Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

15132-15092-02 - Echouage Des Sargasses PDF

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 406

MINISTÈRE DES OUTRE-MER MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT, MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE,

DE L’ÉNERGIE ET DE LA MER DE L’AGROALIMENTAIRE


ET DE LA FORÊT

INSPECTION GÉNÉRALE CONSEIL GÉNÉRAL CONSEIL GÉNÉRAL


DE L’ADMINISTRATION DE L’ENVIRONNEMENT DE L’ALIMENTATION,
ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DE L’AGRICULTURE ET DES ESPACES
E RURAUX

N° 15132-15092-02 N° 010345-01 N° 15113-02

LE PHÉNOMÈNE D’ÉCHOUAGE DES SARGASSES


ES
DANS LES ANTILLES ET EN GUYANE

– JUILLET 2016 –
MINISTÈRE DES OUTRE-MER MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT, MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE,
DE L’ÉNERGIE ET DE LA MER DE L’AGROALIMENTAIRE
ET DE LA FORÊT

INSPECTION GÉNÉRALE CONSEIL GÉNÉRAL CONSEIL GÉNÉRAL


DE L’ADMINISTRATION DE L’ENVIRONNEMENT DE L’ALIMENTATION,
ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DE L’AGRICULTURE ET DES ESPACES
E RURAUX

N° 15132-15092-02 N° 010345-01 N° 15113-02

LE PHÉNOMÈNE D’ÉCHOUAGE DES SARGASSES


ES
DANS LES ANTILLES ET EN GUYANE

Etabli par :

Tristan FLORENNE François GUERBER François COLAS-BELCOUR


COLAS
Inspecteur général Ingénieur général Ingénieur général
de l’administration des ponts, des eaux et des forêts des ponts, des eaux et des forêts

– JUILLET 2016 –
4
Rapport

Résumé

Par lettre en date du 21 septembre 2015, la ministre de l’écologie du développement durable


et de l’énergie, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et la ministre des
Outre-mer ont confié au conseil général de l’environnement et du développement durable
(CGEDD), au conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux
(CGAAER) et à l’inspection générale de l’administration (IGA) une mission visant à
« formuler des recommandations opérationnelles afin d’organiser la filière de ramassage,
stockage, traitement et de la valorisation des algues sargasses dans une perspective de gestion
sur le long terme ».
La mission s’est rendue sur place pendant le mois de janvier 2016, dans les Antilles françaises
(Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) mais aussi dans un des États
insulaires voisins (Sainte-Lucie), pour y appréhender la problématique à l’échelle régionale.
Un membre de la mission s’est rendu en Guyane en avril 2016.
Pour répondre au mieux à la commande de la lettre de mission, le rapport de mission est
constitué d’une courte description de la problématique que posent les échouages massifs
d’algues sargasses sur les côtes antillaises et de Guyane et de recommandations plus détaillées
pour guider les acteurs dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action opérationnel.
Une étude détaillée, annexée au rapport, développe largement les constats et les principales
analyses effectués par la mission au cours de ses travaux et sur lesquels sont fondées ses
propositions.
D’avril 2014 à octobre 2015, de manière quasi-continue, les Antilles françaises ont été
victimes d’échouages massifs de sargasses, à l’origine de troubles sanitaires, de désordres
économiques et environnementaux, provoquant d’abord la mise en place par l’État, au cours
du second semestre 2014, de mesures de conseil et d’appui aux collectivités, ainsi que d’un
plan d’urgence au niveau local, puis d’un plan d’urgence au niveau national à l’été 2015. En
Guyane, un échouage massif s’était produit dès mai 2015, mais la mer a retiré rapidement les
dépôts. L’origine de ce phénomène, qui avait été constaté dans une moindre mesure dès 2011,
reste scientifiquement inexpliquée. Un effort de recherche est nécessaire pour réduire autant
que possible les très grandes incertitudes qui pèsent aujourd’hui sur l’estimation de la
fréquence et des volumes possibles de ces arrivées dans les prochaines années.
Le rapport recommande vivement d’entrer dans une démarche de gestion de risque, compte
tenu du caractère fluctuant et non prévisible des échouages : le risque « sargasses » serait ainsi
ajouté aux plans de gestion de risques existants, au niveau préfectoral comme au niveau
communal (notamment dans les PCS, plans communaux de sauvegarde, avec des fiches de
site définissant à l’avance les mesures à prendre), ces plans étant déclenchés de manière
différenciée aux niveaux d’alerte et de crise en fonction d’un dispositif de surveillance activé
chaque année.
En effet, les recommandations opérationnelles portent aussi sur la manière d’organiser la
surveillance des échouages pour alerter quelques jours avant leur arrivée. Elles visent
également à organiser la collecte des sargasses, leur transport et leur traitement de manière

5
Rapport

rationnelle et sans nuisance environnementale : ramassage mécanique là où les engins


notamment de type ratisseur peuvent accéder ; ramassage manuel là où il n’y a pas d’accès
possible aux engins ; et ramassage en zone-infra-littorale (en eau mais à proximité du rivage)
par des moyens que les expérimentations en cours n’ont pas encore permis de définir de
manière réaliste. La solution du ramassage en haute mer a été écartée par la mission pour des
raisons tant juridiques qu’économiques et techniques.
Les nuisances dues aux émanations gazeuses pourront être évitées si la collecte, y compris un
ressuyage des sargasses puis leur transport vers des sites de traitement, est effectivement
assurée dans un délai de 3 jours pour les sargasses échouées à terre et d’une semaine pour les
sargasses flottant près du rivage. C’est, en effet, au-delà de ces délais que les couches de
sargasses dégagent des gaz par fermentation, notamment de l’hydrogène sulfuré (H2S), qui, à
faibles doses, répandent une odeur particulièrement nauséabonde et, à doses plus importantes,
peuvent devenir toxiques.
En outre, la mission recommande vivement de préparer de meilleures filières de collecte et de
traitement des sargasses pour 2017 et 2018 en réorientant le programme d’expérimentations
sur les maillons de la chaîne qui manquent actuellement (ramassage en eau infra-littorale,
projets économiquement prometteurs tels que l’épandage et le compostage) et en poursuivant
sans attendre un certain nombre d’actions de suivi, de mise au point d’outils, d’étude ou de
recherche.
La mission met en lumière que les seules possibilités de valorisation capables d’absorber de
grandes quantités de sargasses sont des valorisations de type agricole, sous forme d’épandage
sur les cultures ou surfaces en herbe et, selon les capacités en place, de compostage. Mais ces
solutions ne seront pas pleinement opérationnelles au cours des prochains mois. Si des
échouages massifs se produisent pendant l’été ou l’automne 2016, il faudra donc, pour éviter
la production d’hydrogène sulfuré, collecter les sargasses rapidement après échouage et
stocker de façon pérenne, sur les terrains de dépôt déjà utilisés en 2014-2015, les quantités qui
ne pourront faire l’objet d’une valorisation agricole. Ces opérations devront suivre davantage
que les années précédentes les prescriptions techniques de respect de l’environnement,
notamment pour limiter les nuisances que le ramassage des sargasses pourrait apporter au
cycle de reproduction des tortues marines et à l’érosion des plages ou que les dépôts pérennes
pourraient apporter au voisinage, aux sols, à la végétation ou aux eaux douces alentour.
Les solutions de ramassage des sargasses flottantes en zone infra-littorale ou de valorisation
industrielle en cours d’expérimentation exigent des investissements parfois importants, à
préciser par des études techniques préalables, et donc des délais de 12 à 18 mois au moins.
Tous les porteurs de projets doivent s’assurer de la viabilité économique de tels
investissements même en cas d’échouages de sargasses très irréguliers à l’avenir. À supposer
que ces études soient concluantes, ces projets ne seront pas opérationnels avant 2018 au
mieux.
Enfin, la mission table sur un scénario composé d’années rares avec échouages massifs de
sargasses (près de 700 000 m³ de sargasses à ramasser dans les zones à enjeux de l’ensemble
des îles, ce qui correspond à moins de 250 000 m3 de sargasses ressuyées à transporter et à
traiter) ; d’années fréquentes sans échouages ; et d’années avec des échouages en quantités
intermédiaires. Ce scénario, qui n’a pas de valeur prédictive mais semble réaliste par analogie
avec les échouages observés sur une très longue durée au sud des Etats-Unis, conduit à

6
Rapport

estimer l’ordre de grandeur des coûts de gestion des sargasses à un montant variant de 0 à 16
M€ selon les années, mais qui s’établirait à 3 M€ en moyenne. La mission recommande donc
vivement de mener une étude d’incidence pour valider la mise en place d’un mécanisme
financier pour gérer le risque sargasses. Ce mécanisme permettrait de créer une provision,
alimentée chaque année à hauteur de 3 M€, d’une part, par les subventions de l’Etat aux
dispositifs d’insertion des jeunes utilisés pour le ramassage des sargasses et, d’autre part, par
des taxes additionnelles aux taxes de séjour et aux taxes de transport des passagers aériens et
maritimes ; cette provision serait mobilisable rapidement lors des années à arrivage massif de
sargasses et dépensée en fonction des besoins, en complément des contributions courantes de
l’Etat et des collectivités.

7
Rapport

8
Rapport

SOMMAIRE ET LISTE DES RECOMMANDATIONS


Introduction .............................................................................................................................. 11

1 La problématique des échouages de sargasses aux Antilles ............................................. 13


1.1 Des nuisances avérées qu’il faut combattre ............................................................... 13
1.2 Un phénomène régional nouveau, dont l’origine n’est pas élucidée
scientifiquement ......................................................................................................... 13
1.3 Un phénomène très fluctuant et difficile à prévoir conduisant à construire un
scénario composite ..................................................................................................... 14
1.4 Des actions de collecte et de traitement éprouvées peu nombreuses et qui devront
évoluer et être sélectionnées sur des critères techniques, économiques et
environnementaux ...................................................................................................... 15

2 Recommandations pour un plan d’action ......................................................................... 17


2.1 Dresser un plan de gestion du risque fondé sur des fiches opérationnelles des sites à
enjeux ......................................................................................................................... 17
2.1.1 Caractériser les sites à enjeux .................................................................... 18
2.1.2 Identifier les responsables de site .............................................................. 19
2.1.3 Préparer, pour chaque site, collecte et élimination .................................... 20
2.1.4 Organiser la gouvernance pour la période d’afflux de sargasses .............. 20
2.1.5 Organiser le rapportage ............................................................................. 21
2.2 Mettre en œuvre les actions opérationnelles éprouvées ............................................. 21
2.2.1 Alerter sur les menaces .............................................................................. 21
2.2.2 Surveiller les sites et collecter sans délai................................................... 22
2.2.3 Sélectionner la meilleure technique de collecte ........................................ 23
2.2.4 Sécuriser les valorisations agricoles et, à défaut, la minéralisation en
dépôt .......................................................................................................... 25
2.2.5 Former le personnel de surveillance et de collecte .................................... 27
2.3 Progresser dans la connaissance du phénomène et dans la mise en place des outils qui
y réponde .................................................................................................................... 27
2.3.1 Identifier les sites délaissés pour orienter les essais complémentaires de
collecte ....................................................................................................... 27
2.3.2 Compléter d’urgence les données sur l’épandage agricole ....................... 28
2.3.3 Renforcer le pilotage des projets du programme d’expérimentations ....... 28
2.3.4 Elargir les études sanitaires ....................................................................... 29
2.3.5 Définir des protocoles d’observation des conséquences écologiques ....... 30
2.3.6 Développer une communication régulière et transparente ........................ 30
2.3.7 Organiser la communication française dans les instances régionales ....... 30
9
Rapport

2.3.8 Favoriser les échanges entre programmes de recherche ............................ 31


2.4 Mettre en place les mécanismes permettant de financer régulièrement et dans la
durée les actions de collecte et traitement des sargasses nécessaires lors des années
exceptionnelles ........................................................................................................... 32

ANNEXE : ETUDE DETAILLEE .......................................................................................... 43

10
Rapport

Introduction
En 2011, au cours du second semestre, et en 2012, pendant quelques mois, des échouages
importants d’algues brunes dites « sargasses » ont eu lieu sur les côtes des îles de la Caraïbe,
du golfe du Mexique et du sud-est des États-Unis. D’avril 2014 à octobre 2015, de manière
quasi-continue, cette zone géographique a de nouveau été impactée. Pendant cette période, les
Antilles françaises ont été victimes d’échouages massifs de sargasses, à l’origine de troubles
sanitaires, de désordres économiques et environnementaux, provoquant d’abord la mise en
place par l’État, au cours du second semestre 2014, de mesures de conseil et d’appui aux
collectivités, ainsi que d’un plan d’urgence au niveau local, puis d’un plan d’urgence au
niveau national à l’été 2015. En Guyane, un échouage massif s’était produit dès mai 2015,
mais l’océan a retiré rapidement les dépôts.
Par lettre en date du 21 septembre 2015, la ministre de l’écologie du développement durable
et de l’énergie, le ministre de l’agroalimentaire et de la forêt et la ministre des Outre-mer ont
confié au conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), au
conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et à
l’inspection générale de l’administration (IGA) une mission d’évaluation visant, dans une
perspective de gestion à long terme des échouages de sargasses, à formuler des
recommandations opérationnelles dans les domaines du ramassage et du stockage mais aussi
dans ceux du traitement et de la valorisation de ces algues.
Cette mission a été constituée dans le courant du mois d’octobre. Il est alors apparu très vite
que la mission ne pourrait se dérouler avec efficacité si elle se rendait sur place pendant la
campagne des élections régionales. En accord avec la ministre des Outre-mer, avec laquelle la
mission a eu une réunion de travail, le déplacement de celle-ci a été reporté au mois de janvier
2016.
La mission a mis ce délai à profit pour effectuer à Paris les travaux préparatoires nécessaires
et conduire les premiers entretiens et les premières réunions avec, notamment, les
administrations centrales. Elle a également participé par visioconférence aux comités de
pilotage sur les sargasses mis en place par les préfets de la Martinique et de la Guadeloupe, ce
qui lui a permis d’établir les premiers contacts avec les acteurs (élus et administrations)
concernés. Elle a adressé, par l’intermédiaire des trois préfets, des questionnaires aux
collectivités directement impactées par les échouages de sargasses. Enfin, elle a également
mené des investigations, qui lui ont été fort utiles, en Bretagne (Côtes d’Armor et Finistère)
afin d’étudier le volet curatif du plan « algues vertes » et de bénéficier de l’expérience déjà
ancienne des acteurs bretons dans la mise en place de filières intégrées allant du ramassage à
la valorisation (essentiellement agricole en l’espèce) des algues.
Il est résulté de ces travaux préparatoires que les échouages de sargasses en Guyane avaient
été ponctuels dans le temps et que le principal impact connu portait sur la pêche maritime. En
accord avec les commanditaires, il n’a pas été jugé utile que la mission se rende en Guyane
dès janvier 2016. En revanche, des contacts ont eu lieu avec les services locaux de l’État et de
la Collectivité puis ceux-ci ont été rencontrés, ainsi que des élus, en avril 2016 à l’occasion
d’une autre mission.

11
Rapport

Après avoir adressé aux trois ministres commanditaires une note de cadrage, en date du 21
décembre 2015, précisant les modalités et le calendrier de son travail, la mission s’est rendue
sur place (Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) du 6 au 31 janvier. Elle
a rencontré, au cours d’entretiens ou réunions de travail, de nombreux interlocuteurs
concernés par le problème des sargasses : préfets et membres du corps préfectoral ; membres
des services de l’État ou d’établissements publics (DEAL, DAAF, DDTM, ARS, ADEME,
ONF, ONCFS notamment) ; présidents des collectivités et leurs collaborateurs ; maires et
présidents d’EPCI et leurs collaborateurs ; représentants des chambres consulaires ;
représentants des secteurs économiques impactés (pêche, hôtellerie-restauration, commerces
et autres métiers du tourisme, notamment) ; chercheurs et dirigeants d’instituts de recherche
agronomique et d’organismes de recherche ; dirigeants d’entreprises ou d’opérateurs publics
de compostage ; agriculteurs ; industriels proposant des techniques de ramassage ou de
valorisation ; habitants des secteurs impactés, dirigeants d’associations d’insertion, membres
des « brigades vertes » etc. Cette liste n’est pas exhaustive mais on trouvera en annexe 9.3 la
liste des personnes rencontrées ou contactées par la mission.
La mission a également tenu à se rendre à de nombreuses reprises sur le terrain, notamment
avec les maires des communes impactées et leurs collaborateurs. Ainsi s’est-elle attachée à se
rendre dans chacune des îles de l’archipel guadeloupéen. Par ailleurs, sur proposition du
préfet de la Martinique et à l’invitation de l’ambassadeur de France, elle s’est également
rendue à Sainte-Lucie, où elle a pu rencontrer plusieurs responsables du ministère de
l’environnement et de l’agriculture ainsi que des acteurs économiques de ce pays.
L’ambassadeur, qui représente également la France auprès de l’Organisation des États de la
Caraïbe orientale (OECO), lui a ménagé des entretiens avec des représentants des
organisations régionales. Ce bref séjour a permis à la mission de mesurer l’étendue des
difficultés rencontrées par une île non française de la Caraïbe dans le traitement du problème
des sargasses et de lui donner une vision régionale du problème, qui a été complétée par un
entretien avec l’ambassadrice déléguée à la coopération régionale dans la zone Antilles-
Guyane.
Une note d’étape a été diffusée en avril 2016 de façon confidentielle aux cabinets ministériels
et aux préfets concernés pour exposer les analyses et les premières conclusions de la mission
interministérielle. Elle a été actualisée et enrichie pour constituer l’annexe au présent rapport
intitulée « étude détaillée », qui développe largement les constats et les principales analyses
effectués par la mission au cours de ses travaux et sur lesquels sont fondées ses propositions.
Le présent rapport se présente, pour répondre au mieux à la commande de la lettre de mission,
et après avoir rappelé la problématique des sargasses, sous la forme d’un plan d’action
opérationnel.

12
Rapport

1 La problématique des échouages de sargasses aux Antilles

1.1 Des nuisances avérées qu’il faut combattre


Les afflux massifs de sargasses sur les côtes des Antilles françaises et en Guyane sont récents
et irréguliers (2011, 2012, 2014 et 2015, sans précédent historique enregistré ni cause
véritablement élucidée) et non quantifiés de manière fiable.
Comme cela est analysé au chapitre 2 de l’étude détaillée, les dépôts rémanents de sargasses
sur le rivage ou à proximité immédiate génèrent des nuisances avérées, provoquées à la fois
par l’obstacle physique que constituent les nappes bloquées dans les baies ou dans les ports ou
échouées sur les plages et par la décomposition chimique des sargasses humides, à terre ou
dans l’eau, qui libère des gaz, notamment de l’hydrogène sulfuré (H2S) :
• Pour les populations littorales : gêne olfactive à ne pas sous-estimer, troubles
momentanés de la santé, réels mais sans gravité avérée, compte tenu des
concentrations d’H2S relevées ; impact sanitaire sur le long terme d’une
exposition chronique inconnu sur le plan scientifique ; dégradation des
conditions de vie ; dégradation des biens.
• Pour les acteurs économiques : réduction de l’attractivité et des activités
touristiques, localement entrave à la pêche artisanale, dégradation de biens et
baisse du chiffre d’affaires.
• Ponctuellement : perturbation de certains milieux naturels et de cycles
biologiques soit par l’échouage des sargasses, soit par les actions de
ramassage.
Bien que ces nuisances soient mal connues scientifiquement ou peu quantifiées, elles sont
certaines et conduisent les pouvoirs publics français, comme ceux de l’ensemble des États
touchés dans les Caraïbes, à adopter, dans la mesure de leurs moyens, des actions pour les
combattre, comme cela est analysé au chapitre 3 de l’étude détaillée placée en annexe.

1.2 Un phénomène régional nouveau, dont l’origine n’est pas


élucidée scientifiquement
La croissance et la dérive océanique des algues sargasses, à l’origine de ces nuisances, sont
pour l’instant mal connues (cf. chapitre 1 de l’étude détaillée). Par rapport aux sargasses
observées précédemment en faible quantité dans les Antilles françaises, ces arrivages massifs
seraient d’une autre nature : les scientifiques estiment qu’il s’agirait d’un phénomène de
circulation de vastes tapis de sargasses entre l’Afrique de l’Ouest, le nord du Brésil et les
petites Antilles, qui serait apparu à l’occasion de fluctuations climatiques importantes en
2010 ; cette circulation établirait une nouvelle boucle, différente mais similaire à celle que
connaissent depuis longtemps le sud-est des États-Unis et la grande Caraïbe.
Le phénomène résulterait de l’effet combiné des vents et des courants de surface et des
éléments nutritifs assimilables par les sargasses, ceux-ci étant apportés soit par les flux
déversés en mer par les grands fleuves soit par les retombées de poussières issues du Sahara.

13
Rapport

Dans ces conditions, une grande incertitude demeure sur l’avenir de ce phénomène.
Si les acteurs locaux ont bien identifié les sites susceptibles de recevoir des arrivages massifs
de sargasses, les volumes de sargasses échouées en 2014 – 2015 ont été mal quantifiés.

1.3 Un phénomène très fluctuant et difficile à prévoir conduisant à


construire un scénario composite
L’observation des événements depuis l’automne 2014 montre que les sargasses sont arrivées
essentiellement lorsque des immenses tapis se retrouvaient poussés par les courants et les
vents sur les côtes orientales ou méridionales des îles. Une dizaine d’épisodes par an de ce
type ont constitué ce que l’on appelle les arrivages massifs de sargasses, entre lesquels les
arrivages sont nettement plus faibles et dispersés.
Sans que cela ait la moindre valeur de prédiction, car la compréhension et la quantification du
phénomène marin à l’origine du développement algal sont très embryonnaires, la mission a
reconstitué un ordre de grandeur des quantités de sargasses qui se sont échouées en 2014 et
2015, de manière à bâtir un scénario de crise susceptible de se reproduire et auquel il faut
pouvoir faire face (cf. analyse détaillée au chapitre 8.1 de l’annexe). Par analogie avec un
historique de longue durée reconstitué sur les échouages de sargasses au sud des Etats-Unis, la
mission propose de se préparer au scénario suivant : une situation rare de crise similaire à
celle de 2014 – 2015 avec plus d’une dizaine d’arrivages massifs dans l’année ; une situation
intermédiaire d’années avec arrivages de moindre ampleur ; et une situation beaucoup plus
fréquente d’années sans échouages importants.
L’année de crise correspond à une dizaine d’épisodes d’arrivages massifs représentant de
l’ordre d’un million de m3 de sargasses qui s’échouent sur les plages ou dans les baies
exposées de la Martinique et de l’archipel guadeloupéen. On peut toutefois espérer n’avoir à
ramasser et ressuyer qu’une partie de ces sargasses, c’est-à-dire celles qui se trouvent sur les
zones habitées ou à enjeux, économique (tourisme) ou environnemental (tortues, érosion),
bien identifiés, soit près de 700 000 m3. Les volumes correspondants de sargasses ressuyées à
transporter et à traiter seraient alors de l’ordre de 100.000 m3 en Martinique, 115.000 m3 en
Guadeloupe et 26.000 m3 dans les îles du nord pour ces années exceptionnelles, soit moins de
250 000 m3 au total.
On prend l’hypothèse que l’année intermédiaire comprend cinq fois moins d’arrivages que
l’année de crise et qu’enfin il n’y a quasiment rien à ramasser en année d’arrivages
négligeables.
Deux caractéristiques influent sur la mise en place d’un plan et sur les mesures de gestion du
phénomène :
• Le caractère aléatoire et imprévisible du phénomène rend risqué tout
investissement spécifique, qu’il soit matériel mais aussi humain. Le risque est
bien sûr économique mais il porte aussi sur la pérennité de l’organisation et de
la connaissance par les acteurs.
• Le dimensionnement des moyens à mobiliser est hypothétique : ni les volumes
à traiter en une saison, ni les volumes instantanés (quotidiens à hebdomadaires)
ne sont connus.

14
Rapport

1.4 Des actions de collecte et de traitement éprouvées peu


nombreuses et qui devront évoluer et être sélectionnées sur des
critères techniques, économiques et environnementaux
Les pouvoirs publics français, comme ceux de l’ensemble des États touchés dans les Caraïbes,
ont adopté et souhaitent améliorer, dans la mesure de leurs moyens, des actions pour
combattre les nuisances dues aux arrivages massifs de sargasses.
Dans tous les cas, la priorité absolue est une collecte avec égouttage rapide, c’est-à-dire, dans
un délai de moins de trois jours après échouage, de manière à éviter la décomposition des
sargasses, dans l’eau ou à terre, qui génère l’hydrogène sulfuré (H2S) à l’origine d’odeurs
insupportables et d’un risque de toxicité. Ensuite il faut pouvoir transporter les sargasses et les
traiter, si possible en les valorisant. Les méthodes imaginées, notamment suite à un appel à
manifestation d’intérêt piloté de façon coordonnée par les directions de l’ADEME de
Martinique et de Guadeloupe, sont très nombreuses pour l’instant mais leurs performances
techniques et surtout économiques devraient limiter le nombre de filières qu’il sera réaliste de
développer.
Comme cela est analysé au chapitre 4 de l’étude détaillée, les techniques de ramassage
actuellement disponibles (ramassage manuel par les brigades vertes, ramassage mécanique par
engins terrestres spécialisés, notamment les ratisseurs à terre ou en eau peu profonde dans les
zones accessibles) devraient permettre d’épuiser les volumes échoués à terre. Par contre, les
techniques, expérimentales, de ramassage en eaux infra-littorales sont encore techniquement
fragiles et surtout peu supportables sur le plan économique ; pourtant les algues qui sont
situées en eau à proximité immédiate du rivage sans accès terrestre représentent environ la
moitié des volumes à collecter.
Le ramassage correspond à une gamme de coûts assez large dépendant des configurations
côtières rencontrées : de 10 € par m3 pour le ramassage par ratisseur sur une plage jusqu’à 40
€ par m3 pour le ramassage en zone infra-littorale. La reprise des sargasses égouttées et le
transport par camions ajoutent un coût non négligeable (5 à 10 € par m3/ km selon les
distances) qui incite à rechercher des alternatives là où c’est possible (utilisation à proximité
ou convoyeurs à bandes).
Comme cela est analysé au chapitre 5 de l’étude détaillée, l’utilisation en agriculture est la
plus prometteuse en termes de volumes et de coûts mais ne sera pas rôdée dans les prochains
mois, ce qui obligera à recourir au stockage d’une partie des sargasses collectées sur les
places de dépôt déjà utilisées en 2014-2015. Cette utilisation peut prendre la forme soit
d’épandage, soit de compostage mélangé aux déchets verts. En Martinique, cette voie semble
prometteuse puisque la société Holdex, qui est la seule à accepter gratuitement les sargasses,
est en cours d’agrandissement substantiel de ses installations.
Quant aux autres techniques de valorisation, sous réserve d’investissements dans les deux ans
à venir, elles ne peuvent épuiser qu’une partie des volumes d’algues et, au mieux, à partir de
2018.
Même si elles n’ont pas été appliquées partout en raison de l’urgence, les prescriptions
techniques de respect de l’environnement ont été édictées, notamment pour limiter les

15
Rapport

nuisances que pourrait apporter le ramassage des sargasses au cycle de reproduction des
tortues marines et à l’érosion des plages ou le dommage que le stockage sur les aires de
dépôts pourrait apporter à la population, aux sols, à la végétation ou aux eaux douces alentour.
Comme cela est analysé au chapitre 8 de l’étude détaillée, le scénario prévisionnel d’arrivages
sur plusieurs années correspond à une dépense publique de collecte et traitement des sargasses
qui s’élève en moyenne à 3M€ par an, mais fluctue selon les années entre 0 et 16 M€ pour
l’ensemble des îles.

16
Rapport

2 Recommandations pour un plan d’action


Les constats et les analyses effectués par la mission, brièvement résumés dans les paragraphes
ci-dessus, lui permettent de proposer des recommandations opérationnelles, qui sont
présentées dans les paragraphes suivants sous la forme d’un plan d’action à mettre en œuvre
dès maintenant. Ces recommandations sont souvent inspirées des meilleures pratiques que
certains services de l’Etat ou des collectivités ont pu initier ou mettre en place. Malgré
l’éventualité toujours possible qu’il n’y ait pas d’échouage important de sargasses aux
Antilles françaises en 2016 ou 2017, il fait aussi partie de ce plan de progresser dès
maintenant dans la connaissance du phénomène et dans l’élaboration d’outils pour être prêt à
le maîtriser le jour où des arrivages massifs se reproduiront.

L’aléa conjugué aux impacts conduit à préconiser la mise en place d’un plan de gestion du
risque qui mobilise les parties prenantes sous la conduite de l’État (paragraphe 2.1).
L’expérience actuelle conduit à recommander des actions opérationnelles en cas d’afflux de
sargasses, à mettre en œuvre dès maintenant (paragraphe 2.2).
La connaissance du phénomène, les méthodes de collecte et les possibilités de valorisation
doivent être complétées pour préparer les années suivantes (paragraphe 2.3).

Enfin, dans la perspective de devoir faire face à des situations de crise, la mission
recommande de mettre en place les ressources financières indispensables (paragraphe 2.4).

2.1 Dresser un plan de gestion du risque fondé sur des fiches


opérationnelles des sites à enjeux
Compte tenu des fortes incertitudes qui caractérisent le phénomène de l’invasion des
sargasses dans la zone Caraïbe, qu’il s’agisse des origines de ce phénomène ou de la
régularité et de l’amplitude de ses manifestations, il est impératif de passer d’une logique
de l’urgence, qui a présidé à la lutte contre l’invasion des sargasses sur les côtes antillaises en
2014-2015, à une logique de gestion de crise : les échouages de sargasses doivent avant
tout être considérés comme un risque aléatoire et difficilement prévisible, au même titre
que les cyclones ou les inondations. Les pouvoirs publics, État et collectivités territoriales,
doivent donc s’organiser pour y faire face lorsqu’il survient. Il convient, dans cette
perspective, de mettre en place un plan de gestion du risque « sargasses », comme cela est
développé dans le chapitre 6 de l’étude détaillée.

Le plan de gestion du risque « sargasses » se décline à deux niveaux : au niveau communal et


au niveau départemental.
Le niveau communal comporte :
• l’intégration dans le plan communal de sauvegarde (PCS) du risque « sargasses » avec
détermination des outils habituels : définition de la cellule de crise, identification des
moyens à mettre en œuvre en fonction du niveau de la menace, procédures à mettre en

17
Rapport

œuvre définissant le rôle de chacun des intervenants, répertoire des intervenants avec leur
coordonnées, dispositif d’information du public et de communication, etc. ;
• la rédaction de fiches des sites des principaux échouages ayant un enjeu notable. Ces
fiches sont annexées au PCS.
Le plan départemental décrit :
• les mesures que l’État prend en charge de manière continue (alerte à partir des suivis
satellites, aériens et maritimes ; suivi sanitaire,…) ;
• les mesures prises en période de crise nécessitant une « escalade » faisant appel à la
solidarité des moyens départementaux.
Le plan et les fiches de site sont publiés sur le site de l’État à la rubrique appropriée.
Le plan, au niveau communal comme au niveau départemental, doit être actualisé chaque
année en fonction des retours d’expérience.
Un exercice de simulation de crise, comme on le fait pour les autres risques, devrait être
organisé en dehors de la saison des échouages, selon une périodicité à définir localement.

Certains services de l’État ont diffusé aux collectivités des modèles de fiches permettant de
décrire les arrivées de sargasses et les actions menées pour les collecter et les traiter, mais ces
fiches ont été peu renseignées. En attendant que l’expérience technique et administrative des
communes se consolide dans un domaine si nouveau, une forte implication des services de
l’État et des collectivités de l’échelle départementale est nécessaire pour s’assurer que ces
fiches soient bien remplies. Les sous-préfets devraient être les moteurs et les fédérateurs de
ces travaux, détaillés dans les paragraphes qui suivent.

Un premier exercice de simulation de crise permettra de valider et, le cas échéant, de modifier
le plan de gestion de risque qui aura été élaboré.

2.1.1 Caractériser les sites à enjeux


Les sites d’accumulation terrestres ou à proximité immédiate du rivage sont caractérisés par :
• Des facteurs topographiques : falaises, mangroves, « cayes» (platier rocheux), cul-de-
sac naturel ou artificiel (anse, ports de liaison avec les autres îles, ports de pêche, de
plaisance), plages de largeur ou de longueur variables.
• Des enjeux :
- habitat permanent en densité variable, établissements recevant du public ;
- activités touristiques d’hébergement (hôtellerie, locations et gîtes), de
restauration, de loisirs (plagistes, surf, plongée, voile,…), circulation des bateaux
et utilisation des engins de pêche artisanale ;
- protection de la biodiversité et notamment des espèces protégées telles que les
tortues marines, ainsi que de la végétation des parcs naturels ou du profil des
plages, vis-à-vis des interventions de ramassage des sargasses à terre ou dans l’eau
ainsi que des dépôts en arrière plage et des circulations des engins de terrassement
ou de transport.

18
Rapport

Il est préconisé que les services de l’État en liaison avec les collectivités complètent
rapidement les fiches de description des sites d’échouage retraçant leurs caractéristiques
topographiques et la nature et l’importance des enjeux humains, économiques et écologiques.

Ce fichier permettrait :
• d’identifier et de planifier les besoins humains, matériels, et financiers ;
• de prioriser les sites et les actions en cas d’arrivage justifiant la solidarité
départementale ;
• de suivre l’importance des échouages.

2.1.2 Identifier les responsables de site


S’agissant au premier chef d’une question de salubrité, la compétence est celle du maire, et
éventuellement celle du préfet en cas de carence ou d’étendue intercommunale. La mise en
œuvre de moyens d’intervention peut s’effectuer dans le cadre des intercommunalités.
Pour ce faire, il convient de combiner trois échelons de responsabilité :
• le territoire communal où intervient la commune et, en tant que de besoin, le sous-
préfet ;
• le territoire intercommunal où intervient l’EPCI et, en tant que de besoin, le sous-
préfet ;
• le territoire départemental où interviennent la collectivité unique ou les conseils
régionaux et départementaux, et les services de l’État.

Il est préconisé que, pour chaque site, les collectivités, avec l’appui des services de l’Etat,
identifient celle d’entre elles qui est responsable respectivement :
• de la surveillance des arrivages ;
• du déclenchement de la collecte et de son suivi ;
• du choix du type d’élimination/valorisation, du contact avec son auteur et du
déclenchement du transport vers les sites ad hoc.
Cette collectivité et, en son sein, le service en charge seront mentionnés sur la fiche de site.

La simplicité voudrait que les acteurs soient les mêmes pour les trois étapes qui précèdent.
La taille critique voudrait que les communautés de communes/d’agglomération soient en
charge du dispositif.
La réalité humaine et technique montre que la situation doit être appréciée de manière
pragmatique. Par exemple, aux Saintes ou à la Désirade, l’insularité fonde une responsabilité
communale ; ou encore, l’intervention d’un matériel spécialisé peut justifier que la collecte
relève d’une autre collectivité, etc. L’échelon communautaire doit cependant rester l’objectif
sur les îles principales (Guadeloupe « continentale », Marie-Galante, Martinique).

Dans cette perspective, il est préconisé de répartir les responsabilités selon une logique de
subsidiarité bien conçue, c’est-à-dire qui laisse la responsabilité à l’échelon le plus local
possible mais mutualise ce qui peut être assuré à l’échelon plus large avec une meilleure
qualité, plus rapidement et à coût plus compétitif.

19
Rapport

Il est préconisé, dans cette perspective, que, pour chaque commune, le préfet subordonne les
concours de l’État à ce que les responsabilités soient clairement identifiées, décrites et
cohérentes mais aussi à ce que les personnels en charge se soient approprié les bonnes
pratiques sanitaires et environnementales attachées aux chantiers de collecte, stockage,
transport et traitement des algues.
2.1.3 Préparer, pour chaque site, collecte et élimination
Sur de nombreux sites, la collecte a été mise en œuvre avec des moyens et des résultats variés.
Ces expériences sont peu enregistrées. De même, des expériences externes au site sont
méconnues. Enfin, il est difficile de savoir si les moyens existants sont saturés, si une priorité
doit être fixée entre sites et si des renforts peuvent être demandés de manière justifiée.

Il est préconisé que soient enregistrés sur chaque fiche de site :

• la technique de collecte préconisée et ses principales grandeurs (temps, coût) ;


• la zone de dépôt éventuel pour ressuyage ;
• les possibilités d’élimination/valorisation ;
• le tracé et les limites (dimension, charge, propriétaire à contacter) des voies d’accès pour
les engins de collecte et de transport ;
ainsi que les exigences environnementales à respecter pour toutes les interventions ci-dessus.

Ces enregistrements doivent être actualisés après chaque campagne et chaque progrès des
techniques de collecte.

Les possibilités d’élimination et de valorisation peuvent être communes à plusieurs sites


d’une collectivité. Aussi les informations communes sur les contraintes (période, volume) et
les interlocuteurs à saisir peuvent être soit mentionnées dans plusieurs fiches soit enregistrés
dans une fiche commune ad hoc qui sera aussi intégrée au PCS.
2.1.4 Organiser la gouvernance pour la période d’afflux de sargasses
Lors des afflux de 2015, les préfets ont réuni hebdomadairement des comités « sargasses » qui
ont eu un rôle stratégique mais aussi opérationnel notamment pour l’engagement de moyens
pour la semaine suivante. Le renforcement des moyens et de l’expérience des collectivités, les
exigences de rapidité de la collecte militent désormais pour une décentralisation et une
déconcentration de la gouvernance opérationnelle.

Il est préconisé qu’en « période de crise » (c’est-à-dire lorsque des échouages massifs sont
constatés) :

• La collectivité responsable réunisse quotidiennement la cellule de crise définie par le


PCS.
• Les sous-préfets veillent à l’organisation et à la mise en œuvre des actions curatives,
instruisent les demandes de renforts des collectivités, priorisent leur affectation, veillent
au rapportage et le consolident. Ils réunissent les acteurs hebdomadairement.
• Le SIDPC assure la synthèse départementale, prépare les décisions du préfet lorsque le
degré de crise est tel que la solidarité départementale doit être mise en œuvre. Il organise
les travaux du comité de pilotage départemental réuni en tant que de besoin.

20
Rapport

2.1.5 Organiser le rapportage


Actuellement, à tous les stades de la chaîne (échouage, collecte, transport, valorisation), les
mesures sont épisodiques, exprimées selon des grandeurs hétérogènes (m3 ou tonne), portent
sur des produits mal définis (état ou âge des sargasses) et sont quelquefois d’origine
indéterminée. Une bonne traçabilité est pourtant indispensable au dimensionnement des
moyens, à la rémunération ou à l’accompagnement financier des acteurs. En Bretagne, des
fiches unifiées sont tenues par les différents acteurs.

Il est préconisé que l’État, en concertation avec les collectivités et les entreprises, définisse
une fiche de traçabilité de chaque lot d’algues (un chargement) comprenant :

• une rubrique de collecte (volume, moyen, date et lieu de collecte) ;


• une rubrique de transport (volume et tonnage [si pesée au moment de l’arrivée sur le site
de valorisation], état des algues à la prise en charge, date de transport, date et lieu de
collecte) ;
• une rubrique d’élimination/valorisation (tonnage, état des algues, date et lieu de collecte,
date et lieu de l’entrée sur le lieu d’élimination ou de valorisation).

La fiche est transmise au sous-préfet par les soins de la collectivité ; l’éliminateur en conserve
également copie.

2.2 Mettre en œuvre les actions opérationnelles éprouvées


2.2.1 Alerter sur les menaces
La prévision rapprochée (quelques dizaines d’heures) des arrivages sur les sites apparaît
aujourd’hui hors de portée : les pêcheurs locaux soulignent l’infinité des combinaisons vents-
courants-hauts fonds.
En revanche, en « période d’alerte », une prévision à plusieurs jours, permettant d’activer la
surveillance, d’alerter les acteurs de la valorisation, semble plus accessible et avoir son utilité
(cf. analyse développée au paragraphe 4.1 de l’étude détaillée).
Les expériences et le contenu des dispositifs satellitaires, aériens et maritimes laissent penser
qu’actuellement :
• Des annonces de nappes situées à moins de trois jours des îles pourraient conduire
à une information (« pré-alerte ») des services de l’Etat et des maires.
• Des nappes situées à moins de deux jours pourraient conduire à une alerte (mise en
place de la surveillance terrestre formelle des échouages).
• Le déploiement des moyens de collecte dépend des observations terrestres citées
ci-dessous complétées d’observations aériennes ou maritimes de toute proximité
(aux fins de priorisation). L’expérience montre que le survol par hélicoptère de
l’ensemble des côtes exposées d’une île en une heure est trop rapide pour fixer
finement les priorités.
• La mobilisation des installations de traitement, dans les délais convenus avec leur
détenteur, lors de la l’élaboration du plan de gestion de risque.

21
Rapport

En outre lorsque les afflux prévisibles sont massifs, au sens où ils risquent de conduire à des
accumulations de sargasses qui pourraient difficilement être ramassées et évacuées dans le
délai de trois jours garantissant contre la production de gaz issus de la fermentation, l’État
doit diffuser un bulletin « période de crise » pour tout ou partie des îles menacées.
L’État dispose d’outils distincts selon les îles (satellites/ signalements aériens ou maritimes) et
selon les services (CLS, DEAL- bureau d’études, Direction de la mer - CROSS) qui doivent
être mis en synergie. Comme beaucoup d’éléments sont communs à tout l’archipel, une
organisation zonale s’impose. La Guyane pourrait être associée le cas échéant.

Il est préconisé que :

• le préfet de zone, organise le dispositif de prévision de l’État et qu’à cette fin il veille à la
synergie des moyens de l’État de chaque île et entre les îles ;
•les préfets :
+ désignent un chef de file responsable de la diffusion des prévisions;
+ publient un bulletin de prévision « période d’alerte » unifié ;
+ décrètent éventuellement une « période de crise ».

2.2.2 Surveiller les sites et collecter sans délai


Les sargasses fraîches sont assez foisonnantes et préhensibles. A terre, elles se fragmentent et
après un délai communément admis de trois jours au maximum, elles commencent à générer
des nuisances par fermentation anaérobie. En eau calme à proximité du rivage, elles coulent
après un délai communément admis d’une semaine, puis commencent à fermenter. La
fermentation dégage des gaz extrêmement nauséabonds et susceptibles, en cas de
concentration plus forte, d’être toxiques. L’efficacité du ramassage et la prévention des
nuisances militent concomitamment pour le ramassage le plus rapide après échouage
dans les zones présentant des enjeux pour les habitants, les activités économiques ou
l’environnement.

Il est préconisé qu’en période d’alerte :

• La collectivité responsable dresse, pour tous les jours de la période, la liste des agents
chargés de surveiller les arrivages et, s’ils sont distincts de ces agents, la liste des cadres
chargés de donner l’ordre de service des travaux de collecte. Le nombre d’agents
désignés doit permettre que l’ordre de service de la collecte soit donné au plus tard deux
heures après le lever du jour.
• L’agent de surveillance procède au lever du jour à une visite de tous les sites d’échouage
ou d’accumulation infra-littorale et quantifie sommairement les dépôts.
• L’agent de surveillance (ou le cadre de permanence), dès la fin de la reconnaissance,
après priorisation éventuelle, donne un ordre de service téléphoniquement au collecteur
(entreprise ou régie).
• L’agent de surveillance (ou le cadre de permanence) transmet au sous-préfet l’estimation
des échouages constatés lors de la tournée.
• Si besoin, l’agent de surveillance (ou le cadre de permanence) accueille le collecteur sur
site et lui indique les consignes (accès, place de ressuyage, ponte de tortues).

22
Rapport

En Bretagne, en haute saison d’échouage des algues vertes (mai / septembre) les moyens peu
mobiles (pelles, etc.) sont pré-positionnés près des sites d’échouage tandis que les moyens
généralistes restent au siège de l’entreprise concernée (distant d’une dizaine de km) ; la
collecte démarre contractuellement une heure après saisine. En période d’échouages
moindres, le pré-positionnement est supprimé et le délai d’intervention porté à 12 heures.
Avec ces précautions, l’obligation contractuelle de l’entreprise est de collecter 750 m3/jour.
Les données antillaises dont dispose la mission sur l’importance des échouages simultanés,
sur la mobilité des matériels et sur les capacités de collecte ne lui permettent pas de formuler
une recommandation aussi précise, au-delà du principe de pré-positionnement du matériel.

Il est préconisé qu’en période d’alerte le matériel spécialisé et peu mobile soit pré-positionné
près des sites d’échouage.

2.2.3 Sélectionner la meilleure technique de collecte


Aujourd’hui quatre moyens de collecte sont éprouvés, comme cela est développé aux
paragraphes 4.3 à 4 .6 de l’étude détaillée :
• La collecte manuelle, largement pratiquée par les brigades vertes, est très pénible, très
peu productive mais la plus ubiquiste. Elle est le plus souvent très bien accueillie par
les habitants. Envisagée en Guyane, elle n’y est pas adaptée, la configuration des
plages permettant un ramassage mécanique bien conduit qui respecte les zones de
ponte des tortues.
• La collecte par des engins de travaux publics (pelles, pelles long bras, tractopelles) a
permis de ramasser des dépôts anciens et de collecter sur des points inaccessibles au
corps de l’engin grâce à la longueur du bras. L’équipement par des godets est à
proscrire absolument hors les cas de récupération de dépôts anciens car, outre la
dégradation des plages, le taux de contamination des emports par des sédiments ou des
déchets devient très important et nuit à la valorisation des algues.
• Les outils spécialisés portés ou tractés par des tracteurs agricoles (fourches à fumier,
râteau goémonier, ratisseuse de plages) sont efficaces et ont l’avantage de ramasser les
algues de façon sélective.
• La collecte en eau concerne deux types de situations : les eaux dites « infra-
littorales », où les sargasses flottent encore mais sont bloquées par les vents ou les
courants contre le rivage avec un faible tirant d’eau, et les eaux où les sargasses
flottent en tapis à une certaine distance du rivage avec un tirant d’eau de plusieurs
mètres. Dans la première situation, la collecte peut être effectuée par les trois types de
collecte mentionnés ci-dessus : de façon manuelle et, si le rivage est accessible aux
engins, de façon mécanisée depuis le bord (pelle long bras), dans l’eau en faible
profondeur (ratisseur) ou sur porte-engins amphibie. Dans la seconde situation, la
collecte peut être effectuée par des embarcations marines. Les barges à convoyeur
récolteur de type « sargator » peuvent opérer dans les deux situations. Le « sargator »
est aujourd’hui le seul instrument de collecte en eau opérationnel mais il est d’un
rendement faible (35 à 50 m3 /jour par barge) et d’un coût élevé (80 € /tonne).

Des essais controversés et mal documentés ont porté sur l’utilisation d’engins amphibie (type
« truxor ») et l’utilisation d’embarcations de pêche tirant une seine pour pousser les sargasses
vers une reprise terrestre.

23
Rapport

Des barrages flottants (jusqu’à présent artisanaux et posés sans autorisation) semblent pouvoir
ponctuellement donner des résultats qui devront être vérifiés, selon des critères à définir dans
le cadre du programme d’expérimentation, par des essais professionnels et conformes à la
réglementation. Ils pourraient, si ces essais sont probants, être utilisés comme barrages de
déviation des sargasses vers des lieux plus propices à la collecte.
La solution du ramassage en haute-mer, qui apparaît peu réaliste, a été écartée par la mission
pour des raisons juridiques autant qu’économiques et techniques, qui sont mentionnées dans
le paragraphe 4.6 de l’étude détaillée.
Suivant le type de côte, les types de ramassage ayant donné des résultats éprouvés sont les
suivants :
Type de côte Type de ramassage préconisé en l’état des
expériences
Falaise (cas à enjeux très rares) Aucune solution
Cul de sac (anse, port) Pelle mécanique sur jetée ou sur barge ;
barge récolteuse (« sargator »)

Plage Selon configuration : tracteur + ratisseur,


fourches à fumier ou râteaux goémoniers ;
micro engins, ramassage manuel
Cayes ou côte rocheuse basse Selon planéité et profondeur : engins
terrestres, ramassage manuel ou aucune
solution
Mangroves et zones humides (rares cas à Collecte en mer (barge récolteuse ou pelle
enjeux forts) sur barges)

Il est préconisé que les brigades vertes :

• soient impérativement reconduites car elles effectuent l’essentiel du ramassage manuel,


seul possible dans de nombreux sites ;
• soient dans la mesure du possible, placées auprès des communautés d’agglomération/de
communes ;
• soient exclusivement affectées à la collecte dans les sites non mécanisables à enjeux.

Dans une perspective de retour à l’emploi, il est préconisé que, d’une part, soit étudiée leur
formation à l’utilisation de petits engins et, d’autre part, que des scénarios de sortie soient mis
au point avec les entreprises du tourisme ou de travaux qui ont côtoyé les chantiers,
complétant ainsi la mobilisation du tissu associatif qui a déjà permis des retours à l’emploi en
Martinique et à Saint-Martin.

24
Rapport

Il est préconisé que les services de l’État et les collectivités responsables fassent sur tous les
sites de plage (de toutes dimensions) un diagnostic détaillé sur tous les points des fiches de
sites et qu’une consolidation départementale soit dressée. Les techniques de ramassage
mécanique (pas seulement de grandes dimensions) étant disponibles à des prix raisonnables
pour ce type de sites et ces sites constituant une part importante des sites à enjeux
(particulièrement en Guadeloupe), il est indispensable qu’ils puissent faire l’objet d’une
« gestion de routine » et que soit vérifiée l’adéquation entre besoins et moyens.

Il est préconisé que ces mêmes acteurs examinent avec les acteurs du tourisme, premiers
bénéficiaires du nettoyage de ces sites, les contributions réciproques, en évitant notamment le
sur-équipement.

Il est préconisé que les préfets interdisent au titre de leur pouvoir de police l’usage de godets
sur les engins opérant sur les plages.

Il est préconisé que les actuels dépôts de sable soient remis sur les plages de prélèvement par
les collectivités responsables de la collecte.

S’agissant des ports, il est préconisé que les services de l’État et les collectivités compétentes
(département de Guadeloupe, collectivités de Martinique, de Saint-Martin, de Saint-
Barthélemy) fassent un diagnostic détaillé sur tous les points des fiches de sites et qu’une
consolidation départementale soit dressée. Compte tenu de ce que des expériences multiples
ont eu lieu pour nettoyer les ports, mais qu’elles semblent peu partagées, cette revue
permettrait de dégager des pistes de progrès, de maîtrise des coûts et des voies d’amélioration.

2.2.4 Sécuriser les valorisations agricoles et, à défaut, la minéralisation en


dépôt
Les algues sont utilisées de manières multiples dans l’agriculture, l’alimentation, l’industrie.
En écho à cette réputation, les sargasses font l’objet de nombreux espoirs, matérialisés par la
diversité des usages retenus lors des appels à manifestation d’intérêt de l’ADEME.
En Bretagne, la valorisation agricole des algues vertes par épandage est dominante (90%) et
complétée par le compostage (10%). Ces solutions se sont imposées pour des raisons
économiques, de capacité d’absorption d’une matière de qualité et de quantité inconstantes et
en l’absence d’investissements dédiés générant un risque de chômage en cas d’insuffisance
des algues.
Comme cela est analysé dans les paragraphes 5.1 à 5.3 de l’étude détaillée, la mission a
constaté qu’aux Antilles les dépôts purs et simples en arrière plage ou sur des terrains divers
avaient constitué en 2014-2015 la voie de traitement majoritaire pour les sargasses collectées
mais, une fois minéralisés, ces dépôts sont restés sur place. Elle a aussi constaté que les
données nécessaires à des utilisations agricoles étaient plus avancées que pour les autres
valorisations.
Il lui semble donc prioritaire de sécuriser les destinations de l’épandage agricole ou, à défaut,
dans un premier temps, celles du dépôt pour minéralisation, seuls traitement à même de faire
face, à court terme, à un afflux de sargasses. Comme cela est montré au paragraphe 5.5 de

25
Rapport

l’étude détaillée, le compostage, techniquement au point, dispose en 2016 de capacités de


traitement qui sont loin de pouvoir absorber les quantités de sargasses dans le scénario où les
échouages de 2014-2015 se reproduiraient et se heurte, sauf exception, à un coût élevé.
Vis-à-vis des sols et des cultures, les sargasses présentent (cf. § 5.4 de l’étude détaillée) :
• un intérêt agronomique moyen dû à l’apport de matière organique et de
certains éléments minéraux ;
• des risques :
- de modifications de la structure des sols si le sodium s’y accumule ;
- de contamination des sols par la chlordécone1 qui pourrait être fixée
par les sargasses dans certaines eaux côtières ;
- d’intolérance de certaines cultures aux chlorures.

Le stockage des sargasses en épaisseur importante peut présenter les dangers de leur
fermentation anaérobie.

En ce qui concerne les places de dépôts, il est préconisé :

• que les services de l’État en dressent la cartographie exhaustive et précise avec les
collectivités ; qu’ils s’accordent pour ne pas en ouvrir d’autres tant que l’évaluation des
risques sodium et chlordécone ne sera pas plus avancée ; qu’ils poussent à la clarification
des relations avec les propriétaires des terrains ;
• que les services de l’État procèdent avec les collectivités et entreprises utilisatrices à des
sondages des dépôts épais existants pour constater le devenir des sargasses enfouies
(minéralisation ou fermentation anaérobie) ;
• que, si la minéralisation est avérée, les dépôts soient réutilisés, avec retour du sable aux
plages et, le cas échéant, avec les aménagements de la protection environnementale (tels
que drainage et récupération d’eaux salées) en attendant une meilleure solution.

En ce qui concerne les épandages agricoles, il est préconisé :

• qu’en ce qui concerne le sodium, les préfets publient après concertation avec les
organismes de recherche (INRA, CIRAD,…), les instituts techniques (IT2 institut
technique tropical, CTCS centre technique de la canne à sucre) et les organisations
professionnelles, les doses d’algues qui peuvent être épandues « sans regret » (c’est-à-
dire où la dose de sodium apportée est suffisamment faible pour n’entraîner aucune
conséquence pédologique structurelle), accompagnées d’un mode opératoire simple et
pratique ;
• qu’en ce qui concerne la chlordécone, les préfets fixent comme règle, à titre
conservatoire, que les algues prélevées en zone d’interdiction piscicole ne peuvent être
épandues que sur les terrains déjà contaminés ;
• que les services de l’État, en concertation avec les acteurs agricoles, déterminent dans
chaque département les possibilités d’épandage compte tenu des assolements, des

1
Pesticide non biodégradable, à la toxicité persistante.

26
Rapport

itinéraires techniques, des structures agraires et coopératives et des filières de


production ;
• que les services de l’État, en concertation avec les acteurs agricoles, assistent les
collectivités pour la définition de relations de proximité avec les agriculteurs.

En ce qui concerne le compostage, il est préconisé :

• que les services de l’État et l’ADEME soutiennent le projet d’extension de capacité de


l’entreprise Holdex qui est le seul à proposer un procédé sans coût pour la collectivité qui
apporte les sargasses sur le site ;
• que les collectivités sollicitent leurs délégataires pour améliorer la performance
économique des centres de compostage publics.

2.2.5 Former le personnel de surveillance et de collecte


Le développement des responsabilités des collectivités, l’évolution des techniques de collecte
et de valorisation nécessitent que les acteurs opérationnels soient formés et informés. La
mission a constaté que la mauvaise organisation des chantiers de collecte est génératrice de
grosses pertes de productivité et d’importants dommages environnementaux. La diffusion de
guides méthodologiques est insuffisante. La formation à la conduite et à la maintenance des
engins, pour indispensable qu’elle soit, ne peut tenir lieu de formation à l’organisation et à la
conduite d’un chantier.

Il est préconisé que les préfets, en synergie avec les collectivités en charge de la formation
professionnelle, mobilisent les ressources de formation (par exemple CNFPT, enseignement
agricole pour adulte, ONCFS, associations ou ONG environnementales, parcs naturels,
ARS…) afin de dispenser des formations pratiques à tous les acteurs de la chaîne de
l’organisation des chantiers, tout en veillant à ne pas omettre le respect des préconisations
sanitaires et environnementales.

2.3 Progresser dans la connaissance du phénomène et dans la mise


en place des outils qui y réponde
2.3.1 Identifier les sites délaissés pour orienter les essais complémentaires de
collecte
Il est préconisé que les services de l’État dressent, au vu des fiches de sites, la liste des sites à
enjeux qui sont dépourvus de techniques de ramassage efficaces et économiquement
proportionnées aux enjeux sanitaires, économiques et environnementaux pour :

• orienter les expérimentations de collecte ;


• évaluer le rapport du coût de collecte, en cas de persistance du phénomène, vis-à-vis du
déplacement des activités impactées voire, dans les cas extrêmes, des habitats.

27
Rapport

2.3.2 Compléter d’urgence les données sur l’épandage agricole


Les résultats disponibles ou en instance en matière d’analyse des sargasses, de leur
minéralisation, de leur effet pédologique, résultent d’un programme bi-insulaire qui a été
scindé par île à la demande de l’ADEME, ce qui est gênant puisque les sujets étudiés n’étaient
pas dupliqués dans chaque île mais répartis suivant les spécialités et les implantations des
organismes en charge de chaque étude. La complétude des études n’est pas assurée. Leur
consolidation et leur exploitation opérationnelle ne sont pas organisées.

Il est préconisé que les préfets désignent chacun un chef de file pour co-animer un groupe
technico-scientifique (ADEME, instituts techniques, organismes de recherche) et chargés, par
un travail conjoint à l’échelle des Antilles françaises :

• de vérifier la complétude des études ;


• d’organiser un examen critique des résultats ;
• de préparer les recommandations qui seront publiées par les préfets ;
• de dresser un plan d’exploitation opérationnelle.

Ces travaux seront soumis à l’avis d’une instance élargie à l’ensemble des acteurs de filière
lorsqu’ils déborderont du cadre technico-scientifique.

Sans attendre ces travaux, il apparaît que des compléments sont nécessaires.

En matière de minéralisation sur les places de dépôts, l’ADEME Guadeloupe doit en


urgence :

• inviter l’INRA à établir et communiquer son protocole expérimental (lot « enfouissement


technique ») ;
• le compléter, s’il ne le prévoit pas, par un suivi des émissions gazeuses ;
• organiser son examen critique (vis-à-vis des besoins opérationnels) ;
• veiller au démarrage rapide des investigations suivant le protocole finalement retenu.

En matière de sodium, l’ADEME (Martinique et Guadeloupe) doit rapidement organiser et


financer des études de migration du sodium dans les sols sensibles des deux îles (andosols,
vertisols, sols ferralitiques) dans le prolongement des travaux du CIRAD, de manière à fournir
les éléments de décision concernant les doses de sargasses admissibles à l’hectare.

En matière de chlordécone, les préfets doivent mettre en place un plan d’échantillonnage de la


contamination dans les algues pour évaluer son caractère accidentel ou chronique selon les
lieux d’échouage et en déduire d’éventuelles contraintes sur les lieux d’épandage.

2.3.3 Renforcer le pilotage des projets du programme d’expérimentations


Comme cela est analysé au paragraphe 7.2 de l’étude détaillée, le programme
d’expérimentations est actuellement à l’arrêt en l’absence d’arrivage important de sargasses,
mais il est fondamental de le poursuivre dès que possible en le réorientant selon des critères
économiques.

28
Rapport

En ce qui concerne les expérimentations en cours sur la collecte et sur les valorisations et,
pour l’épandage agricole, sur la base des travaux du groupe technico-scientifique évoqué au
paragraphe précédent, il est préconisé :

• De transformer le comité de sélection des projets en comité de suivi et de


communication.
• D’amender les projets en cours pour couvrir davantage les besoins opérationnels. En
effet, des éléments-clés manquent actuellement : entre autres les techniques de ressuyage
et de stockage intermédiaire qui évitent la production de gaz nocifs, les techniques de
ramassage en zone infra-littorale sans accès depuis la terre. Enfin, les projets devront
préciser les analyses économiques et financières, les impacts environnementaux des
nouvelles techniques de collecte, les indispensables phases de tests qui doivent suivre les
investigations, lesquelles restent actuellement très préliminaires.
• De développer avec les porteurs de projet une publication plus régulière des résultats
intermédiaires.
• D’organiser une revue exhaustive des projets pour vérifier leur actuelle viabilité
technique, économique, financière et environnementale puis d’arrêter sans tarder les
projets non viables et de concentrer les moyens sur les projets réellement les plus
prometteurs.

2.3.4 Élargir les études sanitaires


Les dispositifs mis en place par les ARS, permettent d’assurer une veille et une surveillance
sanitaires de qualité, d’informer le public en direct et, en « période de crise », de donner aux
autorités (préfet, maires) les informations pour prendre les mesures nécessaires de protection
des populations, qui sont modulées (depuis la simple information du public jusqu’à la
fermeture temporaire d’établissements recevant du public et la mise en place d’hébergements
provisoires si les algues ne sont pas collectées à temps) en fonction des niveaux de
concentration de gaz détectés.
Mais dans son avis du 17 février 2016, l’ANSES indique qu’aucune étude épidémiologique
prospective n’a été menée à ce jour concernant l’impact sur la santé d’une exposition
chronique, même à faibles doses, au H2S et aux autres molécules libérées par les sargasses en
décomposition.
A la différence de la Bretagne, aucune étude sur les émissions d’autres gaz que le H2S n’a
été conduite sur les sargasses.
Les dégagements gazeux des sargasses en décomposition dans les places de dépôts donnent
lieu à des polémiques ou à des inquiétudes auxquelles il faut répondre au mieux.

Il est préconisé :

• de lancer une étude épidémiologique sur l’impact sur la santé d’une exposition chronique,
même à faibles doses, au H2S et aux autres molécules libérées par les sargasses en
décomposition ;
• d’évaluer lors d’une campagne d’études les émissions d’autres gaz que le H2S auxquelles
peuvent être soumises les résidents des sites non ramassables ;

29
Rapport

• de suivre les émissions gazeuses dans les places de dépôt au titre du protocole
« enfouissement technique » de l’INRA.

2.3.5 Définir des protocoles d’observation des conséquences écologiques


Les gestionnaires d’espaces naturels font état d’observations trop partielles, parfois
contradictoires sur les impacts des algues.

Il est préconisé que les services de l’État avec les gestionnaires d’espaces protégés :

• dressent des protocoles de suivi des milieux impactés et des événements (plage de ponte
des tortues, ponte et émergence des tortues, coraux, mangroves) ;
• organisent la collecte et la consolidation des informations.

2.3.6 Développer une communication régulière et transparente


Il convient de développer une communication régulière et transparente, de manière à donner
confiance à la population et aux acteurs économiques et à minimiser les conséquences des
situations de crise à venir. Cela concerne les informations sur tous les sujets et pas
uniquement sur les aspects sanitaires. Par exemple, des Webcams montrant certaines plages
avec images rendues accessibles en temps réel sur Internet (comme pour les stations de sport
d’hiver pour montrer le niveau d’enneigement) ; les m3 ramassés dans chaque commune ; les
quantités traitées par type de valorisation ; les soutiens financiers de l’État et des collectivités
et plus généralement les actions des pouvoirs publics pour limiter l’impact des sargasses sur la
population, sur l’activité économique et sur l’environnement.
2.3.7 Organiser la communication française dans les instances régionales
Comme cela est analysé au paragraphe 7.3 de l’étude détaillée, les préfets et les services
départementaux de l’État sont, aux Antilles, les autorités qui disposent du plus grand retour
d’expérience sur les sargasses mais l’État, en tant que tel, n’est pas membre des instances
internationales régionales. La Martinique en est membre, et bientôt la Guadeloupe également,
mais les collectivités de chaque île ne disposent que d’éléments partiels. La région de
Guadeloupe envisage d’organiser début 2017 un séminaire d’échanges d’expériences
opérationnelles en matière de collecte et de valorisation des sargasses dans les Caraïbes. Un
partenariat entre les collectivités et l’Etat paraît donc indispensable pour communiquer à
l’international.
Le réseau diplomatique français ne dispose pas des travaux et retours d’expérience de l’État
ou des collectivités dans les départements.
Alors que la France est sans-doute, notamment en raison du programme d’expérimentations
piloté par l’ADEME, le pays qui a le plus investi sur le sujet, elle communique peu.
Les porteurs de projets envisagent d’exporter leur savoir-faire mais pour y parvenir, ils ont
besoin d’identifier leurs points forts par rapport aux expériences des autres pays et de faire
connaître leurs réalisations, tout en veillant au secret industriel.

30
Rapport

Il est préconisé que les préfets et les ambassadeurs régionaux (auprès de l’OECO, auprès des
États de la Caraïbe) se concertent et :

• arrêtent une politique de communication vis-à-vis de la zone Caraïbe (transmission de


synthèses aux postes diplomatiques français, participation aux colloques,…) ;
• désignent un contributeur habilité à publier régulièrement au nom de l’État des
documents sur le site du forum de Car Spaw ;
• statuent sur la participation de l’État aux colloques régionaux et désignent un chef de file
pour cette participation.

Il est préconisé que les ministres chargés des outre-mer et de l’environnement, en partenariat
avec les présidents de région ou de collectivité :

• se concertent pour différer le projet de colloque en Guadeloupe ;


• désignent un chef de file pour ce projet, chargé notamment de sélectionner d’ici 2017 les
actions françaises les plus susceptibles d’être valorisées à l’international en termes de
coopération technique ou de retombées économiques pour les entreprises.

2.3.8 Favoriser les échanges entre programmes de recherche


Comme cela est analysé au paragraphe 7.1 de l’étude détaillée, un programme de recherche
piloté par le siège de l’institut de recherche pour le développement (IRD) sur la détection, la
prolifération et la dérive océanique des sargasses, est prévu mais son contenu, ses parties
prenantes scientifiques, son calendrier et son coût n’ont pas encore été définis précisément,
même si une enveloppe financière de 1,5 M€ sur 4 ans a été annoncée. En outre, les acteurs
locaux ne semblent pas en avoir eu connaissance, pas plus que les participants au programme
d’expérimentation de l’ADEME sur les actions curatives. Le retard de conception de ce
programme de recherche pourrait être lié à l’incertitude sur son financement ; peut-être aussi
que l’idée de créer d’abord une communauté scientifique française forte sur ce sujet de
manière à entraîner par la suite des communautés scientifiques étrangères paraît trop
ambitieuse. La mission estime toutefois que l’on ne peut pas faire abstraction de toute
investigation scientifique pour mieux connaître l’origine du phénomène d’échouage massif de
sargasses aux Antilles. En effet, ce phénomène est nouveau, mal compris pour l’instant et
donne lieu à un scénario prévisionnel auquel restent attachées de très fortes incertitudes, alors
que ses conséquences économiques sont susceptibles d’être très importantes aussi bien en
terme de dommages que de dépenses publiques ou de stratégies d’investissement.

Il est préconisé que les ministères chargés de l’environnement et des outre-mer :

• relancent la conception d’un programme scientifique susceptible de réduire les incertitudes


quant au scénario prévisionnel d’échouage, puis recherchent son financement par des
contributions non spécifiques au MEEM ;
• pendant ce temps, missionnent un organisme qualifié tel que le CEVA, pour assurer une
veille des travaux scientifiques ou techniques français et étrangers et pour diffuser ces
résultats à tous les acteurs français identifiés ;

31
Rapport

• soutiennent des organismes tels que les universités des Antilles et de la Guyane, l’IRD, le
CNRS, le CNES ou le CEVA pour initier ou poursuivre des recherches ciblées notamment
sur :
o l’origine de la prolifération et de la circulation des sargasses alimentant la Guyane et
les petites Antilles (y compris l’étude d’un éventuel cycle Amazone-Afrique) ;
o une quantification des impacts des échouages sur les tortues marines;
o l’impact sanitaire (études épidémiologiques, études des émissions gazeuses).

2.4 Mettre en place les mécanismes permettant de financer


régulièrement et dans la durée les actions de collecte et de
traitement des sargasses nécessaires lors des années
exceptionnelles
Comme cela est analysé au paragraphe 8.1 de l’étude détaillée, la mission a estimé que les
successions d’années sans échouages, d’années avec des arrivages intermédiaires ou, plus
rarement, d’années avec des arrivages massifs, conduisent à des dépenses de collecte et de
traitement des sargasses variant de 0 à 16 M€ selon les années pour maîtriser les nuisances qui
en résultent. Ceci correspond à un besoin moyen interannuel de dépense de l’ordre de 3 M€
par an pour l’ensemble des Antilles françaises.
Un mécanisme de financement régulier spécifique aux sargasses est nécessaire car (cf. § 8.5
de l’étude détaillée) il ne s’agit pas d’une catastrophe naturelle ni de dommages couverts
actuellement par des assurances. Comme cela est détaillé aux paragraphes 8.3 et 8.4 de
l’annexe, ce mécanisme aurait vraisemblablement pour conséquence de faciliter la prise de
responsabilités et d’initiatives par les acteurs locaux. Une des solutions possibles consisterait
à créer un fonds cumulant des recettes constantes chaque année et issues de taxes
additionnelles perçues par les collectivités régionales ou départementales, en complément des
subventions apportées par l’Etat aux activités d’insertion professionnelle. La provision ainsi
accumulée permettrait de faire face à une année de crise (16 M€). Ce mécanisme nécessite
toutefois une étude plus détaillée avec diverses variantes et estimation de l’impact.
Compte-tenu de l’impact limité des échouages de 2015 en Guyane et de l’absence de retour
d’expérience consécutif, le volume de dépense n’a pu être estimé. Le mécanisme financier
pourrait y être toutefois applicable.

Il est préconisé que les ministères chargés respectivement des outre-mer et de


l’environnement approfondissent les variantes possibles et les impacts économiques d’un
mécanisme financier permettant de provisionner chaque année un montant de 3 M€,
éventuellement dans un fonds créé pour la gestion du risque sargasses aux Antilles (et le cas
échéant en Guyane). Ce montant serait constitué, d’une part, par les subventions de l’Etat aux
dispositifs d’insertion des jeunes utilisés pour ramasser les sargasses et, d’autre part, par des
centimes additionnels institués facultativement par les collectivités départementales et
régionales sur les taxes de séjour et sur les taxes sur les voyages aériens et maritimes aux
Antilles (et le cas échéant en Guyane). Le fonds serait géré par un comité associant préfet,
présidents des collectivités et représentants des communes.

32
Rapport

En l’absence de ce mécanisme financier de provision, l’État et les différentes collectivités


auront de nouveau à faire face à une gestion de la crise dans l’improvisation et dans l’urgence.
Pendant la recherche des fonds publics nécessaires, les sargasses auront tout le temps de se
décomposer bien au-delà des trois jours fatidiques…

Tristan FLORENNE
Inspecteur général de l’administration

François GUERBER François COLAS-BELCOUR


Ingénieur général des ponts, Ingénieur général des ponts,
des eaux et des forêts des eaux et des forêts

33
Etude détaillée

p. 34
Etude détaillée

ANNEXE :

Étude détaillée

p. 35
Etude détaillée

p. 36
Etude détaillée

Table des matières de l'étude détaillée


Introduction .............................................................................................................................. 43

1 Un phénomène fluctuant et difficile à prévoir .................................................................. 45


1.1 Un phénomène régional qui touche toute la région des Caraïbes .............................. 45
1.2 Un phénomène régional qui provient de l’océan Atlantique selon des mécanismes
scientifiques mal connus ............................................................................................ 47
1.3 Une dynamique complexe de la dérive océanique des nappes de sargasses qui rend
difficile leur prévision ................................................................................................ 50
1.4 Une quantification très insuffisante ........................................................................... 51
1.5 Les estimations d’échouages pour 2014 - 2015 ......................................................... 56

2 Un impact sanitaire, économique et écologique réel mais mal évalué ............................. 59


2.1 Les gênes et les conséquences sanitaires de l’exposition aux sargasses .................... 59
2.1.1 La gêne olfactive ....................................................................................... 60
2.1.2 Les effets sanitaires d’une exposition aiguë .............................................. 60
2.1.3 Les effets sanitaires d’une exposition chronique....................................... 61
2.2 Des dommages économiques à la population et aux entreprises diffus et non
quantifiés .................................................................................................................... 62
2.2.1 Des dommages diffus aux biens des particuliers ....................................... 62
2.2.2 Les dommages aux entreprises .................................................................. 64
2.2.2.1 L’activité touristique.................................................................................. 64
2.2.2.2 La pêche..................................................................................................... 66
2.3 Des impacts écologiques ambivalents et négligés dans l’urgence ............................. 67
2.3.1 Les impacts environnementaux des sargasses elles-mêmes ...................... 67
2.3.2 Les impacts environnementaux des actions de ramassage ou de transport 70

3 Une réponse en urgence .................................................................................................... 75


3.1 La mise en place d’un dispositif d’urgence par l’État ............................................... 75
3.1.1 Au niveau local .......................................................................................... 75
3.1.2 Au niveau central ....................................................................................... 76
3.2 La réponse sur le plan sanitaire .................................................................................. 77
3.2.1 Les recommandations du HCSP et de l’ANSES ....................................... 77
3.2.1.1 Les recommandations à l’égard de la population ...................................... 77
3.2.1.2 Les recommandations à l’égard des professionnels confrontés aux
sargasses .................................................................................................... 79
3.2.2 Les mesures mises en œuvre ..................................................................... 79

p. 37
Etude détaillée

3.2.2.1 Au profit de la population.......................................................................... 79


3.2.2.2 Au profit des professionnels. ..................................................................... 83
3.3 Une collecte d’urgence et de « rattrapage » sans valorisation aval ........................... 83
3.4 La réponse aux dommages économiques ................................................................... 88
3.5 Un programme d’expérimentation sur les actions curatives ...................................... 88
3.6 Un programme de recherche sur le phénomène ......................................................... 89

4 Priorité à la collecte .......................................................................................................... 91


4.1 Annoncer les sargasses mais à quelle échelle et pour quoi faire ? ............................. 91
4.1.1 Annoncer et prédire ................................................................................... 91
4.1.1.1 L’observation des sargasses par satellite ................................................... 91
4.1.1.2 Les observations maritimes et aériennes ................................................... 95
4.1.1.3 Prédire........................................................................................................ 95
4.1.2 Des annonces et des prédictions destinées à quel usage? .......................... 96
4.2 Une course contre la montre ...................................................................................... 98
4.3 La détermination des moyens techniques .................................................................. 99
4.3.1 Diversité / typologie des situations............................................................ 99
4.3.2 Diversité des outils en fonction de la diversité des situations ................. 101
4.3.3 Les perspectives d’outillage .................................................................... 105
4.4 Rationaliser la politique d’équipement .................................................................... 107
4.5 Le stockage intermédiaire et le transport ................................................................. 107
4.6 Le ramassage en mer : miracle ou mirage................................................................ 108

5 De la minéralisation à la valorisation.............................................................................. 111


5.1 Les sargasses interfèrent avec le contexte déjà difficile de traitement des déchets . 111
5.2 Les données d’entrée à prendre en compte pour l’élimination et la valorisation .... 112
5.3 La minéralisation naturelle et l’« enfouissement technique »................................. 114
5.4 L’épandage agricole ................................................................................................. 116
5.4.1 Intérêt et inconvénient agronomiques des sargasses ............................... 117
5.4.2 Adaptation de l’agriculture à l’épandage................................................. 119
5.5 Le compostage ......................................................................................................... 121
5.6 La méthanisation et les autres valorisations énergétiques ....................................... 125
5.7 Les produits à haute valeur ajoutée .......................................................................... 126
5.8 Problèmes pour toute valorisation (notamment industrielle) ................................... 128
5.9 Sécuriser la minéralisation en dépôt et les valorisations agricoles et développer
l’épandage agricole en attendant la mise au point d’une valorisation à haute valeur
ajoutée ...................................................................................................................... 129

p. 38
Etude détaillée

6 Organisation et professionnalisation ............................................................................... 131


6.1 Une démarche globale de type gestion de risque, conçue à l’avance et pilotée pour
réagir aux échouages massifs ................................................................................... 131
6.2 Des acteurs à mobiliser ............................................................................................ 132
6.3 Professionnalisation ................................................................................................. 135
6.4 Des outils et méthodes à fixer pour le suivi des actions et la communication ......... 135

7 Les perspectives scientifiques et techniques ................................................................... 137


7.1 Le programme de recherche sur le phénomène maritime et sa prévention
éventuelle ................................................................................................................. 137
7.2 Des expérimentations techniques ADEME à la mise en œuvre d’un plan d’action
opérationnel .............................................................................................................. 138
7.3 Proposition de séminaire d’échanges d’expériences ................................................ 144

8 Les scénarios de coûts et de financement des actions..................................................... 145


8.1 Un scénario prospectif combinant une année avec des arrivages massifs, similaires à
2014 – 2015, et des années avec des échouages beaucoup plus faibles ................... 145
8.1.1 Le scénario prévisionnel .......................................................................... 145
8.1.2 Les volumes en jeu, à l’année ou en pointe journalière........................... 145
8.2 Des coûts et des volumes qui varient à l’intérieur d’une fourchette d’incertitude
large .......................................................................................................................... 147
8.2.1 Schéma des filières envisageables ........................................................... 147
8.2.2 Catalogue des coûts unitaires .................................................................. 149
8.2.3 Hypothèses de volumes pour les différentes modalités d’intervention ... 150
8.2.4 Coûts totaux pour chacune des îles ......................................................... 153
8.2.5 Coûts des actions transversales ............................................................... 155
8.3 Les scénarios de financement interministériel ......................................................... 156
8.3.1 Besoin de financement............................................................................. 156
8.3.2 Principes de répartition des charges ........................................................ 156
8.4 Mécanismes de financement à mettre en œuvre ...................................................... 158
8.5 La question de l’indemnisation des dommages subis par les entreprises et les
particuliers ................................................................................................................ 159
8.5.1 La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ............................... 159
8.5.2 La prise en charge des dommages par un risque « sargasses »
spécifique. ................................................................................................ 163
8.5.3 Conclusion : la piste de l’indemnisation est une impasse ....................... 163

9 Annexes........................................................................................................................... 165
9.1 Lettre de mission ...................................................................................................... 165

p. 39
Etude détaillée

9.2 Glossaire des sigles et acronymes ............................................................................ 167


9.3 Liste des personnes rencontrées ou contactées ........................................................ 169
9.4 Ouvrages cités .......................................................................................................... 185
9.5 Préconisation de ramassage des sargasses (DEAL de Martinique) ......................... 189
9.6 Chlordécone : sols contaminés et zone d’échouage des sargasses ........................... 191
9.7 Apports de sodium par épandage : répartition des sols sensibles ............................ 193
9.8 Note du 14 avril 2015 de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion de
crise relative aux sargasses en Martinique ............................................................... 195
9.9 Questionnaire adressé aux collectivités par les préfets à la demande de la mission 197
9.9.1 Questionnaire ........................................................................................... 197
9.9.2 Réponses de Guadeloupe ......................................................................... 203
9.9.3 Réponses de Martinique .......................................................................... 295
9.9.4 Réponses des îles du Nord ....................................................................... 375

Table des illustrations

Figure 1: Les îles de la Caraïbe orientale touchées par les arrivages massifs d’algues
sargasses ................................................................................................................................... 47
Figure 2: Région de recirculation nord équatoriale .................................................................. 48
Figure 3 : Images satellites des nappes de sargasses dans la zone nord équatoriale de
recirculation .............................................................................................................................. 49
Figure 4: Historique des échouages sur le littoral martiniquais (2014-2015) .......................... 50
Figure 5: Schéma d’évolution des volumes et densités apparentes des amas de sargasses après
échouage ................................................................................................................................... 54
Figure 6: Carte des zones d'échouage des sargasses en Guadeloupe ....................................... 57
Figure 7: Effet des échouages de sargasses sur la nidification des tortues Luth à Awala-
Yalimapo (Guyane) .................................................................................................................. 69
Figure 8: Schéma de synthèse des filières envisageables du ramassage jusqu'à la valorisation
des sargasses ........................................................................................................................... 148
Figure 9 : Carte des sols potentiellement pollués en Guadeloupe.......................................... 191
Figure 10: Carte des sols potentiellement pollués en Martinique .......................................... 192
Figure 11: Carte des sols de Guadeloupe ............................................................................... 193
Figure 12: Carte des sols de Martinique................................................................................. 194

Photo 1: Echouage sur les côtes de Martinique........................................................................ 45


Photo 2: Sargasses flottantes échouées en zone infra-littorale de Martinique ......................... 52
Photo 3: Sargasses écouées sur une plage de Martinique créant une érosion .......................... 53
Photo 4: Présentation des dégâts subis par les particuliers à Marie-Galante ........................... 63

p. 40
Etude détaillée

Photo 5: Evolution des échouages de sargasses à Awala-Yalimapo (Guyane)........................ 70


Photo 6: Détérioration de la plage de Capesterre de Marie-Galante par une collecte des algues
au moyen d’un tracto-pelle ....................................................................................................... 71
Photo 7: Dépôt de sargasses destructeur de végétation en arrière-plage de Pompierre (Terre de
Haut, Les Saintes) .................................................................................................................... 73
Photo 8:Capteur automatique de H2S et système de télétransmission installé au Robert ....... 81
Photo 9: Ramassage de sargasses par une brigade verte à Sainte-Anne (Martinique) ............ 85
Photo 10: Matériel de ramassage livré en janvier 2016 à la commune de Terre de Haut aux
Saintes ...................................................................................................................................... 87
Photo 11:Nappes de sargasses au large de la Martinique, de Sainte-Lucie et de la Barbade. 92
Photo 12:Trajets suivis sous l’effet du courant selon les années par des bancs de sargasses
entre l’embouchure de l'Amazone et les Petites Antilles ......................................................... 94
Photo 13: 17 Mai 2015: une image satellite montre que les sargasses quittent la Guyane ..... 97
Photo 14: brigade verte à terre de Haut (Les Saintes) ............................................................ 101
Photo 15:Ramassage des algues dans le port de Terre de Bas (les Saintes) .......................... 102
Photo 16: chantier de ramassage des sargasses à Terre de Haut (les Saintes) ....................... 102
Photo 17: Convoyeur sur barge "Sargator" ............................................................................ 103
Photo 18: baie inaccessible depuis la Terre à Saint-François (Guadeloupe) ........................ 106
Photo 19: Site de ressuyage des sargasses à Saint-François (Guadeloupe) ........................... 108
Photo 20:Dépôts de sargasses au Robert (à gauche) et à Marie-Galante (à droite) ............... 114
Photo 21: Andain préparatoire au compostage de sargasses et déchets verts à Holdex
(Martinique, à gauche) et à Verde (Saint-Martin, à droite) .................................................... 122
Photo 22: Produit phytosanitaire fabriqué artisanalement à partir de sargasses à
Sainte Lucie ............................................................................................................................ 127

Tableau 1 : Rendements et coûts des méthodes de collecte ................................................... 103


Tableau 2: Capacités de compostage dans les Antilles françaises ......................................... 124
Tableau 3: Ordre de grandeur des coûts de gestion des sargasses en année de crise et en année
intermédiaire........................................................................................................................... 153

p. 41
Etude détaillée

p. 42
Etude détaillée

Introduction

Une note d’étape a été diffusée en avril 2016 de façon confidentielle aux cabinets ministériels
et aux préfets concernés pour exposer les analyses et les premières conclusions de la mission
interministérielle.
La présente étude détaillée actualise cette note en y apportant des éléments complémentaires
et fournit le détail exhaustif des constats et raisonnements sur lesquels la mission a fondé son
rapport.
Les principaux compléments portent notamment sur les points suivants :
• scénarios d’échouages possibles et procédures de gestion de crise incluant les
modalités d’alerte ;
• compléments sur le cas de la Guyane ;
• estimation des coûts de collecte et de traitement des sargasses (et donc priorité de
certaines filières envisageables par rapport aux autres) et pistes de financement visant à
clarifier le rôle des collectivités, du secteur privé, des assurances et de l’État ;
• faisabilité et préconisations pour le court terme (et notamment le stockage en dépôt
recommandé «à défaut» d’épandage agricole) en attendant les améliorations envisageables
pour 2017 ou 2018 telles que le ramassage d’une partie des sargasses flottantes ou certains
procédés de valorisation ;
• fondement juridique du refus de classement en «catastrophe naturelle», de la
responsabilité des collectivités et de la notion de déchet appliquée aux sargasses échouées ;
• avancement des expérimentations pilotées par l’ADEME, des actions de recherche ou
de coopération régionale.

p. 43
Etude détaillée

p. 44
Etude détaillée

1 Un phénomène fluctuant et difficile à prévoir

1.1 Un phénomène régional qui touche toute la région des Caraïbes


Les algues sargasses, espèces sargassum natans et sargassum fluitans de la famille des algues
brunes, ont toujours été présentes dans la mer des Caraïbes, flottant en tapis allongés qui
abritent une vie aquatique très diversifiée et ne s’échouant que de façon épisodique et en
faibles quantités sur les rivages. Mais ceci a changé sensiblement aux Antilles françaises,
d’abord en 2011, de juillet à octobre, et en 2012, en avril puis de juin à octobre, où des
arrivages importants ont eu lieu pendant quelques mois, puis surtout en 2014, de juin à
novembre, et en 2015, de mars à novembre, où des arrivées massives ont envahi les baies et se
sont échouées sur les côtes de Martinique ou de Guadeloupe et, dans une moindre mesure, de
Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, provoquant des nuisances importantes et quasi continues
pendant 18 mois.

Photo 1: Echouage sur les côtes de Martinique

Source : DEAL de Martinique

En Guyane, les sargasses ont été observées pour la première fois en avril 2011. En avril 2014,
des échouages ont été observés près de Cayenne en quantité comparable à ce qui avait été
observé en 2011, puis la quantité d’algues échouées a augmenté progressivement au cours des
semaines suivantes et n’a commencé à diminuer que vers la mi-mai2. Début mai 2015, des
échouages massifs sont intervenus mais ont été remportés par la mer dans les semaines
suivantes.

2
(Blanchard, mai 2014)

p. 45
Etude détaillée

Les sargasses sont connues depuis longtemps pour s’accumuler au large à l’est de la Floride,
cette partie de l’océan atlantique étant dénommée « Mer des sargasses », et pour en dériver
jusqu’à des zones très éloignées. Christophe Colomb, alors qu’il n’a pas encore effectué la
moitié de sa traversée au cours de son premier voyage vers l’Amérique, note dans son journal
de bord la « présence de tapis de sargasses » et, le lendemain, la « présence de tapis très
importants de sargasses ».
Du côté nord de la mer des Caraïbes et du golfe du Mexique, la dérive de ces tapis de
sargasses est connue 3: une circulation annuelle entraîne tout d’abord les sargasses vers le sud,
les fait pénétrer dans la mer des Caraïbes entre Cuba et Porto Rico, puis les dirige vers l’ouest
où elles vont certaines années atteindre le Mexique sur les côtes du Yucatan, puis vers le nord
où elles sont susceptibles de s’échouer sur les côtes du Texas. Enfin, les sargasses repartent
vers l’océan atlantique où les courants peuvent les amener assez loin vers le nord et l’est avant
qu’elles ne reviennent à leur point de départ. Ce phénomène est bien documenté, au point que
les scientifiques américains ont reconstitué l’intensité des échouages de sargasses sur les côtes
du Texas depuis 1844, savent repérer par image satellitaire les tapis, et même prévoir trois
semaines à l’avance et de façon fiable les arrivages massifs sur les côtes du Texas4.
Le phénomène nouveau et exacerbé depuis deux ans qui touche les Antilles françaises
provoque aussi des échouages dans les autres pays riverains de la mer des Caraïbes : en
premier lieu dans l’archipel des petites Antilles, depuis Trinité et Tobago au sud jusqu’aux
îles Vierges britanniques au nord, mais aussi à l’ouest (Belize, Mexique). En Guyane, au
Surinam et au Guyana, les sargasses peuvent se déposer épisodiquement sur les rivages mais
sont surtout considérées comme une gêne pour la pêche au large.
Il y a eu peu d’informations sur ce phénomène de « marées brunes », au début sans doute
parce qu’il était considéré comme passager, puis pour éviter qu’il ne porte atteinte à l’image
du tourisme, vital pour la plupart de ces pays. Malgré une sorte de « loi du silence » voulue
par endroit pour protéger les activités liées au tourisme, la situation est désormais connue via
les photographies qui circulent sur le web et reconnue par les pays eux-mêmes. Ceux-ci ont
mandaté l’organisation internationale AEC (Association des États de la Caraïbe, qui regroupe
25 États et 8 membres associés non indépendants) pour développer des actions communes en
vue de gérer le phénomène des sargasses. Ce même thème a été retenu par l’OECO
(Organisation des États de la Caraïbe Orientale) qui comprend 6 États membres et 5 membres
associés dans les petites Antilles, dont la Martinique, l’adhésion de la Guadeloupe étant en
cours (cf. figure n°1).

3
La mise en évidence de cette boucle complète (« sargassum loop ») -dont des composants élémentaires étaient
connus- remontent à 2014 grâce à l’imagerie satellite (Webster, Sargassum Early Advisory System (SEAS), 3
Mar. 2014) (Frazier, Linton, & Webster, 2014)
4
(Webster & Linton, Development and implementation of Sargassum Early Advisory System (SEAS), 2013)

p. 46
Etude détaillée

Figure 1: Les îles de la Caraïbe orientale touchées par les arrivages massifs d’algues
sargasses

Source : CAR-SPAW

1.2 Un phénomène régional qui provient de l’océan Atlantique selon


des mécanismes scientifiques mal connus
Les algues sargasses disposent de vésicules sphériques contenant du gaz (aérocystes) qui
orientent leur feuillage vers le haut lorsqu’elles sont fixées sur les fonds marins et qui
qu leur
permettent de flotter lorsqu’elles se détachent de ces fonds. Elles se rassemblent alors en tapis
qui dérivent sous l’effet des vents et des courants. En mer, cela constitue des biotopes
particulièrement riches puisque de nombreuses espèces viennent s’y abriter, s’y reproduire ou
s’y nourrir. Pendant leur dérive, les sargasses vont se multiplier par reproduction sexuée ou
par fragmentation de leur thalle5, plus ou moins rapidement selon les éléments nutritifs
présents dans l’océan, et peuvent aussi couler
couler plus ou moins selon leur fragmentation par les
tempêtes.

5
Partie végétative, ne possédant ni feuilles ni tige ni racines, des plantes inférieures.

p. 47
Etude détaillée

Les quantités de sargasses observées depuis 2011 sont considérées comme « du jamais vu » et
l’origine comme le mécanisme d’ensemble de ce développement algal demeurent à ce jour
très imparfaitement expliqués ou quantifiés. Le seul résultat scientifique publié à ce jour est
que le développement algal (bloom) observé en Mer des Caraïbes en 2011 a pris naissance
dans la zone équatoriale et non dans la Mer des sargasses située plus au nord, au large de la
Floride6.
La circulation des sargasses arrivant aux Antilles est essentiellement le fait d’un ensemble
complexe de courants qui produisent un mouvement circulaire appelé « recirculation nord
équatoriale » schématisé sur la figure 2. Ce courant traverse l’Océan Atlantique depuis le
Congo jusqu’au nord du Brésil, poursuit son chemin vers l’ouest au travers de l’archipel des
petites Antilles puis traverse à nouveau l’Atlantique, plus au nord en direction de l’Afrique de
l’ouest7.
Figure 2: Région de recirculation nord équatoriale

Source : DEAL de Guadeloupe, à partir de Johnson, D. et al.

6
(Gower, Young, & King, Satellite images suggest a new sargassum source region in 2011, 2013)
7
(Johnson & al., November 2012.)

p. 48
Etude détaillée

Figure 3 : Images satellites des nappes de sargasses dans la zone nord équatoriale de
recirculation

Les nappes (en blanc) apparaissent en avril 2011 à l’embouchure de l’Amazone.


Ultérieurement, elles apparaissent de l’Afrique à l’Amérique. Source: (Gower, Young, &
King, Satellite images suggest a new sargassum source region in 2011, 2013)

Des variations inter-annuelles de cette circulation des courants ont été constatées qui
pourraient expliquer les fluctuations des échouages sur les côtes des Antilles8. A partir de
2010, une zone d’accumulation de sargasses dues à un régime circulaire des courants
(« gyre ») située au nord de l’embouchure de l’Amazone est apparue. Début 2016, cette gyre
semble avoir disparu des images satellite.
De plus, le régime des vents et des températures induit des variations saisonnières aux
phénomènes de circulation et de multiplication des algues.
Ces phénomènes pourraient, selon plusieurs hypothèses, être liés à des tendances globales de
changement environnemental et à de nouveaux apports de nutriments à l’océan (apports par
les grands fleuves du Congo et de l’Amazone, notamment lors des crues exceptionnelles dues
à l’instabilité climatique en 2010 et 2011, nuages de poussières issues du Sahara9,
développement et intensification agricole du bassin de l’Amazone).
Il s’agit donc d’un circuit différent du circuit ancien situé entre le sud des Etats-Unis et
traversant les grandes Antilles. Par rapport au précédent, ce deuxième circuit est beaucoup
plus récent et beaucoup moins étudié ; diverses hypothèses ont été avancées pour expliquer
l’ampleur de ce phénomène mais il n’y a pas encore de démonstration ni même de
quantification ou de modélisation.
8
(Franks & al., November 2014)
9
(DEAL Martinique, 2011)

p. 49
Etude détaillée

1.3 Une dynamique complexe de la dérive océanique des nappes de


sargasses qui rend difficile leur prévision
ériennes menées par la DEAL de Martinique10 montrent que l’essentiel des
Les observations aériennes
volumes de sargasses est arrivé sur les côtes entre septembre 2014 et juin 2015 lors de 13
épisodes ponctuels appelés « arrivages massifs » et représentés dans la figure ci-dessous,
ci
même
me si les algues arrivent aussi en petites quantités entre ces épisodes. Dans toutes les
Antilles, les côtes orientées est ou sud-est
sud est sont touchées, les côtes orientées autrement ne sont
quasiment pas impactées. Il s’agit donc bien de la conséquence de la dérive océanique des
grandes nappes de sargasses flottantes.

Figure 4: Historique
istorique des échouages sur le littoral martiniquais (2014-2015)
(2014

Les facteurs qui interviennent dans la prolifération et la dérive des sargasses fluctuent d’une
année sur l’autre: alimentation et croissance de l’algue selon la présence de nutriments et la
température de surface de la mer, dérive selon les vents ou selon les courants de surface,
dispersion des tapis selon les vents ou la houle etc. Pour
Pou prévoiroir les localisations et les
l tailles
de nappes de sargasses dans l’océan, il faudrait pouvoir quantifier ces facteurs et leurs
influences multiples. Une telle compréhension allant jusqu’à la modélisation du phénomène
nécessite un effort de recherche important,
import décrit au § 7.1,, qui n’est pas susceptible d’aboutir
avant plusieurs années.
Les observations des années récentes montrent toutefois que :
• Il existe une grandee variété de tapis flottant en mer, les sargasses pouvant s’étaler sur
de grandes surfaces et se subdiviser en plusieurs parties sous l’effet des tempêtes,
même si elles ont tendance à la longue, sous l’effet combiné de la houle et du vent, à
s’étirer en dee longs filaments. Des filaments longs de plusieurs centaines de
kilomètres ont été observés.

10
(Védie, 2015)

p. 50
Etude détaillée

• Les arrivages aux Antilles sont limités pendant les mois de décembre à avril, les
échouages les plus importants ayant lieu de juillet à octobre. Mais ceci est très
variable d’une année sur l’autre et l’on peut constater aussi bien aucun arrivage de
sargasses certaines années que des arrivages plus avancés ou plus tardifs d’autres
années.
• Les tapis de sargasses approchant à quelques kilomètres des côtes se déplacent en
fonction de la dynamique des courants côtiers qui est très complexe en raison des
fonds, des rochers et des passes ; un tapis peut repartir au large du jour au lendemain
si les vents changent.

1.4 Une quantification très insuffisante


La quantification du phénomène est difficile compte tenu de la diversité des conditions
d’échouage et d’état des algues.
La variété de configurations du littoral aux Antilles induit une grande variété de situations
d’échouage : algues menaçantes en mer mais sans certitude sur le lieu d’échouage, algues
flottantes en baie ou près du rivage, algues échouées à terre : fraîches ou accumulées.
L’évolution des sargasses elles-mêmes une fois échouées est diverse : maintenues sur l’eau,
les algues finissent par se séparer des aérocystes et coulent ce qui, dans les baies peu agitées,
forme au fond de l’eau de la vase susceptible de provoquer des émanations de gaz par
fermentation ; maintenues hors de l’eau, les sargasses fraîches laissent écouler l’eau de mer et
sèchent rapidement en surface mais une fermentation anaérobie se produit en général dans la
partie restant humide au-dessous, avec dégagement d’odeurs nauséabondes (H2S (hydrogène
sulfuré), NH3 (ammoniac), diméthylsulfures ou mercaptans) au bout de un à trois jours. La
mission a toutefois recueilli des témoignages divergents : tout le monde s’accorde à
reconnaître qu’une couche d’épaisseur de 10 à 20 cm va sécher sans dégager d’odeur, en
revanche, certains tas de hauteur beaucoup plus importante n’auraient produit aucune odeur.
Ceci pourrait s’expliquer par un mélange avec du sable qui contient des bactéries sulfato-
réductrices ou par plusieurs reprises successives des tas qui auraient apporté suffisamment
d’oxygène et de séchage.

Les sargasses sont une algue qui comporte des parties relativement rigides, contrairement aux
algues vertes, ce qui fait que les tas vont comporter une part importante d’eau ou d’air à tous
les stades. Les poids et volumes des tas de sargasses fournissent une densité apparente très
différente de la densité de l’algue elle-même qui est de 0,9 +/- 0,1. Les observations des
DEAL permettent de distinguer les stades suivants qui sont très différents entre eux :
• l’algue flottant dans l’eau mais bloquée contre le littoral, comme on le voit sur la
photo ci-dessous;

p. 51
Etude détaillée

Photo 2: Sargasses flottantes échouées en zone infra-littorale de Martinique

Les sargasses flottantes sont de 3 couleurs différentes : claires à gauche car arrivées
récemment, sombres au centre car compactées depuis plusieurs jours et noires à droite car
bloquées sur une longue durée (et ayant coulé en partie)
Source : DEAL de Martinique

• l’algue échouée à terre récemment ;


• l’algue ressuyée en tas pendant 1 à 3 jours ;
• l’algue échouée à terre depuis longtemps, comme on le voit sur la partie centrale de la
photo ci-dessous ;

p. 52
Etude détaillée

Photo 3: Sargasses écouées sur une plage de Martinique créant une érosion

A droite des sargasses flottantes arrivées récemment et à gauche une marche créée dans le
profil de la plage. On constate au centre l’érosion du sable due à l’amas de sargasses
échouées sur le sable mais remuées par les vagues.
Source : DEAL de Martinique

• l’algue disposée en couche fine de 10 à 20 cm et séchée au soleil ;


• l’algue déshydratée et transformée en poudre.

Le terme « algue fraîche » recouvre les trois premiers stades et est porteur de confusion.

Même à un stade donné, la situation peut varier fortement comme, par exemple, pour les
algues flottantes dont l’épaisseur peut aller de 20 à 90 cm.
Le tassement par le poids propre des algues et l’écoulement par gravité de l’eau emmagasinée
dans les tas vont faire évoluer les volumes et la densité des sargasses au fil de leur collecte
comme indiqué dans le schéma ci-dessous, reconstitué par la mission à partir des observations
rapportées par la DEAL de Martinique11.

11
Les illustrations sans indication de source sont des productions de la mission.

p. 53
Etude détaillée

Figure 5: Schéma d’évolution des volumes et densités apparentes des amas de sargasses
après échouage

Les sargasses évoluant en plusieurs stades, comme indiqué ci-dessus, une estimation de
volume ou de poids n’est pas exploitable si on ne précise pas le stade auquel a été effectuée la
mesure.
La mission recommande de considérer :
• les volumes en m3 lorsque l’on parle de quantités échouées, à ramasser ; ou à
reprendre après ressuyage ;
• le poids en tonnes lorsqu’il s’agit des quantités valorisées ;
• le volume en m3 pour dimensionner les capacités de transport et le poids à l’entrée en
valorisation.
Lorsque des observations ont lieu, la mission recommande :
• de mentionner le stade de l’algue et, pour les algues échouées, la durée approximative
d’échouage ;

p. 54
Etude détaillée

• d’utiliser la grandeur définie ci-dessus (volume ou poids) suivant le stade du


processus de traitement.

Par ailleurs, elle considère comme nécessaire d’effectuer et de conserver les deux types de
mesures, volume et poids, pour bâtir un barème de densité pour chaque stade notamment à
l’occasion des expérimentations en cours (cf. § 7.2 Des expérimentations techniques ADEME
à la mise en œuvre d’un plan d’action opérationnel). Ce barème permettra le dialogue entre
les différents acteurs des filières, depuis l’échouage jusqu’à la valorisation.
En attendant ces résultats de mesure, la mission a appliqué pour ses travaux le barème
provisoire correspondant au schéma ci-dessus (même si les analyses connues montrent de
larges fluctuations autour des valeurs12) :
Les observations rapportées ne sont malheureusement pas nombreuses, ni exhaustives, ni
suffisamment documentées en terme de dates ou de stades d’échouage. Par exemple, on
constate dans l’exploitation des questionnaires renseignés par les communes (cf. annexe 9.8)
que celles-ci n’ont enregistré qu’une partie de ce qui a été évacué : ce qui a été retiré par des
entreprises sous-traitantes mais pas ce que prenaient à leurs frais certains agriculteurs ou ce
que ramassaient les hôteliers ; les quantités contiennent probablement à la fois des algues et
du sable, mélangés au cours du ramassage. Les chiffres ne précisent pas si la valeur a été
obtenue par une mesure de poids ou bien par une mesure de volume, et dans ce cas, quelle
densité a été utilisée. Souvent, la période et la localisation exacte de ces estimations ne sont
pas renseignées. Le ramassage manuel par les brigades vertes est bien comptabilisé depuis mi-
2015 en Martinique et à Saint Martin, mais pas encore en Guadeloupe où la comptabilisation
se met en place progressivement.
La DEAL de Martinique a effectué des survols aériens à chaque arrivée massive, avec une
cotation par maille de 1 km sur 1 km de la densité des arrivages allant de 1 à 5, et en déduit
une surface moyenne occupée par les sargasses flottant près du rivage de 51 ha, avec une
pointe à 171 ha13. Cette observation fiable n’indique pas quelle proportion de cette superficie
de sargasses s’est finalement échouée et a dû être évacuée, une partie des tapis flottants
pouvant être renvoyée ultérieurement au large par des courants. Ces cartographies montrent
que les zones impactées sont assez régulièrement les mêmes, situées sur la côte au vent et au
sud de l’île, mais qu’elles sont touchées avec une intensité variable d’un arrivage à l’autre. En
cas d’arrivages espacés d’une ou deux semaines seulement, on peut supposer qu’une partie de
la surface couverte observée à un moment donné est le reliquat de l’arrivage précédent. En
comparant ces photographies d’arrivages massifs et les quelques échouages de faible ampleur
qu’elle a observés en janvier 2016, la mission pense que les arrivages de sargasses sont
négligeables entre les épisodes massifs ; en revanche, les tapis flottants accumulés, poussés
par les courants et les vents, vont :
• en cas de plage ou rivage en pente douce, se déposer pendant plusieurs jours à
plusieurs semaines, en couches ou en tas au fur et à mesure du ramassage effectué ;
• en cas de baie avec relief côtier, stagner et se concentrer le long du rivage jusqu’à
couler au fond au bout d’une à deux semaines.

12
Par exemple les valeurs pour les sargasses ressuyées sont de 290 kg/m3 d’après la DEAL de Martinique et de
250 kg/m3 d’après la DEAL de Guadeloupe
13
(Védie, 2015)

p. 55
Etude détaillée

1.5 Les estimations d’échouages pour 2014 - 2015


La DEAL de Martinique estime à 1 million de m3 le volume de sargasses arrivant sur le
rivage entre octobre 2014 et octobre 2015, ce qui correspond en appliquant le barème ci-
dessus à un ordre de grandeur du volume d’algues échouées de 500 000 m3 environ, dont
300.000 seulement sont à ramasser car situées dans des zones à enjeu, et de 100.000 m3de
sargasses ressuyées à transporter. Les zones à enjeu sont les zones habitées, les rivages à
activités économique ou touristique et les aires de ponte des tortues. La particularité et la
difficulté résideraient dans le fait que 60% de ce littoral ou de ce tonnage ne sont pas
accessibles aux techniques actuellement éprouvées à des coûts actuellement supportables.
La DEAL de Guadeloupe a mené une démarche intéressante et précise de reconstitution des
échouages de 2015 et de cartographie à partir des photographies aériennes et observations des
superficies couvertes. Les résultats ne sont pas encore validés, mais il en ressort que les
quantités de sargasses échouées, en appliquant le barème ci-dessus et non des chiffres de
densité beaucoup plus faibles utilisés par la DEAL, correspondraient à un ordre de grandeur
de 430.000 m3d’algues échouées. .Les côtes impactées représenteraient environ 9% du
littoral, dont les deux tiers habitées et à ce titre jugées prioritaires, ce qui conduirait à un
volume de 345.000 m3 à ramasser et à un volume de 115.000 m3 de sargasses ressuyées à
transporter. La carte ci-dessous représente les zones impactées :

p. 56
Etude détaillée

Figure 6: Carte des zones d'échouage des sargasses en Guadeloupe

Source : DEAL Guadeloupe

La mission extrapole ces estimations aux îles du nord pour proposer un échouage de 50.000
m3 de sargasses à Saint Martin et Saint Barthélemy, dont 40.000 à ramasser en zones à enjeu,
et de 13.000 m3 de sargasses ressuyées à transporter.
En Guyane des témoignages concordants14 relatent que les échouages de mai 2015
mesuraient de 0,5 à 0,8 m de haut environ sur une dizaine de mètres de largeur (soit environ
6 m3 au mètre linéaire de plage) et occupaient toute la longueur de la plage de Yalimapo
(environ 4 km) ou de Rémire (environ 1,5 km) (soit environ 24 000 m3 et 9 000m3). Comme
il semble que chaque échouage correspondait au dépôt d’une nappe unique, cela donne un
ordre de grandeur du dépôt « instantané» possible.

14
Réserve naturelle nationale de l’Amana et Etat-major interministériel de zone de défense (EMIZ) de la
Guyane.

p. 57
Etude détaillée

p. 58
Etude détaillée

2 Un impact sanitaire, économique et écologique réel mais


mal évalué
Au cours de la période 2014-2015, les moyens disponibles ne permettaient pas de faire face
dans de bonnes conditions aux échouages massifs de sargasses : la plupart du temps, il n’était
pas possible de collecter et d’éloigner les sargasses du rivage dans le délai maximum de trois
jours, soit parce que les sites envahis étaient inaccessibles aux moyens terrestres (côtes
rocheuses, fonds de baie sans accès ou desservis par des sentiers, zones de mangroves) soit
parce que les arrivages de sargasses étaient à la fois continus et trop volumineux. Les
quantités importantes de sargasses laissées sur place constituaient donc à la fois un obstacle
physique et une pollution chimique avec les émanations de H2S notamment. Des sargasses
elles-mêmes, plus souvent de leur fermentation et parfois des mesures prises dans l’urgence
pour les évacuer, il est résulté des dommages causés tant aux populations riveraines qu’aux
entreprises et à l’environnement. Ces dommages, pour être certains, ne sont cependant pas
vraiment quantifiés.

2.1 Les gênes et les conséquences sanitaires de l’exposition aux


sargasses
Les algues sargasses ne présentent ni gêne ni risque sanitaire lorsqu’elles sont dans l’eau ou
lorsqu’elles sont récemment échouées sur le rivage. Toutefois, lorsqu’elles forment des
masses compactes dans l’eau, la baignade et les activités nautiques et de loisir (voile, planche,
surf, plongée etc.) peuvent être dangereuses voire impossibles. A terre, lorsque les dépôts de
plusieurs dizaines de centimètres restent entassés sur place, au bout de deux ou trois jours, les
sargasses sèchent en surface mais l’intérieur ne sèche pas et se met à fermenter, dégageant
dans l’air des gaz malodorants qui deviennent toxiques à partir d’une certaine concentration.
Le mécanisme est donc le même que pour les algues vertes bretonnes mais le dégagement de
gaz reste faible, « sans commune mesure avec les observations faites sur les algues vertes »15.
Les gaz dégagés par les sargasses sont principalement, on l’a vu, l’hydrogène sulfuré (H2S) et,
dans une moindre mesure, l’ammoniac (NH3). On ne sait pas avec certitude aujourd’hui si
d’autres gaz sont émis par les sargasses lors de leur décomposition en milieu naturel car
celles-ci ont été moins étudiées que les algues vertes, en France en tout cas. La mission
préconise donc, à titre de précaution, la réalisation d’une analyse visant à mettre en évidence
les autres composés gazeux potentiellement toxiques sur le modèle de celle qui a été réalisée
par l’INERIS à partir de mesures faites le 13 août 2009 sur la plage de Saint-Michel-en-Grève
sur les lieux mêmes de la mort, le 28 juillet 2009, d’un cheval16. En effet, cette étude a révélé
la présence en grande quantité de H2S et de NH3 mais aussi d’autres composés soufrés en
quantité significative comme le diméthylsulfure (DMS) et de traces plus ou moins
significatives de méthylmercaptan, de diméthylsulfoxyde (DMSO) et de toluène. Il se pourrait
donc, compte tenu de la proximité de structure entre les algues vertes et les sargasses, que les
résidents des sites des Antilles où il est impossible de collecter les algues soient exposés en

15
(Haut Conseil de la Santé Publique, 22 mars 2012.)
16
(INERIS, 19 août 2009).

p. 59
Etude détaillée

continu, pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois, à d’autres émanations gazeuses
potentiellement toxiques que le H2S.
Les effets de l’émission de H2S sont d’abord olfactifs. Mais le H2S est également un gaz
toxique dont la gravité de l’intoxication dépend de la dose respirée et de la durée d’exposition.
Sa toxicité est beaucoup mieux connue et documentée dans le cas d’une exposition aiguë que
dans le cas d’une exposition chronique. C’est ce que rappelle notamment l’Agence Nationale
de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) dans son
avis émis le 17 février 201617, qui comporte une analyse du profil toxicologique du H2S.

2.1.1 La gêne olfactive


L’odeur caractéristique d’œuf pourri que génère le H2S se détecte très rapidement, dès de très
faibles concentrations : 0,2 à 0,3 ppm18. Elle devient très nette pour 20 à 30 ppm mais vers
100 ppm l’odorat est anesthésié et l’effet en est d’autant plus dangereux que la personne
exposée ne détecte alors plus la présence de gaz dans l’atmosphère à des niveaux de
concentration qui peuvent être graves pour la santé.
Il ne faut pas sous-estimer cette gêne olfactive : respirée en permanence, s’insinuant
insidieusement dans les bâtiments malgré portes et fenêtres fermées, cette odeur acre d’œuf
pourri devient à la longue insupportable, surtout lorsqu’on la subit plusieurs semaines de
suite. Elle devient un élément fortement perturbateur de l’existence, ce qui explique les
pétitions de riverains exaspérés, dont la mission a eu connaissance (elle en a même rencontré
certains) lorsque les algues, au cours de l’épisode 2014-2015, n’ont pas été ramassées à
proximité des habitations ou l’ont été tardivement ou à un rythme insuffisant. Ce fut le cas,
parmi beaucoup d’autres exemples, au Robert en Martinique (où la densité de l’habitat
empêche le ramassage sur certains sites), à Capesterre de Marie Galante, dans l’anse de Cul-
de-Sac à Saint-Martin et dans toutes les zones de mangrove.

2.1.2 Les effets sanitaires d’une exposition aiguë


Pour une exposition brève (de quelques minutes à une heure environ), la gravité de
l’intoxication dépend de la concentration du gaz :
- De 50 à 200 ppm : irritation des muqueuses respiratoires (enrouement, toux, rhinite
etc.) et oculaires (conjonctivite).
- De 200 à 500 ppm : en plus des effets irritatifs des voies aériennes supérieures et des
yeux, apparition de troubles neurocomportementaux et de symptômes neurologiques
(vertiges, céphalées, nausées, vomissements, troubles de la coordination, de la
mémoire, hallucinations…).
- A partir de 500 ppm : possibilité d’une perte de conscience brutale, coma, troubles
cardio-vasculaires (arythmie et tachycardie) pouvant entraîner la mort par arrêt
cardiaque à des doses élevées (autour de 1000 ppm).

Le HCSP estime qu’une exposition de 8 heures à 14 ppm en moyenne ou de 24 heures à 5


ppm en moyenne peut provoquer des irritations oculaires ou des voies aériennes supérieures.

17
(ANSES, Avis relatif à la problématique des émanations issues d’algues sargasses en décomposition aux
Antilles et en Guyane, 17 février 2016.)
18
Le ppm est une unité de mesure de concentration : 1 ppm = 1,4 mg/m3

p. 60
Etude détaillée

Il convient de noter qu’en 2014/2015, les concentrations mesurées à un instant t aux Antilles,
semblent ne jamais avoir été supérieures à 20 ppm dans les lieux habités, pic mesuré
ponctuellement les 6 et 7 octobre 2014 au Robert, l’une des communes les plus exposées de
Martinique. En Guadeloupe le maximum relevé semble avoir été à la Porte d’Enfer, le 2
septembre 2015 (10,4 ppm) suivi par Terre de Haut (9,2 ppm le 24 septembre 2015) et Terre
de Bas (9,2 ppm le 15 juin 2015). En revanche, plusieurs zones habitées du Robert ont été
exposées en continu, sur des périodes plus ou moins longues, à des valeurs dépassant 5 ppm.

2.1.3 Les effets sanitaires d’une exposition chronique


Bien qu’il existe, en milieu urbain et rural, de nombreuses sources d’H2S (déchèteries,
poubelles, stations-service, égouts, etc.), les effets sur la santé d’une exposition sub-chronique
et chronique à ce gaz sont relativement peu documentés. De plus, les quelques études dont on
dispose concernent les populations résidant à proximité de certains sites industriels émetteurs
d’H2S (fabrication de pâte à papier, élevages intensifs de porcins, abattoirs, usines de viscose,
etc.) ou les professionnels qui y travaillent. Or, dans les deux cas, les personnes concernées
sont exposées en même temps à d’autres polluants que le H2S (benzène, dioxyde de soufre
etc.). Ces études n’ont donc qu’une valeur indicative pour les problèmes posés par les
sargasses.
Ces études, qui portent sur des expositions chroniques au H2S pour une concentration de 10
ppm et en deçà, font état de symptômes d’irritations respiratoires chroniques ou de
pathologies respiratoires (asthme) mais pas d’altération de la fonction pulmonaire. Elles
mentionnent également des symptômes d’irritations oculaires mais qui ne sont pas propres au
H2S et des augmentations de la fréquence de certains symptômes neurologiques (céphalées,
pertes d’équilibre, troubles de la mémoire). Par ailleurs l’ANSES note que « en l’état actuel
des connaissances, aucune conclusion ne peut être tirée quant à une potentielle
cancérogénicité de l’H2S ».
Dans ces conditions, la mission reprend à son compte la préconisation de l’ANSES sur « la
mise en place d’une étude épidémiologique prospective dès à présent, qui permettrait d’une
part de renforcer la connaissance des effets liés aux expositions chroniques à l’H2S à de
faibles doses et, d’autre part, de mieux documenter l’impact sur la santé spécifiquement
associé à ces expositions ».19
Il convient d’avoir présent à l’esprit que l’ARS de Martinique estime que sur la côte impactée,
de Marigot à Sainte-Anne, soit environ 80 km, sur une bande de territoire de 500 m de
profondeur à partir du rivage, on peut évaluer à 16 000 le nombre de personnes impactées par
les échouages de sargasses et, donc par les émanations de H2S si celles-ci ne sont pas
collectées dans les trois jours.

19
(ANSES, Avis relatif à la problématique des émanations issues d’algues sargasses en décomposition aux
Antilles et en Guyane, 17 février 2016.)

p. 61
Etude détaillée

2.2 Des dommages économiques à la population et aux entreprises


diffus et non quantifiés
2.2.1 Des dommages diffus aux biens des particuliers
Un habitat en bordure de mer, parfois très proche du rivage (quelques mètres), souvent très
dense, caractérise les côtes antillaises, particulièrement en Martinique. Outre les nuisances
olfactives, insoutenables lorsqu’elles persistent pendant des semaines voire des mois, et les
troubles sanitaires, la population côtière directement exposée aux sargasses a subi deux types
de dommages principaux :
• D’une part, des dommages ponctuels causés à certains équipements et
matériels par le H2S : celui-ci corrode presque tous les métaux et plus
particulièrement le cuivre et ses alliages. Outre les nombreuses photos, très
expressives, qui lui ont été montrées, la mission a pu constater de visu, dans les
habitations où elle a eu l’occasion de se rendre, cette corrosion sur la tuyauterie
et la robinetterie mais aussi sur les pièces de monnaie qui deviennent noirâtres
(cf. photo 4 ci-après). Une réaction chimique provoque également le
noircissement de certaines surfaces : carrelages, peintures, etc. De manière plus
insidieuse et moins immédiatement visible, la corrosion attaque les circuits
électroniques et électriques des appareils tels que climatiseurs, téléviseurs,
ordinateurs, réfrigérateurs, congélateurs, fours à micro-ondes : d’une manière
générale tout le petit et gros électroménager. On a souvent rapporté à la
mission que du matériel neuf ou quasi-neuf (de moins de deux ans) avait dû
être remplacé. Dans les zones les plus exposées, certains matériels ont dû être
changés tous les six mois environ.

• D’autre part, un dommage substantiel lié à la dépréciation de la valeur


immobilière des propriétés : certains habitants, qui ont souhaité vendre leur
maison pour ne plus subir les problèmes sanitaires et matériels liés à
l’émanation de H2S, y ont finalement renoncé pour ne pas s’exposer à une
moins-value significative lors de la cession de leur bien.

p. 62
Etude détaillée

Photo 4:: Présentation des dégâts subis par les particuliers à Marie-Galante
Marie

Pomme de douche, pièces de monnaie, dés à coudre,, collier et montre oxydés par le H2S

Aucune estimation chiffrée n’a pu être fournie à la mission, ni quant à l’ampleur de la


population concernée ni quant aux dommages subis. Il est vrai que les victimes ont renoncé à
les évaluer avec précision, ceux-ci
ceux n’ayant pas été pris en charge rge par les assurances. On a
même indiqué que les constructeurs avaient souvent refusé de faire jouer la garantie des
matériels neufs au motif que ceux-ci
ceux ci n’auraient pas fait l’objet d’un usage normal…

p. 63
Etude détaillée

En Guyane sous le double effet de la brièveté du phénomène et de la rareté des zones


urbanisées contiguës à la mer, les nuisances aux habitants et aux habitats n’ont pas eu une
ampleur comparable à celle des Antilles.

2.2.2 Les dommages aux entreprises


Lorsque des ports sont entièrement obstrués par des nappes de sargasses qui, en quelque sorte,
s’y trouvent piégées, lorsque des baies entières sont envahies et des plages entièrement
recouvertes par des couches d’algues qui atteignent plusieurs dizaines de centimètres
d’épaisseur, certaines activités économiques ne peuvent qu’être pénalisées, au premier rang
desquelles l’activité touristique et la pêche.
2.2.2.1 L’activité touristique
Le tourisme est, on le sait, essentiel pour l’économie antillaise20. Or, l’activité touristique ne
peut que souffrir de cette véritable pollution que constituent les sargasses : outre l’effet
répulsif sur la clientèle des restaurants et des différentes structures d’hébergement (résidences,
gîtes, hôtels) que provoque l’odeur d’œuf pourri caractéristique du H2S, les masses d’algues
recouvrant les plages et stagnant en mer en masses compactes constituent tout simplement un
obstacle physique à toutes les activités balnéaires et nautiques.
L’impact sur le secteur touristique est d’abord financier car les échouages massifs de
sargasses provoquent :
• Une augmentation des coûts directs des entreprises, lorsque les hôtels ou les
restaurants choisissent pour maintenir leur activité de nettoyer eux-mêmes les
plages en bordure desquelles ils sont situés.
• Une augmentation des coûts indirects : les entreprises subissent exactement les
mêmes dégâts matériels que les particuliers.
• Une baisse du chiffre d’affaires due à la diminution de la clientèle.

Ces trois éléments contribuent à créer une tension sur la trésorerie des entreprises, l’invasion
des sargasses venant affaiblir un secteur fragilisé depuis la crise économique de 2009 et qui,
souvent, rencontre des difficultés auprès des banques. Il en résulte des doléances, dont les
chefs d’entreprises se sont souvent fait l’écho auprès de la mission, concernant un moratoire
ou un étalement pour les charges fiscales et sociales.
Il convient toutefois de souligner qu’il est difficile de prendre une mesure exacte de ce
phénomène : les entreprises qui vivent du tourisme se plaignent de difficultés rencontrées
depuis l’invasion des sargasses mais il est bien rare qu’elles fournissent des chiffres précis sur
l’augmentation des coûts et la perte du chiffre d’affaires (au-delà de pourcentages avancés
sans justificatifs) qui en résultent. Lorsqu’elles le font, les chiffres avancés sont purement
déclaratifs. Certains entrepreneurs (notamment à Marie-Galante) ont fait état de
correspondances sollicitant des étalements de charges restées sans réponse de la part de la
DGFiP ou de la CGSS : la mission n’a pas pu vérifier ce point mais constate que, lorsque la
Commissaire à la vie des entreprises et au développement productif de Guadeloupe s’est

20
Respectivement 7 et 9 % du PIB de la Guadeloupe en 2012 et de la Martinique en 2011 (Cour des comptes,
rapport public annuel 2014)

p. 64
Etude détaillée

rendue à Marie-Galante le 24 novembre 2015, un tiers des entreprises sélectionnées par la


Communauté de communes ne se sont pas déplacées pour la rencontrer.
Toutefois, dans certains cas, la mission a pu obtenir des renseignements chiffrés avec une
certaine exactitude, qui donnent une idée des surcoûts ou des pertes occasionnés par les
sargasses.
Ainsi, s’agissant des coûts directs, à titre d’exemple, un restaurateur de Saint-Martin,
possédant plusieurs restaurants sur la plage de Baie Orientale, après avoir initialement fait
nettoyer la plage par du matériel de travaux publics, a acquis pour 60 000 € un ramasseur
conçu pour nettoyer les plages mais adapté au ramassage des sargasses. A Saint-Barthélemy,
un hôtel a fait nettoyer la plage par une entreprise pour un coût total de 20 000 € en 2015.
D’une manière générale, à Saint-Barthélemy, les hôtels ont pris en charge le nettoyage de leur
plage. A Gosier, un hôtel a fait nettoyer sa plage chaque nuit par un prestataire à raison de
1500 € la nuit (soit un coût total de près de 100 000 € sur la période 2014-2015).
S’agissant de la perte de chiffre d’affaires, la mission dispose de deux enquêtes, réalisées en
novembre 2015, l’une par la Chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin
(CCISM), l’autre par la Chambre consulaire interprofessionnelle des îles de Guadeloupe
(CCIIG).
A Saint-Martin, 14 entreprises seulement ont répondu à l’enquête de la CCISM,
essentiellement de petites entreprises de plages (club de surf, location de jet ski, club de voile,
etc.) et 2 restaurants de bord de mer. Pour la période avril- novembre 2015, la perte du chiffre
d’affaires est évaluée à 250 000 € pour ces 14 entreprises. Encore certaines d’entre elles,
rencontrées par la mission, déclarèrent-elles spontanément avoir effacé leurs pertes de l’été et
de l’automne 2015 grâce à une période des fêtes de fin d’année 2015 jugée excellente.
Pour la Guadeloupe, l’enquête de la CCIIG porte sur un échantillon beaucoup plus vaste de
424 entreprises situées dans les 15 communes de l’archipel les plus touchées par les
échouages de sargasses et appartenant aux secteurs vivant directement du tourisme (hôtels,
gîtes et résidences ; restaurants ; commerces alimentaires ; sociétés de location de véhicules
de tourisme, de bateaux de plaisance, de matériel de plongée) ainsi qu’au secteur de la pêche.
Sur les 424 entreprises, 148, soit un tiers seulement, reconnaissent avoir été impactées par
l’échouage des sargasses : dégradations de matériels dans toutes les entreprises, annulations
de réservation dans les structures d’hébergement, diminution de la clientèle dans les
restaurants. Sur l’échantillon, 12 restaurateurs et un hôtel ont dû procéder à des fermetures
temporaires et à deux licenciements.
Au total, la baisse du chiffre d’affaires est d’environ 40 % pour les restaurants et les structures
d’hébergement (hôtels, résidences, gîtes) et l’impact financier global pour les 148 entreprises
impactées est de 4,6 millions d’euros pour le premier semestre 2015. Toutefois, certains
interlocuteurs de la mission ont reconnu que la baisse de fréquentation de certains
établissements très impactés par les odeurs des sargasses en fermentation avait pour
conséquence d’augmenter celle d’autres établissements moins concernés.

p. 65
Etude détaillée

En dehors de l’échantillon de la CCIIG, on peut souligner la fermeture d’un hôtel21 et de 4


gîtes à La Désirade, et sur le site magnifique de Pompierre à Terre-de-Haut, une chute de la
fréquentation de 60% depuis 2014 dans les 4 gîtes qui y sont implantés et une chute de
l’activité brutale pour le restaurant en haut de la plage : avant 2014, celui-ci servait 90 repas
par jour ; depuis l’invasion des sargasses, 10 repas par jour seulement. Il a dû procéder à une
fermeture temporaire du 4 septembre au 15 décembre 2015.
Ces chiffres montrent bien l’impact, indéniable et inévitable, des échouages des sargasses sur
les entreprises vivant directement du tourisme, sans parler des effets induits sur d’autres
secteurs (le BTP par exemple).
Au-delà des chiffres et des dommages évaluables, il existe un dommage plus massif et aux
effets redoutables sur le long terme : la dégradation de l’image touristique des Antilles
françaises qui, à la différence d’autres îles de la Caraïbe, jouent la transparence sur ce
phénomène et mettent en avant les moyens mis en œuvre pour éliminer les sargasses. Saint-
Barthélemy, où la Collectivité comme le secteur privé ont mobilisé tous les moyens
nécessaires, bénéficie d’une image intacte. Saint-Martin aussi, d’autant plus que, dans ces
deux îles de dimension modeste, les sites impactés sont peu nombreux et les échouages,
jusqu’à présent, relativement peu importants22. Le ramassage y est donc maîtrisé. Il en va
différemment de la Martinique et de l’archipel de la Guadeloupe dont l’image est attaquée ne
serait-ce que par les photographies qui circulent sur les réseaux sociaux. Or, une image
touristique dégradée met fort longtemps à se reconstruire, surtout quand la clientèle a pris
d’autres habitudes : celle-ci peut facilement se détourner des Antilles pour d’autres îles
tropicales dans le monde. Il sera alors difficile de la faire revenir. Compte tenu du poids de
l’activité touristique dans l’économie des Antilles, il serait désastreux que l’image touristique
de la Martinique et de la Guadeloupe ne soit pas préservée. Cela suppose que la priorité soit
effectivement donnée à un ramassage régulier et efficace.
En Guyane, l’arrivée très ponctuelle des sargasses a entraîné une désertion des plages
appréciées par le tourisme local et a provoqué de vives inquiétudes chez les maires. Pour le
village amérindien d’Awala Yalimapo, dont c’est l’unique ressource économique, la situation
aurait été grave si les sargasses avaient perduré.
2.2.2.2 La pêche
La mission a rencontré des représentants des marins-pêcheurs dans les quatre îles. Ceux-ci ne
lui ont pas caché que la présence de sargasses a des effets ambivalents sur la pêche. En effet,
les nappes de sargasses sont, on l’a dit, des nurseries pour de nombreuses espèces de poissons
et de crustacés (les langoustes notamment) et des lieux de nourriture abondante. Ainsi l’année
2012, où les arrivages de sargasses ont été plus modérés qu’en 2014 et 2015, a été une très
bonne année pour les pêcheurs. Mais en 2014 et en 2015, l’impact s’est révélé négatif :
l’importance et la densité des nappes à proximité des côtes ou même dans les ports ont eu
deux effets. D’une part, elles ont rendu difficiles voire impossibles les sorties en mer. D’autre
part, elles ont bloqué les hélices et provoqué une détérioration des moteurs et des filets. Dans
certains cas, la pêche à la traîne a été impossible. Dans l’échantillon de l’enquête menée par la

21
La mission a également constaté la fermeture d’un hôtel à Sainte-Lucie, qui n’a pas pu supporter le coût
récurent du ramassage des algues. Cet exemple souligne bien le caractère international des difficultés
22
Même dans ces conditions, en 2015, le coût direct des sargasses a été de 316 660 € pour de la Collectivité de
Saint-Barthélemy et de 160 000 € environ pour la Collectivité » de Saint-Martin

p. 66
Etude détaillée

CCIIG, ce sont les pêcheurs qui connaissent la baisse la plus forte de leur chiffre d’affaires au
premier semestre 2015 : - 50 %. Et 22 journées de pêche ont été perdues sur la période.
En Guyane, le comité des pêches maritimes relève un encombrement des filets maillants. Il en
résulte un temps de pêche plus long et une moindre productivité des sorties ou même un arrêt
complet des sorties. Le chiffre d’affaires de certains pêcheurs se réduit fortement (des deux
tiers) pendant les périodes où les bancs de sargasses envahissent les zones de pêche23. La
petite pêche artisanale souffre également mais, non immatriculée, elle est mal connue.
L’impact final est difficile à cerner car la plupart des pêcheurs et marins sont pluriactifs, ce
qui peut les avoir conduits à se reporter temporairement sur une autre activité. Les captures
annuelles de 2015 seraient équivalentes à celles de 201424.
Notons enfin que des mortalités ont été constatées, sans doute par anoxie, sur des casiers
aquacoles, par exemple en Martinique.

2.3 Des impacts écologiques ambivalents25 et négligés dans l’urgence


L’échouage de petites quantités d’algues sur les côtes antillaises est un phénomène naturel qui
fait partie de la vie des écosystèmes littoraux et leur est même nécessaire26.
Les sargasses sont une source de nutriments pour la flore littorale. Elles peuvent être
favorables à l’alimentation et la nidification de l’avifaune. Elles peuvent contribuer à la
fertilisation et à la stabilisation de certaines plages et dunes.
En revanche, les arrivages massifs de sargasses sur les côtes, qu’elles s’échouent à terre ou
restent dans l’eau, ont une telle intensité que les équilibres entre les espèces présentes sont
sensiblement perturbés. L’accumulation de ces événements peut aller jusqu’à menacer
l’existence de certaines espèces même si d’autres sont bénéficiaires. Par ailleurs, certaines
mesures prises dans l’urgence pour limiter l’impact sanitaire ou économique ont eu clairement
des impacts supplémentaires très négatifs sur l’environnement.

2.3.1 Les impacts environnementaux des sargasses elles-mêmes


Les sargasses échouées à terre sur des fortes épaisseurs créent des obstacles physiques soit
directement soit sous l’action des vagues lorsque les dépôts sont situés sur des zones
sableuses soumises à fort clapot ; ces dépôts épais gênent la circulation de certains animaux
ou bien sont le siège d’une fermentation anaérobie productrice de gaz soufrés jusqu’à se
transformer en compost. En cas de mise en contact avec les eaux douces, il peut y avoir
obstacle aux écoulements de ces eaux vers la mer et envasement / ensablement ou salinisation
partielle des eaux et de la végétation des zones humides.
Il en va de même pour les sargasses restant dans l’eau : elles se décomposent avant et après
avoir coulé lorsque les aérocystes se séparent du reste de l’algue ; la décomposition
consomme de l’oxygène qui n’est plus en concentration suffisante dans l’eau de mer et
produit de la vase qui dégage de fortes concentrations en H2S lorsqu’elle est remuée (jusqu’à

23
(Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Guyane, 11 juin 2015)
24
Communication de la Direction de la mer de Guyane d’après les enquêtes de l’IFREMER
25
(DEAL Martinique, 2011)
26
(Oxenford, august 2015)

p. 67
Etude détaillée

20 ppm observés). Enfin les tapis flottants proches du rivage diminuent la lumière arrivant sur
les fonds marins.
Les principaux impacts environnementaux directs des arrivées massives sont les suivants :
• Sur les herbiers : blanchiment et même disparition le long du littoral jusqu’à 10 ou
20m du rivage. En cas de départ des sargasses, les herbiers repartiront probablement
après blanchiment et sont aussi susceptibles de revenir même après disparition. La
faune attachée à ces herbiers (oursins, holothuries, crabes …) disparaît avec eux mais
de façon plus irréversible.

• Sur les coraux, l’anoxie et la perte de lumière sont préjudiciables, mais n’ont pas la
durée suffisante pour créer des impacts négatifs avérés, sauf ponctuellement.

• Sur la mangrove, l’impact négatif est clair sur la qualité de l’eau (anoxie, matière
organique, sulfates) mais pas sur la végétation elle-même ni sur les espèces vivant
autour des racines des palétuviers, tant que les accumulations n’ont pas conduit à un
envasement complet qui se traduira par un ensablement durable. Cette résilience
pourrait s’expliquer par la capacité de ce type de végétation à utiliser la matière
organique présente dans l’eau et par les eaux de ruissellement provenant du bassin
versant en temps de pluie, qui repoussent une bonne partie des algues hors de la
mangrove.

• Sur la faune aquatique, les tapis de sargasses jouent un rôle extrêmement positif
puisqu’ils constituent des lieux de nurserie, d’abri ou de nourriture pour de
nombreuses espèces. Ceci est clairement le cas au large, où les tapis favorisent la
multiplication et la croissance des espèces et en attirent des nouvelles (y compris des
oiseaux), au point qu’on les compare aux DCP (dispositifs concentrateurs de poissons)
que l’on développe artificiellement au profit des pêcheurs depuis plusieurs années
dans la Mer des Caraïbes. Mais cet effet positif disparaît lorsque le tapis stagne
longtemps dans les baies, au point de se décomposer et de couler. Des poissons et une
tortue olivâtre ont ainsi été piégés par la nappe déposée à Awala27.

• Sur les espèces de tortues marines (cinq sont présentes et protégées par des
réglementations nationales, communautaires et internationales), les données
scientifiques manquent mais les affirmations abondent.
Selon la Réserve naturelle nationale de l’Amana (Awala-Yalimapo en Guyane), le
dépôt des sargasses sur la plage début mai 2015 a interrompu la nidification des
tortues Luth ; il est possible que l’arrivée en masse des sargasses dans l’eau à
proximité immédiate ait en outre gêné leur accès. La nidification a repris après le
départ des algues (Figure 7 et Photo 5). Les tortues vertes, alors en nombre moindre
(et non comptées à ce moment), auraient - au moins pour certaines - surmonté
l’obstacle des dépôts, confirmant ainsi leur réputation d’agilité. La nouveauté de
l’événement n’a pas permis de définir un protocole de suivi plus précis28.

27
Observation de la Réserve naturelle nationale de l’Amana
28
La mission n’a pu avoir accès aux données plus précises du CNRS. Leur publication serait du plus haut intérêt
pour limiter les on-dit

p. 68
Etude détaillée

Figure 7:: Effet des échouages de sargasses sur la nidification des tortues Luth à Awala-
Awala
Yalimapo (Guyane)

p. 69
Etude détaillée

Photo 5: Evolution des échouages de sargasses à Awala-Yalimapo (Guyane)

L’obstacle physique des sargasses à terre ou en mer pourraient selon certains


augmenter la mortalité des juvéniles, qui est déjà naturellement élevée.

2.3.2 Les impacts environnementaux des actions de ramassage ou de transport


Les impacts environnementaux des mesures prises pour ramasser ou éloigner les sargasses
sont eux-mêmes plus clairement négatifs que les impacts directs décrits précédemment ;
heureusement ils se produisent plus ponctuellement et peuvent être évités :
• Le ramassage des algues par des chantiers de travaux publics a conduit à retirer
beaucoup de sable sur certaines plages, ce qui crée une érosion destructrice. La
solution passe par l’utilisation d’équipements et d’engins adaptés, la formation du
personnel, le rechargement en sable à partir des dépôts minéralisés.

p. 70
Etude détaillée

Photo 6: Détérioration de la plage de Capesterre de Marie-Galante par une collecte des


algues au moyen d’un tracto-pelle

• La circulation sur les zones de ponte des tortues marines écrase de façon irrémédiable
les œufs dans leur nid ou crée des tassements qui empêchent l’éclosion ou la ponte. La
solution passe par la limitation des zones autorisées à la circulation des engins, l’usage
de pneus basse pression ou de chenilles, l’interdiction de l’enfouissement et la
formation du personnel aux consignes précises fournies par la DEAL et l’ONCFS qui
sont reprises en annexe 9.1 - Préconisation de ramassage des sargasses (DEAL
Martinique).

• Les ancrages de barrages flottants ou les chemins traversant la mangrove ou la


végétation littorale pour que des engins puissent accéder à la mer créent des
dommages irréversibles. La solution passe par le suivi pour tous ces chantiers des
procédures existantes d’autorisation administrative et l’application des sanctions

p. 71
Etude détaillée

éventuelles, ce qui suppose toutefois une forte anticipation pour que les mesures
sanitaires soient en place au préalable et que les délais administratifs soient très courts.

• Les dépôts de sargasses ramassées constituent le principal problème : ils peuvent


avoir des impacts sur le sol et la végétation et peuvent contaminer les eaux
souterraines ; le stockage intermédiaire sur des surfaces importantes et la circulation
des engins alentour sont destructeurs de la flore (surtout en cas de jeunes pousses ou
de plantation) ou de la faune (certains crabes, tortues,…) et génèrent des nuisances
fortes au paysage ou au sol. La solution passe par la réalisation préalable d’un
inventaire des zones de stockage intermédiaire, d’un conventionnement avec les
propriétaires, d’une étude d’impact et de mesures compensatoires et d’une information
du public.

p. 72
Etude détaillée

Photo 7: Dépôt de sargasses destructeur de végétation en arrière-plage de Pompierre (Terre


de Haut, Les Saintes)

• Diverses mesures non encore mises en œuvre mais faisant partie des expérimentations
en cours ou de projets (cf. § 7.2) devront faire la preuve de leur capacité à respecter
l’environnement : barrages flottants (ancrages, érosion, effet rebond…), pompage
d’algues en baie (érosion, coraux,…), dilacération des algues et rejet en mer, norias de
camions sur des routes ou ponts de petits gabarits, lixiviats de divers traitements
industriels envisagés. L’idée d’un bateau usine de grande taille capable de collecter et
traiter les sargasses en pleine mer, avancée par un groupe industriel antillais n’est pas
réaliste compte tenu de l’intérêt biologique exceptionnel -souligné notamment par
l’opinion publique nord-américaine- qu’ont les nappes de sargasses flottant en mer.

p. 73
Etude détaillée

p. 74
Etude détaillée

3 Une réponse en urgence

3.1 La mise en place d’un dispositif d’urgence par l’État


3.1.1 Au niveau local
En vertu de leur compétence de salubrité publique, les maires et, à Saint-Martin et Saint-
Barthélemy, le président de la collectivité, ont la responsabilité de conduire les opérations de
ramassage des algues accumulées sur le littoral lorsque ces échouages sont en quantité
intempestive et susceptible de provoquer des nuisances importantes, notamment sur le plan
sanitaire.
Néanmoins, dès le début des échouages massifs, il est apparu que les maires étaient dépassés
par l’ampleur du phénomène et que les communes ou les groupements ne disposaient pas des
moyens, notamment matériels, pour collecter rapidement les algues échouées. Les préfets ont
donc mobilisé les services de l’État pour notamment :
• assister les communes dans les opérations minutieuses de recensement des sites
impactés et les aider à mettre en place les solutions opérationnelles de nettoyage des
plages et à définir leurs besoins en matériels (cf. § 3.3) ;
• aider à la mise en place des brigades vertes pour le nettoyage manuel, avec un
financement à 90% par l’État sur les crédits d’insertion DIECCTE et 10% par les
ADEME (cf. § 3.3) ;
• recenser les aires de stockage des algues, notamment sur des terrains agricoles libres
d’emploi ;
• faire mettre en place par les ARS un dispositif de surveillance sanitaire (cf. § 3.2).

Les sous-préfets ont impulsé ces différentes actions sur le terrain et ont tenu des réunions
publiques, parfois difficiles, d’information.
Les crédits locaux (DETR, FEDER…) ont également été mobilisés pour aider les communes
à l’acquisition de matériels destinés au ramassage mécanisé sur les plages.

En certaines occasions, les préfets ont également mobilisé directement certains moyens de
l’État : par exemple, en Martinique, les Forces Armées aux Antilles (FAA) ont été mobilisées
à plusieurs reprises en octobre et novembre 2014 pour aider aux opérations de ramassage ; le
matériel de la DEAL (une pelle à long bras) a également été utilisé ; 17 reconnaissances par
hélicoptères, d’août 2014 à octobre 2015, ont permis de cartographier les sites d’échouage et
de repérer les bancs d’algues à proximité des côtes ou plus au large.
Devant la persistance du phénomène mais aussi, devant la passivité de certains maires, qui
s’inscrivaient dans une logique d’assistance de la part de l’État, les préfets ont dû initier une
dynamique de solidarité en mobilisant les collectivités : par exemple, à l’initiative du préfet
de la Guadeloupe, un protocole de mobilisation de la solidarité a été signé entre l’État, la
région, le département, les communes et les communautés d’agglomération et de communes
pour définir les rôles de chacun, les solutions opérationnelles de collecte et les principes de
leur financement. Ce protocole prévoit notamment les principes d’action suivants :
• le niveau communal pour le ramassage ;

p. 75
Etude détaillée

• le niveau intercommunal pour la mutualisation des moyens humains et matériels au


profit des communes impactées ;
• le niveau des grandes collectivités et de l’État pour l’appui financier, l’animation
générale du dispositif et la recherche de pistes innovantes pour la collecte et la
valorisation des algues.

En application de ce protocole, un fonds de secours et de solidarité d’un montant de 1,5 M€ a


été mis en place, alimenté à hauteur de 300 000 € chacun par l’État, le conseil régional et le
conseil départemental et de 600 000 € par les six intercommunalités.
De plus les préfets ont rapidement mis en place un dispositif de coordination des différentes
opérations pour lutter contre l’invasion des sargasses, à la fois sur le plan opérationnel
(mobilisation coordonnée des différents acteurs sous l’autorité du préfet, avec création
courant 2015 d’un comité de pilotage (COPIL) hebdomadaire dédié aux sargasses,
rassemblant les élus et services concernés, faisant le bilan des opérations et des actions
lancées, prévoyant les opérations pour la semaine à venir ou des actions à plus long terme) et
sur le plan prospectif : un appel à manifestation d’intérêt a été lancé en 2015 par les ADEME
de Martinique et de Guadeloupe, concernant les moyens innovants de collecte et de
valorisation des sargasses, pour un montant de 2,5 M€ (cf. § 3.5).
En Guyane, le préfet a organisé rapidement après les premiers arrivages un dispositif de suivi
aérien et maritime puis satellite29. Il a mobilisé les services de l’Etat pour mettre en œuvre les
consignes et la surveillance sanitaires, la collecte (toute collecte mécanique était exclue à
cause des pontes de tortues) et le traitement. Le retrait naturel des algues et l’absence de
nouvelle menace confirmés par les suivis aériens et satellite n’ont pas rendu nécessaire le
déclenchement opérationnel du dispositif terrestre. Des enlèvements d’algues par des
agriculteurs ont eu lieu ponctuellement (à Yalimapo notamment).

3.1.2 Au niveau central


La solidarité nationale s’est manifestée avec l’annonce, le 31 juillet 2015, de la mise en place
d’un plan d’urgence par le Gouvernement. Les principaux aspects en sont :
• La création d’un fonds exceptionnel d’urgence de 2 M€, en complément des crédits
déjà engagés par l’État, financé par le ministère des outre-mer et celui chargé de
l’écologie. Ce fonds est destiné à aider au financement des opérations de ramassage,
de stockage et de traitement des sargasses par les collectivités locales.

• Le lancement d’une initiative internationale, sous la forme d’une conférence


internationale réunissant les représentants des États de la Caraïbe, afin de partager les
connaissances et les bonnes pratiques relatives au problème posé par les sargasses.

• Le lancement d’une « mission interministérielle de haut niveau » qui devra formuler


des recommandations opérationnelles en matière de ramassage, stockage, traitement

29
Imagerie satellite(Copernicus) de l’ESA (European Space Agency) fournie à l’ ERCC (Emergency
Response Coordination Center) sur saisine du COGIC/ DGSCGC (Centre opérationnel de la sécurité
civile à Paris)

p. 76
Etude détaillée

et valorisation des algues sargasses afin d’organiser une réponse sur le long terme au
problème.

• L’amélioration de la connaissance pour une gestion à long terme du phénomène, en


accélérant les travaux de recherche pour identifier les causes et les origines du
phénomène.

3.2 La réponse sur le plan sanitaire


3.2.1 Les recommandations du HCSP et de l’ANSES
Pour prévenir les risques sanitaires, dès son avis pré-cité du 22 mars 2012, le HCSP avait
émis des recommandations à la fois à l’intention de la population et à celle des travailleurs
confrontés aux sargasses, reprises et confirmées dans ses avis suivants, notamment celui du
10 juillet 201530, ainsi que dans l’avis de l’ANSES du 17 février 2016 pré-cité.
3.2.1.1 Les recommandations à l’égard de la population
Ces recommandations sont les suivantes :
- « pour des valeurs entre 0,2 et 1 ppm sur les plages à proximité des échouages
d’algues : mise en place du chantier d’enlèvement des algues et information du
public ;
- pour des valeurs entre 1 et 5 ppm sur les plages : information du public (notamment
accès déconseillé aux personnes sensibles et fragiles) ; enlèvement immédiat des
algues ;
- pour des valeurs supérieures à 5 ppm sur les plages : accès réservé aux professionnels
équipés des moyens de mesure individuels avec alarmes ; mesure d’H2S au niveau des
habitations riveraines ».

Le HCSP précise également que la population doit être informée des risques pour la santé des
algues en décomposition et que celles-ci ne doivent pas être manipulées.
Dans son avis du 10 juillet 2015, le HCSP rappelle que la meilleure action, en termes
sanitaires, est la prévention par l’enlèvement des algues avant décomposition et manifeste une
certaine irritation face à l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour le ramassage dont il
préconisait pourtant la mise en place trois ans auparavant :
« Poser en termes de santé publique la question de l’échouage des algues brunes sur les côtes
de la Martinique traduit les retards regrettables de la gestion d’un phénomène naturel
prévisible et connu de longue date qui a trouvé des solutions satisfaisantes dans les pays
voisins. Dans ces pays, notamment aux États-Unis, les algues sont rapidement et
fréquemment collectées dans les zones fréquentées. (…) Autrement dit, la réponse du HCSP
à la question posée est d’évacuer les algues, pas les gens. »
La mission fait sienne la conclusion, en forme de mot d’ordre, de ce paragraphe. Elle
considère, en effet, que la meilleure façon pour qu’aucun problème d’ordre sanitaire ou

30
Avis relatif à la gestion du risque sanitaire lié aux émissions toxiques d’algues brunes échouées sur les côtes
de la Martinique en provenance de la Mer des Sargasses (sic) du 10 juillet 2015.

p. 77
Etude détaillée

économique (cf. § 3.2) ne se pose est d’enlever les algues sur tous les sites à enjeux avant
qu’elles n’entrent en décomposition, c’est-à-dire dans le délai maximum de trois jours.
Ceci posé en principe, il reste à l’appliquer et la réalité rend souvent cette application difficile.
D’une part, le phénomène, pour être naturel, n’est, contrairement à l’affirmation du HCSP, ni
aisément prévisible ni connu de longue date : on l’a dit plus haut, les irruptions massives de
sargasses sont récentes et erratiques. Celles de 2014-2015 ont surpris toutes les îles de la zone
Caraïbe par leur ampleur. Et si les États-Unis ont les moyens de faire face aux pics
d’échouage (encore le font-ils parfois de façon sommaire : au Texas, souvent on enfouit les
algues dans des fosses creusées à même la plage ou l’on construit des dunes de sargasses
recouvertes de sable en arrière-plage, solutions interdites par le profil des plages aux
Antilles), la mission a pu constater que les îles de la Caraïbe, notamment les îles à faible
niveau de vie, sont démunies face aux arrivages massifs.
D’autre part, à l’été 2015, les moyens disponibles aux Antilles pour collecter les sargasses
étaient, excepté quelques lieux, encore très insuffisants, lors des pics d’échouage, pour
ramasser régulièrement les quantités échouées dans le délai de 3 jours, dans la mesure où le
plan d’urgence mis en œuvre par l’État n’avait pas pris tous ses effets (les matériels de
ramassage mécanique ont, pour la plupart, été livrés fin 2015 / début 2016). Il était donc
inévitable que les Antilles fussent, en 2015, exposés à des nuisances sur les plans sanitaire et
économique.
Enfin, il ne faut pas méconnaître que certains sites habités sont inaccessibles aux moyens de
ramassage à terre, soit en raison de la topographie (côtes rocheuses ou à falaise, fonds de baie
sans accès ou desservis par des sentiers, zones de mangroves, par exemple) soit en raison de
la densité même de l’habitat en bordure de mer, parfois très proche du rivage (quelques
mètres) : c’est le cas, par exemple, dans le quartier de Pontaléry, où s’est rendue la mission,
dans la commune du Robert en Martinique. Les habitations, très proches les unes des autres et
en bordure immédiate du rivage empêchent l’accès à tout moyen de ramassage, même
manuel. Dans ce type de zones habitées, la population, souvent modeste, n’a, la plupart du
temps, pas le moyen d’aller résider provisoirement ailleurs pour se protéger. En Guadeloupe,
dans la commune de Petit Bourg, sur le site d’Arnouville, la mangrove a empêché la collecte
des sargasses et les habitations d’un quartier résidentiel, situées à une centaine de mètres du
rivage, ont été fortement impactées. Une résidente, rencontrée par la mission, a déclaré avoir
dû, sur les vives recommandations de son médecin, évacuer sa maison pendant six mois en
2015 et se reloger ailleurs, à ses frais, bien entendu, dans une location. Dans ce type de
situations, il ne reste que la collecte en eau, moyen pour lequel on ne dispose actuellement, à
titre post-expérimental, que d’une solution coûteuse (le « sargator » de la société Karukeralg
dont le coût de ramassage est de 80 € la tonne, cf. § 4.3.2).
Ces éléments de la réalité antillaise, de nature à la fois très pratique et très contraignante,
montrent bien que la collecte ne sera pas possible en tout lieu (à moins d’investir
massivement dans les dispositifs très coûteux de la collecte en eau) et que des problèmes
d’ordre sanitaire subsisteront. Il convient donc de les traiter au mieux.

p. 78
Etude détaillée

3.2.1.2 Les recommandations à l’égard des professionnels confrontés aux sargasses


Dans son avis du 17 février 2016, l’ANSES rappelle que les mesures de protection et de
prévention applicables aux travailleurs au contact des algues vertes sont applicables à ceux
qui sont au contact des algues sargasses, telles qu’elles avaient été formulées dans :
• Un avis de l’ANSES relatif aux recommandations de prévention des risques liés aux
algues vertes pour la santé des populations avoisinantes, des promeneurs et des
travailleurs du 15 juillet 2010.
• Un rapport d’expertise de l’ANSES relatif au même sujet de juin 2011.
• Le guide de la DIRECCTE de Bretagne pour la protection des travailleurs exposés aux
algues vertes et ses fiches d’intervention de mars 2012.

Sachant que les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) du l’H2S sont de 5 ppm
pour 8 heures et 10 ppm pour 15 minutes, les principales préconisations sont les suivantes :
• Chaque travailleur doit être équipé d’un détecteur portatif de H2S, situé près des voies
respiratoires (dont l’ANSES précise les caractéristiques techniques).
• Chaque travailleur doit porter des équipements de protection individuelle dont des
bottes, des gants et des demi-masques filtrant anti-gaz. Ceux-ci doivent être portés dès
que le détecteur signale une concentration supérieure à 5 ppm.
• Si la concentration reste égale ou supérieure à 5 ppm pendant 15 minutes, le chantier
doit être évacué.
• Les cabines de conduite des engins de ramassage mécanique doivent être isolantes.

3.2.2 Les mesures mises en œuvre


3.2.2.1 Au profit de la population
Dès le début du phénomène, les pouvoirs publics ont pris les premières mesures d’urgence,
répétées ensuite en tant que de besoin : arrêtés municipaux d’interdiction d’accès aux plages
impactées, réunions publiques d’information tenues dans certaines mairies par des membres
du corps préfectoral, etc.
Mais surtout, sous l’autorité des préfets, les ARS de Martinique et de Guadeloupe ont mis en
œuvre une politique de veille et de sécurité sanitaires dans quatre directions principales :
La mise en place d’un « réseau sentinelle » de médecins
Si l’on prend l’exemple de la Martinique, des médecins généralistes volontaires (43 sur 10
communes) ont pour mission de faire remonter à l’ARS des informations sur les pathologies
provoquées par les émanations de H2S. On estime, sur la période d’août à novembre 2014, à
780 le nombre de personnes qui ont consulté un médecin pour des symptômes dont les algues
pourraient être à l’origine. Mais on note, d’une part, qu’il a été difficile d’établir une
corrélation exclusive et absolue entre les émanations de H2S et ces symptômes, d’autre part,
que les symptômes (troubles respiratoires, crises d’asthme, irritations oculaires, céphalées,
nausées pour les plus fréquents, démangeaisons cutanées en cas de baignade) restaient
modérés. Ils étaient néanmoins majorés en cas de facteur prédisposant (asthme chronique, par
exemple).

p. 79
Etude détaillée

En complément, une surveillance ad hoc a été mise en place dans les trois services d’urgence
du CHU de Martinique : quelques dizaines de consultations ont eu lieu sur la période, avec les
mêmes constats. Aucune personne civile n’a été hospitalisée pour des troubles provoqués par
l’H2S. En revanche, deux militaires pratiquant des exercices d’aguerrissement en zone de
mangrove ont été hospitalisés pour des troubles graves provoqués par la libération d’une
poche de gaz.
Les mêmes constats peuvent être faits dans l’archipel guadeloupéen. A Saint-Martin, où
l’ARS de Guadeloupe a mis en place un dispositif identique, il n’y a pas eu de remontées
spécifiques des médecins du réseau sentinelle mais l’association des riverains de Cul-de-Sac
s’est fortement mobilisée et a exprimé avec vigueur ses doléances sur les nuisances olfactives
et sanitaires aux autorités.
Le recensement des établissements exposés recevant du public
Les ARS ont recensé les établissements exposés. Il s’agit principalement d’établissements
scolaires, dont certains sont particulièrement exposés (par exemple, un collège au Robert et
une école au François en Martinique ainsi qu’une école primaire et un lycée à Cul-de-Sac à
Saint-Martin). Tous ont été dotés d’une fiche de signalement des incidents et, sur la période
2014-2015, quelques fermetures temporaires (24 h) ont été décidées.
La mise en place d’un système de mesures du H2S et du NH3
Les ARS de Martinique et de Guadeloupe ont développé au cours de l’année 2015, avec l’aide
d’associations agréées pour la surveillance et la qualité de l’air, un dispositif permanent de
mesure des émanations de gaz H2S et NH3 dans les sites à enjeux forts.
En Martinique, dès 2014 l’ARS s’est équipée de détecteurs portatifs (5 détecteurs monogaz
H2S, 5 monogaz NH3, 2 multigaz) avec un seuil de détection à 0,1ppm. Une équipe de cinq
personnes (dont deux volontaires du service civil et deux contrats aidés) ont réalisé des
mesures ponctuelles, en priorité sur les sites les plus impactés. Sur la période d’échouages
massifs de 2014-2015, 5000 données de terrain ont ainsi été recueillies : 80 % des résultats
sont inférieurs à 1 ppm mais 20% sont supérieurs à cette valeur (dont 2,5 % supérieurs à 5
ppm). Le week-end, le dispositif était complété par le SDIS.
En 2015, dans le cadre des appels à manifestation d’intérêt (AMI) de l’ADEME, il a été
décidé de mettre en place un réseau de 15 capteurs fixes, installés en permanence dans les
zones d’habitat dense fortement impactées par les échouages de sargasses, au niveau de sites
sensibles comme les établissements scolaires ou à proximité des rivages fortement touchés
sur la côte Atlantique et sur la côte sud. Ils peuvent néanmoins être déplacés le cas échéant et
ont l’avantage de fonctionner à l’électricité fournie par de petits panneaux solaires (ou par le
secteur si nécessaire). Leur seuil de détection est de 0,1 ppm. Les mesures de H2S sont
transmises en continu et en temps réel vers l’unité centrale de l’association Madininair,
permettant ainsi une surveillance à distance des 15 sites de mesure (cf. photo8). Une synthèse
hebdomadaire est envoyée à l’ARS sous de forme de tableaux indiquant notamment les
valeurs maximales relevées (horaire et journalière), la valeur maximale horaire sur huit heures
glissantes ainsi que la concentration moyenne hebdomadaire.

p. 80
Etude détaillée

Photo 8: Capteur automatique de H2S et système de télétransmission installé au Robert

Ces tableaux devaient être complétés au premier trimestre 2016 par une cartographie
journalière des concentrations moyennes glissantes sur les 15 sites de mesure.
Le coût de ce dispositif est de 206 280 € TTC tout compris (matériel, maintenance, dépenses
de personnel, etc.) pour trois ans de surveillance. Le financement en est assuré à 70% par
l’ADEME et à 30% par la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM).

p. 81
Etude détaillée

Le déploiement du réseau de capteurs fixes s’accompagnera d’une réaffectation des missions


des personnels équipés de détecteurs portatifs vers la surveillance des points non couverts par
le réseau.
L’ensemble du dispositif, en cours de déploiement lors du déplacement de la mission aux
Antilles, devait être pleinement opérationnel au premier trimestre 2016 et devrait permettre
une surveillance sanitaire optimale des zones impactées.
En Guadeloupe, l’ARS dispose de même d’un réseau de détecteurs-enregistreurs mobiles (10
détecteurs de H2S et 10 détecteurs de NH3) qui permettent d’effectuer des mesures sur plus de
24 h sur des sites déterminés, y compris chez les particuliers. A la Désirade et aux Saintes
c’est le SDIS qui en est équipé et qui effectue les mesures. L’ARS a également doté ses
antennes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy de capteurs mobiles : 3 à Saint-Martin qui
effectuent des mesures sur 9 points névralgiques et 2 à Saint-Barthélemy sur les 5 sites
impactés. Des relevés hebdomadaires sont adressés au siège en Guadeloupe.
Il a été décidé, en 2015, de compléter ce réseau par une station mobile de mesure de l’H2S qui
sera exploitée par l’association agréée Gwad’air et permettra d’effectuer des mesures en
continu sur une période plus ou moins longue. Cette station peut être déplacée en fonction des
urgences du moment. Pour l’instant, trois sites ont été pré-sélectionnés pour recevoir la station
par rotations : Sainte-Anne, Petit Bourg, Porte d’Enfer. Mais le caractère mobile du dispositif
permettra de l’installer sur tout autre site en fonction des besoins.
Ce dispositif, d’un coût de 55 000 € environ (34 800 € à l’achat et 20 900 € de maintenance
annuelle) devait être opérationnel en avril 2016.
Dans les deux cas, en Martinique et en Guadeloupe, le dispositif de surveillance sanitaire
permettra aux autorités (préfet, maires) de prendre les mesures nécessaires de protection des
populations, modulées (depuis la simple information du public jusqu’à la fermeture
temporaire d’établissements recevant du public et à la mise en place d’hébergements
provisoires jusqu’au ramassage des algues) en fonction des niveaux de concentration de gaz
détectés. Ces mesures seront mises en œuvre d’autant plus rapidement et seront d’autant plus
efficaces qu’elles auront été préalablement répertoriées et décrites avec précision aux
différents niveaux (départemental et communal) du plan de gestion du risque « sargasses »
que la mission appelle vivement de ses vœux (cf. § 6.1).
L’information des autorités et du public
Le public peut trouver sur les sites des ARS le relevé des mesures effectuées qui est
quotidiennement mis à jour du lundi au vendredi. Un communiqué de presse est également
envoyé aux medias et aux autorités (préfecture, sous-préfecture, mairies) à une fréquence qui
varie selon l’urgence. Chaque semaine, chaque ARS envoie une synthèse hebdomadaire à la
préfecture et aux mairies. Curieusement, certains maires rencontrés par la mission ont
prétendu ne pas avoir connaissance de ces différents documents.
Aujourd’hui, la question se pose de savoir si les données recueillies en continu par Madininair
et Gwad’air doivent être livrées brutes et en temps réel à la connaissance du public, ce qui est
techniquement possible, cette information venant s’ajouter à celle, préalablement mise en
forme et commentée, dont il dispose aujourd’hui avec les communiqués de presse et la

p. 82
Etude détaillée

consultation du site des ARS. La mission est partagée sur ce point et recommande de laisser
les préfets décider en fonction des caractéristiques et des exigences locales.
3.2.2.2 Au profit des professionnels.
Les équipements préconisés par le HCSP ont été distribués aux personnels (brigades vertes,
conducteurs d’engins) qui sont au contact des sargasses pour le ramassage. Néanmoins, la
mission (qui ne se trouvait pas aux Antilles lors de la période des échouages massifs) doute
que, compte tenu de la chaleur, le masque soit toujours porté lorsque les conditions l’exigent.
Il conviendra que les maires et les responsables de chantier fassent un rappel des précautions
nécessaires en la matière.
Par ailleurs, en Martinique, le Centre d’Étude et de Valorisation des Algues, missionné par
l’ADEME, a mis à profit son déplacement de quelques jours en août 2015, pour dispenser une
formation aux acteurs locaux (élus, personnels en charge du ramassage…) sur la gestion du
risque sanitaire lié au H2S.
La mission préconise que les municipalités et les ECPI concernés se procurent sur internet le
guide de la DIRECCTE de Bretagne et les fiches associées, qui sont très instructifs et
présentés de façon pédagogique, et les mettent à disposition des responsables de chantier.

3.3 Une collecte d’urgence et de « rattrapage » sans valorisation aval


Les épisodes de 2011 et 2012 ne semblent pas avoir donné lieu à des actions significatives de
collecte que ce soit en France ou dans les autres États de la zone.
A partir de mi-2014, devant le nouvel afflux, tous les États se sont inquiétés mais peu ont agi
semble-t-il31 : le phénomène aigu en 2011, moindre en 2012, absent en 2013, pouvait être
temporaire et suscitait des interrogations mais peu de mobilisation publique. La zone était
donc dépourvue d’expérience.
Aux États-Unis, qui connaissent aussi des afflux dus à la Mer des Sargasses, des opérations
locales ont eu lieu (Texas, Floride, Porto-Rico), conduisant notamment à ce que du matériel
ratisseur soit utilisé ; les effets bénéfiques pour les écosystèmes du maintien des algues
échouées sont aussi mis en avant pour tempérer la collecte nécessitée pour des motifs
touristiques32. Le Mexique aurait également mis en œuvre des actions de ramassage.33
La France semble avoir été la plus active.
Dans les Antilles françaises, le phénomène a d’abord été perçu comme relevant d’une simple
gestion de déchets sur les plages, dont les communes ou intercommunalités assurent
généralement l’enlèvement dans un but touristique. Les nuisances augmentant, les
collectivités locales agissant peu faute de matériel ou d’expérience et se tournant vers l’État,
celui-ci s’est mobilisé au cours du second semestre 2014 : comme on l’a vu (cf. § 3.1),

31
D’après les renseignements collectés auprès du réseau diplomatique français par l’ambassadrice déléguée à la
coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane.
32
D’après les renseignements collectés auprès du réseau diplomatique français par l’ambassadrice déléguée à la
coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane.
33
Selon les renseignements recueillis sur le web.

p. 83
Etude détaillée

d’abord au niveau local puis au niveau national, l’État a mis en œuvre un plan d’urgence pour
aider les collectivités à faire face.
Dans ce cadre, quatre dispositions, concernant la collecte et la valorisation, sont intervenues :
la mise en place d’un ramassage manuel par des brigades vertes formées de jeunes en
insertion, des subventions d’équipement en matériel pour les collectivités, des subventions de
fonctionnement à certaines collectivités et enfin un appel à manifestation d’intérêt de
l’ADEME portant sur la collecte ainsi que la valorisation.
Les brigades vertes ont commencé à être opérationnelles au second semestre 2015. Dans un
objectif de mutualisation des moyens, l’employeur était initialement prévu au niveau de
chaque île ou au moins au niveau intercommunal.

p. 84
Etude détaillée

Photo 9: Ramassage de sargasses par une brigade verte à Sainte-Anne (Martinique)

En Martinique, grâce à la présence de l’association d’insertion CAID, ceci a pu être respecté,


la brigade étant toutefois répartie en deux équipes suivant le territoire des deux communautés
d’agglomération concernées (le recrutement qui devait atteindre 160 jeunes : 100 à Cap nord
et 60 à Espace Sud a été limité au nombre atteint fin 2015, à savoir 92 jeunes, 52 à Cap Nord
et 40 à Espace Sud pour tenir compte de l’arrêt des arrivages34).

34
(CAID Patrimoine, juin 2016)

p. 85
Etude détaillée

En Guadeloupe, à la demande des communes, cette mutualisation n’a pu se mettre en place.


Les employeurs sont les communautés (le recrutement prévu de 110 jeunes n’a pas été
entièrement réalisé ; ils devaient être répartis comme suit : Nord Basse Terre : 20, Sud Basse-
Terre : 29, Cap excellence (centre) : 11, Nord Grande-Terre : 20, Levant (=sud de Grande-
Terre) : 20, Marie-Galante : 10) mais le recrutement s’est fait sur une base communale.
L’emploi d’une équipe hors de sa commune d’origine est donc difficile à mettre en œuvre.
A Saint-Martin, la brigade (20 jeunes) est employée par une dynamique association créée
spécialement pour cette mission.
Saint-Barthélemy n’a pas souhaité utiliser le dispositif des brigades vertes.
Ce dispositif est monté en puissance progressivement au cours du dernier trimestre 2015.
Ainsi en Martinique, environ 40 jeunes ont été opérationnels en 2015, les effectifs complets
ayant été atteints début 2016. Il est en général bien accueilli par les populations qui perçoivent
que l’on traite leur problème. Tout le monde reconnait la pénibilité du travail et son caractère
ingrat comme un travail de Sisyphe : les sargasses retirées une journée donnée sont
remplacées dès la marée suivante par de nouveaux dépôts. Les situations difficiles des
personnes recrutées peuvent néanmoins susciter des problèmes et, dans un cas (Marie-
Galante), conduire à s’interroger sur la viabilité de l’équipe. La nécessité d’un encadrement
compétent et très présent est donc impérative.
Le ramassage mécanique a été pratiqué par des entreprises, notamment grâce aux crédits de
fonctionnement de l’État, des collectivités régionale et départementales, des EPCI et des
communes ou, mais de manière limitée, à la demande d’opérateurs touristiques. La DEAL de
Martinique a mis en œuvre les moyens dont elle dispose pour l’entretien des rivières en
particulier sa pelle long bras. Techniquement, le matériel mis en œuvre était du matériel de
travaux publics.
Les acquisitions des collectivités ont porté principalement sur des matériels généralistes
(tractopelle) ou de transport (remorques, camions). Les acquisitions ont été faites au niveau
communal en Martinique, aux Saintes, à la Désirade et dans une commune en Guadeloupe. La
mutualisation communautaire n’a pu avoir lieu, sauf à Marie-Galante. Ces matériels n’étaient
pas arrivés avant la fin des dépôts en 2015.

p. 86
Etude détaillée

Photo 10: Matériel de ramassage livré en janvier 2016 à la commune de Terre de Haut aux
Saintes

Le matériel spécialisé (par exemple, ratisseur tracté de type « Barber » ou d’une autre
marque), des entreprises comme des collectivités n’a commencé à arriver qu’à la fin des
échouages en 2015.
Le ramassage a porté sur des algues souvent déjà accumulées et décomposées, suivant les
urgences sanitaires et la disponibilité des moyens matériels et humains.
Les chantiers ont été peu planifiés. Il semble que nombre de chantiers ont été décidés lors des
comités de pilotage préfectoraux hebdomadaires, ce qui conduisait à les réaliser environ une
semaine après un arrivage. Cette centralisation s’explique notamment par la multiplicité des
acteurs et leur réticence à se reconnaitre responsables des opérations face à l’ampleur du
phénomène et au risque de devoir prendre en charge le coût des opérations.
Les chantiers ont également été peu organisés35 faute d’expérience et de temps de préparation,
même si des éléments étaient mis en place (place de dépôts, protection des sites de ponte), et
encore moins documentés. Seulement deux types de ramassage (brigades vertes et ratisseur
tracté) pour un seul site dans chaque cas ont fait l’objet d’une fiche de suivi par SAFEGE
suivant la méthode du CEVA au titre des AMI de l’ADEME.

35
Toutefois les chantiers encadrés par les associations d’insertion à Saint-Martin et en Martinique se sont
organisés rapidement.

p. 87
Etude détaillée

Il est donc impossible d’avoir pour l’instant un retour d’expérience sur une stratégie planifiée
d’enlèvement, sur l’efficacité confirmée des différents matériels et méthodes et sur
l’adéquation des moyens achetés aux besoins.
En dehors des sites incurables, qui heureusement ne sont pas les plus nombreux, cette
mobilisation pragmatique a été efficace car l’essentiel des algues a fini par être collecté ou
disparaître en mer.
Dans l’urgence, la majorité des algues collectées a été déposée soit en arrière plage soit sur
des terrains disponibles. En Guadeloupe, un recensement des terrains avaient été conduits par
les services de l’État compte tenu de précautions sanitaires et environnementales et de
l’occupation du sol mais sans connaissance du statut de la propriété ; il a de ce fait peu été mis
en pratique. Des quantités d’algues ont été déposées sur les terrains disponibles en couches de
quelques dizaines de centimètres ou en tas jusqu’à des hauteurs dépassant un mètre.
L’enfouissement dans la plage n’a été relaté qu’à Saint-Martin à l’initiative d’un acteur privé
mais immédiatement interrompu à la demande des autorités publiques ; il semblerait
largement pratiqué à l’étranger36. Dans les faits, il semble que la quasi-totalité des algues
récoltées y ont été traitées par ces méthodes.
Une entreprise de Martinique a conduit des essais concluants de compostage sur des quantités
significatives mais cette voie a gardé une dimension expérimentale. En revanche, à Saint-
Martin, toute la récolte a été compostée.
Les questionnaires que la mission a adressés aux communes ainsi que des agriculteurs
rencontrés par la mission font état d’enlèvements à destination agricole mais sans doute en
quantité limitée.

3.4 La réponse aux dommages économiques


Les préfets des Antilles ont pris l’initiative de mobiliser les services de l’État pour étudier le
cas des entreprises mises en difficulté par les échouages de sargasses et leurs conséquences.
Même si certains entrepreneurs ont exprimé publiquement leurs doléances, les informations
nécessaires ont eu du mal à parvenir aux services de l’État.
La mission préconise donc que les actions mises en œuvre par les préfectures en 2015 soient
poursuivies et précisées. Il convient en particulier, face aux revendications persistantes, mais
reposant souvent sur des allégations non étayées, de certaines entreprises, de faire un point
clair et précis sur les moratoires et les étalements de charges fiscales et sociales qui auraient
été sollicités et non satisfaits. Une fois ce point tiré au clair, les préfectures auraient avantage
à communiquer sur ce sujet pour dissiper les rumeurs.

3.5 Un programme d’expérimentation sur les actions curatives


Le plan d’action du Gouvernement a reconnu dès le départ que le phénomène nouveau
d’échouage massif des sargasses nécessitait des technologies nouvelles pour la région. Dans
ce cadre, l’ADEME a consacré un budget de 2,5 M€ pour mettre au point des méthodes et
matériels qui soient adaptés au ramassage, au traitement et à la valorisation des algues

36
En particulier au Mexique et aux Etats Unis sur des plages beaucoup plus étendues et de configuration
différente.

p. 88
Etude détaillée

sargasses aux Antilles. L’ADEME a publié un appel à manifestation d’intérêt, en deux étapes
bien coordonnées entre les directions de chacune des îles. Cet AMI a permis de sélectionner
huit projets, tout d’abord en juin 2015 en Martinique, puis une quinzaine de projets
complémentaires, fin 2015 en Guadeloupe. Le financement ADEME ne sera totalement
engagé qu’en 2016 avec quelques projets complémentaires en cours de sélection. Mais il va
mobiliser un autofinancement important de la part des porteurs de projets puisque
l’investissement total s’élèvera à près de 20 M€.
Les projets relèvent du domaine de la collecte à terre ou en mer (40% en nombre) ou du
domaine de la valorisation (60% en nombre). L’ADEME s’est adjoint les services du bureau
d’études SAFEGE pour évaluer les résultats des expérimentations de collecte selon une
méthodologie mise au point par le CEVA. En mars 2016 quelques fiches synthétiques des
premiers résultats obtenus sur le ramassage manuel ou par ratisseur ont déjà été diffusées par
l’ADEME.
Certains projets seront évoqués dans les chapitres 4 et 5 qui suivent concernant la collecte et
la valorisation des sargasses mais, la plupart n’ayant pas encore démarré, le programme
d’expérimentation sera analysé plus complètement dans le paragraphe 7.2 concernant les
perspectives scientifiques et techniques.

3.6 Un programme de recherche sur le phénomène


Dans le cadre du plan gouvernemental, l’IRD a été mandaté pour organiser un programme de
recherche scientifique sur l’origine du phénomène (cf. § 7.1).

p. 89
Etude détaillée

p. 90
Etude détaillée

4 Priorité à la collecte

4.1 Annoncer les sargasses mais à quelle échelle et pour quoi faire ?
« Prévoir l’arrivée des sargasses permettrait de mieux organiser les moyens pour y faire
face » est souvent affirmé. Pour analyser ce souhait, la mission s’est intéressée aux
moyens de prévisions et aux usages qui peuvent en être faits.
Prévoir le développement des sargasses est aujourd’hui impossible faute de
connaissances notamment sur la provenance des naissains éventuels, ainsi que sur les
lieux et les facteurs de développement. Ainsi rien ne permet de dire si une année sera
« une année à production de sargasses ».
Il reste donc à annoncer l’arrivée des bancs de sargasses formés. Toutefois il y a lieu de
distinguer entre l’arrivée de bancs menaçants et l’atterrissement de tout ou partie de ces
bancs. Cette distinction est importante quant aux conséquences pratiques qui seront
tirées de l’annonce.
Le suivi des bancs de sargasses comprend deux méthodes : les satellites et l’observation
humaine.

4.1.1 Annoncer et prédire


4.1.1.1 L’observation des sargasses par satellite
L’observation des sargasses par satellite a été inaugurée il y a dix ans37 sur le golfe du
Mexique puis étendue à toute la zone sous revue.

37
(Gower, Hu, Borstad, & King, december 2006)

p. 91
Etude détaillée

Photo 11:Nappes de sargasses au large de la Martinique, de Sainte-Lucie et de la Barbade.

Image satellite MODIS du 29 juillet 2011 (Gower, Young, & King, Satellite images suggest a
new sargassum source region in 2011, 2013)
Les sargasses sont en vert clair en pleine mer (le liseré des côtes est un artefact), les terres en
gris, les nuages en noir.

A partir de cette méthode, un système d’annonce gratuit a été construit en utilisant les
données MODIS fournies librement par l’université de Sud Floride38. Il couvre le
Texas puis d’autres sites des grandes Antilles et du golfe du Mexique (situé sur la
« sargassum loop » cf. §1.1) Les bulletins sont accessibles à tous sur internet39. SEAS
annonce pouvoir prévoir exactement les atterrissements avec trois semaines de préavis.
L’élargissement à la Barbade bute sur le délai d’une vingtaine de jours qui s’écoulent
entre les images d’un même lieu.
Cette expérience conduit à préciser que les images satellite ont plusieurs
caractéristiques :
• La largeur de fauchée qui est la largeur de terrain couverte par chaque passage
du satellite.

38
(Webster & Linton, Development and implementation of Sargassum Early Advisory System (SEAS), 2013)
39
Voir le site http://seas-forecast.com

p. 92
Etude détaillée

• La résolution spatiale (la plus petite dimension discernée) .


• Le temps de revisite.
• Le spectre couvert (longueur d’ondes)40.
Certaines images sont gratuites (principalement à large fauchée, faible résolution) mais
doivent faire l’objet de traitement pour être mises à disposition. L’université de Floride
assure l’essentiel de ces étapes ce qui explique l’utilisation de ses données. Ensuite les
images sont interprétées par l’utilisateur.
Des modèles sont construits soit pour prédire la dérive des bancs, soit pour l’estimer
dans l’intervalle entre deux passages du satellite. De manière surprenante, le vent influe
largement sur la dérive des sargasses et non le seul courant41.
La photo 12 illustre la diversité des trajets suivis selon les années par des bancs de
sargasses partis du même point d’origine et montre bien la difficulté à modéliser.

40
Gower déplorait que le satellite européen dont la longueur d’onde était appropriée (MERIS) ait cessé ses
fonctions ; les longueurs actuellement utilisées (MODIS) sont celles dont il soulignait les biais.
41
(Frazier, Linton, & Webster, 2014)

p. 93
Etude détaillée

Photo 12: Trajets suivis sous l’effet du courant selon les années par des bancs de sargasses
entre l’embouchure de l'Amazone et les Petites Antilles

Se référer à la source pour plus de précision sur le protocole illustré


Source : (Maréchal , Franks, Johnson, & Hu, june 2016)

En ce qui concerne les petites Antilles, plusieurs travaux ont été conduits :
• SEAS a manifesté une intention d’étendre son système mais ce n’est pas opérationnel
(cf. ci-dessus).
• CLS (filiale commerciale du CNES) a construit un pilote financé par le ministère des
Outre-Mer. Ce pilote est le plus riche de ceux dont la mission a eu connaissance : il
couvre toute la zone comprise entre l’Amazone et l’ouest de l’arc des petites Antilles.
La surveillance peut-être quotidienne. Chaque banc peut être suivi individuellement.
Un modèle de dérive est disponible et applicable à chaque banc. Curieusement ces
travaux n’ont jamais été mentionnés par les acteurs publics des Antilles. En Guyane
des contacts informels ont été pris par le CNRS. Le CEVA entretient des relations
avec le CNES. Un groupe privé serait intéressé pour l’exploiter avec une résolution
très précise (environ 150m) pour une récolte industrielle en mer.

p. 94
Etude détaillée

• Nova Blue (alias OMMM observatoire du milieu marin martiniquais) est un bureau
d’études qui interprète les images de l’université de Floride. Ces travaux sont
commandés par la DEAL de Guadeloupe qui les diffuse régulièrement notamment
auprès des maires.
• PSB-Carib est un projet financé par l’ADEME Martinique, le conseil régional de
Martinique et la DEAL de Guadeloupe qui réunit le bureau Nova Blue précité et des
universitaires du Sud Mississippi et du Sud Floride. A partir des données de cette
université, l’équipe cherche à construire un modèle de dérive permettant de prédire les
arrivages. Le modèle choisi (HYCOM) ne semble pas prendre en compte le vent.

A ces travaux, il convient d’ajouter les images obtenues par l’Etat-major de zone de Guyane
au titre de la sécurité civile et sans doute aussi celles dont peut disposer le CROSS42.
En conclusion, il semble que deux logiques soient en présence :
• Une logique à faible coût exploitant les données gratuites de l’université de Floride
mais qui doit compenser les limites de celles-ci (durée de retour, etc..) par une
modélisation qui reste à construire.
• Une logique d’exploitation complète des possibilités satellite permettant le cas échéant
une très grande précision mais dont la version de base doit coûter annuellement
plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Enfin, il semble que l’Etat multiplie les expériences sans avoir fait le bilan de ce dont il
dispose.
4.1.1.2 Les observations maritimes et aériennes
Des observations aériennes et maritimes sont recueillies par le CROSS Antilles mais elles ne
sont pas systématiques en l’absence de décision de principe et ne sont pas systématiquement
exploitées. Elles sont beaucoup plus précises et proches des côtes que les informations
satellite actuellement publiées.
La collaboration des comités des pêches pourrait être envisagée43.
Tous les préfets ont eu recours aux hélicoptères de la sécurité civile Dragon, mais davantage
pour constater périodiquement l’état des échouages qu’à des fins de prévision. En effet, le
survol dédié par hélicoptère est trop coûteux pour être pratiqué suffisamment fréquemment.
4.1.1.3 Prédire
SEAS annonce dans le golfe du Mexique des résultats remarquables (précision exacte à trois
semaines). Toutefois certaines différences de situation doivent être relevées :
• La précision du point d’impact n’est pas connue : par rapport aux plages des
côtes texanes, les plages antillaises sont minuscules.

42
Le CROSS dispose en outre du modèle Mothy de Météo-France qui a été conçu pour d’autres objets que les
tapis de sargasses (bateau dérivant, homme à la mer ou nappe d’hydrocarbures). Un calage serait nécessaire
pour simuler la dérive des tapis de sargasses.
43
Ainsi le comité des pêches de Guadeloupe a informé la mission de la mise en place d’une application
smartphone permettant de signaler les tapis de sargasses.

p. 95
Etude détaillée

• L’existence aux Antilles de hauts fonds en avant du rivage est quasi générale.
De l’avis des gens de mer locaux, les combinaisons du vent, de la houle et de
la marée sont trop nombreuses pour prévoir si les hauts fonds seront franchis
par une nappe.
• Le rivage américain est relativement linéaire sans les canaux « venturi » qui
séparent chacune des Antilles.
En conclusion :
• Il semble préférable d’utiliser les observations quotidiennes (satellite,
aérienne et maritime) pour faire l’annonce d’une menace prochaine plutôt
que de compter sur des résultats issus de modélisations incertaines basées sur
des images satellite peu fréquentes.
• En revanche, prédire la date et la localisation des échouages avec précision
semble hors de portée.

4.1.2 Des annonces et des prédictions destinées à quel usage?


Les travaux d’annonce ou de prédiction tiennent pour acquis l’intérêt de ces pratiques.
Toutefois le besoin des usagers en matière de prévision n’a pas été explicité au préalable.
Une offre est donc constituée au risque de ne pas répondre aux besoins.
Selon les témoignages recueillis par la mission, les travaux réalisés par Nova Blue
commandés par la DEAL de Guadeloupe et diffusés régulièrement par celle-ci,
notamment auprès des maires, ne semblent pas avoir conduit à prendre des mesures
opérationnelles. Ils sont trop imprécis géographiquement et temporellement pour
permettre de déployer des moyens sur le terrain. C’est la raison qui a conduit à ne pas les
utiliser en Martinique (alors que le bureau d’études y est situé et que l’ADEME locale et
la collectivité financent l’approfondissement du projet).
En revanche, en Guyane, des images satellite fraîches, confirmées par les observations
maritimes et aériennes (douanes, Forces Armées de Guyane, sécurité civile) ont permis
de mettre fin à l’alerte lors de l’épisode de mai 2015.

p. 96
Etude détaillée

Photo 13: 17 Mai 2015: une image satellite montre que les sargasses quittent la Guyane

Les sargasses (en brun) dérivent vers l’Ouest au large d’Awala Yalimapo (à
l’embouchure du Maroni à l’extrême gauche de la photo)
Source : EMIZ (Etat-major interministériel de zone de défense) de Guyane
Ces expériences et le contenu des dispositifs étudiés précédemment laissent penser
qu’actuellement :
• Des annonces de nappes situées à moins de trois jours des îles pourraient conduire
à une information (« pré-alerte ») des services de l’Etat et des maires.
• Des nappes situées à moins de deux jours pourraient conduire à une alerte (mise en
place de la surveillance terrestre formelle des échouages § 4.2).
• Le déploiement des moyens de collecte dépend des observations terrestres citées
ci-dessus, complétées d’observations aériennes ou maritimes de toute proximité
(aux fins de priorisation). L’expérience montre que le survol par hélicoptère de
l’ensemble des côtes exposées d’une île en une heure est trop rapide pour fixer
finement les priorités.
• La mobilisation des installations de traitement dépend de leur nature :
o la réservation de capacité dans les entreprises de compostage est difficile
car elle conduit à un manque à gagner ou à une perturbation du process en
cas de fausse alerte ;

p. 97
Etude détaillée

o la mobilisation des agriculteurs peut être rapide si un préavis de « saison


d’arrivée » a permis de leur rappeler leur accord pour épandre des
sargasses ;
o une concertation est nécessaire avec chaque type d’installation afin de
déterminer l’équilibre entre longueur du préavis et crédibilité de cet avis.
Un cas particulier est celui du ramassage en mer. D’abord, il y a la vision peut-être avant-
gardiste d’une flotte de navires usines ramasseurs dirigée sur les bancs dont la
modélisation prédit l’échouage mais, compte tenu des conditions économiques, techniques
et juridiques à réunir, sa réalisation n’interviendra pas dans les prochaines années.
Ensuite, il y a, de manière plus immédiatement possible sur le plan technique, le
ramassage en mer à des fins industrielles par guidage satellite. Mais c’est une question qui
ne relève plus de la gestion du risque pour les populations mais de l’exploitation d’une
ressource naturelle.
Enfin, la publication d’images satellitaires et de prévisions accompagnées d’images des
plages en temps réel (webcam) peut relever d’une politique de communication vis-à-vis
du tourisme international. SEAS en offre l’exemple.

4.2 Une course contre la montre


Sur le plan physique, les sargasses fraîches sont assez foisonnantes et préhensibles:
• A terre, après un délai communément admis de un à trois jours :
o en petite épaisseur (sur une épaisseur de 10 à 20 cm) elles sèchent rapidement
(quelques dizaines d’heures) ;
o pour des épaisseurs plus importantes, elles sèchent en superficie et forment une
couverture, se tassent et se décomposent en anaérobie en profondeur. La
décomposition est d’autant plus rapide que les algues sont humidifiées par le
bas et la couverture formée.

• Dans les anses ou à proximité immédiate (quelques dizaines de mètres) du rivage,


après un délai communément admis de quelques jours à deux semaines, les sargasses
se fragmentent. Les aérocystes restent en surface alors que le reste des thalles coule et
se décompose en anaérobie, se mêlant au sédiment.
Cette décomposition peut aboutir après un temps indéterminé à la rémanence des seuls
aérocystes qui s’accumulent en quantité ayant l’apparence d’un « caviar » d’algues.
Sur les plages de sable, les algues déposées protègent le sable sous-jacent de l’effet de la
modeste marée haute ou d’une petite houle. Le clapot érode alors le sable à la limite aval du
dépôt d’algues pouvant conduire à la formation d’une marche importante entre la zone de
dépôt des algues et l’estran aval. Ceci présente deux inconvénients : d’une part les engins de
collecte travailleront en devers, d’autre part et surtout l’outil de collecte coupera la marche
sableuse amalgamant le sable avec les algues.
Attendre pour ramasser les sargasses qu’un autre dépôt vienne augmenter les quantités déjà
échouées pour gagner en productivité de collecte n’est possible que sur une faible durée (en
particulier sur les plages, cf. ci-dessus). Espérer un tel gain est souvent une illusion car la

p. 98
Etude détaillée

difficulté de collecte augmente avec la décomposition : ainsi un entrepreneur expérimenté a


collecté en une journée 250 m3 d’algues mélangées pour partie à demi-décomposées alors
qu’il a collecté sur la même plage mais un peu plus tard 450 m3 d’algues fraîches en une
journée. Attendre un retrait par la houle n’est envisageable que sur avis météorologique d’un
phénomène d’ampleur.
En conclusion, les motifs liés aux techniques de collecte et aux possibilités de valorisation
confortent les exigences sanitaires pour imposer de collecter les algues au plus tôt après
leur dépôt.
C’est aussi la conclusion impérative à laquelle sont arrivés les acteurs bretons. Dans les Côtes
d’Armor, les mesures pratiques pour y parvenir sont les suivantes :
• Un agent de chaque collectivité chargée de la collecte (commune ou communauté
selon les cas) procède quotidiennement au lever du jour à une visite de tous les sites de
dépôts et les quantifie sommairement (en Lannion Trégor, un agent traite ainsi 8 km
de côte en une heure).
• Dès la fin de sa tournée, après priorisation éventuelle, il sollicite téléphoniquement le
collecteur (entreprise ou régie). En haute saison d’échouage (mai à septembre) les
moyens peu mobiles (pelles,…) sont pré-positionnés près des sites tandis que les
moyens généralistes restent au siège de l’entreprise concernée (distant d’une dizaine
de km) ; la collecte démarre donc contractuellement une heure après saisine. En
période d’échouages moindres, le pré positionnement est supprimé et le délai
d’intervention est porté à 12 heures.
• Les algues vertes sont déposées pour ressuyage sur des places de dépôts pré-délimitées
pour la saison et balisées pour informer le public et éviter son accès.
• Le lendemain, soit environ douze heures après collecte, les algues sont transportées
sur les sites de valorisation c'est-à-dire, pour 90 % d’entre elles, épandues par la
collectivité sur des terres agricoles à coût partagé avec l’agriculteur.

Des pratiques comparables de ramassage des sargasses dans les 24 h suivant leur échouage à
terre existent aux Antilles ; des élus et des entrepreneurs rencontrés in situ par la mission en
ont fait état à Goyave (Guadeloupe), Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Les sites concernés,
des plages, peuvent être nettoyés en moins d’une journée lorsqu’il s’agit des seuls arrivages
quotidiens ; toutefois l’expérience est récente et ne permet pas de juger si tous les arrivages de
2014 et 2015 auraient été maîtrisés à ce rythme.
La mission préconise la généralisation de ces bonnes pratiques de veille, de collecte
immédiate, de ressuyage sur des lieux prédéterminés et de transport rapide vers les lieux
d’élimination. Cette généralisation doit être toutefois modulée par les difficultés de collecte
selon les sites (cf. § 4.3.1). Ces bonnes pratiques devraient être érigées en condition
suspensive au versement de fonds à la collectivité.

4.3 La détermination des moyens techniques


4.3.1 Diversité / typologie des situations
Les sites d’accumulation terrestre ou à proximité immédiate du rivage (« eaux infra-
littorales » selon la terminologie employée par la mission) sont caractérisés par :

p. 99
Etude détaillée

• Des facteurs topographiques : falaises, mangroves, « cayes» (platier rocheux), cul-de-


sac naturel ou artificiel (anses, ports de liaison entre les différentes îles, ports de
pêche, de plaisance), plages de largeurs ou de longueur variables.
• Des enjeux : habitat permanent en densité variable, établissement recevant du public,
activités touristiques d’hébergement (hôtellerie, résidences et gîtes), de restauration,
de loisirs (plagistes, surf, plongée, voile,…), pêche, écologie. A noter que les aires de
pontes de tortues sont largement répandues sur les îles et demandent des précautions
supplémentaires. En Guadeloupe par exemple, il s’agit de 160 sites répertoriés par
l’ONCFS, dont près d’une centaine dans les zones susceptibles d’être impactées par
les arrivages de sargasses.
• Une aptitude et une accessibilité aux moyens de ramassage (hommes, machines
terrestres, amphibies, marines).
• Une accessibilité aux moyens d’évacuation (depuis la brouette pour évacuer vers un
stockage intermédiaire proche jusqu’au camion pour évacuer vers des sites de
traitement éloignés).
• Une disponibilité des terrains de stockage intermédiaire.
• Un panel de possibilités d’élimination/ valorisation.

Les quatre derniers éléments peuvent évoluer au cours du temps.


Les caractéristiques ne sont pas documentées suivant un référentiel et des métriques
homogènes. Les services de l’État ont proposé et diffusé des modèles de fiche qui n’ont guère
été utilisés.
L’ensemble de ces facteurs déterminent les moyens à mobiliser.
Les acteurs locaux (élus, services techniques), certains fonctionnaires de l’État ont une
connaissance d’un ou plusieurs sites. La connaissance de l’aptitude des sites aux différents
moyens de collecte est dans certains cas imparfaite : l’évocation d’un moyen « miracle », qui
a été employé « ailleurs » (de préférence sur l’autre île ou à l’étranger), mais a été refusé
pour des raisons mystérieuses sur un site donné, n’est pas rare.
La consolidation des données sur les sites n’existe pas mais les services de l’État en ont une
certaine vision qualitative.
L’absence de ces données présente des inconvénients :
• Localement les opérations ne sont pas planifiées et ne peuvent être conduites que par
quelques « sachants » qui ont souvent du mal à traiter l’ensemble des aspects (collecte,
transport, valorisation, communication).

• Au niveau départemental:
o En phase de préparation, il est impossible d’estimer l’adéquation des moyens
de collecte et d’élimination/valorisation, d’organiser la négociation avec les
acteurs. Du coup on ne peut évaluer les besoins ni optimiser la répartition des
subventions d’investissement.
o Les expériences sont peu exploitables faute de documentation (état et quantité
des algues, causes du succès ou des échecs) mais les chantiers suivis au titre
des AMI éviteront cet écueil. En attendant, la diffusion des retours d’une

p. 100
Etude détaillée

expérience nouvelle et sa prise en compte personnalisée sur chaque site ont été
impossibles.
o En cas d’arrivage, il n’est pas possible de déterminer quels sont les moyens
nécessaires pour faire face : faut-il escalader ou les moyens communaux (ou
de la communauté) sont-ils suffisants ? faut-il « mobiliser » des filières de
valorisation au-delà des flux ordinaires ? faut-il allouer des crédits de
solidarité ?

4.3.2 Diversité des outils en fonction de la diversité des situations


Aujourd’hui quatre moyens de collecte sont éprouvés :
• La collecte manuelle, largement pratiquée par les brigades vertes, est la plus ubiquiste.
Les travaux sont d’une grande pénibilité à cause de la chaleur et des difficultés de
transport des algues collectées (brouette). Elle est très peu productive au regard de la
collecte mécanisée (une équipe de six personnes pourra ramasser de 30 à 100 m3 par
jour de travail selon les conditions locales et notamment la distance des dépôts44). Sauf
cas particulier, elle est très bien accueillie par les habitants qui sont conscients des
efforts consentis en leur faveur ou des retombées sociales possibles en matière
d’insertion. A noter que l’efficacité des chantiers, ainsi que la réalité de l’insertion des
jeunes dans des missions plus pérennes, dépend fortement du savoir-faire de
l’encadrement des associations d’insertion. Les difficultés d’encadrement par des
personnes non spécialisées à Marie-Galante sont là pour le montrer, face aux succès
rencontrés en Martinique et à Saint-Martin.
Photo 14: brigade verte à terre de Haut (Les Saintes)

• La collecte par des engins de travaux publics (pelles, pelles à long bras, tractopelles) a
permis de récupérer des dépôts anciens et de collecter sur des points inaccessibles au
corps de l’engin grâce à la longueur du bras. L’équipement par des godets est à

44
(CAID Patrimoine, juin 2016)

p. 101
Etude détaillée

proscrire absolument hors les cas de la récupération de dépôts anciens car le taux de
contamination par des éléments « accessoires » (sable, déchets domestiques…)
devient très important.

Photo 15: Ramassage des algues dans le port de Terre de Bas (les Saintes)

• Les outils spécialisés portés ou tractés par des tracteurs agricoles : fourches à fumier,
râteau goémonier, ratisseur de plages sont efficaces et sélectifs. Mais leur emploi est
limité par la hauteur d’eau et par la nature du substrat. La légèreté des outils, le
convoyeur en élastomère semblent être des avantages (poids, maintenance). Les
ratisseurs (un tambour à dents peigne le sol et alimente le convoyeur secoueur) sont à
préférer aux cribleurs (le sable monte sur le convoyeur secoueur ce qui favorise la
contamination).
Photo 16: chantier de ramassage des sargasses à Terre de Haut (les Saintes)

• La collecte en eau par des barges à convoyeur récolteur de type « sargator ». Ce


moyen est limité par sa capacité de stockage à bord (5m3), son rendement (5 à 10 m3
heure) et son coût (au moins 40 € / m3).

p. 102
Etude détaillée

Photo 17: Convoyeur sur barge "Sargator"

La collecte manuelle, par des engins de travaux publics, et par des engins spécialisés peut
s’effectuer dans certaines limites en zone d’eau infra-littorale. Le « sargator » est apte aux
ramassages dans tous les types d’eau (en eau infra-littorale et en mer).
Tableau 1 : Rendements et coûts des méthodes de collecte
Méthodes Manuel45 Ratisseur Tracteur agricole « Sargator »
de collecte avec fourche
Rendement 11 à 16 m3/homme jour 450 m3 /jour47 ? 35 à 50 m3/jour49
dans les meilleures 210 à 240
conditions m3/jour48
Moyenne : 10 m3/homme
jour46
Coût 30,5 €/m3 50 7,2 à 10 €/m3 51 2 €/m3 52
40 €/m3 ?53
110 €/tonne ressuyée 24€/tonne 80 €/tonne54
ressuyée

45
(SAFEGE, Evaluation des méthodes de ramassage des sargasses : collecte manuelle à terre, 07 janvier 2016)
46
(CAID Patrimoine, juin 2016)
47
Source : entreprise Latchan
48
(SAFEGE, Evaluation des méthodes de ramassage des sargasses : ratisseur, 7 janvier 2016)
49
Sur une durée quotidienne de 7 heures
50
(CAID Patrimoine, juin 2016)
51
Source : entreprise Latchan
52
Estimation de la mission pour reprise d’un tas et chargement en benne par comparaison aux autres opérations
avec les mêmes types d’engins
53
Calcul de la mission sur la base d’algues égouttées alors que le sargator ramasse en pleine eau.
54
Source : entreprise Karugeralg

p. 103
Etude détaillée

Les chantiers auxquels la mission a assisté et les photos qui lui ont été présentées montrent
souvent une grande désorganisation du chantier entraînant de multiples retournements des
engins et des déplacements à vide. De plus certains conducteurs d’engin pratiquent du
terrassement (leur métier de base) et non une collecte sélective. Une formation à
l’organisation est indispensable. L’écriture de guides méthodologique envisagée par les
services de l’État est insuffisante, des formations pratiques sont nécessaires. Il est
vraisemblable que des agents de l'État pourraient y contribuer par leurs connaissances ou
expériences antérieures (en exploitation de lycée agricole, dans les parcs de l’Équipement) en
les transposant. Ces formations doivent en outre, dans le cas particulier des chantiers de
ramassage de sargasses, dont la plupart portent sur des aires de ponte des tortues marines,
intégrer à la fois les mesures de sécurité vis-à-vis du d’H2S et les préconisations vis-à-vis des
espèces protégées (par exemple selon la note « Interactions Sargasses & Tortues marines »
élaborée conjointement par l’ONCFS et le réseau tortues marines de Guadeloupe).
Les ramassages terrestres sont conduits de manière à ce que la plage soit le plus propre
possible. Ainsi les brigades vertes détiennent des râteaux à feuille. Psychologiquement, c’est
la preuve d’un bon travail et de ce que les « infâmes » sargasses ont été maîtrisées. Ce peut-
être une exigence réelle ou supposée des touristes. Ce n’est pas une nécessité sanitaire comme
on l’a vu (une couche mince n’étant pas nocive) mais cela conduit à une forte contamination
par le substrat sableux ou vaseux des sargasses ramassées. « Laisser sale » serait bénéfique
aussi souvent que possible.
Toutes les solutions souffrent d’une faible capacité de stockage sur l’engin : les meilleurs
ratisseurs mécaniques de plage et les grandes fourches n’excèdent pas 2m3 (à comparer à un
ramassage de 450 m3 jour pour un bon chantier avec un ratisseur mécanique).
Pour les engins roulants, alors que les outils spécialisés sont équipés de pneus basse-pression
qui respectent l’environnement, les engins de traction ne semblent pas l’être.
La dimension et la puissance des engins doit être adaptée ; il semble que dans certains cas
« on a vu grand ». On peut ainsi noter l’absence de petits engins (micropelles, petits chargeurs
type « bobcat ») qui seraient adaptés à certains sites étroits ou d’accès difficile et seraient plus
productifs que le ramassage manuel.
Des essais controversés et non ou mal documentés en matière de coût et d’efficience ont
porté sur :
• L’utilisation d’engins amphibies (type « truxor »), qui semblent pouvoir être efficaces
dans certains cas pour pousser les sargasses vers une reprise terrestre notamment par
un convoyeur installé sur le rivage ; en revanche, ils seraient peu capables de prélever
et de transporter les algues.
• L’utilisation d’embarcations de pêche tirant une seine pour pousser les sargasses vers
une reprise terrestre.

La pose de barrages, actuellement en toute illégalité et sans solides études préalables, a


abouti aux conclusions préliminaires suivantes :
• Les barrages d’arrêt cèdent très rapidement dès qu’ils sont colmatés et qu’une poussée
hydraulique s’exerce ; ou bien ils sont débordés par les sargasses qui déversent par-

p. 104
Etude détaillée

dessus, poussées par la houle, et se retrouvent piégées là où on voulait les empêcher


d’arriver.
• Les barrages de déviation peuvent avoir une certaine efficacité pour orienter les
sargasses vers un lieu de collecte plus aisée mais peuvent déplacer le problème chez le
voisin.

Des entreprises expertes dans les barrages d’hydrocarbures s’apprêtent à conduire des essais
de barrages calculés et posés dans les règles de l’art (avec études des courants et des fonds)
avec les autorisations nécessaires. Elles considèrent que les barrages d’arrêt ne sont viables
qu’avec un prélèvement très régulier des arrivages flottants et que les barrages déviants
peuvent être pérennes en s’accompagnant d’une analyse d’impact sur la destination des
nappes déviées : soit atterrissement en zone de collecte facile, soit utilisation du courant pour
une déviation vers le large. Si ces essais sont positifs, la protection par des barrages déviants
aux entrées de port ou de cul de sac à forts enjeux serait une solution très utile, mais qui
malheureusement ne peut prétendre être adaptée à une part significative des zones
d’échouage : en particulier les grandes baies ne peuvent pas être protégées par des dispositifs
de ce type.
Des dispositifs en projet résultent des AMI de l’ADEME, en particulier une pompe suceuse
ramenant les algues à terre dont le suçoir est monté sur un véhicule amphibie55, mais le projet
n’indique pas le coût prévisionnel de collecte. Un autre projet comportant un bateau équipé
d’une pompe ramassant les algues près d’un barrage flottant56 vise un coût de 65 €/tonne.
Devant l’inaccessibilité de plusieurs sites et l’attrition des plages par emport de leur sable, un
sentiment très général est que la solution réside dans « le ramassage en mer ». Mais cette
expression, souvent utilisée, est ambigüe car elle renvoie à des situations différentes. Pour la
mission, il faut distinguer le cas des eaux infra-littorales, où soit des barges à très faible tirant
d’eau, soit du matériel amphibie voire terrestre roulant sur le fond ou sur le rivage sont
envisageables, et le cas du ramassage de pleine eau, à proximité des côtes ou au large, où
seules des embarcations maritimes peuvent intervenir. En outre, des collectes en pleine eau
peuvent ouvrir un débat sur leur nature : s’analyseront-elles comme des mesures de
sauvegarde des populations dans leur intérêt sanitaire et économique ou comme l’exploitation
d’une ressource naturelle ? On y reviendra (cf. § 4.6 Le ramassage en mer : miracle ou
mirage).

4.3.3 Les perspectives d’outillage


En croisant les critères ci-dessus et en priorisant les techniques a priori les moins coûteuses,
on aboutit, pour les situations à enjeux justifiant la collecte, au tableau suivant :

55
Projet COPAME
56
Projet Séché éco Services Guadeloupe

p. 105
Etude détaillée

Type de côte Type de ramassage


Falaise (cas à enjeux très rares) Aucun

Cul de sac (anse, port) Bande transporteuse à terre alimentée par


poussage ou pelle mécanique sur jetée sous
réserve d’un accès terrestre ; pelle
mécanique sur barge ou barge récolteuse
(« sargator ») en cas d’inaccessibilité
terrestre
Plage Selon configuration : tracteur + ratisseur,
fourches ou râteaux ; micro-engins,
ramassage manuel
Cayes ou côte rocheuse basse Selon planééité et profondeur : engins
terrestres, ramassage manuel ou aucune
solution
Mangroves et zones humides (rares cas à Collecte en mer (barge récolteuse ou pelle
enjeux forts) sur barges)

Photo 18: baie inaccessible depuis la terre à Saint-François (Guadeloupe)

p. 106
Etude détaillée

4.4 Rationaliser la politique d’équipement


Les équipements achetés par les collectivités n’ont pas encore eu l’occasion d’être employés.
Il est donc difficile de juger de l’adéquation du dimensionnement in concreto. En l’état, il est
estimé localement que les dotations devraient être suffisantes.
La consolidation des fiches PCS (§ 6.1) permettra aussi d’évaluer l’adéquation à la situation.
Un vrai retour d’expérience est nécessaire avant d’envisager des compléments de matériel. Si
ceux-ci s’avéraient nécessaires, le principe d’une mutualisation intercommunale devrait être
réaffirmé.
Plutôt que de renforcer le matériel lourd polyvalent qui est en général largement disponible
auprès des entreprises, le recours à des engins de petite taille, et à des accessoires spécialisés
(râteaux goémonier, fourches à fumier,…) devrait être étudié en priorité et aurait toute son
utilité dans certains sites.
Si des équipements spécialisés (ratisseur de type « Barber » mais surtout engins amphibie,
embarcations spécialisées,…) issus des expérimentations devaient être mis en place, il s’agira
vraisemblablement d’engins coûteux. La question du type de propriétaire se posera :
entrepreneur ou collectivité fédératrice. Cette collectivité serait au moins un EPCI ou même
une collectivité de taille départementale : par exemple une embarcation spécialisée pourrait
appartenir au conseil départemental qui est gestionnaire de ports et être armée par lui.
Les modalités de subvention peuvent influencer le choix : les entreprises privées seront-elles
éligibles aux subventions d’investissement (en particulier de l’ADEME) ? Dans l’affirmative
quelle garantie les collectivités et l’État auront-ils de la prise en compte des subventions
reçues dans le prix facturé pour les opérations conduites par ces entreprises ? A l’inverse, si
les subventions d’investissement sont réservées aux acteurs publics, cela conduira à faire
acquérir ces engins par une collectivité. Dans cette dernière hypothèse, la mise à disposition
de ces engins auprès d’une entreprise spécialisée plus expérimentée dans la conduite et la
maintenance de ce type de matériel devrait être étudiée dans le cadre d’une délégation de
service public.
Pour l’instant, il y a eu une relative neutralité des subventions puisque les communes ont
bénéficié, au titre du fonds d’urgence, de subventions de fonctionnement qui leur ont permis
de faire appel à des entreprises plutôt que de s’équiper en propre.

4.5 Le stockage intermédiaire et le transport


Tous les intervenants considèrent comme souhaitable que les algues collectées bénéficient
d’une phase d’égouttage, ce qui réduit le sel, dans certains cas le sable, et diminue le volume
(qui influence directement le coût du transport) et le tonnage (ce qui est particulièrement
important quand la valorisation est facturée au poids). Mais l’égouttage en tas ne peut se
prolonger sous peine de voir apparaître la fermentation anaérobie. Cet égouttage est
également pratiqué en Bretagne où il dure de 12 à 24 heures (une nuit) et est limité pour la
même raison.
Des places d’égouttage doivent être pré-désignées mais, dans certains endroits, elles ne
peuvent être établies à portée des engins de collecte, ce qui obligera à un transport

p. 107
Etude détaillée

supplémentaire vers d’autres lieux de séchage ou d’égouttage ou directement vers certains


sites de valorisation capables d’éviter la fermentation des sargasses non ressuyées.

Photo 19: Site de ressuyage des sargasses à Saint-François (Guadeloupe)

Les collectivités ayant fait état de leur difficulté à transporter les algues faute de moyens, des
fonds ont permis qu’elles se dotent de moyens de transport.

4.6 Le ramassage en mer : miracle ou mirage


Devant l’inaccessibilité de plusieurs sites d’échouage et l’attrition des plages par emport de
leur sable, un sentiment très général est que la solution réside dans « le ramassage en mer ».
La mission réserve ce terme au ramassage en pleine eau ; elle en exclut le ramassage infra
littoral d’algues destinées rapidement à couler à proximité du rivage qui relève d’engins
amphibies ou de barges de petites dimensions (§4.3 La détermination des moyens techniques)
Le « ramassage en mer », c’est-à-dire, en pleine eau, conduit à un redoutable paradoxe : pour
être productif le ramassage doit être effectué par un engin ayant un fort stockage ; sinon, il
devra perdre un temps considérable en rotations pour décharger à terre sa collecte. Mais, plus
le navire est gros, plus son tirant d’eau va l’éloigner de la côte mais aussi diminuer le nombre
de ports de débarquement susceptibles de l’accueillir et donc allonger les trajets à partir des
lieux de collecte. Et plus le navire va s’éloigner de la côte, plus le volume d’algues
menaçantes augmente alors que seule une faible fraction de ces algues est destinée à
s’échouer.
Certains suggèrent qu’un navire usine, compactant par exemple les algues permettrait de
briser le cercle vicieux technique (le compactage permet d’augmenter la capacité de collecte
sans trop agrandir le navire).
D’abord, la mission n’a eu connaissance d’aucun projet de ramassage en pleine mer qui se
fonde sur des outils fonctionnant réellement. Elle a demandé aux différents promoteurs de
fournir des références. La récolte du kelp en Californie lui a été citée mais la mission n’a
trouvé sur internet qu’un article déplorant la fermeture de la dernière usine le traitant et
relatant le passé de cette activité (certes dans les années 1960 avec des navires de taille

p. 108
Etude détaillée

notable)57 ; puis ce fut la pratique des Québécois mais le manuel de référence de ce pays n’en
fait pas état58 ; ensuite ont été évoqués les Anglais mais, après vérification, ils récoltent une
sargasse invasive fixée, comme en France, par de petites embarcations ; Norvégiens et
Irlandais ont complété les références mais les sources mentionnent des récoltes manuelles ou
en petites unités 59 ; il reste les Chinois... La mission ne conclut pas que la récolte par des
vaisseaux usiniers ou hauturiers n’existe pas mais elle se demande pourquoi ses recherches
sur internet ont été infructueuses et pourquoi les pistes qui lui ont été données sont fausses.
Ensuite, il faut souligner que, ces projets ne mentionnent jamais leur équilibre économique,
leur promoteur se retranchant derrière le secret des affaires. Les débouchés sont ceux qui sont
consultables dans toutes les publications sur les algues et qui mentionnent l’éventail
considérable des prix suivant la qualité du produit livré. Tout essai de reconstitution est donc
hasardeux.
Enfin la collecte dans les conditions de pleine eau sera de moins en moins un ramassage
destiné à prévenir des dommages sanitaires et économiques au fur et mesure que la fraction
qui se serait échoué diminuera (en s’éloignant de la côte) mais deviendra le prélèvement
d’une ressource naturelle. Ceci a deux conséquences :
• Une conséquence juridique : la collecte relèvera de la législation nationale et
européenne des pêches maritimes.
• Une conséquence sociétale et environnementale : l’impact de ce prélèvement
deviendra un sujet de préoccupation et de débats puisqu’il portera sur des radeaux de
sargasses regardés comme des biotopes exceptionnels. A cet égard il faut rappeler,
d’une part, que la Mer des Sargasses est maintenant regardée comme un sanctuaire
écologique et, d’autre part, qu’aux Etats-Unis, l’opinion majoritaire conduit les
collectivités à cesser le ramassage même à terre (par exemple Galveston).

En l’état des éléments dont la mission dispose, elle considère la solution de la collecte
maritime comme la part du rêve qui ne doit pas détourner de solutions plus terrestres…

57
(McMahon, 9 juin 2005)
58
(CRSNG, 2016)
59
(FAO, A guide to the seaweed industry Fisheries Technical Paper 441, 2002)

p. 109
Etude détaillée

p. 110
Etude détaillée

5 De la minéralisation à la valorisation
Les algues sont utilisées de manières multiples dans l’agriculture, l’alimentation, l’industrie60.
En écho à cette réputation, les sargasses font l’objet de nombreux espoirs.
La démarche d’appel à projet de l’ADEME ouvre, par définition, le champ à toute les
possibilités qui n’ont pas manqué de se manifester.
En Bretagne, où les algues vertes abondent localement dans des quantités importantes (25 000
m3 par an sur la seule communauté de Lannion Trégor), la valorisation agricole par épandage
est dominante (90%) et complétée par le compostage (10%). Ces solutions se sont imposées
pour des raisons économiques, de capacité d’absorption d’une matière de qualité et de
quantité inconstantes et en l’absence d’investissements dédiés générant un risque de chômage
en cas d’insuffisance d’algues. Les usages industriels, bien qu’implantés dans la région, n’ont
pas utilisé de manière significative cette ressource, notamment faute de compétitivité vis-à-vis
d’algues de qualité, importées ou cultivées, et prêtes à l’emploi.
La mission s’est donc intéressée, pour ces mêmes raisons, d’abord aux usages agricoles puis
aux processus industriels plus complexes. Elle a constaté que les données nécessaires à une
mise en œuvre étaient d’avantage réunies pour ces usages agricoles que pour les processus
industriels.

5.1 Les sargasses interfèrent avec le contexte déjà difficile de


traitement des déchets
En 2014 et 2015, les sargasses ont été ramassées en quantités importantes et mises en dépôt
dans l’urgence, ce qui a souvent provoqué des dommages à l’environnement. On sait donc
désormais qu’il faut traiter comme un nouveau type de déchets les algues ramassées qui, pour
la plupart, ne trouvent pas un débouché de valorisation. Ceci risque d’ajouter certaines années
un tonnage non négligeable, jusqu’à de l’ordre de 700 000 m3 de sargasses échouées à
ramasser soit 60 000 tonnes de sargasses ressuyées à transporter et à traiter, d’après les
estimations du paragraphe 1.4, aux quantités d’autres types de déchets préexistants : les
Antilles françaises gèrent annuellement de l’ordre de 700 000 tonnes de déchets dont près de
320 000 tonnes d’ordures ménagères résiduelles, 130 000 tonnes de déchets du BTP (15%
seulement du potentiel) et 70 000 tonnes de déchets verts ou organiques (50% seulement du
potentiel). La gestion des déchets s’effectue dans un contexte généralisé de saturation des
décharges et de capacité de traitement globalement insuffisante, nécessitant des
investissements importants depuis quelques années et d’ici à 2020. Il s’agit de développer des
nouveaux sites ou de renforcer les sites existants, soit par augmentation de capacité, soit par
de nouvelles filières. En parallèle aux extensions de capacité, les objectifs du secteur des
déchets sont de découpler la production de déchets de la croissance (actuellement à 1 tonne de
déchets pour 22 000 € de PIB) et de développer la collecte sélective.
Comme pour tous les types de déchets, il y aura priorité à la valorisation des sargasses, c’est-
à-dire à leur utilisation comme matière première de circuits courts ou d’activités agricoles ou

60
Pour un panorama mondial de la multiplicité des usages : (FAO, Production,trade,and utilization of seaweeds
and seaweed products, 1976)

p. 111
Etude détaillée

industrielles. Mais l’importance et l’irrégularité des quantités échouées font craindre qu’on ne
puisse valoriser ainsi qu’une partie des sargasses parmi l’ensemble de celles qui arrivent.

5.2 Les données d’entrée à prendre en compte pour l’élimination et


la valorisation
Envisager des perspectives d’élimination raisonnée ou de valorisation des algues sargasses
nécessite de disposer d’un minimum d’éléments quant à leurs caractéristiques intrinsèques et
à l’évolution de celles-ci lorsque un processus de décomposition est en œuvre. C’est-à-dire
évaluer leur innocuité et leur intérêt.
Les caractéristiques des algues évoluent très rapidement sur le plan physique, chimique et
des « éléments accessoires » qui s’y adjoignent.
L’évolution physique a été évoquée précédemment (cf. § 4.2 Une course contre la montre).
La composition chimique des algues évolue indéniablement mais ceci n’a pas été étudié. Sur
substrat sableux ou vaseux, les algues s’amalgament au support.
Le premier type d’« élément accessoire » est le sable dont la teneur dépend du substrat du site
de dépôt, du degré de décomposition des algues et de la conduite du ramassage. Seul
l’épandage agricole peut accepter ou rechercher un sable (calcaire). Un deuxième type
consiste en déchets essentiellement domestiques (plastiques, canettes,…) qui peuvent être
associés aux algues dès lors arrivée maritime. Ils peuvent aussi contaminer les algues lors de
leur ramassage sur une plage sale. En matière de valorisation, ces déchets sont rédhibitoires
ou générateurs de pré-traitements coûteux. Un troisième type consiste peut-être en particules
adsorbées sur les algues alors qu’elles sont encore immergées. La présence de chlordécone
lors de certaines analyses pourrait être liée à une telle adsorption terrigène.
En conclusion, plus la valeur ajoutée de la filière de valorisation est grande, plus la fraîcheur
et la pureté des algues est requise.
Apparaît donc un effet de ciseau entre :
• La nécessité, pour limiter le coût de collecte, de ne ramasser que les algues sûrement
causes de nuisances (c’est-à-dire non susceptibles d’être emportées par la faible marée
suivante ou l’inversion du courant local) ce qui conduit à s’intéresser aux algues
atterries ou piégées à proximité immédiate de la côte qui seront de faible qualité.
• La nécessité pour la valorisation de disposer d’algues fraîches et propres donc
collectées en pleine eau alors même que seule une faible fraction de celles-ci
atteindrait la côte en y générant des nuisances, ce qui va multiplier le volume à
collecter pour avoir un effet préventif.
Certains projets ont perçu cette contradiction en comprenant des dispositifs de prétraitement,
notamment de lavage des algues récoltées sur le rivage. Mais cette solution technique ne
répond très vraisemblablement pas à l’exigence économique de tempérer le coût de la
collecte par la valorisation, le coût du lavage (estimé par exemple à 15 €/m3 par le projet
NetCaraïbes) risquant d’obérer la rentabilité de l’opération.

p. 112
Etude détaillée

A l’heure actuelle, il n’existe pas de recueil public des principales caractéristiques


chimiques ou pondérales des algues. Le seul projet d’analyse systématique est celui de
l’INRA, au titre de l’AMI de l’ADEME de Guadeloupe qui n’a pas démarré et qui
chronologiquement viendra tardivement. Un tel recueil fixerait des références partagées
même si des analyses spécialisées seront nécessaires pour les filières les plus pointues.
En l’état, il faut donc s’en remettre aux analyses des différents acteurs. Elles ne sont pas
publiques. Les caractéristiques des échantillons, les méthodes analytiques ne sont pas toujours
décrites. Certaines affirmations semblent relever davantage d’actes de foi que de résultats
scientifiques.
Les analyses les plus fiables dont la mission a disposé sont préalables à des valorisations
agricoles.
Des éléments recueillis par la mission, il ressort :
• Qu’au titre des facteurs favorables :
o les algues, riches en matière organique, ont une teneur d’un intérêt agricole
moyen en éléments minéraux ;
o les sargasses contiennent des alginates et d’autres composés (carbohydrates,
polysaccharides, composés phénoliques ou lipidiques) communs aux algues
vertes et aux algues brunes et précurseurs de produits pharmaceutiques,
cosmétiques et agro-alimentaires61.

• Qu’au titre des facteurs défavorables :


o il n’a pas jusqu’à présent été fait état de teneurs ou molécules particulièrement
remarquables parmi les composés d’intérêt industriel précités ;
o la teneur notable en sodium peut être une menace à évaluer pour les sols ;
o l’effet de la teneur en chlorure sur les végétaux doit être vérifiée ;
o la présence de chlordécone62 est relevée dans un site martiniquais63 et aurait été
trouvée en Guadeloupe mais la mission n’a eu connaissance d’aucune analyse
fondant cette rumeur ;
o au titre des éléments traces métalliques (ETM)64, une teneur élevée est relevée
dans deux cas65 pour l’arsenic ;66
o des essais anciens (vers 1980 et 1990) ont montré un faible rendement en
méthane des sargasses ; 67 68

61
(CEVA, 22 juin 2015)
62
La chlordécone est un insecticide organochloré qui a été utilisé de 1972 à 1993 (date de son interdiction)
contre le charançon du bananier en application sous forme de poudre en cercle au pied du tronc. Il provoque de
graves troubles de santé par ingestion. Très rémanent, il demeure dans les sols cultivés en banane et se diffuse
par les cours d’eau, probablement principalement adsorbé sur les matières en suspension mais aussi en eau libre.
Il contamine les racines des autres plantes mais n’est guère véhiculé par la sève.
63
(IT2, Résultat d'analyse chlordécone sur algues sargasses en Martinique, 30 juillet 2015)
64
Les algues brunes sont connues comme concentratrices de ces métaux.
65
(IT2, 30 octobre 2015)
66
Cette teneur dépasse celle de la norme applicable aux composts normalisés (NF U 44-051 et NF U 44-095), ce
qui n’est qu’un point de comparaison, cette norme garantissant la composition d’un produit commercial mais
n’étant pas une norme de toxicité. Pour d’autres analyses, la teneur est moitié moindre que la norme.
67
(FAO, 2002)
68
(Bird, Chynoweth, & Jerger, 1990)

p. 113
Etude détaillée

o les algues brunes présentent un moindre intérêt pour la nutrition animale que
les autres algues car elles sont moins riches en protéines69.
En conclusion, les sargasses ne se révèlent, dans l’état des éléments recueillis actuellement et
contrairement à certains rêves ou à certaines craintes, ni comme un tas d’or ni comme une
montagne intrinsèquement toxique.
Le statut juridique donné aux algues a des conséquences sur leur élimination ou leur
valorisation. Pragmatiquement, elles sont considérées à l’état frais plutôt comme des déchets
voire des éléments sui generis. Leur récolte en mer pourrait remettre en question ce statut ;
elle deviendrait alors une ressource exploitable au sens du code rural et de la pêche maritime70
et leur collecte serait sans doute, comme on l’a dit, une source de controverses et de débats.

5.3 La minéralisation naturelle et l’« enfouissement technique »


Dans l’urgence, la majorité des sargasses collectées a été déposée soit en arrière plage soit sur
des terrains disponibles.
Les témoignages sur les nuisances et sur la réponse de la végétation sont très contrastés.
Aucun enregistrement de la nature des algues déposées, des rythmes de dépôt ni du suivi de
ces dépôts (notamment en profondeur) n’a été réalisé. La gêne pour la ponte des tortues, si le
dépôt d’arrière plage ou a fortiori l’enfouissement s’effectue dans la zone et l’horizon des
nids, a été relatée – à juste titre - comme une préoccupation.
La mission a pu visiter des places de dépôts à Marie-Galante, à Terre de Bas (Les Saintes), au
Robert (Martinique) et à Saint- Barthélémy et observer des dépôts d’arrière plage dont un était
particulièrement épais (supérieur à un mètre) à Pompierre (Terre de Haut, Les Saintes).
Certains sont parfaitement régalés, d’autres bennés. L’aspect visuel de la superficie est
uniforme : des résidus desséchés d’algues sont épars parmi le sable un peu noirci par la
matière organique.

Photo 20:Dépôts de sargasses au Robert (à gauche) et à Marie-Galante (à droite)

69
(FAO, 2002) (Harinder, Makkar, & Giger-Reverdin, 2016)
70
Ainsi en Bretagne, le ramassage des algues vertes sur les plages relève de la collecte des déchets mais celle
effectuée à des fins industrielles dans le rideau d’eau fait l’objet d’autorisations à plusieurs titres comme une
récolte de produits.

p. 114
Etude détaillée

Sur presque tous les sites visités, les résidus minéraux (sable) sont importants et soulignent
l’exportation importante de sable lors du ramassage. Restituer le sable aux plages apparaît
comme indispensable pour éviter leur réduction massive. En zone touristique « haut de
gamme », la préoccupation que le sable retrouve sa couleur initiale pourrait être
vraisemblablement satisfaite par un apport en fin de saison, ce qui permettrait à la mer de le
laver avant l’arrivée des futurs touristes. A Saint-Barthélemy, où la clientèle recherche
particulièrement des plages, caractérisées chacune par une texture et une couleur différente,
les sargasses devraient être stockées par compartiments de provenance dûment identifiée si les
emports ne peuvent être réduits à court terme.
Si la minéralisation superficielle est indéniablement bonne et rapide,71 surtout lorsque l’algue
est mélangée à une fraction minérale, son comportement lorsqu’elle est pure ou en profondeur
est inconnu. Compte-tenu des bons résultat obtenus, semble-t-il, par les dépôts de sargasses
compactées pour enrichir les dunes aux USA, l’espoir est permis mais les modalités de cet
emploi souvent cité ne sont pas connues. Les effets sur le sol posent les mêmes questions
qu’en matière agricole et seront examinés ci-après.
Il en est de même pour la végétation aux différences près des espèces concernées (sur l’arrière
plage, elles sont a priori plus résistantes au sel), de la hauteur et de la densité d’algues
déposées. Les émanations sont inconnues.
Pour mettre fin aux conjectures, les travaux prévus par l’INRA (AMI de l’ADEME de
Guadeloupe) au titre de l’ « enfouissement technique » sont très utiles. Malheureusement le
protocole prévu n’est pas disponible. Il est peu vraisemblable qu’il traite des émanations et
leur suivi devrait aussi être étudié72.
A court terme, la mission préconise que :
• Les services de l’État recensent avec les collectivités et entreprises déposantes les
terrains de dépôts utilisés en 2014 et 2015, vérifient qu’ils sont en quantité suffisante
et qu’ils ne sont pas trop proches des lieux habités.
• Les services de l’État conduisent avec les collectivités ou les entreprises déposantes
sur ces dépôts anciens des sondages en profondeur précautionneux pour les opérateurs
permettant de vérifier que la minéralisation est complète et qu’il ne s’est pas créé un
horizon de décomposition anaérobie.
• Les collectivités effectuent la restitution du sable (des dépôts minéralisés) aux plages
avant qu’il ne soit colonisé par la végétation. Cette opération semble pouvoir être
effectué sans problème par les collectivités elles-mêmes compte tenu du matériel dont
elles sont désormais dotées.
• L’épandage d’arrière-plage soit poursuivi, sur les zones prédéterminées.
• Le dépôt soit poursuivi sur les sites déjà utilisés après vérification et vidange précitées
et à condition qu’aucun inconvénient dirimant ne soit apparu. Il est certes regrettable
que toutes les connaissances amont ne soit pas disponibles pour préconiser la
poursuite de cette pratique, mais il semble pragmatique d’éviter de prononcer une

71
L’épaisseur d’une couche d’algues qui sèche sans difficultés et se minéralise en quelques semaines est de 15
cm ou 25 cm selon les interlocuteurs.
72
Des éléments préliminaires avaient été réunis pour les algues vertes (CEVA 2009)

p. 115
Etude détaillée

condamnation théorique et de favoriser ainsi l’ouverture de nouveaux dépôts épars et


plus ou moins clandestins, dispersant ainsi sur de nouveaux sites des pollutions
éventuelles.
• Les services de l’Etat recensent comme en Guadeloupe73 les terrains sans usage actuel
qui pourraient être mobilisés suivant un protocole de dépôt raisonné si les sites de
dépôts déjà utilisés s’avèrent insuffisants.
• L’ADEME obtienne de l’INRA qu’il fournisse un protocole précis de ses travaux sur
l’ « enfouissement technique » et qu’elle le soumette à analyse critique au moins des
services de l’État des deux départements pour vérifier son adéquation aux besoins des
acteurs de terrain.
• Les services de l’État conduisent avec une collectivité ou un lycée agricole volontaire,
le dépôt sur site puis l’aération régulière de tas d’algues afin d’obtenir soit des algues
séchées soit un compost74, ce qui devrait permettre de disposer d’une voie sommaire
de prévention de la fermentation anaérobie sur les terrains de dépôts.
A moyen terme :
• Les résultats de l’INRA seront disponibles et permettront de mettre en place un
enfouissement technique dans les règles.
• La mission s’interroge toutefois sur le réalisme de cette voie, compte tenu de ce que
les sites d’enfouissement technique des Antilles sont saturés et que tous les efforts
sont faits pour les désengorger notamment des déchets verts et autres déchets
compostables.

5.4 L’épandage agricole


L’épandage agricole est conditionné par trois facteurs :
• un intérêt agronomique minimum du produit épandu et son innocuité ;
• des terres agricoles naturellement adaptées ;
• un contexte agricole favorable.
Les résultats disponibles ou en instance résultent d’un programme bi-insulaire conçu à
l’origine par l’IT2 et l’INRA au titre des AMI de l’ADEME, avec de nombreux partenaires
locaux (Université des Antilles, CIRAD, Centre Technique de la Canne à Sucre, chambres
d’agriculture, collectivités ...) suivant des axes variés et complets et, dans certains cas, des
méthodes précises et décrites. A la demande de l’ADEME, le programme a été scindé par île
suivant le lieu de déroulement des travaux. Il a de ce fait perdu son unicité : ce qui est gênant
puisque les sujets étudiés n’étaient pas dupliqués dans chaque île mais répartis suivant les

73
La DAAF de Guadeloupe a mis à disposition de la mission un travail cartographique précis qui identifie des
parcelles agricoles probablement non cultivées ou sous-exploitées d’après les photographies de 2010 ou les
déclarations PAC. Il s’agit de superficies importantes puisque totalisant plus de 2500 ha dans les communes
impactées par les sargasses. Par conséquent, cela garantit la possibilité de trouver suffisamment de terrains pour
déposer les sargasses, de façon provisoire pour ressuyage ou sur une plus longue durée pour minéralisation,
même si ceci suppose au préalable d’obtenir l’accord de certains propriétaires ou de débroussailler certains
terrains et que le protocole de dépôt ne conduise pas à la pollution des sols.
74
En s’inspirant par exemple du compostage rapide Brekley : FAO mai 2005 Méthodes de compostage au
niveau de l’exploitation agricole et du compostage à la ferme ADEME (novembre 2015) Fiche technique : le
compostage

p. 116
Etude détaillée

spécialités des organismes. Ceci conduit à des anomalies chronologiques : le programme


d’analyses préalables des algues (INRA Guadeloupe) produira ses résultats quand, en
Martinique, les essais culturaux et pédologiques (utilisant pourtant ce type d’analyse) seront
achevés. La complétude des cultures étudiées reposent sur les échanges informels. Les études
pédologiques semblent restreintes à la Martinique alors que les sols des îles diffèrent en
partie. Il n’existe pas d’instance de pilotage ou au moins de suivi des travaux veillant et
incitant à la cohérence et à la complétude, l’ADEME elle-même ayant deux directions
régionales distinctes. Enfin se posera la question de la consolidation des résultats dont
l’essentiel sera d’intérêt commun aux deux îles puis de leur mise en pratique opérationnelle.
Certes, certains instituts techniques partenaires sont bi insulaires (IT2, CTCS) et pourront
suppléer à la division. Toutefois la mission recommande que les préfets mettent en place une
instance unique de suivi bi-insulaire.

5.4.1 Intérêt et inconvénient agronomiques des sargasses


La composition des sargasses montrent un intérêt agronomique modéré comme
amendement potassium (K), magnésium (Mg) et calcium (Ca). Des variations sensibles sont
constatées75 76 77. Les teneurs sont comparables à celle des amendements du commerce pour
ces éléments rapportés à la matière sèche78 mais les sargasses comprennent moins de matière
sèche que ceux-ci lorsqu’elles sont fraîches. In fine il faudra épandre donc plus d’algues que
de compost pour obtenir le même apport d’éléments.
Ces éléments répondent à des besoins locaux, par exemple l’amélioration ou le maintien des
taux de matière organique79 notamment dans les sols ferralitiques et les vertisols80 ou les
apports potassiques pour la canne81.
Les sargasses sont réputées localement pour leur effet antiparasitaire soit par incorporation au
sol, soit par accrochage aux arbres des vergers. Le seul projet d’analyse est celui de l’INRA,
au titre de l’AMI de l’ADEME de Guadeloupe qui n’a pas démarré.
Deux points d’attention ont émergé quant à l’innocuité des sargasses: la chlordécone et le sel.
La chlordécone
La question de la chlordécone est fondamentale car elle a un aspect psychologique grave en
sus de son aspect technique.
Actuellement, parmi les analyses d’IT2, seules les analyses d’un site (3 échantillons d’Anse
Luciole) parmi les cinq sites martiniquais (11 échantillons), dont trois en zones à risque
(pêche interdite à cause de la contamination des eaux), révèlent de la chlordécone82. Deux
analyses de sites à risques (Le Robert, le François) de la société Holdex en décèlent aussi et

75
(HOLDEX Environnement, 2015)
76
(CARIAGRO et DAAF, 23 septembre 2011)
77
(IT2, 30 octobre 2015)
78
La matière sèche correspond à la partie résiduelle de l’algue une fois déshydratée dans des conditions
normalisées
79
Un agriculteur en Martinique a relaté à la mission le développement des lombrics consécutif à l’enfouissement
de sargasses et la diminution du parasitisme des patates douces permettant une plus grande période de croissance
avant arrachage.
80
(Blanchart & al., 2000)
81
20 tonnes d’algues couvrent les besoins annuels (CARIAGRO et DAAF, 23 septembre 2011)
82
(IT2, Résultat d'analyse chlordécone sur algues sargasses en Martinique, 30 juillet 2015)

p. 117
Etude détaillée

l’analyse hors zone (Sainte Anne) est indemne. La connaissance est donc très limitée
puisqu’il n’y a ni répétition des analyses ni un grand nombre de sites. Aucun élément n’est
disponible en Guadeloupe.
La cause de la contamination est hypothétique, la source terrigène est possible mais elle ne
semble être pas la seule83.
Techniquement, au niveau détecté, la conséquence d’un épandage d’algues contaminées est
négligeable (l’atteinte du seuil d’interdiction de la culture des racines et tubercules sensibles
(0,1 mg/kg de sol) nécessiterait l’apport de 5 000 tonnes d’algues/ha alors que les apports
envisagés sont de 20 à 40 t/ha84). Toutefois, contaminer des sols indemnes est à exclure.
Psychologiquement, la crainte de chlordécone est telle qu’elle peut néanmoins bloquer
l’épandage des sargasses.
Deux réponses doivent être mises en place :
• Déterminer par des analyses systématiques et périodiques la contamination en prenant
en compte lieu de prélèvement et temps de séjour des algues.

• A titre conservatoire, fixer comme règle que les algues prélevées en zone
d’interdiction piscicole ne peuvent être épandues que sur les terrains déjà contaminés.
Ces terrains sont cartographiés dans les deux départements et connus des agriculteurs.
Cette restriction ne réduit pas considérablement les possibilités d’épandage : les zones
envahies par l’algue ne coïncident avec les zones contaminées que dans le Nord
Atlantique de la Martinique et dans le Sud de la Basse Terre de Guadeloupe. Dans ces
zones, les sols contaminés sont suffisamment étendus pour recevoir un tonnage
important d’algues (cf. annexe 9.2 Chlordécone : sols contaminés et zone d’échouage
des sargasses).
Le sel
La question du sel se décompose en une question à long terme relative au sodium dans le sol
et une question à court terme relative à la sensibilité des cultures aux chlorures. Les chlorures
sont solubles et se fixent peu dans le sol ; aussi est-ce la sensibilité des cultures qui doit être
étudiée.
Des essais culturaux sur l’ensemble des cultures, même avec une faible sole, sont en cours
ou prévus. Ils sont conduits par IT2 en Martinique et seront complétés ultérieurement (mais
marginalement) par l’INRA en Guadeloupe. Ces essais comportent un volet phytosanitaire qui
peut éclairer sur la portée des vertus biocides prêtées aux sargasses. Les résultats sur la canne
à sucre seront disponibles au premier semestre 2016 et ceux des plantes maraîchères le sont
déjà pour partie85. En revanche, les essais sur la banane n’ont pas débuté ; cette culture
représente une sole importante notamment en zone sujette à la chlordécone. Enfin aucun essai
ne semble prévu sur les prairies qui couvrent des surfaces importantes et qui en outre, sont les

83
(IFREMER, 2011)
84
(IT2, Résultat d'analyse chlordécone sur algues sargasses en Martinique, 30 juillet 2015)
85
Les résultats d’un essai de dimension limitée sur la patate douce montrent l’absence de toxicité et un faible
effet bénéfique (chambre d’agriculture de Martinique mai 2016)

p. 118
Etude détaillée

seuls espaces agricoles disponibles dans les petites îles ; à défaut d’intérêt agronomique,
l’innocuité devrait au moins être vérifiée.
La sensibilité des terres agricoles à l’épandage des sargasses est avant tout une question
pédologique de sensibilité au sodium86. Ce cation est connu pour déstructurer les sols et,
dans le cas particulier, les colloïdes des andisols et les argiles des sols ferralitiques et plus
encore celles des vertisols (montmorillonites)87. Cet effet apparaît par accumulation du
sodium au cours des années dans ces composants en substitution à d’autres cations si le
sodium n’est pas lessivé. La teneur de vigilance est de 5% de la capacité d’échange cationique
du sol (CEC) ; une teneur de 10% conduit à un effet sur la structure du sol88. Elles dépendent
toutefois de la nature des autres cations89 ; en particulier Ca et Mg sont antagonistes, ce qui
est un facteur de protection des sols de Grande Terre de Guadeloupe alors que les vertisols de
Martinique sont naturellement riches en sodium90.
Des résultats préliminaires du CIRAD, conduits malheureusement sur d’autres types de sols,
constatent le lessivage du sodium. La mission préconise d’entamer rapidement des études de
la dynamique du sodium dans les autres types de sols les plus sensibles et d’ailleurs les plus
répandus ainsi qu’un suivi sur l’ensemble du profil pédologique au-delà de l’horizon
superficiel.
Compte tenu de la teneur en sodium des sargasses fraîches, de la teneur naturelle des sols, du
lessivage observé, les instituts techniques91 concluent à titre provisoire qu’un apport de 20
tonnes/ha d’algues fraîches avant la plantation, en saison des pluies, peut-être pratiqué. La
mission considère que les investigations conduites et les précautions prises rendent crédibles
cette proposition.
Le projet IT2, le plus précoce, prévoit une publication des travaux courant 2017 et d’un Guide
d’utilisation des sargasses en agriculture en juin 2018. Ces délais conduisent à exclure l’usage
agricole pendant au moins deux années, délai qui n’est pas raisonnable si les sargasses sont de
retour en quantités importantes.
Il est certain qu’un acteur doit donner, avant cette date, le signal de l’utilisation et ce ne peut
être un institut technique. C’est à l’État de prendre cette responsabilité.

5.4.2 Adaptation de l’agriculture à l’épandage


Les pré-requis agronomiques satisfaits, il reste à déterminer si :
• Une sole suffisante sera disponible pour l’épandage en période d’échouage. Les dates
de disponibilités des sargasses coïncident-elles avec le cycle cultural des cultures
cibles ? Ainsi, l’épandage est évoqué avant plantation : des surfaces des différentes
cultures à planter sont-elles disponibles sur toute la période d’arrivée des algues et ce

86
(IRD & Blanchart)
87
(Duchaufour, 1977)
88
(CIRAD, 16 mars 2016)
89
(Ahmed & Mermut, 1996)
90
(Blanchart & al., 2000)
91
(CARIAGRO et DAAF, 23 septembre 2011) (IT2, Compilation de résultats d'analyse de la composition de
sargasses, 30 octobre 2015)

p. 119
Etude détaillée

chaque année92 ? L’élevage ne figure pas dans les productions de grande notoriété des
îles, mais il existe et utilise de grandes surfaces. Ces surfaces présentent l’avantage
d’être disponibles pour l’épandage sur des périodes beaucoup plus longues que les
cultures, et selon des modalités moins coûteuses.

• La structure agraire permet de transporter et d’épandre des quantités à des coûts


raisonnables (distance et taille des parcelles, accessibilité à des engins mécaniques).
En Martinique une part importante de la superficie plantée en canne et en banane
relève de grandes exploitations93 ; en Guadeloupe, la propriété est plus petite mais les
formes de coopération (CUMA, SICA,…) peuvent-elles jouer un rôle fédérateur ?

• L’épandage doit être conduit par les agriculteurs ou collectivement par le collecteur de
sargasses. Ainsi en Bretagne, la collectivité effectue l’épandage à coût (2€/m3) partagé
pour garantir traçabilité, enfouissement dans les règles et mutualiser la mécanisation.

• Les agriculteurs sont volontaires. Un atout réside dans l’utilisation ancestrale d’algues
dans les deux îles (« varèche »). En ce sens, les questionnaires communaux recueillis à
l’occasion de la mission mentionnent des utilisations agricoles. La position de la
profession agricole compte pour beaucoup. La filière aval (distilleries, par exemple,
qui sembleraient refuser les apports de boues des stations d’épuration sur la canne)
doit être associée. En Guyane, les agriculteurs et les éleveurs semblent intéressés par
les algues, des prélèvements ont même été observés lors des échouages.

• Le coût est supportable. L’examen des valeurs fournies par la DAAF de Guadeloupe
conduit à des valeurs qui fluctuent entre 2 et 25 /m3, essentiellement selon la taille de
la parcelle et le degré de mécanisation de l’épandage ; l’examen de celles fournies par
Holdex pour un épandage mécanique conduit à une fourchette de 3 à 5 €/m3.
Rappelons qu’en Bretagne le coût est de 2 €/m3.
La mission n’a connaissance d’aucun travail en vue de traiter les questions ci-dessus.
Cette carence ne permet donc pas d’estimer la quantité d’algues absorbable par l’agriculture.
En Martinique, un calcul purement théorique d’épandage sur la totalité de la SAU mentionnée
précédemment conduit à 110 000 tonnes/an (pluri-annualité de la banane et de la canne prise
en compte) soit quatre fois la quantité de sargasses récoltées et ressuyées lors d’une année de

92
Cultures pluri-iannuelles, la banane (5 à 6 ans) et la Canne (5 à 8 ans) sont plantées environ de mai à
septembre (DAAF Martinique, 2016). Les surfaces (ha) de ces cultures sont (2014) :

Surfaces en Banane Canne Maraîchage Jachère Surface toujours en Surface agricole


ha herbe des exploitations hors exploitation
agricoles (en herbe et
jardins
familiaux)
Guadeloupe 2 500 12 000 1800 2 000 9 500 2 1900
Martinique 6 000 4 000 2 000 2 000 8 100 7 700
Source : Graphagri 2015
93
En Martinique les exploitations de plus de 50 ha représentent 55% de la SAU pour la canne et 73% pour la
banane (DAAF Martinique, 2016)

p. 120
Etude détaillée

crise. Ce chiffre n’a pour objet que de montrer l’ordre de grandeur potentiel par rapport à
d’autres voies de valorisation.
Cette absence de travaux expose surtout au risque majeur de disposer de résultats
agronomiques favorables sans qu’aucune suite concrète ne soit donnée. Certes, en Bretagne ce
sont les collectivités qui dans la suite des travaux de collecte se sont organisées avec le monde
agricole. Mais les collectivités des Antilles n’ont pas atteint le même stade d’organisation en
la matière. Il est certain que les instituts techniques peuvent apporter un soutien décisif mais il
n’est pas dans leur rôle de susciter l’apparition et l’organisation de « filières sargasses ».
L’État serait donc sans doute le mieux placé pour vérifier l’adaptation structurelle de
l’agriculture à l’épandage et impulser la mise en place de filières locales. La mission
recommande que les préfets mobilisent leurs services en ce sens et engagent les discussions
nécessaires avec la profession agricole.
En conclusion, à partir des résultats agronomiques déjà disponibles, l’État doit sans attendre
amorcer la constitution de filières locales d’épandage des sargasses. Le temps nécessaire à
leur initiation permettra de disposer des résultats des essais culturaux en instance, notamment
de ceux de la canne à sucre.

5.5 Le compostage
Le compostage est un procédé de transformation aérobie de matières fermentescibles (déchets
verts, déjections animales, ordures ménagères, boues de station d’épuration des eaux,…) dans
des conditions contrôlées. Il permet l’obtention d’une matière fertilisante stabilisée riche en
composés humiques, utilisée en tant qu'amendement organique améliorant la structure et la
fertilité des sols.
Le compostage comprend usuellement deux phases : une phase de fermentation assez rapide
(quelques semaines) produisant des matières organiques, suivie d’une phase de maturation (se
comptant en mois) au cours de laquelle cette matière organique se transforme en une forme
plus stable. Il semblerait, dans les conditions antillaises, que les phases de la fermentation et
de la maturation soient d’environ 8 semaines chacune (ceci pouvant varier selon les
producteurs).
Le compost ne peut être vendu que s’il est conforme à une norme (ou à une homologation
ministérielle qui lui soit propre) en tant qu’amendement organique (deux normes distinguent
le compost comprenant des boues d’épuration des eaux NF U 44-095 de celui qui en est
exempt NF U 44-051), support de culture NFU 44-551, voire engrais.
Le compostage nécessite des caractéristiques des matières premières (en particulier
Carbone/Hydrogène > 30, ce qui est le cas des sargasses semble-t-il), une porosité des tas
(30%, ce qui peut être obtenu par l’adjonction de « structurants » comme des branchages), des
conditions d’humidité et de température94.
Aussi des essais et une mise au point sont à chaque fois nécessaires.

94
La bibliographie est riche sur le compostage en zone tempérée où il s’est développée comme technique
industrielle, moins sur le cas des zones tropicales où sa pratique est plus une activité traditionnelle
d’exploitations agricoles (FAO).

p. 121
Etude détaillée

Seuls des exemples de compostage industriels ont été présentés à la mission. Le compostage
sur exploitation agricole ou dans les places de dépôts mériterait des investigations.
Le compostage le plus proche de ce que pourrait être celui d’une exploitation agricole est le
compostage à l’air libre conduit par les sociétés Holdex en Martinique et Verde à Saint-
Martin.
La société Holdex est incontestablement la plus avancée dans ses essais qui comprennent des
algues pures séchées, des algues pures compostées, des composts de 50% d’algues et des
supports de culture avec algues. C’est le seul centre de compostage des Antilles françaises
agissant dans un modèle d’équilibre économique fondé sur la vente de ses produits. Holdex
recherche des produits à valeur ajoutée (certificat agriculture biologique par exemple) par une
adaptation précise à la demande locale avec pour objectif de remplacer les produits
d’importation (compost, support de culture, voire engrais). Cette société ne traite que des
déchets verts ou agricoles. C’est le seul opérateur de compostage qui ait déclaré à la mission
qu’il serait preneur d’algues gratuitement si elles étaient rendues à son usine « propres » c’est-
à-dire sans déchets incorporés tels que filets, bouchons, plastiques. Cet équilibre économique
est sans doute permis par le marketing précité et par la maîtrise des coûts d’exploitation liés
au traitement à l’air libre. Les installations sont toutefois en projet d’agrandissement pour
mettre en place un procédé de compostage confiné avec possibilité de contrôle d’aération et
d’humidité. Cet agrandissement devrait être opérationnel courant 2017, mais les procédures
d’autorisation administrative en cours (nécessité d’une étude sismique complémentaire, etc.)
semblent se prolonger. Ce changement de procédé est lié à l’obligation réglementaire de
composter en zone confinée au-delà d’un seuil de production. Cet investissement (bénéficiant
d’une subvention en cours hors plan « sargasses ») ne devrait pas remettre en cause la gratuité
de la prise en charge mais le coût de fonctionnement réel n’est pas encore connu. La nouvelle
installation sera dimensionnée pour accepter 1000 m3/jour de sargasses ressuyées. Toutefois,
la dimension de cette installation, compte tenu du temps d’élaboration du compost (environ
un mois) limite la capacité à 3000m3/ mois ; cette capacité pouvant être doublée par
raccourcissement du temps de traitement grâce à un chauffage artificiel (qui aurait
nécessairement un coût). Les installations permettraient en outre de sécher très rapidement
des algues pures par le moyen du soleil (10 à 15 jours) ou par séchage énergétique (5 à 10)
jours pour une utilisation agricole ou énergétique.

Photo 21: Andain préparatoire au compostage de sargasses et déchets verts à Holdex


(Martinique, à gauche) et à Verde (Saint-Martin, à droite)

p. 122
Etude détaillée

Les autres centres relèvent de délégations de service public. Ces centres, pour lesquels la
vente de produits est une recette complémentaire, traitent des ordures ménagères ou des boues
de station d’épuration ou des matières de vidanges. Il s’agit toujours de traitement en milieu
confiné. Les exploitants sont peu diserts sur le temps de fabrication puisqu’il s’agit d’une
partie de leur secret de fabrication. Il semblerait compris entre 1,5 mois et 4 mois. Or, il est
indispensable de connaître ce temps pour connaître la capacité de traitement par compostage
en période d’arrivage des algues. Un autre facteur limitant possible est la disponibilité en
quantité et en saison de certains déchets recherchés pour l’amélioration de la qualité du
compost : fiente de volaille et bagasse ; cette dernière semble convoitée par le compostage
mais aussi pour l’énergie (sans parler des besoins propres des distilleries). Enfin, la mission a
noté que les centres visités semblent souvent surchargés de déchets verts et semblent produire
sous leur capacité nominale à la suite de pannes ou de mouvements sociaux.

p. 123
Etude détaillée

En l’état des informations de la mission, la situation est la suivante :

Tableau 2: Capacités de compostage dans les Antilles françaises


MARTINIQUE GUADELOUPE SAINT-
MARTIN
SITE Holdex Terraviva SME Centre de Habitation Sita Grand
(le François) (Ducos) Valorisation Chalvet (Le Moule) Caye
Organique (Basse Pointe)
(le Robert)
3
Expérience 1900 m 50t (début 20 t ou 75t 0 ? 938 t
des soit environ 600 2016)
sargasses t
(en 2015)
Entrée 25000t Boues de STEP 32000t 2000t 45000 t 4500 t
déchets 10000 t
verts
2015
Sortie 10000t 3300 t 3300t Pour les besoins 1500t
2015) propres de (2012)
l’exploitation
% 5 à 100% selon Environ Environ
sargasse produit 10% 10%
envisagé
Coût de 0€ mais Boues : 100 €/t Déchets xxxx 35 €/t
prise en 2€ si verts 15€/t
charge prétraitement
nécessaire :
plastiques,…
Prix de Environ 25 €/t 13 à 20 €/t 28 à 35 €/t xxxx 40 à 50€/t
vente du
compost
Projets à Agrandissement Expérimentation En attente des Site de Gardel Capacité
venir en projet 2016 : les sargasses expérimentations exploité à 140% d’extension
62 000 t (dont sur demande de des confrères de sa capacité, à
26 000 t de la préfecture désengorger par
sargasses) (traite peu de d’autres sites
déchets verts)

Il n’existe pas de dispositif de compostage sur les îles de Marie-Galante, la Désirade, les Saintes.
L’éventualité d’un compostage rustique (« type exploitation agricole ») devrait être analysée.
Un centre de compostage est en projet à Saint-Barthélemy.

Les analyses connues de la mission montre que les produits de sargasses :


• Sont utilisables :
o Sous forme d’algues sèches avec une forte teneur en matière sèche
(environ 70% au lieu d’environ 20% à 30% pour les algues fraîches), des
teneurs intéressantes comparables aux algues fraîches (70% MO/MS, soit
50% du brut) à dégradation assez lente (C/N >30, ISMO de 7095)), K, Mg,
Ca) malgré le handicap du Na.

95
ISMO : Indice de stabilité de la matière organique. La moyenne des composts de déchets verts se situe autour
de 75 à 85 (Chambre régionale d’agriculture de Languedoc-Roussillon, Novembre 2011)

p. 124
Etude détaillée

o Sous forme de compost mélangé à moitié à d’autres constituants, qui peut


être un bon apport organique avec une minéralisation assez rapide
(C/N < 15 ; ISMO 70), une teneur de matière organique dans la moyenne
des amendements organiques96 (autour de 50% du brut) et des éléments
minéraux fertilisants tributaires des autres constituants. Le sodium est
moindre par l’effet de dilution.

• Sont sans intérêt pour le compost de sargasses pures.


En conclusion, la valorisation par séchage ou compostage est une bonne voie de valorisation
mais elle doit être tempérée par :
• La faiblesse des capacités de traitement.
• Le coût de la prise en charge qui est bien supérieur au coût de l’épandage agricole,
sauf chez un seul opérateur.
• Le coût des produits qui pose la question de l’importance de la demande. Ce coût est
bien supérieur à l’avantage constitué par le quasi-triplement de la teneur en matière
sèche qui est un atout pour ces produits. Il semble toutefois que les planteurs de
banane soient preneurs à ces tarifs.
• Pour les algues sèches, la teneur en sodium.

5.6 La méthanisation et les autres valorisations énergétiques


La valorisation énergétique des sargasses pourrait être particulièrement intéressante pour
contribuer aux objectifs de réduction de l’importation de 1 200 000 tonnes/an de produits
pétroliers et pour atteindre en 2020 l’objectif d’un taux d’énergie renouvelable de 50% de la
consommation finale.
La fermentation anaérobie qui se produit naturellement lorsque les sargasses humides
s’échouent est un processus de digestion de leur matière organique par des micro-organismes
en l’absence d’oxygène, processus que l’on appelle méthanisation car il produit un « biogaz »
comprenant notamment du méthane. Ce processus est intéressant dans la mesure où il permet
de traiter des déchets ou polluants organiques avec peu de boues résiduelles tout en produisant
de la chaleur et du gaz que l’on peut transformer en énergie. Il s’est développé de façon
industrielle pour le traitement des effluents agro-alimentaires ou d’élevage ainsi que des
boues d’épuration, déchets ménagers ou déchets verts. Les pouvoirs publics favorisent son
développement en tant que source d’énergie renouvelable.
La méthanisation des sargasses est techniquement possible selon Innovation Développement
qui porte un projet de valorisation sélectionné par l’ADEME. Le projet se limite pour l’instant
à déterminer le potentiel méthanogène – les premiers résultats indiquent un potentiel très
faible - et à construire un pilote de laboratoire. A ce sujet, le porteur de projet précise qu’il est
une structure d’études qui n’a pas vocation à porter les investissements même s’il envisage un
investissement ultérieur d’1,5 M€ pour construire une installation permettant de traiter 7 000
T/an de sargasses et de produire 1M kWh par an à partir de fin 2017.

96
(IT2, Petit guide de la matière organique , juin 2013)

p. 125
Etude détaillée

Toutefois, ce type de valorisation est à la fois complexe sur le plan technique et difficile à
rentabiliser sur le plan économique. La mission n’a pas identifié de réalisation de ce type sur
des algues et estime qu’un des facteurs-clé de succès n’est pas assuré, à savoir la régularité en
quantité et en qualité de l’approvisionnement de l’installation en matériau entrant. Les
arrivées de sargasses n’étant pas régulières au cours de l’année, il faut disposer soit de
capacités importantes de stabilisation et stockage des algues soit d’autres ressources telles que
des déchets verts pour régulariser les flux entrants. Les autres recommandations classiques
pour rentabiliser ce genre d’installations s’appliquent aussi et devront être vérifiées dans le
cas des Antilles et en Guyane : débouché pour le biogaz en priorité en utilisation directe de
chaleur et pas uniquement en production d’électricité ; procédé de séparation de phase et de
compostage, conçu pour un utilisateur bien identifié, qui valorise au maximum le digestat ;
emplacement de l’installation et conception du génie civil qui maîtrise le coût
d’investissement.

5.7 Les produits à haute valeur ajoutée


La complexité de la composition des algues permet d’envisager de très nombreuses
valorisations en chimie organique, que ce soit dans le domaine de l’alimentation ou de la
pharmacie, dans le domaine de la nutrition et de la santé animale ou dans le domaine des
cosmétiques. Néanmoins, la plupart des procédés commencent par une extraction des
alginates contenus dans les algues. Cette famille de molécules, sous forme d’acide alginique,
alimente les différentes industries qui mettent en œuvre divers procédés biochimiques sur
cette matière première.

p. 126
Etude détaillée

Photo 22: Produit phytosanitaire fabriqué artisanalement à partir de sargasses à Sainte


Lucie

A cet égard le projet présenté par la commune de Saint-François et sélectionné par l’ADEME
est intéressant puisqu’il propose un certain nombre d’analyses sur les sargasses destinées à
affiner un chiffrage très préliminaire des investissements nécessaires (5 M€) pour une
production de 900 T/an d’acide alginique à partir de 30 000 T/an environ d’algues ressuyées.
Néanmoins, ce type de projet ne sera rentable que si l’approvisionnement de l’usine est assuré
de façon régulière en quantité et en qualité, et à un coût compétitif vis-à-vis de
l’approvisionnement en algues de culture c’est-à-dire, selon le marché actuel du commerce
d’algues brunes issues de cultures asiatiques, à moins de 450 $/T d’algues propres, stabilisées
et rendues usine.
Un autre projet du domaine de la chimie fine semble plus avancé dans sa faisabilité puisqu’il
existe déjà sous forme de prototype industriel de petite taille. Il s’agit de la fabrication de

p. 127
Etude détaillée

plastique biodégradable à partir d’algues brunes. Les procédés brevetés par la société
Algopack produisent des billes de plastique qui sont le matériau d’entrée de la fabrication par
moulage de tous les objets en plastique. Ces billes permettent la production d’objets en
plastique de couleur brune, ou de toute autre couleur, mais pas transparents. Les objets sont
stabilisés par une couche protectrice qui leur assure la durée de vie souhaitée, mais se
dégradent en trois semaines lorsqu’ils sont mis en terre en fin de vie. Le soutien de l’ADEME
à ce projet ne porte pour l’instant que sur la collecte et le conditionnement d’algues fraîches.
L’industriel projette un investissement ultérieur de 1 M€ pour construire un prototype de
grande taille pour fin 2016 puis une installation industrielle pouvant traiter jusqu’à 10 000
T/an de sargasses d’ici mi-2018. La valeur ajoutée que l’on peut attendre d’une telle
installation n’est pas connue publiquement, et encore moins la part de cette valeur ajoutée qui
pourrait être affectée au financement des coûts de collecte et de transport des sargasses
jusqu’à l’usine.

5.8 Problèmes pour toute valorisation (notamment industrielle)


Les analyses effectuées ci-dessus montrent qu’il n’y aura pas une filière unique de collecte et
de valorisation des sargasses car il faut tenir compte de la variabilité dans le temps et de la
variabilité dans l’espace des arrivages et des configurations littorales. Cela ne signifie pas
pour autant que toutes les modalités de collecte et de valorisation décrites précédemment
seront utilisées : l’équilibre final entre ces diverses filières va dépendre principalement des
variations saisonnières des arrivages de sargasses et des performances économiques de chaque
filière.
Variations saisonnières des arrivages :
L’origine du phénomène n’étant pas connue ou du moins modélisée, rien ne permet de dire
que les arrivages de sargasses seront à l’avenir similaires à ceux des années précédentes, plus
élevés ou plus faibles. La mission imagine donc un scénario, détaillé au § 8.1 avec trois
situations contrastées : une situation d’année sans arrivage ; une situation d’année avec des
arrivages maîtrisables car se produisant sur une longue période (6 mois) mais en quantités
journalières modestes ; une situation de crise, moins fréquente où les échouages sont plus
irréguliers avec une dizaine d’arrivages massifs similaires à ceux de 2014 - 2015. Ce scénario
correspond à une quantité quasi-nulle certaines années, de moins de 10.000 tonnes de
sargasses ramassées et égouttées pour l’ensemble des îles lors des autres années, à l’exception
des années de crise où cette quantité à traiter se situe à 60.000 tonnes.
Variations dans le temps des capacités de ramassage :
En 2016, si on suppose que des arrivages de sargasses vont se reproduire à partir de l’automne
et de façon massive par intermittence, le chapitre 8 montre que la collecte pourra être
effectuée de manière plus efficace que durant les années précédentes, même si les innovations
attendues pour ramasser les algues dans les baies inaccessibles depuis la terre ne seront pas
encore disponibles. Le panorama des solutions de valorisation dressé dans les § 5.1 à 5.7
montre qu’il n’y aura pas de solution de valorisation industrielle opérationnelle avant 2018 au
plus tôt. Par conséquent, pendant les deux ans à venir, les seuls débouchés envisageables pour
les 60.000 tonnes ramassées en année de crise sont des utilisations en agriculture, de type
compostage (montée en puissance de 12.000 à 26.000 tonnes en Martinique courant 2017,

p. 128
Etude détaillée

quelques milliers de tonnes en Guadeloupe et 35.000 tonnes à Saint Martin, ce qui excède
largement la quantité susceptible d’être ramassée sur cette île), de type épandage ou de type
dépôt et minéralisation.
Au-delà de 2018, les scénarios optimistes de développement industriel font apparaître une
capacité potentielle de 17 000 tonnes susceptible de s’ajouter aux capacités de compostage
qui auront pu croître jusqu’à 60 000 tonnes environ. Le tout devenant donc suffisant pour
absorber le tonnage collecté même en année de crise à condition d’être compétitif par rapport
à l’épandage agricole ou au séchage pour minéralisation et terrassement.
Performances économiques de l’approvisionnement :
Le scénario suppose que les échouages ont lieu 6 mois dans l’année. Ces échouages peuvent
très bien être totalement absents une année donnée, comme cela a été le cas en 2013. Les
investissements de collecte, transport et traitement ne sont amortissables que sur une partie de
l’année et il faut même envisager que le phénomène puisse s’arrêter définitivement. Chaque
investisseur doit donc prévoir d’autres activités (entretien d’espaces verts pour les brigades
vertes, par exemple) ou des sources alternatives d’approvisionnement en matière première
(déchets verts ou bagasse pour le compostage ou l’incinération, algues cultivées ou importées
pour l’usine de bioplastique par exemple) pour rentabiliser au mieux ses investissements.
Par ailleurs, le coût du transport est un des éléments clés : 30 €/tonne par camion pour une
distance de 20 km par exemple ou 125 €/tonne par bateau entre Marie-Galante et la
Guadeloupe continentale par exemple. La localisation respective des sites de stockage
intermédiaire et des lieux de traitement ou valorisation sera donc primordiale dans la
rentabilité économique des projets. Ceci devrait favoriser les projets de valorisation de petite
taille ayant un rayon d’approvisionnement et un rayon de commercialisation relativement
courts. En particulier, le coût du transport entre les îles des Antilles dépend des volumes de
trafic mais est tel que les îles de l’archipel devront chercher à éviter ce transport en devenant
autonomes pour traiter leurs arrivages de sargasses (spécificité de la double insularité). De
même, on imagine mal des installations de traitement des sargasses à l’échelle de plusieurs
îles des Antilles ou même des Caraïbes. L’avenir semble être celui de la démultiplication
locale de petits projets davantage que celui de grands investissements industriels.
L’équilibre final entre ces diverses filières va dépendre des performances économiques de
chacune. A titre de comparaison, c’est ce qui se passe en Bretagne où le traitement des algues
vertes s’effectue en quasi-totalité par épandage.

5.9 Sécuriser la minéralisation en dépôt et les valorisations agricoles


et développer l’épandage agricole en attendant la mise au point
d’une valorisation à haute valeur ajoutée
Sur un plan économique, trois modèles apparaissent dans les voies proposées :
• Un modèle où la valorisation est rentable, sans concours public de fonctionnement, et
où elle est en état de payer au moins partiellement sa matière première, c’est-à-dire le
coût de la collecte et du transport des sargasses. C’est le modèle auquel tout le monde
aspire et qui correspond au slogan « convertir un déchet en or ». Ce modèle existe

p. 129
Etude détaillée

dans des projets qui n’en sont qu’au stade du papier ou, au mieux, au stade de pilotes.
Implicitement les projets comptent, pour les études ultérieures, le développement et la
réalisation en vraie grandeur, sur des concours publics directs ou indirects aux
investissements, ce qui en soit n’est pas choquant puisque ces concours sont usuels
pour les projets économiques aux Antilles.

• Un second modèle est celui où la valorisation est rentable ou équilibrée mais où la


matière première doit être apportée gratuitement chez le « valoriseur ». Ce modèle est
mis en œuvre par un seul des centres de compostage (Holdex en Martinique) et par
l’épandage agricole (pratiqué de manière traditionnelle par un petit nombre de
producteurs pour l’instant).

• Un troisième modèle est celui où la valorisation ou l’élimination coûte à la collectivité


publique. C’est le cas du compostage (hors le cas particulier ci-dessus).
Bien évidemment il conviendrait de recourir à la valorisation rentable payant l’intégralité de
sa matière première et ayant été développée aux moindres frais publics. L’état actuel des
projets n’apporte pas la preuve que cette solution existe.
A défaut, il est évident que les valorisations doivent être privilégiées dans l’ordre inverse de la
description des modèles ce qui conduit, dans la pratique à privilégier à court terme épandage
agricole et compostage.
La mission considère néanmoins la voie de la minéralisation sur les places de dépôts, incluant
des mesures de limitation des nuisances au voisinage, à la nature ou aux sols, comme une
solution de repli en 2016 et 2017 pour le cas où les autres voies de valorisation disponibles, à
savoir l’épandage agricole et le compostage, ne suffiraient pas à absorber les quantités de
sargasses à traiter.
Aucun projet actuel n’est porteur de création importante d’emplois. La collecte est, en l’état,
le domaine le plus prometteur de ce point de vue. Il convient de souligner qu’une valorisation
industrielle avec collecte de sargasses en mer à grande échelle et riche d’emplois à
qualification limitée aurait un avantage compétitif, sur le plan du coût salarial, à s’implanter
dans les autres îles de la Caraïbe. A l’inverse, la fabrication de produits industriels de niche à
haute valeur ajoutée trouverait sans doute sa place dans les Antilles françaises mais ne
constituerait pas un gisement considérable d’emplois.

p. 130
Etude détaillée

6 Organisation et professionnalisation

6.1 Une démarche globale de type gestion de risque, conçue à


l’avance et pilotée pour réagir aux échouages massifs
L’expérience des années passées enseigne tout d’abord que les échouages se produisent de
façon privilégiée en certains endroits (92 sites identifiés en Guadeloupe par exemple) et
jamais ailleurs. Elle enseigne aussi qu’il n’y a des échouages qu’une partie de l’année, ceux-ci
étant alors presque quotidiens mais pas dans tous les sites à la fois, et que quelques épisodes
prennent la forme d’arrivages massifs97. Rien ne permet de dire si les situations rencontrées
en 2014 et 2015 vont se reproduire, s’aggraver ou diminuer mais des tapis importants de
sargasses flottantes ont été observés en mer au début de l’été 2016 au nord de l’Amérique du
Sud. Il convient donc de se préparer à ces situations, comme on se prépare à des phénomènes
de crue ou d’enneigement, sans connaître très à l’avance la date ou l’intensité de ces
événements.
La mission propose donc une démarche de type « gestion de risque » qui inclut un volet
d’anticipation des échouages et d’alerte et, pendant cette période d’alerte, un volet de mesures
curatives, lui-même décomposé en mesures de régime de croisière et, pour les arrivages
massifs, en mesures de temps de crise.
L’anticipation repose sur l’analyse d’images satellitaires de l’océan, complétée le cas échéant
pour la mer proche du littoral par des observations aériennes ou maritimes qui ont été décrites
précédemment (§ 4.1 Annoncer les sargasses mais à quelle échelle et pour quoi faire ?). Elle
conduit à des pré-alertes et des alertes qui entraînent le volet curatif de la démarche de gestion
des risques décrit ci-après.
Les mesures curatives seront définies à l’avance pour chaque site de ramassage dans une fiche
opérationnelle « sargasses » décrivant les filières que les acteurs doivent pouvoir mobiliser :
matériels (types, nombres) et personnels à mobiliser en régie ou sur marché pour le
ramassage, localisation du stockage intermédiaire avec capacité, moyens de reprise et de
transport à l’entreprise (capacités en m3), destination finale pour traitement ou valorisation
(localisation des dépôts). Le tout inclut des informations pratiques telles que les heures
d’ouverture des sites, les contacts des responsables et de leur suppléant à solliciter ou le
compte-rendu à effectuer. L’ensemble des fiches de site pour une même commune est annexé
au plan communal de sauvegarde (PCS) pour assurer une information et une validation
collective. Chaque fiche privilégie une filière de base mobilisable de façon quotidienne pour
le régime de croisière, mais doit indiquer aussi les autres filières à mobiliser en complément
pour la situation de crise, en les décrivant de manière aussi précise que la filière de base. La
mission préconise, en effet, que le risque « sargasses » soit intégré en tant que tel dans le PCS
de chaque commune impactée, en précisant les outils habituels pour tout type de risque :
définition de la cellule de crise, identification des moyens en fonction du niveau de la menace,
procédures à mettre en œuvre définissant le rôle de chacun des intervenants, répertoire des

97
Au sens où les surfaces de sargasses bloquées sur la côte seront telles qu’il sera très difficile et peut-être
impossible de ramasser et d’évacuer dans un délai de trois jours la proportion de sargasses qui s’échoue à terre.

p. 131
Etude détaillée

intervenants avec leurs coordonnées, dispositif d’information du public et de communication,


etc.
Enfin pour les cas d’arrivages massifs, une démarche de priorisation opérationnelle des sites
de ramassage et des filières de transport et valorisation est à concevoir pour définir par avance
où concentrer en priorité les moyens mutualisés (ou exceptionnels de type « ORSEC ») de
collecte et de traitement des sargasses selon l’importance et la localisation des arrivages. Les
sites à nettoyer en priorité à terre ou en mer seront définis selon leur capacité disponible de
stockage pour ressuyage et le degré de risque sanitaire, économique ou environnemental que
ferait courir une accumulation de sargasses sur une semaine. Il faut tenir compte aussi des
capacités disponibles de traitement ou valorisation qui fluctuent selon les périodes de l’année.
Ces dispositions seront rassemblées comme pour d’autres types de risque dans un plan
départemental de crise décrivant les mesures que l’État prend en charge de manière continue
(alerte à partir des suivis satellites, aériens et maritimes ; suivi sanitaire ,…) et les mesures
prises en période de crise nécessitant une « escalade » faisant appel à la solidarité » des
moyens départementaux.
Le cas de l’année 2016 est limité à la priorisation des sites de ramassage et de stockage
intermédiaire puisque la seule filière de traitement disponible sera l’épandage ou le
compostage ou, à défaut, le dépôt sur des places de minéralisation ; au cours des années
suivantes, l’analyse deviendra plus complexe si d’autres valorisations deviennent
opérationnelles. La mission recommande donc de simuler un exercice sur quelques situations
d’arrivage massif observées par le passé avec un état-major de crise connaissant bien le
terrain et quelques outils de calcul intégrant des données techniques et de coûts. Ceci doit
permettre de concevoir les scénarios de réponse aux principales situations de crise et de
préciser les modalités pratiques d’astreinte et de communication entre les intervenants.
Enfin, les remontées d’information (données, fréquence selon régime de croisière ou temps de
crise, destinataires) sont à définir à l’avance avec le double objectif d’informer le public sur
une base régulière et objective et de capitaliser l’expérience pour améliorer les méthodes. La
collecte d’informations brutes au pas de temps journalier en crise et hebdomadaire le reste du
temps, suppose la mise à disposition de tous les intervenants de cadres de saisie homogènes
avec les fiches de traçabilité souhaitées et utilisant les outils bureautiques les plus répandus,
de manière à rendre possible une exploitation de ces informations dans les mêmes délais par
les décideurs.

6.2 Des acteurs à mobiliser


S’agissant au premier chef d’une question de salubrité, la compétence est celle du maire, et
éventuellement celle du préfet en cas de carence ou d’étendue intercommunale (cette question
est examinée au § 8.3.2 Principes de répartition des charges). La mise en œuvre de moyens
d’intervention peut s’effectuer dans le cadre des intercommunalités.
Pour ce faire, il convient de combiner trois échelons de responsabilité :
• le territoire communal où intervient la commune et, en tant que de besoin, le sous-
préfet ;
• le territoire intercommunal où intervient l’EPCI et, en tant que de besoin, le sous-
préfet ;

p. 132
Etude détaillée

• le territoire départemental où interviennent la collectivité unique ou les conseils


régionaux et départementaux, et les services de l’État.
La situation de croisière est celle où les arrivages sont dispersés ou sporadiques et où les
communes (ou les intercommunalités) sont à même d’agir isolément. La situation de crise est
celle où un arrivage massif et généralisé nécessite des actions solidaires et priorisées à
l’échelle intercommunale. Le préfet (ou le sous-préfet) déclenche le passage en situation de
crise.
Dans tous les cas, la mission propose de répartir les responsabilités selon une logique de
subsidiarité bien conçue, c’est-à-dire qui laisse la responsabilité à l’échelon le plus local
possible mais mutualise ce qui peut être assuré à l’échelon plus large avec une meilleure
qualité, plus rapidement et à coût plus compétitif. A l’inverse, dans le cas des petites îles (la
Désirade, les Saintes), certaines responsabilités resteront au maire alors qu’elles seront plus
facilement déléguées à l’EPCI sur le « continent ».
La mission propose l’organisation suivante de chaque maillon de la chaîne :
• Anticipation / alerte : la DEAL élabore un bulletin de préalerte ou d’alerte. Ce bulletin
est diffusé par le SIDPC à tous les EPCI, aux communes et acteurs privés concernés et
aux médias.

• Planification d’ensemble depuis la collecte jusqu’à la valorisation : chaque EPCI se


procure tous les jours en période d’alerte l’information sur la situation, à terre ou dans
l’eau, des sites de son territoire susceptibles d’être impactés ainsi que sur les
disponibilités et les possibilités d’accueil des différents sites de traitement ou de
valorisation. Ceci suppose soit la tournée d’un de ses agents98 soit des observateurs
dans les communes ou parmi les pêcheurs, ainsi que des contacts au niveau des
entreprises de valorisation, ou des groupements de producteurs pour l’épandage sur
terres agricoles. Cette information, confrontée aux prévisions d’échouage ci-dessus,
permet à chaque EPCI de définir le plan de mobilisation des moyens pour les jours à
venir et d’en informer tous les acteurs du ramassage, du transport et du traitement des
sargasses. Ce plan est actualisé chaque jour en fonction des réalisations effectives et
des observations les plus récentes. En période de crise, cette planification s’effectue
selon la démarche de priorisation décrite au paragraphe précédent et au niveau du
sous-préfet qui mobilise quotidiennement une cellule de crise dans laquelle sont
intégrés, entre autres, les EPCI.

• Ramassage des sargasses : d’une part, chaque commune organise les moyens
nécessaires en régime de croisière pour pouvoir, sur les sites facilement accessibles
par la terre, ramasser dans la journée les sargasses qui s’échouent et les égoutter au
plus tard dans les 24 à 48 heures qui suivent. Ceci s’effectue sous la responsabilité du
maire, en régie avec du personnel et du matériel de la commune, en accord avec les
sociétés privées qui mobilisent leurs propres moyens dans des secteurs
particulièrement sensibles tels que restauration ou hôtellerie proche des plages, ainsi
qu’en sous-traitance par bon de commande à des entreprises présélectionnées par un

98
L’équipement de certaines collectivités par des drones munis de caméra (moins de 500€ l’unité) pourrait
alléger les déplacements notamment dans les sites difficiles d’accès.

p. 133
Etude détaillée

appel d’offres pluriannuel lancé par un groupement de collectivités pour l’ensemble


du territoire départemental. Le ramassage dans les ports et marinas reste de la
responsabilité du conseil départemental qui doit assurer la circulation des bateaux.
D’autre part, chaque EPCI organise les moyens nécessaires, en régime de croisière,
pour le ramassage dans l’eau des sargasses accumulées chaque jour près des sites
inaccessibles par la terre. En effet, ces sites sont la plupart du temps à cheval sur
plusieurs communes. En outre, ces moyens mutualisés sont les plus rares ou les plus
coûteux, qu’il s’agisse des brigades vertes ou des matériels d’intervention flottants ; il
faut pouvoir les amortir sur une échelle géographique plus large en les transportant
d’un site à un autre (sauf pour les brigadiers verts qui seront affectés aux îles
secondaires ou à des sites isolés, où le déplacement quotidien n’est pas raisonnable).
Enfin, ce type de ramassage peut être confié à certaines entreprises de valorisation qui
voudront maîtriser et prendre en charge leur approvisionnement en sargasses fraîches.
En période de crise, la cellule de crise prend provisoirement le rôle de l’ensemble des
EPCI pour prioriser les travaux de ramassage selon la démarche décrite au paragraphe
précédent.

• Transport des sargasses égouttées : en dehors des algues qui sont traitées ou valorisées
sur le territoire même de la commune où elles sont ramassées, le transport est décidé,
selon la planification d’ensemble évoquée ci-dessus, par les EPCI en régime de
croisière et par la cellule communale de crise en période de crise. Les commandes aux
entreprises de transport sont effectuées dans le cadre d’un appel d’offres pluriannuel
lancé en commun pour l’ensemble du territoire de chaque département.

• Traitement ou valorisation : comme indiqué ci-dessus, les responsables de site


interviennent dans la planification et peuvent demander de prendre en charge eux-
mêmes leur approvisionnement. Ces responsables sont soit des industriels, soit des
collectivités (dans le cas de déchetteries publiques ou de retour de sable sur les plages)
ou des établissements publics (parc naturel, conservatoire, ….) soit des groupements
ou instituts techniques dans le cas des agriculteurs ou des éleveurs qui devront avoir
contractualisé individuellement au préalable avec ces groupements ou instituts.

• Rapportage : les services de l’État établiront le minimum descriptif des réalisations à


renseigner par les acteurs de manière systématique, ainsi que les cadres de
communication entre les acteurs (pages web dédiées et partagées, fréquence de
renseignement). Ce rapportage quotidien pour certaines informations et hebdomadaire
pour d’autres permettra aux collectivités (et à l’État en période de crise) de connaître
suffisamment la situation en vue de planifier les activités, de dresser les comptes
rendus mensuels et de préparer les budgets et marchés nécessaires, mais aussi de
déclencher l’état de crise dès que nécessaire.
L’organisation décrite ci-dessus n’est pas celle qui a prévalu jusqu’à présent, où de nombreux
acteurs n’avaient pas les moyens nécessaires ou bien estimaient que d’autres étaient mieux
placés pour agir. Mélanger la question de qui paye quoi et la question de qui fait quoi ne
conduit pas à des prises de position raisonnables. Les principes de financement doivent donc
être clarifiés d’abord en accord entre État, collectivités territoriales et acteurs privés. A ce
moment-là, sous l’égide du préfet, la nouvelle organisation qui vise à optimiser les actions

p. 134
Etude détaillée

opérationnelles peut être expliquée à tous les acteurs, donner lieu à des ajustements si
nécessaire, mais être fixée au plus tôt pour la saison 2016 – 2017.

6.3 Professionnalisation
Pour mettre en œuvre les dispositions ci-dessus, la mission a noté trois points que les acteurs
de la gestion des sargasses doivent soigner particulièrement:
• Encadrement des brigadiers verts en Guadeloupe, qui ne s’est pas appuyé pour
l’instant, contrairement à la Martinique et à Saint-Martin, sur des structures
expérimentées en gestion de personnels ayant connu un chômage de longue durée ;
préparation de la réinsertion des brigadiers dans les trois îles par des formations
spécifiques et des aides à la recherche d’emploi.
• Formation des conducteurs d’engins, avec un volet consacré aux précautions sanitaires
et environnementales, ainsi que des responsables de l’entretien.
• Culture du rapportage et développement des outils correspondants.

6.4 Des outils et méthodes à fixer pour le suivi des actions et la


communication
Comme pour tout phénomène soumis à des crises difficiles à prévoir, il est indispensable de
mettre en place une politique de communication sur le long terme pour limiter les
« emballements » médiatiques contre-productifs et au contraire valoriser les efforts des
acteurs qui s’impliquent. Il s’agit de mettre à disposition très régulièrement des informations
factuelles en toute transparence, y compris les petits incidents ou les mauvaises nouvelles,
plutôt que d’attendre des événements uniquement positifs pour communiquer. Ceci a été mis
en place dès le début du phénomène par les préfectures et l’ARS en ce qui concerne les
risques sanitaires. Mais la communication doit s’élargir aux autres aspects tels que les équipes
en place, les tonnages ramassés, les quantités traitées, les résultats partiels des
expérimentations ADEME, les financements mis en place etc. Dans ce but, les actions à
mener sont les suivantes, par les services de l’État et/ou les collectivités qui sont les plus
susceptibles d’apparaître objectifs :
• Désignation d’un chef de projet « communication » qui sera aussi le contact privilégié
des médias et le porte-parole de la cellule de crise.
• Identification des « producteurs d’information » pour les équiper d’outils de
rapportage quotidien (tels que l’application smartphone pour les pêcheurs de
Guadeloupe) ; accès à ces données brutes par internet à donner au grand public, pour
donner confiance ou satisfaire des acteurs spécialisés (à noter que les autorités
sanitaires ne le font pas pour l’instant avec les données de qualité de l’air : cf.
§3.2.2.1).
• Multiplication des webcams accessibles par internet montrant en continu les plages ou
les sites touristiques. Une telle transparence (similaire à ce que les stations de ski ont
mis en place face aux fluctuations de l’enneigement) sera positive sur la durée puisque
les épisodes de crise sont beaucoup moins fréquents que les périodes à arrivages
intermédiaires ou absents et certainement appréciée par les touristes qui jugeront sur
pièce et non d’après la rumeur. Il paraît même difficile de faire autrement à partir du

p. 135
Etude détaillée

moment où certains hôteliers se sont déjà équipés de la sorte dans plusieurs îles des
Caraïbes (et un site en Martinique)99.
• Production de synthèses régulières, que le grand public finira par préférer aux données
brutes si elles sont bien faites.
• Mise à disposition par les préfectures d’informations factuelles sur les actions menées,
de façon proactive auprès des médias et fréquente.

99
Voir le site http://seas-forecast.com/Pages/Webcams.php

p. 136
Etude détaillée

7 Les perspectives scientifiques et techniques

7.1 Le programme de recherche sur le phénomène maritime et sa


prévention éventuelle
Le plan gouvernemental comprend la conception d’un programme de recherche scientifique
sur le phénomène des sargasses aux Antilles. Au cours du deuxième semestre de 2015, le
ministère chargé de l’environnement (alors MEDDE) a constaté que la recherche sur ce sujet
était quasiment inexistante et a décidé de progresser en deux étapes : d’abord définir un
programme de recherche ciblée qui permette de créer une communauté scientifique française
compétente et, dans un deuxième temps, élargir à l’international le champ et les intervenants.
Le ministère a mandaté l’IRD en novembre 2015 pour coordonner les propositions des
scientifiques qui doivent combiner les disciplines de la biologie marine, de la télédétection, de
la courantologie et de l’océanographie. C’est donc le département « océan » qui est en charge.
Un budget de 50 k€ devait permettre de définir une problématique de recherche et de rédiger
un appel à projet centré sur les sujets suivants :
• description du phénomène en mer avec identification des sargasses par vues satellites
corrélées avec des observations en mer (types d’algues, analyses physico-chimiques,
suivi génétique) ;
• modélisation du phénomène : simulation de la dérive des algues selon les vents et les
courants et du développement biologique des sargasses.
L’IRD a constitué un groupe de travail en novembre 2015 pour réfléchir à l’étude de ces
questions sur le plan scientifique. Le groupe a élargi ses réflexions à l’impact de l’échouage
des sargasses en termes de sciences sociales et sur les écosystèmes. Les thèmes de la collecte
et de la valorisation ont été exclus. Compte tenu du caractère préliminaire des travaux et des
ressources limitées outre-mer sur ces sujets, il y a eu peu de contacts locaux. L’IRD et le
CEVA ignorent leurs réflexions réciproques.
Un comité d’orientation et un comité scientifique sont prévus.
L’appel à projet aurait dû intervenir début 2016 pour une remise au second semestre.
Le financement nécessaire à la mise en œuvre estimé à 1,5 M€ n’a pu être inscrit dans la loi
de finances pour 2016 et les perspectives pour 2017 sont pessimistes.
Dans ces conditions l’IRD n’a pas publié d’appel à projet, ne souhaitant pas engager les
candidats dans la soumission de projets ayant une trop faible chance de réalisation.
Par ailleurs, l’IRD :
• vient de dégager sur ses propres moyens un poste de post doctorant pour deux ans qui
serait d’abord en charge d’analyser l’état des travaux existants ou en cours ;
• soumis une demande d’intégration des questions sargasses dans la « campagne à la
mer » 2017 ; cette campagne fournira des données brutes dont l’exploitation restera à
conduire (et financer).

p. 137
Etude détaillée

Il envisage de demander au ministère chargé de l’environnement de redéployer le budget de


rédaction de l’appel d’offre pour financer ces travaux si la mobilisation des 1,5 M€ s’avérait
définitivement compromise.
En conclusion, l’IRD n’a pas encore pu remplir le rôle de coordination qui lui a été dévolu par
le ministère chargé de l’environnement.
Comme on l’a vu, des travaux se déroulent déjà sur une partie des thèmes envisagés (cf. §4.1
Annoncer les sargasses mais à quelle échelle et pour quoi faire ?).
Dans les Antilles, la mission n’a pas eu connaissance de projet de recherche en dehors des
réponses à l’appel d’offre de l’ADEME. Toutefois le projet PS-Carib traite des thèmes dont
l’IRD a la charge mais avec un financement de l’ADEME de Martinique. Le rôle attribué à
l’IRD au plan national n’a été évoqué par aucun interlocuteur.
En Guyane par contre, le CNRS avec divers partenaires (IFREMER, station de Roscoff,…) a
esquissé un programme. Ce programme porte sur la prédiction, la compréhension des facteurs
environnementaux, l’impact sur les tortues et la pêche maritime, la génétique. Ce programme
est conçu pour s’intégrer ou constituer une phase préalable au programme IRD. Divers
financements (ADEME, DEAL, CEREMA,…) ont été envisagés (140 k€) mais n’ont pas
encore abouti.

7.2 Des expérimentations techniques ADEME à la mise en œuvre d’un


plan d’action opérationnel
Les tableaux qui suivent récapitulent par thème l’ensemble des expérimentations en cours, la
majeure partie résultant de l’appel à manifestation d’intérêt lancé par l’ADEME et présenté
au § 3.5 mais certaines étant issues d’autres initiatives. Il s’agit de la situation actualisée à mi-
2016, avec un décalage à souligner des délais prévisionnels de remise des résultats pour une
grande partie des projets, qui sont supposés démarrer leurs investigations à l’automne suite à
des arrivages de sargasses suffisamment importants.

a) En matière d’alerte et de ramassage à terre des sargasses :

Contenu du projet Porteur Coût en k€ Résultats attendus Délai Suites envisageables pour les
acteurs
Total Subv
Réseau de suivi d’H2S Madininair 206 144 Niveau d’H2S par 13 terminé Préconisations, exposition de la
capteurs population et des travailleurs et
mise en ligne des résultats
Observations en mer Comité des 350 ? Application smartphone en Mi Déploiement autres îles
pêches Guadeloupe 2016
Prévision par satellite CLS 111 50 Prévision des arrivages ? Information sur période d’alerte
Ratissage en rideau, NOVUNDI 980 73 Rendement et coût du sept- Bioplastique : pilote 2017 puis
conditionnement des ramassage, préconisations 2016 usine 10.000 tonnes/an fin 2018
sargasses ramassées pour l’entrée en process
Ratissage sur plage SEEN - NET 194 116 Rendement, coût, impacts mi- Réplication

p. 138
Etude détaillée

du ratisseur Barber, du 2016 Autre projet de ramassage en baie


godet griffe et du râteau
goémonier
Prototype d’un engin AXINOR 200 112 Conception et plans Fin Construction du prototype en
spécifique au ramassage détaillés 2016 2017 sous réserve de coûts de
à terre des sargasses ramassage compétitifs
Dispositif mobile de NET 127 8 Dispositif testé 1000 mi- Réplication sous réserve
lavage des algues Caraïbes m³/mois 2017 d’abaisser sensiblement les coûts
ramassées annoncés de 140 € par m3
Dépôts DEAL et ? ? Tests sur zones de dépôts Fin Préconisations pour dépôts en
IRD 2016 zone tampon

Les 3 projets d’observation et l’analyse des dépôts correspondent à des besoins opérationnels
listés dans les chapitres précédents. Les deux expérimentations sur le ratissage ont fourni des
éléments concrets sur les matériels classiques qui seront utiles, en cas d’acquisition de
matériels ou de spécifications aux entreprises, pour multiplier les chantiers ; les autres ne
semblent pas réalistes sur un plan économique.

b) En matière de ramassage des sargasses en zone infra-littorale

Contenu du projet Porteur Coût en k€ Résultats attendus Délai Suites envisageables pour les
Total Subv acteurs

Essai de filets tractés DNS 109 76 Faisabilité, rendement, coût, Début Réplication si test positif
depuis la terre impacts 2017

Essai duporte-outils SDTP 88 62 Rendement, coût, impacts de mi- Utilisation possible en baie sous
amphibie Truxor cette plateforme de collecte 2016 réserve d’un accès ;
en zone infra-littorale recommandée en combinaison
avec une pelle long bras, sinon
limitée à 40 m³/j
Essai d’outils de ROM 188 56 Rendement, coût, impacts Début Extension de capacité à 80 m3/j
ramassage en zone d’un ratisseur manuel, d’un 2017
infra-littorale et de convoyeur et d’une
convoyage à terre plateforme amphibie
608 55 Rendement, coût, impacts Réplication si rentable
d’une barge de nettoyage
portuaire
Étude d’implantation et RIS’K 256 64 Faisabilité à partir du cas du Fin Réplication sous réserve
essai de barrages Marigot (100 ml) et du 2017 d’identification de sites
flottants Robert (700 ml) favorables
Essai de barrages avec SECHE - 256 64 Faisabilité et implantation des Début Réalisation du projet
pompage et transfert à Ecoservices barrages 2017 expérimental ci-dessous

p. 139
Etude détaillée

terre des algues 2000 600 Rendement, coût, impacts du Fin Extension avec barge et récolte
système de pompage et de 2017 de 25.000 T/an mi-2017
transfert à terre

Construction d’une STMI 275 83 Capacité et coût de collecte Fin Eléments du projet industriel de
barge de stockage pour et transfert des sargasses par 2017 collecte et valorisation en 2018,
transfert le Sargator non détaillé par l’entreprise
Pompage en zone infra- COPAME 5000 234 Rendement, coût, impacts du Fin Préalable à un projet industriel
littorale et décantation à système de collecte et 2017 de méthanisation non détaillé
terre décantation par l’entreprise

L’objectif de ces projets est fondamental car le ramassage de sargasses en zone infra-littorale
est un besoin important, notamment en Martinique, et un problème non résolu. Néanmoins,
les projets de barrages semblent plus aléatoires et les matériels en cours d’expérimentation
sont de trop petites dimensions par rapport aux besoins. Le tableau ci-dessus n’inclut pas un
projet de ramassage en pleine mer, reçu récemment par l’ADEME et dont la mission n’a pas
eu connaissance en détail, mais qui, de toute façon, n’est pas à retenir pour les raisons
expliquées au § 4.6

c) En matière de valorisation agricole

Coût en k€
Suites envisageables pour
Contenu du projet Porteur Résultats attendus Délai
Total Subv les acteurs

Amendement calco- Production de 1250


SORECTA 373 8 Test amendement agricole ?
carbonique tonnes/an
Analyses : composition,
Fin 2016
«SARGWA WP1», contaminants Information des instituts
INRA 225 73
propriétés des algues Pouvoir agronomique et sept- agricoles
biocide 2016
Test d’ensilage et granulés mi-2016
«SARGWA WP4» Test épandage igname oct-2016
Cahiers des charges pour
Tests d’enfouissement,
INRA 319 120 Test d’appétabilité animale déc-2016 utilisation en agriculture ou
épandage et utilisation
élevage
pour l’élevage
Tests enfouissement,
mi-2017
compostage igname et melon
mars-
Analyse et minéralisation
2016
Composition des algues, avril-
essais agronomiques sur Essai patate douce Cahiers des charges pour
IT2 353 211 2016
cultures, impacts sur les utilisation en agriculture
sols juin-
Essai canne à sucre
2016
Essai maraîchage et banane à définir

p. 140
Etude détaillée

sept-
Confirmations
2017
Extension de la Transformation de 26.000
Début Principal débouché avéré
plateforme de HOLDEX 12650 4950 tonnes/an de sargasses en
2017 en Martinique
compostage compost
Utilisation industrielle au
Intégration d’algues
Test de 3 types d’algues, de 3 sept- SME (Martinique),
dans le compostage de SME 99 46
process et de 10 mélanges 2016 potentiel de 2000 tonnes/an
boues d’épuration
de sargasses
Séchage et intégration Étude économique de
IDEX Conformité du compost à la sept-
dans le procédé de 96 67 l’utilisation industrielle au
Environmt norme 2016
compostage CVO (Martinique)
Intégration des algues Test de substitution partielle
SITA Utilisation industrielle au
dans diverses filières de 134 50 aux déchets verts ou bagasse nov-2016
VERDE Moule (Guadeloupe)
compostage sur la plateforme de Gardel
Conditions lavage, avril-
prétraitement 2016
Étude du potentiel de Pilote industriel puis
sept-
valorisation en AMADEITE 47 25 Procédés d’extraction construction d’une usine de
2016
alimentation animale nutrition et santé animale
janv-
Caractérisation des extraits
2017

Tous ces projets apporteront des éléments techniques utiles, mais avec un délai important
pour les expérimentations agronomiques, et se différencieront en fonction de leurs
performances économiques.
d) En matière de valorisation industrielle

Contenu du projet Porteur Coût en k€ Résultats attendus Délai Suites envisageables pour les
Total Subv acteurs

«ECOVALSAR» Étude ECODEC 3555 17 Tests des procédés de ? Introduction dans les chaudières
du potentiel énergétique torréfaction ou pyrolyse hors période de bagasse,
des sargasses en (potentiel calorifique, potentiel de 22000 tonnes/an de
incinération comportement, rejet sargasses
polluant)
Étude du potentiel DSK 27 19 Potentiel énergétique de la terminé Projet de filière de traitement de
énergétique des algues pyrolyse selon les co- divers déchets par pyrolyse
en incinération substrats
Étude du potentiel Innov-Dévt 1656 9 Potentiel méthanogène, mi- Usine de méthanisation,
énergétique des algues prétraitement, analyse 2016 potentiel de 11000 tonnes/an
en méthanisation économique
Étude de la composition St François 35 25 Analyses ? Étude de faisabilité puis pilote
des algues en alginates industriel puis usine, potentiel
de 60000 tonnes/an

p. 141
Etude détaillée

Ces expérimentations sont des explorations préliminaires très en amont de réalisations


industrielles. Elles devront démontrer leur compétitivité par rapport à des projets plus avancés
comme celui d’Algopack cité en a) ci-dessus.
Ce programme dans ses quatre thèmes ci-dessus est très utile et les acteurs de terrain attendent
beaucoup d’éléments très opérationnels pour améliorer leur gestion ou investir dans les bons
outils. En outre, la planification des actions curatives pourra être amendée à chaque fois que
les expérimentations fourniront des résultats nouveaux, même partiels, à l’image des
premières fiches synthétiques élaborées par l’ADEME et mentionnées au chapitre 3.
Toutefois, l’analyse détaillée du programme montre que, contrairement à ce que les intitulés
des projets pourraient laisser croire, il ne faut pas en attendre la solution dès la campagne de
2016 à toutes les questions:
• La plupart des projets ne seront terminés que fin 2016 ou en 2017 ; il faut donc
identifier et diffuser sans attendre les résultats intermédiaires : à part quelques projets
qui ont débuté rapidement en Martinique, les projets vont démarrer pour la plupart au
plus tôt à l’automne 2016 car on attend des arrivages de sargasses pour effectuer les
tests. Les projets s’étalent sur au moins 6 mois et certains dureront jusqu’à 18 mois ou
2 ans, mais en fournissant entre-temps des résultats.

• La plupart des résultats ne seront qu’une étape préliminaire ; il faut enchaîner


rapidement des développements complémentaires vers des solutions opérationnelles :
les projets de ramassage fourniront des résultats soit directement applicables, soit
nécessitant la construction ou l’aménagement de matériels qui ne seront opérationnels
que 6 à 12 mois plus tard100. Les projets de valorisation sont très souvent des phases
de préfaisabilité sans évaluation économique101, dont les résultats alimenteront
éventuellement une phase de pilote industriel puis, si la faisabilité économique et le
financement sont trouvés, une phase de construction d’usine nécessitant des appels
d’offres et des investissements importants sur un ou deux ans supplémentaires.

• Le programme doit être complété sur certains aspects essentiels de la réponse


opérationnelle attendue : la question du stockage intermédiaire pour limiter les odeurs
et les modalités de transport sont des maillons manquants. En effet, la consigne
d’épandre les sargasses ramassées en couche de moins de 20 cm pour les égoutter
pendant 2 à 3 jours au plus est très souvent irréaliste, soit par manque de place soit en
raison du coût ; en Martinique, de nombreux acteurs déclarent avoir procédé
autrement sans que cela n’ait généré d’odeurs, mais cela n’est pas suivi ni
documenté102. Le transport, s’il est effectué avec des matériels classiques, est un
maillon des filières dont le coût est aussi important que celui du ramassage. Des
alternatives aux camions ou tracteurs et l’optimisation des distances de transport sont à
étudier, mais aucun projet n’a été proposé sur ce thème.

100
Cas du projet AXINOR qui envisage la construction d’un engin spécifiquement adapté aux plages des
Antilles, mais sans aucune indication de coût pour les phases de réplication du prototype
101
C’est par exemple le cas du projet DSK qui est terminé et démontre uniquement le faible pouvoir calorifique
des sargasses et la nécessité de les mélanger à d’autres produits à brûler, ainsi que la supériorité de la pyrolyse
sur l’incinération. La suite de ce projet n’est pas définie.
102
Les projets de l’INRA ou de la commune de Saint-François pourraient incorporer ce thème sans bouleverser
leur programme mais sous réserve d’un protocole expérimental à valider collectivement

p. 142
Etude détaillée

• Le programme ne fournira pas en général les éléments économiques nécessaires pour


apprécier le réalisme de la mise en œuvre opérationnelle des projets ; la puissance
publique doit combler ces lacunes ou privilégier les modèles économiques clairs dans
ses subventionnements : les dossiers de candidature des projets ne comportent pas,
sauf rares exceptions, d’informations sur les « business plans » susceptibles de servir
de modèle économique lors de la mise en œuvre des solutions opérationnelles. Il est
vrai que certains projets, en particulier dans le domaine de la valorisation, sont dans
l’incapacité de le faire car ils n’en sont qu’au stade d’une idée très préliminaire à
tester ; d’autres porteurs de projet indiquent clairement qu’ils entendent bénéficier de
leur expérimentation pour leur propre entreprise dans un contexte concurrentiel103 et
ne fourniront pas d’informations sur les recettes et dépenses potentielles. Certains
projets indiquent un montant par tonne auquel ils estiment pouvoir ramasser les
sargasses ou les accepter pour traitement ou valorisation ; ces montants supposent que
les investissements post-expérimentation, qui ne sont pas souvent chiffrés, soient
largement (parfois même totalement) aidés par la puissance publique et, malgré cela,
certains projets annoncent des coûts prohibitifs. C’est ainsi que, à juste titre, le projet
de barrage flottant mobile Cubisystem n’a pas été encouragé par l’ADEME au-delà
d’une démonstration.
Tenant compte du fait que, même si l’enveloppe de 2,5 M€ a déjà été presque totalement
engagée pour des expérimentations, beaucoup de projets n’ont pas démarré ou sont encore à la
recherche de financements complémentaires à ceux de l’AMI des ADEME, la mission
recommande d’amender ce programme et d’en renforcer le pilotage, pour qu’il apporte plus
rapidement et davantage de réponses opérationnelles à la fois techniques et économiques.
• Tout d’abord, en négociant avec les porteurs de projet, soit des compléments d’étude
sur les volets manquants ou des compléments d’expérimentation permettant
d’accélérer la mise en œuvre opérationnelle, soit des analyses économiques en
complément aux résultats techniques. A titre d’exemple, une expérimentation
scientifique sur les odeurs issues de différents dépôts de sargasses (selon durées
d’échouage et de ressuyage, épaisseur, pluviométrie etc.) serait très utile à court terme.

• Ensuite, en exigeant des porteurs de projet production et communication de résultats


partiels directement exploitables au fil des projets sans attendre le rapport final,
surtout pour les projets de longue durée. Ceci nécessiterait parfois que l’ADEME
reformule ses attentes. Par exemple, comme indiqué au chapitre 5, les projets de
valorisation agronomique devraient répondre dès le départ à la question de savoir
quelle est la dose de sargasses que l’on peut épandre sans risque d’après la
bibliographie et des hypothèses conservatoires (« mesures sans regret »), pour les prés,
la canne à sucre, l’arboriculture et le maraîchage selon différents types de sols, même
si le projet est conçu pour donner après 2 ans de suivi des doses plus élevées.

• Enfin, en arrêtant les projets les moins réalistes dans la mesure du possible et en
donnant priorité, dans les dépenses restant à engager, à un appui à la maîtrise
d’ouvrage qui constitue un pilotage du programme par l’économie et non par la
103
C’est le cas du projet SORECTA de fabrication d’amendement organique

p. 143
Etude détaillée

technique. A titre d’exemple, la question à poser aux porteurs de projets de ramassage


en eau n’est pas de vérifier que l’on peut collecter des algues avec un système
prédéfini à un coût de 100 €/tonne, mais plutôt de rechercher les aménagements ou
dimensionnements qui permettraient de ramasser à un coût de 50 €/tonne.
Pour mener à bien cette réorientation, le groupe de travail ayant effectué la sélection des
projets doit être élargi et pérennisé en comité de pilotage. Pour ce qui concerne l’épandage
agricole, le comité de pilotage s’appuiera sur le groupe technico-scientifique en charge du
suivi de cette filière préférentielle et rassemblant les compétences spécialisées de ce domaine.

7.3 Proposition de séminaire d’échanges d’expériences


Les rencontres effectuées à Sainte-Lucie auprès des autorités de ce pays, mais aussi auprès
d’organismes internationaux qui y sont présents, ont souligné le besoin très fort d’échanger
des expériences pratiques entre les pays de la région pour faire face à la gestion opérationnelle
du phénomène nouveau des arrivages massifs de sargasses. Ceci est largement confirmé par
les notes élaborées par les postes diplomatiques de la région et par la recrudescence des
séminaires dédiés à cette question depuis deux ans. La mission souligne aussi le fait qu’il y a
intérêt à confronter les expériences rien qu’entre les différentes îles des Antilles françaises,
même si des échanges ont lieu entre spécialistes ou si des synergies ont déjà été recherchées
par exemple lors de l’AMI des ADEME.
Une première initiative en ce sens est celle du soutien au centre d’activités régionales pour la
mise en œuvre du protocole sur la gestion des aires marines protégées (« CAR-SPAW »
d’après le sigle anglais) de la convention de Carthagène sur la protection de la Mer des
Caraïbes. En effet, ce centre basé en Guadeloupe a recruté, grâce au soutien de la France, une
chargée de mission sargasses qui anime un forum régional d’échanges sur ce sujet.
Pour l’avenir, la France a proposé aux instances de l’AEC la tenue d’un colloque international
sur les sargasses, en Guadeloupe104. Compte tenu des analyses qui précèdent, la mission
recommande de centrer ce colloque sur la gestion opérationnelle des sargasses et non sur la
recherche scientifique qui n’a rien à présenter sauf un état des connaissances embryonnaire
(qui est toujours le même depuis deux ans dans les différents colloques) et des projets futurs
non démarrés. En outre, la gestion opérationnelle est un sujet sur lequel les opérateurs des
Antilles françaises investissent de façon significative et sont susceptibles d’envisager des
retombées économiques. Si cet objectif est retenu pour le séminaire, il convient de ne pas
précipiter l’événement et de le reporter plutôt à l’automne 2017, de manière à obtenir au
préalable des résultats effectifs du programme d’expérimentation (actuellement à l’arrêt par
manque de sargasses), à bien identifier les points forts du dispositif français (projets mûrs
économiquement et originaux) qui seront issus de ce programme, puis à sélectionner les
résultats peuvent être portés à connaissance sans dévoiler les savoir-faire lorsque cela pourrait
nuire à la compétitivité des entreprises. Ce délai permettrait aussi de rechercher les meilleures
synergies avec d’autres colloques prévus périodiquement dans les Caraïbes, tels que le
symposium du GCFI.

104
XXIe réunion ordinaire de l’AEC, Pétion-Ville, République d’Haïti, 19 janvier 2016

p. 144
Etude détaillée

8 Les scénarios de coûts et de financement des actions


Compte-tenu de l’impact limité des échouages de 2015 en Guyane et de l’absence de retour
d’expérience consécutif, le présent chapitre ne traite que des Antilles.

8.1 Un scénario prospectif combinant une année avec des arrivages


massifs, similaires à 2014 – 2015, et des années avec des
échouages beaucoup plus faibles
8.1.1 Le scénario prévisionnel
Une situation de crise s’est déjà produite ; la seule inconnue, comme pour beaucoup
d’événements naturels, n’est pas de savoir si elle se reproduira mais uniquement de savoir
quand elle aura lieu.
Dans le cas des sargasses aux Antilles, on ne dispose pas du recul suffisant pour envisager
une intensité et une fréquence précises des arrivages ; en revanche, on peut comparer les
situations avec celles rencontrées plus au nord dans l’autre boucle de circulation de sargasses
et qui ont été observées sur de longues durées. La reconstitution des échouages sur les côtes
du Texas montre qu’il n’y a pas d’échouage environ 2 années sur 3, que des échouages se
produisent avec une intensité raisonnable (moins de 10 épisodes dans la même année) environ
1 année sur 5 et que les arrivages massifs et multiples sont observés moins de 2% des années.
En outre, les années d’échouages sont plutôt regroupées sur 8 à 10 années successives, même
si on observe des années sans échouage au milieu de ces regroupements. Ceci est cohérent
avec le fait que la croissance des sargasses est exponentielle en condition favorable (eaux
chaudes, nutriments, mer calme) tandis que leur disparition est plus régulière. Il y a alternance
de croissance et décroissance sur plusieurs années des quantités de sargasses, mais il est
certain que celles-ci ne disparaissent jamais complètement puisque certains poissons sont
endémiques dans ces tapis d’algues, ce qui démontre leur permanence à l’échelle de temps
très longue de l’évolution des espèces105.
Il n’y a pas de raison d’appliquer exactement les fréquences observées au Texas au cas des
Antilles françaises. En revanche, le phénomène étant de même nature, on peut considérer que
la forte variabilité inter-annuelle en est une caractéristique intrinsèque, ce qui est cohérent
avec d’autres types de proliférations algales en mer ou en eaux douces. La mission propose de
se préparer aux scénarios suivants : une situation rare de crise similaire à celle de 2014 – 2015
avec plus d’une dizaine d’arrivages massifs dans l’année, une situation intermédiaire d’années
avec arrivages de moindre ampleur et une situation beaucoup plus fréquente d’années sans
échouages importants.

8.1.2 Les volumes en jeu, à l’année ou en pointe journalière

A l’avenir, si les préconisations de ramassage et ressuyage dans les 3 jours après échouage à
terre ou dans les 10 jours après échouage en zone infra-litttorale sont respectées, les quantités
pour dimensionner le scénario sont les volumes de sargasses échouées récemment, qu’il faut

105
(Smetacek & Zingone, 2013)

p. 145
Etude détaillée

ramasser et mettre en tas, les volumes de sargasses ressuyées, qu’il faut transporter puis
traiter, et les volumes de sargasses séchées qui vont conditionner la capacité des zones de
dépôt. Les sargasses qui seront laissées échouées plus longtemps ne se trouvent que dans des
zones sans enjeu et ne seront pas ramassées.

La situation de crise correspond à la période d’octobre 2014 à octobre 2015, pour laquelle les
volumes ont été estimés au chapitre 1. La contrainte qui va dimensionner les réponses à
mettre en place, en termes d’investissement et d’équipement en moyens humains et matériels,
est celle du volume de pointe, tandis que la contrainte qui va dimensionner le coût total, en
termes de fonctionnement, est celle du volume annuel. En pointe, les sargasses échouées à
terre doivent être collectées dans les 3 jours qui suivent leur dépôt, mais elles ne se déposent à
terre que progressivement, au fur et à mesure que la plage, est nettoyée et continuent à flotter
pendant environ une semaine, ce qui est la situation aussi pour les côtes où il n’y a pas de
terrain suffisamment plat pour que les sargasses puissent s’y déposer. Par conséquent, pour
tous les cas, on peut considérer un délai de 7 jours pour collecter en continu et traiter un
arrivage massif. Par ailleurs, sur la dizaine d’épisodes observés en Martinique en 2014 –
2015, le plus important a représenté de l’ordre de 1,5 fois les autres (en termes de surface de
sargasses flottantes, donc de volume échoué).

Pour la Martinique, le volume annuel représente 500.000 m3 de sargasses dont 300.000 m3 à


ramasser en zones à enjeu et 100.000 m3 de sargasses ressuyées à transporter et à traiter ;
compte tenu des hypothèses ci-dessus, le volume de pointe correspond à 6.000 m3 par jour à
ramasser en zone à enjeu et 2.000 m3 par jour de sargasses ressuyées à transporter. Pour la
Guadeloupe, le volume annuel représente 430.000 m3 de sargasses dont 345.000 m3 à
ramasser en zones à enjeu et 115.000 m3 de sargasses ressuyées à transporter et à traiter, dont
environ 36% pour les îles de la Désirade, des Saintes et de Marie-Galante. Compte tenu des
hypothèses ci-dessus, le volume de pointe correspond à 6.900 m3 par jour à ramasser en zone
à enjeu et 2.300 m3 par jour de sargasses ressuyées à transporter et à traiter. Pour les îles du
nord, le volume annuel représente 50.000 m3 de sargasses dont 40.000 m3 à ramasser en zones
à enjeu et 13.000 m3 de sargasses ressuyées à transporter et à traiter ; compte tenu des
hypothèses ci-dessus, le volume de pointe correspond à 800 m3 par jour à ramasser en zone à
enjeu et 260 m3 par jour de sargasses ressuyées à transporter et à traiter.

Ces valeurs n’ont rien de choquant au regard des chiffres avancés par exemple pour la côte
mexicaine du Yucatan : 9,1 millions de m3 de sargasses échouées pendant un épisode de 4
semaines et 4.600 brigadiers embauchés pour le ramassage106. En Guyane, sur la plage de
Yalimapo, une couche de sargasses de 50 à 80 cm de haut sur 10 m de large et environ 4 km
de long s’est échouée en une journée, représentant environ 24 000 m3, soit environ 6 m3 par
mètre linéaire de côte. Si ces sargasses atterrissaient dans un site à enjeu sans reprise par la
mer, il faudrait collecter ce volume en 3 jours, correspondant à 13.000 m3 par jour à ramasser
et à plus de 4.000 m3 par jour de sargasses ressuyées à transporter et à traiter.

106
Cité par le vice-recteur de l’université des West Indies à l’ouverture du symposium sur les sargasses, Barbade
août 2015

p. 146
Etude détaillée

8.2 Des coûts et des volumes qui varient à l’intérieur d’une


fourchette d’incertitude large
8.2.1 Schéma des filières envisageables

Une filière est la combinaison d’un ramassage des sargasses, à terre ou dans l’eau, puis d’un
stockage intermédiaire qui est recommandé pour régulariser et ressuyer les flux d’algues à
transporter et pour limiter la production ultérieure d’odeurs, puis d’un transport des sargasses
vers un site de traitement ou de valorisation et enfin d’un prétraitement et d’un process de
transformation. Une grande variété de combinaisons sera nécessaire pour faire face à la
variété des situations d’échouage et à la variété des types de traitement ou de valorisation, et
en raison de la variété des matériels ou équipements envisageables. Il faut rechercher les
combinaisons dans lesquelles chaque étape respecte les exigences de l’étape ultérieure, mais
aussi qui soient les plus rapides et les moins coûteuses. En particulier, tout enchaînement qui
évite des manipulations successives est à privilégier : par exemple, ramasser les sargasses
dans le rideau d’eau avec un tapis roulant égoutteur et les transporter par bande transporteuse
jusqu’à une usine de traitement évite une étape de stockage intermédiaire et utilise des
équipements de transport beaucoup moins coûteux que les camions. Mais cette solution
suppose une combinaison de facteurs favorables, qu’on ne trouvera pas souvent, pour installer
les convoyeurs, qui plus est si on y inclut le coût du traitement.

Les chapitres 4 et 5 ont décrit les types de ramassage (manuel ou mécanique, à terre ou dans
l’eau) et les types de traitement ou de valorisation des sargasses. A partir de ces éléments, la
mission a dressé le panorama des différentes filières envisageables à terme dans le sens où,
depuis le ramassage jusqu’au traitement ou à la valorisation, chaque étape satisfait les
exigences de l’étape suivante :

p. 147
Etude détaillée

Figure 8: Schéma de synthèse des filières envisageables du ramassage jusqu'à la valorisation


des sargasses

Face à toutes les incertitudes concernant les volumes d’arrivages de sargasses sur l’année
ou en pointe ou concernant les techniques de ramassage et de valorisation qui sont en cours
d’expérimentation, la mission n’est pas en position de décréter de manière précise et
quantifiée les quelques filières qui assureront pour chacune des îles la maîtrise des nuisances
dues aux arrivages massifs de sargasses.

Toutefois, les différents types de ramassage seront imposés par le type d’échouage et
d’accès, à l’exception du ramassage manuel qui est susceptible de traiter plusieurs types de
configuration. Ce type de ramassage étant beaucoup plus coûteux que le ramassage
mécanisé, il devra être orienté en priorité vers les zones non accessibles aux engins. En
revanche, les différents types de traitement ou de valorisation peuvent être classés entre eux
depuis le moins coûteux jusqu’au plus coûteux. Le programme opérationnel consistera par
conséquent à utiliser la modalité la moins coûteuse jusqu’à sa limite de capacité puis la
modalité suivante en terme de coût etc. Ces hypothèses permettront d’aboutir à une
estimation des coûts totaux.

p. 148
Etude détaillée

8.2.2 Catalogue des coûts unitaires


Dans ce paragraphe, il s’agit uniquement des coûts de fonctionnement : comme on le verra au
paragraphe suivant, les investissements nécessaires sont déjà faits ou bien à financer par les
outils existants (défiscalisation, soutiens financiers de l’ADEME, etc.).
Les coûts de collecte dépendent de la configuration du littoral et des modes de ramassage.
D’après le chapitre 4 cela conduit à quatre types de ramassage associés à des coûts assez
différenciés :
• ramassage à terre mécanisé : 10 €/ m3 ;
• ramassage en eau avec un engin terrestre : 15 €/ m3 ;
• ramassage à terre manuel : 30,50 €/ m3 ;
• ramassage en eau proche du littoral mais sans accès aux engins terrestres : 40 €/ m3.

Le ressuyage et le transport constituent une étape difficile à éviter, dont les coûts peuvent être
optimisés en évitant les reprises des sargasses par plusieurs engins successivement, en
réduisant les trajets entre les lieux de ramassage, de stockage et de valorisation ou en
augmentant les capacités des bennes de transport. Mais dans l’ensemble, les coûts unitaires
resteront proches des valeurs suivantes :
• reprise du tas et chargement des algues : 2 € /m3 ;
• transport par camion : 1,5 à 2 € par tonne x kilomètre, ce qui revient à 5 € / m3 pour
une distance de 10 km ;
• transport par bateau pour rapatrier sur la Guadeloupe les déchets des îles de La
Désirade, Marie-Galante ou Les Saintes : 35 € / tonne soit 9 € /m3.

En ce qui concerne le traitement ou la valorisation, les filières clairement identifiées pour le


court et moyen terme se limitent aux suivantes, qui pourront fonctionner aux coûts unitaires
indiqués :
• Dépôt et reprise après minéralisation. C’est le type de traitement qui a été le plus
utilisé en 2014 et 2015, mais dont il faudra autant que possible faire évoluer les
modalités pratiques pour mieux prendre en compte les risques de pollution
irréversible des sols et éviter les nuisances au voisinage des sites. Ce type de
traitement consiste en terrassements et transports pour étaler les sargasses et reprendre
en fin de saison ce qui a été séché et minéralisé puis recharger certaines plages. Le
coût unitaire est estimé à 5 € / m3.

• Epandage sur terres cultivées ou surfaces en herbe. Ce type de traitement est loin
d’être opérationnel à grande échelle en 2016, même s’il a déjà été utilisé
ponctuellement. Le coût sera sans doute différent selon le type de culture et fortement
influencé par la taille des parcelles, selon que celle-ci permet ou non la mécanisation.
Une valeur vraisemblable en bonnes conditions serait de 5 € / m3, la fourchette du
coût variant sans doute entre 2 et 25.

• Compostage. Il faut distinguer :

p. 149
Etude détaillée

a) le cas de l’entreprise Holdex qui, en Martinique, est déjà opérationnelle et accepte les
sargasses gratuitement si celles-ci sont propres (elle ne facture que le retrait des déchets
mélangés aux algues à hauteur de 0,5 € / m3). En effet, elle équilibre ses coûts de
production par ses ventes de compost.
b) le cas de l’entreprise Verde de Saint Martin, opérationnelle également, qui pratique un
tarif de 10 € / m3.
c) le cas des autres plateformes de compostage en Martinique et en Guadeloupe qui sont à
étudier ou à construire et annoncent pour l’instant des tarifs supérieurs à 20 € / m3. On
peut espérer que ces prévisions seront ramenées à 15 € / m3 lorsque les essais seront
terminés.

Les expérimentations qui démarrent sur d’autres procédés industriels ont annoncé très peu
d’éléments de coût, sauf le procédé de transformation des sargasses en billes de plastique
biodégradable qui envisage, comme Holdex, d’équilibrer ses charges par les produits des
ventes si les sargasses sont apportées nettoyées. La mission propose à ce stade de prendre la
même hypothèse pour les autres procédés industriels envisageables. En effet, si d’autres
procédés facturent les entrées de sargasses à des coûts supérieurs, la concurrence devrait jouer
par rapport au compostage de type Holdex et conduire les industriels à accepter les mêmes
conditions économiques ou à abandonner leur projet. Il reviendra en particulier à l’ADEME
de veiller à ce que les aides publiques à l’investissement ne viennent pas fausser ce principe.
Les procédés industriels sont donc envisagés à un coût de traitement quasi nul, même si cela
ne pourra s’appliquer qu’après plusieurs années de développement.

8.2.3 Hypothèses de volumes pour les différentes modalités d’intervention


Dans ce paragraphe, il s’agit des besoins de pointe journaliers selon les différents types de
ramassage, stockage ou traitement. Si les capacités sont inférieures aux besoins, les
investissements à consentir pour mettre en place les équipements nécessaires sont indiqués en
ordre de grandeur. Les capacités de collecte, stockage, transport, traitement ou valorisation
sont susceptibles d’évoluer au cours du temps, notamment pour les installations de
valorisation qui suivront, comme souligné au chapitre 5, un processus de développement sur
plusieurs années à partir de 2016.
La mission bâtit donc un scénario pour le moyen terme avec indication des limites à
considérer pour 2016 ou début 2017. Les hypothèses de répartition entre les 4 types de
ramassage des volumes indiqués au chapitre 1, simplificatrices mais néanmoins spécifiques à
chaque territoire, sont les suivantes:

p. 150
Etude détaillée

Ramassage en En eaux infra littorales En eaux infra littorales A terre A terre


Martinique sans accès depuis la terre avec accès aux engins manuel mécanisé
Besoin en m3/j 2.800 1.400 400 1.400
Equipement 56 sargators !! 7 pelles 90 pers. 3 ratisseurs
nécessaire (barges collecteuses)
Investissement Hors de portée Disponible dans le parc Déjà fait Déjà fait
nécessaire privé d’engins TP
Volume annuel en m3 140.000 70.000 20.000 70.000

Ramassage en En eaux infra littorales En eaux infra littorales A terre A terre


Guadeloupe sans accès depuis la terre avec accès aux engins manuel mécanisé
Besoin en m3/j 700 1.500 400 4.300
Equipement nécessaire 14 sargators !! 8 pelles 90 pers. 10 ratisseurs
(barges collecteuses)
Investissement Hors de portée Disponible dans le parc Déjà fait 5 ratisseurs
nécessaire privé d’engins TP ~ 300 k€
Volume annuel en m3 35.000 75.000 20.000 215.000

Les tableaux ci-dessus montrent que le ramassage à terre semble maîtrisable avec les outils
existants, alors que le ramassage en eau infra littorale reste, en l’état actuel, en dehors des
conditions économiques réalistes. Si les expérimentations en cours sont réorientées comme
proposé au chapitre 7.2, le pompage ou les convoyeurs doivent apporter une réponse à
condition que les équipements soient conçus dès le départ et dimensionnés pour aboutir à des
coûts de fonctionnement réalistes. Par exemple un système de convoyeur par tapis roulant est
excellent mais doit atteindre des capacités de l’ordre de 50 m3/h au lieu des 5 à 7 m3/h du
sargator.
Le ressuyage étant effectué par tas de 2 m de haut pendant 3 jours, la surface nécessaire en
pointe est de 2,7 ha en Martinique, soit un cumul de 5 ha environ si on tient compte du fait
que les arrivages ne sont pas toujours aux mêmes endroits. La surface cumulée nécessaire au
ressuyage en Guadeloupe est de 6 ha et, pour les îles du Nord, de moins d’un ha. Les volumes
de sargasses ressuyées sont les volumes à reprendre et transporter, soit 2.000 m3/j en
Martinique, ce qui nécessite de mobiliser un parc de 25 bennes d’une taille moyenne de 10 m3
effectuant 8 rotations par jour, avec camions ou tracteurs. En Guadeloupe, le volume ressuyé
à transporter serait de 2.300 m3/j correspondant à 28 bennes et, pour les îles du Nord, un
volume à transporter de 260 m3/j correspondant à 3 bennes.
En ce qui concerne le traitement ou la valorisation, on suppose que le volume de sargasses
apportées en jour de pointe doit pouvoir entrer en traitement le même jour, même si certains
sites pourront disposer de capacités de stockage sécurisées vis-à-vis de la production d’odeurs
leur permettant de régulariser leur fonctionnement. L’épandage agricole en revanche n’est pas

p. 151
Etude détaillée

tenu d’absorber le volume de pointe en une journée puisque les sargasses ressuyées peuvent
être stockées en bout de champ pendant longtemps avant d’être épandues.
On suppose une capacité de valorisation industrielle à moyen terme de 400 m3/j de sargasses
ressuyées en Martinique comme en Guadeloupe, correspondant à 15.000 m3 par an, les
installations pouvant être dimensionnées au-delà puisque l’activité cherchera d’autres sources
d’approvisionnement en sargasses pour les années ou les saisons sans arrivage. Cette
valorisation pourrait prendre la forme de transformation en plastique biodégradable, en
aliments du bétail ou en granulés pour méthanisation, procédés dont l’expérimentation ne fait
que commencer.
Pour les autres traitements en Martinique, le compostage par l’entreprise Holdex est celui qui
coûte le moins cher et il sera dimensionné courant 2017 pour accepter 1.000 m3/j de sargasses
ressuyées, sous réserve de l’analyse conduite au paragraphe 5.5.
Les quantités restantes étant relativement faibles, estimées à 600 m3/j, l’épandage a une
capacité très supérieure aux besoins puisque 10 ha suffiraient à accueillir 8.000 m3 pour un
arrivage massif d’une semaine. 100 ha seraient donc suffisants pour l’année de crise définie
au paragraphe 8.1.1. Ce mode de valorisation sera préféré au dépôt parce qu’il offre moins de
risques de nuisances aux sols ou au voisinage, bien que légèrement plus cher et nécessitant un
délai de mise au point avec la profession agricole.
En Guadeloupe, le compostage pourrait atteindre une capacité de 400 m3/j de sargasses
ressuyées mais à moyen terme seulement compte tenu du faible avancement des
expérimentations et du dimensionnement des plateformes existantes. Les quantités restantes
sont relativement importantes, estimées à 1.800 m3/j de sargasses ressuyées, et seraient
réparties pour 1/3 sur des terrains de dépôt et pour 2/3 en épandage agricole. En effet, le
recensement des terrains susceptibles d’accueillir des sargasses ressuyées pour séchage et
minéralisation, effectué par la DAAF, indique un potentiel important de terrains sur les 21
communes les plus touchées par les arrivages massifs. Ce potentiel de plus de 2.500 ha ne
sera évidemment jamais utilisable en totalité, compte tenu des risques pour les sols qui
élimineront beaucoup de terrains, compte tenu des conditions d’accès, de limitation des
nuisances au voisinage et compte tenu de la négociation avec les propriétaires, même si une
proportion significative de ces terrains est publique. Une hypothèse de 20 ha réservés
permettrait d’absorber 10.000 m3 sur les arrivages de l’année de crise, au rythme de 600 m3/j
en pointe, en supposant que les dépôts ne soient renouvelés que tous les 2 ans sur la même
parcelle. Pour l’épandage, les surfaces en herbe ou les cultures offrent un potentiel très
supérieur aux besoins mais qui dépendra aussi des risques pour les sols, des calendriers des
cultures, ainsi que de la négociation avec les agriculteurs et du coût d’épandage qui varie
sensiblement. Avec le même raisonnement que pour la Martinique, une surface de 200 ha
suffirait pour les besoins de l’année de crise.
En conclusion, les chiffres qui précèdent, même si ce ne sont que des ordres de grandeur,
montrent que les Antilles françaises peuvent absorber les quantités échouées
essentiellement avec le compostage et l’épandage, même en période d’échouages massifs
de sargasses.

p. 152
Etude détaillée

8.2.4 Coûts totaux pour chacune des îles


Les hypothèses concernant les coûts unitaires et les volumes, hypothèses prises dans les deux
paragraphes précédents, permettent de calculer un coût global pour chacun des archipels en
année de crise, mais aussi en année d’échouages intermédiaires, en utilisant les filières les
moins coûteuses qui ne seront pas saturées lors de ce type de situation. Les coûts estimés sont
le tableau suivant :

Tableau 3: Ordre de grandeur des coûts de gestion des sargasses en année de crise et en
année intermédiaire
Année de crise Martinique Guadeloupe Iles du Nord

Volume à ramasser en pointe en m3/j 6.000 6.900 800

Volume annuel à collecter en m3 300.000 345.000 40.000

Volume annuel ressuyé à traiter en m3 99.000 113.850 13.200

Coût de collecte en k€ 8.100 5.934 700

Coût de transport en k€ 495 586 66

Coût de traitement en k€ 87 646 116

Coût total en M€ 8,7 7,2 0,9

Année d’échouages intermédiaires Martinique Guadeloupe Iles du Nord

Volume à ramasser en pointe en m3/j 6.000 6.900 800

Volume annuel à collecter en m3 60.000 69.000 16.000

Volume annuel ressuyé à traiter en m3 19.800 22.770 5.280

Coût de collecte en k€ 1.740 1.505 40.000

Coût de transport en k€ 99 114 26

Coût de traitement en k€ 10 228 53

Coût total en M€ 1,9 1.9 0.5

A noter que ces coûts estimés sont cohérents avec la seule comptabilisation exhaustive des
dépenses qui ait été effectuée en 2014 – 2015 : 330 k€ de supplément de dépenses pour l’île
de Saint Barthélemy.
Il convient d’ajouter à ces coûts opérationnels futurs, qui dépendent des quantités d’arrivage,
des coûts d’étude et de gestion absolument indispensables pour les deux premières années à
partir de 2016 pour les travaux initiaux de mise en place d’une gestion du risque. Ces actions
dépendent des services de l’Etat et de l’ADEME qui les prendront en charge pour l’essentiel
avec leurs effectifs et crédits budgétaires existants. Néanmoins, la mission recommande un
renfort pendant la première année d’un équivalent temps plein (stagiaire ou intérimaire) pour

p. 153
Etude détaillée

chacun des archipels de Martinique et de Guadeloupe et Saint Martin, ainsi que quelques
crédits d’étude pour mener à bien les travaux préparatoires suivants :
• Appui aux communes pour la rédaction des fiches de site et pour compléter les PCS de
façon homogène, report cartographique et contacts de terrain pour valider les sites
envisagés pour les dépôts, les accès par engin ou camion : ce sera l’essentiel du travail
du renfort en première année, pour un coût de 30 k€ par archipel.

• Observation des arrivages : l’anticipation à partir des images satellitaires présente des
limites car elle indique une prévision d’arrivée en mer mais seulement une probabilité
d’échouage sur les côtes, avec une fréquence et un délai d’anticipation assez faibles.
Cette technique devrait être réservée, tant que les recherches n’ont pas apporté de
réponse, à la simple identification de la période d’alerte : tapis de sargasses à
l’horizon. Le survol par hélicoptère coûte cher et va trop vite pour une observation des
échouages suffisamment précise pour en tirer des instructions aux équipes
opérationnelles ; il devrait être réservé à des situations d’arbitrage en cas de moyens
globalement insuffisants. Les études de modélisation de la dérive à l’approche des
côtes sont complexes et coûteuses, comme le montre le projet d’expérimentation de
barrages flottants : elles ne peuvent pas être généralisées. Heureusement des actions
simples sont possibles comme indiqué au chapitre 4 telles que l’observation par les
personnels des EPCI ou des communes ainsi que par des drones équipés de caméra
(500 € l’unité). Un budget de 30 k€ doit permettre de compléter utilement les
observations à terre.

• Formation de volontaires pour des « jurys des nez », par précaution : les préfets
auraient ainsi les moyens, en cas de plainte vis-à-vis des odeurs, de bâtir une
évaluation de l’origine ou de l’extension des odeurs, de façon objective et
complémentaire aux points de mesure de H2S, notamment à proximité des zones
d’échouage de sargasses dans des baies sans accès terrestre, en attendant une solution
au problème du ramassage en eau infra-littorale. Coût limité à quelques milliers
d’euros, selon l’ampleur que l’on souhaitera donner au dispositif.

Enfin, la mission rappelle les principales orientations pour maîtriser les coûts à moyen terme :
• Organisation de la commande publique. Pour mener à bien les actions opérationnelles
de surveillance, de collecte, transport et traitement ou valorisation des sargasses, les
donneurs d’ordre publics seront nombreux : communes, EPCI, conseil départemental
ou régional, établissements publics ou services de l’Etat. Ces donneurs d’ordre
pourraient même être en concurrence entre eux lors de situations de crise face à des
entreprises à mobiliser qui ne seraient pas suffisamment équipées en matériels pour
satisfaire toutes les demandes d’intervention avec la rapidité souhaitée. Pour éviter de
telles difficultés, et aussi pour optimiser collectivement les coûts de sous-traitance,
plusieurs solutions sont envisageables. Tout d’abord la mutualisation, en cas de
prestations peu nombreuses mais utiles à tous. C’est le cas par exemple de
l’interprétation d’images satellitaires en vue de définir la période d’alerte, qui devrait
être prise en charge par la préfecture de la zone de défense Antilles pour l’ensemble
des archipels, agissant le cas échéant en liaison avec la zone de défense de Guyane , si

p. 154
Etude détaillée

celle-ci jugeait nécessaire de recourir à cet outil. Ensuite le groupement d’achats, en


cas de prestations répétées en de multiples endroits telles que le ramassage ou le
transport. Cela apporte des tarifs plus faibles ou des prestations de meilleure qualité ;
inversement, cela suppose un mandataire unique qui accepte de prendre une
responsabilité élargie nécessitant des moyens humains et des compétences renforcées.

• Expérimentations ADEME. Conformément aux préconisations du chapitre 7.2,


l’établissement public devrait réviser le programme selon des critères économiques
plus exigeants, d’une part pour lancer des projets complémentaires sur les reliquats de
crédits non engagés, et d’autre part, même si cela revient à négocier des avenants sans
être en position de force, pour modifier les commandes ou décisions de subvention
déjà notifiées.

8.2.5 Coûts des actions transversales

Certaines dépenses bénéficient à l’ensemble de la zone impactée :


• Observations centralisées à grande échelle des arrivages. Ce point a été abordé
précédemment.

• Séminaire international. La mission recommande de ne pas lancer une telle opération


avant d’avoir accumulé un minimum d’expérience dans la mise en œuvre des
nouvelles modalités ni avant d’avoir obtenu les résultats de la plupart des
expérimentations prévues, qui sont sensiblement différées dans l’attente de nouveaux
arrivages de sargasses. Le besoin en financement correspondant, estimé par la mission
à 500 k€, serait donc reporté à fin 2017 début 2018. Entre temps, les acteurs pourront
communiquer sur des sujets ciblés à l’occasion de nombreux colloques organisés dans
la région, comme celui qu’organise chaque année le GCFI (Gulf and carribean
fisheries institute).

• Programme de recherche. L’ambition de mobiliser une communauté scientifique


française autour d’un programme de recherche intégré, de manière à acquérir dans un
premier temps une légitimité scientifique et internationale, correspond à un besoin en
financement estimé à 1,5 M€, ce qui paraît difficile à réunir. En attendant, la mission
recommande de consacrer des sommes plus modestes à des organismes tels que les
universités des Antilles et de la Guyane, le CNRS, le CNES ou le CEVA pour initier
des recherches ciblées notamment sur :
o l’origine de la prolifération et de la circulation des sargasses alimentant la
Guyane et les petites Antilles (y compris l’étude d’un éventuel cycle
Amazone-Afrique) ;
o une quantification des impacts des échouages sur les tortues marines;
o l’impact sanitaire (études épidémiologiques, études des émissions gazeuses).

p. 155
Etude détaillée

8.3 Les scénarios de financement interministériel


8.3.1 Besoin de financement
La prospective sur les arrivages futurs de sargasses conduit à un scénario qui n’a aucune
valeur de prédiction mais qui reste la meilleure hypothèse possible : une succession d’années
avec une fois tous les 10 ans des échouages très importants, quatre années sur 10 des
échouages intermédiaires et une année sur 2 des arrivages nuls ou négligeables.
Compte tenu des coûts détaillés ci-dessus, ceci permet d’estimer le besoin de financement en
moyenne annuelle à 3 M€ pour l’ensemble des îles (1,5 M€ pour la Martinique et 1,5 M€ pour
la Guadeloupe et les îles du Nord).
Ce besoin en financement considère qu’il n’y a pas de dépenses lors des années sans arrivage
de sargasse, ce qui suppose que les brigades vertes sont employées ces années-là à d’autres
activités financées sur d’autres ressources ou bien qu’il y a moyen de faire fluctuer fortement
les effectifs d’une année sur l’autre.

8.3.2 Principes de répartition des charges


La mission a constaté lors de ses entretiens sur place que les communes ont souvent hésité à
prendre des mesures parce qu’elles craignaient de ne pas avoir les ressources humaines ou
financières pour prendre en charge ces actions sur une longue durée. De leur côté, les services
de l’Etat ont souvent estimé ne pas avoir pour rôle de mener eux-mêmes des actions
opérationnelles de maîtrise d’œuvre ou de travaux.
La mission recommande que, pour l’avenir, soient clairement définis et identifiés:
• préalablement les concours financiers disponibles ;
• ensuite, les responsabilités opérationnelles tout particulièrement en matière ce de
collecte et traitement.
Cela permettrait de débloquer les initiatives, notamment d’EPCI qui offrent une bonne échelle
d’intervention, pour prendre la maîtrise d’ouvrage des opérations de collecte ou de transport,
dès que seraient décidés des concours financiers tels que proposés aux paragraphes suivants.
S'agissant du partage de responsabilité entre l'Etat et les collectivités pour des mesures liées à
l'entretien du domaine public maritime naturel (DPMn), la circulaire du 20 janvier 2012
relative à la gestion durable et intégrée du DPM indique les éléments suivants:
• Point 2.3) Entretien du DPMn :
« Dans un avis rendu le 15 octobre 1985, le Conseil d'Etat a précisé que la responsabilité de
l'entretien du domaine public maritime naturel était partagée entre l'Etat et les communes.
Les pouvoirs de police municipale qui sont conférés au maire par les articles L 2212-1 et
suivants du code général des collectivités territoriales en vue d’assurer le bon ordre, la
sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, s’exercent sur l’ensemble du territoire communal
et, en particulier, sur le domaine public maritime jusqu'à la limite des eaux (article L 2212-
3). En outre, le maire est chargé d'une police spéciale portant sur la baignade et les activités
nautiques, en vertu de l'article L 2213-23 de ce code.
Il appartient au maire, dans l’exercice de ses pouvoirs, de veiller notamment à la propreté
des rivages de la mer et de prendre les mesures éventuellement nécessaires pour éviter

p. 156
Etude détaillée

l’accumulation de détritus et d’objets divers incompatibles avec le bon ordre, la sûreté ou la


salubrité publiques et d'y remédier en cas de besoin. A ce titre, vous informerez les maires sur
les bonnes pratiques d'entretien des plages existantes (ramassage manuel et sélectif des
déchets...). En particulier lorsque les plages sont situées en site Natura 2000 et que le
DOCOB propose des recommandations en la matière, vous veillerez à ce qu'elles soient mises
en oeuvre.
Il convient de souligner que le maire n’est véritablement tenu de faire usage des pouvoirs de
police qu’il détient que pour prévenir les pollutions, ou pour assurer le bon ordre, la sûreté,
la sécurité ou la salubrité publiques ; la commune ne peut être contrainte à mettre en oeuvre
des moyens matériels qui seraient hors de proportion avec les ressources dont elle dispose.
• page 16/31:
Les obligations pesant sur la commune, dans les limites sus rappelées, doivent être combinées
avec celles qui incombent à l’Etat, notamment au titre des responsabilités encourues dans
l’exercice de ses pouvoirs de police qui relèvent de son autorité, telle que la police des
épaves, la police de la lutte contre la pollution des eaux de mer ou l'enlèvement des objets
dangereux sur le domaine public maritime naturel.
Il convient néanmoins de rappeler qu'au delà de ces obligations d'ordre public, l'Etat a des
obligations en matière de protection de la biodiversité au titre de la directive Habitats
notamment pour ce qui est de la protection des espèces et du réseau Natura 2000, mais
également au niveau des politiques publiques nationales en matières d'aires protégées et
d'espèces protégées.
Il résulte de ce qui précède que les obligations pesant tant sur les communes que sur l’Etat
doivent être appréciées de façon concrète en fonction de la diversité des situations possibles
tenant aux multiples causes de dégradations ou de pollution du domaine public maritime
naturel, ainsi qu’au degré variable de gravité des atteintes qui en résultent. Vous veillerez à
ce que les collectivités territoriales adoptent des pratiques compatibles avec ces obligations
d'ordre public mais aussi avec les obligations relatives à la protection de ces espaces du
DPMn lorsqu'ils sont dans une aire protégée ou un site Natura 2000.
La responsabilité de la commune ou de l’Etat ne pourrait être engagée, à raison des
préjudices causés par le mauvais entretien du domaine public maritime naturel qu’en cas de
faute commise dans l’exercice des activités de police.
De façon générale, votre action devra prioritairement porter sur la mise en sécurité du
domaine public maritime naturel. Vous conduirez, avec les collectivités locales, des
opérations d'enlèvement des objets présentant un danger pour le public."

La mission déduit de cette circulaire que, dans le cas des arrivages massifs de sargasses aux
Antilles dont l’impact principal est le risque sanitaire lié aux dépôts d’une durée supérieure à
3 jours, la responsabilité principale est celle des communes et de leurs groupements. Elle
s’interroge toutefois sur la portée juridique d’une simple circulaire et relève qu’elle ne traite
que des fautes commises dans l’exercice du pouvoir de police abstraction faite de la
responsabilité du propriétaire du domaine (l’Etat en Martinique, Guadeloupe et Guyane, les
collectivités à Saint-Martin et Saint Barthélémy).

L’Etat conserve une responsabilité minimale consistant à ce que la réponse aux arrivages
massifs ne se traduise pas par des destructions des habitats et espèces protégées, ni en mer
pour les tapis de sargasses dont on n’a pas l’assurance qu’ils s’échoueront sur les côtes, ni sur

p. 157
Etude détaillée

le littoral pour la flore ou la faune susceptible de souffrir des interventions de collecte,


transport ou traitement des sargasses échouées.

8.4 Mécanismes de financement à mettre en œuvre


La mission a imaginé le mécanisme décrit ci-après mais précise que cela n’exclut pas diverses
variantes possibles. Une étude d’incidence pourrait apporter rapidement la validation d’un
mécanisme de financement après analyse de ces variantes et de l’impact économique.
Les dépenses de fonctionnement à consentir sont en moyenne de 3 M€ mais très variables
d’une année à l’autre, entre 0 et environ 16 M€. Il convient donc de mettre en place un fonds
dédié à la collecte et au traitement des sargasses, qui sera alimenté régulièrement à hauteur de
3 M€ chaque année mais qui ne sera décaissé qu’en fonction des besoins. Un plafond de 32
M€ cumulés peut être institué, au-delà duquel l’alimentation du fonds serait arrêtée, une telle
réserve constituée rendant capable de faire face à deux années successives d’arrivages
massifs.
Le fonds disposera de comptes départementaux non fongibles. Les décisions d’affectation
seraient prises par le président de la collectivité sur proposition du conseil de gestion
regroupant le préfet, le président de la collectivité et un représentant des maires.
Un tel dispositif doit être rendu possible par une disposition législative qui définira la
structure hébergeant le fonds, les modalités de recouvrement et de dépense ainsi que le comité
de gestion décidant de l’emploi des fonds.
L’alimentation de ce fonds pourrait utiliser les mécanismes de financement existants fondés
sur deux taxes perçues par les collectivités locales et dont les tarifs sont décidés, à l’intérieur
de plafonds fixés par la loi, par ces mêmes collectivités :
1. La taxe de séjour. Prévue par les dispositions de l’article L 2333-26 du Code général
des collectivités territoriales, cette taxe permet de financer des dépenses visant à
favoriser la fréquentation touristique ou la protection des espaces naturels. Une taxe
additionnelle peut être décidée par le conseil départemental d’après l’article L 3333-1
pour promouvoir le développement touristique ou la protection des espaces naturels du
département. Même si beaucoup d’autres actions sont déjà déployées pour favoriser
cette fréquentation touristique, la collecte et le traitement des sargasses sont une action
qui s’y ajoute, sans conteste indispensable pour maintenir la fréquentation touristique
en cas d’arrivage massif. Le produit de cette taxe était en 2012 d’environ 200 M€ pour
la part du bloc communal ; en l’absence d’information plus fine, on peut estimer la
recette annuelle pour les communes des Antilles françaises à un ordre de grandeur de
4 M€.
2. La taxe sur les transports aériens et maritimes. Instituée par l’article 285 ter du code
des douanes, cette taxe est due par les entreprises de transport public aérien ou
maritime pour chaque passager embarquant dans les régions de Guadeloupe et de
Martinique. Son tarif est fixé par le conseil régional dans la limite de 4,57 € par
passager. La recette est utilisée par le conseil régional mais celui-ci verse 30% du
montant perçu aux communes littorales touristiques en le répartissant selon un prorata

p. 158
Etude détaillée

de population. La recette de cette taxe s’est élevée en 2012 à 9,4 M€ pour les
départements d’outre-mer, soit environ 5 M€ pour la Guadeloupe et la Martinique.
Cela suppose que le législateur autorise les collectivités (collectivité de Martinique,
département et région de Guadeloupe, le cas échéant collectivité de Guyane) pour ce qui les
concerne à instituer des centimes additionnels propres à l’alimentation du fonds « sargasses ».
Saint-Martin et Saint-Barthélemy disposent de pouvoirs fiscaux propres.
En effet le phénomène d’échouage massif, s’il survient, nécessite de redistribuer les moyens
aux actions les plus nécessaires. Les collectivités ont d’ailleurs été nombreuses à dépenser
pour l’enlèvement des sargasses en 2014 – 2015, même si cela a été avec retard compte tenu
du caractère inattendu du phénomène d’échouage, qu’il s’agisse de certaines communes ou
EPCI, des départements ou des régions. A l’avenir, bien que cela puisse nuire à la
compétitivité du secteur, une augmentation du taux de ces taxes est envisageable, étalée sur
quelques années et pouvant atteindre jusqu’à 25%, de manière à générer un flux annuel dédié
aux sargasses de 2 M€ par an sur les deux îles. Cela correspondrait à des augmentations de
l’ordre de 15 centimes d’euro par nuitée en hôtel 2 étoiles et de 60 centimes d’euro par
voyage international en avion.
De son côté, l’Etat contribue à l’effort général de différentes manières :
• sous la forme des moyens humains déployés au sein des services de l’Etat (préfecture,
ARS, DEAL ou DAF) pour la coordination ou l’appui aux intervenants des
communes, EPCI et départements ;
• par les aides pour l’accès à l’emploi que l’Etat verse aux brigades vertes (par exemple
1,3 M€ de subvention en Martinique de mi-2015 à mi-2016 pour une montée en
puissance de 40 jusqu’à 90 brigadiers) ;
• par les crédits DETR ;
• par une dotation initiale de l’Etat qui pourrait ainsi choisir d’abonder le fonds dès sa
création pour inciter les collectivités à le mettre en place.

Enfin, en cas de crise majeure, il convient de ne pas oublier que l’Etat reste l’ « assureur en
dernier recours » au titre de la solidarité nationale.
En ce qui concerne les investissements, de nombreux dispositifs de financement en
place peuvent être utilisés et il n’est pas nécessaire d’en créer de nouveaux: ADEME (par
exemple pour les plateformes de traitement de déchets) ; FEDER (par exemple pour la
formation professionnelle, l’insertion des jeunes dans le monde du travail ou la restauration de
sites naturels remarquables d’intérêt touristique) ; agence des 50 pas géométriques (par
exemple pour le désenclavement de certaines parties du littoral).

8.5 La question de l’indemnisation des dommages subis par les


entreprises et les particuliers
8.5.1 La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

Face à l’ampleur des échouages de sargasses en 2014 et 2015, deux communes de la


Martinique, Sainte-Anne et Le Vauclin, ont produit des dossiers en vue de la reconnaissance

p. 159
Etude détaillée

de l’état de catastrophe naturelle sur le fondement des « phénomènes liés à l’action de la


mer ».

L’arrêté interministériel du 16 juillet 2015 a rejeté cette demande, conformément à l’avis


rendu le 23 juin 2015 par la commission interministérielle des catastrophes naturelles
précisant que « les désordres matériels observés ne sont pas liés à l’échouage des algues
sargasses en lui-même mais seraient liés à l’émanation des gaz en décomposition de ces
algues ».

Cette décision a provoqué un fort mécontentement des élus de Martinique et de Guadeloupe,


dont la mission a bien mesuré l’ampleur au cours de ses investigations sur place. Il apparaît
toutefois que ce mécontentement repose sur une méconnaissance du régime juridique des
catastrophes naturelles et du type d’indemnisation auquel il donne droit ainsi que sur quelques
idées fausses, pourtant couramment répandues, dont la plus pernicieuse est que la Bretagne, à
la différence des Antilles, aurait bénéficié de la reconnaissance de l’état de catastrophe
naturelle pour le phénomène des algues vertes. Sur place, la mission avait déjà, à ce sujet,
apporté un démenti à tous ses interlocuteurs, indignés par cette rupture d’égalité supposée.
Les investigations menées auprès de la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), qui assure le
secrétariat de la commission interministérielle des catastrophes naturelles, ne peuvent que
confirmer ce démenti : les communes de Bretagne touchées par la prolifération des algues
vertes n’ont jamais, depuis l’apparition de ce phénomène, bénéficié de la reconnaissance de
l’état de catastrophe naturelle, ne serait-ce que parce que ce phénomène, étant lié à l’activité
humaine, n’a pas pour cause « l’intensité anormale d’un agent naturel ». De ce point de vue,
il n’y a aucune rupture d’égalité entre les communes de l’hexagone et les communes des
Antilles.

Afin d’éviter toute ambigüité, il convient de rappeler les termes de l’article L 125-1 du code
des assurances qui définit l’état de catastrophe naturelle :
« Les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre
que l’Etat et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des
biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps des véhicules terrestres à
moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes
naturelles sur les biens faisant l’objet de tels contrats.
En outre, si l’assuré est couvert contre les pertes d’exploitation, cette garantie est
étendue aux effets des catastrophes naturelles, dans les conditions prévues au contrat
correspondant.
Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent
chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause
déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles
à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont
pu être prises. »
S’agissant de savoir si les échouages de sargasses constituent en eux-mêmes une catastrophe
naturelle, les termes mêmes du troisième paragraphe de cet article rendent difficile
aujourd’hui une réponse positive mais ne l’excluent pas dans l’avenir. De ce point de vue, la
plupart des arguments développés à l’appui du rejet de la notion de catastrophe naturelle dans
une note de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) sur

p. 160
Etude détaillée

les algues sargasses en Martinique, en date du 14 avril 2015 (cf. annexe 9.8), ne sont pas
recevables. En effet :

• En l’état actuel des connaissances scientifiques, tout indique que la formation, la


circulation dans l’Océan Atlantique et les échouages d’algues sargasses sur les rivages
des îles de la Caraïbe sont des événements naturels ; en effet, à la différence du
phénomène des algues vertes en Bretagne, aucune cause humaine immédiate n’a pu
être mise en évidence. S’il y a catastrophe, à preuve du contraire, elle est donc bien
causée par « un agent naturel ».

• Les échouages sont soudains et difficilement prévisibles : le fait qu’on puisse repérer
la présence de bancs de sargasses en mer ne fournit en soi aucune indication sur leur
éventuel échouage sur les côtes et les actions préventives en mer sont, de ce fait,
aléatoires et, en tout état de cause, extrêmement coûteuses, c’est-à-dire hors de portée
des budgets des communes potentiellement impactées.

• Une fois échouées, les quantités observées en 2014 et 2015 sont telles que les moyens
à mettre en œuvre pour collecter les sargasses dans le délai maximum de trois jours
pour éviter les nuisances sont hors de portée des citoyens, de la plupart des entreprises
et des communes : il ne suffit donc pas de dire « il n’y a qu’à ramasser pour éviter les
dommages », d’autant plus qu’en l’état actuel certains sites habités ne peuvent faire
l’objet d’opérations de ramassage. De ce point de vue, la condition exigée par le § 3 de
l’article L 125-1 précité (« lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir
ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ») est
remplie.

• Le phénomène constaté en 2014 et en 2015, n’ayant jamais été observé, semble


exceptionnel.

Toutefois, rien ne permet aujourd’hui d’établir ce dernier point avec certitude : le phénomène
est beaucoup trop récent (2011) pour permettre d’établir une mesure statistique de ce qui est
anormal ou non et pour définir une période de retour, et ce d’autant plus que, si les échouages
massifs de 2014 et 2015 se caractérisent bien par des « pics », ils se sont néanmoins produits
pendant une période continue de plusieurs mois. Dans cette perspective, seul un recul de
plusieurs années et une étude statistique rigoureuse des différents épisodes sur au moins dix
ans permettraient de déterminer s’il y a ou non « intensité anormale » du phénomène et à
quelle fréquence.
En conclusion, on ne peut qu’admettre que les échouages de sargasses, qu’ils soient massifs
ou non, relèvent d’un « agent naturel » et que « les mesures habituelles à prendre pour
prévenir (les) dommages ou empêcher leur survenance » ne peuvent pas toujours être prises
en cas d’échouages massifs. En revanche il est trop tôt pour affirmer que cet « agent naturel »
est d’une « intensité anormale ». En l’état actuel, les échouages de sargasses ne peuvent donc
aujourd’hui relever du régime des catastrophes naturelles tel qu’il est défini à l’article précité
du code des assurances. Mais ceci ne préjuge en rien d’un changement éventuel
d’appréciation, dans l’avenir, de la commission interministérielle.

p. 161
Etude détaillée

Quoi qu’il en soit, même à supposer que, dans l’avenir, l’état de catastrophe naturelle soit
reconnue pour les échouages de sargasses d’une « intensité anormale », cela serait très loin
d’avoir l’intérêt qu’on imagine sur place. Il convient, en effet, de rappeler que :
• La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ne permet en rien de bénéficier
de subventions de la part de l’Etat mais seulement d’indemnités de la part des
assurances.

• Encore faut-il pour cela avoir souscrit un contrat d’assurance. Or, s’agissant des
entreprises, l’étude précitée de la CCIIG souligne que 83% des entreprises
guadeloupéennes de l’échantillon ne sont pas assurées. S’agissant des particuliers,
la proportion des biens assurés par les multirisques habitation était de l’ordre de 43
% en Guadeloupe et 50 % en Martinique en 2010.

• A supposer même que l’on soit assuré, il résulte du premier paragraphe de l’article
L 125-1 précité que seuls les dommages aux biens sont indemnisés, ce qui a
plusieurs conséquences :
1. Les dommages sanitaires ne sont pas concernés.
2. Aucune indemnisation ne peut être versée à quiconque au titre du ramassage et
de l’évacuation des sargasses, l’échouage de celles-ci, même jugé « anormal »,
ne constituant pas un dommage à des biens. Pour illustrer ce propos, le régime
des catastrophes naturelles indemnise les biens endommagés par une
inondation mais non le pompage de l’eau. L’essentiel du coût généré par le
problème des sargasses reste donc, par nature, en dehors du champ
d’indemnisation au titre des catastrophes naturelles.
3. Pour les entreprises, la garantie « perte d’exploitation » (à condition que celle-
ci ait été souscrite…) ne couvrira que la perte d’exploitation subie en raison
des dommages aux biens (climatiseurs, congélateurs, téléviseurs, matériels
divers pour les entreprises d’hôtellerie et de restauration, par exemple) mais,
en aucun cas, celle résultant de la désaffection des touristes en raison des
nuisances, d’ordre mécanique ou chimique, provoquées par les échouages
massifs de sargasses. Or, c’est là le principal préjudice subi par les entreprises
vivant du tourisme.
4. Pour les particuliers (comme d’ailleurs pour les entreprises), les dommages
aux biens résultant de l’oxydation des différents métaux ne seront indemnisés
qu’à la condition de pouvoir établir que les sargasses en sont « la cause
déterminante », ce qui, naturellement, comme tout dommage assurantiel, sera
soumis à dire d’expert…
5. Sur l’aspect particulier des dommages aux embarcations de pêche ou de
plaisance, la Caisse centrale de réassurance précise que celles-ci sont, par
nature, hors champ du régime des catastrophes naturelles puisqu’elles relèvent
du domaine spécifique des assurances maritimes.

La conclusion s’impose : même si, dans l’avenir, l’état de catastrophe naturelle était reconnu
en cas d’échouages de sargasses « d’intensité anormale » sur les côtes antillaises, l’intérêt
que pourrait en retirer la population serait très faible et, de ce fait, l’effet principal de cette
reconnaissance serait d’engendrer une déception et une frustration proportionnelles aux
attentes.

p. 162
Etude détaillée

8.5.2 La prise en charge des dommages par un risque « sargasses » spécifique.

La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle restant éventuelle et étant, en tout état de


cause, de peu d’intérêt, la mission a cherché à savoir s’il était concevable de créer dans les
contrats d’assurance souscrits par les particuliers et par les entreprises une garantie
« sargasses » spécifique comme il existe déjà une garantie tempête-neige-grêle. Dans cette
perspective elle a notamment rencontré des membres de la Fédération Française des Sociétés
d’Assurances (FFSA) et du Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurance (GEMA),
avant que ces deux organismes ne fusionnent.

Cette piste, si l’on en croit les professionnels de l’assurance, ne peut être retenue, pour
plusieurs raisons.

Tout d’abord, créer une nouvelle garantie exige une étude approfondie permettant notamment
d’évaluer les risques potentiels et la viabilité économique de cette garantie. Bien évidemment,
le risque « sargasses » n’étant réellement apparu dans toute son étendue qu’en 2014 et en
2015, cette étude n’existe pas. Elle a d’ailleurs peu de chances d’être programmée, à supposer
même que ce risque se confirme dans les années à venir.

En effet, ce risque est trop circonscrit géographiquement et ne concerne que trop peu
d’assurés potentiels. C’est d’ailleurs là le principal handicap pour cette hypothétique garantie
nouvelle : d’un côté, pour qu’elle soit financièrement viable, il faudrait que cette garantie soit
en quelque sorte mutualisée à l’ensemble du territoire national, ce qui signifierait
concrètement que la très grande majorité des assurés souscrirait une garantie pour un risque
qu’ils sont certains de ne jamais subir et ce pour l’unique profit des habitants des côtes
impactées aux Antilles et en Guyane, soit une population qu’on peut évaluer à un peu plus de
50 000 habitants et ce qui est donc irréaliste. D’un autre côté, si l’on cherche à mettre en place
une garantie « sargasses » optionnelle, à destination, par conséquent, des seules populations
exposées à ce risque, le marché est trop étroit pour que cela soit économiquement
envisageable. Il n’est d’ailleurs même pas certain que, vu le taux d’assurance aux Antilles,
tous ceux qui sont objectivement exposés au risque « sargasses » souscrivent cette garantie
optionnelle…

Dans ces conditions, la création de cette hypothétique garantie « sargasses » ne semble pas
possible.

8.5.3 Conclusion : la piste de l’indemnisation est une impasse


Les analyses qui précèdent montrent d’une part, que l’institution d’une garantie spécifique
contre le risque « « sargasses » dans les contrats d’assurance n’est pas réalisable en pratique
et d’autre part que la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle si elle intervient un jour
est d’un intérêt extrêmement limité.

Dans ces conditions, il apparait qu’une stratégie de prévention des dommages est bien
préférable à une hypothétique indemnisation. Une fois de plus la priorité est donc la collecte
des sargasses échouées dans le délai maximum de trois jours.

p. 163
Etude détaillée

p. 164
Etude détaillée

9 Annexes

9.1 Lettre de mission

p. 165
Etude détaillée

p. 166
Etude détaillée

9.2 Glossaire des sigles et acronymes


Acronyme Signification
ADEME Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
AEC / ACS Association des Etats de la Caraïbe / Association of Caribbean States
AMI Appel à manifestation d’intérêt
ANSES Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
ARS Agence régionale de santé
BTP Bâtiment et travaux publics
CEVA Centre d’étude et de valorisation des algues
CCIIG Chambre consulaire interprofessionnelle des îles de Guadeloupe
CCISM Chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin
CAR-SPAW Centre d'activités régional destiné à la mise en œuvre du protocole relatif aux zones et à la vie
sauvage spécialement protégées de la zone Caraïbe (protocole « SPAW » selon le sigle anglophone)
CCR Caisse centrale de réassurance
CEC capacité d’échange cationique
CGAAER Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux
CGEDD Conseil général de l’environnement et du développement durable
CGSS Caisse générale de sécurité sociale
CHU Centre hospitalier universitaire
CIRAD organisme de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement
durable des régions tropicales et méditerranéennes
COPIL comité de pilotage
CTM Collectivité territoriale de Martinique
CTCS Centre technique de la canne à sucre
CUMA Coopérative d’utilisation de matériel agricole
DAAF Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt
DCP dispositifs concentrateurs de poissons
DDTM Direction départementale des territoires et de la mer
DEAL Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement
DETR Dotation d'équipement des territoires ruraux
DGFIP Direction générale des finances publiques
DIECCTE Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi
DIRECCTE Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
DGS Direction générale de la santé
DROM Départements et régions d’Outre-mer
DMS diméthylsulfure
DMSO diméthylsulfoxyde
EPCI Établissement public de coopération intercommunal
ETM Éléments traces métalliques
FAA Forces Armées aux Antilles
FAO Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture
FEDER Fonds européen de développement économique régional
GCFI Gulf and carribean fisheries institute
HCSP Haut Conseil de la santé publique

p. 167
Etude détaillée

H2S Hydrogène sulfuré


INERIS Institut national de l'environnement industriel et des risques
HT Hors taxe
IGA Inspection générale de l’administration
INRA Institut national de la recherche agronomique
IRD Institut de recherche pour le développement
ISMO Indice de stabilité de la matière organique
IT2 Institut technique tropical
MEDDE Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
MEEM Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer
MO Matière organique
MS Matière sèche
NH3 Ammoniac
OECO / OECS Organisation des Etats de la Caraïbe orientale / Organization of Eastern Carribean States
ONCFS Office national de la chasse et de la faune sauvage
ONF Office national des forêts
PIB Produit intérieur brut
PCS Plan communal de sauvegarde
SAU Surface agricole utilisée
SDIS Service départemental d’incendie et de secours
SEAS Sargassum Early Advisory System
SIDPC Service interministériel de défense et de protection civile
SICA Société d’intérêt collectif agricole
TTC Toutes taxes comprises
TVA Taxe à la valeur ajoutée
VLEP valeurs limites d’exposition professionnelle

p. 168
Etude détaillée

9.3 Liste des personnes rencontrées ou contactées

1. AU NIVEAU NATIONAL

PARLEMENTAIRES DES ANTILLES

Avant de se rendre sur place, la mission a adressé au mois de décembre 2015 un courriel à
chaque sénateur et chaque député des Antilles afin de présenter la mission et de solliciter un
rendez-vous. A la suite de cette démarche, elle a rencontré les parlementaires suivants :

- M. Ary CHALUS, député de la Guadeloupe (rencontré en Guadeloupe)


- M. Serge LETCHIMY, député de la Martinique
- M. Maurice ANTISTE, sénateur de la Martinique (rencontré en Martinique)
- M. Daniel GIBBS, député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin
- M. Guillaume ARNELL, sénateur de Saint-Martin (rencontré à Saint-Martin)

MINISTERE DES OUTRE-MER

- Mme George PAU-LANGEVIN, ministre des Outre-mer


- Mme Amélie RENAUD, conseillère en charge du développement durable, de la
transition énergétique et du logement au cabinet de la ministre

MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES

- Mme Véronique BERTILE, ambassadrice déléguée à la coopération régionale dans la


zone Antilles-Guyane

MINISTERE DE L’INTERIEUR

- M. Philippe LE MOING-SURZUR, sous-directeur de la planification et de la gestion


des crises à la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises
(DGSCGC)
- Mme Sophie SALAUN-BARON, responsable de la cellule catastrophes naturelles
(DGSCGC)

MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT, DE L’ENERGIE ET DE LA MER

- M. François MITTEAULT Directeur de l’Eau et de la Biodiversité (DEB)


- M. Philippe COURTIER chef du service de la recherche au Commissariat au
Développement Durable (CGDD)
- M. Marc JACQUET, chef du service des risques naturels et hydrauliques à la
Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR)
- M. Vincent COURTRAY, chef du bureau des risques naturels terrestres à la DGPR

p. 169
Etude détaillée

- Mme Hélène MONTELLY, chef du bureau du littoral et du domaine public maritime


naturel à la Direction de l’Eau et de la Biodiversité (DEB)
- Mme. Myriam URSPRUNG chargée de mission au bureau du littoral et du domaine
public maritime naturel à la Direction de l’Eau et de la Biodiversité (DEB)

SECTEUR DES ASSURANCES

- M. Bertrand LABILLOY, directeur général de la Caisse Centrale de Réassurance


(CCR).
- M. Patrick BIDAN, directeur des réassurances et des fonds publics à la CCR.
- M. Antoine QUANTIN, directeur-adjoint des réassurances et des fonds publics à la
CCR.
- M. Daniel BENLOLO, directeur du département des catastrophes naturelles
- la CCR.
- Mme Catherine TRACA, secrétaire général adjoint du Groupement des Entreprises
Mutuelles d’Assurance.
- M. Alexis MERKLING, sous-directeur à la Fédération Française des Sociétés
d’Assurances.

AUTRES

- M. Olivier GERMAIN, chef de projet à Collecte Localisation Satellites (CLS)


- M. Rémy GOURHAN expert en environnement et développement durable à Algues-
Océan
- M. Frédéric MENARD Directeur du Département scientifique "Océan, climat et
ressources" à lInstitut de recherche pour le développement (IRD)

2. EN BRETAGNE

PREFECTURE ET SERVICES OU ETABLISSEMENTS DE L’ETAT

- M. Gérard DEROUIN, secrétaire général de la préfecture des Côtes d’Armor


- Mme Kristell SIRET-JOLIVE, directrice-adjointe de la DDTM 22, déléguée à la mer
et au littoral
- M. Bruno LEBRETON, chef de la MISEN à la DDTM 22
- M. Alain GENCE chef du service aménagement de la mer et du littoral à la DDTM 22
- M. Sébastien HUET, chargé de mission « biomasse-agriculture » à l’ADEME de
Bretagne
- M. David HAREL, chargé de mission « mer et littoral » au SGAR
- M. Jacques FOURNY, chargé de mission « eau » au SGAR (MIRE)
- Mme Cécile ROBERT, ingénieur des études sanitaires à l’ARS

CENTRE D’ETUDE ET DE VALORISATION DES ALGUES (CEVA)

- M. Marc DANJON, directeur du CEVA

p. 170
Etude détaillée

- M. Yannick LERAT, directeur scientifique


- Mme Nadège ROSSI, responsable du pôle « algues et qualité du milieu »
- M. Pierre JAMES, responsable du pôle « algues matière première »

AGGLOMERATION LANNION-TREGOR COMMUNAUTE (LTC)

- M. Joël LE JEUNE, président de l’agglomération


- M. Jean-Claude LAMANDE, vice-président de l’agglomération
- Mme Bénédicte LEBREF, directrice du service environnement
- Mme Gwenaëlle BRIANT, coordinatrice des bassins versants de la Lieue de Grève
- M. Gilles EFFLAM (société EFFLAM)

ENTREPRISES

Usine de traitement AGRIVAL :

- M. Olivier SINQUIN, directeur de la SICA Saint-Pol-de-Léon, directeur d’AGRIVAL

Usine de traitement de LAUNAY-LANTIC / syndicat de valorisation des déchets KERVAL-CENTRE-


ARMOR

- M. Thierry BURLOT, président de Saint-Brieuc Agglomération (SBA)


- M. Claude BLANCHARD, vice-président de SBA
- M. Yves CARPIER, technicien environnement à SBA
- Mme Valérie RENAULT, directrice générale de KERVAL-CENTRE-ARMOR
- M. Jean-Yves LEGUERN, responsable de l’usine CNIM
- Mme Catherine LE POBER, directrice régionale d’ECO EMBALLAGES

SARL GAZ-ENERGIE-AGRICULTURE (GAZEA)

- M. Alain GUILLAUME, gérant de GAZEA


- Mme Servane LECOLLINET, gérante adjointe

Société ALGOPACK

- M. Rémy LUCAS, président


- M. François RADAGAL, partner au cabinet Hessings & Harcourt

3. EN MARTINIQUE

PREFECTURE ET SERVICES OU ETABLISSEMENTS DE L’ETAT

- M. Fabrice RIGOULET-ROZE, préfet de la Martinique


- M. Patrick AMOUSSOU-ADEBLE, secrétaire général de la préfecture

p. 171
Etude détaillée

- M. François de KEREVER, directeur de cabinet du préfet


- M. Etienne GUILLET, sous-préfet de La Trinité et de Saint-Pierre
- M. Pierre-Louis COUDERT, secrétaire général de la sous-préfecture de La Trinité
- M. Jean-Jacques NARAYANINSAMY, sous-préfet du Marin
- Mme Françoise TRIQUET, secrétaire générale de la sous-préfecture du Marin
- M. Guillaume RAYMOND et Mme Vanessa CHARY (SIDPC)

Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL) :


- M. Patrick BOURVEN, directeur
- M. Jean-Louis VERNIER, directeur adjoint
- M. Fabien VEDIE, chargé du milieu marin au service « Paysage, Eau et Biodiversité »
(SPEB)
- M. Georges DERVEAUX, chef du service « Risques Energie Climat » (SREC)
- M. Jean-Christophe ROUILLE, service « Connaissance Prospective et Développement
Territorial (SCPDT)
- M. Danyel CHELOUDIAKOFF, chef du service « Bâtiment Durable et Aménagement
(SBDA)
- M. David BERTON, unité « entretien des rivières » du SBDA

Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt :


- M. Jacques HELPIN, directeur
M. Fabrice GRAND, chef du pôle « développement rural, foncier, forêt »

Direction de la Mer :
- M. Michel PELTIER, directeur
- M. Hervé MOUSSARON, directeur adjoint

Agence Régionale de Santé (ARS) :


- M. Christian URSULET, directeur général
- M. Alain BLATEAU, directeur de la Veille et Sécurité Sanitaire (VVS)
- M. Didier CAMY, VVS
- Mme Valérie LELARGUE, adjointe au conseiller sanitaire de la zone Antilles
- M. Denis ALEXIS-ALPHONSE, chargé de mission

Direction des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de


l’Emploi (DIECCTE) :
- M. Ronan LEAUSTIC, directeur
- Mme DUGUET

- CROSS Antilles-Guyane :
- M. Edouard PERRIER, directeur
- Lieutenant Olivier DELTEIL

Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) :


- M. Jean-François MAURO, directeur régional
- Mme Justine ECKLY

p. 172
Etude détaillée

COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION L’ESPACE SUD

- M. Philippe COMLAN, directeur de l’environnement et du cadre de vie

COMMUNE DU MARIN

- Mme Yvonne TRITZ, première adjointe


- M. DACHIR, adjoint en charge de l’environnement
- Mme Valérie SOUDES, référent « sargasses »

COMMUNE DU FRANCOIS

- M. Maurice ANTISTE, sénateur- maire


- M. Pascal ROSALIE, référent « sargasses »
- M. Ludovic DOLOIN

COMMUNE DU DIAMANT

- M. Hugues TOUSSAY, premier adjoint


- Mme Valérie ALMENDIN, directrice générale des services
- M. Frantz EUSTACHE, adjoint à la directrice générale des services

COMMUNE DE SAINTE-ANNE

- M. Jean-Michel GEMIEUX, maire


- M. Alain THEODOSE, adjoint en charge de l’environnement et référent « sargasses »
- M. RONAGNE, directeur de cabinet du maire

COMMUNE DU VAUCLIN

- M. Jean-Michel CADET-MARTHE, référent « sargasses »


- Mme Marie-Eugénie SAINTE-ROSE

COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION CAP NORD

- M. Alfred MONTHIEUX, président


- M. Etienne ZIDEE, directeur de cabinet
- Mmes Marie-Line QUIBON, Michela LUBIN, Sylvia LOUIN.

COMMUNE DE SAINTE-MARIE

- M. Camille CASERUS, adjoint au maire


- M. Hubert TEDOS, directeur des services techniques

COMMUNE DE MARIGOT

- M. Joseph PERASTE, maire

p. 173
Etude détaillée

- M. Jocelyn NEIZELIEN, adjoint au maire


- M. DUNON, directeur de cabinet du maire

COMMUNE DU ROBERT

- M. Alfred MONTHIEUX, maire


- M. Robert DULYMBOIS, adjoint au maire

COMMUNE DE LA TRINITE

- M. Frédéric BUVAL, maire


- M. Paul GALVA

CENTRES DE TRAITEMENT DES DECHETS ET DE COMPOSTAGE

Société Martiniquaise des Eaux (SME) / TERRA VIVA


- M. Philippe GRAND, directeur général
- M. Pascal HERBER, chef d’agence
- Karen ZANI, chef d’agence adjoint
- M. José JEAN-PIERRE, technicien de compostage

Syndicat Martiniquais de Traitement et de Valorisation des Déchets (SMTVD) :


Centre de Valorisation organique du Robert (CVO)
- M. Pedro BRAITHWAITE, directeur général adjoint
- M. David ZOBDA, directeur de cabinet
- M. Yves LE TREQUESSER, directeur de l’usine
- Mme Fabienne MARGUERITE-BORDEAU
- M. Manuel VADIUS

HOLDEX ENVIRONNEMENT
- M. Myke BERNUS, directeur
- M. Myke COQUERAN, responsable commercial
- M. Laurent HENNIG, ingénieur agronome

ORGANISMES DE RECHERCHE AGRONOMIQUE

Centre de coopération Internationale en recherche Agronomique pour le


Développement (CIRAD) :
- Mme Magalie LESUEUR-JANNOYER (risques environnementaux)
- Mme Elisabeth ROSALIE

- Institut Technique Tropical (IT2) :


- M. David DURAL, directeur
- M. Jérôme TIROLIEN, ingénieur agronome

p. 174
Etude détaillée

AUTRES SOCIO-PROFESSIONNELS ET ENTREPRISES

- Mme Annie-Dominique POULLET, directrice générale de Rescue International


Services K’raïb (RISK)
- M. Denis SAINT-PE, directeur technique du groupe SEEN
- M. Eric YOKESSA, agriculteur

SOCIETE CIVILE

- M. Stéphane GANDAR, directeur de MADININ AIR


- Mme Carole BOULLANGER, responsable d’études à MADININ AIR
- M. Stéphane FALGUIERE, chargé d’études à MADININ AIR
- Mme Valérie AUGUSTE, directrice de l’association d’insertion CAÏD

4. EN GUADELOUPE

PREFECTURE ET SERVICES OU ETABLISSEMENTS DE L’ETAT

- M. Jacques BILLANT, préfet de la Guadeloupe


- M. Jean-François COLOMBET, secrétaire général de la préfecture
- M. Olivier SARDOU, chef de la coordination interministérielle

Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL)


- M. Daniel NICOLAS, directeur
- M. Mario CHARRIERE, directeur adjoint
- M. Alexandre BERGE, chef du service des actions territoriales transversales
- M. Franck MAZEAS
- M. Fabien BARTHELAT
- Mme Pascale FAUCHER
-
Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt :
- M. Philippe VELAYANDON, chargé de « valorisation biomasse »

- Direction de la Mer
- M. Fabrice Le MESNAGER

Agence Régionale de Santé de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy (ARS)


- M. Didier ROUX
- M. Patrick Saint-Martin

Direction des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de


l’Emploi (DIECCTE) :
- Mme Catherine ROMUALD
- M. Louis MAZARI

p. 175
Etude détaillée

Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) :


- M. Jérôme ROCH, directeur régional
- Mlle Mélanie KESSLER, ingénieur chargée de mission sargasses
- M. Julien VERMEIRE

Office National des Forêts (ONF) :


- Mme Sandrine MALECOT
- M. Evariste NICOLETIS

Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) :


- M. Antoine CHABROLLE

Conservatoire du Littoral :
- M. Alain PIBOT

Parc National de la Guadeloupe :


- M. Xavier DELLOUE

SERVICE DEPARTEMENTAL D’INCENDIE ET DE SECOURS

- M. Gilles BAZIR
- M. Frantz MACCOW

AUTRES

- Mme Valérie PAUL, commissaire à la vie des entreprises et au développement


productif

CONSEIL REGIONAL

- M. Ary CHALUS, président du conseil régional


- Représentants du conseil régional dans les ateliers thématiques et les réunions : Mmes
Emmanuelle CLEMESSY (appui aux collectivités), Sylvie GUSTAVE-DITDUFLO,
Marguerite JOYAU et Céline JULES (direction environnement), Léa OIKNINE M.
Dominique THEOPHILE,

CONSEIL DEPARTEMENTAL

- Mme Josette BOREL-LINCERTIN, présidente


- M. Jacques ANSELME, premier vice-président
- M. Blaise MORNAL, vice-président et maire de Petit-Canal
- Mme Nicole ERDAN, présidente de la commission de l’environnement et du
développement durable
- M. Olivier NICOLAS, directeur de cabinet de la présidente
- M. Henri LAVENTURE, directeur général des services
- M. Pierre-Jean ARBAU, directeur des routes, des ports et des aéroports
- M. Richard ALBINA, de la direction générale des infrastructures et du développement
durable.

p. 176
Etude détaillée

ASSOCIATION DES MAIRES

- M. Yvon COMBES, premier vice-président


- Mmes Joëlle ANICET, directrice

INTERCOMMUNALITE

Communauté d’agglomération de Riviera du Levant :


- Mme Nathalie LAMY, directrice de l’environnement
- Mme Samia BELENUS, chargée des activités « climat-énergie »

Communauté d’agglomération de Cap Excellence :


- Mme Hélène DANDO, directrice de la direction des services urbains et du cadre de
vie
- M. Miguel VANDERSTRAETEN.

- Communauté d’Agglomération de Nord Grande Terre (CANGT) :


- M. Blaise MORNAL, deuxième vice-président et maire de Petit Canal
- M. Pierre PORION, cinquième vice-président
- M. Patrick FRANCOIS-JULIEN, directeur général des services
- M. Francis TOUMSON, directeur général
- Mme Cynthia CAROUPANAPOULLE, directrice de l’environnement

Communauté d’Agglomération de Nord Basse Terre (CANBT) :


- M. Tony BARBIER, directeur général

Communauté de Communes de Marie-Galante (CCMG) :


- Mme Maryse ETZOL, présidente et maire de Grand Bourg
- M. Camille PELAGE, vice-président
- M. Laurent GUILLOU, chargé de mission DEAL auprès de la CCMG
- Mme Marie-Jo GUILLOU, assistante du chargé de mission DEAL
- M. Nicolas DELAVAL, agent de développement à la CCMG
- M. Gérard DARIGNY, agent de développement à la CCMG
- M. Jean-Marc PASBEAU, agent à la CCMG
- M. Serge MAHOIL

- Syndicat intercommunal pour la mise en valeur des plages et des sites touristiques de
Guadeloupe (SIPS) :
- M. Camille PELAGE, président
- Mme Vanessa DOQUET-BOURGUIGNON, chargée de mission

COMMUNE D’ANSE BERTRAND

- M. Edouard DELTA, maire


- M. Martial VENT, conseiller municipal

p. 177
Etude détaillée

COMMUNE DE SAINT-FRANCOIS

- M. Laurent Bernier, maire


- M. Raymond PARSHAD, maire adjoint
- Mme Méryle QUILLIN, directrice de l’environnement
- M. Louis-Guy CUIRASSIER, superviseur « environnement »
- Mlle Pauline MONTAUBAN, chargée de mission « sargasses »

COMMUNE DE SAINTE-ANNE

- M. Christian BAPTISTE, maire


- Mme Valérie HUGUES, adjointe au maire
- Mme Gessy BLANQUET, directrice de cabinet du maire
- Mme Muriel ALOPH, directrice de l’environnement et du cadre de vie
- Mme Marylène BELIA, responsable « environnement et cadre de vie »
- M. David DELVER, directeur des services techniques
- M. Lucien GALVANI

COMMUNE DE PETIT BOURG

- M. Philippe DEZAC, premier adjoint au maire


- Mme Eliane CABERTY, conseillère municipale
- M. Claude EZELIN, directeur de cabinet du maire
- Mme Alix BOURGUIGNON, directrice générale des services techniques
- M. Frédérick MANDINE, chargé de mission « environnement »
- M. Michel TREBER, agent du littoral
- M. David NEBOR

COMMUNE DE GOYAVE

- M. Ferdy LOUISY, maire


- M. Félix EMMANUEL, conseiller municipal
- MM. Patrick PLUMAIN, Philippe ARAMINTHE, Rosan LABIRIN, Max MAURICE

COMMUNE DE CAPESTERRE DE MARIE-GALANTE

- Mme Marlène BOURGEOIS, maire


- M. Jean-Claude MAES, adjoint au maire
- Mme Francette JACQUES, conseillère municipale
- Mme Ernestine RIPPOM, conseillère municipale
- M. Serge MANDIL, conseiller municipal

COMMUNE DE LA DESIRADE

- M. Jean-Claude PIOCHE, maire de La Désirade


- Mme Marie-Christine CLEVY, adjointe au maire

p. 178
Etude détaillée

- Mme Nadiège CORTAS, directrice générale des services

LES SAINTES : COMMUNE DE TERRE-DE-HAUT

- M. Louis MOLINIE, maire et conseiller régional


- M. Joël ISMAEL, troisième adjoint au maire
- M. Gaston FOY, conseiller municipal
- Mme Carole LAGRAND, directrice générale des services
- Mme Béatrice PERIOT, directrice du tourisme
- Mme Barbara CAILLE, adjoint administratif à la mairie
- M. Philippe DE PROFT, garde littoral à la mairie

LES SAINTES : COMMUNE DE TERRE-DE-BAS

- M. Emmanuel DUVAL, maire et ses adjoints.

AUTRES COMMUNES

- Morne-à-L’eau : Mme Marie FOUCAN


- Le Moule : M. Pascal SUENON-NESTAR
- Baie-Mahault : Chazy CIRANY

SOCIO-PROFESSIONNELS ET ENTREPRISES

Chambre de Commerce et d’Industrie des Iles de Guadeloupe (CCIIG) :


- Mme Edith HAMOT, septième vice-présidente
- M. Thierry ROMANOS, sixième vice-président
- Mme Sylvine NEMORIN, conseillère technique « Environnement » au département
« tourisme, innovation et développement durable »

Entreprises de traitement et de valorisation des déchets :


- M. Aurélien MASSE, responsable de SECHE ECO SERVICES
- M. Tély CARPIN, ingénieur projets à SECHE ECO SERVICES
- M. Jean-Yves RAMASSAMY, de la Coopérative des Professionnels de l’Automobile,
des traitements des Métaux et de l’Environnement (COPAME)
- MM. Nicolas ROUDANT et Stéphane DUPUY, de SUEZ-SITA VERDE
- M. Franck BADUEL, de KARUKERALG

Environnement, agriculture, recherche / valorisation :


- Yannick BOC, chambre d’agriculture
- M. Gilles APATOUT, président directeur général de NOVUNDI
- M. Teddy BAPTISTE, ingénieur d’affaire à NOVUNDI
- M. Sébastien BALUSSON, directeur général d’OLMIX
- M. Eric CRANTOR, Grands Moulins des Antilles
- Mme Danielle RAMAEL, Les producteurs de Guadeloupe (IPG), chargée de la
gestion des déchets

p. 179
Etude détaillée

- M. Jean-Pierre MAURANYAPIN, directeur du Centre Technique de la Canne à Sucre


(CTCS)
- M. Jérôme TIROLIEN, responsable « sol et fertilité » à l’Institut Technique Tropical
(IT2)
- M. François BUSSIERE, INRA
- M. Jean-Louis MANSOT, directeur du laboratoire C3 MAG à l’Université des
Antilles
- Mme Anne FONTAINE, directrice du Centre d’Activité Régionale pour le protocole
SPAW (CAR-SPAW)

Pêche :
- M. Jean ROGER, du Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins
(CRPMEM)
- M. Jean-Pierre GALONNEAU, marin-pêcheur (Capesterre de Marie-Galante)
-
Hôtellerie, hébergement, restauration :
- M. Patrick VIAL-COLLET, de GHT-hôtels
- M. Nicolas VION, de GHT-hôtels
- Mme Gisèle MAISONNEUVE (location de gîtes à Terre-de-Haut, plage de
Pompierre)
- Mme Catherine LOGNOS, restauratrice à Terre-de-Haut, plage de Pompierre
- Mme Elyne BADE, gérante du « Soleil Levant » (Capesterre de Marie-Galante)
- M. Jérôme HAGEGE, restaurateur (Capesterre de Marie Galante)

Travaux publics :
- M. Gino LATCHAN, gérant de E.L.G-TP
- M. Medhi, OUJAGIR, chargé d’affaire à E.L.G-TP
- Mme Claudy CLAIRE, groupe VAITILINGON

Autres :
- Mme Annie-Dominique POULLET, directrice générale de Rescue International
Services K’raïb (RISK)
- M. Mike CARENE, société RISK
- M. Jean KASSIS, de la CGPME

SOCIETE CIVILE

- Association GWADAIR : MM. Didier BERNARD et Mohammed HAMIDA


- M. Stéphane CATTONI, médecin généraliste à Capesterre de Marie-Galante
- Mme Marie-France BONNET, habitante de bord de mer sinistrée à Petit Bourg

5. A SAINT-MARTIN

PREFECTURE ET SERVICES OU ETABLISSEMENTS DE L’ETAT

- Mme Anne LAUBIES, préfète déléguée auprès du préfet de la Guadeloupe


- Mme Annick MOINE-PICARD, déléguée de la préfète

p. 180
Etude détaillée

- M. Régis ARMENGAUD, chef du Service Territoire, Mer, Développement Durable


- M. Michaël Wéry, chef de service à la Direction de la Mer
- M. Pascal GODEFROY, chef de la délégation de l’ARS
- M. Raymond ROZAS, chef adjoint de la délégation de l’ARS
- Mme Marie-Hélène COUTANT, chef du Pôle de Cohésion Sociale
- M. Nicolas MASLACH, directeur de la Réserve naturelle de Saint-Martin,
responsable de l’antenne du Conservatoire du littoral de Saint-Martin
- Mme Julie WALKER, déléguée de l’antenne du Conservatoire du littoral
- M. Julien CHALIFOUR, responsable du Pôle scientifique de l’antenne du
Conservatoire du littoral
-
COLLECTIVITE DE SAINT-MARTIN

- Madame Aline HANSON, présidente du conseil territorial de Saint-Martin


- M. Philippe MILLON, directeur général des services
- Mme Anne-Marie BOUILLE, directrice de l’Environnement et du Cadre de Vie
- M. Romain PERREAU, directeur général adjoint du Pôle Développement Durable
- M. Georges GUMBS, président du Conseil Economique, Social et Culturel (CESC)
- M. Pierre ALIOTTI, vice-président du CESC
- Mme Annick PETRUS-FERGA, directrice de l’école Emile Larmonie à Cul-de-Sac

SOCIO-PROFESSIONNELS ET ENTREPRISES

- Mme Maggy GUMBS, directrice générale de la Chambre Consulaire


Interprofessionnelle de Saint-Martin (CCISM)
- M. Michel VOGEL, président de la Fédération Interprofessionnelle de la Collectivité
de Saint-Martin (FIPCOM Saint-Martin / MEDEF)
- M. BÜLENT-GÜLAY, président des professionnels de la mer (METIMER)
- M. Gary PAGE, président de l’association des marins-pêcheurs
- M. Bernard BARTHELMEBS, gérant d’hôtels et de restaurants à Baie Orientale
- M. Jean-Sébastien LAVOCAT, propriétaire du club de surf de la baie du Galion
- M. Patrick VILLEMIN, directeur de VERDE (entreprise de traitement des déchets)
- M. Jean-Pierre TEY, directeur d’exploitation de VERDE

SOCIETE CIVILE

- Mme Josiane ROUSSEAU, présidente de l’association « Centre Symphorien


d’insertion »
- Mme Marie-Paule ROUSSEAU, directrice du Centre Symphorien d’insertion
- Membres des « brigades vertes »
- Mme Adeline GLIGOR, représentante du collectif des habitants de Cul-de-Sac
- M. Gilles KELAÏDITES, président de l’association « We love Saint-Martin –
Environnement & Habitat »
- Mme Isabelle LE SENECHAL, membre de l’association « We love Saint-Martin »

GOUVERNEMENT DE SINT-MAARTEN

- M. William MARLIN, Prime minister

p. 181
Etude détaillée

- M. Angel C. MEYERS Minister of public housing, spatial development, environment


& infrastructure
- M. Louis D. BROWN Secretary general, Ministry of public housing, spatial
development, environment & infrastructure
- M. Mark WILLIAMS Policy advisor Ministry of public housing, spatial development,
environment & infrastructure

6. A SAINT-BARTHELEMY

PREFECTURE ET SERVICES OU ETABLISSEMENTS DE L’ETAT

- M. Jacques MONTAZEAU, délégué de la préfète


- M. Harry TOUTOUTE-FAUCONNIER et M. Eric QUESTEL, de la délégation de
l’ARS

COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY

- M. Bruno MAGRAS, président du conseil territorial de Saint-Barthélemy


- M. Thierry ARON, directeur de cabinet du président
- M. Denis GREAUX, directeur général des services
- M. Stéphane CROZATIER, adjoint à la directrice des services techniques
- M. Sébastien GREAUX, chargé de mission à l’Agence Territoriale de
l’Environnement (ATM)

SOCIO-PROFESSIONNELS ET ENTREPRISES

- M. Thierry DUTOUR, président de la Chambre Economique Multi-professionnelle


(CEM)
- Mme Nadège CARTI-SINNAN, directrice générale de la CEM
- Mme Vanessa PANZA, assistante de la présidente de l’association « Hôtels et Villas »
- Mme Julia DURROTY, directrice commerciale de l’hôtel Le Cheval Blanc Saint-
Barthélemy
- Mme Claire HILLAM, directrice commerciale de l’hôtel Le Barthélemy
- M. Franck OHAYON, directeur de l’hôtel Sereno
- M. Aurélien CHOMER, responsable technique de l’hôtel Sereno

7. A SAINTE-LUCIE

AMBASSADE DE France

- M. Eric de LA MOUSSAYE , ambassadeur de France à Sainte-Lucie, ambassadeur


de France auprès de l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale (OECO)
- M. Stéphane DOVERT, conseiller de coopération et d’action culturelle

p. 182
Etude détaillée

ORGANISATION DES ETATS DE LA CARAÏBE ORIENTALE

- M. Asha SINGH, directeur d’Ocean Governance Unit (Social and Sustainable


Developpment Division)

AMINISTRATIONS DE SAINTE-LUCIE

- M. Giles ROMULUS, coordinateur national du GEF SGP UNDP


- Ministère de l’agriculture : Mme Shana EMMANUEL et M. Seon DUNCAN
FERRARI (département des pêches)
- Ministère du développement durable : Mlle Lavina ALEXANDER et Mme Annette
LEO, chargées de mission
- M. Johanan DIZON, Algas Organism.

8. EN GUYANE

PREFECTURE ET SERVICES OU ETABLISSEMENTS DE L’ETAT

- M. Martin JAEGER, préfet


- M. Jean-Paul MALAGANNE, adjoint du chef d'état-major de la zone de défense de
Guyane
- M. Denis GIROU, directeur de la DEAL (Direction de l'Environnement, de
l'Aménagement et du Logement)
- M. Arnaud ANSELIN, chef de service « milieu naturel, biodiversité, sites et paysages
à la DEAL
- M. Pascal HUC, directeur adjoint de la Direction de la Mer

COLLECTIVITE TERRITORIALE DE GUYANE

- Mme. Hélène SIRDER, vice-présidente


- M. Frédéric BLANCHARD, chef de projet biodiversité
- M. Benjamin OULIAC, directeur GEC-Guyane
-
AUTRES ORGANISMES

- M. Johan CHEVALIER, conservateur de la Réserve Naturelle Nationale de l’Amana


- Mme.Annaïg LE GUEN, directrice au CNRS (Centre National de la Recherche
Scientifique) centre de la Guyane (échanges de mails)

p. 183
Etude détaillée

p. 184
Etude détaillée

9.4 Ouvrages cités


Ahmed, & Mermut. (1996). Vertisols, technologies for their management. development in soil
science n° 24.
ANSES. (17 février 2016.). Avis relatif à la problématique des émanations issues d’algues
sargasses en décomposition aux Antilles et en Guyane.
ANSES. (2011). Algues vertes - Risques liés aux émissions gazeuses des algues vertes pour la
santé des populations avoisinantes, des promeneurs et des travailleurs.
Bird, Chynoweth, & Jerger. (1990). Effects of marine algal proximate composition on
methane yields. Journal of applied phycology.
Blanchard, F. (mai 2014). Observations d’algues sargasses en Guyane : note préliminaire.
IFREMER.
Blanchart, & al. (2000). Déterminants biologiques de l'agrégation dans les vertisols des
Petites Antilles. Etudes et gestion des sols 7,4.
CAID Patrimoine. (juin 2016). Note sur la réalisation de juillet 2015 à mai 2016.
CARIAGRO et DAAF. (23 septembre 2011). Analyse de sargasses.
CEVA, P. R. (22 juin 2015). Sargasses : potentialités économiques. exposé à la semaine de la
peche et de l'aquaculture. Communauté d'aglomération de l'espace Sud Marinique.
Chambre régionale d’agriculture de Languedoc-Roussillon. (Novembre 2011). Les produits
organiques utilisables en languedoc Roussillon, Guide technique.
CIRAD. (16 mars 2016). résultats partiels sur le tranfert du sodium . communication
personnelle.
Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Guyane. (11 juin 2015).
Conséquences de l’invasion des algues brunes (sargasses) sur la filière pêche
guyanaise.
CRSNG. (2016). MANUEL POUR LA RÉCOLTE COMMERCIALE DES MACROALGUES
AU QUÉBEC.
DAAF Martinique. (2016). note du 4 février 2016: valorisation des sargasses.
DEAL Martinique, . (2011). Echouage des sargasses pélagiques sur les côtes martiniquaises
et impacts sur les écosystèmes littoraux: poissons associés à la sargasse et impact sur
les mangroves et herbiers.
Duchaufour. (1977). Pédogénèse et classification.
FAO. (1976). Production,trade,and utilization of seaweeds and seaweed products. Fisheries
tecnical paper n° 159.
FAO. (2002). A guide to the seaweed industry Fisheries Technical Paper 441.
Franks, J., & al. (November 2014). Retention and Growth of Pelagic Sargassum in the North
Equatorial Convergence Region of the Atlantic Ocean: A Hypothesis for Examining

p. 185
Etude détaillée

Recent Mass Strandings of Sargassum along Caribbean and West Africa Shorelines.
Franks J. and al. Proceedings of the 67t. Proceedings of the 67th Gulf and Caribbean
Fisheries Institute.
Frazier, J., Linton, T., & Webster, R. (2014). Advanced prediction in the Intra-Americas
sargassum season through analysis of the Sargassum Loop System using remote
sensing technology.
Gower, J., Hu, C., Borstad, G., & King, S. ( december 2006). Ocean color satellites show
extensive lines of floating sargassum in the gulf of Mexico. IEEE TRANSACTIONS
ON GEOSCIENCE AND REMOTE SENSING, VOL. 44, NO. 12,.
Gower, J., Young, E., & King, S. (2013). Satellite images suggest a new sargassum source
region in 2011. Remote Sensing Letters, 4:8, 764-773.
Harinder, Makkar, & Giger-Reverdin. (2016, février). Animal feed and science technology.
pp. 1-17.
Haut Conseil de la Santé Publique. (22 mars 2012.). Avis du Haut Conseil de la Santé
Publique relatif à la gestion du risque sanitaire lié aux émissions toxiques provenant
d’algues brunes sur les côtes de la Martinique et de la Guadeloupe .
HCSP. (10 juillet 2015). Avis relatif à la gestion relatif du risque sanitaire lié aux émissions
toxiques d’algues runes échouées sur les côtes de la Martinique en provenance de la
mer des Sargasses (sic) .
HOLDEX Environnement, S. (2015). Analyses de sargasses et de compost.
IFREMER. (2011). Devenir de la chlordécone dans les réseaux trophiques des espèces
marines consommées aux Antilles.
INERIS. (19 août 2009). Rapport d’étude sur les émissions d’hydrogène sulfuré et autres
composés gazeux potentiellement toxiques issus de la fermentation des algues vertes, .
Ineris. (2011). Evaluation des émissions gazeuses des algues vertes en décomposition (.
IRD, & Blanchart. (s.d.). D'argiles et de terres. Récupéré sur IRD.
IT2. (30 juillet 2015). Résultat d'analyse chlordécone sur algues sargasses en Martinique.
IT2. (30 octobre 2015). Compilation de résultats d'analyse de la composition de sargasses.
IT2. (juin 2013). Petit guide de la matière organique .
Johnson, D., & al. (November 2012.). The Sargassum Invasion of the Eastern Caribbean and
Dynamics of the Equatorial North Atlantic. Proceedings of the 65th Gulf and
Caribbean Fisheries Institute.
Maréchal, J.-P., Franks, J., Johnson, D., & Hu, C. (june 2016). PSB--
‐CARIBproject:Predictingsargassum blooms in the caribeean. site CAR-SPAW.
McMahon, S. (9 juin 2005). Goodbye to a sea giant. UNION-TRIBUNE.
Oxenford, H. (august 2015). Sargassum moss: Ecological aspects and source of influx.
Sargassum symposium Cave Hill campus.

p. 186
Etude détaillée

SAFEGE. (07 janvier 2016). Evaluation des méthodes de ramassage des sargasses : collecte
manuelle à terre.
SAFEGE. (7 janvier 2016). Evaluation des méthodes de ramassage des sargasses : ratisseur.
Smetacek, V., & Zingone, A. (2013, December). Green and golden seaweed tides on the rise,.
Nature, vol 504,.
Védie, F. (2015). Essai de caractérisation quantitative des sargasses pélagiques échouées aux
abords des côtes martiniquaises depuis 2014. DEAL Martinique.
Webster , R., & Linton, T. (2013, Summer). Development and implementation of Sargassum
Early Advisory System (SEAS). Shore 1 Beach, vol 81 n°3,.
Webster, R. (3 Mar. 2014). Sargassum Early Advisory System (SEAS). Texas A&M at
Galveston : www.tamug.edu/SEAS.

p. 187
Etude détaillée

p. 188
Etude détaillée

9.5 Préconisation de ramassage des sargasses (DEAL de Martinique)


Contexte environnemental
La période de ponte des tortues marines se reproduisant en Martinique s’étend de mars à
novembre. Si certaines plages présentent des activités de ponte particulièrement importantes,
toutes les plages sableuses de l’île sont susceptibles de receler des nids de ponte. Les deux
principales espèces concernées sont les tortues imbriquées (Eretmochelys imbricata) et les
tortues luth (Dermochelys coriacea), toutes deux classées en danger critique d’extinction par
l’UICN et protégées par arrêté ministériel du 14 octobre 2005. L’article 3.1 du dit arrêté
précise : « Sont interdits, sur tout le territoire national et en tout temps :
– la destruction, l’altération ou la dégradation du milieu particulier des tortues marines ;
– la destruction ou l’enlèvement des œufs et des nids ;
– la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle des
tortues marines »
La sanction pénale encourue s’élève à an d'emprisonnement et 9000 € d'amende
Or le trafic d’engins lourds (pelles mécaniques tracteurs, remorques) pour le ramassage
d’algues échouées sur les plages de Martinique engendre potentiellement un risque de
destruction des nids de ponte en cours d’incubation.
Recommandations pour le ramassage et l’évacuation des algues
Bien qu'atypique, le phénomène d'échouage d'algues pélagiques en Martinique n'est pas un
problème d'un point de vue écologique contrairement aux marées vertes bretonnes.
Une intervention sur les plages ne présentant pas d'enjeux en termes de salubrité publique
(habitations à proximité immédiate ou manifestation publique programmée) n'est donc pas
nécessaire.
Sur les secteurs à enjeux, un ramassage manuel sur les zones sensibles (présence potentielle
de nid) doit être privilégié. Pour l’évacuation des algues, il convient de limiter autant que faire
se peut les allers-retours des engins sur les plages et de confiner leur circulation le long du
littoral au niveau de la zone intertidale, afin de diminuer la probabilité de destruction des nids
par écrasement (cf croquis ci-dessous). En amont, avant le passage d'engins mécaniques,
s'assurer que les nouveau-nés ne sont pas coincés/bloqués dans les amas d'algues à enlever
Sur les zones présentant de grandes quantités, l'utilisation d'une pelle hydraulique à long bras,
équipée d'un grappin (ou à défaut d’une benne preneuse) permet de limiter l'impact
environnemental grâce à son rayon d'action important depuis la bande de circulation
longitudinale. L’emploi de ce type de matériel permet également de limiter les quantités de
sable ramassées avec les algues. En cas de fort coefficient, les périodes de marée basse seront
donc à privilégier pour les interventions mécaniques.
Les algues séchées en haut de plage ne présentant pas de risque de décomposition anaérobie
susceptible de dégager de l'hydrogène sulfuré devront être laissées, les algues en flottaison
accolées au rivage devront être récoltées pour éviter un renouvellement de l’opération de
ramassage quelques jours plus tard.

p. 189
Etude détaillée

Si possible un confinement en partie marine, à l'aide de sennes par exemple, des tapis d'algues
flottants proches du rivage permettra de limiter les interventions sur la plage. Ces agglomérats
pourront ensuite être remorqués sur des parties de rivages présentant une bonne accessibilité
et un enjeu environnemental moindre.

Profil type d’une plage présentant un échouage massif de sargasses

Plage Mer

Algues échouées sèches


-> maintien
Algues échouées humides
Algues flottantes limitrophes
-> ramassage
-> ramassage si possible

Marnage

Zone de ponte des Zone de ponte des tortues


tortues imbriquées luth

Zone de circulation des


Végétation d’arrière-plage
engins lourds

Zone de marnage

Algues échouées sèche Algues échouées humides


-> maintien -> ramassage

Végétation d’arrière-plage Algues flottantes limitrophes


-> ramassage

Plage Mer

p. 190
Végétation d’arrière-plage
Etude détaillée

9.6 Chlordécone : sols contaminés et zone d’échouage des sargasses

Figure 9 : Carte des sols potentiellement pollués en Guadeloupe

p. 191
Etude détaillée

Figure 10: Carte des sols potentiellement pollués en Martinique

p. 192
Etude détaillée

9.7 Apports de sodium par épandage : répartition des sols sensibles

Figure 11: Carte des sols de Guadeloupe

p. 193
Etude détaillée

Figure 12: Carte des sols de Martinique

p. 194
Etude détaillée

9.8 Note du 14 avril 2015 de la Direction générale de la sécurité civile


et de la gestion de crise relative aux sargasses en Martinique

p. 195
Etude détaillée

p. 196
Etude détaillée

9.9 Questionnaire adressé aux collectivités par les préfets à la


demande de la mission
9.9.1 Questionnaire
Mission interministérielle sur les sargasses

QUESTIONNAIRE
destiné aux MAIRES et PRESIDENTS D’ETABLISSEMENTS
PUBLICS INTERCOMMUNAUX

La ministre des Outre-Mer ainsi que les ministres chargés respectivement de l’écologie et de
l’agriculture ont mis en place une mission interministérielle chargée d’étudier le phénomène
d’échouage des sargasses et d’apporter une contribution à la résolution de ce problème.

Dans cette perspective, il est indispensable de mieux cerner l’ampleur du phénomène et les
actions menées au sein de chaque commune au cours de l’année 2015.

C’est l’objectif de ce questionnaire.

• Comment appréciez – vous l’impact sur votre commune de


l’échouage des sargasses ?
• Appréciation générale

• Comment la commune y fait elle face (personnel, autres coûts…) ?

• Quelles sont les aides (humaines, financières et techniques) qu’elle reçoit de


l’extérieur (pour 2015)?

• Quelles propositions formulez-vous pour l’avenir ?

Personnes à contacter (nom, prénom, fonction, mail) :

p. 197
Etude détaillée

• Importance des échouages et des impacts sur les principaux sites de la commune
Site 1 Site 2 Site 3
Nom de la plage ou de l’anse
touchée
Durée sur un an du phénomène :
• quasi continu
• plus de la moitié du temps
• épisodique

Plaintes de la population :
• virulentes
• fortes
• faibles
• inexistantes
IMPACT SUR CHAQUE SITE

Impacts sanitaires :
• odeur
• troubles de santé
• abandon d’habitation
• autre (préciser)
Impact économique (préciser la
perte de chiffre d’affaire ou d’emploi
à chaque rubrique):
• pêche
• commerce
• restauration
• hôtel
• autre (préciser)

p. 198
Etude détaillée

Impact environnemental :
• végétations des rives
• (mangrove,…)
• tortues
• faune ou flore marine
ACTIONS DEJA MENEES SUR CHAQUE SITE

Surveillance des échouages :


• par qui ?
• à quelle fréquence ?
Surveillance sanitaire :
• mesures de l’air sur site :
o par qui ?
o à quelle fréquence ?
• suivi médical.
Information du public :
• par quel moyen ?
• à quelle fréquence ?
Mise en sécurité :
• Interdiction d’accès :
o durée ?
• Evacuation de bâtiments :
o durée ?
Actions de ramassage :
o par qui ?
o comment (manuel ou
mécanique) ?
o à quelle fréquence ?
o volume en 2015 (m3ou
T) ?

p. 199
Etude détaillée

• Ramassage, transport, stockage et valorisation

• Qui organise (commune, EPCI, Département, État,


Hôteliers/restaurateurs/Commerçants, particuliers,…) :
− le ramassage et le stockage temporaire sur la plage :
− le transport jusqu’au lieu d’élimination/valorisation :

o Ramassage

• ramassage manuel
− nombre de journées en 2015 :
− volume ou tonnage récolté en 2015 :
− coût pour le territoire communal en 2015 :
− type de ramassage sur la plage (à sec, en eau ?) :
− statut du personnel employé (personnel communal, brigade verte,
entreprise,…) :
− outillage utilisé :

• ramassage mécanique à terre ou en eau sur la plage


− nombre de journées en 2015 :
− volume ou tonnage récolté en 2015 :
− coût pour le territoire communal en 2015 :
− type de ramassage sur la plage (à sec, en eau ?) :
− propriétaire des engins (commune, EPCI, département, Etat, entreprise,
agriculteurs,…) :

− type et nombre d’engins utilisés : tracto-pelle, pelle mécanique à roues,


pelle mécanique à chenilles, pelle à long bras, bulldozer, autre (préciser) :

− équipement des engins : godet plein, godet à claire-voie, grappin, lame


pleine, lame à claire-voie, autre (préciser) :

• ramassage en mer
− nombre de journées en 2015 :
− volume ou tonnage récolté en 2015 :
− coût pour le territoire communal en 2015 :
− propriétaire des embarcations (marins-pêcheurs, gestionnaire de ports,
entreprise,…) :

• difficultés rencontrées :

p. 200
Etude détaillée

o Stockage temporaire sur la plage après le ramassage


• durée :

o Transport
− Volume ou tonnage transporté en 2015 :
− coût pour le territoire communal en 2015 :
− organismes intervenants (commune, EPCI, département, Etat, entreprise,
agriculteurs,…) :

− types d’engins de chargement et de véhicules de transport :

o Élimination ou valorisation des algues

• élimination

dépôt en fond de dépôt non dépôt en centre


plage contrôlé d’enfouissement
autorisé
Volume ou tonnage
Intervenant
Coût pour la
commune en 2015

• valorisation

épandage sur compostage production matière autre


terrains d’énergie première de
agricoles process
industriel
Volume ou
tonnage
Intervenant

Coût 2015 pour la


commune

p. 201
Etude détaillée

p. 202
Etude détaillée

9.9.2 Réponses de Guadeloupe

Réponses communales :

• Anse-Bertrand

• Capesterre-Belle-Eau

• Goyave

• La Désirade

• Le Moule

• Petit-Bourg

• Petit-Canal

• Saint-François

• Terre de Bas

• Terre de Haut

Réponse de la Communauté d’Agglomération du Sud Basse-Terre

p. 203
Etude détaillée

p. 204
Etude détaillée

9.9.3 Réponses de Martinique

Réponses communales :

• Le François

• Le Marin

• Le Robert

• Marigot

• Sainte-Anne

• Sainte-Luce

• Sainte-Marie

• Trinité

• Vauclin

p. 295
Etude détaillée

p. 296
Etude détaillée

9.9.4 Réponses des îles du Nord

• Collectivité de Saint-Barthélemy

• Collectivité de Saint-Martin

p. 375
Etude détaillée

p. 376

Vous aimerez peut-être aussi