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ÉCOLOGIE

B. Peyre de Fabrègues 1I Le dromadaire dans son milieu naturel

PEYRE DE FABREGUES (B.). Le dromadaire dans son milieu LA VÉGÉTATION


naturel. Revue Êlev. Méd. véf. Puys trop., 1989, 42 (1) : 127-132. NATURELLE
Le dromadaire est l’animal domestique le mieux adapté aux conditions
de vie dans les régions arides, et à la rareté de l’eau et du pâturage qui
les caractérisent. Son exceptionnelle aptitude à la marche et son
éclectisme alimentaire lui permettent de composer sa ration fourragère Dans ce contexte climatique la’ végétation est, elle
avec les plantes très dispersées et souvent très épineuses qui constituent aussi, adaptée, et en premier lieuà l’extrême rareté de
les parcours des zones arides. Capable de brouter les végétaux l’eau. Les plantes traduisent cette adaptation par de
arbustifs hors d’atteinte des autres ruminants, il n’entre guère en
compétition avec eux. Ajouté à ses habitudes déambulatoires et à son nombreuses caractéristiques dans leur morphologie
exclusivité dans les uarcours où l’abreuvement est éloiané. cela fait (réduction de l’appareil aérien pour lutter contre
qu’il est le moins enclin à dégrader gravement le milie’u vegétal. Sa I’évapotranspiration, aphyllie, spinescences, etc.), leur
légendaire résistance à la soif en a fait le compagnon indispensable de physiologie (cycle très bref des annuelles, puissant
l’homme pour la conquête des vastes espaces d&&tiques dans lesquels,
sans lui, l’homme n’aurait jamais pu s’installer. Mors clés : Droma- enracinement des vivaces, capacité de rester très
daire - Cmnelus dromedarius - Comportement alimentaire - Pâtura- longtemps en vie ralentie, etc.), leur répartition
ges - Végétation - Résistance à la sécheresse - Zone aride. (grande dispersion dans l’espace).
Par suite, la biomasse végétale pâturable sera peu
productive, très dispersée, variable, parfois même
INTRODUCTION imprévisible d’une année à l’autre.
A partir des critères pédomorphologiques qui détermi-
nent la répartition des paysages en zone désertique,
Le dromadaire (18 millions de têtes en 1986) est, de
on décrit trois types majeurs, qui ont tous en commun
tous les animaux domestiques, le mieux adapté aux
la rareté du tapis végétal :
régions chaudes, à climat désertique et sub-déserti-
que, des domaines méditerranéen, tropical et sub- - les ergs, qui correspondent aux dunes non fixées et
tropical. portent une végétation en général assez régulièrement
Ces régions, dans lesquelles son aire de distribution dispersée,
s’étend sur environ 20 millions de km2 en Afrique et - les hamadas et les regs qu’i sont des étendues
en Asie sont caractérisées par la rareté de l’eau et de pierreuses ou au sol couvert de pierres, dont le
la végétation spontanée. couvert végétal est réparti irrégulièrement et en fonc-
tion des caractères du sol (inexistant sur affleure-
Ce milieu correspond à la forme la plus pauvre des
ments, ou profond dans les fractures),
paysages pastoraux, la dernière avant le désert. Les
milieux naturels se voient, en effet, attribuer une - les ouadis (ou wadi) et les dayas qui sont le fond
vocation pastorale d’autant plus exclusive qu’il est des vallées fossilisées et des dépressions. La végéta-
plus difficile d’y vivre, quand aucune agriculture n’y tion bénéficiant des apports d’eau du ruissellement
est possible et que les forestiers eux-mêmes n’ont rien latéral, y est généralement plus organisée et plus
pu y planter, avec succès du moins. nombreuse qu’alentour.
Le dénominateur commun des climats de son aire de II faut y ajouter les oasis et les autres sites, rendus très
dispersion semble être la très importante variabilité particuliers en raison de la présence d’eau à faible
inter-annuelle de la faible pluviométrie, la longueur et profondeur dans le sol, donnant’ parfois naissance à
la siccité extrême de la saison sèche et l’importante des résurgences (guelta). Cela ne correspond pas à
amplitude thermique, tant nycthémérale que saison- un type pédomorphologique spécial, mais à des condi-
nière. tions stationnelles particulières dont le résultat, la
présence d’eau, est d’une importance cruciale, dans
le désert, pour la vie humaine et animale.
1. IEMVT, 10 rue Pierre Curie, 94704 Maisons-Alfort cédex, Pour le dromadaire, monture du voyageur (méhari), la
France. rareté des points d’eau impose une programmation
Reçu le 01 .12.88, accepté le 04.01.89. serrée des voyages et un choix raisonné des itinérai-

Revue Élev. Méd. vét. Pays trop., 1989, 42 (1) : 127-132 127
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res, que seule son endurance permettra de parcourir Cymbopogon, Lasiurus, Chrysopogom, Eremopogon,
aux moindres risques. Fagonia, avec Acacia ehrenbergiana, se rencontrent
sur les sols compacts ou à surface caillouteuse
Parmi les plantes les plus caractéristiques de la (observation personnelle).
végétation des confins désertiques, qui sont l’habitat
principal des dromadaires, les genres les plus fré-
quemment rencontrés sont les suivants :
Dans la péninsule arabique Acacia spp. et Panicum
turgidum caractérisent la steppe, avec Anabasis et LE PÂTURAGE
Hamada sur les regs et Artemisia et Calligonum sur les
dunes.
La végétation herbacée constituée de plantes annuel- Lorsqu’il n’est pas au repos en train de ruminer, le
les, susceptibles de germer et de pousser subitement dromadaire, qui broute en marchant, est capable
après une pluie, et dont la période de vie active (de d’exploiter cette végétation, malgré sa production
verdure) sera parfois très brève, est un pâturage très fourragère faible et dispersée, en y trouvant, normale-
recherché par les nomades qui la nomment « acheb B. ment, une ration de composition convenable pour ses
besoins.
Parmi les plantes fréquentes de I’acheb on relève,
Asthenatherum, Monsonia, Plantago, Stipagrostis, Dans une étude conduite au Kenya, FIELD (in: 14)
Moltkiopsis, Filago, etc. Après une averse, sa pousse observe que la composition moyenne de la ration
forme dans les fonds de dépression, un impression- ingérée par le dromadaire, par catégorie de plante, est
nant tapis de verdure qui attire, de très loin, nomades la suivante : arbustes et arbrisseaux 473 p. 100, arbres
et troupeaux qui y trouvent un pâturage riche en 29,9 p. 100, graminées 11,2 p. 100, herbacées diverses
nutriments et aqueux, très appété (6, 16). 10,2 p. 100 et lianes 1 ,l p. 100.

Dans les steppes d’Afrique du Nord-Ouest, on rencon-


tre : Rhus, Centaurea, Cymbopogon, Rumex, Rando- Bien que la composition de sa ration dépende étroite-
nia, Anvillea, Gymnocarpes, Helianthemum, Lasiurus, ment de celle de la végétation offerte à son appétit,
Launea sur les collines pierreuses ; Anabasis, Calen- ceci confirme nettement le caractère de « brouteur >o
dula, Stipagrostis, Plantago, Launea sur les piémonts du dromadaire. C’est, pour le comportement au pâtu-
à sol de texture fine ; Ochradenus, Astragalus, Zilla, rage, ce qui le rapproche des caprins, par opposition
Helianthemum, Fagonia accompagnés d’Acacia tortilis aux autres ruminants domestiques.
et A. gerrardii sur les talus de berge des ouadis ;
Lycium, Anabasis, Rantherium dominent dans les Sur ces derniers, il a encore l’avantage considérable
ouadis, associés à Acacia ehrenbergiana, Aerva, Pani- de pouvoir atteindre, depuis le ras du sol jusqu’à 4 m
cum turgidum, Zilla, Rhazya et parfois, Hyphaene de haut,.des productions végétales comme les feuilles,
thebaica et Tamarix aphylla ; Stipagrostis drarii, Cype- les fruits, ou les ramilles, même ligneuses et fortement
rus conglomeratus, Calligonum, Artemisia et Acacia épineuses, dont les autres espèces ne veulent pas.
monosperma caractérisent les dunes. Enfin, les croû- C’est donc pour ces raisons, parmi d’autres, un
tes calcaires portent Haloxylon persicum, plutôt ras- herbivore mieux adapté que les animaux paisseurs
semblé dans les sillons de ruissellement (7, 8, 17). (bovins et ovins) aux zones arides dans lesquelles la
Sur la bordure Sud du Sahara, dans la frange Nord seule végétation réellement pérenne est celle des
pré-désertique du Sahel ouest-africain, qui constitue plantes ligneuses. Au désert, en effet, la pousse des
l’habitat principal du dromadaire en zone tropicale, herbages éphémères, qui constituent I’acheb, est
les plantes les plus caractéristiques sont : imprévisible et aléatoire : elle dépend des pluies qui
sont toujours localisées.
- Panicum turgidum, Moltkiopsis, Asthenatherum,
Neurada, Fagonia, Stipagrostis et Cornulaca mona- Cependant, le fait que le dromadaire puisse se conten-
canthasur les ergs. Dans ce milieu, Panicum turgidum ter des plantes grossières, souvent très épineuses et
est, de très loin, la plante dominante sur les sables nombreuses en milieu désertique, ne prouve pas qu’il
dunaires. Par son abondance et sa longue durée de les préfère. Au contraire, il apprécie les tendres
vie active, (elle reverdit à la moindre pluie) elle est paturages de I’acheb, mais doit, bien souvent, se
souvent la base des pâturages des dromadaires qui la contenter de ce qu’il trouve sur son chemin.
broutent en vert et en sec, en ne laissant que le bas
Et s’il semble supporter le jeûne, il ne se l’inflige ni par
des chaumes, extrêmement raides, de la touffe. goût, ni spontanément !
- Aristida hordeacea, A. meccana, Tribulus, Gisekia Naturellement, le dromadaire est plus à son aise dans
sont fréquentes dans I’acheb, avec Schouwia cet-tai- les zones sub-arides où une pluviométrie suffisante
nes années. autorise la pousse d’une végétation permanente.

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ÉCOLOGIE

L’homme le maintient dans le désert où, par ses 1 g (ex. Acacia, Ziziphus) à 20 g (ex. Eremophflon) (6,
possibilités, ii lui est le plus utile, là où la pousse 7, 8)- permet une utilisation sans danger de dégrada-
capricieuse du pâturage herbeux, disparaissant ici tion, de la fragile végétation pâturable des régions
pour, plus tard, apparaître ailleurs, contraint bêtes et arides.
gens au nomadisme, mode de vie auquel le droma-
daire s’adapte mieux que les autres animaux domesti-
ques.
Au Sud et au Centre du Sahara, une Brassicaceae
annuelle et de grande taille (elle peut atteindre 1,5 m
de haut), surprenante par sa morphologie absolument
inadaptée aux conditions désertiques, Schouwia shim-
peri, constitue un exemple spectaculaire de plante
d’acheb et de remarquable pâturage à dromadaire.
Elle germe après les pluies, en octobre (au Nord-
Ouest du Niger) dans des sols de structure particulière
résultant du remplissage, par des sables éoliens, de
fentes de retrait de dessication. Elle y pousse sans
pluies jusqu’en janvier, pour finir par constituer des
peuplements presque monospécifiques parfois
immenses, de biomasse très élevée (plus de 10 ton-
nes/ha de matière verte). Les dromadaires en sont
extrêmement friands et peuvent y passer toute la Photo 1 : En novembre 1968 les pâturages d’«.Acheb » à Schouwia
saison fraîche sans boire car elle contient assez d’eau schimperi<Jaub. et Spath.), d’une richesse exceptionnelle cette année-
pour leurs besoins. là, avaient attiré une kdtitude de troupeaux de dromadaires qui y ont
pâturé durant plusieurs mois.
Mais elle ne reparaît pas tous les ans au même
endroit, ni avec la même production.
Après février, avec le retour de la chaleur elle sèche
brutalement et est détruite par les vents secs.
La répartition et les effectifs des dromadaires dans le
cheptel, évalué en biomasse d’herbivores domestiques
(BHD), des pays qui en élèvent le plus, montrent bien
cette corrélation avec l’importance du domaine déser-
tique dans le pays (WILSON 1984, in: 4).
Pays où les dromadaires représentent :
- moins de 1 p. 100 de la BHD : Burkina, Nigeria,
Sénégal ;
- de 1 à 8 p. 100 de la BHD : Algérie, Égypte, Éthiopie,
Kenya, Libye, Mali, Maroc ;
- de 8 à 20 p. 100 de la BHD : Niger, Soudan, Tchad,
Tunisie ; Photo 2 : Par sa capacité à brouter en hauteur, même les plantes les
plus épineuses, le dromadaire exploite des productions végétales pour
- plus de 20 p. 100 de la BHD : Djibouti, Mauritanie, lesquelles il ne concurrence pas les autres animaux domestiques.
Sahara occidental, Somalie.

La ration, estimée à 8 kg de matière sèche par jour (10


Ll$ DROMADAIRE AU à 40 kg de matière fraîche), est collectée sur de vastes
PATURAGE étendues. Selon la production de biomasse végétale
utilisable, la surface à exploiter pour y collecter la
ration va de 50 m2 à 1 500 m2 par jour (8).
Aliments Le dromadaire peut les parcourir sans fatigue grâce à
sa capacité de beaucoup s’éloigner de son point
Le mode « ambulatoire * de pacage du dromadaire, d’abreuvement, spécialement en saison fraîche et
qui se déplaçe beaucoup, et ne broute que de petites quand les plantes, encore vertes, contiennent une
quantités de chaque plante -ses bouchées pèsent de quantité notable d’eau (plus de 50 p. 100).

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B. Peyre de Fabrègues

En Mauritanie, en année de disette, I’ingesta a pu Hyosciamus muticus brouté sans dommage par les
descendre jusqu’à 2,2 kg de MS par jour (8) ce qui, ovins et les caprins est toujours mortel pour le
dans les conditions de travail que subissaient les dromadaire, tout comme Nerium oleander, le laurier
animaux (marches de 4 à 6 heures par jour, avec rose.
100 kg de charge), semblait correspondre au minimum
Au Sud du Sahara, c’est par exemple Ipomoea asarifo-
de survie.
lia, liane herbacée rampante des zones marécageuses,
Les chameliers connaissent les risques de cette situa- qui serait fatale au dromadaire, tandis que Chrozo-
tion critique ; les dromadaires, en effet, meurent phora senegalensis et Callotropis procera, au latex
subitement sans présenter des signes très apparents toxique, sont un peu consommés.
de fatigue excessive. C’est pourquoi, lors des longs
Un caractère remarquable des habitudes alimentaires
voyages à travers le désert, l’animal doit emporter,
des dromadaires, est leur attrait pour le sel. II doivent
outre celle de son convoyeur, sa propre ration de
en absorber régulièrement pour être en bonne santé.
survie. Ainsi, les dromadaires de I’azalay d’Agadèz à
Ce besoin semble àller de pair avec les mécanismes
Bilma, au Niger, organisé pour aller y chercher le sel,
particuliers du fonctionnement rénal, pour la régula-
emportent à l’aller une forte charge de foin qui leur
tion de la teneur en eau organique.
permettra de traverser le Ténéré.
Normalement, l’animal est régulièrement conduit
La durée quotidienne de pacage, plus longue si la
température est fraîche et l’abreuvement régulier, est dans des pâturages « salés * de plantes halophytes ou
de l’ordre de 8 à 10 heures, mais elle dépend aussi de supportant les sols salés, ou abreuvé avec de l’eau
la difficulté de collecter une quantité notable de chargée en sels (NaCI, sels divers et oligoéléments).
fourrages à l’heure. Par exemple quand il broute des Ces plantes, comme Atriplex par exemple, sont en ~
feuillages d’Acacia, le dromadaire ne dépasse pas une général également riches en protéines et en eau, de ~ ~
collecte de 1 kg/heure de matière verte, de sorte sorte que le dromadaire peut les pâturer longtemps.
qu’avec cette nourriture, il ne peut pas ingérer une Ce sont par exemple les genres Sakola, Traganum,
ration assez volumineuse par jour. De même si la Suaeda, Zygophyllum, Calligonum, etc.
distance de la zone de parcage de nuit au pâturage est
trop grande, il ne disposera pas d’assez de temps de Au Sud du Sahara, il y a peu de plantes herbacées ou
pâture pour ingérer une ration suffisante. buissonnantes qui contiennent de hautes teneurs en
sel. Cependant, au Niger, existe une transhumance
Enfin, la consommation des plantes varie beaucoup dite de « cure salée » durant laquelle les animaux,
avec la saison, certaines ne sont appétées qu’en dromadaires en premier, sont conduits dans des
saison froide (Gymnocarpes decander) ou chaude pâturages éphémères de la plaine de I’lrhazer (à
(Stipagrostis plumosa), avec les heures de la journée l’ouest d’Agadèz), où ils trouvent des sources d’eau
(le crépuscule serait le moment du plus grand appétit), chargée en sel en même temps que des herbages
et avec la « présentation » des plantes, ainsi I’acheb temporaires de plantes recherchées.
tendre et dense, composé de plantes très appréciées,
élève beaucoup l’ingestion.
Abreuvement
Soit par goût, soit par nécessité, le dromadaire
consomme la plupart des essences présentes sur son Commensal de l’homme en zone désertique, le droma-
aire de pâture, à condition d’y avoir été accoutumé daire montre, tant par sa frugalité que par sa résis-
très tôt. Ainsi, en cas de changement notable et tance à la soif, imposée par la rareté des points d’eau,
nouveau pour lui de la composition du pâturage (lors une endurance exceptionnelle.
d’une migration par exemple) le dromadaire refusera Cependant, sa légendaire capacité à supporter la soif ~
des plantes pourtant bien appétées par ses congénè- semble elle aussi peu naturelle.
res autochtones. Très sensible aux changements de
végétation, il peut bouder un pâturage excellent Quand il y a de l’eau, le dromadaire boit une fois, voire
auquel il n’est pas accoutumé, et peut mourir de deux, par jour. II absorbe de 20 à 30 litres si son
malnutrition s’il est trop dépaysé et mal conduit, alimentation est faite de paille sèche. II se contente de
beaucoup moins si le pâturage est très aqueux ; à
l’extrême, pâturant des végétaux jeunes et verts, il ne
Plantes toxiques, plantes salées boit pas.

S’il y a des plantes toxiques dans le pâturage auquel il


est habitué, il semble pouvoir en ingérer un peu sans Après plusieurs jours sans boire, on en a vu absorber
dommage (Perralderia coronopifolia, Datura metel). 130 litres d’eau en une seule prise ; ils doivent alors
Pergularia tomentosa et Retama retam seraient égale- rester couchés un long moment avant de pouvoir faire
ment toxiques dans certaines conditions. Au contraire, un effort.

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ÉCOLOGIE

Comme pour le jeûne, le rationnement en eau d’abreu- des Bédouins, Berbères, Touareg, Toubous... La capa-
vement ne va pas sans risque : une erreur d’itinéraire, cité de déplacement qu’il leur a apportée, permettant
le tarissement imprévu d’un point d’eau, peuvent lui les longs voyages à travers « l’océan saharien n, lui a
être fatals. valu le surnom de « vaisseau du désert n.
Sa rkistance au manque d’eau, si elle est permise De là vient le statut exceptionnel du dromadaire,
sans dommage physiologique, grâce à des mécanis- considéré comme un bien tout à fait à part pour la
mes de régulation (rénal, thermique, transpiratoire) plupart de ces populations.
qui lui sont propres, est avant tout le résultat d’un
Ainsi chez les Toubous des confins nigéro-tchadiens,
dressage. L’homme a contraint l’animal à amplifier (à
l’affront résultant du vol d’une chamelle ne peut être,
éduquer) cette capacité car cela accroît considérable-
au même titre que l’enlèvement d’une femme, lavé que
ment l’utilité du dromadaire dans l’environnement du
dans le sang.
désert.
Sa capacité remarquable à transformer les maigres
L’eau lui est indispensable pour ruminer efficacement.
En l’absence d’abreuvement il s’amaigrit. Survient ressources fourragères dont il peut se contenter, tout
d’abord en lait (base de la diète du chamelier et des
une fatigue excessive. Une issue fatale, soudaine,
siens) ensuite en travail (pour l’indispensable trans-
presque sans signes précurseurs est alors de règle,
port), enfin en viande, en peau et en poils, a fait de lui
marquant aussi la fin d’un processus métabolique
devenu irréversible. le pourvoyeur de la plupart des produits nécessaires à
la vie au désert. Sans lui, tant de conquêtes n’auraient
pu avoir lieu.
CONCLUSION C’est probablement BULLIET (1975, in : 14) qui résume
le mieux l’extraordinaire gamme des services et des
produits que l’homme tire du dromadaire. Outre le
prestige important que sa possession confère, la
capacité de survie qu’il apporte par sa résistance et sa
C’est à sa polyvalente et à son aptitude, non seule- grande mobilité, il produit du lait, transporte hommes
ment à survivre, mais encore à produire, voire à et marchandises, peut tracter un chariot ou même une
travailler dans les dures conditions de l’environnement charrue, être troqué contre des biens ou des femmes,
désertique ou sub-désertique, que le dromadaire doit et enfin finir consommé tout en donnant encore du
être considéré par nombre de ceux qui l’élèvent poil à tisser et du cuir à travailler. II peut même être
comme un « don de Dieu ». exhibé au zoo !
Sans lui, l’homme n’aurait pas pu occuper les vastes Avec un tel palmarès, comment nier qu’il soit un don
espaces hostiles à la vie comme l’ont fait, entre autres, de Dieu ?

PEYRE DE FABREGUES (B.). The dromedary in its natural


environment. Revue Élev. Méd. vét. Pays trop., 1989, 42 (1) : 127. PEYRE DE FABREGUES (B.). El dromedario en su medio ambiente
1-20
IJL. nativo. Revue Élev. Méd. vét. Pays trop., 1989, 42 (1) : 127-132.
The dromedary, as a domestic animal, is best adapted to living El dtomedario es el animal doméstico mejor adaptado a las condiciones
conditions in arid environment and to the rareness of water and de vida en reglones arldas y a la rat-em del agua y del pasto que las
pasture which are typical of such regions. Its exceptional ability to caracterlmn. Su aptitud excepcional a1 andar y su eclecticlsmo
walk as well as its feeding eclecticism allow it to constitute its graxing alimenticio le permiten constituir su diita forrajera en base de plantas
ration from widely scattered and often very thomy plants which muy dispersadas y frecuentemente espinosas que constituyen 10spastos
characterixe such pastoral areas throughout arid lands. Smce it is able nattvos de las zonas arldas. Capaz de ramonear 10s arbustes fuera del
to graze shmbs and trees out of reach of other ruminants, it does not alcance de otros ganados, el dromedario no compete con ellos, y esto,
compete much with them. In addition to its ambulatory habits and anadido a sus usos ambulatorios a1 pastorear, y a su exclusividad en
exclusive presence over pastures where long distance water points are ambientes en 10scuales el agua de abrevadura estA muy lejos, hace que
a normal situation, these features, as a whole, mean that it is tbe tiene la menor propension a degradar gravemente la vegetacion. Su
creature least disposed to severely damage the vegetal environment. Its legendaria resistencia a la sed 10 ha promovido compafiero indispensa-
legendary resistance to thirst has made it an indispensable companion ble del hombre para la conquista de htmensas areas desérticas dentro
to man in the conquest of wide desert ranges which could never be de las cuales, sin su presencia, el humano no hubiera tenido capacidad
settled without it. Key words : Came1 - Camelus dromedarius de instalarse. Palabras claves : Dromedario - Camelus dromedarius -
Feeding behaviour - Pasture - Vegetation - Drought adaptation - Comportamiento alimenticio - Pasto - Vegetacion - Resistencia a la
Arid zone. sequia - Zona arida.

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B. Peyre de Fabrègues

BIBLIOGRAPHIE

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Africa. Rome, FAO, Food and agriculture organization of the united nations, 1980. P”n 7).

Lexique des mots arabes utilisés dans le texte


Acheb : végétation d’herbacées annuelles apparue Guelte : résurgence d’eau, en général permanente, en
après une pluie en région aride. région aride.

Azalaï: au Sahara, grande caravane rassemblée pour Hamada : au Sahara, plateau constitué par des dalles
un transport de marchandises. rocheuses.

Daya : littéralement « refuge des eaux )o,Petite dépres- Ouadi: pluriel de oued. Cours d’eau temporaire en
sion fermée. région aride.

Erg : au Sahara, nom donné aux régions occupées par Reg: Désert rocheux constitué par un pavage de
des dunes. déflation.

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