuse » au transport de la marchandise, c’est-à-dire lorsque la

marchandise subit un dommage matériel.

Cependant, confrontées au problème d’indemnisation des pertes économiques pour

retard, certaines décisions l’ont appliqué, en adoptant une interprétation extensive de

l’expression « pertes ou dommages aux marchandises ou les concernant » de l’article IV.5,

comme cause du dommage en matière de limitation de la responsabilité321.

320
La perte totale est définie comme « l’impossibilité pour le transporteur de présenter une quelconque trace
de la marchandise à la livraison, alors que l’ayant droit fait la preuve de la prise en charge » : Jacques
PUTZEYS, Droit des transports et droit maritime, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 208.
321
Dans l’affaire Anglo-saxon Petroleum Co Ltd v. Adamastos Shipping Co Ltd., le juge Duvelin avance à ce
propos ce qui suit :
« The words themselves are not qualified or limited by anything in the section. The Act is dealing with
responsibilities and liabilities under contracts of carriage of goods by sea, and clearly such contractual
liabilities are not limited to physical damage. A carrier may be liable for loss caused to the shipper by delay or
misdelivery, even though the goods themselves are intact. I can see no reason why the general words « loss or
damage » should be limited to physical loss or damage. » : Anglo-saxon Petroleum Co Ltd v. Adamastos
Shipping Co Ltd., (1957) 2 Q.B. 233 (C.A.). Voir aussi : G.H. Renton & Co. Ltd. v. Palmyra Trading
Corporation of Panama, préc., note 187; Commercio Transito Int. Ltd. v. Lykes Bros. Steamship Co
Inc.,[1957] A.M.C. 1188 (2nd Cir. 1957); St Lawrence Construction Ltd. v. Federal Commerce and
Navigation Co Ltd., (1985) 1 F.C. 767 (C.A. Fed.); C.A. Aix-en-Provence, 19 octobre 1988, D.M.F.1990.39.
Contra: United Merchants & Manufacturers Inc. v. U.S. Lines Co., 126 N.Y.S.2d 560 (1953); C.A. Aix-en-
Provence, 4 juin 1991, Revue Scapel 1991.103
98
Par ailleurs, la survenance du dommage offre au transporteur la possibilité de

s’exonérer s’il obéit à son obligation de navigabilité avant et au début du voyage. Nous

analyserons, en particulier, des causes d’exonération relatives au navire, pour passer ensuite

aux cas exceptés similaires aux événements de la force majeure.

Section 1 — Les cas exceptés relatifs au navire

Nous discuterons en premier lieu du cas le plus débattu et le plus complexe, celui du

cas de la faute dans la navigation et dans l’administration du navire, pour aborder

subséquemment le vice caché du navire et le cas d’innavigabilité.

Sous-section 1 — Faute dans la navigation et dans l’administration du


navire
En vertu de l’article IV. 2 (a) de la Convention de Bruxelles, le transporteur ne sera

pas tenu responsable des dommages résultant « des actes, négligence ou défaut du

capitaine, marin, pilote ou autres préposés du transporteur dans la navigation ou dans

l’administration du navire ».

Cette faute constituant le noyau dur des cas exceptés de la Convention de Bruxelles

a fait couler beaucoup d’encre jusqu’à aujourd’hui.

D’inspiration anglo-saxonne, ce concept faults in the navigation or in the

management of the ship322, n’a pas été reçu facilement par les juges civilistes appliquant la

Convention de Bruxelles. Sa traduction a soulevé de nombreuses difficultés d’appréciation,

en raison du concept abstrait et ambigu auquel il réfère, tant du point de vue de la doctrine

322
« Les travaux préparatoires de la Convention de 1924 rappellent que l’expression ‘fault in management’
est apparue pour la première fois en 1885, dans un connaissement rédigé à la suite d’un accord entre le
Liverpool Steamship Owners Association et la New-York Produce Exchange consacrée par la suite, par le
législateur américain dans l’article 3 du Harter Act. » : Pierre Paul FIESCHI, Le particularisme des effets de
la grève et du lock-out sur la responsabilité du transporteur de marchandise par mer, thèse de doctorat en
droit, France, Université Aix-en-Provence, 1973, p. 192.
99
que de la jurisprudence. À titre d’illustration, Dor déclare la complexité de trouver

l’équivalent de cette faute en droit français :

« Je serai extrêmement obligé à Sir Norman Hill, s’il voulait me


dire comment nous allons traduire en français « navigation and
management». Je m’y suis essayé pendant dix ans au moins, je n’y
suis pas parvenu. »323

En principe, les problèmes que pose cette faute en ce qui a trait à sa définition et à

son appréciation sont éloquents. Néanmoins, elle est considérée comme une règle singulière

au droit maritime324 qui déroge au droit commun voulant que toute entreprise soit

responsable des conséquences des fautes de ses préposés. C’est dans cet esprit de droit

commun que le transporteur maritime est censé être tenu responsable des fautes de ses

agents et préposés, eu égard à la faute personnelle ou inexcusable du transporteur maritime

souvent évoquée. Le capitaine325 est en réalité un salarié et un mandataire du propriétaire

du navire. Pourtant, le cas de la faute dans la navigation et dans l’administration du navire

fait exception326.

323
Georges MARAIS, Les transports internationaux de marchandises par mer et la jurisprudence en droit
comparé, Paris, Libraire générale de droit et de jurisprudence, 1949, p. 140.
324
C’était une exception qui a pris naissance dans les connaissements à la fin du XIXe siècle. Voir : Hayn v.
Culliford, (1878) 3 C.P.D. 410, conf. par (1879) 4 C.P.D 182 (C.A.); The Carron Park, (1890) 15 P.D. 203;
Norman v. Binnington, (1890) 25 Q.B.D. 475.
325
Cf. Patrick CHAUMETTE, « Du capitaine responsable de la préservation du navire, de sa cargaison et de
la sécurité des personnes se trouvant à bord », XXVI A.D.M.O.2008.413.
326
Le professeur Tetley s’exprime sur les raisons historiques de cette singularité comme suit: « Error of
navigation and management is an exculpatory exception unique to ocean carriers, hearkening back to a time
when the carriage of goods by sea was a far more risky undertaking than it is today. No equivalent defence is
admitted in any other sector of modern transportation law. » : W. TETLEY, préc., note 261, p. 954. Il serait
légitime de s’interroger si cet état de fait a toujours cours de nos jours. Nous soutenons le point de vue de
Bonassies et Scapel lorsqu’ils avancent : « En mer, a-t-on observé, le capitaine échapperait à tout contrôle de
l’armateur. Ce n’était pas faux, avant le développement des télécommunications, mais cela ne justifiait pas
l’irresponsabilité. La faute nautique, observait-on aussi, mettant toujours en jeu la vie de l’équipage, même
potentiellement, ne pouvait être volontaire, mais seulement attribuable à une erreur involontaire. Mais n’est-
on pas responsable, en principe, de ses fautes involontaires? » : P. BONASSIES et Ch. SCAPEL, préc., note
62, p. 701.
100
L’appréciation de cette faute au sein des tribunaux a donné lieu à de multiples

interprétations et à différentes approches, telle la faute dans la navigation que l’on

distingue de la faute dans l’administration du navire. C’est en fait, le texte du Harter Act

qui a discerné entre les deux fautes, afin de partager les risques de la navigation. Ce texte

déclare :

« [...] neither the vessel, her owner or owners, agent, or charterers,


shall become or be held responsible for damage or loss resulting
from faults or errors in navigation or in the management of said
vessel [...] »327

Cette disposition avait ramené la distinction entre, d’une part les fautes commises

par les préposés du transporteur maritime dans la navigation et la gestion du navire (en

anglais, management) et d’autre part, les autres fautes de ses préposés, c’est-à-dire celles

commises lors de la manipulation de la marchandise pour laquelle le transporteur est

responsable en vertu de l’article III (2) de la Convention.

Doctrine et jurisprudence se sont efforcées par la suite de trouver des critères de

distinction entre les deux fautes. Cependant, nous observerons que cette distinction sera

source de difficultés quant à la qualification de la faute qui exonère le transporteur, à savoir

le caractère purement nautique. Les tribunaux demeurent divisés sur cette question et ne

sont jamais parvenus à dégager une solution unanime.

Une des premières décisions ayant établi une distinction claire entre les deux

concepts est l’affaire anglaise The Glenochil328. En l’espèce, un ingénieur de bord avait

pompé de l’eau dans le réservoir de lest pour assurer la stabilité du navire, sans inspecter

327
Harter Act, 13 février 1893, c. 105, sect. 3, 27 Stat. 445, 46 U.S. Code appendix sects. 190-196 at sect.
192.
328
73 L.T.R. 416 (Adm. 1896). Voir aussi: Gosse Millard v. Canadian Gov’t Merchant Marine, [1929] A.C.
223 (H.L.).
101
les tuyaux. La Cour a jugé qu’il s’agissait d’une faute dans la gestion du navire. Le juge

Jeune déclara :

« Il me semble que le terme management va plus loin, peut-être pas


beaucoup plus loin, que le terme navigation, mais assez loin pour
comprendre cette catégorie d’actes qui n’intéressent pas le
mouvement du navire, mais intéressent quand même le navire en
soi… mais la distinction que je veux faire maintenant est entre un
manque de soin à la cargaison et un manque de soin au navire
intéressant indirectement la cargaison. »329

À vrai dire, la faute dans la navigation a suscité peu de polémique, puisque

l’unanimité a admis qu’il s’agissait en principe de fautes que le capitaine, le préposé du

transporteur avaient commises dans la conduite du navire et la pratique de la navigation330.

Sont qualifiés de faute dans la navigation les actes qui n’obéissent pas aux règles de la

navigation. Ces fautes peuvent impliquer, à titre d’exemple, une fausse manœuvre du

capitaine entraînant l’échouement ou le heurt du navire contre le quai au moment de

l’accostage331, le fait de ne pas activer les sirènes par temps de brouillard, le choix de la

route à suivre332, les fautes commises dans la lecture des données radars333, les fausses

manœuvres d’entrée dans les ports ou une faute de pilotage334, etc. À titre d’illustration,

329
Traduit par C. CHAIBAN, préc., note 282, para. 186, p. 82.
330
The Germanic, 196 U.S. 589 (1905); Leon Bernstein Co. v. S.Wilhelmsen, 232 F.2d 771, [1956] A.M.C.
754 (5th Cir. 1956); General Foods Corp., Maxwell House Div. v. The Mormacsurf, 276 F.2d. 722, [1960]
A.M.C. 1103 (2nd Cir. 1960); Insurance Co. of North America v. S.S. Flying Trader, 306 F. Supp. 221, 225,
[1970] A.M.C. 432, 437 (S.D.N.Y.1970); General Cocoa Co. v. S.S. Lindenbank, [1979] A.M.C. 283
(S.D.N.Y. 1979).
331
Trib. com. Marseille, 27 avril 1951, D.M.F.1952.104.
332
C.A. Paris, 24 avril 1992, D.M.F.1993.142, obs. P. BONASSIES.
333
The Irish-Spruce, [1977] A.M.C. 780 (2nd Cir. 1977).
334
Il est à noter que du moment où le transporteur est exonéré pour une faute du pilote, il a souvent recours à
la clause New Jason lui permettant de bénéficier du régime de l’avarie commune. Un exemple de cette clause
est le suivant : « En cas d'accident, danger, dommage ou sinistre se produisant avant ou après le début du
voyage et provenant d'une cause quelconque, due ou non à la négligence, dont le transporteur n’est pas
responsable et des conséquences desquelles il ne répond pas légalement, contractuellement ou autrement, le
marchand devra contribuer avec le transporteur aux avaries communes, au paiement de tout sacrifice, perte ou
frais ayant le caractère d'une avarie commune qui pourraient être effectués ou subis, et payera les frais de
sauvetage et les dépenses spéciales encourues du fait des marchandises. Si le navire sauveteur est la propriété
du transporteur ou exploité par lui, le sauvetage sera rémunéré d'une manière aussi complète que si le ou les
102
dans l’affaire Eisenerz G.m.b.H. v. Federal Commerce & Navigation Co. Ltd. (The Oak

Hill)335, le navire échoua par négligence du pilote. Il a été jugé qu’une erreur dans la

navigation avait été commise, même si aucun lien de causalité n’avait été établi entre les

dommages à la cargaison de fonte en gueuse et l’erreur du pilote. Le transporteur a été tenu

responsable, car la cargaison avait été endommagée faute de soins appropriés336. Pour

réparer la coque du navire, la marchandise a été déchargée. C’est lors de cette période de

déchargement qu’elle fut endommagée.

Pour ce qui est de l’expression faute dans l’administration du navire337, son

interprétation a soulevé plus de difficultés que celles concernant la navigation, du moment

où la bonne administration du navire implique le bon entretien du navire et celui de la

cargaison338. Plusieurs auteurs se sont exprimés sur cette difficulté :

« Often the same careless conduct involves both ‘‘care for’’ cargo
and ‘‘management of the vessel’’. As a result, it is difficult to apply
the concept in a standard manner. The facts of a case may produce
divergent interpretations and conclusions in different countries.
These differences lead to complex and unpredictable problems of
conflict of laws and more grounds for forum shopping.
Furthermore, when the two defaults concurrently cause damage or
loss, the Hague Rules and the Hague-Visby Rules have no direct

navires sauveteurs appartenaient à des tiers. »:


<http://www2.fednav.com/francais/connaissementmaritime.html> (consulté le 10 mars 2009).
335
[1974] R.C.S. 1225. Voir aussi: Complaint of Grace Line Inc. 397 F. Supp. 1258, [1974] A.M.C. 1253
(S.D.N.Y. 1974); Usinas Siderurgicas de Minas Geras Usiminas v. Scindia Steam Navigation Co., Ltd., 113
F.3d 328, [1997] A.M.C. 2762 (5 th Cir. 1997).
336
Examiné à travers une jurisprudence abondante, le recours à l’obligation du transporteur de procéder de
façon appropriée et soigneuse au chargement, à la manutention, à l’arrimage, au transport, à la garde, aux
soins et au déchargement des marchandises transportées a bien limité l’application de cette faute.
337
Voir : G. MARAIS, préc., note 323, p. 140; R. COLINVAUX, préc., note 219, p. 222. Cf. René
RODIÉRE, « Faute nautique et faute commerciale devant la jurisprudence française », D.M.F.1961.451;
André CHAO, « Transport maritime : la faute nautique, une notion en perdition », B.T.L.1991.367.
338
Aux États-Unis, il y a deux définitions du terme administration du navire, sauf qu’il n’existe pas de
définitions claires sur les deux fautes nautique et commerciale : « The first one defines management as control
during the voyage of everything with which the vessel is equipped for the purpose of protecting her and her
cargo against the inroad of the seas. The second one defines management of the modern steamship as keeping,
checking and using machinery to operate navigation to deliver and diligently care for the carriage. Case law
however, did not clearly distinguish Vessel Management Default from Commercial Default » : E.-S. LEE et
S.- O. KIM, préc., note 51, 213.
103
provisions, resulting in difficulty constructing a clear standard
regarding the two defaults. »339

Le juge Sumner a également affirmé dans l’affaire Suzuki & Co Ltd. v. J. Bynon &

Co Ltd. ce qui suit :

«‘‘Error of management of the ship’’ has no precise legal meaning


and that its application depends on the facts, as appreciated by
persons experienced in dealing with steamers. »340

Il ressort de ces opinions que la difficulté de définir cette faute réside dans la

méthode à utiliser pour identifier le but de l’acte ou sa nature. En outre, l’arrêt précité

affirme expressément que chaque cas d’espèce doit être traité en fonction de ses propres

faits, et qu’il est impossible d’élaborer une règle générale en la matière.

Doctrine et jurisprudence, encore une fois, tentent d’établir des critères de

distinction en divisant cette faute en deux catégories : faute dans l’administration du navire

et faute dans l’administration de la cargaison. Cette distinction est née des obligations du

transporteur. D’abord, l’obligation de navigabilité fait en sorte que les préposés du

transporteur maritime ont une fonction purement nautique, celle de la conduite du navire.

Ensuite, l’obligation générale de prise de soin et d’entretien de la cargaison durant le

voyage maritime implique une fonction commerciale des préposés pour laquelle le

transporteur maritime ne saurait être exonéré en cas de faute.

Sans contredit, pour établir la distinction entre ces deux fautes, auteurs et juges ont

donc introduit des critères à partir de l’article III (2) de la Convention de Bruxelles. Ce

texte permet de déduire les fonctions commerciales du capitaine et des préposés qui

339
Id., 207. Voir aussi : G. MARAIS, préc., note 323, p. 144.
340
(1926) 42 T.L.R. 269, 274 (H.L.).
104
engagent la responsabilité du transporteur en cas de fautes commises lors des opérations de

chargement, de manutention, d’arrimage, de garde et de déchargement de la marchandise.

Toutefois, il n’est pas toujours aisé de tracer la frontière entre les deux fautes. Les

hésitations de la jurisprudence, voire même sa confusion, sont remarquables dans la mise

en application des différents critères de distinction possibles. Il s’agit de la destination de

l’opération fautive ou le but premier de l’acte (a), de la destination de l’appareillage ou les

éléments matériels (b) et de la sécurité du navire341(c).

Malgré le fait que les décisions soient peu coordonnées, le premier critère se partage

les faveurs des tribunaux nord-américains. En revanche, la France342 manifeste plus de

divergences, comme le fait remarquer le professeur Bonassies : « la simplicité du

raisonnement des tribunaux américains contraste ici avec les nuances et les incertitudes de

la jurisprudence française. »343

a) Le but premier de l’acte fautif

Examinons l’exemple notoire du professeur Rodiére, celui du branchement d’un

tuyau qui endommagea la cargaison. Il y est expliqué que si ce tuyau servait à la

sauvegarde ou au fonctionnement du navire, la faute est dans l’administration du navire344,

alors que s’il était utile à la sauvegarde de la marchandise, la faute est dans l’administration

341
Ce critère est basé sur le principe suivant : lorsque l’acte fautif compromet la stabilité et la sécurité du
navire, il doit être qualifié de faute dans l’administration du navire même s’il intéressait la marchandise.
Autrement dit, quelle que soit la destination de l’acte fautif ou les appareils ou équipements utilisés, la faute
est nautique dès lors qu’elle met en danger la sécurité du navire.
342
« […] les magistrats français, habitués qu’ils sont à sanctionner tout entrepreneur pour la faute de ses
préposés, voient un peu en elle un « statut odieux », qu’il faut appliquer de la manière la plus rigoureuse, la
plus étroite que possible (odiosa sunt restringenda, disait-on jadis). » : P. BONASSIES et Ch. SCAPEL,
préc., note 62, no 1095, p. 701.
343
Pierre BONASSIES, « États-Unis d’Amérique, Jurisprudence 1979 - 1982 », D.M.F.1984.369.377.
344
Cass. 11 mars 1965, D.M.F.1965.408.
105
de la marchandise345. Autrement dit, il faut se demander qu’elle est la destination de l’acte

fautif. Ce critère ne tient pas compte du résultat. Si l’acte intéresse la conduite du navire, la

faute est dans l’administration du navire. Si l’acte intéresse la marchandise, la faute est dans

l’administration de la cargaison346.

C’est le principe établi par la jurisprudence anglaise dans l’affaire Gosse Millard v.

Canadian Gov’t Merchant Marine347, où le juge Greer a déclaré :

« If the cause of the damage is solely, or even primarily, a neglect


to take reasonable care of the cargo, the ship is liable, but if the
cause of the damage is a neglect to take reasonable care of the ship,
or some part of it, as distinct from the cargo, the ship is relieved
from liability; for it the negligence is not negligence towards the
ship, but only negligent failure to use the apparatus of the ship for
the protection of the cargo, the ship is not so relieved.»348

Dans le même sens, la Cour suprême du Canada dans l’affaire Kalamazoo Paper

Co. v. C.P.R. (The Nootka)349 a estimé comme faute dans la gestion du navire l’opération

inefficace de pompage lors de l’échouement du navire, car le but principal du pompage

était de sauver en premier le navire, puis la cargaison.

Aux États-Unis, la décision Grace Line, Inc. v. Todd Shipyards Corp350 adopte le

même raisonnement, tout en démontrant la difficulté d’établir la distinction entre les deux

fautes :

« Most of the cases have involved drawing the line between


negligence in care of the cargo, for which there is liability, and
negligence in navigation or management of the vessel, for which no

345
René RODIÉRE, Droit maritime, 8e éd., Paris, Dalloz, 1979, no 367, p. 357 et 358.
346
Le professeur Rodière précise dans ce sens que : « Intéresser n’est pas concerner. Un acte intéresse le
navire lorsqu’il est entrepris dans son intérêt et non pas lorsqu’il concerne les organes du navire. » :
R. RODIÉRE, préc., note 45 p. 264.
347
Préc., note 328, 103.
348
Id.
349
[1950] R.C.S. 356; voir: l’arrêt de la Cour suprême d’Australie, Minnesota Mining & Manufacturing Pty.
Ltd. v. The Ship Novoaltaisk, [1972] 2 N.S.W.L.R. 476 (N.S.W.S.C.); l’arrêt de la Cour d’appel de Singapour,
The Dagny Skou, [1980-1981] 1 S.L.R. 200 (C.A.).
350
500 F.2d 361, [1974] A.M.C. 1136 (9th Cir. 1974).
106
liability attaches. Obviously, carelessness in navigating or
managing a cargo-laden ship would simultaneously create a
foreseeable danger to the cargo; hence, it is not easy to draw a
distinct line. Yet read as a whole, the cases would seem to support
this test: if the act in question has the primary purpose of affecting
the ship, it is ‘‘in navigation or in management’’ but if the primary
purpose is to affect the cargo, it is not ‘‘in navigation or in
management’’... we are not looking for ultimate and indirect effects
when trying to determine whether an act is in navigation or
management of the ship. What we are looking for is whether the act
which is negligently done, or not done, is primarily directed at the
ship itself, or at something else. »351

En outre, la Cour suprême australienne de la Nouvelle-Galles du Sud (NSW) dans

son arrêt Caltex Refining Co. Pty. Ltd. v. BHP Transport Ltd. (The Iron Gippsland)352

soutient relativement à une contamination par vapeur du carburant diesel par une autre

cargaison de pétrole brut à travers le système à gaz inerte d’un navire-citerne, qui n’a pas

été isolé proprement de la cargaison de carburant diesel automobile353, ce qui suit :

« It is true that inert gas systems were installed on tankers


fundamentally for the protection of the vessel. However, the
purpose of the inert gas system is primarily to manage the cargo 354,
not only for the protection of the cargo but for the ultimate
protection of the vessel from adverse consequences associated with
that cargo. Thus, essentially the inert gas system is concerned with
the management of the cargo and, in my view, damage occasioned
to cargo by mismanagement of the inert gas system cannot be
categorised as neglect or fault in the management of the ship [...] I
must hold that the subject damage was not occasioned by an act of
neglect or default in the management of the ship but rather in the
management of the cargo. »355

351
Id., 374 et 375.
352
(1993) 34 N.S.W.L.R. 29, [1994] 1 Ll.L.Rep. 335 (N.S.W.S.C. 1993).
353
Les grands navires de transport de pétrole, de gaz ou de produits chimiques sont équipés d’un système à
gaz inerte qui remplit la partie supérieure du réservoir, en particulier au cours du chargement et du
déchargement des cargaisons. Dans les systèmes à gaz inerte, une surveillance de la concentration en oxygène
est nécessaire, afin de s’assurer du bon fonctionnement du système. Un entretien facile, un étalonnage sans
effort et une excellente fiabilité sont cruciaux pour l’équipement de surveillance de l’oxygène. En ligne :
<http://www.vaisala.fr/instruments/applications/marine/systemesaugazinerte> (consulté le 8 mars 2009).
354
Nous soulignons.
355
[1994] 1 Ll.L.Rep. 335, 348. Voir aussi l’arrêt de la Cour Suprême de Suède : Sjöförsäkrings AB Oresund
c. Rederi AB Iris, cité par Kaj PINEUS, « Jurisprudence suédoise », D.M.F.1963.439.
107
Plusieurs autres décisions ont suivi la même logique d’interprétation356. En

conséquence, lorsque la faute concerne en premier lieu la stabilité et l’équilibre du navire, il

s’agit d’une faute nautique. Quand la faute concerne directement la cargaison, elle est

commerciale. La terminologie française en ce sens facilite la compréhension. Il est question

de faute nautique quand il s’agit de la gestion propre du navire, c’est-à-dire lorsque l’acte

fautif aurait tout aussi bien pu être commis en l’absence de toute marchandise, car une telle

opération a nécessairement pour but la conduite du navire, son entretien et sa sécurité. La

faute commerciale en revanche concerne la gestion de la cargaison qui rentre dans

l’obligation d’entretien et de prise de soin de la marchandise par le transporteur.

Nonobstant, malgré son importance, ce critère n’est pas applicable dans tous les cas.

Une partie de la doctrine a d’ailleurs émis quelques réserves à cet égard. Pineau déclarera,

suite à la décision précitée, Gosse Millert Ltd. v. Canadian Merchant Marine Ltd357,

que cette solution est aléatoire, car ce principe laisserait au transporteur la possibilité de se

désengager de son obligation générale de prise de soin et de la garde de la marchandise358.

Par ailleurs, prenons le cas d’un système de réfrigération utilisé en même temps

pour la conservation des provisions du navire et de la cargaison. Quelle serait

l’interprétation des juges en cas de dommage?

Nous pensons que le test de la finalité de l’acte n’est plus opérationnel dans cette

situation. En ce sens, ce n’est pas la destination de l’acte fautif qu’il faut rechercher, mais

plutôt la destination de l’appareillage utilisé.

356
Voir : The Germanic, préc., note 330; Leon Bernstein Co. v. Wilhelmsen, préc., note 330, 773; General
Foods Corp. Maxwell House Div. v. The Mormacsurf, préc., note 330, 724; General Cocoa Co. v. S.S.
Lindenbank, préc., note 330, 294 et 295; Shaver Transportation Co. and Weyerhaeuser Co. v. The Travelers
Indemnity Co. 481 F. Supp. 892, 896, [1980] A.M.C. 393, 399 (d. Ore. 1980).
357
Préc., note 328.
358
J. PINEAU, préc., note 6, p. 202.
108
b) La destination de l’appareillage utilisé

C’est le critère des éléments matériels qui permet de veiller à l’application de

l’obligation générale de prise de soin du transporteur. Il a été évoqué dans notre premier

chapitre que les systèmes de réfrigération font parties intégrantes de l’aspect commercial de

la navigabilité, parce qu’ils autorisent la conservation des marchandises, spécialement à

caractère périssable. Ainsi, un dysfonctionnement des machines de réfrigération durant le

voyage relève de l’inexécution de l’obligation générale du transporteur de conserver la

marchandise transportée.

Reprenons l’exemple de Rodière sur les erreurs de branchement des tuyaux. Si les

tuyaux appartiennent à la machinerie du navire destinée pour son propre fonctionnement,

indépendamment de la conservation de la marchandise (comme le cas de refroidissement

moteur), il sera question de faute dans l’administration nautique du navire. Si, en revanche,

ces tuyaux font partie du système de conservation ou de chargement et déchargement de la

cargaison, la faute devra être qualifiée de commerciale.

La décision anglaise Foreman v. Federal S.N. Co, Ltd.359 corrobore cet état de fait.

Cette affaire porte sur une cargaison de viande surgelée ayant été chargée de Queensland à

destination de Liverpool. Lors de son arrivée, la marchandise était infestée, alors que le

connaissement stipulait son parfait état lors de son chargement. Le navire était doté de deux

machines de réfrigération ayant la capacité de fonctionner en alternance. Le chef ingénieur

ne s’est servi que d’une seule machine, ce qui a provoqué une variation de température

inférieure à celle recommandée pour la bonne conservation de la marchandise en question.

359
Foreman v. Federal S.N. Co, Ltd., [1928] 2 K.B. 424.
109
Le juge Wright a estimé le transporteur responsable, car il a manqué à son obligation de

prendre soin de la cargaison durant le voyage maritime :

« ‘‘Neglect or default… in the management of the ship’’ referred to


matters directly affecting the ship as a ship, and did not the
refrigerating machinery-which were provided solely for the care of
the cargo, and that therefore the carriers were liable under Art. III.,
r.2, of the Schedule for the damage.
In many cases of particular cargoes the effect of this construction of
the exception is entirely, and in other cases, largely, to neutralize
the positive obligation properly to care for the cargo. No doubt the
obligation is “subject to” the exception, but it is necessary to
construe the words of the obligation and the exception together so
as to decide if the words of the latter are explicit enough to justify
the effect which is contended for. » 360

Assurément, le navire et ses composantes nécessaires à la navigation doivent être

distingués des équipements et apparaux destinés au stockage et à la conservation de la

marchandise. La mauvaise utilisation des machines ou des équipements mis en place sur le

navire pour accueillir et conserver la marchandise doit être considérée comme une faute

commerciale, dans la mesure où seule la présence à bord de la marchandise explique cette

faute.

En revanche, la limite d’application ou la défaillance de ces deux critères de

distinction précités entre la faute d’administration du navire et la faute d’administration de

la cargaison a été révélée dans le cas d’opérations mixtes, à savoir d’actes qui présentent,

par leur nature, un caractère commercial et en même temps un caractère nautique. Deux

exemples significatifs méritent d’être retenus. Il s’agit du cas de l’arrimage et de celui du

ballastage361. Les juges adoptent différentes méthodes d’appréciation, en reconnaissant que

360
Id., 438.
361
Transport Canada définit cette opération comme suit : « Le terme ballast désigne tout solide ou liquide
transporté à bord de bâtiment pour en accroître le tirant d’eau, en modifier l’assiette, en assurer la stabilité ou
maintenir à un niveau acceptable les tensions imposées par la charge. Avant les années 1880, les navires
utilisaient des matières solides (p. ex., pierres, sable), qui devaient être pelletées dans les cales et enlevées de
110
ces deux fautes pouvaient aussi bien être qualifiées de faute dans l’administration du navire

et de faute dans l’administration de la marchandise.

Devant cette situation, nous avons retenu un autre critère de qualification, celui de la

sécurité du navire.

c) La sécurité du navire

Une question résume ce critère : l’acte fautif met-il en danger la sécurité et la

stabilité du navire? Si oui, il s’agit d’une faute nautique, même si elle intéresse uniquement

la marchandise. Sinon, il s’agit d’une faute commerciale. Ce critère est celui appliqué par la

jurisprudence française.

Or, l’hésitation des juges n’est pas exclue, car pareillement, ce critère comporte

aussi ses faiblesses. À l’aide de quelques exemples, nous observerons que l’appréciation de

l’acte fautif sur la base de la sécurité du navire ne tient pas compte de l’exécution de

l’obligation du transporteur de procéder de façon appropriée et soigneuse au chargement et

au déchargement, à la manutention et à l’arrimage de la marchandise. Le seul lien de cause

à effet incombant la faute serait la sécurité du navire.

Examinons d’abord le cas de l’arrimage. L’application du critère de la sécurité du

navire conduit à qualifier de nautiques les opérations d’arrimage. Dans un arrêt de la Cour

de cassation du 4 juillet 1972, les juges déclarent :

« L’arrimage de la cargaison constitue une opération qui relève des


attributions du capitaine et de la technique du marin en vue
d’assurer la sécurité du navire. En conséquence, la faute d’arrimage
constitue une faute nautique de nature à exonérer le transporteur

la même façon au moment du chargement des marchandises. Le ballast devait être bien arrimé pour éviter tout
ripage en conditions de grosse mer et, de là, toute déstabilisation du navire. Avec l'introduction des navires à
coque d’acier et de la technologie du pompage, l’eau s’est imposée comme le matériel de ballastage de
prédilection. L’utilisation de pompes permet de remplir et de vider facilement les ballasts et exige très peu de
main-d’œuvre. Tant que les ballasts demeurent bien remplis, la stabilité du navire est assurée. », en ligne :
<http://www.tc.gc.ca/securitemaritime/epe/environnement/ballast/definition.htm> (consulté le 12 mars 2009).
111
maritime des conséquences préjudiciables de sa responsabilité
contractuelle. »362

Nonobstant, cette décision est à notre sens mal fondée, car elle omet le fait qu’en

principe l’article III (2) de la Convention de Bruxelles fait de ces opérations un élément

important de l’obligation générale de prise de soin de la marchandise du transporteur

maritime363. La question demeure à savoir si ce critère suffit aux juges pour qualifier la

faute comme nautique.

L’incertitude de la jurisprudence met en relief l’inefficacité de ce critère. Dans son

arrêt du 26 février 1991364, la Cour de cassation française semble abandonner ce critère en

faveur du but de l’opération fautive, traditionnellement utilisé par la jurisprudence de la

common law. En l’espèce, au cours des opérations de déchargement, le navire Aude, qui

transportait du matériel arrimé sur des remorques, a pris une gîte d’environ 45 degrés

entraînant le désarrimage des autres remorques. Une partie de la cargaison a dû être jetée à

la mer pour éviter la perte du navire. C’est ainsi que la Cour de cassation statua :

« Mais attendu qu’ayant retenu souverainement que la gîte du


navire et le désarrimage consécutif d’une partie de la cargaison
avaient eu pour cause une faute de manutention commise au cours
du déchargement des marchandises, c’est à bon droit que la Cour
d’appel a décidé que cette faute avait un caractère commercial au
sens de l’article 4, paragraphe 2, de la Convention Internationale
(sic) de Bruxelles du 25 août 1924. »365

Pour ce qui est du cas de ballastage366, le critère de la sécurité du navire a mené aux

mêmes conséquences que celles de l’arrimage. Toutefois, le juge français semble également

362
Cass. 4 juillet 1972, D.M.F.1972.717.
363
Dans l’affaire The Anthony II, [1966] 2 Ll.L.Rep. 437 (U.S. Ct. 1966), le transporteur a été tenu
responsable de la perte de grues élévatrices due à un arrimage défectueux. Dans le même sens voir : Santa
Malta, [1967] 2 Ll.L.Rep. 391 (Ex. Can. Ct. 1967); Trib. com. Papeete, 24 février 1950, D.M.F.1951.93.
364
Cass. 26 février 1991, D.M.F.1991.358.
365
Id., 359.
366
Le ballastage est défini comme l’action « qui consiste à utiliser de l’eau de mer pour stabiliser le navire, en
pompant celle-ci dans des réservoirs affectés à cet usage, les ballasts, ou en la rejetant des ballasts. Lors des
112
revenir sur le critère de la destination de l’acte fautif. Les cours françaises ont récemment

distingué entre la faute de ballastage en tant que faute nautique, c’est-à-dire lorsqu’elle

concerne seulement la stabilité du navire et entre la faute de ballastage en tant que faute

commerciale367. À titre d’illustration, la Cour de cassation, dans son arrêt du 20 février

2001, déclare que l’opération de ballastage n’entraîne pas nécessairement le caractère

nautique de la faute commise au cours de cette opération.

« […] la cour d’appel, qui n’a pas précisé en quoi la faute avait
intéressé l’équilibre et la sécurité du navire et n’avait pas eu d’effet
que sur la marchandise transportée, n’a pas donné de base légale à
sa décision. »368

Manifestement, le transporteur invoque souvent l’exception de la faute nautique en

cas de ballastage impropre, sauf qu’il ne s’agit pas toujours d’une faute concernant le

navire seul. Cette opération s’attache aussi à la cargaison.

Soulignons à ce propos que la faute de ballastage est souvent considérée comme un

cas d’innavigabilité. Par conséquent, pour que le ballastage puisse être compris dans le

champ d’application du cas excepté de la faute nautique, il doit obéir à certaines

conditions369.

En premier lieu, la durée de l’opération de ballastage ne doit pas avoir lieu avant ou

au début du voyage, autrement il s’agit d’un cas d’innavigabilité de navire. La décision

Robin Hood Flour Mills v. N.M. Patterson (The Farrandoc)370 est éclairante à cet égard. En

opérations de pompage destinées à aspirer ou rejeter de l’eau de mer, des erreurs de vanne peuvent être
commises, le marin chargé de l’opération envoyant de l’eau de mer dans une citerne affectée au transport
d’une marchandise, pétrole ou vin par exemple, ou au contraire, rejetant à la mer cette marchandise, au lieu de
mer du ballast. » : P. BONASSIES et Ch. SCAPEL, préc., note 62, p. 706.
367
« Le caractère nautique de l’opération de ballastage n’entraîne pas nécessairement le caractère nautique de
la faute commise au cours de cette opération. » : Cass. 17 juillet 1980, D.M.F.1981.209.
368
Cass. 2 février 2001, D.M.F.2001.919.920.
369
W. TETLEY, préc., note 261, p. 970.
370
Préc., note 144.
113
l’espèce, au port de chargement, le second ingénieur a été formé pour pomper l’eau dans les

citernes, afin de stabiliser le navire. Il a malencontreusement tourné la mauvaise valve ou

soupape, ce qui a inondé une cargaison de grains. Durant le procès, il a été démontré

qu’ayant été envoyé par le Seaman’s Union qui contrôle ce type d’activité, cet ingénieur a

été engagé au début du voyage en disposant d’un certificat valide de second ingénieur.

Cependant, son expérience de travail et sa compétence professionnelle étaient méconnues.

De surcroît, il n’a pas reçu d’instructions pour rejoindre le navire et aucun plan de la salle

des machines n’avait été mis à sa disposition. Il a été jugé en première instance que la perte

n’était pas due à une faute nautique qui exonère le transporteur du moment où le navire

n’était pas mis en bon état de navigabilité avant et au début du voyage.

Les juges Thurlow et Gibson, souscrivant en appel, ont déclaré ce qui suit :

« What the rule requires is that the carrier see that the ship is
properly manned and equipped so far as the exercise of due
diligence can serve to secure it. To my mind a person taking
reasonable care for his own ship or cargo or seeking to discharge
this obligation even when told that the person to be employed in a
position involving responsibility held a qualifying certificate would
scarcely fail to make further enquiries as to his ability and
experience. Even after making such enquiries, he would, in my
opinion, enquire how far the man’s experience fitted him for service
in the particular ship and take steps to see that the man was
adequately instructed...»371

En second lieu, le mouillage de la marchandise est souvent imputé à l’ouverture

inadéquate ou inappropriée des sabords. Le transporteur doit prouver qu’il a exercé sa

diligence raisonnable en s’assurant de l’état des sabords et de leur bon fonctionnement.

Enfin, lorsque la citerne est mouillée, il est nécessaire de vérifier l’état de la

cargaison. L’omission du transporteur dans ce cas engage sa responsabilité pour faute

commerciale, car il a dérogé à son obligation de prise de soins de la marchandise.

371
Id.
114
Par ailleurs, un autre problème se pose quant à la qualification de la faute nautique.

Celui du cas où la cause du dommage représente d’une part une erreur dans la navigation et

dans l’administration du navire, et d’autre part, un manque de diligence raisonnable relatif

à l’obligation de navigabilité. Il est difficile de dégager un critère de distinction fixe dans la

mesure où il y a concurrence des deux fautes, car chacune doit être qualifiée séparément.

Nous pouvons distinguer deux situations dans ce cas : 1) la première concerne la

preuve de l’obligation de la navigabilité du navire. S’il est prouvé que le navire était

innavigable avant et au début du voyage, le transporteur perd son droit d’invoquer les cas

exceptés, comme il a été démontré dans notre premier chapitre. Donc, la concurrence des

deux fautes engage la responsabilité entière du transporteur.

Plusieurs décisions de hautes cours de justice ont appuyé ce raisonnement372. Une décision

américaine assez récente, Complaint of Ballard Shipping Co373, a jugé le transporteur

responsable, lorsque les éléments de preuve ont indiqué qu’il a manqué d’exercer sa

diligence raisonnable de la navigabilité du navire en raison d’un équipage incompétent

(fatigue extrême du capitaine) et à l’insuffisance des documents de transport (inadéquation

des chartes fournies). Aussi, la Cour suprême de Singapour dans l’affaire The Patraikos

2374 a estimé que le transporteur ne pouvait invoquer le bénéfice de l’article IV.2 (a), car il

a manqué à son obligation de diligence raisonnable quant à la navigabilité du navire, dû à

un équipage incompétent, du moment où le propriétaire du navire n’a ni vérifié ni formé le

second officier du navire, ce qui a donné lieu à l’échouement du navire et à la perte de la

cargaison.

372
The Walter Raleigh, 109 F. Supp. 520, 532 (S.D.N.Y. 1951).
373
823 F. Supp. 68, [1993] A.M.C. 1428 (D.R.I. 1993); voir: Sanko Steamship Co. Ltd. v. Sumitomo Austrilia
Ltd., [1995] 63 F.C.R. 227, 285 (C. Fed. Aust.).
374
[2002] 4 S.L.R. 232 (C.S. Singapore).
115
2) La seconde situation est plus complexe. Un exemple devenu classique est celui du

navire qui commence son voyage maritime avec des sabords ouverts. Souvent, au cours du

chargement ou du déchargement des marchandises, le capitaine ordonne l’ouverture des

sabords, en vue d’éclairer les cales pour faciliter les opérations de manutention des

cargaisons. Le navire peut par la suite quitter le port, sans que l’équipage porte attention à

la fermeture des sabords, surtout lorsque le temps ou le climat est calme. La situation peut

se complexifier, lorsque le navire est confronté à des conditions climatiques hostiles durant

le voyage. Ce cas a-t-il trait à une faute nautique ou plutôt à un mauvais état de la

navigabilité du bâtiment avant et au début du voyage?

Dans un arrêt du 5 mai 1950, la Cour de cassation française rejeta le pourvoi présenté

contre une décision d’appel qui a qualifié de faute nautique, la faute du capitaine ordonnant

l’ouverture des sabords pour les besoins de chargement, sans vérifier leur fermeture lors

d’une tempête au cours du voyage375.

C’est à l’évidence, la fermeture ou la non-fermeture des sabords lors d’une tempête

qui distingue la faute nautique du mauvais état de navigabilité376.

Encore, la récente affaire de Heidberg illustre avec justesse la limitation

d’application de cette faute. La Cour de Bordeaux a admis l’existence de la faute dans la

navigation et dans l’administration du navire, sans toutefois exonérer le transporteur de sa

responsabilité, en expliquant que : « si la faute du commandant du navire a bien été une

faute nautique puisqu’elle a été commise à l’occasion du pilotage du navire, cette faute a

375
Civ. 5 juin 1950, D.M.F.1950.423.
376
The Silvia, 171 U.S. 462 (S.C. 1898). Voir: C. CHAIBAN, préc., note 282, p. 92-93.
116
été elle-même la suite et le résultat des fautes de l’armateur qui ne s’était pas assuré de la

cohésion de l’équipage. »377

Cette décision nous paraît fondée, puisque le transporteur maritime ne pouvait

ignorer la situation. Il était raisonnablement conscient qu’« en faisant naviguer le navire en

l’absence de cette cohésion, l’armateur a pris le risque que ne puissent être surmontées les

difficultés rendant nécessaire la confiance du commandant dans chacun de ses hommes

pour accomplir sa mission »378. Par conséquent, le transporteur est fautif et c’est assurément

lui qui doit prouver que la cause du dommage est une faute purement nautique.

En résumé, se conformer aux critères déjà établis constitue toujours une démarche

efficace pour qualifier l’acte fautif; c’est le moyen de les appliquer379 à tous les cas de fait

qui se présentent devant les juges qui s’avère une tâche difficile. La pluralité des critères a

ainsi donné lieu à des solutions imprévisibles. La complexité d’appréciation du cas excepté

de la faute dans la navigation et dans l’administration du navire a rendu l’attitude des juges

assez variable et versatile, surtout du fait que la principale difficulté réside dans le fait que

tout est affaire de circonstances. Il est par conséquent malaisé de dégager des directives

générales de qualification en l’absence d’une définition claire du texte de Bruxelles.

L’appréciation des juges demeure de ce fait subjective. Les décisions de la jurisprudence

comme le précise Rodière « donnent trop souvent, par la pauvreté de leurs motifs,

l’impression que les tribunaux disent la faute nautique lorsqu’il leur paraît juste de libérer le

377
C.A. Bordeaux, 31 mars 2005, D.M.F.2005.839.
378
Id., 848.
379
Il est certain que ce standard distinctif est avantageux pour évaluer les risques de gestion des compagnies
de transport et pour identifier convenablement les responsabilités des assureurs du transporteur ainsi que du
chargeur, sauf que son application n’est pas aussi facile. Voir : E.-S. LEE et S.-O. KIM, préc., note 51, 207.
117
transporteur et la qualifient de commerciale quand il leur paraît équitable de le

condamner. »380

Une certaine sévérité jurisprudentielle est observée dans la littérature des décisions

récentes, de sorte que l’on n’accorde pas facilement le bénéfice de l’exonération du

transporteur pour ce cas excepté. En outre, les derniers accidents maritimes qui ont porté

gravement atteinte à l’environnement marin ont sensibilisé les juges sur la gravité de

l’erreur humaine constituant souvent la source du dommage381. Comme le souligne Tassel,

« là où sur terre la faute de l’homme produit un dommage limité, en mer la faute de

l’homme produit une catastrophe. »382

Cette approche restrictive est repérée souvent chez les juges civilistes français. Les

tribunaux français, en reconnaissant l’existence de cette faute, neutralisent ses effets en

cherchant dans le comportement du transporteur son manque de diligence quant à la

navigabilité du navire ou à son obligation d’entretien et de soins apportés à la

marchandise383.

Nous estimons que la distinction entre faute nautique et faute commerciale est

devenue inutile, parce que cette méthode ou ce standard malléable ne résout pas le

problème de la faute dans la navigation et dans l’administration du navire. Comme le font

remarquer certains auteurs, « administration du navire et administration de la cargaison

s’enchevêtrent de façon irrémédiable. Tout se tient dans un univers aussi restreint et aussi

intégré que celui d’un navire. »384

380
René RODIÉRE, « Faute nautique et faute commerciale devant la jurisprudence française »,
D.M.F.1961.451.459.
381
Infra, p. 142.
382
Y. TASSEL, préc., note 84, 151.
383
P. BONASSIES et Ch. SCAPEL, préc., note 62, p. 702.
384
Id., p. 704.
118
De ce fait, l’incertitude des juges persiste comme la « jurisprudence refuse de

considérer qu’une faute puisse être concomitamment nautique et commerciale »385. Soit, ils

sont moins rigoureux en accordant l’exonération au transporteur, sous le couvert de la faute

nautique386, alors qu’il n’a pas satisfait à son obligation essentielle de prendre soin de la

cargaison qui lui a été confiée, comme c’est souvent le cas en matière d’arrimage ou de

désarrimage défectueux ou en cas de ballastage; soit, ils font preuve de sévérité excessive,

comme cela a pu être observé dans les décisions récentes, en alourdissant le régime de

preuve, d’autant plus que les procédures varient d’un pays à l’autre. Il en résulte un régime

de preuve incohérent387 en raison d’interprétations divergentes.

Suivant ces conclusions, nous estimons que la faute dans la navigation et

l’administration du navire devrait être supprimée388, car elle ne doit pas empiéter sur les

obligations fondamentales du transporteur maritime.

Nous nous demandons si face à un compromis, la notion qui traduit la clause de

négligence (en anglais negligence clause) serait utile pour renvoyer à un litige futur la

résolution d’une difficulté survenue lors des négociations du texte de Bruxelles.

Or, la faute nautique demeure un élément crucial pour les juridictions des différents

pays qui ont choisi de maintenir la Convention de Bruxelles ou les Règles de La Haye-

385
Nicolas MOLFESSIS, « Requiem pour la faute nautique », dans P. BONASSIES, préc., note 2, à la page
228.
386
C.A. Aix en Provence, 14 mai 2004, D.M.F.2005.322; Trib. com. Marseille, 7 juillet 1950,
D.M.F.1951.398; Trib. com. Marseille, 7 février 1975, D.M.F.1976.43. Voir aussi : Leon Bernstein Co. v.
Wilhelmsen, préc., note 330, 772; McKinnon Co. v. Moore-McCormack Lines, [1959] A.M.C. 1842 (S.D.N.Y.
1959); Orient Ins. Co. v. United S.S. Co., [1961] A.M.C. 1228 (S.D.N.Y. 1961).
387
Il est malaisé de situer le fondement de ces règles et son régime de preuve. L’élément de la faute causant le
dommage joue tantôt en faveur du transporteur, sous l’appellation faute nautique, tantôt lui interdit
d’invoquer ou de bénéficier de l’exonération, comme pour les cas d’innavigabilité, faits inconnus de la lettre
(q) et d’incendie. Sans oublier la place de la faute dans le droit à la limitation.
388
Contra : Isabelle CORBIER, « Commentaires de trois décisions sur la faute nautique », D.M.F.2004.635.
Cf. Bertrand Sabadie, La faute nautique: un cas excepté en perte de sens ? Mémoire en vue de l’obtention du
D.E.A. de sciences juridiques de la mer, Nantes, Centre de droit maritime et océanique, Faculté de droit et de
sciences politiques, Université de Nantes, 1999.
119
Visby, puisque la Convention de Hambourg ainsi que les Règles de Rotterdam ont renoncé

à cette faute. Le progrès technique de la navigation justifie cet abandon. Chauveau souligne

à cet égard :

« Depuis que la voile est remplacée par la vapeur, la coque en bois


par la coque en acier, que le radar, la télégraphie et la téléphonie
sans fil sont d’usage courant, que les stations de radiogéométrie se
multiplient, l’éloignement s’amenuise et le marin est mieux armé
pour lutter contre les périls de la mer dont les risques paraissent
moins redoutables. Le Capitaine est plus facilement en contact avec
son armateur. »389

À notre sens, la présente position restrictive des juges justifie la désuétude de cette

faute. La jurisprudence est mieux placée dans ce cas à préparer « un requiem »390 pour cette

faute moribonde et anachronique391, surtout avec la mise en place des codes de sécurité

maritime (les Codes I.S.M. et I.S.P.S.)392.

Par ailleurs, la consécration de la Convention de Bruxelles des cas exceptés du vice

caché et d’innavigabilité du navire apportent davantage de nuances à ces règles, du fait de

la concurrence des deux cas au sein des tribunaux.

Sous-section 2 — Le vice caché du navire et le cas d’innavigabilité au


cours du voyage maritime

L’exonération du transporteur pour vice caché du navire suppose trois questions

centrales : 1. Qu’entend-on par vice caché et à quel moment est-il supposé être découvert

par le transporteur?; 2. Quel est le lien avec l’innavigabilité du navire?; 3. Qui a la charge

de la preuve?

389
Paul CHAUVEAU, « Le droit maritime en révolution », dans Estudios Juridicos En Homenaje A Joaquin
Garrigues, Madrid, Editorial Technos, 1971, p. 12.
390
N. MOLFESSIS, préc., note 385 , p. 207 et suiv.
391
Contra: I. CORBIER, préc., note 388, p. 87.
392
Supra, p. 101.
120
Le vice caché signifie un défaut dans le navire qui entrave son fonctionnement ou sa

mise en navigabilité. Souvent, il constitue un vice dans la construction du navire393 qui ne

peut être décelé, même par une inspection approfondie394.

Clarke explique les conditions de qualification du vice caché comme suit :

« The defect must be such that, had it existed at the time of sailing
and had he known of it, the prudent owner would have required it to
have been made good before sending his ship to sea […] In other
words; the vessel must have been unseaworthy in the sense
understood by both Common Law and droit commun. Writers and
courts alike assume that the convention makes no change in this
respect. »395

L’article IV.2 (p) énonce ainsi que : « Ni le transporteur ni le navire ne seront

responsable pour perte ou dommages résultant ou provenant : p) des vices cachés échappant

à une diligence raisonnable. »

Le transporteur qui procède à des vérifications minutieuses et a pris toutes les

mesures nécessaires se désengage de sa responsabilité pour tout vice du navire qui échappe

à la vigilance des experts avant le départ du navire396. En d’autres mots, la diligence du

transporteur doit pouvoir être mise en rapport avec la cause du dommage. Le défaut de

diligence doit être à l’origine de la cause directe du sinistre. À titre d’illustration, dans

l’affaire récente The Happy Ranger397, il a été fait état qu’au cours de l’opération de

chargement, les crochets doubles de levage se sont brisés, en raison d’un défaut dans la

structure du navire, bien que le bâtiment ait subi un examen des Lloyds Register et d’une

393
Guinomar of Conakry and Another v. Samsung Fire & Marine Insurance Co, (the Kamsar Voyager)
[2002] 2 Ll.L.Rep. 57 (Q.B.).
394
Voir: Bubble Up International, Ltd. v. Transpacific Carriers Corp., 458 F. Supp. 1100, 1105, [1978]
A.M.C. 2692, 2698 (S.D.N.Y. 1978).
395
Voir : Malcolm Alistair CLARKE, Aspects of the Hague Rules: A Comparative Study in English and
French law, Martinus Nijhoff - The Hague, 1976, p. 171.
396
Voir : Cass. 13 juin 1989, D.M.F.1990.467; W. TETLEY, préc., note 261, p. 507-513; A. SÉRIAUX,
préc., note 111, p. 61.
397
The Happy Ranger, préc., note 67, 649.
121
autre société de classification de renom. Toutefois, le juge Gloster a affirmé que le nouveau

propriétaire du navire n’a pas exercé son obligation de diligence raisonnable, car il n’a pas

mis à l’essai la capacité maximum des crochets lorsque le navire lui a été livré, ce qui aurait

pu être fait à l’aide d’un test dont la durée prévisible est d’au plus une heure. C’est ce qu’a

expliqué le juge qui a condamné le transporteur pour avoir omis d’exercer la diligence

requise pour mettre le navire en bon état de navigabilité.

Certes, le bénéfice de l’exonération pour vice caché du navire est difficilement

accordé par les juges, puisque la preuve de son existence est souvent liée à l’innavigabilité

du navire. Les certificats émis par les organismes de classification398 ne représentent pas

une preuve irréfragable du vice caché du navire. Le transporteur ne peut pas se retrancher

derrière ces certificats et invoquer l’exonération pour vice caché du navire399.

Plusieurs décisions confirment la position des juges à cet égard. Par exemple, le

défaut d’engrenage qui avait échappé à une inspection approfondie de l’expert de Lloyd’s

Register400 ne constitue pas un vice caché selon les juges, puisque l’infiltration d’eau de

mer causée par la non-étanchéité d’un trou d’homme401 était facile à détecter au cours d’un

examen de routine402. Le défaut de vérification d’une cargaison de bouteilles de vin, avant

le chargement, en vue de s’assurer de l’étanchéité des cuves et de l’état de leur revêtement,

a entraîné la contamination des bouteilles par émanation en leur donnant un mauvais

goût403.

398
Sur la responsabilité des sociétés de classification, voir : André BRAËN, « La responsabilité de la société
de classification en droit maritime canadien », (2007) 52 McGill. L.J. 495.
399
Cass. 11 mai 1999, D.M.F.2000.39, obs. P. BONASSIES.
400
The Amstelslot, préc., note 141, 223; voir : M. PRODROMIDÈS, « La ‘due diligence’ », D.M.F.1963.711.
401
Trib. com. Havre, 16 juin 1947, R. Hav.1949.1.
402
Voir aussi : C.A. Paris, 4 décembre 1973, D.M.F.1974.233.
403
Montpellier, 26 février 1952, cité par George FRAIKIN, Traité de la responsabilité du transporteur
maritime, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1957, p. 218, à la note 56.
122
Le problème de corrosion est également souvent rejeté par les tribunaux comme

vice caché du navire, parce qu’il s’agit d’un phénomène qui met du temps à se développer,

mais qui est facilement détectable par un examen vigilant404.

Le cas d’innavigabilité connaît le même sort. À cet égard, la jurisprudence française

récente ne manque pas de fermeté. À titre d’exemple, dans un arrêt du 20 décembre 2001,

la Cour de Versailles ne considère pas le mauvais serrage du couvercle d’un trou d’homme

comme cas excepté d’innavigabilité. La Cour explique :

« L’innavigabilité du navire ne saurait être invoquée pour exonérer


de sa responsabilité le transporteur qui n’apporte pas la preuve […]
qu’il a mis le navire en état d’accomplir le service qu’il promet
compte tenu du voyage qu’il doit effectuer et des marchandises
qu’il doit transporter. »405

Dans le même sens, la Cour d’appel de Rouen, dans un arrêt du 28 février 2002,

écarte la défense d’innavigabilité qui, selon le transporteur, résultait de la défectuosité d’un

conteneur. La Cour affirme que le mauvais état du conteneur, à l’origine du dommage, « ne

constitue pas un événement qui l’autorisait à se soustraire à la présomption de

responsabilité qui pèse sur lui. »406

Suite à ces différentes illustrations, nous observons clairement la méfiance des juges

quant à l’appréciation du vice caché et de l’innavigabilité du navire. La jurisprudence

française est plus rigoureuse que celle de la common law. D’ailleurs, l’appréciation de la

diligence raisonnable donne souvent lieu à la confusion entre ces deux cas exceptés, qu’en

principe la Convention de Bruxelles a tenté de distinguer. La superposition de ces deux cas

404
Waterman S.S. Corp. v. United States S.R. & M. Co., 155 F.2d 687, 691, [1946] A.M.C. 997, 1003 (5 th
Cir. 1946). Voir aussi: The Gundulic, [1981] 2 Ll.L.Rep. 418, 412 et 425 (Q.B.). Pour plus d’exemples, voir :
W. TETLEY, préc., note 261, p. 1212.
405
C.A. Versailles, 20 décembre 2001, D.M.F.2002.251.257.
406
C.A. Rouen, 28 février 2002, D.M.F.2002.965.
123
rend leur application complexe et difficilement admise par les magistrats407. Le vice caché

ayant principalement pour effet de rendre le navire innavigable, les deux cas sont

conditionnés par l’exercice de la diligence raisonnable du transporteur.

Vialard explique que le vice caché doit être mis en perspective par le truchement du

cas d’innavigabilité :

« [Est] exonératoire l’innavigabilité superveniens, alors même


qu’elle ne proviendrait pas d’un vice caché; au contraire, le vice
caché du navire préexistant au départ du voyage serait libératoire
dès lors qu’il aurait échappé, malgré un examen vigilant, aux soins
normalement attentifs du transporteur pour mettre son navire en état
de navigabilité. Les deux causes d’exonération ne se recoupent
donc pas exactement. »408

Par conséquent, le caractère caché du vice demeure une question de fait qui

s’apprécie à la lumière des particularités de chaque espèce, tel que le présente le doyen

Rodière « [il] reste qu’on n’a pas encore trouvé de cas pratique où le vice caché reconnu ne

pourrait pas être taxé de cause d’innavigabilité! »409

À notre sens, cette concurrence entre l’innavigabilité et le vice caché du navire n’a

pas de fondement. Parmi les éléments de navigabilité du navire, il a été fait référence à son

caractère technique. La notion de vice caché est un élément de l’exercice de la diligence

raisonnable du transporteur de la navigabilité du navire, puisqu’un vice caché signifie

logiquement, selon son appellation, un vice qui échappe à l’exercice de la diligence

407
La Cour de cassation française a déclaré : « L’exception du vice caché alléguée par le transporteur
maritime ne peut être invoquée par le transporteur maritime concernant des avaries dues à ce que, sous
l’action de la houle, les écrous de retenue des boîtes à clapet sur la coque du navire se sont dévissés et ont
même sauté, lorsque les essais de recette du navire effectués par mer calme ne sont pas probants, puisque les
boîtes à clapet n’ont pas lors subi l’épreuve de fonctionnement brutal à laquelle les soumet fréquemment la
houle quand la mer est agitée et le navire en charge. » : Cass. 20 février 1962, D.M.F.1962.335. Voir :
Muncaster Castle, préc., note 227; C.A. Douai, 31 janvier 2002, D.M.F.2002.86, obs. Y. TASSEL; C.A.
Rouen, 28 février 2002, D.M.F.2002.965.
408
Antoine VIALLARD, Droit maritime, Paris, Presses universitaires de France, 1997, p. 413.
409
R. RODIÉRE, Traité général de droit maritime, t. II, « Les contrats de transport de marchandises », Paris,
Dalloz, 1967, p. 287.
124
raisonnable410 du transporteur. Autrement dit, le navire est innavigable non pas par faute du

transporteur, mais par une cause étrangère à sa sphère de diligence : une erreur de

fabrication qui n’a pu être détectée par un examen vigilant et attentif411.

Le régime de preuve obéit aux conditions déjà évoquées dans notre premier chapitre

sur l’obligation de navigabilité412. Il appartient au transporteur de prouver qu’il a exercé la

diligence raisonnable pour mettre son navire en bon état de navigabilité, avant et au début

du voyage, pour pouvoir invoquer utilement le vice caché. À ce stade, le transporteur doit

prouver qu’il a également exercé sa diligence raisonnable durant le voyage maritime pour

identifier le vice413. Rappelons que l’instauration du Code I.S.M. jouera un rôle important

dans la preuve à déterminer si la faute à trait à un vice caché ou non du navire414.

Pour les cas exceptés relatifs au navire, il reste à étudier l’acte d’assistance et de

sauvetage, ainsi que le déroutement raisonnable.

Sous-section 3 — L’acte d’assistance et de sauvetage et le déroutement


raisonnable

Dans ce paragraphe deux cas seront observés : le déroutement raisonnable

(paragr.1) et l’acte d’assistance et de sauvetage de l’article IV.2 (paragr. 2).

Paragraphe 1 — Le déroutement raisonnable

Les cas dans lesquels le navire est amené à changer la route convenue dans le

contrat de transport sont nombreux. La Convention de Bruxelles fait du déroutement une

410
Cf. Plinio MANCA, International Maritime Law, Belgique, Europa Transport Law, 1970-1971, p. 198.
411
Trib. com. Paris, 15 mai 1968, D.M.F.1969.234.
412
Supra, p. 43.
413
Kruger Inc. v. Baltic Shipping Co. [1988] 1 F.C. 262, (1987) 11 F.T.R. 80 (C. Fed.Can.) (Juge J. Pinard);
Bubble Up International, Ltd. v. Transpacific Carriers Corp. 458 F. Supp. 1100, 1105, [1978] A.M.C. 2692,
2698 (S.D.N.Y. 1978); Tata, Inc. v. Farell Lines, [1987] A.M.C. 1764 (S.D.N.Y. 1987); Sony Magnetic
Products of America v. Merivienti O⁄Y 863 F.2d 1537, 1540 (11th Cir. 1989).
414
Supra, p. 101.
125
inexécution fondamentale du contrat415. Néanmoins, cet acte peut se révéler exonératoire

s’il obéit à certaines conditions.

L’article IV.4 de la Convention de Bruxelles de 1924 énonce que :


« Aucun déroutement pour sauver ou tenter de sauver des vies ou
des biens en mer, ni aucun déroutement raisonnable ne sera
considéré comme une infraction aux présentes règles ou au contrat
de transport d’aucune perte ou dommage en résultant. »416

Nous sommes en présence d’un déroutement justifié417 qui a pour cause le

sauvetage ou la tentative de sauvetage des vies ou des biens en mer ou bien d’un

déroutement raisonnable418. Qu’entend-on alors par déroutement raisonnable dans la

présente Convention?

Conçue dans un esprit protecteur contre l’usage abusif et nuancé des clauses

conventionnelles, la coutume anglo-saxonne prête au déroutement le caractère

raisonnable, dans le but de permettre aux juges de mettre fin à cette pratique ou plus ou

moins d’en diminuer l’usage. Dans une décision de la Chambre des Lords du 10

décembre 1931, le juge Atkin affirma :

« The true test seems to be what departure from the contract voyage
might a prudent person controlling the voyage at the time make and
maintain, having in mind all the relevant circumstances existing at
the time, including the terms of the contract and the interests of all
parties concerned, but without obligation to consider the interests of
any one as conclusive. » 419

415
Voir: The Flying Clipper, 116 F. Supp. 386 (S.D.N.Y. 1953); General Electric Company. v. ancy-lykes,
706 F.2d 80 (2nd Cir. 1983).
416
La présente Convention semble avoir été inspirée par la loi canadienne du 4 mai 1910 sur le transport des
marchandises par mer, dont l’article 7 exonère le transporteur de toute responsabilité, lorsqu’un déroutement a
été réalisé en vue de sauver des vies ou des biens en mer, « […] ou d’un déroutement effectué en rendant un
service de ce genre ou d’un déroutement raisonnable. » Voir : Sanford COLE, Carriage of goods by sea act
1924, London, 1937.
417
James Morrison & Co., Ltd. v. Shaw, Savill and Albion Co., Ltd., (1916) 115 L.T. 508, [1916] 2 K.B. 783
418
Cf. Constantin KATSIGERAS, Le déroutement en droit maritime comparé, Paris, Librairies techniques,
1970, p. 27-33
419
Stag Line, Ltd. v. Foscolo, Mango & Co., Ltd., [1932] A.C. 328, 343 et 344 (H.L.).
126
Tout comme pour la diligence raisonnable en matière d’innavigabilité du navire, le

caractère raisonnable demeure une appréciation de fait420.

Le déroutement raisonnable est subordonné à la présence de l’un des cas

exceptés421. La charge de la preuve incombe donc au transporteur. Par exemple, le

déroutement en cas d’incendie n’est exonératoire qu’à l’existence d’un lien de cause à effet

entre les deux. Selon plusieurs décisions, la jurisprudence demeure stricte. Dans l’affaire

Drew Brown v. The Orient Trader422, la Cour suprême du Canada a jugé le déroutement

d’un navire en cas d’incendie comme déraisonnable, en l’absence de lien de cause entre le

déroutement et l’incendie423.

La Cour de New York a également imposé au transporteur non pas une diligence

raisonnable, mais une diligence nécessaire. Ainsi, lorsque le navire Singapore Trader424, à

destination de New York, transportant 76 000 cartons de jouets arriva à New York le 28

septembre 1971, une grève avait eu lieu au moment où il fallait procéder au déchargement.

Le Singapore Trader a alors effectué un déroutement sur Détroit, port non affecté par la

grève. À l’approche de Détroit, le navire s’échoua sur un récif. Les chargeurs firent valoir

qu’une clause du connaissement imposait au transporteur de débarquer, en cas de grève,

dans tout port non américain qui n’était pas affecté par la grève; or, il existait un petit port,

Valleyfield, qui remplissait ces conditions. Par conséquent, la Cour a estimé que le navire,

420
Voir : G. MARAIS, préc., note 323, p. 174.
421
Voir: G.H. Rendon & Co. v. Palmyra Trading, préc., note 321; Manx Fisher, [1954] A.M.C. 177 (nd Cal.
1954).
422
[1974] R.C.S. 1286.
423
Voir : The Ocean Liberty, [1953] 1 Ll.L.Rep. 38 (4 th Cir. 1953). Voir aussi sur le déroutement et la preuve
de la cause directe du dommage: W. TETLEY, préc., note 261, p. 280 et 281.
424
Aff. Singapore Navigation Company v. Mego Corporation, [1976] A.M.C. 1513 (2nd Cir. 1976).
127
qui s’était échoué en dehors de la route qui menait à ce port, s’était dérouté de façon

injustifiée impliquant la faute du transporteur425.

Dans l’arrêt Hellenic Lines v. United States of America426, la Cour de New York a

estimé que le déroutement vers New York puis vers le Pirée était injustifié, puisque le

contrat de transport impose la route directe des ports de Texas au port d’Akaba. Dans

l’affaire Louise427 il a été également jugé que la réparation du navire ne constitue pas une

cause valable pour qualifier le déroutement comme raisonnable, étant donné que la

réparation est due à un manquement de la diligence exigée au début du voyage, afin

d’assurer la mise en bon état la navigabilité du navire, excluant du coup les cas exceptés.

Par conséquent, toutes les fois qu’un cas excepté cause un dommage lors d’un

déroutement injustifié, le transporteur est tenu d’établir la preuve, bien que difficile, que

le cas excepté aurait pu se produire, même en l’absence de déroutement.

Enfin, le déroutement est également justifié lorsqu’il est effectué dans un souci

de sauvegarder des vies et des biens en mer.

Paragraphe 2 — L’acte d’assistance et de sauvetage

Considéré par les juristes maritimistes les plus avertis428 comme le cas excepté le

plus justifié - voire le seul justifié - de toute la liste exonératoire de La Haye/Haye-Visby,

ce cas comporte certaines faiblesses. À ce propos, l’article IV.2 (l) de ces règles énonce

: « Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant

ou provenant : (l) d’un sauvetage ou tentative de sauvetage de vies ou de biens en mer. »

425
Le déroutement injustifié implique la faute du transporteur, incluant la faute lucrative; ayant pour seul
motif une augmentation des revenus du transporteur. Voir : A. SÉRIAUX, préc., note 111, p. 156-158.
426
512 F.2d 1196 (2nd Cir. 1975).
427
Préc., note 284; Ann Cuba v. The Ruth, 192 F. Supp. 607 (D. Puerto Rico 1961).
428
P. BONASSIES et Ch. SCAPEL, préc. note 62, p. 695.
128
L’interprétation des termes ou expressions sauvetage ou tentative de sauvetage des

vies ou de biens en mer de la Convention de Bruxelles doit être entendue comme un « cas

d’exonération de responsabilité, aux opérations d’assistance prêtées en mer aux navires en

danger de perdition sur lesquels se trouvent des êtres humains. »429

L’article IV.2 (l) de la Convention de Bruxelles reprend le principe de la

Convention internationale sur l’assistance et le sauvetage maritime du 23 septembre

1910430 remplacée par celle de 1989431. Il faut savoir que le maintien de cette règle avait

pour but d’éviter au transporteur de négliger des vies au profit des marchandises

transportées, dans la mesure où ces services d’assistance permettent au transporteur de

profiter d’intérêts pécuniaires, parfois considérables432.

Ce concept de rémunération a été vu par les premières décisions jurisprudentielles

non pas comme une rémunération433, mais comme un prix à la préservation d’un acte

d’équité et de morale434, afin de sauver des vies et des biens en cas de péril ou de danger en

mer435. Aujourd’hui, la réalisation d’un résultat utile n’est plus une condition au principe de

la rémunération, comme le laissait entendre le principe anglais no cure no pay436 de l’article

429
G. MARAIS, préc., note 323, p. 165. Il est à noter que l’obligation d’assistance du navire en danger devrait
se distinguer du simple remorquage.
430
Cf. Alex L. PARKS, « The 1910 Brussels Convention, The United States Salvage Act of 1912, and
Arbitration of Salvage Cases in the United States », 57 Tul. L.R. 1457 (1982-83).
431
Cf. Richard SHAW, « The 1989 Salvage Convention and English Law », (1996) L.M.C.L.Q. 202.
432
Pour l’étendue de cette rémunération, ainsi que son calcul, voir : Nicolas REUTER, La notion d’assistance
en mer, Librairies Techniques, 1975, p. 65-73.
433
Voir : James L. RUDOLPH, « Negligent Salvage: Reduction of Award, Forfeiture of Award or Damages
», 7 J.M.L.C. 419. (1975-76). Cf. JARRET, « The Life Salvor Problem in Admiralty », 63 Yale L.J. 779, 781
(1954); Jacques VILLENEAU, « Événements de mer : abordage, collision et assistance », 9
A.D.M.A.1987.75.77.
434
Cf. Alfred S. PELAEZ, « Salvage-a New Look at an Old Concept », 7 J.M.L.C. 507 (1975-76).
435
Le droit maritime australien, inspiré du droit britannique, partage le même raisonnement: « The principles
upon which the law of salvage is based are humanitarian combined with mercantile interests. The courts have
always supported the public policy and those persons who place their lives, well-being, time and property of
others may be saved when in peril at sea. » : M. WHITE, préc., note 83, p. 238.
436
Cf. Donald A. KERR, « The Past and the Future of ‘’No Cure-No Pay’’», 23 J.M.L.C. 411 (1992); Peter
COULTHARD, « A New Cure for Salvors? A Comparative Analysis of the LOF 1980 and the CIM Draft
Salvage Convention », 14 J.M.L.C. 45 (1983).
129
II (2)437 de la Convention internationale sur l’assistance et le sauvetage maritime de

1910438. Il est admis que l’assistant puisse être indemnisé lorsqu’il aura déployé des efforts

particuliers pour éviter ou tenter d’éviter un accident de pollution marine, et cela, quel que

soit le résultat finalement obtenu.

Nous nous demandons, en revanche, si cette cause d’exonération a été vraiment

conçue dans un but de haute moralité et de solidarité humaine comme nous le laissent

croire les notions de droit romain corporum liberarum estimationem nullam fieri posse,

dans la mesure où le sauvetage des biens ne constitue nullement un acte à titre gratuit.

L’indemnité fait perdre en fait à l’acte d’assistance son aspect « de sacrifice à une cause

supérieure, pour au contraire lui donner un aspect commercial de gain ou de perte selon les

circonstances. »439

De ce fait, nous nous interrogeons sur les conséquences du caractère pécuniaire de

l’opération. Nous sommes d’avis que le sauvetage des biens ne devrait se concevoir que

lorsqu’il fait partie d’une assistance aux personnes. En excluant cette hypothèse, le

transporteur profitera non seulement de la rémunération, mais également d’une protection

légale contre toute action judiciaire de la part des chargeurs ou leurs ayants droit. L’article

IV.2 (l) de la Convention de Bruxelles fait état des deux : « (l) d’un sauvetage ou tentative

de sauvetage de vies ou de biens en mer ». Signalons sur ce point que le terme sauvetage

est défini, en principe, comme le fait de porter secours exclusivement à des personnes, sans

obligation de secours au navire, alors que l’assistance en mer est le fait de porter secours à

437
Cet article énonce que « Tout fait d’assistance ou de sauvetage ayant eu un résultat utile donne lieu à une
équitable rémunération. Aucune rémunération n’est due si le secours prêté reste sans résultat utile. »
438
Ce principe signifie que l’acte d’assistance ne peut donner lieu à une rémunération qu’en cas
d’intervention utile pour les biens. Si l’opération échoue, cette règle ne lui donne, en principe, droit à aucune
indemnité d’assistance.
439
Françoise MOUSSU-ODIER, « La responsabilité de l’assistant », 2 A.D.M.A.1975.301.303.
130
un navire en danger, ce qui implique le sauvetage de personnes, obligatoire en toutes

circonstances440.

Par ailleurs, le problème qui se pose avec acuité depuis la survenance de nombreux

accidents polluants gravement les eaux navigables comme l’affaire Amoco-Cadiz441 le long

des côtes bretonnes, l’affaire Erika442en France, ou l’accident Torrey Canyon443 dans la

Manche (Grande-Bretagne), est de savoir dans quelle mesure l’opération d’assistance

concerne l’environnement maritime. Présentement, la conception d’assistance n’est plus

gouvernée par le hasard qui fixe la rémunération ou la libre initiative qui commande

l’intervention444. L’assistance est devenue une opération qui concerne tout l’environnement

maritime. La question de sécurité et de protection de l’environnement maritime a

commencé à préoccuper les juristes et a fait l’objet d’une réglementation rigoureuse et d’un

renforcement des certifications des navires, pour mettre fin aux manques existants, visant la

prévention445.

Le législateur international dans la Convention de 1989 sur l’assistance maritime

énonce d’une part que les efforts d’un assistant pour limiter les dommages à

l’environnement seront pris en compte lors de l’évaluation de l’indemnité d’assistance.

D’autre part, il énonce que l’assistant qui porte secours à un navire menaçant

440
En ligne : <http://www.ddbd.com/Assistance_en_mer.html> (consulté le 27 avril 2009).
441
Cf. E. DE PONTAVICE, « L’apport des expériences étrangères en matière de délinquance écologique (en
marge de l’affaire de l’« Amoco-Cadiz », 4 A.D.M.A.1979.29; E. FONTAINE, « Les sinistres de l’Amoco
Cadiz et du Tanio, comparaison entre deux expériences », D.M.F.1993.278; J. MARTRAY, « Premières
conséquences du drame de l’Amoco-Cadiz sur le droit de la mer et sur l’organisation de la lutte contre la
pollution en France », 4 A.D.M.A.1979.157
442
André CHAO, « Erika : l’heure des bilans », B.T.L.2000.497.
443
J. VILLENEAU, préc., note 433, 78 et 79; Françoise MOUSSU-ODIER, « Quelques réflexions sur
l’assistance », 5 A.D.M.A.1980.164.
444
F. MOUSSU-ODIER, id., 164.
445
Consulter sur les mesures de préventions du gouvernement canadien en ligne :
<http://www.tc.gc.ca/securitemaritime/urg-env/menu.htm> (consulté le 27 avril 2009).
131
l’environnement aura droit, quel que soit le résultat de l’assistance, et donc même en cas

d’échec, à une indemnité spéciale.

De surcroît, l’on trouve un nombre décisif de législations internationales œuvrant

dans le droit de la prévention pour la protection de l’environnement. Citons à ce propos la

Convention internationale pour la sauvegarde de la vie en mer (SOLAS)446, la Convention

internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL)447, la

Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de

délivrance des brevets et de veille (Code STCW)448, la Convention internationale sur les

lignes de charge449, la Convention sur le Règlement international de 1972 pour prévenir les

abordages en mer (COLREG)450 et la Convention de 1976 concernant les normes minima à

observer sur les navires marchands de l´Organisation internationale du travail (ILO 147)451.

En ce qui a trait à la nature de la responsabilité du transporteur, nous remarquons

que la place prépondérante de la faute en matière de responsabilité de l’amateur commence

à connaître un certain déclin, comme le souligne Bonassies :

« À la vérité, le seul cas où nul ne contestait l’existence en droit


maritime d’une responsabilité sans faute, c’était celui de
l’exploitant d’un navire nucléaire dans le régime de la Convention
de 1961. Mais cette convention n’est jamais entrée en application.
Elle a, de surcroît, péri faute d’objet.
C’est donc bien la Convention de 1969 qui a fait entrer la
responsabilité sans faute dans le droit maritime, en énonçant

446
Le texte intégral de la Convention se trouve en ligne, à l’adresse URL :
<http://www.imo.org/Conventions/contents.asp?topic_id=257&doc_id=647> (consulté le 27 avril 2009).
447
Le texte intégral de la Convention se trouve en ligne, à l’adresse URL :
<http://www.imo.org/Conventions/contents.asp?doc_id=678&topic_id=258> (consulté le 27 avril 2009).
448
Le texte intégral de la Convention se trouve en ligne, à l’adresse URL :
<http://www.imo.org/Conventions/contents.asp?doc_id=651&topic_id=257> (consulté le 27 avril 2009).
449
Le texte intégral de la Convention se trouve en ligne, à l’adresse URL :
<http://www.imo.org/Conventions/mainframe.asp?topic_id=254 > (consulté le 27 avril 2009).
450
Le texte intégral de la Convention se trouve en ligne, à l’adresse URL :
<http://www.imo.org/Conventions/contents.asp?doc_id=649&topic_id=257 > (consulté le 27 avril 2009).
451
Le texte intégral de la Convention se trouve en ligne, à l’adresse URL : < http://www.ilo.org/ilolex/cgi-
lex/convdf.pl?C147 > (consulté le 27 avril 2009).
132
sèchement que le propriétaire d’un navire pétrolier est responsable
de tout dommage par pollution causé par le navire. […]
Et cette évolution est d’autant plus remarquable que la règle de la
responsabilité sans faute a été étendue en 1996 aux dommages
résultant du transport de marchandises dangereuses, comme, en
mars 2001, aux dommages de pollution par soutes.
Ce sont ainsi des pans entiers de la responsabilité maritime qui
échappent aujourd’hui à la primauté de la faute. »452

L’application de ces différentes lois aura sûrement une influence sur l’application de

ce cas excepté de la Convention de Bruxelles. Les juges auront tendance à être plus

rigoureux lorsqu’il s’agit d’une atteinte à l’environnement marin. L’affaire de l’Érika453 en

est un exemple remarquable.

Après avoir étudié les cas exceptés relatifs au navire, analysons ceux liés à des

événements extérieurs ou de force majeure, avec pour toile de fond la Convention de

Bruxelles qui n’exige pas toujours les critères connus de la force majeure pour qualifier

l’acte de fautif.

Section 2 — Périls de mer et cas similaires de la Convention de Bruxelles

Les périls de mer et autres cas semblables de la Convention de Bruxelles font appel

aux catastrophes naturelles ou acte de dieu454 (en anglais act of God), périls, dangers ou

accidents de la mer ou d’autres eaux navigables, aux faits de guerre et d’ennemis publics,

aux émeutes et troubles civils, aux incendies, à la grève ou au lock-out et aux cas de la

452
Pierre BONASSIES, « Le droit maritime français 1950-2000, évolution et perspectives », Revue Scapel
2002.5.9.
453
Cet accident constitue l’une des plus grandes catastrophes écologiques ayant souillé les eaux et voies
navigables françaises le long du littoral atlantique, en tuant plus de 140 000 oiseaux. Le 8 décembre 1999,
l’Erika charge 30884 tonnes de fioul lourd et quitte le port de Dunkerque à destination de Livourne (Italie).
L'Erika est un pétrolier à simple coque de 185 mètres, d'une capacité de 37 000 tonnes. Construit au Japon en
1975, il avait donc 24 ans de mer en 1999 et était déjà passé dans les mains de 8 propriétaires.
Le 12 décembre 1999, à 8 h 28, l’Erika coule en pleine mer et laisse échapper plus de 21 000 tonnes de fioul
dans la mer, qui va atteindre rapidement les côtes bretonnes.
Voir : André CHAO, « Erika : l’heure des bilans », B.T.L.2000.497. Consulter pour toute l’histoire du procès
en ligne : < http://www.affaire-erika.org/securite-maritime.html > (consulté le 28 avril 2009).
454
L’acte de dieu est une traduction littérale adaptée du terme anglais « act of god ».
133
lettre (q) de l’article IV.2 relatifs à toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute

du transporteur ou de ses préposés.

Nous analyserons ici, toujours selon une stratégie d’analyse par ordre d’importance,

les cas exceptés posant le plus de problèmes d’application pour les juges, en particulier les

cas de périls de mer et l’acte de dieu.

Sous-section 1 — L’acte de dieu, périls, dangers ou accidents de la mer ou


d’autres eaux navigables

Nous analyserons tout d’abord l’acte de dieu, puis les cas de périls de mer.

Paragraphe 1 —L’acte de dieu

L’article IV.2 (d) de la Convention de Bruxelles énonce que : « Ni le transporteur ni

le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant : d) d’un

‘‘acte de dieu’’ [...]. »

L’acte de dieu constitue une notion particulière de la common law, qui justifie en

quelque sorte sa carence dans la jurisprudence civiliste. La terminologie utilisée dans la

Convention de Bruxelles empêche souvent la compréhension commune ou uniforme de ce

texte international.

Dans l’affaire Freifield v. Hennessy455, l’acte de dieu est défini comme « an

extraordinary manifestation of nature which could not reasonably be anticipated or

foreseen. » Ce type de cas repose sur un événement extérieur456, imprévisible457 et

insurmontable, dont l’intervention humaine fait défaut.

455
353 F.2d. 97, 99 (3 th Cir. 1965). Voir : Kennedy v. Union Elec. Co., 216 S.W. 2d 756 (Mo. 1948).
456
Southern PAC Co. v. Loden, 508 P. 2d 347, 352 (Ariz. 1973).
457
Given v. Vaughn-Griffin Packing Co.,1 So. 2d 714 (Fla. 1941); Missouri PAC R.R. v. Terrell, 410 S.W.2d
356 (Mo. 1966).
134
Selon la Convention de Bruxelles, lorsque la seule cause du dommage est l’acte de

dieu, le transporteur serait libéré458. Cependant, le problème se pose lorsque l’acte de dieu

et la négligence du transporteur sont mis en cause en même temps. La concurrence de ces

deux causes a donné lieu à des divergences d’interprétation.

L’une des décisions les plus célèbres en la matière, Kennedy v. Union Elec. Co459,

affirme que la règle générale est que, si malgré la négligence du transporteur, il est prouvé

que seul l’acte de dieu est cause du dommage, le propriétaire du navire ne serait pas

responsable.

En revanche, si la cause du dommage provient des deux causes, le transporteur sera

tenu responsable pour la totalité du dommage460. Le manque de diligence raisonnable du

transporteur est considéré dans ce cas comme une cause immédiate du dommage461;

inversement, lorsque la cause du dommage est la négligence du transporteur462. En

conséquence, il serait responsable également lorsque sa négligence cause du dommage

expose la marchandise à l’acte de dieu. Par exemple, un navire qui sous-estime un message

de danger d’un autre navire signalant qu’une tempête sévit dans la zone de sa direction,

alors qu’il pourrait l’éviter.

Par conséquent, ce cas excepté subordonne concrètement l’exonération à la preuve

de l’exercice de diligence raisonnable du transporteur pour éviter le dommage. Cette

diliigence vient en fait relayer les critères traditionnels de la force majeure, afin de

458
Meyer Bros. Hay & Grain Co. v. National Malting Co., 124 N.J.L. 321 (Super. Ct. 1940).
459
Kennedy v. Union Elec. Co., préc., note 455, 234.
460
Kimble v. Mackintosh Hemphill Co., 359 Pa. 461, 59 A.2d 68 (Pa. 1948); Adkins v. Hinton, 142 S.E.2d
889 (Va. 1965); Wagaman v. Ryan, 142 N.W.2d 413 ( S.Ct. Iowa 1966).
461
Cora v. Trowbridge Outdoor Adv. Corp., 18 N.J. Super. 1 (N.J. App. Div. 1952).
462
Carlson v. A& P. Corrugated Box Corp., 364 Pa. 216, 72 A. 2d 290 (Pa. 1950).
135
bénéficier de l’exonération. Quand la diligence est écartée, la jurisprudence revient sur ces

critères pour accorder l’exonération463.

Un type de cas similaire qui se rapproche de la force majeure est celui des périls,

dangers ou accidents de la mer ou d’autres eaux navigables, et qui selon l’article IV.2 (c)

exonère le transporteur. Toutefois, ce cas excepté a causé de grands problèmes

d’application au sein des tribunaux.

Paragraphe 2 — Les périls, dangers ou accidents de la mer ou d’autres


eaux navigable

Les périls, dangers ou accidents de la mer ou d’autres eaux navigables signifient en

principe les pertes ou dommages causés par les dangers inhérents au milieu dans lequel

s’effectue le transport, en relation avec la navigation, depuis le chargement de la

marchandise au port de départ jusqu’au déchargement464.

Selon Arnauld, l’expression « péril de mer » englobe :

« Tous les cas d’accidents maritimes tels que le naufrage, le navire


qui sombre, l’échouement, etc., ainsi que toutes sortes de
dommages causés au navire par l’action directe des vents465 et des
vagues, dommages qu’il convient de distinguer de ceux qui
proviennent de l’usure ordinaire ou de la fatigue du voyage ou qui
sont directement imputables à une faute de la personne assurée. »466

463
Dans l’affaire Nugent v. Smith, (1876) 1 C.P.D. 423 (C.A.), il a été décidé qu’un acte ne peut pas être
qualifié d’acte de dieu s’il pouvait être prévenu ou évité par l’exercice d’une diligence raisonnable du
transporteur. Aussi, dans Nichols v. Marsland, (1876) 2 Ex. D, 1, on a affirmé que « No peril is a “peril of the
sea”, which could be foreseen as one of the necessary incidents of the adventure. » Dans la décision The
Xantho, 12 App. Cas. 503, 509 ( H.L. 1887), (J. Herschell), la Cour avance que : « it would be sufficient that
the contract should read, ‘’to carry with reasonable care’’. If the shipowner did so, he would not be liable for
damage which could not be prevented by reasonable care, without the addition of any list of excepted perils.
If he did not do so, he would be liable for his omission whatever perils were excepted. »
464
Colinvaux note à ce propos : « The navigation, within the meaning of dangers and accidents of the seas
and navigation begins at the loading port and continues after the ship has got to her discharging dock and
berth. So that an accident by which water gets in during the loading or unloading, and damages the goods,
will generally be excepted. » : R. COLINVAUX, préc., note 219, p. 161.
465
Thyssen Inc. v. S.S. Eurounity, préc., note 161.
466
M. POURCELET, préc., note 55, p. 124.
136
D’autres auteurs précisent que l’expression comprend tous les dommages subis à la

marchandise provenant de l’eau de mer, des tempêtes, de l’abordage, de l’échouement ou

de tout autre péril particulier à la mer ou au navire en mer, que le transporteur et ses

préposées ne peuvent pas prévoir ou surmonter :

« Any damage to the goods carried caused by seawater, storms,


collision, stranding or other perils peculiar to the sea or to the ship
at sea, which could not be foreseen and guarded against by the ship-
owner or his servants as necessary or probable incidents of the
adventure […] »467

Toutefois, la jurisprudence dans les différents systèmes de droit est partagée sur les

critères qui déterminent le péril de mer sous la Convention de Bruxelles. Les opinions des

auteurs se divisent également au sein même d’un seul système de droit. Selon Tetley, la

jurisprudence de la common law partage les mêmes critères d’imprévisibilité et

d’insurmontabilité de l’événement468, à l’exception de l’Australie; alors que d’autres

auteurs469 ont subdivisé la jurisprudence en deux positions : une canadienne-américaine et

une autre anglaise-australienne, par référence à la distinction faite par la décision de la Cour

suprême australienne The Bunga Seroja470 qui estime que les tribunaux canadiens471 et

américains472 exigent pour la qualification de péril de mer l’imprévisibilité473 et

467
A.-A. MOCATA et al., préc., note 73, p. 228.
468
W. TETLEY, préc., note 261, p. 1031.
469
M.-L. HENDRIKSE, N.-H. MARGETSON et N.-J. MARGETSON, Aspects of Maritime Law, Claims
under Bills of Lading, New York, Wolters Kluwer, 2008, 171 et suiv.
470
Préc. note 116, 512, 518. Les juges dans cette affaire se sont basés sur une décision précédente, The
Gamlen, [1980] 142 C.L.R. 142. Contra : W. TETLEY, préc., note 261, p. 1043.
471
Canadian National Steamships Ltd. v. Babyliss, [1937] R.C.S. 261, 263; Parrish & Heimbecher Limited v.
Burke Towing & Salvage Co. Ltd.,[1943] R.C.S. 179; N.M. Paterson and Sons Ltd. v. Mannix Ltd., [1966]
R.C.S. 180; Falconbridge Nickel Mines Ltd. v. Chimo Shipping Ltd., [1974] R.C.S. 933. Voir aussi : Canada
Rice Mills Ltd. v. Union Marine and General Insurance Company Ltd., [1940] 67 Ll.List.L.Rep. 549 (P.C.);
Kruger Inc. v. Baltic Shipping Co., [1988] 1 F.C. 262, (1987) 11 F.T.R. 80 (C. Fed. Can.).
472
« Those perils which are peculiar to the sea, and which are of an extraordinary nature or which arise from
irresistible force or overwhelming power, and which cannot be guarded against by the ordinary exertions of
human skill and prudence » : The Giulia, 218 F.744, 746 (2nd Cir.1914), voir : The Rosalia, 264 F. 285, 288
(2nd Cir. 1920); H. APOSTOLAKOPOULOS, « Navigating in Perilous Waters: Examining the Peril of the
Sea Exception to Carrier’s Liability under COGSA Resulting from Severe Weather Conditions », S.T.L.R.
1439, 1451 (2000); W. TETLEY, préc., note 261, p. 1038.
137
l’insurmontabilité de la sévérité de l’événement, alors que les tribunaux anglais et

australiens adoptent une définition plus souple du péril de mer, puisque le critère

d’imprévisibilité n’est pas fondamental.

Cette classification semble erronée selon Tetley474, puisque plusieurs arrêts anglais

exigent le critère d’imprévisibilité. Les tribunaux canadiens, américains475 et anglais476

adoptent la même définition de péril de mer.

Dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Falconbridge Nickel Mines Ltd. v.

Chimo Shipping Ltd. (The P.M. Crosbie), le juge Ritchie résume la position des juges

canadiens comme suit :

« […] il me semble que les affaires Parish and Heinbecker Limited


et al. c. Burke Towing and Salvage Company Limited, Goodfello
Lumber Sales c. Verreault et N.M. Paterson and Sons Limited c.
Mannix, indiquent clairement que cette Cour a approuvé et adopté,
du moins dans les affaires de connaissements, le critère énoncé par
Sir Lyman Duff dans l’arrêt Canadian National Steamships c.
Babyliss, où il a dit en parlant du moyen de défense excipant des
« périls de la mer » :
[traduction] la question soulevée par ce moyen était évidemment
une question de fait et il incombait aux appelantes de prouver que le

473
Par exemple, un bâtiment qui navigue durant l’hiver ne peut invoquer l’imprévisibilité d’un blocage des
évents s’il a omis de prendre les mesures de sécurité pour empêcher les embruns verglaçants ou les basses
températures de l'air ambiant de causer des avaries à la citerne ou à la structure du navire, à cause de
changements de la pression interne de la citerne. Selon le Bulletin de la sécurité des navires, il faut porter
attention à tous les évents, notamment à ceux qui sont reliés aux circuits de refroidissement d’eau de mer, aux
citernes servant à la recirculation de l'eau de refroidissement et à ceux qui subissent un ballastage ou un
déballastage. Par Bulletin de la sécurité des navires, 09/1996-07-10, en ligne :
<http://www.tc.gc.ca/securitemaritime/bulletins/1996/09-fra.htm> ( consulté le 25 mai 2009).
474
Tetley affirme: « With respect, the Australian judges in both Gamlen and The Bunga Seroja would seem to
be in error in seeking to find a distinction between Anglo-Australian and American-Canadian law on this
point. English and Canadian authorities define peril of the seas in carriage of goods cases in virtually identical
terms, requiring unforseeability and inevitability as the necessary, dual elements of the defence. » : W.
TETLEY, préc., note 261, p. 1043.
475
J. Gerber & Co. v. S.S. Sabine Howaldt, 437 F.2d 580, 596 (2nd Cir. 1971); Jordan Int’l v. Piran, [1975]
A.M.C. 130, 137 (S.D.N.Y. 1974). Dans le cas où le péril de mer qui était prévisible a été d’une plus grande
sévérité de ce qui est normalement connu, le transporteur peut invoquer l’exonération pour péril de mer :
Yawata Iron & Steel Co. v. Anthony Shipping Co. 396 F. Supp. 619, 622 (S.D.N.Y. 1975); Pacific Emp. v.
M/V Mini Lass, [1983] A.M.C. 2196, 2201 (E.D. La. 1982), citées également par W. TETLEY, préc., note
261, p. 1062, à la note 107.
476
The Friso, [1980] 1 Ll.L.Rep. 469, 472 (Adm. Ct.); The Torenia, préc., note 123, 214 et 215; The Tilia
Gorthon, [1985] 1 Ll.L.Rep. 552, 555 (Adm. Ct.); The Coral, [1992] 2 Ll.L.Rep. 158, 162 (Q.B.).
138
mauvais temps avait été la cause du dommage et qu’il était tel
qu’on n’aurait pu prévoir ou prévenir, comme l’un des incidents
probables du voyage, le danger d’avaries à la cargaison que ce
mauvais temps comportait. »477

En ce sens, la Cour fédérale du Canada dans son arrêt Canastrand Industries Ltd. v.

The Lara S, déclare :

« […] a peril of the sea may be defined as some catastrophic force


or event that would not be expected in the area of the voyage, at that
time of the year and that could not be reasonably guarded against.
»478

En revanche, selon la jurisprudence australienne479, l’imprévisibilité est prise en

considération par les juges, mais ne constitue pas un critère indispensable ou ne joue pas un

rôle décisif pour qualifier l’événement de péril de mer480. Ce qui détermine le péril de mer,

c’est plutôt l’inévitabilité de l’événement, malgré l’exercice de la diligence raisonnable du

transporteur.

Citons concrètement la décision australienne, Great China Metal Industries Co. Ltd.

v. Malaysian International Shipping Corp. (The Bunga Seroja)481. En l’espèce, un lot de 40

caisses d’aluminium a été chargé à Sydney à bord du navire M/V Seroja Bunga, à

destination de Keelung, Taiwan. Lors du passage à Sydney, la cargaison a été partiellement

endommagée en raison d’une forte tempête qui avait été annoncée avant que le navire quitte

le port de départ. Le propriétaire des marchandises a réclamé des dommages-intérêts auprès

du transporteur, mais la demande a été rejetée par le juge de première instance, laquelle a

été confirmée par la Cour d’appel du New South Wales. Le requérant a fait appel à la Cour

suprême d’Australie, en soutenant que l’exception de périls de mer ne s’applique pas, parce

477
[1974] R.C.S. 933, 942.
478
[1993] 2 F.C. 533, 575.
479
The Bunga Seroja, préc., note 116, 512.
480
Voir: M.-L. HENDRIKSE et al. préc., note 469, p. 184.
481
The Bunga Seroja, préc., note 116, 512.
139
que les dommages causés à la marchandise résultent de conditions météorologiques

prévisibles qui n’auraient pu être évitées. La Cour suprême a toutefois rejeté l’appel du

propriétaire de la cargaison. Le juge McHugh a affirmé ce qui suit :

« […] I could not accept the argument of the appellant, the cargo-
owner, as to the circumstances in which the perils of the sea defence
is inapplicable. The owner submits that the perils, dangers or
accidents of the sea “could not be reasonably foreseen and guarded
against by the carrier”. Such a construction does not accord with the
text of the article which provides the immunity, and it is
incompatible with the general scheme of the Hague Rules. The
foreseeability of a peril which results in damage is not
determinative of whether a carrier can rely on the perils of the sea
immunity conferred by those rules. The forseeability of the peril
and the possibility of guarding against its consequences are relevant
factors in determining whether the damage results or arises from the
perils of the sea. But that is all. »482

Nous estimons que l’absence du critère d’imprévisibilité dans l’appréciation des

juges australiens du péril de mer n’est pas convaincante, car ce critère est indispensable

pour décider de l’exercice de la diligence raisonnable du transporteur pour éviter toutes

pertes ou tous dommages. En conséquence, les tribunaux ne peuvent le négliger dans leur

appréciation des faits. Nous partageons ainsi l’opinion de Tetley lorsqu’il avance que :

« […] to state that the forseeability of the stormy weather has


nothing to do with the peril exception, but may have some
connection with other issues such as seaworthiness, error of
navigation or management of the ship or proper stowage of the
cargo, is to introduce a new definition of peril, quite distinct from
those relied upon previously in most countries, reflecting a rather
looser conception of art. 4(2)(c) than has hitherto been prevalent.
Such a revised definition threatens the delicate balance which the
Hague Rules sought to strike among three interrelated features of
international maritime carriage of goods law: a) the obligation of
the carrier to exercise due diligence to make the ship seaworthy
before and at the commencement of the voyage (art. 3(1)); b) the
carrier’s obligation to care properly and carefully for the cargo (art.

482
Id., 521.
140
3(2)); and c) the exemptions from liability benefiting the carrier
under art. 4(2)(a) to (q). »483

Par ailleurs, les tribunaux français sont également divisés dans l’appréciation de

péril de mer sous la Convention de Bruxelles. Certaines décisions font appel de manière

stricte aux critères de force majeure d’imprévisibilité et d’insurmontabilité dans

l’appréciation du péril de mer484 (fortune de mer en droit français); tandis que d’autres

n’imposent aucun des critères susmentionnés485. Par exemple, dans l’affaire Navire Ras

Mohamed486, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence n’a pas exonéré le transporteur pour péril

de mer, estimant que le fort mauvais temps qui régnait sur la zone où se trouvait le navire

au moment du dommage n’était ni un événement imprévisible, ni insurmontable.

Cependant, dans la décision Société Suomi Line et autre c. Établissements Mohamed O/

Ahmed et autres487, la Cour de cassation a exonéré le transporteur pour houle488 sur rade

pendant le déchargement, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve du caractère

imprévisible et insurmontable de l’événement.

Bien qu’elle demeure une notion imprécise, la jurisprudence française est réputée

pour son appréciation stricte du péril de mer, car la majorité des décisions récemment

rendues imposent les critères de la force majeure pour faire bénéficier le transporteur de

l’exonération489.

483
TETLEY, préc., note 261, p. 1044.
484
C.A. Aix-en-Provence, 9 octobre 1985, D.M.F.1987.151; C.A. Rouen, 24 février 2000, D.M.F.2000.830;
Trib. com. Paris, 15 février 1978, D.M.F.1979.726
485
Cass. 1 décembre 1992, D.M.F.1993.44, n. Y. TASSEL. Voir aussi : C.A. Aix-en-Provence, 27 février
1985, D.M.F.1987.147; C.A. Paris, 13 octobre 1986, D.M.F.1988.101; C.A. Rouen, 8 septembre 1988,
D.M.F.1991.360, obs. P. BONASSIES; C.A. Paris, 13 mai 1988, D.M.F.1989.245.
486
C.A. Aix En Provence, 19 janvier 2001, D.M.F.2001.820.
487
Bull.Cass.1992.272.
488
Selon Gallois, « La houle est le mouvement ondulatoire que la mer conserve après qu’elle a été agitée par
le vent, ou qui se propage à la surface en dehors de la région où le vent a soufflé. » : L. GALLOIS, « Le
phénomène de la houle sur la côte atlantique du Maroc », 29 Ann. G.1920.462.
489
Voir : C.A. Paris, 12 mai 2000, B.T.L.2000.800; W. TETLEY, préc., note 261, p. 1070-1072.
141
Résumons par l’affirmation de la Cour de cassation française :

« S’il est une notion imprécise, dans la jurisprudence maritime,


c’est bien la fortune de mer, plus exactement les « périls, dangers
ou accidents de la mer » de l’article 4,2˚, c de la Convention de
Bruxelles du 25 août 1924.
On y voit tantôt un événement inhabituel et impossible à surmonter
[…]; tantôt un événement anormalement pénible […]; tantôt une
situation à laquelle on ne peut faire face; tantôt un événement brutal
et violent […]
Une telle imprécision ne saurait satisfaire le besoin de sécurité
juridique des justiciables. Tout comme est sujette à caution la règle
générale selon laquelle la fortune de mer ne se confond pas avec la
force majeure (Cass. com., 01/12/92 […]). Cette règle, à laquelle se
réfère l’arrêt rapporté, est certainement imprévisible et
insurmontable. Mais elle est discutable si la force majeure se définit
comme un événement insurmontable qu’on a tout fait (« pris toutes
les mesures requises») pour éviter. Car la fortune de mer, dans notre
opinion, n’est rien d’autre que la forme maritime de la force
majeure dans cette deuxième définition. »490

Nous constatons par ce fait que le droit d’invoquer l’exonération pour péril de mer

dépend de sa qualification qui demeure une affaire des juges491. Ce sont les magistrats qui

déterminent, selon les circonstances de fait492, s’il s’agit d’un péril de mer ou non.

En outre, l’administration de la preuve en cas de péril de mer sous la Convention de

Bruxelles est imprécise, parce qu’elle repose généralement sur trois principes établis par la

jurisprudence.

Tout d’abord, le transporteur doit ramener la preuve voulant que la cause immédiate

du dommage493 est un péril de mer. Dans l’arrêt Goodfellow Lumber Sales Ltd. v.

Verreault, il a été précisé :

490
Cass. 7 décembre 1999, D.M.F.2000.827.828.
491
Voir aussi les divergences au sein des juridictions néerlandaises dans M.-L. HENDRIKSE et al., préc.,
note 469, p.186-189.
492
Tetley écrit sur ce point : « Whether or not a storm is a peril depends on the intensity of the storm and the
weather conditions which could normally be expected in that geographic area, at that time of year. Everything
depends on the appreciation of the facts by the trial judge. »: W. TETLEY, préc., note 261, p. 1037. Cf. Marel
KATSIVELA, « International Carriage of Goods: Ocean Carrier Liability and the European Union », XLIII
(1) D.E.T.2008.3.
142
« […] qu’en invoquant l’art. 4(2)(c) de l’Annexe à la Loi sur le
transport des marchandises par eau et en excipant des périls de la
mer, les intimés ont assumé le fardeau de démontrer que le mauvais
temps avait été la cause du dommage et qu’il était tel qu’on n’aurait
pu prévoir ou prévenir, comme l’un des incidents probables du
voyage, le danger d’avaries à la cargaison qu’il remportait. »494

Ensuite, il doit ramener la preuve de son absence de faute par rapport à son

obligation de navigabilité495.

Et enfin, il doit apporter la preuve de l’exercice de sa diligence raisonnable496 par la

prise de mesures nécessaires pour éviter ou réduire les dommages durant le péril de mer497.

Lorsqu’il s’agit d’un concours d’une faute ou de la négligence du transporteur avec

une autre cause, la position dominante des tribunaux, en particulier chez la common law498,

est toujours la même règle du non-partage de la responsabilité, à savoir la règle de

« overriding obligation »499.

Margetson écrit à ce propos :

« Under common law the duty to deliver the cargo in good order
and condition was an absolute duty and an overriding obligation. If
the carrier failed to fulfil that duty and damage occurred due to
more than one cause, one being an excepted peril and the other a
non-excepted peril then the non-excepted peril is seen as the only
cause. The carrier will be responsible for the whole of the damage,
not merely for such proportion as must have been incurred due to

493
Selon la doctrine de la Proxima Causa, empruntée au droit des assurances, la cause du dommage doit être
immédiate. Toutefois, lorsque plusieurs causes concourent au dommage, il est souvent difficile de distinguer
entre les différentes causes. Par conséquent, l’appréciation des juges nationaux ne fait pas toujours
l’unanimité. Voir l’exemple des pays scandinaves dans Eski HOPPU, « The Carrier Liability under the
Scandinavian Bills of Lading Acts in Case of Concurrent Causes », en ligne : <
http://www.cenneth.com/sisl/pdf/15-5.pdf> (consulté le 15 nov. 2008).
494
[1971] R.C.S. 522, 534. Voir: Kruger Inc .v. Baltic Shipping Co, [1988] 1 F.C. 262, [1987] 11 F.T.R. 80
(C. Fed.Can.).
495
J. Gerber & Co. v. S.S. Sabine Howaldt, préc., note 475.
496
Shipping Corporation of India Ltd v. Gamlen Chemical Co. (A⁄Asia) Pty Ltd, 147 CLR 142 (H.C. Aust.
1980).
497
Blanchard Lumber Co .v. S.S. Anthony II, [1967] A.M.C. 103 (S.D.N.Y. 1966).
498
Maxine footwear Co. Ltd. v. Canadian Government Merchant Marine Ltd., préc., note 214, 801.
499
Voir : Paterson SS Ltd. v. Canadian Co-operative Wheat Producers Ltd., [1934] A.C. 538.
143
the unseaworthiness. No distinction is made between competing
causes and concurring causes. »500

Le transporteur répondra de la totalité de la perte, lorsque le dommage ou le retard

sont imputables à son manque de diligence à mettre le navire en bon état de navigabilité et

à une autre cause501; ou lorsque le transporteur n’arrive pas à distinguer la part du dommage

causé par sa propre faute selon l’article III (2), dans le cas où plusieurs causes contribuent

au dommage502.

Les juges anglais et américains estiment que la cause immédiate du dommage doit

être la faute du propriétaire du navire. Autrement dit, la négligence du transporteur devrait

représenter la cause proxima du dommage. La première décision qui témoigne de

l’application de cette règle par les tribunaux est l’affaire Vallescura503 précitée. Le chargeur

avait tenté une action en amirauté à la Cour de district du sud de New York pour des

dommages-intérêts pour préjudice, lors d’un transport d’oignons sur le navire Vallescura de

l’Espagne à la ville de New York. Les oignons étaient en bon état apparent lors du

chargement, tel que mentionné dans le connaissement, alors qu’ils ont été livrés à New

York endommagés. Le propriétaire du navire a avancé que, dans le connaissement, sa

responsabilité est exclue pour les dommages causés par la décomposition ou par les périls

de la mer, et que le dommage n’était pas dû à l’inexécution de son obligation générale de

prise de soins de la cargaison. Toutefois, il a été prouvé que la dégradation a été causée par

une mauvaise ventilation de la cargaison pendant le voyage, due en partie à la fermeture des

500
N.-J. MARGETSON, préc., note 218, p. 70.
501
Voir : Maxine Footwear Co. Ltd. v. Canadian Government Merchant Marine Ltd., préc., note 214, 801;
American Smelting and Refining Co v. Ss Irish Spruce Irish Shipping Ltd. ( the Irish Spruce), 548 F.2d. 56, (
2nd Cir. 1976).
502
Il s’agit de la situation dans laquelle il y a plus qu’une cause du dommage, et que chacune d’elles a
contribué à une partie du dommage, mais qu’aucune des causes ne pourrait avoir causé à elle seule tout le
dommage.
503
The Vallescura, préc., note 265, 306.
144
écoutilles et des ventilateurs rendus nécessaires en raison d’une intempérie, et en partie à la

négligence du capitaine et de l’équipage de les garder ouvertes la nuit par beau temps. Le

tribunal a conclu que le transporteur était responsable parce qu’il n’a pas réussi à démontrer

sa part du dommage et celle due au mauvais temps en déclarant ce qui suit :

« Similarly, the carrier must bear the entire loss where it appears
that the injury to cargo is due either to sea peril or negligent
stowage, or both, and he fails to show what damage is attributable
to sea peril. [...] upon the evidence, it appears that some of the
damage, in an amount not ascertainable, is due to sea peril.
That does not remove the burden of showing facts relieving it from
liability. If it remains liable for the whole amount of the damage
because it is unable to show that sea peril was a cause of the loss, it
must equally remain so if it cannot show what part of the loss is due
to that cause. »504

Rappelons la distinction établie par Tetley pour appliquer ce principe. Lorsque le

dommage est causé par un manque de diligence raisonnable quant à la navigabilité du

bâtiment, et un cas de péril de mer ou un autre cas excepté, le transporteur demeure

responsable de la totalité du dommage s’agissant d’une obligation primordiale. Toutefois,

lorsque le dommage est causé par une violation de l’art. III (2) et un cas excepté, la règle de

la décision Vallescura s’applique, parce que les deux causes du dommage sont du même

poids505.

Cette distinction n’émane pas du néant. La jurisprudence de la common law a

toujours considéré l’obligation de navigabilité comme primordiale. La nature absolue de

cette obligation avant l’adoption de la Convention de Bruxelles explique la position des

tribunaux506.

504
Id., 306 et 307.
505
W. TETLEY, préc., note 261, p. 325.
506
Voir : N.-J. MARGETSON, préc., note 218, p. 82-84.
145
Bien que cette règle soit majoritairement approuvée par les tribunaux anglo-saxons,

l’imprécision du texte de Bruxelles continue à semer des doutes dans d’autres systèmes de

droit. Par exemple, dans sa décision The Thorden Linoleum507, la Cour suprême suédoise

n’a pas accordé le partage de responsabilité au transporteur, même si sa faute s’inscrit dans

le cadre de l’article III (2). En l’espèce, le navire transportait des rouleaux de linoléum, de

New York à Göteborg, où ils ont été déchargés pour le compte du destinataire sur le quai.

Ce dernier n’était pas présent pour recevoir la cargaison lors de son déchargement.

Cependant, en dépit des instructions figurant sur les rouleaux qu’ils devraient être

maintenus en position verticale, ils ont été empilés horizontalement, de sorte qu’ils ont été

endommagés. Après avoir dédommagé le destinataire, l’assureur, en réclamant

indemnisation du transporteur, a indiqué à titre de défense que, les dommages avaient été

causés en partie par l’insuffisance de l’emballage. En revanche, la Cour suprême suédoise a

tenu le transporteur responsable de l’ensemble du dommage, à cause de sa négligence lors

du déchargement, indépendamment de l’insuffisance d’emballage de la marchandise qui

avait également contribué au dommage.

L’imprécision du texte de Bruxelles sur le lien de causalité entre la violation de

l’art. III (2) et le dommage a donné lieu à plusieurs interprétations. Néanmoins, nous

estimons que ce lien est aussi essentiel que celui de la navigabilité du navire. Les deux

obligations doivent être remplies pour bénéficier de l’exonération de l’article IV. En cas de

concurrence des causes du dommage, le transporteur doit prouver que le dommage ou une

507
1950 N.D. 527, cité par Esko HUPPO, « The Carrier’s Liability under the Scandinavian Bills of Lading
Acts in Case of Concurrent Causes », p. 111, en ligne : <http://www.cenneth.com/sisl/pdf/15-5.pdf> (consulté
le 23 juin 2009).
146
partie de celui-ci n’a pas été causé par la violation de ces obligations sous l’art. III (1) et

(2). Il faut rendre toute force au principe de responsabilité de plein droit du transporteur508.

Toujours dans le cadre du péril de mer, Tetley estime que la difficulté de

l’administration de la preuve dans ce cas de péril a souvent pour motif la confusion par les

tribunaux entre ordre de preuve et charge de preuve. Il serait préférable, selon lui, de suivre

l’ordre de preuve, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer, qui est expressément

approuvé par la Cour fédérale du Canada dans l’affaire Francosteel Corp. v. Fednav. Ltd

(The Federal Danube)509 pour le cas de péril de mer, et qui se lit comme suit :

Premièrement, le demandeur doit prouver l’existence du dommage ainsi que son

droit à la poursuite judiciaire;

Deuxièmement, le transporteur doit prouver que la cause du dommage est le péril de

mer;

Troisièmement, le transporteur doit prouver l’exercice de sa bonne diligence quant à

la navigabilité du navire;

Enfin, le demandeur doit essayer de ramener la preuve contraire qu’il ne s’agit pas

d’un péril de mer510, mais du manque d’exercice de la diligence raisonnable à mettre le

navire en état de navigabilité avant eu au début du voyage511. À titre d’exemple, dans

508
Sentence arbitrale, 24 octobre 1997, D.M.F.1998.706.707, obs. P. BONASSIES.
509
« Firstly, the claimant must prove the loss and its right to claim against the carrier; secondly, the carrier
must prove the cause of the loss, e.g. that water entered the cargo through a hatch cover damaged at a certain
time and place during a storm; thirdly, the carrier must prove due diligence to make the ship seaworthy before
and at the beginning of the voyage in respect to the loss, e.g. due diligence was exercised to see that the hatch
cover in question was staunch and tight before and at the beginning of the voyage; Fourthly, the carrier must
prove the peril, e.g. that the storm was such a nature that it was not expected and could not have been guarded
against as one of the probable incidents of the voyage; fifthly, the claimant then tries to make counterproof to
show that there was lack of care of the cargo;
Thereafter each party has various other arguments that it can raise. » : (1990) 37 F.T.R. 184, 193. Voir :
Canastrand Industries Ltd. v. The Lara S, préc., note 478.
510
New Rotterdam Ins. Co. v. S.S. Loppersum, 215 F. Supp. 563, [1963] A.M.C. 1758 (S.D.N.Y. 1963).
511
Freedman & Slater v. M.V. Tofevo, 222 F. Supp. 964, [1963] A.M.C. 1525 (S.D.N.Y. 1963).
147
l’affaire Thyssen, Inc. v. S.S. Eurounity512, un navire, transportant une cargaison d’acier, a

essuyé une violente tempête durant son voyage, le 4 janvier 1989. Le propriétaire du navire,

le Licetus, a présenté des éléments de preuve et des témoignages d’experts à l’appui de sa

réclamation que les phénomènes météorologiques violents ont provoqué des torsions sur la

coque, ce qui a provoqué l’infiltration d’eau. Le chargeur, d’autre part, a présenté des

contre preuves et une contre-expertise qui établissent que les conditions climatiques au

moment du dommage où se trouvait le navire ne pouvaient avoir causé la pénétration de

l’eau de mer. Selon le propriétaire de la cargaison, il s’agit d’une faute du transporteur, car

il a omis de s’assurer de la fermeture des portes étanches, et que les cales étaient bien

entretenues. Devant ces faits, le tribunal a estimé que la cargaison d’acier a été chargée en

bonnes conditions et qu’elle a été endommagée à cause de la pénétration d’eau par une

porte étanche laissée ouverte, ce qui a engagé par la suite la responsabilité du propriétaire

du navire.

Par conséquent, ne serait-il pas avantageux si la Convention de Bruxelles avait

simplement souligné le cas de force majeure au lieu de péril de mer, afin d’éviter toutes ces

disparités?

Suivant l’étude des cas de péril de mer, nous présentons les cas exceptés similaires,

à savoir les faits de guerre et d’ennemis publics de l’article IV.2 (e) et IV.2 (f) de la

Convention de Bruxelles.

Sous-section 2 — Les faits de guerre et d’ennemis publics

Par faits de guerre, il faut entendre tous actes commis par des puissances en état de

guerre, même à l’encontre de navires neutres, ainsi que la présence d’un véritable conflit

armé. En outre, les guerres civiles peuvent avoir des effets négatifs sur le transport des

512
Thyssen, Inc. v. S.S. Eurounity, préc., note 161.
148
marchandises comme facteur principal des actes de violence contre les navires, tels la

piraterie et le terrorisme513.

Les faits d’ennemis publics comprennent les actes de piraterie514 et de pillage du

navire ou de la cargaison, ainsi que les actes d’intervention de pays qui sont en guerre

contre le pays du propriétaire du navire515 ou tout autre acte violent à main armée.

La piraterie est un acte qui revient à l’antiquité516 et qui demeure jusqu’à nos jours

un risque de mer important517, car plusieurs régions du globe sont exposées fortement à

cette pratique, « à savoir l’Indonésie, le Bangladesh, le détroit de Malacca, la mer de Chine

méridionale, le long des côtes de la Somalie, du Nigeria et dans le Golfe d’Aden. »518

Les critères de définition de la notion de piraterie ont évolué juridiquement. Le

corsaire qui était jadis autorisé par son État d’attaquer les navires battant pavillon étranger

513
Par exemple, au large de la Corne d’Afrique, la guerre civile qui a ravagé la Somalie après la chute du
dictateur Siad Barre, en 1991, a donné lieu à des milliers de morts. Devant cette situation, l’Organisation des
Nations Unies, dans le cadre du Programme alimentaire mondial, a tenté de faire parvenir aux civils des
vivres et des médicaments. Le moyen le plus pratique pour transporter cette aide est la voie maritime, mais les
navires qui acheminent ces produits sont totalement désarmés et deviennent vite la proie de pirates. Ceux-ci
abordent les navires et les détournent vers la côte. De là, ils menacent la vie des équipages pour obliger les
armateurs à payer de fortes rançons.
514
Voir : C.A. Rouen, 23 mai 2001, cité par « Maritime : les patrouilleurs chinois sont-ils des pirates? »,
B.T.L.2001.523.
515
Cf. Bruno PELLETIER, « De la piraterie maritime », 9 A.D.M.A.1987.217; Dominique GAURIER « Le
crime contre l’humanité est-il une notion nouvelle? Le pirate, ennemi du genre humain », XVIIII
A.D.M.O.2000.172; Pascal DUPOND, Pirates d’aujourd’hui, Éditions Ramsay, 1986.
516
Voir: Edwin D. DICKINSON, « Is the Crime of Piracy Obsolete? », 38 Harv. L.R.J. 334 (1924-25).
517
Cf. George D. GABEL, « Smoother Seas Ahead: The Draft Guidelines as an International Solution to
Modern-Day Piracy », Tul. L.R. 1434 (2007).
518
Philippe GAUTIER, Louis le Hardy DE BEAULIEU, Filip SCHAMP et Eduard SOMERS, Criminalité et
trafics maritimes : des enjeux politiques aux conséquences juridiques, Textes du séminaire du 1er juin 2006,
organisé par le Centre d’étude de droit militaire et de droit de la guerre et l’unité de formation de recherche en
droit des facultés universitaires catholiques de Mons, Belgique, Presses universitaires de Namur, 2007, p. 13;
cf. Erik DEMANGEON, « Maritimo portuaire : Piraterie : le couteau entre les dents ! », B.T.L.2001.124.
Notons que, selon les données du rapport en date du 31 janvier 2006 publié par la Chambre internationale de
commerce (CIC) Bureau maritime international, 276 actes de pirateries et vols à main armée ont été recensés
en 2005, alors que 77 actes de piraterie ont été recensés depuis janvier 2008, soit deux fois plus que pour toute
l'année 2007. Les pirates s’organisent, en effet, en de véritables corporations criminelles avec des moyens
importants permettant des attaques violentes. C’est ce qui explique en fait la prise de mesures préventives par
plusieurs États à travers la conclusion d’accords pour bénéficier d’espaces sécuritaires dans les zones
dangereuses par l’intervention des forces militaires étatiques jusqu’à ce que le navire dépasse la zone du
risque.
149
est exclu de la définition actuelle, de sorte que l’acte doit être illicite pour être qualifié

d’acte de piraterie.

Suivant la définition systématique du droit des traités519, la piraterie peut être définie

comme tout acte illicite de violence, ou de détention ou toute déprédation commise par

l’équipage ou les passagers d’un navire agissant à des fins privées, et dirigée contre un

navire ou un aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer, ou

dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État520.

Ces circonstances ont fait en sorte que l’acte de piraterie a été souvent représenté

comme un cas de force majeure. Aujourd’hui, l’évolution des moyens de communication

l’a rendu prévisible. Le transporteur doit prendre les mesures de sécurité nécessaires pour

éviter qu’il soit confronté à des pirates521. Manifestement, dans l’arrêt du navire Tiger

Force522, le transporteur n’a pu être exonéré pour acte de piraterie parceque les événements

relatés dans le journal de bord n’étaient pas suffisants pour prouver une attaque de pirates;

Le transporteur devait prendre des précautions supplémentaires pour éviter de telles

attaques, en sachant qu’il se trouverait dans une zone dangereuse, puisque le vol au large de

Colombo était fréquent.

519
Voir : article 101 de la Convention des Nations unies du droit de la mer de1982 (UNCLOS).
520
Cette définition, malgré son importance, ne permet pas théoriquement une intervention en cas de piraterie
dans les eaux territoriales d'un État tiers. L’effet de cette règle fait en sorte que souvent les pirates rejoignent
les eaux territoriales dès qu'ils aperçoivent à l'horizon un navire de guerre. En outre, la plupart des actes de
piraterie se déroulent près des côtes, dans des eaux où l'abordage est plus facile, et où les navires doivent
progresser à vitesse réduite. Dans ce cas, l'effectivité de l'intervention dépend généralement de la volonté ou
de la capacité d'action de l'État riverain.Voir : Malvina HALBERSTAM, « Terrorism on the high seas: the
Achille Lauro, Piracy and the IMO Convention on Maritme Safety », 82 (2) A.J.I.L. 269 (1988).
Consulter en ligne : <http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/414806/piraterie-maritime-et-
terrorisme.html> (consulté le 10 mars 2009).
521
Sur la collaboration des États pour lutter contre la piraterie, consulter en ligne :
<http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=108621> (consulté le 30 oct. 2008).
522
Trib. com. Marseille, 18 décembre 1998, D.M.F.1999.336.
150
Un autre cas de violence s’ajoute à l’acte de piraterie, mais il est difficile à

appréhender, c’est l’acte terroriste523. Il se distingue des actes de violence sociaux tels que

la guerre civile, les émeutes et le vandalisme.

L’affaire du Limburg, en septembre 2002, est révélatrice de l’incidence que peut

avoir une telle attaque sur un navire. Alors qu’il s’apprêtait à décharger sa cargaison

d’hydrocarbure au terminal d’Ash Shihr, le pétrolier Limburg est percuté à grande vitesse

par une petite embarcation remplie d’explosifs. La collision a provoqué plusieurs

explosions puis un départ d’incendie. Les hydrocarbures étant par nature très inflammables,

le feu s’est propagé rapidement. L’équipage a entrepris les premières mesures pour lutter

contre l’incendie, mais l’extrême intensité du feu était insurmontable. Les explosions ont

continué rendant périlleuse la lutte contre l’incendie. Après plusieurs heures de travail

effréné pour éteindre le feu, l’équipage a dû se rendre à l’évidence qu’il fallait abandonner

le navire sous la menace d’une aggravation de la situation524.

Face à ces actes de violence, les pays ont pris conscience525 du danger qui menace

leurs territoires marins et ont commencé à mettre en place des mécanismes d’intervention526

523
L’examen de l’OCDE a tenté de définir le terrorisme à travers les éléments suivants :
« Critère 1 – Moyens et effets
Un acte terroriste est :
– un acte, pouvant inclure mais non limité à l’usage de la force ou de la violence, portant gravement atteinte à
la vie humaine ou à des biens matériels ou immatériels, ou
– une menace d’acte de cette nature susceptible de donner lieu à de graves (b) dommages.
Critère 2 – Intention
Un acte terroriste est commis ou menace d’être commis :
– avec l’intention d’influencer ou de déstabiliser un gouvernement ou un organe public et/ou de susciter la
crainte et l’insécurité dans tout ou partie de la population ;
– à l’appui d’un objectif politique, religieux, ethnique, idéologique ou d’ordre similaire » : OCDE, Directions
des affaires financières et des entreprises, liste de critères de l'OCDE visant à définir le terrorisme dans une
perspective d'indemnisation, 15 décembre 2004, p. 6, en ligne :
<http://www.oecd.org/dataoecd/55/3/34065616.pdf> (consulté le 6 janvier 2009).
524
L’un des incidents frappants avant cet accident, on peut citer les fameux cas suivants : l’Achille Lauro en
1985, l’affaire du City of Poros en 1988, l’affaire du Silco en 1989 et celle du USS Cole.
525
La Convention et le Protocole de 1988 ont été amendés le 14 octobre 2005 de manière à étendre
sensiblement leur champ d’action. Le Protocole 2005 (SUA 1988) ajoute donc une série d’infractions à la liste
prévue à l’article 3 de la Convention SUA 1988.
151
pour lutter contre ce phénomène, d’autant plus qu’en dehors de l’impact économique et

financier527, les répercussions écologiques528 ne peuvent être négligées.

Pour ce qui du régime de preuve, c’est le même principe qui s’applique : le

transporteur doit prouver que la seule cause du dommage est l’existence d’un fait

d’ennemis publics529.

Néanmoins, le bénéfice de l’exonération du propriétaire du navire ne peut lui être

accordé s’il expose volontairement une cargaison qui devait être tenue en dehors du conflit,

afin de profiter d’un taux de fret moins élevé.

De ce cas, on peut tirer la conclusion que la liste exhaustive des cas exceptés de la

Convention de Bruxelles ne peut tout prévoir. Aujourd’hui, on ajoute le terrorisme, demain,

il faudra ajouter d’autres cas530. Un cercle vicieux se resserre, alors que l’établissement

d’un principe de responsabilité objective qui aurait pour exception les cas de force majeure

permettrait aux juges de prendre les mesures immédiates contre les imprévus sans nuire à

l’économie du contrat. La preuve de la force majeure entraîne nécessairement la preuve

d’absence de faute.

Dans la liste des cas exceptés, se trouvent également les émeutes et troubles civils,

que nous présentons ci-dessous.

526
« En 2002, la Direction générale du transport des marchandises dangereuses du Canada a reçu des fonds
pour mettre en place le Programme d’intervention en cas d'incidents mettant en cause des agents chimiques,
biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN), lequel s’inscrit dans le cadre de l’initiative de lutte contre le
terrorisme du gouvernement fédéral. » : Peter COYLES, « L’utilisation de plans d'intervention d’urgence à la
suite d’un acte terroriste mettant en cause des marchandises dangereuses », en
ligne : <http://www.tc.gc.ca/tmd/bulletin/ete2008.html#article4> (consulté le 20 juin 2008)
527
Par exemple : privation de denrées importantes, blocages de routes maritimes, etc.
528
Tels les marées noires, le risque de dispersion de futs toxiques, etc. Voir : M. HALBERT-STAM. «
Terrrorism on the High Seas: the Achill Lauro, Piracy and the IMO Convention on Maritime Safety », A.J.I.L.
269 (1988).
529
Voir: Yorkshire Dale Steamship Co. Ltd. v. Minister of War Transport (The Coxwold), [1942] 2 All ER 6
(H.L.).
530
Voir : article 18. 3 des Règles de Rotterdam.
152
Sous-section 3 — Les émeutes et troubles civils

L’article IV.2 (k) des Règles de La Haye de 1924 exonère le transporteur en cas

d’émeutes et troubles civils, en énonçant que : « Ni le transporteur ni le navire ne seront

responsables pour perte ou dommages résultant ou provenant : k) d’émeutes ou de troubles

civils [...]. »

Ces deux notions se distinguent par une différence d’intensité. L’émeute531 est une

agitation populaire, souvent motivée par des revendications politiques contre le

gouvernement en place. Les troubles civils sont des actes moins intenses qui se produisent

avant les émeutes.

Cette distinction des émeutes et des troubles civils par les tribunaux sert à

différencier les deux actes, sauf qu’en ce qui a trait à la Convention de Bruxelles, les deux

constituent un cas exonératoire s’ils présentent le caractère d’imprévisibilité532. Le

transporteur devrait être en situation d’absence de faute lorsqu’au moment du chargement,

il ignore l’existence de cette situation insurrectionnelle au port de déchargement.

Le même raisonnement s’applique pour les cas d’arrêt, de fait du prince et de saisie

judiciaire.

Sous-section 4 — Arrêt, fait du prince ou saisie judiciaire

Édictée par l’article IV.2 (g) de la Convention de Bruxelles de 1924, la contrainte du

prince est définie comme toute intervention forcée du pouvoir gouvernant d’un État qui

vient entraver la bonne exécution du contrat. Peuvent être qualifiés comme faits du

531
Voir: Field and Others v. The Receiver of Metropolitan Police, [1907] 2 K.B. 853; Cf. Wanyama
KULUNDU-BITONYE, « Riot Victims and the Doctrine of Proxima Causa in Insurance Law: The Lesotho
Experience », (2002) 46 J. Afr. L. 59.
532
Cf. Trib. com. Paris, 13 juin 1979, D.M.F.1980.483.
153
prince533 les embargos534, les blocus535, les interdictions d’accostage, les règlements de

quarantaine, les confiscations, les réquisitions et restrictions douanières qui concernent les

ordres prohibant ou restreignant l’exportation ou l’importation de certaines marchandises,

etc.

L’exonération du transporteur exige l’imprévisibilité de la contrainte ou celle de la

saisie judiciaire, sans aucune faute de la part du transporteur ou de son manque de diligence

à prendre soin de la marchandise après la réquisition par les autorités gouvernementales536.

Dans l’affaire Morrisey c. A. & J. Faith, il a été précisé que la raison d’être de ce

cas parmi la liste des cas exceptés est celle de prévenir le retard, une cause du dommage

que la Convention de Bruxelles ne traite pas expressément :

« The purpose of this section [art.4 (2) g] of the Act is to excuse


ships and their owners from underwriting damage sustained by
unexpected delays which the owner can neither avoid, anticipate
nor prevent. However, when the delay, as in the instant case, is
effected by the reckless disregard of the owners for financial
security of the ship and process is initiated by foreseeable
foreclosure actions by justifiably irate creditors, we do not think
that the Act can or should excuse the owner from the obligations of
his duty as a common carrier. »537

Cette appréciation nous apparaît soutenable, du fait que le retard constitue une cause

du dommage.

Par ailleurs, la Chambre arbitrale maritime de Paris a considéré comme fait du

prince la décision prise par les autorités portuaires de faire procéder au rembarquement

533
Tossa Marine Co Ltd. (The Derby), préc., note 308; Compagnie Algerienne de Meunerie v. Katana Societa
di Navigatione Marittima, S.P.A, [1960] 2 Q.B. 115, [1960] 2 All ER 55 (C.A.).
534
L’embargo contre l’Irak, ou contre la Lybie, était par exemple prévisible.
535
Voir : Robert REZENTHEL, « Le blocage des ports et l’état de droit », D.M.F.1998.75.
536
Sea Bridge Shipping Ltd. v. Antco Shipping Ltd. (The Furness Bridge), [1977] 2 Ll.L.Rep. 367 (Q.B.
1977); Silver Coast Shipping Co. Ltd. v. Co-operatives Agricoles Des Cereales (The Silver Sky), [1981] 2
Ll.L.Rep. 95 (Q.B.) (J. Parker). Voir aussi: Trib. com. Paris, 20 décembre 1994, B.T.L.1995.779,
D.M.F.1996.243.250, note P. BONASSIES.
537
Préc., note 230, 58.
154
d’une marchandise en cours de son débarquement. Toutefois, malgré qu’il s’agisse d’un fait

du prince, cette situation ne permet pas d’exonérer le transporteur, parce qu’elle ne

constitue pas la seule cause du dommage. La cause directe des dommages à la marchandise

était les corps décomposés de deux clandestins qui se trouvaient avec la cargaison. La

présence des passagers clandestins à bord était due à une mauvaise surveillance du

capitaine. Le cas excepté n’était que la conséquence du manque de diligence du

transporteur, une raison de plus pour le déclarer entièrement responsable538.

En revanche, selon la Cour d’appel de Paris, ne constitue pas un fait du prince, la

saisie d’un navire en cours de traversée par les autorités algériennes dont le propriétaire est

débiteur envers une société algérienne539.

Une autre décision récente de la Cour de cassation française540 a rejeté la faute du

propriétaire du navire qui transportait des cartons de bouteilles de whisky à partir du port

italien de Gênes ayant pour destination le port chypriote de Limassol, parce que la cause du

dommage n’était pas la saisie du navire par ses propres créanciers, mais le déchargement

forcé de la cargaison, en application de la loi libanaise du 23 juin 1955 relative à la

prohibition des produits israéliens541.

Enfin, nous exposons les autres phénomènes étrangers qui représentent des cas

particuliers : l’incendie, la grève et le cas passe-partout de la lettre (q).

538
Sentence arbitrale, 24 octobre 1997, D.M.F.1998.706.
539
Paris, 15 janvier 1997, B.T.L.1997.200.
540
Cass. com. 24 avril 2007, n˚ 06-12508, cité par Audry PEYNY et Pascal POLAIRE, « Précisions sur la
responsabilité du transporteur en cas de saisie des marchandises transportées », en ligne :
<http://www.fortunes-de-
er.com/documents%20pdf/jurisprudence/Commentaires/4%20Cass%20Com%2024%20avril%202007%2006-
12508%20commentaire.pdf> ( consulté le 4 nov. 2008).
541
Id.
155
Section 3 — Autres événements extérieurs

Le particularisme du cas excepté d’incendie sera discuté, suivi du cas de la grève,

pour terminer par l’analyse de cas de la lettre (q).

Sous-section 1 — L’incendie

L’article IV.2 (b) de la Convention de Bruxelles affirme :

« Ni le transporteur ni le navire ne seront responsable pour pertes


ou dommages résultant ou provenant : b) d’un incendie, à moins
qu’il ne soit causé par le fait ou la faute du transporteur [...] »

Cet article est d’inspiration américaine, puisque c’est sur la demande des États-Unis

que le texte primitif des Règles de La Haye de 1921 avait été modifié. D’ailleurs, la loi

américaine de 1936, en vertu de son article 4 (2), énonce que : « Neither the carrier nor the

ship shall be responsible for loss or damage arising or resulting from : b) Fire, unless

caused by the actual fault or privity of the carrier […]. »

Un incendie se développe en plusieurs phases au cours desquelles sa température va

s’élever. En fonction de son environnement, il va s’étendre et décliner. Selon la

jurisprudence, c’est au stade de l’incandescence que l’incendie est pris en considération: «

Mere heating, which has not arrived at the stage of incandescence or ignition is not within

the specific word ‘‘fire’’.»542 Les dommages résultant de la fumée et de l’eau utilisée pour

éteindre un feu à bord d’un navire sont considérés comme des dommages d’incendie543.

Les causes d’incendie sont variables, des causes extérieures au navire, comme les

catastrophes naturelles, ou la fortune de mer, comme la foudre, l’éruption volcanique

542
Louis Dreyfus & Co v. Tempus Shipping Co, [1930] 1 K.B. 699, 708. Voir aussi: Cargo Carriers Inc. v.
Brown S.S. Co., 95 F. Supp. 288 (W.D. N.Y. 1950).
543
Westinghouse Electric Corp. v. M/V Leslie Lykes 734 F.2d 199, 206, [1985] A.M.C. 247, 255 et 256 (5 th
Cir. 1985).
156
terrestre544 ou sous-marine, etc. Il peut s’agir d’un feu qui se communique à un navire se

trouvant à proximité d’un entrepôt de marchandises où l’incendie a éclaté, ou à proximité

d’un autre navire en feu, ou encore, occasionné lorsqu’une embarcation remplie d’explosifs

frappe la coque d’un pétrolier545. Les cas d’incendie touchent les accidents maritimes

comme les cas d’abordage, ou de collision avec un autre navire, ou d’objet flottant, ainsi

que d’échouement.

Il peut aussi être question de causes propres à la nature de la marchandise

prédisposée à la combustion spontanée546. Or, il est fréquent que la cause de l’incendie ne

puisse être clairement identifiée par les experts en cas de perte totale. Devant cette

situation, c’est souvent le régime des avaries particulières qui s’applique. Ainsi, le coût

financier de l’incendie et de son extinction serait équitablement réparti entre les parties au

contrat de transport.

En ce qui a trait à la responsabilité, deux causes de dommages liées au navire

méritent une attention particulière, la faute personnelle du transporteur et la faute des

préposés. Ces deux fautes soulèvent la plus grande difficulté d’application de ce cas

excepté (paragr. 1), y compris la complexité du régime de preuve (paragr. 2).

544
On se remémorera de l’éruption volcanique de la montagne Pelé en Martinique en 1902, qui a rayé la ville
de Saint-pierre de la carte mondiale, avait provoqué la perte de plusieurs navires se trouvant en rade de Saint-
Pierre, ces derniers ayant été soient coulés par la vague créée par la propagation de l’onde de choc sur l’eau,
soient incendiés immédiatement au contact de la nuée de cendres et de lave en fusion s’étant déversée du
flanc ouest de la montagne.
545
Supra, p. 171.
546
Voir: American Tobacco Co. v. S.S. Katingo Hadjipatera, 81 F. Supp. 438 (S.D.N.Y. 1948).
Les réactions chimiques ou biologiques de certains produits transportés en vrac peuvent par leur nature
occasionner un incendie à bord. Par exemple, le charbon, le coton, la farine de poisson et le tabac ou plus
particulièrement les marchandises de nature inflammables ou explosives, telles que les pétroliers transportant
du fioul léger extrêmement volatil, les chimiquiers ou les méthaniers, etc. Toutefois, le transporteur ayant
connaissance de la nature de la cargaison sur son navire doit prendre les mesures de sécurité et d’entretien
nécessaires pour empêcher un tel incident. Des précautions spéciales s’imposent pour en garantir la sécurité
durant le transport. L’obligation de prendre soin de la cargaison impose au transporteur par exemple la
vérification de la ventilation au cours du voyage pour éviter la fermentation ou la décomposition des matières
organiques que peut provoquer la combustion spontanée de la marchandise.
157
Paragraphe 1 — La faute personnelle du transporteur et le statut de ses
préposés et agents

La faute personnelle547 du transporteur est une cause directe et matérielle de

l’incendie.

Le silence des Règles de La Haye⁄Haye-Visby sur la faute des préposés en cas

d’incendie avait posé quelques hésitations, d’autant plus que le texte de La Haye⁄Haye-

Visby cite expressément dans son article IV.2 (q) la faute des préposés pour faits

inconnus548 au transporteur sans le préciser pour l’article IV.2 (b).

Tetley affirme à ce sujet :

« The actual fault or privity of the carrier must be the fault of the
carrier itself and not of an employee or agent. This is a conclusion
one must draw not only from the use of the word "actual" but also
after comparing art. 4(2)(b) with art. 4(2)(q) where the phrase
"actual fault and privity of the carrier" is specifically followed by
the words "or without the fault or neglect of the agents or servants
of the carrier.»549

Il appert que le cas d’incendie sous la Convention de Bruxelles est une « exception

qui fait l’exception », puisque seule la faute personnelle du transporteur engage sa

responsabilité.

547
Lorsque le transporteur est une compagnie, la faute personnelle est celle du directeur ou gérant de la
compagnie. Dans l’affaire Lennard's Carrying Co. v. Asiatic Petroleum Co., le juge Haldane explique : « [...]
the fault or privity is the fault or privity of somebody who is not merely a servant or agent for whom the
company is liable upon the footing responde at superior, but somebody for whom the company is liable
because his action is the very action of the company itself. » : [1915] A.C. 705, 713 et 714, [1914-15] All
E.R. 280, 283 (H.L.). Voir aussi: Westinghouse Electric Corp. v. M/V Leslie Lykes, préc., note 543, 256.
548
L’article IV.2 (q) énonce que : « De toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du
transporteur ou du fait ou de la faute des agents ou préposés du transporteur, mais le fardeau de la preuve
incombera à la personne réclamant le bénéfice de cette exception et il lui appartiendra de montrer que ni la
faute personnelle ni le fait du transporteur ni la faute ou le fait des agents ou préposés du transporteur n’ont
contribué à la perte ou au dommage. »
549
W. TETLEY, « Responsibility for Fire in the Carriage of Goods by Sea », D.E.T.2002.1. En ligne :
<http://www.mcgill.ca/maritimelaw/maritime-admiralty/fire/#_ftn42> (consulté le 12 nov. 2008).
158
Le fait d’exclure la responsabilité du transporteur pour la faute de ses préposés est

totalement abusif, en sachant que les fautes des préposés constituent les causes fréquentes

d’incendie à bord du navire.

De surcroît, cette règle est impraticable, puisque la faute des préposés fait surface en

matière de preuve, comme lorsque le transporteur manque avant et au début du voyage à

l’exercice de sa diligence raisonnable de la navigabilité du navire550. Bien que les

dommages de l’incendie et ceux de l’innavigabilité soient considérés comme distincts,

l’exercice de la diligence raisonnable du transporteur quant à la navigabilité de son navire

constitue souvent la cause immédiate de l’incendie. À titre d’illustration, le cas

d’incompétence d’un employé qui commet des erreurs dans les installations électriques

causant de courts-circuits, ou un échauffement des conducteurs suite à la résistance offerte

au passage d’un courant de trop forte intensité, ou la non-conformité aux mesures de

sécurité des navires imposées par la loi et règlements ou encore, un manque de ventilation

d’une cargaison de produits inflammables551. Ainsi en est-il de la négligence des

débardeurs (en anglais stevedores), qui fument en travaillant ou en effectuant des travaux

de soudure552.

L’affaire Subro Valour553 intéressant un navire transportant une cargaison de 327.69

tonnes de pois de Wivenhoe en Angleterre à Oss en Hollande est un exemple concret. En

l’espèce, après quelques heures que le navire ait quitté le port de chargement, l’équipage a

senti une odeur de fumée qui provenait de la salle des machines. Durant le procès, l’on a

supposé trois causes possibles à cet incendie : 1. une cigarette jetée; 2. du matériel laissé

550
Maxine Footwear Co. Ltd. v. Can. Government Merchant Marine, préc., note 214, 801.
551
The Kapitan Sakharov, préc., note 203, 255.
552
Cf. A. Meredish Jones & Co. Ltd. (The Apostolis), [1996] 1 Ll.L.Rep. 475 (Q.B.).
553
[1995] 1 Ll.L.Rep. 509 (Q.B.).
159
trop près de la chute d’échappement des moteurs; 3. des dommages mécaniques du système

d’isolation du câblage électrique à cause d’une installation impropre. Aucune preuve n’a

été présentée à l’appui des deux premières causes. Par conséquent, la Cour a considéré que

le transporteur a manqué à son obligation de navigabilité avant et au début du voyage. Le

juge Clarke déclare à ce propos :

« In my judgment it follows from that conclusion that the vessel


was unseaworthy at the commencement of the voyage. There is no
suggestion that mechanical damage to the insulation or wiring
occurred after the voyage began. [...] It follows that at the
commencement of the voyage the vessel cannot have been fit in all
respects to carry her cargo safely to its destination having regard to
the ordinary perils which might be expected on the voyage. »554

La compétence du personnel, tel que susmentionnée, est un élément important de la

navigabilité. Les préposés choisis diligemment par le propriétaire du navire doivent faire

preuve de vigilance et être conscients du danger inhérent à un lieu de travail spécifique,

notamment en ce qui a trait à la salle des machines principales et aux autres compartiments

qui renferment des machines555.

En cas d’incendie, le transporteur doit également prendre toutes les mesures

nécessaires pour éteindre le feu, afin d’éviter la perte ou la contamination de la

cargaison556. Ce sont les préposés du transporteur qui effectuent ces tâches.

Par voie de conséquence, le lien étroit du cas excepté d’incendie avec l’obligation

de navigabilité suppose que le transporteur devrait être responsable de la faute de ses

préposés ou contractants indépendants pour les dommages causés par l’incendie à bord du

navire. Malheureusement, la Convention de Bruxelles manque de cohérence. De surcroît, la

554
Id., p. 516.
555
Bulletin de la sécurité des navires, no 02/2006, SGDDI–no1492975. En ligne :
<http://www.tc.gc.ca/securitemaritime/Bulletins/2006/SSB-02-2006f.pdf> (consulté le 4 novembre 2008)
556
American Mail Line v. Tokyo M. & F. Ins. Co. 270 F.2d 499, [1959] A.M.C. 2220 (9th Cir. 1959).
160
faute personnelle du transporteur en cas d’incendie est inadaptée aux réglementations

actuelles de sécurité des navires. Pour prévenir les risques d’incendie, les réglementations

internationales557 et nationales instaurent des règles impératives et des plans d’action pour

veiller constamment sur la sécurité des navires. Par exemple, au Canada, l’article 40 du

règlement sur la construction de coques558 de la loi sur la marine marchande exige un

affichage des plans qui démontre clairement les systèmes d’alerte et de détection

d’incendie. Il doit donc toujours y avoir à la passerelle de navigation ou à un autre poste de

sécurité approprié du navire un livret d’instructions relatif à l’entretien et au

fonctionnement du matériel et des installations de lutte contre l’incendie. Les descriptions

de plans, les livrets et les instructions doivent être dans les deux langues officielles.

Au problème de la faute personnelle du transporteur en cas d’incendie s’ajoute la

complexité du régime de preuve.

Paragraphe 2 — Le régime de preuve en cas d’incendie

Le transporteur n’a pas à se justifier quant à l’origine du sinistre « (b [...] à moins

qu’il ne soit causé par le fait ou la faute » de ce dernier. La preuve de la faute personnelle

du transporteur en cas d’incendie incombe au chargeur.

557
Voir : annexes de la Convention SOLAS 1974, Chapitre II. 2, annexe 1 et 2 spécifiant les règles de
construction et les équipements relatifs à la protection contre l’incendie. Par exemple, la division du navire en
tranches verticales principales par des cloisonnements ayant une résistance mécanique et thermique, la
séparation des locaux d’habitation du reste du navire par des cloisonnements ayant la même propriété,
l’utilisation restreinte de matériaux combustibles, détection, localisation et extinction de tout incendie à
l’endroit où il a pris naissance, la protection des issues et des moyens d’accès pour permettre une lutte plus
efficace contre le feu, etc.
558
L’article 40 énonce que : « Sur tout navire, il y aura, pour la gouverne du capitaine, des plans faisant voir,
pour chaque pont, les sections qui sont entourées par des cloisons type A et celles qui le sont par des cloisons
type B, et montrant dans le détail les systèmes d’alerte et de détection d'incendie, les dispositifs d'extinction
par pulvérisation d'eau et les extincteurs d'incendie, les moyens d’entrée et de sortie des divers compartiments
et entreponts ainsi que le système de ventilation, y compris en particulier l’emplacement des registres et les
numéros d'identité des ventilateurs desservant chaque section. Ces plans seront protégés par du verre ou autre
matériel semblable et seront fixés à demeure à une cloison, une table ou un pupitre près du poste normal de
navigation. »
161
Cette charge de preuve est évidemment plus difficile à rapporter, voire impossible,

dans la situation du chargeur qui ne se trouve pas sur les lieux du dommage. D’un point de

vue économique, elle est inefficace, puisque si la charge de la preuve incombe au

transporteur, il sera amené à prendre plus de précautions, ce qui réduira le nombre

d’incendies à bord des navires et ainsi la préservation du bâtiment. Une bonne

administration de la preuve permettra également de diminuer le nombre de litiges ou

recours essentiellement coûteux et incertains lorsque les éléments de preuves sont

insuffisants559.

L’option de rechange pour le chargeur est de réintroduire la responsabilité du

transporteur en prouvant qu’il a manqué à son obligation de navigabilité560.

Le régime de preuve d’incendie obéit généralement à l’ordre suivant :

- Le chargeur doit prouver la perte de sa marchandise et le transporteur doit rapporter la

preuve que le dommage causé à la marchandise a été réellement provoqué par

l’incendie561 et non pas par son manque de diligence à mettre le navire en bon état de

navigabilité. Par exemple, dans l’affaire Federazione Italiana v. Mandask Compania562,

le tribunal a refusé d’appliquer l’exception de l’article IV.2 (b), puisque la cause du

dommage, à l’existence d’incendie, était l’innavigabilité du bâtiment due à la rupture de

certains panneaux de la coque laissant pénétrer l’eau de mer.

559
J.-H. HOHENSTEIN, « The Allocation of the Burden of Proof in Marine Fire Damage Cases », 50 (3)
U.C.L.R. 1146, 1167 (1983).
560
Voir : Asbestos Corp. v. Cyprien Fabien (The Marquette), 480 F.2d 669, 672, [1973] A.M.C. 1683, 1686
(2nd Cir. 1973).
561
Avant même de rechercher la cause du sinistre, il faudra au préalable déterminer s’il s’agit juridiquement
d’un incendie. Le recours à l’expertise est nécessaire.
562
Préc., note 122, 436.
162
- Lorsque le transporteur prouve que la cause du dommage est effectivement l’incendie.

À ce stade, c’est au chargeur de rapporter la preuve contraire563 que la cause immédiate

et matérielle564 de l’incendie est la faute personnelle du transporteur565. Qu’il n’a pas

pris toutes les mesures nécessaires pour éteindre le feu, ou a seulement essayé de sauver

le navire. Dans le cas où les mesures prises pour lutter contre le feu provoquent le

dommage et que la cause première demeure l’incendie par l’eau utilisée comme moyen

d’éteindre le feu, le transporteur sera certainement libéré. Dans l’affaire The Subro

Valour précitée, il a été jugé ce qui suit en matière de preuve :

« The defendants admit that if the vessel was unseaworthy at the


commencement of the voyage there was breach of the contract of
carriage unless they prove that the unseaworthiness occurred
notwithstanding the exercise of due diligence on the part of
themselves, their servants or agents- it is common ground that that
is the combined effect of art. III, r. 1 and art. IV,r. 1 of the Hague-
Visby Rules.
In these circumstances it is convenient to consider the issues under
these heads:
1- Cause of fire
2- Spread of the fire and its cause
3- Quantum including the nature of the contractual relation
between the plaintiffs and the defendants. »566

En somme, l’exonération est accordée au transporteur, lorsque l’incendie est la seule

cause du dommage et en cas d’absence de faute. Un transporteur ne serait pas responsable

dans le cas d’une fausse déclaration du chargeur pour des marchandises dangereuses à

l’origine de l’incendie, telles des substances sujettes à l’inflammation spontanée ou qui, au

563
Voir : G. MARAIS, préc. note 323, p. 152 et 153; Joël M. BASSOFF, « Fire Losses and the Statutory Fire
Exceptions », 12 J.M.L.C. 507 (1981). Cf. Eugene J. O’CONNOR et Shannon O’REILLY, « The Fire
Defenses Under U.S. Law », 33 J.M.L.C. 111 (2002).
564
The Tai Shan, 111 F. Supp. 638, [1953] A.M.C. 887 (S.D.N.Y. 1953).
565
Drew Brown Ltd. v. The Orient Trader (The Orient Trader), [1974] R.C.S. 1286; The Apostolis, [1996] 1
Ll.L.Rep. 475, [1997] 2 Ll.L.Rep. 241, 246 (C.A.) Voir aussi : Hartford Accident & Indem. Co. v. Gulf Ref.
Co., 230 F.2d 346, 355 (5 th Cir. 1956); Albina Engine & Mach. Works, Inc. v. Hershey Chocolate Corp., 295
F.2d 619, 622 (9 th Cir. 1961).
566
Préc., note 553, 510.
163
contact de l’eau, dégagent des gaz inflammables. Les fausses déclarations du chargeur

constituent des sources potentielles d’incendie.

En revanche, l’exonération ne peut jouer en faveur du transporteur lorsque

l’incendie qui a causé le dommage trouve son origine dans l’inexécution de ses obligations

contractuelles. La Convention de Bruxelles ne mentionne pas la faute du capitaine ou des

préposés à l’origine de l’incendie. Toutefois, dans le cadre de son obligation de navigabilité

ou celle de la prise de soin de la cargaison, « le transporteur peut être trouvé responsable

pour les fautes de ses préposés ou agents […] »567

Par ailleurs, on ne peut manquer de s’interroger sur l’effectivité de l’administration

de la preuve en matière d’incendie. Ne pourrait-elle pas être source de fraude pour le

transporteur? Ce dernier pourrait facilement cacher sa faute personnelle ou son manque de

diligence, par exemple, si la cargaison a été endommagée par une autre cause en cours de

transport568.

Le cas de la grève et de lock-out constitue pour les Règles de La Haye⁄Haye-Visby

un autre cas qui exonère le transporteur de sa responsabilité.

Sous-section 2 — Grèves et lock-out

L’article IV.2 (j) des Règles de La Haye⁄Haye-Visby exonère le transporteur des

dommages résultant de « grèves ou lock-out ou d’arrêt ou entraves apportés au travail pour

quelque cause que ce soit, partiellement ou complètement ».

567
G. LEFEBVRE, préc., note 194, 458.
568
Il serait intéressant de s’interroger sur la légitimité de l’absence de faute du transporteur pour le fait d’avoir
volontairement incendié la partie infestée d’une cargaison dans le but de préserver l’autre partie demeurée
saine et intacte. Une telle interrogation nous permet de concevoir que l’incendie volontaire ne constitue
toujours pas une faute du transporteur. Dans le cas présent, nous estimons qu’un tel acte s’inscrit dans le cadre
des avaries communes.
164
Cet article souligne, en premier lieu, un sens étendu du concept de grève et du lock-

out (ou grève patronale). Il s’agit de la grève générale569 des employés du transporteur ou

de ceux d’une compagnie de manutention indépendante au port de chargement ou de

déchargement. Néanmoins, il n’est pas question ici du cas de licenciement des employés

par l’employeur pour épargner des frais ou celui de l’absence d’employés en cas d’une

épidémie par crainte de contamination570.

La grève n’est pas liée aux critères de la force majeure comme c’est souvent le cas

en France571. Le transporteur est exonéré, s’il fait montre de diligence raisonnable572, en

faisant de son mieux, afin de remédier aux effets de la grève573. On ne retient ici de la force

majeure que la soudaineté comme élément du critère de l’insurmontabilité574. En effet, une

grève des douaniers à l’intérieur du pays n’est pas libératoire575, alors qu’il était possible de

569
Cf. P.-P. FIESCHI, préc., note 322. Voir : Martine LE BIHAN-GUÉNOLÉ, Droit du travail maritime :
spécificité structurelle et relationnelle, Édition L’Harmattan, 2001, p. 300.
570
Comme le souligne certains auteurs : « The employer must use reasonable exertions to carry on his
business and obtain men. Strikes preventing cargo from coming to the port of loading may be within the
exemption. A strike may prevent cargo being loaded within the lay-days notwithstanding that the strike has
been settled before the ship’s arrival. ‘The consequences of any strike’’ will include congestion in a port due
to a strike, but continuing after the strike has ended. » : A.-A. MOCATA et al., préc., note 73, p. 231.
571
C.A. Aix Provence, 6 décembre 1972, Revue Scapel 1973.15; C.A. Rouen, 24 novembre 2005,
D.M.F.2006.506.
572
U.S.A. v. Lykes Brothers S.S. Co., [1975] A.M.C. 2244 (5 th Cir. 1975).
573
Hugh M. KINDRED, Ted L. McDORMAN, Mary R. BROOKS, Norman G. LETALIK, William
TETLEY et Edgar GOLD, The future of Canadian Carriage of Goods by Water Law, Halifax, Dalhousie
Ocean Studies Programme, 1982, p. 158.
574
Selon Fieshi, les auteurs français distinguent entre « l’imprévisibilité qui s’apprécie au moment de la
conclusion du contrat et la soudaineté qui s’apprécie au moment de l’exécution du contrat. Si l’imprévisibilité
est une condition nécessaire pour qu’il y ait force majeure, la soudaineté n’est pas exigée impérativement :
elle n’est qu’un indice qui permet de vérifier s’il y a eu impossibilité d’exécution. Si la grève a été annoncée à
l’avance, on peut penser que le débiteur a eu le temps de se prémunir contre ses conséquences en recherchant
un personnel de remplacement, par exemple. Si, à l’inverse, la grève a éclaté de façon soudaine, il est
probable que l’employeur n’aura pas eu le temps nécessaire pour remédier à la carence de son personnel. La
soudaineté n’est donc qu’un élément de l’irrésistibilité; elle joue un rôle secondaire; en effet, si malgré la
possibilité qu’a eu le débiteur de prévoir la grève avant le moment de l’exécution, il s’est trouvé dans
l’impossibilité de pallier à ses conséquences, il n’en pourra pas moins invoquer la force majeure. » : P.-P.
Fieshi, préc., note 322, p. 120.
575
Paris, 27 mai 1980, cité par Jaques PUTZEYS, Le contrat de transport routier de marchandises, Bruxelles,
Édition Bruylant, 1981, p. 247.
165
dédouaner ailleurs. Le transporteur n’a pas pris les mesures nécessaires, même en

connaissance de cause.

Néanmoins, l’expression « pour quelque cause que ce soit » laisse entendre le fait

d’admettre l’irresponsabilité du transporteur, même dans le cas où la grève est occasionnée

par sa propre faute, sauf qu’une grande partie de la doctrine, dont nous partageons

l’opinion, admet que cette opinion contredit cette interprétation576. Le transporteur ne peut

être exonéré, lorsqu’il est question de sa faute ou de sa négligence ou de celle de ses agents

et préposés. Fraikin souligne à cet effet que :

« ‘’Pour quelque cause que ce soit’’. A notre sens, cette formule ne


peut signifier : "La grève exonère le transporteur maritime, quelle
que soit la cause qui l’a provoquée, serait-ce même une faute de ce
dernier." Il y aurait là une disposition contraire à tous les principes
de notre droit, et notamment à celui que nul ne sera admis à
invoquer sa propre faute. Au contraire, nous pensons que
l’expression "pour quelque cause que ce soit" vise, en cas de
grève, le motif pour lequel les ouvriers l’ont déclenché, et, en cas de
lock-out, celui pour lequel les patrons ont fermé leur entreprise.
Ainsi disparaît la contradiction in fine de l’article 4 qui permet au
chargeur de prouver la faute du transporteur dans tous les cas
exceptés. »577

L’expression « pour quelque cause que ce soit » suscite notre réflexion sur la grève

d’un tiers ou le blocage des ports en raison de manifestations publiques578, comme le cas du

blocage des routes579 lors de la crise amérindienne580. Dans ce cas, le transporteur a-t-il

droit à l’exonération?

576
Voir : C. CHAIBAN, préc., note 282, p. 62.
577
G. FRAIKIN, préc., note 403, p. 254.
578
Une telle question n’échappe pas à l’esprit lorsque l’on a été témoin du blocage du port de Montréal lors de
la grève des étudiants en mars 2003 portant sur le système de prêts et bourses. Voir : Marie TILCHE, « Grève
des transports, mal récurrent ou incurable? », B.T.L.2001.275.
579
Voir : Sotramex Inc. c. Québec, (procureur général), J.E. 96- 2258 (C.S.).
580
Au cours de l’année 1990, des Amérindiens mohawks de la région montréalaise s'opposent à l’intrusion de
Blancs sur leur territoire. Du 11 juillet au 26 septembre 1990, à Kanesatake et à Kahnawake, un groupe
d’entre eux, les Warriors, bloque des routes que les policiers tentent de dégager, sans succès. Il s’ensuit un
166
Nous estimons que dans ce cas, que la maniféstation d’un tiers s’inscrit dans le

cadre des faits inconnus au transporteur de l’article IV.2 (q) des Règles de La Haye⁄Haye-

Visby. Les présentes règles ont fait de la grève un cas excepté, sans qu’elle ne soit

nécessairement un cas de force majeure. Cependant, l’article IV.2 (q) élargit la liste des cas

exceptés ainsi que leur interprétation, sous l’événement de force majeure. La grève d’un

tiers serait dans ce sens imprévisible et extérieure au transporteur. La prise de mesures

raisonnables peut être dépassée par l’imprévisibilité et l’insurmontabilité de l’événement.

Sous-section 3 — Faits constituant un événement non imputable au


transporteur

L’ajout du cas « des faits constituant un événement non imputable au transporteur »

prête à confusion. Il s’agit du fameux cas excepté innommé, fourre-tout581 ou en anglais «

catch all »582, comme le laisse entendre la doctrine.

L’article IV. 2 (q) énonce que le transporteur serait exonéré de :

« De toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du


transporteur ou du fait ou de la faute des agents ou préposés du
transporteur, mais le fardeau de la preuve incombera à la personne
réclamant le bénéfice de cette exception et il lui appartiendra de
montrer que ni la faute personnelle ni le fait du transporteur ni la
faute ou le fait des agents ou préposés du transporteur n’ont
contribué à la perte ou au dommage. »

Ce cas constitue un moyen subsidiaire de l’exonération, un fait non compris dans la

liste des cas exceptés583, qui peut être d’origine inconnue584. Il doit être extérieur au navire

long siège qui se termine après l’intervention de l’armée canadienne. Les Mohawks de la Rive-sud de
Montréal bloquent le pont Honoré-Mercier. En ligne : <http://archives.radio-canada.ca/IDD-0-9-
39/guerres_conflits/crise_oka/> (consulté le 20 juin 2007).
581
P. BONASSIES et Ch. SCAPEL, préc., note 62, p. 688.
582
W. TETLEY, préc., note 261, p. 1225.
583
C.A. Paris, 25 janvier 1977, D.M.F.1977.645.
584
Cf. FRAIKIN et BOQUET, « Les dommages d’origine inconnue dans les transports sous
connaissements », D.M.F.1978.707.
167
ou le fait d’un tiers et peut survenir malgré la prise des mesures de sécurité nécessaires,

donc imprévisible ou répondant aux critères de la force majeure585. Dans cette catégorie

figure le cas de vol586.

Dans l’affaire The Leesh River Tea Co. v. British India Steam Navigation Co.

Ltd.587, une cargaison de thé transportée de Calcutta vers Rotterdam est arrivée à

destination endommagée par l’eau de mer, lors d’une escale du navire au Soudan, en raison

du vol d’une plaque-couvercle par les débardeurs qui procédaient au déchargement d’une

marchandise de coton. La Cour d’appel d’Angleterre a exonéré le transporteur maritime,

jugeant qu’il a exercé sa diligence raisonnable quant à son obligation de navigabilité et a

droit à bénéficier de l’exonération pour les motifs suivants :

« In the present case the act of the thief ought I think to be regarded
as the act of a stranger. The thief in interfering with the ship and
making it, as a consequence, unseaworthy, was performing no duty
for the shipowners at all, neither negligently nor deliberately nor
dishonestly. He was not in fact their servant and no question
therefore, strictly arises of his acting outside the scope of his
employment. The shipowners were only liable for his acts when he,
as a servant of the stevedores, was acting on behalf of the
shipowners in the fulfilment of the work for which the stevedores
had been engaged. Without that the shipowners were in no
relationship at all with the thief. »588

Selon le raisonnement de la Cour, le transporteur a droit d’invoquer la lettre (q) si le

débardeur, agissant en dehors de ses fonctions, commet un acte frauduleux, considéré dans

ce cas comme le fait d’un tiers. En revanche, lorsque le débardeur dérobe la cargaison pour

laquelle il était engagé aux fins de son chargement ou son arrimage, le transporteur ne peut

585
A. SÉRIAUX, préc., note 111, p. 74-96.
586
Voir: City of Baroda (Owners) v. Hall Line, (1926) 42 T.L.R. 717 (K.B. 1926); R. F. Brown & Co. Ltd. v.
T. & J. Harrison, (1927) 43 T.L.R. 633 (C.A. 1927).
587
Leesh River Tea Co. c. British India Steam Navigation Co. Ltd., préc., note 229, 250.
588
Id., 272.
168
bénéficier de ce cas excepté. Le vol par un membre de l’équipage, dont les débardeurs, dans

l’exécution de leur fonction constitue par ce fait un cas de fraude ou de baraterie589.

Tetley fait part d’un autre cas, qui selon lui, peut tomber sous l’exception de

l’article 4 (2) (q). Il s’agit de la buée de cale qui apparaît généralement sous deux aspects :

la buée de cale qui provient du navire lui-même rentrant dans le cadre de l’obligation de

navigabilité, article IV.2 (p). La buée de cale qui provient de la nature de la marchandise,

constituant par ce fait une faute commerciale du transporteur, du moment où ce dernier n’a

pas pris toutes les mesures nécessaires à prendre soin de la cargaison par un arrimage

acceptable, un contrôle efficace des systèmes de ventilation, de vaigrage, d’aération et

d’assèchement, à moins qu’il ne prouve le vice propre de la chose. C’est ce dernier cas qui

est compris dans le champ d’application de l’article 4 (2) (q). Afin de s’exonérer, le

transporteur doit d’abord démontrer la cause du dommage. Qu’elle soit attribuable à

l’humidité atmosphérique qui entoure le navire en cours de voyage ou qu’elle provienne

d’un autre chargement, ou de cales inondées, ou encore de ce que la marchandise ait été

chargée sous la pluie. Ensuite, le transporteur doit prouver son absence de faute, celles de

ses préposés ou agents. Enfin, le transporteur doit surtout prouver qu’il a exercé la diligence

raisonnable pour mettre le navire en bon état de navigabilité590.

En outre, la jurisprudence française a considéré un faux connaissement ayant

l’apparence d’un original591, comme un fait d’origine inconnue au transporteur. La charge

de la preuve incombe à celui qui réclame le bénéfice de ce cas excepté. Il est question

589
Cf. A.-A. MOCATA et al., préc., note 73, p. 237.
590
William TETLEY, « La buée de cale », D.M.F.1964.323.326.
591
C.A. Paris, 22 novembre 1996, B.T.L.1996.157.
169
également d’innavigabilité soudaine, lorsque la preuve précise de l’origine du dommage n’a

pas été établie592.

La cause d’origine inconnue du dommage est rarement admise par les juges

cependant, car la preuve que doit rapporter le réclamant repose sur une relation de

dépendance entre le dommage et une cause étrangère au transporteur, ses agents et

préposés. Le transporteur devra démontrer son absence de faute et expliquer les

circonstances de fait, ainsi que leur relation avec le dommage. C’est ce qui permettra de

mesurer le degré d’exercice de la diligence raisonnable.

La jurisprudence adopte souvent une appréciation a posteriori de l’absence de faute

et fait ainsi de l’art. 4-2 (q) un texte à portée limitée593.

La majorité de la doctrine avance sur ce point que « [...] même si le transporteur

n’est pas obligé de prouver la cause du dommage, son obligation de diligence impose cette

preuve. La cause inconnue empêcherait donc le transporteur d’invoquer le présent

article. »594 Par conséquent, ce cas excepté est rarement invoqué par le transporteur595. Ce

cas résume en fin de compte l’aberration du régime d’exonération de la Convention de

Bruxelles.

Pour pallier ce déséquilibre, soit il importe d’abandonner la longue liste des cas

exceptés, dans la mesure où ils ne sont que des exemples de cas où le transporteur n’est pas

en faute, tombant dans l’exception de l’art IV. 2 (q); soit, il convient de supprimer ce cas

592
C.A. Paris, 29 novembre 1978, D.M.F.1979.80, n. R. RODIÉRE et J. VINEAU; Cass. 13 juin 1989,
D.M.F.1990.467; Cass. 27 juin 1995, D.M.F.1996.302, obs. F. RÉGNIER; Sentence arbitrale, 27 novembre
1997, D.M.F.1998.710.
593
A. SÉRIAUX, préc., note 111, p. 70.
594
Id., p. 70. Voir aussi : Quaker Oats Co. v. M⁄V Torvanger, 734 F.2d 238, 243 (5 th Cir.1984).
595
Voir sur le l’interprétation de ce cas en droit néerlandais : M.-L. HENDRIKSE, et al., préc., note 469,
p.198-200.
170
innommé et conserver les cas exceptés, à condition qu’ils répondent aux critères objectifs

de la force majeure. Nous rejoignons ainsi l’interrogation de Pineau :

« […] si cette longue énumération de l’article IV (1) et (2) R.L.H.


était bien nécessaire! L’article IV (2) (q) énonçant une présomption
de faute ne suffit-il pas? Si la preuve de l’absence de faute suffit à
exonérer le transporteur, il est inutile de dire qu’il n’est pas
responsable des cas de force majeure! En pratique, ce «cas excepté»
est – fort heureusement- rarement retenu par les tribunaux. »596

596
J. PINEAU, préc., note 6, p. 210.
171
Conclusion de la première partie

Au cours de cette première partie, l’analyse du régime de base de la responsabilité

du propriétaire du navire nous a conduit à la conclusion que le problème fondamental du

régime de responsabilité du transporteur maritime, en vertu des Règles de La Haye⁄Haye-

Visby, est attribuable aux incertitudes juridiques en raison de l’imprécision de ce texte et du

manque de clarté des concepts utilisés, d’où la complexité de son application.

En effet, le propriétaire de la cargaison ou le chargeur a recours à deux actions, une

fondée sur l’art. III, qui exige la navigabilité avant et au début du voyage et des soins

appropriés à la cargaison transportée pendant le voyage, et une fondée sur l’article IV (2),

qui répertorie une liste d’exceptions où le transporteur n’est pas responsable. La relation

entre les deux articles est floue. Différents problèmes se posent alors : l’appréciation de la

diligence raisonnable et sa durée, le contenu de la navigabilité, la concurrence des causes

du dommage, le bénéfice des cas exceptés, la place de la faute ou son caractère personnel,

la charge de preuve597, etc.

Nous avions proposé à la fin du dernier chapitre de cette partie deux options pour

remédier à ce problème, soit la suppression de la longue liste des cas exceptés, dans la

mesure où ils ne sont que des exemples de cas où le transporteur n’est pas en faute et que

ces différents cas exceptés rentrent dans l’exception de l’art IV. 2 (q), pour toute autre

cause ne provenant pas de la faute du transporteur; soit, la suppression de ce dernier cas et

la conservation des cas exceptés, à condition qu’ils répondent aux critères objectifs de la

force majeure. Les cas exceptés dans leur état actuel contredisent le fondement du régime

597
Malgré que le fondement du régime du transporteur maritime est une responsabilité de plein droit, la faute
du transporteur continue à jouer un rôle important comme élément de preuve pour convaincre les juges. Cet
usage fait en sorte que la notion abstraite de la responsabilité de plein droit est désuète, puisqu’en droit la
preuve de la faute est inutile. La faute est aussi importante pour les exonérations de l’article IV. L’élément de
la faute offre au juge la possibilité de mesurer la cause directe du dommage.
172
de plein droit de la Convention de Bruxelles, sans compter l’interprétation fluctuante des

tribunaux nationaux. Cette liste exonératoire laisse planer le doute sur leur raisonnement

juridique. Les juges continentaux hésitent sur la méthode à suivre pour interpréter ces

règles qui souvent prêtent à confusion : s’agit-il d’une convention internationale ou d’un

modèle de connaissement anglais transformé en une loi?

Ce manque de précision s’explique historiquement par le fait que les Règles de La

Haye⁄Haye-Visby servaient simplement de modèle impératif du connaissement et du fait

que les rédacteurs se trouvèrent incapables d’en changer le mode de rédaction.

Il faut se rappeler que le Harter act de 1983 des États-Unis a fortement motivé

les rédacteurs de la Convention, qui, en grande partie, est le fruit de la pensée anglo-

saxonne. Toutefois, les jurisprudences anglaise et américaine qui doivent disposer de

décisions judiciaires uniformes comprennent vraisemblablement des interprétations

multiples de cette convention.

En résumé, étant donné que le caractère international de la Convention n’a pas été

pris en considération pour canaliser les standards et principes des deux traditions juridiques,

il serait préférable d’abandonner ce standard anglo-saxon et d’opter pour une autre

approche qui simplifierait ce régime, qui serait en harmonie avec les autres modes de

transport et les règlements ou codes de sécurité en vigueur.

Dans cette perspective, en seconde partie, nous verrons ce que rapportent les

régimes subséquents à la Convention de Bruxelles. Ce sera l’occasion de nous interroger,

dans un premier chapitre, sur l’apport des Règles de Hambourg de 1978, ses effets sur le

plan légal, jurisprudentiel et économique. S’agit-il vraiment d’une nouvelle convention

instaurant le changement voulu ou s’agit-il tout simplement d’une reproduction intervertie


173
de la Convention de Bruxelles? Les attentes des différents acteurs maritimes varient

certainement par rapport à ses effets en pratique598, d’autant plus que le régime de base de

Bruxelles est toujours en vigueur.

Nous aurons alors l’occasion d’observer que la coexistence des deux systèmes

engendre des difficultés. L’uniformisation, loin d’être concertée, se fait de manière

anarchique induisant une superposition très complexe des règles en vigueur.

La Convention des Nations-Unies sur le contrat international de transport

entièrement ou partiellement par mer est une réponse en soi à cette réalité handicapante.

Notre second chapitre sur ces nouvelles règles sera indispensable pour compléter notre

étude et pour justifier l’utilité ou non de notre approche objective.

598
Diamond a songé y répondre en proposant un test par le questionnement suivant : « Is this change
necessary to achieve a better working result in practice? If the answer is yes, then of course make the change.
But if the answer is no, then leave that which has worked perfectly well for half a century alone » : Anthony
DIAMOND, « A legal Analysis of Hamburg Rules », dans The Hamburg Rules: A One-day Seminar, 28
septembre 1975, organisé par Lloyd’s of London Press Ltd., p. 5. Ce test est utile, puisqu’il autorise à
s’interroger sur l’efficacité des nouvelles règles. En revanche, nous ne partageons pas le même avis sur la
préservation des anciennes règles, du moment où notre analyse ainsi que la littérature ont relevé beaucoup de
défaillances théorique et pratique.
Partie II — Les régimes subséquents du régime de base de la
Convention de Bruxelles de 1924

Notre étude cherche indubitablement à montrer le dysfonctionnement des régimes

de responsabilité du transporteur maritime en cours.

Aussi étudierons-nous dans un premier chapitre, le régime de responsabilité du

transporteur maritime selon la Convention des Nations-Unies sur le transport de

marchandises par mer, autrement appelée les Règles de Hambourg de 1978, qui avait pour

objectif de remplacer les Règles de La Haye⁄Haye-Visby. Or, jusqu’à ce jour, les deux

conventions régissent le régime juridique international du transporteur maritime.

Un second chapitre sera consacré à la nouvelle convention sur le contrat

international de transport de marchandises entièrement ou partiellement par mer qui a pour

vocation de remplacer les deux conventions précitées et de mettre fin à l’éclatement de ce

régime.

Ce faisant, nous constaterons que les deux conventions subséquentes au régime de

base de Bruxelles souffrent continûment d’incohérence et de difficultés d’interprétation.


Chapitre I — Le régime de Hambourg et l’abandon des cas exceptés

Les Règles de Hambourg de 1978 sont le résultat de longues et laborieuses

tractations599 et travaux préparatoires, puisqu’elles sont l’aboutissement d’un processus de

rédaction amorcé huit ans auparavant, avec la participation de différents organismes

maritimes600. Essayant d’arriver à un compromis entre les différents acteurs maritimes,

cette convention a subi plusieurs amendements avant son adoption par le Comité maritime

international en 1978. Elle est entrée en vigueur le 1er novembre 1992601, donnant lieu à un

texte qui apporte maints changements, tantôt positifs, tantôt négatifs au régime de la

responsabilité du transporteur maritime, tel que l’explique Tetley :

« In effect the Rules were pulled in all directions by opposing


forces so that they simultaneously make advances and regressions
in substantive law, and provide clarity of expression in places and
obscurity in others. The Rules in consequence neither completely
please nor completely displease. »602

599
Au sein de la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (U.N.C.T.A.D), les
différents États participant aux négociations du projet se sont divisés en trois groupes : le groupe B
représentant l’Europe occidentale, le Japon, l’Australie, etc.; le groupe D constitué de l’URSS, les pays
communistes et les membres du Council for Mutual Economic Assistance (COMECON) et le groupe 77
formé des pays asiatiques, africains et latino-américains ainsi que de la Yougoslavie. Les différents groupes se
sont subdivisés en deux principaux camps : ceux en faveur des intérêts du transporteur comme la Belgique, la
Grèce, l’Irlande et la Suisse, l’URSS, l’Ukraine, la Bella-Russe, la Pologne, l’Hongrie, la République
démocratique allemande, l’Argentine, l’Indonésie, la Corée du Sud, le Libéria, le Pérou et le Venezuela; ceux
protégeant les intérêts du chargeur comme les États-Unis, la France, l’Inde, le Mexique, le Pakistan et les
Philippines. Un problème de taille s’est posé lors des négociations, celui de la divergence des approches
économiques adoptées par chacun des pays, qui opposaient même les participants d’un même pays. Par
exemple, la mésentente entre les pays d’Amérique latine avec les pays d’Afrique et du Moyen-Orient. La
position scandinave était marquée par certaines hésitations selon chaque cas, en considération de ses intérêts
économiques. Les États-Unis, la France et l’Inde, pays de transporteurs, optaient pour la position des
chargeurs. Toutefois, la Convention fut adoptée par trente-cinq voix contre seulement six abstentions, dont
celle de la France. Douze voix sont habituellement exigées pour son adoption.
600
Achard explique que : « [l]es groupes de travail de la CNUCED et la CNUDCI ont effectué des recherches
approfondies, de nombreuses autorités gouvernementales ont été consultées, des praticiens, des experts et des
universitaires ont été interrogés sur différents aspects du transport maritime de marchandises. Des
représentants d’organisations d’armateurs, de chargeurs, d’assureurs maritimes, de juristes, ont été
entendus. » : R. ACHARD, préc., note 98, 458.
601
Il s’agit des vingt États suivants : Barbade, Botswana, Burkina Faso, Chili, Égypte, Guinée, Hongrie,
Kenya, Lesotho, Liban, Malawi, Maroc, Nigéria, Ouganda, République Unie de Tanzanie, Roumanie,
Sénégal, Sierra Leone, Tunisie et Zambie. Au 1er août 1994, deux autres États, l’Autriche et le Cameroun,
avaient adhéré à la Convention. Le dernier pays en liste a été l’Albanie en juillet 2006, portant à 32 le nombre
des États représentés à cette convention.
602
William TETLEY, « The Hamburg Rules- A Commentary », (1979) L.M.C.L.Q. 1, 3.
176
Le nombre de ratifications demeure insignifiant en comparaison aux ratifications se
rapportant à la flotte mondiale. Nous nous trouvons par ce fait en présence d’une
jurisprudence extrêmement pauvre, particulièrement en matière de responsabilité603.
Cet état de fait nous amène à analyser les problèmes liés à la responsabilité du

transporteur maritime604, à partir des nouvelles règles en fonction de la doctrine, ainsi qu’en

raison d’un rapprochement de la jurisprudence existante sous la Convention de Bruxelles

ou sous les autres conventions régissant les autres modes de transports.

Les concepts de droit commun qui sous-tendent ce texte seront également mis à

contribution, y compris les travaux préparatoires qui ont précédé la rédaction de la

Convention de Hambourg605. Souvent, l’utilisation de ces travaux sert au tribunal, afin de

déterminer la véritable intention du législateur.

Les Règles de Hambourg sont d’ordre impératif606. De plus, le régime de la

responsabilité du transporteur maritime est basé sur la présomption de faute.

L’étude de ce nouveau régime de responsabilité nécessite au préalable l’examen des

modifications apportées aux obligations du transporteur maritime (section 1).

603
Les décisions qu’on a pu rencontrer lors de notre recherche concernent en majorité la compétence des
tribunaux des États qui n’ont pas ratifié cette Convention. Par exemple pour le cas de la France voir : C.A.
Paris, 3 décembre 1997, D.M.F.1998.588; C.A. Aix-en-Provence, 7 mai 1997, D.M.F.1998.29; Trib. com.
Marseille, 15 février 1994, Revue Scapel 1994.105; Trib. com. Paris, 10 septembre 1997, D.M.F.1998.585.
Voir aussi : P.-Y. NICOLAS, « Les Règles de Hambourg devant les tribunaux français », D.M.F.1998.547.
604
Les lacunes des Règles de Hambourg ne se limitent pas au régime de responsabilité. Voir : W. TETLEY,
préc., note 602, 1.
605
Pour tous les travaux préparatoires des Règles de Hambourg, consulter en ligne :
<http://www.uncitral.org/uncitral/en/commission/working_groups/3Shipping.html#8thsession> (consulté
mars-avril 2009).
606
Art. 23. Clauses contractuelles
« 1. Toute stipulation figurant dans un contrat de transport par mer, dans un connaissement ou tout autre
document faisant preuve du contrat de transport par mer est nulle pour autant qu’elle déroge directement ou
indirectement aux dispositions de la présente convention. La nullité d’une stipulation n’affecte pas la validité
des autres dispositions du contrat ou document où elle figure. Une clause cédant au transporteur le bénéfice de
l’assurance des marchandises ou toute autre clause similaire est nulle. »
177
Section 1 — L’obligation générale du transporteur

Nous examinerons d’abord la durée de la responsabilité du transporteur (sous-

section 1), puis son obligation générale (sous-section 2).

Sous-section 1 — La période de responsabilité du contrat de transport

La durée de responsabilité du transporteur contractuel607 « couvre la période

pendant laquelle les marchandises sont sous sa garde au port de chargement, durant le

transport et au port de déchargement. »608

C’est le principe de port à port qui vient remplacer la règle du palan à palan de la

Convention de Bruxelles de 1924.

Cet aménagement que le législateur a voulu apporter à travers les Règles de

Hambourg s’explique certainement par le souci de favoriser l’harmonisation du droit des

transports. Ces règles inaugurent un alignement progressif du droit maritime sur les autres

modes de transports. Ainsi, on retrouve les mêmes principes quant à l’étendue de la

responsabilité du transporteur dans l’article 17 de la Convention de Genève de 1956 sur le

607
La notion du transporteur sous les nouvelles règles déroge à la définition établie par le régime de base de
Bruxelles. La notion du transporteur se conçoit différemment du concept du propriétaire du navire (en anglais
shipowner) de la Convention de Bruxelles. Il est dorénavant question de transporteur contractuel et de
transporteur substitué.
L’article I.1 de la Convention de Hambourg énonce que : « 1. le terme "transporteur" désigne toute personne
par laquelle ou au nom de laquelle un contrat de transport de marchandises par mer est conclu avec un
chargeur;
2. les termes "transporteur substitué" désignent toute personne à laquelle l’exécution du transport de
marchandises, ou d’une partie de ce transport, est confiée par le transporteur et doivent s’entendre également
de toute autre personne à laquelle cette exécution est confiée. »
Le transporteur contractuel du chargeur demeure responsable de l’ensemble du voyage maritime, même s’il
confie l’exécution d’une partie du transport à un second transporteur, conformément à une clause de
transbordement contenue dans le connaissement. Par conséquent, l’action du chargeur à l’égard de la
marchandise est essentiellement contractuelle. L’ayant droit peut poursuivre le transporteur contractuel,
puisqu’il est tenu responsable des actes fautifs de son substitué qui agit dans le cadre de ses fonctions,
relativement au contrat de transport (art. 10).
608
L’article IV (1) des Règles de Hambourg.
178
transport international de marchandises par route (CMR) et dans l’article 18 de la

Convention de Varsovie de 1929 régissant le transport international par voie aérienne.

Le transporteur maritime est donc responsable de la marchandise sous sa garde. La

notion de garde se situe entre la prise en charge de la marchandise et sa livraison609.

Autrement dit, l’armateur est responsable de la marchandise depuis la prise en charge

effective ou assimilée à celle-ci, jusqu’à la livraison effective ou assimilée au destinataire.

Prise en charge et livraison sont deux opérations qui démarquent les limites de la

période couverte par le contrat de transport. La prise en charge de la cargaison doit être

distinguée de la conclusion du contrat de transport. Elle est définie comme l’opération

matérielle par laquelle le transporteur ou son représentant610 reçoit la marchandise des

mains du chargeur, ou de son représentant, au port de chargement, aux fins du transport par

mer611. Le moment de la prise en charge exacte est crucial, puisque c’est à partir de ce

moment que le contrat de transport maritime prend effet. La prise en charge commence

lorsque, après vérification de son état, le transporteur accepte la marchandise. L’armateur

609
Ainsi, la phase qui précède la prise en charge et celle qui succède la livraison échappent au domaine
d’application du régime du contrat de transport maritime. Pour ces deux périodes, les Règles de Hambourg
renvoient aux dispositions nationales applicables au port de chargement ou de déchargement ou au contrat.
Cet état de fait peut poser un problème d’uniformité, car les États prévoient l’application de règles différentes,
sans compter que les usages ne sont pas les mêmes dans chaque port. Le professeur Tetley ajoute :
« […] art. 4(2) (a) (ii) gives a simple exception-the carrier is not responsible until he receives the goods from
the port authority or other third party pursuant to law or regulation. At delivery in virtue of art. 4(2) (b) (ii)
there is an even broader exception available to the carrier who may avoid responsibility after tackle by a
general clause in the bill of lading.
Thus in jurisdictions such as Canada for which this Article was intended and which do not have obligatory
statutes imposing responsibility on the carrier before loading and after discharge (as in the U.S. and France)
art. 4 is not much more than tackle to tackle.
Another consequence of exceptions to the port to port rule is that the Himalaya clause will be unaffected by
the Hamburg Rules for before loading and after discharge loss in those jurisdictions where the clause has been
valid » : W. TETLEY, préc., note 602, 16.
610
Dans un nombre limité de pays, les marchandises exportées doivent être remises à certaines autorités avant
que le transporteur ne puisse en prendre réception. Il en va de même pour les marchandises importées avant
que le destinataire puisse en prendre livraison.
611
Voir : J. PUTZEYS, préc., note 320, à la page 149 et suiv.
179
ne peut être forcé d’accepter une marchandise dont il ignore la nature, la qualité et la

quantité612.

Quant à la détermination du moment de la prise en charge, elle est variable selon la

nature des marchandises, notamment celles qui ne sont pas mises à bord au moyen

d’appareils de levage, comme les produits en vrac613. La prise en charge dépend dans ce cas

des procédés utilisés614 pour leur mise à bord. Les mêmes règles sont valables pour le

déchargement615. Par exemple, « la prise en charge des liquides comme le vin et le mazout

se fait au point de raccordement des installations portuaires fixes ou flexibles ou des

camions-citernes avec les appareils fixes ou flexibles du navire. Lorsque le liquide est

déversé d’un appareil fixe ou flexible extérieur au navire, directement dans les cuves, cales

ou réservoirs de ce dernier, l’époque de chargement se situe au moment où le liquide

pénètre dans ces contenants. »616

La variation des modalités de prise en charge par rapport à la nature de la

marchandise peut mener à des incertitudes, d’autant plus que l’article IV.1 mentionne que

le lieu de prise en charge est le port de chargement. Citons, à titre d’exemple, le cas de

conteneurs empotés à l’usine du chargeur. Le droit de vérification de la cargaison aux fins

de sa prise en charge serait limité. Peyrefitte estime que, lorsqu’il s’agit de transport par

612
Léopold PEYREFITTE, « The Period of Maritime Transport, Comments on Article 4 of the Hamburg
Rules », dans S. MANKABADY, préc., note 81, à la page 130.
613
Grains, farine, liquide, etc.
614
Les grains, par exemple, sont embarqués par suceuse, les hydrocarbures par pipeline immergé (en anglais
sea line).
615
Lorsque les conditions des ports ne permettent pas de recevoir les navires à quai, la jurisprudence admet le
chargement sur allège, en tenant compte de la pratique et des coutumes portuaires, puisque souvent le
déchargement sur allège est inséré dans le connaissement par des clauses particulières. Par exemple, dans
l’affaire East & West Steamship Co. v. Hossain Brothers, [1968] 2 Ll.L.Rep. 145 (Pakistan Ct. 1968), la Cour
suprême pakistanaise a estimé que la marchandise ayant été endommagée par la pluie lors du transport sur
allèges pour être acheminée jusqu’au quai engage la responsabilité du transporteur. Voir, dans le même sens :
The Galileo, [1915] A.C. 199 (H.L. 1914); Remington Rand v. American Export Lines, [1955] A.M.C. 1789
(S.D.N.Y. 1955); Falconbridge Nickel Mines Ltd. v. Chimo Shipping Ltd., préc., note 471.
616
M. POURCELET, préc., note 55, p. 47; R. RODIÉRE, préc., note 45, p. 141.
180
conteneurs, le transporteur peut, pour vérifier le contenu des conteneurs à l’usine, étendre la

période de sa responsabilité, en vertu de l’article 23 (2)617. Toutefois, cette solution va à

l’encontre de l’objectif premier de la conteneurisation : la réduction des coûts de

l’opération de transport.

Le discernement dicte que, dans le cas d’un empotage défectueux de conteneur

fourni par le chargeur618, le propriétaire de la cargaison demeure responsable.

L’exonération est permise, car il s’agit d’une faute du chargeur, comme pour le cas de

fausses déclarations sur la nature dangereuse de la marchandise.

Afin de parer à ces incertitudes, il serait préférable aux parties, à titre de preuve, de

préciser ce moment de prise en charge dans le connaissement619 ou tout autre document de

transport. En outre, toute clause contractuelle qui limite la durée de la prise en charge,

comme convenir que le transporteur n’est que le dépositaire jusqu’au chargement de la

marchandise, est nulle et non avenue, conformément à l’article 23 des Règles de Hambourg

qui énonce que :

« 1. Toute stipulation figurant dans un contrat de transport par mer


dans un connaissement ou tout autre document faisant preuve du
contrat de transport par mer est nulle pour autant qu’elle déroge
directement ou indirectement aux dispositions de la présente
Convention.

617
L. PEYREFITTE, préc., note 612, à la page 132.
618
Cf. Léopold PEYREFITTE, « Le régime juridique des transports combinés de marchandises »,
D.M.F.1973.643.
619
Contrairement à la Convention de Bruxelles, les Règles de Hambourg précisent les conditions pour
lesquelles le connaissement peut être émis. En revanche, il ne s’agit pas du seul document de transport. Le
transporteur ne devait émettre un connaissement que si le chargeur le demandait. Le connaissement n’a plus la
force probante du contrat de transport, mais constitue dorénavant un simple reçu de la marchandise
transportée. L’article 1 (7) énonce que : « le terme "connaissement" désigne un document faisant preuve d’un
contrat de transport par mer et constatant la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par le
transporteur ainsi que l’engagement de celui-ci de délivrer les marchandises contre remise de ce document.
Cet engagement résulte d’une mention dans le document stipulant que les marchandises doivent être délivrées
à l’ordre d’une personne dénommée ou à ordre ou au porteur. » Voir : R.-I.-L. HOWLAND, « L’avenir du
connaissement et les connaissements électroniques, mai 1994 », A.D.M.O.1995.201.
181
La nullité d’une telle stipulation n’affecte pas la validité des autres
dispositions du contrat ou document où elle figure. Une clause
cédant au transporteur le bénéfice de l’assurance des marchandises,
ou toute autre clause similaire est nulle.

Pour ce qui concerne la livraison, le transporteur ne doit jamais laisser la

marchandise en souffrance; il doit mettre en œuvre tous les moyens possibles pour

acheminer les marchandises à bon port, dans les meilleures conditions qui soient. La

livraison peut résulter : 1) soit de l’opération matérielle par laquelle le transporteur se libère

de son obligation de délivrance en remettant la marchandise au destinataire ou à son

représentant au port de destination620. Le même principe de vérification lors de la prise en

charge de la cargaison s’impose. La livraison suppose en fait la présentation de la

marchandise au destinataire, à son représentant ou à son agent, qui doit inspecter l’état de la

cargaison avant son acceptation, pour des raisons de preuve en cas de dommage ou de

perte. 2) soit de l’acceptation du déchargement à sa disposition, ce qui correspond à une

livraison juridique621. Ainsi, en mettant la cargaison à la disposition du destinataire, la

livraison prend effet « without any need for the acceptance of the consignee. This right is

given to the carrier as he cannot be expected to wait for an end of a strike when he must call

on other ports. »622

620
Voir : Arrêt de la Cour suprême marocaine, 10 juin 1987, numéro 1818, dossier 91556; Arrêt de la Cour
suprême marocaine, 9 avril 1986, numéro 975, dossier 91556 (non publié). En ce qui a trait à la période avant
la prise en charge et après la livraison, les Règles de Hambourg renvoient aux dispositions nationales,
applicables au port de chargement ou de déchargement ou au contrat.
621
Pour une étude plus approfondie sur la livraison, voir : Catherine DAJOUX-OUASSEL, Les incidents à la
livraison des marchandises dans le contrat de transport maritime et le contrat d’affrètement au voyage, Thèse
de doctorat en droit, Marseille, Faculté de droit et de science politiques d’Aix-Marseille, Université de droit,
d’économie et de sciences d’Aix-Marseille, 2000; James R. WARD, « The Floundering of ‘‘Delivery’’ under
Section 3 (6) of COGSA : A Proposal to Steady its Meaning in Light of its Legislative History », 24 J.M.L.C.
287 (1993).
622
L. PEYREFITTE, préc., note 612, à la page 134.
182
La détermination du moment exact de la livraison est cruciale, particulièrement en

ce qui a trait au transfert des risques à l’ayant droit, au délai de notification des réserves, au

fardeau de la preuve et à la prise d’effet du délai de prescription623.

En ce sens, Bonassies attire l’attention sur le transfert des risques, d’une clause

contractuelle, lors du déchargement de la marchandise, une fois les panneaux de cale

ouverts. L’auteur estime que, du moment où les Règles de Hambourg « ne contiennent

aucune disposition imposant impérativement au transporteur le déchargement des

marchandises, on peut craindre que ne réapparaissent dans les connaissements les

clauses qui jadis, stipulaient que les marchandises seraient livrées au destinataire […]

une fois les panneaux de cale ouverts. »624

Le Tribunal de commerce de Marseille partage la même inquiétude dans son

jugement du 23 janvier 1996, dans lequel la responsabilité du transporteur a été engagée

pour les dommages antérieurs à l’ouverture des panneaux de cale625. Dans le même sens,

la Commission de l’Union européenne avait proposé un amendement de l’article 4

(b)626, en estimant que, bien qu’il donne une définition matérielle de la notion de

623
Voir : Roger ROLAND, « Qu’est-ce que la délivrance? », dans P. BONASSIES, préc., note 2, à la page
309.
624
Pierre BONASSIES, « Le droit positif français en 1992 », D.M.F.1993.3.5.
625
Trib. com. Marseille, 23 janvier 1996, Revue Scapel 1996.51.
626
L’article 4. 2. déclare que :
« Aux fins du paragraphe 1 du présent article, les marchandises sont réputées être sous la garde du
transporteur :
b) Jusqu’au moment où il en effectue la livraison:
i) En remettant les marchandises au destinataire; ou
ii) Dans les cas où le destinataire ne reçoit pas les marchandises du transporteur, en les mettant à la
disposition du –destinataire conformément au contrat ou aux lois ou aux usages du commerce considéré
applicables au port de déchargement; ou
iii) En remettant les marchandises à une autorité ou autre tiers auquel elles doivent être remises conformément
aux lois et règlements applicables au port de déchargement. »
183
livraison, cet article poserait problème dans les cas où le connaissement précise que la

remise de la marchandise s’effectuerait à bord du navire au destinataire627.

Nous estimons à cet égard que la décision notoire en droit aérien, Fothergill

v. Monarch Airlines Ltd628 doit orienter les juges à une appréciation uniforme du texte :

une loi internationale doit faire l’objet d’une interprétation homogène, comme le

souligne le juge Scarman :

« The international currency of the convention must be respected, as


also its international purpose.
The convention should be construed ‘‘on broad principles of
general acceptation’’. »629

L’article IV (b) (i), bien que n’apportant pas de précision sur la livraison, indique

clairement, par le truchement de ses dispositions (ii) (iii), qu’elle doit avoir lieu au port de

déchargement.

La livraison implique en réalité une mise à disposition effective et la possibilité pour

l’ayant droit ou son représentant de procéder aux vérifications de la cargaison et à émettre,

s’il y a lieu, des réserves en cas de pertes ou dommages. Cette conception matérielle «

répond à la nature même de la garde qui suppose un transfert effectif de la détention

matérielle de la marchandise. »630

Bref, la prise en charge de la marchandise « déclenche le mécanisme de la

responsabilité contractuelle; la livraison l’arrête. »631

627
Yves TASSEL, «Addendum », dans Francesco BERLINGIERI, The Hamburg Rules : A Choice for the
EEC, Colloque international 18 et 19 novembre 1993, Bruylant, Institut européen de droit martime et des
transports, 1993, p. 231.
628
[1980] 2 Ll.L.Rep. 295 (H.L.).
629
Id., 311.
630
Mohamed LAAZIZI, Les Règles de Hambourg et la responsabilité de marchandises par mer : esquisse
d’une évolution, thèse de doctorat, Nantes, Facultés de droit et des sciences politiques, Université de Nantes,
1987, p. 55.
631
J. PUTZEYS, préc., note 320, p. 150. Voir : L. PEYREFITTE, préc., note 612, à la page 125-135.
184
Quelle est alors l’obligation du transporteur, en considération des Règles de

Hambourg sur la période de transport maritime?

Sous-section 2 — L’article V.1 et l’obligation de navigabilité

L’article V.1 énonce que:

« Le transporteur est responsable du préjudice résultant des pertes


ou dommages subis par les marchandises ainsi que du retard à la
livraison, si l’événement qui a causé la perte, le dommage ou le
retard a eu lieu pendant que les marchandises étaient sous sa garde
au sens de l’article 4, à moins qu’il ne prouve que lui-même, ses
préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient
raisonnablement être exigées pour éviter l’événement et ses
conséquences. »

Contrairement à l’article III (1) de la Convention de Bruxelles qui spécifie les

éléments de la navigabilité, l’article V de la Convention de Hambourg ne consacre aucun

article particulier à l’obligation de navigabilité, mais plutôt un article général sur la

responsabilité du transporteur, laissant aux tribunaux le soin de définir la navigabilité du

navire. Cela comprend tout dommage résultant de l’innavigabilité du bâtiment, ce qui

signifie que le transporteur doit s’assurer que son navire soit en bon état de navigabilité

pendant tout le voyage maritime.

Cette nouvelle disposition surmontera les difficultés qui résidaient dans le régime de

la Convention de Bruxelles relativement à la réalité complexe du sectionnement du contrat

de transport. L’instauration d’une obligation de navigabilité continue, tel que

susmentionnée, inciterait le transporteur à être plus vigilant. Il serait appelé à adapter

l’exercice de sa diligence aux circonstances de fait et à la nature du voyage. De plus, la


185
gestion du risque serait plus réalisable. Le transporteur préviendrait les risques en prenant

des précautions, y compris en contractant des assurances632.

Pour ce qui est de la conception de la navigabilité, elle a été, nous l’avons vu,

définie par la jurisprudence et par les juristes les plus avisés. Comme la notion de

navigabilité évolue avec le développement de l’industrie navale et les moyens de sécurité

instaurés, une obligation continue serait conforme au Code international de la gestion de la

sécurité (International Safety Management Code), ainsi qu’aux autres règles de sécurité de

transport.

Par conséquent, l’obligation de navigabilité, en vertu des Règles de Hambourg, est

susceptible de connaître des difficultés moindres en ce qui concerne sa durée. La relation

entre les deux obligations du transporteur, la navigabilité du bâtiment et la prise de soin de

la cargaison, n’était pas assez claire sous le régime de Bruxelles633. L’obligation générale

de prise de soins de la cargaison durant le voyage maritime selon la Convention de

Hambourg a mis fin à ces ambiguïtés. Les deux obligations sont dès lors à exécuter

simultanément et durant la même période.

En outre, ces nouvelles règles ont expressément déclaré que la navigabilité du

navire est une obligation qui incombe au transporteur seul, de sorte que la faute des

préposés et mandataires engage sa responsabilité. Alors que la Convention de Bruxelles

offrait aux contractants indépendants un statut pour le moins ambigu, la jurisprudence a

tenté de résoudre cette difficulté avec l’affaire notoire Muncaster Castle634, dans laquelle la

chambre des Lords avait affirmé que la navigabilité du navire ne peut être déléguée.

632
Les conditions de navigabilité ont une incidence directe sur l’indemnisation des assureurs en cas de pertes
ou dommages des marchandises.
633
Voir : N.-J. MARGESTON, préc., note 218, p. 69 et 70.
634
The Muncaster Castle, préc., note 227.
186
Les Règles de Hambourg ont mis fin aux incertitudes qui persistaient avec la

Convention de Bruxelles. Le transporteur n’est dorénavant non seulement responsable de sa

faute personnelle, mais également du choix de ses mandataires.

Malgré le fait que les Règles de Hambourg aient apporté des changements positifs

aux obligations du transporteur, le régime de responsabilité souffre d’incohérence. C’est ce

que nous examinerons en analysant le fondement de cette responsabilité selon l’article V et

le régime de preuve qui en découle, puis son régime exonératoire.

Section 2 — Fondement de la responsabilité du transporteur maritime et


le régime de preuve
Nous étudierons le régime de preuve, puis la notion du retard comme cause

supplémentaire du dommage.

Sous-section 1 — Présomption de faute et régime de preuve

L’article V (1), nous l’avons vu, dispose que :

« Le transporteur est responsable du préjudice résultant des pertes


ou dommages subis par les marchandises ainsi que du retard à la
livraison, si l’événement, qui a causé la perte, le dommage ou le
retard a eu lieu pendant que les marchandises étaient sous sa garde
au sens de l’article 4, à moins qu’il ne prouve que lui-même, ses
préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient
raisonnablement être exigées pour éviter l’événement et ses
conséquences. »

D’emblée, nous constatons que l’intérêt de cet article réside dans l’instauration d’un

nouveau régime de responsabilité, dans la mesure où la liste des cas exceptés de la

Convention de Bruxelles a été remplacée par le terme événement. Le juge n’est ainsi plus

lié par une liste préétablie. Ces « [r]ègles font table rase des exonérations pour s’aligner sur
187
le régime aérien635 de présomptions de faute »636, sauf pour les cas d’incendie, de sauvetage

et d’assistance en mer. D’après le consensus adopté par les membres ayant participé à la

Conférence des Nations Unies, la responsabilité du transporteur maritime, en vertu des

Règles de Hambourg, est fondée sur la présomption de faute ou la négligence présumée637.

Dans les responsabilités de présomption de faute, le débiteur doit rapporter la

preuve de sa diligence pour se libérer, c’est-à-dire qu’il doit établir la preuve de son

absence de faute. Il s’agit d’une obligation de moyen. Le transporteur s’engage à apporter

prudence et diligence à l’exécution du contrat. La faute s’apprécie par référence au modèle

du bon père de famille.

Selon Sériaux, une grande partie d’auteurs font la distinction entre présomption de

faute et présomption de responsabilité638, en déclarant que dans le cas de la faute présumée,

le débiteur n’a pas besoin d’établir la cause du dommage pour s’exonérer, « alors que dans

le second cas, la preuve d’une cause précise de dommage serait nécessaire à

l’exonération. »639 Toutefois, pour prouver sa diligence, le transporteur a sûrement besoin

635
Le transport aérien évolue vers une responsabilité objective avec le Protocole no 4 de Montréal du 25
septembre 1975 concernant le transport des passagers et bagages. Pour plus de détails, voir : Nicolas
MATEESCO-MATTE, « La dernière révision de la Convention de Varsovie : les Protocoles de Montréal de
1975 », A.D.M.A.1975.327.328.
636
Rémond-Gouilloud avertit : « Reste à savoir comment cet effort de simplification passera dans le droit
vivant : soit que les tribunaux, accoutumés aux subtilités des exonérations classiques, ne les reproduisent dans
leur appréciation des mesures raisonnables requises du transporteur, soit qu’au contraire ils gomment à leur
tour ces subtilités pour obtenir un régime effectivement unitaire » : Martine RÉMOND-GOUILLOUD, Le
contrat de transport, Paris, Dalloz, 1993, p. 63.
637
<http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/transport/hamburg/hamburg_rules_f.pdf> (consulté le 27 mai
2009). Voir : René RODIÉRE, « La responsabilité du transporteur maritime suivant les Règles de Hambourg
1978 », D.M.F.1978.451.457; Joseph C. SWEENEY, « Les Règles de Hambourg, point de vue d’un juriste
anglo-saxon », D.M.F.1979.323. Contra : M. LAAZIZI, préc., note 630, p. 43 et suiv.
638
On a effectivement déjà signalé que, dans le cas de la présomption de responsabilité, le débiteur est tenu
responsable jusqu’à ce qu’il établisse que l’événement causal du dommage ne lui est pas imputable.
L’impossibilité de prouver une des causes libératoires ne lui permet pas d’échapper à sa responsabilité.
639
A. SÉRIAUX, préc., note 111, p. 49 et 50. Putzeys ajoute une autre distinction entre les causes du
dommage, lorsqu’il affirme : « Dans le droit matériel, on confond perte, avarie et retard, parce que les
mécanismes sont les mêmes, alors que, pour la perte et le retard, il s’agit d’une présomption de faute et que
l’intensité des soins dus par le transporteur est différente dans un cas par rapport à l’autre. », par J.
PUTZEYS, préc., note 320, p. 197.
188
de prouver la cause du dommage et aussi de prouver sa bonne conduite pour l’éviter ou le

réduire640.

Le doyen Rodiére ajoute qu’en réalité les causes du dommage sont « si variées

qu’une énumération exhaustive en est humainement impossible. »641 Devant cette difficulté

pratique, il estime que le débiteur contractuel ne peut satisfaire ses juges « qu’en désignant

avec précision la cause du dommage et en montrant qu’elle ne lui est pas imputable. »642

Par conséquent, lorsque cette cause demeure inconnue643, le transporteur ne saura

invoquer sa diligence pour s’exonérer644, car c’est cette relation de dépendance entre le

dommage et une cause étrangère au transporteur, ses agents et préposés, qui permet de

mesurer l’exercice de la diligence raisonnable.

De surcroît, les juges font souvent appel à tous les éléments de preuves qui peuvent

s’avérer pertinents pour prouver la cause du dommage, de sorte que les deux parties auront

tendance à soumettre aux juges toutes sortes de faits. En d’autres termes, le chargeur pourra

fournir des éléments de preuve susceptibles de démontrer la faute du transporteur. Pour

combattre cette preuve, l’armateur doit démontrer à son tour la cause du dommage afin de

convaincre les juges de son absence réelle de faute.

En résumé, la lecture de l’article V.1 montre qu’en réalité le transporteur qui veut

s’exonérer a deux preuves à rapporter :

640
Citons, par exemple, l’affaire Rugani v. KLM Royal Dutch Airlines, (1954) USAvR 74 (Ct. New York
1954). En l’espèce, une cargaison de fourrures fut volée à main armée dans un hangar de la KLM à l’aéroport
Idlewild à New York, où la marchandise avait été entreposée avant l’expédition. La Cour de New York a jugé
que toutes les mesures nécessaires et possibles n’avaient pas été prises. Même si l’entrepôt était surveillé par
un gardien de service, le fait qu’il ne soit pas armé a fait en sorte qu’il n’a pu protéger la cargaison, puisqu’il
ne disposait pas de moyens efficaces de défense dans ce cas de vol à main armée.
641
Renè RODIÉRE, préc., note 45, no 849, p. 432.
642
Id.
643
Voir : C.A. Paris, 25 février 1954, R.F.D.A.1954.45; C.A. Paris, 10 novembre 1999, 54 R.D.A.S.2000.49.
Voir aussi : Garcia v. Pan American Airways, (1946) U.S. Av. R. 496; Pawells v. Sabena, (1950) U.S.Av. R.
367.
644
Victor-Emmanuel BOKALLI, « La protection des chargeurs à travers les Règles de Hambourg »,
D.M.F.2002.237.241.
189
- Démontrer l’existence d’un événement précis qui a causé le dommage;

- Prouver que l’événement n’a pas pu être empêché, en dépit de toutes les mesures

raisonnables prises afin de l’éviter.

Cette double preuve a soulevé la polémique, en raison de l’expression de l’article

V : « toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter

l’événement et ses conséquences »645.

Le juge Haight affirme à ce sujet :

« I am struck, however, by the dramatic appearance of the hero of


the common law of tort, the reasonable Man (sic), upon the stage of
the maritime law. The Hamburg Rules might well be sub-titled: ‘‘
the reasonable Man puts to Sea.’’ The vision of the future is that, in
an infinite variety of situations, the carrier’s liability for cargo
damage or loss will be determined by the question of whether or not
the ship-owner, master, officers, crew or agents, acted ‘‘
reasonably’’. [...] Everything will now turn upon whether the
carrier’s employees ‘‘took all measures that could reasonably be
required’’. In such soil are the seeds of controversy sown; and
lawyers share in the harvest. »646

Aussi, la Commission de l’Union européenne a estimé que l’imprécision de

l’expression « pour éviter l’événement et ses conséquences » entraînerait des conflits

d’interprétation : faut-il éviter tout dommage à la marchandise, ou faut-il éviter précisément

l’incident source de l’avarie, ce qui engagerait la responsabilité du transporteur pour les

dommages dont la cause demeure inconnue647?

Un autre problème se pose dans l’exercice de cette diligence pour éviter le

dommage, celui du déroutement en cas de retard, que nous examinerons prochainement.

645
Hakan KARAN, The Carrier’s Liability Under International Maritime Conventions The Hague, Hague-
Visby, And Hamburg Rules, The Edwin Mellen Press, 2004, p. 412.
646
The Speakers’ Papers for the Bill of Lading Conventions Conference, Lloyd’s of London Press, New York,
1978, p. 4.
647
Y. TASSEL, préc., note 627, p. 232.
190
En somme, la responsabilité contractuelle du transporteur est basée sur la relation de

causalité entre la faute du transporteur, le dommage et les moyens d’y remédier afin de

bénéficier de l’exonération. La présomption de faute de l’article V (1) devient par le jeu de

la preuve une présomption de responsabilité.

Précisons que la Convention de Hambourg présente trois variétés possibles de

dommage648 qu’un chargeur peut subir lors de l’exécution d’un contrat de transport : les

pertes649, les avaries aux marchandises et les dommages dus au retard à la livraison.

Le nouveau texte fait du retard une cause supplémentaire du dommage (sous-

section 2).

Sous-section 2 — Le retard

L’article V.1 des Règles de Hambourg ajoute explicitement que le transporteur est

responsable du dommage ou perte résultant du retard650 à la livraison de la cargaison. En ce

sens, le Secrétariat de la CNUDCI avait ainsi souligné que les « Règles de Hambourg

régissent la responsabilité du transporteur pour retard à la livraison de la même manière que

la responsabilité en cas de pertes ou dommages subis par les marchandises, c’est-à-dire

conformément au principe de la faute ou de la négligence présumée. »651

648
Selon les Règles de Hambourg, il existe trois variétés possibles de dommages qu’un chargeur peut subir
lors de l’exécution d’un contrat de transport : les pertes, les avaries aux marchandises et les dommages dus au
retard à la livraison.
649
La perte totale est définie comme « l’impossibilité pour le transporteur de présenter une quelconque trace
de la marchandise à la livraison, alors que l’ayant droit fait la preuve de la prise en charge. » : J. PUTZEYS,
préc., note 320, p. 208.
650
Voir : article 19 de la Convention de Varsovie sur le transport international par air, article 17 de la CMR et
article 16 de la Convention de Budapest relative au contrat de transport de marchandises en navigation
intérieure (CMNI).
651
Note du Secrétariat de la CNUDCI relative à la Convention des Nations Unies sur le transport de
marchandises par mer, 1978 (Hambourg) p. 33, en ligne sur :
<http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/transport/hamburg/hamburg_rules_f.pdf> (consulté le 9 mars
2009).
191
Cette nouvelle disposition rappelle l’importance de la fixation de la durée dans les

contrats commerciaux652.

Dans un premier paragraphe, nous allons étudier la nature des pertes et dommages

dus au retard. Dans un second paragraphe, nous nous concentrerons sur le délai raisonnable

de livraison et le cas du déroutement.

Paragraphe 1 — Nature des pertes et dommages dus au retard

L’article V.2 de la Convention de Hambourg définit la notion du retard653 comme

suit :

« Il y a retard à la livraison lorsque les marchandises n’ont pas été


livrées au port de déchargement prévu par le contrat de transport par
mer, dans un délai expressément convenu ou, à défaut d’un tel
accord, dans le délai qu’il serait raisonnable d’exiger d’un transport
diligent compte tenu des circonstances de fait. »

En principe, toute marchandise livrée au mépris des délais convenus ou des délais

raisonnables est considérée comme livrée en retard. Le préjudice pour le chargeur peut être

matériel, car résultant de l’état défectueux de la cargaison654, ou financier (même si la

marchandise demeure en bon état), du fait, par exemple, des variations des prix et

652
Voir : Bowes v. Shand, (1877) 2 App. Cas. 455 (H.L.); Bunge Crp. v. Tradax S.A, [1981] 2 All E.R. 513
(H.L.). Voir aussi: Hartley v. Hymans, [1920] 3 K.B. 475.
653
Il s’agit de deux cas : le délai contractuel et le délai raisonnable. Il n’est pas obligatoire que le délai
convenu soit écrit dans le contrat. Un engagement oral est suffisant dans les cours anglaises. Cette approche
est supportée par l’arrêt The Ardennes, préc., note 67.
654
Pour les pertes et dommages matériels dus au retard, les tribunaux adoptent différents critères pour évaluer
le dommage ou la perte. Par exemple, pour les marchandises de nature périssable, dans l’affaire United States
v. Middleton, [1925] A.M.C. 85, 103 (4 th Cir. 1925), la Cour a mesuré la valeur de la marchandise dans le
marché par rapport au jour où elles devaient normalement être livrées et leur réelle valeur le jour de leur
arrivée au port de destination. Voir aussi pour une cargaison de sucre : The Iossifoglu, [1929] A.M.C. 1157
(D.C., Md. 1929). Pour plus de détails, voir : Max GANADO et Hugh M. KINDRED, Marine Cargo Delay:
the Law of Delay in the Carriage of General Cargoes by Sea, New York, Lloyd’s of London Press Ltd, 1990,
p.126-140.
192
fluctuations du marché, des délais de distribution de la marchandise ou de la dépréciation

d’une marchandise saisonnière655.

Le retard constitue une cause fautive et directe du dommage qui engage la

responsabilité du transporteur maritime, comme c’est le cas dans les autres modes de

transport656. L’exemple du droit aérien dans l’affaire Transports Mondiaux v. Lufthansa

and Air France657 de la Cour d’appel de Paris démontre la relation entre le retard et le

dommage. En l’espèce, le 29 juin 1957, la Société nouvelle des transports mondiaux

(transporteur) a été chargée par la Société Christian Dior de transporter à Paris, en toute

urgence, des toiles de manteaux de fourrure. À l’arrivée de l’avion à l’aérodrome d’Orly, la

marchandise ne fut pas déchargée et repartit sur le même avion pour Rio de Janeiro, où elle

fut saisie. Le retour à Paris ne fut autorisé que le 22 août 1957. La Cour a jugé le

transporteur responsable du préjudice subi par le retard, car la Société Christian Dior, qui

était dans la nécessité d’être mise en possession au plus tôt de cette marchandise pour

confectionner les manteaux pour sa clientèle d’Allemagne, se trouvait dans l’impossibilité

de respecter les délais de livraison de ces commandes, malgré qu’elle ait choisi le moyen le

plus rapide, la voie aérienne, pour livrer la marchandise à temps.

Cette situation n’est pas dans tous les cas sans préjudice considérable pour l’ayant

droit à la marchandise. Le retard constitue en réalité une cause directe du dommage.

655
En général, le retard ayant entraîné un préjudice matériel ou un dommage à la cargaison ne pose pas
problème, car le transporteur a une obligation principale de porter toute diligence à conserver en bon état la
marchandise, depuis la prise en charge jusqu’à la livraison. En revanche, le destinataire ayant subi un
préjudice financier du simple fait d’une livraison tardive a souvent posé problème au sein des tribunaux avant
la Convention de Hambourg. Nous estimons qu’avec le nouveau texte, le préjudice purement économique est
pris en considération, si on se réfère à l’article V.7 sur le partage de la responsabilité parlant de « l’importance
du retard » ou à l’article VI sur la limitation. Le fait de prévoir la limitation légale pour le retard par les
Règles de Hambourg justifie que le dommage purement économique est applicable.
656
Voir : Alain TINAYRE, « Réflexions sur le retard », dans P. BONASSIES, préc., note 2, à la page 387.
657
C.A. Paris, 14 mars 1960, R.F.D.A.1960.317.
193
Cependant, la notion du retard, selon les Règles de Hambourg, n’est pas

suffisamment claire. Plusieurs questions demeurent préoccupantes, en particulier celles

relatives au système de réparation (article 6 (b)), à l’application de l’article V (3),

concernant la perte de la cargaison, et l’article 19 (5) concernant l’avis de préjudice pour

retard.

L’article 6 (b) de la Convention de Hambourg fixe une limitation pour retard en

fonction du fret perçu comme suit :

« b) La responsabilité du transporteur en cas de retard à la livraison


conformément aux dispositions de l’article 5 est limitée à une
somme correspondant à deux fois et demie le fret payable pour les
marchandises ayant subi le retard, mais n’excédant pas le montant
total du fret payable en vertu du contrat de transport de
marchandises par mer. »658

Nous nous interrogeons, à l’occasion, sur quelle base les pertes financières en cas de

retard seront calculées, alors que souvent le montant de ces pertes dépasse largement le

montant total du fret659.

L’article V.3 affirme :

« L’ayant droit peut considérer les marchandises comme perdues si


elles n’ont pas été livrées comme il est prescrit à l’article 4 dans les
60 jours consécutifs qui suivent l’expiration d’un délai de livraison
conforme au paragraphe 2 du présent article. »660

658
Nous soulignons.
659
Un autre problème qui s’est posé est celui de la détérioration de la marchandise, à cause du retard,
notamment dans le cas de marchandises périssables. Quelle limitation serait applicable? Le texte de
Hambourg n’est pas clair sur la nature des dommages dus au retard. À cet égard, la délégation américaine a
affirmé à la session plénière que le retard à la livraison couvre la détérioration physique de la marchandise.
Trouvant appui chez tous les participants, c’est l’article 6 (1) (a) qui s’applique. Voir : Neil HUDSON, « A
Report on the Hamburg Diplomatic Conference in Connection with the Carriage of Goods by Sea », dans
Marine Insurance Seminar, organisé par Lloyd’s of London Press Ltd., 1978, p. 3. Cf. Australia’s Carriage
of goods by Sea Amendment Act 1997.
660
L’article 20 du CMR dispose que : « 1. L’ayant droit peut, sans avoir à fournir d’autres preuves, considérer
la marchandise comme perdue quand elle n’a pas été livrée dans les trente jours qui suivent l’expiration du
délai convenu ou, s’il n’a pas été convenu de délai, dans les soixante jours qui suivent la prise en charge de la
marchandise par le transporteur. » Voir : article 29 Appendice B de la Convention relative aux transports
internationaux ferroviaires du 9 mai 1980.
194
Cette conséquence du retard n’est pas sans poser problèmes. Prenons le cas où

transporteur et chargeur conviennent d’un délai de livraison, en vertu de l’article V (2),

tandis que le navire arrive 60 jours au-delà de la période contractuelle, en l’absence de toute

faute du transporteur, et que la marchandise parvienne en bon état. Selon l’article V (3), le

chargeur est en droit de considérer les marchandises en état de perte. La même situation

pourrait s’appliquer pour le délai raisonnable de livraison.

Par conséquent, il serait injuste que le chargeur puisse choisir de considérer la

marchandise comme perdue et en même temps obtenir des dommages-intérêts sur la base

de leur pleine valeur, alors que le transporteur n’a pas commis de faute et avait pris toutes

les mesures raisonnables pour éviter le retard.

Pollock observe à cet égard :

« One deduces therefore that the intention of the unsung hero or


heroes who drafted this rule was the treating the goods as lost
implies at the least, an abandonment of the goods. I say at the least
because there are, infact, two possible solutions. The first is that the
goodsowner abandons the goods, so that they become res nullius,
and may or may not reduced into ownership by the carrier
depending upon how he acts towards them. The second is that the
treating of the goods as lost results in a transfer of title from the
goodsowner to the carrier by operation of law. In that case the
carrier, whether he likes it or not, becomes the owner of the goods,
which, no doubt in some cases, could amount to an hereditas
damnosa. »661

Ce transfert de la propriété de la cargaison pour perte va certainement engendrer

beaucoup de difficultés juridiques : la période exacte de la déclaration de la perte de la

marchandise par le chargeur, le statut du transporteur vis-à-vis de l’assurance, la valeur du

connaissement en tant que document de transport, le transfert de la propriété de la cargaison

à un tiers et le droit de poursuite judiciaire, etc.

661
POLLOCK, « A Legal Analysis of the Hamburg Rules », dans The Hamburg Rules: A One-day Seminar,
préc., note 598, aux pages 4 et 5.
195
Ces différents problèmes sont résumés par Pollock comme suit :

« (i) What is the position of the underwriters of goods which have


been treated as lost? It seems unlikely that the goodsowner could
make a claim on the policy, but does the carrier become the
assured?
(ii) What happens if there is more than one person entitled to make
a claim for the loss of the goods? What happens if the person
entitled to make a claim for the loss of the goods does not own the
goods?
(iii) When must the goodsowner elect to treat the goods as lost?
(iv) How does rule 3 affect the Bill of Lading as a document of
title? Presumably the Bill of Lading suddenly ceases to be a
document of title if the rule 3 option is exercised.
(v) What happens if the goodsowner declares the goods lost, the
carrier objects but disposes of the goods, and two years later it is
held that the 60 days had not expired? Can the goodsowner then sue
the carrier for failing to deliver or for conversion? Can the
goodsowner sue the third party who acquired the goods for
conversion?
(vi) If the goodsowner wrongly (as it turns out) purports to treat the
goods as lost, presumably he thereby repudiates the contract. (vii)
Can the goodsowner split his goods- that is can he treat only some
of the goods shipped under a Bill of Lading as lost? »662

De plus, l’article 19 (5) déclare qu’un avis écrit dans les 60 jours doit être donné au

transporteur, faute de quoi la réclamation pour retard sera nulle. Le chargeur perd ainsi son

droit à la réparation s’il ne réclame pas la perte de sa marchandise dans le délai de 60

jours663. Cette règle n’est pas sans effet considérable en pratique. Par exemple, il sera plus

avantageux pour le chargeur de déclarer sa marchandise de nature périssable en perte, au

lieu d’assumer les frais élevés de son déchargement dans un état défectueux.

En résumé, malgré l’ajout du retard comme cause du dommage, la difficulté

d’appréciation par les juges dépend en grande partie de ce qu’il s’agit de pertes ou de

662
Id., p. 5.
663
W. TETLEY, préc., note 602, 14.
196
dommages matériels ou d’un préjudice purement économique664. Le nouveau texte, bien

qu’il traite du retard, demeure complexe et obscur quant à la nature des dommages qui s’y

rapporte665.

Reste un autre problème lié au retard, celui du déroutement que les nouvelles règles

ne citent pas expressément. Toutefois, la question du déroutement surgit dans le cadre de

l’exercice de la diligence raisonnable en cas de retard666.

Paragraphe 2 — Le délai raisonnable de livraison et le cas du


déroutement

Les obligations du transporteur quant à l’exercice de la diligence raisonnable (A) pour

éviter le retard seront ici définies, et mises en relief par des cas de déroutement (B).

A- Le délai raisonnable

Dans l’affaire américaine The Panola667, le délai raisonnable a été défini comme suit :

664
R. ACHARD, « La responsabilité résultant du retard dans le transport international de marchandise par
mer », D.M.F.1990.668.675.
665
W. TETLEY, préc., note 602, 9.
666
La question du retard soumise pendant longtemps à l’autonomie de la volonté a toujours engendré un
déséquilibre contractuel, à cause de la position des parties au contrat de transport, car il est difficile, en
pratique, de modifier, à la demande du chargeur, la date de départ et celle d’arrivée des navires préalablement
établies, en particulier pour les lignes régulières. On se demandera automatiquement dans ce cas, jusqu’où
peut aller la fixation d’un délai de livraison dans le contrat de transport. Cette interrogation nous amène à
rappeler que les Règles de Hambourg demeurent impératives. En effet, l’article 23 (3) de ce texte protège le
chargeur contre toute clause portant préjudice à l’ayant droit en énonçant ce qui suit : « Lorsqu’un
connaissement ou tout autre document faisant preuve du contrat de transport par mer est émis, ce document
doit contenir une mention selon laquelle le transport est soumis aux dispositions de la présente convention qui
frappent de nullité toute stipulation y dérogeant au préjudice du chargeur ou du destinataire. » Cette
disposition rejoint, à notre sens, la notion du « raisonnable ». Incontestablement, c’est à la jurisprudence
d’apprécier la validité ou la nullité de telles clauses en conformité avec l’esprit du texte. Prévoir un délai
contractuel déraisonnable ou une exonération du fait du retard seront sans effet. Notons que la réclamation
pour retard à la livraison doit être faite dans les soixante jours de la date de livraison. Si le destinataire n’a pas
mis le transporteur en demeure de livrer dans le délai de soixante jours à compter de la date à laquelle la
livraison aurait dû avoir lieu, il perd la possibilité d’invoquer la faute du transporteur. La preuve du délai
convenu peut être établie par une mention sur le document de transport ou par toutes voies de droit. C’est
l’application des règles du droit commun de la responsabilité contractuelle. Le recours au droit commun
simplifie ainsi l’application de plusieurs règles, en matière de responsabilité qui échappent au droit de
transport maritime. Voir : Mohamed LAAZIZI, « Retard à la livraison et la responsabilité du transporteur
international de marchandises par mer », A.D.M.O.1993.325.
667
[1925] A.M.C. 1173 (2nd Cir. 1925).
197
« […] “reasonable time” for the performance of acts under a
contract is such a period of time as suffices for their performance if
the one whose duty is to perform uses such diligence in the
performance as a person of ordinary diligence and prudence would
use under like circumstances. »668

L’exercice de la diligence raisonnable pour éviter le retard se résume par Ganado et

Kindred par l’exécution des obligations suivantes :

1) Informer l’expéditeur du retard;


2) Se prémunir contre les retards;
3) Prendre soin de la cargaison au cours du retard;
4) Remédier à ce retard,
5) reprendre et poursuivre le voyage le plus tôt possible669.

L’obligation de notifier le chargeur des circonstances nouvelles empêchant la

livraison à temps est capitale, afin d’offrir au propriétaire de la cargaison la possibilité de

prendre les mesures nécessaires pour éviter ou remédier au retard. À défaut de notification,

le transporteur manque à son exercice de diligence raisonnable670.

La connaissance possible des circonstances exceptionnelles pouvant causer le retard

par le chargeur n’exclut pas l’obligation du transporteur d’informer le chargeur des

conditions réelles rencontrées lors du voyage. En revanche, l’information transmise au

chargeur ne traduit pas en fait son acceptation du risque que peut encourir sa marchandise.

Le transporteur doit également prévenir et éviter les circonstances qui peuvent

causer le retard. Si le transporteur ne peut déterminer la durée approximative du voyage, il

ne doit pas accepter la prise en charge de la marchandise, notamment lorsqu’il s’agit d’une

cargaison de nature périssable.

668
Id., 1183.
669
M. GANADO et H.-M. KINDRED, préc., note 654, p. 51.
670
Voir : Page Communications Engineers, Inc. v. Hellenic Lines, Ltd., 356 F. Supp. 456 (D.C.D.C. 1973).
198
En outre, en ayant connaissance de la survenance d’une grève671, ou d’un fait du

prince comme le cas d’une guerre672 ou d’un blocus dans le port de déchargement, le

transporteur doit éviter de se rendre à ce port673.

Citons l’affaire précitée Morrisey v. A. & J. Faith de la Cour américaine qui a

estimé que le retard ne peut jouer en faveur du transporteur s’il a conscience qu’une saisie

du navire peut avoir lieu par ses créanciers au port de déchargement et qu’il n’a pas pris les

mesures raisonnables pour l’éviter :

« The purpose of this section of the Act is to excuse ships and their
owners from underwriting damage sustained by unexpected delays
which the owner can neither avoid, anticipate nor prevent.
However, when the delay, as in the instant case, is effected by the
reckless disregard of the owners for financial security of the ship
and process is initiated by foreseeable foreclosure actions by
justifiably irate creditors, we do not think that the Act can or should
excuse the owner from the obligations of his duty as a common
carrier. »674

Un autre cas est celui de la décision canadienne Crelinsten Fruit Co. v. The

Mormacsaga675 dans laquelle le transporteur a été tenu responsable, par sa négligence du

retard causant des dommages à une cargaison d’oranges (marchandise de nature périssable)

lors d’une grève prolongée au port de Jacksonville en Floride.

Le juge Noël a déclaré :

« Where a carrier has the option of discharging its obligations to the


consignees of cargo in different ways, the propriety of the decision
to enter a strikebound port, as defendants did, where one of the
consignee’s goods were damaged, becomes a question of
reasonableness which the carrier must establish by satisfactory
evidence and by facts which are peculiarly within its knowledge. I

671
Voir : Crelinsten Fruit Co. v. The Mormacsaga, [1969] 1 Ll.L.Rep. 515 (Ex. Ct. Can.).
672
Voir : Monarch Steamship Co., Ltd. v. Karlshamns Oljefabriker (A⁄B), [1949] A.C. 196 (H.L.).
673
Le déroutement dans ce cas est, à notre sens, raisonnable.
674
Préc., note 230, 58.
675
[1969] 1 Ll.L.Rep. 515 (Ex. Ct. Can. 1969).
199
should think that in such a situation a defendant must establish that
upon all the circumstances shown in the particular case, the loss
arose otherwise than by his negligence and the question to be
determined then really becomes, of course, whether the loss was
due to the strike or to the negligence of the carrier in entering a
strike-bound port. »676

En outre, à la survenance du retard, en vertu de son obligation générale de prise de

soins de la marchandise qui est sous sa garde (article V.1), le transporteur est tenu de

prendre toutes les mesures possibles pour réduire ses conséquences et maintenir la

marchandise en bon état. Le dépassement du délai de livraison prolonge dans ce cas son

obligation677 et s’apprécie selon les circonstances de fait. Par exemple, dans les cas de

réparation du navire678, de la congestion de port679 ou d’obstructions en route680, le

transporteur doit être diligent à décider et à fixer les arrangements possibles pour acheminer

la marchandise à temps et en bon état. Citons à titre d’illustration l’affaire Ferruzzi France

S.A. v. Oceania Maritime Inc., lorsque le juge Phillips affirme :

« [...] in the period up to Nov. 9 (when the decision to accept the


tender for repairs by a French company was made), there was undue
delay on the part of underwriters when judged by the standard of
diligence that cargo-owners were contractually entitled to expect.
[...] had owners brought proper pressure to bear upon underwriters
and appraised them of all materials facts, the selection of the
appropriate repairer would not have been delayed by any
procrastination on the part of underwriters.
Owners’ want of diligence in this case was lamentable. »681

676
Id., 530 et 531.
677
Voir : Southern Pacific Co. v. Loden, (1973) 508 P. 2d 347 (C.A. Ariz.); General Foods Corp. v. The
Troubador, (1951) 98 F. Supp. 207 (S.D.N.Y. 1951); British West Indies Produce, Inc. v. SS Atlantic Clipper,
(1973) 353 F. Supp. 548 (D.C., S.D.N.Y.) Voir aussi: The Arawa, [1977] 2 Ll.L.Rep. 416 (Q.B. 1977).
678
Voir : Ferruzzi France S.A. v. Oceania Maritime Inc., [1988] 2 Ll.L.Rep. 261 (Q.B. 1988).
679
American Steel Co. of Cuba v. Transmarine Corp., [1929] A.M.C. 1516 (D.C., S.D.N.Y. 1929).
680
Par exemple, dans une affaire récente, The City of New Orleans v. Southern Scrap Material Co., Ltd, 491
F. Supp. 46 (D.C., E.D. La. 1980), un navire s’est heurté à un pont lors de sa traversée, ce qui a causé le
déséquilibre dudit pont empêchant par la suite, un train de transport de marchandises de continuer son voyage.
La Cour a estimé que l’accident n’était pas raisonnablement prévisible, de sorte que le transporteur ferroviaire
n’a pas été tenu pour responsable du retard.
681
Préc., note 678, 270.
200
Par voie de conséquence, une fois que les circonstances causant le retard prennent

fin, le transporteur doit acheminer la marchandise le plus tôt possible au port de

destination682.

Toutefois, que se passe-t-il de l’entente avec le chargeur si un déroutement vers un

autre port survient durant la période du retard?

Les Règles de Hambourg n’abordent pas expressément le cas de déroutement. Le

texte ne distingue pas entre retard pour déroutement et retard pour autres causes. Dans

quel cas le déroutement serait-il alors justifié? Est-ce lorsque le retard est la cause du

déroutement ou lorsque le déroutement est la cause du retard? Les conséquences ne sont

pas les mêmes.

B- Le déroutement et la livraison dans un port différent de celui du


port de destination

L’article V (2) traite de la livraison au port de déchargement prévu par le contrat de

transport par mer. La marchandise doit donc être acheminée dans ce port, dans le délai

convenu. Mais, il arrive que dans certains cas, le transporteur ne puisse se rendre à ce port

et que la marchandise soit débarquée dans un port différent du port de destination. Deux

hypothèses peuvent être citées dans ce cas : la survenance d’un événement de force majeure

(a) ou la présence de la clause contractuelle dite en anglais « liberty clause » (b).

a- La survenance d’un événement lors du voyage maritime

Le transporteur peut se trouver confronté à des événements extérieurs qui l’obligent

à dérouter son navire pour acheminer la marchandise à sa destination. C’est le cas du

682
Reed and Rice Co., Inc. v. Wood., 120 S.E. 874, 877 (C.A. Va. 1924).
201
déroutement raisonnable683, que nous avons traité avec le régime de la Convention de

Bruxelles de 1924. Son appréciation se fait en fonction de l’inévitabilité de l’événement684

et de l’exercice de la diligence raisonnable du transporteur à prendre soin de la cargaison.

Un arrêt récent de la Cour de cassation française du 3 février 1998685 mérite d’être

cité dans ce cas. En l’espèce, une société libérienne, Metco Africa, a acheté CAF à la

Société d’études et de commerce une cargaison d’ailes de poulet congelées. Cette cargaison

devait être transportée par voie maritime par la Société Maersk Line, jusqu’à Monravia, sur

les navires Anya et Balkan, au départ du Havre et de Gênes. Le chargement a eu lieu les 8

et 19 juin 1990, sauf qu’en raison de la guerre civile qui sévissait au Libéria en juillet 1990,

tout déchargement dans les délais prévus pour la livraison de marchandise se révélait

impossible. Dans un premier temps, la cargaison fut débarquée dans un port d’escale à

Dakar, où elle a été placée en entrepôts frigorifiques, pour être ensuite rembarquée à

destination du port de Havre. Une fois déchargée le 1er décembre 1990, la marchandise fut

vendue aux enchères le 22 mai 1991, au profit du transporteur maritime, qui, entre-temps,

avait obtenu une autorisation du président du tribunal de commerce. La société Metco

demanda réparation du préjudice au transporteur maritime et à l’assureur facultés. Elle a été

683
Il faut noter qu’avant la COGSA, souvent, le retard à la livraison a été considéré par les tribunaux
américains comme un déroutement déraisonnable. Voir : Atlantic Mutual Insurance Co. v. Poseidon Siffahrt,
313 F.2d. 872 (7 th Cir. 1963); Mary Pace LIVINGSTONE, « Has the Deviation Doctrine Deviated
Unreasonably? », 26 Tul. Mar. L.J. 321, 342 et suiv. (2001-02).
684
Par exemple, le Tribunal de commerce de Marseille, dans une décision du 26 mai 1995, a refusé
d’exonérer le transporteur maritime qui a dérouté son navire vers Barcelone, parce qu’il craignait le
déclenchement d’une grève à Fos, port de destination. La grève ne devait en revanche éclater que le
lendemain de la date prévue de l’arrivée du navire à Fos, tandis que le déchargement de la cargaison de poires
d’Australie à Barcelone fut interdit par l’administration portuaire, en raison d’un décret des douanes
espagnoles prohibant le transport des poires d’Australie sur le territoire espagnol. La marchandise fut donc
transbordée sur un autre navire, qui arriva en retard à Fos, causant d’importantes avaries à la marchandise. Le
tribunal a jugé que la grève n’aurait pu être prise en considération que si elle avait existé le jour où l’escale et
le déchargement étaient prévus. Le ‘fait du prince’ ne pouvait non plus être invoqué par le transporteur, car ce
dernier avait l’obligation de se renseigner avant de choisir un port de déroutement pour son navire, ce qu’il
eût pu faire aisément en interrogeant son consignataire à Barcelone : Trib. com. Marseille, 26 mai 1995,
B.T.L.1995.568, cité également par Pierre BONASSIES, « Le doit positif français en 1995 »,
D.M.F.1996.243. 251.
685
Cass. 3 février 1998, D.M.F.1998.594, obs. Ph. DELEBECQUE.
202
déboutée de sa demande par le Tribunal de commerce de Paris, dans un jugement rendu le

11 février 1993.

Cependant, l’arrêt attaqué étant infirmatif686, il a fait l’objet d’un pourvoi principal

du transporteur. Le déroutement dans sa première phase, c’est-à-dire le déchargement à

Dakar, était largement justifié eu égard aux circonstances politiques à Monravia à l’époque

prévue pour la livraison. En revanche, le comportement ultérieur du transporteur maritime

était beaucoup plus contestable, le déroutement dans sa phase finale étant considéré comme

irraisonnable. Selon la Cour de cassation, le transporteur devrait « […] une fois le trafic

maritime repris avec le port de déchargement (Monravia), d’informer le destinataire en vue

d’une livraison dans ce port ou d’une revente sur place au port de déroutement (Dakar),

dans de meilleures conditions qu’au port de chargement. »687

Cette décision trace clairement l’étendue et les limites de l’exercice de la diligence

raisonnable du transporteur à conserver en bon état la marchandise jusqu’à sa livraison. Par

conséquent, en l’absence de circonstances exceptionnelles, le changement du port de

destination, selon les Règles de Hambourg, ne peut être accepté qu’en présence d’une

clause contractuelle soumise également à certaines conditions.

b- Clauses contractuelles et le déroutement

Le transporteur peut insérer des clauses au connaissement, clauses de déchargement

dans un autre port dites en anglais « liberty clauses ». L’objectif de ces clauses est de

permettre à l’armateur une certaine flexibilité pour exécuter le transport de la marchandise.

686
C.A. Paris, 29 septembre 1995, D.M.F.1996.905, note Y. TASSEL.
687
Cass. 3 février 1998, D.M.F.1998.594.
203
Toutefois, ces clauses pour être valide et applicables doivent obéir à certaines

conditions, ce qui nous amènera à analyser la clause « liberty » liée au déroutement du

navire sous les Règles de Hambourg.

Ces règles admettent que le transporteur doit acheminer la marchandise au port de

destination dans le délai convenu. La validité de la clause pour déroutement ne se conçoit

que dans le cas où le transporteur rencontre des circonstances de force majeure qui

l’obligent à prendre les mesures raisonnables pour éviter le retard et acheminer la

marchandise à temps688. Les juridictions de la common law adoptent en majorité cette

approche. Citons, à titre d’exemple, l’affaire General Electric Co. v. SS Nancy Lykes689,

pour laquelle la Cour de New York énonce que :

« Such a construction would undercut the policy and statutory


provisions forbidding a carrier from contracting out of liability for
his own wrongdoing [...]
Indeed, & 4(4) confirms that a carrier may not define the voyage in
such broad language as to render it impossible for any deviation to
be found no matter how far the vessel wanders from the specified
route. »690

Ce que précisera la jurisprudence française, par la Cour de cassation, dans son arrêt

rendu le 13 juin 1989691, confirmant la décision de la Cour d’appel de Montpellier692 :

« Dès lors qu’il existait un risque très sérieux d’incidents dans les
ports plus proches du port de destination (bloqués par les marins des
pêcheurs) la décision de déroutement prise par le transporteur ne
pouvait être qualifiée de déraisonnable et les juges d’appel ont
justifié leur décision au regard de la convention précitée. »693

688
Voir : Cass. 21 juillet 1987, D.M.F.1987.178; C.A. Rennes, 21 juin 1985, D.M.F.1986.675.
689
536 F. Supp. 687 (D.C., S.D.N.Y. 1982) Voir aussi: Stag Line, Ltd. v. Foscolo, Mango and Co., Ltd, préc.,
note 419; Surrendra (Overseas) Private, Ltd. v. SS Hellenic Hero, 213 F. Supp. 97 (D.C., S.D.N.Y. 1963);
E.C.L. Sporting Goods v. U.S Lines, Inc. (1969) 317 F. Supp. 1245 (D.C., Mass.); Berkshire Fashion, Inc. v.
M⁄ V Hakusan II, 954 F.2d 874, [1992] A.M.C. 1171 (3 th Cir. 1991).
690
536 F. Supp. 687, 692 et 693 (D.C., S.D.N.Y. 1982).
691
Cass. 13 juin 1989, D.M.F.1989.526.
692
C.A. Montpellier, 4 décembre 1986, D.M.F.1988.376.
693
Cass. 13 juin 1989, D.M.F.1989.
204
Ces clauses contractuelles sont d’une portée très limitée, car elles ne permettent pas

au transporteur de se protéger contre le retard, sauf si les conditions d’exercice de son

obligation principale sont remplies. Le test du raisonnable694 seul permet leur application,

ce qui est tout à fait logique sur la base de l’article 23 (3) des Règles de Hambourg. Le

déroutement raisonnable n’est pas exclu par ce fait de la Convention des Nations Unies,

même si elle ne le cite pas expressément, mais ne constitue pas en soi une cause

d’exonération. Il s’agit d’un moyen dans l’exercice de la diligence raisonnable pour éviter

perte, dommage ou retard à la cargaison.

Il est légitime de s’interroger alors à savoir si le déroutement pour des fins purement

lucratives peut être retenu, selon les Règles de Hambourg, lorsque le retard cause des

dommages essentiellement économiques, sans occasionner de dommages physiques à la

marchandise.

À la lumière de ce qui précède, nous estimons que la justification de ce déroutement

est conditionnelle à la nature de la cargaison transportée.

Le cas excepté d’assistance et de sauvetage en mer, maintenu par les rédacteurs du

texte de Hambourg695, constitue un autre cas où le déroutement est réputé raisonnable.

Le transporteur connaît en fait un double régime d’exonération : un régime général,

lorsque la cause du dommage est un événement de force majeure (section 3); un régime

d’exonération particulière, lorsqu’il ya concurrence de causes du dommage ou lorsque la

cause du dommage porte sur les cas exceptés d’incendie et d’assistance ou de sauvetage en

mer (section 4).

694
Voir: Transocean Machine Co. Inc. v. Oranje Line, [1958] Ex. C.R. 227 (Can.).
695
La différence entre l’article V.6 des Règles de Hambourg et le cas d’assistance et de sauvetage de la
Convention de Bruxelles est que cette disposition ne dispense pas le transporteur de l’obligation de contribuer
à l’avarie commune, lorsque les mesures de sauvetage auront causé des pertes ou dommages aux
marchandises.
205
Section 3 — L’exonération générale

L’article V de la Convention de Hambourg a abandonné la liste des cas exceptés de

la Convention de Bruxelles, sauf pour les cas d’incendie et de sauvetage ou assistance en

mer.

Le premier apport de ce changement consiste en la suppression de la faute nautique

(sous-section 1); le second, au retour aux principes généraux de droit commun où le

transporteur n’est pas tenu responsable lorsque la perte, l’avarie ou le retard proviennent

d’un événement étranger ( sous-section 2).

Sous-section 1 — La suppression de la faute dans la navigation et dans


l’administration du navire

L’abandon de la faute nautique a été fortement critiqué par les transporteurs696, mais

aussi par les assureurs. Cette opposition est davantage d’ordre économique que juridique697.

696
International Shipowners’ Association avait proposé la reformulation de l’article V et le maintien de la
faute nautique. Le commentaire de l’Association est le suivant : « it seems reasonable to provide in article 5 a
regulation relating to exoneration of the carrier from liability for the loss of, or damage to, the goods or delay
in their delivery resulted from the fault of the navigation, unless it is proved that such loss of, or damage to,
the goods or delay in their delivery resulted from the fault of the carrier himself. Retaining of a modified
wording of the navigational error regulation seems justified in virtue of a number of reasons. Sea voyages
continue to involve high risks. The shipowner does not have continuous effective contact with the captain, the
crew, pilots and sometimes is not in the position to carry on effective control over them. Progress in
shipbuilding resulted in advanced technical equipment of ships, the great increase in their size and cost of
their devices. In connexion with the increase of ship’s cost her owner suffers tremendous losses. It leads to the
increase of insurance premiums paid by shipowners. The elimination of the exception relating to the errors in
navigation would result in considerably higher insurance premia for carriers, which in turn would cause an
increase in freight rates. This is why the real economic effect of the elimination of this exception is at the
present time unknown and incalculable. » : Note du Secrétariat général, « Comments by Governments and
International Organizations on Draft Convention on the Carriage of Goods by Sea (DoCA⁄CN.9⁄109) »,
(1976) VII Yearbook of the U.N.C.I.T.R.A.L. 253.
697
Quant à l’argument voulant que les Règles de Hambourg augmentent les litiges aux tribunaux pratiquant
pendant des années le régime de Bruxelles, il n’est pas satisfaisant. Rappelons que les Règles de La Haye de
1924 sont entrées en vigueur pour remplacer un régime qui n’était pas d’ordre impératif et où la liberté
contractuelle occupait une place privilégiée dans la pratique de la navigation. Voir : A. DIAMOND, préc.,
note 598, p. 5.
206
Voyons alors l’argumentation développée contre cette suppression698. Les opposants ont

avancé divers arguments économiques qui tournent pour l’essentiel autour de l’allocation

des risques et de l’industrie des assurances699.

Les arguments des partisans700 du maintien du système juridique de base de

Bruxelles, dans le sens que ce régime permet d’éviter des coûts additionnels au transport

maritime, ne nous paraissent pas convaincants. Ce ne sont pas les incertitudes d’ordre

économique dont souffre la Convention de Hambourg, mais plutôt celles d’ordre

juridique701.

Du point de vue de l’analyse économique du droit, il n’y a rien de déraisonnable

pour les transporteurs à supporter les risques de pertes ou dommages, parce qu’ils sont les

mieux placés pour les empêcher702, notamment avec le progrès technique et le renforcement

des mesures de sécurité703. En effet, les frais du transporteur devraient logiquement être

moins que ceux du chargeur qui assure les pertes en cas de dommage, en sachant que le

chargeur doit défrayer le coût de prévention du transporteur dans le fret.

L’application du concept économique des frais moindres que la faute encourue (en

anglais cheapest cost avoider)704 permet d’attribuer la responsabilité à la partie au contrat

698
Voir : Pierre LATRON, « Va-t-on vers une responsabilité nouvelle du transporteur maritime de
marchandises ? », D.M.F.1976.131.
699
Id.
700
Francesco BERLINGIERI, « The Period of Responsibility and the Basis of Liability of the Carrier », dans
F. BERLINGIERI, préc., note 627, paragraph. 5.
701
Retard, art. 5 (2) et 5 (3) et 6 (1) (b); le cas d’incendie, art. 5 (4); limitation légale, art. 6 et 26; contenu du
connaissement, art. 15; Avaries communes, art. 24, etc.
702
Werth A. DOUGLAS, « The Hamburg Rules Revisited- A Look at U.S. Options », 22 J.M.L.C. 59, 79
(1991).
703
Supra, Code I.S.M., p. 101.
704
« Le concept de cheapest cost avoider est enrichi de notions satellites de cheapest information provider,
cheapest insurer (la partie qui peut s’assurer au meilleur coût) et best briber ( celle des personnes faisant
partie d’une organisation complexe qui est le mieux placée pour négocier avec tous les autres. » : Ejan
MACKAAY et Stéphane ROUSSEAU, « Introduction à l’analyse économique du droit », dans Guy
LEFEBVRE (dir.) et Stéphane ROUSSEAU, Introduction au droit des affaires, Montréal, Éditions Thémis,
2006, p. 61.
207
qui peut à moindres frais réduire le risque de pertes ou éviter les coûts de la transaction705,

de sorte que le transporteur se trouve normalement en meilleure position pour assumer les

risques du voyage maritime. Le transporteur ne peut s’exonérer à moins qu’il ne se trouve

dans une situation opposée à celle de son incapacité d’assumer ses risques, c’est-à-dire à la

survenance d’un événement dont il ne peut éviter les conséquences, ou lorsque la faute

incombe au chargeur. Le propriétaire de la cargaison a l’obligation de signaler la

particularité de sa marchandise, surtout lorsque ce sont des marchandises dangereuses. Il

doit de ce fait procéder au marquage et à l’étiquetage. Cette procédure permettra au

capitaine d’effectuer la répartition de son fret à bord. Dans ce cas, c’est au chargeur qu’il

incombe d’éviter les pertes en raison des informations en sa possession. Il est alors le mieux

placé des deux parties contractantes pour éviter des mésaventures, en communiquant les

informations pertinentes pour les objets qui représentent des risques particuliers.

Par conséquent, c’est la Convention de Bruxelles qui engendre le plus de coûts en

positionnant le chargeur dans une situation désavantageuse, puisqu’on lui attribue des

risques qui, normalement, devraient être à la charge du transporteur. En outre, la limitation

légale, dont le plafond est fixé en cas de dommage à 500 $ par colis, ne permet pas une

indemnisation proportionnée au dommage réellement occasionné706. Étant donné que la

705
Voir : Guido CALABRESI, The Cost of Accidents- A Legal and Economic Analysis, New Haven, Yale
University Press, 1970, p. 135 et suiv.
706
Les plafonds de la limitation ne permettent pas une réparation juste et équitable des risques. Le problème
réside sûrement dans le montant légal de la limitation qui n’est pas assez élevé et même anachronique. Ces
montants sont vidés de leurs substances avec l’évolution de l’industrie maritime. La limitation est assez
lourde de conséquences pécuniaires par rapport à de grandes opérations de transport. D’autant plus que, même
devant une déclaration de valeur, le chargeur ne peut pas bénéficier d’une réparation intégrale, puisque le
transporteur peut rapporter la preuve contraire de la valeur déclarée au connaissement par le chargeur, alors
que la notion de faute occupe une place exceptionnelle. Ainsi, la faute du transporteur ne joue, plus ou moins,
en faveur du chargeur, à moins que la cause du dommage soit connue. L’élément de prévisibilité du dommage
permet même dans ce cas précis de distinguer entre les catégories de faute par rapport à sa gravité. On part de
dol, faute lourde et faute inexcusable. En effet, la responsabilité du transporteur varie selon le degré de gravité
de sa faute. Ajoutons que le chargeur s’abstient souvent de faire une déclaration de valeur, car le transporteur
exigerait de payer un fret supplémentaire (ad valorem). Les chargeurs recourent ainsi souvent aux polices
208
réparation est dérisoire par rapport au degré du dommage, ce montant n’offre-t-il pas une

sécurité au transporteur, favorisant ainsi sa négligence? Le manque d’incitation à être

vigilant engendre une mauvaise gestion et des risques pouvant entraîner, par suite, des

coûts internes et externes élevés.

Du point de vue politique, l’opposition forte des assureurs n’est pas seulement

économique. Les P & I Clubs (assureur-transporteur) n’ont pas été partisans des Règles de

Hambourg707, parce que la nature des Clubs est sans but lucratif, sans compter qu’ils sont

composés de sociétés mutuelles d’armateurs dont les opinions sont appuyées par les

administrateurs des Clubs708. Les assureurs des chargeurs se sont aussi opposés aux Règles

de Hambourg par la seule crainte que les chargeurs souscrivent des assurances facultés à la

faveur du pays étranger (transporteurs étrangers), désirant ainsi développer chez eux ce

secteur de l’économie nationale709.

L’assurance facultés demeure utile710 pour le chargeur afin de contrer les limitations

de la responsabilité711, les avaries communes et les charges imprévues712. De plus, la

responsabilité du transporteur n’est pas absolue, mais plutôt basée sur la faute.

d’assurance, et renoncent par ce fait à un tel droit. Voir: Michael F. STURLEY et Steven F. GROVER, « Ad
valorem rates under article 4 (5) of the Haye Rules: A response to Mendelsohn and Degurse », 23 J.M.L.C.
623 (1992). Douglas Bartram RATHBUN, The Role of Economic Incentives in the Development of Legal
Doctrine, Dissertation, Austin, Faculté des études supérieures, Université de Texas, 2004, p. 45-65, en ligne:
< http://repositories.lib.utexas.edu/bitstream/handle/2152/2169/rathbundb042.pdf?sequence=2>, (consulté le
4 mai 2009).
707
Malgré le fait que la conséquence de la suppression de la faute nautique est l’augmentation des primes
d’assurance.
708
Joseph C. SWEENY, « UNCITRAL and the Hamburg Rules: the Risk Allocation Problem in Maritime
Transport of Goods », 22 J.M.L.C. 511, 532 (1991).
709
Cf. P. LATRON, préc., note 698, 140.
710
Comme le souligne Latron : « L’échec de l’insured bill of lading en est l’illustration la plus significative
[lorsque] certains armateurs, engagés dans le trafic maritime de marchandise en conteneurs, avaient mis au
point un document valant à la fois titre de transport et titre d’assurance. » : Id., 139 et 140.
711
La limitation légale sous les Règles de Hambourg a été modifiée : 835 unités de compte par colis, ou autres
unités de chargement, ou à 2,5 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou
endommagées.
712
J.-C. SWEENY, préc., note 708, 532.
209
En outre, même la proposition du Comité maritime international dans ses

commentaires au Secrétariat général des Nations Unies, lors de l’élaboration des Règles de

Hambourg, n’est pas pleinement satisfaisante. Le Comité avait suggéré la suppression de la

faute dans l’administration du navire, tout en maintenant la faute dans la navigation du

navire, en déclarant ce qui suit :

« Difficulties have been experienced in several convention


countries to determine exactly what is meant by ‘‘management of
the ship’’ as distinguished from ‘‘care and custody of the cargo’’. It
is felt that the deletion of this part of the defence will greatly
facilitate the settling of claims and avoid litigation. On the other
hand, a deletion of the defence for error in navigation would imply
a fundamental change of the present risk allocation between the
carrier and the cargo-owner. »713

La conception de la faute dans la navigation et dans l’administration du navire a

causé et continue d’entraîner de nombreux problèmes d’application par les juges nationaux.

Comme le souligne Pourcelet, « La difficulté naît en pratique de l’absence de démarcation

très nette entre la faute nautique et la faute commerciale ainsi qu’en témoignent les

décisions jurisprudentielles en la matière. »714

D’un point de vue juridique, c’est l’exécution des obligations du transporteur qui

décide de cette suppression ou pas. Sériaux avance, avec raison, que l’objectif de cette

suppression est le suivant :

« Veut-on, par exemple, obliger le transporteur à veiller à la


qualification de ses préposés, l’on supprimera le cas excepté de
faute nautique; veut-on l’obliger à assurer la parfaite navigabilité de
son navire, l’on supprimera les cas exceptés correspondants,
etc. »715

713
Note du Secrétariat Général, préc., note 696, 249.
714
M. POURCELET, préc., note 55, p. 97.
715
A. SÉRIAUX, préc., note 111, p. 72.
210
Reprenant ce paragraphe, par la citation du Secrétariat de la CNUDCI qui affirme

que le nouveau régime de Hambourg assure une répartition plus équilibrée et plus équitable

des risques et responsabilités entre transporteurs et chargeurs comparativement au régime

de Bruxelles qui est « […] contraire à la fois au concept juridique général selon lequel une

partie devrait être tenue de réparer les pertes ou dommages causés par sa propre faute ou

celle de ses préposés ou mandataires et au concept économique selon lequel le risque de

pertes devrait être supporté par la partie qui est à même de prendre des mesures pour les

éviter. »716

Les Règles de Hambourg clarifient et simplifient la responsabilité du transporteur en

supprimant presque toute la liste des cas exceptés. Ils ont été substitués en tant

qu’événements extérieurs insurmontables pour le transporteur, malgré les moyens fournis

pour les éviter : ce sont les cas de force majeure. Toutefois, ses critères ont été atténués par

la prise de mesures raisonnables.

Sous-section 2 — Les événements de force majeure

La notion de force majeure est une institution de culture juridique civiliste qui

présuppose l’absence de toute faute subjective du débiteur de l’obligation. Cette notion est

reçue par les différents systèmes et branches du droit, bien que sa définition et sa portée

varient d’une loi nationale à l’autre. L’expression force majeure (vis major en droit romain)

a certainement été mieux adaptée aux systèmes de tradition romaniste, dans lesquels elle est

communément utilisée. Les auteurs des pays de droit romaniste n’ont donc aucune

716
Note du Secrétariat de la CNUDCI relative à la Convention des Nations Unies sur le transport de
marchandises par mer, 1978 (Hambourg) p. 32, en ligne sur :
<http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/transport/hamburg/hamburg_rules_f.pdf > (consulté le 13 avril
2009).
211
difficulté à emprunter l’expression à leurs systèmes de droit interne respectifs (en français

force majeure; en espagnol fuerza mayor; en italien forza maggiori; etc.). L’expression

figure aussi comme terme technique accepté dans les lexiques du droit international des

pays de langues latines717.

Cela ne signifie toutefois pas que l’expression force majeure soit un terme technique

complètement inconnu dans les pays de la common law et, encore moins, que ces systèmes

négligent ces événements. Les auteurs anglo-saxons estiment plutôt que sa portée est plus

étendue, puisque son champ d’application et ses effets se distinguent largement des

événements et notions connues dans leur droit718.

Les occurrences du terme « force majeure » les plus fréquentes en droit anglo-saxon

sont act of god, act of providence, act of nature, force majesture, irristible force,

irresistible superhuman force, superior force et vis divina, qui paraissent accessoirement

dans le Black719. Ce sont souvent les expressions act of God et vis major qui sont

employées par les juristes anglo-saxons.

Cette situation démontre l’hésitation terminologique que l’on peut observer dans la

pratique du droit international et dans la doctrine des pays de la common law. En revanche,

le concept étendu de force majeure est maintenant largement utilisé dans la terminologie

717
N.U, Doc. A⁄CN⁄.4⁄315 « ‘‘Force majeure’’ et ‘‘cas fortuit’’ en tant que circonstances excluant l’illicéité :
pratique des États, jurisprudence internationale et doctrine-étude établie par le Secrétariat de la Commission
du Droit international des Nations Unies », (1978) 11 Annu. C.D.I., p. 65, en ligne :
< http ⁄⁄www.un.org⁄law⁄french⁄ilc⁄index.htm > (consulté le 13 avril 2009).
718
Le juge Baithache dans la décision Matsoukis v. Priestman and Co. affirme que : « In my construction of
the word "force majeure" I am influenced to some extent by the fact that they were inserted by [Napoléon]
[…] I’m not going to attempt to give any definition of the words "force majeure", but I am quite satisfied that
I ought to give them a more extensive meaning than "act of god" or "vis major". » : Matsoukis v. Priestman
and Co. (1915), 1 K.B. 681, 686 et 687.
719
Dans le Black’s Law Dictionary, 8e éd., l’acte de dieu est défini comme suit : « An overwhelming,
unpreventable event causes exclusively by forces of nature, such as an earthquake, flood, or tornado. The
definition has been statutorily broadened to include all natural phenomena that are exceptional, inevitable, and
irresistible, the effects of which could not be prevented or avoided by the exercise of due care or foresight.
[...] Also termed act of nature; act of providence; superior force; vis major; irresistible superhuman force; vis
divina. »
212
anglaise du droit international. L’emploi de cette expression figure dans de nombreux

textes anglais de conventions, traités internationaux contemporains et aussi dans les

principes d’Unidroit720.

En conséquence, puisque notre sujet se situe dans un contexte international et aussi

contractuel, la force majeure, reçue par tous, peut être définie comme un événement ou une

circonstance excluant la faute du débiteur quant à l’exécution de ses obligations

contractuelles, du moment où le fait est extérieur, imprévisible et insurmontable.

« La force majeure a été définie, lato sensu, comme un événement


imprévu ou prévu [cas fortuit] mais inévitable ou insurmontable,
extérieur au débiteur d’une obligation, et qui l’empêche d’exécuter
l’obligation en question. Compte tenu du rapport étroit que l’on
peut établir entre la force majeure et le degré de diligence dont le
débiteur de l’obligation est supposé faire preuve dans toute relation
juridique, la force majeure a aussi été définie, négativement ou par
élimination, comme un fait qui n’est pas attribuable à une
quelconque « faute » (dolus ou négligence coupable) du débiteur de
l’obligation, ou qui se produit indépendamment de sa volonté, et
d’une manière insurmontable par lui, et qui fait qu’il lui est
impossible de s’acquitter de son obligation. »721

Les causes matérielles de l’événement de force majeure sont donc variables. La

force majeure peut évidemment découler d’une cause naturelle (catastrophe naturelle telle

qu’un tremblement de terre, une tempête ou un cyclone) ou de situations provoquées par

l’intervention de l’humain, comme une guerre, une révolution, une émeute, grève, lock-out,

embargo, etc. Enfin, certaines causes peuvent avoir une origine aussi bien naturelle

qu’humaine. Un incendie, par exemple, peut avoir été allumé par un humain ou provoqué

par la foudre. Les causes peuvent aussi être économiques et politiques. Par exemple, une

720
L’article 7.1.7 des principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international, en ligne : <
http://www.unidroit.org/french/principles/contracts/principles2004/integralversionprinciples2004-f.pdf>
(consulté le 17 août 2009).
721
U.N. Doc. A⁄CN⁄.4⁄315, préc., note 717, p. 66.
213
crise financière du marché mondial ou de l’économie nationale, ou une crise par pénurie de

produits de base722.

Les Règles de Hambourg ont choisi la terminologie commune pour simplifier le

régime de la responsabilité du transporteur maritime que la Convention de Bruxelles a

rendu complexe en dressant une liste exhaustive de cas exceptés, transmettant

indirectement l’idée rattachée au concept de force majeure.

Néanmoins, les critères objectifs du cas de force majeure se dissipent devant la prise

de mesures raisonnables par le transporteur, afin d’éviter l’événement et ses conséquences.

Seul le critère de l’insurmontabilité723 est retenu. Comme le souligne Putzeys :

« La jurisprudence a atténué le caractère rigoureux de ces critères


et les entend désormais de manière raisonnable : « il faut, mais il
suffit, que l’événement ou les circonstances soient telles que l’on
n’eût pu reprocher à un transporteur normalement diligent de ne pas
en avoir prévu ou évité les conséquences dommageables. »724

Si le transporteur a pris les mesures nécessaires pour éviter ou empêcher les

dommages à la survenance de l’événement, il ne peut être en faute725.

Ce qu’explique clairement le doyen Chauveau :

« [Si le transporteur] est tenu seulement d’une obligation de


diligence, il peut évidemment encore invoquer la force majeure.

722
Par exemple, la tarification des prix du café sur le marché mondial, aussi bien que d’autres produits de
base, a été négativement affectée par les turbulences financières de 2008 selon la dernière lettre du directeur
exécutif de l’Organisation internationale du café (OIC), en ligne :
<http://news.abidjan.net/article/?n=307476> (consulté le 28 nov. 2008).
723
L’irrésistibilité demeure le seul critère objectif et permanent de la force majeure. Comme le souligne
Moury, « le critère de qualification de force majeure, à laquelle (sic) correspond une causalité exclusive de
l’événement dans l’inexécution ou la production du dommage, paraît devoir être le même, que l’on soit en
présence d’une responsabilité contractuelle ou délictuelle, et ne pouvoir résider que dans l’irrésistibilité de
l’événement allégué. Divers et variables sont en revanche les facteurs, et subséquemment les indices, de cette
irrésistibilité, qui ne constitueront pour le juge de fond que des éléments d’appréciation de la force majeure » :
Jacques MOURY, « Force majeure, éloge de la sobriété », R.T.D.C.2004.471.472 et 473.
724
J. PUTZEYS, préc., note 320, p. 215.
725
J. MOURY, préc., note 723, 472- 473.
214
Mais, logiquement, si la notion de « due diligence » a un sens, il
doit encore être exonéré, même si tous les éléments constitutifs de
la force majeure ne sont pas réunis, dès lors qu’il a fait preuve de
diligence raisonnable. »726

Cette atténuation des critères de force majeure posera inévitablement des problèmes

d’uniformité au sein des tribunaux. Le cas de péril de mer en est un exemple éloquent727.

L’exonération particulière des Règles de Hambourg sera maintenant passée en revue

avec l’examen de cas où il y a concurrence de plusieurs causes du dommage, pour ensuite

analyser le régime des cas exceptés.

La Convention de Hambourg libère le transporteur en cas d’incendie et en cas

d’assistance ou de tentative d’assistance. C’est précisément le maintien du cas excepté

d’incendie qui a suscité de virulentes critiques et qui mérite d’être clarifié ici.

Section 4 – L’exonération particulière

Avant d’analyser le cas d’incendie, il convient d’étudier les cas où l’exonération

partielle peut s’appliquer en cas de concurrence des causes du dommage.

Sous-section 1 — La concurrence des causes du dommage

Le texte de Hambourg pose un nouveau principe, celui de la responsabilité partielle

qui n’est que la conséquence de l’évolution de la jurisprudence déjà existante dans la

Convention de Bruxelles728. L’article V.7 énonce que :

726
Paul CHAUVEAU, Traité de droit maritime, Librairies techniques, 1958, no 780, p. 527.
727
Voir : The Bunga Seroja, préc., note 116.
728
Vallescura, préc., note 265. Les Règles de Hambourg ont codifié plusieurs principes énoncés par la
jurisprudence pour parvenir à la résolution des difficultés rencontrées pour appliquer la Convention de
Bruxelles. Citons, à titre d’exemple, l’article 6 (2) (a), qui admet que, lorsqu’un conteneur, une palette ou tout
engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, il est considéré comme un colis ou une autre unité
de chargement, correspondant aux décisions : J.A. Johnston Co. v. The Tindefjell, [1973] 2 Ll.L.Rep. 253
(C.F. Can. 1973) ; Cameco v. SS American Legion, [1975] 1 Ll.L.Rep. 295 (2nd Cir.1974). Pour plus
d’exemples, voir : W. TETLEY, préc., note 602, 17.
215
« Lorsqu’une faute ou une négligence du transporteur, de ses
préposés ou mandataires, a concouru avec une autre cause à la
perte, au dommage ou au retard à la livraison, le transporteur n’est
responsable que dans la mesure de la perte, du dommage ou du
retard qui est imputable à cette faute ou à cette négligence, à
condition de prouver le montant de la perte ou du dommage ou
l’importance du retard qui n’est pas imputable à ladite faute ou
négligence. »729

Rappelons la distinction qu’établit la jurisprudence entre les deux cas qui suivent

dans l’application de la Convention de Bruxelles :

- La concurrence du manque de diligence raisonnable à mettre le navire en état de

navigabilité avec un cas excepté causant le dommage ou la perte;

- La concurrence de la faute du transporteur, par rapport à son obligation de prise

de soins de la cargaison durant le voyage maritime, avec un cas excepté.

Dans le premier cas, la violation de l’article III (1) ne permet pas au transporteur

d’invoquer l’exonération, car l’obligation de navigabilité est une obligation primordiale.

Dans le second cas, le dommage est causé par une violation de l’art. III (2) et aussi par

un cas excepté, de sorte que la règle de la décision Vallescura730 s’applique, les deux causes

du dommage étant de même poids731. La contribution de la faute du transporteur au

dommage, par rapport à l’article III (2), lui ouvre le droit à l’exonération, à condition qu’il

arrive à prouver sa part du dommage732. En l’absence d’une preuve suffisante ou d’une

cause inconnue du dommage, le transporteur demeure entièrement responsable733.

729
Ce texte s’inspire, avec quelques modifications, de l’article 18-2 de la Convention relative au contrat de
transport international de marchandises par route de 1956, telle que modifiée par le Protocole de 1978
(Convention CMR).
730
Préc., note 265.
731
W. TETLEY, préc., note 261, p. 325.
732
C.A. Rouen, 8 décembre 1998, D.M.F.2000.126.
733
Voir : Transatlantic Marine Claims Agency Inc. v. M⁄V OOCL Inspiration (The OOCL Inspiration), [1998]
A.M.C. 1327 ( 2nd Cir. 1998).
216
L’appréciation des magistrats à l’égard de la Convention des Nations Unies sera

certainement différente si les conditions de preuve sont remplies. La responsabilité partielle

est applicable s’il est prouvé que la faute du transporteur et une autre cause ont contribué au

dommage de la cargaison. Selon les Règles de Hambourg, la règle de la décision Vallescura

s’applique en tout temps. Le transporteur est tenu d’une seule obligation générale734,

mettant ainsi en priorité l’objet du contrat de transport : la livraison de la marchandise en

l’état de sa réception au port de chargement. Le transporteur doit prouver que le montant de

la perte ou du dommage, ou l’importance du retard, n’est pas imputable à sa faute ou à sa

négligence, afin de bénéficier de l’exonération partielle. L’appréciation subjective des juges

demeure cruciale dans ces cas et se fonde sur la gravité de la faute et des événements

extérieurs qui ont contribué au dommage.

Un jugement récent du Tribunal de commerce de Paris en date du 20 décembre

1994735 mérite d’être retenu. En l’espèce, une partie d’une cargaison de biscuits ayant été

contaminée en cours du transport maritime par des émanations de toluène transporté dans

un conteneur à proximité du conteneur litigieux. Arrivée à destination, l’administration

saoudienne, en constatant les dommages partiels à la cargaison, avait interdit même la

distribution des biscuits non affectés. Le Tribunal de Paris a vu dans la décision de cette

administration un fait du prince, mais tout en considérant que le transporteur a commis une

faute en plaçant un conteneur de produits chimiques dans la même cale qu’un conteneur de

produits alimentaires. Par conséquent, le transporteur a été condamné à indemniser la

moitié de la somme des dommages au destinataire de la marchandise.

734
Margetson observe : « The overriding obligation rule as it exists under common law is unreasonable. It
means that a carrier may be responsible for damage which was not caused by non-fulfilment of a duty » : N.-
J. MARGETSON, préc., note 218, p. 68.
735
Trib. com. Paris, 20 décembre 1994, B.T.L.1995.779.
217
En somme, la différence entre la disposition de l’alinéa 1 et de l’alinéa 7 de l’article

V est que le premier repose sur le principe que le transporteur, pour bénéficier de

l’exonération de responsabilité, doit prouver la cause du dommage et la prise des mesures

raisonnables pour éviter l’événement et ses conséquences, alors que le second tient compte

séparément de l’exercice de la diligence et de la cause du dommage pour appliquer la

responsabilité partielle.

Pour ce qui est du régime des cas exceptés maintenu par les Règles de Hambourg, il

constitue un contresens au régime général, puisque ces règles ont voulu poser une règle

générale et ne plus s’encombrer des cas exceptés, hormis l’incendie qui donne lieu à un

traitement spécifique.

Sous-section 2 — Le cas d’incendie

Le cas d’incendie constitue une présomption simple en faveur du transporteur. Il ne

peut être tenu responsable des pertes ou dommages causés par l’incendie que si le

demandeur prouve que l’incendie résulte d’une faute ou d’une négligence du transporteur

ou de ses préposés ou mandataires.

L’article V. 4, alinéas (i) et (ii) de la Convention de Hambourg énonce que le

transporteur est responsable :

« [...] i) des pertes ou dommages aux marchandises ou du retard à la


livraison causés par l’incendie, si le demandeur prouve que
l’incendie résulte d’une faute ou d’une négligence du transporteur,
de ses préposés ou mandataires;
ii) des pertes, dommages ou retard à la livraison dont le demandeur
prouve qu’ils résultent de la faute ou de la négligence du
transporteur, de ses préposés ou mandataires en ce qui concerne les
mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éteindre
l’incendie et éviter ou atténuer ses conséquences. »
218
La lecture du présent article nous autorise à constater deux cas qui engagent la

responsabilité du transporteur en matière d’incendie : 1. la cause de l’incendie est la faute

du transporteur ou celles de ses préposés; le transporteur a manqué à son obligation de

diligence à prendre les mesures raisonnables pour éviter ou arrêter l’incendie ou en

diminuer les conséquences. Dans ces deux cas, la preuve incombe au chargeur.

Une différence notable sépare ce texte de l’article IV (2) de la Convention de

Bruxelles de 1924 qui ne prive le transporteur du bénéfice de l’exonération que lorsque le

demandeur établit une faute personnelle du transporteur736. D’après le nouveau texte, la

faute des préposés ou des mandataires de l’armateur est clairement prise en compte pour

des raisons plus politiques qu’économiques, ce qu’explicite ici Karan :

« […], though in the Hamburg Rules no exception is made for the


fire arising out of the fault of his servants and agents, under Article
5(4), the burden of proof for the fault of the carrier or his servants
or agents contributing to the fire damage is unjustly shifted from the
carrier onto the cargo interest in return for the deletion of nautical
fault exemption as a result of political compromise. »737

Le régime de preuve dans le cas d’incendie mérite plus de précision, car la charge

de la preuve qui incombe au chargeur est à notre sens injustifiée738. L’argument faisant

valoir que les incendies à bord proviennent souvent de la nature de la cargaison est

absurde739. Le transporteur acceptant de charger la marchandise doit être conscient de sa

nature740 et des risques de son transport. Il y a là une confusion entre les obligations des

736
Supra, p. 179.
737
H. KARAN, préc., note 645, p. 287.
738
Voir : A. DIAMOND, préc., note 598, p. 12.
739
J.-F. WILSON, « Basic Carrier Liability and the Right of Limitation », dans S. MANKABADY, préc.,
note 81, à la page 142.
740
Les matières susceptibles de combustion spontanée doivent être connues par un transporteur vigilant. Par
exemple, le chlore réagit violemment au contact de métaux en poudre ou de certaines matières organiques; le
sodium et le potassium réagissent à l’eau; les métaux en poudre comme le magnésium, le calcium s’oxydent
rapidement à l’air et à l’humidité, etc. Voir : Robert J. BRADY, Prévention-incendie à bord des navires,
219
deux parties aux contrats et les mesures de précautions à prendre. Sans doute, le chargeur

doit-il informer le transporteur de la nature de sa cargaison et en assurer l’emballage,

surtout lorsqu’il s’agit de conteneurs remplis loin de leur port d’embarquement. Une fois

confiée au transporteur, il doit s’en porter garant jusqu’à sa livraison.

Rappelons que les causes les plus fréquentes d’incendie à bord sont dues à l’erreur

humaine, dont des omissions de la part de membres de l’équipage : fumeurs imprudents

dans les salles de machines et chaufferie741 ou dans les locaux d’entreposage et locaux de

travail, non-entretien du matériel électrique, non-surveillance des canalisations

d’hydrocarbure dans les salles de machine, arrimage défectueux742, brûlage et soudage non

sécuritaires, etc.

En somme, en cas d’incendie, il n’y a pas de motif raisonnable pour imposer au

chargeur la preuve de la faute du transporteur ou de ses préposés, en dérogeant au régime

de preuve général imposé par l’article V(1). Ce déplacement du fardeau de la preuve n’est

pas un fait propre au mécanisme de la présomption de faute.

Ce renversement du fardeau de la preuve corrobore l’évidence de l’incohérence du

régime de preuve des Règles de Hambourg. Dans la responsabilité contractuelle du

transporteur sur la base de la faute présumée, ce n’est pas la victime qui doit prouver

l’existence de la faute, mais c’est à l’armateur d’établir sa non-responsabilité743.

Traduction de Marine Fire Prevention, Firfightings and Fire Safety USA, publié sous la responsabilité de
l’Institut maritime du Québec, Bibliothèque nationale du Québec, CCDMD, 2000, p. 6 et 7.
741
« Ces locaux renferment des quantités relativement grandes de produits pétroliers comme du mazout, des
lubrifiants et de la graisse. Même les plus épais de ces produits tendent à s’évaporer. Les émanations se
mélangent ensuite à l’air ambiant et une flamme nue ou une cigarette allumée peuvent enflammer le
mélange. » : id., p. 5.
742
« Même les marchandises les plus dangereuses peuvent être transportées de façon sécuritaire lorsqu’elles
sont bien arrimées. Par contre, les marchandises supposément « sûres » peuvent causer un incendie
lorsqu’elles sont mal arrimées. » : id., p. 10.
743
Daniel LUREAU, La responsabilité du transporteur aérien, lois nationales et Convention de Varsovie,
Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1961, p. 23.
220
En outre, les données relatives à l’incendie à bord sont davantage mises à la

disponibilité du transporteur qui est à bord du navire744. Ne se trouvant pas sur les lieux de

l’incendie, le chargeur serait bien en mal d’apporter le fait fautif du transporteur qui est la

cause du dommage ou de la perte. C’est au transporteur et aux membres de l’équipage de

prouver qu’ils ont accompli leurs devoirs. Le chargeur a-t-il le pouvoir de faire une

véritable enquête? Aucunement. Il ne pourra que s’informer. En revanche, le transporteur a

les moyens d’effectuer toutes les enquêtes possibles et de faire toutes les constatations avec

témoins, pour déterminer la cause directe de l’incendie et prouver qu’aucune faute n’a été

commise par lui ou ses préposés745.

Autrement dit, le chargeur devra se livrer à des recherches délicates et difficiles,

alors que le transporteur détient tous les moyens de contrôle et d’investigation. Est-ce là

une solution équitable? Ajoutons qu’à défaut de preuve ou si l’incendie est d’origine

inconnue, le chargeur supportera les conséquences du dommage.

Pour cette raison, nous rejoignons le principe général que la charge de la preuve

devrait être imposée à celui qui peut la remplir avec le moins d’inconvénients. De plus,

celui qui a la garde de la cargaison est le mieux placé pour établir l’origine du dommage746.

C’est pour cette raison, comme le souligne Putzeys, que le droit des transports a choisi le

régime de présomption de faute747. Plusieurs commentaires et arguments ont été émis par

les gouvernements sur l’inefficacité de cette disposition, lors de la rédaction du projet de

convention de Hambourg748. C’est ainsi que le Mexique a déclaré :

744
Cf. H. KARAN, préc., note 645, p. 412.
745
Voir : Programme de prévention-incendie, dans R.-J. BRADY, préc., note 740, p. 23-41.
746
Voir : François BOULANGER, « Réflexions sur le problème de la charge de la preuve »,
R.T.D.C.1966.736.
747
J. PUTZEYS, préc., note 320, p. 203.
748
Note du Secrétariat Général, préc., note 696.
221
« [...] that it would be going too far to place the burden of proof on
the claimant, and that in practice it would be impossible to prove
fault or negligence on the part of the carrier, his servants or agents,
especially when the fire occurred on the high seas, when the shipper
and the consignee would be unable to ascertain the causes of the
fire or avoid or alleviate its consequences. Consequently, in the case
of fire as for any other occurrence, the governing principle should
be the general one established in article 5, paragraph 1. »749

La France a affirmé, à son tour, que cette disposition constitue une brèche dans le

nouveau système de responsabilité fondée sur la présomption générale de la faute à l’égard

du transporteur. Le système proposé est tout à fait défavorable à l’expéditeur qui ne sera

pas en mesure d’établir la faute ou la négligence du transporteur, de ses préposés ou

mandataires.

Cette disposition est le résultat d’un compromis politique et n’est point justifiée

juridiquement. Pour cette raison, elle doit être supprimée.

Suivant cette affirmation, la France avait proposé la reformulation de l’article V.4,

alinéas (i) et (ii) comme suit :

« In case of fire the carrier shall be liable, unless he proves that the
ship had appropriate means of averting it and that, when the fire
occurred, he, his servants and agents took all reasonable measures
to avert it or to limit its consequences, except where the claimant
proves the fault or negligence of the carrier, his agents or
servants.»750

En outre, l’article V.4 (b)751 qui offre aux parties la possibilité de faire appel à

l’expertise pour déterminer la cause et les circonstances de l’incendie ne fait que confirmer

la difficulté d’établir la preuve pour le chargeur. Il lui sera particulièrement difficile de

749
Id., 223.
750
Id., p. 214 et 215.
751
b) Dans le cas où un incendie à bord du navire porte atteinte aux marchandises, si le demandeur ou le
transporteur en fait la requête, une enquête sera menée, conformément à la pratique des transports maritimes,
afin de déterminer la cause et les circonstances de l’incendie. Dans ce cas, un exemplaire du rapport de
l’expert pourra, sur demande, être mis à la disposition du demandeur.
222
démontrer la faute ou la négligence du transporteur ou de ses préposés et mandataires dans

la prévention ou l’extinction de l’incendie. Cet état de fait explique que les rédacteurs de la

Convention de Hambourg étaient conscients de la complexité du régime de preuve en cas

d’incendie, car bien qu’il s’agisse de deux régimes différents, la même difficulté est

éprouvée par le régime de la Convention de Bruxelles. En ce sens, l’application du Code

I.S.M. facilitera cette tâche et justifiera que le transporteur est le mieux placé pour prouver

son absence de faute.

Si nous rappelons le régime de preuve de droit commun, c’est à la partie qui prétend

être libérée de son obligation de prouver la cause directe du dommage. La preuve de la

faute du transporteur ou de ses préposés par le chargeur, suivant ce raisonnement, serait

logiquement injustifiée.

Pour ce qui de l’alinéa (ii) du même article V (4), le transporteur est tenu

responsable chaque fois qu’il ne peut apporter la preuve des mesures raisonnables pour

éviter le dommage. Toutefois, s’il démontre qu’il lui fut impossible, à lui et ses préposés,

de surmonter l’événement, la faute ne pourra lui être imputée.

Dans le premier cas (l’article V.4 (i)), il s’agit d’une conception causale, c’est-à-

dire que la faute est la cause immédiate de l’incendie « (emploi du verbe ”résulter ‘) », alors

que dans le second cas (l’article V.4 (ii)), « c’est bien la conception subjective qui est

retenue, d’après laquelle l’incendie qui survient en manifestant un manque de diligence

raisonnable du transporteur réintroduit en totalité sa responsabilité. »752

Le régime d’incendie des Règles de Hambourg a suscité un débat d’idées

d’envergure à la conférence de Hambourg; la disposition V.4 a été reformulée de manière

752
A. SÉRIAUX, préc., note 111, p. 111.
223
complexe, suivant de longues négociations. Cet article a par la suite été sévèrement critiqué

par les différents auteurs, dont le doyen Rodiére qui s’exprime ainsi :

« Passons sur l’évidente stupidité de la rédaction : pourquoi en effet


distinguer entre la survenance de l’incendie et son extinction,
demander pour la première la preuve de la faute du transporteur et
pour la seconde, la preuve d’une faute concernant les mesures qui
pouvaient être raisonnablement exigées pour éteindre l’incendie?
Cela signifie-t-il que pour la survenance de l’incendie, on exigera
aussi bien des mesures déraisonnables? Sans doute pas. Mais c’est
le principe lui-même qui surprend. »753

En résumé, en pure logique contractuelle, le transporteur doit assumer le fardeau de

la preuve et démontrer qu’il n’a pas commis de faute et que la cause du dommage est un

événement extérieur dont le transporteur n’a pu conjurer les effets, malgré les soins et la

diligence apportés. Autrement dit, si le dommage a été causé suite à un fait extérieur au

débiteur, qu’il ne pouvait normalement prévoir et empêcher, il ne sera alors pas tenu

responsable de réparer le dommage.

Le régime de preuve des Règles de Hambourg devrait être révisé, car on assiste non

seulement à un renversement du fardeau de la preuve, mais aussi à un système de double

preuve. Nous nous interrogeons ainsi sur l’utilité du maintien du cas d’incendie comme cas

exonératoire. Est-ce que le risque d’incendie en mer est plus important que dans les autres

modes de transport qui ne prévoient pas de dispositions particulières au cas d’incendie en

tant qu’exception à la responsabilité du transporteur?

En admettant que les navires soient exposés à autant de risques d’incendie que les

autres modes de transport, force nous est de constater que les causes de feu à bord du navire

sont liées en premier lieu aux problèmes de prévention et de lutte contre l’incendie par les

membres de l’équipage. Seul le transporteur peut assurer une prévention efficace contre le

753
Renè RODIÉRE, « La responsabilité du transporteur maritime suivant les Règles de Hambourg 1978 »,
D.M.F.1978.451.458.
224
feu par l’installation de programmes de prévention conformes754, par le choix d’un

personnel compétent et par une formation structurée et continue de l’équipage755

754
Cf. Dmitry SHULGA, The Simulation System of Propagation of Fire and Smoke, mémoire de maîtrise,
Départment de génie et science informatique, Mississippi, Université de Mississippi, 2003.
755
Voir : R.-J. BRADY, préc., note 740.
225
Conclusion du chapitre I de la seconde partie

En conclusion, il apparaît que malgré le fait que les Règles de Hambourg apportent

une certaine amélioration aux Règles de La Haye/Haye-Visby756, elles demeurent

déficientes. La réalité juridique n’exclut pas son effet pervers sur le régime de

responsabilité. Le quasi-abandon des cas exceptés dans la Convention de Hambourg

n’apparaît que sur le plan théorique, car elle n’entraîne pas une aggravation considérable de

la responsabilité du transporteur maritime.

La suppression de la liste des cas exceptés ne peut atteindre indubitablement

l’objectif visé par les rédacteurs, puisque la Convention établit différentes considérations en

fonction de l’origine de la perte, du dommage ou du retard.

Nous partageons l’avis du professeur Tetley qui déclare :

« The Rules as a new Convention in many cases do not clarify the


law at all, nor do they arrive at the new social balance expected.
Instead they make concessions to shippers and create new law in
one direction and concessions to carriers and new law in another, all
the while establishing a third international convention, which in
itself opposes the principle of uniformity in the world of commerce
and shipping. »757

Cette opinion dépeint fidèlement la réalité. Ces incohérences si fréquemment

relevées s’expliquent par la formulation du texte de Hambourg qui engendre beaucoup de

756
La Convention de Hambourg, bien qu’elle n’ait pas réglé tous les problèmes du régime de responsabilité,
se rapproche d’un régime simple et moins complexe que celui de La Haye⁄Haye-Visby. Le choix d’un régime
général de responsabilité réduira les divergences, car il établira une compréhension commune des différents
concepts et simplifiera par ce fait la tâche aux magistrats. Selon nous, la Convention de Hambourg, malgré
ces lacunes, tend au progrès du droit que traduit l’évolution de la responsabilité du transporteur maritime dans
son ensemble, vers une approche objective.
757
W. TETLEY, préc., note 602, 20.
226
contradictions. Cet état de droit va créer des incertitudes chez les parties aux contrats et une

confusion chez les juges et certainement des conflits de lois758.

La coexistence de la Convention de Bruxelles et des Règles de Hambourg a suscité

beaucoup d’insatisfaction à cause de désaccords de base, au cours des dernières années759.

Pour pallier cette situation, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la

Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises

effectué entièrement ou partiellement par mer, le 11 décembre 2008, sous l’appellation

« Règles de Rotterdam ». L’objectif de cette nouvelle convention, selon son préambule, est

de parvenir à une plus grande uniformité et modernisation du droit maritime international,

par la refonte des Règles de La Haye⁄Haye-Visby et celles de Hambourg. Elle vise à

favoriser la sécurité juridique des transactions maritimes et l’efficacité du transport par mer,

puisque jusqu’à ce jour, « la pratique supporte mal les inconvénients d’une dualité de

régimes. »760

Quel serait alors l’apport de cette nouvelle convention au régime de responsabilité

du transporteur maritime? Répondra-t-elle aux attentes d’uniformisation et de prévisibilité

juridique?

C’est ce que nous nous efforcerons d’analyser dans le dernier chapitre de cette

étude.

758
Voir : Pierre-Yves NICOLAS, « Les conflits de Conventions internationales dans le transport maritime de
marchandises », dans P. BONASSIES, préc., note 2, à la page 265.
759
Voir : Maris LEJNIEKS, « Diverging Solutions in the Harmonisation of Carriage of Goods by Sea :Which
Approach to Choose? », R.D.U. 2003.303.
760
P. CHAUVEAU, préc., note 726, no 21, p. 28, cf. J.-A. Estrella FARIA, « Uniform Law for International
Transport at UNCITRAL: New Times, New Players, and New Rules », 44 (3) Texas I.L.J. 279 (2009)
Chapitre II — La responsabilité du transporteur maritime dans la
Convention sur le contrat de transport international de marchandises
effectué entièrement ou partiellement par mer

Après plusieurs sessions et travaux du Groupe III de la Commission des Nations

Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), en collaboration avec plusieurs

organisations maritimes, un projet de texte final de la Convention sur le contrat de transport

international de marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer a été décidé en

janvier 2008 et approuvé avec des modifications mineures le 3 juillet 2008761, puis transmis

à l’Assemblée générale des Nations Unies pour son adoption, en novembre 2008.

Le 11 décembre 2008, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la

Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises

effectué entièrement ou partiellement par mer, intitulée « Règles de Rotterdam ».

Elle entrera en vigueur après que 20 États la ratifient. Ce nouveau texte a reçu le

soutien de plusieurs nations maritimes762, dont les États-Unis763.

La Convention comprend quatre-vingt-seize articles et comporte plus de détails que

les textes qui la précédent. Elle met minutieusement l’accent sur tous les aspects du contrat

de transport maritime, à savoir les obligations et les responsabilités des parties764.

À caractère multimodal transmaritime765 ou maritime plus766, la Convention

s’applique aux contrats de transport international767 par mer et peut prévoir simultanément

761
Voir le régime de responsabilité revu conformément au nouveau texte : Stuart BEARE, « Liability
Regimes : Where we are, How we got there and Where we are going », (2002) L.M.C.L.Q. 306.
762
Seize États ont signé la nouvelle convention le 23 et 29 septembre 2009 à Rotterdam : l’Arménie, le
Cameroun, le Congo, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis d’Amérique, la France, le Gabon, le Ghana, la
Grèce, la Guinée, Madagascar, le Nigéria, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Sénégal, la Suisse et le
Togo.
763
Voir : Mary Helen CARLSON, « U.S. Participation in Private International Law Negotiations: Why the
UNCITRAL Convention on Contracts for the International Carriage of Goods Wholly or Partly by Sea is
Important to the United States », 44 Texas I.L.J. 269 (2009).
764
Les obligations du chargeur sont les plus détaillées en ce qui concerne la remise de la marchandise.
228
un autre mode de transport768. Néanmoins, l’absence du segment maritime ne permet pas

d’appliquer ce nouveau texte.

L’article I.1 des règles définit le contrat de transport comme suit :

« Le terme ‘contrat de transport’ désigne le contrat par lequel un


transporteur s’engage, moyennant paiement d’un fret, à déplacer
des marchandises d’un lieu à un autre. Le contrat prévoit le
transport par mer et peut prévoir, en outre, le transport par d’autres
modes. »

La Convention édicte que la responsabilité du transporteur ou une partie exécutante

commence à partir de la réception des marchandises et se termine lorsque les marchandises

sont livrées. À cet égard, la nouvelle convention traite clairement du statut des contractants

indépendants. Le nouveau texte utilise le terme de « parties exécutantes », c’est-à-dire de

tous ceux qui participent à l’exécution du contrat de transport à la demande du transporteur.

765
Le transport multimodal transmaritime est défini par Bonnaud et Legal comme suit : « Lorsqu’un transport
de bout en bout est fait sans rupture de charge et que l’un des modes utilisés est le maritime, il s’agit d’un
transport multimodal transmaritime qui se décompose le plus souvent en un pré-acheminement terrestre, un
transport maritime et un postacheminement terrestre. Mais, toutes les solutions sont possibles et, de plus en
plus, le transport multimodal transmaritime comporte une phase fluviale ou aérienne. On retiendra
l’expression anglaise très parlante "Multimodal Transport with sea leg"» : Jacques BONNAUD et Bernard
LEGAL, « Le transport multimodal et la logistique », Revue Scapel 2001.62.63.
766
Voir : Francesco BERLINGIERI, « Multimodal Aspects of the Rotterdam Rules », dans The Rotterdam
Rules Colloquium of the Signing Ceremony, 21 septembre 2009, en ligne: <
http://www.rotterdamrules2009.com/cms/uploads/Def.%20tekst%20F.%20Berlingierie%2013%20OKT29.pdf
> ( consulté le 9 nov. 2009); M. STURLY, « Scope of Coverage Under the UNCITRAL Draft Instrument »,
10 J.I.M.L. 138 (2004), 146; David A. GLASS, « Meddling in the Multimodal Muddle? - A Network of
Conflict in the UNCITRAL Draft Convention on the Carriage of Goods [Wholly or Partly] [by Sea] », (2006)
L.M.C.L.Q. 307, 309.
767
La convention s’applique selon l’article 5.1 « aux contrats de transports dans lesquels le lieu de réception
et le lieu de livraison, ainsi que le port de chargement d’un transport maritime et le port de déchargement du
même transport maritime, sont situés dans des États différents, si, selon, le contrat de transport, l’un
quelconque des lieux ci-après se trouve dans un État contractant :
a) Le lieu de réception;
b) Le port de chargement;
c) Le lieu de livraison; ou
d) Le port de déchargement. »
768
« Les participants à la Conférence de l’IMMTA ne pensent pas que l’extension d’un régime unimodal à
d’autres modes de transport soit une bonne solution. Sur la centaine d’articles que contient le projet de
convention, seuls trois traitent du transport multimodal. La Conférence est d’avis que les conséquences
possibles du projet de convention sur le transport multimodal doivent être examinées de près. Dans
l’ensemble, elle juge le projet de convention extrêmement long et complexe et, par conséquent, peu propice à
l’uniformisation internationale. » : Observations de l’International Multimodal Transport Association
(IMMTA), Doc. A/CN.9/WG.III/WP.97, 14 septembre 2007, paragr. 10, p. 4.
229
Pour ce qui est de la durée du contrat de transport, l’article 12.1 de la Convention

prévoit que :

« Le transporteur est responsable des marchandises en vertu de la


présente Convention depuis leur réception par une partie exécutante
ou lui-même en vue de leur transport jusqu’à leur livraison. »

C’est le principe de porte-à-porte, qui fait en sorte que la détermination de la durée

de responsabilité du transporteur a été fortement débattue au sein du groupe de travail de la

CNUDCI. Certains participants avaient jugé que cette période devrait être limitée aux

opérations de transport de port à port769, tandis que d’autres avaient considéré qu’elle

devrait être étendue aux opérations de porte-à-porte770, intégrant ainsi les périodes de

préacheminement et postacheminement de la cargaison771. En 2004, lors de la treizième

session, il a été finalement décidé que la durée du transport devait répondre aux exigences

de la pratique, c’est-à-dire du transport de porte-à-porte772.

769
Le Canada, par exemple, était favorable à l’adoption d’une convention purement maritime (port à port),
« ce n’est pas parce qu’il n’est pas conscient du fait que le transport de porte à porte est très répandu, mais
parce qu’il croit fermement :
a) que l’objectif initial du CMI de rétablir d’abord l’uniformité du droit international dans ce secteur
maritime est le bon et que l’harmonisation des règles dans les domaines qui ne sont pas régis à l’échelle
internationale (tels les documents électroniques) est très importante.
b) que cet objectif ne doit pas être retardé ou compromis en étendant la portée des activités du groupe
de travail à d’autres modes de transport,
c) qu’un nouvel instrument conçu strictement pour le transport maritime aurait de meilleures chances
d’être largement adopté qu’un instrument régissant aussi les autres modes de transport, jusqu’ici visés par le
droit national dans la plupart des pays, sauf les pays européens, où ils sont visés par des conventions
internationales. » : CNUDCI, Proposition du Canada, Doc. A⁄CN.9⁄WG.III⁄WP 23, p. 2. Voir aussi :
CNUDCI, Proposition de Instituto Iberoamericano de Derecho Maritimo, Doc. A⁄CN.9⁄WG.III⁄WP.28⁄ Add.
1
En ligne : <http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V02/570/52/PDF/V0257052.pdf?OpenElement>
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V03/808/13/PDF/V0380813.pdf?OpenElement> (consulté le 10
mai 2009).
770
Voir par exemple, les propositions de International Multimodal Transport Association (IMMTA) et de
l’Union internationale d’assurances transports. CNUDCI, Doc. A⁄CN.9⁄WG.III⁄WP.28⁄ Add. 1, en ligne: <
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/LTD/V03/881/14/PDF/V0388114.pdf?OpenElement> (consulté le
5 avril 2009).
771
Voir : Marian Hoeks LIM, « Multimodal Carriage with a Pinch of Sea Salt », XLIII (3) D.E.T. 2008.257;
D. GLASS, préc., note 766, 307; M. KATSIVELA, préc., note 492;
772
Voir : Francesco BERLINGIERI, « A New Convention on the Carriage of Goods by Sea : Port to Port or
Door to Door », (2003) R.D.U. 265.
230
Il convient de noter que rien dans le nouveau texte n’interdit aux parties de convenir

d’un transport de port à port ou de palan à palan.

Les parties au contrat de transport peuvent, conformément à l’article 12.3, décider

du moment et du lieu de la réception et de la livraison de la cargaison, sous réserve de ne

pas abuser de cette liberté contractuelle. Rappelons à ce sujet que cette nouvelle convention

est impérative773. En effet, cet article affirme que :

« Afin de déterminer la durée de la responsabilité du transporteur,


les parties peuvent convenir du moment et du lieu de la réception et
de la livraison. Cependant, toute clause d’un contrat de transport est
réputée non écrite dans la mesure où elle prévoit :
a) Que la réception des marchandises est postérieure au moment où
débute leur chargement initial conformément au contrat, ou
b) Que la livraison des marchandises est antérieure au moment où
s’achève leur déchargement final conformément au contrat. »

Cet article autorise les parties à s’entendre sur le temps et

le lieu de réception et de livraison des marchandises. La seule restriction est que le moment

de la réception de la marchandise ne peut pas être postérieure au début de leur chargement

initial, et le temps de livraison de la marchandise ne peut pas être antérieure à la

l'achèvement de leur déchargement final.

Le professeur Delebecque souligne à ce propos :

« Art.12-3 uses the term initial loading and initial receipt; so, Initial
(sic) loading means the first modes of transportation (ship, truck,
train...). If the only modes of transport used in the contract of
carriage is a ship, art. 12-3 means that the parties cannot agree on a
contract of carriage with a period of responsibility that is shorter
than ''tackle to tackle''. »774

773
Voir : Philippe DELEBECQUE, « La Convention des Nations-Unies sur le contrat de transport
international de marchandises entièrement ou partiellement par mer et la liberté contractuelle »,
A.D.M.O.2008.485.486.
774
Philippe DELEBECQUE, « Obligations and Liability Exemptions of the Carrier », dans The Rotterdam
Rules Appraised Conference, 24-25 septembre 2009, Erasmus University of Rotterdam, p. 4
231
Le transporteur et le chargeur ne peuvent convenir d’une période de responsabilité

plus courte que celles de palan à palan, mais rien dans l'article 12 n’exclut la possibilité

aux parties de convenir que la livraison soit effectuée à l’ouverture des cales, une fois le

navire arrivé au port de destination775, ou oblige le transporteur à accepter un transport

multimodal. Par conséquent, il est techniquement possible pour les parties de conclure un

contrat de transport pour la période de port à port776.

Lors des travaux préparatoires de ce nouveau texte, deux principales approches se

sont opposées : une approche documentaire, appuyée par les pays anglo-saxons sur la base

des Règles de La Haye⁄Haye-Visby (transport sous connaissement); une approche

contractuelle777, soutenue par les pays continentaux, sur la base des Règles de Hambourg

(l’existence du contrat de transport). Une autre approche fut également observée lors des

débats qui ont suivi, c’est l’approche commerciale du contrat de transport, selon laquelle le

texte ne s’appliquerait qu’aux contrats de transport de lignes régulières, excluant ainsi les

lignes non régulières ou le transport maritime à la demande, en anglais « tramping »778.

775
Voir : Micheal TSIMPLIS, « Obligations of the Carrier », dans Yvonne BAATZ, Charles DEBATTISTA,
Filippo LORENZO, Andrew SERDY, Hilton STANILAND et Micheal TSIMPLIS, The Rotterdam Rules: A
Practical Annotation, Informa Law, 2009, parg. 13-05, p. 38.
776
Tomotaka FUJITA, « The Comprehensive Coverage of the New Convention: Performing Parties and the
Multimodal Implications », 44 Texas I.L.J. 350, 554 (2009).
777
Les Pays-Bas soulignent : « On peut donc en conclure que le projet de la CNUDCI suit une approche
contractuelle. Il s’applique à un certain type de contrat aux caractéristiques économiques et opérationnelles
bien définies, à savoir le contrat de transport maritime, qui dans de nombreux cas, sinon dans la plupart,
couvre aujourd’hui un transport de porte-à-porte. Cela signifie que les marchandises sont transportées non
seulement par des navires de mer, mais également par d’autres modes de transport, avant ou après le transport
par mer. Il s’agit ici d’un champ d’application non limité au transport maritime (approche ‘maritime plus’). » :
CNUDCI, Proposition des Pays-Bas sur l’application de l’instrument au transport de porte-à- porte,
DoCA/CN.9/WG.III/WP.33, p. 3, en ligne :
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V03/864/82/PDF/V0386482.pdf?OpenElement> (consulté le 10
mai 2009).
778
Voir : article 6 de la Convention sur les exclusions particulières.
232
Bien que ces différentes approches aient influencé la rédaction des Règles de

Rotterdam, c’est l’approche contractuelle qui a prévalu779. La nouvelle Convention

s’applique aux contrats de transport maritime pour les lignes régulières couvrant toute la

période du contrat780, ainsi qu’aux contrats autres que de ligne régulière, mais non aux

contrats d'affrètement par charte-partie ou autres contrats similaires visant l’utilisation d’un

navire ou d’un espace à bord de ce bâtiment. Cependant, cette convention s’applique aux

contrats de transport visant un transport autre que de ligne régulière uniquement lorsqu’un

document de transport est délivré à cet effet.

Ziegler écrit :

« The UNCITRAL Convention has taken the step from a liability-


driven convention—as all current transportation law Conventions
are—to a harmonizing instrument regulating nearly the entire
contractual relationship between parties to a contract of carriage.
This change of focus has a great bearing on the way the liability
issue is addressed in the new UNCITRAL Convention. »781

La nouvelle convention intègre de nouveaux concepts en tenant compte des

exigences du commerce électronique et des progrès de l’informatique : communication

électronique, contrat de transport, conteneur, enregistrement électronique négociable,

document de transport782, données du contrat, chargeur, destinataire, expéditeur, fret, partie

contrôlante, partie exécutante, porteur, transporteur de marchandises, etc.

779
Voir : Philippe DELEBECQUE, « L’évolution du transport maritime-Brèves remarques », 699
D.M.F.2009. 16.17.
780
« La durée de la responsabilité est maintenant synchronisée avec le
champ d’application de la Convention. » : A. VON ZIEGLER, « The Liability of the Contracting Carrier »,
Texas I.L.J. 330, 334 (2009) (notre traduction).
781
A. VON ZIEGLER, préc., note 780, 331.
782
Voir : Malcolm CLARKE, « Transport Documents : Their Transferability as Documents of Title,
Electronic Documents », (2002) L.M.C.L.Q. 356; Gertjan VANDER ZIEL , « Chapter 10 of the Rotterdam
Rules: Control of Goods in Transit », 44 Texas I.L.J. 376, 386 (2009).
233
Pour ce qui est de la responsabilité du transporteur maritime, faisant évidemment

l’objet de notre thèse, elle constitue un point central dans les nouvelles règles783. Lors des

travaux préparatoires de la CNUDCI, le choix du fondement du régime a suscité un vif

débat d’idées. Certains participants ont ainsi préconisé une responsabilité de plein droit,

d’autres ont favorisé un système de présomption pour faute. Finalement, l’article 17.1 des

Règles de Rotterdam déclarera que :

« Le transporteur est responsable de la perte, du dommage ou du


retard de livraison subi par les marchandises, si l’ayant droit prouve
que cette perte, ce dommage ou ce retard, ou l’événement ou la
circonstance qui l’a causé ou y a contribué, s’est produit pendant la
durée de sa responsabilité telle que celle-ci est définie au
chapitre 4. »

Le principe établi par le groupe de travail a en définitive suivi « un schéma

largement inspiré des Règles de La Haye-Visby »784. Le transporteur est de plein droit

responsable du préjudice résultant de la perte, des avaries ou du retard à la livraison. La

responsabilité de plein droit s’applique « dès lors qu’il y a manquement prouvé, que le

résultat promis n’est pas acquis »785, sauf dans la mesure où il peut s’exonérer, en faisant

état soit d’une absence de faute, soit d’une cause étrangère (cas exceptés)786.

783
Les Règles de Rotterdam sont différentes des conventions qui la précédent. Les Règles de la Haye⁄Haye-
Visby et les Règles de Hambourg visent uniquement la responsabilité du transporteur maritime. Les Règles de
Rotterdam visent non seulement la responsabilité du transporteur maritime, mais pratiquement tous les
aspects du contrat de transport maritime.
784
Philippe DELEBECQUE, « Le projet CNUDCI d’instrument sur le transport de marchandises par mer »,
D.M.F.2003.915.929.
785
Jacques PUTZEYS, « Présomption de responsabilité ou présomption de faute? Confusions dans le droit
des transports », dans Mélanges Roger O. DALCQ, responsabilités et assurances, Maison Larcier, 1994, à la
page 499.
786
Kélada affirme que : « Une fois que le demandeur a prouvé que les faits essentiels pour faire valoir ses
prétentions sont plausibles et probables, le fardeau de la preuve est renversé, et il appartient alors au
défendeur de venir démontrer, conformément aux mêmes exigences, soit que les faits prouvés par le
demandeur sont faux, soit des faits nouveaux qui viennent anéantir les conséquences juridiques des faits
prouvés par le demandeur » : Henri KÉLADA, Notions et technique de preuve civile,
Montréal,Wilson & Lafleur Itée, 1986, p. 326.
234
C’est la tradition maritime fidèle au régime de base qui l’emporte787. Les partisans

de la Convention de Bruxelles justifient le maintien de ce régime par le fait que son usage

est généralisé depuis de nombreuses années. L’interprétation de ces règles est bien établie

par la jurisprudence, un facteur auquel les transporteurs et les assureurs en particulier

attachent de l’importance.

Les Règles de Rotterdam se distinguent, en revanche, de la Convention de Bruxelles

par la reconnaissance de la responsabilité partielle du transporteur en cas de dommage,

perte ou retard. Un principe qui nous rappelle les Règles de Hambourg (art. 5(7)).

En outre, contrairement à l’article III (8) des Règles de La Haye⁄Haye-Visby, le

transporteur faisant affaire avec un chargeur régulier peut conclure un contrat de volume

qui est défini par le nouveau texte comme tout contrat de transport « qui prévoit le

déplacement d’une quantité déterminée de marchandises en plusieurs expéditions pendant

une durée convenue »788, qui peut déroger à la présente Convention789, faisant ainsi de la

liberté contractuelle un pivot du régime mis en place. Un résultat choquant pour les

787
Toutefois, il est étonnant d’apprendre que selon un rapport du Secrétariat de la CNUCED du 13 janvier
2003, la question à double volet qui s’est posée lors des débats de la Conférence de la CNUCED intitulée
« Multimodal transport : the Feasibility of an International Legal Instrument » est la suivante : quel serait le
régime de responsabilité à choisir pour le transporteur dans le cadre d’un transport multimodal? Une
responsabilité pour faute présumée ou une responsabilité de plein droit?
-53 % des interrogés ont opté pour la responsabilité de présomption de faute, considérant que c’est un système
qui fonde presque toutes les conventions de transports, contre 47 % pour une responsabilité de plein droit.
UNCTAD/SDTE/TLB/2003/1, en ligne : <http://www.unctad.org/en/docs/sdtetlb20031_en.pdf> (consulté le
14 juin 2009).
788
Article 1.2.
789
Article 80 dispose que : « 1. Nonobstant l’article 79, dans les relations entre le transporteur et le chargeur,
un contrat de volume auquel s’applique la présente Convention peut prévoir des droits, obligations et
responsabilités plus ou moins étendus que ceux énoncés dans cette dernière.
2. Une dérogation conforme au paragraphe 1 du présent article n’a force obligatoire que si :
a) Le contrat de volume énonce de manière apparente qu’il déroge à la présente Convention ;
b) Le contrat de volume i) a fait l’objet d’une négociation individuelle, ou ii) indique de manière apparente
lesquelles de ses clauses contiennent les dérogations ;
c) Le chargeur est mis en mesure de conclure un contrat de transport conformément aux dispositions de la
présente Convention sans aucune dérogation telle qu’admise par le présent article et est informé de cette
possibilité ; et
d) La dérogation n’est ni i) incorporée par référence ni ii) contenue dans un contrat d’adhésion, non soumis à
négociation. »
235
chargeurs790, exception faite des chargeurs791 des États-Unis792, soucieux de retrouver une

sorte d’équivalent à leurs contrats de service de transport (en anglais service contracts)793.

L’intermodalité mer/chemin de fer est très pratiquée aux États-Unis, ce qui a laissé

progressivement plus de liberté aux compagnies de transport ferroviaire avec le Staggers

Rail and Motor Carrier Acts en 1980. Ces entreprises ferroviaires sont devenues des

établissements de transport combinés ou multimodaux.

Les Règles de Rotterdam étant d’ordre international, les chargeurs des autres pays

du globe n’ont pas le même statut économique et juridique que ceux des États-Unis. Ainsi,

cet article risque de créer de sérieux problèmes d’interprétation. Par exemple, les chargeurs

français soulignent que :

« [L’article 80] apparaît être très « œcuménique » […] Pour ceux


qui ne sont pas familiers avec le système américain
d’enregistrement des tarifs auprès du FMC, la notion de « barème »
(ou plutôt de « tarifs » pour respecter le terme américain) public de

790
Voir : R.-G. EDMONSON, « European Shippers Oppose Liability Rules », (2009) J.C.O., en ligne :
<http://www.joc.com/node/411015> (consulté le 15 juin 2009) ; Australian Attorney Generals Department, «
Australian Comments on the UNICTRAL Draft Convention on Contracts for the International Carriage of
Goods Wholly or Partly by Sea », (2008) 22 (1) A&NZ. Mar. L.J. 123, en ligne :
<https://maritimejournal.murdoch.edu.au/index.php/maritimejournal/article/viewFile/63/106> (consulté le 15
juin 2009).
Consulter aussi :
<http://www.uncitral.org/pdf/english/texts/transport/rotterdam_rules/ESC_PositionPaper_March2009.pdf>
(consulté le 15 juin 2009).
<http://www.ifcba.org/modules/news/article.php?storyid=1470 > (consulté le 15 juin 2009).
<http://www.mcgill.ca/files/maritimelaw/Questions_and_Answers_USMLA.pdf> (consulté le 15 juin 2009).
791
Les chargeurs aux États-Unis sont souvent de grands groupes de distribution ou encore des transporteurs
maritimes contractuels (en anglais non vessel operating common carrier, NVOCC) qui sont en même temps
des chargeurs (entreprises d’expédition) et ont un pouvoir de négociations sur les meilleurs tarifs avec les
transporteurs-propriétaires des navires. Cf. J-M. MONIÉRE, « Les NVOCC, du concept de transporteur
maritime contractuel », A.D.M.O.1998.108.
792
Consulter :
:<http://www.uncitral.org/pdf/english/texts/transport/rotterdam_rules/NITL_ResponsePaper.pdf> (consulté le
15 juin 2009).
793
Il s’agit de la possibilité de négocier des contrats de transport selon les volumes et le service demandés,
entre le client et le transporteur sur de longues périodes, souvent annuelles. Voir : Proshanto K.
MUKHERJEE et Abhinayan BASU BAL, « A Legal and Economic Analysis of the Volume Contract
Concept under the Rotterdam Rules: Selected Issues in Perspective », dans The Rotterdam Rules Colloquium
of the Signing Ceremony, préc., note 768.
236
prix et de services d’un transporteur » a de quoi laisser perplexe un
juge chinois ou mexicain »794.

En postillonnant, la liberté contractuelle au premier rang, les Règles de Rotterdam

nous éloignent du régime de responsabilité du transporteur maritime qui est censé être à

caractère impératif795. Rappelons que l’objectif premier de la codification du régime de

responsabilité du transporteur maritime était de mettre fin aux abus des clauses

contractuelles qui avaient censément pour objet de laisser au transporteur beaucoup de

latitude. Delebecque partage cette opinion en affirmant :

« […] le régime du contrat de volume est précisément un régime de


liberté contractuelle pensé et conçu pour les accords de services
entre chargeurs et armateurs. Pour ces contrats, les parties peuvent
aménager librement leur accord et déroger à pratiquement toutes les
dispositions de la convention internationale. Ainsi, rien ne s’oppose
à ce que les parties stipulent des clauses de non-responsabilité ou
des clauses allégeant telle ou telle obligation du transporteur, alors
qu’elles ne sauraient le faire dans le cadre d’un transport ordinaire.
Le temps des « negligences clauses », pourtant combattues une
grande partie du 20e siècle, est donc revenu. »796

Ajoutons que certains auteurs797 ont divisé la responsabilité du transporteur de cette

nouvelle convention en deux catégories : une « macroresponsabilité » qui signifie la

responsabilité générale du transporteur; une « microresponsabilité » ou une responsabilité

particulière portant sur le transport des animaux vivants, des marchandises de nature

particulière (article 81), de cargaisons en pontée (article 25) et de contrats de volume

794
<www.autf.fr/upload/editeur/2MER011b-09_FR_EN.doc > (consulté le 15 juin 2009).
795
Cf. Philippe DELEBECQUE, « Le particularisme des contrats maritimes », dans P. BONASSIES, préc.,
note 2, à la page 127.
796
Ph. DELEBECQUE, préc., note 779, 19. Contra : Zuo HAICONG, « A Call for the Restoration of
Contractual Freedom in Cargo Shipping », (2003) R.D.U. 309.
797
Thomas RHIDIAN, « An Appraisal of the Liability Regime Established Under the New UN Convention »,
14 J.I.M.L. 496 (2008).
237
(article 80)798.

Dans le cadre de notre étude du régime juridique du transporteur maritime, nous

allons limiter notre exposé à l’analyse de la « macroresponsabilité » du transporteur

maritime. Nous nous efforcerons ainsi de démontrer les problèmes juridiques que soulève

ce régime dans ce nouveau contexte transmaritime, qui, dans son élaboration, a été

manifestement brouillé par les différents impératifs contradictoires qui ont guidé les

intervenants lors des travaux préparatoires.

La réalité complexe et plurielle à laquelle ont été confrontés les participants, selon le

poids qu’ils occupaient durant les négociations, a certainement impliqué un infléchissement

sensible du régime de la responsabilité.

Afin de jeter un regard d’ensemble sur ce nouveau régime de responsabilité, nous

allons suivre la même démarche entreprise pour l’étude des régimes précédents, en étudiant

au préalable les obligations du transporteur maritime sous cette nouvelle convention, puis

sa responsabilité.

Nous verrons que les Règles de Rotterdam reprennent la distinction entre les

obligations du transporteur de l’article III de la Convention de Bruxelles (relation entre les

alinéas 1 et 2)799 et la relation entre l’exécution de ces obligations et le régime de

responsabilité (article IV (1)), mis à part l’obligation de navigabilité qui perd son statut

d’obligation primordiale (en anglais overriding obligation)800.

798
Cette responsabilité particulière ne fera pas l’objet de notre étude. La Convention traite d’un trop grand
nombre d’aspects du transport maritime pour qu’ils soient tous étudiés ici. Pour une analyse plus détaillée,
voir : T. RHIDIAN, préc., note 797; CNUDCI, Doc. A/CN.9/645, p. 49 et suiv. En ligne :
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V08/507/45/PDF/V0850745.pdf?OpenElement> (consulté le 16
juin 2009).
799
En général, cette distinction perd sa signification pendant la période maritime, dans la mesure où le
transporteur est tenu d’une obligation continue de navigabilité.
800
Nous avons déjà noté que, sous la Convention de Bruxelles, l’interprétation dominante des tribunaux de la
common law fait de l’obligation de navigabilité une condition primordiale pour bénéficier de l’exonération
238
Les différentes obligations du transporteur sont traitées de la même manière.

Les deux obligations traditionnelles (navigabilité et prise de soins) sont étroitement liées et

ne peuvent fonctionner de façon indépendante durant la phase maritime du contrat de

transport.

De surcroît, les Règles de Rotterdam ajoutent une obligation fondamentale au

contexte multimodal de la Convention, celle de la réception et de la livraison de la

marchandise.

Section I — Les obligations du transporteur

L’obligation de navigabilité du navire particulière au transport par mer, c'est-à-dire

dont l’exécution se limite à la période de port à port, sera examinée ainsi que les obligations

relatives à la cargaison de l’article 13 qui s’étendent à la période de porte à porte.

Sous-section 1 — L’obligation de navigabilité

La durée de cette obligation sera passée en revue. Viendront ensuite les

particularités des Règles de Rotterdam par comparaison au régime de base de la

Convention de Bruxelles. Enfin, nous discuterons de la responsabilité des agents et

mandataires du transporteur.

pour cas excepté. En revanche, dans les pays de droit civil comme la France ou les pays scandinaves comme
la Suède, la preuve de l’exercice de la diligence raisonnable n’est pas une condition préalable pour avoir
accès aux cas exceptés. Les Règles de Rotterdam partagent la position civiliste. Yuzhou écrit : « Article 17.5
of the Rotterdam Rules, which deals with carrier’s liability for seaworthiness obligation, contains a phrase
which reads “notwithstanding paragraph 3 of this article…”, and that the exemptions are listed in the said
paragraph 3. Obviously, the structural arrangement of the Rotterdam Rules suggests that the exemptions are
no longer subject to the seaworthiness obligation, as a result, “the issue of the seaworthiness of the ship would
become relevant only in an actual claim for cargo damage, i.e. when the cargo claimant could prove
unseaworthiness as a cause of damage to rebut the carrier’s invocation of one of the “excepted perils”. » : Si
YUZHOU et Henry HAI LI « The New Structure of the Basis of Liability for the Carrier », dans Rotterdam
Rules 2009 of Signing Ceremony Colloquium, préc., note 768, p. 11, en ligne: <
http://www.rotterdamrules2009.com/cms/uploads/Final%20Paper%20of%20Prof%20Si%20and%20Li%20fo
r%20the%20Rotterdam%20Rules%202009%20Colloquium.pdf> (consulté le 9 nov. 2009).
239
Paragraphe 1 — La durée de l’obligation de navigabilité

L’article 14 des Règles de Rotterdam édicte que :

« Le transporteur est tenu avant, au début et pendant le voyage par


mer d’exercer une diligence raisonnable pour :
a) Mettre et maintenir le navire en état de navigabilité
b) Convenablement armer, équiper, et approvisionner le navire et le
maintenir ainsi armé, équipé et approvisionné tout au long du
voyage ;
c)Approprier et mettre en bon état les cales, et toutes les autres
parties du navire où les marchandises sont transportées, ainsi que
les conteneurs fournis par lui dans ou sur lesquels les marchandises
sont transportées, et les maintenir appropriés et en bon état pour la
réception, le transport et la conservation de la marchandise. »

Ce texte nous rappelle l’article III de la Convention de Bruxelles. Il reprend les

différents éléments de l’obligation de navigabilité. Comme le souligne Ziegler :

« This duty is almost pleonastic in maritime law and has, therefore,


received particular attention in the new Convention. It has received
the same scope and position already provided for by the Hague
Rules in article 3(2). »801

En revanche, l’obligation d’exercer la diligence raisonnable pour mettre en bon état

la navigabilité du bâtiment ne se limite pas à la période avant et au début du voyage, mais

s’étend tout au long du voyage maritime. Le nouveau texte opte pour une obligation

continue de la navigabilité du navire. Nous avons avancé dans notre première partie que

l’obligation continue de navigabilité se justifie par les conditions actuelles de la

technologie802 et les impératifs de sécurité de la navigation.

Le doyen Chauveau affirme en effet que :

801
A. VON ZIEGLER, préc., note 780, 337.
802
Voir : CNUDCI, Rapport du Groupe de travail III (Droit des transports) sur les travaux de sa vingt et
unième session, Doc. A/CN.9/645, p. 16, en ligne :
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V08/507/45/PDF/V0850745.pdf?OpenElement> (consulté le 3
mars 2009).
240
« [L]a science a fourni aux hommes de meilleurs moyens pour
combattre les périls de mer, pour consolider les œuvres vives du
navire, pour protéger les marchandises contre les intempéries. Ces
progrès peuvent avoir leur influence sur l’appréciation de la faute,
de la navigabilité et des vices cachés du navire ; il faut en
déterminer la mesure équitable. »803

Malgré qu’il s’agisse d’une obligation continue, la formulation de l’article 14

n’échappe pas à la critique. Ce sectionnement de la période de navigabilité risque de poser

problème par l’emploi du terme pendant le voyage par mer. Berlingieri a affirmé à ce

propos que cette expression peut mener à l’interprétation que l’obligation de navigabilité

cesse dès que le navire arrive au port de destination :

« However, the way in which this principle is presently set out in


Art. 5.4 could be improved by distinguishing the obligations before
the commencement of the voyage from those during the voyage.
The expression used in the Hague-Visby Rules (‘‘before and at the
beginning of the voyage’’) had the purpose of causing the
obligation to run from a moment preceding the commencement of
loading and to keep it in force until when, after added to it the
words ‘‘and during’’ (the voyage), the inference could be drawn
that the obligation terminates with the arrival of the ship at
destination and, therefore, does not continue until completion
discharge. »804

La rédaction de l’article 14 relève la même inquiétude que celle sous les Règles de

Hambourg, en l’absence d’une disposition imposant impérativement au transporteur le

déchargement des marchandises au port de destination. De plus, la liberté contractuelle

autorisée par les Règles de Rotterdam805 autorise le transporteur à déroger à certaines de ces

obligations substantielles.

803
P. CHAUVEAU, préc., note 726, no19, p. 25.
804
Francesco BERLINGIERI, « Basis of Liability and Exclusions of Liability », (2002) L.M.C.L.Q. 336, 339.
805
Par exemple, article 13.2 ou article 80.
241
Nous estimons, toutefois, qu’une lecture globale du texte admet que cette obligation

cesse au déchargement, puisque le transporteur demeure responsable des actes de ses

préposés, parties exécutantes ou de toute autre personne qui s’acquitte ou s’engage à

s’acquitter de l’une quelconque des obligations incombant au transporteur, en vertu du

contrat de transport. L’article 18 des Règles de Rotterdam affirme expressément que

l’obligation de navigabilité ne peut être déléguée.

Paragraphe 2 — Responsabilité pour fait d’autrui


L’article 18 des Règles de Rotterdam énonce que :

« Le transporteur répond du manquement aux obligations qui lui


incombent en vertu de la présente Convention résultant des actes ou
omissions :
a) D’une partie exécutante ;
b) Du capitaine ou de l’équipage du navire ;
c) De ses propres préposés ou de ceux d’une partie exécutante ; ou
d) De toute autre personne qui s’acquitte ou s’engage à s’acquitter
de l’une quelconque des obligations incombant au transporteur en
vertu du contrat de transport, dans la mesure où elle agit,
directement ou indirectement, à la demande de ce dernier ou sous
son contrôle. »

Ce ne sont pas uniquement les substitués du transporteur qui sont concernés comme

c’est le cas dans les Règles de Hambourg, puisque le transporteur répond des actes et

omissions de toutes les personnes, pour lesquels il a fait appel pour l’exécution de son

contrat. Agissant sous les ordres du transporteur, cette responsabilité pour fait d’autrui ne

peut manifestement être retenue que dans la mesure où les exécutants, sous-traitants,

préposés ou agents ont agi dans le cadre de leurs fonctions contractuelles. Le nouveau texte

introduit, conformément à l’article 1.6 (a), le concept de « partie exécutante » qui est défini

comme une personne autre que le transporteur maritime qui s’acquitte ou s’engage à

s’acquitter de l’une des obligations du transporteur, en vertu d’un contrat de transport en ce


242
qui concerne la réception, le chargement, la manutention, l’arrimage, le transport, le

déchargement ou la livraison de la cargaison.

Pour ce qui est des tâches relatives à l’exécution de l’obligation de navigabilité,

l’article 18 dispose que :

Le transporteur répond du manquement aux obligations qui lui


incombent en vertu de la présente Convention résultant des actes ou
omissions :
a) D’une partie exécutante ;
b) Du capitaine ou de l’équipage du navire ;
c) De ses propres préposés ou de ceux d’une partie exécutante ; ou
d) De toute autre personne qui s’acquitte ou s’engage à s’acquitter
de l’une quelconque des obligations incombant au transporteur en
vertu du contrat de transport, dans la mesure où elle agit
directement ou indirectement à la demande de ce dernier ou sous
son contrôle.

La lecture de la doctrine et de la jurisprudence a démontré les incertitudes soulevées

pour définir le statut juridique des agents et contractants indépendants du transporteur

maritime relatif au contrat de transport et à la faute personnelle du transporteur dans

l’exécution de ses obligations ainsi que du droit de bénéficier de la limitation légale. La

jurisprudence, avec la Convention de Bruxelles, a pris parti en faveur de la responsabilité

du transporteur pour les actes de ses cocontractants indépendants suivant l’affaire notoire

précitée Muncaster Castle806.

Ce principe, aujourd’hui largement acquis, énonce la responsabilité du transporteur

pour le fait d’autrui. La solution retenue par les Règles de Rotterdam est assez claire et

répond aux difficultés d’identification du transporteur maritime en cas de poursuites

judiciaires pour dommages subis à la marchandise.

Les parties exécutantes du contrat de transport de la nouvelle Convention ne sont

plus obligées d’ajouter la clause Himalaya dans le contrat de transport, pour bénéficier des

806
The Muncaster Castle, préc., note 227.
243
exonérations et limitations légales807. L’article 19 des Règles de Rotterdam leur offre la

possibilité de bénéficier des moyens de défense et des limites de responsabilités reconnues

au transporteur.

L’article 19 édicte que :

« 1. Une partie exécutante maritime est soumise aux obligations et


responsabilités imposées et bénéficie des moyens de défense et des
limites de responsabilité reconnus au transporteur par la présente
Convention si :
a) Elle a reçu les marchandises à transporter dans un État
contractant, les a livrées dans un État contractant ou a exécuté ses
opérations concernant les marchandises dans un port d’un État
contractant ; et
b) L’événement qui a causé la perte, le dommage ou le retard a eu
lieu :
i) pendant la période comprise entre l’arrivée des marchandises au
port de chargement du navire et leur départ du port de
déchargement du navire ;
ii) lorsqu’elle avait la garde des marchandises ; ou iii) à tout autre
moment dans la mesure où elle participait à l’exécution de l’une
quelconque des opérations prévues par le contrat de transport. »

En somme, à la lueur de ces premiers développements, le nouveau texte a pris en

considération les exigences de la pratique et l’évolution de la jurisprudence, en faisant de

l’obligation de navigabilité un devoir continu qui ne peut être délégué, facilitant ainsi la

tâche aux juges tout en permettant d’économiser les efforts d’interprétations qui souvent,

dans le domaine de transport, mènent à des confusions sans issue. Soulignons que

807
Voir : Tomotaka FUJITA, « Performing Parties and Himalaya Protection », dans The Rotterdam Rules
Colloquium of the Signing Ceremony, préc., note 766, en ligne: <
http://www.rotterdamrules2009.com/cms/uploads/Def.%20tekst%20Tomotaka%20Fujita%2022%20OKT29.p
df> (consulté le 9 nov. 2009).
Pierre-Yves NICOLAS, « La limitation de responsabilité de l’acconier se confond-elle avec celle du
transporteur? », D.M.F.1998.115; Philipe GODIN, « Les limitations de responsabilité de l’entrepreneur de
manutention », D.M.F.1998.547; Daniel E. MURRAY, « The extension of damage and time limitations of the
Hague, Warsaw, and Lausanne Conventions to agents and independent contractors of ship lines and air lines
», [1997] 25 T.L.J. 1; William TETLEY, « The Himalaya clause- Heresy or Genius? », 9 J.M.L.C. 111 (1977-
78); Cf. Aref FAKHRY, La responsabilité de l’entrepreneur de manutention maritime au Canada, mémoire
de maîtrise en droit, Montréal, Faculté des études supérieures, Université de Montréal, 1996.
244
l’obligation de navigabilité demeure fondamentale même pour les contrats de volumes

conformément à l’article 80 (4) des présentes Règles808.

Or, la formulation douteuse de l’article 14 et la fonction de la liberté contractuelle

dans le nouveau texte peuvent donner lieu à des abus et à des interprétations hétérogènes. Il

aurait été souhaitable dans un contexte transmaritime809 du contrat de transport d’adopter

une obligation générale du transporteur « [du] texte de l’article 5 (1) des Règles de

Hambourg qui simplifie considérablement les difficultés [déjà évoquées sur la navigabilité].

Cette règle impose un système unitaire de responsabilité; le transporteur étant considéré

responsable dans les cas où il a commis une faute quelle que soit sa nature tout en mettant à

sa charge le fardeau de la preuve. »810

Suivant l’examen de l’obligation de navigabilité, nous verrons les obligations du

transporteur relatives à la cargaison, pour lesquelles, encore une fois, la liberté contractuelle

accordée aux parties dans le nouveau texte risque, selon certaines interprétations, d’affecter

l’équilibre du contrat de transport.

Sous-section 2 — Les obligations relatives à la cargaison

Deux obligations principales seront mises en lumière : l’obligation traditionnelle de

prise de soin (paragr.1) et l’obligation nouvelle de livraison (paragr. 2).

Paragraphe 1 — L’obligation de prise de soin

Le transporteur maritime sous contrat de transport est tenu, en contrepartie du fret,

de transporter la marchandise jusqu’à sa destination dans le délai convenu, suivant le

dernier mode de transport choisi (art. 1.1). Le transporteur doit durant la période où il a la

808
Ph. DELEBECQUE, préc., note 774, p. 5.
809
Le régime de Hambourg présente l’avantage de s’intégrer plus facilement au cadre général des autres
conventions sur le droit des transports, ce qui évitera les problèmes posés par le transport multimodal. Voir :
J. PUTZEYS, préc., note 785, p. 497.
810
G. LEFEBVRE, préc., note 194, 443 et 444.
245
garde de la marchandise la conserver en bon état, ce qui implique l’exécution des

obligations énumérées dans l’article 13.1 comme suit :

« Le transporteur, pendant la durée de sa responsabilité telle qu’elle


est définie à l’article 12 et sous réserve de l’article 26, procède de
façon appropriée et soigneuse, à la réception, au chargement, à la
manutention, à l’arrimage, au transport, à la garde, aux soins, au
déchargement et à la livraison des marchandises. »

Cette disposition reprend les activités de l’obligation générale de prise de soins de la

cargaison de l’article III (2) des Règles de La Haye⁄Haye-Visby. Le transporteur est tenu de

maintenir la marchandise en l’état où il l’a reçu811, depuis son chargement jusqu’à sa

livraison. Ces différentes activités relatives à l’obligation de conservation de la cargaison

correspondent à la durée de responsabilité du transporteur maritime qui commence à la

réception de la cargaison par le transporteur ou la partie exécutante, et se termine à la

livraison effective de la marchandise.

Par conséquent, cette obligation s’applique pour le transport de porte-à-porte, c’est-

à-dire qu’elle s’étend à toutes les étapes du contrat de transport, même non effectuées par

mer.

Le manque de soins à la cargaison engage la responsabilité du transporteur et

constitue un élément important à la disposition du demandeur, qui l’utilise pour montrer la

véritable cause de la perte et pour contredire les allégations du transporteur de son absence

de faute. Rappelons que l’appréciation de cette obligation, à la lumière de la jurisprudence

811
Rappelons que lorsque le transporteur reçoit la marchandise, il doit vérifier son état et faire des réserves
s’il ya lieu.
246
existante812 sous la Convention de Bruxelles, s’effectuera sous les nouvelles règles en

fonction de l’exercice de la diligence raisonnable813, par rapport à la nature de la cargaison

transportée, à la durée du voyage contractuel ainsi qu’à la nature du navire et de tout autre

véhicule de transport.

Le transporteur est tenu de charger et de décharger la marchandise, conformément

aux pratiques et usages particuliers à la nature de la cargaison. En revanche, si le

transporteur se bute à des difficultés lors de ces opérations, relativement à la nature de la

marchandise, il doit faire appel à des experts, afin d’assurer le bon déroulement de ces

activités sans exposer la cargaison à aucun risque d’endommagement814.

Contrairement à la Convention de Bruxelles où seul le transporteur a l’obligation de

procéder au chargement, à la manutention, à l’arrimage ou au déchargement des

marchandises815, l’article 13.2 des Règles de Rotterdam offre la possibilité aux parties au

contrat de transport de « convenir que le chargement, la manutention, l’arrimage ou le

déchargement sera exécuté par le chargeur, le chargeur documentaire ou le destinataire.

Cette convention est mentionnée dans les données du contrat. »

812
Citons à titre d’illustration le cas d’une cargaison de poisson salé en saumure: Albacora v. Westcott &
Laurance Line Ltd., [1966] 2 Ll.L.Rep. 53 (H.L.). Voir aussi : Gatoil International Inc. v. Tradax Petroleum
Ltd. (The Rio Sun), [1985] 1 Ll.L.Rep. 350, (Q.B.).
813
The Eurasian Dream, préc., note 118, 719.
814
Theodora NIKAKI, « The Fundamental Duties of the Carrier under the Rotterdam Rules », 14 J.I M.L.
512, 518 (2008). Voir : The Happy Ranger, préc., note 67, 664. Dans cette affaire anglaise, la Cour a jugé le
transporteur responsable des dommages en violation de l’art III (2) de la Convention de Bruxelles, non
seulement parce qu’il a fait preuve de négligence dans la planification de la capacité de chargement d’une
pièce d’équipement lourd (grue de levage qui a éclaté), mais aussi parce qu’il a omis de consulter la société de
classification lorsqu’il a découvert que la charge sur une des grues était plus élevée que la charge maximale
autorisée.
815
Le professeur Lefebvre note : « En effet, la possibilité de s’en remettre au chargeur ou au destinataire pour
accomplir certaines activités normalement dévolues au transporteur est plutôt rare en matière de transport
maritime sous connaissement et vise surtout le transport sous charte-partie. » : G. LEFEBVRE, préc., note
108, 449.
247
Cette disposition a été fortement débattue au sein de la CNUDCI816. Pour certains

participants, ce paragraphe peut faire l’objet d’abus817, parce qu’il risque de transférer au

chargeur ou au destinataire la responsabilité de l’exécution des obligations du transporteur

qui, en vertu des conventions internationales et lois internes existantes sur le transport de

marchandises par mer, devraient traditionnellement être exécutées par l’armateur. La

majorité des dommages dans le transport maritime international se produisent pendant le

chargement et le déchargement de la cargaison. D’autres intervenants ont avancé que ce

type de clauses envisagées par le paragraphe 2 affecterait la durée de la responsabilité du

transporteur818.

Toutefois, cette disposition a enfin trouvé appui chez la majorité des participants,

car elle répondait à la demande de la pratique où les chargeurs conviennent, par le

truchement des clauses bord à bord ou bord arrimé dites clauses FIOS819, à assumer tout

816
CNUDCI, Doc. A/CN.9/645, paragr. 44, 45, 46.
En ligne : <http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V08/507/45/PDF/V0850745.pdf?OpenElement>
(consulté le 29 mai 2009).
817
« S’agissant des contrats de transport conclus entre parties possédant un pouvoir de négociation à peu près
équivalent, il est évident que cette approche ne susciterait pas de préoccupations d’ordre public. Dans les
négociations contractuelles, les gros chargeurs sont tout aussi capables de préserver leurs intérêts que les gros
transporteurs. Ce sont souvent eux-mêmes des transporteurs, à savoir des transitaires, qui n’exploitent pas de
navires mais ont passé contrat avec de plus petits chargeurs pour transporter des marchandises de porte à
porte. Les transitaires peuvent donc être à la fois des transporteurs (par rapport à des chargeurs plus petits) et
des chargeurs (par rapport à des transporteurs unimodaux, comme les transporteurs maritimes). » : CNUDCI,
Commentaires du Secrétariat de la CNUCED sur la liberté contractuelle, Doc. A/CN.9/WG.III/WP.46,
paragr.8.
En ligne : <http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V05/812/09/PDF/V0581209.pdf?OpenElement>
(consulté le 29 mai 2009).
818
Cf. Erik RØSOEG, « The Applicability of Conventions for the Carriage of Goods and for Multimodal
Transport », (2002) L.M.C.L.Q. 316, 324.
819
« Il a été noté que les clauses FIO(S) étaient le plus souvent utilisées dans les services de transport non
régulier, qui n’entraient pas dans le champ d’application du projet de convention, mais que ce dernier pourrait
s’appliquer aux contrats de transport dans ce type de services par le jeu des projets d’articles 6, paragraphe 2,
et 7. On a fait observer que, dans certains pays, les clauses FIO(S) étaient interprétées comme attribuant
simplement la responsabilité pour les dépenses liées au chargement et au déchargement des marchandises,
tandis que dans d’autres elles étaient considérées comme une limitation contractuelle de la durée de la
responsabilité du transporteur. On a également fait remarquer que le paragraphe 2 ne visait pas à imposer de
nouvelles obligations au destinataire. » : CNUDCI, Doc. A/CN.9/645. Voir également: CNUDCI, Doc.
A/CN.9/WG.III/WP.57, paragr. 12, 13,14.
248
ou en partie des obligations du transporteur, en ce qui concerne le chargement, la

manutention, l’arrimage et le déchargement des marchandises820.

Ce principe n’exclut pas en revanche que le transporteur doive exécuter ses

obligations contractuelles821. En vertu de l’article 18 (d), le transporteur répond du

manquement aux obligations qui lui incombent résultant des actes ou omissions :

« a) De toute autre personne qui s’acquitte ou s’engage à


s’acquitter de l’une quelconque des obligations incombant au
transporteur en vertu du contrat de transport, dans la mesure où
elle agit, directement ou indirectement, à la demande de ce
dernier ou sous son contrôle. »

Lors des travaux préparatoires de la CNUDCI, il a été clairement expliqué que

l’objectif de la disposition 13.2 visait à définir les obligations des parties au contrat de

transport, voulant habiliter, par une clause contractuelle, le chargeur à procéder au

chargement, à l’arrimage822 et au déchargement des marchandises. Cette clause implique le

principe de partage de responsabilité en cas de fautes des deux parties, c’est-à-dire que le

chargeur serait responsable de tout préjudice dû à l’inexécution de ces obligations et que le

transporteur reste quant à lui tenu à d’autres obligations pendant le chargement et le

déchargement823, s’inscrivant dans le cadre de la prise de soin et la conservation des

En ligne : <http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V08/507/45/PDF/V0850745.pdf?OpenElement>
(consulté le 29 mai 2009).
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V05/883/26/PDF/V0588326.pdf?OpenElement> (consulté le 29
mai 2009).
820
L’article 13.2 adopte la position de la jurisprudence anglaise qui reconnaît la validité de ces clauses. Voir :
Jindal Iron & Steel Co Ltd and Others v. Islamic Solidarity Shipping Co. Jordan Inc. (Jordan II), préc., note
187. Cet arrêt regroupe plusieurs décisions traitant de la validité de ces clauses en droit anglais.
821
Voir : article 79 des Règles de Rotterdam sur la validité des clauses contractuelles.
822
Plusieurs juristes éminents considèrent que l’arrimage nautique ne s’inscrit aucunement dans le champ
d’application de cette clause, puisque cette opération concerne uniquement la stabilité du navire, et non la
cargaison. Voir : Raymond ACHARD, « La clause F.I.O. dans l’affrètement au voyage : essai de synthèse »,
A.D.M.O.2008.9.15.
823
Sériaux observe qu’ :« [e]n matière terrestre, le transporteur est tenu d’une obligation de vérification ou de
contrôle de l’état de chargement et de l’arrimage lorsque ces opérations sont effectuées par l’expéditeur afin
d’assurer la sécurité de la marchandise et la protection des tiers et usagers de la route ou du rail » : A.
SÉRIAUX, préc., note 111, paragr. 209, p. 134.
249
marchandises824. Ce partage de responsabilité est à distinguer de la responsabilité partielle,

puisqu’il n’est pas la conséquence d’une pluralité de causes de dommage, dont la faute du

transporteur fait partie, mais plutôt d’une pluralité de fautes.

Par conséquent, « la volonté des parties peut bien évidemment influer sur l’intensité

des obligations prévues au contrat […] »825. L’article 17. 3 (i) exonère le transporteur pour

tout dommage, perte ou préjudice dû au retard en cas de :

« Chargement, manutention, arrimage ou déchargement des


marchandises réalisé en vertu d’une convention conclue
conformément à l’article 13, paragraphe 2, sauf si le transporteur ou
une partie exécutante réalise cette opération au nom du chargeur, du
chargeur documentaire ou du destinataire. »826

Ce texte fait de la clause contractuelle (en anglais liberty clause) une cause

d’exonération du transporteur, parce qu’une convention a été conclue entre les parties. En

revanche, en l’absence d’une clause contractuelle, le transporteur demeure responsable de

l’exécution des opérations relatives normalement à son obligation de prise de soin de la

cargaison conformément à l’article 13.1 affirmant que :

« 1. Le transporteur, pendant la durée de sa responsabilité telle


qu’elle est définie à l’article 12 et sous réserve de l’article 26,
procède de façon appropriée et soigneuse à la réception, au
chargement, à la manutention, à l’arrimage, au transport, à la garde,
aux soins, au déchargement et à la livraison des marchandises. »

En résumé, l’obligation de prise de soins appropriée du transporteur, avec les Règles

de Rotterdam, confrontée au poids de l’autonomie de la volonté autorisée par le nouveau

texte et aux formulations inconciliables, laisse le juriste perplexe, alors qu’en réalité, cette

824
CNUDCI, DoCA/CN.9/645, en ligne :
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V08/507/45/PDF/V0850745.pdf?OpenElement> (consulté le 29
mai 2009).
Voir : A. VON ZIEGLER, préc., note 780, 337.
825
Valérie MALABAT, « De la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat », dans
Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Pessace, Presses universitaires de Bordeaux, 2003,
paragr. 11.
826
Nous soulignons.
250
obligation doit non seulement guider le comportement du transporteur dans la réalisation du

transport purement maritime, comme c’est le cas pour la Convention de Bruxelles827, mais

s’étend au dernier mode de transport choisi par les parties au contrat de transport tant que la

marchandise n’a pas été livrée.

Le nouveau texte fait de la livraison une obligation considérable du transporteur. Un

chapitre entier (chapitre 9) lui a été consacré. Le défaut de livraison implique la

responsabilité du transporteur maritime et donne droit au chargeur ou au destinataire de

demander réparation828.

Paragraphe 2 — L’obligation de livraison

L’article 11 des Règles de Rotterdam précise que la livraison des marchandises au

destinataire constitue un élément indispensable dans l’exécution de ses obligations relatives

à la cargaison. Rappelons que l’article 12.3 offre aux parties la possibilité de déterminer la

durée de leur contrat de transport en fixant le moment et le lieu de la réception829 et de la

livraison de la marchandise.

827
L’obligation de prise de soin appropriée de la Convention de Bruxelles remplace l’obligation de diligence
raisonnable de la navigabilité du navire durant le voyage maritime. Nous estimons que l’obligation générale
de prise de soin implique implicitement (loin des dispositions limitant en apparence la durée de l’obligation
de navigabilité avant et au début du voyage), le devoir permanent pour ledit transporteur de maintenir la
navigabilité de son bâtiment tout au long du voyage maritime pour conserver en bon état la cargaison
transportée (conception commerciale de la navigabilité). Il appartient donc au transporteur de s’assurer d’une
communication permanente avec le capitaine, et de prendre à tout moment toute mesure propre à rétablir la
navigabilité de son navire.
828
Voir : article 59. 1 des Règles de Rotterdam sur les limitations légales. Voir un arrêt récent de la Cour
d’appel anglaise : Trafigura Beheer BV v. Mediterranean Shipping Co. SA (The MSC Amsterdam), [2007] 2
Ll.L.Rep. 622 (C.A.).
829
Ce principe de la force obligatoire du contrat a soulevé un problème de relation entre les alinéas 1 et 3 de
l’article 12 lors des travaux préparatoires. Supposons que le chargeur et le transporteur sont convenus de
recevoir la cargaison à transporter le 1er janvier 2009, mais que le transporteur l’a reçu le 15 décembre 2008.
Une première interprétation consent que le délai de réception des marchandises, conformément à l'article 12
(1) est soumis à
l’article 12 (3), qui permet aux parties de convenir de la date de réception de la cargaison. La période de
responsabilité du transporteur dans ce cas commence le 1er janvier comme convenu par les
parties, bien que le transporteur a pris possession des marchandises à partir du 15 décembre. Il agit pour cette
251
En revanche, conformément à l’article 43, si aucun accord explicite n’a été convenu

du moment et du lieu de réception ou de livraison, mais qu’il existe en la matière des

coutumes, pratiques ou usages du commerce au lieu de destination, ceux-ci s’appliquent.

En l’absence d’accord de coutume, de pratique ou d’usage applicable s’impose la

considération du moment et du lieu de réception ou de livraison où les marchandises sont

effectivement prises en charge ou sont effectivement déchargées du navire ou véhicule final

dans lequel elles sont transportées.

Par ailleurs, que se passe-t-il si le transporteur ne livre pas ou refuse de livrer les

marchandises à la personne disposant de ce droit?

Pour des raisons de preuve et de justification des droits sur la marchandise, il existe

deux situations où le transporteur peut légalement, mais sans toujours être obligé830 à

refuser de livrer la marchandise au destinataire, selon les nouvelles règles : 1. Lorsque le

période en tant que dépositaire.


Une seconde
interprétation convient que la durée de la période de responsabilité du transporteur est décidée exclusivement
par l'article 12 (1), et puisque le transporteur a reçu les marchandises le 15 décembre, la durée de sa
responsabilité commence à partir de cette date. Fujita souligne : « Despite extensive efforts to clarify the
relationship between Articles 12 (1) and (3), the Commission could not reach a compromise to reconcile these
different interpretations. Therefore, the text of Article 12 intentionally left the apparent ambiguity and
different interpretations expressed in the Commission would be brought to each national court that applies this
article. » : Tomotaka FUJITA, préc., note 776, 555.
830
L’article 45 (a) énonce que : « En l’absence d’émission d’un document de transport négociable et d’un
document électronique de transport négociable :
a) Le transporteur livre les marchandises au destinataire au moment et au lieu mentionnés à l’article 43. Il
peut refuser de les livrer si la personne qui se prétend destinataire ne s’identifie pas dûment comme telle alors
que le transporteur le lui demande. » (Nous soulignons).
Selon cet article, rien n’empêche le transporteur de livrer la marchandise si le porteur ne s’identifie pas
proprement. Debattista mentionne que : « the Rules do not require the carrier to ask him to identify himself as
the consignee; neither do they require him to withhold delivery if the person who turns up for the goods fails
to-or indeed refuses- to identify himself as the consignee [...] Sea waybills and straight bills have gained in
currency because it has always been assumed that the carrier will-and must-take reasonable steps to ensure
that the person saying he is the consignee actually is the consignee. Article 45 weakens that assumptiom-and
the result is that users of such documents need to be a little bit more careful with using them than perhaps they
have been in the past. »: Charles DEBATTISTA, « Rotterdam Rules Appraised » dans The Rotterdam Rules
Appraised Conference, préc., note 774, p. 4. Voir aussi: Charle DEBATTISTA, « The Goods Carried – Who
gets them and who controls them? », dans The Rotterdam Rules Colloquium of the Signing Ceremony, préc.,
note 766, en ligne: <
http://www.rotterdamrules2009.com/cms/uploads/Def%20%20tekst%20Charles%20Debattista%2031%20OK
T29.pdf> ( consulté le 9 nov. 2009).
252
destinataire refuse d’émettre un accusé de réception de la marchandise au transporteur

conformément à l’article 44. En second lieu, selon les articles 45 et 47; 2. lorsque l’ayant

droit (destinataire831 ou porteur du document832) ne peut s’identifier en cas d’absence

d’émission d’un document papier ou électronique de transport833.

Cette règle énonce le principe selon lequel la partie contrôlante qui, en l’occurrence,

est souvent le chargeur834 a l’obligation de veiller à ce que le transporteur soit en mesure de

livrer les marchandises835.

Un autre cas que cette nouvelle convention a voulu régler est celui de l’absence du

destinataire, c’est-à-dire que le transporteur se trouve dans l’impossibilité de livrer la

marchandise à l’arrivée.

Le nouveau texte édicte que le transporteur ne peut être responsable de la non-

livraison lorsqu’après notification du destinataire de l’arrivée de la cargaison, ce dernier ne

se présente pas pour prendre livraison, sous réserve que le transporteur n’arrive pas à le

localiser ou à localiser la partie contrôlante, malgré l’exercice des diligences raisonnables,

831
En cas d’absence d’émission de document négociable.
832
Lorsqu’il y a émission d’un document négociable papier ou électronique, c’est le porteur de ce document
qui a droit sur la marchandise à la livraison, sous réserve qu’il s’identifie dûment en sa qualité de porteur. À
défaut de remplir cette condition, le transporteur peut toujours refuser de livrer la marchandise.
833
Les Règles de Rotterdam ne font pas du connaissement le seul document de transport. Le texte mentionne
des documents de transport négociables et non négociables. Voir articles 1.14, 1.15, 1.16 et 35 de la présente.
La partie sur les documents de transport sous les nouvelles règles ne fait pas l’objet de notre étude. Pour plus
de détails sur l’efficacité des dispositions qui s’y rapportent, voir : Caslav PEJOVIC, « Delivery of Goods
Without a Bill of Lading : Revival of an Old Problem in the Far East », 9 J.I.M.L. 448 (2003); G-J. VANDER
ZIEL, « Delivery of the Goods, Rights of the Controlling Party and Transfer of Rights », 14 J.I.M.L. 597,
604-607 (2008); Miriam GOLDBY, « Electronic Alternatives to Transport Documents and the New
Convention: a Framework for Future Development? », 14 J.I.M.L. 586 (2008); Richard WILLIAMS, «
Transport Documentation under the New Convention », 14 J.I.M.L. 566 (2008).
834
Voir : article 51 des Règles de Rotterdam. Cf. Stefano ZUNARELLI, « The Liability of the Shipper »,
(2002) L.M.C.L.Q. 350.
835
Voir : CNUDCI, Proposition de la Chine relative à la livraison des marchandises en cas d’émission d’un
document de transport négociable ou d’un document électronique négociable concernant le transport et les
marchandises restant non livrées, Doc. A/CN.9/WG.III/WP.99.
En ligne : <http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V07/870/26/PDF/V0787026.pdf?OpenElement>
(consulté le 1er juin 2009).
253
afin de livrer la marchandise, conformément à l’article 45 (c)836, qui énumère l’exercice de

ces diligences comme suit :

« c) Sans préjudice de l’article 48, paragraphe 1, si les marchandises


ne peuvent être livrées du fait i) que le destinataire, après avoir reçu
notification de leur arrivée, n’en réclame pas, au moment ou dans le
délai mentionné à l’article 43, la livraison au transporteur une fois
celles-ci parvenues au lieu de destination, ii) que le transporteur
refuse de les livrer au motif que la personne se prétendant
destinataire ne s’identifie pas dûment comme telle, ou iii) que le
transporteur, après des diligences raisonnables, n’est pas en mesure
de localiser le destinataire afin de demander des instructions pour la
livraison, le transporteur peut en aviser la partie contrôlante et
demander des instructions pour la livraison. Si, après des diligences
raisonnables, il n’est pas en mesure de localiser la partie
contrôlante, il peut en aviser le chargeur et demander des
instructions pour la livraison. Si, après des diligences raisonnables,
il n’est pas en mesure de localiser le chargeur, il peut en aviser le
chargeur documentaire et demander des instructions pour la
livraison. »

L’exercice des diligences raisonnables, selon cette disposition, impose au

transporteur de garder et de conserver la marchandise jusqu’à ce qu’il parvienne à obtenir

des instructions du chargeur837 ou de ses mandataires pour la livraison de la marchandise.

Le transporteur se voit donc dans l’obligation de livrer la cargaison au destinataire que

lorsqu’il obtient des instructions du chargeur pour la livraison.

L’article 52 exige néanmoins que ces instructions « peuvent raisonnablement838 être

exécutées selon leurs termes au moment où elles parviennent au transporteur »839 et ne

836
Le même principe s’applique en cas d’émission de documents négociables, conformément à l’article 47. 2.
837
En sa qualité de cocontractant initial du transporteur, le chargeur doit assumer la responsabilité de fournir
des instructions au transporteur concernant la livraison. Il doit s’efforcer de trouver la bonne personne à qui la
livraison doit être faite.
838
Debattista a indiqué lors de la conférence « The Rotterdam Rules Appraised » que l’emploi des deux
expressions « raisonnablement executées » et « au moment » peut mener à des désaccords en affirmant ce qui
suit : « Article 52.1 (b) allows the carrier to ignore the instructions of the controlling party where they cannot
''reasonably be executed according to their terms at the moment that they reach the carrier'' : the phrases
''reasonably executed'' and ''at the moment'' provide obvious room for disagreement.» : Ch. DEBATTISTA,
préc., note 774, p. 7.
839
L’article 52. 1(b). (Nous soulignons).
254
doivent affecter aucunement les opérations normales du transporteur, ni ses pratiques de

livraison840. Les instructions du chargeur841, qui ne peuvent être exécutées par le

transporteur dans le cadre du respect de son obligation de conservation de la marchandise

n’engagent pas sa responsabilité842.

Sur le rôle de ces instructions, nous nous demandons si le transporteur a le droit de

décider, relativement à son obligation générale de prise de soins de la cargaison, de la

pertinence ou pas des instructions du chargeur.

De surcroît, qu’advient-il lorsque le transporteur exerce toutes les diligences

raisonnables, afin d’obtenir les instructions pour la livraison, et qu’il ne parvient pas à

localiser le chargeur documentaire?

L’article 48 qualifie ce cas de marchandises en souffrance. Le transporteur dans

cette situation a le droit, conformément à l’alinéa 2 dudit article, après avis approprié de la

personne figurant dans les données du contrat, de prendre les mesures que les circonstances

peuvent raisonnablement exiger, aux frais de la personne ayant droit aux marchandises, y

compris :

« a) Les entreposer en tout lieu approprié;


b) Les décharger si elles sont chargées dans les conteneurs ou
véhicules, ou prendre d’autres mesures, notamment en les
déplaçant; et
c) Les faire vendre ou détruire conformément aux pratiques, à la loi
ou à la réglementation du lieu où elles se trouvent. »

840
L’article 52. 1 (c) déclare : « 1. Sous réserve des paragraphes 2 et 3 du présent article, le transporteur
exécute les instructions mentionnées à l’article 50 si :
c) Les instructions n’affecteront pas les opérations normales du transporteur, ni ses pratiques de livraison. »
841
Voir sur les obligations du chargeur : T. RHIDIAN, « The Position of Shippers under the Rotterdam Rules
», dans Rotterdam Rules Appraised Conference, préc., note 774; S. BAUGHEN, « Obligations of the Shipper
to the Carrier », 14 J.I.M.L. 555 (2008).
842
G-J. VANDER ZIEL, préc., note 833, 603.
255
Cet article nous amène à nous interroger sur le statut juridique du transporteur

lorsque la marchandise est déclarée en souffrance. La responsabilité du transporteur cesse-t-

elle dans ce cas?

Selon les principes de droit commun, il appert que l’empêchement à la livraison

rend le transporteur un agent ou mandataire du destinataire. À cet égard, la délégation

néerlandaise à la seizième session du Groupe de travail III de la CNUDCI avait mentionné

dans son rapport que le transporteur dans ce cas « peut être considéré (dans le droit interne),

entre autres, comme confronté à une ‘défaillance du créancier’ (le destinataire étant le

créancier du transporteur) ou comme étant un ‘mandataire (ou dépositaire) par nécessité’.

Dans ces circonstances spéciales, le degré de responsabilité d’une personne ayant une

certaine obligation de soin des marchandises est généralement moins élevé que dans des

circonstances normales. »843

Si le transporteur doit exercer la diligence pour prendre soin de la cargaison en

période de souffrance aux frais additionnels du chargeur, c’est qu’il agit en sa qualité

d’agent ou mandataire du chargeur.

Toute avarie à la marchandise durant la période de souffrance exclut donc sa

responsabilité, sauf en cas de faute inexcusable.

L’article 48.5 déclare à ce propos :

« Le transporteur ne répond pas de la perte ou du dommage subi par


les marchandises pendant la période de souffrance. Il en répond si
l’ayant droit prouve que cette perte ou ce dommage résulte du fait
que le transporteur n’a pas pris les mesures qui auraient été
raisonnables en l’espèce pour conserver les marchandises tout en

843
CNUDCI, Doc. A/CN.9/WG.III/WP.57, paragr. 47, en ligne : <
http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V05/883/26/PDF/V0588326.pdf?OpenElement> (consulté le 15
juillet 2009). Voir : Article 22 des règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaire
des marchandises (appendice B à la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai
1980).
256
sachant ou en ayant dû savoir qu’il en résulterait une telle perte ou
un tel dommage. »

Empruntée à la Convention de Varsovie (art. 25)844, une rédaction semblable se

retrouve dans toutes les conventions internationales récentes, lorsqu’elles envisagent la

faute susceptible d’exclure la limitation de responsabilité845. La faute inexcusable «

implique de la part de son auteur une conscience […] plus nette du manquement à ses

obligations »846. En d’autres mots, c’est la conscience que le transporteur devait ou pouvait

avoir du risque de dommage qui permet d’apprécier la gravité de la faute. Le transporteur

possède moins de droits, dans ce cas, si l’ayant droit arrive à prouver la faute du

transporteur.

De façon générale, les juges reposent pour la qualification de cette faute sur la

prévisibilité particulière du risque de dommage, en raison tantôt de ce que le transporteur

savait, tantôt des instructions qu’il avait reçues du chargeur. Par conséquent, soumise à

l’appréciation subjective, cette faute a connu beaucoup de difficultés et de discordances au

sein des tribunaux847. Le transporteur serait tenu responsable en fonction de l’interprétation

étroite ou élargie de cette faute par le tribunal national saisi848, sauf que l’application du

Code I.S.M., déjà évoqué, faciliterait la qualification de cette faute, puisque le transporteur

844
Voir : Henri ZOGHBI, La responsabilité aggravée du transporteur aérien « De Varsovie, à la Haye, par
Paris et Rio-de-Janeiro », Paris, Libraire générale de droit et de jurisprudence, 1962.
845
En ce sens, l’article 29 de la Convention de Genève de 1956 (CMR) affirme que « Le transporteur n’a pas
le droit de se prévaloir des dispositions du présent chapitre (relatif à la responsabilité du transporteur) qui
excluent ou limitent sa responsabilité ou qui renversent le fardeau de la preuve, si le dommage provient de son
dol ou d’une faute qui, d’après la loi de la juridiction saisie est considérée comme équivalente au dol ».
846
G. FRAIKIN, préc., note 403, p. 306; voir : P.-Y. NICOLAS, « La faute inexcusable est-elle
inassurable? », D.M.F.1983.259.
847
Voir : Isabelle CORBIER, « La notion de faute inexcusable et le principe de la limitation de
responsabilité », dans P. BONASSIES, préc., note 2, à la page 103.
848
Voir la jurisprudence française : Cass. com., 27 octobre 1998, D.M.F.1998.1129; Cass. com., 4 janvier
2000, D.M.F.2000.466.
257
serait mieux informé sur la sécurité du navire. Par conséquent, il serait plus conscient des

risques et plus apte à prévoir l’existence du dommage.

Suivant l’examen des problèmes soulevés dans l’exécution du contrat de transport

par l’armateur, seront analysées les questions récurrentes relatives au régime de

responsabilité du transporteur, lorsque la marchandise arrive à destination endommagée ou

perdue ou encore parvient en retard à destination849.

Section 2 — Le régime de responsabilité du transporteur maritime des


Règles de Rotterdam

La particularité du régime exonératoire du transporteur maritime sous la nouvelle

convention sera passée en revue, en examinant le régime d’exonération générale ainsi que

le régime d’exonération particulier relatif au cas exceptés et à d’autres événements

extérieurs.

Dans sa tentation de trouver un compromis entre les différents régimes de transport

maritime international, le nouveau texte donne lieu à des solutions complexes, notamment

en matière de preuve, qui méritent d’être clarifiées. Delebecque souligne à cet égard qu’il

s’agit d’« une véritable partie de tennis que les parties sont appelées, sans que l’on sache,

au bout du compte, quel est le gagnant, sans que l’on sache si la responsabilité du

transporteur sera partiellement écartée ou totalement retenue. »850

849
La perte et le dommage ne sont pas définis par les Règles de Rotterdam. Toutefois, est qualifié de retard,
selon l’article 21, le cas de marchandises qui ne sont pas livrées au lieu de destination prévu dans le contrat de
transport, dans le délai convenu. Souvent, dans le transport des lignes régulières, les parties au contrat de
transport ne précisent pas expressément par clause contractuelle le délai de livraison. Dans ce cas, c’est le
délai raisonnable qui s’applique. De surcroît, l’inexécution d’autres obligations contractuelles engage la
responsabilité du transporteur. Delebecque affirme que : « the carrier may be in breach of other obligations
under the contract of carriage, such as failure to load the goods at the time and if the contract is port to port,
discharge the goods at a port other than that agreed. But none of such breaches is governed by the text. The
solution depends on the law applicable to the contract. This last remark is indeed relevant for the
understanding of liability exemptions of the carrier. »: Ph. DELEBECQUE, préc., note 774, p. 6.
850
Ph. DELEBECQUE, préc., note 784, 930.
258
Selon la nouvelle convention, le transporteur a droit à l’exonération totale ou

partielle de sa responsabilité, en fonction de la preuve de son absence de faute vis-à-vis du

dommage, de la perte ou du retard (sous-section 1), ou que le dommage résulte en total ou

en partie d’un cas excepté, sauf si le demandeur établit que le dommage a été causé par la

faute du transporteur (sous-section 2).

L’article 17 énumère en fait une longue liste de cas exceptés, semblable à celle du

régime de base de Bruxelles, à l’exception du cas de la faute nautique qui a été considéré

comme dépassé par les différents intervenants, lors des travaux préparatoires de la

CNUDCI.

En revanche, un examen plus attentif du nouveau texte nous révélera des

divergences notables entre le régime exonératoire du régime de base de la Convention de

Bruxelles et celui des Règles de Rotterdam.

L’article 17 adopte une approche plus complexe du régime de preuve, dont le

fondement de la responsabilité du transporteur repose sur un régime de plein droit. C’est au

chargeur de prouver que la perte, le dommage ou le préjudice dus au retard de la cargaison

a eu lieu pendant la période de responsabilité du transporteur. Le propriétaire de la

cargaison est uniquement tenu d’établir l’existence du dommage851. Une fois cette preuve

établie, le transporteur est présumé responsable, sauf dans le cas où il prouve son absence

de faute.

En ce qui a trait au régime exonératoire, le fardeau de la preuve ressemble à « un jeu

de ping-pong »852, dans lequel le système de présomptions admet la preuve contraire853. Le

851
Voir : Alexander VON ZIEGLER, « Compensation of Damage », dans Rotterdam Rules Appraised
Conference, préc., note 774, p. 2.
852
Regina ASARIOTIS, « Burden of Proof and Allocation of Liability for loss due to a Combination of
Causes under the New Rotterdam Rules », 14 J.I.M.L. 537, 542 (2008).
259
professeur Delebecque affirme que le système de responsabilité des Règles de Rotterdam

n’est ni un régime basé sur la faute ni un régime de responsabilité stricte, mais qu’il s’agit

plutôt d’un système particulier de preuve : « […] the system is not grounded on fault ;

besides, it is not a strict liability system. It is specific. The convention enumerates

exemptions cases, but there are not exoneration cases; the system is, first of all, a system of

burden of proof. »854

Une affirmation d’un éminent juriste civiliste laisserait ses confrères perplexes.

Qu’est ce qu’on entend par un système particulier de preuve ? La nouvelle convention

semble-t-elle abandonner les concepts classiques du régime de responsabilité ou confond-

elle les différents systèmes de responsabilité ou plutôt faudrait-il rejoindre l’opinion de

Tassel affirmant que « le droit maritime apparaît être le droit des contradictions »855 ?

C’est ce que nous allons voir dans les sous-sections qui suivent.

Sous-section 1 — La règle générale d’exonération

L’article 17.2 affirme que :

« Le transporteur est déchargé de tout ou partie de sa responsabilité


prévue au paragraphe 1 du présent article s’il prouve que la cause
ou l’une des causes de la perte, du dommage ou du retard n’est pas
imputable à sa faute ou à la faute de l’une quelconque des
personnes mentionnées à l’article 18 »

La lecture de cette disposition permet de constater que le principe de l’exonération

du transporteur est fondé sur la preuve d’absence de faute. Pour être exonéré, le

transporteur doit établir son absence de faute et celle de toute partie exécutante.

853
Gérard NIYUNGEKO, La preuve devant les juridictions internationales, Belgique, Éditions Bruylant,
2005, p. 105.
854
Ph. DELEBECQUE, préc., note 774, p. 2. Yuzhou affirme également lors du Colloque de signature des
Règles de Rotterdam ce qui suit : « It seems that the Rotterdam Rules by combining the reasonable elements
and getting rid of the shortcomings of the relevant provisions contained in the previous conventions on
carriage of goods by sea, have constructed a new structure of the basis of the carrier’s liability with detailed
rules on allocation of burden of proof. » : Si YUZHOU et Henry HAI LI, préc., note 800, p. 2.
855
Y. TASSEL, préc., note 84, 157.
260
En comparaison avec le régime de base du transporteur maritime, l’article 17 (2) de

la nouvelle convention reprend le cas excepté de l’article IV.2 (q) de la Convention de

Bruxelles, « toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur ou de

ses préposés », comme une règle de principe d’exonération. Un cas qui a déjà trouvé son

prolongement dans le régime de responsabilité de la Convention de Hambourg de 1978.

L’article 17 (2) des Règles de Rotterdam et l’article IV.2 (q) de la Convention de

Bruxelles, toutefois, se distinguent au niveau de la preuve et du partage de la responsabilité.

Le cas excepté de la lettre (q) fait état que la moindre contribution de la faute du

transporteur au dommage le prive d’invoquer l’exonération. Avec les Règles de La

Haye⁄Haye-Visby, l’absence de preuve856, ou son insuffisance quant à la cause du dommage

ou de la perte, rend le transporteur responsable de la totalité du dommage857.

En vertu de l’article 17 (2) du nouveau texte, le transporteur doit prouver

essentiellement que la cause ou l’une des causes de la perte n’est pas imputable à sa faute.

Cette différence est remarquable, dans la mesure où le fardeau de la preuve imposé

par la lettre (q) exclut cette possibilité858, tandis qu’avec les Règles de Rotterdam, le

transporteur n’est tenu responsable que de la part du dommage causé par sa faute, lorsqu’il

s’agit de causes concomitantes859.

856
Voir : Transatlantic Marine Claims Agency Inc. v. M⁄V OOCL Inspiration, préc., note 733, 1330.
857
Voir : Smith Hogg & Co v. Black Sea & Baltic General Insurance Co. Ltd., [1940] 67 Ll.List.L.Rep. 253
(H.L. 1940); Rhesa Shipping Co SA v. Edmunds (The Popi M), [1985] 2 Ll.L.Rep 1 (H.L. 1985).
858
Voir : Bayliss v. CAN. National SS. (Lady Drake), [1935] A.M.C. 427, 434 (C.S.Q. 1935), conf. par [1937]
R.C.S. 261.
859
Dans le rapport du groupe de travail de la CNUDCI de sa douzième session, « on a estimé qu’il serait peut-
être utile, pour examiner la question de la répartition des responsabilités, d’avoir à l’esprit la distinction entre
causes concomitantes et causes concurrentes. Dans le premier cas, chacun des événements causait une partie
du dommage, mais aucun d’entre eux n’était suffisant à lui seul pour causer la totalité du dommage (par
exemple, lorsque le dommage était attribuable à la fois au conditionnement insuffisant des marchandises par
le chargeur et à leur mauvais stockage par le transporteur). Dans le cas des causes concurrentes, le tribunal
devrait probablement identifier un événement ou une partie comme ayant causé la totalité du dommage,
indépendamment de la faute de l’autre partie (par exemple, lorsque les marchandises avaient été
261
Lefebvre affirme à ce propos que :

« […] la règle est identique pour tout type de faute, qu’il s’agisse
d’une faute liée à l’obligation de navigabilité […] ou d’une faute
liée aux marchandises prévue à l’article [13.1] : lorsqu’il y a
concomitance d’une telle faute avec un cas d’exonération, on
ventilera les dommages et le transporteur ne sera responsable qu’en
proportion du dommage résultant d’une violation [de ses
obligations] »860

L’article 17.6 dispose que :

« Lorsque le transporteur est partiellement responsable en vertu du


présent article, il ne l’est que de la partie de la perte, du dommage
ou du retard qui est imputable à l’événement ou à la circonstance
dont il est responsable en vertu du présent article. »

Les Règles de Rotterdam semblent autoriser l’application de la règle Vallescura861,

comme c’est le cas pour les Règles de Hambourg (art. V.7), sauf que la nouvelle disposition

n’aborde pas l’obligation de preuve.

En ce sens, il semble légitime de s’interroger à savoir si le nouveau texte laisse

entendre qu’en cas de causes concomitantes, le transporteur peut être libéré en partie de sa

responsabilité, sans qu’il établisse la preuve de la part du dommage causé par un autre

événement ou circonstance que celui causé par sa faute ou celle des parties exécutantes.

endommagées en raison d’un tir d’artillerie essuyé par le navire, il faudrait sans doute déterminer si ce tir
devait être considéré comme l’unique cause du dommage, indépendamment de la faute de l’autre partie (par
exemple, lorsque les marchandises avaient été endommagées en raison d’un tir d’artillerie essuyé par le
navire, il faudrait sans doute déterminer si ce tir devait être considéré comme l’unique cause du dommage,
indépendamment de la faute que le capitaine avait pu commettre en amenant le navire dans une zone de
combats). Il a été souligné que, dans le second cas, la doctrine des ‘obligations absolues’ s’appliquerait
généralement. Il a été dit que le projet d’article 14 ne traitait que du cas où intervenaient des fautes
concomitantes, et non des ‘fautes concurrentes’. » : CNUDCI, Rapport du groupe de travail de la CNUDCI
dans sa douzième session, DoCA⁄CN.9⁄544, p. 47, en ligne : <
http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V03/906/88/PDF/V0390688.pdf?OpenElement> (consulté le 13
mai 2009).
En ligne : <http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V03/906/88/PDF/V0390688.pdf?OpenElement >
(consulté le 6 juin 2009).
860
G. LEFEBVRE, préc., note 108, 447.
861
Vallescura, préc., note 265. Voir décisions plus récentes : Transatlantic Marine Claims Agency Inc. v. M⁄V
OOCL Inspiration, préc., note 733; The Bunga Seroja, préc., note 116.
262
Cette disposition de l’article 17 remet en doute un principe admis de longue date par

la jurisprudence appliquant la Convention de Bruxelles, selon lequel l’exonération partielle

ne peut être accordée qu’à condition de prouver que la partie de la perte ou du dommage ou

également l’importance du retard n’est pas imputable à sa faute ou négligence.

Le discernement dicte que, malgré l’imprécision de cet article, le transporteur, pour

bénéficier de l’exonération partielle, doit apporter cette preuve. Toutefois, le texte demeure

ambigu sur la répartition et l’application de cette responsabilité. Assurément, son

application variera d’une juridiction à l’autre. Asariotos affirme à cet égard :

« It would seem that unless the cargo claimant could produce


relevant evidence as to the extent of loss due to different causes,
which will in practice often be impossible, the court would have to
use its own rules to apportion liability. As no further guidance on
the matter is provided in Article 17 (6), courts in different
jurisdictions are likely to adopt different approaches. Much
litigation may be required before the desirable legal certainty could
be expected. »862

Dans sa réfutation de sa présomption de faute, le transporteur peut aussi choisir la

voie de la preuve d’un cas excepté, en vertu de l’article 17 (3) (a)-(o) semblable aux Règles

de La Haye⁄Haye-Visby.

Rappelons que, le cas de faute nautique a été supprimé dans la nouvelle

convention863. D’ailleurs, c’est ce qui justifie, selon le rapport de la CNUDCI, le principe

établi de partage de responsabilité, par crainte que les chargeurs dans les cas d’avaries en

mer, « pouvaient facilement arguer que des décisions de navigation avaient contribué au

862
R. ASARIOTIS, préc., note 852, 543.
863
Ziegler avance : « [...] modern telecommunication techniques no longer allow the fiction that, once the
ship has sailed, the shore-based carrier has lost control over ship and cargo and has left them in the hands of
the master and crew and cannot be made responsible for misjudgements and mistakes of the master and crew
in the navigation of the ship. Much like air carriers have had to fully account for the errors in navigation of
their pilots since 1955, maritime carriers will have to do the same under the new Convention. » : A. VON
ZIEGLER, préc., note 780, 342.
263
dommage », ce qui mettrait le transporteur « dans une situation où il serait responsable de

la totalité du préjudice alors que sa faute n’avait contribué qu’à une petite partie du

dommage. »864

Sous-section 2 — Les règles particulières d’exonération

L’exonération pour cas exceptés (paragr. 1) sera passée en revue, puis celle pour des

événements autres que les cas exceptés (paragr. 2).

Paragraphe 1 — Les cas exceptés

L’article 17. 3 dresse une longue liste de cas exceptés, qui s’ajoutent au principe de

libération basé sur la faute de l’alinéa 2 du présent article.

Signalons que, le contenu de cet article accroît l’ambiguïté actuelle du régime global

de responsabilité applicable au transporteur maritime par le maintien de ce catalogue,

comme une seconde voie d’exonération totale ou partielle de la cause ou des causes du

dommage. Delebecque865 considère en revanche que cette liste de cas exceptés ne constitue

pas des cas exonératoires de la responsabilité du transporteur mais plutôt des cas de

renversement du fardeau de la preuve866. Or, nous ne pouvons adhérer à cette définition.

Nous estimons que ces cas exceptés ne doivent en aucun moment être confondus avec ordre

de preuve (ou régime de responsabilité avec régime de preuve). Assurément, le nouveau

texte a cherché à clarifier le fardeau de la preuve, imprécis dans les anciennes législations,

sauf que la nouvelle structure adoptée porte atteinte à la structure traditionnelle de la

responsabilité. Il semble que les rédacteurs des Règles de Rotterdam aient exploité à

864
CNUDCI, Doc. A⁄CN.9⁄544, p. 46, en ligne :
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/V03/906/88/PDF/V0390688.pdf?OpenElement> (consulté le 6
juin 2009).
865
Le professeur Philippe Delebecque a participé aux travaux préparatoires de la CNUDCI sur les Règles de
Rotterdam.
866
Ph. DELEBECQUE, préc., note 774, p. 8.
264
outrance le pragmatisme qui a motivé les négociations, pour en justifier les aberrations

juridiques. D’ailleurs, Delebecque avait lui-même déclaré que :

« La méthodologie et la terminologie de la nouvelle convention sont


parfois déroutantes pour un juriste de droit civil. Certaines
définitions sont de pures tautologies (art.1-4; art. 1-30) et la
structure du texte n’est pas très logique : pourquoi ne pas avoir
suivi, puisque la convention traite des contrats internationaux de
transport, la chronologie contractuelle, en envisageant la formation
du contrat de transport, son contenu et son exécution? […] Pourquoi
aussi continuer à parler d’ « act of God » ou d’ « aventure
commune » ? N’était-ce pas le moment d’actualiser les concepts?
Enfin, la référence à l’« homme raisonnable » ou le test du
« raisonnable » est pour le moins systématique, ce qui n’est pas de
nature à renforcer la rigueur que l’on peut attendre d’un texte
juridique. »867

Il n’est pas question ici de reprendre l’étude de tous les cas exceptés, ce qui serait

superflu. Nous nous efforcerons plutôt de mettre l’accent sur le régime de preuve qui mérite

d’être élucidé, pour ensuite passer à certains cas exceptés qui demandent plus de précision,

en particulier celui des actes accomplis par le transporteur dans l’exercice des pouvoirs

conférés par les articles 15 et 16, ainsi que les cas traditionnels d’incendie, des arrêts et fait

du prince.

L’article 17. 3 dispose :

« Le transporteur est aussi déchargé de tout ou partie de sa


responsabilité prévue au paragraphe 1 du présent article si, au lieu
de prouver l’absence de faute comme prévu au paragraphe 2 du
présent article, il prouve qu’un ou plusieurs des événements ou
circonstances ci-après ont causé la perte, le dommage ou le retard
ou y ont contribué :
a) « Acte de dieu »;
b) Périls, dangers ou accidents de la mer ou d’autres eaux
navigables;

867
Philippe DELEBECQUE, « La Convention sur les contrats internationaux de transport de marchandises
effectué entièrement ou partiellement par mer : « a civil law perspective », D.M.F.2009.335.337 (spécial
CIM Athènes).
265
c) Guerre, hostilités, conflit armé, piraterie, terrorisme868, émeutes
et troubles civils;
d) Restriction de quarantaine ; intervention ou obstacles de la part
d’États, d’autorités publiques, de dirigeants ou du peuple, y compris
une immobilisation, un arrêt ou une saisie non imputable au
transporteur ou à l’une quelconque des personnes mentionnées à
l’article 18;
e) Grèves, lock-out, arrêts ou entraves apportés au travail;
f) Incendie à bord du navire;
g) Vices cachés échappant à une diligence raisonnable;
h) Acte ou omission du chargeur, du chargeur documentaire, de la
partie contrôlante ou de toute autre personne dont les actes engagent
la responsabilité du chargeur ou du chargeur documentaire en vertu
de l’article 33 ou 34;
i) Chargement, manutention, arrimage ou déchargement des
marchandises réalisé en vertu d’une convention conclue
conformément à l’article 13, paragraphe 2, sauf si le transporteur ou
une partie exécutante réalise cette opération au nom du chargeur, du
chargeur documentaire ou du destinataire;
j) Freinte en volume ou en poids ou toute autre perte ou dommage
résultant d’un vice caché, de la nature spéciale ou d’un vice propre
des marchandises;
k) Insuffisance ou défectuosité de l’emballage ou du marquage non
réalisé par le transporteur ou en son nom;
l) Sauvetage ou tentative de sauvetage de vies en mer;
m) Mesures raisonnables visant à sauver ou tenter de sauver des
biens en mer;
n) Mesures raisonnables visant à éviter ou tenter d’éviter un
dommage à l’environnement; ou
o) Actes accomplis par le transporteur dans l’exercice des pouvoirs
conférés par les articles 15 et 16. »869

Nous nous questionnons d’emblée sur l’utilité de ce long catalogue d’exonération,

alors que la règle d’exonération de principe est basée sur la présomption de faute870. La

868
Supra, p. 171.
869
L’article 15 offre au transporteur des droits étendus quand il s’agit de marchandises potentiellement
dangereuses, alors que l’article 16 concerne le droit du transporteur de sacrifier les marchandises pendant le
voyage en mer pour « le salut commun ou préserver d’un péril la vie humaine ou d’autres biens engagés dans
l’aventure commune. »
870
Voir : F. BERLINGIERI, préc., note 804, 343.
266
majorité de ces cas exceptés constitue en fait des cas de force majeure871. Celle-ci implique

essentiellement l’absence de faute de la part du transporteur.

Nous rejoignons ainsi l’opinion de Lefebvre qui s’interroge comme suit :

« [...] une telle liste n’est-elle pas susceptible d’engendrer des


problèmes d’interprétation concernant les événements énumérés
afin que le transporteur puisse bénéficier d’une présomption
d’absence de faute? […] Ces événements, qui constituent des cas de
force majeure, n’impliquent-ils pas en soi une exclusion de la
possibilité d’une faute de la part du débiteur? » 872

En raison du poids de la tradition de la common law873, devrons-nous concevoir la

pérennité de la liste des cas exceptés?

Nous aurions souhaité que les Règles de Rotterdam puissent transcender le débat sur

le maintien ou la suppression de la liste des cas exceptés et opter pour un régime plus

simple et cohérent. Or, le régime de preuve en est un plus complexe que précédemment.

Les nouvelles dispositions apportent maintes modifications à la charge de la

preuve874. En principe, la charge de la preuve incombe au transporteur. Il doit prouver son

absence de faute totale ou partielle pour bénéficier de l’exonération. Établissant cette

preuve, les alinéas 4 et 5 de l’article 17 ajoutent que la responsabilité du transporteur peut

être réintroduite si le chargeur prouve que la cause du dommage est la faute du transporteur

ou un autre événement que celui des cas exceptés, ou prouve que la cause du dommage est

l’innavigabilité du navire. Le transporteur, dans ce cas, devra à son tour renverser ces

871
La force majeure peut résulter d’un événement naturel (tempête) ou humain (fait du prince).
872
G. LEFEBVRE, préc., note 108, 460 et 461. Sériaux affirme également ce qui suit relativement à la liste
des cas exceptés de la Convention de Bruxelles : « Il importe alors de se demander quelle est l’utilité réelle
de la notion de cas excepté. Dans la mesure où la preuve d’une faute du transporteur conduit à lui refuser en
principe toute exonération » : A. SÉRIAUX, préc., note 111, paragr. 219, p. 140.
873
Voir : CNUDCI, Proposition des États-Unis d’Amérique, Doc. A/CN.9/WG.III/WP.34, p. 5, Vienne, 6-17
octobre 2003, en ligne :
< http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V03/869/06/PDF/V0386906.pdf?OpenElement> (consulté le 8
juin 2009).
874
Anthony DIAMOND, « The Next Sea Carriage Convention? », (2008) L.M.C.L.Q. 135, 150.
267
présomptions en prouvant son absence totale ou partielle de faute, et pour l’innavigabilité

prouver son exercice de diligence raisonnable.

Avant de passer à l’étude de ces dispositions, examinons les trois cas exceptés qui

vont certainement soulever des problèmes d’application devant les tribunaux : 1. le

nouveau cas « des actes accomplis par le transporteur dans l’exercice des pouvoirs conférés

par les articles 15 et 16 » ; 2. le cas traditionnel d’incendie ainsi que celui des arrêts et fait

du prince (17. 3 (d)).

a) Actes accomplis par le transporteur dans l’exercice des pouvoirs


conférés par les articles 15 et 16
L’article 15 énonce :

« Nonobstant les articles 11 et 13, le transporteur ou une partie


exécutante peut refuser de recevoir ou de charger les marchandises,
et peut prendre toute autre mesure raisonnable, notamment les
décharger, les détruire ou les neutraliser, si celles-ci présentent, ou
risquent selon toute vraisemblance raisonnable de présenter,
pendant la durée de la responsabilité du transporteur un danger réel
pour les personnes, les biens ou l’environnement. »

Le contenu de cet article offre au transporteur de marchandises potentiellement

dangereuses le droit d’en refuser la réception ou le chargement, ainsi que de les décharger,

les détruire ou les neutraliser, lorsqu’au cours du voyage maritime, elles constituent ou

risquent de présenter un danger réel pour les personnes, les biens ou l’environnement. De

surcroît, l’article 17. 3 (o) exonère le transporteur pour les pouvoirs qui lui sont conférés, en

vertu de l’article 15.

Nous nous questionnons sur l’effet de cet article en pratique. Comment peut-on

mesurer l’appréciation raisonnable du transporteur en cours du voyage à prendre la décision

de détruire la cargaison, qui risque de porter préjudice à l’environnement, par exemple?


268
Quels sont les éléments de preuve à établir pour justifier le caractère raisonnable de son

acte?

Faisant de l’exécution de ce droit un cas excepté, le transporteur bénéficierait de la

responsabilité partielle lorsque sa faute contribue au dommage et à une réparation limitée.

Ne risque-t-on pas d’offrir au transporteur la possibilité de dissimuler son manque

de diligence ou celle des parties exécutantes à exercer convenablement son obligation de

navigabilité?

Supposons, par exemple, que suite à l’état défectueux des équipements frigorifiques

lors du voyage par mer, le transporteur décide de détruire ou de sacrifier, pour le salut

commun, conformément à l’article 16, la marchandise transportée qui est sujette à

l’inflammation spontanée, et qui normalement doit être gardée au froid.

Ce n’était certainement pas l’intention du législateur, mais ce cas excepté soulève

les mêmes inquiétudes que ceux du cas d’incendie dans les textes législatifs qui précédent.

Le transporteur pour cacher sa faute ou celles de ses préposés peut détruire la marchandise

ou la sacrifier, tout en bénéficiant de l’exonération.

b) Le cas d’incendie

À l’instar du cas de la faute nautique, les débats étaient vifs au sein des sessions de

travail de la CNUDCI sur le maintien ou la suppression de ce cas excepté.

L’article 17(3) finit par conserver l’incendie en tant que cas excepté. En revanche, le

régime de preuve non identique à celui des Règles de La Haye⁄Haye-Visby ou à celui des

Règles de Hambourg fait porter la charge de la preuve au transporteur pour sa faute ou

celles des parties exécutantes.


269
Toutefois, le contenu du nouveau texte est sans conteste souple envers le

transporteur. Avec les Règles de Rotterdam, le transporteur est tenu de prouver uniquement

que l’incendie qui a eu lieu à bord875 du navire a causé ou a contribué au dommage, à la

perte ou au retard. Il n’est pas tenu de démontrer la cause directe de l’incendie, ayant

souvent pour origine une erreur dans la navigabilité du navire.

Par conséquent, pour réintroduire la responsabilité du transporteur, c’est au chargeur

qu’incombe de prouver que la cause directe de l’incendie provient de l’innavigabilité du

navire.

Rhidian souligne à ce propos :

«The result of this change is to dilute significantly the potential


impact of the fire exclusion, [...]. When read in the context of the
Convention, the effect of the fire exclusion is to throw the burden of
proof onto the claimant. »876

Ces altérations apportées au cas d’incendie ne font que pérenniser les difficultés

déjà évoquées qu’engendre ce cas en matière de preuve, puisque le transporteur n’est pas

obligé de prouver la cause directe de l’incendie. Pour conclure, force est de répéter que, ce

cas excepté pose problème.

Un autre cas excepté qui mérite d’être étudié est celui de l’article 17. 3 (d), en raison

de la formulation de cette cause d’exonération qui nous paraît démesurée.

c) Restriction de quarantaine; intervention ou obstacles de la part


d’États, d’autorités publiques, de dirigeants ou du peuple, y
compris une immobilisation, un arrêt ou une saisie non imputable

875
L’incendie ne permet l’exonération que s’il a eu lieu à bord du navire concerné par la marchandise perdue
ou endommagée. Ziegler souligne :
« A fire on an unrelated third vessel cannot trigger this exception. Fire situations during the inland legs
(except inland navigation) will be dealt with under other exceptions (e.g., inherent vice) or more likely under
the catch-all provision of article 17 (2) of the UNCITRAL Convention. » : A. VON ZIEGLER, préc., note
780, 343.
876
T. RHIDIAN, préc., note 797, 505.
270
au transporteur ou à l’une quelconque des personnes mentionnées à
l’article 18
Édictée par l’article 17. 3 (d), ce cas excepté ne constitue pas une présomption

d’absence de faute du transporteur.

L’expression « non imputable au transporteur ou à l’une quelconque des personnes

mentionnées à l’article 18 » fait expressément de la faute du transporteur, et celle des

parties exécutantes, une source d’exclusion de l’exonération, alors que l’article 17.3

énonce, comme précité, avant l’énumération des cas exceptés qu’« au lieu de prouver

l’absence de faute comme prévu au paragraphe 2 du présent article, il prouve qu’un ou

plusieurs des événements ou circonstances ci-après ont causé la perte, le dommage ou le

retard ou y ont contribué. »

Dans ce cas, le transporteur doit prouver son absence de faute pour bénéficier de

l’exonération. Or, il nous est difficile de saisir l’intérêt de l’ajout de cette expression. Est-ce

que la faute du transporteur ou celle des préposés ou mandataires doit être démontrée pour

les dommages causés à la marchandise après la saisie judiciaire, dans le cadre de son

obligation de prise de soin, ou plutôt prouver son absence de faute, quant à la survenance

même de la saisie judiciaire en connaissance de cause, par exemple, de la réglementation au

port de destination de la prohibition de la nature de la marchandise transportée877?

Prouver la faute du transporteur, ou celle des parties exécutantes incombe aussi au

chargeur, afin de réintroduire la responsabilité du transporteur pour d’autres événements,

autres que les cas exceptés. Dans cette perspective causale, la responsabilité peut être

partielle ou totale (paragr. 2).

877
Voir : A. PEYNY et P. POLAIRE, préc., note 540.
271
Paragraphe 2 — La faute du transporteur et événements autres que les «
cas exceptés »
L’article 17. 4 déclare que :

« Nonobstant le paragraphe 3 du présent article, le transporteur est


responsable de tout ou partie de la perte, du dommage ou du retard
si :
a) L’ayant droit prouve que la faute du transporteur ou d’une
personne mentionnée à l’article 18 a causé l’événement ou la
circonstance invoquée par le transporteur ou y a contribué ; ou
b) L’ayant droit prouve qu’un événement ou une circonstance autre
que ceux énumérés au paragraphe 3 du présent article a contribué à
la perte, au dommage ou au retard et si le transporteur ne peut
prouver que cet événement ou cette circonstance n’est pas
imputable à sa faute ou à la faute de l’une quelconque des
personnes mentionnées à l’article 18. »878

Ce texte établit que la responsabilité du transporteur peut être réintroduite si le

chargeur ou l’ayant droit prouve que l’événement ou la circonstance invoqués par le

transporteur pour son exonération provient en tout ou en partie de sa faute ou de celle de

ses mandataires, ou qu’un autre événement ou circonstance autre que les cas exceptés a

contribué au dommage879.

Il y a une distinction à établir entre les alinéas (a) et (b). Dans le premier cas, il

apparaît que les deux responsabilités partielle et entière s’appliquent. Le transporteur est

responsable de la totalité du dommage si, par exemple, le chargeur prouve que la cause de

l’événement est la faute du transporteur même en la présence d’autres causes, puisqu’il ne

s’agit plus de causes concomitantes, mais plutôt de causes concurrentes, dans la mesure où

c’est la faute du transporteur qui a causé la totalité du dommage.

878
Nous soulignons.
879
Par exemple, le tribunal de commerce de Marseille avait réintroduit la responsabilité du transporteur qui
avait effectué des travaux de forge et de soudure, travaux qui avaient généré des étincelles à proximité des
marchandises qui craignent la chaleur, et de ce fait, avaient été laissées sans aucune surveillance : Trib. com.
Marseille, 13 avril 1968, D.M.F.1969.109.
272
Dans le second cas, le texte indique exclusivement la faute contributive au

dommage. Le transporteur n’est responsable que de la part de sa faute contributive au

dommage. Cette disposition (b) n’est toutefois pas claire sur les circonstances pour

lesquelles le transporteur devrait être tenu responsable d’une partie seulement de la perte,

du dommage ou du retard.

La responsabilité partielle s’applique sans exiger de lui de prouver la part du

dommage causé par l’événement. La charge de la preuve semble incomber au chargeur.

Cette situation serait plus compliquée dans le cas où plusieurs causes

contribueraient au dommage, mais qu’aucune preuve ne peut être établie pour déterminer la

proportion des pertes, dommages ou retard dus aux différentes causes. Certainement,

l’appréciation des juges variera d’une juridiction à l’autre880.

L’ayant droit peut encore réintroduire la responsabilité totale ou partielle du

transporteur s’il établit que l’innavigabilité est une cause contributive au dommage.

Paragraphe 3 — L’innavigabilité cause contributive au dommage

L’article 17. 5 énonce :

« Le transporteur est également responsable, nonobstant le


paragraphe 3 du présent article, de tout ou partie de la perte, du
dommage ou du retard si :
a) L’ayant droit prouve que les événements ou circonstances [881]
suivants ont effectivement ou probablement causé la perte, le

880
R. ASARIOTIS, préc., note 852, 545.
881
Qu’entend-on par circonstances? Ne serait-il pas préférable de parler d’événements? D’ailleurs, la
Chambre internationale de la marine marchande, du BIMCO et du Groupe Internationale des P&I Clubs ont
recommandé l’utilisation du terme événement au lieu de circonstances lors de la dix-neuvième session du
groupe de travail de la CNUDCI, tenue à New York entre le 16 et le 27 avril 2007 :
« Il faudrait, partout où ils apparaissent dans ces articles, remplacer les mots ‘événement ou circonstance’ par
le mot ‘événement’.
Justification: Le mot ‘circonstance ” a une portée trop large et ne correspond pas à l’intention des articles en
question. Il est en outre inutile et superflu d’employer à la fois ‘événement’ et ‘circonstance’. Le mot
‘événement’ seul, qui est plus conforme au sens et à l’esprit des articles, devrait remplacer la formulation
actuelle » : CNUDCI, Doc, A/CN.9/WG.III/WP.87, p. 3, en ligne :
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V07/815/91/PDF/V0781591.pdf?OpenElement> (consulté le 15
juin 2009).
273
dommage ou le retard ou y ont effectivement ou probablement
contribué : i) le navire n’était pas en état de navigabilité, ii) le
navire n’était pas convenablement armé, équipé et approvisionné;
ou iii) les cales ou d’autres parties du navire ou sont transportées les
marchandises, ou les conteneurs fournis par le transporteur dans ou
sur lesquels elles sont transportées, n’étaient pas appropriés ni en
bon état pour leur réception, transport et conservation; et
b) Le transporteur ne peut prouver : i) qu’aucun des événements ou
circonstances mentionnés à l’alinéa a du paragraphe 5 du présent
article n’a causé la perte, le dommage ou le retard; ou ii) qu’il s’est
acquitté de son obligation d’exercer une diligence raisonnable
conformément à l’article 14. »

Cette disposition rend le transporteur responsable en tout ou en partie, si (a) l’ayant

droit établit882 la preuve que l’innavigabilité du navire a causé ou a contribué au dommage,

ou lorsque (b) le transporteur ne peut prouver que (i) l’innavigabilité n’est pas la cause de

l’événement ou la circonstance causant le dommage, ou (ii) ne peut prouver qu’il a exercé

la diligence requise de son obligation continue de navigabilité, en vertu de l’article 14.

L’article 17 (5) reprend les mêmes lacunes que la disposition 4 du même article, de

sorte que l’on ignore quand précisément la responsabilité entière ou partielle devrait

s’appliquer. Le texte n’exige pas non plus du transporteur de prouver sa part du dommage.

Le problème se poserait essentiellement lorsque plusieurs causes contributives concourent

aux dommages.

Asariotis attire l’attention sur le manque de clarté de ce texte devant le moyen

d’application de cette responsabilité partielle :

« […] the provision provides for ’liability for all or part of the loss’,
if breach of the carrier’s seaworthiness obligation ‘caused or
contributed’ to ‘the loss...’, without making it clear (a) when there
should be partial as opposed to full liability and (b) what should

882
Delebecque souligne : « In those conditions, the claimant must rebut the presumption of non-liability after
the carrier has proved what it has to do according to art. 17-2⁄3, by invoking unseaworthiness; but he has only
to prove that on the balance of probabilities unseaworthiness was the cause of the loss or damage. He has to
prove a fact: the unseaworthiness. It is the carrier that, in order to avoid its liability, must prove the exercise of
due diligence. »: Ph. DELEBECQUE, préc., note 774, p. 9.
274
happen in cases where evidence on the relevant proportion of loss
due to the different causes was lacking, ie in cases where there is a
genuine combination of causes. »883

Cette situation engendrera forcément des difficultés sérieuses au sein des tribunaux,

pour accorder ou non le bénéfice de l’exonération partielle884.

883
R. ASARIOTIS, préc., note 852, 546.
884
Il nous paraît que la suppression de la faute dans la navigation et dans l’administration du navire semble
être largement compensée par le système de partage de responsabilité ainsi que par les limitations légales.
275
Conclusion du second chapitre

En résumé, les Règles de Rotterdam conservent la responsabilité pour faute en vertu

d’un régime d’exonération semblable à celui des Règles de La Haye⁄Haye-Visby. Il existe

néanmoins des différences notables, en ce qui concerne les renvois déroutants et difficiles à

suivre, un régime de preuve détaillé mais complexe et l’application de la responsabilité

partielle du transporteur.

Le problème de la charge de la preuve et de son renversement rend la réalité du

régime de responsabilité du transporteur maritime difficile à mettre en œuvre selon les

nouvelles Règles de Rotterdam. Comme il a été remarqué avec le régime de la Convention

de Bruxelles, souvent, la jurisprudence est divisée, ce qui ne permet pas de déterminer pour

quel motif des situations analogues ont fait l’objet de décisions contrastées. C’est en fait le

système de preuve qui est difficile à gérer et qui explique en partie les difficultés

croissantes auxquelles les juges doivent être confrontées. La nouvelle législation vient le

complexifier davantage. Comme le souligne Diamond : « [...] there are new, more detailed

provisions on the incidence of the burden of proof than are to be found in previous cargo

Conventions. »885

En cette occasion, il est légitime de s’interroger sur la pertinence d’un texte

comprenant 96 articles, souvent mal formulés. Les Règles de Rotterdam constituent un

texte complexe et lourd de conséquences.

Le nouveau texte, qui s’inspire des Règles de La Haye⁄Haye-Visby et des Règles de

Hambourg, panache deux régimes qui n’ont pas été conçus pour fonctionner ensemble,

tandis qu’il s’applique indubitablement au transporteur maritime. Il est prévisible que les

885
A. DIAMOND, préc., note 874, 150.
276
tribunaux nationaux soient confrontés à des difficultés d’interprétation et d’application

uniforme de cette nouvelle convention.

Le Conseil des Chargeurs Européens (ESC) a déclaré à cet égard, lors de la dix-

neuvième session du groupe de travail III de la CUNDCI, que « [l]e déséquilibre des

principales dispositions, notamment celles concernant les règles de responsabilité, est tel à

ce stade qu’ils sont pessimistes quant à un possible redressement des principaux

déséquilibres d’ici la fin des travaux. »886

De surcroît, la réalité du dysfonctionnement et des divergences d’interprétation du

régime de Bruxelles, à travers notre étude de la jurisprudence, démontre clairement que la

Convention des Nations Unies sur les contrats de transport international de marchandises

par mer ne réalisera pas l’uniformité attendue. Le Groupe de travail de la CNUDCI ayant

considéré opportun de s’inspirer de la Convention de Bruxelles et de ses applications

jurisprudentielles n’a pas pris en considération les difficultés toujours éprouvées par les

tribunaux à appliquer le régime exonératoire des cas exceptés particuliers au droit maritime.

Le seul avantage de son instauration est celui de la suppression de la faute dans la

navigation et dans l’administration du navire.

Assurer une application prévisible et uniforme, étant donné la jurisprudence

abondante en matière des cas exceptés887, ne justifie pas l’insécurité et l’imprévisibilité

886
CNUDCI, DoCA/CN.9/WG.III/WP.83, p. 5, en ligne :
<http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V07/815/91/PDF/V0781591.pdf?OpenElement> (consulté le 15
juin 2009).
887
« 14. Les exceptions énoncées dans l’instrument devraient exonérer un transporteur de responsabilité et
non constituer une simple présomption d’absence de faute de la part de celui-ci. Ces deux approches ne
diffèrent pas vraiment dans la pratique. Même dans le régime d’exonération prévu par les Règles de La Haye⁄
Haye-Visby, un transporteur est déchu du droit d’invoquer une exception si les chargeurs peuvent prouver
qu’il a commis une faute. Ce régime fonctionne donc, dans la pratique, comme un système de présomption.
Nous préférons toutefois que les exceptions énumérées dans l’instrument constituent un régime d’exonération
de responsabilité afin que leur application soit plus prévisible et plus uniforme, étant donné la jurisprudence
importante à laquelle ont déjà donné lieu les traités qui existent en matière de responsabilité dans le transport
de marchandises qui considèrent ces exceptions comme exonérant le transporteur de responsabilité :
277
juridiques auxquelles sont confrontés les magistrats dans les différents pays dans

l’application de ce régime.

Cette kyrielle de principes, des exceptions aux principes et des exceptions aux

exceptions de l’article 17 des Règles de Rotterdam engendrera chez le juriste, d’abord une

confusion des règles attributives de la charge la preuve888 et chez les juges, une confusion

indéniable à déterminer les causes du dommage. Comme le souligne Rhidian :

« At a very general level it is unclear whether a court has to proceed


through the various stages in the order that they are presented by the
Convention or whether leapfrogging is permitted. The Convention
also adopts a variety of different tests of causation which may again
give rise to problems. The History of the development of
international conventions in this area has shown that the
conventions have never freed themselves of attendant burden of
proof issues and it is disappointing to observe that the new
Convention may not be providing a clear solution to the difficulties.
»889

Ainsi soumis à des impératifs contradictoires, les participants aux travaux de la

CNUDCI se son souvent renvoyés la balle, à tel point qu’ils ont engendré une

responsabilité et un régime de preuve outrageux.

Sur la base de notre analyse de ce nouveau texte, le régime de la preuve et la

répartition de la responsabilité pour la perte d’une combinaison de causes vont poser des

difficultés considérables, ce qui est regrettable pour une nouvelle convention internationale

dont le principal objectif est de prévoir la sécurité et la prévisibilité juridiques par

l’application de règles uniformes dans une variété de pays. La perspective de litiges

CNUDCI, Proposition des États-Unis d’Amérique, DoCA/CN.9/WG.III/WP.34, Vienne, 6-17 octobre 2003,
p. 5, en ligne : <http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V03/869/06/PDF/V0386906.pdf?OpenElement>
(consulté le 8 juin 2009).
888
La charge de la preuve et son renversement est relativement complexe, car elle n’a pas toujours la même
signification dans les différents systèmes juridiques. Contra : A.VON ZIEGLER, préc., note 780, 348.
889
T. RHIDIAN, préc., note 797, 503.
278
coûteux est hors de tout doute source d’insatisfaction et d’un point de vue économique, la

viabilité du nouveau système serait mise en cause.

Également, les exonérations de responsabilité du transporteur ne sont pas appréciées

de la même manière lorsqu’il s’agit d’un transport multimodal. La localisation du dommage

de la perte ou du retard est cruciale pour justifier l’exonération ou l’infirmer890. Pour éviter

des variations importantes, il est souhaitable d’adopter un principe général d’exonération,

celui de la force majeure qui permettra aux juges de déterminer les circonstances où le

transporteur n’est pas en faute.

Or, une réalité hybride implique-t-elle une responsabilité hybride891? Comme c’est

le cas à l’égard de tout nouveau texte de loi, son interprétation dépendra de la façon dont les

tribunaux vont interpréter et appliquer les dispositions de la nouvelle Convention.

890
Le traitement des « dommages non localisés » était un des problèmes controversés en relation avec l’aspect
multimodal de la Convention au sein du Groupe de travail III de la CNUDCI. Un certain nombre d'États,
notamment les États contractants de la CMR ou la
COTIF-CIM ont estimé que la prévalence des dispositions de la Convention sur celles de la
CMR ou la COTIF-CIM en matière de «dommages non localisés » porterait gravement atteinte à la répartition
des risques en vertu de la CMR ou la COTIF-CIM compte tenu du fait qu'il est
souvent impossible de préciser où la perte ou le dommage des marchandises a eu lieu dans un
conteneur. Voir : Jobannes TRAPPE, « The Multimodal Transport, Some Remarks on the Modern Law »,
dans P. BONASSIES, préc., note 2, à la page 403.
891
Cf. Colloque « Mer et responsabilité » organisé par L’UMR AMURE-Centre de droit et d’économie et de
la mer-Université de Brest, Brest, tenu le 16-17 octobre 2008, D.M.F.2008.1050.
Conclusion générale

Tout au long de cette étude, nous avons tenté de démontrer les problèmes dont

souffre le régime international de la responsabilité du transporteur maritime des

marchandises sous contrat et son évolution actuelle qui semble inévitable, tout en étant

dérangeante.

Il ressort de notre analyse que toutes les conventions qui gèrent ce régime, en

partant de la Convention de Bruxelles, jusqu’aux Règles de Rotterdam récemment adoptées

en 2009, ont échoué dans l’atteinte de leur objectif principal : l’uniformisation de la loi, en

vue de la réalisation de la prévisibilité et de la sécurité juridiques.

La responsabilité fondée sur la présomption de responsabilité est assurée avec la

Convention de Bruxelles, mais non sans dégager une longue liste de cas exonératoires du

transporteur vers un régime basé sur la présomption de faute avec la Convention de

Hambourg, vers un double régime de responsabilité basé sur la faute avec les Règles de

Rotterdam. L’on se retrouve à mi-chemin entre les Règles de Hambourg et les Règles de La

Haye⁄Haye-Visby.

La première partie de cette étude nous a enseigné que le régime de responsabilité de

la Convention de Bruxelles soulève plusieurs difficultés, souffre de décadence et tombe en

décrépitude. Tout d’abord, nous avons remarqué que le contenu de l’obligation de

navigabilité est imprécis et n’est pas reçu de la même manière par les tribunaux. La position

des juges varie spécifiquement quant à l’aspect commercial de la navigabilité et fait l’objet

de décisions contrastées. La durée de l’obligation de navigabilité pose également problème.

Il est souvent difficile de savoir quand l’obligation de navigabilité du transporteur

commence et finit.
280
Nous avons constaté aussi que l’imprécision du texte de Bruxelles a engendré des

difficultés quant au déroulement de la preuve. La charge de la preuve de la mise en état de

navigabilité du navire ne repose pas sur une interprétation unanime dans les différents

systèmes de droit, notamment en raison du rapport entre la preuve de diligence raisonnable

de la navigabilité et le droit à l’exonération qui manque de netteté dans la Convention.

Toutefois, l’analyse de la jurisprudence et de la doctrine nous a amené au constat,

qu’en principe, les rédacteurs de la Convention de Bruxelles, inspirés de la common law,

ont fait de l’article III (1) une obligation primordiale, et de l’article III (2), une obligation

remplaçant la première, durant le voyage maritime. Cet ordre d’idée signifie que si le

dommage est causé par le manque de diligence raisonnable à assurer la navigabilité du

navire, le transporteur sera responsable des dommages causés à la cargaison et n’aura pas le

droit d’invoquer l’exonération. L’article IV (1) exige le lien de causalité entre l’exécution

de l’obligation de navigabilité et le dommage. Cela signifie que si un dommage a été causé

par l’inexécution de l’article III (1), le transporteur ne sera pas autorisé à invoquer

l’exonération de l’article IV.

En revanche, si le dommage est dû à la violation des obligations contenues dans

l’article III (2) relatives à la cargaison, le transporteur maritime peut se prévaloir des

dispositions de l’article IV. Le texte de Bruxelles est muet sur l’exigence du lien de

causalité entre l’inexécution de l’article III (2) et le dommage. Cependant, le discernement

dicte que le lien de causalité entre le non-respect de l’article III (2) et les dommages à la

marchandise rendent le transporteur responsable. Dans ce cas, il doit prouver que le

dommage ou une partie de celui-ci n’a pas été causé par sa faute, mais par un des cas

exceptés. En cas de concurrence des causes du dommage, le transporteur doit prouver que
281
le dommage ou une partie de celui-ci n’a pas été causé par la violation de ces obligations

sous l’article III (1) et (2).

Il a également été constaté que, certains cas exceptés ne sont pas faciles à

appréhender, notamment celui de la faute dans la navigation et dans l’administration du

navire, du péril de mer, de l’incendie et du cas fourre-tout de la lettre (q) de l’article IV.

Tout d’abord, la qualification de la faute dans la navigation et dans l’administration

du navire par les tribunaux est très difficile à déterminer. Ainsi, la qualification d’une faute

comme commerciale ou nautique n’est pas aisée, particulièrement lorsqu’il y a concours de

fautes. Il n’est pas toujours plausible de tracer la frontière entre les deux fautes. Les

hésitations de la jurisprudence, voire même sa confusion, sont saillantes dans la mise en

application des différents critères de distinction possibles. Nous avons dénoté que les

tribunaux ont progressivement adopté une approche restrictive justifiant de la perdition de

ce cas exonératoire et sa désuétude.

Aussi, le cas de péril de mer ne repose pas sur les mêmes critères pour sa

qualification par les différentes juridictions, donnant lieu à des interprétations divergentes.

Ensuite, la charge de la preuve du cas d’incendie incombant au chargeur est difficile

à saisir dans la situation du propriétaire de la cargaison qui ne se trouve pas sur les lieux du

dommage. Le transporteur est exonéré des conséquences d’un incendie à bord, à moins que

le chargeur ne puisse faire la preuve d’une faute personnelle de sa part.

Enfin, le cas excepté innommé des faits, constituant un événement non imputable au

transporteur, bouleverse le régime de responsabilité de plein droit de la Convention, en

énonçant la présomption de faute.

Nous avons proposé deux options pour résoudre ces difficultés, à partir de la

Convention de Bruxelles : soit la suppression de la liste des cas exceptés, dans la mesure où
282
elle ne contient que des exemples de cas où le transporteur n’est pas en faute et pourrait

facilement être considérée dans l’exception de l’art IV. 2 (q), pour toute autre cause ne

provenant pas de la faute du transporteur; soit, la suppression de ce cas et la conservation

des cas exceptés, à condition qu’ils répondent aux critères objectifs de la force majeure. Le

fait d’éliminer, par exemple, l’imprévisibilité pour qualifier le péril de mer au sein des

tribunaux australiens n’a pu ni réalisé une interprétation uniforme ni un abandon total de ce

critère dans l’appréciation des faits.

Les cas exceptés, dans leur état actuel, contredisent le fondement du régime de plein

droit de la Convention de Bruxelles, de sorte que l’interprétation des tribunaux nationaux

demeure flottante. Les juges continentaux, surtout, hésitent sur la méthode à suivre pour

interpréter ces règles qui souvent prêtent à confusion : s’agit-il d’une convention

internationale ou d’un modèle de connaissement anglais ou américain transformé en une

loi?

La seconde partie de notre analyse sur les régimes subséquents a démontré

l’évolution progressive de ce régime de responsabilité, sans toutefois réaliser la sécurité

juridique attendue.

Les Règles de Hambourg ont certainement simplifié ces difficultés en instaurant un

régime unitaire et une charge de preuve qui incombe clairement au transporteur.

Nonobstant, la rédaction de ce texte demeure submergée d’imprécisions. Aussi, le maintien

des cas exceptés d’incendie et d’assistance ou sauvetage en mer a mené à un renversement

du régime de preuve menant à l’incohérence de ce texte.

Les Règles de Rotterdam à leur tour reprennent la présomption de responsabilité du

transporteur avec un régime d’exonération semblable en apparence à celui des Règles de La

Haye⁄ Haye-Visby, sauf que les différences entre les deux régimes sont significatives, dues
283
souvent aux renvois difficiles à suivre, au régime de preuve et aux imprécisions quant à

l’application de la responsabilité partielle du transporteur.

La pierre angulaire de tout questionnement sur le régime de responsabilité du

transporteur maritime des Règles de Rotterdam est la formulation de l’article 17. Cet article

sur le régime exonératoire engendrera certainement de la confusion des règles attributives

de la charge la preuve. En outre, la répartition de la responsabilité pour la perte occasionnée

par une combinaison de causes posera de sérieuses difficultés en pratique.

Les divergences d’intérêts des participants à la rédaction de ce texte, comme ce fut

le cas pour ceux qui le précédèrent, ont produit un texte inextricable et lourd de

conséquences. La loi n’est-elle pas devenue une marchandise lorsque le régime de

responsabilité qu’elle impose varie selon le poids et la puissance des États?

Il est donc légitime de s’interroger sur l’avenir de ce nouveau texte. Les Règles de

Rotterdam incorporées dans un texte de quatre-vingt-dix articles vont-elles éliminer les

conflits de conventions et les divergences d’interprétation de plus d’un siècle?

Tant d’horizons d’interrogations se posent sur le sort de cette nouvelle convention et

spécialement sur sa réception et son application par les tribunaux.

Le choix du régime de responsabilité du transporteur maritime durant toutes ces

années repose sur le jeu du maintien ou la suppression des cas exceptés ou par un

renversement du fardeau de la preuve, car même s’il existe une volonté d’établir

l’uniformisation réelle du régime, la dynamique des négociations fait en sorte que les

résultats obtenus répondent davantage aux priorités politiques qu’aux objectifs de sécurité

juridique.
284
Inconfort et insécurité en résultent. Cette situation laisse planer une incertitude

constante sur le régime de responsabilité du transporteur, guidant les divergences

d’interprétation d’une juridiction à l’autre.

Voilà pourquoi nous avons proposé une restructuration du système juridique du

transporteur maritime par le truchement d’un retour aux sources : le droit romain. Pour

pallier les défaillances du régime de responsabilité du transporteur maritime, nous estimons

qu’une responsabilité objective mettra fin aux problèmes déjà évoqués.

La situation complexe actuelle manifeste une tendance à simplifier ces règles; le

recours à une responsabilité objective serait un pas vers la prévisibilité tant attendue.

Sur la base des différentes tentatives faites en vue d’harmoniser le droit maritime892,

les États ont omis que le particularisme du droit maritime figurait dans une longue tradition

historique fondée sur la simplicité de ces règles qui contribuait à son homogénéité.

L’observation de la tradition historique maritime peut servir à reconstruire une

théorie qui envisageait un système de droit général, d’autant plus que les autres modes de

transport routier et aérien ont favorisé cette initiative. Le processus d’unification ne peut se

départir d’un régime épars fondé d’une myriade de lois que s’il est empreint de solides

raisons à la recherche de la simplicité, du commun.

Cette approche peut paraître juridiquement inacceptable pour les armateurs et

intenable pour les juristes qui tiennent à leurs automatismes. Il est certain que les approches

juridiques sont fort variées et chacune recèle qualités et défauts. La question qu’il faudrait

se poser est celle de savoir si la structure des approches déjà adoptées fut adaptée aux

besoins qu’ils entendaient satisfaire : clarté, efficacité et prévisibilité. La réponse,

892
Cette uniformisation, loin d’être concertée, se fait de manière anarchique, de sorte que l’on assiste à une
superposition de réglementations nationales et internationales très complexes.
285
conformément à notre analyse, est négative. Il y a un regret latent dans la doctrine critique

et dans l’état actuel de la jurisprudence.

En revanche, souvent motivé économiquement par les coûts du contrat de

transports, un régime simple et cohérent permettra une distribution claire des risques893 et

mettra fin aux incertitudes et difficultés réelles issues des conventions en vigueur qui se

partagent ingénieusement un marché de responsabilités.

L’application de la règle des frais moindres que la perte encourue (en anglais

cheapest cost avoider) fait qu’un régime de responsabilité objective serait le mieux

équitable du point de vue économique. Compte tenu du contrôle que peut exercer le

transporteur sur la marchandise durant le voyage maritime, il devrait être responsable des

pertes causées à la marchandise. La position du transporteur devrait logiquement réduire le

coût du voyage. Rappelons que le propriétaire de la cargaison paie le coût des précautions

du transporteur dans le fret.

Un régime, sous cet aspect, aura un effet incitatif sur le comportement des parties à

exécuter dans les meilleures conditions le contrat de transport. La responsabilité du

transporteur en cas de dommage serait donc retenue si la force majeure ne peut pas être

établie.

Parvenu au terme de cette étude consacrée au régime juridique international du

transporteur maritime sous connaissement, nous espérons avoir démontré que le vœu de

l’uniformisation peut être exaucé si on opte pour la simplicité et c’est encore aux juges894

893
Voir : Guido CALABRESI, « Some Thoughts on Risk Distribution and the Law of Torts », dans Avery
Wienner KATZ, Foundations of the Economic Approach to Law, Oxford University Press, 1998, p. 42 et
suiv.
894
Le principe du droit anglais The judge made law n’est plus un principe énonciatif du droit propre à la
tradition anglaise de common law, c’est devenu un principe commun à tous les systèmes de droit.
286
de participer à cette évolution en se focalisant sur l’objet du contrat de transport maritime

d’acheminer la marchandise à destination en bon état.


287
Table de la législation

Textes internationaux

La Convention de Bruxelles pour l’unification de certaines règles en matière de


connaissement du 25 août 1924

Protocole portant modification de la Convention internationale pour l’unification de


certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924 sous le nom des Règles
des la Haye (Bruxelles, 23 février 1968)

Protocole portant modification de la convention pour l’unification de certaines règles


en matière de connaissement du 25 aout 1924, telle qu’amendée par le Protocole de
modification du 23 février 1968, sous le nom des Règles de Visby (Bruxelles, 21
décembre 1979)

La Convention des Nations Unies sur le transport des marchandises par mer,
Hambourg, 31 mars 1978, Doc. O.N.U. A\CONF. 89\14

La Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises


effectué entièrement ou partiellement par mer (Règles de Rotterdam), (Nations-Unies 2008)

Convention de Genève sur le transport international de marchandises par route, (CMR)


(Genève le 19 mai 1956)

Convention de Varsovie régissant le transport international par air, (Varsovie le 12


octobre 1929)

Règlements européens

Règlement (CE) no 417⁄2002 du Parlement européen et du Conseil du 18 février 2002


relatif à l’introduction accélérée des dispositions en matière de double coque ou de
normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque.

Directive (CE) no 21⁄1995 du Conseil du 19 juin 1995, sur le contrôle par l’État du port,
J.O.C.E., n˚ L 157 du 7 juillet 1995, modifiée par la Directive (CE) n˚ 42⁄ 1998 de la
Commission du 19 juin 1998

Textes nationaux

Textes canadiens

Le Code civil du Québec, (L.Q., 1991, c. 64.)

Loi canadienne sur la protection de l'environnement, (1999), L.C. 1999, c. 33


288
Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, c. 6

Textes britanniques

Merchant Shipping Act 1981, (1981) U.K. c. 10

Carriage of Goods by Sea Act, 1992, (1992) U.K., c. 50

Textes américains

Carriage of Goods by Sea Act, 1936 (COGSA), 46 U.S. Code Appendix 1300-1315

Harter Act, 1893, 46 U.S. Code Appendix 190-196

Textes français

Loi no66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètements et de transport maritime
289
Table des jugements
Jurisprudence canadienne
BHP Trading Asia Ltd. v. Oceaname Shipping Ltd., (1996) 67 F.C.R. 211
Biccard v. Shepherd, (1861) 14 Moo. P.C. 471, 15 E.R. 383
Canada Rice Mills Ltd. v. Union Marine and General Insurance Company Limite, [1940]
67 Ll.List.L.Rep. 549 (P.C.)
Canadian General Electric Co. Ltd. v. Picklord, [1971] R.C.S. 41
Canadian Klockner Ltd. v. D⁄S. A⁄S Flint Kubon and Federal Commerce and Navigation
Co. Ltd. (The Mica), [1973] 2 Ll.L.Rep. 478 (Can. F. Ct.)
Canadian National Railway Company v. E. and S. Barbour Limited, [1963] R.C.S. 323
Carling O’Keefe Breweries v. C.N. Marine, [1990] 1 F.C. 483
City of Baroda (Owners) v. Hall Line, (1926) 42 T.L.R. 717
Consolidated Mining & Smelting Co. v. Straits Towing Ltd., [1972] 2 Ll.L.Rep. 497 (Can.
Ct.)
Crelinsten Fruit Co. v. The Mormacsaga, [1969] 1 Ll.L.Rep. 515 (Ex. Ct. Can.)
Donaldson Line v. High Russel & Sons Ltd., (1940) 51 C.R.T.C. 258
Elders Grain Co Ltd v. M⁄V Ralph Misener, [2005] 3 F.C.R. 367
Falconbridge Nickel Mines Ltd. v. Chimo Shipping Ltd., [1974] R.C.S. 933
Francosteel Corp. v. Fednav. Ltd. (The Federal Danube), (1990) 37 F.T.R. 184
Goodfellow Lumber Sales Ltd. v. Verreault, [1971] R.C.S. 522
Gosse Millard v. Canadian Gov’t Merchant Marine, [1929] A.C. 223 (H.L. 1928)
Grain Growers Export Co. v. Canada Steamship Lines Ltd., (1918) 43 O.L.R. 330 (Ont.
S.C. App. Div.), conf. 59 R.C.S. 643 (1919)
Hayn v. Culliford (1878) 3 C.P.D. 410, conf. (1879) 4 C.P.D 182 (C.A.)
ITO-Int'l International Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752
Jian Sheng Co. Ltd. v. The ‘Trans Aspiration’’, [1998] 3 F.C. 418
Kalamazoo Paper Co. v. C.P.R., [1950] R.C.S. 356
Kruger Inc. v. Baltic Shipping Co., [1988] 1 F.C. 262, (1987) 11 F.T.R. 80 (Fed. C. Can.)
Kystone Transports Ltd. v. Dominion Steel & Coal Corp. Ltd., [1942] R.C.S. 495
Maxine Footwear Co., Ltd. v. Canadian Government Merchant Marine, [1959] A.C. 105,
[1959] 2 Ll. L. Rep. 105 (P.C.)
290
Parrish & Heimbecher Limited v. Burke Towing & Salvage Co. Ltd., [1943] R.C.S. 179
Paterson Steamships v. Canadian Cooperative Wheat Producers, [1934] A.C. 538 (P.C.)
QNS Paper vs. Chartwel, [1989] 2 R.C.S. 683
Quebec Marine Insurance Co. v. Commercial Bank of Canada, 3 P.C. 234 (1870)
Robin Hood Flour Mills, Ltd. v. N. M. Paterson & Sons, Ltd., (The Farrandoc), [1967] 2
Ll.L.Rep. 276 (Ex. Ct. Can.)
Santa Malta, [1967] 2 Ll.L.Rep. 391 (Ex. Ct. Can.)
Sotramex Inc. c. Québec, (procureur général), J.E. 96- 2258 (C.S.)
St Lawrence Construction Ltd. v. Federal Commerce and Navigation Co Ltd, [1985] 1 F.C.
767
The Carron Park, (1890) 15 P.D. 203
The Gamlen, (1980) 142 C.L.R. 142
The Quebec Marine Insurance Company v. The Commercial Bank of Canada, 3 P.C. 234
(1870)
Toronto Elevators, Ltd. v. Colonial Steamships Ltd., [1950] Ex. C.R. 371
Transocean Machine Co. Inc. v. Oranje Line, [1958] Ex. C.R. 227 (Can.)
Union Carbide Corp. v. Fednav Ltd., (1997) 131 F.T.R. 241
Vassalo and Clare c. T.C.A., (1963) 38 D.L.R. 383 (Ont. H.C. 1963)

Jurisprudence américaine
Adkins v. Hinton, 142 S.E.2d 889 (1965)
Aff. Singapore Navigation Company v. Mego Corporation, 540 F.2d 39, [1976] A.M.C.
1513 (2nd Cir. 1976)
Albina Engine & Mach. Works, Inc. v. Hershey Chocolate Corp., 295 F.2d 619, 622 (9 th
Cir. 1961)
Amercian Mail Line v. U.S.A., 377 F. Supp. 657 (W.D.Wash. 1974)
American Mail Line v. Tokyo M. & F. Ins. Co. 270 F.2d 499, [1959] A.M.C 2220 (9 th Cir.
1959)
American Oil Co. v. Steamship Ionian Challenger, 257 F. Supp. 540 (D.C., S.D.N.Y. 1965)
American President Lines, Ltd. v. Redfern, 345 F.2d 629 (9 th Cir. 1965)
American Smelting and Refining Co v. Ss Irish Spruce Irish Shipping Ltd., 548 F.2d. 56,
(2nd Cir. 1976)
291
American Tobacco Co. v. S.S. Katingo Hadjipatera, 81 F. Supp. 438 (S.D.N.Y.1948)
Ann Cuba v. The Ruth, 192 F. Supp. 607 (D. Puerto Rico 1961)
Argo Merchant Lim. Procs., 486 F. Supp. 436, [1980] A.M.C. 1986 (S.D.N.Y. 1980)
Asbestos Corp. v. Cyprien Fabien (The Marquette), 480 F.2d 669, [1973] A.M.C. 1683 (2nd
Cir. 1973)
Atlantic Banana Co. v. MV Calanca, [1972] A.M.C. 880 (S.D.N.Y. 1972)
Atlantic Mutual Insurance Co. v. Poseidon Siffahrt, 313 F.2d. 872 (7 th Cir. 1963)
B. Elliot v. J.T. Clark, 542 F. Supp. 1367, [1983] A.M.C. 1392 (D. Md. 1982)
Berkshire Fashion, Inc. v. M⁄ V Hakusan II, 954 F.2d 874, [1992] A.M.C. 1171 (3d Cir.
1991)
Blanchard Lumber C. v. S.S. Anthony II, [1967] A.M.C. 103 (S.D.N.Y. 1966)
British West Indies Produce, Inc. v. SS Atlantic Clipper, 353 F. Supp. 548 (D.C., S.D.N.Y.
1973)
Bubble Up International, Ltd. v. Transpacific Carriers Corp. 458 F. Supp. 1100, [1978]
A.M.C. 2692 (S.D.N.Y. 1978)
Calif. Packing Corp. vs. States Marine, [1960] A.M.C. 2203 (N.D. Cal., 1960)
Caltex Refining Co. Pty. Ltd. v. BHP Transport Ltd. (The Iron Gippsland), [1993] 34
N.S.W.L.R. 29, [1994] 1 Ll.L.Rep. 335 (N.S.W.S.C. 1993)
Cargo Carriers Inc. v. Brown S.S. Co., 95 F. Supp. 288 (W.D.N.Y. 1950)
Carlson v. A & P. Corrugated Box Corp., 364 Pa. 216 (1950)
Clark v. Barnwell, 53 U.S. 272 (1851)
Commercio Transito Int. Ltd. v. Lykes Bros. Steamship Co Inc, [1957] A.M.C. 1188 (2nd
Cir. 1957)
Complaint of Ballard Shipping Co., 823 F. Supp. 68, [1993] A.M.C. 1428 (D.R.I. 1993)
Complaint of Grace Line Inc., 397 F. Supp. 1258, [1974] A.M.C. 1253 (S.D.N.Y. 1973)
Consol Grain v. Marcona Conveyor Corp., 716 F. 2d 1077, [1985] A.M.C. 117 (5 th Cir.
1983)
Cora v. Trowbridge Outdoor Adv. Corp., 18 N.J. Super. 1 (App. Div. 1952)
Crumady v. The Joachim Hendrick Fisser, 358 U.S. 423 (1959)
Diethelmand and Co. v. SS. Flying Trader, 141 F. Supp. 271 (S.D.N.Y. 1956)
Dow Chemical Co. (U. K.) v. S.S. Giovanella D'Amico, 297 F. Supp. 699 (S.D.N.Y. 1969)
E.C.L. Sporting Goods v. U.S Lines, Inc., 317 F. Supp. 1245 (D.C., Mass 1969)
292
EM Chemicals v. Sloman Najade, [1987] A.M.C. 1689 (S.D.N.Y. 1987)
Encyclopedia Britannica, Inc. v. S.S. Hong Kong Producer, [1969] A.M.C. 1741, [1969] 2
Ll.L.Rep. 536 (2nd Cir. 1969)
F.W. Pirie Co.Ltd. v. S.S. Mormactrade, [1970] A.M.C. 1227 (S.D.N.Y. 1970)
Federazione Italiana. v. Mandask Compania, [1965] A.M.C. 928 (2nd Cir. 1965)
Firemen’s Fund Insurance Companies v. M⁄V Vigsnes, 794 F.2d 1552, [1986] A.M.C. 1899
(11 th Cir. 1986)
Freedman & Slater v. M.V. Tofevo, 222 F. Supp. 964, [1963] A.M.C. 1525 (S.D.N.Y.
1963)
Freifield v. Hennessy, 353 F.2d. 97 (3d Cir. 1965)
Fruitex Corp. v. GTS Eurofreighter, [1980] A.M.C. 2710 (D.C., S.D.N.Y. 1980)
General Cocoa Co. v. S.S. Lindenbank, [1979] A.M.C. 283 (S.D.N.Y. 1978)
General Electric Company. v. ancy-lykes, 706 F.2d 80 ( 2nd Cir. 1983)
General Foods Corp. v. The Troubador, 98 F. Supp. 207 (S.D.N.Y. 1951)
General Foods Corp., Maxwell House Div. v. The Mormacsurf, 276 F.2d. 722, [1960]
A.M.C. 1103 (2nd Cir. 1960)
Given v. Vaughn-Griffin Packing Co.,1 So. 2d 714 (Fla. 1941)
Grace Line, Inc. v. Todd Shipyards Corp, 500 F.2d 361, [1974] A.M.C. 1136 (9 th Cir.
1974)
Grace Lines Inc. v. Central Gulf Steamship Corp., 416 F.2d 977 (5 th Cir. 1969)
Great American Insurance Co. v. Bureau Veritas, 478 F.2d 235 (2nd Cir. 1973)
Hartford Accident & Indem. Co. v. Gulf Ref. Co., 230 F.2d 346, 355 (5 th Cir. 1956)
Hasbro Indus. v. M.S. St. Constantine, 698 F.2d 1008, 1010 (9 th Cir. 1983)
Hellenic Lines v. United States of America, 512 F.2d 1196, [1975] A.M.C. 697 (2nd Cir.
1975)
Horn v. C.I.A. de Navigacion Fruco S.A., 404 F.2d 422 (5 th Cir. 1968)
Insurance Co. of North America v. S.S. Flying Trader, 306 F. Supp. 221, [1970] A.M.C.
432 (S.D.N.Y. 1969)
Interstate Steel v. Crystel Gem, [1970] A.M.C. 617 (S.D.N.Y. 1970)
J. Gerber Co. v. S.S. Sabine Howaldt, 437 F.2d 580, 596 (2nd Cir. 1971)
Jordan Int’l v. Piran, [1975] A.M.C. 130, 137 (S.D.N.Y. 1974)
Karobi Lumber Co. v. S.S. Norco, [1966] A.M.C. 315 (S.D. Ala. 1966)
293
Kennedy v. Union Elec. Co., 216 S.W. 2d 756 ( Mo. 1948)
Kimble v. Mackintosh Hemphill Co., 359 Pa. 461 (1948)
Leon Bernstein Co. v. S.Wilhelmsen, 232 F.2d 771, [1956] A.M.C. 754 (5th Cir. 1956)
Louis Wessels. v. S.S. Asturias, 126 F.2d 999 (2nd Cir. 1942)
Louise, 54 F. Supp. 157, [1943] A.M.C. 1246 (D. Md. 1943)
Manx Fisher, [1954] A.M.C. 177 (nd Cal. 1953)
McKinnon Co. v. Moore-McCormack Lines, [1959] A.M.C. 1842 (S.D.N.Y. 1959)
Meyer Bros. Hay & Grain Co. v. National Malting Co., 124 N.J.L. 321 (Sup. Ct. 1940)
Mississipi Shipping Co. v. Zander & Co., 270 F.2d 345 (5 th Cir. 1959)
Missouri Pac. R.R. v. Terrell, 410 S.W.2d 356 (Mo. Ct. App. 1966)
Mitchell v. Trawler Racer, Inc., 362 U.S. 539 (1960)
Moonwalk Intl. v. Seatrain Italy, [1985] A.M.C. 1270 (S.D.N.Y. 1984)
Morrisey et al. v. SS. A. & J. Faith, 252 F. Supp. 54, [1966] A.M.C. 71 (N.D. Oh. 1965)
Naples Maru, 106 F.2d 32 (2nd Cir. 1939)
New Rotterdam Ins. Co. v. S.S. Loppersum, 215 F. Supp. 563, [1963] A.M.C. 1758
(S.D.N.Y. 1963)
Orient Ins. Co. v. United S.S. Co., [1961] A.M.C. 1228 (S.D.N.Y. 1961)
Pacific Emp. v. M/V Mini Lass, [1983] A.M.C. 2196, 2201 (E.D. La. 1982)
Page Communications Engineers, Inc. v. Hellenic Lines, Ltd., 356 F. Supp. 456 (D.C.D.C.
1973)
Pan-American Petroleum Transportation v. Robins Dry dock & Repair Co., 281 F. 97 (2nd
Cir. 1922)
Parnass International Trade & Oil Corp. v. Sea-Land Service, Inc, 595 F. Supp. 153 (D.C.,
S.D.N.Y. 1985)
Peter Paul inc. v. The M\S Christer Salem, 152 F. Supp. 410 (S.D.N.Y. 1957)
Philippine Bear, [1960] A.M.C. 670, 682 (A.S.B. C.A. 1959)
Quaker Oats Co. v. M⁄V Torvanger, 734 F.2d 238 (5 th Cir. 1984)
Reid v. Quebec Paper Sales & Transp.Co., 340 F.2d 34 (2nd Cir. 1965)
Remington Rand v. American Export Lines, [1955] A.M.C. 1789 (S.D.N.Y. 1955)
Rita Sister, [1946] A.M.C. 910 (E.D.pa. 1946)
Sears Roebuck & Co. v. American President Lines, [1972] 1 Ll.L.Rep. 385 (U.S.Ct. 1972)
Schaff v. Govan Roach, 46 A.L.R. 296 (Sup. Ct. Okla. 1925)
294
Shaver Transportation Co. and Weyerhaeuser Co. v. The Travelers Indemnity Co. 481 F.
Supp. 892, [1980] A.M.C. 393 (d. Ore. 1979)
Shnell & Co. v. S.S. Vallescura, 293 U.S. 296, [1934] A.M.C. 1573 (U.S.Ct. 1934)
Sony Magnetic Products of America v. Merivienti O⁄Y, 863 F.2d 1537 (11 th Cir. 1989)
Southern Pacific Co. v. Loden, 508 P. 2d 347 (C.A. Ariz. 1973)
States Steamship United States, 259 F.2d 458 (9 th Cir. 1958)
Steel Coils, Inc. v. M⁄V Lake Marion, 331 F.3d 422, [2003] A.M.C. 1408, [2003] E.T.L.
601(5 th Cir. 2003)
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Jurisprudence anglaise
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Cheikh Boutros Selim El-Khoury and Others v. Cylon Shipping Lines, Ltd. (The
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Nippon Yusen Kaisha v. Ramjiban Serowgee, [1938] 2 All E.R. 285 (P.C.)
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Papera Traders Co. Ltd. and Others v. Hyundai Merchant Marine Co. Ltd. and Another
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Parsons Corp. v. C.V. Scheepvaartonderneming ‘’Happy Ranger’’, [2002] 2 Ll.L.Rep. 357
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R. F. Brown & Co. Ltd. v. T. & J. Harrison, (1927) 43 T.L.R. 633 (C.A. 1927)
Rhesa Shipping Co SA v. Edmunds (The Popi M), [1985] 2 Ll.L.Rep. 1 (H.L.)
Riverstone Meat Co. v. Lancashire Shipping Co. (The Muncaster Castle), [1961] 1 Ll.L.
Rep. 57, [1961] A.C. 807 (H.L.)
Rowson v. Atlantic Transport Co., [1903] 2 K.B. 666
Sea Bridge Shipping Ltd. v. Antco Shipping Ltd. (The Furness Bridge), [1977] 2 Ll.L.Rep.
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Silver Coast Shipping Co. Ltd. v. Co-operatives Agricoles Des Cereales (The Silver Sky),
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Smith Hogg & Co v. Black Sea & Baltic General Insurance Co. Ltd., [1940] 67
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Stag Line, Ltd. v. Foscolo, Mango & Co., Ltd., [1932] A.C. 328, [1931] All E.R. 666,
(H.L.)
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Suzuki & Co Ltd. v. J. Bynon & Co Ltd., (1926) 42 T.L.R 269 (H.L.)
Svenssons Travarnaktiedodbolay v. Cliffe S.S. Co., [1932] 1 K.B. 491
Tattersall v. National S.S. C., (1884) 12 Q.B.D. 297
Tempus Shipping Co. v. Louis Dreyfus, [1930] 1 K.B. 699
The Apostolis, [1996] 1 Ll. L. Rep. 475, [1997] 2 Ll.L.Rep. 241 (C.A.)
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The Coral, [1992] 2 Ll.L.Rep. 158 (Q.B.)
The Derby, [1985] 2 Ll.L.Rep. 325 (C.A.)
The Evje, [1976] 2 Ll.L.Rep. 714 (Q.B.)
The Friso, [1980] 1 Ll. L. Rep. 469 (Adm. Ct.)
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The Galileo, [1915] A.C. 199 (H.L. 1914)
The Lady Gwendolen, [1965] 1 Ll.L.Rep. 335 (C.A.)
The Lendoudis Evangelos, [2001] 2 Ll.L.Rep. 304 (Q.B.)
The Makedonia, [1962] 1 Ll.L.Rep. 316 (Adm. Ct.)
The New Zealand Shipping Co. Ltd. v. A. M. Satterthwaite & Co. Ltd. ( The Eurymedon),
[1974] 1 LL.L.Rep. 534 (P.C.)
The Tilia Gorthon, [1985] 1 Ll.L.Rep. 552 (Adm. Ct.)
The Toledo, [1995] 1 Q.B. (Adm. Ct.)
The Torenia, [1983] 2 Ll.L.Rep. 210 (Q.B.)
The Torepo, [2002] 2 Ll.L.Rep. 535 (Adm. Ct.)
The Xantho, 12 App. Cas. 503 (H.L. 1887)
The Yamatogowa, [1990] 2 Ll.L.Rep. 39 (Q.B.)
Trafigura Beheer BV v. Mediterranean Shipping Co SA (The MSC Amsterdam), [2007] 2
Ll.L.Rep. 622 (C.A.)
Union of India v. N.V. Reederij Amsterdam (The Amstelot), [1963] 2 Ll.L.Rep. 223 (H.L.)
Yorkshire Dale Steamship Co. Ltd. v. Minister of War Transport (The Coxwold), [1942] 2
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Jurisprudence française
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C.A. Rouen, 11 juin 1948, D.M.F.1950.65
Trib. com. Papeete, 24 février 1950, D.M.F.1951.93
Trib. com. Marseille, 25 mai 1950, D.M.F.1951.246
Civ., 5 juin 1950, D.M.F.1950.423
Trib. com. Marseille, 7 juillet 1950, D.M.F.1951.398
Trib. com. Dunkerque, 9 avril 1951, D.M.F.1952.36
Trib. com. Marseille, 27 avril 1951. D.M.F.1952.104
C.A. Montpellier, 26 février 1952, D.M.F.1953.8
Cass. com. 19 mars 1952, D.M.F.1952.360
C.A. Paris, 20 octobre 1952, D.M.F.1953.80
C.A. Rouen, 18 mai 1956, D.M.F.1956.529
C.A. Rennes, 21 novembre 1956, D.M.F.1957.94
299
C.A. Rouen, 27 septembre 1957, D.M.F.1958.478
Cass., 20 mars 1959, Dir. Mar.1959.359
C.A Paris, 19 juin 1959, D.M.F.1960.86
Cass. 10 novembre 1959, D.M.F.1960.141
Trib. com. de la Seine, 28 juin 1961, D.M.F.1962.620
Cass., 20 février 1962, D.M.F.1962.335
Trib. com. Rouen, 09 mars 1962, D.M.F.1963.407
Trib. com. Bordeaux, 11 janvier 1963, D.M.F.1963.230
Cass., 11 mars 1965, D.M.F.1965.408
Trib. com. Paris, 15 mai 1968, D.M.F.1969.234
Cass. 4 juillet 1972, D.M.F.1972.717
C.A. Aix-en-Provence, 6 décembre 1972, Revue Scapel 1973.15
C.A. Paris, 12 décembre 1972, D.M.F.1973.292
C.A. Paris, 9 janv. 1973, D.M.F.1973.345
C.A. Paris, 4 décembre 1973, D.M.F.1974.233
C.A. Paris, 4 décembre 1973, D.M.F.1974.233
Paris, 30 avril 1974, D.M.F.1974.738
Cass. Com., 3 décembre 1974, D.M.F.1975.221
Trib. com. Marseille, 7 février 1975, D.M.F.1976.43
Trib. Com. Paris, 15 février 1978, D.M.F.1979.726
C.A. Paris, 29 novembre 1978, D.M.F.1979.80
Trib. com. Paris, 30 mai 1979, D.M.F.1981.233
Trib. com. Paris, 13 juin 1979, D.M.F.1980.483
C.A. Aix-en-Provence, 4 avril 1980, D.M.F.1980.599
Cass. 17 juillet 1980, D.M.F.1981.209
C.A. de Lyon, 31 octobre 1980, B.T.1981.12
C.A. Aix-en-Provence, 28 février 1984, D.M.F.1985.402
C.A. Aix-en-Provence, 27 février 1985, D.M.F.1987.147
C.A. Aix-en-Provence, 9 octobre 1985, D.M.F.1987.151
C.A. de Rennes, 21 juin 1985, D.M.F.1986.675
C.A. Paris, 13 octobre 1986, D.M.F.1988.101
C.A. Montpellier, 4 décembre 1986, D.M.F.1988.376
300
C.A. Paris, 29 mai 1987, D.M.F.1988.170
Cass. 21 juillet 1987, D.M.F.1987.178
C.A. Paris, 13 mai 1988, D.M.F.1989.245
C.A. Rouen, 8 septembre 1988, D.M.F.1991.360
C.A. Aix-en-Provence, 19 octobre 1988, D.M.F.1990.39
C.A. Aix-en-Provence, 8 novembre 1988, D.M.F.1990.704
C.A. d’Aix-en-Provence, 27 octobre 1989, D.M.F.1989.126
Cass. 13 juin 1989, D.M.F.1990.467
Cass. 26 février 1991, D.M.F.1991.358
C.A. Aix-en-Provence, 4 juin 1991, Revue Scapel 1991.103
Cass. 17 nov. 1992, B.T.L.1993.50
C.A. Paris, 24 avril 1992, D.M.F.1993.142
Cass. 1 décembre 1992, D.M.F.1993.44
Trib. com. Bordeaux, 25 septembre 1993, D.M.F.1993.731
Trib. com. Marseille, 15 février 1994, Revue Scapel 1994.105
Civ.1er, 9 mars 1994, Bull. civ.I, no 91
Trib. com. Paris, 20 décembre 1994, B.T.1995.779, D.M.F.1996.243
Trib. com. Marseille, 26 mai 1995, B.T.L.1995.568
C.A. Paris, 29 septembre 1995, D.M.F.1996.905
Cass. 27 juin 1995, D.M.F.1996.302
C.A. Paris, 22 novembre 1996, B.T.L.1996.157
C.A. Paris, 15 janvier 1997, B.T.L.1997.200
C.A. Aix-en-Provence, 7 mai 1997, D.M.F.1998.29
Com. 1er octobre 1997, Bull. Civ.IV, n˚ 240
C.A Paris, 3 décembre 1997, D.M.F.1998.588
Trib. com. Paris, 10 septembre 1997, D.M.F.1998.585
Cass. 3 février 1998, D.M.F.1998.594
Trib. com. Marseille, 18 décembre 1998, D.M.F.1999.336
Cass. 11 mai 1999, D.M.F.2000.39
Cass. 7 décembre 1999, D.M.F.2000.827.
C.A. Rouen, 24 février 2000, D.M.F.2000.830
C.A. Paris, 12 mai 2000, Bull.Trans.2000.800
301
C.A. Aix en Provence, 19 janvier 2001, D.M.F.2001.820
Cass. 20 février 2001, D.M.F.2001.919
C.A. Aix en Provence, 7 septembre 2001, Revue Scapel 2002.40
C.A. Versailles, 20 décembre 2001, D.M.F.2002.251
C.A. Douai, 31 janvier 2002, D.M.F.2002.586
C.A Rouen, 28 février 2002, D.M.F.2002.965
C.A. Aix-en-Provence, 14 mai 2004, D.M.F.2005.322
C.A. Bordeaux, 31 mars 2005, D.M.F.2005.839
C.A. Rouen, 24 novembre 2005, D.M.F.2006.506
Sentence arbitrale, 3 janvier 1996, D.M.F.1996.830
Sentence arbitrale, 24 octobre 1997, D.M.F. 1998.706
Sentence arbitrale, 27 novembre 1997, D.M.F.1998.710

Jurisprudence australienne
Great China Metal Industries Co. Ltd. v. Malaysian International Shipping Corporation
Berhad (The Bunga Seroja) (1998) 158 A.L.R. 1, [1999] 1 Ll.L.Rep. 512, [1999] A.M.C.
427 (H.C. Aust.)
Minnesota Mining & Manufacturing Pty. Ltd. v. The Ship Novoaltaisk, [1972] 2
N.S.W.L.R. 476
Sanko Steamship Co. Ltd. v. Sumitomo Austrilia Ltd., (1995) 63 F.C.R. 227, 285 (Fed. C.
Aust.).
Shipping Corporation of India Ltd v. Gamlen Chemical Co. (A⁄Asia) Pty Ltd, 147 C.L.R.
142 (H.C. Aust. 1980).
Wilson v. Darling Island Stevedoring and Lighterage Company Ltd, [1956] 1 Ll.L.Rep. 346
(H.C. Aust.)

Jurisprudence d’autres pays


C.A. Amsterdam, 27 janvier 1954, cité par H. Schadée, « Résumé de la jurisprudence
néerlandaise- 1957, 1958 », D.M.F.1960.313.
C.A. Haye, 20 April 1993, S&S 1995.11
East & West Steamship Co. v. Hossain Brothers, [1968] 2 Ll.L.Rep. 145 (Pakistan Ct.)
Rotterdam District Court, 30 December 1999, S&S 2001.25
302
Sjöförsäkrings AB Oresund c. Rederi AB Iris, D.M.F.1963.439 (C.S. Suède)
The Patraikos, (2002) 4 S.L.R. 232 ( H.C.Singapore)
Thorden Lines A.B. v. Stockholms Sifrsakrings, 1 décembre 1962, cité par Kaj Pineus, «
Jurisprudence suédoise », D.M.F.1963.439.
Zim Israel Navigation Ltd. v. The Israeli Phoenix Assurance Company Ltd. (The Zim-
Marseilles), [1999] E.T.L. 535 (C.S. Israël 1998)
C.S. marocaine, 10 juin 1987, numéro 1318, dossier 91556 (non publié)
C.S. marocaine, 14 septembre 1988, numéro 2353 (non publiée)

Jurisprudence des autres modes de transport


C.A. Paris, 14 mars 1960, R.F.D.A.1960.317
Garcia v. Pan American Airways, [1946] U.S. Av. R. 496
C.A. Paris, 25 février 1954, R.F.D.A.1954.45
Manufacturers Hannover Trust Company v. Alitalia Airlines, 14 Avi 17, 710 (S.D.N.Y.
1977)
Pawells v. Sabena, [1950] U.S.Av. R. 367
Rugani v. KLM Royal Dutch Airlines, [1954] US.Av.R. 74 (Ct. New York 1954)
303
Bibliographie

Monographies et ouvrages collectives

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ANDERLINDEN, J., Histoire de la Common Law, Centre international de la common


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ANGELL, J.-K., A Treatise of the Law of Carriers of Goods and Passengers by Land and
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