Corrige Chapitre1 PDF
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1. Dire l’amour
1 - Dire l'amour 21
Chapitre 1
la sinistre imagination de l’amante dans les bras d’un autre. Le vers final évoque de
façon toujours aussi malicieuse le besoin maladif de signes d’amour, qui mène à la
lecture sans fin de la lettre reçue.
Écrivez
Les élèves seront libres d’utiliser ou non les informations de la légende de l’image : à
eux de valoriser leur connaissance de l’histoire de Roméo et Juliette, le cas échéant
(le peintre a sans aucun doute représenté la scène 5 de l’acte III). Les consignes
données étant restreintes, les élèves auront le choix entre un dialogue encadré par un
récit, ou un dialogue théâtral. La mise en valeur des détails du tableau sera valorisée :
Juliette est en chemise de nuit, Roméo est habillé, c’est le matin, le décor est celui
d’un palais. Enfin, la mobilisation d’une rhétorique amoureuse – déclarations, lamen-
tations, promesses et questions – est attendue.
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Chapitre 1
Partie 1 : L’absence de l’être aimé
dans la poésie lyrique (p. 20 à 35)
Texte 1
p. 20
Un amant inquiet Durée de
la séance 1h
Poésies. La Retenue d’Amour, ballades, chansons,
complaintes et caroles, Charles d’Orléans, xv siècle. e
Stratégies pédagogiques
« Dire ou ne pas dire » : question intemporelle dont Charles d’Orléans rassemble
les enjeux en un rondeau. La forme même du poème, faite de répétitions, donne à
entendre l’insoluble hésitation du poète, qui ouvre et ferme son poème sur la même
question. Il sera donc intéressant d’attirer l’attention des élèves à la fois sur le ca-
ractère intemporel de cette question (pourquoi est-il si difficile d’avouer ses senti-
ments ?) et sur la transformation poétique que le troubadour fait de son désarroi. À
la fin, il est moins important d’avoir pris une décision que d’avoir changé la peine en
musique.
1 - Dire l'amour 23
rondeau, agit comme un refrain et donne son côté musical au texte. La répétition d’un
distique, dans le rondeau, complexifie la logique musicale d’attente et de résolution
instaurée par les rimes. Ainsi, au schéma de rimes embrassées (première strophe) puis
croisées (deuxième strophe), s’ajoute un schéma, de distiques embrassants (v. 1-2
puis 7-8). La répétition des deux vers produit, à l’échelle du poème, un effet de circu-
larité qui souligne la perplexité du poète, qui se perd dans un questionnement sans fin.
4. Aux vers 5 et 6, il semble que le poète choisisse de se murer dans son silence.
L’enjeu est double : se prémunir soi-même contre la déception (il dit à son cœur qu’il
veut s’assurer de son « bien ») et ne pas entamer la réputation de sa dame (« son
honneur » fait ici référence à celui de la bien-aimée).
5. On compte trois occurrences du verbe « aller » dans le poème, toutes à la 1re per-
sonne du singulier. Les deux premières sont au futur simple (v. 2 et 8), la troisième
est au présent de l’indicatif (v. 12). Le passage du futur au présent correspond au
passage de la question en affirmation : « Irai-je » s’est mué en « J’y vais ». On peut
imaginer qu’à la fin du texte, le poète s’est décidé à témoigner ses sentiments.
L’éloge de la bien-aimée
9. La bien-aimée n’est désignée que de façon allusive dans le poème. Il s’agit tout
d’abord du groupe nominal « la belle » (v. 2 et 8), qui souligne une caractéristique
qui a retenu l’attention du poète. Il utilise l’article défini, comme si cette bien-aimée
éclipsait par sa beauté toutes les autres femmes et s’imposait comme l’unique objet
d’adoration possible, réfutant l’ambiguïté référentielle. De même, la bien-aimée est
désignée grâce aux pronoms personnels compléments « elle » (v. 4 et 10), « lui »
(v. 3) et « la » (v. 9). Notons que le pronom « elle », qui ne connaît d’antécédent que
le groupe nominal « la belle », s’offre à l’oreille comme un écho de ce nom. Tous ces
pronoms renvoient à l’unicité incontestable du sujet de l’adoration.
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Chapitre 1
10. Dans la troisième strophe, le poète se remémore la « douceur » (v. 9) et la
« grâce » (v. 10) de sa bien-aimée. Ces deux qualités contribuent à donner une ver-
sion idéalisée de la dame. La « grâce » est une qualité qui la rend divine, et la « dou-
ceur » sonne comme l’écho adouci de la « douleur » ressentie par le poète. La simple
pensée de la dame offre un réconfort.
11. Il est délicat d’affirmer que le poète s’est décidé à la fin du poème. Certains élé-
ments, il est vrai, incitent à le penser. Le réconfort trouvé dans la pensée de la dame,
dans la troisième strophe, puis le renversement de la question du vers 2 en affirma-
tion (« J’y vais », v. 12) font penser qu’une déclaration d’amour va suivre. Mais la
décision du vers 12 est nuancée par une question qui prouve que tous les doutes ne
sont pas levés. De même, le retour de la question initiale à la fin du poème tend à faire
penser que rien n’est joué et que l’hésitation demeure entière.
Bilan
12. Ce texte met en lumière plusieurs dimensions du sentiment amoureux. Tout
d’abord, le poète donne à entendre le trouble dans lequel plonge celui qui est amou-
reux. Le ressassement des questions, la considération de l’alternative et l’indécision
finale montrent que l’amour déstabilise celui qui en est affecté. Peut-être est-ce un
effet de la violence avec laquelle il se manifeste dans le cœur de celui qui aime :
témoigner son amour permettrait au poète, à tout le moins, de trouver un premier
soulagement, tant est douloureuse l’épreuve secrète du sentiment. Le poème nous
révèle aussi que l’amour peut s’accompagner d’un processus d’idéalisation, rendu
visible par la désignation de la femme aimée par la seule expression « la belle » et
un ensemble de pronoms, dans le souci du poète de préserver « son honneur ». Il
faut attendre la troisième strophe pour que la bien-aimée soit considérée comme une
interlocutrice véritable, que sa « douceur » rend plus humaine, et dont la « grâce »
anticipée tend quelque peu à dissiper les craintes du poète.
Langue
Aller, présent de l’indicatif : je vais, tu vas, il va, nous allons, vous allez, ils vont.
Aller, futur de l’indicatif : j’irai, tu iras, il ira, nous irons, vous irez, ils iront.
Subir, présent de l’indicatif : je subis, tu subis, il subit, nous subissons, vous subis-
sez, ils subissent.
Subir, futur de l’indicatif : je subirai, tu subiras, il subira, nous subirons, vous subirez,
ils subiront.
1 - Dire l'amour 25
Oral
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Chaque vers est bien articulé.
L’intonation est la bonne pour chaque vers.
Les vers s’enchaînent de façon fluide lors de la récitation collective.
Texte 2
p. 22
Une absence fatale Durée de
la séance 1h
Élégies,
Louise Labé, 1555.
Stratégies pédagogiques
Le texte proposé est la fin de la seconde élégie : après avoir déploré l’absence de
nouvelles de son « Ami » et évacué toutes les raisons valables de ce silence, la poète
prédit sa mort prochaine et va jusqu’à inventer sa propre épitaphe. À la différence du
rondeau de Charles d’Orléans, le poème est ouvertement adressé à quelqu’un – mais
il faut souligner le caractère conventionnel de cette situation d’énonciation. L’« Ami »
de Louise Labé n’est pas moins artificiel et convenu que les égéries de Ronsard. Il
sera donc intéressant d’attirer l’attention sur ce paradoxe : la poète prétend s’adres-
ser à quelqu’un, mais ne lui laisse aucune chance de salut. L’autre est pris au piège
d’un chantage affectif dont il n’a que peu de chance d’arrêter le mécanisme. Est-ce
véritablement de l’amour qui est témoigné ?
26
Chapitre 1
Comprendre le texte
La cruauté de l’amour
2. L’auteure du poème, peinée par l’éloignement de son « Ami », se trouve dans un
état critique. Toute sa vie actuelle se réduit à un dépérissement fatal, d’où la précision
donnée au vers 3 : « Ne vivant pas, mais mourant ». La poète est victime de son sen-
timent amoureux, dépeint en meurtrier au vers 4.
3. L’amour est désigné par le mot « feu » (v. 14), et la métaphore est filée : « enflam-
mée », « consumée », « cendre embrasée » appartiennent au champ lexical du feu.
Cette métaphore est un lieu commun de la poésie française, qui trouve notamment sa
source dans la poésie de Pétrarque, au xive siècle. L’intensité du sentiment amoureux,
l’étourdissement et les chaleurs qu’il provoque, trouvent une représentation emblé-
matique avec le feu. Sa puissance destructrice explique aussi cette métaphore, tant
le sentiment amoureux peut s’avérer dévastateur pour qui l’éprouve – et la poète se
dépeint en train de mourir d’amour, il ne restera bientôt plus d’elle qu’une « cendre ».
La métaphore du feu prépare aussi le dernier vers : quand il visitera la tombe de sa
bien-aimée, l’amant repentant devra verser des larmes, élément liquide, antithétique
du feu, pour l’éteindre.
La mort de la poète
6. Le « blanc marbre » est bien entendu celui de la pierre tombale sous lequel le
« cercueil » (v. 10) de la poète sera inhumé.
7. Les quatre derniers vers sont écrits en lettres majuscules pour reproduire la so-
lennité de l’inscription gravée sur une tombe. Il s’agit d’une épitaphe (du grec epi,
« sur », et taphos, « tombeau »).
8. La poète pressent que sa dépouille continuera de souffrir, c’est le sens de l’oxy-
more « cendre embrasée » (v. 15). Il faudra donc que l’amant verse des pleurs pour
éteindre le feu de l’amour, demeuré vif et destructeur même après qu’il l'a tuée. Les
larmes véritables doivent éteindre un feu métaphorique. De ce fait, le rapport d’ana-
logie entre l’amour et le feu semble disparaître, et c’est comme un véritable feu qui
vivra sous la tombe, en attendant les larmes salvatrices.
1 - Dire l'amour 27
Bilan
9. Cet extrait de la seconde élégie de Louise Labé sert bien sûr à exprimer un tour-
ment : la « peine » (v. 2) provoquée par l’absence de l’être aimé. Cependant, l’accès
de désespoir s’accompagne d’un chantage affectif visant à faire revenir le bien-aimé
parti : le texte a une visée persuasive. L’éloquence pathétique de Louise Labé, qui se
dépeint au seuil de la mort, cherche à effrayer le destinataire en lui donnant à voir la
mort de celle qu’il a aimée. L’auteure prend de court son destinataire en lui donnant
un bref délai : il s’agit de venir immédiatement s’il veut avoir une chance de la revoir
« encor' un coup en vie », c’est-à-dire une dernière fois avant qu’elle ne s’éteigne. La
rédaction de sa propre épitaphe par la poète simule la présence du tombeau sous les
yeux du lecteur : à la fin du poème, la mort anticipée est presque devenue véritable.
La poète joue avec la performativité du texte, s’acheminant consciemment vers ce
qu’elle redoute, elle en ménage le funeste accomplissement. Le texte est un tombeau
de soi-même, dressé en mémoire d’une victime de l’amour, et désignant son meur-
trier, l’ami absent.
Langue
Tenir : tiens, tenons, tenez.
Vivre : vis, vivons, vivez.
Trouver : trouve, trouvons, trouvez.
Sentir : sens, sentons, sentez.
Écoutez
La comédienne insiste sur les mots appartenant au champ lexical du feu, pour faire
entendre la violence de la passion amoureuse.
Écriture
Une réponse au poème de Louise Labé aura probablement pour but de lui redonner
espoir en annonçant un prochain retour. On peut imaginer que, dans un premier
temps, le bien-aimé développe sa réception du poème : il insistera sur les émotions
qu’il a ressenties en le lisant et comment il s’est décidé à revenir. Alors que Louise
Labé se dépeint au seuil de la mort, il serait intéressant que son bien-aimé l’exhorte
à vivre et la fasse patienter en annonçant son retour, voire en la faisant rêver aux
moments qu’ils vivront quand il sera revenu. De la même façon que Louise Labé
prend de court son destinataire, l’auteur de la réponse peut insister sur la rapidité de
sa venue.
28
Chapitre 1
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Les codes de la lettre sont mobilisés.
Le destinateur prend en compte le poème qu’il a lu.
Une stratégie de conviction est développée.
Texte Echo
p. 24
La complainte de Pénélope Durée de
la séance 0h30
Héroïdes,
Ovide, entre 15 et 2 av. J.-C.
Stratégies pédagogiques
Ce texte, proposé en écho au poème de Louise Labé, propose une variation sur le
thème de l’absence de l’être aimé. Les élèves de 4e ont normalement entendu parler
d’Ulysse en français ou en histoire, et sont généralement familiers de son épopée :
la lecture de ce texte est l’occasion de mobiliser ces souvenirs. La lecture du texte
peut donner lieu à un travail de comparaison entre Ovide et Louise Labé : c’est dans
ce sens qu’est construit le questionnaire, qui se termine par une question sur le ton
de chaque poème. La dernière question peut donner lieu à un écrit plus développé,
en classe ou à la maison ; elle permet aux élèves d’émettre un jugement personnel au
sujet du texte, dans son rapport à un autre texte. Une question comme « Quel texte
préférez-vous, et pourquoi ? » peut se substituer à la dernière question, ou permettre
de l’expliciter.
1 - Dire l'amour 29
2. Au vers 10, Pénélope se rend compte que, sous le coup de la douleur, elle exprime
des souhaits contradictoires. Lorsqu’elle écrit, au vers 9, qu’elle préfèrerait « que les
murailles de Phœbus fussent encore debout », elle en vient à regretter que l’expédi-
tion des Grecs contre Troie, dont Ulysse était l’un des membres, ait été victorieuse.
En effet, comme elle l’explique aux vers 11-12, si Troie était encore debout, elle ne
serait pas vouée à l’incertitude, elle saurait où est son époux. Mais Troie est tombée,
Ulysse n’y est plus et personne n’est en mesure de lui donner des informations sur
l’endroit où il se trouve. Reconnaissant le caractère paradoxal de son souhait, Péné-
lope montre aussi qu’elle est lucide.
3. La jalousie fait craindre à Pénélope qu’Ulysse soit retenu « par une amante étrangère »
(v. 18). Elle craint même n’avoir plus qu’une place de second rang dans le cœur de son
époux : Ulysse doit bien se moquer de Pénélope, et rire avec sa nouvelle conquête de son
côté « rustaud ». Pénélope a raison et tort à la fois : le lecteur averti des aventures d’Ulys-
se, narrées dans l’Odyssée, sait qu’il a été longtemps retenu par la nymphe Calypso, qui a
souhaité l’épouser, mais aussi qu’Ulysse se morfondait en songeant à Ithaque.
4. Dans les deux derniers vers, Pénélope donne à entendre sa fidélité à Ulysse. Le
lecteur de l’Odyssée sait que maints prétendants la courtisent ; et Ovide lui fait dire
dans le poème que son propre père l’incite à faire définitivement son deuil d’Ulysse
et à prendre un nouvel époux. L’insistance avec laquelle elle réaffirme sa position
d’épouse témoigne de son amour inconditionnel pour Ulysse.
5. « Viens en personne », fait dire Ovide à Pénélope : un propos que l’on semblait
déjà entendre dans le poème de Louise Labé : « Reviens donc tôt ». Les deux femmes
peuvent prendre un ton accusateur également.
6. Dans son poème, Ovide donne à lire une Pénélope plus mesurée, plus réfléchie
que la locutrice du poème de Louise Labé. Tout d’abord, Pénélope identifie clairement
la cause de son malaise : plus que l’absence d’Ulysse (car la cause en est connue),
c’est l’impossibilité d’obtenir des informations claires sur l’endroit où il se trouve.
Pénélope a beaucoup de recul sur elle-même : elle se rend compte qu’elle en vient à
formuler des souhaits contraires à ses désirs (v. 10), elle avoue être une « insensée »
(v. 14) et réagir « sottement » (v. 17) car elle imagine sans cesse le pire au sujet de
son époux. Elle prend même le soin d’atténuer ses soupçons d’infidélité : « J’aimerais
me tromper ». La poète du xvie siècle, au contraire, ne manifeste aucun recul : elle
s’emmure dans un désespoir morbide et développe une logique de culpabilisation.
30
Chapitre 1
Texte 3
p. 26
Un poète inconsolable Durée de
la séance 1h
« L’isolement », Méditations poétiques,
Alphonse de Lamartine, 1820.
Stratégies pédagogiques
La présence de ce texte au sein du groupement pourrait étonner : le vocabulaire de
l’amour n’y est pas présent, la situation d’énonciation n’est pas celle d’un poème
amoureux. Toutefois, en s’aidant du contexte (mais après tout, l’information biogra-
phique est secondaire, le vers 20 est une clé suffisante), il apparaît que ce poème est
fondé sur une perte. Si Lamartine ne parle pas d’amour, c’est la douleur provoquée
par la disparition d’une femme aimée qui le porte à examiner son propre regard sur
le monde. Il peut donc être intéressant d’interroger les élèves en premier lieu sur
les raisons qui justifient la lecture et l’étude de ce poème en particulier, à la suite de
Charles d’Orléans et de Louise Labé. Une question comme « S’agit-il d’un poème
d’amour ? » ou bien « L’amour est-il au centre de ce poème ? » devrait donner lieu
à des réponses contrastées qui suggèreront aux élèves qu’ils étudient la parole d’un
amoureux endeuillé.
Comprendre le texte
Un moment particulier
2. Le spectacle décrit par le poète est celui d’une fin de journée. Dès le vers 2, il est
indiqué que la scène a lieu au « crépuscule » ; tout ce que l’on voit ou entend est voué
à l’extinction : « un dernier rayon » (v. 2) ou les « derniers bruits du jour » (v. 8).
3. C’est la lune qui est désignée par cette périphrase.
4. C’est parce qu’il a entendu « la cloche rustique », à savoir le clocher de l’église du
village sonnant l’office du soir, que le voyageur s’arrête. Cette notation d’ordre auditif,
qui se détache sur un fond clair-obscur, restitue la qualité spirituelle du moment vécu.
5. Le spectacle décrit provoque une émotion religieuse. Le poète restitue aussi bien
l’adoucissement de l’éclairage du paysage – « sombres » (v. 1), « dernier rayon »
1 - Dire l'amour 31
(v. 2), « vaporeux » (v. 3), « blanchit » (v. 4) – que les sensations auditives – « cloche
rustique » (v. 7), « derniers bruits du jour » (v. 8) – qui font du crépuscule un mo-
ment de recueillement. Le mouvement ascendant suggéré par le « sommet » (v. 1)
puis les verbes « monte » (v. 4) et « s’élançant » (v. 5) imprime un élan spirituel au
lecteur. Bien que, dans la suite du poème, le poète souligne son indifférence à l’égard
de ce paysage, le lecteur ne peut que reconnaître la correspondance entre le crépus-
cule décrit et l’idée de seuil, de franchissement propre à la mort. Or on sait que c’est
l’esprit en deuil que Lamartine a écrit ce poème : son état d’âme le rendait sans doute
disposé à percevoir le crépuscule sous son angle spirituel.
Bilan
9. Le poème de Lamartine commence en effet par la description d’un paysage au
crépuscule. Le sujet regardant, la voix lyrique, surplombe le décor naturel dont il voit
« l’horizon » blanchir aux premières clartés de la lune, embrasse du regard « monts »
et « vallons ». Et lorsqu’il écrit : « Je contemple la terre », c’est à peine une hyper-
bole. Cette distance installée avec le paysage contribue à donner le sentiment que le
poète s’est retiré, s’est exclu du monde (ce qu’annonçait le titre du poème). De même,
le poème est construit autour d’un renversement : là où le lecteur s’attend à une mé-
ditation inspirée par la nature, le poète nous rend témoin de sa propre insensibilité.
Mais le décor n’est pas moins beau, son « charme » intrinsèque n’a pas disparu. Si le
lecteur doit s’émouvoir, c’est de l’incapacité à s’émouvoir du poète : son insensibilité
est le reflet de son deuil – mais la clé n’en est suggérée qu’au vers 20 (qui n’est pas le
dernier vers du poème, dont seul un extrait est présenté dans le manuel).
32
Chapitre 1
Langue
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres, Le crépuscule encor jetait un dernier
rayon ; Et le char vaporeux de la reine des ombres Montait, et blanchissait déjà les bords de
l’horizon.
Jeter, présent de l’indicatif : je jette, tu jettes, il jette, nous jetons, vous jetez, ils jettent.
Jeter, imparfait de l’indicatif : je jetais, tu jetais, il jetait, nous jetions, vous jetiez, ils
jetaient.
Écoutez
Le comédien donne à entendre la tristesse du poème par un ton plutôt monotone,
lent, marquant davantage les mots évoquant la mort.
Oral
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Les alexandrins sont prononcés correctement.
La variété des types de phrases est respectée.
La diction est expressive, le lecteur transmet une émotion.
Texte 4
p. 28
L’hommage d’un père Durée de
la séance 1h
Les Contemplations,
Victor Hugo, 1856.
Stratégies pédagogiques
Faisant suite, dans notre groupement de textes, au poème de Lamartine, celui de
Victor Hugo propose une variation sur le thème de l’absence. Toutefois, c’est sur
un ton moins mélancolique – en tout cas jusqu’au vers 22 – qu'émerveillé que s’ex-
prime le poète. L’objet de l’amour n’est pas tu, comme chez Lamartine, et on ne peut
s’adresser directement à lui, comme ce sera le cas dans le texte d’Apollinaire. S’ouvre
ainsi l’espace du souvenir, de l’idéalisation, de la rêverie, qui donne à Hugo l’occasion
d’évoquer une enfant rêvée autant que ressouvenue. Restituer une présence, s’attar-
der sur des gestes simples, dire quels bienfaits dispensait cette présence et comment
elle était accueillie, telle semble être la façon qu’a Hugo de « dire l’amour ».
1 - Dire l'amour 33
Corrigé des questions
Lecture
Découvrir le texte
1. Le poème commence par une évocation éblouie de l’enfant, et sans connaître le
contexte il est impossible de savoir qu’il est aujourd’hui mort. Aussi, le poème sus-
cite plutôt l’émerveillement et une certaine tendresse chez le lecteur. Les qualités
de l’enfant, vues à travers le prisme idéalisant de la mémoire, suscitent sans doute
l’admiration. En revanche, à partir du vers 23, le lecteur est brutalement surpris alors
que le poète est rattrapé par la réalité : la tristesse et la compassion succèdent alors.
Comprendre le texte
Le portrait d’une enfant
2. Léopoldine est successivement comparée à « un rayon qu’on espère » (v. 3) puis
à « un oiseau qui passe » (v. 7). Ces deux comparaisons mélioratives soulignent le
caractère éblouissant et éphémère de la présence de l’enfant. De même, on peut y
lire une triste prémonition du destin funeste de l’enfant, qui n’aura pas atteint l’âge
de vingt ans.
3. Victor Hugo loue l’amour de toutes choses qui animait sa fille : amour de la nature
et de « Dieu », qui, chez Hugo vont de pair. De même, Hugo loue l’intelligence de sa
fille, quand il écrit qu’elle est avant tout « un esprit ». En notant que « son regard re-
flétait la clarté de son âme », Victor Hugo mobilise un lieu commun pour faire l’éloge
de la bonté de sa fille (c’est aussi, au passage, faire connaître un trait de sa beauté).
Mais ces trois notations sont indissociables : amour et clairvoyance se confondent
dans une vision chrétienne du monde. Léopoldine est décrite ici à travers le prisme
mythifiant, proprement hugolien, qui fait de l’enfant une figure presque nécessaire-
ment sainte, dont la naïveté est un don céleste encore inaltéré, une forme supérieure
d’entendement.
Un paradis perdu
4. Les verbes des vers 1 à 17 sont principalement conjugués à l’imparfait de l’indi-
catif. Ce temps évoque surtout l’aspect itératif des actions désignées. Le mot « pli »
(v. 1), met d’emblée sur la piste des habitudes quotidiennes de l’enfant, tandis que
« chaque matin » (v. 2) et « souvent » (v. 10) confirment cette dimension répétitive
des scènes évoquées.
5. En écrivant « Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère » (v. 3), Hugo fait com-
prendre que les visites de sa fille étaient des distractions réjouissantes. C’est juste-
ment son irruption brutale et sa façon de singer naïvement, c’est-à-dire gracieuse-
ment, l’activité d’écrivain de son père qui le réjouissaient. Le poète retrouvait plus
facilement l’inspiration après ses visites, ayant « la tête un peu moins lasse ». Hugo
se plaît même à suggérer un mystérieux lien de causalité, puisqu’il écrivait ses « plus
doux vers » sur la feuille qu’elle avait « froissée ». Léopoldine est ici donc associée
à une muse.
34
Chapitre 1
6. L’évocation de Léopoldine s’achève sur le lieu commun des veillées en famille, « au
coin du feu ». Avec sa fille a aussi disparu la figure paternelle que le poète incarnait,
et la famille au sein de laquelle ces deux êtres prenaient place. Ces derniers souve-
nirs, évoqués avec nostalgie, ménagent une forme de transition avant le retour brutal
à la réalité. Enfin, en lisant le poème, le lecteur se laisse conter une histoire, qui va
des visites faites par Léopoldine « chaque matin » jusqu’aux veillées des nombreux
« soirs d’hiver » regrettées par le poète. Ce jour symbolique recréé par le poème est
une image de la vie de Léopoldine, qui a déjà connu sa fin.
Bilan
9. Le poème d’Hugo tient en effet du tombeau, même s’il n’en est pas un exemple
canonique. En effet, l’éloge de l’enfant, la description de quelques habitudes signifi-
catives et la tentative de ramasser le tout en deux vers synthétiques (v. 14-15) font
de la première partie du poème une sorte de tombeau de Léopoldine. Cela dit, c’est
aussi beaucoup de lui que parle Hugo : son espoir de la voir, le regain d’inspiration, le
souvenir des veillées et l’accès final de tristesse sont autant de marques d’un poème
lyrique personnel.
Langue
Elle entra et dit : « Bonjour, mon petit père » ; Prit ma plume, ouvrit mes livres, s’assit Sur mon
lit, dérangea mes papiers, et rit, (…)
Oral
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
La répartition du texte est bien pensée.
Les alexandrins sont prononcés correctement.
La succession des parties du texte est fluide lors de la lecture.
La diction est expressive, les lecteurs transmettent une émotion.
1 - Dire l'amour 35
s'exprimer a l'ORAL
Mettre en voix un poème lyrique
p. 30
Analyse d'image
Le portrait d’une amoureuse désespérée
p. 31
Ophélie,
John William Waterhouse, 1894.
Stratégies pédagogiques
Comme Médée, Ariane ou Didon, Ophélie est l’une des figures emblématiques de
l’amour trompé. Mais lorsque Hamlet l’éconduit, c’est sans véritable raison : il ne lui
préfère aucune femme et l’humilie gratuitement comme se prenant au jeu de la folie
qu’il feint. Aussi, Ophélie n’a-t-elle pas même l’occasion de recourir à la haine ou au
ressentiment ; sa raison s’égare sous le coup de l’incompréhension et sa mort mys-
térieuse a des parfums de suicide. La sensibilité romantique du xixe siècle a trouvé
dans la figure d’Ophélie un sujet de prédilection. Delacroix, Millais, Delaroche, Hebert,
Dagnan-Bouveret – jusqu’à Redon, au début du xxe siècle – ont proposé leur propre
vision de la jeune fille pure qui, injustement, meurt folle d’incompréhension au milieu
des fleurs. La toile de Waterhouse, qui nous présente de nombreux traits de l’es-
thétique préraphaélite (figure hiératique, rousseur et peau blanche, ornementation),
propose une sublimation du désespoir d’Ophélie.
36
Chapitre 1
Corrigé des questions
À première vue
1. Le peintre a représenté Ophélie seule dans les bois, peu de temps avant sa mort. Le
décor naturel et aquatique est un indice permettant de le deviner.
Description
2. Ophélie est habillée d’une robe à la fois simple et riche : blanche et fine, mais
brodée d’or. Ces broderies, ainsi que l’or de la ceinture, des bracelets et du collier,
donnent une image assez noble d’Ophélie – qui est la fille d’un dignitaire. Mais la
blancheur de la robe évoque surtout la pureté, injustement dédaignée, de cette femme
éconduite par caprice.
3. Le premier plan est dominé par les couleurs lumineuses de la robe et des bijoux,
ainsi que par la blancheur de la peau d’Ophélie. Le second plan, en revanche, est fait
de teintes plus sombres : l’eau est presque noire, ni le vert des nénuphars et des
feuilles, ni le brun du tronc et des branchages ne sont très lumineux. Entre deux, une
forme de transition s’opère grâce au roux des cheveux et aux fleurs, sur les genoux
et dans les mains d’Ophélie.
4. Ophélie donne le sentiment d’être en train de se parer. Son attitude est plutôt de
celles qu’on adopte dans une chambre : on dirait presque qu’elle se regarde dans un
miroir, bien qu’elle ait les yeux fermés. Éconduite et insultée par Hamlet, Ophélie est
devenue folle et s’est enfuie dans les bois où elle va se noyer : accident ou suicide ?
Waterhouse, en tout cas, peint une Ophélie qui semble se parer pour la dernière fois,
comme offrant des soins au cadavre qu’elle sera bientôt. La pâleur de sa peau lui
donne un aspect morbide.
5. Les longs cheveux d’Ophélie, d’un roux sombre, peu éclatant, évoquent les bran-
chages bruns qui jaillissent de la souche sur laquelle l’héroïne est assise. Le motif
des cheveux qui tombent le long du dos d’Ophélie est comme inversé dans celui
des branches qui s’élèvent. Waterhouse semble nous annoncer la fusion prochaine
d’Ophélie avec le décor lacustre ; on peut aussi mettre à ce compte la mise en scène
d’Ophélie qui, assise sur une grosse branche tordue, est comme invitée à rejoindre
l’arrière-plan.
Interprétation
6. À qui ne connaît pas l’histoire d’Hamlet, la toile peut inspirer des sentiments mé-
langés de ravissement pour la beauté d’Ophélie et de crainte, étant donné le caractère
étonnant de la mise en scène. Que fait cette jeune femme éthérée, à la beauté froide
et presque morbide, si près d’un lac ? En revanche, celui de qui l’histoire d’Hamlet est
connue goûtera davantage la double démarche du peintre, d’interprétation et d’inven-
1 - Dire l'amour 37
tion : c’est une belle représentation de la folie, un instant de grâce en même temps
que la suggestion du désastre à venir.
Recherche
7. Waterhouse a peint deux autres portraits d’Ophélie, que l’on peut comparer à celui
du manuel. Le premier, réalisé en 1889, présente des teintes similaires : un décor de
verdure, de brun et de vert, sur lequel est étendue une Ophélie habillée de blanc, lumi-
neuse. Encore plus que la toile du manuel, elle suggère clairement l’abandon d’Ophé-
lie, la perte de sa raison et sa mort prochaine. En revanche, le deuxième portrait, peint
en 1910, semble représenter ce qu’il est advenu d’Ophélie un peu plus tôt, au moment
où, éconduite injustement par Hamlet, elle s’enfuit dans la forêt. La présence de deux
témoins étonnés (dans Hamlet, seules des rumeurs rapportent la mort d’Ophélie), au
second plan, souligne le basculement d’Ophélie dans un autre monde. Le motif des
fleurs est présent dans les trois tableaux : dans le portrait de 1910, Ophélie s’en est
déjà ceint le front, tandis qu’elle saisit un bouquet qu’elle regarde rêveusement dans
celui de 1889.
Écriture
8. La brièveté de l’exercice (un quatrain) peut être compensée par la contrainte des
rimes. Les élèves veilleront à noter aussi bien des éléments de l’habillement que du
décor général. La séance d’écriture peut se faire à deux, et être suivie d’une lecture à
voix haute.
38
Chapitre 1
Texte 5
p. 32
Le silence de l’être aimé Durée de
la séance 1h
Lettres à Lou,
Guillaume Apollinaire, 1915.
Stratégies pédagogiques
À la différence des textes 1 et 2, adressés à des amants fictifs, et des textes 3 et 4, qui
s’adressaient à des morts, le texte d’Apollinaire s’adresse à une personne bien vivante
et tout à fait incluse dans la situation d’énonciation. De même, cet extrait des Lettres
à Lou lève le voile sur ce qu’il y a au-delà d’un poème : un être de chair qui rumine sa
souffrance. L’objectif de cette lecture est de faire mesurer aux élèves la distance qui
peut séparer un texte poétique de son véritable soubassement affectif. Le poète n’est-
il pas un menteur, qui déguise si bien des sentiments peu nobles ?
1 - Dire l'amour 39
les éléments immédiats de son environnement pour en faire des images dans ses
poèmes. L’image est d’autant plus surprenante que cet obus « doit [lui] redonner la
vie et le sourire » : le paradoxe est celui de l’instrument de mort qui devient source
de vie et de joie.
Bilan
8. Les deux options se défendent. Les élèves peuvent manifester leur préférence pour
les images d’Apollinaire, la distance qu’il introduit avec ses propres sentiments, les
égards qu’il semble manifester pour Lou. Mais on pourrait comprendre aussi que les
élèves soient sensibles au désarroi du soldat frustré, exilé dans sa caserne et dont
les exhortations à écrire, bien qu’elles soient brutales, sont un témoin touchant de sa
solitude.
Langue
Il dit qu’il est comme un train qui va partir, qu’il bout d’impatience. Il lui demande
donc d’écrire et de dire quand elle reviendra. Il lui demande encore deux fois d’écrire,
et dit que l’attente est insupportable.
Écoutez
En lisant le poème, le comédien adopte un ton lyrique et amusé à la fois, les images
exagérées du poème pouvant prêter à sourire. On entend davantage l’agacement lors-
qu’il lit le passage en prose.
40
Chapitre 1
Écriture
Il est demandé aux élèves de se mettre à la place d’Apollinaire : il est donc attendu
qu’ils cherchent à imiter son style. Certains traits de son écriture, tels que la mobilisa-
tion du lexique militaire, les nombreuses questions ou la comparaison de soi, peuvent
être réutilisés par les élèves. « Comme », « ainsi que », « tel », « pareil à » sont des
mots permettant d’articuler facilement une comparaison. Pour exprimer l’accès de
joie, les élèves pourront, pourquoi pas, « se » comparer à un casque que l’on fait
briller, une locomotive lancée à toute vapeur…
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Les caractéristiques de l’écriture poétique sont respectées (vers, rimes).
Le poète utilise des comparaisons et des métaphores.
La joie et l’amour sont clairement exprimés.
Si vous avez fini d’écrire
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Mon texte est une lettre d’amour.
Mon texte tient compte de la lettre d’Apollinaire.
J’ai respecté les codes de la lettre.
ComprEhension
Écouter un poème d'amour
orale p. 34
1 - Dire l'amour 41
7 Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
8 Qu’on avait habillés pour un autre destin
9 À quoi peut leur servir de se lever matin
10 Eux qu’on retrouve au soir désœuvrés incertains
11 Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
12 Il n’y a pas d’amour heureux
13
19
42
Chapitre 1
3. b. … un oiseau blessé ». Cette image montre la fragilité et la vulnérabilité de
l’amour, et, par hypallage, celles de celui qui aime. Aimer quelqu’un serait un geste de
protection, de recueillement, voire de soin.
4. a. À des soldats sans armes. Cette image est presque un oxymore ; l’image évoque
le dépouillement, la vulnérabilité du jeune homme qu’on envoie au front sans qu’il ait
la possibilité de se défendre. La vie de l’homme serait une expérience du dépouille-
ment absurde, d’une incapacité à se défendre contre les agressions extérieures. Le
contexte historique est important pour comprendre cette image.
5. c. « Mais c’est notre amour à tous les deux ». Après la cinquième strophe, Aragon
fait entendre, une nouvelle fois, la phrase qui donne son titre au poème, « Il n’y a
pas d’amour heureux » puis « Mais c’est notre amour à tous deux ». Cette dernière
phrase change radicalement l’interprétation qu’on peut faire du poème. Puisque c’est
« notre amour », semble dire Aragon, fût-il triste, c’est tout de même un amour, donc
une force, et nous sommes deux : en somme, rien n’est perdu. Et puis, Aragon aban-
donne le registre de la déploration pour embrasser sa situation : « amour » résonne
comme un synonyme de destin dans cette dernière phrase.
Du texte à l’image
1. On peut qualifier l’expression de cette femme par les adjectifs « mélancolique »,
« triste », « fermée ». Son attitude est « concentrée », « pensive », « nonchalante ».
2. Cette image fait écho au poème par la mélancolie qui s’en dégage.
Bilan
La réponse doit être nuancée. Le titre du poème, qui lui sert aussi de refrain, annonce
un poème pessimiste. Le poème commence par le mot « Rien » et prive l’homme de
tout ce dont il pourrait se croire possesseur – jusqu’à « sa faiblesse ». L’association
de la vie à un « divorce » confirme cette idée d’échec nécessaire au cœur de la vie
humaine. La quatrième strophe, de même, prétend que les tentatives de tirer une
leçon de nos expériences sont vouées à l’échec : il est et sera toujours « trop tard » et
l’homme et la femme, fussent-ils amoureux, ne peuvent que se lamenter de leur situa-
tion. Les seules joies que l’on peut connaître se payent cher : il faut beaucoup souffrir
pour produire « un air de guitare ». Seule la dernière phrase change la perspective du
poème. Ayant pris conscience du caractère inéluctablement malheureux de l’amour,
Aragon n’en laisse pas moins penser qu’il faut vivre et aimer.
1 - Dire l'amour 43
Histoire litteraire
La poésie lyrique
p. 35
1. Cette question de bilan a pour objectif de faire mémoriser aux élèves les différentes
dimensions de la poésie lyrique : ils doivent mettre en relation les titres des recueils
avec la leçon, ce qui sollicite aussi des connaissances lexicales et des capacités de
déduction. La deuxième partie de la question contribue à forger quelques connais-
sances chronologiques d’histoire littéraire.
Certains titres de recueils suggèrent l’expression de sentiments personnels, mélanco-
liques ou non, comme : Les Regrets de Du Bellay, La chanson du mal aimé d’Apollinaire,
les Amours de Ronsard, les Élégies de Chénier, si l’on considère que le terme « élé-
gie » contient l’idée d’une plainte (sans s’y réduire). D’autres mettent l’accent sur la
réflexion intime du poète. Le choix de titres comme Méditations poétiques de Lamartine
et Les Contemplations de Victor Hugo donne une profondeur spirituelle à des pensées
dont le pluriel des titres suggère la multiplicité et la variété. Le terme « contemplation »
contient en outre une forte connotation religieuse. Il évoque un rapport au monde qui
engage à la fois l’intelligence et la sensibilité. L’idée d’une communion admirative entre
le sujet poétique et le monde se manifeste d’emblée dans le titre Éloges que Saint-John
Perse attribue à son recueil. Enfin, beaucoup de titres contiennent une référence à la
musique ou à une forme poétique qui se caractérise par sa musicalité. C’est le cas de
« chanson », « romance », « ballade ». On soulignera le paradoxe qu’il y a à intituler
un recueil poétique Romances sans parole ; c’est afficher l’ambition d’écrire une poésie
capable d’être musique pure. Le terme « élégie » évoque non seulement un registre
mélancolique, mais une forme poétique héritée de l’Antiquité qui se caractérise par un
rythme syncopé (succession de distiques au rythme « boiteux », puisque les deux vers
ne sont pas de même longueur, dans la poésie latine). Celui d’« éloge » se réfère aussi à
la tradition de la poésie grecque hymnique (Pindare), qui pouvait être chorale.
L’ordre chronologique des recueils est le suivant : Ballade des dames du temps jadis, écrit
probablement vers 1460-1461, mais première édition du Testament de Villon en 1489 ;
Les Regrets, 1558 ; Les Amours : de 1552 à 1578, ce titre est donné par Ronsard à
plusieurs recueils de poèmes inspirés par trois femmes, Cassandre, Marie et Hélène ;
Elégies : l’œuvre de Chénier a été publiée à partir de 1819, il s’agit d’une publication
posthume puisque Chénier a vécu de 1762 à 1794 ; Méditations poétiques, 1820 ; Les
Contemplations, 1856 ; Romances sans paroles, 1874 ; La chanson du mal aimé, première
publication séparée en 1909, puis dans le recueil Alcools, 1913 ; Éloges, 1911.
2. Il s’agit de mobiliser les connaissances acquises pour enrichir l’analyse littéraire
d’un texte. On attend des élèves quelques repérages pertinents, non une analyse ex-
haustive.
Les caractéristiques lyriques de l’extrait du « Lac » de Lamartine sont :
- les sentiments exprimés : mélancolie, désespoir nés de la conscience aiguë de la fuga-
cité de l’existence humaine, de l’écoulement inexorable du temps. Ils s’inscrivent donc
dans une « méditation » qui fait passer du cas singulier au destin humain universel. Ces
sentiments apparaissent à travers le propos, la syntaxe et la ponctuation expressive
44
Chapitre 1
utilisée (exclamations) – urgence des injonctions « Aimons donc, aimons donc ! »,
« Hâtons-nous, jouissons ! », et constat amer, « Il coule, et nous passons ! » ;
- l’écriture poétique adopte le rythme inégal du distique élégiaque : l’alternance de
l’alexandrin et de l’hexasyllabe produit un effet de balancement à la fois musical et
concordant avec le propos. La construction syntaxique autorise une scansion régu-
lière des vers : accents à l’hémistiche et en fin de vers, accents secondaires dans
certains vers, en général bien marqués par la pause introduite grâce à la ponctuation
(virgule, deux points, point-virgule, point d’exclamation, point). Le seul contre-rejet
de l’extrait (« Et l’aurore ») met en valeur la chute de la strophe, « Va dissiper la nuit »,
et insiste ainsi sur la rapidité de la fuite du temps. Les effets sonores contribuent à
souligner le rythme : outre les rimes suffisantes, ici croisées, on constate des rimes
internes (fuit/nuit dans la première strophe), des assonances en [i] dans la première
strophe, en [on] dans la deuxième, des allitérations en [p] dans la deuxième strophe
également. Tous ces éléments créent une musicalité certaine qui fait partager au lec-
teur l’émotion.
1 - Dire l'amour 45
b. « Des papillons dans le ventre » désigne la sensation physique de bien-être
quand on pense à l’être aimé.
c. Une « passion ardente » est une passion qui brûle comme un feu ardent.
d. « Déclarer sa flamme » revient à déclarer un amour ardent, brûlant.
e. « Brûler de jalousie » signifie souffrir de sa jalousie, comme si elle brûlait.
f. Le cœur est « brisé » comme un objet fragile lors d’une déception amoureuse.
g. « Rabibocher » signifie réparer quelque chose de cassé : on se rabiboche après
une dispute amoureuse.
4. a. Des cheveux noirs comme le jais.
b. Des yeux effilés comme des amandes.
c. Un sourire radieux comme le soleil.
d. Un regard perçant comme des flèches.
e. Des gestes doux comme la soie.
f. Une voix mélodieuse comme un chant d’oiseau.
g. Une démarche gracieuse comme celle d’un chat.
5. a. la mélancolie : état de tristesse accompagné de rêverie (adjectif : mélancolique).
b. le regret : état de conscience douloureux causé par la perte d’un bien (adjectifs :
regretté, regrettable).
c. le spleen : mélancolie sans cause apparente, caractérisée par le dégoût de toute
chose (adjectif : spleenétique).
d. l’aigreur : mauvaise humeur se traduisant par des remarques désobligeantes ou
fielleuses (adjectifs : aigri, aigre).
e. l’affliction : peine profonde, abattement à la suite d’un grave revers (adjectifs :
affligé, affligeant).
46
Chapitre 1
9. Je t’aime. Je suis certain que tu es la femme de ma vie et que nous sommes faits
pour vivre ensemble. C’est pour cela que je t’écris tous les jours. Je ne veux pas que
tu m’oublies. Plus tard, j’espère pouvoir t’épouser et devenir le père de tes enfants.
1 - Dire l'amour 47
Partie 2 : Chanter l’amour
à l’opéra (p. 38 à 41)
histoire Carmen,
des arts p. 38 une passion destructrice
Durée de
la séance 3h
Carmen, Georges Bizet, 1875.
Stratégies pédagogiques
Ce dossier d’histoire des arts autour de l’opéra de Bizet peut être l’objet d’une courte
séquence indépendante. Mais il peut aussi être associé au groupement sur la poésie
lyrique ou au parcours sur Cyrano de Bergerac. L’accès à Internet est nécessaire pour
certaines activités : l’étude peut donc être menée en salle informatique ou à la mai-
son, dans une logique de classe inversée. Le professeur peut également présélection-
ner des mises en scène qu’il imposera aux élèves, pour gagner du temps sur l’activité
de recherche et faciliter la mise en œuvre des activités d’analyse.
4. Le chœur amplifie le chant de Carmen et confirme son propos, qui apparaît comme
une sagesse populaire partagée à propos de l’amour.
5. L’amour est présenté comme un sentiment insaisissable, éphémère et potentielle-
ment dangereux, rarement réciproque.
6. « Carmen » désigne en latin un chant magique, envoûtant : il pourrait s’appliquer
au chant de Carmen dans cette scène.
48
Chapitre 1
Extrait 2. Les affres de la jalousie
1. On peut laisser les élèves rechercher eux-mêmes une mise en scène ou en propo-
ser une afin de gagner du temps. L’ambiance est plus sombre, moins enjouée, que
dans l’extrait précédent. Cette scène illustre l’avertissement de Carmen dans l'extrait
1 : l’amour est rarement réciproque.
2. Des instruments à corde, du piano et un instrument à vent soulignent le lyrisme du
chant de Micaëla, qui exprime son amour et son désespoir.
3. Don José ne comprend pas vraiment que Carmen est soumise à la jalousie : elle
lui demande de partir plus par dépit amoureux que par envie de retrouver Escamillo.
Bilan
5. L’amour est un sentiment puissant, incontrôlable et instable. C’est une passion
dangereuse et destructrice qui conduit au meurtre. Micaëla, José, Escamillo et Car-
men seront tous les quatre victimes des conséquences de ce sentiment.
Recherches
6. Carmen a été représenté la première fois le 3 mars 1875 à l’Opéra-Comique. Ce fut
un échec auprès du public, qui n’apprécia pas l’opéra.
Écriture
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
J’ai proposé des idées de costumes pertinentes.
J’ai proposé des idées de décor pertinentes.
Mes choix soulignent la dimension tragique de l’opéra.
1 - Dire l'amour 49
Lecture d’images
1. D’immenses cartes à jouer composent un décor semblant sur le point de s’écrouler.
Il met en valeur la relation amoureuse, dangereuse et instable. Don José et Carmen
se trouvent en effet sur l’as de pique, qui pourrait symboliser le poignard qui causera
la mort de l’héroïne.
2. La première image représente le moment où Don José s’avance vers Carmen,
poignard à la main. La deuxième représente le moment après qu’il l’a poignardée,
alors qu’elle tombe morte. Le metteur en scène veut montrer la violence de cette
confrontation, à l’issue tragique.
3. On pourra renvoyer les élèves à la mise en scène d’Olivier Py à l’opéra de Lyon en
2012, ou à celle d’Yves Beaunesne à l’opéra Bastille, la même année, parmi de nom-
breuses autres possibilités.
50
Chapitre 1
Partie 3 : Avouer son amour
au théâtre (p. 42 à 55)
extrait 1
p. 42
Une confidence amoureuse Durée de
la séance 1h
Cyrano de Bergerac,
Edmond Rostand, acte II, scène 6, 1897.
Stratégies pédagogiques
Pour comprendre l’intérêt de cette scène, les élèves doivent bien avoir à l’esprit que
Cyrano est laid, ce qui n’est pas dit explicitement dans le dialogue. On peut donc
leur montrer la scène dans une captation théâtrale ou dans le film de Jean-Paul Rap-
peneau. On peut aussi leur présenter plusieurs incarnations différentes du person-
nage, pour voir que cette laideur est souvent montrée par des postiches. Les élèves
comprendront ainsi pourquoi Cyrano change d’attitude lorsque Roxane lui dit que
l’homme qu’elle aime est beau.
Cycle 4-
1 - Classe
Dire l'amour
de 4e 51
sentiments des uns et des autres : en entendant Roxane déclarer son amour pour
Christian à Cyrano, le spectateur comprend que les ambitions amoureuses du héros
sont réduites à néant.
Un quiproquo humiliant
5. Cyrano et Christian sont tous les deux des gens d’« esprit » ; de même, certaines
qualités que Roxane prête à Christian conviendraient à Cyrano : « fier, noble » et « in-
trépide ». De même, la périphrase qui présente Christian aux vers 4-5, convient tout
autant à Cyrano : « Un pauvre garçon qui jusqu’ici m’aima/Timidement, de loin, sans
oser le dire… »
6. Cyrano répète « Ah ! » au début de la scène pour exprimer son intérêt, car il pense
que Roxane parle de lui et va lui déclarer son amour.
7. Cyrano a conscience de sa laideur. Lorsque Roxane dit que son amant est beau,
Cyrano comprend qu’il ne s’agit pas de lui.
8. Cyrano pose de nombreuses questions à Roxane car il veut en savoir plus sur son
rival.
Bilan
9. Cyrano se comporte en homme amoureux au début de la scène, mais finalement, il
n’ose pas déclarer son amour à Roxane : il est alors réduit au rôle de confident. Cette
fonction lui fait perdre en partie sa virilité : au théâtre, les femmes confient habituel-
lement leurs sentiments amoureux à une autre femme, amie ou servante, mais très
rarement à un homme.
Langue
Il est majestueux, bien né, courageux, joli…
Cet exercice a pour utilité de faire comprendre que les synonymes exacts sont très
rares en français. Chaque mot est porteur de sèmes qui lui sont propres : il peut
recouper une partie des sèmes d’un autre mot, mais il existe la plupart du temps une
nuance, des sèmes en plus ou en moins…
Oral
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Notre lecture respecte les stichomythies.
Nous avons réfléchi à la manière de prononcer le « Ah ! » de Cyrano.
Nous avons choisi d’être comiques ou touchants.
52
Chapitre 1
extrait 2
p. 46
Une déclaration décevante Durée de
la séance 1h
Cyrano de Bergerac,
Edmond Rostand, acte III, scène 5, 1897.
Stratégies pédagogiques
La dimension comique est difficile à cerner par les élèves : la lecture des stichomy-
thies est malaisée et peut-être ne comprendront-ils pas pourquoi Roxane est déçue
par Christian. Un exercice de mise en scène, texte à la main, avant la lecture analy-
tique, permettrait aux élèves de s’interroger sur le sens de cette scène et d’en perce-
voir plus facilement la drôlerie. L’activité d’oral, menée après son étude, permettrait
ainsi de valider ou d’invalider les choix proposés par les élèves au début de la séance.
1 - Dire l'amour 53
- « Je t’aime. » (v. 2) ;
- « Je t’aime tant. » (v. 3) ;
- « je serai si content/Si vous m’aimiez ! – Dis-moi, Roxane, que tu m’aimes ! » (v. 4-5) ;
- « Ton cou !/Je voudrais l’embrasser ! » (v. 8-9) ;
- « Je t’aime ! » (v. 9) ;
- « Je t’adore ! » (v. 10).
Cette déclaration est très convenue, Christian se répète sans aucune originalité.
6. Christian hésite entre le tutoiement et le vouvoiement car il hésite entre le respect
du prétendant envers la femme idéalisée et la familiarité d’un amant dont les senti-
ments seraient partagés par sa maîtresse. Cette hésitation est aussi due à la réaction
de Roxane, qui réclame une déclaration tout en se montrant cruelle.
7. Roxane dit « encore ! » car Christian a déjà employé deux fois le verbe « je t’aime ».
Précieuse, elle aimerait que son prétendant emploie un langage peut-être plus riche,
plus imagé. Elle est déçue par la pauvreté de cette déclaration.
8. Les points de suspension peuvent signifier deux choses :
- l’hésitation de Christian, qui a du mal à trouver ses mots pour déclarer son amour ;
- l’interruption des répliques de Christian par Roxane, qui s’impatiente.
Bilan
9. Cyrano pourrait plaire à Roxane par son intelligence et son éloquence, mais sa
laideur et son amitié envers Christian sont des obstacles.
Oral
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Notre mise en scène est rythmée.
Le ton est juste.
Le public a réagi à notre jeu.
Écriture
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
La déclaration de Cyrano est différente de celle de Christian.
J’ai employé des procédés pour enrichir cette déclaration.
54
Chapitre 1
Critères Remarques
Mon texte a la forme d’un journal intime.
J’ai repris les éléments de la scène selon le point de vue de Christian.
J’ai décrit ce qu’éprouvait Christian après son échec.
extrait 3
p. 50
Sérénades sous un balcon Durée de
la séance 1h
Cyrano de Bergerac,
Edmond Rostand, acte III, scène 7, 1897.
Stratégies pédagogiques
Comme le précédent, ce texte est difficile sans un travail sur la mise en scène. La
représentation mentale qu’ont les élèves de l’espace scénique est souvent imprécise :
on peut leur demander de dessiner un schéma expliquant où se trouvent les person-
nages et à qui ils s’adressent, avant de commencer l’étude, qui validera ou non les
hypothèses des élèves.
Comprendre le texte
Une déclaration mise en scène
2. Roxane croit parler à Christian, qui se trouve sous le balcon. C’est pour cela qu’elle
déclare son amour au vers 23 : « Oui, je tremble, et je pleure, et je t’aime, et suis
tienne ! » Mais elle s’adresse en réalité à Cyrano, qui parle à la place de Christian et
qui répond à cette déclaration.
3. Christian reprend la parole au vers 26, en complétant la phrase de Cyrano avant
qu’il ne puisse la terminer, car il veut saisir l’occasion d’obtenir ce qu’il attend depuis
l’échec de sa déclaration à Roxane : un baiser de la jeune femme.
4. On peut parler de théâtre dans le théâtre car Cyrano joue le rôle de Christian dans
cette scène.
1 - Dire l'amour 55
Un aveu indirect
5. Cyrano emploie majoritairement des phrases exclamatives, qui donnent un ton
lyrique à sa déclaration.
6. Le mot « amour » est mis en valeur grâce à l’anaphore des vers 3 et 4 : « De
l’amour ».
7. Cyrano joue la comédie car il parle à la place de Christian. Mais c’est l’occasion
pour lui d’exprimer indirectement ce qu’il éprouve pour Roxane. Sa tirade peut donc
être lue à double sens.
8. Cyrano baise une branche comme s’il s’agissait de Roxane : sa déclaration indi-
recte ne lui permet pas d’espérer embrasser la jeune femme un jour, mais elle a fait
monter en lui un désir physique qu’il doit exprimer, ce qui explique ce geste comique.
9. Cyrano refuse que Roxane donne un baiser à Christian par jalousie.
Bilan
10. Cette situation est un obstacle, car Cyrano sert son ami Christian, qui séduit
Roxane grâce à cette aide. Cyrano ne pourra trahir son ami, et restera donc dans son
ombre. Mais elle est aussi une chance, puisqu’elle permet au héros de dire ce qu’il
n’aurait pas pu dire autrement.
Langue
- Roxane dit à Cyrano qu’elle tremble, pleure, l’aime et est sienne.
- Roxane disait à Cyrano qu’elle tremblait, pleurait, l’aimait et était sienne.
Écoutez
Le comédien alterne entre un ton emprunté, Cyrano feignant la voix de Christian, et un
ton plus naturel, lorsque le héros exprime ses sentiments personnels.
Oral
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Nous avons tenu compte de l’espace scénique.
Nous avons réfléchi à ce que font les personnages quand ils ne parlent pas.
On comprend que Cyrano ne parle pas uniquement pour Christian.
56
Chapitre 1
extrait 4
p. 53
Un aveu trop tardif Durée de
la séance 1h
Cyrano de Bergerac,
Edmond Rostand, acte V, scène 6, 1897.
Stratégies pédagogiques
Cette scène finale peut être lue comme un contrepoint des autres extraits : la pièce
prend une dimension tragique émouvante, qui s’oppose à sa dimension burlesque
et comique. Demander aux élèves d’interpréter cette scène permettrait de bien leur
faire sentir cette différence de ton, et donc de leur faire comprendre l’ambivalence
générique de la pièce.
Comprendre le texte
Une déclaration tardive
2. Cyrano fait allusion à la scène du balcon (III, 7), aux vers 1 et 2.
3. « L’ombre noire » et « la gloire » sont antithétiques. Cette opposition permet de
confronter le destin de Christian et celui de Cyrano.
4. Cette alternance entre tutoiement et vouvoiement souligne l’hésitation de Cyrano :
est-il un ami ? un amant ? un confident ? un simple cousin ? Cette dernière scène
d’intimité avec Roxane rend leur relation ambiguë.
5. Cyrano refuse la déclaration de Roxane car il pense que ses paroles ne le transforme-
ront pas en bel homme. Il refuse que Roxane aime un homme pas assez beau pour elle.
1 - Dire l'amour 57
Bilan
9. Cette fin est tragique car les deux amants se rendent compte qu’ils auraient pu
vivre leur amour si Cyrano avait eu le courage d’avouer ses sentiments plus tôt à
Roxane, et si la jeune femme avait eu la lucidité suffisante pour comprendre ce qui les
unissait vraiment. Cette prise de conscience arrive trop tard : Cyrano meurt et Roxane
ne gardera que des regrets.
Langue
Ombre : ombreux, ombragé. Mon cœur était ombrageux. L’allée était ombragée.
Gloire : glorieux. Il est revenu glorieux de la guerre.
Génie : génial. Léonard de Vinci était un inventeur génial.
Harmonie : harmonieux. Ces couleurs sont harmonieuses.
Oral
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Nous avons correctement prononcé les répliques des personnages.
Nous avons transmis des émotions aux spectateurs.
Nous avons accompagné notre mise en scène d’une musique appropriée.
Écriture
On pourra distribuer la grille d’évaluation suivante aux élèves.
Critères Remarques
Je me suis servi des autres extraits du parcours.
J’ai exprimé les sentiments complexes de Cyrano, à l’aide d’un lexique
précis.
Mon texte est une lettre d’aveu.
58
Chapitre 1
du plaisir des mots
Jouer avec les sentiments
au plaisir de jouer p. 56-57
Stratégies pédagogiques
Cette double page d’exercices propose à la fois des exercices ludiques de jeu
(improvisation, mime…) et d’écriture. Les exercices oraux pourront donner lieu
à des compétitions entre équipes, tandis que les exercices d’écriture et de jeu
stimuleront la créativité collective des élèves. La diversité des exercices permettra de
différencier les pratiques au sein de la classe : la maîtrise du lexique des sentiments
pourra être travaillée par certains tandis que les élèves plus à l’aise pourront se lancer
immédiatement dans un travail d’écriture ou de récitation.
Activité 2
Critères Remarques
Le texte a la forme d’un dialogue théâtral.
Les phrases sont incomplètes…
… mais on comprend ce qui se passe.
Un sentiment se développe au fil du texte.
Activité 4
Critères Remarques
Le texte a la forme d’un dialogue théâtral.
Plusieurs détails du décor sont utilisés.
Un sentiment se développe au fil du texte.
Activité 5
Critères Remarques
Le texte a la forme d’un dialogue théâtral.
On apprend des informations sur les deux personnages.
Les sentiments entre les personnages sont développés.
1 - Dire l'amour 59
lecture cursive p. 58-59 Des amours contrariées
Stratégies pédagogiques
Ce roman d’anticipation est relativement long pour des élèves de 4e, mais sa lecture
n’est pas particulièrement difficile. Pour aider les élèves peu lecteurs, on propose
cependant des parcours semi-guidés leur permettant de sauter des pages s’ils le
souhaitent, à condition qu’ils lisent celles en rapport avec l’histoire d’amour qu’ils
ont décidé de suivre : celle d’Éléa et Païkan, ou celle de Simon et Éléa. Deux projets
d’écriture permettent de réfléchir au thème du programme, « Dire l’amour », à l’aide
de deux genres différents : la lettre et le journal intime.
Lire l’œuvre
Pacte de lecture 1
1er rendez-vous de lecture
1. L’expédition trouve la cité dans l’Antarctique grâce à un signal venu du sous-sol,
réceptionné par un appareil de sondage.
2. Les scientifiques veulent réveiller les personnages endormis afin d’en savoir plus
sur la cité qu’ils ont découverte et sa technologie.
3. Plusieurs hypothèses sont possibles : sont-ce les dirigeants de cette civilisation
disparue ? des êtres divins ? des extraterrestres ?...
60
Chapitre 1
2e rendez-vous de lecture
4. Éléa et Païkan sont amants.
5. Coban, directeur de l’université de Gondawa, est le plus grand scientifique de son
époque. Il propose à Éléa de plonger avec lui dans un sommeil prolongé afin de
reconstituer plus tard la race humaine, après la fin du conflit opposant Gondawa à
Énisoraï.
6. Éléa s’enfuit car ce que lui propose Coban revient à perdre à jamais Païkan,
l’homme qu’elle aime.
3e rendez-vous de lecture
7. Simon éprouve de l’amour pour Éléa.
8. Éléa croit que l’homme endormi que les scientifiques veulent réveiller est Coban.
Elle s’empoisonne et l’empoisonne indirectement lorsque les scientifiques se servent
de son sang contaminé pour transfuser l’homme endormi. Mais il s’agit en réalité de
Païkan, l’homme qu’elle aime, qui a pris la place de Coban et dont le visage est dissi-
mulé derrière un masque, empêchant la jeune femme de le reconnaître.
9. On ne peut éprouver que de la tristesse pour ces personnages, soumis à un destin
tragique.
1 - Dire l'amour 61
Chapitre 1
Des livres et des films Découvrir des œuvres sur le
p. 60-61 sentiment amoureux
Stratégies pédagogiques
Le projet du carnet de lecture incite les élèves à développer un rapport personnel et
autonome aux livres et à l’écriture. Les conseils méthodologiques sont donnés à titre
d’exemple : c’est aux élèves de s’approprier cet outil. Si un temps de mutualisation
des carnets de lecture est prévu longtemps à l’avance, les élèves auront peut-être à
cœur de soigner la présentation de leur carnet, et d’orienter leur travail en vue de sa
découverte par les camarades.
62
Chapitre 1
Ce que vous avez appris sur… (p. 62-63)
1 - Dire l'amour 63
Au théâtre, la dramaturgie et la mise en scène exacerbent la puissance du sentiment
amoureux.
Synthèse
Les textes abordés ont par exemple mis l’accent sur la douleur éprouvée par les
amoureux privés de celui ou celle qu’ils aiment : soit qu’ils en sont éloignés (c’est
le cas d’Apollinaire), soit qu’ils se pensent indignes d’être aimés (c’est le cas de
Cyrano, le personnage d’Edmond Rostand).
La poésie est un moyen privilégié pour rendre hommage à ceux que l’on a perdus.
Ainsi, Hugo évoque avec nostalgie la joie que lui procuraient les visites matinales de
sa fille : son poème est un tombeau élevé à la mémoire de la défunte. Lamartine,
quant à lui, nous rend témoin de son indifférence au monde, provoquée par la mort
de sa bien aimée : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ! » dit-il aux
éléments naturels.
Au théâtre ou à l’opéra, la dramaturgie et la mise en scène exacerbent la puissance du
sentiment amoureux. Fou de jalousie, Don José en vient à tuer Carmen, qu’il refuse
de perdre. Au contraire, Cyrano aide son rival, Christian, à conquérir celle qu’il aime,
car il fait passer le bonheur de Roxane avant le sien.
64