Hematopoiese
Hematopoiese
Hematopoiese
Je tiens tout d’abord à remercier le Professeur Pierre Brousset pour la confiance qu’il
m’a accordée pour mener à bien ce projet et pour l’intérêt qu’il porte à mon devenir
professionnel. Je vous remercie de m’avoir encouragée à réaliser cette thèse et de m’avoir
soutenue tout au long de ce parcours.
Je remercie le Professeur Georges Delsol de m’avoir accueillie dans son laboratoire
sept années auparavant et de m’avoir donnée son approbation et ses encouragements pour
effectuer cette thèse.
Je remercie les Professeurs Serge Romana, Nicolas Sirvent et Claude Preudhomme
d’avoir accepté et donné de leur temps pour juger ce travail. Je vous remercie aussi pour
toutes vos remarques qui ont permis d’améliorer ce manuscrit.
Je remercie le Professeur Eric Delabesse de m’avoir fait l’honneur de présider mon
jury. Je vous remercie également d’être toujours disponible et de très bon conseil.
Je remercie le Docteur Nicole Dastugue qui a accepté de me confier ce projet qu’elle
avait initié. Je vous suis très reconnaissante de m’avoir soutenue tout au long de ce travail et
de m’avoir consacrée de votre temps. Je suis aussi heureuse d’avoir pu finaliser cette étude
qui vous tenait à cœur.
Je remercie toutes les personnes ayant travaillé sur ce projet et notamment le Docteur
Eric Lippert et le Professeur François-Xavier Mahon qui ont permis de relancer cette étude et
le Docteur Gwendoline Soler qui l’avait débutée. Je tiens à remercier Stéphanie Struski qui a
pris beaucoup de son temps pour effectuer l’étude cytogénétique et surtout l’interpréter, chose
qui s’est avérée difficile. Je remercie aussi le Docteur Cécile Demur pour sa disponibilité et
son aide précieuse lors des analyses cytologiques. Je tiens à remercier Cyril Broccardo d’avoir
pensé à moi pour ce projet. Je te remercie aussi pour tous tes conseils et ton aide. Je remercie
enfin Nais Prade et Cindy Cavalier pour leur efficacité et leur aide lors des analyses
génomiques.
Je tiens à remercier globalement tous les membres de l’équipe qui, à un moment ou un
autre, m’ont apporté du soutien, des conseils ou de l’aide et aussi leur petite touche
personnelle permettant de passer de bons moments : Marie-Pierre et sa gentillesse, Emilie D
et sa décontraction, Julie et sa gaieté, , Charlotte et son franc parler, Céline et ses bons plans,
Cécile et sa douceur, Laure et son entrain, Julien et son humour décalé. Je remercie Estelle,
Fabienne, Laurence et Sylvie qui savent se rendre disponibles et toujours prêtes à donner de
bons conseils.
Je remercie plus personnellement, Jeannine, l’âme et la mémoire de cette équipe, qui
est toujours là quand on a besoin d’elle. Je vous remercie pour votre disponibilité et votre
bonne humeur quotidienne qui m’accompagne depuis mon arrivée au laboratoire. Etienne,
mon soutien sans faille pendant cette thèse qui as toujours répondu présent et trouvé les mots
pour me remonter le moral quand j’en avais besoin et cela même après une attaque frontale
par un tiroir. Merci pour les fous rires mais aussi les instants de culture générale. J’aurais
vraiment voulu que tu sois là pour la dernière ligne droite fichu pancake. Wilfried, monsieur
Sno, et son oreille attentive. Merci pour les instants partagés et pour la confiance que tu me
témoignes. Je suis admirative de ton parcours et je te souhaite beaucoup de réussite pour la
suite. Marina, avec qui tout a commencé et qui est revenue à temps pour le grand final. Je te
remercie pour toutes les années que nous avons passées ensemble à travailler avant cette
thèse. Je suis très touchée pour toute l’aide et le soutien que tu m’as apportés à la fin de cette
étape. J’espère que maintenant nos chemins professionnels resteront liés, pour le reste je ne
m’en fait pas.
Je remercie mes colocataires de bureau non citées précédemment qui sont Emilie L,
Pauline et Emilie-Fleur. Merci à vous trois pour votre gentillesse et votre disponibilité.
Je remercie aussi les anciens qui ont partagé avec moi un bout de vie au laboratoire et
de bons moments comme Jeff, Michèle, Ashraf et la Gilles’s dream team : Gilles, Alan,
Jérôme et Catherine.
Je remercie tous les membres des équipes de l’étage « jaune » qui sont les équipes
Fournié, Manenti et Payrastre avec qui j’ai pu interagir ou tout simplement discuter. Je
remercie Anne-Marie Benot, Nathalie Frances et Sébastien Guibert pour leur gestion au
quotidien et tous les membres des plateaux techniques pour leur disponibilité et leur
efficacité.
Je tiens à remercier toute ma famille et mes amis qui m’ont fait l’honneur d’être là
pour me soutenir et célébrer la fin de ma thèse. Enfin, Arnaud, je te remercie de m’avoir
épaulée et d’avoir réussit à me supporter tout au long de cette thèse. Je finis par un clin d’œil
à mon fils Arthur…
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABBREVIATIONS............................................................................................. 3
INTRODUCTION.................................................................................................................... 5
I. INTRODUCTION GENERALE......................................................................................... 7
II. L’HEMATOPOÏESE.......................................................................................................... 9
A. LE MODELE CLASSIQUE ....................................................................................................... 9
1. La cellule souche hématopoïétique .............................................................................. 11
2. Les progéniteurs hématopoiétiques.............................................................................. 13
3. Révision du modèle classique....................................................................................... 15
B. LA MYELOPOÏESE .............................................................................................................. 17
1. Les facteurs de régulation ............................................................................................ 17
a) Les facteurs extrinsèques ......................................................................................... 17
(1) Les cellules stromales......................................................................................... 19
(2) Les facteurs solubles........................................................................................... 19
b) Les facteurs intrinsèques.......................................................................................... 21
(1) GATA1 ............................................................................................................... 23
(2) MYB ................................................................................................................... 29
(3) PU.1 .................................................................................................................... 35
(4) C/EBPα ............................................................................................................... 35
C. ONTOGENESE DES GRANULOCYTES BASOPHILES ............................................................... 37
1. Fonction des basophiles ............................................................................................... 37
2. Origine des basophiles humains .................................................................................. 39
3. Les basophiles murins .................................................................................................. 41
III. LES LEUCEMIES AIGUËS MYELOBLASTIQUES................................................. 43
A. CLASSIFICATION ............................................................................................................... 43
B. LES ALTERATIONS GENETIQUES ........................................................................................ 43
1. Les anomalies de structure........................................................................................... 43
a) Les translocations chromosomiques ........................................................................ 43
(1) Mécanismes de formation................................................................................... 45
(2) Types de translocation ........................................................................................ 49
(3) GATA1 et MYB dans les anomalies chromosomiques...................................... 57
2. Les anomalies de séquences......................................................................................... 57
a) Mutations des facteurs de transcription.................................................................... 59
b) Mutations fréquentes dans les LAM ........................................................................ 61
c) Mutations de MYB et GATA1 ................................................................................... 63
3. Les dérégulations épigénétiques .................................................................................. 63
C. LES LEUCEMIES AIGUËS MYELOBLASTIQUES PEDIATRIQUES ............................................. 67
D. LES LEUCEMIES AIGUËS A BASOPHILES DE NOVO .............................................................. 69
1. Généralités ................................................................................................................... 69
2. Diagnostic .................................................................................................................... 69
OBJECTIFS............................................................................................................................ 73
RESULTATS .......................................................................................................................... 77
DISCUSSION ET CONCLUSION ....................................................................................... 91
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES........................................................................... 103
1
2
LISTE DES ABBREVIATIONS
AD : Domaine d’activation
AMV : Avian Myeloblastosis virus
ATRA: All-Trans Retinoic Acid
Ba/Eo : Basophile/Eosinophile
Ba/Mast : Basophile/Mastocyte
Ba/Meg : Basophile/Mégacaryocyte
CD : Cluster of Differentiation
CFC : Colony Forming Cell
CFU: Colony Forming Unit
CFU-E : Colony Forming Unit–Erythroïde
CFU-G : Colony Forming Unit–Granulocyte
CFU-GEMM : Colony Forming Unit–Granulocyte Erythrocyte Monocyte Megacaryocyte
CFU-GM : Colony Forming Unit–Granulocyte Monocyte
CFU-M : Colony Forming Unit–Monocyte
CFU-MC : Colony Forming Unit–Megacaryocyte
CFU-S : Colony Forming Unit–Spleen
ChIP-Seq : Chromatin ImmunoPrecipitation–Sequencing
CSH : Cellule Souche Hématopoïétique
CT-CSH : Court Terme–CSH
C-term Znf : Doigt de Zinc C–terminal
DBD : Domaine de liaison à l’ADN
DMT : Désordre myéloprolifératif transitoire
DNMT : DNA méthyltransférase
DSB : Double-Strand Break
EPO : Erythropoïétine
HAT : Histone acétyltransférase
HDAC : Histone désacétylase
HDM : Histone Déméthylase
HLA-DR : Human Leucocyte Antigen–DR
HMT : Histone méthylase
HR : Homologous Recombination
IL : Interleukine
KD : Knock–Down
KDa : KiloDalton
KO : Knock–Out
3
LAB : Leucémie Aiguë à Basophiles
LAL : Leucémie Aiguë Lymphoblastique
LAM : Leucémie Aiguë Myéloblastique
LAMK : Leucémie Aiguë Mégacaryoblastique
Lin–: lignage négatif
LMC : Leucémie Myéloïde Chronique
LSK : Lin–Sca1+Kit+
LTC–IC : Long Term Culture-Initiating Cell
LT–CSH : Long Terme-Cellule souche hématopoïétique
MBS : MYB Binding Site
MGG : May-Grünwald-Giemsa
NHEJ : Non-Homologous End Joining
NOD/SCID : Non-Obese Diabetic/ Severe Combined ImmunoDeficiency
NRD : Domaine de régulation négatif
N-term Znf : Doigt de Zinc N-terminal
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PB : Progéniteur Lymphoïde B
PCEM : Progéniteur Commun Erythro-Myéloïde
PCL : Progéniteur Commun Lymphoïde
PCML : Progéniteur commun myéloïde-lymphoïde
PE : Progéniteur Erythroïde
PG : Progéniteur Granulocytaire
PGM : Progéniteur Granulo-Monocytaire
PM : Progéniteur Monocytaire
PMB : Progéniteur myéloide lymphocyte B
PMC : Progéniteur MégaCaryocytaire
PMP : Progéniteur MultiPotent
PMT : Progéniteur Myéloide lymphocyte T
PT : Progéniteur lymphoïde T
RAG : Recombination-Activating Gene
SCF : Stem Cell Factor
SMD : Syndrome MyéloDysplasique
SRC : SCID repopulating cells
TAD : Domaine de transactivation
TCR : T cell receptor
TK : Tyrosine kinase
4
INTRODUCTION
5
6
I. Introduction générale
L’hématopoïèse est un processus physiologique complexe et finement régulé qui
aboutit à la formation de divers types cellulaires formant le tissu hématopoïétique.
Schématiquement, on distingue deux lignées : la lignée lymphoïde et la lignée myéloïde.
L’équilibre entre ces différentes populations cellulaires est obtenu par une fine régulation des
processus de prolifération et de différenciation. La dérégulation d’un de ces deux ou de ces
deux paramètres fondamentaux conduit au développement d’hémopathies malignes. On
distingue par exemple les hémopathies chroniques, caractérisées par l’augmentation de la
prolifération d’un ou plusieurs types cellulaires, des hémopathies aiguës, durant lesquelles les
cellules bloquées à un stade précoce de la différenciation prolifèrent de manière excessive. Au
cours de l’introduction, nous nous intéresserons à l’hématopoïèse normale et notamment aux
acteurs de ce processus. Nous présenterons également des données de la littérature qui ont
permis de réviser le modèle classique de l’hématopoïèse. Par la suite, la myélopoïèse sera
présentée, et notamment les facteurs régulant ce processus parmi lesquels les facteurs
intrinsèques et extrinsèques. Une troisième partie s’intéressera aux granulocytes basophiles
qui sont touchés lors de la pathologie présentée ici. Ensuite, l’hématopoïèse pathologique et
en particulier la leucémie aiguë myéloblastique (LAM) sera présentée. Nous développerons
les causes moléculaires des LAM telles que les dérégulations suite aux translocations
chromosomiques. Enfin, nous présenterons en détail une sous-classe de LAM, la leucémie
aiguë à basophiles (LAB), qui forment un groupe hétérogène de part la diversité des
translocations associées et des phénotypes observés.
Notre laboratoire s’intéresse à la caractérisation des réarrangements chromosomiques.
D’un point de vue clinique, nos travaux ont pour objectif d’améliorer la prise en charge du
patient. Sur un plan scientifique, nous cherchons à mettre en évidence des gènes importants
dans l’ontogénèse des cellules sanguines. Dans ce contexte, nous nous sommes intéressés à
quatre cas de nourrissons porteurs de la même translocation, la t(X;6)(p11;q23), et atteints de
LAB avec une présentation clinique similaire. Par des analyses cytogénétiques, nous avons pu
vérifier le réarrangement du gène MYB situé sur le chromosome 6 au niveau de la bande q23.
Les étapes suivantes ont permis de cloner un nouveau transcrit de fusion MYB–GATA1 et
d’étudier son rôle dans la myélopoïèse. Nos travaux in vitro ont prouvé que MYB–GATA1
peut être à l’origine de l’apparition d’une LAM par ses capacités à bloquer la différenciation
et à transformer les cellules exprimant cette protéine chimérique. Sur un plan clinique, cette
étude a permis de définir une nouvelle entité clinico-biologique.
7
Prolifération
LT-CSH
CSH
CT-CSH
PMP
Moelle osseuse
PCEM PCL
Progéniteurs
PE PGM PMC PB PT
Différenciation
PM PG
Précurseurs
Sang
Erythrocyte Monocyte Granulocyte Plaquette Lymphocyte B Lymphocyte T
8
II. L’hématopoïèse
A. Le modèle classique
L’hématopoïèse est un processus physiologique hiérarchisé qui assure la production de
cellules sanguines matures qui sont les érythrocytes, les plaquettes et les leucocytes
comprenant les granulocytes, les monocytes, les lymphocytes B et T. Les cellules
hématopoïétiques jouent un rôle dans l’hémostase, le transport de gaz, l’immunité innée et
l’immunité adaptative.
L’hématopoïèse est initiée par les cellules souches hématopoïétiques (CSH) qui
donnent naissance progressivement à des progéniteurs engagés dans des voies de
différenciation permettant d’obtenir in fine les cellules sanguines matures (Figure 1). Les CSH
génèrent le progéniteur multipotent (PMP) qui se différencie en progéniteur commun érythro-
myéloïde (PCEM) ou en progéniteur commun lymphoïde (PCL)1 à l’origine des cellules
myéloïdes ou érythroïdes et des lymphocytes B ou T, respectivement. Ces progéniteurs
prolifèrent et se différencient en progéniteurs unipotents puis en précurseurs de chaque cellule
sanguine reconnaissable morphologiquement.
Au cours du développement, l’hématopoïèse humaine se déroule dans différents
organes. Elle commence dans le sac vitellin (hématopoïèse primitive), puis dans le foie fœtal,
la rate et la moelle osseuse (hématopoïèse définitive). Chez l’adulte, l’hématopoïèse n’a lieu
que dans la moelle osseuse. Dans cet organe, le devenir des CSH est soumis à des régulations
orchestrées par des facteurs intrinsèques ainsi que par des facteurs extrinsèques provenant du
microenvironnement.
Le modèle classique de l’hématopoïèse, repose sur la dichotomie entre la lignée
lymphoïde et myéloïde qui trouve son fondement dans les observations histologiques. La
lignée myéloïde regroupe les érythrocytes, les plaquettes, les granulocytes ainsi que les
monocytes et a été définie comme telle car les précurseurs de ces cellules sont observés dans
la moelle osseuse. Les lymphocytes T et B forment la lignée lymphoïde nommée ainsi car les
lymphocytes ont tout d’abord été identifiés dans la lymphe.
9
A B
CSH CSH
Cellule Cellule
différenciée différenciée
10
1. La cellule souche hématopoïétique
Les CSH de la moelle osseuse sont des cellules quiescentes, rares, indifférenciées et
caractérisées par leur capacité à s’auto-renouveler, c'est-à-dire à se diviser en une cellule
identique, et par leur pluripotence, c'est-à-dire à se différencier en plusieurs types cellulaires
constituant le tissu sanguin. La CSH s’engage dans la différenciation après division
asymétrique. Deux mécanismes sont proposés : - une cellule fille conserve sa capacité d’auto-
renouvellement contrairement à l’autre qui se différencie sous l’influence de facteurs
cellulaires répartis inégalement lors de la division ; - une des deux cellules filles sort de la
niche hématopoïétique afin de se relocaliser dans un microenvironnement induisant la
différenciation (Figure 2).
La première mise en évidence de l’existence d’une CSH a été réalisée par Till et
McCulloch par transplantation de moelle osseuse dans une souris irradiée à une dose létale.
L’existence dans la moelle osseuse de cellules capables de la reconstituer a été démontrée par
la présence de colonies dans la rate. Chacune d’entre elle, appelées CFU-S (Colony Forming
Unit-Spleen) 3, correspondait à une cellule souche pluripotente injectée capable de générer
plusieurs lignées cellulaires.
Les CSH sont définies comme des cellules médullaires exprimant le marqueur
membranaire CD34+. Néanmoins, sur la base de ce seul marqueur, cette population est
hétérogène, c’est pourquoi de nombreux travaux tendent à préciser leur phénotype afin de
mieux étudier chaque sous-population. Ce type de caractérisation fine du compartiment des
CSH est permis, entre autres, par un test de clonogénicité en méthylcellulose après plusieurs
semaines de culture sur des cellules stromales (Long Term Culture-Initiating Cell : LTC-IC).
Ainsi, nous pouvons distinguer les cellules CD34+ HLA-DR+ capables de former des colonies
en méthylcellulose, de celles négatives ou exprimant faiblement HLA-DR, capables d’initier
une hématopoïèse complète et à long terme in vitro. Sur la base du marqueur CD38, les
cellules CD34+CD38−ont pu être isolées et correspondent à une sous-population enrichie en
CSH primitives 4.
Bien que ces expériences in vitro apportent d’importantes informations sur le potentiel
des CSH à se différencier en progéniteurs et à s’auto-renouveler, ces fonctionnalités doivent
être vérifiées in vivo. En effet, les conditions de culture lors de ces expériences ne permettent
pas de tester le développement de toutes les cellules sanguines ni de prédire si la population
isolée est capable de reproduire in vivo la reconstitution à long terme. C’est pourquoi une
11
12
technique de transplantation a été développée. Cette technique repose sur un modèle de
xénogreffe des CSH humaines dans des souris NOD/SCID (Non-Obese Diabetic/ Severe
5
Combined ImmunoDeficiency) irradiées . Les cellules capables de reconstituer le
compartiment myéloïde et lymphoïde dans ce type de souris sont appelées SCID repopulating
6
cells (SRC) et il semblerait qu’elles soient plus primitives que les LTC-IC . Les
transplantations successives permettent d’évaluer le potentiel de reconstitution à long terme.
Ainsi l’étude des marqueurs CD45RA et CD90 ont permis de discriminer dans la population
des CSH, deux sous-populations contenant les cellules dites long terme-CSH (LT-CSH :
CD34+CD38−CD45RA−CD90+) et court terme-CSH (CT-CSH :
CD34+CD38−CD45RA−CD90−) 7. La différence entre ces deux populations repose sur leur
capacité ou non à reconstituer dans le temps une moelle osseuse complète chez des souris
irradiées.
Les progéniteurs hématopoïétiques sont les cellules engagées dans les processus de
différenciation et ayant perdu une partie de leurs pouvoirs d’auto-renouvellement et de
multipotence. Leur potentiel de différenciation peut être étudié par un test de clonogénicité en
méthylcellulose (Colony Forming Cell assay : CFC assay). Cette technique est basée sur la
capacité des progéniteurs hématopoïétiques à proliférer et à se différencier dans un milieu
semi-solide en présence de cytokines. Elle permet d’étudier le degré de pluripotence de
cellules progénitrices triées. De plus, elle peut être envisagée pour tester les effets de
cytokines particulières ou de combinaisons de cytokines 9 ainsi que pour tester des drogues 10.
13
PCEM
PCEM
PCL
PCML
PMB
14
Cette analyse par CFC assay a permis d’identifier la fraction cellulaire
Lin−CD34+CD38+IL-3RαloCD45RA− , capable de générer tous les types de progéniteurs
12
myéloïdes, qui correspond au PCEM . Par la suite, le progéniteur des granulocytes
éosinophiles a été isolé à partir d’une sous-population des PCEM exprimant le récepteur à
l’interleukine-5 (IL-5) et qui, en culture en méthylcellulose, est capable de générer des
13
colonies de précurseurs éosinophiles . Cette étude invalide l’existence d’un progéniteur
commun à tous les granulocytes. Ainsi, ce type de travail permet de mieux caractériser les
progéniteurs hématopoïétiques et les étapes de la différenciation hématopoïétique, apportant
des arguments pour compléter ou modifier le modèle classique de l’hématopoïèse.
15
CFU-E Globules
rouges
EPO
Cellule souche
pluripotente
CFU- CFU-MK
Plaquettes
GEMM
TPO
Progéniteur
multipotent
CFU-M Monocytes
M-CSF
CFU-GM
GM-CSF
CFU-G Granulocytes
G-CSF
CSH quiescente
Signaux extrinsèques de
différenciation
Cellule stromale Cellule de la niche spécialisée
16
Comme chez la souris, l’hématopoïèse humaine ne suit pas strictement le schéma
classique. Plus récemment, Doulatov et al. ont démontré que les cellules caractérisées par le
phénotype : CD34+CD38−CD90neg–loCD45RA+ correspondaient à des progéniteurs capables
de se différencier en cellules lymphoïdes B et T ainsi qu’en monocytes et macrophages 17.
B. La myélopoïèse
La myélopoïèse est l’ensemble des processus de prolifération et différenciation qui
permettent d’aboutir à l’obtention des cellules hématopoïétiques matures à l’exception des
lymphocytes. Ces processus nécessitent une régulation fine de l’expression de facteurs de
transcription majeurs, faisant intervenir des cytokines spécifiques de l’engagement dans
chaque lignage ou communes pour la prolifération des cellules.
La différenciation myéloïde est bien caractérisée car elle ne nécessite pas l’utilisation
d’un stroma et ainsi peut être facilement étudiée in vitro grâce au CFC assay. Lors de ce test,
les progéniteurs sont capables de former des colonies (Colony Forming Cell : CFU) de
morphologie particulière suivant le lignage. Les cellules les plus progénitrices forment les
CFU-Granulocyte Erythrocyte Monocyte Megacaryocyte (CFU-GEMM) qui sont des
colonies mixtes multipotentes correspondant au progéniteur commun myéloïde. Au fur et à
mesure de la différenciation, ces cellules perdent leur multipotence et s’orientent vers un type
cellulaire défini. Ainsi, les CFU-GEMM se différencient en CFU-Erythrocyte (CFU-E),
CFU-Mégacaryocyte (CFU-MK) et CFU-Granulocyte Monocyte (CFU-GM) à l’origine des
CFU-Granulocyte (CFU-G) et CFU-Monocyte (CFU-M) (Figure 4). Ces différents
progéniteurs unipotents se différencient en précurseurs par des étapes de maturation
successives faisant intervenir un réseau de facteurs de transcription et de facteurs solubles.
17
Figure 6 : Facteurs solubles impliquées dans la différenciation. IL : Interleukine, GM-
CSF : Granulocyte-macrophage-colony stimulating factor, M-CSF : Macrophage- colony
stimulating factor , G-CSF : Granulocyte - colony stimulating factor , Tpo : Thrombopoïétine,
Epo : Erythrpoïétine. D’après Brown et al.18
18
(1) Les cellules stromales
19
20
deux types de molécules. A titre d’exemple, PU.1 est impliqué dans la différenciation
monocytaire et régule la transcription du récepteur au M-CSF 25.
Les facteurs de transcription sont des protéines capables, via leur domaine de liaison à
l’ADN, de se fixer dans les régions régulatrices (promoteur, enhancer et silencer) de gènes
dont ils modulent la transcription. Cette régulation peut être positive et/ou négative, et passer
par les mécanismes suivants: stabiliser ou bloquer la liaison de l’ARN polymérase à l’ADN,
réguler directement ou via d’autres protéines l’acétylation ou la désacétylation des histones et
enfin, recruter des co-activateurs ou des co-répresseurs sur les complexes de transcription.
Tous ces facteurs sont composés de plusieurs domaines fonctionnels : les domaines de
liaison à l’ADN qui sont de divers types tels que le domaine leucine zipper, hélice-boucle-
hélice, hélice-tour-hélice et doigt de zinc; le domaine de trans-activation et/ou de répression
qui recrute des co-facteurs ou qui interagit directement avec la machinerie transcriptionnelle
pour réguler la transcription.
GATA1, MYB, PU.1 et C/EBPα sont ces facteurs de transcription impliqués dans la
myélopoïèse. Leur importance est démontrée par l’effet de leur invalidation par
recombinaison homologue dans des souris (Knock-out ou KO). Ils sont également liés à une
myélopoïèse pathologique lorsqu’ils sont mutés. Nous reviendrons sur ces mutations plus loin
dans ce manuscrit. Un éclairage particulier sera apporté sur les facteurs de transcription MYB
et GATA1 car ils sont impliqués dans la translocation étudiée lors de cette thèse.
21
1 413
ZnF
ZnF
GATA1 AD
Figure 7 : Structure de la protéine GATA1. AD: domaine d’activation, ZnF : doigt de zinc.
22
(1) GATA1
9 Structure
23
Synthèse Différenciation
de l’hème érythroïde
Globine
GATA1 EPO‐R
MYB Prolifération
CDK6 cellulaire
p16
BcL‐xL Apoptose
24
essentiel à l’activité régulatrice de GATA1 lors de l’érythropoïèse et la mégacaryopoïèse
puisque la mutation V205M inhibant leur interaction est à l’origine de thrombocytopénies et
d’anémies 34.
9 Fonctions
25
26
érythro-mégacaryocytaire, soit granulo-monocytaire en fonction des taux d’expression de
chacun.
D’autre part, GATA1 contrôle également la différenciation terminale des érythrocytes.
Cet effet passe par la régulation de la transcription de gènes spécifiques de la lignée
érythroïde tels que les enzymes permettant de produire l’hémoglobine ou encore le gène de la
globine 41. De plus, il régule l’expression de GATA2 dans les progéniteurs hématopoïétiques
en se fixant sur des sites GATA présents dans sa région 5’ ce qui entraine une diminution de
42
sa transcription . Durant toutes ces étapes, GATA1 est capable de s’auto-réguler afin de
maintenir son expression en se fixant sur des sites GATA situés dans son promoteur après
43,44
dimérisation via son N-term ZnF . De plus, son activité transcriptionnelle peut être
modulée par des interactions avec des co-facteurs comme CBP (CREB Binding Protein)/P300
45
.
En parallèle, GATA1 module la prolifération et la survie. Tout d’abord, GATA1
régule l’expression du gène codant le récepteur à l’EPO, un facteur de croissance majeur des
cellules érythroïdes impliqué dans leur survie 46. GATA1 influence la prolifération en régulant
négativement la transcription de gènes impliqués dans le cycle cellulaire comme CDK6 ou de
gènes mitogènes comme MYB 47. Enfin, l’apoptose est inhibée par GATA1 via l’induction de
l’expression du facteur anti-apoptotique BcL-xL.
48
Une étude par Chromatin Immuno Precipitation-Sequencing (ChIP-Seq) sur une
lignée murine d’érythroleucémie a permis de mettre en évidence le nombre important de
gènes régulés par Gata1. Cette étude a confirmé que les gènes régulés positivement par Gata1
participent, entre autre, à la biosynthèse de l’hémoglobine ou font partie de la voie de
signalisation Ras/GTPase. Les gènes associés au cycle cellulaire quant à eux font partie des
gènes régulés négativement par Gata1. Enfin, Gata1 régulerait négativement certaines cibles
durant l’érythropoïèse par induction de l’expression de deux microARN : miR-144 et miR-
451 49.
D’autre part, GATA1 joue un rôle important dans la mégacaryopoïèse. En effet,
l’invalidation ciblée de Gata1 dans la lignée mégacaryocytaire entraîne une diminution de la
production de plaquettes liée à un défaut de différenciation associé à une prolifération accrue
50
de mégacaryocytes immatures . L’activité de GATA1 n’est pas seulement requise pour la
différenciation érythro-mégacaryocytaire. Par exemple, lors du développement des
éosinophiles, la délétion d’un site GATA dans le promoteur Gata1 chez des souris provoque
une incapacité à produire des éosinophiles matures et fonctionnels 51. De plus, dans un modèle
de progéniteurs hématopoïétiques de poulet transformés en myéloblastes par l’oncogène Myb-
27
Figure 9 : Structure du gène MYB. La séquence d’atténuation est représentée par une étoile.
Les exons alternatifs sont représentés en gris. D’après Zhou et al. 52
28
Ets, l’expression forcée de Gata1 à un niveau intermédiaire entraîne une reprogrammation des
cellules en éosinophiles et en mégacaryocytes lorsqu’il est plus fortement exprimé 53.
Concernant les mastocytes, Gata1 interviendrait dans leur différenciation terminale étant
donné que les souris Gata1low (20 % de l’expression normale) présentent des mastocytes
54,55
anormaux . GATA1 apparaît donc requis pour le bon développement de différentes
lignées myéloïdes.
(2) MYB
9 Structure
Le gène MYB a été identifié comme l’analogue cellulaire du gène v-myb des virus
AMV (Avian Myeloblastosis Virus) et E26 capable d’induire chez le poulet des leucémies
myéloblastiques et érythroblastiques respectivement. MYB fait partie d’une famille de
facteurs de transcription comprenant, MYB, AMYB et BMYB, et partageant une forte
homologie de séquence, notamment au niveau du domaine de liaison à l’ADN. Néanmoins, ils
diffèrent par leurs profils d’expression tissulaire. Ce gène, hautement conservé au long de
l’évolution 56, est majoritairement exprimé dans les cellules hématopoïétiques immatures.
Le gène MYB est situé sur le chromosome 6 au niveau de la bande q23. Le premier
intron comprend une séquence permettant l’atténuation du niveau de transcription qui apparait
critique dans la mesure où elle est mutée dans les cancers colorectaux associés à une forte
expression de MYB 57. Ce gène est composé de 15 exons avec 6 exons alternatifs (Figure 9).
L’expression et l’activité transcriptionnelle de ces 6 variants d’épissage ont été étudiés 58. Ils
possèdent le même site de liaison à l’ADN mais diffèrent par leur domaine carboxy-terminal.
Cette différence est à l’origine d’un pouvoir de transactivation différent pour chaque variant.
De plus, leur expression varie suivant le lignage mais aussi suivant le contexte pathologique
(LAM ou LAL-T). Il semblerait alors que ces variants aient un rôle dans les processus de
différenciation physiologique mais aussi lors de phénomènes de leucémogénèse. Avant cette
étude, des différences fonctionnelles entre Myb (p75) et le variant p89 avaient été mise en
évidence. En effet, les 2 isoformes p75 et p89 n’ont pas le même impact sur l’apoptose induite
par privation en IL-3 dans une lignée myéloïde murine (32Dcl3). La forme p89 retarde
l’apoptose par l’activation transcriptionnelle du glutathion-s-transférase µ contrairement à p75
59
qui accélère l’apoptose par blocage de l’expression de cette enzyme . De plus, l’isoforme
p89 n’est pas indispensable à une hématopoïèse normale contrairement à MYB 60. Une étude
29
1 DBD TAD NRD 640
acidic
LZ
Figure 10 : Structure de la protéine MYB. DBD : domaine de liaison à l’ADN ; R1, R2,
R3 : répétitions ; TAD : domaine de transactivation ; acidic : domaine acide ; NRD : domaine
de régulation négative ; LZ : domaine leucine zipper.
30
récente sur des cas de LAL-B pédiatriques suggère la possible utilisation de ces variants
d’épissage comme biomarqueurs 52.
La protéine MYB de 75 KDa, est soumise à des modifications post-traductionnelles
61
telles que la phosphorylation ou l’acétylation qui modifient son activité transcriptionnelle
62
. De plus, MYB s’auto-regule grâce à la présence dans son promoteur de sites de
reconnaissance spécifiques 63.
31
Différenciation
myéloïde
MYB Prolifération
cellulaire
Bcl2 Apoptose
32
9 Fonctions
33
1 272
β3/
PU.1 TAD PEST
β4
DBD
1 358
34
88-89
importants dans le maintien de l’auto-renouvellement des CSH . En outre, Myb réprime
des régulateurs de la différenciation hématopoïétique tels que PU.1 et Aml1, expliquant le
blocage de différenciation observé lors d’un maintien de l’expression de Myb 90.
(3) PU.1
Cette protéine codée par le gène SPI1 fait partie de la famille des facteurs de
transcription à domaine de liaison à l’ADN de type ets (Figure 12). Elle est activée par
phosphorylation et interagit avec des co-facteurs tels que c-Jun et AML1.
(4) C/EBPα
35
A B C
36
Dans un modèle non hématopoïétique, il a été montré qu’il était capable d’inhiber la
95
prolifération . Cette protéine exprimée dans les progéniteurs myéloïdes précoces voit son
37
38
2. Origine des basophiles humains
Comme toutes les cellules hématopoïétiques, les basophiles sont générés à partir de
CSH, néanmoins les progéniteurs basophiles humains ne sont pas bien définis. Plusieurs
hypothèses ont été émises les concernant, et notamment l’existence de progéniteurs communs
basophile/éosinophile (Ba/Eo), basophile/mégacaryocyte (Ba/Meg) et basophile/mastocyte
(Ba/Mast). La première hypothèse d’un progéniteur Ba/Eo est étayée par l’observation lors de
tests clonogéniques de colonies mixtes 9, par l’augmentation du nombre de granulocytes
102
basophiles et éosinophiles sans le sang après traitement par l’IL-3 ou encore par la
présence de cellule hybride Ba/Eo lors de leucémies 103. L’existence d’un progéniteur Ba/Meg
a été suggérée par l’observation de production d’histamine par des lignées
104
mégacaryoblastiques telle que UT7 . La lignée UT7 a d’ailleurs permis d’obtenir
105
l’anticorps spécifique des basophiles et des mastocytes, 97A6 . Enfin, du fait de certaines
analogies phénotypiques telles que l’expression du récepteur FcεRI, la présence de granules
métachromatiques ainsi que l’implication dans les réactions allergiques par sécrétion de
médiateurs, l’hypothèse d’un progéniteur commun entre les basophiles et les mastocytes a été
émise. L’un des arguments majeur en faveur de l’existence de ce progéniteur commun est que
la lignée basophile KU812 mais aussi les basophiles de patients atteints d’asthme ou
106-107
d’allergies expriment un marqueur de mastocytes : la tryptase . De plus, la production
d’un anticorps spécifique des basophiles et des mastocytes a permis de mettre en évidence que
les cellules CD34+97A6+ pouvaient donner des basophiles ou des mastocytes, en présence
105
d’IL-3 ou de SCF respectivement . Néanmoins, un argument va à l’encontre de cette
hypothèse. En effet, lors de l’augmentation du nombre de basophiles associée à des leucémies
myéloïdes chroniques, le contingent de mastocytes n’est pas affecté 108.
Sur le plan des stimulations cytokiniques, il ressort que l’IL-3 est centrale pour assurer
109
le bon déroulement de la différenciation des basophiles . Cependant, contrairement au M-
CSF pour les monocytes ou à l’EPO pour les érythrocytes, l’IL-3 ne semble pas avoir un
spectre d’action très spécifique dans la mesure où elle assure d’autres rôles tels que la
régulation de la prolifération des cellules souches hématopoïétiques. Une autre étude sur la
lignée myéloïde HL60 a proposé que l’IL-5 soit une cytokine spécifique des basophiles chez
l’homme 9. Enfin, les gènes spécifiques impliqués dans le processus de différenciation des
basophiles humains ne sont pas connus.
39
PEo
PGM
Ordre d’expression
PBa
PBa/Mast
40
3. Les basophiles murins
Dans les modèles murins, la démonstration de l’existence d’un progéniteur basophile
111
et Ba/Mast a été faite . Le progéniteur basophile retrouvé dans la moelle osseuse
correspond à la population cellulaire Lin–CD34+FcεRI+c-Kit–. Lors de ces travaux, les auteurs
ont identifié le progéniteur bipotent Ba/Mast dans la rate sur le critère d’expression élevée de
l’intégrine β7 dans la fraction Lin–c-Kit+FcγRII/III+. Ces travaux ont permis de mettre en
évidence le rôle important du facteur de transcription C/EBPα dans la différenciation des
basophiles. En effet, sa surexpression dans le progéniteur bipotent Ba/Mast induit une
différenciation en basophile tandis que son extinction induit une différenciation mastocytaire.
Cette même équipe a démontré que l’ordre et le niveau d’expression des facteurs de
transcription Gata2 et C/EBPα était critique dans l’engagement des progéniteurs vers la lignée
basophile, éosinophile ou mastocytaire (Figure 15). La surexpression de Gata2 dirige les
PGM vers la différenciation soit en éosinophiles, en basophiles ou en mastocytes. A ce niveau
d’expression de Gata2, si les PGM maintiennent le taux d’expression initial de C/EBPα, ils se
différencient en progéniteurs éosinophiles tandis que si l’expression de C/EBPα est diminuée,
ils se différencient en progéniteur commun Ba/Mast. Une fois le stade de progéniteur Ba/Mast
atteint, C/EBPα doit être ré-augmenté pour permettre la différenciation en progéniteur
basophile 26.
41
LAM avec anomalies cytogénétiques récurrentes
LAM avec t(8;21) (q22;q22) ; AML1‐ETO
LAM avec t(15;17) (q22;q12) ; PML‐RARA
LAM avec inv(16)(p13.1q22) ou t(16 ;16)(p13.1q22) ; CBFB‐MYH11
LAM avec t(9;11)(p22;q23) ; MLLT3‐MLL
LAM avec t(6;9)(p23;q34) ; DEK‐NUP214
LAM avec inv(3)(q21q26.2) ou t(3;3)(q21;q26.2) ; RPN1‐EVI1
LAM (mégacaryoblastique) avec t(1;22)(p13;q13) ; RBM15‐MKL1
Entités provisoires : LAM avec mutation NPM1
LAM avec mutation CEBPA
LAM avec anomalies associées aux myélodysplasies
Faisant suite à un syndrome myélodysplasique ou un syndrome myéloprolifératif/dysplasique
Ou présentant des anomalies cytogénétiques identiques à celles des myélodysplasies
Ou présentant une dysplasie sur > 50% des cellules d’au moins 2 lignées myéloïdes
LAM post chimiothérapie
LAM sans spécification particulière
LAM avec différenciation minime
LAM sans maturation
LAM avec maturation
LA myélomonocytaire
LA monoblastique / monocytaire
LA érythroïde : LA érythroïde pure
LA mégacaryoblastique
LA à basophile
Panmyélose aiguë avec myélofibrose
Sarcome granulocytaire
Proliférations myéloïdes associées à la trisomie 21 constitutionnelle
Myélopoïèse anormale transitoire
LAM associée à la trisomie 21 constitutionnelle
Néoplasie dendritique plasmocytoïde blastique
42
III. Les leucémies aiguës myéloblastiques
A. Classification
Au cours des étapes de différenciation et de prolifération nécessaires à la constitution
d’un tissu sanguin fonctionnel, peuvent survenir des mutations au sein d’une cellule. Elles
pourront être à l’origine d’une hémopathie maligne. Ces pathologies très hétérogènes sont
caractérisées par l’émergence d’une ou plusieurs populations de cellules immatures et/ou par
leur représentation anormale. Les leucémies aiguës correspondent à la prolifération d’une
cellule immature bloquée à un stade précoce de la différenciation. Elles sont classées en
fonction de la lignée cellulaire atteinte en leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) ou
myéloblastiques (LAM). L’OMS a reparti les LAM en 7 groupes selon des critères
cytogénétiques, moléculaires et morphologiques (Tableau 1).
43
44
L’effet d’un réarrangement chromosomique est, soit assez important pour conférer un
avantage à la cellule, soit il nécessite des évènements secondaires, additionnels, tels que des
mutations touchant un gène codant une kinase ou un facteur de transcription, c’est la théorie
des deux évènements (« two hits »). La progression de syndromes myélodysplasiques (SMD)
en LAM peut être liée à l’acquisition de mutations au niveau des gènes FLT3 et RAS dans 1/3
113
des cas . Un autre exemple est la transformation d’une leucémie myéloïde chronique
(LMC) en LAM. En effet, le premier évènement à l’origine de la LMC peut être l’expression
de BCR-ABL, et le second évènement conduisant à l’acutisation de la maladie par blocage de
la différenciation des cellules peut être l’apparition de la translocation t(7;11)(p15;p15)
(NUP98-HOXA9)114 par exemple.
Dans ces deux cas, les gènes impliqués dans ces réarrangements sont importants dans
la régulation de processus biologiques tels que la prolifération, la survie ou le cycle cellulaire.
Ils peuvent donc les moduler afin de conférer un avantage sélectif à la cellule et conduire à la
formation d’un clone leucémique. Ces gènes sont alors appelés des oncogènes. En parallèle de
ces translocations, le réarrangement conduit à une inactivation d’une copie du gène, et donc
une haplo-insuffisance, qui peut agir en coopération avec le transcrit de fusion dans les
processus de leucémogénèse. Cet effet a été démontré dans la leucémie aiguë promyélocytaire
au cours de laquelle la translocation t(15;17)(q22;q21) aboutit à la formation d’une protéine
chimérique, PML-RARα. L’haplo-insuffisance de Pml combiné à l’expression de Pml-Rarα
augmente la fréquence et diminue le temps d’apparition de la maladie in vivo115.
Les étapes d’une translocation sont la formation de deux cassures double brin
(Double-Strand Break : DSB) sur deux chromosomes suivie d’un ré-appariement illégitime
lors du processus de réparation. L’apparition de DSB peut être observée lors des
recombinaisons V(D)J (Variable, Diversité, Jonction) qui sont des réarrangements somatiques
permettant de générer un vaste répertoire d’immunoglobulines et de récepteurs des
lymphocytes T (TCR) exprimés respectivement par les lymphocytes B et T. Ce mécanisme
fait intervenir les enzymes RAG1 et RAG2 (Recombination-Activating Gene 1 et 2). Des
accidents de recombinaison somatique peuvent être à l’origine de translocations
chromosomiques telle que la translocation t(14;18)(q32;q21) qui juxtapose le gène anti-
apoptotique BCL2 à l’enhancer des immunoglobulines conduisant à la surexpression de BCL2
dans les lymphomes folliculaires 116 .
45
46
Le rôle de la topoisomérase II dans l’apparition de DSB a été mis en évidence lors de
l’observation du développement de leucémies secondaires aux traitements ciblant cette
117
enzyme par des inhibiteurs , les plus courants étant l’étoposide, la daunorubicine et la
doxorubicine. La topoisomérase II, fortement exprimée dans les cellules cancéreuses, relâche
les boucles de l’ADN en créant des cassures temporaires qu’elle re-ligue et ainsi joue un rôle
important au cours de la réplication. Lors de l’utilisation des inhibiteurs de cette enzyme, les
cassures sont maintenues par stabilisation de l’enzyme sur les brins clivés, induisant ainsi une
entrée en apoptose des cellules cancéreuses. Néanmoins, ces molécules agissent sur toutes les
cellules, c’est pourquoi, l’apparition de translocations est observée post-traitement car les
brins clivés se retrouvent libres pour participer à la formation de translocations
chromosomiques. Ce mécanisme est confirmé par la présence des séquences consensus de
fixation de la topoisomérase II au niveau des points de cassure retrouvés dans le gène MLL
(Mixed Lineage Leukemia), gène le plus fréquemment réarrangé lors de l’apparition de
leucémies post-traitement 118.
De plus, il existe sur le génome des séquences définies comme des « hot-spots » de
recombinaison, c’est à dire, des sites fragiles plus favorables à subir des translocations. Elles
se définissent par des séquences particulières comme des sites de clivage à la topoisomérase II
118
, des régions comprenant des répétitions purine/pyrimidine 119 ou des séquences Alu 120.
Néanmoins, l’étape critique après formation de ces deux DSB est leur réparation. En
121
effet, on estime à 50 le nombre de DSB par cellule lors d’une division . Pour réparer ces
cassures, il existe deux systèmes opérant à différents stades du cycle qui sont la
recombinaison homologue (Homologous recombination : HR) et le principal mécanisme à
l’origine des translocations, la liaison des extrémités non homologues (Non-homologous end-
joining : NHEJ). Un défaut de ces systèmes peut expliquer l’apparition de translocations. La
HR, ayant lieu durant la phase S et G2/M, utilise des séquences répétées homologues pour
réparer les cassures. Or, il existe dans certaines régions chromosomiques des séquences
répétées de type Alu qui sembleraient être impliquées dans les translocations entre le gène
122 123
BCR et ABL ainsi que dans les réarrangements MLL . Le processus de NHEJ, opérant
durant la phase G0 et G1 du cycle, est réalisé à l’aide de deux complexes multi-protéiques,
l’un prenant en charge les brins clivés et les positionnant (l’ADN-protéine kinase et
l’hétérodimère Ku70/Ku86) pour que le deuxième effectue la re-ligation (ligase IV/XRCC4).
L’implication du NHEJ dans la recombinaison illégitime de deux chromosomes est révélée
par la présence au niveau du point de cassure de courtes séquences homologues 124.
47
Gène A Gène B
Gène B
Gene A Gène B
Gène AB
48
(2) Types de translocation
La deuxième conséquence d’une translocation peut être la création d’un nouveau gène,
appelé gène de fusion ou chimérique, dans le cas de la juxtaposition de deux gènes
« critiques » dans la même orientation et conservant un cadre de lecture ouvert (Figure 18).
Cette anomalie est alors qualitative. Lors de translocations réciproques et équilibrées, deux
gènes de fusion sont générés mais en règle générale, un seul est impliqué dans le processus
tumoral. La protéine chimérique correspondante peut être soit activée constitutivement dans le
cas d’une kinase, ou avoir une activité transcriptionnelle modifiée lorsqu’un facteur de
transcription est réarrangé.
49
p210
BCR ABL
CC
CC
CC
PCM1‐JAK2
PCM1 JAK2
50
9 Réarrangement de gène codant une kinase
51
AML1‐ETO
AML1 ETO
PML‐RARα
PML RARα
52
Facteur de transcription chimérique dominant négatif
- AML1–ETO
La translocation t(8;21)(q22;q22), retrouvée dans 10 % des cas de LAM, génère un
132
gène de fusion AML1–ETO (Figure 21). En condition physiologique, le facteur de
transcription hétérodimérique Core Binding Factor (CBF) est composé d’une sous unité α,
AML1, AML2 ou AML3 et d’une sous unité β, CBFβ. La liaison à l’ADN ainsi qu’à CBFβ
est assuré par l’intermédiaire du domaine Runt porté par AML. Lors de ce réarrangement, le
domaine de liaison à l’ADN d’AML1 est fusionné au répresseur transcriptionnel, ETO. La
protéine correspondante conserve la capacité de former le complexe CBF et de se lier à ces
133
gènes cibles, pouvant ainsi entraîner une répression transcriptionnelle . De plus, AML1–
ETO peut agir directement sur des protéines en s’y liant, comme à PU.1 par exemple, ce qui
entraîne dans ce cas le déplacement du co-activateur c-Jun et ce qui diminue ainsi son activité
transcriptionnelle. Elle peut aussi se lier à C/EBPα bloquant par ce biais son auto-régulation et
par conséquent limitant son taux d’expression 134-135. Ces mécanismes d’action d’AML1–ETO
concourent au développement des LAM. Néanmoins, l’expression d’AML1–ETO dans des
souris adultes n’est pas suffisante pour générer une leucémie aiguë 136.
- PML–RARα
La protéine de fusion PML–RARα (Figure 22) est exprimée dans 95 % des cas de
leucémies aiguës promyélocytaires associées à la translocation t(15;17)(q22;q12). PML, pour
promyelocytic leukemia, code une protéine localisée au niveau de corps nucléaires et ayant un
137
effet suppresseur de tumeur, par son implication dans les processus d’apoptose . Le gène
RARα (récepteur à l’acide rétinoïque) code un récepteur nucléaire dépendant de la présence
d’acide rétinoïque (ATRA). En absence d’ATRA, il est associé à des co-répresseurs
transcriptionnels alors qu’en sa présence, il s’associe avec des co-activateurs
transcriptionnels138.
La protéine chimère PML–RARα bloque la fonction de RARα comme celle de PML.
Effectivement, PML–RARα agit comme un dominant négatif sur RARα, en bloquant la
139
différenciation des cellules hématopoïétiques au stade de promyélocyte . L'expression de
PML–RARα conduit à la perte de la localisation de PML au niveau des corps nucléaires par la
formation d'hétérodimères PML–RARα–PML. La perte cette localisation spécifique de PML
au sein du noyau serait associée à une incapacité à bloquer la prolifération. Ainsi, la maladie
aurait deux facettes : l’inhibition de la différenciation (liée à un effet dominant négatif sur
RARα) et l’induction de la prolifération (liée à une perte du contrôle assuré par PML sur la
53
Figure 23 : Structure de la protéine PAX5–ELN. PBD : domaine Paired box;
OCT :octapeptide ; NLS : signal de localisation nucléaire ; HD : homéodomaine. La flèche
rouge indique la jonction entre les deux protéines. D’après Bousquet et al.140.
HD
FG
FG
FG
FG
FG
NUP98‐HOXA9
NUP98 HOXA9
54
croissance cellulaire). Le traitement par l'acide rétinoïque induit la différenciation des cellules
leucémiques et provoque la dégradation de PML-RARα 141. Cette dégradation est associée à la
reformation des corps nucléaires PML. En association avec la chimiothérapie, l’acide
rétinoïque permet de guérir environ 93 % des leucémies aiguës promyélocytaires 142.
- PAX5–ELN
Notre laboratoire a caractérisé, dans 2 cas de LAL-B adultes, la translocation
140
t(7;9)(q11;p13) . Cette translocation isolée, équilibrée et récurrente, fusionne l’exon 7 du
gène PAX5 à l’exon 2 du gène de l’élastine (ELN) conduisant à la juxtaposition du domaine
de liaison à l’ADN de PAX5 avec la quasi-totalité de ELN (Figure 23). Le gène ELN localisé
en 7q11.2 code une protéine insoluble de la matrice extracellulaire de 72kDa qui constitue le
composant principal des fibres élastiques. PAX5–ELN a un rôle de transdominant négatif sur
la fonction de PAX5 sauvage, et interfère en particulier dans la transcription de gènes
nécessaires à la différenciation et au contrôle de la prolifération des lymphocytes B précoces.
55
56
(3) GATA1 et MYB dans les anomalies chromosomiques
Tout d’abord, le gène GATA1 n’a jamais été retrouvé impliqué dans une translocation.
Concernant le gène MYB, peu d’anomalies chromosomiques, caractérisées d’un point de vue
moléculaire, font état de son implication. La première description, au cours d’une étude
portant sur des cas de LAL-T, a permis de mettre en évidence l’existence de duplication du
gène MYB et de caractériser la translocation t(6;7)(q23;q34) associée à des LAL-T
pédiatriques 146.
Au niveau moléculaire, ce réarrangement juxtapose les séquences régulatrices du
TCRB au locus de MYB entrainant une dérégulation de son expression. Cette translocation
n’étant pas retrouvée associée à d’autres réarrangements récurrents des LAL-T, contrairement
à la duplication de MYB, suggère que c’est un événement princeps du développement de cette
pathologie. D’après une étude sur une plus grande cohorte de patients (107), 8,4% des sujets
sont porteurs d’une duplication acquise de MYB impliquée dans le blocage de différenciation
147
des lymphocytes T . En effet, l’utilisation d’un siRNA dirigé contre MYB entraîne une
levée de ce blocage.
Le gène MYB a été retrouvé récemment impliqué dans une translocation
chromosomique générant un gène de fusion. Avant la description de Persson et al., aucune
anomalie qualitative de MYB n’avait été rapportée. Ces travaux portent sur des cas de
carcinome adénoïde kystique dont 6 d’entre eux présentent la translocation t(6;9)(q22-23;p23-
148
24) . Lors de ce réarrangement chromosomique, 11 transcrits différents ont été identifiés
dont le majoritaire est issu de la fusion de l’exon 14 de MYB avec le dernier exon du gène du
facteur de transcription Nuclear Factor IB (NFIB). Dans tous les cas, une surexpression de
MYB–NFIB est retrouvée et est associée à la surexpression des gènes cibles de MYB testés.
Cet effet serait dû à la perte du 3’UTR de MYB contenant des sites de fixation de microARNs,
149 150
tels que mir-150 et mir-15a/16-1 , suggérant une perte de régulation post-
transcriptionnelle négative de MYB.
Les LAM sont fréquemment associées à des mutations de gènes qui sont soit isolées
ou associées à des translocations. Les gènes mutés peuvent être des proto-oncogènes ou des
gènes suppresseur de tumeurs. En effet, 40 à 50 % des patients atteints de LAM n’ont pas
d’anomalies caryotypiques visibles, le développement de ce type de leucémie peut être dû à
57
58
des mutations touchant des gènes codant des facteurs de transcription intervenant dans la
différenciation des cellules myéloïdes et/ou des gènes impliqués dans des processus plus
généraux tels que la prolifération ou la survie cellulaire. Dans ce dernier cas, il semblerait que
ces mutations soient le deuxième événement moléculaire nécessaire au développement de la
leucémie aiguë. La caractérisation de telles mutations est importante pour définir des groupes
de pronostic qui aideront à la prise en charge du patient.
Une étude portant sur 137 patients atteints de LAM a permis de mettre en évidence
pour la première fois l’existence de mutations dans le gène codant C/EBPα 151. Ces mutations
(5 délétions, 2 insertions et 4 mutations ponctuelles) retrouvées chez 10 de ces patients sont
hétérozygotes et associées à un caryotype normal pour 7 d’entre elles. Lors de cette étude, les
auteurs se sont intéressés aux patients porteurs de mutations dans la partie N-terminale de
C/EBPα. En effet, dans tous ces cas, une protéine tronquée de 30 KDa, au lieu de 42 KDa, est
produite par transcription alternative. Cette protéine tronquée conservant les domaines de
liaison à l’ADN et de dimérisation, est un dominant négatif sur la forme sauvage avec un
pouvoir transcriptionnel diminué. Enfin, l’expression de cette protéine tronquée dans la lignée
myéloïde U937 n’entraîne pas la différenciation en granulocytes matures contrairement à la
forme sauvage. C/EBPα muté peut être associé à une mutation de FLT3-ITD décrit ci après.
Un travail identique réalisé sur une cohorte de 126 patients, s’est intéressé à l’autre
152
gène clé dans les processus de différenciation myéloïde, PU.1 . Dans cette cohorte, ils ont
mis en évidence la présence de 9 patients porteurs majoritairement de mutations ponctuelles
ou de délétions hétérozygotes. Ces mutations sont retrouvées préférentiellement dans des
patients atteints de LAM-MO ou M4/5 sans association avec des anomalies chromosomiques.
Les auteurs se sont principalement intéressés aux mutations entrainant des délétions dans le
domaine de liaison à l’ADN de PU.1 dont notamment celles affectant une région spécifique,
β3β4, impliquée dans les interactions avec des régulateurs tels que c-Jun et AML1 153-154. Ces
mutations diminuent la capacité de liaison de PU.1 à l’ADN ainsi que son potentiel
d’activation sur le promoteur du gène cible du récepteur au M-CSF en présence ou non de c-
Jun et AML1. Toutefois, PU.1 aussi impliqué dans la différenciation des lymphocytes B, n’a
pas été retrouvé muté dans une étude de 64 cas de LAL-B 155.
59
60
b) Mutations fréquentes dans les LAM
Le gène le plus fréquemment muté dans les cas de LAM avec un caryotype normal est
NPM1 (50 à 60 %) 156. Il code la nucléophosmine1, une protéine ubiquitaire nucléaire faisant
la navette entre le noyau et le cytoplasme. Elle est impliquée dans l’assemblage et le transport
157
des protéines ribosomales ainsi que dans le contrôle de la duplication du centrosome . La
forme mutée de NPM1 ou NPMc se retrouve délocalisée dans le cytoplasme ainsi que la
forme non mutée par hétérodimérisation 158. La forme NPMc est préférentiellement retrouvée
156
associée à la mutation FLT3-ITD décrit ci-après . L’expression de NPMc dans des souris
159
transgéniques est à l’origine du développement d’une myéloprolifération . Néanmoins, les
mécanismes d’action moléculaires expliquant le développement de LAM chez l’homme ne
sont pas connus.
Le gène FLT3, codant un récepteur à activité tyrosine kinase, est un des plus
fréquemment touchés par des mutations dans les cas de LAM (30 à 35 %). Elles
correspondent à une duplication en tandem du domaine juxta-membranaire (FLT3-internal
domain : FLT3-ITD) 160 ou une mutation ponctuelle dans la boucle d’activation située dans le
domaine tyrosine kinase (FLT3-tyrosine kinase domain : FLT3-TKD) 161. La plus fréquente et
162
la mieux étudiée, FLT3-ITD est associée à un mauvais pronostic . Elle entraîne une
activation constitutive du récepteur tyrosine kinase 163 qui active les voies de signalisation en
164
aval (STAT5 et MAP kinase) et conduit à une prolifération accrue associée à une
protection contre l’apoptose 165.Un autre exemple de mutation activatrice est celle qui touche
les gènes de la famille RAS. Ces gènes codent des enzymes de la famille des GTPases qui
interviennent dans la transduction des signaux cellulaires permettant de moduler la
prolifération, la différenciation ainsi que la survie. Une mutation au niveau des ces enzymes
entraîne une perte de l’activité GTPase associée à une activation constitutive des voies de
signalisation en aval.
Le séquençage du génome entier d’un cas de LAM a permis de mettre en évidence la
166
présence d’une mutation au niveau du gène IDH1 (isocitrate deshydrogénase) . Ce dernier
167
comme IDH2 a été tout d’abord retrouvé muté dans les gliomes . IDH1 muté est
majoritairement associé à un caryotype normal. La mutation ponctuelle retrouvée sur ces
deux gènes entraine une modification de leur activité enzymatique résultant en une
168
augmentation du taux de 2- hydroxyglutarate . De plus, elle est associée à une
hyperméthylation de l’ADN et un blocage in vitro de la différenciation myéloïde 169.
61
A B
62
Enfin, des mutations affectant le gène suppresseur de tumeur Wilm’s tumor 1 (WT1)
codant un facteur de transcription à doigt de zinc ont été détectées 171. Les formes mutées de
WT1 prédites correspondent à des formes tronquées de la forme sauvage ayant perdues
complètement ou en partie leur domaine à doigt de zinc.
Aucune mutation somatique dans le gène MYB n’a été rapportée dans la littérature. Le
gène GATA1, localisé sur le chromosome X, est muté dans la majorité des cas de leucémies
aiguës mégacaryoblastiques (LAMK) développées chez des patients atteints de trisomie 21
(syndrome de Down). Ces mutations de différents types se situent majoritairement dans
172
l’exon 2 du gène GATA1 créant un codon stop précoce ou à la jonction exon2/intron2
170
créant des mutants d’épissage (Figure 25A). Les conséquences sont la perte d’expression
de la protéine GATA1 sauvage et la traduction, à partir d’un site alternatif situé à la
méthionine 84 (exon 3) ou par épissage alternatif, d’une protéine GATA1 courte ou short
(GATA1s) ayant perdue son domaine d’activation N-terminal (Figure 25B). Cette forme
173
tronquée est aussi présente dans les cellules hématopoïétiques normales . GATA1s
conserve sa capacité à lier l’ADN et à fixer le co-facteur FOG1 mais son potentiel de
transactivation est réduit 172. Son implication dans le développement de la maladie est précoce
puisque cette forme est retrouvée dans les désordres myéloprolifératifs transitoires (DMT)
précédant la LAMK. De plus, son importance dans la leucémogénèse serait associée à la
trisomie 21 puisque l’expression de GATA1s seule, suite à une mutation dans l’exon 2, chez
des hommes en l’absence d’un chromosome 21 surnuméraire n’induit ni de DMT ni de
174
LAMK . Toutefois, ils sont anémiés et leurs mégacaryocytes ont une morphologie
anormale démontrant l’importance de l’expression de GATA1 pour assurer une érythropoïèse
et mégacaryopoïèse normale.
63
Figure 26 : Principe d’activation et de répression de l’expression génique par les
histones acétyltransférases (HAT) et les histones désacétylases (HDAC).
GST
Ilot CpG
Séquences
hypométhylé
répétées
hyperméthylées
Hypométhylation Hyperméthylation
Instabilité Répression
génomique transcriptionnelle
Région répétée
Méthylé
Non méthylé
64
de méthylation préexistant, ainsi que DNMT3A et DNMT3B qui ciblent les régions de l’ADN
non méthylées. La méthylation de l’ADN permet d’éteindre l’expression de gènes et de région
non codantes. La dérégulation de la méthylation de l’ADN peut donc jouer un rôle critique
dans la leucémogénèse. En effet, la diminution de l’expression par hyperméthylation de gènes
175
suppresseurs de tumeurs comme p15 (CDKN2B) , un inhibiteur de l’entrée dans le cycle
cellulaire, associée à l’hypométhylation de régions non codantes ou répétées créant de
l’instabilité génomique sont deux processus majeurs retrouvés dans le développement de
176
cancers (Figure 26). L’analyse du profil de méthylation de l’ADN d’une cohorte de 344
patients atteints de LAM a permis de mettre en évidence une hyperméthylation de leur ADN
comparé à celui de cellules CD34+ de moelle osseuse saine. De plus, les auteurs ont souligné
l’association entre des profils de méthylation spécifiques et l’expression de protéines de
fusion telles que PML–RARα ou AML1–ETO 177. Effectivement, ces protéines oncogéniques
sont capables de recruter des DNMT afin de réprimer l’expression génique 178,179.
En parallèle, les changements post-traductionnels des histones modifient la structure
de la chromatine afin d’activer ou réprimer l’expression génique (Figure 27). Les enzymes
impliquées dans ce processus sont les histones acétyltransférases (HAT) et désacétylases
(HDAC) ainsi que les histones méthyltransférases (HMT) et déméthylases (HDM).
L’acétylation des histones conduit à l’activation de l’expression des gènes par relâchement de
la chromatine tandis que la méthylation des histones peut conduire soit à une activation soit à
une répression suivant les histones et les résidus méthylés. Dans certains cas, les acteurs de la
régulation positive de l’expression génique par modification des histones, comme le gène
MLL ou CBP, sont impliqués dans des translocations chromosomiques récurrentes. En effet,
MLL code une HMT spécifique de la lysine 4 de l’histone 3 180 et CBP code une HAT. Ainsi
les translocations chromosomiques les impliquant contribuent à la leucemogénèse par
l’expression anormale de HMT et HAT modifiant la chromatine et permettant l’expression de
gènes oncogéniques.
L’importance des modifications épigénétiques observées chez les patients atteints de
leucémies aiguës, explique pourquoi la thérapeutique s’intéresse à l’utilisation d’inhibiteurs
de HDAC et de DNMT (5-azacytidine) qui sont les deux types d’enzymes clés de la
régulation de l’expression contrôlée par les modifications épigénétiques. Ces molécules sont
utilisées seules ou associées aux thérapies classiques afin de restaurer l’expression de gènes
suppresseur de tumeurs.
65
Figure 28 : Distribution des anomalies chromosomiques suivant l’âge des patients. La
répartition des réarrangements du gène MLL (MLL), de la translocation AML1-ETO (t(8;21)),
des caryotypes normaux (normal), des inversions du chromosome 16 impliquant le gène
CBFβ (inv(16)) et des autres réarrangements chromosomiques (autres) est indiquée par
groupe d’âge. D’après le Dr. Dastugue.
66
C. Les leucémies aiguës myéloblastiques pédiatriques
Les LAM pédiatriques sont rares par rapport à celle de l’adulte, leur incidence est 5
fois plus faible que celle des leucémies aiguës lymphoblastiques (15-20% des leucémies
aiguës de l'enfant)181. La proportion de patients porteurs d’anomalies chromosomiques (70-85
%) est plus importante que chez les adultes (40-47 %). Les mutations de mauvais pronostic
associées au caryotype normal sont principalement FLT3-ITD (20-25 %) et la duplication du
gène MLL, tandis que les mutations de bon pronostic touchant NPM1 sont observées dans 20
à 30 % des cas. Chez les enfants, les mêmes translocations récurrentes que chez l’adulte sont
détectées avec toutefois une distribution différente. La translocation t(8;21) est plus fréquente
que la t(15;17) et l’inv(16), tandis que les réarrangements MLL ont une plus grande fréquence,
surtout chez les enfants de moins de 2 ans où elles représentent plus de 50 % des cas de LAM
(Figure 28).
67
Auteurs cas sexe Age Formule chromosomique
Alvarez et al. 1 M 15 mois t(3;6)(p21;q23),+8
Bernini et al. 1 F 9 mois normale
Dastugue et al. 1 M 2,5 mois t(X;6)(p11;q23)
2 M 6 mois t(X;6)(p11;q23)
Giagounidis et al. 1 M 67 normale
2 M 63 t(2,6)(q23?4;p22?3), del (12)(p11)
Ghosh et al. 1 M 7 mois normale
Kritharis et al. 1 F 82 t(6;12)(q13;p13.3),+der(12)t(6;12), +21
Kurosawa et al. 1 M nouveau né normale
Peterson et al. 1 F 9 NR
2 M 13 47,XY+21 (aq)
3 M 82 NR
4 M 28 NR
5 M 51 del 7
6 M 35 47,XY, +8, t(9;22)
7 F 26 complexe + t(9;22)
8 F 31 complexe + t(9;22)
Scolyer et al. 1 M 47 complexe
Shin et al. 1 M 72 45,XY,–7
Shvidel et al. 1 F 55 46 XX, polymorphisme chromosomique
2 F 23 normale
3 F 31 45 XX, del 8
4 M 23 47, XY, +19, t(10;11)(p13;q21)
5 F 17 46 XX, del(16)(q22)
6 F 14 NR
7 M 1 47 XY, t(16;17)(q22;q21)
8 F 72 NR
Staal-viliare et al. 1 M 73 t(9;22)(q34;q11)
Wick et al. 1 M 72 47,XY(2 cellules)
2 F 43 normale
3 M 57 normale
4 M 13 normale
Yokohama et al. 1 M 64 complexe
68
D. Les leucémies aiguës à basophiles de novo
1. Généralités
La première description de LAB a été faite en 1906 par Joachim et al. Depuis 1999,
l’Organisation Mondiale de la Santé l’a reconnue comme une entité clinique. Cette
hémopathie rare (<1 % des cas de leucémies aiguës) est caractérisée par la présence d’un
contingent de blastes indifférenciés et de blastes basophiles appelés aussi basophiloblastes
188
dont les proportions respectives sont très variables d’un cas à l’autre (0 à 70 % de
basophiloblastes dans la mœlle osseuse), en général inférieur à 20 %.
D’autre part, les LAB sont distinctes par leurs origines. Il faut distinguer les LAB de
novo, des leucémies myéloïdes accompagnées d’un contingent de basophiles constitué pour la
plupart de basophiles matures. Ces dernières incluent principalement les LAM avec une
augmentation du contingent de granulocytes basophiles associées aux t(6;9)(DEK–CAN),
t(8 ;21)(AML1–ETO) ou del(12p11-13). Des leucémies myéloïdes chroniques (LMC) en
phase d’acutisation peuvent également correspondre à ce sous-groupe. Les LAB peuvent
présenter un caryotype normal ou des réarrangements chromosomiques tels que la
translocation qui fait l’objet de cette thèse, la t(X;6)(p11;q23)188, ou une monosomie 7195
(Tableau 2).
2. Diagnostic
La LAB est une hémopathie difficile à diagnostiquer et qui, de fait, pourrait être sous
196
évaluée . Le diagnostic repose, tout d’abord, sur l’observation des cellules leucémiques en
coloration MGG. Les basophiloblastes sont des cellules d’allure immature, de taille variable
avec un cytoplasme faiblement basophile et contenant de gros grains violets foncés (Figure
29A). Dans beaucoup de cas, ces cellules peuvent avoir une allure indifférenciée et orienter le
69
B
A
70
diagnostic vers une LAM avec différenciation minimale ou sans maturation. Le diagnostic
complet repose sur la morphologie, la cytochimie, l’immunophénotype et l’observation de
l’ultrastructure des cellules leucémiques en microscopie électronique199. Les signes clinico-
biologiques peuvent aider au diagnostic. En effet, les patients peuvent présenter au diagnostic
des prurits, rash cutané ou hyperpigmentation de la peau liés à un syndrome
d’hyperhistaminémie due à la dégranulation massive des blastes basophiles.
D’un point de vue morphologique, les blastes contiennent d’amples granules mises en
évidence par la coloration métachromatique au bleu de toluidine (Figure 29B). Mais, dans de
nombreux cas, les granules basophiles des cellules leucémiques ne sont pas visibles en
microscopie optique. Les cellules sont négatives aux tests de la myéloperoxydase, spécifique
des cellules myéloïdes granulocytaires, et du naphtol AS acétate estérase, spécifique de la
lignée monocytaire. Cependant, la cytochimie ne contribue pas toujours au diagnostic, car
certains de ces résultats peuvent être équivoques, et des diagnostics de LAB ont été
répertoriés avec des résultats de coloration au bleu de toluidine négatifs et des tests
myéloperoxydase positifs.
Sur un plan immunophénotypique, les études ont montré que le phénotype des cellules
leucémiques n’est pas homogène (Tableau 3). En général, elles sont porteuses des marqueurs
myéloïdes tels que CD13 et CD33. Les marqueurs étant hétérogènes, il semblerait pertinent de
réaliser le marquage CD203c spécifique des basophiles.
Enfin, lorsque que les techniques précédentes ne permettent pas de poser le diagnostic
de LAB, l’utilisation de la microscopie électronique peut être une bonne approche. L’étude de
Shvidel et al.196 a montré que dans une cohorte de 184 patients atteints de LAM avec
différenciation minimale, la microscopie électronique avait permis de mettre en évidence 8
cas de LAB non suspectés au diagnostic.
71
72
OBJECTIFS
73
74
Les travaux antérieurs sur les LAB de novo portent essentiellement sur la description
de cas cliniques et sur les méthodes de diagnostic de la maladie. Au début de cette étude, les
événements moléculaires aboutissant au développement de cette pathologie n’étaient pas
connus. Aucune altération génétique n’avait été identifiée comme impliquée dans les
translocations chromosomiques associées aux LAB. Or, la caractérisation moléculaire des
réarrangements chromosomiques permet d’améliorer la compréhension des fonctions des
gènes impliqués. En effet, en condition pathologique le rôle crucial d’un gène est souvent
souligné. Lorsqu’un gène est réarrangé ou muté, les dérèglements associés mettent en
évidence ses fonctions régulatrices sur des processus impliqués dans la leucémogénèse. De
surcroit, les travaux portant sur l’identification des gènes réarrangés dans les translocations
chromosomiques ont permis d’améliorer le diagnostic, de préciser le pronostic ainsi que
d’orienter le traitement. Dans ce cas, la caractérisation moléculaire de nouvelles translocations
pourrait servir à améliorer la prise en charge du patient. Par ailleurs, l’ontogénèse de
basophiles étant peu connue, et notamment le ou les gènes spécifiquement impliqués dans
l’engagement des cellules dans ce type cellulaire, l’identification des gènes réarrangés dans
cette pathologie pourrait contribuer à une meilleure compréhension des voies de
différenciation de la lignée basophile.
Ce projet de thèse avait pour objectif d’étudier quatre cas de LAB de novo porteurs
d’une même translocation t(X;6)(p11;q23). Deux cas, inclus dans notre étude, avaient été
décrits il y a quelques années par le Dr. Dastugue, sans étude moléculaire des réarrangements
chromosomiques. C’est l’ajout de deux nouveaux cas présentant la même translocation et le
même tableau clinique qui a relancé cette étude. En effet, notre projet permet de décrire pour
la première fois une translocation récurrente dans cette pathologie rare qu’est la LAB et ainsi
définir une nouvelle entité clinico-pathologique. Par ailleurs, la détermination des gènes
impliqués dans ce réarrangement pourrait mettre en évidence leur importance dans
l’ontogénie des basophiles. Enfin, à travers l’étude de ce réarrangement dans des LAB, nous
pourrions proposer un modèle des mécanismes oncogéniques impliqués dans cette pathologie.
75
76
RESULTATS
77
78
Identification of a transforming MYB-GATA1 fusion
gene in acute basophilic leukemia:
a new entity in male infants
Blood. 2011;117(21):5719-5722
79
80
SUPPLEMENTAL DATA
Patients P1 and P2: Both patients presented at diagnosis with similar clinical signs consistent
Patient P3: A three-month-old boy was admitted to hospital with diarrhea, vomiting and fever.
fluid was normal. Analyses of the blood showed anemia (hemoglobin: 6g/100mL),
thrombocytopenia (42 000/mm3) and hyperleukocytosis (53 000/mm3) due to the presence of
77% blast cells (indicative of acute leukemia). Bone marrow smear confirmed this diagnosis
of acute leukemia; the nucleated cells were large blasts with a high nucleocytoplasmic ratio,
intensely basophilic cytoplasm (sometimes containing vacuoles), and, often, large purple
toluidine blue staining. The blasts were negative for the myeloperoxidase reaction but positive
for the markers of myeloid lineage, CD13, CD33 and CD117 (CD34-). The karyotype at
46,Y,der(X)t(X;12)(p21;q23)t(X;6)(q28;q23),der(6)t(X;6)(q28;q23),del(12)(q23)[18]/46,XY[
6]. Rapid treatment first with corticoids followed by a combination of aracytin and
produced prompt regression of the symptoms and complete remission has been obtained. The
Patient P4: A 5-week-old boy was admitted to hospital with fever and vomiting. Physical
hyperleukocytosis (125 000/mm3) with 87% blast cells. The bone marrow smear showed 84%
blast cells with a high nucleocytoplasmic ratio, fine and nucleolated chromatin, and a small
ring of intensely basophilic cytoplasm. A quarter of the blasts displayed fine granulations.
None of these was positive for myeloperoxidase activity. The immunophenotype confirmed
the myeloid nature of the blasts (CD33+) with positive CD24. The karyotype showed 46,XY
achieved and, after intrafamilial hematopoietic stem cell transplantation (from a brother), has
Fresh and frozen samples from patients P1 and P2 have been obtained after informed consent
and stored at the HIMIP collection. According to the French law, HIMIP collection has been
registered by the Ministry of Higher Education and Research (DC 2008-307 collection 1) and
obtained a transfer agreement (AC 2008-129) after approval by the “Comité de Protection des
Personnes Sud-Ouest et Outremer II” (ethical committee). Clinical and biological annotations
of the samples have been approved by the CNIL (Comité National Informatique et Libertés
i.e. Data processing and Liberties National Committee). Samples from patient 3 and 4 have
been obtained from the tumor bank of the Centre Hospitalier Universitaire Bordeaux
FISH. Cytogenetic analysis of diagnostic bone marrow samples was performed by standard
methods as previously described 2. As probes for the MYB and GATA1 genes, we selected the
BAC and fosmids clones (Supplemental Figure 1) by using the Human Genome Browser
RACE. Total RNA was extracted according to the Trizol method (Invitrogen). One
microgram of total RNA from each patient (P2, P3 and P4) was reverse-transcribed into
cDNA by using an oligo dT-anchor primer (5’/3’ RACE Kit, 2nd Generation; Roche). This
cDNA product was used as a template for PCR by using the BD Advantage 2 PCR Enzyme
System (BD Biosciences), the PCR anchor primer and a MYB-specific forward primer,
MYB1F (Supplemental Table 2). PCR was carried out in a GeneAmp PCR system 9600
(Perkin Elmer) with the following cycling parameters: 94°C initial denaturation for 1 min, 1
cycle of 94°C for 30 s, 64°C for 30 s, 68°C for 40 min, 35 cycles of 94°C for 30 s, 64°C for
30 s, 68°C for 5 min and a final extension of 68°C for 10 min. The PCR product was purified
by using the QIAquick Gel Purification Kit (Qiagen) and sequenced with the ABI Prism Dye
Screening of mutations. The mutational status of eight genes (FLT3, NPM1, WT1, CEBPa,
K-RAS, N-RAS, IDH1, IDH2) was analyzed by high-resolution melting (HRM) PCR. DNA
mutation screening of FLT3-TKD exon 20, IDH1 and IDH2 exon 4, N-RAS and K-RAS exons
2 and 3, WT1 exons 7 and 9 was performed by HRM with the use of LightCycler 480 (Roche
Applied Science) in High Melting Resolution Master Mix 1X (Roche Applied Science) with
10 ng of genomic DNA, 0.1 µmol/L of each primer (Supplemental Table 2), and 25 mmol/L
MgCl2. High-resolution melting–PCR cycling conditions were: initial denaturation at 95°C for
10 min, followed by 50 cycles at 95°C for 10 s, 63°C for 15 s, and 72°C for 25 s. The melting
curve was measured from 72°C to 95°C with 25 acquisitions per degree centigrade. FLT3
exon 13, ITD and NPM1c mutation screening was performed by multiplex PCR using Gold
Taq DNA polymerase (Applied Biosystems). PCR products were analyzed on a sequencer by
using sizing fragment analysis. CEBPA screening was performed according to Pabst et al.3.
Polymerase Mix (Clontech) by using MYB-8F and GATA1-2R primers (Supplemental Table
2) and cloned in the pCR®2.1 vector (TA cloning kit, Dual Promoter, Invitrogen). After
cleavage of the PCR product with EcoRI or BstXI, MYB-GATA1 was cloned into the
respectively.
Preparation of lin- cells. Bone marrow cells were harvested from C57BL/6 mice aged 6–12
weeks by flushing their femurs, tibias and hips with IMDM (Invitrogen), 2% Fetal Bovine
Serum (FBS) (PAN Biotech). After lysis of red blood cells with ammonium chloride–
potassium (ACK) buffer and filtration through a 0.70 µm filter, the cells were washed and
counted. Lin- cells were obtained after two rounds of separation using the Lineage Cell
Depletion Kit (Miltenyi Biotec) to remove mature hematopoietic cells and their committed
technologies), 10% FBS supplemented with 10 ng/mL of IL3, 20ng/mL of IL6 and 40 ng/mL
of SCF (Peprotech).
Retrovirus production and transduction. Cells of the packaging cell line Phoenix-Eco were
seeded at a density of 1.6 x 106 cells/6 cm plate the day before transfection. The cells were
Transfection Reagent (Invitrogen). The next day, cells were treated for 6 h with 10 mM
sodium butyrate and then incubated for 24 h at 32°C in IMDM containing 10% FBS. The
virus-containing supernatant was collected and filtered through a 0.45µm filter and incubated
for 15 min with 8 µg/mL of polybrene (Sigma Aldrich). Lin- cells were re-suspended in this
supernatant supplemented with 10 ng/mL of IL3, 20ng/mL of IL6 and 40 ng/mL of SCF at a
final density of 106 cells/mL. The cells were plated and centrifuged for 2 h at 3000 rpm and
32°C and the medium was replaced by Stemspan, 10% FBS supplemented with 10 ng/mL of
IL3, 20ng/mL of IL6 and 40 ng/mL of SCF. The next day, the cells were transduced a second
time.
Colony-forming cell assays. Lin- cells were transduced with: pMIE or pMIE-MG. The
transduced cells were then seeded at a density of 1.5 x 104 cells in 3mL of methylcellulose
(M3434; StemCell Technologies) and 1mL of this mixture was plated in 35 mm dishes (n=3).
Twelve days later, the colonies were counted. For in vitro transforming assays described
previously 4, cells were plated at the same density as previously reported. Colonies were
scored and cells were harvested and re-plated at the same density every 7 days. Cell samples
were also harvested for further analyses (FACS analysis and MGG staining).
Cloning of the genomic breakpoints. DNA from two patients (P2 and P3) was used as a
template for PCR by using PfuUltra II Hotstart PCR Master Mix (Agilent Technologies),
MYB-1130F primer (located at the end of exon 8) and GATA1-810R primer (located at the
beginning of exon 5) (Supplemental Table 2). PCR was carried out in a GeneAmp PCR
system 9600 (Perkin Elmer) with the following cycling parameters: 95°C initial denaturation
for 2 min, 30 cycles of 95°C for 20 s, 56°C for 20 s, 72°C for 45 s and a final extension of 5
min at 72°C . The PCR product was purified by using the QIAquick PCR Purification Kit
(Qiagen) and sequenced with the ABI Prism Dye Terminator Kit (Perkin-Elmer, Applied
Biosystems).
Western blotting. Cells of patient P2, or HeLa cells transfected with pcDNA3 or pcDNA3-
MG by using Lipofectamine 2000, were lysed with RIPA buffer and sonicated. Total proteins
PAGE) and then electrotransferred onto nitrocellulose membranes. The membranes were
blocked with a solution of 10% milk in PBST (0.1% Tween 20 in PBS) and probed with anti-
GATA1 antibody (sc-1234, Santa Cruz) or anti -actin antibody (Sigma Aldrich) and
secondary antibodies diluted in PBST 1 %. The immunoreactive bands were visualized using
were fixed with 3% paraformaldehyde for 10 minutes at room temperature. Cells were
permeabilized for 10 minutes with 0.2% Triton X-100 in phosphate-buffer saline (PBS)
saturated with 3% BSA and 3% FBS in the same buffer for 1 hour. The cells were incubated
for 1 hour at room temperature with anti-GATA1 antibody (sc-1234, Santa Cruz). After three
washings with PBS containing 10 mM HEPES and 3% BSA, cells were incubated with Alexa
Fluor 546 labeled anti-goat antibody (Invitrogen) for 1 hour at a dilution of 1:300 in the same
buffer. Samples were mounted in ProLong® Gold antifade reagent containing DAPI
(Invitrogen).
Quantitative RT-PCR. cDNAs were synthesized using M-MLV reverse transcriptase
an ABI Prism 7000 (Applied Biosystems) using qPCR MasterMix Plus for SYBR green
(Eurogentec). Primers were designed based on the 5’ part of MYB (exons 3–5) to detect MYB
and MYB-GATA1; on the 3’ part of MYB (exons 13–15) to detect MYB; on the 5’ part of
GATA1 (exons 2–3) to detect GATA1 and on the 3’ part of GATA1 (exons 5–6) to detect
independent reactions for the three patients (P2, P3 and P4), normalized to the human actin
1997;16(14):4226-4237.
Table S1
Characteristics of ABL patients with t(X;6)(p11;q23) translocation
P1 M 10 80 46,Y,t(X;6)(p11;q23)[40]/46,XY[1] ND
the FISH results. ND, not determined. The presence of a fusion gene involving MYB was
investigated by RACE on three patients for whom nucleic acids were available (P2, P3 and
G248P84467F3
G248P8806E9
100 Kb
RP11-416B14
G248P85531H11
G248P87328H10
50 Kb
Figure S1: Fosmids and BACs used to refine the karyotype of the patients.
Breakpoint site
at genomic level
MYB intron 8-9 GATA1 intron 4-5 MYB intron 8-9 GATA1 intron 4-5
Position on
chromosome : 135,516,674 48,651,387 135,515,673 48,651,018
Patient 2 Patient 3
Figure S2: Cloning of the breakpoint at the genomic level. We confirmed the rearrangement
of the two genes for patient P2 and P3 for whom DNA was available. These breakpoints
were distinct for P2 and P3. The shade box corresponds to an overlapping sequence
-ACTIN
Figure S3: Expression and location of MYB-GATA1. (A) Western blotting with anti-GATA1
antibody confirmed the expression of MYB-GATA1 (53 kDa) in patient 2 (P2) compared with
HeLa cells transfected with pcDNA3 empty vector as negative control and pcDNA3 MYB-
GATA1 as positive control. (B) HeLa cells transfected with pcDNA3 MYB-GATA1 were
immunostained with anti-GATA1 antibody to show the nuclear localization of the protein. (C)
6q24
6q23.3
Xp11.23
Xp11.23 GATA1
Xq13
6q22
6q23
Xp11.3
Xp22.1
Xq24
Xp22.1
Xpter
6pter
Chr(6) der(6)
6q22.1
Xq28
Xq25
Xq23
6q23.3 MYB
Xq13
Xqter
B
LOSS
No signal
on der(6)
6
RP11-104D9
GATA1
RP11-416B14
MYB-GATA1
der(X)
MYB
20kb
C
No signal LOSS
on der(6)
G248P87328H10
6
GATA1
der(X)
G248P85531H11
G248P8806E9
MYB
der(X)
G248P84467F3
20kb
D PATIENT 3
Chr 12
Chr X der(X)
6q22
6q23.3
Xp11.23
Xp11.23 GATA1
Xq28
Xp11.23
6pter
6q21
6q23.3 MYB 6q23.3
6qter
F
E
20kb
MYB
G248P84467F3
G248P8806E9
MYB
6
RP11-104D9
der(X)
der(6)
GATA1
RP11-416B14
6
GATA1
G248P87328H10
G248P85531H11
Der (6)
der(X)
der(X)
MYB-GATA1
20kb
G PATIENT 4
Chr X der(X)
6qter
Xq23
Xq25
Xqter
6q23.2
Xp11.23
6q23.3 MYB Xp21.3
Xq24
Xp21.3
Xpter
6 Der (6)
RP11-104D9
GATA1
RP11-416B14
MYB-GATA1
der(X)
MYB
20kb
I
No signal
on der(6)
6 der(6)
G248P87328H10
GATA1
G248P85531H11
G248P8806E9
MYB
der(X)
G248P84467F3
der(X)
20kb
Figure S4: FISH results in 3 patients (P1, P3 and P4): (A, D, G) Interpretation of mBAND
results. On the left, colored bars show the location of region specific paints on normal
chromosomes X and 6; breakpoints are represented by lines. On the right, the resulting
derivative chromosomes, der(X) and der(6), are schematized. (B, E, H) Results of BAC
for GATA1 (green) and MYB (red). No signal was present on the der(6) suggesting a loss of
5’ GATA1 for Patient 1. (C, F, I) Hybridization of fosmids providing further details on the
mechanism of translocation.
A B
D E
Figure S5: Phenotype of lin- cells transduced with MYB-GATA1. (A-B) Toluidine blue
staining of mouse mast cells as a positive control on the left and lin- cells transduced with
MYB-GATA1 on the right. (C) FACS analysis of cells transduced with MYB-GATA1, collected
from methylcellulose at each plating and stained with anti-Fc RIa (PE) and anti-c-Kit (PE-
Cy7). Cells remained Fc RIa -/ c-Kit -. FACS analysis of lin- cells transduced with empty
cells as a positive control on the left and of lin- cells transduced with MYB-GATA1 on the
MYB GATA1
Figure S6: Expression of MYB-GATA1. Expression levels of MYB, GATA1 and MYB-GATA1
in patient cells (P2, P3 and P4) compared to expression in healthy bone marrow (n=2)
arbitrarily set as 1 for each condition. The data are normalized against actin expression.
DISCUSSION ET CONCLUSION
91
92
Ce travail a permis de cloner et d’étudier les effets de la nouvelle protéine de fusion
MYB-GATA1 associée à la LAB. Néanmoins, nous n’avons pas pu associer cette nouvelle
translocation à une atteinte préférentielle des granulocytes basophiles in vitro. Certaines
questions soulevées par ce travail nécessitent quelques développements :
93
maturation (LAM1). Les deux derniers cas porteurs d’une insertion ins(X;6), pour lequel le
réarrangement de MYB a été confirmé, ont été classés en LAM avec maturation (LAM2).
Les diagnostics de LAM5, LAM1 ou LAM2, établis avec les seuls critères de la
microscopie optique standard, ont pu être des LAB mal diagnostiquées. En effet, le diagnostic
de LAB est difficile à établir avec les outils classiquement utilisés que sont la coloration des
myélogrammes et frottis sanguin au MGG et le test cytochimique de la myéloperoxydase. La
population de basophiloblastes (blastes avec grosses granulations basophiles) peut être très
minoritaire dans des LAB de novo, et coexister avec des basophiloblastes sans granulations.
Cette dernière population ne peut pas être rattachée à la lignée basophile sur la base de
critères morphologiques car les cellules ont l’aspect des blastes sans grains communément
observés dans les LAM. De plus, même en présence de blastes à grains, seule la coloration
cytochimique au bleu de toluidine permet de révéler la nature métachromatique des
granulations caractéristiques des basophiles. Or cette coloration n’est pas un test réalisé
systématiquement lors des diagnostics de LAM. Pour ces raisons, des LAB peuvent être
classées, à tort, dans d’autres sous-groupes de LAM. Cette hypothèse est d’autant plus
crédible que les cellules leucémiques présentent un immunophénotype de type myéloïde
(CD13, CD33, CD117 etc…) qui n’est pas spécifique des LAB car les marquages spécifiques
de la lignée basophile ne sont pas réalisés en routine.
Au niveau clinique, le diagnostic de LAB peut être établi à partir d’un tableau clinique
d’hyperhistaminémie, comparable aux réactions allergiques, dont l’intensité varie en fonction
de la charge histaminique. Les quatre cas de notre série ont tous présenté ce syndrome
d’hyperhistaminémie qui regroupent des signes cutanés avec rash, prurit, érythrodermie
(contrastant avec la pâleur des zones non atteintes liée à l’anémie), des troubles gastro-
intestinaux (vomissement, ballonnement abdominal et diarrhée), des signes cardiaques
(tachycardie..), des signes pulmonaires avec toux liée à l’œdème pouvant aller jusqu’au choc
anaphylactique. Or ce tableau, exceptionnellement observé au diagnostic d’une LAM, doit
orienter vers le diagnostic de LAB. Le cas rapporté par Belloni et al. présente plusieurs de ces
symptômes, notamment la fièvre, la toux, la tachycardie, les vomissements et la distension de
l’abdomen. Aucune précision clinique n’est disponible pour les autres cas de la littérature.
Pour conclure, il existe une conjonction d’éléments cliniques et biologiques qui
permettent de penser que le patient porteur de le translocation t(X;6)(p11;q23) rapporté par
Belloni et al. présentait une LAB. Il est donc permis de conclure que la protéine MYB-
GATA1 est à l’heure actuelle vraisemblablement associée au développement de leucémies
aiguës à basophiles chez des nourrissons (de 2,5 à 6 mois).
94
• La perte de l’expression de GATA1 est-elle indispensable au développement de la
leucémie associée à la translocation t(X ;6) ?
En effet, les patients étudiés sont tous de sexe masculin, ce qui implique que le
réarrangement de GATA1, situé sur le chromosome X, entraîne la perte d’expression de sa
forme sauvage. Pour répondre à cette question, nous pouvons nous baser sur les résultats
obtenus par Belloni et al. Lors de cette étude, des cellulles Lin– isolées à partir de souris
sauvage ou p53-/- et transduites avec MYB-GATA1 ont été injectées à des souris irradiées à une
dose létale afin d’évaluer leurs caractéristiques de reconstitution hématopoïétique. Etant
donné qu’aucune souris ne développait d’hémopathies, ils ont effectué la même expérience à
50
partir de souris Gata1-low (≤ 10 % de l’expression sauvage). Les souris reconstituées ont
toutes été atteintes de syndromes myélodysplasiques. L’une d’entre elles, après une longue
latence (13-15 mois), a développé une leucémie aiguë laissant envisager l’apparition d’une
mutation ponctuelle jouant le rôle de second « hit » ou soulignant le faible pouvoir
oncogénique de MYB-GATA1 in vivo. Toutefois, il apparait important de noter que les
phénotypes oncogéniques rapportés dans les travaux de Belloni sont obtenus à partir de
cellules Lin– exprimant faiblement Gata1. Cette observation est importante car des modèles
murins ont permis de distinguer l’effet de la diminution du niveau d’expression de Gata1 par
rapport à son invalidation. Des souris transgéniques ont été crées afin d’obtenir une
expression correspondant à 5% de l’expression normale par KD (Gata1G105). Le KO de Gata1
(Gata1null) ainsi que le KD dans des souris mâles engendre une létalité due à un défaut de
l’érythropoïèse primitive 36. Chez des souris femelles, l’inactivation du chromosome X permet
d’obtenir une population cellulaire exprimant soit l’allèle sauvage soit l’allèle Gata105. Chez
ces souris, on observe une forte incidence de leucémies touchant la lignée érythroïde ou la
203
lignée lymphocytaire B. De plus ces leucémies sont transplantables dans des souris nude .
Par opposition, dans les souris femelles gata1null/+, les progéniteurs érythroïdes mourant par
apoptose, aucune leucémie ne se développe. Dans l’étude de Belloni, les auteurs ont eu pour
objectif de faire émerger un phénotype leucémique associé à MYB-GATA1. Pour y parvenir,
ils ont adopté une stratégie favorisant le développement de leucémies et ne reproduisant pas
une des conséquences moléculaires de la translocation t(X ;6) chez des patients de sexe
masculin, c’est à dire, la perte totale d’expression de GATA1 sauvage. C’est pourquoi, leurs
travaux ne permettent pas de conclure sur le rôle joué par la perte de GATA1 dans le
développement de LAB.
95
Néanmoins, en mettant en parallèle ces résultats et le développement de LAM chez les
patients exprimant MYB-GATA1, on peut supposer que la perte d’expression de GATA1 joue
un rôle dans le développement de la maladie. En effet, les souris ne souffrent pas
d’hémopathies lorsque Gata1 est normalement exprimé. Toutefois, lors de mon étude, les
cellules Lin– transduites par MYB-GATA1 provenaient de souris normales et, malgré cela,
des effets sur la différenciation comparables à ceux retrouvés dans les LAM, ont été observés.
Comme MYB-GATA1, AML1-ETO est une protéine de fusion capable in vitro de bloquer la
204 205
différenciation granulocytaire et de prolonger l’auto-renouvellement de progéniteurs .
Cependant, AML1-ETO seule est incapable de reproduire une LAM in vivo sans l’induction
206
complémentaire de mutations par un agent mutagène . Il est possible d’expliquer cette
différence entre les expériences in vivo et in vitro par les conditions expérimentales. En effet,
lors des tests in vitro de CFC assay, les cellules transduites par MYB-GATA1 sont dans des
conditions de culture artificielles, c’est à dire, avec un cocktail simple de cytokines choisies,
induisant une différenciation myéloïde tandis que, in vivo, les cellules sont soumises à un
environnement plus complexe.
Dans le contexte pathologique qui nous concerne, nous pouvons envisager que la perte
d’expression de GATA1 pourrait provoquer la levée de deux freins. Nous pouvons d’abord
envisager la levée de l’inhibition de la transcription de gènes cibles tels que MYB et donc de
207
MYB-GATA1 . En effet, les niveaux d’expression des transcrits MYB, MYB-GATA1 et
GATA1 chez les patients comparés à ceux de moelle osseuse saine ont été évalués. Cette
analyse a montrée que MYB sauvage est sur-exprimé chez les patients étudiés (~2 fois) et que
MYB-GATA1 est fortement exprimé par rapport à MYB et GATA1. Cette sur-expression de
MYB participe positivement au processus de leucémogénèse. En effet, son inactivation dans
208
des lignées cellulaires de LAM entraîne une diminution de la prolifération cellulaire .
D’autre part, la perte de GATA1 pourrait provoquer la levée d’un frein au niveau de la
différenciation en déverrouillant l’engagement des cellules dans d’autres voies et notamment
celle la lignée granulocytaire.
96
• La translocation t(X ;6) est-elle restreinte aux patients de sexe masculin ?
Les patients porteurs de la translocation t(X;6) décrits dans la littérature sont tous de
sexe masculin. Néanmoins, si l’hypothèse de la formation du gène MYB-GATA1 lors de
l’insertion ins(X;6)(p11.2;q21q23) chez les jumelles décrites précédemment s’avérait vraie,
alors ce réarrangement ne serait pas exclusivement associé au sexe masculin. Toutefois, la
fréquence de survenue de ce réarrangement serait inférieure chez les patients de sexe féminin.
Pourquoi cette différence de fréquence dans les deux sexes ?
Chez le garçon, le chromosome X étant en simple copie, l’ensemble des gènes portés
par l’X sont exprimés. Un réarrangement MYB-GATA1 ne peut donc se produire qu’avec un
chromosome X activé (et des gènes potentiellement fonctionnels). Si un gène hybride MYB-
GATA1 est généré par translocation ou insertion, il sera fonctionnel et pourra être à l’origine
du développement d’une leucémie.
Chez la fille, deux copies du chromosome X sont présents et une des deux est
inactivée au hasard dans les différentes cellules par le phénomène dit de lyonisation. Si un
réarrangement MYB-GATA1 se produit avec le gène GATA1 d’un chromosome X inactivé, la
fusion ne sera pas fonctionnelle et la cellule porteuse du remaniement disparaitra sans
développer un clone leucémique. Au contraire, si la fusion se fait avec un gène GATA1 porté
par un chromosome X actif, la protéine MYB-GATA1 pourra être exprimée et donner lieu au
développement d’un clone leucémique, comme chez les garçons. De ce fait, le réarrangement
ne pourrait initier une leucémie qu’une fois sur deux chez les patients de sexe féminin.
Le mécanisme d’inactivation de l’X observé chez les filles pourrait donc expliquer la
plus faible probabilité de survenue des LAB chez les patients de sexe féminin et donc pourrait
expliquer pourquoi MYB-GATA1 est préférentiellement (mais non exclusivement) observé
chez les garçons.
97
Dans le cadre de la pathologie étudiée, j’ai réalisé des expériences permettant
d’étudier la différenciation myéloïde, en utilisant des tests de CFC assay sur des progéniteurs
hématopoïétiques murins transduits par MYB-GATA1. Cette expérience permet d’analyser les
paramètres de prolifération, par rapport aux nombres de colonies totales obtenues et de
différenciation, par rapport aux proportions respectives de chaque type de CFU entre les
progéniteurs de la moelle contrôle et ceux transduits par MYB-GATA1. Ces expériences ont
mis en évidence l’effet de MYB-GATA1 sur l’engagement des cellules dans la lignée
granulocytaire. En effet, nous avons observé que lorsque les progéniteurs expriment la
protéine chimérique, le nombre de CFU-G augmente et en parallèle ceux des CFU-GM et des
CFU-M diminuent. Ceci montre que MYB-GATA1 oriente préférentiellement la
différenciation des progéniteurs vers la lignée granulocytaire. Ce résultat a été confirmé par
coloration des cellules récoltées au MGG. De plus, cette approche a permis de faire apparaître
que l’augmentation des précurseurs immatures granulocytaires (myéloblastes et
promyélocytes) se faisait au détriment de la différenciation monocytaire. Enfin, MYB-
GATA1 bloque les cellules à un stade de précurseurs granulocytaires immatures, puisqu’elles
conservent la morphologie et le phénotype membranaire caractéristiques de ce stade
(CD11b+Gr1+). Cependant, ces cellules se sont révélées négatives pour deux tests spécifiques
des granulocytes basophiles (expression membranaire du FcεRI, coloration métachromatique
au bleu de toluidine).
Dans les cellules leucémiques des patients étudiés, le gène GATA1 est invalidé ce qui
pourrait les mettre dans un contexte cellulaire favorable à l’engagement vers la différenciation
en granulocytes basophiles. Les résultats obtenus par Belloni et al., abordés précédemment,
ne supportent pas cette hypothèse puisque des blastes atypiques sont observés lors de leurs
tests de reconstitution de souris par des cellules Lin–Gata1-low. Toutefois, comme nous
l’avons discuté auparavant, le modèle utilisé lors de cette étude ne reconstitue pas fidèlement
le contexte pathologique.
Pour cette étude, je me suis placé dans un modèle murin, pertinent au regard de la forte
homologie des protéines MYB et GATA1 humaines et murines. Il est pourtant possible que
les mécanismes moléculaires conduisant à l’engagement des cellules vers la lignée basophile
soient différents entre les deux espèces et que les cytokines requises pour une différenciation
basophile soient spécifiques d’une espèce à l’autre. Les tests ont été effectués dans des
conditions expérimentales permettant la différenciation myéloïde, associées donc à un
cocktail de cytokines défini. Ces cytokines, et notamment leurs concentrations relatives, sont
98
susceptibles d’introduire un biais. En effet, le microenvironnement et les stimulations
cytokiniques qui s’y rattachent sont certainement décisifs pour que la cellule choisisse de
s’orienter vers la production de basophiles. En outre, il est possible que MYB-GATA1 régule
l’expression de récepteurs à certaines cytokines spécifiques de la différenciation basophile,
présentes dans le microenvironnement mais absentes dans notre test. Les progéniteurs que
nous avons étudiés pourraient alors s’être engagés par défaut vers la lignée des granulocytes
neutrophiles.
188
Lors de la description des cas cliniques réalisée par le Dr. Dastugue , elle fait état
de la présence d’un contingent de cellules leucémiques dont la majorité est composée de
cellules immatures sans pour autant présenter les caractéristiques spécifiques des
basophiloblastes. A partir de cette observation, nous pouvons émettre les hypothèses que tous
les blastes sont à l’origine des progéniteurs de la lignée granulocytaire, et qu’une sous-
population clonale a émergé suite à une mutation additionnelle qui oriente les cellules vers un
phénotype basophile. En effet, il est courant d’observer des mutations additionnelles
susceptibles de faire évoluer le phénotype dans les leucémies aiguës myéloblastiques. Nous
avons entrepris la recherche de mutations dans les gènes FLT3, NPM1, WT1, CEBPa, K-RAS,
N-RAS, IDH1 et IDH2 chez deux de nos patients (#2 et #3). Le patient 2 est porteur d’une
mutation secondaire dans l’exon 2 du gène K-RAS (G12S). Cette mutation peut correspondre
à la sous-population clonale des basophiloblastes leucémiques qui représente 20 % des blastes
totaux chez ce patient. Si cette hypothèse est juste, il serait plus probable que la mutation de
K-RAS soit à l’origine de l’augmentation de la proportion des basophiloblastes (20% contre 2
% pour le patient 1) par un effet prolifératif, plutôt qu’à la base de l’orientation des cellules
vers la lignée basophile puisque l’autre patient testé est négatif pour les mutations choisies.
Une autre mutation, commune aux patients, pourrait avoir eu lieu dans un gène
spécifiquement impliqué dans l’engagement des progéniteurs vers la lignée basophile. Cette
explication serait un argument en faveur de l’existence d’un progéniteur commun
neutrophile/basophile chez l’homme. Une autre hypothèse serait de considérer que les cellules
touchées par cette translocation sont dès l’origine des progéniteurs basophiles et que toutes les
cellules n’ont pas encore acquis leurs caractéristiques phénotypiques.
Enfin, aux vues des réarrangements complexes mis en évidence chez nos patients, il
est possible qu’un désordre moléculaire ait été créé au niveau d’un autre point de cassure que
ceux situés en Xp11 et 6q23. En effet, la translocation de MYB sur le chromosome X nécessite
une autre cassure sur le chromosome 6 et deux des patients présentent plusieurs points de
99
cassure différents sur le chromosome X. Cependant, cette hypothèse est moins probable étant
donné que les autres points de cassures ne sont pas identiques entre les patients.
• Quels sont les mécanismes moléculaires aboutissant aux effets observés par
l’expression de MYB-GATA1 ?
Lors de ce travail, j’ai décris le phénotype engendré par l’expression de la protéine de
fusion MYB-GATA1. La caractérisation des mécanismes moléculaires associés aux
phénotypes conférés par l’expression de MYB-GATA1 devra faire l’objet de travaux
complémentaires. MYB-GATA1 est une protéine singulière car elle comporte deux domaines
de liaison potentiels avec des motifs nucléotidiques différents, l’un hélice-tour-hélice, et
l’autre en doigt de zinc. Lors de translocations fusionnant deux facteurs de transcription, il est
peu courant d’observer deux sites de liaison à l’ADN. En règle générale, lors de ce type de
translocation, un partenaire apporte son domaine de liaison à l’ADN et l’autre des éléments
régulateurs négatifs ou positifs. Il existe cependant d’autres cas comparables tel que PAX5-
209
ETV6 qui conserve les sites de liaison à l’ADN à la fois de PAX5 et de ETV6 . Toutefois
cette protéine de fusion agit comme un dominant négatif sur l’activité de la protéine PAX5
210
sauvage car le domaine de transactivation de PAX5 est perdu dans la chimère . Cette
propriété semble moins probable dans le cas de MYB-GATA1 dans la mesure où MYB
conserve également son domaine de transactivation. Des tests complémentaires sont en tous
cas nécessaires pour déterminer l’impact de la fusion MYB-GATA1 par rapport au
fonctionnement normal de MYB.
Une hypothèse serait que cette protéine chimérique corresponde à une protéine MYB
activée suite à la délétion du domaine NRD. En effet, les formes tronquées de MYB sont
capables de transformer les cellules, ce qui correspondrait dans notre cas à une augmentation
du potentiel clonogènique in vitro. De plus, MYB est capable de s’auto-réguler grâce à la
présence dans son promoteur de site de liaison de MYB. Les augmentations de l’expression
de MYB-GATA1 et de MYB observées chez les patients pourraient être dues à ce mécanisme
d’auto-régulation par MYB sauvage sur son propre promoteur ou par MYB-GATA1. En
parallèle, la forte expression de MYB-GATA1 pourrait s’expliquer par la perte des sites de
fixation des microARN situés au niveau de la région 3’ non traduite de MYB. Le maintien
d’un fort niveau d’expression de ces deux formes induirait un blocage de la différenciation.
Pour répondre à ces questions, des expériences de transactivation du gène luciférase
sous dépendance de promoteurs de gènes cibles spécifiques de MYB permettraient de tester
100
les hypothèses d’une formation d’une forme activée de MYB. En parallèle, une étude par
ChIP-Seq apporterait des réponses quant aux cibles de cette nouvelle protéine de fusion.
L’analyse de l’impact de l’expression de MYB-GATA1 sur le niveau d’expression des cibles
déterminées par les expériences de ChIP-seq pourrait apporter une vue globale des
dérégulations induites par MYB-GATA1.
101
d’essais cliniques sur des patients atteints de LMC. Malgré la démonstration que l’injection de
cet oligonucléotide modifié n’était pas toxique, les conclusions quant au bénéfice clinique
n’étaient pas certaines 214.
Pour conclure, ce travail associe pour la première fois une translocation récurrente
identifiée au développement d’une leucémie aiguë à basophile. De plus, cette étude a abouti
au clonage d’une nouvelle protéine de fusion capable de bloquer la différenciation et de
transformer des progéniteurs hématopoïétiques murins. Enfin, cette translocation touchant
quatre enfants de sexe masculin et atteints de la même maladie définit une nouvelle entité
clinico-pathologique.
102
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AUTHOR: Cathy QUELEN