Algèbre Commutative Méthodes Constructives
Algèbre Commutative Méthodes Constructives
Algèbre Commutative Méthodes Constructives
Méthodes constructives
Modules projectifs de type fini
LOMBARDI Henri
Maître de Conférences
Université de Franche-Comté, Besançon
henri.lombardi@univ-fcomte.fr
QUITTÉ Claude
Maître de Conférences
Université de Poitiers
claude.quitte@math.univ-poitiers.fr
Avant-Propos vii
1 Exemples
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.1 Fibrés vectoriels sur une variété compacte lisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Formes différentielles sur une variété affine lisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
7 La méthode dynamique
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264
7.1 Le Nullstellensatz sans clôture algébrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265
7.2 La méthode dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270
7.3 Introduction aux algèbres de Boole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
7.4 L’algèbre de décomposition universelle (2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278
7.5 Corps de racines d’un polynôme sur un corps discret . . . . . . . . . . . . . . . . 286
7.6 Théorie de Galois d’un polynôme séparable sur un corps discret . . . . . . . . . 289
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303
8 Modules plats
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
8.1 Premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
8.2 Modules plats de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311
8.3 Idéaux principaux plats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313
8.4 Idéaux plats de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
8.5 Algèbres plates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317
8.6 Algèbres fidèlement plates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Table des matières iii
13 Dimension de Krull
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503
13.1 Espaces spectraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504
13.2 Une définition constructive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506
13.3 Quelques propriétés élémentaires de la dimension de Krull . . . . . . . . . . . . . 513
13.4 Extensions entières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 515
13.5 Dimension des anneaux géométriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 516
13.6 Dimension de Krull des treillis distributifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 518
13.7 Dimension des morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 520
13.8 Dimension valuative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 526
13.9 Lying over, Going up et Going down . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 532
iv Table des matières
15 Le principe local-global
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 571
15.1 Monoïdes comaximaux, recouvrements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 572
15.2 Quelques principes local-globals concrets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 574
15.3 Quelques principes local-globals abstraits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 579
15.4 Recollement concret d’objets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581
15.5 La machinerie locale-globale constructive de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . 588
15.6 Quotienter par tous les idéaux maximaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592
15.7 Localiser en tous les idéaux premiers minimaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 599
Bibliographie 669
Ce livre est un cours d’introduction à l’algèbre commutative de base, avec un accent particulier
mis sur les modules projectifs de type fini, qui constituent la version algébrique des fibrés vectoriels
en géométrie différentielle.
Nous utilisons des méthodes constructives, avec lesquelles tous les théorèmes d’existence ont
un contenu algorithmique explicite. Les mathématiques constructives peuvent être regardées
comme la partie la plus théorique du calcul formel (computer algebra en anglais), qui s’occupe
des mathématiques qui (( tournent sur ordinateur )). Notre cours se distingue cependant des cours
de calcul formel usuels sous deux aspects essentiels.
Tout d’abord nos algorithmes sont le plus souvent seulement implicites, sous-jacents à la
preuve, et ne sont en aucune manière optimisés pour s’exécuter le plus rapidement possible,
comme il est naturel lorsque l’on vise une implémentation efficace. Ensuite, notre approche
théorique est entièrement constructive, alors que les cours de calcul formel usuels se préoccupent
peu de cette question. La philosophie n’est donc pas ici, comme il est d’usage (( blanc ou noir,
le bon chat est celui qui attrape la souris1 )) ; mais plutôt la suivante (( Le moyen fait partie
de la recherche de la vérité, aussi bien que le résultat. Il faut que la recherche de la vérité soit
elle-même vraie ; la recherche vraie, c’est la vérité déployée, dont les membres épars se réunissent
dans le résultat2 ))
Nous sommes amenés à parler souvent des deux points de vue, classique et constructif, sur
un même sujet. En particulier nous avons mis une étoile pour signaler les énoncés (théorèmes,
lemmes . . .) qui sont vrais en mathématiques classiques, mais dont nous ne donnons pas de
preuve constructive, et qui souvent ne peuvent pas en avoir. Ces énoncés (( étoilés )) ne seront
donc probablement jamais implémentés sur machine, mais ils sont bien souvent utiles comme
guides pour l’intuition, et au moins pour faire le lien avec les exposés usuels écrits dans le style
des mathématiques classiques.
Pour ce qui concerne les définitions nous donnons généralement en premier une variante
constructive, la lectrice3 voudra bien nous le pardonner, quitte à montrer en mathématiques clas-
1. Proverbe chinois.
2. Karl Marx, dans une lettre à un de ses amis, envoyée d’Alger où il était venu soigner ses poumons, cité par
Georges Perec dans Les Choses.
3. La personne qui lit ce livre subit la règle inexorable de l’alternance des sexes. Espérons que les lecteurs n’en
seront pas plus affectés que les lectrices. En tout cas, cela nous économisera bien des (( ou )) et bien des (( (e) )).
viii Avant-Propos
siques l’équivalence avec la définition usuelle. Le lecteur constatera que dans les démonstrations
(( étoilées )) nous utilisons librement le lemme de Zorn et le principe du tiers exclu, tandis que les
autres preuves ont toujours une traduction directe sous forme d’algorithme.
L’algèbre constructive est en fait une vieille discipline, développée en particulier par Gauss et
Kronecker. Nous nous situons dans la lignée de la (( bible )) moderne sur le sujet qui est le livre
A Course in Constructive Algebra de Ray Mines, Fred Richman et Wim Ruitenburg, paru en
1988. Nous le citerons sous forme abrégée [MRR]. Notre ouvrage est cependant autocontenu et
nous ne le réclamons pas comme prérequis. Les livres de Harold M. Edwards de mathématiques
constructives [Edwards89, Edwards05] sont aussi à recommander.
L’ouvrage correspond à un niveau de Master 2, du moins jusqu’au chapitre 14, mais la lectrice
est seulement supposée connaître les notions de base concernant la théorie des groupes, l’algèbre
linéaire sur les corps, les déterminants, les modules sur les anneaux commutatifs, ainsi que la
définition des anneaux quotients et localisés. Une familiarité avec les anneaux de polynômes, les
propriétés arithmétiques de Z et des anneaux euclidiens est également souhaitable.
Le contenu de l’ouvrage
Nous commençons par un bref commentaire sur les choix qui ont été faits concernant les
thèmes traités.
La théorie des modules projectifs de type fini est un des thèmes unificateurs de l’ouvrage.
Nous voyons cette théorie sous forme abstraite comme une théorie algébrique des fibrés vectoriels,
et sous forme concrète comme celle des matrices idempotentes. La comparaison des deux points
de vue est esquissée dans le chapitre introductif.
La théorie des modules projectifs de type fini proprement dite est traitée dans les chapitres 5
(premières propriétés), 6 (algèbres qui sont des modules projectifs de type fini), 10 (théorie du
rang et exemples), 14 (splitting off de Serre) et 16 (modules projectifs de type fini étendus).
Un autre thème unificateur est fourni par les principes local-globals, comme dans [Kunz] par
exemple. Il s’agit d’un cadre conceptuel très efficace, même s’il est un peu vague. D’un point de
vue constructif on remplace la localisation en un idéal premier arbitraire par un nombre fini de
localisations en des monoïdes comaximaux. Les notions qui respectent le principe local-global sont
(( de bonnes notions )) en ce sens qu’elles sont mûres pour le passage des anneaux commutatifs
aux schémas de Grothendieck, que nous ne pourrons malheureusement pas aborder dans l’espace
restreint de cet ouvrage.
Enfin un dernier thème récurrent est donné par la méthode, tout à fait familière en calcul
formel, dite de l’évaluation paresseuse, ou dans sa forme la plus aboutie évaluation dynamique.
Cette méthode est indispensable lorsque l’on veut mettre en place un traitement algorithmique
des questions qui requièrent a priori la solution d’un problème de factorisation. Cette méthode a
également permis la mise au point des machineries constructives locales-globales que l’on trouve
dans les chapitres 4 et 15, ainsi que celle de la théorie constructive de la dimension de Krull
(chapitre 13), avec d’importantes applications dans les derniers chapitres.
Nous passons maintenant à une description plus détaillée du contenu de l’ouvrage.
Dans le chapitre 1 nous expliquons les liens étroits que l’on peut établir entre les notions
de fibrés vectoriels en géométrie différentielle et de module projectif de type fini en algèbre
commutative. Ceci fait partie du processus général d’algébrisation en mathématiques, processus
qui permet souvent de simplifier, d’abstraire et de généraliser de manière surprenante des concepts
provenant de théories particulières.
Le chapitre 2 est consacré aux systèmes linéaires sur un anneau commutatif, traités sous
forme élémentaire. Il ne requiert presqu’aucun appareillage théorique, mis à part la question de
la localisation en un monoïde, dont nous donnons un rappel dans la section 2.1. Nous entrons
ensuite dans notre sujet en mettant en place le principe local-global concret pour la résolution
des systèmes linéaires (section 2.2), un outil simple et efficace qui sera repris et diversifié sans
cesse. D’un point de vue constructif la résolution des systèmes linéaires fait immédiatement
Avant-Propos ix
apparaître comme central le concept d’anneau cohérent que nous traitons dans la section 2.3. Les
anneaux cohérents sont ceux pour lesquels on a une prise minimale sur la solution des systèmes
linéaires homogènes. De manière très étonnante, ce concept n’apparaît pas dans les traités
classiques d’algèbre commutative. C’est qu’en général celle notion est complètement occultée par
celle d’anneau nœthérien. Cette occultation n’a pas lieu en mathématiques constructives où la
nœthérianité n’implique pas nécessairement la cohérence. Nous développons dans la section 2.4
la question des produits finis d’anneaux, avec la notion de système fondamental d’idempotents
orthogonaux et le théorème des restes chinois. La longue section 2.5 est consacrée à de nombreuses
variations sur le thème des déterminants. Enfin la section 2.6 revient sur le principe local-global
de base, dans une version un peu plus générale consacrée aux suites exactes de modules.
Le chapitre 3 développe la méthode des coefficients indéterminés, développée par Gauss.
De très nombreux théorèmes d’existence en algèbre commutative reposent sur des (( identités
algébriques sous conditions )) et donc sur des appartenances du type g ∈ hf1 , . . . , fs i dans un
anneau Z[c1 , . . . , cr , X1 , . . . , Xn ], où les Xi sont les variables et les cj les paramètres du théorème
considéré. En ce sens on peut considérer que l’algèbre commutative est une vaste théorie des
identités algébriques qui trouve son cadre naturel dans la méthode des coefficients indéterminés,
c’est-à-dire la méthode dans laquelle les paramètres du problème à traiter sont pris comme des in-
déterminées. Forts de cette certitude, nous sommes, autant que faire se pouvait, systématiquement
(( partis à la chasse des identités algébriques )), ceci non seulement dans les chapitres 2 et 3
(( purement calculatoires )), mais dans tout l’ouvrage. En bref, plutôt que d’affirmer en filigrane
d’un théorème d’existence (( il existe une identité algébrique qui certifie cette existence )), nous
avons tâché de donner chaque fois l’identité algébrique elle-même.
Ce chapitre 3 peut être considéré comme un cours d’algèbre de base avec les méthodes du
e
19 siècle. Les sections 3.1, 3.2 et 3.3 donnent quelques généralités sur les polynômes, avec
notamment l’algorithme de factorisation partielle, la (( théorie des identités algébriques )) (qui
explique la méthode des coefficients indéterminés), les polynômes symétriques élémentaires, le
lemme de Dedekind-Mertens et le théorème de Kronecker. Ces deux derniers résultats sont des
outils de base qui donnent des informations précises sur les coefficients du produit de deux
polynômes, ils sont souvent utilisés dans le reste de l’ouvrage. La section 3.4 introduit l’algèbre
de décomposition universelle d’un polynôme unitaire sur un anneau commutatif arbitraire, qui
est un substitut efficace au corps des racines d’un polynôme sur un corps. La section 3.5 est
consacrée au discriminant et explique en quel sens précis une matrice générique est diagonalisable.
Avec ces outils en mains on peut traiter la théorie de Galois de base dans la section 3.6. La
théorie élémentaire de l’élimination via le résultant est donnée dans la section 3.7. On peut alors
donner les bases de la théorie algébrique des nombres, avec le théorème de décomposition unique
en facteurs premiers pour un idéal de type fini d’un corps de nombres (section 3.8). La section
3.9 donne le Nullstellensatz de Hilbert comme application du résultant. Enfin la section 3.10 sur
la méthode de Newton en algèbre termine ce chapitre.
Le chapitre 4 est consacré à l’étude des propriétés élémentaires des modules de présentation
finie. Ces modules jouent un peu le même rôle pour les anneaux que les espaces vectoriels de
dimension finie pour les corps : la théorie des modules de présentation finie est une manière un
peu plus abstraite, et souvent profitable, d’aborder la question des systèmes linéaires. Les sections
4.1 à 4.4 donnent les propriétés de stabilité de base ainsi que l’exemple important de l’idéal d’un
zéro pour un système polynomial (sur un anneau commutatif arbitraire). On s’intéresse ensuite
au problème de classification des modules de présentation finie sur un anneau donné. Sur le
chemin des anneaux principaux, pour lesquels le problème de classification est complètement
résolu (section 4.7), nous rencontrons les anneaux quasi intègres (section 4.6) qui sont les anneaux
où l’annulateur d’un élément est toujours engendré par un idempotent. C’est l’occasion de mettre
en place une machinerie locale-globale élémentaire qui permet de passer d’un résultat établi
constructivement pour les anneaux intègres au même résultat, convenablement reformulé, pour
les anneaux quasi intègres. Cette machinerie de transformation de preuves est élémentaire car
basée sur la décomposition d’un anneau en produit fini d’anneaux. La chose intéressante est que
x Avant-Propos
cette décomposition est obtenue par relecture de la démonstration constructive écrite dans le
cas intègre : on voit ici qu’en mathématiques constructives la preuve est souvent encore plus
importante que le résultat. De la même manière, on a une machinerie locale-globale élémentaire
qui permet de passer d’un résultat établi constructivement pour les corps discrets au même
résultat, convenablement reformulé, pour les anneaux zéro-dimensionnels réduits (section 4.8). Les
anneaux zéro-dimensionnels, ici définis de manière élémentaire, constituent une clé importante
de l’algèbre commutative, comme étape intermédiaire pour généraliser certains résultats des
corps discrets aux anneaux commutatifs arbitraires. Dans la littérature classique ils apparaissent
souvent sous leur forme nœthérienne, c’est-à-dire celle des anneaux artiniens. La section 4.9
introduit les invariants très importants que sont les idéaux de Fitting d’un module de présentation
finie. Enfin la section 4.10 applique cette notion pour introduire l’idéal résultant d’un idéal de
type fini dans un anneau de polynômes quand l’idéal en question contient un polynôme unitaire,
et démontrer un théorème d’élimination algébrique sur un anneau arbitraire.
Le chapitre 5 est une première approche de la théorie des modules projectifs de type fini.
Les sections 5.1 à 5.4 donnent les propriétés de base ainsi que l’exemple important des anneaux
zéro-dimensionnels. La section 5.5 donne le théorème de structure locale : un module est projectif
de type fini si, et seulement si, il devient libre après localisation en des éléments comaximaux
convenables. Sa démonstration constructive est une relecture d’un résultat établi dans le chapitre 2
pour les systèmes linéaires (( bien conditionnés )) (théorème 2.5 page 37). La section 5.6 développe
l’exemple des modules projectifs localement monogènes. La section 5.7 introduit le déterminant
d’un endomorphisme d’un module projectif de type fini. Ceci donne accès à la décomposition d’un
tel module en somme directe de ses composants de rang constant. Enfin la section 5.8, que l’on
ne savait pas bien où mettre dans l’ouvrage, héberge quelques considérations supplémentaires
sur les propriétés de caractère fini, une notion introduite au chapitre 2 pour discuter les rapports
entre principes local-globals concrets et principes local-globals abstraits.
Le chapitre 6 est consacré pour l’essentiel aux algèbres qui sont des modules projectifs de type
fini sur leur anneau de base. Nous les appelons des algèbres strictement finies. Elles constituent
une généralisation naturelle pour les anneaux commutatifs de la notion d’algèbre finie sur un
corps. Comme cas important, cerise sur le gateau, les algèbres galoisiennes, qui généralisent les
extensions galoisiennes de corps discrets aux anneaux commutatifs.
La section 6.1 traite le cas où l’anneau de base est un corps discret. Elle donne des versions
constructives pour les théorèmes de structure obtenus en mathématiques classiques. Le cas des
algèbres étales (quand le discriminant est inversible) est particulièrement éclairant. On découvre
que les théorèmes classiques supposent toujours implicitement que l’on sache factoriser les poly-
nômes séparables sur le corps de base. La démonstration constructive du théorème de l’élément
primitif (6.4 page 209) est significative par son écart avec la démonstration classique. La section
6.2 applique les résultats précédents pour terminer la théorie de Galois de base commencée dans
la section 3.6 en caractérisant les extensions galoisiennes de corps discrets comme les extensions
étales et normales. La section 6.3 est une brève introduction aux algèbres de présentation finie,
en insistant sur le cas des algèbres entières, avec un Nullstellensatz faible et le lemme lying
over. La section 6.4 introduit les algèbres strictement finies sur un anneau arbitraire. Dans les
sections 6.5 et 6.6 sont introduites les notions voisines d’algèbre strictement étale et d’algèbre
séparable, qui généralisent la notion d’algèbre étale sur un corps discret. Dans la section 6.7 on
donne un exposé constructif des bases de la théorie des algèbres galoisiennes pour les anneaux
commutatifs. Il s’agit en fait d’une théorie d’Artin-Galois, puisqu’elle reprend l’approche qu’Artin
avait développée pour le cas des corps, en partant directement d’un groupe fini d’automorphismes
d’un corps, le corps de base n’apparaissant que comme un sous-produit des constructions qui
s’ensuivent.
Dans le chapitre 7 la méthode dynamique, une pierre angulaire des méthodes modernes en
algèbre constructive, est mise en œuvre pour traiter d’un point de vue constructif le corps des
racines d’un polynôme et la théorie de Galois dans le cas séparable, lorsque la proie s’échappe
pour laisser place à son ombre, c’est-à-dire lorsque l’on ne sait pas factoriser les polynômes sur le
Avant-Propos xi
corps de base que l’on considère. À titre d’entrainement la section 7.1 commence par établir des
résultats sous forme constructive pour le Nullstellensatz lorsque l’on ne sait pas factoriser les
polynômes sur le corps de base. Des considérations d’ordre général sur la méthode dynamique
sont développées dans la section 7.2. Plus de détails sur le déroulement des festivités sont donnés
dans l’introduction du chapitre.
Le chapitre 8 est une brève introduction aux modules plats et aux algèbres plates et fidèlement
plates. En langage intuitif, une A-algèbre B est plate lorsque les systèmes linéaires sur A sans
second membre n’ont (( pas plus )) de solutions dans B que dans A, et elle est fidèlement plate si
cette affirmation est vraie également des systèmes linéaires avec second membre. Ces notions
cruciales de l’algèbre commutative ont été introduites par Serre dans [155, GAGA,1956]. Nous
ne donnons que les résultats vraiment fondamentaux. C’est également l’occasion d’introduire
les notions d’anneau localement sans diviseur de zéro, de module sans torsion (pour un anneau
arbitraire), d’anneau arithmétique et d’anneau de Prüfer. Nous insistons comme toujours sur le
principe local-global quand il s’applique.
Le chapitre 9 parle des anneaux locaux et de quelques généralisations. La section 9.1 introduit
la terminologie constructive pour quelques notions classiques usuelles, dont la notion importante
de radical de Jacobson. Une notion connexe est celle d’anneau résiduellement zéro-dimensionnel
(un anneau A tel que A/ Rad A est zéro-dimensionnel). C’est une notion robuste, qui n’utilise
jamais les idéaux maximaux, et la plupart des théorèmes de la littérature concernant les anneaux
semi-locaux (en mathématiques classiques ce sont les anneaux qui n’ont qu’un nombre fini
d’idéaux maximaux) s’applique aux anneaux résiduellement zéro-dimensionnels. La section 9.2
répertorie quelques résultats qui montrent que sur un anneau local on ramène la solution de
certains problèmes au cas des corps. Les sections 9.3 et 9.4 établissent sur des exemples géomé-
triques (c’est-à-dire concernant l’étude de systèmes polynomiaux) un lien entre la notion d’étude
locale au sens intuitif topologique et l’étude de certaines localisations d’anneaux (dans le cas d’un
corps discret à la base, ces localisations sont des anneaux locaux). On introduit notamment les
notions d’espaces tangent et cotangent en un zéro d’un système polynomial. La section 9.5 fait
une brève étude des anneaux décomposables, dont un cas particulier en mathématiques classiques
sont les anneaux décomposés (produits finis d’anneaux locaux), qui jouent un rôle important
dans la théorie des anneaux locaux henséliens. Enfin la section 9.6 traite la notion d’anneau
local-global, qui généralise à la fois celle d’anneau local et celle d’anneau zéro-dimensionnel. Ces
anneaux vérifient des propriétés locales-globales très fortes, par exemple les modules projectifs de
rang constant sont toujours libres, et ils sont stables par extensions entières.
Le chapitre 10 poursuit l’étude des modules projectifs de type fini commencée dans le chapitre
5. Dans la section 10.1 nous reprenons la question de la caractérisation des modules projectifs de
type fini comme modules localement libres, c’est-à-dire du théorème de structure locale. Nous en
donnons une version matricielle (théorème 10.4 page 363) qui résume et précise les différents
énoncés du théorème. La section 10.2 est consacrée à l’anneau des rangs sur A. En mathématiques
classiques le rang d’un module projectif de type fini est défini comme une fonction localement
constante sur le spectre de Zariski. Nous donnons ici une théorie élémentaire du rang qui ne fait
pas appel aux idéaux premiers. Dans la section 10.3 nous donnons quelques applications simples
du théorème de structure locale. La section 10.4 est une introduction aux grassmanniennes. Dans
la section 10.5 nous introduisons le problème général de la classification complète des modules
projectifs de type fini sur un anneau A fixé. Cette classification est un problème fondamental et
difficile, qui n’admet pas de solution algorithmique générale. La section 10.6 présente un exemple
non trivial pour lesquels cette classification peut être obtenue.
Le chapitre 11 est consacré aux treillis distributifs et groupes réticulés. Les deux premières
sections décrivent ces structures algébriques ainsi que leurs propriétés de base. Ces structures
sont importantes en algèbre commutative pour plusieurs raisons.
D’une part la théorie de la divisibilité a comme (( modèle idéal )) la théorie de la divisibilité
des entiers naturels. La structure du monoïde multiplicatif (N∗ , ×, 1) en fait la partie positive
xii Avant-Propos
d’un groupe réticulé. Ceci se généralise en algèbre commutative dans deux directions. La première
généralisation est la théorie des anneaux intègres dont les idéaux de type fini forment un treillis
distributif, appelés des domaines de Prüfer, que nous étudierons dans le chapitre 12 : leurs idéaux
de type fini non nuls forment la partie positive d’un groupe réticulé. La deuxième est la théorie
des anneaux à pgcd que nous étudions dans la section 11.3. Signalons la première apparition
de la dimension de Krull 6 1 dans le théorème 11.8 page 435 : un anneau à pgcd intègre de
dimension 6 1 est un anneau de Bezout.
D’autre part les treillis distributifs interviennent comme la contrepartie constructive des
espaces spectraux divers et variés qui se sont imposés comme des outils puissants de l’algèbre
abstraite. Les rapports entre treillis distributifs et espaces spectraux seront abordés dans la
section 13.1. Dans la section 11.4 nous mettons en place le treillis de Zariski d’un anneau
commutatif A, qui est la contrepartie constructive du fameux spectre de Zariski. Notre but
ici est d’établir le parallèle entre la construction de la clôture zéro-dimensionnelle réduite d’un
anneau (notée A• ) et celle de l’algèbre de Boole engendrée par un treillis distributif (qui fait
l’objet du théorème 11.11 page 446). L’objet A• ainsi construit contient essentiellement la même
information que le produit des anneaux Frac(A/p ) pour tous les idéaux premiers p de A(4 ). Ce
résultat est en relation étroite avec le fait que le treillis de Zariski de A• est l’algèbre de Boole
engendrée par le treillis de Zariski de A.
Une troisième raison de s’intéresser aux treillis distributifs est la logique constructive (ou
intuitionniste). Dans cette logique, l’ensemble des valeurs de vérité de la logique classique, à
savoir {Vrai, Faux}, qui est une algèbre de Boole à deux éléments, est remplacé par un treillis
distributif assez mystérieux. La logique constructive sera abordée de manière informelle dans
l’annexe. Dans la section 11.5 nous mettons en place les outils qui servent de cadre à une étude
algébrique formelle de la logique constructive : les relations implicatives et les algèbres de Heyting.
Par ailleurs relations implicatives et algèbres de Heyting ont leur utilité propre dans l’étude
générale des treillis distributifs. Par exemple le treillis de Zariski d’un anneau nœthérien cohérent
est une algèbre de Heyting (proposition 13.6.9).
Le chapitre 12 traite les anneaux arithmétiques, les anneaux de Prüfer et les anneaux de
Dedekind. Les anneaux arithmétiques sont les anneaux dont le treillis des idéaux de type fini
est distributif. Un anneau de Prüfer est un anneau arithmétique réduit et il est caractérisé par
le fait que tous ses idéaux sont plats. Un anneau de Prüfer cohérent est la même chose qu’un
anneau arithmétique quasi intègre. Il est caractérisé par les fait que ses idéaux de type fini sont
projectifs. Un anneau de Dedekind est un anneau de Prüfer cohérent nœthérien et fortement
discret (en mathématiques classiques avec le principe du tiers exclu tout anneau est fortement
discret et tout anneau nœthérien est cohérent). Ces anneaux sont apparus tout d’abord avec les
anneaux d’entiers de corps de nombres. Le paradigme dans le cas intègre est la décomposition
unique en facteurs premiers de tout idéal de type fini non nul. Les propriétés arithmétiques du
monoïde multiplicatif des idéaux de type fini sont pour l’essentiel vérifées par les anneaux arith-
métiques. Pour les propriétés les plus subtiles concernant la factorisation des idéaux de type fini,
et notamment la décomposition en facteurs premiers, une hypothèse nœthérienne, ou au moins
de dimension 6 1, est indispensable. Dans ce chapitre nous avons voulu montrer la progression
des propriétés satisfaites par les anneaux au fur et à mesure que l’on renforce les hypothèses,
depuis les anneaux arithmétiques jusqu’aux anneaux de Dedekind à factorisation totale. Nous
insistons sur le caractère algorithmique simple des définitions dans le cadre constructif. Certaines
propriétés ne dépendent que de la dimension 6 1 et nous avons voulu rendre justice aux anneaux
quasi intègres de dimension inférieure ou égale à 1. Nous avons également fait une étude du
problème de la décomposition en facteurs premiers plus progressive et plus fine que dans les
exposés qui s’autorisent le principe du tiers exclu. Par exemple les théorèmes 12.10 page 477 et
12.24 page 485 donnent des versions constructives précises du théorème concernant les extensions
finies normales d’anneaux de Dedekind, avec ou sans la propriété de factorisation totale.
4. Ce produit n’est pas accessible en mathématiques constructives, A• en est un substitut constructif tout à
fait efficace.
Avant-Propos xiii
Le chapitre commence par quelques remarques d’ordre épistémologique sur l’intérêt intrinsèque
d’aborder les problèmes de factorisation avec le théorème de factorisation partielle pluôt qu’avec
celui de factorisation totale. Pour avoir une bonne idée du déroulement des festivités il suffit
de se reporter à la table des matières en tête du chapitre page 461 et à la table des théorèmes
page 667.
Le chapitre 13 est consacré à la dimension de Krull des anneaux commutatifs, à celle de leurs
morphismes, à celle des treillis distributifs et à la dimension valuative des anneaux commutatifs.
Plusieurs notions importantes de dimension en algèbre commutative classique sont des
dimensions d’espaces spectraux. Ces espaces topologiques très particuliers jouissent de la pro-
priété d’être entièrement décrits (au moins en mathématiques classiques) par leurs ouverts
quasi-compacts qui forment un treillis distributif. Il s’avère que le treillis distributif correspondant
a en général une interprétation simple, sans recours aucun aux espaces spectraux. En 1974, Joyal
a montré comment définir constructivement la dimension de Krull d’un treillis distributif. Depuis
ce jour faste, la théorie de la dimension qui semblait baigner dans des espaces éthérés, invisibles
lorsque l’on ne fait pas confiance à l’axiome du choix, est devenu (au moins en principe) une
théorie de nature élémentaire, sans plus aucun mystère.
La section 13.1 décrit l’approche de la dimension de Krull en mathématiques classiques. Elle
explique aussi comment on peut interpréter la dimension de Krull d’un tel espace en terme du
treillis distributif de ses ouverts quasi-compacts. La section 13.2 donne la définition constructive
de la dimension de Krull d’un anneau commutatif, notée Kdim A, et en tire quelques conséquences.
La section 13.3 donne quelques propriétés plus avancées, et notamment le principe local-global et
le principe de recouvement fermé pour la dimension de Krull. La section 13.4 traite la dimension
de Krull des extensions entières et la section 13.5 celle des anneaux géométriques (correspondant
aux systèmes polynomiaux) sur les corps discrets. La section 13.6 donne la définition constructive
de la dimension de Krull d’un treillis distributif et montre que la dimension de Krull d’un
anneau commutatif et celle de son treillis de Zariski coïncident. La section 13.7 est consacrée
à la dimension des morphismes entre anneaux commutatifs. La définition utilise la clôture
zéro-dimensionnel réduite de l’anneau source du morphisme. Pour démontrer la formule qui
majore Kdim B à partir de Kdim A et Kdim ρ (lorsque l’on a un morphisme ρ : A → B), nous
devons introduire la clôture quasi intègre minimale d’un anneau commutatif. Cet objet est une
contrepartie constructive du produit de tous les A/p lorsque p parcourt les idéaux premiers
minimaux de A. La section 13.8 introduit la dimension valuative d’un anneau commutatif et
utilise cette notion notamment pour démontrer le résultat important suivant : pour un anneau
arithmétique non nul A, on a Kdim A[X1 , . . . , Xn ] = n + Kdim A. La section 13.9 donne des
versions constructives des théorèmes Going up et Going down.
Dans le chapitre 14, intitulé Nombre de générateurs d’un module, on établit la version élé-
mentaire, non nœthérienne et constructive de (( grands )) théorèmes d’algèbre commutative, dus
dans leur version originale à Kronecker, Bass, Serre, Forster et Swan. Ces résultats concernent le
nombre de générateurs radicaux d’un idéal de type fini, le nombre de générateurs d’un module,
la possibilité de produire un sous-module libre en facteur direct dans un module, et la possibilité
de simplifier des isomorphismes, dans le sytle suivant : si M ⊕ N ' M 0 ⊕ N alors M ' M 0 . Ils
font intervenir la dimension de Krull ou d’autres dimensions plus sophistiquées, introduites par
R. Heitmann ainsi que par les auteurs de cet ouvrage et T. Coquand.
La section 14.1 est consacrée au théorème de Kronecker et à ses extensions (la plus aboutie,
non nœthérienne, est due à R. Heitmann [90]). Le théorème de Kronecker est usuellement énoncé
sous la forme suivante : une variété algébrique dans Cn peut toujours être définie par n + 1
équations. La forme due à Heitmann est que dans un anneau de dimension de Krull 6 n, pour
tout
√ idéal de type fini a il existe un idéal b engendré par au plus n + 1 éléments de a tel que
√
b = a. La démonstration donne aussi le théorème de Bass, dit (( stable range )). Ce dernier
théorème a été amélioré en faisant intervenir des dimensions (( meilleures )) que la dimension de
Krull. Ceci fait l’objet de la section 14.2 où est définie la dimension de Heitmann, découverte en
lisant avec attention les démonstrations de Heitmann (Heitmann utilise une autre dimension, a
xiv Avant-Propos
priori un peu moins bonne, que nous expliquons également en termes constructifs). La section 14.3
introduit les notions de support (une application d’un anneau dans un treillis distributif vérifiant
certains axiomes) et de n-stabilité. Cette dernière notion a été définie par T. Coquand après
avoir analysé (la démonstration d’) un théorème de Bass qui affirme que les modules projectifs de
type fini sur un anneau V[X], où V est un anneau de valuation de dimension de Krull finie, sont
libres. Dans les deux dernières sections tous les théorèmes apparaissent en deux versions, l’une
suppose que la dimension de Heitmann de l’anneau est < n, l’autre suppose que l’anneau est
n-stable. La section 14.5 est consacrée au théorème de Forster-Swan, au splitting-off de Serre et
au théorème de simplification de Bass, qui se ramènent tous en dernière analyse à des théorèmes
concernant des manipulations élémentaires de matrices, démontrés dans la section 14.4.
Le chapitre 15 est consacré au principe local-global et à ses variantes. La section 15.1 introduit
la notion de recouvrement d’un monoïde par une famille finie de monoïdes, ce qui généralise la
notion de monoïdes comaximaux. Le lemme de recouvrement 15.1.5 sera décisif dans la section
15.5. La section 15.2 donne des principes local-globals concrets. Il s’agit de dire que certains
propriétés sont vraies globalement dès qu’elles le sont localement. Ici localement est pris au
sens constructif : après localisation en un nombre fini de monoïdes comaximaux. La plupart
des résultats (mis à part certaines propriétés relatives aux algèbres) ont été établis dans les
chapitres précédents. Leur regroupement fait voir la portée très générale de ces principes. La
section 15.3 reprend certains de ces principes sous forme de principes local-globals abstraits.
Ici localement est pris au sens abstrait, c’est-à-dire après localisation en n’importe quel idéal
premier. C’est surtout la comparaison avec les principes local-globals concrets correspondants qui
nous intéresse. La section 15.4 explique la construction d’objets (( globaux )) à partir d’objets de
même nature définis uniquement de manière locale, comme il est usuel en géométrie différentielle.
C’est l’impossibilité de cette construction lorsque l’on cherche à recoller certains anneaux qui
est à l’origine des schémas de Grothendieck. En ce sens, les sections 15.2 et 15.4 constituent la
base à partir de laquelle on peut développer la théorie des schémas dans un cadre complètement
constructif.
Les sections suivantes sont d’une autre nature. D’ordre méthodologique, elles sont consacrées
au décryptage de différentes variantes du principe local-global en mathématiques classiques. Par
exemple la localisation en tous les idéaux premiers, le passage au quotient par tous les idéaux
maximaux ou la localisation en tous les idéaux premiers minimaux, qui s’appliquent chacune
dans des situations particulières. Un tel décryptage présente un caractère certainement déroutant
dans la mesure où il prend pour point de départ une démonstration classique qui utilise des
théorèmes en bonne et due forme, mais où le décryptage constructif de cette démonstration
n’est pas seulement donné par l’utilisation de théorèmes constructifs en bonne et due forme.
Il faut aussi regarder ce que fait la démonstration classique avec ses objets purement idéaux
(des idéaux maximaux par exemple) pour comprendre comment elle nous donne le moyen de
construire un nombre fini d’éléments qui vont être impliqués dans un théorème constructif (un
principe local-global concret par exemple) pour aboutir au résultat souhaité. En décryptant
une telle démonstration nous utilisons la méthode dynamique générale exposée au chapitre 7.
Nous décrivons ainsi des machineries locales-globales nettement moins élémentaires que celles du
chapitre 4 : la machinerie locale-globale constructive de base (( à idéaux premiers )) (section 15.5),
la machinerie locale-globale constructive à idéaux maximaux (section 15.6) et la machinerie locale-
globale constructive à idéaux premiers minimaux (section 15.7). En réalisant (( le programme
de Poincaré )) cité en exergue de cet avant-propos, nos machineries locales-globales prennent en
compte une remarque essentielle de Lakatos, à savoir que la chose la plus intéressante et robuste
dans un théorème, c’est toujours sa démonstration, même si elle est critiquable à certains égards
(voir [Lakatos]).
Dans le chapitre 16 nous traitons la question des modules projectifs de type fini sur les
anneaux de polynômes. La question décisive est d’établir pour quelles classes d’anneaux les
modules projectifs de type fini sur un anneau de polynômes proviennent par extension des
scalaires d’un module projectif de type fini sur l’anneau lui-même (éventuellement en posant
Avant-Propos xv
certaines restrictions sur les modules projectifs de type fini considérés ou sur le nombre de
variables dans l’anneau de polynômes). Quelques généralités sur les modules étendus sont données
dans la section 16.1. Le cas des modules projectifs de rang constant 1, complètement éclairci
par le théorème de Traverso-Swan-Coquand, est traité dans la section 16.2. La démonstration
constructive de Coquand utilise de manière cruciale la machinerie locale-globale constructive
à idéaux premiers minimaux. La section 16.3 traite les théorèmes de recollement de Quillen
(Quillen patching) et Vaserstein qui disent que certains objets sont obtenus par extension des
scalaires (depuis l’anneau de base à un anneau de polynômes) si, et seulement si, cette propriété
est vérifiée localement. Nous donnons aussi une sorte de réciproque du Quillen patching, due
à Roitman, sous forme constructive. La section 16.4 est consacrée aux théorèmes de Horrocks.
La démonstration constructive du théorème de Horrocks global fait subir à la démonstration
du théorème de Horrocks local la machinerie locale-globale de base et se conclut avec le Quillen
patching constructif. La section 16.5 donne plusieurs preuves constructives du théorème de
Quillen-Suslin (les modules projectifs de type fini sur un anneau de polynômes sur un corps
discret sont libres), basées sur différentes démonstrations classiques. La section 16.6 établit le
théorème de Lequain-Simis (les modules projectifs de type fini sur un anneau de polynômes sur
un anneau arithmétique sont étendus). La démonstration utilise la méthode dynamique exposée
au chapitre 7, cela permet d’établir le théorème d’induction de Yengui, une variante constructive
de l’induction de Lequain-Simis.
Dans le chapitre 17 nous démontrons le (( Suslin Stability Theorem )) dans le cas particulier des
corps discrets. Ici aussi pour obtenir une démonstration constructive nous utilisons la machinerie
locale-globale de base exposée au chapitre 15.
L’annexe décrit la théorie des ensembles constructive à la Bishop. Elle peut être vue comme
une introduction à la logique constructive. On y explique la sémantique de Brouwer-Heyting-
Kolmogorov pour les connecteurs et quantificateurs. On discute certaines formes faibles du principe
du tiers exclu ainsi que plusieurs principes problématiques en mathématiques constructives.
Pour terminer signalons que nous considérons les exercices comme une partie essentielle du
livre. Nous essaierons de publier le maximum de corrigés manquants, ainsi que des exercices
supplémentaires, sur la page web http://hlombardi.free.fr/publis/LivresBrochures.html.
On peut discuter indéfiniment pour savoir si les mathématiques constructives sont une partie
des mathématiques classiques, la partie qui s’occupe exclusivement des aspects explicites des
choses, ou si au contraire ce sont les mathématiques classiques qui sont une partie des mathé-
matiques constructives, la partie dont les théorèmes sont (( étoilés )), c’est-à-dire qui rajoutent
systématiquement dans leurs hypothèses le principe du tiers exclu et l’axiome du choix. Un
de nos objectifs est de faire pencher la balance dans la deuxième direction, non par le débat
philosophique, mais par la pratique.
Signalons enfin deux traits marquants de cet ouvrage par rapport aux ouvrages classiques
d’algèbre commutative.
Le premier est la mise au second plan de la nœthérianité. L’expérience prouve en effet que la
nœthérianité est bien souvent une hypothèse trop forte qui cache la vraie nature algorithmique
des choses. Par exemple tel théorème habituellement énoncé pour les anneaux nœthériens et les
modules de type fini, lorsque l’on met sa preuve à plat pour en extraire un algorithme, s’avère
être un théorème sur les anneaux cohérents et les modules de présentation finie. Le théorème
habituel n’est qu’un corollaire du bon théorème, mais avec deux arguments non constructifs qui
permettent de déduire en mathématiques classiques la cohérence et la présentation finie de la
nœthérianité et du type fini. Une preuve dans le cadre plus satisfaisant de la cohérence et des
modules de présentation finie se trouve bien souvent déjà publiée dans des articles de recherche,
quoique rarement sous forme entièrement constructive, mais (( le bon énoncé )) est en général
absent dans les ouvrages de référence5 .
Le deuxième trait marquant de l’ouvrage est l’absence presque totale de la négation dans
les énoncés constructifs. Par exemple au lieu d’énoncer que pour un anneau A non trivial, deux
modules libres de rang m et n avec m > n ne peuvent pas être isomorphes, nous préférons
dire, sans aucune hypothèse sur l’anneau, que si ces modules sont isomorphes, alors l’anneau est
trivial (proposition 2.5.2). Cette nuance peut sembler bien mince au premier abord, mais elle a
une importance algorithmique. Elle va permettre de remplacer une preuve en mathématiques
classiques utilisant un anneau A = B/a , qui concluerait que 1 ∈ a au moyen d’un raisonnement
par l’absurde, par une preuve pleinement algorithmique qui construit 1 en tant qu’élément de
l’idéal a à partir d’un isomorphisme entre Am et An .
Pour une présentation générale des idées qui ont conduit aux nouvelles méthodes utilisées en
algèbre constructive dans cet ouvrage, on pourra lire [41, Coquand&Lombardi, 2006].
Remerciements.
Nous remercions tous les collègues qui nous ont encouragés dans notre projet, nous ont apportés
quelques sérieux coups de main ou fourni de précieuses informations. Et tout particulièrement
MariEmi Alonso, Thierry Coquand, Gema Díaz-Toca, Lionel Ducos, M’hammed El Kahoui, Marco
Fontana, Sarah Glaz, Laureano González-Vega, Emmanuel Hallouin, Hervé Perdry, Jean-Claude
Raoult, Fred Richman, Marie-Françoise Roy, Peter Schuster et Ihsen Yengui. Last but not least,
une mention toute spéciale pour notre expert Latex, François Pétiard.
Enfin nous ne saurions oublier le Centre International de Recherches Mathématiques à Luminy
et le Mathematisches Forschungsinstitut Oberwolfach qui nous ont accueillis pour des séjours de
recherche pendant la préparation de ce livre, nous offrant des conditions de travail inappréciables.
5. Cette déformation professionnelle nœthérienne a produit un travers linguistique dans la littérature anglaise
qui consiste à prendre (( local ring )) dans le sens de (( Nœtherian local ring )).
xviii Avant-Propos
3 4
7 6 8 9
10 11
13 12
15 14
17 16
Avant-Propos xix
L’organigramme de la page précédente donne les liens de dépendance entre les différents
chapitres
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.1 Fibrés vectoriels sur une variété compacte lisse . . . . . . . . . . . . 2
Quelques localisations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Fibrés vectoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Vecteurs tangents et dérivations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Différentielles et fibré cotangent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Cas algébrique lisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Dérivations d’une algèbre de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.2 Formes différentielles sur une variété affine lisse . . . . . . . . . . . 6
Le cas de la sphère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Le cas d’une variété algébrique lisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Cas d’une hypersurface lisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Cas d’une intersection complète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Introduction
Dans tout l’ouvrage, sauf mention expresse du contraire, les anneaux sont commutatifs et
unitaires, et un homomorphisme d’anneaux ϕ : A → B doit vérifier ϕ(1A ) = 1B .
Soit A un anneau. On dit qu’un A-module M est libre de rang fini lorsqu’il est isomorphe
à un module An . On dit qu’il est projectif de type fini lorsqu’il existe un A-module N tel que
M ⊕ N est libre de rang fini. Il revient au même de dire que M est isomorphe à l’image d’une
matrice de projection (une matrice P telle que P 2 = P ). Il s’agit de la matrice de la projection
sur M parallèlement à N , définie précisément comme suit :
M ⊕ N −→ M ⊕ N, x + y 7−→ x pour x ∈ M et y ∈ N .
V : à un fibré vectoriel, on associe le A-module des sections du fibré, ce A-module est toujours
projectif de type fini, mais il n’est libre que lorsque le fibré est trivial.
Le fibré tangent correspond à un module que l’on construit par un procédé purement formel
à partir de l’anneau A. Dans le cas où la variété V est une sphère, le module des sections du
fibré tangent est stablement libre. Un résultat important concernant la sphère est qu’il n’existe
pas de champ de vecteurs lisse partout non nul. Cela équivaut au fait que le module des sections
du fibré tangent n’est pas libre.
Nous essayons d’être le plus explicite possible, mais dans ce chapitre de motivation, nous
utilisons librement les raisonnements de mathématiques classiques sans nous soucier d’être
totalement rigoureux d’un point de vue constructif.
Lemme 1.1.1 Soit U 0 un ouvert contenant le support de f . Alors l’application naturelle (par
restriction) de C ∞ (V )[1/f ] = A[1/f ] vers C ∞ (U 0 )[1/f |U 0 ] est un isomorphisme.
Un germe de fonction lisse en un point p de la variété V est donné par un couple (U, f ) où
U est un ouvert contenant p et f est une fonction lisse U → R. Les couples (U1 , f1 ) et (U2 , f2 )
définissent le même germe s’il existe U ⊆ U1 ∩ U2 contenant p tel que f1 |U = f2 |U . Les germes de
fonctions lisses au point p forment une R-algèbre que l’on note Ap .
On a alors le petit (( miracle algébrique )) suivant.
1.1. Fibrés vectoriels sur une variété compacte lisse 3
Lemme 1.1.2 L’algèbre Ap est naturellement isomorphe au localisé ASp où Sp est la partie
multiplicative des fonctions non nulles au point p.
J Tout d’abord on a une application naturelle A → Ap qui à une fonction définie sur V associe
son germe en p. Il est immédiat que l’image de Sp est contenue dans les inversibles de Ap . Donc on
a une factorisation de l’application naturelle ci-dessus qui fournit un homomorphisme ASp → Ap .
Ensuite on définit un homomorphisme Ap → ASp . Si (U, f ) définit le germe g considérons
une fonction h ∈ A qui est égale à 1 sur un ouvert U 0 contenant p avec U 0 ⊆ U et qui est nulle
en dehors de U (dans une carte on pourra prendre pour U 0 une boule ouverte de centre p).
Alors chacun des trois couples (U, f ), (U 0 , f |U 0 ) et (V, f h) définit le même germe g. Maintenant
f h définit un élément de ASp . Il reste à vérifier que la correspondance que l’on vient d’établir
produit bien un homomorphisme de l’algèbre Ap sur l’algèbre ASp : quelle que soit la manière
de représenter le germe sous la forme (U, f ), l’élément f h/1 de ASp ne dépend que du germe g.
Enfin il n’est pas difficile de vérifier que les deux homomorphismes de R-algèbres que l’on a
définis sont bien des isomorphismes inverses l’un de l’autre. I
Bref nous venons d’algébriser la notion de germe de fonction lisse. À ceci près que le monoïde
Sp est défini à partir de la variété V , pas seulement à partir de l’algèbre A.
Mais si V est compacte, les monoïdes Sp sont exactement les complémentaires des idéaux
maximaux de A. En effet, d’une part, que V soit ou non compacte, l’ensemble des f ∈ A nulles
en p constitue toujours un idéal maximal mp de corps résiduel égal à R. D’autre part, si m est un
idéal maximal de A l’intersection des Z(f ) = { x ∈ V | f (x) = 0 } pour les f ∈ m est un compact
non vide (notez que Z(f ) ∩ Z(g) = Z(f 2 + g 2 )). Comme l’idéal est maximal, ce compact est
nécessairement réduit à un point p et l’on obtient ensuite m = mp .
π1 : (U × Rm ) → U, (p, v) 7→ p.
avec m qui peut dépendre de U si V n’est pas connexe. Cela signifie que la structure d’espace
vectoriel (de dimension finie) sur la fibre au dessus de p doit dépendre (( convenablement )) de p.
Un tel ouvert U , qui trivialise le fibré, est appelé un ouvert distingué.
Une section du fibré vectoriel π : W → V est par définition une application σ : V → W telle
que π ◦ σ = IdV . On notera Γ(W ) l’ensemble des sections lisses de ce fibré. Il est muni d’une
structure naturelle de A-module.
Supposons maintenant la variété V compacte. Comme le fibré est localement trivial il existe
un recouvrement fini de V par des ouverts distingués Ui et une partition de l’unité (fi )i∈J1..sK
subordonnée à ce recouvrement : le support de fi est un compact Ki contenu dans Ui .
On remarque d’après le lemme 1.1.1 que les algèbres A[1/fi ] = C ∞ (V )[1/fi ] et C ∞ (Ui )[1/fi ]
sont naturellement isomorphes.
Si on localise l’anneau A et le module M = Γ(W ) en rendant fi inversible, on obtient
l’anneau Ai = A[1/fi ] et le module Mi . Notons Wi = π −1 (Ui ). Alors Wi → Ui est isomorphe à
Rmi × Ui → Ui . Il revient donc au même de se donner une section du fibré Wi , ou de se donner
les mi fonctions Ui → R qui fabriquent une section du fibré Rmi × Ui → Ui . Autrement dit le
module des sections de Wi est libre de rang m.
Vu qu’un module qui devient libre après localisation en un nombre fini d’éléments comaximaux
est projectif de type fini (principe local-global 5.1 page 170) on obtient alors la partie directe
(point 1.) du théorème suivant.
4 1. Exemples
Évoquons la partie réciproque du théorème : si l’on se donne un A-module projectif de type fini
M on peut construire un fibré vectoriel W au dessus de V dont le module des sections est isomorphe
à M . On procède comme suit. On considère une matrice de projection F = (fij ) ∈ Mn (A) telle
que Im F ' M et l’on pose
W = { (x, h) ∈ V × Rn | h ∈ Im F |x }
où F |x désigne la matrice (fij (x)). Le lecteur pourra montrer alors que Im F s’identifie au
module des sections Γ(W ) : à l’élément s ∈ Im F on fait correspondre la section se définie par
x 7→ se(x) = (x, s|x). Par ailleurs dans le cas où F est la matrice de projection standard
Ik 0
Ik,n =
0 0r
(k + r = n) il est clair que W est trivial (il est égal à V × Rk × {0}r ). Enfin un module
projectif de type fini devient libre après localisation en des éléments comaximaux convenables
(théorème 5.8 page 179, point 3, ou théorème 10.4 page 363, forme matricielle plus précise). En
conséquence le fibré W défini ci-dessus est localement trivial : c’est bien un fibré vectoriel.
On vérifie par quelques calculs que les vecteurs tangents à V forment bien un fibré vectoriel
TV au dessus de V .
À un fibré vectoriel π : W → V, est associé le A-module Γ(W ) formé par les sections lisses
du fibré. Dans le cas du fibré tangent, Γ(TV ) n’est rien d’autre que le A-module des champs de
vecteurs (lisses) usuels.
De même qu’un vecteur tangent au point p est identifé à une dérivation au point p, qui
peut être définie en termes algébriques (équation (1.1)), de même un champ (lisse) de vecteurs
tangents peut être identifé à un élément du A-module des dérivations de la R-algèbre A défini
comme suit.
Une dérivation d’une R-algèbre B dans un B-module M est une application R-linéaire
v : B → M qui vérifie la règle de Leibniz
Les dérivations au point p sont donc les éléments de DerR (A, Rp ) où Rp = R muni de la
structure de A-module donnée par l’homomorphisme f 7→ f (p) de A dans R. Ainsi DerR (A, Rp )
est une version algébrique abstraite de l’espace tangent au point p à la variété V .
Une variété lisse est dite parallélisable si elle possède un champ (lisse) de bases (n sections
lisses du fibré tangent qui en tout point donnent une base). Cela revient à dire que le fibré tangent
est trivial, ou encore que le A-module des sections de ce fibré, le A-module des dérivations de A,
est libre.
On montre alors que, pour toute R-algèbre B, le B-module des dérivations de B est le dual
du B-module des différentielles de Khäler.
Dans le cas où le B-module des différentielles de B est projectif de type fini (ce qui est la cas
si B = A) alors il est lui-même le dual du B-module des dérivations de B.
est une R-algèbre de présentation finie les définitions du module des dérivations et du module
des différentielles s’actualisent comme suit.
On note π : R[X1 , . . . , Xn ] → A, g(X) 7→ g(x) la projection canonique.
On considère la matrice jacobienne du système f1 , . . . , fs ,
∂f1 ∂f1
∂X1 (X) ··· ∂Xn (X)
J(X) =
.. .. .
. .
∂fs ∂fs
∂X1 (X) ··· ∂Xn (X)
Exercice 1.1 Démontrer l’affirmation qui vient d’être faite concernant le module des dérivations.
Confirmer ensuite à partir de cela le fait que Der(A) est le dual de ΩA/R : si ϕ : E → F est une
application linéaire entre modules libres de rang fini on a toujours Ker ϕ ' (E ? / Im tϕ)? .
Nous nous intéressons dans la suite au cas lisse, dans lequel les notions purement algébriques
coïncident avec les notions analogues en géométrie différentielle.
R-algèbre .D E
A = R[X, Y, Z] X 2 + Y 2 + Z 2 − 1 = R[x, y, z].
Le A-module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur S est
où v est le vecteur colonne t[ x y z ]. Ce vecteur est unimodulaire (cela signifie que ses coordonnées
sont des éléments comaximaux de A) puisque [ x y z ] · v = 1. Alors la matrice
2
x xy xz
P = v · [ x y z ] = xy y2 yz
xz yz z2
vérifie P 2 = P , P · v = v, Im(P ) = Av de sorte qu’en posant Q = I3 − P on obtient
Im(Q) ' A3 / Im(P ) ' ΩA/R , et ΩA/R ⊕ Im(P ) ' ΩA/R ⊕ A ' A3 .
Ceci met en évidence que ΩA/R est un A-module projectif de rang 2, stablement libre.
Les considérations précédentes auraient fonctionné en remplaçant R par un corps de caracté-
ristique 6= 2 ou même par un anneau commutatif R où 2 est inversible.
Un problème intéressant qui se pose est de savoir pour quels anneaux R exactement le
A-module ΩA/R est libre.
b1 ∂1 f + · · · + bn ∂n f = 1.
Im(Q) ' An / Im(P ) ' ΩA/R et ΩA/R ⊕ Im(P ) ' ΩA/R ⊕ A ' An .
Ceci met en évidence que ΩA/R est un A-module projectif de rang n − 1, stablement libre.
1. Dans ce chapitre introductif, quand nous utilisons l’expression incantatoire imagée corps K (( extension de
R )), nous entendons simplement que K est un corps muni d’une structure de R-algèbre. Cela revient à dire qu’un
sous-anneau de K est isomorphe à un quotient (intègre) de R, et que l’isomorphisme est donné. En conséquence
les coefficients de f peuvent être (( vus )) dans K et le discours qui suit l’expression incantatoire a bien un sens
algébrique précis. Dans le chapitre 3 nous définirons une extension d’anneaux comme un homomorphisme injectif.
Cette définition est en conflit direct avec l’expression imagée utilisée ici si R n’est pas un corps. Ceci explique les
guillemets utilisés dans le chapitre présent.
8 1. Exemples
On dira que la variété algébrique S définie par f = g = 0 est lisse de codimension 2 si, pour tout
corps K (( extension de R )) et pour tout point ξ = (ξ1 , . . . , ξn ) ∈ Kn vérifiant f (ξ) = g(ξ) = 0,
on a un des mineurs 2 × 2 de la matrice jacobienne, Jk,` (ξ), où
∂f ∂f
k (X) ∂X` (X)
Jk,` (X) = ∂X ,
∂g (X) ∂g
∂X` (X)
∂Xk
Notons bk,` = Bk,` (x) l’image de Bk,` dans A et jk,` = Jk,` (x). On a donc dans A
X
b j = 1.
16k<`6n k,` k,`
P 2 = P, P · tJ = tJ, Im P = Im tJ ' A2 ,
Ceci met en évidence que ΩA/R est un A-module projectif de rang n − 2, stablement libre.
1.2. Formes différentielles sur une variété affine lisse 9
Le cas général
Nous traitons le cas de m équations qui définissent une variété lisse de codimension r.
Soit R un anneau commutatif, et fi (X) ∈ R[X1 , . . . , Xn ], i = 1, . . . , m. On considère la
R-algèbre
A = R[X1 , . . . , Xn ]/hf1 , . . . , fm i = R[x1 , . . . , xn ] = R[x].
La matrice jacobienne du système (f1 , . . . , fm ) est
∂f1 ∂f1
∂X1 (X) ··· ∂Xn (X)
J(X) =
.. .. ,
. .
∂fm ∂fm
∂X1 (X) ··· ∂Xn (X)
Ceci implique que pour tout corps K (( extension de R )) et en tout point ξ = (ξ1 , . . . , ξn ) ∈ Kn
de la variété des zéros des fi dans Kn , l’espace tangent est de codimension r. Si l’anneau A est
réduit, cette condition (( géométrique )) est d’ailleurs suffisante (en mathématiques classiques).
Notons Jki11,...,i r
,...,kr (X) le mineur r × r extrait sur les lignes i1 , . . . , ir et sur les colonnes k1 , . . . , kr
de J(X). Ce mineur vu dans A est noté jki11,...,i r i1 ,...,ir
,...,kr = Jk1 ,...,kr (x).
La condition sur les mineurs r × r signifie l’existence d’éléments bki11,...,i r
,...,kr de A tels que
bik11,...,i i1 ,...,ir
X
r
,...,kr jk1 ,...,kr = 1.
16k1 <···<kr 6n,16i1 <···<ir 6m
Exercice 1.2 Dans cet exercice, on fait un recollement de la manière la plus naïve qui soit.
Soit A ∈ An×m une matrice de rang r, on cherche à construire une matrice B ∈ Am×n telle que
ABA = A. On notera que si l’on a une solution pour une matrice A on a ipso facto une solution
pour toute matrice équivalente.
Ir 0
1. Traiter le cas où A = Ir,n,m =
0 0
2. Traiter le cas où P AQ = Ir,n,m avec P et Q inversibles.
10 1. Exemples
Ir RV
−V Ir 0
e
R
A= , L= , C= .
−U W e δ1 Is
UR 0 δ1 It
R −V R 0
On obtient LA = avec W 0 = −δ1 U RV
e + W . puis LAC = . Puisque
0 W0 0 δ1 W0
R 0
les mineurs d’ordre r + 1 de LA sont nuls on obtient δ1 W 0 = 0 : LAC = . On pose
0 0
R
e 0
donc M = , d’où (LAC)M (LAC) = δ1 LAC.
0 0
Remarques. 1) Nous reviendrons sur l’égalité ABA = A en utilisant une formule magique à la
Cramer, cf. le théorème 2.3.
2) Dans le dernier exemple, nous nous sommes directement inspirés du (( théorème du rang ))
qui affirme que si une application lisse ϕ : U → Rk a un rang constant r en tous les points
de V = { x ∈ U | ϕ(x) = 0 } alors V est une sous variété lisse de codimension r de l’ouvert
U ⊆ Rn . Il s’avère qu’en fait l’analogue que nous avons développé ici ne fonctionne pas toujours
correctement. Par exemple avec R = F2 , f1 = X 2 + Y et f2 = Y 2 , la variété V est réduite à un
point, l’origine (même
si on passe à la clôture algébrique de F2 ), en lequel la matrice jacobienne
0 1
est de rang 1 : , mais V n’est pas une courbe, c’est un point multiple. Cela signifie que
0 0
le théorème du rang pose quelques problèmes en caractéristique non nulle. Notre définition est
donc abusive lorsque R n’est pas une Q-algèbre.
2. Principe local-global de base et
systèmes linéaires
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.1 Quelques faits concernant les localisations . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2 Principe local-global de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Localisations comaximales et principe local-global . . . . . . . . . . . . . . . 14
Propriétés de caractère fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Rendre des éléments comaximaux par force . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3 Anneaux et modules cohérents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Une notion fondamentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Caractère local de la cohérence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Au sujet du test d’égalité et du test d’appartenance . . . . . . . . . . . . . . 23
Anneaux et modules cohérents fortement discrets . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.4 Systèmes fondamentaux d’idempotents orthogonaux . . . . . . . . . 24
2.5 Un peu d’algèbre extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Sous-modules libres en facteur direct (splitting off) . . . . . . . . . . . . . . . 27
Le rang d’un module libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Puissances extérieures d’un module . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Idéaux déterminantiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Rang d’une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Méthode du pivot généralisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Formule de Cramer généralisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Une formule magique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Inverses généralisés et applications localement simples . . . . . . . . . . . . . 34
Grassmanniennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Critères d’injectivité et de surjectivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Caractérisation des applications localement simples . . . . . . . . . . . . . . . 37
Trace, norme, discriminant, transitivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.6 Principe local-global de base pour les modules . . . . . . . . . . . . 43
Complexes et suites exactes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Localisation et suites exactes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Principe local-global pour les suites exactes de modules . . . . . . . . . . . . 44
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
Dans ce chapitre, comme dans tout l’ouvrage sauf mention expresse du contraire, les anneaux
sont commutatifs et unitaires, et les homomorphismes entre anneaux respectent les 1. En
particulier un sous-anneau a le même 1 que l’anneau.
12 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
Introduction
La théorie de la résolution des systèmes linéaires est un thème omniprésent en algèbre
commutative (sa forme la plus évoluée est l’algèbre homologique). Nous donnons dans ce chapitre
un rappel de quelques résultats classiques sur ce sujet. Nous y reviendrons souvent.
Nous insistons particulièrement sur le principe local-global de base, sur la notion de module
cohérent et sur les variations autour de la formule de Cramer.
A KK
KKK
πA,a KKψK homomorphismes nuls sur a
KKK
K
A/a _ _ _ _ _%/ B
θ!
Explication concernant la figure. Dans une figure du type ci-dessus tout est donné sauf le
morphisme θ correspondant à la flèche en traits-tirets. Le point d’exclamation signifie que θ fait
commuter le diagramme et qu’il est l’unique morphisme possédant cette propriété.
On note M /aM le A/a -module quotient du A-module M par le sous-module engendré par
les ax pour a ∈ a et x ∈ M . Ce module peut aussi être défini par extension des scalaires à A/a
du A-module M (voir page 138, et l’exercice 4.4).
Passons aux localisations, qui sont très analogues aux quotients (nous reviendrons plus en
détail sur cette analogie page 438). Dans cet ouvrage, lorsque l’on parle d’un monoïde d’un
anneau, on entend toujours une partie contenant 1 et stable pour la multiplication.
Pour un anneau A nous noterons A× le groupe multiplicatif des éléments inversibles, encore
appelé groupe des unités.
Si S est un monoïde, on note AS ou S −1 A le localisé de A en S. Tout élément de AS s’écrit
x/s avec x ∈ A et s ∈ S. Par définition on a x1 /s1 = x2 /s2 s’il existe s ∈ S tel que ss2 x1 = ss1 x2 .
En cas de besoin on notera jA,S : A → AS l’application canonique x 7→ x/1.
Le localisé (AS , jA,S ) est caractérisé, à isomorphisme unique près, par la propriété universelle
suivante.
A MM
MMM
MMψM homomorphismes qui envoient S dans B×
jA,S MMM
M&
S −1 A _ _ _ _ _/ B
θ!
que ss2 x1 = ss1 x2 . Ce module MS peut aussi être défini par extension des scalaires à AS du
A-module M (voir page 138, et l’exercice 4.4).
Un monoïde S d’un anneau A est dit saturé lorsque l’implication
∀s, t ∈ A (st ∈ S ⇒ s ∈ S)
est satisfaite. Un monoïde saturé est également appelé un filtre. Nous appellerons filtre principal
un filtre engendré par un élément : il est constitué de l’ensemble des diviseurs d’une puissance de
cet élément.
Si l’on sature un monoïde, on ne change pas la localisation1 . Deux monoïdes S1 et S2 sont
dits équivalents s’ils ont même saturé. On écrit alors AS1 = AS2 .
n o
def
Si S est engendré par s ∈ A, c’est-à-dire si S = sN = sk | k ∈ N , on note As ou A[1/s]
le localisé S −1 A, qui est isomorphe à A[T ]/hsT − 1i.
Dans un anneau le transporteur d’un idéal a dans un idéal b est l’idéal (b : a)A =
{ a ∈ A | aa ⊆ b }. Plus généralement si N et P sont deux sous-modules d’un A-module M
on définit le transporteur de N dans P comme l’idéal (P : N )A = { a ∈ A | aN ⊆ P }.
Rappelons aussi que l’annulateur d’un élément x d’un A-module M est l’idéal AnnA (x) =
(h0A i : hxi) = { a ∈ A | ax = 0 }.
L’annulateur du module M est l’idéal AnnA (M ) = (h0M i : M )A . Un module est fidèle si son
annulateur est réduit à 0.
Les notations suivantes sont également utiles pour un sous-module N de M :
(N : a)M = { x ∈ M | x a ⊆ N } .
(N : a∞ )M = { x ∈ M | ∃n, x an ⊆ N } .
Ce dernier module s’appelle le saturé de N par a.
Nous disons qu’un élément x d’un A-module M est régulier (si M = A on dit aussi que x est
non diviseur de zéro, en un seul mot) si la suite
.x
0 −→ A −→ M
est exacte, autrement dit si Ann(x) = 0. Si 0A est non diviseur de zéro dans A, l’anneau est
trivial.
En général pour alléger les notations précédentes concernant les transporteurs on omet l’indice
A ou M chaque fois qu’il est clair d’après le contexte.
L’anneau total des fractions de A, que nous notons Frac A, est l’anneau localisé AS , où S
est le monoïde des éléments réguliers de A.
Fait 2.1.3
1. Le noyau de l’homomorphisme naturel jA,s : A → As = A[1/s] est l’idéal (0 : s∞ )A . Il est
réduit à 0 si, et seulement si, s est régulier.
2. De même le noyau de l’homomorphisme naturel de M dans Ms = M [1/s] est le sous-A-
module (0 : s∞ )M .
3. L’homomorphisme naturel A → Frac A est injectif.
Définition 2.2.1
1. Des éléments s1 , . . . , sn sont dits comaximaux si h1i = hs1 , . . . , sn i. Deux éléments comaxi-
maux sont aussi appelés étrangers.
2. Des monoïdes S1 , . . . , Sn sont dits comaximaux si chaque fois que s1 ∈ S1 , . . ., sn ∈ Sn ,
les si sont comaximaux.
Fait∗ 2.2.2 Soient des monoïdes S1 , . . . , Sn dans un anneau non trivial A (i.e., 1 6=A 0). Les
monoïdes Si sont comaximaux si, et seulement si, pour tout idéal premier (resp. pour tout idéal
maximal) p l’un des Si est contenu dans A \ p.
J Supposons les monoïdes comaximaux et soit p un idéal premier. Si aucun des Si n’est contenu
dans A \ p, il existe, pour chaque i, un si ∈ Si ∩ p ; alors s1 , . . . , sn ne sont pas comaximaux.
Inversement, supposons que pour tout idéal maximal m l’un des Si est contenu dans A \ m et
soient s1 ∈ S1 , . . . , sn ∈ Sn alors l’idéal hs1 , . . . , sn i n’est contenu dans aucun idéal maximal,
donc il contient 1. I
Nous notons Am×p ou Mm,p (A) le A-module des matrices à m lignes et p colonnes à coeffi-
cients dans A, et Mn (A) désigne Mn,n (A). Le groupe formé par les matrices inversibles est noté
GLn (A), le sous-groupe des matrices de déterminant 1 est noté SLn (A). Le sous-ensemble de
Mn (A) formé par les matrices de projection (c’est-à-dire les matrices F telles que F 2 = F ) est
noté GAn (A). L’explication des acronymes est la suivante : GL pour groupe linéaire, SL pour
groupe linéaire spécial et GA pour grassmannienne affine.
2.2. Principe local-global de base 15
Exemples
Donnons des exemples simples d’application du principe local-global concret de base. Un cas
d’application typique du premier exemple (fait 2.2.4) est celui où le module M dans l’énoncé est
un idéal non nul d’un anneau de Dedekind.
Fait 2.2.4 On considère un module M avec deux systèmes générateurs : M = ha, bi = hc, di. On
suppose que ce module est fidèle, c’est-à-dire que son annulateur est réduit à 0, et localement
monogène, c’est-à-dire qu’après chaque localisation en des monoïdes comaximaux S1 , . . . , Sn , il
est engendré par un seul élément (gi après la localisation en Si ).
Alors il existe une matrice A ∈ SL2 (A) telle que (a, b)A = (c, d).
2. La notion est discutée plus en détail page 142.
16 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
−y
x y t
J Si A = on doit avoir pour matrice cotransposée B = Adj A = . En
z t −z x
particulier on cherche à résoudre le système linéaire suivant :
Notre deuxième exemple est donné par le lemme de Gauss-Joyal : le point 1. dans le lemme
suivant est prouvé en application du principe local-global de base.
Nous devons d’abord rappeler quelques définitions.
Un élément a d’un anneau est dit nilpotent si an = 0 pour un entier n ∈ N. Les éléments
nilpotents dans un anneau A forment un idéal appelé nilradical, ou encore radical nilpotent de
l’anneau. Un anneau est réduit si son nilradical est égal à 0. Plus généralement le nilradical d’un
√
idéal a de A est l’idéal formé par les x ∈ A dont une puissance est dans a. Nous le noterons a
ou DA (a). Nous notons aussi DA (x) pour DA (hxi). Un idéal a est appelé un idéal radical lorsqu’il
est égal à son nilradical. L’anneau A/DA (0) = Ared est l’anneau réduit associé à A.
Pour un polynôme f de A[X1 , . . . , Xn ] = A[X], on appelle contenu de f et l’on note cA,X (f )
ou c(f ) l’idéal engendré par les coefficients de f . Le polynôme f est dit primitif (en X) lorsque
cA,X (f ) = h1i.
Lorsqu’un polynôme f de A[X] est donné sous la forme f (X) = nk=0 ak X k , on dit que n
P
est le degré formel de f , et an est son coefficient formellement dominant. Enfin si f est donné
comme nul, son degré formel est −1.
Lemme 2.2.5
1. (Gauss-Joyal du pauvre) Le produit de deux polynômes primitifs est un polynôme primitif.
2. (Gauss-Joyal) Pour f, g ∈ A[X], il existe p ∈ N tel que (c(f )c(g))p ⊆ c(f g).
3. (éléments nilpotents dans A[X]) Un élément f de A[X] est nilpotent si, et seulement si,
tous ses coefficients sont nilpotents. Autrement dit (A[X])red = Ared [X].
4. (éléments inversibles dans A[X]) Un élément f de A[X] est inversible si, et seulement si,
f (0) est inversible et f − f (0) est nilpotent. Autrement dit A[X]× = A× + DA (0)[X] et en
particulier (Ared [X])× = (Ared )× .
Remarque. On peut formuler ce lemme de manière plus structurelle en considérant pour deux
idéaux a, b l’application canonique (diagonale) A → A/a × A/b de noyau a ∩ b. Si un élément
de A est nilpotent modulo a et modulo b, il l’est modulo a ∩ b donc aussi modulo ab (puisque
(a ∩ b)2 ⊆ ab). On touche ici au (( principe de recouvrement fermé )), voir page 442.
Définition 2.2.7 Une propriété P concernant les anneaux commutatifs et les modules est dite
de caractère fini si elle est conservée par localisation (par passage de A à S −1 A) et si, lorsqu’elle
est vérifiée avec S −1 A, alors elle est vérifiée avec A[1/s] pour un certain s ∈ S.
Fait 2.2.8 Soit P une propriété de caractère fini. Alors le principe local-global concret pour P est
équivalent au principe de transfert pour P. Autrement dit les principes suivants sont équivalents :
1. Si la propriété P est vraie après localisation en une famille de monoïdes comaximaux, alors
elle est vraie.
18 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
2. L’ensemble des éléments s de l’anneau pour lesquels la propriété P est vraie après localisation
en s forme un idéal.
J Soit A un anneau qui fournit le contexte pour la propriété P. Considérons alors l’ensemble
I = { s ∈ A | P est vraie pour As }.
1 ⇒ 2. Supposons 1. Soient s, t ∈ I, a, b ∈ A et u = as + bt. Les éléments s et t sont comaximaux
dans Au . Puisque P est stable par localisation, P est vraie pour (Au )s = (As )u et (Au )t = (At )u .
En appliquant 1, P est vraie pour Au , i.e., u = as + bt ∈ I.
2 ⇒ 1. Supposons 2 et soit (Si ) la famille de monoïdes comaximaux considérée. Puisque la
propriété est de caractère fini, on trouve dans chaque Si un élément si tel que P soit vraie après
localisation en si . Puisque les Si sont comaximaux les si sont des éléments comaximaux. En
appliquant 2, on obtient I = h1i. Et la localisation en 1 donne la réponse. I
La plupart des principes local-globals concrets que nous considérerons dans cet ouvrage
s’appliquent pour des propriétés de caractère fini. Si la lectrice le préfère elle a tout le loisir de
remplacer alors le principe local-global concret par le principe de transfert correspondant.
En mathématiques classiques on a pour les propriétés de caractère fini l’équivalence de deux
notions, l’une concrète et l’autre abstraite, que l’on peut qualifier (( de nature quasi globale )) :
Fait∗ 2.2.9 Soit P une propriété de caractère fini. Alors en mathématiques classiques les propri-
étés suivantes sont équivalentes.
1. Il existe des monoïdes comaximaux tels que la propriété P soit vraie après localisation en
chacun des monoïdes.
2. La propriété P est vraie après localisation en tout idéal maximal.
Fait∗ 2.2.10 Soit P une propriété de caractère fini. Alors le principe local-global concret pour P
est équivalent (en mathématiques classiques) au principe local-global abstrait pour P. Autrement
dit les principes suivants sont équivalents :
1. Si la propriété P est vraie après localisation en une famille de monoïdes comaximaux, alors
elle est vraie.
2. Si la propriété P est vraie après localisation en tout idéal maximal, alors elle est vraie.
Abstrait ⇒ Transfert. Pour chaque idéal maximal m sélectionnons un sm ∈ / m tel que la propriété
P soit vraie après localisation en sm . L’ensemble des sm engendre un idéal qui n’est contenu dans
aucun idéal maximal, donc c’est l’idéal h1i. On peut conclure par le principe de transfert : la
propriété est vraie après localisation en 1 !
Commentaire. L’avantage de la localisation en un idéal premier est que le localisé est un anneau
local, lequel a de très bonnes propriétés (cf. chapitre 9). Le désavantage est que les preuves
qui utilisent un principe local-global abstrait en lieu et place du principe local-global concret
correspondant sont non constructives dans la mesure où le seul accès que l’on a (dans une situation
générale) aux idéaux premiers est donné par le lemme de Zorn. En outre même le fait 2.2.2 est
obtenu au moyen d’un raisonnement par l’absurde qui enlève tout caractère algorithmique à la
(( construction )) correspondante.
Certains principes local-globals concrets n’ont pas de correspondant abstrait, parce que la propri-
été concernée n’est pas de caractère fini. Ce sera le cas des principes local-globals concrets 2.3
page 22 pour les modules de type fini et 2.2 page 22 pour les anneaux cohérents.
Nous ferons un usage systématique efficace et constructif du principe local-global concret de
base et de ses conséquences. Souvent, nous nous inspirerons d’une démonstration d’un principe
local-global abstrait en mathématiques classiques. Dans le chapitre 15 nous mettrons au point
une machinerie locale-globale générale pour exploiter à fond de manière constructive les preuves
classiques de type local-global.
J Soit c dans le noyau, vu l’isomorphisme B/h(xj )j6=i i ' A[1/ai ], on a c =A[1/ai ] 0, donc
c ∈ (0 : a∞ ∞ ∞ r
i ). On en déduit c ∈ (0 : aP). Inversement si c ∈ (0 : a ), il existe un r tel que cai = 0
pour chaque i et donc ψ(c) = ψ(c)( ai xi )nr = 0. I
20 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
Cela signifie que l’on maîtrise un peu l’ensemble des solutions du système linéaire homogène
LX = 0.
Plus généralement si V = (v1 , . . . , vn ) ∈ M n , où M est un A-module, on appelle module des
relations entre les vi le sous-A-module de An noyau de l’application linéaire
X
V̆ : An → M, (x1 , . . . , xn ) 7→ xi vi .
i
On dira aussi de manière plus précise qu’il s’agit du module des relations pour (le vecteur) V .
Un élément (x1 , . . . , xn ) de ce noyau est appelé une relation de dépendance linéaire entre les vi .
P
En fait, par abus de langage on parle indifféremment de la relation i xi vi = 0 ou de la
relation (x1 , . . . , xn ) ∈ An . Le A-module M est alors dit cohérent si pour tout V ∈ M n le module
des relations est de type fini. Autrement dit si l’on a :
Un anneau A est donc cohérent si, et seulement si, il est cohérent en tant que A-module.
Notez que nous avons utilisé dans l’équation (2.2) une notation transposée par rapport à
P P
l’équation (2.1). C’est pour ne pas avoir la somme i xi vi écrite sous forme i vi xi lorsque
vi ∈ M et xi ∈ A. Dans la suite, nous ne ferons généralement plus cette transposition, car il
nous semble préférable de garder la forme usuelle AX = V pour un système linéaire, même si les
matrices A et V sont à coefficients dans M .
Proposition 2.3.1
Dans un A-module cohérent M , tout système linéaire (( sans second membre )) BX = 0 (B ∈
M k×n , X ∈ An×1 ) admet pour solutions les éléments d’un sous-A-module de type fini de An×1 .
J Faisons la preuve par exemple pour k = 2 (la preuve générale fonctionne par récurrence de
la même manière). (( On résout la première équation et l’on porte la solution générale dans la
seconde )). Voyons plus précisément. La matrice B est constituée des lignes L et L0 . On a une
matrice G telle que
LX = 0 ⇐⇒ ∃Y ∈ Am×1 , X = GY.
Il reste à résoudre L0 GY = 0 qui équivaut à l’existence d’un vecteur colonne Z tel que Y = G0 Z
pour une matrice G0 convenable. Donc BX = 0 si, et seulement si, X peut s’écrire sous forme
GG0 Z. I
La proposition précédente est particulièrement importante pour les systèmes linéaires sur A
(c’est-à-dire lorsque M = A).
Commentaire. La notion d’anneau cohérent est donc fondamentale du point de vue algorithmique
en algèbre commutative. Dans les traités usuels, cette notion est rarement mise en avant parce que
l’on préfère la notion d’anneau nœthérien 3 . En mathématiques classiques tout anneau nœthérien
A est cohérent parce que tous les sous-modules de An sont de type fini, et tout module de type
3. Nous donnons après ce commentaire une définition constructive de cette notion.
2.3. Anneaux et modules cohérents 21
fini est cohérent pour la même raison. En outre, on a le théorème de Hilbert qui dit que si A est
nœthérien, toute A-algèbre de type fini est également un anneau nœthérien, tandis que la même
affirmation est en défaut si l’on remplace (( nœthérien )) par (( cohérent )).
D’un point de vue algorithmique cependant, il semble impossible de trouver une formulation
constructive satisfaisante de la nœthérianité qui implique la cohérence (voir exercice 2.8). Et la
cohérence est souvent la propriété la plus importante du point de vue algorithmique. Comme
conséquence, la cohérence ne peut pas être sous-entendue (comme c’est le cas en mathématiques
classiques) lorsque l’on parle d’un anneau ou d’un module nœthérien.
Le théorème classique disant que sur un anneau nœthérien tout A-module de type fini est
nœthérien est souvent avantageusement remplacé par le théorème constructif suivant (pour la
version non-nœthérienne voir le théorème 4.3 page 135, et pour la version nœthérienne voir
[MRR] corollaire 3.2.8 p. 83) :
Sur un anneau cohérent (resp. nœthérien cohérent) tout A-module de présentation finie est
cohérent (resp. nœthérien cohérent).
En fait, comme le montre cet exemple, la nœthérianité est souvent une hypothèse inutilement
forte.
La définition suivante d’un module nœthérien est équivalente à la définition usuelle en mathé-
matiques classiques, mais elle est beaucoup mieux adaptée à l’algèbre constructive (la définition
usuelle n’est vérifiée constructivement par aucun anneau non trivial).
Théorème 2.1 Un module est cohérent si, et seulement si, sont vérifiées les deux conditions
suivantes :
1. L’intersection de deux sous-modules de type fini arbitraires est un module de type fini.
2. L’annulateur d’un élément arbitraire est un idéal de type fini.
On obtiendra donc un système générateur pour les relations entre les ai en prenant la réunion
des trois systèmes de relations suivants : celui des relations entre les éléments de L1 , celui des
relations entre les éléments de L2 et celui qui provient du système générateur de l’intersection
M1 ∩ M2 . I
En particulier un anneau est cohérent si, et seulement si, d’une part l’intersection de deux
idéaux de type fini est toujours un idéal de type fini, et d’autre part l’annulateur d’un élément
est toujours un idéal de type fini.
Exemple. Si K est un corps discret toute algèbre de présentation finie sur K est un anneau
cohérent (théorème 7.6 page 270). Il est clair aussi que tout anneau de Bezout intègre (cf.
page 144) est un anneau cohérent.
J Supposons que MSi soit un ASi -module de type fini pour chaque i. Montrons que M est de
type fini. Soient gi,1 , . . . , gi,qi des éléments de M qui engendrent MSi . Soit x ∈ M arbitraire.
Pour chaque i on a un si ∈ Si et des ai,j ∈ A tels que :
Proposition 2.3.4 Sur un module cohérent fortement discret M , tout système linéaire BX = C
(B ∈ M k×n , C ∈ M k×1 , X ∈ An×1 ) peut être testé. En cas de réponse positive, une solution
particulière X0 peut être calculée. En outre les solutions X sont tous les éléments de X0 + N où
N est un sous-A-module de type fini de An×1 .
Ces isomorphismes sont obtenus à partir des trois applications canoniques M → M [1/e] :
x 7→ x/1, M → M/f M : x 7→ x mod f M , M → e M : x 7→ e x, qui sont surjectives et
ont même noyau.
Par ailleurs il faut prendre garde que l’idéal eA, qui est un anneau avec e pour élément
neutre, n’est pas un sous-anneau de A (sauf si e = 1).
Dans un anneau A un système fondamental d’idempotents orthogonaux est une liste (e1 , . . . , en )
d’éléments de A qui vérifie :
Pn
ei ej = 0 si i 6= j, et i=1 ei = 1
Ceci implique que les ei sont idempotents. Nous ne réclamons pas qu’ils soient tous non nuls6 .
Le théorème de structure ci-après et le lemme qui suit sont des (légères) généralisations des
deux faits précédents.
A ' A1 × · · · × An ,
M = e1 M ⊕ · · · ⊕ en M.
Notez que e1 M est un A-module et un A1 -module, mais que ce n’est pas un A2 -module (sauf
s’il est nul).
Le lemme suivant est une réciproque du théorème de structure.
L
Lemme 2.4.3 Soient (ai )i∈J1..nK des idéaux de A. On a A = i∈J1..nK ai si, et seulement si,
il existe un système fondamental d’idempotents orthogonaux (ei )i∈J1..nK tel que ai = hei i pour
i ∈ J1..nK. Dans ce cas le système fondamental d’idempotents orthogonaux est déterminé de
manière unique.
J Tout d’abord si e est idempotent, on a Ann hei = h1 − ei. Pour l’implication réciproque, soit
e ∈ a tel que 1 − e ∈ Ann a. Alors e(1 − e) = 0 donc e est idempotent. Et pour tout y ∈ a, y = ye,
donc a ⊆ hei . I
Lemme 2.4.5 (lemme de l’idéal de type fini idempotent)
Si a est un idéal de type fini idempotent (i.e., a = a2 ) dans A, alors a = hei avec e2 = e
entièrement déterminé par a.
J On utilise le truc du déterminant. On considère un système générateur (a1 , . . . aq ) de a et le
vecteur colonne a = t[ a1 · · · aq ]. Puisque aj ∈ a2 pour j ∈ J1..qK, il y a une matrice C ∈ aq×q
telle que a = C a, donc (Iq − C) a = 0 et det(Iq − C) a = 0. On a det(Iq − C) = 1 − e avec e ∈ a
et (1 − e)a = 0. On applique le lemme 2.4.4.
L’unicité de e est déjà dans le lemme 2.4.3. I
Rappelons enfin le théorème chinois, outil très efficace, qui cache un système fondamental
d’idempotents orthogonaux. Des idéaux b1 , . . ., b` d’un anneau A sont dit comaximaux lorsque
b1 + · · · + b` = h1i.
Théorème des restes chinois
T Q
Soient dans A des idéaux (ai )i∈J1..nK deux à deux comaximaux et a = i ai . Alors a = i ai et
l’application canonique A/a → i A/ai est un isomorphisme : il existe une famille (ei )i∈J1..nK
Q
Cas particulier : pour k = 1 on dit que l’élément a1 de M est unimodulaire lorsqu’il existe
une forme linéaire ϕ : M → A tel que ϕ(a1 ) = 1.
Cette formule, jointe à la formule du produit (( det(AB) = det(A) det(B) )), implique qu’une
matrice carrée A est inversible si, et seulement si, son déterminant est inversible, si, et seulement
si, elle est inversible d’un seul coté, et que son inverse est alors égal à (det A)−1 Adj A.
On considère maintenant deux A-modules M ' Am et P ' Ap avec m > p et une application
linéaire surjective ϕ : P → M . Il existe donc une application linéaire ψ : M → P telle que
ϕ ◦ ψ = IdM . Cela correspond à deux matrices A ∈ Am×p et B ∈ Ap×m avec AB = Im . Si m = p
la matrice A est inversible d’inverse B et ϕ et ψ sont des isomorphismes réciproques. Si m > p
28 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
0 0 ··· 0
.
A1 = .. A B1 = A1 B1 = Im
B
0
Proposition 2.5.2 Soient deux A-modules M ' Am et P ' Ap et une application linéaire
surjective ϕ : P → M .
1. Si m = p alors ϕ est un isomorphisme. Autrement dit, dans un module Am tout système
générateur de m éléments est une base.
2. Si m > p alors 1 =A 0, en particulier si l’anneau n’est pas trivial, m > p est impossible.
M k KK
KKKψ Applications k-linéaires alternées
ϕ KKK
KKK
P _ _ _ _ _ /% R
θ!
Il est clair que ϕ : M k → P est unique au sens catégorique, c’est-à-dire que pour toute autre
puissance extérieure ϕ0 : M k → P 0 il y a un isomorphisme unique θ : P → P 0 qui rend les
diagrammes convenables commutatifs.
On note alors k M = kA M pour P et λk (x1 , . . . , xk ) = x1 ∧ · · · ∧ xk pour ϕ(x1 , . . . , xk ).
V V
L’existence d’une puissance extérieure k-ième pour tout module M résulte de considérations
générales analogues à celles que nous détaillerons pour le produit tensoriel page 135 de la
section 4.4.
La théorie la plus simple des puissances extérieures, analogue à la théorie élémentaire du
déterminant, démontre que si M est un module libre ayant une base de n éléments (a1 , . . . , an ),
alors k M est nul si k > n, et sinon c’est un module libre ayant pour base les nk k-vecteurs
V
ai1 ∧ · · · ∧ aik , où (i1 , . . . , ik ) parcourt l’ensemble des k-uplets strictement croissants d’éléments
de J1..nK. En particulier n M est libre de rang 1.
V
2.5. Un peu d’algèbre extérieure 29
Idéaux déterminantiels
Définition 2.5.3 Si G ∈ An×m et 1 6 k 6 min(m, n), l’idéal déterminantiel d’ordre k de la
matrice G est l’idéal, noté DA,k (G) ou Dk (G), engendré par les mineurs d’ordre k de G. Pour
k 6 0 on pose par convention Dk (G) = h1i, et pour k > min(m, n), Dk (G) = h0i.
Ces conventions sont naturelles car elles permettent d’obtenir en toute généralité les égalités
suivantes :
I 0
– Si H = r , pour tout k on a Dk (G) = Dk+r (H).
0 G
0 0
– Si H = , pour tout k on a Dk (H) = Dk (G).
0 G
En effet, tout mineur d’ordre h + 1 s’exprime comme combinaison linéaire de mineurs d’ordre
h. Et le (( plus précisément )) s’obtient avec le développement de Laplace du déterminant.
Fait 2.5.6 Si G et H sont des matrices telles que GH est définie, alors, pour tout n > 0 on a
J En effet : le résultat est clair pour n = 1, et pour n > 1 on se ramène au cas n = 1 en notant
que les mineurs d’ordre n de G, H et GH représentent les coefficients des matrices (( puissance
extérieure n-ième de G, H et GH )) (en tenant compte de la fonctorialité de (( puissance extérieure
n-ième )) : n (ϕψ) = n ϕ n ψ). I
V V V
Nous utiliserons les notations rg(ϕ) > k et rg(ϕ) 6 k, conformément à la définition précédente,
sans présupposer que rg(ϕ) soit défini. Seule l’écriture rg(ϕ) = k signifiera que le rang est défini.
Nous généraliserons plus loin cette définition au cas d’applications linéaires entre modules
projectifs de type fini : voir notation 10.6.3 et exercices 10.21, 10.22 et 10.23.
Commentaire. La lectrice doit prendre garde qu’il n’existe pas de définition universellement
acceptée pour (( matrice de rang k )) dans la littérature. En lisant un autre ouvrage, elle doit
d’abord s’assurer de la définition adoptée par l’auteur. Par exemple dans le cas d’un anneau
intègre A, on trouve souvent le rang défini comme celui de la matrice vue dans le corps des
fractions de A. Néanmoins une matrice de rang k au sens de la définition 2.5.7 est généralement
de rang k au sens des autres auteurs.
Le principe local-global concret suivant est une conséquence immédiate du principe local-global
de base.
J En permutant éventuellement les lignes et les colonnes on ramène le mineur inversible en haut
à gauche. Puis en multipliant à droite (ou à gauche) par une matrice inversible on se ramène à la
forme
0 Ik A
G =
B C
puis par des manipulations élémentaires de lignes et de colonnes, on obtient
00 Ik 0k,m−k
G =
0q−k,k G1
00
et Dr (G1 ) = Dk+r (G ) = Dk+r (G) pour tout r > 0. I
J Avec les notations du lemme précédent D1 (G1 ) = Dk+1 (G) = h0i, donc G1 = 0. Le dernier
point est laissé au lecteur. I
La matrice Ik,q,m est appelée une matrice simple standard. On notera Ik,n pour Ik,n,n et on
l’appellera une matrice de projection standard.
32 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
Définition 2.5.8 Une application linéaire entre modules libres de rangs finis sera dite simple si
elle peut être représentée par une matrice Ik,q,m sur des bases convenables. De même une matrice
sera dite simple lorsqu’elle est équivalente à une matrice Ik,q,m .
due au fait que le rang de la matrice bordée [ A1..m,β | V ] est 6 k. Ceci peut se relire comme suit :
να,β,1
..
h i
µα,β V = Aβ1 . . . Aβk · =
.
να,β,k
vα1
..
h i
= Aβ1 . . . Aβk · Adj(Aα,β ) · . =
vαk
Notation 2.5.9 Nous notons P` l’ensemble des parties de J1..`K et Pk,` l’ensemble des parties à
k éléments de J1..`K. Pour A ∈ Am×n et α ∈ Pk,m , β ∈ Pk,n nous notons
A = 9 −1 2 7 ,
13 3 −3 10
−5
7
α = {1, 2} et β = {2, 3}, on a Aα,β = ,
−1 2
0 0 0
2 −7 −7
2 0
Adj(Aα,β ) = et Adjα,β (A) = .
1 −5 1 −5 0
0 0 0
Les identités de Cramer (2.11) et (2.12) fournissent des congruences qui ne sont soumises à
aucune hypothèse : il suffit par exemple de lire (2.11) dans l’anneau quotient A/Dk+1 ([ A | V ])
pour obtenir la congruence (2.13).
Cette égalité est d’ailleurs une conséquence directe de l’identité de Cramer de base (2.4). De la
même manière on obtient
3. Si k = n, alors
(2.19) B · A = In .
L’identité suivante, que nous n’utiliserons pas dans la suite, est encore plus miraculeuse.
Proposition 2.5.11 (Prasad et Robinson) Avec les hypothèses et les notations de la proposition
précédente, si l’on a ∀α, α0 ∈ Pk,m , ∀β, β 0 ∈ Pk,n cα,β cα0 ,β 0 = cα,β 0 cα0 ,β , alors
(2.20) B · A · B = B.
34 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
(2.21) ϕ◦ψ◦ϕ=ϕ et ψ ◦ ϕ ◦ ψ = ψ.
Une application linéaire est dite localement simple lorsqu’elle possède un inverse généralisé.
"
Im ψ Ker ϕ # "
Im ϕ Ker ψ #
Im ϕ ϕ1 0 Im ψ ψ1 0
= ϕ, = ψ.
Ker ψ 0 0 Ker ϕ 0 0
Remarques.
1) Si l’on a un ψ1 vérifiant comme dans le théorème 2.3 page précédente une égalité ϕ ψ1 ϕ = ϕ,
on obtient un inverse généralisé en posant ψ = ψ1 ϕ ψ1 . Autrement dit, une application linéaire
ϕ est localement simple si, et seulement si, il existe ψ vérifiant ϕ ψ ϕ = ϕ.
2) Une application linéaire simple entre modules libres de rangs finis est localement simple
(vérification immédiate).
3) Le théorème 2.3 nous dit qu’une application linéaire qui possède un rang k au sens de la
définition 2.5.7 est localement simple.
Fait 2.5.14 Soit une application linéaire ϕ : An → Am . Les propriétés suivantes sont équivalen-
tes.
1. ϕ est localement simple, i.e. elle possède un inverse généralisé.
2. Il existe ϕ• : Am → An telle que An = Ker ϕ ⊕ Im ϕ• et Am = Ker ϕ• ⊕ Im ϕ.
3. Im ϕ est facteur direct dans Am .
2.5. Un peu d’algèbre extérieure 35
La notion d’application localement simple est une notion locale au sens suivant.
J Voyons la deuxième affirmation. Montrer que ϕ est localement simple revient à trouver ψ
vérifiant ϕ ψ ϕ = ϕ. Ceci est un système linéaire en les coefficients de la matrice de ψ et l’on peut
donc appliquer le principe local-global concret de base (principe 2.1 page 15). I
Grassmanniennes
La proposition suivante est presque une paraphrase de l’équivalence entre les points 1. et 3.
dans le fait 2.5.14, énoncée en termes de sous-modules.
J La chose nouvelle par rapport aux faits 2.5.14 et 2.5.5 est l’équivalence entre les points 2b et
2c, c’est-à-dire le fait que pour F ∈ GAn (A), il revient au même de dire que
– F est de rang k, ou que
– det(In + T F ) = (1 + T )k .
Or chacune des deux affirmations peut être certifiée localement. Après localisation en des mo-
noïdes comaximaux, d’après le théorème 2.5 page 37, la matrice devient équivalente à une matrice
de projection standard Ir,n . En particulier son image est libre de rang r et son noyau libre de
rang n − r. Comme c’est une matrice de projection elle est en fait semblable à Ir,n . Et pour une
matrice Ir,n , l’équivalence est claire7 . I
Remarque. On a donc un critère simple pour décider si une matrice de projection est de rang k.
Définition 2.5.16
1. On définit l’espace GAn,k (A) ⊆ GAn (A) comme l’ensemble des matrices de projection de
rang k et Gn,k (A) comme l’ensemble des sous-modules de An qui sont images de matrices
de GAn,k (A).
2. L’espace Gn+1,1 (A) est encore noté Pn (A) et on l’appelle l’espace projectif de dimension n
sur A.
3. On note Gn (A) l’espace de tous les sous-modules en facteur direct dans An (i.e., images
d’une matrice de projection).
Remarque. Une formulation plus positive, mais sans doute encore plus déroutante, pour les
résultats du corollaire précédent est la suivante :
1. Si ϕ est surjective alors X m divise X n dans A[X].
2. Si ϕ est injective alors X n divise X m dans A[X].
Cela se rapproche plus de la formulation en mathématiques classiques : si l’anneau est non trivial
alors m 6 n dans le premier cas (resp. n 6 m dans le deuxième cas).
L’avantage des formulations que nous avons choisies est qu’elles fonctionnent dans tous les cas,
sans avoir besoin de présupposer que l’on sache décider si l’anneau est trivial ou pas.
Lemme 2.5.19 Soit une liste d’idempotents (eq+1 = 0, eq , . . ., e1 , e0 = 1) avec ei divise ei+1
pour i = 0, . . . , q. Alors les éléments ri := ei − ei+1 pour i = 0, . . . , q forment un système
fondamental d’idempotents orthogonaux. Et réciproquement, tout système fondamental d’idempo-
P
tents orthogonaux r0 , . . . , rq définit une telle liste d’idempotents en posant ej = k>j rk pour
j ∈ J0..q + 1K.
J Il est clair que la somme des ri égale 1. Pour 0 6 i < q, on a ei+1 = ei ei+1 donc (ei −ei+1 )ei+1 =
0, c’est-à-dire
(rq + · · · + ri+1 ) × ri = 0
On en déduit facilement que ri rj = 0 pour j > i. I
On note Diag(a1 , . . . , an ) la matrice diagonale d’ordre n qui a l’élément ai en position (i, i).
Dans le théorème qui suit certains des idempotents ri dans le système fondamental d’idempo-
tents orthogonaux peuvent très bien être nuls. Par exemple si l’anneau est connexe et non trivial
ils sont tous nuls sauf un, égal à 1.
J L’équivalence des points 1., 2., 3., 4. est déjà claire (voir les faits 2.5.13 et 2.5.14). Par ailleurs
on a trivialement 7. ⇒ 6. ⇒ 5. et 9. ⇒ 5.
Puisque q = inf(m, n) on a Dq+1 (ϕ) = 0.
1. ⇒ 5. On a GHG = G pour une certaine matrice H et l’on applique le fait 2.5.6.
5. ⇒ 7. Le fait que chaque Dk (ϕ) est engendré par un idempotent ek résulte du fait 2.4.5. Le fait
que (r0 , . . . , rq ) est un système fondamental d’idempotents orthogonaux résulte du lemme 2.5.19
(et du fait 2.5.4).
Comme rk ek+1 = 0, sur l’anneau A[1/rk ], et a fortiori sur l’anneau A[1/(µrk )], où µ est un
mineur d’ordre k, tous les mineurs d’ordre k + 1 de la matrice G sont nuls. Donc, par le lemme
de la liberté, G est simple de rang k.
7. ⇒ 9. Sur A[1/rk ] et a fortiori sur A[1/(µrk )] (µ un mineur d’ordre k) on a Diag(e1 , . . . , eq ) =
Diag(1, . . . , 1, 0, . . . , 0) avec k fois 1.
7. ⇒ 8. Notons tk,j les mineurs d’ordre k de G. Les localisations sont celles en les tk,j rk .
P
Nous devons vérifier qu’elles sont comaximales. Chaque ek s’écrit sous forme tk,j vk,j , donc
P P P
k,j vk,j (tk,j rk ) = k ek rk = rk = 1.
8. ⇒ 1. Par application du principe local-global 2.5 page 35 puisque toute application simple est
localement simple.
8. ⇒ 10. (en mathématiques classiques) Parce que le complémentaire d’un idéal maximal contient
toujours au moins un élément dans un système d’éléments comaximaux (on peut supposer
l’anneau non trivial).
10. ⇒ 8. (en mathématiques classiques) Pour chaque idéal maximal m on obtient un sm ∈ / m et
une matrice Hm tels que l’on ait GHm G = G dans A[1/sm ]. L’idéal engendré par les sm n’est
contenu dans aucun idéal maximal donc c’est l’idéal h1i. Il y a donc un nombre fini de ces sm qui
sont comaximaux.
Terminons en donnant une preuve directe pour l’implication 6. ⇒ 1.
Sur l’anneau A[1/rk ] la matrice G est de rang k donc il existe une matrice Bk vérifiant GBk G = G
(théorème 2.3 page 33). Cela signifie sur l’anneau A que l’on a une matrice Hk dans An×m
vérifiant rk Hk = Hk et rk G = GHk G. On prend alors H = k Hk et l’on obtient G = GHG. I
P
L’équivalence des points 1. à 9. a été établie de manière constructive, tandis que le point 10.
implique les précédents uniquement en mathématiques classiques.
2.5. Un peu d’algèbre extérieure 39
Notation 2.5.20
– Si A ⊆ B et si B est un A-module libre de rang fini, on note [B : A] pour rgA (B).
– Pour a ∈ B on note alors TrB/A (a), NB/A (a) et CB/A (a)(X) la trace, le déterminant
et le polynôme caractéristique de la multiplication par a, vue comme endomorphisme du
A-module B.
Lemme 2.5.21 Supposons que A ⊆ B et que B est un A-module libre de rang fini m.
1. Soit E un B-module libre de rang fini n. Si e = (ei )i∈J1..mK est une base de B sur A
et f = (fj )j∈J1..nK une base de E sur B, alors (ei fj )i,j est une base de E sur A. En
conséquence, E est libre sur A et
rgA (E) = rgB (E) × rgA (B).
2. Si B ⊆ C et si C est un B-module libre de rang fini, on a
[C : A] = [C : B] [B : A].
Remarque. Soit C la A-algèbre libre de rang 3 définie par C = A[Y ] Y 3 = A[y]. Puisque
y 4 = 0, B = A ⊕ Ay 2 est une sous-algèbre de C libre sur A dont le rang (égal à 2) ne divise pas
le rang de C (égal à 3). L’égalité [C : A] = [C : B][B : A] ne s’applique pas car C n’est pas libre
sur B.
Théorème 2.6 Sous les mêmes hypothèses soit uB : E → E une application B-linéaire. On
note uA cette application considérée comme une application A-linéaire. On a alors les égalités :
det(uA ) = NB/A (det(uB )), Tr(uA ) = TrB/A (Tr(uB )),
CuA (X) = NB[X]/A[X] (CuB (X)).
Pn
J On prend les notations du lemme. Soient ukj les éléments de B définis par u(fj ) = k=1 ukj fk .
Alors la matrice M de u (considérée comme une application A-linéaire) dans la base (ei fj )i,j
s’écrit comme une matrice par blocs :
···
M11 M1n
.. ..
M = . .
Mn1 ··· Mnn
où Mkj représente l’application A-linéaire b 7→ bukj de B dans B sur la base e. Cela fournit la
relation sur la trace puisque :
Xn Xn
Tr(uA ) = Tr(Mii ) = TrB/A (uii )
i=1 i=1
Xn
= TrB/A uii = TrB/A (Tr(uB )).
i=1
Quant à l’égalité pour le déterminant, remarquons que les matrices Mij commutent deux à
deux (Mij est la matrice de la multiplication par uij ). On peut donc appliquer le lemme 2.5.22
qui suit, ce qui nous donne :
X
det(M ) = det(∆) avec ∆= ε(σ)M1σ1 M2σ2 . . . Mnσn .
σ∈Σn
P
σ∈Σn ε(σ)u1σ1 u2σ2 . . . unσn
i.e., par det(uB ), donc :
det(uA ) = det(M ) = NB/A (det(uB )).
Enfin l’égalité sur le polynôme caractéristique se déduit de celle sur les déterminants en
utilisant le fait que CuA (X) est le déterminant de l’endomorphisme XIdE[X] − uA du A[X]-
module E[X] tandis que CuB (X) est celui de la même application vue comme endomorphisme
du B[X]-module E[X]. I
Dans un anneau non commutatif, deux éléments a et b sont dits permutables si ab = ba.
Lemme 2.5.22 Soit (Mij )i,j une famille de n2 matrices carrées ∈ Mm (A), deux à deux permu-
tables, et M la matrice carrée de dimension mn :
···
M11 M1n
.. ..
M = . .
Mn1 ··· Mnn
Alors : X
det(M ) = det ε(σ)M1σ1 M2σ2 . . . Mnσn .
σ∈Σn
puis on simplifie par det(M22 ) (qui est régulier) pour obtenir le résultat.
Le cas n = 3 passe par l’égalité :
qui conduit à
M22 M23
det(M ) det(M22 M33 − M23 M32 ) = det(∆) det .
M32 M33
M22 M23
Le cas n = 2 déjà traité fournit det(M22 M33 − M23 M32 ) = det . On simplifie par ce
M32 M33
dernier déterminant (qui est régulier). D’où l’égalité voulue det(M ) = det(∆).
Le cas général est laissé à la lectrice. I
Corollaire 2.5.23 Soient A ⊆ B ⊆ C trois anneaux avec C libre de rang fini sur B et B libre
de rang fini sur A. On a alors pour c ∈ C :
NC/A = NB/A ◦ NC/B , TrC/A = TrB/A ◦ TrC/B ,
CC/A (c)(X) = NB[X]/A[X] CC/B (c)(X) .
2.5. Un peu d’algèbre extérieure 41
Discriminants
Définition 2.5.24 Soit M un A-module, ϕ : M × M → A une forme bilinéaire symétrique et
x = x1 , . . . , xk une liste d’éléments de M . On appelle matrice de Gram de (x1 , . . . , xk ) pour ϕ la
matrice
def
GramA (ϕ, x) = (ϕ(xi , xj ))i,j∈J1..kK
Son déterminant est appelé le déterminant de Gram de (x1 , . . . , xk ) pour ϕ, il est noté
gramA (ϕ, x).
Si Ay1 + · · · + Ayk ⊆ Ax1 + · · · + Axk on a
gram(ϕ, y1 , . . . , yk ) = det(A)2 gram(ϕ, x1 , . . . , xk ),
où A est une matrice k × k qui exprime les yi en fonction des xi .
Nous introduisons maintenant un cas important de déterminant de Gram, le discriminant.
Rappelons que deux éléments a, b d’un anneau A sont dits associés s’il existe u ∈ A× tels que
a = ub.
Proposition et définition 2.5.25 Soit C ⊇ A une A-algèbre qui est un A-module libre de
rang fini et x1 , . . . , xk , y1 , . . . , yk ∈ C.
1. On appelle discriminant de (x1 , . . . , xk ) le déterminant de la matrice
(TrC/A (xi xj ))i,j∈J1..kK .
On le note discC/A (x1 , . . . , xk ) ou disc(x1 , . . . , xk ).
2. Si Ay1 + · · · + Ayk ⊆ Ax1 + · · · + Axk on a
disc(y1 , . . . , yk ) = det(A)2 disc(x1 , . . . , xk ),
où A est une matrice k × k qui exprime les yi en fonction des xi .
3. En particulier si x1 , . . . , xn et y1 , . . . , yn sont deux bases de C comme A-module, les élé-
ments disc(x1 , . . . , xn ) et disc(y1 , . . . , yn ) sont congrus multiplicativement modulo les carrés
de A× . On appelle discriminant de l’extension C/A la classe d’équivalence correspondante.
On le note DiscC/A .
4. Si DiscC/A est régulier et n = [C : A], un système u1 , . . . , un dans C est une A-base de C
si, et seulement si, disc(u1 , . . . , un ) et DiscC/A sont associés.
Par exemple dans le cas où A = Z le discriminant de l’extension est un entier bien défini,
tandis que si A = Q le discriminant est caractérisé d’une part par son signe, d’autre part par la
liste des nombres premiers qui y figurent avec une puissance impaire.
Proposition 2.5.26 Soient B, C deux A-algèbres libres de rangs m et n. On considère l’algèbre
produit B × C. Étant données une liste x = x1 , . . . , xm d’éléments de B et une liste y = y1 , . . . , yn
d’éléments de C, on a :
disc(B×C)/A (x, y) = discB/A (x) × discC/A (y)
En particulier Disc(B×C)/A = DiscB/A × DiscC/A
J La démonstration est laissée au lecteur. I
Proposition 2.5.27 Soit B ⊇ A une A-algèbre libre de rang fini p. Soit un B-module E,
une forme B-bilinéaire symétrique ϕB : E × E → B, b = (bi )i∈J1..pK une base de B sur A et
e = (ej )j∈J1..nK une famille de n éléments de E. Notons b ? e la famille (bi ej ) de np éléments de
E et ϕA : E × E → A la forme A-bilinéaire symétrique par :
ϕA (x, y) = TrB/A (ϕB (x, y)).
On a alors la formule de transitivité suivante :
gram(ϕA , b ? e) = discB/A (b)n × NB/A (gram(ϕB , e)).
42 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
On définit β ∈ Mp (A) par βik = TrB/A (bi bk ). La somme de droite dans (∗) n’est autre que le
coefficient d’un produit de matrices : (β × m(ϕjj 0 ))ii0 . Le déterminant de Gram de b ? e pour ϕA
est donc une matrice np × np constituée de n2 blocs de matrices p × p. Voici cette matrice en
notant φjj 0 = m(ϕjj 0 ) pour alléger l’écriture :
βφ11 βφ12 ... βφ1n
β 0 ... 0 φ11 φ12 ... φ1n
.
βφ21 βφ22 ... βφ2n . . . .. φ21 φ22 ... φ2n
0 β
.. .. = . ..
. ..
. 0 ..
. . .. .
βφn1 βφn2 ... βφnn 0 ... β φn1 φn2 ... φnn
En utilisant le fait que les matrices φjl commutent deux à deux, on obtient que le déterminant
de droite est égal :
X
det ε(σ)φ1σ1 φ2σ2 . . . φnσn = det m(det(ϕjl )) = NB/A (gram(ϕB , e)),
σ∈Σn
α β
Fait 2.6.1 Si 0 → M −→ N −→ P est une suite exacte de A-modules et si F est un A-module,
alors la suite 0 → LA (F, M ) −→ LA (F, N ) −→ LA (F, P ) est exacte.
β γ
Fait 2.6.2 Si N −→ P −→ Q → 0 est une suite exacte de A-modules et si F est un A-module,
alors la suite 0 → LA (Q, F ) −→ LA (P, F ) −→ LA (N, F ) est exacte.
S ϕ S ψ
MS −→ NS −→ PS
Fait 2.6.6 Soient M et N deux sous-modules d’un A-module P , avec N de type fini. Alors
l’idéal transporteur (MS : NS ) s’identifie à (M : N )S (via les applications naturelles de (M : N )
dans (MS : NS ) et (M : N )S ).
J La propriété x = 0 pour un élément x d’un module est une propriété de caractère fini. De
même pour la propriété y ∈ Im ϕ. Ainsi, même si la propriété (( la suite est exacte )) n’est pas de
caractère fini, c’est une conjonction de propriétés de caractère fini, et l’on peut appliquer le fait∗
2.2.9 pour déduire le principe local-global abstait du principe local-global concret. I
Exercices et problèmes
Exercice 2.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées à la lectrice,
etc. . . Notamment :
– Vérifier les affirmations des faits 2.1.2 à 2.1.4.
– Démontrez le corollaire 2.2.3.
– Dans le lemme 2.2.5 calculer des exposants convenables dans les points 2., 3., 4., en explicitant
complètement la démonstration.
– Démontrez le corollaire 2.3.3. Donner une preuve plus détaillée du théorème 2.1 page 21. Vérifiez
les détails dans la preuve du principe local-global 2.2 page 22. Démontrez la proposition 2.3.4.
– Vérifier les affirmations
Lr des faits 2.6.4 à 2.6.6. Pour le fait 2.6.5 on utilisera la suite exacte
0 → M → N → i=1 N/Mi qui est préservée par localisation.
Exercice 2.2 Montrez que les monoïdes donnés dans le deuxième exemple fondamental qui suit la
définition 2.2.1 sont bien comaximaux. Plus généralement, montrer que si des idéaux ai (i ∈ J1..nK) sont
deux à deux comaximaux et si le produit des ai est contenu dans un idéal principal hai, alors les monoïdes
1 + a1 , . . ., 1 + an et aN sont comaximaux.
Exercice 2.7 Montrez qu’un anneau A cohérent est fortement discret si, et seulement si, le test (( 1 ∈
ha1 , . . . , an i ? )) est explicite pour toute suite finie (a1 , . . . , an ) dans A.
Exercice 2.8 (Un exemple d’anneau nœthérien cohérent avec un quotient non cohérent.)
On considère l’anneau Z et un idéal a engendré par une suite infinie d’éléments, tous nuls sauf éventuellement
un, qui est alors égal à 3 (par exemple on met un 3 la première fois, si cela arrive, qu’un zéro de la fonction
zéta de Riemann n’a pas sa partie réelle égale à 1/2). Si l’on est capable de donner un système fini de
générateurs pour l’annulateur de 3 dans Z/a, on est capable de dire si la suite infinie est identiquement
nulle ou pas. Cela signifierait qu’il existe une méthode sûre pour résoudre les conjectures du type de celle
de Riemann.
Commentaire. Comme toute définition constructive raisonnable de la nœthérianité semble réclamer qu’un
quotient d’un anneau nœthérien reste nœthérien, et vu le (( contre-exemple )) précédent, on ne peut espérer
avoir une preuve constructive du théorème de mathématiques classiques qui affirme que tout anneau
nœthérien est cohérent.
2. L’élément uv est le plus petit commun multiple de u et v parmi les idempotents de A (i.e., si w
est un idempotent, w ∈ uA ∩ vA ⇔ w ∈ uvA). En fait, on a même uA ∩ vA = uvA. On note
u ∧ v = uv.
3. L’élément 1 − (1 − u)(1 − v) = u + v − uv est noté u ∨ v. Montrer que uA + vA = (u ∨ v)A. En
déduire que u ∨ v est le plus grand commun diviseur de u et v parmi les idempotents de A (en fait
un élément arbitraire de A divise u et v si, et seulement si, il divise u ∨ v).
4. Donner une suite de manipulations élémentaires qui transforment la matrice Diag(u, v) en la matrice
Diag(u ∨ v, u ∧ v).
En déduire que les deux A-modules uA ⊕ vA et (u ∨ v)A ⊕ (u ∧ v)A sont isomorphes.
5. Montrer que les deux anneaux A/hui × A/hvi et A/hu ∨ vi × A/hu ∧ vi sont isomorphes.
Exercice 2.15 Rappeler une preuve du théorème des restes chinois (page 26) et expliciter les idempotents.
SoitA ∈ M2 (A) avec un coefficient inversible. Calculer P ∈ E2 (A), Q ∈ E2 (A) telles que : P AQ =
2.
1 0
avec δ = det(A).
0 δ
Toute matrice A ∈ SL2 (A) ayant un coefficient inversible appartient à E2 (A). Expliciter les cas suivants :
a 0 0 a
, , avec a ∈ A×
0 a−1 −a−1 0
Exercice 2.19 Soit A un anneau dans lequel il existe i tel que i2 = −1 et tel que 2 soit inversible et
A, B ∈ Mn (A). Montrer que les matrices de M2n (A),
A −B 0 A + iB 0
M= et M =
B A 0 A − iB
sont élémentairement semblables, i.e. il existe P ∈ E2n (A) telle que P M P −1 = M 0 .
Indication : traiter d’abord le cas n = 1.
Exercice 2.22 Soit A ∈ An×m de rang 1. Construire B ∈ Am×n telle que ABA = A et vérifier que AB
est un projecteur de rang 1. Comparez votre solution à celle qui résulterait de la preuve du théorème 2.3
page 33.
Exercice 2.23 Cet exercice constitue une abstraction des calculs qui ont mené au théorème 2.3 page 33.
On considère un A-module E (( ayant assez de formes linéaires )), i.e. si x ∈ E vérifie µ(x) = 0 pour tout
µ ∈ E ? , alors x = 0. Cela signifie que l’application canonique de E dans son bidual, E → E ?? , est injective.
Cette condition est vérifiée si E est un module réflexif, i.e. E ' E ?? , par exemple un module projectif de
type fini, ou un module libre V de rang fini.
Pour x1 , . . . , xn ∈ E, on note r (x1 , . . . , xn ) l’idéal de A engendré par les évaluations de toutes les formes
r-linéaires alternéesV de E en tous les V r-uplets d’éléments de {x1 , . . . , xn }.
On suppose 1 ∈ r (x1 , . . . , xn ) et r+1 (x P1 , . . . , xn ) = 0.
On veut montrer que le sous-module Axi est facteur direct dans E en explicitant un projecteur
π : E → E dont l’image est ce sous-module.
P
1. (formules de Cramer) Soit f une forme r-linéaire alternée sur E. Montrer, pour y0 , . . . , yr ∈ Axi ,
que
Xr
(−1)i f (y0 , . . . , yi−1 , ybi , yi+1 , . . . , yr ) yi = 0
i=0
P
Ou encore, pour y, y1 , . . . , yr ∈ Axi
Xr
f (y1 , . . . , yr ) y = f (y1 , . . . , yi−1 , y, yi+1 , . . . , yr )yi
i=1
Première démonstration. On utilise la formule det(Im + XBA) = det(In + XAB) (exercice 2.24). On
considère alors le coefficient de X m dans chacun des polynômes det(Im + XBA) et det(In + XAB).
50 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
a. Montrer que E est K0 -rationnel si, et seulement si, π(ej ) ∈ Kn0 pour tout vecteur ej de la base
canonique.
b. En déduire l’existence d’un plus petit corps de rationalité pour E.
c. Quel est le corps de rationalité de l’image dans Kn d’une matrice strictement échelonnée en
colonnes ?
Problème 2.2
a) Tout d’abord expliquer l’exemple qui suit la définition 2.2.1.
b) (algorithme de factorisation partielle) Etant donnés deux entiers a et b montrer que l’on peutQcalculer
n
(( rapidement )) une famille finie d’entiers positifs pi premiers entre eux deux à deux tels que a = ± i=1 pα i
i
Qn βi
et b = ± i=1 pi .
c) On considère un système linéaire AX = B dans Z qui admet une infinité de solutions dans Qm . Pour
savoir s’il admet une solution dans Zm on peut essayer une méthode locale globale. On commence par
déterminer une solution dans Q, qui est un vecteur X ∈ Qm . On trouve un entier d tel que dX ∈ Zm , de
sorte que X est à coefficients dans Z[1/d]. Il suffit ensuite de construire une solution dans chaque localisé
Z1+pZ pour les p premiers qui divisent d et d’appliquer le principe local-global concret 2.1. Pour savoir
s’il y a une solution dans Z1+pZ et en construire une, on peut utiliser la méthode du pivot, à condition
de prendre pour pivot un élément de la matrice (ou plutôt de la partie restant à traiter de la matrice)
qui divise tous les autres coefficients, c’est-à-dire un coefficient dans lequel p figure avec un exposant
minimum.
L’inconvénient de cette méthode est qu’elle nécessite de factoriser d, ce qui peut la rendre impraticable.
Cependant, on peut légèrement modifier la méthode de façon à ne pas avoir à factoriser complètement d.
On utilisera l’algorithme de factorisation partielle. On commence par faire comme si d était un nombre
premier. Plus précisément on travaille avec l’anneau Z1+dZ . On cherche si un coefficient de la matrice est
étranger à d. Si l’on en trouve un, on le choisit comme pivot. Dans le cas contraire aucun coefficient de la
matrice n’est étranger à d et (en utilisant si nécessaire l’algorithme de factorisation partielle) on est dans
l’un des trois cas suivants :
– d divise tous les coefficients de la matrice, auquel cas, ou bien il divise aussi les coefficients de B et
l’on est ramené à un problème plus simple, ou bien il ne divise pas un coefficient de B et le système
linéaire n’admet pas de solution.
– d s’écrit sous forme d’un produit de facteurs deux à deux étrangers d = d1 · · · dk (k > 2) auquel cas
on travaille désormais avec les localisations en (1 + d1 Z), . . ., (1 + dk Z).
– d s’écrit comme une puissance pure d’un de ses diviseurs d0 , ce qui nous ramène, avec d0 à la place
de d à un problème du même type mais plus simple.
Vérifier que l’on peut exploiter récursivement l’idée exprimée ci-dessus. Écrire un algorithme et l’expéri-
menter. Examiner si l’algorithme obtenu s’exécute en temps raisonnable.
Exercice 2.3 1. On suppose sans perte de généralité a0 = b0 = 1. Lorsque l’on écrit que f g = 1, il
vient 0 = an bm , 0 = an bm−1 + an−1 bm , 0 = an bm−2 + an−1 bm−1 + an−2 bm et ainsi de suite jusqu’au
degré 1. On montre alors par récurrence sur j que deg(ajn g) 6 m − j. En particulier, pour j = m + 1,
deg(am+1
n g) 6 −1, i.e. am+1
n g = 0. D’où am+1
n = 0. Enfin en raisonnant modulo DB (0), on obtient aj
nilpotent successivement pour j = n − 1, . . . , 1.
2a) On considère les polynômes sur l’anneau commutatif B[A] :
f (T ) = det(In − T A) et g(T ) = det(In + T A + T 2 A2 + · · · + T e−1 Ae−1 ).
On a f (T )g(T ) = det(In − T e Ae ) = 1. Le coefficient de degré n − i de f est ±ai . On applique 1.
Vn−i
2b) Il suffit de montrer que Tr(A)(e−1)n+1 = 0 car ai = ± Tr( (A)).
On considère le déterminant défini par rapport à une base fixée B de An . Si l’on prend la base canonique
formée par les ei , on a évidemment
Sous cette forme on peut remplacer les ei par n’importe quel système de n vecteurs de An : les deux
membres sont des formes n-linéaires alternées (en les ei ) sur An , donc sont égales parce qu’elles coïncident
sur une base.
Ainsi multiplier un déterminant par Tr(f ) revient à le remplacer par une somme de déterminants dans
lesquels on a fait opérer f sur chacun des vecteurs.
On en déduit que l’expression Tr(f )n(e−1)+1 detB (e1 , . . . , en ) est égale à une somme de termes, chacun
étant un déterminant de la forme
Exercice 2.5 1. Puisque f est homogène, on a f (tx) = 0 pour Pnune nouvelle indéterminée t et par
conséquent il existe des Ui ∈ A[X1 , . . . , Xn , t] tels que f = Pi=1 (Xi − txi )Ui . En spécialisant en
n
t := x−1 1 X1 , on obtient des vi ∈ A[X1 , . . . , Xn ] tels que f = i=2 (x1 Xi − xi X1 )vi . Puisque f est
homogène de degré d, on peut remplacer vi par sa composante homogène de degré d − 1.
P
2. Considérons l’égalité f = k,j (xk Xj − xj Xk )ukj où les ukj sont des polynômes homogènes de degré
d − 1. Il s’agit d’un système linéaire en les coefficients des ukj . Puisque ce système admet une solution sur
chaque localisé Axi et que les xi sont comaximaux, il admet une solution sur A.
P
3. Si F = d Fd est la décomposition de F ∈ A[X1 , . . . , Xn ] en composantes homogènes, on a F (tx) = 0
si, et seulement si, Fd (x) = 0 pour tout d, d’où le premier point de la question. Pour la saturation, il suffit
de montrer que Xi F ∈ Ix pour tout i entraîne F ∈ Ix . Or on a xi F (tx) = 0 donc, par comaximalité des
xi , F (tx) = 0, i.e. F ∈ Ix .
Exercice 2.9 Soit f (X) un idempotent de A[X]. Il est clair que e = f (0) est idempotent. On veut
montrer que f = e. Pour cela on peut raisonner séparément modulo e et modulo 1 − e.
Si e = 0, f = Xg, Xg(1 − Xg) = 0. Or 1 − Xg est régulier, donc g = 0.
Si e = 1, on considère l’idempotent 1 − f et l’on est ramené au cas précédent.
Exercice 2.10 Pour la question 5) on commence par montrer le résultat lorsque uv = 0. Ensuite dans la
situation générale, on note u0 = 1 − u et v 0 = 1 − v. On a alors un système fondamental d’idempotents
orthogonaux uv, uv 0 , u0 v, u0 v 0 et en appliquant le cas particulier précédent on voit que les deux anneaux
sont isomorphes à A/huv 0 i × (A/huvi)2 × A/hu0 vi.
Exercice 2.11 1. On a K[1/ei ] ' K/AnnK (ei ) et Ann P K (ei ) = AnnA (ai )K. Pour un élément x arbitraire
dans A, on écrit de manière unique dans K, dx = i∈J1..nK xi avec xi = ei dx = ai x. La décomposition
est donc entièrement dans A. Et dx ≡ xi mod AnnA (ai ), donc la composante K/AnnK (ei ) du produit,
quand on la voit comme l’idéal ei K, est formée des éléments de la forme ai x/y avec x ∈ A et y régulier
dans A. Mais y est régulier dans A si, et seulement si, chaque yi = ai y est régulier modulo AnnA (ai ), de
sorte K/AnnK (ei ) s’identifie à Frac(A/AnnA (ai )).
Exercice 2.12 1. Les zéros de A sont les trois (( axes de coordonnées )), x = y = 0, y = z = 0 et
x = z = 0.
Tout élément de A s’écrit de manière unique sous forme u = a + xf (x) + yg(y) + zh(z) avec f, g, h ∈ Q[T ].
Ceci implique que x + y + z est régulier car (x + y + z)u = x(a + xf (x)) + y(a + yg(y)) + z(a + zh(z)).
x y z
Il est immédiat que les éléments x+y+z , x+y+z et x+y+z forment un système fondamental d’idempotents
orthogonaux (d’après leur somme et les produits 2 à 2).
On conclut avec l’exercice 2.11 en notant que AnnA (x) = hy, zi et donc A/AnnA (x) ' Q[X].
2. Les zéros de B sont les trois (( plans de coordonnées )). Le système fondamental d’idempotents ortho-
uv vw wu
gonaux dans L est donné par uv+vw+wu , uv+vw+wu et uv+vw+wu .
Solutions d’exercices 53
a 0
Exercice 2.13 Il suffit de résoudre la question modulo a et modulo 1 − a. Modulo a : = 7→
b b
b b a 1 1
7→ . Modulo 1 − a, = 7→ . En recollant : d = (1 − a)b + a avec par exemple la
b 0 b b 0
matrice A = A2 A1 , où
1 1 1 0 1 1−a
A1 = (1 − a) +a = ,
0 1 0 1 0 1
1 0 1 0 1 0
A2 = (1 − a) +a = et
−1 1 −b 1 a − ab − 1 1
1 1−a
A= .
a − ab − 1 a
0 −1 x −y
Exercice 2.18 La matrice D0 = transforme en donc D02 = −I2 et D03 = −D0 =
1 0 y x
D0−1 .
On a aussi D0 = E12 (1)E21 (−1)E12 (1), D0 Dq = −E12 (q) et Dq D0 = −E21 (q).
Exercice 2.21 Notons e1 , . . . , en la base canonique de An et f1 , . . . , fn les n colonnes de F . On peut
supposer que le mineur principal inversible est en position nord-ouest de sorte que f1 , . . . , fk, ek+1 , . . . , en
def I ∗
est une base de An . Puisque F (fj ) = fj , la matrice de F dans cette base est G = k .
0 ∗
I 0
La matrice G est idempotente ainsi que sa transposée notée G0 = k .
∗ ∗
On applique au projecteur G l’opération que l’on vient de faire subir à F . Puisque G0 (ej ) ∈ i>k+1 Aei
0
L
I 0
pour j > k + 1, la matrice de G0 dans la nouvelle base est de la forme H = k . D’où le résultat
0 ∗
puisque F est semblable à tH.
Exercice 2.22 On dispose de coefficients bji ∈ A tels que 1 = i,j bji aij . Soit B ∈ Am×n définie par
P
a aij
B = (bji ). Vérifions que ABA = A : (ABA)ij = l,k ail blk akj . Mais il
P
= 0, donc (ABA)ij =
P P akl akj
l,k aij akl blk = aij l,kPakl blk = aij P
. En conséquence, AB est un projecteur. Montrons que AB est de
rang 1. On a Tr(AB) = i (AB)ii = i,j aij bji = 1 donc D1 (AB)=1. Par ailleurs D2 (AB) ⊆ D2 (A) = 0.
Exercice 2.23
1. Fixons une forme linéaire µ. L’application E r+1 → A définie par
Xr
(y0 , . . . , yr ) 7→ (−1)i f (y0 , . . . , yi−1 , ybi , yi+1 , . . . , yr )µ(yi )
i=0
ybi symbole de l’omission de l’élément) est une forme (r + 1)-linéaire alternée. D’après l’hypothèse
(V
??
r+1 (x1 , . . . , xn ) = 0 et l’injectivité de E 7→ E
Xr
(−1)i f (y0 , . . . , yi−1 , ybi , yi+1 , . . . , yr )yi = 0
i=0
amenons y entre yi−1 et yi ; la permutation ainsi réalisée nécessite une multiplication par (−1)i−1 . On
obtient alors la deuxième égalité dans laquelle tous les signes (( ont disparu )). Par exemple avec r = 4,
l’expression
y , y1 , y2 , y3 , y4 )y − f (y, yb1 , y2 , y3 , y4 )y1 + f (y, y1 , yb2 , y3 , y4 )y2 −
f (b
f (y, y1 , y2 , yb3 , y4 )y3 + f (y, y1 , y2 , y3 , yb4 )y4 =
f (y1 , y2 , y3 , y4 )y − f (y, y2 , y3 , y4 )y1 + f (y, y1 , y3 , y4 )y2 −
f (y, y1 , y2 , y4 )y3 + f (y, y1 , y2 , y3 )y4
n’est autre que
f (y1 , y2 , y3 , y4 )y − f (y, y2 , y3 , y4 )y1 − f (y1 , y, y3 , y4 )y2 −
f (y1 , y2 , y, y4 )y3 − f (y1 , y2 , y3 , y)y4
54 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
Remarque pour une preuve plus expéditive : on applique une forme linéaire µ à la dernière expression
ci-dessus ; on vérifie que l’application obtenue (y, y1 , y2 , y3 , y4 ) 7→ µ(. . .) est 5-linéaire alternée donc nulle
d’après les hypothèses.
2. Traitons le cas r = 3 ; on a donc une hypothèse :
X
1= αijk fijk (xi , xj , xk ), fijk 3-linéaire alternée sur E
ijk
On définit π : E → E par :
X
π(x) = αijk [fijk (x, xj , xk )xi + fijk (xi , x, xk )xj + fijk (xi , xj , x)xk ]
ijk
P P
Il est clair que l’image de p est contenue dans le sous-module Axi . De plus pour x ∈ Axi :
fijk (x, xj , xk )xi + fijk (xi , x, xk )xj + fijk (xi , xj , x)xk = fijk (xi , xj , xk )x
P
D’où π(x) = xP: l’endomorphisme π : E → E est un projecteur d’image Axi . On voit que p est de la
forme π(x) = i αi (x)xi i.e. π = ψ ◦ ϕ et que π ◦ ψ = ψ.
3. Le module E en question est Am et les vecteurs x1 , . . . , xn sont les colonnes de A. On a ψ = A : An → Am
et si on note B ∈ An×m la matrice de ϕ : Am → An , on a bien ABA = A. Alors AB : Am → Am est un
projecteur de même image que A.
Exercice 2.26 Voyons d’abord le cas où Vku est diagonale dans la base e1 , . . . , en de valeurs propres
λ1 , . . . , λn . On dispose d’une base (eI ) de (An ) indexée par les parties I ⊆ {1, . . . , n} de cardinal k :
eI = ei1 ∧ · · · ∧ eik I = {i1 < · · · < ik }
Q
Alors uk Q est diagonale
Q dans la base (e I ) : uk I ) = λI eI avec λI =
(e i∈I λi . Il s’ensuit que
det(uk ) = #I=k i∈I λi . Reste à déterminer, pour un j donné, ∈ J1..nK, le nombre d’occurences de λj
dans le produit ci-dessus. Autrement dit, combien de parties I, de cardinal k, contenant j ? Autant que de
parties de cardinal k − 1 contenues dans {1, · · · , n} \ {j}, i.e. n−1
k−1 . Le résultat est démontré pour une
matrice générique. Donc il est vrai pour une matrice quelconque. Le deuxième point résulte de :
n−1 n−1 n−1 n−1
= nk
k−1 + n−k−1 = k−1 + k
Exercice 2.28 Le cas général se traite par récurrence sur n. On considère l’anneau de polynômes
Z[Xij ] à n2 indéterminées et la matrice universelle A = (Xij ) à coefficients dans cet anneau. Notons
∆11 , ∆12 , . . . , ∆1n ∈ Z[Xij ] les cofacteurs de X11 , X12 , . . . , X1n dans A. Ces cofacteurs vérifient les
identités : Xn Xn
x1j ∆1j = det A, xij ∆1j = 0 pour i > 1.
j=1 j=1
0
Puisque les Mkl commutent deux à deux, la spécialisation Xkl 7→ Mkl est légitime. Notons M1j =
∆1j (Xkl 7→ Mkl ), alors
0
P
M11 = σ∈Sn−1 ε(σ)M2σ2 M3σ3 . . . Mnσn
Définissons M 0 par :
0
M11 0 ... 0 ∆
M12 ... M1n
..
0 M22 ... M2n
0
M12 Im .
M0 = MM0 =
.
si bien que ... .. .
.. ..
.
. 0
M1n0
0 Im 0 Mn2 ... Mnn
Problème 2.1 1. Si Aj est une colonne non nulle de A, on a BAj = ej donc ABAj = Aj ; ainsi AB est
l’identité sur Im A donc ABA = A. La matrice AB est triangulaire inférieure, et ses coefficients diagonaux
sont 0, 1. La matrice BA est diagonale et ses coefficients diagonaux sont 0, 1.
0 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0
0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0
B= BA =
1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0
0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
1 0 0 0 0 0 0 0 0
a24 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 1 0 0 0 0 0 0
a44 0 a43 0 0 0 0 0 0
AB = 0 0 0 0 1 0 0 0 0
0 0 0 0 0 1 0 0 0
a74 0 a73 0 a71 a72 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 1 0
a94 0 a93 0 a91 a92 0 a95 0
Le supplémentaire Ker AB de Im A = Im AB dans Kn est l’espace vectoriel de base les ei pour les indices
i de lignes ne contenant pas un indice pivot ; dans l’exemple, (e2 , e4 , e7 , e9 ) est une base de Ker AB.
2. On obtient (Q, A0 ) par la méthode (classique) d’échelonnement de Gauss. Si B 0 ∈ Mn,m (K) vérifie
A0 B 0 A0 = A0 , alors AQB 0 AQ = AQ donc B = QB 0 vérifie ABA = A.
3. Considérons B ∈ Mm,n (K) telle que ABA = A. Alors, si y = Ax pour un m-vecteur à coefficients dans
un sur-annneau de K, on a A(By) = y d’òu l’existence d’une solution sur K, à savoir By.
4. Soient u1 , . . . , ur un système générateur du K-espace vectoriel E, constitué de vecteurs de Kn0 ; idem
pour v1 , . . . , vs et F . Soit z ∈ Kn0 que l’on cherche à écrire z = x1 u1 + · · · + xr ur + y1 v1 + · · · + ys vs avec
les xi , yj ∈ K0 . C’est un K0 -système linéaire en les inconnues xi , yj qui admet une solution sur K donc
également sur K0 .
5.a. Si tous les π(ej ) sont dans Kn0 , comme ils engendrent E, alors E est K0 -rationnel. Réciproquement,
si E est K0 -rationnel, comme F l’est aussi, on a, d’après la question précédente, π(ej ) ∈ Kn0 pour tout j.
b. Facile maintenant. Et K0 est le sous-corps engendré (sur le sous-corps premier de K) par les composantes
des π(ej ).
c. Le corps de rationalité d’une matrice strictement échelonnée est le sous-corps engendré (sur le sous-corps
premier de K) par les coefficients de la matrice. Considérons par exemple E = Im A ⊂ K5 :
w1 w2 w3
e1 1 0 0
e2 a
0 0
A = e3 0
1 0
e4 0 0 1
e5 b c d
Alors E = Kw1 ⊕ Kw2 ⊕ Kw3 et l’on a K5 = E ⊕ F avec F = Ke2 ⊕ Ke5 . Puisque
e1 − w1 ∈ F, e3 − w2 ∈ F, e4 − w3 ∈ F,
on a π(e1 ) = w1 , π(e3 ) = w2 , π(e4 ) = w3 et π(e2 ) = π(e5 ) = 0. Le corps de rationalité de E est
K0 = k(a, b, c, d) où k est le sous-corps premier de K.
Commentaires bibliographiques
Le lemme de Gauss-Joyal est dans [72], qui lui donne son nom de baptême. Sur le sujet
général de la comparaison entre les idéaux c(f )c(g) et c(f g) on peut consulter [39, 85, 130] et,
dans cet ouvrage, les sections 3.2 et 3.3 et la proposition 11.3.10.
Concernant le traitement constructif de la nœthérianité on peut consulter [MRR, 102, 132,
133, 143, 153, 154, 171].
L’ensemble de la section 2.5 se trouve plus ou moins dans [Northcott]. Par exemple la formule
(2.12) page 33 se trouve sous une forme voisine dans le théorème 5 page 10. De même notre
56 2. Principe local-global de base et systèmes linéaires
formule magique à la Cramer (2.17) page 33 est très proche du théorème 6 page 11 : Northcott
attache une importance centrale à l’équation matricielle A B A = A. Sur ce sujet, voir aussi
[Rao & Mitra] et [57, Díaz-Toca&al.].
La proposition 2.5.11 se trouve dans [Bhaskara Rao] théorème 5.5.
Concernant le théorème 2.5 page 37 : dans [Northcott] le théorème 18 page 122 établit
l’équivalence des points 1. et 5. par une méthode qui n’est pas entièrement constructive, mais le
théorème 5 page 10 permettrait de donner une formule explicite pour l’implication 5. ⇒ 1.
3. La méthode des coefficients
indéterminés
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Deux mots sur les ensembles finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
3.1 Anneaux de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Algorithme de factorisation partielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Propriété universelle des anneaux de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Identités algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Polynômes symétriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
3.2 Lemme de Dedekind-Mertens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
3.3 Un théorème de Kronecker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
3.4 L’algèbre de décomposition universelle (1) . . . . . . . . . . . . . . . 67
3.5 Discriminant, diagonalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Définition du discriminant d’un polynôme unitaire . . . . . . . . . . . . . . . 69
Diagonalisation de matrices sur un anneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
La matrice générique est diagonalisable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Identité concernant les polynômes caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . 71
Identité concernant les puissances extérieures . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
Transformation de Tschirnhaus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
Nouvelle version du discriminant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
Discriminant d’une algèbre de décomposition universelle . . . . . . . . . . . 74
3.6 Théorie de Galois de base (1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Factorisation et zéros . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
Algèbres strictement finies sur un corps discret . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
Le cas élémentaire de la théorie de Galois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Construction d’un corps de racines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
3.7 Le résultant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
La théorie de l’élimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
La matrice de Sylvester . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Retour sur le discriminant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
3.8 Théorie algébrique des nombres, premiers pas . . . . . . . . . . . . . 89
Algèbres finies, entières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Corps de nombres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Anneau d’entiers d’un corps de nombres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
3.9 Le Nullstellensatz de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Clôture algébrique de Q et des corps finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Le Nullstellensatz classique (cas algébriquement clos) . . . . . . . . . . . . . 98
Le Nullstellensatz formel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
3.10 La méthode de Newton en algèbre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
58 3. La méthode des coefficients indéterminés
Introduction
Weil Gauss ein echter Prophet der Wissenschaft ist,
deshalb reichen die Begriffe,
die er aus der Triefe der Wissencshaft schöpft,
weit heinaus über des Zweck,
zu welchem sie aufgestellt wurden.
Kronecker
Vorlesungen Sommersemester 1891. Leçon 11 [18]
Trad. approx.
Parce que Gauss est un vrai Prophète de la Science,
les concepts qu’il puise aux profondeurs de la Science
vont au delà du but pour lequel ils ont été établis.
En 1816 Gauss publie un article fondamental [80] dans lequel il rectifie (sans la citer) la démons-
tration du théorème fondamental de l’algèbre donnée par Laplace quelques années auparavant. La
démonstration de Laplace est elle-même remarquable en ce qu’elle est (( purement algébrique )) :
elle ne réclame pour les nombres réels que deux propriétés très élémentaires : l’existence de la
racine carrée d’un nombre > 0 et celle d’un zéro pour un polynôme de degré impair.
L’objectif de Gauss est de traiter ce théorème sans faire appel à un corps de nombres
imaginaires, hypothétique, sur lequel se décomposerait en facteurs linéaires un polynôme réel
arbitraire. La démonstration de Laplace suppose implicitement l’existence d’un tel corps K
contenant C = R[i], et montre que la décomposition en produit de facteurs linéaires a lieu en fait
dans C[X].
La démonstration de Gauss s’affranchit de l’hypothèse du corps K et constitue un tour
de force qui montre que l’on peut traiter les choses de manière purement formelle. Il prouve
l’existence du pgcd de deux polynômes par l’algorithme d’Euclide ainsi que la relation de Bezout
correspondante. Il démontre que tout polynôme symétrique s’écrit de manière unique comme
polynôme en les fonctions symétriques élémentaires (en introduisant un ordre lexicographique sur
les monômes). Il définit le discriminant d’un polynôme unitaire de manière purement formelle. Il
démontre (sans recours aux racines) que tout polynôme se décompose en produit de polynômes
de discriminant non nul. Il démontre (sans recours aux racines) qu’un polynôme admet un facteur
carré si, et seulement si, son discriminant est nul (il est en caractéristique nulle). Il fait enfin
fonctionner la démonstration de Laplace de façon purement formelle, sans recours à un corps de
racines, en utilisant uniquement résultants et discriminants.
En bref il établit une (( méthode générale des coefficients indéterminés )) sur une base ferme,
qui sera sytématiquement reprise, notamment par Leopold Kronecker, Richard Dedekind, Jules
Drach, Ernest Vessiot. . .
Dans ce chapitre nous introduisons la méthode des coefficients indéterminés et nous en
donnons quelques applications.
Nous commençons par quelques généralités sur les anneaux de polynômes. Le lemme de
Dedekind-Mertens et le théorème de Kronecker sont deux outils de base qui donnent des
informations précises sur les coefficients du produit de deux polynômes. Ces deux résultats seront
souvent utilisés dans le reste de l’ouvrage.
Nous étudions les propriétés élémentaires du discriminant et du résultant et nous introduisons
l’outil fondamental qu’est l’algèbre de décomposition universelle d’un polynôme unitaire. Celle-ci
permet de simplifier des preuves purement formelles à la Gauss en donnant un substitut formel
au (( corps de racines )) du polynôme.
3.1. Anneaux de polynômes 59
Tout ceci est très uniforme et fonctionne avec des anneaux commutatifs arbitraires. La lectrice
ne verra apparaître les corps qu’à partir de la section 3.6.
Les applications que nous traitons concernent la théorie de Galois de base, les premiers pas
en théorie algébrique des nombres, et le Nullstellensatz de Hilbert.
Nous avons également consacré une section à la méthode de Newton en algèbre.
Lemme 3.1.1 Si K est un corps discret, on dispose d’un algorithme de factorisation partielle
pour les familles finies de polynômes unitaires dans K[X] : une factorisation partielle pour une
famille finie (g1 , . . . , gr ) est donnée par une famille finie (f1 , . . . , fs ) de polynômes unitaires deux
à deux étrangers et l’écriture de chaque gi sous forme
Qs mk,i
gi = k=1 fk (mk,i ∈ N)
La famille (f1 , . . . , fs ) s’appelle une base de factorisation partielle pour la famille (g1 , . . . , gr ).
J Si les gi sont deux à deux étrangers, il n’y a rien à faire. Sinon, supposons par exemple que
pgcd(g1 , g2 ) = h0 , g1 = h0 h1 et g2 = h0 h2 avec deg(h0 ) > 1. On remplace la famille (g1 , . . . , gr )
par la famille (h0 , h1 , h2 , g3 , . . . , gr ). On note que la somme des degrés a diminué. On note aussi
que l’on peut supprimer dans la liste les polynômes égaux à 1, ou les occurences multiples d’un
même polynôme. On termine par récurrence sur la somme des degrés. Les détails sont laissés à la
lectrice. I
1. En mathématiques constructives on s’abstient en général de considérer l’(( ensemble )) de toutes les parties
d’un ensemble, même fini, car il n’est pas raisonnable : il ne semble pas possible de donner une définition claire de
ses éléments (voir la discussion page 650). Quand nous avons utilisé la notation P` pour (( l’ensemble des parties
de {1, . . . , `} )), page 32, il s’agissait en fait de l’ensemble des parties finies de {1, . . . , `}.
60 3. La méthode des coefficients indéterminés
A LL
LL
LLρ
LL ϕ(Xi ) = bi , i ∈ J1..nK
j LL
LL
A[X] _ _ _ _ _%/ B
ϕ!
Identités algébriques
Une identité algébrique est une égalité entre deux éléments de Z[X1 , . . . , Xn ] définis de
manière différente. Elle se transfère automatiquement dans tout anneau commutatif au moyen
du corollaire précédent.
Comme l’anneau Z[X1 , . . . , Xn ] a des propriétés particulières, il arrive que des identités algé-
briques soient plus faciles à démontrer sur Z[X1 , . . . , Xn ] que dans (( un anneau B arbitraire )). Si
la structure d’un théorème se ramène à une famille d’identités algébriques (c’est très fréquent en
algèbre commutative) on a donc souvent intérêt à utiliser un anneau de polynômes à coefficients
dans Z en prenant comme indéterminées les éléments pertinents dans l’énoncé du théorème.
Les propriétés qui peuvent s’avérer utiles des anneaux Z[X] sont nombreuses. La première
est qu’il s’agit d’un anneau intègre. Donc il se plonge dans son corps de fractions Q(X1 , . . . , Xn )
qui offre toutes les facilités des corps discrets.
La deuxième est qu’il s’agit d’un anneau infini et intègre. En conséquence, (( on peut faire
disparaître les cas ennuyeux mais rares )). Un cas est rare quand il correspond à l’annulation
d’un polynôme Q non identiquement nul. Il suffit de vérifier l’égalité correspondant à l’identité
algébrique lorsque celle-ci est évaluée pour les points de Zn qui n’annulent pas Q. En effet si
l’identité algébrique à démontrer est P = 0, on obtient que P Q définit la fonction identiquement
nulle sur Zn , ceci implique P Q = 0 et donc P = 0 puisque Q 6= 0 et Z[X] est intègre. Ceci est
parfois appelé le (( principe de prolongement des identités algébriques )).
D’autres propriétés remarquables de Z[X] pourront parfois être utilisées, comme le fait que
c’est un anneau factoriel, nœthérien cohérent fortement discret de dimension de Krull finie.
3.1. Anneaux de polynômes 61
Exemple d’application
Lemme 3.1.4 Pour A, B ∈ Mn (A), on a :
1. AB
g =B
e A,
e
2. CAB = CBA ,
e −1 pour P ∈ GLn (A),
AP −1 = P AP
3. P^
4. Ae = det(A)n−2 A si n > 2.
e
J On peut prendre toutes les matrices à coefficients indéterminés sur Z et localiser en det P .
Dans ce cas A, B et C sont inversibles dans le corps des fractions de l’anneau A = Z[(aij ), (bij )].
Par ailleurs Ae vérifie l’égalité AA
e = det(A) In , ce qui la caractérise puisque det A est inversible.
Ceci fournit le point 1. via l’égalité det(AB) = det(A) det(B), les points 3. et 4., et le point 6.
via le point 5. et l’égalité CA (0) = (−1)n det A. Pour le point 2. on note que AB = A(BA)A−1 .
Pour le théorème de Cayley-Hamilton, on traite d’abord le cas de la matrice compagne d’un
polynôme unitaire f = T n − nk=1 ak T n−k :
P
0 ··· ··· · · · 0 an
..
1 0 . an−1
.. .. .. ..
. .
P = 0. . .
.
. .. .. .. . .
. . . . .. ..
. ..
..
. 1 0 a2
0 ··· ··· 0 1 a1
Il s’agit de la matrice de l’application A-linéaire (( multiplication par t )), µt : y 7→ ty (t est la
classe de T ) dans l’anneau quotient A[T ]/hf (T )i = A[t], exprimée sur la base des monômes
ordonnés par degrés croissants. En effet d’une part un calcul direct montre que CP (T ) = f (T ).
D’autre part f (µt ) = µf (t) = 0, donc f (P ) = 0.
Par ailleurs, dans le cas de la matrice générique le déterminant des vecteurs e1 , Ae1 , . . ., An−1 e1
est nécessairement non nul, donc la matrice générique est semblable à la matrice compagne de
son polynôme caractéristique sur le corps des fractions de Z[(aij )].
7. Puisque C est inversible on peut utiliser le pivot de Gauss généralisé, par multiplication à
−1
gauche par une matrice C 0 ceci nous ramène au cas où C = Ir et E = 0.
E 0 Is
Enfin le point 8. résulte de l’identité de Sylvester du point 7. avec s = 2. I
Remarque. Ceci permet donc de définir l’endomorphisme cotransposé d’un endomorphisme d’un
module libre de rang fini (et non pas seulement la matrice cotransposée).
62 3. La méthode des coefficients indéterminés
Le degré d’un polynôme P pour ce poids, noté en général w(P ), est le plus grand des poids des
monômes apparaissant avec un coefficient non nul. Ceci n’est bien défini que si l’on dispose d’un
test d’égalité à 0 dans A. Dans le cas contraire on se contente de définir la phrase w(P ) 6 r.
Un polynôme est dit homogène (pour un poids w) si tous ses monômes ont même poids.
Lorsque l’on dispose d’une identité algébrique et d’un poids, chaque composante homogène
de l’identité algébrique fournit une identité algébrique particulière.
On peut aussi définir des poids à valeurs dans des monoïdes ordonnés plus compliqués
que (N, 0, +, >). On demande alors que ce monoïde soit la partie positive d’un produit de
groupes abéliens totalement ordonnés, ou plus généralement un monoïde à pgcd (cette notion
sera introduite au chapitre 11).
Polynômes symétriques
On fixe n et A et l’on note S1 , . . . , Sn les polynômes symétriques élémentaires en les Xi dans
A[X1 , . . . , Xn ]. Ils sont définis par l’égalité
Yn
T n + S1 T n−1 + S2 T n−2 + · · · + Sn = (T + Xi ).
i=1
P Q P Q
On a S1 = i Xi , Sn = i Xi , Sk = J∈Pk,n i∈J Xi . Rappelons le théorème bien connu (une
preuve est suggérée en exercice 3.3).
− Xi ), où f0 et les Xi sont
Q
En bref on peut toujours se ramener au cas où f (T ) = f0 i (T
des indéterminées.
J Tout d’abord on remarque que les produits fi gj sont les coefficients du polynôme f (Y )g(X). De
la même manière, pour des indéterminées Y0 , . . . , Ym , le contenu du polynôme f (Y0 ) · · · f (Ym )g(X)
est égal à c(f )m+1 c(g). Notons h = f g. Imaginons que dans l’anneau B = A[X, Y0 , . . . , Ym ] on
puisse montrer l’appartenance du polynôme f (Y0 ) · · · f (Ym )g(X) à l’idéal
Xm Y
h(Yj ) hf (Yk )i .
j=0 k,k6=j
On en déduirait immédiatement que c(f )m+1 c(g) ⊆ c(f )m c(h). À quelque chose près, c’est ce
qui va arriver. On chasse les dénominateurs dans la formule d’interpolation de Lagrange (on a
besoin d’au moins deg g + 1 points d’interpolation) :
m
− Yk )
Q
k,k6=j (X
X
g(X) = g(Yj )
k,k6=j (Yj − Yk )
Q
j=0
− Yk ), l’appartenance
Q
et l’on obtient dans l’anneau B, en posant ∆ = j6=k (Yj
Xm
∆ · g(X) ∈ hg(Yj )i
j=0
Définition 3.3.1
1. Une A-algèbre est un anneau commutatif B avec un homomorphisme d’anneaux commutatifs
ρ : A → B. Cela fait de B un A-module. Lorsque A ⊆ B, ou plus généralement si ρ est
injectif, on dira que B est une extension de A.
ρ ρ0
2. Un morphisme d’une A-algèbre A −→ B vers une A-algèbre A −→ B0 est un homomor-
ϕ
phisme d’anneaux B −→ B0 vérifiant ϕ ◦ ρ = ρ0 . L’ensemble des homomorphismes de
A-algèbres de B vers B0 sera noté HomA (B, B0 ).
A KK
KKK ρ0
ρ KKK
KKK
%
B / B0
ϕ
3.3. Un théorème de Kronecker 65
Remarques. 1) Nous n’avons pas voulu réserver la terminologie (( extension )) au cas des corps.
Ceci nous obligera par la suite à utiliser dans le cas des corps des phrases comme : L est une
extension de corps de K, ou : L est un corps, extension de K.
2) Tout anneau est une Z-algèbre de manière unique et tout homomorphisme d’anneaux est un
morphisme des Z-algèbres correspondantes. La catégorie des anneaux commutatifs peut donc
être vue comme un cas particulier parmi les catégories d’algèbres définies ci-dessus.
Éléments entiers
Définition 3.3.2 Soit A ⊆ B des anneaux.
1. Un élément x ∈ B est dit entier sur A s’il existe un entier k > 1 tel que xk = a1 xk−1 +
a2 xk−2 +· · ·+ak avec les ah ∈ A. Si A est un corps discret on dit aussi que x est algébrique
sur A.
2. Dans ce cas le polynôme unitaire P = X k − (a1 X k−1 + a2 X k−2 + · · · + ak ) est appelé une
relation de dépendance intégrale de x sur A. En fait, par abus de langage on dit aussi que
l’égalité P (x) = 0 est une relation de dépendance intégrale. Si A est un corps discret on
parle aussi de relation de dépendance algébrique.
3. L’anneau B est dit entier sur A si tout élément de B est entier sur A. On dira aussi que
la A-algèbre B est entière. Si A et B sont des corps discrets on dit que B est algébrique
sur A.
4. Si ρ : C → B est une C-algèbre avec ρ(C) = A, on dira que l’algèbre B est entière sur C
si elle est entière sur A.
Le théorème
Théorème 3.2 (théorème de Kronecker) [110]
Soit dans B[T ] les polynômes
n
X m
X p
X
i n−i j m−j
f= (−1) fi T , g= (−1) gj T et h = f g = (−1)r hr T p−r
i=0 j=0 r=0
fi sont les polynômes symétriques élémentaires en les xi et les gj sont les polynômes symétriques
élémentaires en les yj (appliquer deux fois le corollaire 3.1.5). Si nous attribuons à xi et yj le
poids 1, les zk,` et hr sont homogènes et obtiennent les poids décrits en 2a. Pour calculer une
relation de dépendance intégrale pour fi gj (avec éventuellement i ou j = 0) sur A, on considère
le sous-groupe Hi,j de Sp formé par les σ qui vérifient σ(fi gj ) = fi gj (ce sous-groupe contient au
moins toutes les permutations qui stabilisent J1..nK). On considère alors le polynôme
Y
Pi,j (T ) = (T − τ (fi gj )) (∗)
τ ∈Sp /Hi,j
où τ ∈ Sp /Hi,j signifie que l’on prend exactement un τ dans chaque classe à gauche modulo
Hi,j . Alors Pi,j est homogène pour les poids wa décrits en 2a (i, j étant fixés, on note wa les
poids 2a, avec wa (T ) = wa (zi,j )). En outre Pi,j est symétrique en les xk (k ∈ J1..pK). Il s’écrit
donc de manière unique comme un polynôme Qi,j (h, T ) en les hr et T , et Qi,j est wa -homogène
(théorème 3.1 points 1. et 2a). Le degré en T de Qi,j est di,j = (Sp : Hi,j ). Pour R ∈ C[T ] nous
notons δ(R) pour degx1 (R) + degT (R). On voit que δ est un poids, et que δ(fi gj ) = w(fi gj ) 6 1,
δ(hr ) = w(hr ) 6 1 (avec = 1 si i, j, r > 1). En outre chaque facteur de Pi,j dans (∗) est de poids 1
(mais pas nécessairement homogène car on peut avoir δ(σ(fi gj )) = 0). Ceci donne δ(Qi,j ) = di,j
lorsque le polynôme est évalué dans C[T ]. En outre d’après le théorème 3.1 point 2b, lorsque l’on
écrit un polynôme symétrique en x1 , . . . , xp , disons S(x), comme polynôme S1 (h) en les hi , on a
δ(S) = w(S1 ). Ainsi w(Qi,j ) = di,j .
Pour traiter le point 2. proprement dit il suffit d’(( homogénéiser )). En effet si l’on pose fei = fi /f0
et gej = gj /g0 (ce qui est légitime d’après le corollaire 3.1.6), on retombe pour les fei et gej sur la
situation précédente pour ce qui concerne les poids 2a. On obtient une relation de dépendance
intégrale homogène pour zei,j = fei gej sur le sous-anneau engendré par les h er :
Qi,j (h
e 1, . . . , h
e p , zei,j ) = 0
Ri,j (h0 , . . . , hp , fi gj ) = 0
J Par ce qu’il est convenu d’appeler l’astuce de Kronecker, en posant Xj = T nj avec n assez
grand, on transforme f , g et h en des polynômes F (T ), G(T ), H(T ) dont les coefficients sont
respectivement ceux de f , g et h. I
Définition et notation 3.4.1 Soit f = T n + nk=1 (−1)k sk T n−k ∈ k[T ] un polynôme unitaire
P
où J (f ) est l’idéal des relateurs symétriques nécessaire pour identifier dans le quotient ni=1 (T −
Q
xi ) avec f (T ).
Précisément considérons les fonctions symétriques élémentaires des Xi : S1 , S2 , . . . , Sn . Alors
l’idéal J (f ) est donné par :
J (f ) = hS1 − s1 , S2 − s2 , . . . , Sn − sn i .
Fait 3.4.3 Avec les notations précédentes, soit k1 = k[x1 ] et g2 (T ) = f2 (x1 , T ), alors l’application
k1 -linéaire canonique Aduk,f → Aduk1 ,g2 (qui envoie chaque xi (i > 2) de Aduk,f sur le xi de
Aduk1 ,g2 ) est un isomorphisme.
Pour f (T ) = T 6 :
f2 (x, y) = y 5 + y 4 x + y 3 x2 + y 2 x3 + yx4 + x5
f3 (x, y, z) = (z 4 + y 4 + x4 ) + (z 2 y 2 + z 2 x2 + y 2 x2 )+
(zy 3 + zx3 + yz 3 + yx3 + xz 3 + xy 3 )+
(zyx2 + zxy 2 + yxz 2 )
f4 (x, y, z, t) = (t3 + z 3 + y 3 + x3 ) + (tzy + tyx + tzx + zyx)+
t2 (z + y + x) + z 2 (t + y + x)+
y 2 (t + z + x) + x2 (t + z + y)
f5 (x, y, z, t, u) = (u2 + t2 + z 2 + y 2 + x2 )+
(xu + xt + xz + xy + tu + zu + zt + yu + yt + yz)
f6 (x, y, z, t, u, v) = v + u + t + z + y + x
Plus généralement, pour f (T ) = T n , fk (t1 , . . . , tk ) est la somme de tous les monômes de degré
n + 1 − k en t1 , . . . , tk .
Ceci permet par linéarité d’obtenir une description précise explicite des modules de Cauchy pour
un polynôme arbitraire.
D’après la remarque qui suit le dernier exemple, le polynôme fi est symétrique en les variables
X1 , . . . , Xi , unitaire en Xi , de degré total n − i + 1.
Le fait 3.4.2 implique que l’idéal J (f ) est égal à l’idéal engendré par les modules de Cauchy.
En effet, le quotient par ce dernier idéal réalise clairement la même propriété universelle que le
quotient par J (f ).
Donc l’algèbre de décomposition universelle est un k-module libre de rang n!, et plus précisé-
ment :
Fait 3.4.4 Le k-module A = Aduk,f est libre et une base est formée par les (( monômes ))
dn−1
xd11 · · · xn−1 tels que pour k = 1, . . . , n − 1 on ait dk 6 n − k.
de polynômes k[x1 , . . . , xn ] avec les Si qui s’identifient aux polynômes symétriques élémentaires
en les xi .
Comme manifestement ce polynôme en les Xi est invariant par permutation des variables il
existe un unique polynôme en les Si , Dn (S1 , . . . , Sn ) ∈ Z[S] qui est égal à discT (f ). En bref, les
variables auxiliaires Xi peuvent bien disparaître.
Ensuite pour un polynôme (( concret ))
discT (g) = 16i<j6n (bi − bj )2 en évaluant la formule (3.1). En particulier en utilisant l’algèbre
Q
Lemme 3.5.1 Soit n > 2, a ∈ A et A ∈ Mn (A) une matrice dont le polynôme caractéristique
f (X) = CA (X) admet a comme zéro simple. Soit g = f /(X − a), h = X − a, K = Ker h(A) et
I = Im h(A). Alors :
1. K = Im g(A), I = Ker g(A) et An = I ⊕ K.
2. g(A) est de rang 1 et h(A) de rang n − 1.
3. Si un polynôme R(X) annule A, alors R(a) = 0, c’est-à-dire R est multiple de X − a.
4. Les mineurs principaux d’ordre n − 1 de A − aIn sont comaximaux. Quand on localise en
inversant un tel mineur, la matrice g(A) devient simple de rang 1, les modules I et K
deviennent libres de rangs n − 1 et 1.
J On suppose sans perte de généralité que a = 0, donc f (X) = Xg(X), h(A) = A, g(A) = ±A,
e
Tr(g(A)) = g(0) (lemme 3.1.4 point 6.), et g(0) = f 0 (0) ∈ A× .
1. On écrit g(X) = Xk(X) + g(0) : cela montre que les polynômes g(X) et X sont comaximaux.
Vu le théorème de Cayley-Hamilton, le lemme des noyaux s’applique et donne le point 1.
2. Notons µ1 , . . . , µn les mineurs principaux d’ordre n − 1 de A. Puisque g(A) = ±Ae on obtient
g(0) = Tr(g(A)) = ± Tr Ae = ± i µi . Ceci montre que rg(h(A)) = n − 1 et rg(g(A)) > 1. Enfin
P
l’on sait que rg(A) e 6 1 d’après le lemme 3.1.4 point 8. que rg(A)
e 6 1.
3. Supposons R(A) = 0. En multipliant par A, on obtient (puisque AA
e e = 0) R(0)A e = 0 ; en
prenant la trace, R(0) Tr(A) = 0 donc R(0) = 0.
e
Remarquons que le point 3. résulte aussi du point 4.
4. On a déjà vu que les µi sont comaximaux. Après localisation en un µi la matrice g(A) devient
simple de rang 1 en vertu du lemme de la liberté page 31. Donc I et K deviennent libres de
rangs n − 1 et 1. I
Proposition 3.5.2 (diagonalisation d’une matrice dont le polynôme caractéristique est sépa-
rable) Soit A ∈ Mn (A) une matrice dont le polynôme caractéristique CA (X) est séparable,
et un anneau A1 ⊇ A sur lequel on peut écrire CA (X) = ni=1 (X − xi ) (e.g., AduA,f ). Soit
Q
1. An1 =
L
i Ki .
2. Chaque Ki est l’image d’une matrice de rang 1.
3. Tout polynôme R qui annule A est multiple de CA .
4. Après localisation en des éléments comaximaux de A1 la matrice est diagonalisable, sem-
blable à Diag(x1 , . . . , xn ).
J Conséquence immédiate du lemme des noyaux et du lemme 3.5.1. Pour rendre la matrice
diagonalisable il suffira d’inverser un produit ν1 · · · νn où chaque νi est un mineur principal
d’ordre n − 1 de la matrice A − xi In (ce qui fait a priori nn localisations comaximales). I
− xi )
Q
Remarque. Un résultat analogue concernant une matrice qui annule un polynôme i (X
séparable est donné en exercice 10.4. La preuve est élémentaire.
On applique enfin la proposition 3.5.2. Si l’on veut aboutir à une matrice diagonalisable, on
inverse par exemple a = i det((A − xi In )1..n−1,1..n−1 ). Il s’agit d’un élément de A et il suffit de
Q
se convaincre qu’il n’est pas nul en exhibant une matrice particulière, par exemple la matrice
compagne de X n − 1.
En définitive on considère A2 = A[1/(a∆)] ⊇ A et l’on prend
B = AduA2 ,f ⊇ A2 .
I
La force du résultat précédent, (( qui simplifie considérablement la vie )) est illustrée dans les
deux paragraphes qui suivent.
Corollaire 3.5.5
1. Si A est une matrice de polynôme caractéristique f et si f (T ) = ni=1 (T − xi ) sur un
Q
anneau A1 ⊇ A, alors le polynôme caractéristique de g(A) est le polynôme ni=1 (T − g(xi )).
Q
Enfin la structure de l’énoncé du corollaire, point 1., lorsque l’on prend A1 = AduA,f , est une
famille d’identités algébriques avec pour indéterminées les coefficients de la matrice carrée A. Il
suffit donc de le montrer pour la matrice générique. Or elle est diagonalisable sur un suranneau
(proposition 3.5.3), et pour une matrice diagonalisable le résultat est clair.
Enfin le point 2. du corollaire est une conséquence immédiate du point 1. I
Transformation de Tschirnhaus
Définition 3.5.8 Soit f, g ∈ A[T ] avec f unitaire de degré p. On considère l’A-algèbre B =
A[T ]/hf i qui est un A-module libre de rang p. Alors on note TschA,g (f ) ou Tschg (f ) le polynôme
CB/A (g) et l’on l’appelle le transformé de Tschirnhaus de f par g (g est la classe de g dans B).
Remarque. On peut aussi écrire TschA,g (f )(T ) = NB[T ]/A[T ] (T − g). En fait pour une notation
entièrement non ambigüe on devrait noter Tsch(A, f, g, T ) au lieu de TschA,g (f ). Une ambigüité
analogue se trouve dans la notation CB/A (g).
n(n−1)
disc(1, x, . . . , xn−1 ) = disc(f ) = (−1) 2 NB/A (f 0 (x))
Si V ∈ Mn (B0 ) est la matrice de Vandermonde de lignes (xi1 , . . . , xin ) pour i ∈ J0..n − 1K, alors
M = V tV . On en déduit :
Y
det(M ) = det(V )2 = (xi − xj )2 = disc(f ).
i<j
Ceci démontre la première égalité. Puisque NB/A (f 0 (x)) = f 0 (x1 ) · · · f 0 (xn ) et f 0 (xi ) = j|j6=i (xi −
Q
xj ) il vient :
n(n−1)
NB/A (f 0 (x)) =
Y Y
(xi − xj ) = (−1) 2 (xi − xj )2
(i,j)|j6=i i<j
J On prend les notations de la section 3.4. On raisonne par récurrence sur n, le cas n = 2 étant
clair. On a A = k1 [x2 , . . . , xn ] avec k1 = k[x1 ] ' k[X1 ]/hf (X1 )i. En outre A ' Aduk1 ,g2 où
g2 (T ) = (f (T ) − f (x1 ))/(T − x1 ) ∈ k1 [T ] ⊆ A[T ]. La formule de transitivité des discriminants
donne alors
[A:k1 ]
DiscA/k = Disck1 /k Nk1 /k (DiscA/k1 ) = (disc f )(n−1)! Nk1 /k (DiscA/k1 ).
P Q
En particulier TrA/k (z) = σ∈Sn σ(z) et NA/k (z) = σ∈Sn σ(z).
J Il suffit de montrer la formule pour la norme, car on obtient ensuite celle pour le polynôme
caractéristique en remplaçant k par k[T ] (ce qui remplace A par A[T ]). La formule pour la
norme se prouve par récurrence sur le nombre de variables en utilisant le fait 3.4.3, la formule de
transitivité pour les normes et le corollaire 3.5.5. I
Factorisation et zéros
Rappelons qu’un anneau est intègre si tout élément est nul ou régulier3 . Un sous-anneau d’un
anneau intègre est intègre. Un corps discret est un anneau intègre. Un anneau A est intègre si, et
seulement si, son anneau total de fractions Frac A est un corps discret ; on dit alors que Frac A
est le corps de fractions de A.
J La démonstration est immédiate, certains résultats plus précis sont dans l’exercice 3.1 consacré
à l’interpolation de Lagrange. I
Autrement dit on connaît une base finie de A comme K-espace vectoriel. Dans ce cas pour
un x ∈ A la trace, la norme, le polynôme caractéristique de (la multiplication par) x, ainsi que le
polynôme minimal de x sur K, noté MinK,x (T ) ou Minx (T ), peuvent se calculer par les méthodes
standards de l’algèbre linéaire sur un corps discret. De même toute sous-K-algèbre finie de A est
strictement finie et l’intersection de deux sous-algèbres strictement finies est strictement finie.
Lemme 3.6.3 Soit B ⊇ K un anneau entier sur K. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. B est un corps discret.
2. B est sans diviseur de zéro : xy = 0 ⇒ (x = 0 ou y = 0).
3. B est connexe et réduit.
En conséquence si B est un corps discret, toute sous-K-algèbre finie de B est un corps discret.
Si g est un polynôme irréductible de K[T ], l’algèbre quotient K[T ]/hgi est un corps discret
strictement fini sur K. En fait, comme corollaire des deux lemmes précédents on obtient que
toute extension strictement finie de corps discrets s’obtient en itérant cette construction.
3. La notion est discutée plus en détail page 142.
4. On pourrait se passer de l’hypothèse négative (( non trivial )) en lisant l’hypothèse que les zi sont (( distincts ))
comme signifiant que les zi − zj sont réguliers.
76 3. La méthode des coefficients indéterminés
f (y) = f (z) = 0. On peut donc écrire dans M[T ] f (T ) = (T − y)f1 (T ) = (T − y)(T − z)f2 (T )
(proposition 3.6.1).
Puisque f (y) = 0, le polynôme minimal g(Y ) de y sur K divise f (Y ) dans K[Y ]. Donc
Qn
i=1 g(xi ) = 0 dans M qui est un corps discret, et l’un des xi , disons x1 , annule g. On obtient ici
K[y] ' K[Y ]/hg(Y )i ' K[x1 ] ⊆ L.
Le corps discret K[y] est strictement fini sur K et M est strictement fini sur K[y] (lemme 3.6.4).
Soit alors h ∈ K[Y, Z] un polynôme unitaire en Z tel que h(y, Z) soit le polynôme minimal de
z sur K[y]. Puisque f1 (z) = 0, le polynôme h(y, Z) divise f1 (Z) = f (Z)/(Z − y) dans K[y][Z],
donc son image h(x1 , Z) dans K[x1 ][Z] est un polynôme irréductible qui divise f (Z)/(Z − x1 ).
Donc h(x1 , Z) admet pour zéro un des xi pour i ∈ J2..nK, disons x2 , et h(x1 , Z) est le polynôme
minimal de x2 sur K[x1 ]. On obtient donc les isomorphismes
K[y, z] ' K[y][Z]/hh(y, Z)i ' K[x1 ][Z]/hh(x1 , Z)i ' K[x1 , x2 ] ⊆ L.
Notons que l’on a aussi K[y, z] ' K[Y, Z]/hg(Y ), h(Y, Z)i. I
Remarque. Une inspection détaillée de la démonstration précédente conduit à la conclusion que
si L est un corps de racines strictement fini sur K le groupe des K-automorphismes de L est
un groupe fini ayant au plus [L : K] éléments. Si on ne suppose pas L strictement fini sur K,
on obtiendra seulement qu’il est absurde de supposer que ce groupe contient plus que [L : K]
éléments.
3.6. Théorie de Galois de base (1) 77
Étant donnée une A-algèbre B on note AutA (B) le groupe des A-automorphismes de B.
Définition 3.6.8 Si L est une extension strictement finie de K et un corps de racines pour un
polynôme unitaire séparable sur K, on dit que L est une extension galoisienne de K, on note
Gal(L/K) au lieu de AutK (L) et l’on dit que c’est le groupe de Galois de l’extension L/K.
Notez bien que dans la définition d’une extension galoisienne L/K est compris le fait que L
est strictement fini (et non pas seulement fini) sur K.
J Dans le point 1. il faut montrer que le sous-groupe est détachable et dans le point 2. que Fix
et Stp agissent bien sur les deux ensembles tels qu’ils sont décrits. Ceci est basé sur l’algèbre
linéaire en dimension finie sur les corps discrets. Nous laissons les détails au lecteur. I
J L est le corps de racines d’un polynôme séparable g ∈ K[T ]. On remarque que puisque L est
strictement fini sur K, M est strictement fini sur K et L strictement fini sur M. Notons M0
l’image de τ . C’est un corps strictement fini sur K, donc L est strictement fini sur M0 . Ainsi L
est un corps de racines pour g strictement fini sur M et sur M0 . D’après le théorème 3.3 (point
3.), on peut prolonger τ en un isomorphisme τe : L → L. I
Lorsqu’un polynôme séparable sur K possède un corps de racines L strictement fini sur K,
le groupe Gal(L/K) peut aussi être noté GalK (f ) dans la mesure où le théorème 3.3 page 76
donne l’unicité de L (à K-automorphisme près).
Remarques. 1) Bien que l’on puisse décider si un élément donné de GLK (L) est dans AutK (L),
et bien qu’il soit facile de borner le nombre d’éléments de AutK (L), il n’y a pas de méthode
générale sûre pour calculer ce nombre.
2) En mathématiques constructives on a les résultats suivants (triviaux en mathématiques
classiques). Pour un sous-groupe H d’un groupe fini les propriétés suivantes sont équivalentes.
– H est fini.
– H est de type fini.
– H est détachable.
De même pour un sous-K-espace vectoriel M d’un K-espace vectoriel de dimension finie les
propriétés suivantes sont équivalentes.
– M est de dimension finie.
– M est de type fini (i.e., l’image d’une matrice).
– M est le noyau d’une matrice.
de Vandermonde
1 y1 y12 · · · y1d−1
. ..
.. .
V =.
..
. . .
1 yd yd2 ··· ydd−1
3.6. Théorie de Galois de base (1) 79
on obtient
ξ0 x x
ξ1
x
0
V .. = .. =V ..
. . .
ξd−1 x 0
Or det(tV V ) = discT (Q) ∈ A× . Donc [ ξ0 ξ1 · · · ξd−1 ] = [ x 0 · · · 0 ], et x = ξ0 ∈ A.
1b. Puisque B ' A[T ]/hQi, le corollaire 3.5.5 fournit, si z = g(y1 ) (g ∈ A[Y ])
Y Y
CB/A (z)(T ) = (T − g(yi )) = (T − σ(g(y1 ))) = CG (z)(T ).
i σ∈G
2. Il est clair que B = A0 [σ(y)] pour chaque σ ∈ H et que QH est un polynôme séparable de
A0 [T ]. Il reste à voir que tout polynôme P ∈ A0 [T ] qui annule un yi (σi ∈ H) est multiple de
QH . Pour tout σ ∈ H puisque σ est un A0 -automorphisme de B, on a P (σ(yi )) = σ(P (yi )) = 0.
Ainsi P est divisible par chacun des T − σ(y), pour σ ∈ H. Comme ces polynômes sont deux à
deux comaximaux, P est multiple de leur produit QH .
Enfin si σj ∈ G est un A0 -automorphisme de B, σj (y) = yj doit être un zéro de QH . Mais puisque
Q est séparable les seuls yi qui annulent QH sont les σ(y) pour σ ∈ H. Donc σj ∈ H. I
Remarques. 1) Dans la situation galoisienne élémentaire rien ne dit que les yi sont les seuls zéros
de Q dans B, ni que les σi soient les seuls A-automorphismes de B. Prenons par exemple B = K3 ,
et 3 éléments a, b, c distincts dans le corps discret K. Le polynôme Q = (T − a)(T − b)(T − c)
admet 27 zéros dans B, dont 6 qui ont Q pour polynôme minimal, ce qui fait 6 K-automor-
phismes de B. En outre si l’on prend z1 = (a, b, c), z2 = (b, a, b) et z3 = (c, c, a), on voit que
Q = (T − z1 )(T − z2 )(T − z3 ), ce qui montre que la première condition n’implique pas la seconde.
Par contre avec y1 = (a, b, c), y2 = (b, c, a) et y3 = (c, a, b) on est dans la situation galoisienne
élémentaire.
2) Concernant la condition iii. pour définir la situation galoisienne élémentaire, on voit facilement
qu’elle équivaut au fait que chaque σi permute les yj . Cette condition n’est pas conséquence des
deux premières comme le prouve l’exemple qui suit. Considérons le carré latin 5 × 5 suivant (dans
chaque ligne et chaque colonne, les entiers sont différents), qui n’est pas la table d’un groupe :
1 2 3 4 5
2 4 1 5 3
3 5 4 2 1.
4 1 5 3 2
5 3 2 1 4
Chaque ligne définit une permutation σi ∈ S5 ; ainsi σ1 = Id, σ2 = (12453), . . ., σ5 = (154)(23).
Les σi ne forment pas un groupe (qui serait d’ordre 5) car σ5 est d’ordre 6. Posons B = K5 où
K est un corps ayant au moins 5 éléments a1 , . . . , a5 , y = (a1 , . . . , a5 ) ∈ B, yi = σi (y) et
Q(T ) = i (T − yi ) = i (T − ai ) ∈ K[T ].
Q Q
Alors, dans 3.6.10, les deux premières conditions i., ii. sont vérifiées mais pas iii..
Fort heureusement les choses sont plus simples dans le cas des corps.
Lemme 3.6.11 Soit L = K[y] un corps discret strictement fini sur K. Soit Q le polynôme
minimal de y sur K. Si Q est séparable et se factorise complètement dans L[T ] on se trouve
dans la situation galoisienne élémentaire et le groupe G correspondant est le groupe Gal(L/K)
de tous les K-automorphismes de L.
J Notons y = y1 , . . . , yd les zéros de Q (de degré d) dans L. Chaque yi annule Q et Q est
irréductible dans K[T ], donc Q est le polynôme minimal de yi sur K et K[yi ] est un sous-K-espace
vectoriel de L, libre et de même dimension d, donc égal à L. Enfin, puisque L est intègre, les yi
sont les seuls zéros de Q dans L, donc tout K-automorphisme de L est un σi , et les σi forment
donc bien un groupe : le groupe de Galois G = Gal(L/K). I
80 3. La méthode des coefficients indéterminés
J Il suffit de prouver le premier point. D’après la proposition 3.6.10 on a Stp ◦ Fix = IdGL/K .
Soit maintenant M ∈ KL/K . Puisque L = K[y] on a L = M[y]. Comme L est strictement fini sur
M, on peut calculer le polynôme minimal P de y sur M. Il divise Q donc il est séparable. Il se
factorise complètement dans L[T ]. Ainsi avec M, L = M[y] et P on est dans les hypothèses du
lemme 3.6.11, donc dans la situation galoisienne élémentaire. Les M-automorphismes de L sont des
K-automorphismes donc ce sont exactement les éléments de H = StpG (M) (où G = Gal(L/K)).
Dans cette situation le point 1b. de la proposition 3.6.10 nous dit que Fix(H) = M. I
Nous venons d’établir que la correspondance galoisienne est bijective, c’est-à-dire le théorème
fondamental de la théorie de Galois, dans le cas élémentaire. Mais il s’avérera par la suite que ce
cas est en fait le cas (( général )) : chaque fois que l’on a une extension galoisienne on peut se
ramener à la situation élémentaire (théorème de l’élément primitif 6.4 page 209).
Le but du paragraphe présent est de montrer le résultat suivant : si K est infini, et si l’on
sait factoriser les polynômes unitaires séparables dans K[T ], alors on sait construire un corps de
racines pour n’importe quel polynôme unitaire séparable, et l’extension obtenue rentre dans le
cadre élémentaire du théorème 3.5.
Nous construisons ce corps de racines par une méthode (( uniforme )).
(a) Si ` = 1, A est un corps, l’extension A/K est un corps de racines pour f , ainsi que
pour R(a, T ), et relève du théorème 3.5 page ci-contre. En particulier Gal(A/K) ' Sn .
(b) Si ` > 1, A ' j Kj où Kj = K[πj (a)] = A/hQj (a)i ' K[T ]/hQj i (πj : A → Kj est
Q
dans A[T ] reste valable dans K1 [T ]. Donc il existe pour tout j un σj tel que Qj (π1 (aσj )) = 0,
i.e., Qj (aσj ) ∈ hQ1 (a)iA . D’autre part, dans A on a Qj (aσj ) = σj (Qj (a)) parce que Qj ∈ K[T ].
Donc σj (hQj (a)iA ) ⊆ hQ1 (a)iA . Cela nous donne une surjection σj : A/hQj (a)i → A/hQ1 (a)i,
i.e. une surjection K[T ]/hQj i → K[T ]/hQ1 i. Il en résulte deg Q1 6 deg Qj , et par symétrie
deg Qj = deg Q1 , d’où σj (hQj (a)iA ) = hQ1 (a)iA . Ainsi Sn opère transitivement sur les idéaux
hQj (a)iA et les Kj sont deux à deux isomorphes. I
Remarque. La construction du corps de racines suggérée ici est en fait à peu près impraticable
dès que le degré n de f est supérieur ou égal à 7, car elle nécessite de factoriser un polynôme
de degré n!. Nous proposons dans le chapitre 7 une méthode dynamique moins brutale qui a
l’avantage supplémentaire de ne pas réclamer de savoir factoriser les polynômes séparables de
K[T ]. La contrepartie de cette absence de factorisation sera que, bien que l’on sache calculer
dans (( un )) corps de racines, on n’est a priori jamais certain de le connaître de manière complète
(au sens où on connaîtrait sa dimension comme K-espace vectoriel). En outre le même manque
de précision se retrouve pour ce qui concerne le groupe de Galois.
claire du corps de racines A/hq(z)i : x6 est annulé par p, x5 est annulé par un polynôme de
degré 4 à coefficients dans Q[x6 ], x1, . . ., x4 s’expriment en fonction de x5 et x6. Le calcul de la
base de Gröbner prend plusieurs heures. Magma peut ensuite calculer le groupe de Galois, qui est
donné par deux générateurs. Voici les résultats :
On notera que discT (p) = 24 × 373 , ce qui n’est pas sans rapport avec les dénominateurs
apparaissant dans la base de Gröbner. L’exemple sera repris page 294 avec la méthode dynamique.
Remarque. Nous interrompons ici le traitement de la théorie de Galois de base. Nous reprendrons
le fil de ces idées dans les sections 6.1 et 6.2 qui peuvent être lues directement ici (les résultats des
chapitres intermédiaires ne seront pas utilisés). Dans le chapitre 7 nous aborderons une théorie
plus sophistiquée qui s’avère nécessaire lorsque l’on n’a à sa disposition aucun algorithme de
factorisation des polynômes séparables sur le corps de base.
3.7 Le résultant
Le résultant est l’outil de base de la théorie de l’élimination. Ceci est basé sur le lemme
d’élimination de base page 87 qui s’applique avec n’importe quel anneau et sur son corollaire 3.7.6
pour le cas géométrique.
3.7. Le résultant 83
La théorie de l’élimination
La matrice de Sylvester
Dans ce qui suit, on ne suppose pas l’anneau A discret, si bien que le degré d’un polynôme
de A[X] n’est pas nécessairement connu de manière exacte. Du point de vue du calcul, on doit
en général prendre les polynômes dans A[X] sous forme de polynômes formels c’est-à-dire des
couples (f, p) où f est un polynôme et p majore son degré. Cette notion est également utile en
cas de changement d’anneau de base, car un polynôme peut voir par exemple son degré baisser
sans que l’on sache le tester (lors d’un passage dans un quotient par exemple).
Rappelons la définition de la matrice de Sylvester et du résultant de deux polynômes (des
polynômes formels de degrés p et q > 0) :
f = ap X p + ap−1 X p−1 + · · · + a0 ,
g = bq X q + bq−1 X q−1 + · · · + b0 .
Cette matrice peut être vue comme la matrice dont les lignes sont les coordonnées des polynômes
X q−1 f, . . . , Xf, f, X p−1 g, . . . , Xg, g sur la base
X p+q−1 , X p+q−2 , . . . , X, 1.
Et le résultant de f et g (en degrés p et q), noté ResX (f, p, g, q) est le déterminant de cette
matrice de Sylvester :
def
(3.2) ResX (f, p, g, q) = det(SylX (f, p, g, q))
Si le contexte est clair on note aussi ResX (f, g) ou Res(f, g). On a
et aussi pour a, b ∈ A
(3.4) ResX (af, p, bg, q) = aq bp ResX (f, p, g, q)
Si p = q = 0, on obtient le déterminant d’une matrice vide, c’est-à-dire 1.
Fait 3.7.1 Si p > 1 ou q > 1, alors ResX (f, p, g, q) ∈ hf, giA[X] ∩ A. Plus précisément, pour
chaque n ∈ J0..p + q − 1K, il existe un et vn ∈ A[X] tels que deg un < q, deg vn < p et
J Soit S la transposée de SylX (f, p, g, q). Les colonnes de S expriment des polynômes X k f ou
X ` g sur la base des monômes de degrés < p + q. En utilisant la formule de Cramer
S Se = det S · Ip+q ,
on voit que chaque X n Res(f, g) (qui correspond à l’une des colonnes de la matrice du second
membre) est une combinaison linéaire des colonnes de S.
I
3.7. Le résultant 85
Remarque. On peut aussi voir l’égalité (3.5) dans le cas n = 0 comme exprimant le déterminant
de la matrice ci-dessous (la matrice de Sylvester dans laquelle on a remplacé dans la dernière
colonne chaque coefficient par le (( nom )) de sa ligne), développé selon la dernière colonne.
ap · · · · · · · · · · · · a0 X q−1 f
.. ..
. .
ap · · · · · · · · · · · · f
X p−1 g
bq
··· ··· b0
.. ..
. .
bq ··· ··· b0 Xg
bq ··· ··· g
Corollaire 3.7.2 Soient f, g ∈ A[X] et a ∈ B ⊇ A avec f (a) = g(a) = 0, p > 1 ou q > 1, alors
ResX (f, p, g, q) = 0.
Notez que si les deux degrés sont surévalués le résultant s’annule, et l’interprétation intuitive
est que les deux polynômes ont un zéro en commun (( à l’infini )). Tandis que si ap = 1 le résultant
(pour f en degré p) est le même quel que soit le degré formel choisi pour g. Ceci permet alors de
passer sans ambigüité à la notation Res(f, g), comme dans le lemme suivant.
2. Par suite
3. Pour toute matrice carrée A ∈ Mp (A) dont le polynôme caractéristique est égal à f , on a
où les lignes q + 1, . . . , q + p contiennent maintenant les restes de la division par f des polynômes
X p−1 g, . . . , Xg, g. Ainsi la matrice p×p dans le coin sud-est, est exactement la matrice transposée
de la matrice de l’endomorphisme µg de B sur la base des monômes. Et son déterminant est égal
à celui de la matrice de Sylvester.
Le point 2. résulte du point 1.
Les points 3. et 4. résultent de la proposition 3.5.9 via le point 1. On peut aussi donner les
preuves directes suivantes :
4. Tout d’abord de l’équation (3.7) on déduit la formule symétrique
pour f1 et f2 unitaires (utiliser les équations (3.3) et (3.4) et le fait que dans le cas où les
coefficients de g sont des indéterminées on peut supposer g = bq g1 avec g1 unitaire). Ensuite on
vérifie par calcul direct que Res(X − a, g) = g(a).
3. Il s’agit de démontrer Res(CA , g) = det(g(A)) pour un polynôme g et une matrice A arbitraires.
Il s’agit d’une identité algébrique concernant les coefficients de A et de g. On peut donc se limiter
au cas où la matrice A est la matrice générique. Alors elle se diagonalise dans un suranneau et
l’on conclut en appliquant le point 4. I
Remarque. Le point 4. offre une réciproque non négligeable au corollaire 3.7.2 : si A est intègre et
si f et g sont deux polynômes unitaires de A[T ] qui se factorisent complètement dans un anneau
intègre contenant A, ils ont un zéro commun si, et seulement si, leur résultant est nul. Dans le
cas des corps discrets on a un peu mieux.
Fait 3.7.4 Soit K un corps discret non trivial, f, g ∈ K[X] de degrés p, q > 1 avec Res(f, g) = 0.
Alors f et g ont un pgcd de degré > 1.
J L’application K-linéaire (u, v) 7→ uf + vg où deg u < q et deg v < p admet pour matrice sur
les bases de monômes la transposée de la matrice de Sylvester. Soit donc (u, v) 6= (0, 0) dans
le noyau. Le polynôme uf = −vg est de degré < p + q donc deg(ppcm(f, g)) < p + q, ce qui
implique deg(pgcd(f, g)) > 0. I
et ne dépend donc pas du corps de base choisi (qui doit seulement contenir les coefficients de f
et g). Néanmoins cette seconde démonstration, qui en quelque sorte donne (( la vraie raison du
théorème )) suppose l’existence de L (qui n’est pas garantie d’un point de vue constructif) et elle
n’évite nullement la théorie de la divisibilité dans K[X] via l’algorithme d’Euclide.
Le lemme d’élimination de base sera généralisé plus loin (lemme 3.9.2 et lemme d’élimination
général page 156).
L’appellation (( idéal d’élimination )) correspond aux faits suivants qui résultent du lemme
précédent et du lemme 3.7.3 :
Un corps discret K est dit algébriquement clos si tout polynôme unitaire de K[X] se décompose
en produit de facteurs X − xi (xi ∈ K).
Comme l’égalité g(X) = ni=1 (X − yi ) peut toujours être réalisée dans l’algèbre de décomposition
Q
universelle si g est unitaire, on obtient que l’égalité (3.11) est valable pour tout polynôme unitaire,
sur tout anneau commutatif.
On obtient donc comme conséquence du lemme d’élimination de base.
J Tout ceci résulte du fait 3.7.8, sauf peut-être l’idempotent e dans le point 2. Si gu + hv = 1,
il faut prendre e = π(gu). I
Lorsque K est non trivial, s’il existe un m > 0 tel que m · 1K = 0, alors il en existe un
minimum, qui est un nombre premier p, et l’on dit que le corps est de caractéristique p. Lorsque
le sous-corps premier de K est isomorphe à Q, la tradition est de parler de caractéristique nulle,
mais nous utiliserons aussi la terminologie de caractéristique infinie dans les contextes où cela
est utile pour rester cohérent avec la notation précédente, par exemple dans le fait 3.7.11.
On peut concevoir5 des corps discrets non triviaux dont la caractéristique n’est pas bien
définie du point de vue constructif. Par contre pour un corps discret l’affirmation (( car(K) > m ))
est toujours décidable.
Définition 3.8.1
1. Une A-algèbre B est dite finie si B est un A-module de type fini. On dit aussi : B est finie
sur A. Dans le cas d’une extension, on parlera d’extension finie de A.
2. Supposons A ⊆ B. L’anneau A est dit intégralement clos dans B si tout élément de B
entier sur A est dans A.
Lemme 3.8.4 Soient A ⊆ B et f ∈ B[X]. Le polynôme f est entier sur A[X] si, et seulement
si, chaque coefficient de f est entier sur A.
J La condition est suffisante, d’après le point 3. du lemme précédent. Dans l’autre sens on
considère une relation de dépendance intégrale P (f ) = 0 pour f (avec P ∈ A[X][T ], unitaire).
On a dans B[X, T ] une égalité
Lemme 3.8.5 Soit A ⊆ B, L un B-module libre de rang fini et u ∈ EndB (L) entier sur A.
Alors les coefficients du polynôme caractéristique de u sont entiers sur A (en particulier, le
déterminant et la trace de u sont entiers sur A).
J Démontrons d’abord que det(u) est entier sur A. Soit E = (e1 , . . . , en ) une base fixée de L.
Le A-module A[u] est un A-module de type fini et donc
X
E= Auk (ei ) ⊆ L
i∈J1..nK,06k
Puisque E est un A-module de type fini, D est un A-module de type fini, et il est fidèle : 1 ∈ D
car detE (E) = 1. Enfin l’égalité
Corollaire 3.8.6 Soit A ⊆ B ⊆ C avec C une B-algèbre qui est un B-module libre de rang
fini. Soit x ∈ C entier sur A. Alors TrC/B (x), NC/B (x) et tous les coefficients de CC/B (x) sont
entiers sur A. Si en plus B est un corps discret les coefficients du polynôme minimal MinB,x
sont entiers sur A.
J Il suffit de montrer le point 1. Supposons d’abord x/s entier sur AS . On a par exemple une
égalité
u(x3 + a2 sx2 + a1 s2 x + a0 s3 ) = 0
dans B avec u ∈ S et les ai ∈ A. En multipliant par u2 on obtient
(ux)3 + a2 us(ux)2 + a1 u2 s2 (ux) + a0 u3 s3 = 0
dans B. Inversement supposons xu entier sur A avec u ∈ S. On a par exemple une égalité
(ux)3 + a2 (ux)2 + a1 (ux) + a0 = 0
dans B, donc :
x3 + (a2 /u)x2 + (a1 /u2 )x + (a0 /u3 ) = 0
dans BS . I
J Il faut montrer dans le point 1. que si la condition est réalisée localement, elle l’est globalement.
On considère donc un x ∈ B qui vérifie pour chaque i une relation (si x)k = ai,1 (si x)k−1 +
ai,2 (si x)k−2 + · · · + ai,k avec les ai,h ∈ A et les si ∈ Si (on peut supposer sans perte de généralité
que les degrés sont les mêmes). On utilise alors une relation ski ui = 1 pour obtenir une relation
P
Lemme 3.8.9 Soit A intégralement clos, de corps de fractions K. Si f = gh dans K[T ] avec
g, h unitaires et f ∈ A[T ], alors g et h sont aussi dans A[T ].
Lemme 3.8.10 L’anneau Z ainsi que l’anneau K[X] lorsque K est un corps discret, sont
intégralement clos.
J En fait cela fonctionne avec tout anneau à pgcd intègre A (voir section 11.2). Soient f (T ) =
T n − n−1 k
P
k=0 fk T et a/b une fraction réduite
Pn−1
dans le corps des fractions de A avec f (a/b) = 0. En
multipliant par b on obtient a = b( k=0 fk ak bn−1−k ). Puisque pgcd(a, b) = 1, pgcd(an , b) = 1 ;
n n
J Posons K = Frac A. Si un élément f de K(X) est entier sur A[X], il est entier sur K[X], donc
dans K[X] car K[X] est intégralement clos. On conclut avec le lemme 3.8.4 : tous les coefficients
du polynôme f sont entiers sur A donc dans A. I
Un corollaire intéressant du théorème de Kronecker est la propriété suivante (avec les mêmes
notations que dans le théorème page 65).
Proposition 3.8.11 Soient f, g ∈ A[X]. Supposons que A est intégralement clos, et que a ∈ A
divise tous les coefficients de h = f g, alors a divise tous les fα gβ . Autrement dit
Lemme 3.8.12 Soit K un corps discret. Les polynômes de K[X] se décomposent en produits
de facteurs irréductibles si, et seulement si, on a un algorithme pour le calcul des zéros dans K
d’un polynôme arbitraire de K[X].
J La deuxième condition est a priori plus faible puisqu’elle revient à déterminer les facteurs de
degré 1 pour un polynôme de K[X]. Supposons cette condition vérifiée. Pour savoir s’il existe
une décomposition f = gh avec g et h unitaires de degrés > 0 fixés, on applique le théorème de
Kronecker. On obtient pour chaque coefficient de g et h un nombre fini de possibilités (ce sont
des zéros de polynômes unitaires que l’on peut expliciter en fonction des coefficients de f ). I
Proposition 3.8.13 Dans Z[X] et Q[X] les polynômes se décomposent en produits de facteurs
irréductibles. Un polynôme non constant de Z[X] est irréductible dans Z[X] si, et seulement si,
il est primitif et irréductible dans Q[X].
J Pour Q[X] on applique le lemme 3.8.12. Il faut donc montrer que l’on sait déterminer les
zéros rationnels d’un polynôme unitaire à coefficients rationnels. On peut même supposer les
coefficients de f entiers. La théorie élémentaire de la divisibilité dans Z montre alors que si a/b
est un zéro de f , a doit diviser le coefficient dominant et b le coefficient constant de f : il n’y a
donc qu’un nombre fini de tests à faire.
Pour Z[X], un polynôme primitif f étant donné, on cherche à savoir s’il existe une décomposition
f = gh avec g et h de degrés > 0 fixés. On peut supposer f (0) 6= 0. On applique le théorème de
Kronecker. Un produit g0 hj par exemple doit être un zéro dans Z d’un polynôme unitaire q0,j de
Z[T ] que l’on peut calculer. En particulier g0 hj doit diviser q0,j (0), ce qui ne laisse qu’un nombre
fini de possibilités pour hj .
Enfin pour le dernier point si un polynôme f primitif dans Z[X] se décompose sous la forme
f = gh dans Q[X] on peut supposer que g est primitif dans Z[X] ; soit alors a un coefficient de h,
P
tous les agj sont dans Z (théorème de Kronecker), et une relation de Bezout j gj uj = 1 montre
que a ∈ Z. I
Corps de nombres
On appelle corps de nombres un corps discret K strictement fini sur Q.
3.8. Théorie algébrique des nombres, premiers pas 93
Clôture galoisienne
Théorème 3.8 (corps de racines, théorème de l’élément primitif)
1. Si f est un polynôme unitaire séparable de Q[X] il existe un corps de nombres L sur lequel
on peut écrire f (X) = i (X − xi ). En outre, avec un α ∈ L on a :
Q
Élément cotransposé
Si B est une A-algèbre libre de rang fini on peut identifier B à une sous-A-algèbre commutative
de EndA (B), où B désigne le A-module B privé de sa structure multiplicative, au moyen de
l’homomorphisme x 7→ µB,x , où µB,x = µx est la multiplication par x dans B. Alors puisque
ex = G(µx ) pour un polynôme G de A[T ] (lemme 3.1.4 point 6 ), on peut définir x
µ e par l’égalité
x
e = G(x), ou ce qui revient au même µ fx = µe x . Si plus de précision est nécessaire on utilisera
la notation AdjB/A (x). Cet élément x e s’appelle l’élément cotransposé de x. On a alors l’égalité
importante :
(3.13) xx e = x AdjB/A (x) = NB/A (x)
Remarque. Notons aussi que les applications (( norme de )) et (( élément cotransposé de ))
jouissent de propriétés de (( A-rationalité )), qui résultent directement de leurs définitions : si
P ∈ B[X1 , . . . , Xk ], alors en prenant les xi dans A, NB/A (P (x1 , . . . , xk )) et AdjB/A (P (x1 , . . . , xk ))
sont donnés par des polynômes de A[X1 , . . . , Xk ].
En fait B[X] est libre sur A[X] avec la même base que celle de B sur A et NB/A (P (x)) est
donné par l’évaluation en x de NB[X]/A[X] (P (X)) (même chose pour l’élément cotransposé). On
utilisera par abus la notation NB/A (P (X)).
En outre si [B : A] = n et si P est homogène de degré d, alors NB/A (P (X)) est homogène de
degré nd et AdjB/A (P (X)) est homogène de degré (n − 1) d.
3. Supposons que K = Q[x] avec x ∈ Z. Soit f (X) = MinQ,x (X) dans Z[X] et ∆2 le plus
1
grand facteur carré de discX f . Alors Z[x] ⊆ Z ⊆ ∆ Z[x].
4. Z est un Z-module libre de rang [K : Q].
5. L’entier DiscZ/Z est bien défini, on l’appelle le discriminant du corps de nombres K.
Remarques. 1) Comme corollaire, on voit que dans la situation du point 3. si discX (f ) est sans
facteur carré, alors Z = Z[x].
2) La démonstration du point 4. ne donne pas de moyen pratique pour calculer une Z-base de
Z. Pour quelques informations plus précises voir le problème 3.9. En fait on ne connaît pas
d’algorithme général (( en temps polynomial )) pour calculer une Z-base de Z.
Lemme 3.8.15 Soient N ⊆ M deux A-modules libres de même rang n avec M = N + Az. On
suppose que pour un élément régulier δ ∈ A, on a δz ∈ N , δz = a1 e1 + · · · + an en où e1 , . . . , en
est une base de N . Alors le déterminant d d’une matrice d’une base de N sur une base de M
vérifie :
(3.14) d hδ, a1 , . . . , an i = hδi
En particulier hδ, a1 , . . . , an i est un idéal principal, et si δ, a1 , . . . , an sont comaximaux, alors
hdi = hδi. En outre M/N ' A/hdi.
J L’égalité (3.14) est laissée au lecteur (voir le fait 2.5.5 et l’exercice 3.20).
Il nous reste à montrer M/N ' A/hdi. En notant z la classe de z dans M/N , puisque M/N ' Az
on doit montrer que AnnA (z) = hdi, i.e. bz ∈ N ⇔ b ∈ hdi. Il est clair que dz ∈ N . Si bz ∈ N , alors
bδz ∈ δN donc en écrivant δz = a1 e1 + · · · + an en , il vient bai ∈ hδi puis b hδ, a1 , . . . , an i ⊆ hδi ;
en multipliant par d et en simplifiant par δ, on obtient b ∈ hdi. I
Le théorème suivant est le théorème clé dans la théorie multiplicative des idéaux de corps de
nombres. Nous en donnons deux démonstrations. Auparavant nous convions la lectrice à visiter le
problème 3.3 qui donne le petit théorème de Kummer, lequel résout à moindres frais la question
pour (( presque tous )) les idéaux de type fini des corps de nombres. Le problème 3.5 est également
instructif car il donne une preuve directe de l’inversibilité de tous les idéaux de type fini non √
nuls
ainsi que de leur décomposition unique en produit de (( facteurs premiers )) pour l’anneau Z[ n 1 ].
Théorème 3.9 (inversibilité des idéaux de type fini d’un corps de nombres)
Soit K un corps de nombres et Z son anneau d’entiers. Tout idéal de type fini a 6= 0 de Z est
inversible.
Le théorème suivant montre que les idéaux de type fini d’un corps de nombres se comportent
vis à vis des opérations élémentaires (somme, intersection, produit, division exacte) de manière
essentiellement équivalente aux idéaux principaux de Z, lesquels traduisent de façon très précise
la théorie de la divisibilité pour les entiers naturels. Rappelons que dans la bijection n 7→ nZ
(n ∈ N, nZ idéal de type fini de Z), le produit correspond au produit, la divisibilité à l’inclusion,
le pgcd à la somme, le ppcm à l’intersection et la division exacte au transporteur.
ab ⊆ ac ⇒ b ⊆ c
6. En fait Kronecker n’utilise pas l’élément cotransposé de α + βX + γX 2 (selon la définition que nous avons
donnée), mais le produit de tous les conjugués de αX + βY + γZ dans une extension galoisienne. Ceci introduit
une légère variation dans la démonstration.
96 3. La méthode des coefficients indéterminés
2. Si b ⊆ c sont deux idéaux de type fini il existe un idéal de type fini a tel que a c = b.
3. L’ensemble des idéaux de type fini de Z est stable par intersections finies et l’on a les
égalités suivantes (a, b, c désignent des idéaux de type fini de Z) :
a) (a ∩ b)(a + b) = ab
b) a ∩ (b + c) = (a ∩ b) + (a ∩ c)
c) a + (b ∩ c) = (a + b) ∩ (a + c)
d) a(b ∩ c) = (ab) ∩ (ac)
e) (a + b)n = an + bn (n ∈ N)
4. Si a est un idéal de type fini non nul de Z l’anneau Z/a est fini.
En particulier, on a des tests pour décider :
– si un x ∈ Z est dans a,
– si un x ∈ Z est inversible modulo a,
– la relation d’inclusion entre deux idéaux de type fini,
– si Z/a est un corps discret (on dit alors que a est un idéal maximal détachable).
5. Tout idéal de type fini 6= h0i , h1i est égal à un produit d’idéaux maximaux inversibles
détachables, et cette décomposition est unique à l’ordre près des facteurs.
J 1. Soit a0 avec a a0 = hai, a régulier. En multipliant l’inclusion par a0 on obtient ab ⊆ ac, donc
b ⊆ c.
2. Soit c0 avec c c0 = hai, a régulier. Soit a0 = b c0 , on a a0 c = a b. Puisque b ⊆ c, on a
a0 = b c0 ⊆ c c0 = hai, donc il existe un idéal de type fini a vérifiant a0 = a a. Donc a a c = a b, et
a c = b.
3. Si l’un des idéaux de type fini est nul tout est clair. On les suppose dans la suite non nuls.
3a. Soit c tel que c(a + b) = ab. Puisque (a ∩ b)(a + b) ⊆ ab, on obtient a ∩ b ⊆ c (simplification
par a + b). Inversement, ca ⊆ ab donc c ⊆ b (simplification par a) ; de même c ⊆ a.
3c. On multiplie les deux membres par a + b + c = (a + b) + (a + c). Le membre de droite donne
(a + b)(a + c). Le membre de gauche donne a(a + b + c) + a(b ∩ c) + (b + c)(b ∩ c). Dans les deux
cas cela fait a(a + b + c) + bc.
3b. Les idéaux de type fini forment pour l’inclusion un treillis (le sup est la somme et le inf
l’intersection). On vient de voir qu’une des lois est distributive par rapport à l’autre. Il est
classique dans un treillis que cela implique l’autre distributivité (voir page 419).
3d. L’application x 7→ a x (de l’ensemble des idéaux de type fini vers l’ensemble des idéaux de
type fini multiples de a) est un isomorphisme pour la structure d’ordre d’après le point 1. Cela
implique qu’elle transforme le inf en le inf. Il suffit donc d’établir que ab ∩ ac est multiple de a.
Cela résulte du point 2.
3e. Par exemple avec n = 3, (a + b)3 = a3 + a2 b + ab2 + b3 . En multipliant (a + b)3 et a3 + b3
par (a + b)2 on trouve dans les deux cas a5 + a4 b + · · · + ab4 + b5 .
4. On regarde Z comme un Z-module libre de rang n = [K : Q]. On se convainc facilement qu’un
idéal de type fini a contenant l’entier m =6 0 peut être explicité comme un sous Z-module de type
n
fini de Z contenant mZ . n
5. Soit a un idéal de type fini 6= h0i , h1i. Les idéaux maximaux de type fini de Z contenant a
sont obtenus en déterminant les idéaux maximaux de type fini de Z/a (ce qui est possible parce
que l’anneau Z/a est fini). Si p est un idéal maximal de type fini contenant a, on peut écrire
a = b p. En outre, en notant comme il est d’usage (G : H) = #(G/H) pour un sous-groupe H
d’un goupe G, on a l’égalité (Z : a) = (Z : b)(b : a). On obtient donc la décomposition en produit
d’idéaux maximaux de type fini par récurrence sur (Z : a). L’unicité résulte du fait que si un
idéal maximal de type fini p contient un produit d’idéaux maximaux de type fini, il est forcément
égal à l’un d’entre eux, car sinon il serait comaximal avec le produit. I
3.8. Théorie algébrique des nombres, premiers pas 97
Nous terminons cette section par quelques généralités concernant les idéaux qui évitent le
conducteur. La situation en théorie des nombres est la suivante. On a un corps de nombres
K = Q[α] avec α entier sur Z. On note Z l’anneau des entiers de K, c’est-à-dire la clôture
intégrale de Z dans K. Bien que ce soit en principe possible, il n’est pas toujours facile d’obtenir
une base de Z comme Z-module, ni d’étudier la structure du monoïde des idéaux de type fini
de Z.
On suppose que l’on dispose d’un anneau Z0 qui constitue une approximation de Z en ce
sens que Z[α] ⊆ Z0 ⊆ Z, par exemple en un premier temps Z0 = Z[α]. On est intéressé par la
structure multiplicative du groupe des idéaux fractionnaires de Z, et l’on veut s’appuyer sur celle
de Z0 pour l’étudier en détail.
Le théorème qui suit dit que (( cela marche très bien pour la plupart des idéaux, c’est-à-dire
pour tous ceux qui évitent le conducteur de Z0 dans Z )).
Définition 3.8.18
Soient deux anneaux A ⊆ B, a un idéal de A et b un idéal de B.
1. Le conducteur de A dans B est (A : B) = { x ∈ B | xB ⊆ A }.
2. L’extension de a est l’idéal aB de B.
3. La contraction de b est l’idéal A ∩ b de A.
L’extension est multiplicative, donc la contraction (restreinte à B) qui est son inverse, est égale-
ment multiplicative. La contraction est compatible avec l’intersection, donc l’extension (restreinte
à A) qui est son inverse, est également compatible avec l’intersection.
Soit b = hb1 , . . . , bn iB ∈ B. Montrons que A ∩ b est de type fini. On écrit 1 = a + f 2 avec a ∈ b,
f ∈ f. Puisque f ∈ A, on a a ∈ A ∩ b. Montrons que a, f b1 , . . . , f bn est un système générateur
de A ∩ b. Soit x ∈ A ∩ b que l’on écrit x = i yi bi avec yi ∈ B, alors :
P
+ yi f 2 )bi = xa + ∈ ha, f b1 , . . . , f bn iA .
P P
x= i (yi a i (yi f )f bi
Pour un idéal b ∈ B (non nécessairement de type fini), on a en fait montré le résultat suivant : si
1 = a + f 2 avec a ∈ b et f ∈ f, alors A ∩ b = Aa + f (f b), f b étant un idéal de A.
Soit b ∈ B un idéal inversible, montrons que a = A ∩ b est un idéal inversible. On écrit 1 = a + f
avec a ∈ b et f ∈ f, de sorte que a ∈ a. Si a = 0, alors 1 = f ∈ f, donc A = B et il n’y a rien à
montrer. Sinon, a est régulier et il existe un idéal b0 de B tel que bb0 = aB. Puisque les idéaux
aB, b, b0 sont comaximaux à f, on peut appliquer le caractère multiplicatif de la contraction à
l’égalité bb0 = aB pour obtenir aa0 = aA avec a0 = A ∩ b0 . I
Fait 3.9.1 Soit k un anneau commutatif arbitraire et h ∈ k[X] unitaire de degré > 1. Alors :
– Si un multiple de h est dans k, ce multiple est nul.
– Si f, g ∈ k[X], deg f 6 p, deg g 6 q, et si h divise f et g, alors ResX (f, p, g, q) = 0.
1. Si les degrés de f, g1 , . . . , gr sont majorés par d, alors b est engendré par d(r − 1) + 1
éléments. On a les inclusions :
√
(3.15) b⊆a⊆ b
(3.16) 1 ∈ b ⇐⇒ 1 ∈ a ⇐⇒ 1 ∈ f
2. Si k est un corps discret contenu dans un corps algébriquement clos discret L, notons
h le pgcd unitaire de f, g1 , . . . , gr et V l’ensemble des zéros de f dans Ln . Alors on a les
équivalences suivantes :
(3.17) 1 ∈ b ⇐⇒ 1 ∈ a ⇐⇒ 1 ∈ f ⇐⇒ h = 1 ⇐⇒ V = ∅
Inversement supposons b = h0i. Alors, pour toute valeur du paramètre t ∈ L, les polynômes f (X)
et g(t, X) ont un zéro en commun dans L (f est unitaire et le résultant des deux polynômes est
nul).
Si deg f = m et degX (g(T, X)) 6 p, on considère les zéros ξ1 , . . . , ξm ∈ L de f . En prenant
mp + 1 valeurs distinctes de t, on trouvera un ξ` tel que g(t, ξ` ) = 0 pour au moins p + 1 valeurs
de t. Ceci implique que g(T, ξ` ) est identiquement nul, i.e. ξ` annule tous les gi , et que h est
multiple de X − ξ` donc deg(h) > 1. I
Corollaire 3.9.3 Soit K un corps discret non trivial contenu dans un corps algébriquement
clos L. Reprenons les hypothèses du lemme 3.9.2 avec k = K[X1 , . . . , Xn−1 ]. Alors, pour α =
(α1 , . . . , αn−1 ) ∈ Ln−1 les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. Il existe ξ ∈ L tel que (α, ξ) annule (f, g1 , . . . , gr ).
2. α annule les générateurs de l’idéal b = R(f, g1 , . . . , gr ) ⊆ K[X1 , . . . , Xn−1 ].
Précisions : si le degré total des générateurs de f est majoré par d, on obtient comme générateurs
de b, d(r − 1) + 1 polynômes de degré total majoré par 2d2 .
Remarque. Le corollaire précédent a la structure voulue pour enchaîner une récurrence qui nous
permet une description des zéros de f dans Ln .
En effet, en partant de l’idéal de type fini f ⊆ K[X1 , . . . , Xn ] on produit un idéal de type fini
b ⊆ K[X1 , . . . , Xn−1 ] avec la propriété suivante : les zéros de f dans Ln se projettent exactement
sur les zéros de b dans Ln−1 . Plus précisément au dessus de chaque zéro de b dans Ln−1 se
trouve un nombre fini, non nul, majoré par degXn (f ) de zéros de f dans Ln .
Donc ou bien tous les générateurs de b sont nuls et le processus décrivant les zéros de f est terminé,
ou bien un des générateurs de b est non nul et l’on est près à faire à b ⊆ K[X1 , . . . , Xn−1 ] ce que
l’on a fait à f ⊆ K[X1 , . . . , Xn ] à condition toutefois de trouver un polynôme unitaire en Xn−1
dans l’idéal b.
Cette dernière question est réglée par le lemme de changement de variables suivant.
Dans le localisé K[X][1/g], on réalise la substitution T = 1/g. Plus précisément, en restant dans
K[X, T ], si N est le plus grand des degrés en T des bi on multiplie l’égalité précédente par g N et
l’on remplace dans g N bi (X, T ) chaque g N T k par g N −k modulo (1 − gT ). On obtient alors une
égalité
(1 − g(X)T )a1 (X, T ) + f1 (X)c1 (X) + · · · + fs (X)cs (X) = g N ,
dans laquelle nécessairement a1 = 0, puisque, si l’on regarde a1 dans K[X][T ], son coefficient
formellement dominant en T est nul. I
Remarque. On notera que la séparation des différents cas dans les théorèmes 3.12 et 3.13 est
explicite.
Corollaire 3.9.6 Soit K un corps discret contenu dans un corps algébriquement clos L et deux
idéaux de type fini a = hf1 , . . . , fs i, b de K[X1 , . . . , Xn ]. Soit K0 le sous-corps de K engendré
par les coefficients des fi . Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. b ⊆ DK[X] (a).
2. b ⊆ DL[X] (a).
3. Tout zéro de a dans Ln est un zéro de b.
4. Pour tout sous-corps K1 de L fini sur K0 , tout zéro de a dans Kn1 est un zéro de b.
En particulier DK[X] (a) = DK[X] (b) si, et seulement si, a et b ont les mêmes zéros dans Ln .
Le Nullstellensatz formel
Nous passons maintenant à un Nullstellensatz formel, formel en ce sens qu’il s’applique (en
mathématiques classiques) à un idéal arbitraire sur un anneau arbitraire. Néanmoins pour avoir
un énoncé constructif nous nous contenterons d’un anneau de polynômes Z[X] pour notre anneau
arbitraire et d’un idéal de type fini pour notre idéal arbitraire.
Cela peut sembler très restrictif, mais la pratique montre que ce n’est pas le cas, en raison du
fait que l’on peut (presque) toujours appliquer la méthode des coefficients indéterminés à un
problème d’algèbre commutative, méthode qui ramène le problème à un problème polynomial
sur Z. Une illustration en sera donnée ensuite.
Notons que pour lire l’énoncé, lorsque l’on parle d’un zéro d’un fi ∈ Z[X] sur un anneau
A, il faut d’abord voir fi modulo Ker ϕ, où ϕ est l’unique homomorphisme Z → A, d’image
A1 ' Z/Ker ϕ . On se ramène ainsi à un polynôme fi de A1 [X] ⊆ A[X].
(b) Le système n’admet de zéro sur aucun corps discret non trivial.
(c) Le système n’admet de zéro sur aucun corps fini et sur aucune extension finie de Q.
(d) Le système n’admet de zéro sur aucun corps fini.
2. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
(a) ∃N ∈ N, g N ∈ hf1 , . . . , fs i.
(b) Le polynôme g s’annule aux zéros du système f1 , . . . , fs sur n’importe quel corps
discret.
(c) Le polynôme g s’annule aux zéros du système f1 , . . . , fs sur tout corps fini et sur toute
extension finie de Q.
(d) Le polynôme g s’annule aux zéros du système f1 , . . . , fs sur tout corps fini.
J Il suffit de démontrer la version faible 1., car on passe ensuite à la version générale 2. en
appliquant le truc de Rabinovitch. Pour ce qui concerne la version faible, la chose difficile est
l’implication d) ⇒ a).
Voyons d’abord c) ⇒ a). On applique le Nullstellensatz faible en considérant Z ⊆ Q. Cela donne
une appartenance :
m ∈ hf1 , . . . , fs iZ[X] avec m ∈ Z \ {0} (?Q )
En appliquant le Nullstellensatz faible avec une clôture algébrique Lp de Fp on obtient aussi pour
chaque nombre premier p | m une appartenance :
Or dans n’importe quel anneau, pour trois idéaux quelconques a, b, c, on a l’inclusion (a+b)(a+c) ⊆
Q k
a + bc. En écrivant le m ci-dessus dans (?Q ) sous forme j pj j avec les pj premiers, on obtient
donc
1 ∈ hf1 , . . . , fs iZ[X] + mZ[X].
Cette appartenance, jointe à celle figurant dans (?Q ), fournit 1 ∈ hf1 , . . . , fs iZ[X] .
Pour l’implication d) ⇒ c) nous montrons qu’un zéro (ξ) du système (f1 , . . . , fs ) dans une
extension finie de Q donne lieu à un zéro de (f1 , . . . , fs ) dans une extension finie de Fp pour tous
les nombres premiers, à l’exception d’un nombre fini d’entre eux.
En effet soit Q = Q[α] ' Q[X]/hh(X)i (avec h unitaire irréductible dans Z[X]) une extension
finie de Q et (ξ) ∈ Qn un zéro de f1 , . . . , fs . Si ξj = qj (α), qj ∈ Q[X], j ∈ J1..nK cela signifie que
Ceci reste vrai dans Fp [X] dès qu’aucun des dénominateurs figurant dans les qj n’est multiple de
p, à condition de prendre les fractions dans Fp :
Pour un tel p, on prend un diviseur unitaire irréductible hp (X) de h(X) dans Fp [X] et l’on
considère le corps fini F = Fp [X]/hhp (X)i avec αp la classe de X. Alors (q1 (αp ), . . . , qn (αp )) est
un zéro de (f1 , . . . , fs ) dans Fn . I
La version suivante formulée avec des idéaux de type fini est un corollaire immédiat.
Un exemple d’application
Nous considérons le résultat suivant déjà démontré dans le lemme 2.2.5 : Un élément f de A[X]
est inversible si, et seulement si, f (0) est inversible et f − f (0) est nilpotent. Autrement dit
A[X]× = A× + DA (0)[X].
On peut supposer que f g = 1 avec f = 1 + Xf1 et g = 1 + Xg1 . On considère les coefficients
de f1 et g1 comme des indéterminées. On doit montrer que :
f1 + g1 + Xf1 g1 = 0 (∗) implique que les coefficients de f1 sont nilpotents.
Or lorsque les indéterminées sont évaluées dans un corps, les coefficients de f1 s’annulent aux
zéros du système polynomial en les indéterminées donné par l’équation (∗). On conclut par le
Nullstellensatz formel.
Si l’on compare à la démonstration donnée pour le point 4. du lemme 2.2.5, on peut constater
que celle donnée ici est à la fois plus simple (pas besoin de trouver un calcul un peu subtil) et
plus savante (utilisation du Nullstellensatz formel).
Remarque. Un autre exemple est donné dans la solution du problème 15.1.
X1 X2 ··· Xn
∂f1 ∂f1 ∂f1
f1 ∂X ∂X2 ··· ∂Xn
∂f21 ∂f2 ∂f2
···
f2
∂X1 ∂X2 ∂Xn
. ..
..
fi .
. ..
..
.
∂fs ∂fs ∂fs
fs ∂X1 ∂X2 ··· ∂Xn
f (xm )
xm+1 = xm − .
f 0 (xm )
La méthode se généralise pour un système de p équations à p inconnues. La solution d’un tel
système s’interprète comme le zéro d’une fonction f : Rp → Rp . On applique (( la même formule ))
que ci-dessus :
xm+1 = xm − f 0 (xm )−1 · f (xm ).
où f 0 (x) est la différentielle (la matrice jacobienne) de f au point x ∈ Rp , qui doit être inversible
dans un voisinage de x0 .
3.10. La méthode de Newton en algèbre 105
Cette méthode, et d’autres méthodes du calcul infinitésimal, s’appliquent dans certains cas
également en algèbre, en remplaçant les infiniment petits leibniziens par des éléments nilpotents.
Si par exemple A est une Q-algèbre et x ∈ A est nilpotent, la série formelle
1 + x + x2 /2 + x3 /6 + · · ·
qui définit exp(x) n’a qu’un nombre fini de termes non nuls dans A et définit donc un élément
1 + y avec y nilpotent. Comme l’égalité
exp(x + x0 ) = exp(x) exp(x0 )
qui a lieu en analyse valide la même formule au niveau des séries formelles sur Q, on obtiendra
lorsque x et x0 sont nilpotents dans A la même égalité dans A. De même la série formelle
y − y 2 /2 + y 3 /3 − · · ·
qui définit log(1 + y) n’a qu’un nombre fini de termes dans A lorsque y est nilpotent et permet
de définir log(1 + y) comme un élément nilpotent de A. En outre, pour x et y nilpotents, on
obtient les égalités log(exp(x)) = x et exp(log(1 + y)) = 1 + y comme conséquences des égalités
correspondantes pour les séries formelles.
Dans le même style on obtient facilement, en utilisant la série formelle inverse de 1 − x :
Lemme 3.10.1 (lemme des éléments résiduellement inversibles)
1. Si ef ≡ 1 modulo le nilradical, alors e est inversible et
e−1 = f − ef )k .
P
k>0 (1
2. Une matrice carrée E ∈ Mn (A) inversible modulo le nilradical est inversible. Supposons
que d det(E) ≡ 1 modulo le nilradical. Posons F = dE e (E e matrice cotransposée de E).
−1
Alors E est dans le sous-anneau de Mn (A) engendré par les coefficients du polynôme
caractéristique de E, d et E, plus précisément : la matrice In − EF = (1 − d det(E))In est
nilpotente et
E −1 = F − d det(E))k .
P
k>0 (1
b) Cette suite est unique au sens suivant, si b(m) est une autre suite vérifiant les exigences du
a), alors pour tout m, a(m) ≡ b(m) mod Nm .
c) Soit A1 le sous-anneau engendré par les coefficients des fi , par ceux de U et par les coor-
données de a. Dans cet anneau soit N1 l’idéal engendré par les coefficients de In − U J(a)
et les coordonnées de a. Si les générateurs de N1 sont nilpotents, la suite converge en un
nombre fini d’étapes vers un vrai zéro du système f , et c’est l’unique zéro du système
congru à a modulo N1 .
Nous laissons les démonstrations à la lectrice (cf. [87]) en remarquant que l’itération concernant
l’inverse de la matrice jacobienne peut être justifiée par la méthode de Newton linéaire ou par le
calcul suivant dans un anneau non nécessairement commutatif :
J Le point 1a) est laissé au lecteur. Une version plus forte est démontrée dans le lemme 9.5.1.
Le point 1b) est un corollaire de la méthode de Newton quadratique en considérant le polynôme
T 2 − T , et en remarquant que 2e − 1 est inversible modulo N puisque (2e − 1)2 = 1 modulo N.
Pour le point 2. on applique le point 1. en considérant l’anneau commutatif A[E] ⊆ End(An ).
I
Exercices et problèmes
Exercice 3.1 (interpolation de Lagrange) Soit A un anneau commutatif.
1. Soient f, g ∈ A[X] et a1 , . . . , ak des éléments de A tels que ai − aj est régulier pour i 6= j.
(a) Si a1 , . . . , ak ∈ A sont des zéros de f , f est multiple de (X − a1 ) · · · (X − ak ).
(b) Si f (ai ) = g(ai ) pour i ∈ J1..kK et si deg(f − g) < k alors f = g.
2. Si A est intègre et infini, l’élément f de A[X] est caractérisé par la fonction polynomiale qu’il
définit sur A.
3. (polynôme d’interpolation de Lagrange) Soient x0 , . . . , xn n + 1 éléments de A tels que les xi − xj
soient tous inversibles (pour i 6= j). Alors pour n’importe quels y0 , . . . , yn dans B il existe exactement
un polynôme f de degré 6 n tel que pour chaque j ∈ J0..nK on ait f (xj ) = yj .
Plus précisément le polynôme fi de degré 6 n tel que fi (xi ) = 1 et fi (xj ) = 0 pour j 6= i est égal à
Q
j∈J0..nK,j6=i (X − xj )
fi = Q
j∈J0..nK,j6=i (xi − xj )
P
et le polynôme d’interpolation f ci-dessus est égal à i∈J1..nK yi fi .
4. Avec les mêmes hypothèses, en posant h = (X − x0 ) · · · (X − xn ), on obtient un isomorphisme
naturel d’A-algèbres A[X]/hhi → An+1 , g 7→ (g(x0 ), . . . , g(xn )).
Exercices et problèmes 107
5. Interprétez les résultats précédents avec l’algèbre linéaire (matrice et déterminant de Vandermonde)
et avec le théorème des restes chinois (utilisez les idéaux deux à deux comaximaux hX − xi i).
Exercice 3.2 (Générateurs de l’idéal d’un ensemble fini) Voir aussi l’exercice 14.4.
Soit K un corps discret et V ⊂ Kn un ensemble fini. On va montrer que l’idéal a(V ) =
{ f ∈ K[x] | ∀ w ∈ V, f (w) = 0 } est engendré par n éléments (notez que cette borne ne dépend pas
de #V et que le résultat est clair pour n = 1). On note πn : Kn → K la n-ième projection et pour chaque
ξ ∈ πn (V ),
Vξ = (ξ1 , . . . , ξn−1 ) ∈ Kn−1 | (ξ1 , . . . , ξn−1 , ξ) ∈ V .
1. Soit U ⊂ K une partie finie et pour chaque ξ ∈ U , un polynôme Qξ ∈ K[x1 , . . . , xn−1 ]. Expliciter
un polynôme Q ∈ K[x] vérifiant Q(x1 , . . . , xn−1 , ξ) = Qξ pour tout ξ ∈ U .
2. Soit V ⊂ Kn une partie telle que πn (V ) soit finie. On suppose que pour chaque ξ ∈ πn (V ), l’idéal
a(Vξ ) est engendré par m polynômes. Montrer que a(V ) est engendré par m + 1 polynômes. Conclure.
Exercice 3.3 Dans cet exercice on propose une démonstration détaillée du théorème 3.1 page 62. On
considère l’anneau de polynômes A[X1 , . . . , Xn ] = A[X] et l’on note S = S1 , . . . , Sn les fonctions symé-
triques élémentaires des X. On introduit un autre jeu d’indéterminées, s = s1 , . . . , sn avec sur l’anneau
A[s] le poids δ défini par δ(si ) = i. On note ϕ : A[s] → A[X] l’homomorphisme d’évaluation défini par
ϕ(si ) = Si .
Tous les polynômes considérés sont des polynômes formels, car on ne suppose pas que A est discret. On
considère sur les monômes de A[X] = A[X1 , . . . , Xn ] l’ordre deglex pour lequel deux monômes sont
d’abord comparés selon leur degré total, puis ensuite selon l’ordre lexicographique avec X1 > · · · > Xn .
Ceci fournit pour un f ∈ A[X] (formellement non nul) une notion de monôme formellement dominant
que l’on note md(f ). Cet (( ordre monomial )) est clairement isomorphe à (N, 6).
0. Vérifier que tout polynôme formel symétrique de A[X] est égal à un polynôme formellement symétrique,
i.e. invariant par l’action de Sn en tant que polynôme formel.
1. (injectivité de ϕ) Soit α = (α1 , . . . , αn ) un exposant décroissant (α1 > · · · > αn ). On pose βi = αi − αi+1
(i ∈ J1..n − 1K). Montrer que
β
md(S1β1 S2β2 · · · Sn−1
n−1
Snαn ) = X1α1 X2α2 · · · Xnαn .
En déduire que ϕ est injectif.
2. (fin de la démonstration des points 1. et 2. du théorème 3.1) Soit f ∈ A[X] un polynôme formellement
symétrique, formellement non nul, et X α = md(f ).
– Montrer que α est décroissant. En déduire un algorithme pour écrire tout polynôme symétrique de
A[X] comme un polynôme en S1 , . . . , Sn à coefficients dans A, i.e. dans l’image de ϕ. La terminaison
de l’algorithme peut être prouvée par récurrence sur l’ordre monomial, isomorphe à N.
– À titre d’exemple, écrire le symétrisé du monôme X14 X22 X3 dans A[X1 , . . . , X4 ] comme polynôme
en les Si .
3. (démonstration du point 3. du théorème).
– Soit g(T ) ∈ B[T ] un polynôme unitaire de degré n > 1. Montrer que B[T ] est un B[g]-module libre
de base 1, T, . . . , T n−1 . En déduire que A[S1 , . . . , Sn−1 ][Xn ] est libre de base 1, Xn , . . . , Xnn−1 sur
A[S1 , . . . , Sn−1 ][Sn ].
– On note S 0 = S10 , . . . , Sn−1
0
les fonctions symétriques élémentaires de X1 , . . . , Xn−1 . Montrer que
0
A[S , Xn ] = A[S1 , . . . , Sn−1 , Xn ].
– Déduire des deux points précédents que A[S 0 , Xn ] est un A[S]-module libre de base 1, Xn , . . . , Xnn−1 .
– Conclure par récurrence sur n que la famille
{ X α | α = (α1 , . . . , αn ) ∈ Nn , ∀k ∈ J1..nK, αk < k }
forme une base de A[X] sur A[S].
4. (une autre démonstration du point 3. du théorème, et même plus, après avoir lu la section 3.4).
Montrer
Pn que A[X] est canoniquement isomorphe à l’algèbre de décomposition universelle du polynôme
tn + k=1 (−1)k sk tn−k sur l’anneau A[s1 , . . . , sn ].
Exercice 3.5 (les sommes de Newton et les fonctions symétriques complètes) On note Si ∈ A[X] =
A[X1 , . . . , Xn ] les fonctions symétriques élémentaires en convenant de Si = 0 pour i > n et de S0 = 1 ;
pour r > 1, on définit les sommes de Newton Pr = X1r + · · · + Xnr . On travaille dans l’anneau des séries
formelles A[X][[t]] en introduisant :
P (t) = r>1 Pr tr , E(t) = r>0 Sr tr
P P
1. Vérifier :
Pn Xi
P (t) = i=1 1−Xi t
2. Si u ∈ B[[t]] est inversible, on introduit sa dérivée logarithmique Dlog (u) = u0 u−1 ; on obtient ainsi
un morphisme Dlog : (B[[t]]× , ×) → (B[[t]], +).
3. En utilisant la dérivée logarithmique, montrer la relation de Newton :
E 0 (t)
P (−t) = E(t) ou encore P (−t)E(t) = E 0 (t)
4. Pour d > 1, en déduire la formule de Newton :
Pd r−1
r=1 (−1) Pr Sd−r = dSd
X α ; ainsi H1 = S1 ,
P
Pour r > 0, on définit la fonction symétrique complète de degré r par Hr = |α|=r
P P
H2 = i6j Xi Xj , H3 = i6j6k XiXj Xk , et l’on pose :
H(t) = r>1 Hr tr
P
5. Montrer que :
Pn 1
H(t) = i=1 1−Xi t
6. En déduire que H(t)E(−t) = 1 puis que pour d ∈ J1..nK :
Pd r
r=0 (−1) Sr Hd−r = 0, Hd ∈ A[S1 , . . . , Sd ], Sd ∈ A[H1 , . . . , Hd ]
7. On note ϕ : A[S1 , . . . , Sn ] → A[S1 , . . . , Sn ] défini par ϕ(Si ) = Hi . Montrer que ϕ(Hd ) = Sd pour
d ∈ J1..nK puis que ϕ ◦ ϕ = IA[S] . En déduire que H = H1 , . . . , Hn sont algébriquement indépendants
sur A, que A[S] = A[H], et que l’expression de Sd en fonction de H1 , . . . , Hd est la même que celle
de Hd en fonction de S1 , . . . , Sd .
Exercice 3.7 Soit c = c(f ) le contenu de f ∈ A[T ]. Le lemme de Dedekind-Mertens donne : AnnA (c)[T ] ⊆
AnnA[T ] (f ) ⊆ DA (AnnA (c))[T ]. Donner un exemple pour lequel il n’y a pas égalité.
Exercice 3.9 On peut donner une explication très précise pour le fait que l’idéal J (f ) (définition 3.4.1)
est égal à l’idéal engendré par les modules de Cauchy. Cela fonctionne avec une belle formule. Introduisons
une nouvelle variable T . Démontrez les résultats suivants.
1. Dans A[X1 , . . . , Xn , T ], on a
– D’une part, sur la base 1, T, T 2 , . . . , T n il a pour coordonnées (−1)n (sn −Sn ), . . . , (s2 −S2 ), −(s1 −
S1 ), 0
– D’autre part, sur la base 1, (T − X1 ), (T − X1 )(T − X2 ), . . . , (T − X1 ) · · · (T − Xn ) il a pour
coordonnées f1 , f2 , . . . , fn , 0
En conséquence sur l’anneau A[X1 , . . . , Xn ], chacun des deux vecteurs
((−1)n (sn − Sn ), . . . , (s2 − S2 ), −(s1 − S1 )) et (f1 , . . . , fn−1 , fn )
s’exprime en fonction de l’autre au moyen d’une matrice unipotente (triangulaire avec des 1 sur la
diagonale).
Exercice 3.10 (le polynôme X p − a) Soit a ∈ A× et p un nombre premier ; on suppose que le polynôme
X p − a possède dans A[X] un diviseur unitaire non trivial. Montrer que a est une puissance p-ième dans
A.
Exercice 3.12 Soit B ⊇ A une A-algèbre intègre, libre de rang n. On note K = Frac(A), L = Frac(B).
Montrer que toute base de B/A est une base de L/K.
Pn 3.14 (Sommes
Exercice de Newton et Tr(Ak )) Soit une matrice A ∈ Mn (B). On pose CA (X) =
n j n−j
X + j=1 (−1) sj X , s0 = 1 et pk = Tr(Ak ).
1. Montrer que les pk et sj sont reliés par les formules de Newton pour les sommes des puissances k-ièmes
Pd
(exercice 3.5) : r=1 (−1)r−1 pr sd−r = dsd (d ∈ J1..nK).
2. Si Tr(Ak ) = 0 pour k ∈ J1..nK et n! est régulier dans B, alors CA (X) = X n .
NB : Cet exercice peut être considéré comme une variation sur le thème de la proposition 3.5.9.
Exercice 3.16 Le but de cet exercice est de montrer que dans un corps discret le groupe des racines
n-ièmes de l’unité est cyclique. En conséquence le groupe multiplicatif d’un corps fini est cyclique. On
montre un résultat à peine plus général.
Montrer que dans un anneau commutatif non trivial A, si des éléments (xi )i∈J1..nK forment un groupe G
pour la multiplication, et si xi − xj est régulier pour tout couple i, j (i 6= j), alors G est cyclique.
Suggestion : d’après le théorème de structure des groupes abéliens finis, un groupe abélien fini, noté
additivement, dans lequel toute équation dx = 0 admet au plus d solutions est cyclique. Utilisez aussi
l’exercice 3.1.
Exercice 3.20 (indice d’un sous-module de type fini dans un module libre)
1. Soit A ∈ Am×n et E ⊆ Am le sous-module image de A. Montrer que Dm (A) ne dépend que de E.
On appelle cet idéal l’indice de E dans L = Am , et on le note D(L:E) . On notera que cet indice est nul
dès que E ne s’approche pas suffisamment de L, par exemple si n < m.
Vérifier que dans le cas où A = Z on retrouve l’indice usuel du sous-groupe d’un groupe pour deux groupes
abéliens libres de même rang.
2. Si E ⊆ F sont des sous-modules de type fini de L ' Am on a D(L:E) ⊆ D(L:F ) .
3. Si en outre F est libre de rang m on a la formule de transitivité
D(L:E) = D(L:F ) D(F :E).
4. Si δ est un élément régulier de A on a D(δL:δE) = D(L:E) . En déduire l’égalité (3.14) page 94 annoncée
dans le lemme 3.8.15.
Exercice 3.21 (précision sur le fait 3.8.17) Soit dans un anneau A deux idéaux a et b tel que a b = hai
avec a régulier. Montrer que si a est engendré par k éléments on peut trouver dans b un système générateur
de k éléments.
7. Dans la littérature on trouve parfois un (( stathme )) défini comme une application ϕ : A → N ∪ {−∞}, ou
ϕ : A → N ∪ {−1} (la valeur minimum étant toujours ϕ(0)).
112 3. La méthode des coefficients indéterminés
– Montrer que cette décomposition reste valable dans tout anneau A tel que Z[α] ⊆ A ⊆ Z, où Z
est l’anneau des entiers de Q[α].
2. Soit a ∈ Z[α] tel que A = NZ[α]/Z (a) soit étranger à ∆. Soit a = hb1 , . . . , br i un idéal de type fini
de Z[α] contenant a. Montrer que dans Z[α] l’idéal a est inversible et se décompose en produits
d’idéaux maximaux qui divisent les facteurs premiers de A. Enfin cette décomposition est unique à
l’ordre près des facteurs et tout ceci reste valable dans tout anneau A tel que ci-dessus.
On va montrer que
Gψ (χ)Gψ (χ−1 ) = qχ(−1)
et donner des applications arithmétiques (question 4.).
1. Soit ϕ : G → A× un homomorphisme non trivial où G est un groupe fini. Montrer que x∈G ϕ(x) = 0.
P
2. Montrer que :
P −1 −χ(−1) si z 6= 0
x+y=z χ(x)χ (y) =
(q − 1)χ(−1) sinon
3. En déduire que Gψ (χ)Gψ (χ−1 ) = qχ(−1).
√
4. On considère k = Fp où p est un nombre premier impair, A = Q( p 1), et ζ une racine primitive p-ième
de l’unité dans A. Les caractères ψ et χ sont définis par :
χ(i mod p) = pi
ψ(i mod p) = ζ i , (symbole de Legendre)
a. Alors χ = χ−1 , les sommes de Gauss Gψ (χ), Gψ (χ−1 ) sont égales à
def P
τ = i∈F∗p pi ζ i ,
p−1
et en posant p∗ = (−1) 2 p (de sorte que p∗ ≡ 1 mod 4), on obtient :
√ √
τ 2 = p∗ , en particulier Q( p∗ ) ⊆ Q( p 1)
ζ i , τ1 = i∈F× i
P P
b. On définit τ0 = i∈F×2 ×2 ζ de sorte que τ = τ0 − τ1 . Montrer que τ0 , τ1 sont les
p p \Fp
∗ √
racines de X 2 + X + 1−p
4 et que l’anneau Z[τ0 ] = Z[τ1 ] est l’anneau des entiers de Q( p∗ ).
Maintenant A = Z (et K = Q) ; L est donc un corps de nombres. Pour i ∈ J1..nK, soit Fi l’ensemble des
éléments de L entiers sur Z de la forme (a1 e1 + · · · + ai ei )∆−1 avec aj ∈ N, 1 6 ai 6 |∆| et 0 6 aj < |∆|
si j < i ; c’est un ensemble fini contenant ei . Soit εi ∈ Fi dont la composante sur ei est minimum. On
veut montrer que (ε1 , . . . , εn ) est une Z-base de B ; B est donc un Z-module libre de rang n = [L : Q]. On
Li
pose, pour i ∈ J0..nK, Ei = B ∩ j=1 Qej .
Li
2. Montrer que Ei = j=1 Zεj . On a donc :
Li Li Li
j=1 Zej ⊆ Ei = j=1 Zεj , ∆Ei ⊆ j=1 Zej .
3. On considère le Z-module Ei /Ei−1 , libre de rang 1, de base εi . Soit ci l’indice de Zei dans Zεi .
Li Qi
Montrer que j=1 Zej ⊆ Ei est d’indice j=1 ci et que
Qn def Qn
disc(e) = disc(ε1 , . . . , εn ) i=1 c2i = DiscB/Z i=1 c2i .
2. Supposons que chaque a(Vξ ) ⊂ K[x1 , . . . , xn−1 ] (pour ξ ∈ πn (V )) soit engendré par m polynômes :
D E
a(Vξ ) = fjξ , j ∈ J1..mK , fjξ ∈ K[x1 , . . . , xn−1 ].
D’après le point 1, il existe fj ∈ K[x] vérifiant fj (x1 , . . . , xn−1 , ξ) = fjξ pour tout ξ ∈ πn (V ). On montre
alors en s’appuyant sur le point 1 que :
Q
a(V ) = hP, f1 , . . . , fm i avec P = ξ∈πn (V ) (xn − ξ)
On conclut par récurrence sur n.
Exercice 3.3
Pnl’anneau de polynômes B = A[s1 , . . . , sn ] où les si sont des indéterminées, puis le polynôme
4. Considérons
f (t) = tn + k=1 (−1)k sk tn−k ∈ B[t].
Considérons aussi l’algèbre de décomposition universelle
C = AduB,f = B[x1 , . . . , xn ] = A[x1 , . . . , xn ]
Qn
avec dans C[t], l’égalité f (t) = i=1 (t − xi ). Soient ρ : A[X1 , . . . , Xn ] → A[x1 , . . . , xn ] et ϕ :
A[s1 , . . . , sn ] → A[S1 , . . . , Sn ] les homomorphismes d’évaluation Xi 7→ xi et si 7→ Si .
On a clairement ρ(Si ) = si , donc en notant ρ1 la restriction de ρ à A[S]
ρ
/
A[X] o A[x]
et A[s] on a ϕ ◦ ρ1 = IdA[S] et ρ1 ◦ ϕ = IdA[s] . Ceci montre que les Si O ψ O
? ρ1
/ ?
sont algébriquement indépendants sur A et l’on peut identifier A[S] et A[S] o A[s]
A[s] = B. ϕ
Exercice 3.4 1) Soit f = (X13 +X23 +· · ·+Xn3 )−(S13 −3S2 S2 +3S3 ) ; c’est un polynôme symétrique homo-
gène de degré 3 ; il s’écrit donc f = g(S1 , . . . , Sn ) où g = g(Y1 , . . . , Yn ) est homogène en poids, de poids 3
pour le poids α1 +2α2 +· · ·+nαn . Comme α1 +2α2 +· · ·+nαn = 3 entraîne αi = 0 pour i > 3, g ne dépend
que de Y1 , Y2 , Y3 , disons g = g(Y1 , Y2 , Y3 ). Dans l’égalité (X13 + X23 + · · · + Xn3 ) − (S13 − 3S2 S2 + 3S3 ) =
g(S1 , S2 , S3 ), on réalise Xi := 0 pour i > 3 ; on obtient g(S10 , S20 , S30 ) = 0 où S10 , S20 , S30 sont les 3 fonctions
symétriques élémentaires de X1 , X2 , X3 . On en déduit que g = 0 puis f = 0.
2) Pour le premier, on peut supposer n = 3 ; on trouve S1 S2 − 3S3 . Pour les deux autres qui sont symé-
triques homogènes de degré 4, on travaille avec 4 indéterminées et l’on obtient S12 S2 − 2S22 − S1 S3 + 4S4
et S22 − 2S1 S3 + 2S4 .
3) Soient n > d et f (X1 , . . . , Xn ) un polynôme symétrique homogène de degré d. Soit h ∈ A[X1 , . . . , Xd ] =
f (X1 , . . . , Xd , 0, . . . , 0). Si h = 0 alors f = 0.
On peut traduire ce résultat en disant que l’on a des isomorphismes de A-modules au niveau des
composantes symétriques homogènes de degré d :
Exercice 3.7 On pose A = Z[U, V ]/ U 2 , V 2 = Z[u, v] = Z ⊕ Zu ⊕ Zv ⊕ Zuv.
a) On prend f = uT + v donc c = hu, vi. On a Ann(u) = Au, Ann(v) = Av, Ann(c) = Ann(u) ∩ Ann(v) =
Auv et D(Ann(c)) = c.
b) On pose g = uT − v. On a f g = 0 mais g ∈
/ Ann(c)[T ] ; on a u ∈ D(Ann(c)) mais u ∈
/ AnnA[T ] (f ) (idem
pour v).
Solutions d’exercices 117
Exercice 3.20
1. et 2. Ce sont des cas particuliers de ce qui est affirmé dans le fait 2.5.5.
3. On suppose L = Am . Si A ∈ Mm (A) est une matrice dont les colonnes forment une base de F , elle est
injective et son déterminant est régulier. Si B est une matrice correspondant à l’inclusion F ⊆ E, on a
D(L:F ) = hdet Ai, D(F :E) = Dm (B) et D(L:E) = Dm (AB),
d’où l’égalité souhaitée.
4. On a D(N :δN ) = hδ n i. On a aussi D(N :δM ) = δ n−1 hδ, a1 , . . . , an i : prendre pour système générateur de
δM la famille δe1 , . . . , δen , δz où e1 , . . . , en est une base de N (on utilise
M = N + Az) et calculer l’idéal
δ 0 0 a1
déterminantiel d’ordre n d’une matrice de type suivant (pour n = 3) 0 δ 0 a2
0 0 δ a3
Alors :
D(N :δN ) = D(N :δM ) D(δM :δN ) = D(N :δM ) D(M :N ),
c’est-à-dire hδ i = D(M :N ) δ n−1 hδ, a1 , . . . , an i, puis en simplifiant par δ n−1 : hδi = d hδ, a1 , . . . , an i.
n
Exercice 3.22 1. Si aa0 = aA avec a régulier alors b ⊆ a équivaut à ba0 ⊆ aA. On note que le test
fournit un idéal de type fini c = ba0 /a tel que ac = b en cas de réponse positive et un élément b ∈ / a parmi
les générateurs de b en cas de réponse négative.
2. Il est clair que les qi sont inversibles (et donc de type fini). On fait les tests b ⊆ qi . Si une réponse est
positive, par exemple b ⊆ q1 on écrit cq1 = b, d’où q2 · · · qn ⊆ c et l’on termine par récurrence.
Si tous les tests sont négatifs on a des xi ∈ b et yi ∈ A tels que 1 − xi yi ∈ qi (on suppose ici que les
quotients A/qi sont des corps discrets), d’où en faisant le produit 1 − b ∈ q1 · · · qn ⊆ b avec b ∈ b, donc
1 ∈ b.
Voyons enfin la question de l’unicité. Supposons que b = q1 · · · qk . Il suffit de montrer que si un idéal
maximal q de type fini contient b, il est égal à l’un des qi (i ∈ J1..kK). Puisque l’on peut tester q ⊆ qi , si
chacun des tests était négatif on aurait explicitement 1 ∈ q + qi pour chaque i et donc 1 ∈ q + b.
NB : Si l’on ne suppose pas b de type fini et A à divisibilité explicite, la démonstration du petit théorème
de Kummer nécessiterait que l’on sache au moins tester q ⊆ b pour tout (( sous-produit )) q de q1 · · · qn .
√
Exercice 3.24 Supposons x ∈ a ; comme a ⊆ b, dans A[T ]/b , x est nilpotent et inversible (puisque
xT = 1), donc A[T ]/b est l’anneau nul, i.e. 1 ∈ b.
Inversement, supposons 1 ∈ b et raisonnons dans l’anneau A[T ]/a[T ] = √ (A/a )[T ]. Puisque 1 ∈ b, 1 − xT
est inversible dans cet anneau, donc x est nilpotent dans A/a , i.e. x ∈ a.
Exercice 3.25 Application directe de la méthode de Newton en algèbre.
Exercice 3.26 On a B = A[x] = A ⊕ Ax avec x séparablement entier sur A. Notons z 7→ ze l’automor-
phisme de la A-algèbre B qui échange x et −b − x. Pour z ∈ B, on a CB/A (z)(T ) = (T − z)(T − ze). Ainsi
CB/A (ax)(T ) = T 2 + abT + a2 c de discriminant a2 ∆.
Soit ε ∈ A nilpotent non nul et posons y = (ε − 1)x ; alors y est séparablement entier sur A car
(ε − 1)2 ∆ est inversible. En outre z = x + y = εx est nilpotent non nul. Supposons que ε2 = 0 et soit
g ∈ A[X] un polynôme unitaire qui annule z, on va montrer que g n’est pas séparable. En effet, écrivons
g(X) = u+vX +X 2 h(X), alors z 2 = 0 donc u+vz = 0 et puisque B = A⊕Ax on obtient u = vε = 0. On a
alors g(X) = X`(X) avec `(0) = v non inversible (sinon, ε = 0) et disc(g) = disc(`) Res(X, `)2 = disc(`) v 2
est non inversible.
Problème 3.1 1. Soit f (X) = X n + c = (X − x1 ) · · · (X − xn ). Alors f 0 = nX n−1 et
n−1
Res(f, f 0 ) = f 0 (x1 ) · · · f 0 (xn ) = nn (x1 · · · xn )n−1 = nn (−1)n c = nn cn−1
Variante :
Qn−1
Res(f 0 , f ) = nn Res(X n−1 , f ) = nn i=1 f (0) = nn cn−1
2. Soit f (X) = X n + bX + c = (X − x1 ) · · · (X − xn ) ;
n(n−1) Qn
0 n−1
disc(f ) = (−1) 2 i=1 yi avec yi = f (xi ) = nxi +b
Pour calculer le produit des yi , on calcule le produit P des xi yi (celui des xi vaut (−1)n c) ; on a
xi yi = nxni + bxi = uxi + v avec u = (1 − n)b, v = −nc. On utilise les fonctions symétriques élémentaires
Sj (x1 , . . . , xn ) (presque toutes nulles) :
Qn Pn j n−j
i=1 (uxi + v) = j=0 u Sj (x1 , . . . , xn )v ,
Il vient :
Solutions d’exercices 119
Soient n, m > 2 avec pgcd(n, m) = 1, ζn , ζm , ζnm des racines de l’unité d’ordre n, m, nm ; on vérifie
facilement en utilisant le théorème chinois que Φnm = Φn ⊗ Φm . Comme Φn (0) = Φm (0) = 1 (car
n, m > 2), on a :
ϕ(m) ϕ(n)
∆nm = ∆n ∆m π
0
j0
(ζni ζm
j
− ζni ζm ), i, i0 variant dans (Z/nZ )× , j, j 0 dans (Z/mZ )× . Soit
Q
où π ∈ Z est le produit i6=i0
j6=j 0
C ⊂ (Z/nmZ )× × (Z/nmZ )× l’ensemble des couples (a, b) avec a, b inversibles modulo nm, a 6≡ b mod n,
a 6≡ b mod m ; en utilisant le théorème chinois, on voit que π est égal à
a b
Q
π = (a,b)∈C (ζnm − ζnm )
Si z 7→ z est la conjugaison complexe, on voit que π est de la forme zz car (a, b) ∈ C ⇒ (−a, −b) ∈ C
avec (a, b) 6= (−a, −b) ; donc π est un entier > 0. Par ailleurs, pour tout c ∈ Z non multiple ni de
n, ni de m, considérons ζnm c
qui est d’ordre nm/ pgcd(c, nm) = n0 m0 avec n0 = n/ pgcd(c, n) > 1,
m0 = m/ pgcd(c, m) > 1, pgcd(n0 , m0 ) = 1 ; donc n0 m0 n’est pas la puissance d’un nombre premier et
c c
d’après la question précédente, 1 − ζnm est inversible dans Z[ζnm ] a fortiori dans Z[ζnm ]. On en déduit
ϕ(m) ϕ(n)
que π est inversible dans Z[ζnm ] donc dans Z. Bilan : π = 1 et ∆nm = ∆n ∆m .
Enfin, si la formule qui donne le discriminant cyclotomique est vérifiée pour deux entiers n, m étrangers
entre eux, elle est vérifiée pour le produit nm (utiliser le premier point). Or elle est vraie pour des entiers
puissances d’un premier d’après la question 5., donc elle est vraie pour tout entier > 3.
120 3. La méthode des coefficients indéterminés
p−1
Problème 3.2 4. Considérons p ≡ 1 mod 4. Le polynôme Y 2 − 1 ∈ Fp [Y ] est de degré < #F×
p . Il
p−1 p−1
existe donc y ∈ F×
p non racine de ce polynôme ; on pose x = y
4 de sorte que x2 = y 2 6 1 ; mais
=
p−1
4 2
x = 1 donc x = −1. En fait, pour la moitié des y ∈ F×
p, on a y 2 = 1 (les carrés) et pour l’autre moitié
p−1
(les non-carrés) y 2 = −1.
Voyons la question de l’algorithme rapide. On entend par là que le temps d’exécution a pour ordre de
grandeur une petite puissance du nombre de chiffres de p.
On détermine d’abord un x ∈ Fp tel que x2 = −1. Pour cela on tire au hasard des entiers y sur J2..(p−1)/2K
p−1
et l’on calcule y 4 dans Fp (on utilise pour cela un algorithme rapide d’exponentiation modulo p). La
probabilité d’échec (lorsque le résultat est ±1) est de 1/2 à chaque tirage.
Une fois trouvé un tel x, il reste à calculer pgcd(x + i, p) avec l’algorithme d’Euclide. Comme la norme est
divisée par au moins 2 à chaque étape, l’algorithme est rapide.
NB : La méthode brutale qui consisterait à dire, (( puisque p ≡ 1 mod 4, il possède un facteur de la forme
m + in, et il ne reste qu’à essayer tous les m < p )), s’avère rapidement impraticable dès que p devient
grand.
5. La décomposition des diviseurs premiers de m est traitée dans le point précédent. Il reste à décomposer
n + qi.
Pour ce qui concerne la décomposition de n2 + q 2 , on sait déja que les seuls nombres premiers y figurant
sont 2 (avec l’exposant 1) ou des p ≡ 1 mod 4. Si u + vi est l’un des facteurs d’un p figurant dans n2 + q 2 ,
alors u + vi ou u − vi divise n + qi. Si p figure avec l’exposant k dans n2 + q 2 et si u + vi divise n + qi
alors u + viQ figure Qavecnjl’exposant k dans n + qi.
Si s = 2k i pm i
i
j qj avec les pi ≡ 3 mod 4 et les qj ≡ 1 mod 4, alors la condition pour que s soit
somme de deux carrés est que les mi soient tous pairs.
On note qu’à une écriture s = a2 + b2 avec 0 < a 6 b correspondent deux éléments conjugés a ± ib définis
à association près (par exemple multiplier par i revient à permuter a et b). Il s’ensuit que dans Qle cas où s
est somme de deux carrés, le nombre d’écritures de s comme somme de deux carrés est égal à 12 j (1 + nj )
sauf si les nj sont tous pairs, auquel cas on rajoute ou retranche 12 selon que l’on considère qu’une écriture
a2 + 02 est ou n’est pas légitime comme somme de deux carrés.
Par exemple avec 5 = N(a), a = 2 + i et 13 = N(b), b = 3 + 2i on obtient :
5 = N(a) donne 5 = 22 + 12 , 10 = N(a(1 + i)) = N(1 + 3i) donne 10 = 12 + 32 ,
53 = N(a3 ) = N(5a) donne 125 = 22 + 112 = 102 + 52 ,
54 = N(a4 ) = N(5a2 ) = N(25) donne 625 = 72 + 242 = 152 + 202 = 252 + 0,
52 × 13 = N(a2 b) = N(a2 b) = N(5b) donne 325 = 182 + 1 = 172 + 62 = 152 + 102 ,
53 × 13 = N(a3 b) = N(a3 b) = N(5ab) = N(5ab)
donne 1625 = 162 + 372 = 282 + 292 = 202 + 352 = 402 + 52 , et un calcul analogue donne 1105 =
5 × 13 × 17 = 92 + 322 = 332 + 42 = 232 + 242 = 312 + 122 .
Problème 3.3 1. Le discriminant se spécialise et ∆ est inversible modulo p.
Ensuite on note que Z[α]/hpi ' Fp [t] := Fp [T ]/hf (T )i. Ceci implique déjà que les hqk , pi sont maximaux
dans Z[α]. Le fait que pour j 6= k, hQj (t)i + hQk (t)i = h1i dans Fp [t] implique que hqj i + hqk i + hpi = h1i
dans Z[α] et donc aussi hqj , pi + hqk , pi = h1i. Par le théorème chinois le produit des hqk , pi est donc égal à
leur intersection, qui est égale à hpi parce que l’intersection des hQj (t)i dans Fp [t] est égale à leur produit,
qui est nul. Q`
Notons que l’égalité hpi = k=1 hp, Qk (α)i se maintient dans tout anneau contenant Z[α]. Même chose
pour le caractére comaximal des idéaux.
Si l’on passe de Z[α] à A, la seule chose qui reste donc à vérifier est que les idéaux hp, qk i restent bien
des idéaux maximaux (stricts). C’est bien le cas et les corps quotients sont isomorphes. En effet tout
élément de A s’écrit a/m avec a ∈ Z[α] et m2 qui divise ∆ (proposition 3.8.14), donc qui est étranger à p.
Il s’ensuit que l’application Z[α]/hp, qk i → A/hp, qk i est un isomorphisme.
2. On applique l’exercice 3.22.
Problème 3.4 1a. On en déduit pour des premiers p1 , p2 , . . . ne divisant pas n, que f (ξ p1 p2 ... ) = 0, i.e.
f (ξ m ) = 0 pour tout m tel que pgcd(n, m) = 1, ou encore f (ξ 0 ) = 0 pour tout ξ 0 , racine primitive n-ième
de l’unité. Donc f = Φn .
1b. Soit h(X) = pgcdQ[X] (f (X), g(X p )). Par le théorème de Kronecker h ∈ Z[X]. On a h(ξ) = 0 donc
deg h > 1. Raisonnons modulo p. On a g(X p ) = g(X)p , donc h | f , h | g p . Si π est un facteur irréductible
de h, π 2 est un facteur carré de X n − 1, mais X n − 1 est séparable dans Fp [X].
Solutions d’exercices 121
n(n−1) (n+2)(n+3)
Note : le discriminant du polynôme X n + c est (−1) 2 nn cn−1 donc celui de X n − 1 est (−1) 2 nn .
2. Soit G un groupe cyclique d’ordre n (comme Un ). Pour m ∈ Z/nZ , on définit em : G → G par
em (x) = xm . On obtient ainsi tous les endomorphismes du groupe G. En outre em ∈ Aut(G) si, et
seulement si, m ∈ (Z/nZ )× . D’où des isomorphismes canoniques de groupes multiplicatifs entre Aut(Un ),
(Z/nZ)× et Gal(Qn /Q) : si m ∈ (Z/nZ)× , σm ∈ Gal(Qn /Q) est l’unique automorphisme de Qn qui élève
à la puissance m n’importe quelle racine n-ième de l’unité.
3. Supposons connaître un corps de racines L en tant qu’extension strictement finie de K. On obtient un
morphisme injectif de groupes AutK (L) → Aut(Un ), σ 7→ σ|Un . En particulier, AutK (L) est un groupe
abélien isomorphe à un sous-groupe de (Z/nZ)× . Par ailleurs, pour toute racine primitive n-ième de l’unité
ξ dans L, on a L = K(ξ) ; on en déduit que tous les facteurs irréductibles de Φn (X) dans K[X] ont même
degré [L : K]. Mais il n’est pas évident a priori de préciser quel type d’opération sur K est nécessaire
pour factoriser Φn (X) dans K[X]. Voici un exemple où les choses sont suffisamment précises et où l’on
p−1 √
peut déterminer de manière certaine [L : K] : p est premier > 3, p∗ = (−1) 2 p et K = Q( p∗ ), alors
K ⊆ Qp (Gauss), la seule racine p-ième de l’unité contenue dans K est 1 et Φp (X) se factorise dans K[X]
en produit de deux polynômes irréductibles de même degré p−1 2 .
Problème 3.5
1a. On a d’une part A/p i ' Fp [X] fi donc pi est maximal. D’autre part, soit A = A/pA ' Fp [X] Φn
√
et π : A A la surjection canonique ; alors pA = π −1 (DA (0)) et :
DA (0) = hgi Φn ' f1 Φn × · · · × f k Φn
d’où le résultat.
1b. Résulte du fait que Φn est séparable modulo p.
1c. On vérifie facilement les égalités suivantes dans Z[X] :
k
k−1 Φm (X p )
Φn (X) = Φmp (X p )=
Φm (X pk−1 )
Le polynôme
√ Φm est séparable modulo p donc la partie sans facteur carré de Φn modulo p est g = Φm ;
d’où pA = hp, Φm (ζn )i.
Montrons que p ∈ hΦm (ζn )i. Si ζp ∈ Un est une racine primitive p-ième de l’unité, on :
Pp−1 Qp−1
Φp (X) = i=0 X i = j=1 (X − ζpj )
d’où, en faisant X := 1 :
Qp−1
p = j=1 (1 − ζpj ) ∈ h1 − ζp i
k−1
D k−1
E k−1
En appliquant cela à ζp = ζnmp , on obtient p ∈ 1 − ζnmp . Mais X mp − 1 est un multiple de Φm
k−1
dans Z[X], donc ζnmp − 1 est un multiple de Φm (ζn ) dans A, d’où p ∈ hΦm (ζn )i.
√
1d. Comme pA = p1 · · · pk = hΦm (ζn )i est de type fini, il y a un exposant e tel que (p1 · · · pk )e ⊆ pA et
l’on applique l’exercice 3.22. Note : on peut prendre e = ϕ(pk ) = pk − pk−1 .
2. Le premier point est immédiat. Ensuite, si a est un idéal de type fini non nul de A, il contient un
élément z non nul. Alors a = NQn/Q (z) = ze z est un entier non nul appartenant à a. On écrit aA ⊆ a
comme produit d’idéaux maximaux inversibles et l’on applique de nouveau à a l’exercice 3.22.
P P
Problème 3.6 1. Soit Px0 ∈ G tel que ϕ(x0 ) 6= 1. On écrit x∈G ϕ(x) = x∈G ϕ(xx0 ) ce qui conduit à
Sϕ(x0 ) = S avec S = x∈G ϕ(x), c’est-à-dire (1 − ϕ(x0 ))S = 0 d’où S = 0.
2. Remarquons d’abord que χ−1 (−1) = χ(−1) puisque χ(−1)2 = χ((−1)2 ) = 1. On écrit :
−1 x
P P
x+y=z χ(x)χ (y) = x6=0,z χ z−x
x
6 0, x 7→ z−x
Si z = est une bijection de k ∪ {∞} sur k ∪ {∞} qui transforme z en ∞, ∞ en −1, 0 en 0
donc réalise une bijection de k× \ {z} sur k× \ {−1}. On peut donc écrire :
−1
P P P
x+y=z χ(x)χ (y) = v∈k× \{−1} χ(v) = v∈k× χ(v) − χ(−1) = 0 − χ(−1)
Si z = 0 :
122 3. La méthode des coefficients indéterminés
χ(x)χ−1 (y) =
P P
x+y=z x6=0 χ(−1) = (q − 1)χ(−1)
3. On écrit :
Gψ (χ)Gψ (χ−1 ) = χ(x)χ−1 (y)ψ(x + y) =
P P
x,y z∈k S(z)ψ(z)
−1
P
avec S(z) = x+y=z χ(x)χ (y). D’où :
Gψ (χ)Gψ (χ−1 )
P
= (q − 1)χ(−1) − χ(−1) z6=0 ψ(z)
P
= qχ(−1) − χ(−1) z∈k ψ(z) = qχ(−1)
4. Première question immédiate. En utilisant τ0 + τ1 = −1 et 4τ0 τ1 = (τ0 + τ1 )2 − (τ0 − τ1 )2 , on obtient
∗
τ0 τ1 = 1−p
4 . Le reste suit.
Problème 3.7 1. Si g(x) = 0, avec x ∈ Z et g(X) ∈ Z[X] unitaire, alors x | g(0). Ici ±1, ±2, ±4, ±8 ne
sont pas racines de f (X), donc ce polynôme est irréductible. Le discriminant du polynôme X 3 +aX 2 +bX +c
est :
18abc − 4a3 c + a2 b2 − 4b3 − 27c2 d’où le résultat pour a = 1, b = −2, c = 8.
−1
2. L’élément β = 4α ∈ Q(α) est entier sur Z puisque :
/α3 ×8
α3 + α2 − 2α + 8 = 0 =⇒ 1 + α−1 − 2α−2 + 8α−3 = 0 =⇒ 8 + 2β − β 2 + β 3 = 0.
Pour vérifier que A = Z ⊕ Zα ⊕ Zβ est un anneau, il suffit de voir que α2 , αβ, β 2 ∈ A. C’est clair
pour αβ = 4. On a α2 + α − 2 + 2β = 0, donc α2 = 2 − α − 2β ; et β 3 − β 2 + 2β + 8 = 0 donc
β 2 = β − 2 − 8β −1 = β − 2 − 2α. L’expression de 1, α, α2 sur la base 1, α, β est fournie par :
1 α α2
1 1 0 2
α 0 1 −1
β 0 0 −2
L’anneau Z[α] est donc d’indice 2 dans A ; il s’ensuit :
DiscZ[α]/Z = [A : Z[α]]2 · DiscA/Z donc DiscA/Z = −503.
Le discriminant de A étant sans facteur carré, A est l’anneau des entiers de Q(α).
3. Montrons que α, β, γ := 1 + α + β forment, modulo 2, un système fondamental d’idempotents ortho-
gonaux :
α + α2 = 2 − 2β, β 2 − β = 2 − 2α, αβ = 4,
d’où modulo 2 :
α ≡ α2 , β ≡ β2, γ 2 ≡ γ, α + β + γ ≡ 1, αβ ≡ 0, αγ ≡ 0, βγ ≡ 0.
On a donc A/2A = F2 α ⊕ F2 β ⊕ F2 γ. Si l’on veut calculer la factorisation de 2 dans A, on remarque que
(α, β, γ) est une Z-base de A et qu’en désignant par π la réduction modulo 2, π : A → A/2A, on obtient
les (trois) idéaux premiers de A au dessus de 2, par exemple : a = π −1 ({0} ⊕ F2 β ⊕ F2 γ) = h2α, β, γi.
Ainsi en posant b = hα, 2β, γi, c = hα, β, 2γi, on a A/a ' A/b ' A/c ' F2 , 2A = abc = a ∩ b ∩ c.
De manière générale, soit K un corps de nombres vérifiant n := [K : Q] > 3 et 2 totalement décomposé
dans K. Alors l’anneau ZK des entiers de K n’est pas monogène, i.e. il n’existe pas x ∈ ZK tel que
ZK = Z[x]. En effet, ZK /2ZK ' Fn2 et Fn2 n’admet pas d’élément primitif sur F2 si n > 2.
4. En multipliant 1 ∈ f + b par B0 , on obtient B0 ⊆ fB0 + b0 ⊆ B + b0 prouvant que B → B0 /b0 est
surjective. Montrons que B → B0 /b0 est injective, i.e. b0 ∩ B = b, en multipliant 1 ∈ f + b par b0 ∩ B ;
b0 ∩ B ⊆ (b0 ∩ B)f + (b0 ∩ B)b ⊆ bB0 f + b ⊆ bB + b ⊆ b.
5. Dans le contexte précédent, soient x ∈ ZK de degré n = [K : Q] et d = [ZK : Z[x]]. On a dZK ⊆ Z[x]
et d peut servir de conducteur de Z[x] dans ZK . Si 2 6 | d, par l’évitement de Dedekind, ZK /2ZK '
Z[x]/2Z[x] = F2 [x] ; or ZK /2ZK ' Fn2 n’admet pas d’élément primitif sur F2 pour n > 3.
Q
Problème 3.8 1. z ∈ B est racine de σ∈G (T − z), polynôme unitaire à coefficients dans A.
2. m = m est clair. Calculons m2 en écrivant d = 4q + 1, donc 1 + d = 2(2q + 1) :
D √ √ E
m2 = 1 + 2 d + d, 1 − d, 1 − 2 d + d
D √ √ E D √ √ E
= 2 2q + 1 + d, 2q, 2q + 1 − d = 2 1 + d, 1 − d = 2m
√ √ √
Par ailleurs, comme Z-module, m = Z(1 +√ d) ⊕ Z(1 − d) = 2Z ⊕ Z(1 ± d). On ne peut pas simplifier
m2 = 2m par m (car m 6= 2B vu que 1 ± d ∈ / 2B), donc m n’est pas inversible. On a NG (m) = 2Z donc
NG (m)B = 2B 6= N0G (m).
Solutions d’exercices 123
√
L’application canonique Z → √B/m est surjective (puisque x + y d ≡ x + y mod m), de noyau 2Z, donc
F2 ' B/m. Ou encore x + y d → (x + y) mod 2 définit un morphisme surjectif d’anneaux B F2 , de
noyau m.
√ √
Notons N(b) = #(B/b) pour b non nul. Si z = x(1 + d) + y(1 − d) ∈ m avec x, y ∈ Z, alors
NG (z) = (x + y)2 − d(x − y)2 ≡ 4xy mod 4. Donc NG (z) ∈ 4Z pour tout z ∈ m, mais N(m) = 2. On a
N(m2 ) = N(2m) = 4N(m) = 8 mais N(m)2 = 4.
3. Soit b = hb1 , . . . , bn i et n indéterminées X = (X1 , . . . , Xn ). Introduisons le polynôme normique h(X) :
Q
h(X) = hσ (X) avec hσ (X) = σ(b1 )X1 + · · · + σ(bn )Xn
σ∈G
On a h(X) ∈ A[X] ; notons d un générateur de c(h)A . Comme B Qest intégralement clos et c(h)B = dB
principal, on peut appliquer la proposition 3.8.11 : on a alors σ c(hσ )B = c(h)B = dB, c’est-à-dire
N0G (b) = dB.
On va utiliser A intégralement clos (car A de Bezout). Soit a ∈ A ∩ dB ; alors a/d ∈ Frac(A) est entier
sur A (car a/d ∈ B) donc a/d ∈ A, i.e. a ∈ dA. Bilan : A ∩ dB = dA i.e. NG (b) = dA.
Par définition, les évaluations du polynôme normique h sur Bn sont les normes d’éléments de l’idéal b ;
elles appartiennent à l’idéal de A engendré par les coefficients du polynôme normique, cet idéal de A
étant NG (b).
Si #G = 2, le coefficient de X1 X2 dans h est :
h(1, 1, . . . , 0) − h(1, 0, . . . , 0) − h(0, 1, . . . , 0) = NG (b1 + b2 ) − NG (b1 ) − NG (b2 )
Ceci revient d’ailleurs à écrire b1 b2 + b2 b1 = NG (b1 + b2 ) − NG (b1 ) − NG (b2 ). Idem, le coefficient de Xi Xj
dans h est, pour i 6= j, NG (bi + bj ) − NG (bi ) − NG (bj ). En conséquence, l’idéal de A engendré par les
normes NG (bi ) et NG (bi + bj ) contient tous les coefficients de h(X) ; c’est donc l’idéal NG (b).
Problème 3.9 1. Pour x ∈ L, on a x = j TrL/K (xej )e0j . Si x ∈ B, alors TrL/K (xe
P
Pj ) est un élément de
K entier sur A donc dans A ; ceci démontre l’inclusion du milieu. En écrivant ei = j TrL/K (ei ej )e0j , on
obtient te = A te0 avec A = (TrL/K (ei ej )) ∈ Mn (A) de déterminant ∆, d’où l’inclusion de droite.
2. C’est évident pour i = 0. Pour i > 1, soit ai ∆−1 la composante de εi sur ei , a∆−1 celle d’un x ∈ Ei
(donc ai ∈ N? , a ∈ Z). On écrit la division euclidienne a = qai + r avec 0 6 r < ai . Alors la composante
sur ei de x − qεi est r∆−1 donc r = 0 d’après le choix de εi . D’où x − qεi ∈ Ei−1 et l’on termine par
récurrence.
3. Résulte du fait que la matrice exprimant e1 , . . . , ei dans la base ε1 , . . . εi de Ei est triangulaire de
diagonale (c1 , . . . , ci ).
Problème 3.10 1. Si F (G) = X, on a JAC(F )(0) ◦ JAC(G)(0) = IAn ; JAC(G)(0) étant inversible,
on peut appliquer le résultat à G : il existe H ∈ Sn vérifiant G(H) = X. Grâce à l’associativité de la
composition, on a F = H et F, G sont inverses l’un de l’autre (comme transformations de Sn ).
2. Immédiat. Et l’on peut vérifier a posteriori que Φ(Sn ) ⊆ Sn et Φ(G) = G ⇐⇒ F (G) = X.
3. On écrit F (X) = J0 · X + F2 (X) où le vecteur F2 (X) a ses composantes de degré > 2 en X. D’où
J0−1 · (F (G) − F (H)) = G − H + J0−1 · (F2 (G) − F2 (H)) puis Φ(G) − Φ(H) = −J0−1 · (F2 (G) − F2 (H)).
Supposons Gi − Hi ∈ md (d > 1), et montrons que chaque composante de Φ(G) − Φ(H) appartient à
md+1 ; il en résultera l’inégalité voulue. Une telle composante est une combinaison A-linéaire de Gα − H α
avec α ∈ Nn et |α| > 2. Pour simplifier les notations, faisons n = 3 et écrivons :
Gα − H α = (Gα α1 α2 α3 α2 α2 α1 α3
1 − H1 )G2 G3 + (G2 − H2 )H1 G3 + (G3 − H3 )H1 H2
1 α3 α3 α1 α2
Comme les Hi , Gi sont sans terme constant, on a, sauf peut-être pour (α2 , α3 ) = (0, 0) ou (α1 , α3 ) = (0, 0)
ou (α1 , α3 ) = (0, 0), Gα − H α ∈ md+1 . Il reste à voir les cas particuliers, par exemple α2 = α3 = 0 ; dans
ce cas, puisque α1 − 1 > 1 :
j
Gα − H α = Gα α1 i d+1
P
1 − H1 = (G1 − H1 ) i+j=α1 −1 G1 H1 ∈ m
1
On a donc établi d(Φ(G), Φ(H)) 6 d(G, H)/2 ; cela assure en particulier qu’il existe au plus un point fixe
de Φ. Soient G(0) ∈ Sn , par exemple G(0) = 0, et la suite G(d) définie par G(d+1) = Φ(G(d) ). Pour d > 1,
chaque composante de G(d) − G(d−1) est dans md , ce qui permet de définir G ∈ Sn par :
G = d>1 (G(d) − G(d−1) )
P
G est la limite des G(d) pour d 7→ ∞ ; c’est un point fixe de Φ i.e. F (G) = X.
4. Supposons G(F ) = X ; donc G(F (0)) = 0. On pose Fe = F − F (0), G e = G(X + F (0)) de sorte que
F (0) = G(0) = 0 et G(F ) = X. On en déduit F (G) = X puis F (G) = X.
e e e e e e
5. On vérifie dans les deux cas que Jac(F ) est inversible ; on a en fait Jac(F ) = 1. Pour le premier, on
obtient G (de même degré maximum que F ) en itérant Φ 4 fois :
124 3. La méthode des coefficients indéterminés
Commentaires bibliographiques
La preuve du lemme de Dedekind-Mertens 3.2.1 page 63 est prise dans Northcott [130] (il
l’attribue à Artin).
Le théorème de Kronecker 3.2 page 65 se trouve dans [110, Kronecker]. Il est également
démontré par Dedekind [52] et Mertens [124].
Concernant les résultants et sous-résultants en une variable, un livre de référence est
[Apéry & Jouanolou]. On regrettera cependant l’absence de bibliographie : même si les ré-
sultats sont soit très anciens soit complètement nouveaux, on ne voit pas l’utilité de cacher les
sources exactes. Un autre livre important pour les questions algorithmiques sur le sujet est le
[Basu, Pollack & Roy].
La construction d’un corps de racines abstrait pour un polynôme séparable donnée dans le
théorème 3.6 page 80 est (à très peu près) celle décrite par Jules Drach dans [61], qui semble
être celui qui introduit l’algèbre de décomposition universelle comme outil fondamental pour
étudier les extensions algébriques de corps.
La preuve télégraphique du théorème 3.7 page 91 nous a été suggérée par Thierry Coquand.
L’approche de Kronecker concernant la théorie des idéaux de corps de nombres fait l’objet
d’un survey historique dans [77, Fontana&Loper].
La démonstration du Nullstellensatz donnée dans la section 3.9 est inspirée de celle dans
[Basu, Pollack & Roy], elle même inspirée d’une démonstration de van der Waerden.
4. Modules de présentation finie
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
4.1 Définition, changement de système générateur . . . . . . . . . . . . 126
Digression sur le calcul algébrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
4.2 Idéaux de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
Relations triviales et suites régulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
Suites régulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
Un exemple en géométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
4.3 Catégorie des modules de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . 133
4.4 Propriétés de stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Cohérence et présentation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Produit tensoriel, puissances extérieures, puissances symétriques . . . . . . . 135
Changement d’anneau de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
Modules d’applications linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
Le caractère local des modules de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . 140
4.5 Problèmes de classification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Deux résultats concernant les modules de type fini . . . . . . . . . . . . . . . 141
4.6 Anneaux quasi intègres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
Définition équationnelle des anneaux quasi intègres . . . . . . . . . . . . . . . 142
Machinerie locale-globale élémentaire no 1 : des anneaux intègres aux anneaux
quasi intègres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Annulateurs des idéaux de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Principe local-global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
4.7 Anneaux de Bezout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Modules de présentation finie sur les anneaux de valuation . . . . . . . . . . 145
Modules de présentation finie sur les anneaux principaux . . . . . . . . . . . 146
4.8 Anneaux zéro-dimensionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Propriétés de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Anneaux zéro-dimensionnels réduits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
Propriétés caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
Définition équationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Machinerie locale-globale élémentaire no 2 : des corps discrets aux anneaux
zéro-dimensionnels réduits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Modules de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
Systèmes polynomiaux zéro-dimensionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
4.9 Idéaux de Fitting . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
Idéaux de Fitting d’un module de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . 154
Idéaux de Fitting d’un module de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
4.10 Idéal résultant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
126 4. Modules de présentation finie
Introduction
Sur un anneau les modules de présentation finie jouent un peu le même rôle que les espaces
vectoriels de dimension finie sur un corps : la théorie des modules de présentation finie est une
manière un peu plus abstraite, et souvent profitable, d’aborder la question des systèmes linéaires.
Dans les premières sections du chapitre on donne les bases de la théorie des modules de
présentation finie.
Dans la section 4.7 on traite l’exemple des modules de présentation finie sur les anneaux
principaux et dans la section 4.8 celui des modules de présentation finie sur les anneaux zéro-di-
mensionnels.
Enfin la section 4.9 est consacrée aux invariants importants que sont les idéaux de Fitting et
la section 4.10 introduit l’idéal résultant, comme application directe des idéaux de Fitting.
Soit u1 , . . . , un une base de V comme K-espace vectoriel et A la matrice de ϕ sur cette base.
Alors on peut montrer qu’une matrice de présentation de V comme K[X]-module pour le système
générateur (u1 , . . . , un ) est la matrice X In − A.
Lorsque l’on change de système générateur pour le module M ' Coker G les relations entre
les nouveaux générateurs forment de nouveau un module de type fini.
Supposons en effet avec les notations précédentes qu’un autre système générateur du A-
module M soit (h1 , . . . , hr ). On a donc des matrices H1 ∈ Aq×r et H2 ∈ Ar×q telles que
[ g1 · · · gq ] H1 = [ h1 · · · hr ] et [ h1 · · · hr ] H2 = [ g1 · · · gq ].
1. Si l’on considère qu’une matrice est donnée par deux entiers q, m > 0 et une famille d’éléments de l’anneau
indexée par les couples (i, j) avec i ∈ J1..qK, j ∈ J1..mK, on peut accepter une matrice vide de type k × 0, qui serait
la matrice canonique pour présenter un module libre de rang k.
4.1. Définition, changement de système générateur 127
Alors le module des relations entre les hj est engendré par les colonnes de H2 G et celles de
Ir − H2 H1 . En effet d’une part
[ h1 · · · hr ]H2 G et [ h1 · · · hr ] (Ir − H2 H1 )
sont clairement nuls. D’autre part si l’on a une relation de dépendance linéaire [ h1 · · · hr ] C = 0,
on en déduit [ g1 · · · gq ] H1 C = 0, donc H1 C = GC 0 pour un certain vecteur colonne C 0 et
C = ((Ir − H2 H1 ) + H2 H1 )C = (Ir − H2 H1 )C + H2 GC 0 = HC 00
C
où H = [ Ir − H2 H1 | H2 G ] et C 00 = .
C0
Cette possibilité de remplacer un système générateur par un autre tout en gardant un nombre
fini de relations est un phénomène extrêmement général. Il s’applique à toutes formes de structures
algébriques qui peuvent être définies par générateurs et relations. Par exemple pour les structures
dont tous les axiomes sont des égalités universelles. Voici comment cela fonctionne (il suffira de
vérifier dans chaque cas que le raisonnement s’applique bien).
Supposons que l’on a des générateurs g1 , . . . , gn et des relations R1 (g1 , . . . , gn ), . . .,
Rs (g1 , . . . , gn ) qui (( présentent )) une structure M . Si l’on a d’autres générateurs h1 , . . . , hm
on les exprime en fonction des gj sous forme hi = Hi (g1 , . . . , gn ). Notons Si (hi , g1 , . . . , gn ) cette
relation. On exprime les gj en fonction des hi : gj = Gj (h1 , . . . , hm ). Notons Tj (gj , h1 , . . . , hm )
cette relation.
La structure ne change pas si l’on remplace la présentation (g1 , . . . , gn ; R1 , . . . , Rs ) par
(g1 , . . . , gn , h1 , . . . , hm ; R1 , . . . , Rs , S1 , . . . , Sm ).
Comme les relations Tj sont vraies elles sont conséquences de R1 , . . . , Rs , S1 , . . . , Sm donc la
structure est toujours la même avec la présentation suivante
(g1 , . . . , gn , h1 , . . . , hm ; R1 , . . . , Rs , S1 , . . . , Sm , T1 , . . . , Tn )
Maintenant, dans chacune des relations Rk et Sj , on peut remplacer chaque gj par son expression
en fonction des hi (qui est donnée dans Tj ) et cela ne change toujours pas la structure présentée.
On obtient
(g1 , . . . , gn , h1 , . . . , hm ; R10 , . . . , Rs0 , S10 , . . . , Sm
0
, T1 , . . . , Tn )
Maintenant si l’on enlève un à un les couples (gj ; Tj ) il est clair que la structure ne change pas
non plus, donc on a la présentation finie
On peut reprendre ce raisonnement sous une forme matricielle dans le cas des modules de
présentation finie. Voici ce que cela donne.
Tout d’abord on constate que l’on ne change pas la structure de M lorsque l’on fait subir à
la matrice de présentation G une des transformations suivantes :
1. ajout d’une colonne nulle, (ceci ne change pas le module des relations entre des générateurs
fixés)
2. suppression d’une colonne nulle, sauf à obtenir une matrice vide,
3. remplacement de G, de type q × m, par G0 de type (q + 1) × (m + 1) obtenue à partir de
G en rajoutant une ligne nulle en dessous puis une colonne à droite avec 1 en position
(q + 1, m + 1), (ceci revient à rajouter un vecteur parmi les générateurs, en indiquant sa
dépendance par rapport aux générateurs précédents) :
0 G C
G 7→ G =
01,m 1
5. ajout à une colonne d’une combinaison linéaire des autres colonnes, (ceci ne change pas le
module des relations entre des générateurs fixés)
6. ajout à une ligne d’une combinaison linéaire des autres lignes, (par exemple si nous notons
Li la i-ième ligne, le remplacement de la ligne L1 par la ligne L1 + γL2 revient à remplacer
le générateur g2 par g2 − γg1 )
7. permutation de colonnes ou de lignes,
On voit ensuite que si G et H sont deux matrices de présentation d’un même module M , on
peut passer de l’une à l’autre au moyen des transformations décrites ci-dessus. Un peu mieux : on
voit que pour tout système générateur fini de M , on peut construire à partir de G, en utilisant
ces transformations, une matrice de présentation de M correspondant au nouveau système
générateur. Notez qu’en conséquence, un changement de base de Aq ou Am , qui correspond à la
multiplication de G (à gauche ou à droite) par une matrice inversible, peut être réalisé par les
opérations décrites précédemment.
Précisément, on obtient :
Lemme 4.1.1 Soient deux matrices G ∈ Aq×m et H ∈ Ar×n . Alors les propriétés suivantes
sont équivalentes.
1. G et H présentent (( le même )) module, c’est-à-dire leurs conoyaux sont isomorphes.
2. Les deux matrices de la figure 4.1 sont élémentairement équivalentes.
3. Les deux matrices de la figure 4.1 sont équivalentes.
m r q n
q G 0 0 0
r 0 Ir 0 0
m r q n
q 0 0 Iq 0
r 0 0 0 H
Fait 4.1.2 Un anneau est cohérent si, et seulement si, tout idéal de type fini est de présentation
finie (en tant que A-module). Un A-module est cohérent si, et seulement si, tout sous-module de
type fini est de présentation finie.
j-ième vecteur de la base canonique de An ), et tel que le (( résultat intéressant )) avait déjà lieu
dans P pour les ej .
En langage plus savant :
Tout A-module est limite inductive filtrante2 d’A-modules de présentation finie.
Lemme 4.2.1 (Idéaux déterminantiels de la matrice des relations triviales) Avec les notations
ci-dessus :
1. Dn (Ra ) = {0}.
2. Si 1 6 r < n, alors Dr (Ra ) = ar et
ar + Dr (U ) ⊆ Dr (W ) ⊆ a + Dr (U ).
En particulier on a l’équivalence
1 ∈ DA,r (W ) ⇐⇒ 1 ∈ DA/a,r (U ) où U = U mod a.
3. Dn (W ) = Dn (U ).
Il suffit de considérer les matrices suivantes extraites de Ra , et les mineurs extraits sur les 4
dernières lignes : (nous avons supprimé les 0 et remplacé ±ai par i pour mieux voir la structure)
2 3 4 5 2 3 4 2 3 2 3 2
1 1 5 1 4 5 1 4 1 3
, , ,
,
1 1 1 1 5 2 4 .
1 1 2 2 3 5
1 2 2 3 4
2. Cet énoncé nécessite un traitement un peu subtil en mathématiques constructives, et nous ne faisons donc
que signaler son existence.
130 4. Modules de présentation finie
Rappelons que Aα, β est la sous-matrice de A extraite sur les lignes α et les colonnes β.
Introduisons aussi la notation (( produit scalaire ))
def Pn
hx | yi = i=1 xi yi
pour deux vecteurs colonnes x et y.
Lemme 4.2.2
Soient A = (aij ) ∈ Mn (A), Aj = A1..n,j et z = t[ z1 · · · zn ] ∈ An×1 . Si A1 = t[ z2 − z1 0 · · · 0 ]
et sj = hz | Aj i pour j ∈ J2..nK, on a
Xn
det A = (−1)j sj det(A3..n, 2..n\{j} ).
j=2
La relation de dépendance linéaire de Cramer entre les colonnes d’une matrice dans Am×(m+1)
donne pour B les égalités
Xn Xn
(−1)j det(Bb ) Bj = 0 et (−1)j hy | Bj i det(Bb ) = 0
j=2 j=2
pour n’importe quel vecteur y ∈ A(n−2)×1 . En prenant y = t[ z3 · · · zn ] on voit que l’écart (∗)
est nul. I
Suites régulières
Définition 4.2.3 Une suite a1 , . . . , ak dans un anneau A est régulière si chaque ai est régulier
dans l’anneau A/haj ; j < ii.
Remarque. Nous avons retenu ici la définition de Bourbaki. La plupart des auteurs réclament en
outre que l’idéal ha1 , . . . , ak i ne contienne pas 1.
Comme premier exemple, pour tout anneau k la suite X1 , . . . , Xk dans k[X1 , . . . , Xk ] est
régulière.
Notre but est de monter qu’un idéal engendré par une suite régulière est un module de
présentation finie.
4.2. Idéaux de présentation finie 131
Nous établissons d’abord un petit lemme et une proposition. Rappelons qu’une matrice
M = (mij ) ∈ Mn (A) est dite alternée si c’est la matrice d’une forme bilinéaire alternée, i.e.
mii = 0 et mij + mji = 0 pour i, j ∈ J1..nK.
Le A-module des matrices alternées est libre de rang n(n−1)
2 et admet une base naturelle. Par
exemple, pour n = 3,
0 a b 0 1 0 0 0 1 0 0 0
−a 0 c = a −1 0 0 + b 0 0 0 + c 0 0 1 .
−b −c 0 0 0 0 −1 0 0 0 −1 0
Théorème 4.1 Si (z1 , . . . , zn ) est une suite régulière d’éléments de A, l’idéal hz1 , . . . , zn i est
un A-module de présentation finie : on a la suite exacte
Rz (z1 ,...,zn )
An(n−1)/2 −−→ An −−−−→ hz1 , . . . , zn i −→ 0.
132 4. Modules de présentation finie
Remarque. Les objets définis ci-dessus constituent une introduction au premier étage du complexe
de Koszul.
Un exemple en géométrie
Voici pour commencer une évidence fort utile.
Proposition et définition 4.2.6 (caractères) Soit ı : k → A une algèbre.
Un homomorphisme de k-algèbres ϕ : A → k est appelé un caractère.
Si A possède un caractère ϕ, ı ◦ ϕ est un projecteur et A = k.1A ⊕ Ker ϕ. En particulier A est
fidèle.
Kϕ Gϕ ϕ
KN / GN //N
AN πN
Gσ ◦ AN = AM ◦ Kσ et AN ◦ Z = Gϕ ◦ Gσ − IdGN
134 4. Modules de présentation finie
Ceci n’est autre qu’un système linéaire ayant pour inconnues les coefficients des matrices des
applications linéaires Gσ , Kσ et Z.
De manière analogue, si l’on se donne σ : N → M et si l’on se pose la question de savoir s’il
existe ϕ : M → N vérifiant ϕ ◦ σ = IdN , on devra résoudre un système linéaire dont les inconnues
sont les coefficients des matrices des applications linéaires Gϕ , Kϕ et Z.
De même si l’on se donne ϕ : M → N et si l’on se pose la question de savoir si ϕ est localement
simple, on doit savoir s’il existe σ : N → M vérifiant ϕ ◦ σ ◦ ϕ = ϕ et l’on obtient un système
linéaire ayant pour inconnues les coefficients des matrices des applications linéaires Gσ , Kσ et Z.
On en déduit des principes local-globals correspondants :
Principe local-global concret 4.1
(pour certaines propriétés des applications linéaires)
Soient S1 , . . . , Sn des monoïdes comaximaux de A, ϕ : M → N une application linéaire entre
modules de présentation finie. Alors les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. L’application linéaire ϕ admet un inverse à gauche (resp. admet un inverse à droite, resp.
est localement simple).
2. Pour i = 1, . . . , n, l’application linéaire ϕSi : MSi → NSi admet un inverse à gauche (resp.
un inverse à droite, resp. est localement simple).
Théorème 4.3 Sur un anneau cohérent tout module de présentation finie est cohérent. Sur
un anneau cohérent fortement discret tout module de présentation finie est cohérent fortement
discret.
M × NN
NNN ψ
NNN applications bilinéaires
ϕ NNN
NN&
P _ _ _θ !_ _ _/ R applications linéaires
Il est alors clair que ϕ : M × N → P est unique au sens catégorique, c’est-à-dire que pour
tout autre produit tensoriel ϕ0 : M × N → P 0 il y a un isomorphisme unique θ : P → P 0 qui rend
les diagrammes convenables commutatifs.
Si g est un système générateur de M et h un système générateur de N , une application
bilinéaire λ : M × N → P est connue à partir de ses valeurs sur les éléments de g × h. En outre les
valeurs λ(x, y) sont liées par certaines contraintes, qui proviennent des relations entre éléments
de g dans M et des relations entre éléments de h dans N . Par exemple si l’on a une relation
a1 x1 + a2 x2 + a3 x3 =M 0 entre les éléments x1 , x2 , x3 de g, avec les ai dans A, cela fournit pour
chaque y ∈ h une relation a1 λ(x1 , y) + a2 λ(x2 , y) + a3 λ(x3 , y) = 0 dans P .
En fait (( ce sont les seules contraintes indispensables, et cela montre qu’un produit tensoriel
peut être construit )).
Plus précisément, notons x ⊗ y à la place de (x, y) un élément arbitraire de g × h. Considérons
le A-module P engendré par les x ⊗ y, liés par les relations décrites ci-dessus (pour l’exemple
donné, c’est la relation a1 (x1 ⊗ y) + a2 (x2 ⊗ y) + a3 (x3 ⊗ y) =P 0).
1. Il existe une unique application bilinéaire ϕ : M × N → P telle que pour tout (x, y) ∈ g × h,
on ait ϕ(x, y) = x ⊗ y.
2. Cette application bilinéaire fait de P un produit tensoriel des A-modules
n M et N . En particu-
o
lier si M et N sont libres de bases g et h, P est libre de base g⊗h := x ⊗ y | x ∈ g, y ∈ h .
En conséquence le produit tensoriel de deux A-modules existe et peut toujours être défini à
partir de présentations de ces modules. Rappelons qu’on le note M ⊗A N . Le fait qui suit est
plus ou moins une paraphrase de la proposition précédente, mais il ne peut être énoncé qu’une
fois que l’on sait que les produits tensoriels existent.
Fait 4.4.6 1. Si deux modules sont de type fini (resp. de présentation finie) leur produit
tensoriel l’est également.
2. Si M est libre de base (gi )i∈I et N est libre de base (hj )j∈J , alors M ⊗ N est libre de base
(gi ⊗ hj )(i,j)∈I×J .
3. Si M ' Coker α et N ' Coker β, avec α : L1 → L2 et β : L3 → L4 , les modules Li étant
libres, alors l’application A-linéaire
(α ⊗ IdL4 ) ⊕ (IdL2 ⊗ β) : (L1 ⊗ L4 ) ⊕ (L2 ⊗ L3 ) → L2 ⊗ L4
a pour conoyau un produit tensoriel de M et N .
Commentaires. 1) Il y a des raisons profondes, données dans la théorie qui a pour nom algèbre
universelle, qui font que la construction du produit tensoriel ne peut pas ne pas marcher. Mais
cette théorie générale est un peu trop lourde pour être exposée dans cet ouvrage, et il vaut mieux
s’imbiber de ce genre de choses par imprégnation sur des exemples.
2) Le lecteur habitué aux mathématiques classiques n’aura pas lu sans appréhension notre
(( présentation )) du produit tensoriel de M et N , qui est un module construit à partir de présenta-
tions de M et N . S’il a lu Bourbaki, il aura remarqué que notre construction est la même que celle
de l’illustre mathématicien multicéphale, à ceci près que Bourbaki se limite à une présentation
(( naturelle et universelle )) : tout module est engendré par tous ses éléments liés par toutes leurs
relations. Si la (( présentation )) de Bourbaki a le mérite de l’universalité, elle a l’inconvénient de la
lourdeur de l’hippopotame. En fait en mathématiques constructives, on n’a pas la même (( théorie
des ensembles )) sous-jacente qu’en mathématiques classiques. Une fois que l’on a donné un
module M à travers une présentation α : L1 → L2 , on ne s’empresse pas d’oublier α comme on fait
semblant de le faire en mathématiques classiques (une inspection détaillée de l’objet M construit
selon la théorie des ensembles des mathématiques classiques montrerait d’ailleurs que ces dernières
ne l’oublient pas non plus). Bien au contraire en mathématiques constructives M n’est rien
d’autre que (( un codage de α )) (par exemple sous forme d’une matrice si la présentation est finie),
avec l’information complémentaire qu’il s’agit d’une présentation de module. D’autre part un
(( ensemble quotient )) n’est pas vu comme un ensemble de classes d’équivalence, mais comme (( le
même préensemble muni d’une relation d’égalité moins fine )) : l’ensemble quotient de (E, =E ) par
la relation d’équivalence ∼ est simplement l’ensemble (E, ∼). En conséquence, notre construction
du produit tensoriel, conforme à son implémentation sur machine, est entièrement (( naturelle et
universelle )) dans le cadre de la théorie constructive des ensembles (la lectrice pourra consulter le
simple et génial chapitre 3 de [Bishop], ou l’un des autres ouvrages de référence classiques pour
les mathématiques constructives [Beeson, Bishop & Bridges, Bridges & Richman, MRR]).
D’après sa définition même le produit tensoriel est (( fonctoriel )), i.e. si l’on a deux appli-
cations A-linéaires f : M → M 0 et g : N → N 0 , alors il existe une unique application linéaire
h : M ⊗A N → M 0 ⊗A N 0 vérifiant h(x ⊗ y) = f (x) ⊗ g(y) pour x ∈ M et y ∈ N . Cet
homomorphisme est naturellement noté h = f ⊗ g.
4.4. Propriétés de stabilité 137
M k KK
KKK ψ
skA KKK applications multilinéaires symétriques
KKK
K%
SkA M _ _θ !_ _ _/ N applications linéaires
M LL A-modules
LLL ψ
LLL ψ(x) × ψ(x) = 0 pour tout x ∈ M
λA LLL
L
_ _ _ _ _/& B
V
AM θ! A-algèbres associatives
relations obtenues en faisant le produit extérieur des relations rj par les (k − 1)-vecteurs
xi1 ∧ · · · ∧ xik−1 .
2. SkA M est engendré par les tenseurs k-symétriques s(xi1 , . . . , xik ) pour 1 6 i1 6 · · · 6 ik 6 n
soumis aux relations obtenues en faisant le produit des relations rj par les tenseurs (k − 1)-
symétriques s(xi1 , . . . , xik−1 ).
Par exemple avec n = 4 et k = 2 une relation a1 x1 + · · · + a4 x4 = 0 dans M donne lieu à 4
relations dans 2A M :
V
Exemple. Soit B l’anneau des polynômes A[x, y] en les indéterminées x et y sur un anneau A
non trivial. On considère l’idéal b = hx, yi de B et on le regarde comme un B-module que l’on
note M. Alors
M admet le système générateur (x, y) pour lequel une matrice de présentation est
y
égale à . On en déduit que M ⊗B M admet pour système générateur (x⊗x, x⊗y, y ⊗x, y ⊗y)
−x
avec une matrice de présentation égale à :
x⊗x y 0 0 y
x⊗y −x
0 y 0
y⊗x 0 y 0 −x
y⊗y 0 −x −x 0
On en déduit les annulateurs suivants :
AnnB (x ⊗ y − y ⊗ x) = b, AnnB (x ⊗ y + y ⊗ x) = AnnA (2) b,
AnnB (x ⊗ x) = AnnB (x ⊗ y) = AnnB (y ⊗ x) = AnnB (y ⊗ y) = 0.
Le dual M ? = LB (M, B) de M est libre de rang 1, engendré par la forme
α : M −→ B, z 7−→ z
ce qui donne seulement une information partielle sur la structure de M . Par exemple, pour toute
forme linéaire β : M → B on a β(M ) ⊆ b et donc M ne possède pas de facteur direct libre de
rang 1 (voir proposition 2.5.1).
De même le dual (M ⊗B M )? de M ⊗B M est libre de rang 1, engendré par la forme
ϕ : M ⊗B M −→ B, z ⊗ z 0 7−→ zz 0
et M ⊗B M ne possède pas de facteur direct libre de rang 1.
Concernant S2B M on trouve qu’il admet pour système générateur (s(x, x), s(x, y), s(y, y)) avec la
matrice de présentation
s(x, x) y 0
s(x, y) −x y
s(y, y) 0 −x
V2
Concernant BM on trouve qu’il est engendré par x ∧ y avec la matrice de présentation [ x y]
ce qui donne
^2
M ' B/b ' A.
B
mais attention au fait que A comme B-module est un quotient et non un sous-module de B.
A-modules
M KK
KKK ψ
ϕ KKK applications A-linéaires
KKK
P _ _ _ _ _/% R
θ! B-modules, applications B-linéaires
4.4. Propriétés de stabilité 139
Il est clair qu’un morphisme d’extension des scalaires ϕ : M → P est unique au sens
catégorique, c’est-à-dire que pour tout autre morphisme d’extension des scalaires ϕ0 : M → P 0 il
y a un isomorphisme unique de B-modules, θ : P → P 0 qui rend les diagrammes convenables
commutatifs.
Si g est un système générateur de M et P un B-module arbitraire, une application A-linéaire
λ : M → P est connue à partir de ses valeurs sur les éléments x de g. En outre les valeurs λ(x)
sont liées par certaines contraintes, qui proviennent des relations entre éléments de g dans M .
Par exemple si l’on a une relation a1 x1 + a2 x2 + a3 x3 =M 0 entre les éléments x1 , x2 , x3 de g,
avec les ai dans A, cela fournit une relation ρ(a1 )λ(x1 ) + ρ(a2 )λ(x2 ) + ρ(a3 )λ(x3 ) = 0 dans P .
En fait (( ce sont les seules contraintes indispensables, et cela montre qu’une extension des
scalaires peut être construite )).
Plus précisément, notons ρ? (x) à la place de x (un élément arbitraire de g). Considérons le
B-module M1 engendré par les ρ? (x), liés par les relations décrites ci-dessus, (pour l’exemple
donné, c’est la relation ρ(a1 )ρ? (x1 ) + ρ(a2 )ρ? (x2 ) + ρ(a3 )ρ? (x3 ) =P 0).
f g
8. Pour toute suite exacte de A-modules M −→ N −→ P → 0 la suite
ρ? (f ) ρ? (g)
ρ? (M ) −−−−→ ρ? (N ) −−−−→ ρ? (P ) → 0
est exacte.
Ainsi un B-module P est étendu depuis A si, et seulement si, il est isomorphe à un module
ρ? (M ). On prendra garde cependant au fait qu’un B-module étendu peut provenir de plusieurs
A-module non isomorphes : par exemple lorsque l’on étend un Z-module à Q, (( on tue la
torsion )), et Z et Z ⊕ Z/h3i donnent tous deux par extension des scalaires un Q-espace vectoriel
de dimension 1.
Remarque. Avec la notation tensorielle du point 7. l’isomorphisme canonique donné au point 5.
s’écrit :
ϕ
C ⊗A M −−→ C ⊗B (B ⊗A M ) ' (C ⊗B B) ⊗A M
avec ϕ(c ⊗ x) = c ⊗ (1 ⊗ x).
J Reprenons les notations de la section 4.3. Donner un élément ϕ de LA (M, N ) revient à donner
les matrices de Gϕ et Kϕ avec la condition Gϕ AM = AN Kϕ . Puisque l’anneau est cohérent ce
système linéaire admet un A-module de solutions de type fini engendré par exemple par les
solutions correspondant à des applications linéaires ϕ1 , . . . , ϕ` données par Gϕ1 , Kϕ1 , . . . , Gϕ` , Kϕ` .
Donc LA (M, N ) = hϕ1 , . . . , ϕ` i.
P
Par ailleurs une relation i ai ϕi = 0 est vérifiée si, et seulement si, on peut trouver une appli-
cation linéaire Zϕ : GM → KN vérifiant AN ◦ Zϕ = i ai Gϕi . En prenant le système linéaire
P
correspondant, dont les inconnues sont les ai d’une part et les coefficients de la matrice de Zϕ
d’autre part, on constate que le module des relations pour le système générateur (ϕ1 , . . . , ϕ` ) est
bien de type fini. I
J Supposons que MSi soit un ASi -module de présentation finie pour chaque i. Montrons que M
est de présentation finie.
D’après le principe local-global 2.3 page 22 M est de type fini. Soit g1 , . . . , gq un système
générateur de M .
Soit (ai,h,1 , . . . , ai,h,q ) ∈ AqSi des relations entre les gj /1 ∈ MSi (i.e., Σj ai,h,j gj = 0 dans
MSi ) pour h = 1, . . . , ki , qui engendrent le ASi -module (contenu dans AqSi ) des relations
entre les gj /1. On peut supposer sans perte de généralité que chaque ai,h,j est en fait un
élément a0i,h,j /1 avec a0i,h,j ∈ A. Il existe alors un si ∈ Si convenable tel que les vecteurs
si (a0i,h,1 , . . . , a0i,h,q ) = (a00i,h,1 , . . . , a00i,h,q ) ∈ Aq soient des A-relations entre les gj ∈ M .
Montrons que les systèmes de relations ainsi construits entre les gj engendrent toutes les relations.
Soit en effet une relation arbitraire (c1 , . . . , cq ) entre les gj . Considérons la comme une relation
entre les gj /1 ∈ MSi et écrivons la en conséquence comme combinaison ASi -linéaire des vecteurs
4.5. Problèmes de classification 141
(a00i,h,1 , . . . , a00i,h,q ) ∈ AqSi . Après multiplication par un s0i ∈ Si convenable on obtient une égalité
dans Aq :
s0i (c1 , . . . , cq ) = ei,1 (a00i,1,1 , . . . , a00i,1,q ) + · · · + ei,ki (a00i,ki ,1 , . . . , a00i,ki ,q ).
Pn 0
On écrit i=1 ui si = 1. On voit que (c1 , . . . , cq ) est combinaison A-linéaire des (a00i,h,1 , . . . , a00i,h,q ).
I
Rares sont les anneaux pour lesquels on dispose d’une classification complète (( satisfaisante ))
des modules de présentation finie. Le cas des corps discrets est bien connu : tout module de
présentation finie est libre (cela résulte du pivot chinois ou du lemme de la liberté). Dans cet
ouvrage nous traiterons quelques généralisations de ce cas élémentaire : les anneaux de valuation,
les anneaux principaux et les anneaux zéro-dimensionnels réduits (sections 4.7 et 4.8), et certains
anneaux de Prüfer (proposition 12.6.2 et théorème 12.16 page 482).
Concernant la classification des modules de type fini, nous signalons les deux résultats d’unicité
importants suivants.
J 1. Il suffit de montrer que si n < m alors bm = A, i.e. l’anneau B := A/bm est nul ; on
m Lm Ln
a B = j=1 A/(bj + bm ) ' M/bm M ' i=1 A/(ai + bm ). Or chaque A/(ai + bm ) est un
quotient de B, donc il existe une application linéaire surjective de Bn sur Bm et par suite B est
nul (proposition 2.5.2). On suppose désormais sans perte de généralité que m = n.
2. Il suffit de montrer que bk ⊆ ak pour k ∈ J1..nK. Remarquons d’abord que pour un idéal a et
un élément x de A, le noyau de l’application linéaire y 7→ yx mod a de A vers x(A/a) est l’idéal
(a : x), et donc que
x(A/a) ' A/(a : x).
Soit maintenant x ∈ bk . Pour j ∈ Jk..nK, on a (bj : x) = A et donc
Ln Lk−1 Ln
xM ' j=1 A/(bj : x) = j=1 A/(bj : x) et xM ' i=1 A/(ai : x).
En appliquant le point 1. au module xM avec les entiers k − 1 et n, nous obtenons (ak : x) = A,
i.e. x ∈ ak . I
Notez que dans le théorème précédent, on n’a fait aucune hypothèse concernant les idéaux
(il n’est pas nécessaire qu’ils soient de type fini ou détachables pour que le résultat soit valide
constructivement).
142 4. Modules de présentation finie
Corollaire 4.5.1 Si M est un module de type fini, tout élément ϕ inversible à droite dans
EndA (M ) est inversible, et son inverse est un polynôme en ϕ.
Définition 4.6.1 Un anneau est dit intègre si tout élément est nul ou régulier. Un anneau A
est dit quasi intègre lorsque tout élément admet pour annulateur un (idéal engendré par un)
idempotent.
Un corps discret est un anneau intègre. Un anneau A est intègre si, et seulement si, son
anneau total de fractions Frac A est un corps discret. Un produit fini d’anneaux quasi intègres
est quasi intègre.
Un anneau est intègre si, et seulement si, il est quasi intègre et connexe.
Dans la littérature, un anneau quasi intègre est parfois appelé un anneau de Baer ou encore,
en anglais, un pp-ring (principal ideals are projective, cf. section 5.6).
Alors pour tout a ∈ A on a Ann(a) = h1 − a◦ i et a◦ est idempotent, de sorte que l’anneau est
quasi intègre.
En effet, tout d’abord (1 − a◦ )a = 0 et si ax = 0 alors a◦ x = a◦ x◦ x = (ax)◦ x = 0◦ x = 0,
donc x = (1 − a◦ )x : ainsi Ann(a) = h1 − a◦ i. Voyons ensuite que a◦ est idempotent. Appliquons
le résultat précédent à x = 1 − a◦ qui vérifie ax = 0 (d’après le premier axiome) ; l’égalité
x = (1 − a◦ )x donne x = x2 , i.e. 1 − a◦ est idempotent.
Lemme 4.6.3 Soit n éléments x1 , . . . , xn dans un anneau quasi intègre A. Il existe un système
fondamental d’idempotents orthogonaux (ej ) de cardinal 2n tel que dans chaque composante
A[1/ej ] ' A/h1 − ej i, chaque xi est nul ou régulier.
uniforme n’est sans doute pas un algorithme. Mais nous ne préjugeons de rien.
Même si nous n’avons pour le moment rencontré aucun exemple du type ci-dessus où la machinerie
locale-globale élémentaire ne s’appliquerait pas, nous ne pouvons exclure a priori une telle
possibilité.
Annulateurs des idéaux de type fini dans les anneaux quasi intègres
Le lemme suivant peut être considéré comme une variante économique du lemme de scindage
page 143.
Lemme 4.6.4 Soit x1 , . . . , xn des éléments d’un A-module. Si l’on a Ann(xi ) = hri i où ri
est un idempotent pour 1 6 i 6 n, soit si tel que si + ri = 1, et posons t1 = s1 , t2 = r1 s2 ,
t3 = r1 r2 s3 , . . ., tn+1 = r1 r2 · · · rn . Alors t1 , . . . , tn+1 est un système fondamental d’idempotents
orthogonaux et l’élément x = x1 + t2 x2 + · · · + tn xn vérifie Ann(x1 , . . . , xn ) = Ann(x) = htn+1 i.
NB : Dans la composante tk = 1 (k ∈ J1..nK), on a xk régulier et xj = 0 pour j < k, et dans la
composante tn+1 = 1 on a x1 = · · · = xn = 0.
Corollaire 4.6.5 Sur un anneau quasi intègre A tout sous-module de type fini M d’un module
libre a pour annulateur un idéal hri avec r idempotent, et M contient un élément x ayant le
même annulateur. Ceci s’applique en particulier à un idéal de type fini de A.
J Soit a ∈ A. Pour tout monoïde S de A on a AnnAS (a) = (AnnA (a))S . Donc l’annulateur a de
a est de type fini si, et seulement si, il l’est après localisation en les Si (principe local-global 2.3
page 22). Ensuite l’inclusion a ⊆ a2 relève du principe local-global concret de base (2.1 page 15).
I
Un anneau de Bezout est fortement discret si, et seulement si, la relation de divisibilité y est
explicite.
4.7. Anneaux de Bezout 145
(4.3) ∀x, y ∈ A x + y ∈ A× ⇒ (x ∈ A× ou y ∈ A× )
∀x ∈ A x ∈ A× ou 1 − x ∈ A×
Notez que selon cette définition l’anneau trivial est local. Par ailleurs, les (( ou )) doivent être
compris dans leur sens constructif : l’alternative doit être explicite. La plupart des anneaux
locaux avec lesquels on travaille usuellement en mathématiques classiques vérifient en fait la
définition précédente si on les regarde d’un point de vue constructif.
Tout quotient d’un anneau local est local. Un corps discret est un anneau local.
Les anneaux de Bezout locaux sont donc les (( anneaux de valuation )) au sens de Kaplansky.
Nous préférerons la définition aujourd’hui usuelle : un anneau de valuation est un anneau de
Bezout local réduit.
J Pour le point 1., on utilise la méthode du pivot de Gauss en choisissant comme premier pivot
un coefficient de la matrice qui divise tous les autres. On termine par récurrence. Le point 2. est
une conséquence directe du point 1. I
Remarque. Ce résultat se complète par le théorème d’unicité (théorème 4.4 page 141) :
1. Dans la réduite en forme de Smith les idéaux hbi,i i sont déterminés de manière unique.
2. Dans la décomposition pi=1 A/hai i, les idéaux hai i sont déterminés de manière unique, à
L
ceci près que des idéaux en surnombre peuvent être égaux à h1i : on peut supprimer les termes
correspondants, mais ceci ne se fait à coup sûr que lorsque l’on a un test d’inversibilité dans
l’anneau.
Un anneau A est appelé un anneau de Bezout strict lorsque tout vecteur (u, v) ∈ A2 peut
être transformé en un vecteur (h, 0) par multiplication par une matrice 2 × 2 inversible.
Voici maintenant un exemple d’utilisation de la machinerie locale-globale élémentaire no 1
(décrite page 143).
Exemple. On va montrer que tout anneau de Bezout quasi intègre est un anneau de Bezout
strict.
146 4. Modules de présentation finie
Commençons par le cas intègre. Soient u, v ∈ A. On a un h tel que hu, vi = hhi, i.e. il existe
u1 , v1 , a, b qui vérifient h = au + bv, u = hu1 et v = hv1 . Si Ann(v) = 1 alors [ u 0 ] = [ u v ] I2 .
Si Ann(v) = 0, alors Ann(h) = 0, h(au1 + bv1 ) = h, puis au1 + bv1 = 1. Enfin [ h 0 ] =
a −v1
[u v] et la matrice est de déterminant 1.
b u1
Appliquons maintenant la machinerie locale-globale élémentaire no 1 expliquée page 143. On
considère l’idempotent e tel que Ann(v) = hei et f = 1 − e. Dans A[1/e] on a [ u 0 ] = [ u v ] I2 .
a −v1
Dans A[1/f ] on a [ h 0 ] = [ u v ] .
b u1
f a + e −f v1
Donc dans A on a [ ue + hf 0 ] = [ u v ] , et la matrice est de déterminant 1.
fb f u1 + e
Si en outre A est fortement discret non trivial, on peut demander dans le dernier item qu’aucun
hai i ne soit égal à h1i. Dans ce cas on appelle facteurs invariants du module M les éléments
a1 , . . . , ap , 0, . . . , 0. La liste des facteurs invariants est bien définie (( à association près )).
| {z }
r fois
Idéee de la démonstration. Par des manipulations de Bezout sur les colonnes, on remplace la
première ligne par un vecteur (g1 , 0, . . . , 0). Par des manipulations de Bezout sur les lignes, on
remplace la première colonne par un vecteur (g2 , 0, . . . , 0). On continue le processus jusqu’à
ce que pour un indice k, on ait gk A = gk+1 A. Par exemple avec k impair cela signifie que les
dernières opérations de lignes au moyen de matrices de Bezout ont été faites à tort, puisque gk
divisait la première colonne. On revient une étape en arrière, et l’on utilise gk comme pivot de
Gauss. On obtient ainsi une matrice de la forme
g 0 ··· 0
0
..
. B
0
Par récurrence on obtient une réduite (( diagonale )). On vérifie enfin que
" l’on peut
# passer, par
a 0
manipulations de Bezout et manipulations élémentaires, d’une matrice à une matrice
0 b
" #
c 0
avec c divise d.
0 d
Le point 2. est une conséquence directe du point 1. I
4.8. Anneaux zéro-dimensionnels 147
Remarques. 1) Un algorithme légèrement plus simple peut être écrit si A est fortement discret.
2) On ne sait toujours pas (en 2011) si la conclusion de la proposition précédente est vraie sous
la seule hypothèse que A est un anneau de Bezout intègre. On ne dispose ni de preuve, ni de
contre exemple.
On sait par contre le résultat vrai pour les anneaux de Bezout intègre de dimension 6 1 : voir la
remarque qui suit le théorème 12.16 page 482.
(4.4) ∀x ∈ A ∃a ∈ A ∃k ∈ N xk = axk+1
Propriétés de base
Fait 4.8.1
– Tout anneau fini, tout corps discret est zéro-dimensionnel.
– Tout quotient et tout localisé d’un anneau zéro-dimensionnel est zéro-dimensionnel.
– Tout produit fini d’anneaux zéro-dimensionnels est un anneau zéro-dimensionnel.
– Une algèbre de Boole (cf. section 7.3) est un anneau zéro-dimensionnel.
Corollaire 4.8.3 Si a est un idéal de type fini fidèle d’un anneau zéro-dimensionnel, alors
a = h1i. En particulier dans un anneau zéro-dimensionnel, tout élément régulier est inversible.
J Pour d assez grand l’idéal ad est engendré par un idempotent s. Cet idéal est régulier, donc
l’idempotent s est égal à 1. I
En conséquence un corps discret peut aussi être défini comme un anneau local zéro-dimen-
sionnel réduit.
On en déduit :
Fait 4.8.6 Si A est quasi intègre, Frac A est zéro-dimensionnel réduit. En outre tout idempotent
de Frac A est dans A.
Fait 4.8.7 Un anneau zéro-dimensionnel réduit est cohérent. Il est fortement discret si, et
seulement si, il y a un test d’égalité à zéro pour les idempotents.
Fait 4.8.8 Pour un anneau zéro-dimensionnel A les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. A est connexe (resp. A est connexe et réduit).
2. A est local (resp. A est local et réduit).
3. Ared est intègre (resp. A est intègre).
4. Ared est un corps discret (resp. A est un corps discret).
4.8. Anneaux zéro-dimensionnels 149
∀x ∃a xax = x
est souvent qualifié de Von Neumann régulier. Dans le cas commutatif ce sont les anneaux zéro-di-
mensionnels réduits. On les appelle encore anneaux absolument plats, parce qu’ils sont également
caractérisés par la propriété suivante : tout A-module est plat (voir chapitre 8, proposition 8.4).
Dans un anneau commutatif, deux éléments a et b sont dits quasi inverses si l’on a :
(4.5) a2 b = a, b2 a = b
On dit aussi que b est le quasi inverse de a. On vérifie en effet qu’il est unique : si a2 b = a = a2 c,
b2 a = b et c2 a = c, alors
puisque ab = a2 b2 , ac = a2 c2 et a2 (c − b) = a − a = 0.
Par ailleurs si x2 y = x, on vérifie que xy 2 est quasi inverse de x.
Ainsi : un anneau est zéro-dimensionnel réduit si, et seulement si, tout élément admet un
quasi inverse.
Comme le quasi inverse est unique un anneau zéro-dimensionnel réduit peut être vu comme
un anneau muni d’une loi unaire supplémentaire, a 7→ a• soumise à l’axiome (4.5) avec a• à la
place de b. Notons que (a• )• = a et (a1 a2 )• = a•1 a•2 .
Fait 4.8.9 Dans un anneau zéro-dimensionnel réduit A, l’élément ea = aa• est l’idempotent qui
vérifie Ann(a) = h1 − ea i. On a A ' A[1/ea ] × A/hea i. Dans A[1/ea ], a est inversible et dans
A/hea i, a est nul.
Lemme 4.8.10 Soit (xi )i∈I une famille finie d’éléments dans un anneau zéro-dimensionnel A.
Il existe un entier n et un système fondamental d’idempotents orthogonaux e1 , . . . , en tel que
dans chaque composante A[1/ej ] ' A/h1 − ej i, chaque xi est nilpotent ou inversible.
doit être suffisamment uniforme pour ne pas conduire à un arbre infini lorsque l’on veut le
transformer en un algorithme pour les anneaux zéro-dimensionnels réduits.
J 1 ⇒ 2. Le fait est classique pour un corps discret : on utilise l’algorithme d’Euclide étendu
pour calculer sous la forme g(X) = a(X)u(X) + b(X)v(X) un pgcd de a(X) et b(X). En outre on
u −b1
obtient une matrice de déterminant 1 qui transforme [ a b ] en [ g 0 ]. Cette matrice
v a1
0 −1
est le produit de matrices où les qi sont les quotients successifs.
1 −qi
Passons maintenant au cas d’un anneau zéro-dimensionnel réduit, donc quasi intègre. Tout d’abord
A[X] est quasi intègre car l’annulateur d’un polynôme est l’intersection des annulateurs de ses coef-
ficients (voir le corollaire 3.2.3 2.), donc engendré par le produit des idempotents correspondants.
Concernant le caractère (( Bezout strict )) l’algorithme qui vient d’être expliqué pour les corps
discrets bute a priori sur l’obstacle de la non inversibilité des coefficients dominants dans les
divisions successives. Mais cet obstacle est à chaque fois contourné par la considération d’un
idempotent ei convenable, l’annulateur du coefficient à inverser. Dans Ai [1/ei ], (où Ai = A[1/ui ]
est l’anneau (( en cours )) avec un certain idempotent ui ) le polynôme diviseur a un degré plus
petit que prévu et l’on recommence avec le coefficient suivant. Dans Ai [1/fi ], (fi = 1 − ei dans
Ai ), le coefficient dominant du diviseur est inversible et la division peut être exécutée. On obtient
de cette façon un arbre de calcul aux feuilles duquel on a le résultat souhaité. A chaque feuille le
résultat est obtenu dans un localisé A[1/h] pour un certain idempotent h. Et les h aux feuilles
de l’arbre forment un système fondamental d’idempotents orthogonaux. Ceci permet de recoller
toutes les égalités en une seule3 .
3 ⇒ 1. Cela résulte du lemme suivant :
Lemme. Pour un anneau arbitraire A, si l’idéal ha, Xi est un idéal principal de A[X], alors
hai = hei pour un certain idempotent e.
On suppose que ha, Xi = hp(X)i avec p(X)q(X) = X. On a donc hai = hp(0)i, p(0)q(0) = 0 et
1 = p(0)q 0 (0) + p0 (0)q(0), d’où p(0) = p(0)2 q 0 (0). Ainsi e = p(0)q 0 (0) est idempotent et hai = hei.
I
Remarque. La notion d’anneau zéro-dimensionnel réduit peut être vue comme l’analogue non-
nœthérien de la notion de corps discret, puisque si l’algèbre de Boole des idempotents est infinie,
la nœthérianité est perdue. Illustrons ceci sur l’exemple du Nullstellensatz, pour lequel ce n’est
pas clair a priori si la nœthérianité est un ingrédient essentiel ou un simple accident. Une forme
constructive précise du Nullstellensatz de Hilbert (forme faible) affirme :
Soit k un .D E discret non trivial, f1 , . . . , fs une liste d’éléments de k[X] = k[X1 , . . . , Xn ], et
corps
A = k[X] f l’algèbre quotient. Alors ou bien 1 ∈ hf1 , . . . , fs i, ou bien il existe un quotient de
A qui est un k-espace vectoriel non nul de dimension finie.
Comme la preuve est donnée par un algorithme uniforme (pour plus de précisions voir le théo-
rème 7.2 page 268 et l’exercice 7.3) on obtient par application de la machinerie locale-globale
élémentaire no 2 le résultat suivant, sans disjonction, qui implique le Nullstellensatz précédent
3. Pour une preuve plus directe, voir l’exercice 4.10.
4.8. Anneaux zéro-dimensionnels 151
pour un corps discret non trivial (cet exemple illustre aussi la première remarque page 149).
Un A-module M est dit quasi libre s’il est isomorphe à une somme directe finie d’idéaux hei i
avec les ei idempotents. On peut alors en outre imposer que ei ej = ej si j > i, car pour deux
idempotents e et f , on a hei ⊕ hf i ' he ∨ f i ⊕ he ∧ f i, où e ∧ f = ef et e ∨ f = e + f − ef .
Soit k un anneau zéro-dimensionnel réduit, f1 , . . . , fs une liste d’éléments de k[X1 , . . . , Xn ] et A
l’algèbre quotient. Alors l’idéal hf1 , . . . , fs i ∩ k est engendré par un idempotent e et en posant
k1 = k/hei il existe un quotient B de A qui est un k1 -module quasi libre avec l’homomorphisme
naturel k1 → B injectif.
J Les résultats sont classiques pour le cas des corps discrets (une preuve constructive peut
être basée sur la méthode du pivot). La machinerie locale-globale élémentaire no 2 fournit alors
(pour chacun des trois points) le résultat séparément dans chacun des A[1/si ], après avoir
scindé l’anneau en un produit de localisés A[1/si ] pour un système fondamental d’idempotents
orthogonaux s1 , . . . , sk : A ' ki=1 A[1/si ]. Mais le résultat est justement formulé de façon à
Q
être vrai globalement dès qu’il est vrai dans chacune des composantes. I
J 1. En effet,
. si xi annule le polynôme unitaire pi ∈ K[T ], l’algèbre A est un quotient de
B = K[X] h(pi (Xi ))i∈J1..nK i, qui est un K-espace vectoriel de dimension finie.
2. On commence comme au point 1. Pour obtenir l’algèbre A, il nous suffit de prendre le
quotient de B par l’idéal hf1 (z), . . . , fs (z)i (où les zi sont les classes des Xi dans B). On voit
facilement que cet idéal est un sous-espace vectoriel de type fini de B, donc le quotient est de
nouveau un K-espace vectoriel de dimension finie. Ainsi, A est strictement finie sur K.
Montrons que A est zéro-dimensionnel. Tout x ∈ A annule son polynôme minimal, disons f (T ),
de sorte que l’on a une égalité xk (1 + xg(x)) = 0 (multiplier f par l’inverse du coefficient de plus
bas degré non nul).
4. L’algèbre A est engendrée par un nombre fini d’éléments xi (par exemple une base comme
K-espace vectoriel), qui annulent chacun leur polynôme minimal, disons pi (T ). Ainsi A est un
quotient d’une algèbre
.
B = K[X] h(pi (Xi ))i∈J1..nK i = A[z1 , . . . , zn ].
Le morphisme surjectif correspondant, de B sur A, est une application linéaire dont on peut
calculer le noyau (puisque A et B sont de dimension finie), par exemple en précisant un sys-
tème générateur (g1 (z), . . . , g` (z)). En conclusion, l’algèbre A est isomorphe à l’algèbre quotient
associée au système polynomial (p1 (X1 ), . . . , pn (Xn ), g1 (X), . . . , g` (X)).
3. Ce point résulte des deux lemmes qui suivent. I
Lemme 4.8.13 Si l’anneau C[X1 , . . . , Xr ] est zéro-dimensionnel avec r > 0, alors l’anneau C
est trivial.
J Soit x ∈ k, on a un y ∈ A tel que xk = yxk+1 . Supposons par exemple que y 3 +b2 y 2 +b1 y+b0 = 0
avec les bi ∈ k.
Alors, xk = yxk+1 = y 2 xk+2 = y 3 xk+3 , et donc
0 = (y 3 + b2 y 2 + b1 y + b0 )xk+3
= xk + b2 xk+1 + b1 xk+2 + b0 xk+3 = xk (1 + x(b2 + b1 x + b0 x2 )).
I
J Lorsque K est infini, on obtient les équivalences en appliquant le lemme 4.8.12 et le théo-
rème 3.12 page 100.
Dans le cas général, on peut également obtenir une mise en position de Nœther en utilisant un
changement de variables général non nécessairement linéaire comme celui donné en 7.1.3. (voir le
théorème 7.2 page 268). I
Une variation sur le théorème précédent est donnée au théorème 6.11 page 220
Remarque. Plutôt que d’utiliser un changement de variables non linéaire comme proposé dans la
démonstration précédente, on peut recourir à la technique de (( changement de corps de base )).
Cela fonctionne comme suit. On considère un corps infini K1 ⊇ K, par exemple K1 = K(t), ou
K1 un corps algébriquement clos contenant K si l’on sait en construire un. Alors l’équivalence
des points 1., 2. et 3. est assurée pour l’algèbre A1 pour le même système polynomial vu sur K1 .
L’algèbre A1 est obtenue à partir de A par extension des scalaires de K à K1 . Il reste à voir que
chacun des trois points est vérifié pour A si, et seulement si, il est vérifié pour A1 . Ce que nous
laisserons au lecteur4 .
− h(ξ k ))mk .
Q`
CA/k (h)(T ) = k=1 (T
P` Q` mk .
En particulier, TrA/k (h) = k=1 mk h(ξ k ) et NA/k (h) = k=1 h(ξ k )
6. Notons πk : A → K, h 7→ h(ξ k ) l’évaluation en ξ k , et mk = Ker πk . Alors hek − 1i = mm
k
k
p
et mk = hek − 1i.
La somme des ej est donc un idempotent e. Ce élément ne s’annule p nulle part, c’est-à-dire qu’il
a les mêmes zéros que 1. Par le Nullstellensatz, on obtient 1 ∈ hei. Ainsi e = 1 car c’est un
idempotent inversible de A.
4. La K-algèbre Ak = A[1/ek ] = A/h1 − ek i est l’algèbre quotient associée au système polynomial
(f1 , . . . , fs , 1 − ek ) qui admet ξ k pour seul zéro. On considère un élément arbitraire h ∈ Ak . En
raisonnant comme au point précédent, on obtient par le Nullstellensatz que si h(ξ k ) = 0, alors h
est nilpotent, et si h(ξ k ) 6= 0, alors h est inversible.
5. Puisque A ' `k=1 Ak , il suffit de démontrer que pour h ∈ Ak , on a l’égalité CAk/k (h)(T ) =
Q
(T − h(ξ k ))mk . On identifie K à son image dans Ak . L’élément hk = h − h(ξ k ) s’annule en ξ k , donc
il est nilpotent. Si µ désigne la multiplication par hk dans Ak , µ est un endomorphisme nilpotent.
Sur une base convenable, sa matrice est triangulaire stricte inférieure, et celle de la multiplication
par h est triangulaire avec des h(ξ k ) sur la diagonale, donc son polynôme caractéristique est
(T − h(ξ k ))mk .
6. On a clairement ek − 1 ∈ mk . Si h ∈ mk , l’élément ek h est partout nul sur V , donc nilpotent.
Donc hN ek = 0 pour un certain N et h ∈ hek − 1i. Pour voir que mm
p
k = hek − 1i, on peut
k
se situer dans Ak , où hek − 1i = 0. Dans cet anneau, l’idéal mk est un K-espace vectoriel de
dimension mk − 1. Les puissances successives de mk forment alors une suite décroissante de
sous-K-espaces vectoriels de dimensions finies, qui stationne dès que deux termes consécutifs
sont égaux. Ainsi mm k
k est un idéal de type fini idempotent strict, donc nul.
I
Remarques. 1) Le fait que le système polynomial est zéro-dimensionnel résulte d’un calcul rationnel
dans le corps des coefficients (mise en position de Nœther ou calcul de base de Gröbner).
2) Le point 5. du théorème de Stickelberger permet de calculer toutes les informations utiles
sur les zéros du système en se basant sur la seule forme trace. En outre, la forme trace peut
être calculée dans le corps des coefficients des polynômes du système. Ceci a des applications
importantes en calcul formel (voir par exemple [Basu, Pollack & Roy]).
Pour des exemples, on pourra consulter le problème 4.1 et l’exercice 6.6. Pour une étude
purement locale des zéros isolés, voir la section 9.4.
Cette définition est légitimée par le lemme facile mais fondamental suivant :
Lemme 4.9.2 Les idéaux de Fitting du module de présentation finie M sont bien définis,
autrement dit ces idéaux ne dépendent pas de la présentation choisie G pour M .
J Pour prouver ce lemme il faut essentiellement voir que les idéaux Dq−n (G) ne changent pas
4.9. Idéaux de Fitting 155
1. lorsque l’on rajoute une nouvelle relation, combinaison linéaire des relations déjà présentes,
2. lorsque l’on rajoute un nouvel élément à un système générateur, avec une relation qui
exprime ce nouvel élément en fonction des anciens générateurs.
Les détails sont laissés à la lectrice. I
On a immédiatement les faits suivants.
Fait 4.9.3 Pour tout module de présentation finie M avec q générateurs on a les inclusions
h0i = F−1 (M ) ⊆ F0 (M ) ⊆ · · · ⊆ Fq (M ) = h1i .
Si N est un module de présentation finie quotient de M on a Fk (M ) ⊆ Fk (N ) pour tout k > 0.
Remarque. En particulier si Fr (M ) 6= h1i le module M ne peut pas être engendré par r éléments.
On verra (lemme du nombre de générateurs local page 333) que la signification de l’égalité
Fr (M ) = h1i est que le module est localement engendré par r éléments.
Remarquez que ceci fournit une preuve savante du fait que si un même module est libre avec
deux rangs distincts, l’anneau est trivial.
Exemples.
1. Pour un groupe abélien fini H considéré comme Z-module, l’idéal F0 (H) est engendré par
l’ordre du groupe tandis que l’annulateur est engendré par son exposant. En outre la structure
du groupe est entièrement caractérisée par ses idéaux de Fitting. Une généralisation est donnée
dans l’exercice 4.13.
2. Reprenons le B-module M de l’exemple page 138. Le calcul donne les résultats suivants :
– pour M : F0 (M ) = 0, F1 (M ) = b, F2 (M ) = h1i ;
– pour M ⊗ M : F0 (M ⊗ M ) = 0, F1 (M ⊗ M ) = b3 , F2 (M ⊗ M ) = b2 , F3 (M ⊗ M ) = b,
F4 (M ⊗ M ) = h1i ;
– pour S2 (M ) : F0 (S2 (M )) = 0, F1 (S2 (M )) = b2 , F2 (S2 (M )) = b, F3 (S2 (M )) = h1i ;
– pour 2 M : F0 ( 2 M ) = b, F1 ( 2 M ) = h1i.
V V V
Fait 4.9.7 (idéaux de Fitting et suites exactes) Soit 0 → N → M → P → 0 une suite exacte de
modules de présentation finie. Pour tout p > 0 on a
Fp (M ) ⊇ r>0,s>0,r+s=p Fr (N )Fs (P ),
P
et si M ' N ⊕ P
Fp (M ) = r>0,s>0,r+s=p Fr (N )Fs (P ).
P
Il se généralise alors avec le résultat suivant, que l’on peut voir comme une formulation très
précise du lying over (voir le lemme 6.3.11).
Lemme d’élimination général
ρ
1. Soient k −→ C une algèbre qui est un k-module de type fini engendré par m éléments,
a = F0 (C) son premier idéal de Fitting et c = Ker ρ. Alors :
(a) c = Annk (C).
(b) cm ⊆ a ⊆ c et donc Dk (c) = Dk (a) .
(c) Si par une extension des scalaires ϕ : k → k0 on obtient l’algèbre ρ0 : k0 → C0 , alors
l’idéal a0 := F0 (C0 ) est égal à ϕ(a)k0 et en tant que k0 -module, il est isomorphe à
k0 ⊗k a ' ϕ? (a).
4.10. Idéal résultant 157
2. Soit B ⊇ k une k-algèbre qui est un k-module libre de rang m, et b un idéal de type fini
de B.
(a) L’idéal d’élimination b ∩ k est le noyau de l’homomorphisme canonique ρ : k → B/b ,
i.e. l’annulateur du k-module B/b .
(b) Le k-module B/b est de présentation finie et l’on a :
(b ∩ k)m ⊆ F0 (B/b ) ⊆ b ∩ k et DB (b) ∩ k = Dk (F0 (B/b )) .
On note Res(b) := Fk,0 (B/b ), on l’appelle l’idéal résultant de b.
J 1a) et 1b) En effet a ∈ k annule C si, et seulement si, il annule 1C , si, et seulement si, ρ(a) = 0.
La double inclusion recherchée est donc donnée par le lemme 4.9.6 (valable aussi pour les modules
de type fini).
1c) Les idéaux de Fitting se comportent bien par extension des scalaires.
2. On applique le point 1. avec C = B/b . I
Remarque. 1) L’idéal résultant dans le point 2. peut être décrit précisément comme suit. Si
b = hb1 , . . . , bs i on considère l’application de Sylvester généralisée
ψ : Bs → B, (y1 , . . . , ys ) 7→ ψ(y) =
P
i yi bi .
C’est une application k-linéaire entre k-modules libres de rangs ms et m. Alors on a Res(b) =
Dm (ψ).
2) Cela fait beaucoup de générateurs pour l’idéal Res(b). En fait il existe diverses techniques pour
diminuer le nombre de générateurs en remplaçant Res(b) par un idéal de type fini ayant nettement
moins de générateurs mais ayant le même nilradical. Voir le traitement donné en section 3.9 avec
notamment le lemme 3.9.2, les résultats du chapitre 13 sur le nombre de générateurs radicaux
d’un idéal radicalement de type fini (théorème 14.1 page 549) et l’article [57].
Il s’agit d’une application k-linéaire entre k-modules libres de rangs respectifs mr et m. Notons
a l’idéal déterminantiel Dm (ψ). Alors
1. a = Fk,0 (k[X]/f ) et l’on a
2. Supposons que k = A[Y1 , . . . , Yq ] et que f et les gi soient de degré total 6 d dans A[Y , X].
Alors les générateurs de Dm (ψ) sont de degré total 6 d2 dans A[Y ].
3. L’idéal a ne dépend que de f (sous la seule hypothèse que f contienne un polynôme unitaire).
Nous l’appelons l’idéal résultant de f par rapport à l’indéterminée X et nous le notons
ResX (f, g1 , . . . , gr ) ou ResX (f), ou Res(f).
4. Si par une extension des scalaires θ : k → k0 on obtient l’idéal f0 de k0 [X], alors l’idéal
ResX (f0 ) ⊆ k0 est égal à θ(ResX (f))k0 et en tant que module il est isomorphe à k0 ⊗k
ResX (f) ' θ? (ResX (f)).
158 4. Modules de présentation finie
Remarque. Ainsi le théorème 4.9 page précédente établit un lien très étroit entre idéal d’élimi-
nation et idéal résultant. Les avantages que présente l’idéal résultant sur l’idéal d’élimination
sont les suivants
– l’idéal résultant est de type fini,
– son calcul est uniforme,
– il se comporte bien par extension des scalaires.
Notons que dans le cas où k = K[Y1 , . . . , Yq ] avec K un corps discret, l’idéal d’élimination est
aussi de type fini mais son calcul, par exemple via les bases de Gröbner, n’est pas uniforme.
Cependant l’idéal résultant n’est défini que lorsque f contient un polynôme unitaire et ceci limite
la portée du théorème.
Exercices et problèmes
Exercice 4.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées au lecteur,
etc. . . Notamment :
– Démontrer ce qui est affirmé dans l’exemple 3) page 126.
– Donner une preuve détaillée du lemme 4.1.1.
– Expliquez pourquoi les propositions 2.3.1 et 2.3.4 (lorsque l’on prend A comme A-module M ) se
relisent sous la forme du théorème 4.3 page 135.
– Démontrer les propositions 4.4.1 et 4.4.3. Donner une preuve détaillée des propositions 4.4.5 et 4.4.10.
Montrer que A/a ⊗A A/b ' A/(a + b) .
– Justifier les affirmations contenues dans l’exemple page 138.
– Démontrer les lemmes ou faits 4.8.4, 4.8.5, 4.8.7 et 4.8.8.
– Donnez des algorithmes pour les trois points du théorème 4.6 page 151.
– Prouver le fait 4.9.8.
Exercice 4.2 Soient M ⊆ N des A-modules avec M en facteur direct dans N . Si N est de type fini
(resp. de présentation finie), alors M également.
P
Exercice 4.3 (description des tenseurs nuls) Soient M et N deux A-modules arbitraires et z = i xi ⊗
yi ∈ M ⊗ N . Montrer que z = 0 si, et seulement si, il existe deux modules de présentation finie M1 , N1 ,
deux applications linéaires P ψ : M1 → M , ϕ : N1 → N , des éléments ui de M1 et vi de N1 qui vérifient :
ψ(ui ) = xi , ϕ(vi ) = yi et i ui ⊗ vi = 0 dans M1 ⊗ N1 . Cette dernière égalité se certifie à partir de
matrices de présentation de M1 et N1 en appliquant le fait 4.4.6.
Exercice 4.4 Soit M un A-module, a un idéal et S un monoïde de A.
1. Montrer que l’application linéaire canonique M → M /aM résout le problème universel de l’extension
des scalaires pour l’homomorphisme A → A/a (i.e., définition 4.4.9, cette application linéaire est un
morphisme d’extension des scalaires de A à A/a pour M ). En déduire que l’application linéaire naturelle
A/a ⊗A M → M /aM est un isomorphisme.
2. Montrer que l’application linéaire canonique M → MS résout le problème universel de l’extension des
scalaires pour l’homomorphisme A → AS . En déduire que l’application linéaire naturelle AS ⊗A M → MS
est un isomorphisme.
4.5 Toute matrice sur un anneau de Bezout intègre est équivalente à une matrice de la forme
Exercice
T 0
avec T triangulaire et les éléments sur la diagonale de T non nuls (naturellement, les lignes ou
0 0
colonnes indiquées nulles peuvent être absentes). Cette équivalence peut être obtenue par des manipulations
de Bezout.
Généraliser aux anneaux quasi intègres en utilisant la méthode générale expliquée page 143.
Exercices et problèmes 159
2. Montrer que la classe des anneaux de Bezout strict est stable par produit fini, par quotient et par
localisation.
Dans la suite, A est un anneau de Bezout strict.
3. Soient a, b, d2 ∈ A tels que ha, bi = hd2 i. Montrer qu’il existe a2 , b2 ∈ A comaximaux tels que
(a, b) = d2 (a2 , b2 ) ; on pourra considérer d1 , a1 , b1 , u1 , v1 avec (a, b) = d1 (a1 , b1 ), 1 = u1 a1 + v1 b1 et
introduire :
a2 v1 a1 ε
(?) = où d1 = k12 d2 , d2 = k21 d1 , ε = k12 k21 − 1
b2 −u1 b1 k12
4. Même chose que dans le point précédent mais avec un nombre quelconque d’éléments c’est-à-dire pour
a = a1 , . . . , an ∈ A et d donnés vérifiant hai = hdi, il existe a0 = a01 , . . . , a0n comaximaux tels que a = da0 .
5. Montrer que toute matrice diagonale Diag(a1 , . . . , an ) est SLn -équivalente à une autre matrice diagonale
Diag(b1 , . . . , bn ) avec b1 | b2 · · · | bn . De plus, si l’on pose ai = hai i, bi = hbi i, on a bi = Si (a1 , . . . , an ) où
Si est la (( i-ème fonction symétrique élémentaire de a1 , . . . , an )) obtenue en remplaçant le produit par
l’intersection ; ainsi
S2 (a1 , a2 , a3 ) = (a1 ∩ a2 ) + (a1 ∩ a3 ) + (a2 ∩ a3 ).
P T Q Q
En particulier b1 = i ai , bn = i ai . De plus i A/ai ' i A/bi . Ce dernier résultat sera généralisé
aux anneaux arithmétiques, cf. le corollaire 12.1.6 ; d’autres (( vraies )) fonctions symétriques élémentaires
d’idéaux interviennent dans l’exercice 4.13.
Exercice 4.7 Définissons un anneau de Smith comme un anneau sur lequel toute matrice admet une
forme réduite de Smith. Ces anneaux ont été en particulier étudiés par Kaplansky dans [106], y compris
pour le cas non commutatif. Nous nous limitons ici au cas commutatif. Montrer que les propriétés suivantes
sont équivalentes.
1. A est un anneau de Smith.
2. A est un anneau de Bezout strict et toute matrice triangulaire dans M2 (A) est équivalente à une
matrice diagonale.
3. A est de Bezout strict et si ha, b, ci = hgi alors il existe p, q, p0 , q 0 ∈ A tels que
Exercice 4.12 Soient S1 , . . . , Sn des monoïdes comaximaux de A. Montrer que A est zéro-dimensionnel
si, et seulement si, chacun des ASi est zéro-dimensionnel.
Exercice 4.14 (Les idéaux de Fitting d’un A-module de type fini) Montrer que les faits 4.9.3, 4.9.5, 4.9.7
et le lemme 4.9.6 restent valables avec les modules de type fini.
Exercices et problèmes 161
Exercice 4.15 Une des propriétés caractéristiques des anneaux de Prüfer (qui seront étudiés au chapitre
12) est la suivante : si A ∈ An×m , B ∈ An×1 , et si les idéaux déterminantiels de A et [ A | B ] sont les
mêmes, alors le système linéaire AX = B admet une solution.
1. Soit un module de type fini M sur un anneau de Prüfer et N un quotient de M . Montrer que si M
et N ont les mêmes idéaux de Fitting, alors M = N .
2. Montrer que si un module de type fini M sur un anneau de Prüfer a ses idéaux de Fitting qui sont
de type fini, c’est un module de présentation finie.
Exercice 4.16 (Idéaux de Kaplansky)
Pour un A-module M et un entier r on note Kr (M ) l’idéal somme de tous les transporteurs (hm1 , . . . mr i :
M ) pour tous les systèmes m1 , . . . mr dans M . On l’appelle l’idéal de Kaplansky d’ordre r du module M .
Ainsi K0 (M ) = Ann(M ) et si M est engendré par q éléments on a Kq (M ) = h1i.
– Montrer que si Kq (M ) = h1i, M est de type fini.
– Montrer que si M est de type fini alors pour tout entier r on a les inclusions
p p
Fr (M ) ⊆ Kr (M ) ⊆ Fr (M ) = Kr (M )
NB : Voir aussi l’exercice 9.12.
Exercice 4.17 (Un exemple élémentaire d’idéaux résultants)
Soient f , g1 , . . ., gr ∈ A[X], f unitaire de degré d > 1 et f = hf, g1 , . . . , gr i ⊆ A[X]. On va comparer
l’idéal
a = R(f, g1 , . . . , gr ) = cT Res(f, g1 + g2 T + · · · + gr T r−1 )
(section 3.9), et l’idéal résultant b = Res(f) = FA,0 (A[X]/f ) (voir le lemme d’élimination général de la
section 4.10).
1. On pose a0 = cT (Res(f, g1 T1 + g2 T2 + · · · + gr Tr )) ; montrer les inclusions :
a ⊆ a0 ⊆ b ⊆ f ∩ A
2. Soient A = Z[a, b, c] où a, b, c sont trois indéterminées, f = X d , g1 = a, g2 = b, g3 = c. Déterminer
les idéaux f ∩ A, a, a0 , b et vérifier qu’ils sont distincts. Vérifier également que R(f, g1 , g2 , g3 ) dépend de
l’ordre des gi . Est ce que l’on (f ∩ A)d ⊆ a ?
Exercice 4.18 (Relateurs et idéal d’élimination)
Soient f1 (X), . . . , fs (X) ∈ k[X] = k[X1 , . . . , Xn ] (k est un anneau commutatif) et a ⊆ k[Y ] = k[Y1 , . . . , Ys ]
l’idéal des relateurs sur k de f1 , . . . , fs , i.e. a = ker ϕ où ϕ : k[Y ] → k[X] est le k-morphisme Yi 7→ fi .
On note gi = fi (X) − Yi ∈ k[Y , X] et f = hg1 , . . . , gs i. Montrer que a = f ∩ k[Y ]. Ainsi, a est l’idéal
d’élimination des variables Xj dans le système polynomial des gi .
Problème 4.1 (Un exemple de système zéro-dimensionnel)
Soient k un anneau et a, b, c ∈ N∗ avec a 6 b 6 c et au moins une inégalité stricte. On définit trois
polynômes fi ∈ k[X, Y, Z] :
f1 = X c + Y b + Z a , f2 = X a + Y c + Z b , f3 = X b + Y a + Z c .
Il s’agit d’étudier le système défini par ces 3 polynômes . On note A = k[x, y, z] la k-algèbre
k[X, Y, Z]/hf1 , f2 , f3 i.
1. Pour un anneau quelconque k, A est-elle libre finie sur k ? Si oui, calculer une base et donner la
dimension.
2. Etudier de manière détaillée le système pour k = Q et (a, b, c) = (2, 2, 3) : déterminer tous les zéros du
système dans une certaine extension finie de Q (à préciser), leur nombre et leurs multiplicités.
3. L’algèbre localisée A1+hx,y,zi est-elle libre sur k ? Si oui, donner une base.
Problème 4.2 (L’idéal résultant générique)
Soient d, r deux entiers fixés avec d > 1 ; on étudie dans cet exercice l’idéal résultant générique b =
Res(f, g1 , . . . , gr ) où f est unitaire de degré d, g1 , . . . , gr de degrés d − 1, les coefficients de ces polynômes
étant des indéterminées sur Z. L’anneau de base est donc k = Z[(ai )i∈J1..dK , (bji )j∈J1..rK,i∈J1..dK ] et :
Pd Pd
f = X d + i=1 ai X d−i , gj = i=1 bji X d−i .
1. Mettre des poids sur les ai et bij de façon à ce que b soit un idéal homogène.
2. Si S est la matrice de Sylvester généralisée de (f, g1 , . . . , gr ), préciser le poids des coefficients de S et
ceux de ses mineurs d’ordre d.
3. A l’aide d’un système de Calcul Formel, étudier le nombre minimal de générateurs de b. On pourra
remplacer Z par Q, introduire l’idéal m de k engendré par toutes les indéterminées et considérer E = b/mb
qui est un k/m = Q-espace vectoriel de dimension finie.
162 4. Modules de présentation finie
2. Soit x inversible modulo a donc 1 − ax ∈ a pour un certain a ∈ A. Alors x est inversible modulo l’idéal
principal h1 − axi, donc il existe y ∈ A× tel que y ≡ x mod h1 − axi, a fortiori y ≡ x mod a.
3. On écrit y = bx, x = ay donc (1 − ab)x = 0 ; b est inversible modulo h1 − abi donc il existe u ∈ A× tel
que u ≡ b mod h1 − abi d’où ux = bx = y.
4. Voir l’exercice 4.8.
5. Soit x inversible modulo a ; alors π(x) est inversible modulo a0 , donc il existe y ∈ A tel que π(y)
soit inversible dans A0 et π(y) ≡ π(x) mod a0 . Alors y est inversible dans A et y − x ∈ a + Rad A, i.e.
y = x + a + z avec a ∈ a et z ∈ Rad A. Alors l’élément y − z est inversible dans A et y − z ≡ x mod a.
Exercice 4.10 Tous les résultats peuvent être obtenus à partir du cas des corps discrets, cas pour
lequel les algorithmes sont classiques, en utilisant la machinerie locale-globale élémentaire des anneaux
zéro-dimensionnels réduits. On va préciser ici un peu cette affirmation de caractère très général.
Faisons deux remarques préliminaires pour un anneau quelconque A. Premièrement, si e ∈ A est un
idempotent et si E est une matrice élémentaire dans En (A/h1 − ei), alors si on la relève en une matrice
F ∈ Mn (A), la matrice (1 − e)In + eF est une matrice élémentaire dans En (A) qui produit la même
transformation que E dans la composante A/h1 − ei et qui ne fait rien dans la composante A/hei. Ceci
permet de comprendre comment on peut récupérer les résultats souhaités sur A en utilisant des résultats
analogues modulo les 1 − ei lorsque l’on dispose d’un système fondamental d’idempotents orthogonaux
e1 , . . . , ek (fourni par l’algorithme que l’on construit). Deuxièmement, si g ∈ A[X] est unitaire de degré
m > 0, pour tout f ∈ A[X], on peut diviser f par g : f = gq + r avec r de degré formel m − 1.
1. Soit e l’idempotent tel que hei = hbi. Il suffit de résoudre la question modulo e et 1 − e. Dans la branche
e = 1, b est inversible, ha, bi = h1i et le problème est résolu (pivot de Gauss). Dans la branche e = 0, b est
nul et le problème est résolu. Si e = bx, on trouve d = e + (1 − e)a et
1 ex(1 − a)
M = E21 (−be)E12 (ex(1 − a)) =
−eb ae + (1 − e)
2. On part de deux polynômes
f et g. On va construire un polynôme h et une matrice M ∈ E2 (A[X])
f h
telles que M = . A fortiori hf, gi = hhi.
g 0
On procède par récurrence sur m, degré formel de g, de coefficient formellement dominant b. On peut
f f
amorcer la récurrence à m = −1 ; dans ce cas, g = 0 et I2 = . On peut aussi traiter le cas m = 0 ;
g 0
alors g ∈ A et l’on utilise le point 1. avec B = A[X], a = f , b = g. Mais c’est inutile de traiter ce cas à
part (et dans ce cas on n’utilise plus le point 1.). En effet, si e l’idempotent tel que hei = hbi, il suffit de
résoudre la question modulo e et 1 − e et ce qui suit est valide pour tout m > 0.
Dans la branche e = 1, b est inversible, et puisque m > 0, on peut réaliser une division euclidienne classique
de f par g :f = qg − r avec le degré formel
de r égal à m − 1. Ce qui donne une matrice N ∈ E2 (A[X])
f g 0 1
telle que N = , à savoir N = . On peut alors appliquer l’hypothèse de récurrence.
g r −1 q
Dans la branche e = 0, g est de degré formel m − 1 et l’hypothèse de récurrence
s’applique.
f h
Dans la suite on utilise le point 2. en disant que l’on a transformé en au moyen de (( manipulations
g 0
de Bezout )).
3. En s’appuyant sur le résultat du point 2. on s’inspire de la démonstration de la proposition 4.7.3 (un
anneau principal est un anneau de Smith). Si l’on était sur un corps discret non trivial, l’algorithme
terminerait en un nombre fini d’étapes qui peut être borné directement en fonction de D, m, n, où D est le
m×n
degré maximum des coefficients de la matrice M ∈ A[X] que l’on désire réduire à la forme de Smith.
Il s’ensuit que lorsque A est zéro-dimensionnel réduit le nombre de scindages produits par les calculs
de pgcd (comme au point 2.) est lui aussi borné en fonction de D, m, n (où D est maintenant le degré
formel maximum des coefficients de la matrice). Ceci montre que l’algorithme complet, compte tenu de la
remarque préliminaire, termine lui aussi en un nombre d’étapes borné en fonction de D, m, n.
Remarque. Les algorithmes ne demandent pas que A soit discret.
Exercice 4.13 2. Si a est de type fini une matrice de présentation du module M = A/a est une
matrice ligne L ayant pour coefficients des générateurs de l’idéal. On en déduit que D1 (L) = a. Donc
F−1 (M ) = 0 ⊆ F0 (M ) = a ⊆ F1 (M ) = h1i. Le résultat se généralise à un idéal a arbitraire.
3. Résulte de 2. et du fait 4.9.7. Qn Pn
4. et 5. Dans le cas général en appliquant 2. et 3. on trouve : F0 (M ) = i=1 ai , Fn−1 (M ) = i=1 ai ,
Qk
et pour les idéaux intermédiaires les (( fonctions symétriques )) Fn−k (M ) = 16i1 <...<ik 6n `=1 ai` . Par
P
ailleurs Ann(M ) = a1 ∩ · · · ∩ an .
164 4. Modules de présentation finie
Exercice 4.15 P Montrons le point 1 (après on peut appliquer le fait 4.9.8). M = hg1 , . . . , gq i. On considère
une relation i αi gi =N 0. Le but est de montrer que le vecteur colonne V = (α1 , . . . , αq ) est une relation
dans M .
Premier cas M est de présentation finie. V rajouté à une matrice de présentation F de M pour (g1 , . . . , gq )
ne change pas les idéaux déterminantiels de cette matrice, donc il est une combinaison linéaire des colonnes
de F . cqfd
Deuxième cas M est de type fini. Puisque D1 (V ) ⊆ Fq−1 (M ) il existe une matrice F1 de relations pour
(g1 , . . . , gq ) dans M avec D1 (V ) ⊆ D1 (F1 ). Puisque D2 (V |F1 ) ⊆ Fq−2 (M ) il existe une matrice F2 de
relations pour (g1 , . . . , gq ) dans M avec D2 (V |F1 ) ⊆ D2 (F1 |F2 ), mais aussi bien sûr D1 (V |F1 ) ⊆ D1 (F1 |F2 ).
Et ainsi de suite jusqu’à : il existe une matrice F = [F1 | . . . |Fq ] de relations pour (g1 , . . . , gq ) dans M telle
que les idéaux déterminantiels de [V |F ] soient contenus dans ceux de F . Donc V est une combinaison
linéaire des colonnes de F .
Exercice 4.16 Si un idéal de Kaplansky est égal à 1, cela implique que le module est de type fini, car le
module est de type fini pour des A[1/ai ] avec des ai comaximaux.
Morale : les idéaux de Kaplansky sont un peu plus généraux, mais apparemment sans utilité dans le cas où
le module n’est pas de type fini. Notons quand même que les idéaux de Kaplansky présentent l’avantage
sur les idéaux de Fitting de permettre de caractériser les modules de type fini.
Pour le deuxième point, voici ce qui se passe.
Si a est un générateur typique de Kr (M ) et si M est engendré par g1 , ..., gq , on sait qu’il y a h1 , ..., hr
dans M tels que aM est contenu dans hh1 , ..., hr i.
Une
matrice
de relations pour le système générateur g1 , ..., gq , h1 , ..., hr est alors de la forme suivante
aIq
avec B de format r × q. On a simplement écrit que l’on peut exprimer agj en fonction des hi . Donc
B
dans l’idéal de Fitting d’ordre r du module il y a un générateur typique qui est le déterminant de aIq
c’est-à-dire aq . Ainsi tout générateur typique du Kaplansky est dans le nilradical du Fitting correspondant.
Notez que l’exposant qui intervient ici est simplement le nombre de générateurs du module.
Si maintenant a est un générateur typique de Fr (M ) on obtient a comme mineur d’ordre q − r pour une
matrice de relations
entre q générateurs g1 , ..., gq . Quitte à renuméroter les générateurs, cette matrice peut
N
s’écrire avec D carrée d’ordre q − r, N de type r × (q − r), et det D = a.
D
Par combinaisons linéaires des colonnes (précisément en faisant le produit à droite par la matrice
N0
cotransposée de D) on obtient d’autres relations pour les mêmes générateurs sous la forme et
aIq−r
cela implique exactement que les q − r derniers générateurs multipliés par a tombent dans le module
engendré par les r premiers. Bref tout générateur typique du Fitting est aussi un générateur typique du
Kaplansky correspondant.
Exercice 4.17
d
2. On a f ∩ A = ha, b, ci (si x ∈ A vérifie x ∈ X d , a, b, c A[X] , faire X := 0) et b = ha, b, ci . L’idéal
a est le contenu en T du polynôme (a + bT + cT 2 )d tandis que a0 est le contenu en T du polynôme
(aT1 + bT2 + cT3 )d . Par exemple pour d = 2
a = a2 , ab2 , 2ab, 2ac + b2 , b3 , b2 c, 2bc, c2 , a0 = a2 , 2ab, 2ac, b2 , 2bc, c2
Exercice 4.18 Soit ϕ e : k[X, Y ] → k[X] le k-morphisme défini par Xj 7→ Xj , Yi 7→ fi , i.e. le morphisme
d’évaluation Yi := fi , l’anneau de base étant k[X]. Comme pour tout morphisme d’évaluation, on a :
e = hY1 − f1 , . . . , Ys − fs i = hg1 , . . . , gs i ,
ker ϕ
e prolonge ϕ, ker ϕ = k[Y ] ∩ ker ϕ,
et puisque ϕ e ce qu’il fallait démontrer.
Solutions d’exercices 165
Problème 4.1 D’abord, le cycle σ = (1, 2, 3) réalise σ(f1 ) = f2 , σ(f2 ) = f3 et σ(f3 ) = f1 . Donc C3 = hσi
opère sur A = k[x, y, z]. Si de plus a = b ou b = c, alors {f1 , f2 , f3 } est invariant par S3 . Enfin, remarquons
que l’origine est un zéro du système, mais aussi l’existence de solutions avec x = y = z = 6 0 (dans une
extension de k).
1. Il y a deux cas de figure : le cas a 6 b < c, le plus facile à étudier (cas I), et le cas a < b = c (cas II).
• cas I (b < c).
On considère la relation d’ordre deglex sur les monômes de k[X, Y, Z] (voir l’exercice 3.3). Montrons que
A = p,q,r:max(p,q,r)<c k xp y q z r .
P
Soit m = xi y j z k vérifiant max(i, j, k) > c. Si i > c, on remplace dans m, xc par xi−c xc = −xi−c (y b + z a ).
Même chose si j > c ou si k > c. Il vient alors
xi−c y b+j z k , xi−c y j z a+k si i > c,
m = −(m1 + m2 ) avec m1 , m2 = xa+i y j−c z k , xi y j−c z b+k si j > c,
b+i j k−c i a+j k−c
x y z , xy z si k > c.
On voit alors que m1 < m et m2 < m ; on termine par récurrence. La lectrice vérifiera que les xp y q z r avec
p, q, r < c forment une k-base de A. Pour ceux qui connaissent : lorsque k est un corps discret, (f1 , f2 , f3 )
est une base de Gröbner pour la relation d’ordre deglex. Bilan : dimk A = c3 .
• cas II (a < b = c). Ce cas est plus difficile. On suppose d’abord que 2 est inversible dans k. On
introduit :
g1 = −f1 + f2 + f3 = 2Z c + X a + Y a − Z a ,
g2 = f1 − f2 + f3 = 2X c − X a + Y a + Z a ,
g3 = f1 + f2 − f3 = 2Y c + X a − Y a + Z a .
On a alors :
2f1 = g2 + g3 , 2f2 = g1 + g3 , 2f3 = g1 + g2 ,
de sorte que hf1 , f2 , f3 i = hg1 , g2 , g3 i. On peut alors opérer avec les gj comme on a fait avec les fi dans
le cas I. Si k est un corps discret, (g1 , g2 , g3 ) est une base de Gröbner pour la relation d’ordre gradué
lexicographique deglex.
Bilan : dimk A = c3 et les xp y q z r avec p, q, r < c forment une k-base de A.
• Le cas II avec un corps discret k de caractéristique 2 est laissé à la sagacité du lecteur. L’anneau A
n’est pas toujours zéro-dimensionnel ! Ceci arrive par exemple pour k = F2 et (a, b) = (1, 3), (1, 7), (2, 6),
(3, 9). Quand il est zéro-dimensionnel, il semble que dimk A < c3 .
2. Pour (a, b, c) = (2, 2, 3), on sait que dimk k[x, y, z] = 33 = 27. On utilise le théorème de Stickelberger
4.8, sauf que l’on ne connait pas les zéros du système. On vérifie, à l’aide d’un système de Calcul Formel,
que le polynôme caractéristique de x sur k se factorise en polynômes irréductibles (k = Q) :
Cx = t8 (t + 2)(t3 − t2 + 1)2 (t4 − 2t3 + 4t2 − 6t + 4)(t4 + t3 + t2 − t + 2)2 ,
mais la factorisation de Cx+2y est du type 18 · 11 · 41 · 41 · 41 · 61 . En conséquence, la projection (x, y, z) 7→ x
ne sépare pas les zéros du système, tandis que la projection (x, y, z) 7→ x + 2y le fait. De plus, on voit
que l’origine est le seul zéro avec multiplicité (égale à 8). Aidé de la factorisation de Cx et en réalisant
quelques petits calculs supplémentaires, on obtient :
– Un (autre) zéro défini sur k, (x, y, z) = (−2, −2, −2) et il est simple.
– Si α, β, γ sont les trois racines distinctes de t3 − t2 + 1, on obtient 6 zéros simples en faisant agir le
groupe S3 sur le zéro (α, β, γ). Si s1 , s2 , s3 sont les fonctions symétriques élémentaires de (X, Y, Z),
alors, sur Q, on a l’égalité d’idéaux hf1 , f2 , f3 , s1 − 1i = hs1 − 1, s2 , s3 + 1i, i.e. l’algèbre de ces 6
zéros est l’algèbre de décomposition universelle du polynôme t3 − t2 + 1.
– Soit δi une racine de t4 + t3 + t2 − t + 2 (i ∈ J1..4K).
En posant y = x = δi et z = 2/(x + 1) = −(x3 + x − 2)/2, on obtient un zéro du système. Le
polynôme minimal de z sur Q est celui que l’on voit dans la factorisation de Cx : t4 −2t3 +4t2 −6t+4.
On obtient ainsi quatre zéros simples du système.
– On peut faire agir A3 sur les 4 zéros précédents.
On a donc obtenu 1 + 6 + 3 × 4 = 19 zéros simples et un zéro de multiplicité 8. Le compte est bon.
Remarque : alors que dimk k[x, y, z] = 27, on a :
dimk k[x] = dimk k[y] = dimk k[z] = 14,
dimk k[x, y] = dimk k[x, z] = dimk k[y, z] = 23.
Ainsi, ni k[x, y], ni k[x, y, z] ne sont libres sur k[x], et k[x, y, z] n’est pas libre sur k[x, y].
3. Si k est un corps discret, dans le cas I en caractéristique 6= 2, on trouve, de manière expérimentale, que
l’algèbre locale de l’origine est k[X, Y, Z]/hX a , Y a , Z a i et donc la multiplicité de l’origine serait a3 . Quant
au cas II, cela semble bien mystérieux.
166 4. Modules de présentation finie
Problème 4.2 1. On met les poids suivants sur k[X] : X est de poids 1 et le poids de ai et bji est i ;
ainsi f et gj sont homogènes de poids d. On vérifie facilement pour tout k > 0 que (X k gj ) mod f est
homogène de poids d + k.
2. On indexe les d lignes de S par 1, . . . , d, la ligne i correspondant au poids i via i ↔ X d−i ↔ ai . La
matrice S est la concaténation horizontale de r matrices carrées d’ordre d, la j-ième matrice carrée étant
celle de la multiplication par gj modulo f dans la base X d−1 , . . . , X, 1. Si l’on numérote par 0, 1, . . . , d − 1,
les colonnes de la première sous-matrice carreée d’ordre d de S (correspondant à g1 ), alors le coefficient
d’indice (i, j) est homogène de poids i + j. Idem pour les autres coefficients avec des conventions analogues.
Par exemple, pour d = 3, si f = X 3 +a1 X 2 +a2 X +a3 , g = b1 X 2 +b2 X +b3 , la matrice de la multiplication
par g mod f est :
g Xg mod f X 2 g mod f
X d−1 ↔ 1 b1 −a1 b1 + b2 a21 b1 − a1 b2 − a2 b1 + b3
1 2 3
X d−2 ↔ 2 b2 −a2 b1 + b3 a1 a2 b1 − a2 b2 − a3 b1 de poids 2 3 4 .
d−3
X ↔ 3 b3 −a3 b1 a1 a3 b1 − a3 b2 3 4 5
Soit M une sous-matrice d’ordre d de S, k1 , . . . , kd les exposants de X correspondant à ses colonnes
(0 6 ki 6 d − 1 et les colonnes de M sont des X ki gj mod f ). Alors det(M ) est homogène, de poids la
somme des poids des coefficients diagonaux c’est-à-dire
Pd
(1 + k1 ) + (2 + k2 ) + · · · + (d + kd ) = d(d + 1)/2 + i=1 ki .
Par exemple, le poids du premier mineur d’ordre d de S (correspondant à la multiplication par g1 ) est
Pd−1
d(d + 1)/2 + k=0 k = d2 . Le poids de chacun des rd
d mineurs est minoré par d(d + 1)/2 (borne obtenue
pour ki = 0) et majoré par d(3d − 1)/2, (borne obtenue pour ki = d − 1), ces bornes étant atteintes si
r > d.
3. Le nombre dimQ E minore le cardinal de n’importe quel système générateur de b. On trouve de manière
expérimentale, pour des petites valeurs de r et d, que dimQ E = rd . Mais on a mieux. En effet, la
considération d’objets gradués permet d’affirmer le résultat suivant (Nakayama homogène) : toute famille
graduée de b dont l’image dans E est un système générateur homogène du Q-espace vectoriel gradué E
est un système générateur (homogène) de b. En particulier, il existe un système générateur homogène de
b de cardinal dimQ E, de manière conjecturale, rd . On peut aller plus loin en examinant les poids des
systèmes générateurs homogènes minimaux de b : ceux-ci sont uniques et fournies par la série (finie) du
Q-espace vectoriel gradué E. Par exemple, pour d = 5, r = 2, cette série est
6t25 + 4t24 + 6t23 + 6t22 + 6t21 + 2t20 + 2t19 ,
ce qui signifie que dans n’importe quel système générateur homogène minimal de b, il y a exactement 6 poly-
5 d
nômes de poids 25, 4 polynômes de
rd
poids 24, . . ., 2 polynômes de poids 19 (6 + 4 + · · · + 2 = 32 = 2 = r ).
Dans cet exemple, le nombre d de mineurs d’ordre d de S est 252.
De manière conjecturale, il semblerait que b soit engendré par des polynômes homogènes de poids 6 d2 ,
avec d+r−1
r−1 polynômes de poids d2 exactement.
Commentaires bibliographiques
Le théorème 4.4 page 141 est recopié de [MRR] chap. V, th. 2.4. Le théorème 4.5 page 142
est recopié de [MRR] chap. III, exercice 9 p. 80.
La référence standard pour les idéaux de Fitting est [Northcott].
Pour ce qui concerne les structures algébriques purement équationnelles et l’algèbre universelle
on peut consulter [Burris & Sankappanavar].
Une première introduction aux catégories se trouve dans [Cohn].
Des livres consacrés au sujet que l’on peut recommander sont [Mac Lane]
et [Lawvere & Rosebrugh].
Les idéaux de Kaplansky d’un module M sont utilisés dans [Kunz, Chap. IV] et
[Ischebeck & Rao, Chap. 9].
Les anneaux de Bezout strict ont été étudiés par Kaplansky dans [106]. Dans [Lam06], où
l’exercice 4.6 trouve sa source, Lam utilise K-Hermite ring pour anneau de Bezout strict. Cela
est à distinguer de Hermite ring : un anneau A est appelé anneau de Hermite si tout A-module
stablement libre est libre, c’est-à-dire encore si tout vecteur unimodulaire est complétable (voir
chapitre 5, section 5.3).
5. Modules projectifs de type fini, 1
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
5.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Propriétés caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Principe local-global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Modules projectifs et lemme de Schanuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Catégorie des modules projectifs de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
5.2 Sur les anneaux zéro-dimensionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
5.3 Modules stablement libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
5.4 Constructions naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
5.5 Théorème de structure locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
5.6 Modules localement monogènes projectifs . . . . . . . . . . . . . . . 180
Modules localement monogènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Modules monogènes projectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Modules localement monogènes projectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
Idéaux projectifs de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
5.7 Déterminant, polynôme fondamental et polynôme rang . . . . . . . 185
Le déterminant, le polynôme caractéristique et l’endomorphisme cotransposé 185
Le polynôme fondamental et le polynôme rang . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Quelques calculs explicites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
L’annulateur d’un module projectif de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Décomposition canonique d’un module projectif . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
Polynôme rang et idéaux de Fitting . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
5.8 Propriétés de caractère fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
Introduction
Rappelons qu’un module projectif de type fini est un module isomorphe à un facteur direct
dans un A-module libre de rang fini. Cette notion s’avère être la généralisation naturelle, pour
les modules sur un anneau commutatif, de la notion d’espace vectoriel de dimension finie sur un
corps discret. Ce chapitre développe la théorie de base de ces modules.
Une des motivations initiales de ce livre était de comprendre en termes concrets les théorèmes
suivants concernant les modules projectifs de type fini.
Théorème 5.1 (théorème de structure locale des modules projectifs de type fini) Un A-module
P est projectif de type fini si, et seulement si, il est localement libre au sens suivant. Il existe
des éléments comaximaux s1 , . . . , s` dans A tels que les Psi obtenus à partir de P en étendant
les scalaires aux anneaux Asi = A[1/si ] sont libres.
168 5. Modules projectifs de type fini, 1
Théorème 5.2 (caractérisation des modules projectifs de type fini par leurs idéaux de Fitting)
Soit P un A-module de présentation finie, il est projectif si, et seulement si, ses idéaux de Fitting
sont (des idéaux principaux engendrés par des) idempotents.
Théorème 5.3 (décomposition d’un module projectif de type fini en somme directe de modules
de rang constant) Si P est un A-module projectif de type fini engendré par n éléments, il existe
un système fondamental d’idempotents orthogonaux r0 , r1 , . . . , rn (certains éventuellement nuls)
tel que chaque rk P soit un module projectif de rang k sur l’anneau A/h1 − rk i. Le module P est
la somme directe des rk P (k > 0) et hr0 i est l’annulateur de P .
6 0.
Dans cette somme directe on peut naturellement se limiter aux indices k > 0 tels que rk =
Théorème 5.4 (caractérisation des modules projectifs de type fini par la platitude) Soit P un
A-module de présentation finie, il est projectif si, et seulement si, il est plat.
Dans ce chapitre nous démontrerons les trois premiers de ces théorèmes. Ils seront repris avec
de nouvelles preuves dans le chapitre 10. Le quatrième sera démontré dans le chapitre 8 consacré
aux modules plats.
D’autres théorèmes importants concernant les modules projectifs de type fini seront démontrés
dans les chapitres 10, 14 et 16. La théorie des algèbres qui sont des modules projectifs de type
fini est développée dans le chapitre 6.
5.1 Généralités
Rappelons qu’un module projectif de type fini est de présentation finie (exemple 2, page 126).
Propriétés caractéristiques
Lorsque M et N sont deux A-modules, on a un homomorphisme naturel θM,N : M ? ⊗ N →
LA (M, N ) donné par
(b2) P est de type fini et pour tout système fini de générateurs (hi )i∈J1..mK de P il existe des
formes linéaires (βi )i∈J1..mK sur P telles que :
∀x ∈ P x = βi (x) hi .
P
(c2) P est de type fini et pour toute application linéaire surjective ψ : Am → P il existe une
application linéaire ϕ : P → Am telle que ψ ◦ ϕ = IdP . On a alors Am = Im(ϕ) ⊕ Ker(ψ)
et P ' Im(ϕ ◦ ψ).
(c3) Comme (c2) mais en remplaçant Am par un A-module M arbitraire : P est de type fini et
pour toute application linéaire surjective ψ : M → P , Ker(ψ) est facteur direct.
(c4) P est un module de type fini tel que le foncteur LA (P, •) transforme les applications linéaires
surjectives en applications surjectives. Autrement dit : pour tous A-modules M, N , pour
toute application linéaire surjective ψ : M → N et toute application linéaire Φ : P → N il
existe une application linéaire ϕ : P → M telle que ψ ◦ ϕ = Φ.
M
}>
ϕ }
}
ψ
}
P /N
Φ
J Le point (b1) (resp (b2)) n’est qu’une reformulation de (c1) (resp. (c2)).
Le point (b3) n’est qu’une reformulation de (b1).
On a trivialement (c3) ⇒ (c2) ⇒ (c1).
(a) ⇒ (c1) : Considérer les applications canoniques P → P ⊕ N et P ⊕ N → P .
(c1) ⇒ (a) : Considérer π = ϕ ◦ ψ. On a π 2 = π. Ceci définit une projection de An sur
Im π = Im ϕ ' P parallèlement à N = Ker π = Ker ψ.
(b1) ⇒ (c4) : Si Φ(gi ) = ψ(yi ) (1 6 i 6 n) on pose ϕ(x) =
P
αi (x) yi . On a alors pour tout
x∈P : X X X
Φ(x) = Φ αi (x) gi = αi (x) ψ(yi ) = ψ αi (x) yi = ψ(ϕ(x))
On a aussi directement (b1) ⇒ (b2) comme suit : en exprimant les gi comme combinaisons
linéaires des hj on obtient les βj à partir des αi .
En pratique, conformément à la définition initiale, nous considérerons un module projectif
de type fini comme (copie par isomorphisme de l’) image d’une matrice de projection F . Une
telle matrice, ou l’application linéaire qu’elle représente, est encore appelée un projecteur. Plus
généralement, tout endomorphisme idempotent d’un module M est appelé un projecteur.
Lorsque l’on voit un module projectif de type fini selon la définition (c1), la matrice de
projection est celle de l’application linéaire ϕ ◦ ψ. De même, si l’on utilise la définition (b1) la
matrice de projection est celle ayant pour coefficients les αi (gj ) en position (i, j).
Un système ((g1 , . . . , gn ), (α1 , . . . , αn )) qui vérifie (b1) est appelé un système de coordonnées
pour le module projectif de type fini P . Certains auteurs parlent d’une base du module projectif
de type fini, mais nous ne les suivrons pas.
J Le premier point est clair. Tout le reste est clair à partir du moment où on montre que
λ = λ(gi ) αi pour tout λ ∈ P ? . Or cette égalité se démontre en évaluant les deux membres en
P
un élément x arbitraire de P :
P P P
λ(x) = λ( αi (x) gi ) = αi (x) λ(gi ) = ( λ(gi ) αi )(x).
I
ψ π
Théorème 5.6 Soit Am −→ Aq −→ P → 0 une présentation d’un A-module P . Alors P est
projectif de type fini si, et seulement si, ψ est localement simple.
J Si ψ est localement simple, le fait 2.5.14 nous dit que Im ψ est facteur direct, et Coker ψ
est isomorphe à un supplémentaire de Im ψ. Si P := Coker ψ est projectif, on applique à la
projection π : Aq → P la propriété (c2) du théorème 5.5. On obtient τ : P → Aq avec π ◦ τ = IdP ,
de sorte que Aq = Im τ ⊕ Im ψ. Donc Im ψ est projectif de type fini et l’on peut appliquer à
ψ : Am → Im ψ la propriété (c2), ce qui nous donne ϕ sur la composante Im ψ (et l’on prend par
exemple 0 sur Im τ ). I
Principe local-global
Le fait qu’un A-module est projectif de type fini est une notion locale au sens suivant.
J Cela résulte du théorème 5.6, du principe local-global 4.2 page 140 pour les modules de
présentation finie et du principe local-global 2.5 page 35 pour les applications linéaires localement
simples. I
Le principe local-global 5.1 établit l’implication (( si )) dans le théorème 5.1 page 167. La
réciproque (( seulement si )) a de fait été démontrée au théorème 2.5 page 37 ce qui nous donnera
le théorème 5.8 page 179. Nous donnerons pour cette réciproque un énoncé plus précis avec une
démonstration plus conceptuelle avec le théorème 10.2 page 362.
Définition 5.1.2 Un A-module P (non nécessairement de type fini) est dit projectif s’il vérifie
la propriété suivante.
Pour tous A-modules M, N , pour toute application linéaire surjective ψ : M → N et toute
application linéaire Φ : P → N il existe une application linéaire ϕ : P → M telle que ψ ◦ ϕ = Φ.
M
}>
ϕ }
}
ψ
}
P /N
Φ
5.1. Généralités 171
Ainsi, vue la caractérisation (c4) dans le théorème 5.5 page 168, un A-module est projectif
de type fini si, et seulement si, il est projectif et de type fini. Dans le fait suivant la dernière
propriété est comme l’implication (c4) ⇒ (c3) dans le théorème 5.5 page 168.
Une application linéaire ϕ : E → F est appelée une surjection scindée, s’il existe ψ : F → E
avec ϕ ◦ ψ = IdF . Dans ce cas on dit que ψ est une section de ϕ, et l’on a E = Ker ϕ ⊕ ψ(F ) '
Ker ϕ ⊕ F. Une suite exacte courte est dite scindée si sa surjection est scindée.
Fait 5.1.3
1. Un module libre ayant pour base un ensemble en bijection avec N est projectif. Par exemple
l’anneau des polynômes A[X] est un A-module projectif.
2. Tout module en facteur direct dans un module projectif est projectif.
3. Si P est projectif, toute suite exacte courte 0 → N → M → P → 0 est scindée.
Commentaire. En mathématiques constructives les modules libres ne sont pas toujours projectifs.
En outre il semble impossible de réaliser tout module comme quotient d’un module libre et
projectif. De même il semble impossible de mettre tout module projectif en facteur direct dans
un module libre et projectif. Pour plus de détails sur ce sujet on peut consulter [MRR].
ϕ1
Lemme 5.1.4 On considère deux applications A-linéaires surjectives de même image P1 −→
ϕ2
M → 0, P2 −→ M → 0 avec les modules P1 et P2 projectifs. Alors :
1. Il existe des isomorphismes réciproques α, β : P1 ⊕ P2 → P1 ⊕ P2 et tels que (ϕ1 ⊕ 0P2 ) ◦ α =
0P1 ⊕ ϕ2 et ϕ1 ⊕ 0P2 = (0P1 ⊕ ϕ2 ) ◦ β.
2. Si l’on note K1 = Ker ϕ1 et K2 = Ker ϕ2 , on obtient par restriction de α et β des
isomorphismes réciproques entre K1 ⊕ P2 et P1 ⊕ K2 .
P 1 NN ϕ1 PO 1 NN ϕ1 P1 ⊕
J P2P ϕ1 ⊕0P
NNN NNN PPP
&
2
N& N& & PPP
v '
u
88M 8M 7M
qqq qqq
α β
qqqϕ2
qqqϕ2 & nnnnn
P2 P2
nn0 ⊕ϕ
P1 2
P1 ⊕ P2
IdP1 − vu −v
v IdP1
α= β=
−u IdP2 u IdP2 − uv
La catégorie des modules projectifs de type fini sur A peut être construite à partir de la
catégorie des modules libres de rang fini sur A par un procédé purement catégorique.
1. Un module projectif de type fini P est décrit par un couple (LP , PrP ) où LP est un
module libre de rang fini et PrP ∈ End(LP ) est un projecteur. On a P ' Im PrP '
Coker(IdLP − PrP ).
2. Une application linéaire ϕ du module P (décrit par (LP , PrP )) vers le module Q (décrit
par (LQ , PrQ )) est décrite par une application linéaire Lϕ : LP → LQ soumise aux relations
de commutation PrQ ◦Lϕ = Lϕ = Lϕ ◦ PrP . En d’autres termes Lϕ est nulle sur Ker PrP et
son image est contenue dans Im PrQ .
3. L’identité de P est représentée par LIdP = PrP .
4. La somme de deux applications linéaires ϕ et ψ de P vers Q représentées par Lϕ et Lψ est
représentée par Lϕ + Lψ . L’application linéaire aϕ est représentée par aLϕ .
5. Pour représenter la composée de deux applications linéaires, on compose leurs représen-
tations.
6. Enfin une application linéaire ϕ de P vers Q représentée par Lϕ est nulle si, et seulement
si, Lϕ = 0.
Ceci montre que les problèmes concernant les modules projectifs de type fini peuvent toujours
être interprétés comme des problèmes à propos de matrices de projection, et se ramènent souvent
à des problèmes de résolution de systèmes linéaires sur A.
Une catégorie équivalente, plus adaptée aux calculs, est la catégorie dont les objets sont les
matrices de projection à coefficients dans A, un morphisme de F vers G étant une matrice H de
format convenable telle que GH = H = HF .
Le fait suivant reprend les affirmations du paragraphe précédent lorsque l’on prend le point
de vue des systèmes de coordonnées.
Fait 5.1.6 Soient P et Q deux modules projectifs de type fini avec des systèmes de coordon-
nées ((x1 , . . . , xn ), (α1 , . . . , αn )) et ((y1 , . . . , ym ), (β1 , . . . , βm )) et soit ϕ : P → Q une application
A-linéaire.
Alors on peut coder P et Q par les matrices
def def
F = (αi (xj ))i,j∈J1..nK et G = (βi (yj ))i,j∈J1..mK .
Précisément, on a les isomorphismes
π1 : P → Im F , x 7→ t[ α1 (x) · · · αn (x) ],
π2 : Q → Im G , y 7→ t[ β1 (y) · · · βm (y) ].
Quant à l’application linéaire ϕ, elle est codée par la matrice
def
H = (βi (ϕ(xj )))i∈J1..nK,j∈J1..mK
qui vérifie GH = H = HF : la matrice H est celle de l’application linéaire
An → Am , π1 (x) + z 7→ π2 (ϕ(x)) si x ∈ P et z ∈ Ker F.
On dira que la matrice H représente l’application linéaire ϕ dans les systèmes de coordonnées
((x), (α)) et ((y), (β)).
5.1. Généralités 173
Im − F −U 0 −U 0
I 0 Im Im 0
A= = m
U In − G U In 0 In U In
avec
0m 0 F 0
(5.2) =A A−1 .
0 G 0 0n
Réciproquement, une conjugaison entre Diag(0m , G) et Diag(F, 0n ) fournit un isomorphisme
entre Im F et Im G.
J La matrice suivante
Im F Ker F Im G Ker G
−ϕ−1
Im F 0 0 0
Ker F 0 Id 0 0
,
Im G ϕ 0 0 0
Ker G 0 0 0 Id
une fois remplacé Im F ⊕ Ker F par Am et Im G ⊕ Ker G par An , donne la matrice A. La présence
du signe − est due à la décomposition classique en produit de matrices élémentaires
−a−1 1 −a−1
0 1 0 1 0
= .
a 0 a 1 0 1 a 1
Proposition 5.1.8 Soit P ∈ Mn (A). La matrice P est idempotente et d’image libre de rang r si,
et seulement si, il existe deux matrices X ∈ An×r et Y ∈ Ar×n telles que Y X = Ir et P = XY .
En outre on obtient :
1. Ker P = Ker Y et Im P = Im X ' Im Y , et les colonnes de X forment une base de Im P .
2. Pour tous X 0 , Y 0 de mêmes formats que X et Y et telles que P = X 0 Y 0 , il existe une unique
matrice U ∈ GLr (A) telle que X 0 = XU et Y = U Y 0 . En fait U = Y X 0 , U −1 = Y 0 X et
Y 0 X 0 = Ir .
J Supposons que P est idempotente d’image libre de rang r. Pour colonnes de X on prend une
base de Im P . Alors, il existe une unique matrice Y telle que P = XY . Puisque P X = X (car
Im X ⊆ Im P et P 2 = P ) on a XY X = X. Puisque les colonnes de X sont indépendantes et que
X(Ir − Y X) = 0 on a Ir = Y X.
174 5. Modules projectifs de type fini, 1
idéal déterminantiel d’ordre p est régulier, donc égal à h1i (corollaire 4.8.3). Il reste à appliquer le
point 3. Dans le cas général, si P est engendré par p éléments, considérons un module P 0 tel que
P ⊕ P 0 ' Ap . Le module Q ⊕ P 0 est projectif de type fini donc en facteur direct dans un module
L ' An . Alors, d’après le deuxième cas, P ⊕ P 0 est en facteur direct dans L. On en déduit que P
est l’image d’une projection π : L → L. Enfin la restriction de π à Q est une projection qui a
pour image P .
6. On sait déjà que b) et c) sont équivalents parce que Q est de type fini (théorème 4.5 page 142).
Pour démontrer que a) implique b), on peut supposer que Q est libre (quitte à considérer Q0 tel
que Q ⊕ Q0 est libre). Alors ϕ est représenté par une matrice dont le déterminant est régulier
donc inversible. I
Corollaire 5.2.1
1. Soit a un idéal de A. On suppose que c’est un A-module de présentation finie avec
F1 (a) = h1i et qu’il existe a ∈ a tel que l’anneau B = A/hai soit zéro-dimensionnel. Alors
il existe c ∈ a tel que a = ha, ci = ham , ci pour tout m > 1.
2. (théorème un et demi) Soit Z l’anneau d’entiers d’un corps de nombres K et a un idéal de
type fini non nul de Z. Pour tout a 6= 0 dans a il existe c ∈ a tel que a = ha, ci = ham , ci
pour tout m > 1.
J 1. Le B-module a/aa est obtenu à partir du A-module a par extension des scalaires de A à
B, donc son premier idéal de Fitting reste égal à h1i. On applique le point 4. du théorème 5.7 : il
existe un c ∈ a tel que a/aa = hci en tant que B-module. Cela signifie a = cA + aa et donne le
résultat souhaité.
2. Si a = hx1 , . . . , xn i est un idéal de type fini de Z il existe un idéal de type fini b tel que
ab = hai (théorème 3.9 page 95). Notons x = [ x1 · · · xn ]. Il existe donc y1 , . . . , yn dans b tels
que x ty = i xi yi = a. Si yi xj = αij a, on a αii xk = αki xi . Donc dans Z[1/αii ] l’idéal a devient
P
principal, égal à hxi i, qui est libre de rang 1 (on peut supposer les xi non nuls). Puisque i αii = 1
P
les αii sont comaximaux, donc a est projectif de type fini et F1 (a) = h1i (ceci est vrai localement
donc globalement).
Pour appliquer le point 1. il reste à vérifier que Z/hai est zéro-dimensionnel. Considérons
r = NK/Q (a) = a AdjK/Q (a) = aa e. L’élément ae s’exprime comme un polynôme en a et en les
coefficients du polynôme caractéristique de a. En appliquant le corollaire 3.8.6 on en conclut
que ae ∈ Z et r ∈ Z. Donc Z/hai est un quotient de C = Z/hri. Il suffit de montrer que C est
zéro-dimensionnel. Or C est une extension entière de Z/hri. Si u ∈ C, l’anneau (Z/hri)[u] est
donc fini, et uk (1 − u` ) = 0 pour deux entiers k, ` > 0 convenables. I
n. On dira en outre1 que M est de rang s = n − r. Le rang d’un module stablement libre sur
0 0
un anneau nontrivial est bien défini. En effet, si M ⊕ Ar ' An et M ⊕ Ar ' An alors par le
0 0
lemme de Shanuel 5.1.5 on a Ar ⊕ An ' Ar ⊕ An . À partir d’un isomorphisme M ⊕ Ar → An on
obtient la projection π : An → An sur Ar parallèlement à M . Cela donne aussi une application
A-linéaire surjective ϕ : An → Ar avec Ker π = Ker ϕ ' M : il suffit de poser ϕ(x) = π(x) pour
tout x ∈ An .
Inversement si ϕ : An → Ar est une application linéaire surjective, il existe ψ : Ar → An
telle que ϕ ◦ ψ = IdAr . Alors π = ψ ◦ ϕ : An → An est une projection, avec Ker π = Ker ϕ,
Im π = Im ψ et Ker π ⊕ Im π = An . Et puisque Im π ' Im ϕ = Ar , le module
est stablement libre, et isomorphe à Im(IdAn − π). Rappelons que d’après le théorème 2.4 page 36,
dire que ϕ est surjective revient à dire que ϕ est de rang r, c’est-à-dire ici que Dr (ϕ) = h1i.
Enfin si l’on part d’une application linéaire injective ψ : Ar → An , dire qu’il existe ϕ : An → Ar
telle que ϕ ◦ ψ = IdAr revient à dire que Dr (ψ) = h1i (théorème 2.3 page 33). Ainsi :
Ce résultat peut permettre de définir un nouveau codage, spécifique pour les modules stable-
ment libres. Un tel module sera codé par les matrices des applications linéaires ϕ et ψ. Concernant
le dual de M il sera codé par les matrices transposées, en effet :
Fait 5.3.2 Avec les notations précédentes M ? est stablement libre, canoniquement isomorphe à
Coker tϕ et à Ker tψ.
Ceci est un cas particulier du résultat plus général suivant (voir aussi le fait 2.6.3).
S
S 0 R0 = In .
R
Rappelons qu’un vecteur x ∈ Aq est dit unimodulaire lorsque ses coordonnées sont des
éléments comaximaux. Il est dit complétable s’il est le premier vecteur (ligne ou colonne) d’une
matrice inversible.
Théorème 5.8
1. Un A-module P de présentation finie est projectif de type fini si, et seulement si, ses idéaux
de Fitting sont (engendrés par des) idempotents.
2. Plus précisément pour la réciproque supposons qu’un A-module P de présentation finie ait
ses idéaux de Fitting idempotents et que G ∈ Aq×n soit une matrice de présentation de P ,
correspondant à un système de q générateurs. Soit fh le générateur idempotent de Fh (P )
et rh := fh − fh−1 . Alors :
(a) (r0 , . . . , rq ) est un système fondamental d’idempotents orthogonaux.
(b) Si th,j est un mineur d’ordre q − h de G et sh,j := th,j rh , le Ash,j -module Psh,j est
libre de rang h.
(c) Les éléments sh,j sont comaximaux.
(d) On a rk = 1 si, et seulement si, la matrice G est de rang q − k.
(e) Le module P est projectif de type fini.
3. En particulier un module projectif de type fini devient libre après localisation en un nombre
fini d’éléments comaximaux.
J Le théorème 5.6 page 170 nous dit que le module P présenté par la matrice G est projectif
si, et seulement si, la matrice G est localement simple. On applique ensuite la caractérisation
des matrices localement simples par leurs idéaux déterminantiels donnée dans le théorème 2.5
page 37, ainsi que la description précise de la structure des matrices localement simples donnée
dans ce théorème (points 5. et 7. du théorème).
Note : Le point 3. peut être obtenu plus directement en appliquant le théorème 2.5 page 37 à
une matrice idempotente (donc localement simple) dont l’image est isomorphe au module P . I
180 5. Modules projectifs de type fini, 1
Ainsi les modules projectifs de type fini sont localement libres, au sens fort donné dans le
théorème 5.1 page 167.
Dans la section 10.1 nous donnerons une preuve alternative pour le théorème 5.1, plus intuitive
et plus éclairante que celle que nous venons de fournir. En outre les éléments comaximaux qui
fournissent des localisations libres seront moins nombreux.
Remarque. On peut donc tester si un module de présentation finie est projectif ou non lorsque
l’on sait tester si ses idéaux de Fitting sont idempotents ou non. Ceci est possible si l’on sait
tester l’appartenance x ∈ ha1 , . . . , ah i pour tout système x, a1 , . . . , ah d’éléments de A, c.-à-d. si
l’anneau est fortement discret. On pourra comparer à [MRR] chap. III exercice 4 p. 96.
Voici maintenant, en point 3. du théorème suivant, une machinerie calculatoire efficace pour
les modules localement monogènes.
autrement dit, pour chaque ligne `, la matrice suivante est formellement de rang 6 1 (ses
mineurs de taille 2 sont nuls)
a`1 · · · a`n
x1 · · · xn
V2
4. A (M ) = 0.
5. F1 (M ) = h1i.
6*. Après localisation en n’importe quel idéal premier, M est monogène.
7*. Après localisation en n’importe quel idéal maximal, M est monogène.
xi = ygi . Posons bij = ui yj , alors pour tous i, j, ` ∈ J1..nK on a b`j xi = u` yi yj g = b`i xj . En outre
Xn Xn Xn
g= ui xi = ui yi g = bii g.
i=1 i=1 i=1
Posons s = 1 − ni=1 bii . On a sg = 0 et donc sxk = 0 pour tout k. Prenons aij = bij pour
P
(i, j) 6= (n, n) et ann = bnn + s. Alors la matrice (aij ) vérifie bien les équations (5.3).
Montrons qu’un module localement monogène vérifie la condition 3. Cette propriété peut être
vue comme l’existence d’une solution pour un système linéaire dont les coefficients s’expriment
en fonction des générateurs xi . Or un module monogène vérifie la propriété 3. On peut donc
appliquer le principe local-global de base.
Ainsi 1. ⇔ 2. ⇔ 3.
On a 1. ⇒ 4. et 1. ⇒ 5. parce que les foncteurs 2A • et F1 (•) se comportent bien par localisation.
V
Montrons 5. ⇒ 1. M est le quotient d’un module de présentation finie M 0 tel que F1 (M 0 ) = h1i,
on peut donc supposer sans perte de généralité que M est de présentation finie avec une matrice
de présentation B ∈ An×m . Par hypothèse les mineurs d’ordre n − 1 de la matrice B sont
comaximaux. Lorsque l’on inverse l’un de ces mineurs, par le lemme du mineur inversible page 31
la matrice B est équivalente à une matrice
In−1 0n−1,m−n+1
,
01,n−1 B1
et la matrice B1 ∈ A1×(m−n+1) est aussi une matrice de présentation de M .
Supposons 4. et n > 2, et montrons que M est, après localisation en des éléments comaximaux
convenables, engendré par n − 1 éléments. Cela suffira à montrer (en utilisant une récurrence sur
n) que 4. ⇒ 1., en utilisant le fait 5.6.2. Le module 2A (M ) est engendré par les vj,k = xj ∧ xk
V
(1 6 j < k 6 n) et les relations entre les vj,k sont toutes obtenues à partir des relations entre
les xi . Donc si 2A (M ) = 0, M est le quotient d’un module de présentation finie M 0 tel que
V
V2 0
A (M ) = 0. On suppose alors sans perte de généralité que M est de présentation finie avec
une matrice de présentation A = (aij ). Une matrice de présentation B pour 2A (M ) avec les
V
générateurs vj,k est obtenue comme indiqué dans la proposition 4.4.8. C’est une matrice de format
n(n−1)
2 × m (pour un m convenable), et chaque coefficient de B est nul ou égal à un aij . Cette
182 5. Modules projectifs de type fini, 1
matrice est surjective donc Dn(n−1)/2 (B) = h1i et les aij sont comaximaux. Or lorsque l’on passe
de A à A[1/aij ], xi devient combinaison linéaire des xk (k = 6 i) et M est engendré par n − 1
éléments.
On a évidemment 1. ⇒ 6*. ⇒ 7*. La preuve que 7*. implique 3. est non constructive : on
remplace dans la preuve que 1. implique 3. l’existence d’une solution pour un système linéaire
en vertu du principe local-global de base, par l’existence d’une solution en vertu du principe
local-global abstrait correspondant. I
Dans la suite, nous appellerons matrice de localisation monogène pour le n-uplet (x1 , . . . , xn )
une matrice (aij ) qui vérifie les équations (5.3). Si les xi sont des éléments de A, ils engendrent
un idéal localement principal et nous parlerons de matrice de localisation principale.
Remarque. Dans le cas d’un module engendré par 2 éléments M = Ax + Ay, les équations (5.3)
1 − u −b
sont très simples et une matrice de localisation monogène pour (x, y) est une matrice
−a u
qui vérifie :
1 − u −b −a u
(5.4)
x = = 0, i.e. (1 − u)y = bx et ux = ay
y x y
1b) Montrons que tout mineur d’ordre 2 de A annule xi : on considère la matrice suivante
Son déterminant est nul (en développant par rapport à la première ligne) et le développement
par rapport à la première colonne fournit
(aj` akh − ajh ak` )xi = 0.
Montrons que A2 = A modulo Ann(M ). Ce qui suit est écrit modulo cet annulateur. On vient de
montrer que les mineurs d’ordre 2 de A sont nuls. Cela dit que A est une matrice de localisation
monogène pour chacune de ses lignes Li . D’après le point 1a) appliqué à Li , on a Li A = Li , et
donc A2 = A.
1e) Notons x = [ x1 · · · xn ]. D’une part
P P
i βi xi = xβ = xAα = xα = i αi xi . D’autre part,
X X X
β i xj = αk aik xj = αk aij xk = aij αk xk = aij y.
k k k
Ceci montre l’égalité (5.5) et l’on en déduit hβ1 , . . . , βn i M = Ay.
2. Supposons tout d’abord que M est isomorphe à l’image d’une matrice de projection A de
rang 1. Notons xi la i-ème colonne de A. Comme D2 (A) = 0, on a les égalités a`j xi = a`i xj pour
i, j, ` ∈ J1..nK. Ces égalités impliquent que sur l’anneau A[1/a`j ] le module est engendré par
xj , et puisque D1 (A) = h1i le module est localement monogène. Enfin soit b ∈ Ann(M ), alors
bA = 0, et D1 (A) = h1i implique b = 0 : le module est fidèle.
Supposons maintenant que M est localement monogène, et que A est une matrice de localisation
monogène pour un système générateur (x1 , . . . , xn ). Si M est fidèle, vu 1b), on a D2 (A) = 0 et
A2 = A donc A est une matrice de projection de rang 6 1. Puisque Tr(A) = 1, A est de rang 1.
Vu 1a), In − A est une matrice de relations pour (x1 , . . . , xn ). Soit maintenant ni=1 αi xi = 0
P
Lemme 5.6.4 Pour un module monogène M les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. M est un A-module projectif de type fini.
2. Ann(M ) = hsi avec s idempotent.
3. M ' hri avec r idempotent.
On en déduit qu’un anneau A est quasi intègre si, et seulement si, tout idéal principal est
projectif, ce qui justifie la terminologie anglaise de pp-ring (principal ideals are projective).
184 5. Modules projectifs de type fini, 1
Lemme 5.6.6
1. Si a ⊆ b avec a de type fini et b localement principal il existe un idéal de type fini c tel que
bc = a.
2. Un idéal a est projectif de type fini si, et seulement si, il est localement principal et son
annulateur est engendré par un idempotent.
3. Un idéal a est quasi libre si, et seulement si, il est principal et son annulateur est engendré
par un idempotent.
4. Soient a1 et a2 des idéaux et b un idéal projectif de type fini fidèle. Si ba1 = ba2 alors
a1 = a2 .
5. Un idéal est inversible si, et seulement si, il est localement principal et il contient un
élément régulier.
J Tout ceci se prouve en localisant en des éléments comaximaux (théorème 5.8 page 179).
Le point 1. est laissé au lecteur (voir éventuellement la section 8.4).
Pour le point 2., l’implication directe utilise le corollaire 2.5.17 : si une application linéaire
Ak → A est injective avec k > 1, l’anneau est trivial. Donc dans chaque localisation a est non
seulement libre mais monogène. L’implication réciproque est dans le lemme 5.6.5.
Pour le point 3. et l’implication directe, on écrit a ' i∈J1..nK hei i où les ei sont des idempotents
L
4. L’idéal b devient libre, et monogène d’après le point 2. Si en plus il est fidèle, son annulateur
est nul, et le générateur est un élément régulier.
5. Le point 1. implique qu’un idéal localement principal qui contient un élément régulier est
inversible. Réciproquement soit a = ha1 , . . . , an i un idéal inversible. Il existe c régulier dans a
et un idéal b tels que a b = hci. Soient b1 , . . . , bn ∈ b tels que i ai bi = c. On a pour chaque
P
i, j ∈ J1..nK un cij ∈ A tel que bi aj = c cij . En utilisant le fait que c est régulier on vérifie sans
peine que la matrice (cij )16i,j6n est une matrice de localisation principale pour (a1 , . . . , an ). I
8. On note
C−ϕ (−X)−C−ϕ (0) − C−ϕ (−X)+det(ϕ)
Γϕ (X) := − X = X ,
de sorte que C−ϕ (−X) = −XΓϕ (X) + det(ϕ). Alors ϕe = Γϕ (ϕ).
J Pour prouver 1a), on écrit Am ' P ⊕Q1 et An ' P ⊕Q2 de sorte que Am+n ' P ⊕Q1 ⊕P ⊕Q2 .
On considère l’endomorphisme ψ de Am+n qui est égal à ϕ sur la première composante P et à
l’identité sur les trois autres composantes. Selon la manière dont on regroupe les termes de la
somme directe on trouve comme déterminant de ψ l’un ou l’autre des deux déterminants dont
nous voulons démontrer l’égalité.
Pour prouver 1c), on procède de la même manière. On pose ϕ1 = ϕ⊕IdQ1 et ϕ2 = ϕ ⊕ IdQ2 , donc
ψ ' ϕ1 ⊕ IdAn ' ϕ2 ⊕ IdAm (c’était implicite jusqu’ici). La cotransposition des endomorphismes
vérifie le point 3. dans le cas des modules libres, donc ψe opère sur P ⊕ Q1 et se restreint en ϕ
f1 .
De même ψ opère sur P ⊕ Q2 et se restreint en ϕ2 . Donc ψ opère sur P = (P ⊕ Q1 ) ∩ (P ⊕ Q2 ).
e f e
Ainsi, ϕf1 et ϕ
f2 opèrent tous deux sur P de la même manière que ψ. e
On remarque que les définitions données dans le point 1. redonnent bien les objets usuels de
même nom dans le cas où le module est libre, puisqu’il suffit de prendre Q = 0.
Les affirmations 2., 3., 4. et 5. résultent facilement de la définition, sachant que les résultats sont
vrais dans le cas libre.
Pour le point 6. on a déjà vu que ϕe = f1 (ϕ) et est égal à la restriction de ϕ
f1 = f1 (ϕ1 ) à P . Et
puisque ϕ1 est un endomorphisme d’un libre on a
f1 ◦ ϕ1 = det(ϕ1 ) IdP ⊕Q1
ϕ
ce qui donne par restriction à P l’égalité voulue.
Pour le point 7. nous pouvons reproduire la preuve suivante, classique dans le cas des modules
libres. Considérons l’endomorphisme ψ = XIdP [X] − ϕ du A[X]-module P [X]. D’après le point
6. on a
ψψ
e = ψ ψe = Cϕ (X) Id
P [X] (∗)
En outre ψe est un polynôme en ψ à coefficients dans A[ϕ]. Donc il s’écrit k>0 ϕk X k avec les
P
deux membres de (∗) on obtient (en convenant de ϕ−1 = 0) ϕk−1 − ϕk ϕ = ak IdP pour tout k > 0.
Alors Cϕ (ϕ) = k>0 (ϕk−1 − ϕk ϕ)ϕk = 0.
P
J Résulte de ϕe ◦ ϕ = det(ϕ)IdP . I
5.7. Déterminant, polynôme fondamental et polynôme rang 187
On notera que
Fϕ (0) = 1 = RP (1), Cϕ (0) = det(−ϕ), et Faϕ (X) = Fϕ (aX)
mais Cϕ (X) n’est pas toujours unitaire (cf. exemple page 189).
On notera également que pour tout a ∈ A on obtient :
D’où
RP (0) = det(0EndA (P ) ),
C−ϕ (−X) = det(ϕ − XIdP [X] ) = det(−(XIdP [X] − ϕ)) = RP (−1) Cϕ (X),
et
(5.7) det(ϕ) = RP (−1) Cϕ (0)
qui remplace l’égalité det(ϕ) = (−1)k Cϕ (0) dans le cas des modules libres de rang k.
Si P est un module projectif de type fini, il lui correspond un système fondamental d’idempo-
tents orthogonaux de manière canonique :
Si P est un A-module libre de rang k on a RP (X) = X k , la définition suivante est donc une
extension légitime des modules libres aux modules projectifs de type fini.
Définition 5.7.3 Un module projectif de type fini P est dit de rang égal à k si RP (X) = X k .
Si l’on ne précise pas la valeur du rang, on dit simplement que le module est de rang constant.
Nous utiliserons la notation rg(M ) = k pour indiquer qu’un module (supposé projectif de rang
constant) est de rang k.
Notons que d’après la proposition 5.7.9, tout module projectif de rang k > 0 est fidèle.
Fait 5.7.4 Le polynôme caractéristique d’un endomorphisme d’un module projectif de rang
constant k est unitaire de degré k.
J On peut donner une élégante démonstration directe (voir l’exercice 5.20). On pourrait aussi
éviter toute fatigue et utiliser un argument de localisation, en s’appuyant sur le théorème de
structure locale et sur le fait 5.7.6, qui affirme que tout se passe bien pour le polynôme caracté-
ristique par localisation. I
La convention dans la remarque suivante permet une formulation plus uniforme des théorèmes
et des preuves dans la suite.
Remarque. Lorsque l’anneau A est réduit à {0} tous les A-modules sont triviaux. Néanmoins,
conformément à la définition ci-dessus, le module nul sur l’anneau nul est un module projectif de
rang constant égal à k, pour n’importe quelle valeur de l’entier k > 0. Par ailleurs il est immédiat
que si un module projectif de type fini P a deux rangs constants distincts, alors l’anneau est
trivial : on a RP (X) = 1A X h = 1A X k avec h =
6 k donc le coefficient de X h est égal à la fois à
1A et à 0A .
Pour le dernier point on applique le point 3. du théorème 5.10 page 185 avec ϕ et IdQ en
remarquant que G est la matrice de ψ = ϕ ⊕ IdQ = ϕ0 + πQ .
Notez que le polynôme caractéristique de IdP est égal à RP (X − 1).
Le fait suivant est une conséquence immédiate de la proposition 5.4.1 et du lemme précédent.
Fait 5.7.7 Soit P un module projectif de type fini avec un système de coordonnées
((x1 , . . . , xn ), (α1 , . . . , αn )) et ϕ un endomorphisme de P .
Alors si l’on code P par la matrice
def
F = (αi (xj ))i,j∈J1..nK
(P est isomorphe à Im F ⊆ An au moyen de x 7→ π(x) = t[ α1 (x) · · · αn (x) ]), on obtient :
1. L’endomorphisme ϕ est codé par la matrice
def
H = (αi (ϕ(xj )))i,j∈J1..nK
qui vérifie H = HF = F H.
P
2. On a Fϕ (X) = det(In + XH) et Tr(ϕ) = Tr(H) = i αi (ϕ(xi )).
3. Pour ν ∈ P ?,
x ∈ P , rappelons que θP (ν ⊗ x)(y) = ν(y)x. La trace de cet endomorphisme
est donnée par TrP (θP (ν ⊗ x)) = ν(x).
J La première partie est un rappel du fait 5.1.6. Plus précisément, la matrice H est celle de
l’application A-linéaire ϕ0 introduite dans le lemme 5.7.5 :
π(x) + y 7→ π(ϕ(x)) avec π(x) ∈ Im F et y ∈ Ker F.
Le point 2. résulte donc du lemme 5.7.5.
3. D’après le point 2., on a :
Tr(θP (ν ⊗ x)) =
P P P
i αi (ν(xi )x) = i ν(xi )αi (x) =ν( i αi (x)xi ) = ν(x).
I
Lemme 5.7.8 Soient M, N deux k-modules projectifs de type fini et des endomorphismes ϕ ∈
Endk (M ) et ψ ∈ Endk (N ). Alors TrM ⊗N (ϕ ⊗ ψ) = TrM (ϕ) TrN (ψ).
J On a évidemment Ann(P ) ⊆ Ann(JP ). Soit ((xi )i∈J1..nK , (αi )i∈J1..nK ) un système de coordonnées
sur P . Alors
JP = hαi (xj ) ; i, j ∈ J1..nKi
et la matrice de projection F = (αi (xj ))i,j∈J1..nK a une image isomorphe à P . Par définition,
r0 est l’idempotent r0 = det(In − F ) ; puisque (In − F )F = 0, en multipliant à gauche par la
cotransposée, r0 F = 0, i.e. r0 P = 0. Donc hr0 i ⊆ Ann(P ) ⊆ Ann(JP ) et JP ⊆ Ann(r0 ). Par
5.7. Déterminant, polynôme fondamental et polynôme rang 191
Rappelons que pour un idempotent e et un A-module P , le module obtenu par extension des
scalaires à A[1/e] ' A/h1 − ei s’identifie à eP ' P /(1 − e)P .
Notez que, sauf si rh = 1 ou h = 0, le module rh P n’est pas de rang constant en tant que
A-module.
Le théorème précédent donne une démonstration (( structurelle )) du théorème 5.3 page 168.
Remarque. Si P est (isomorphe à) l’image d’une matrice de projection F les idempotents ei (P )
attachés au module P peuvent être reliés au polynôme caractéristique de la matrice F comme
suit :
det(XIn − F ) =:
r0 X n + r1 X n−1 (X − 1) + · · · + ri X n−i (X − 1)i + · · · + rn (X − 1)n
(les X n−i (X − 1)i forment une base du module des polynômes de degré 6 n, triangulaire par
rapport à la base usuelle).
Théorème 5.13 (Structure locale et idéaux de Fitting d’un module projectif de type fini, 2)
1. Soit F ∈ GAq (A), P ' Im F , RP (X) = qi=0 ri X i et RP (1 + X) = 1 + u1 X + · · · + uq X q
P
(uh est la somme des mineurs principaux d’ordre h de la matrice F ). On a pour tout
h ∈ J0..qK :
(
Dh (F ) = hrh + · · · + rq i = hrh , . . . , rq i = huh , . . . , uq i
Fh (P ) = hr0 + · · · + rh i = hr0 , . . . , rh i
2. En particulier :
(a) rg(F ) = h ⇐⇒ rg(P ) = h,
(b) rg(F ) 6 h ⇐⇒ deg RP 6 h,
(c) rg(F ) > h ⇐⇒ r0 = · · · = rh = 0 ⇐⇒ Fh (P ) = 0.
J Montrons le point 3. On trouve d’abord un u ∈ S tel que u ψ(ϕ(xj )) = 0 pour des générateurs
xj de N . On en déduit que ψ ◦ ϕ devient nul après localisation en u. Par ailleurs les hypothèses
assurent que Ker ψ est de type fini. Soient y1 , . . . , yn des générateurs de Ker ψ. Pour chacun
d’eux on trouve un zj dans N et un sj ∈ S tels que sj (ϕ(zj ) − yj ) = 0. On prend pour s le
produit de u et des sj .
Montrons le point 4. Soient G et H des matrices de présentation pour M et N . Notons G1 et H1
les deux matrices données dans le lemme 4.1.1. Par hypothèse il existe deux matrices carrées Q
et R à coefficients dans A telles que v = det(Q) det(R) ∈ S et Q G1 =AS H1 R. Ceci signifie que
l’on a sur A une égalité
w (Q G1 − H1 R) = 0, w ∈ S
Il suffit donc de prendre s = vw. I
On a vu que l’extension des scalaires se comporte bien par rapport aux produits tensoriels,
aux puissances extérieures et aux puissances symétriques. Pour le foncteur LA les choses ne se
passent pas toujours aussi bien. Des résultats importants pour la suite sont les suivants :
∀x ∈ M ϕ(x/1) = φ(x)/s.
est bijective.
J Le deuxième cas, facile, est laissé à la lectrice. Pour suivre la démonstration du premier
cas il faut regarder la figure 5.1. Supposons que M est le conoyau de l’application linéaire
g : Am → Aq avec une matrice G = (gi,j ) par rapport aux bases canoniques, alors d’après le
q
fait 2.6.4 le module MS est le conoyau de l’application linéaire gS : Am S → AS avec la matrice
q
GS = (gi,j /1) par rapport aux bases canoniques. On note jm : Am → Am q
S , jq : A → AS ,
jM : M → MS , jN : N → NS , π : Aq → M , πS : AqS → MS les applications canoniques. Soit
ψ := ϕ ◦ πS , de sorte que ψ ◦ gS = 0. Donc ψ ◦ gS ◦ jm = 0 = ψ ◦ jq ◦ g. Il existe un dénominateur
commun s ∈ S pour les images par ψ des vecteurs de la base canonique, donc il existe une
application linéaire Ψ : Aq → N avec (sψ) ◦ jq = jN ◦ Ψ. D’où jN ◦ Ψ ◦ g = s(jm ◦ gS ◦ ψ) = 0.
D’après la proposition 5.8.2 appliquée à Ψ ◦ g, l’égalité jN ◦ (Ψ ◦ g) = 0 dans NS implique qu’il
existe s0 ∈ S tel que s0 (Ψ ◦ g) = 0. Donc s0 Ψ se factorise sous forme φ ◦ π. On obtient alors
(ss0 ϕ) ◦ jM ◦ π = ss0 (ϕ ◦ πS ◦ jq ) = ss0 ψ ◦ jq = s0 jN ◦ Ψ = jN ◦ φ ◦ π, et puisque π est surjective
ss0 ϕ ◦ jM = jN ◦ φ. C.-à-d., pour tout x ∈ M ϕ(x/1) = φ(x)/ss0 . I
194 5. Modules projectifs de type fini, 1
jm / Am
Am S
g gS
jq
Aq0 / Aq
S2
0 2
π 0 πS 222
0Ψ 22
jM / MS 22ψ
MB 0 DD 22
B 0 DD 2
B0 D 2
φ B0 ϕ DDD2! 2
jN / NS
N
Corollaire 5.8.4 Supposons que M et N sont de présentation finie, ou qu’ils sont de type fini
sans torsion et que A est intègre. Si ϕ : MS → NS est un isomorphisme, il existe s ∈ S et un
isomorphisme ψ : Ms → Ns tel que ψS = ϕ.
Exercices et problèmes
Exercice 5.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées au lecteur,
etc. . . Notamment :
– Montrer les faits 5.1.3 et 5.1.6.
– Vérifier les détails du lemme 5.7.5.
– Montrer le fait 5.8.2 ainsi que le deuxième cas dans la proposition 5.8.3.
2. En déduire que si l’on a une suite exacte où les Pi , i ∈ J1..nK sont projectifs
0 → Pn → Pn−1 → · · · → P1 → P0 → M → 0,
alors pour toute suite exacte où les Pi0 sont projectifs pour i ∈ J1..n − 1K
0 → Pn0 → Pn−10
→ · · · → P10 → P00 → M → 0
0
le module Pn est également projectif.
Exercice 5.5 On considère une suite exacte entre modules projectifs de type fini
un+1 nu un−1 2 u 1 u
0 −→ Pn −→ Pn−1 −→ Pn−2 −→ · · · −→ P2 −→ P1 −→ 0
M M
Montrer que Pi ' Pj .
i impair j pair
En déduire que si les Pi pour i > 2 sont stablement libres, il en est de même de P1 .
Exercice 5.6 Montrer que pour un anneau A les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. A est zéro-dimensionnel réduit.
2. Les modules de présentation finie sont toujours projectifs de type fini.
3. Tout module A/hai est projectif de type fini.
(autrement dit montrer la réciproque pour le point 1. dans le théorème 5.7 page 174).
– en déduire à quelle condition une ligne L et une colonne C peuvent être la ligne i et la colonne j
d’une matrice de projection de rang 1 (on suppose que le coefficient commun en position (i, j) est
régulier).
4. Soit C ∈ Im A, tL ∈ Im tA et a = L · C. Montrer l’égalité matricielle C · L = aA et en déduire l’égalité
d’idéaux hLi h tCi = hai. Si a est régulier, les idéaux hLi et h tCi sont inversibles, inverses l’un de l’autre,
hLi ' Im A et h tCi ' Im tA.
Exercice 5.9 Si un A-module de type fini a ses idéaux de Fitting engendrés par des idempotents, il est
projectif de type fini.
relations courtes).
Dans les deux premières questions, on montre que si x est unimodulaire, alors x⊥ est engendré par ces
petites relations. On fixe y ∈ An tel que hx | yi = 1.
(1) Rappeler pourquoi An = A.y ⊕ x⊥ .
(2) Pour 1 6 i < j 6 n, on définit πij : An → An par :
πij (z) = (zi yj − zj yi )(xj ei − xi ej )
⊥ ⊥
P
si bien que Im πij ⊆ x ∩ (Aei ⊕ Aej ). Montrer que π = i<j πij est la projection sur x
parallèlement à Ay. En déduire le résultat sur les petites relations. Voir aussi l’exercice 2.5.
On ne suppose plus que x est unimodulaire. Soit M = (mij ) ∈ Mn (A) une matrice alternée, i.e. mi,i = 0
et mij + mji = 0.
(3) Montrer qu’en posant z = M x, on a hx | zi = 0. On pourra commencer par étudier les cas n = 2 et
n = 3.
(4) En quel sens, une matrice alternée est-elle (( somme de petites matrices alternées )) ? Faire le lien
avec la définition de πij dans la question (2).
Exercice 5.16 (au sujet de A/a ⊕ A/b ' A/(a ∩ b) ⊕ A/(a + b))
Voir aussi l’exercice 8.11 et le corollaire 12.1.6.
1. Soient a, b deux idéaux de A vérifiant 1 ∈ (a : b) + (b : a). Expliciter θ ∈ GL2 (A) vérifiant θ(a ⊕ b) =
(a ∩ b) ⊕ (a + b). En déduire que A/a ⊕ A/b ' A/(a ∩ b) ⊕ A/(a + b).
a ∗
2. Soient a, b ∈ A, a = hai, b = hbi. On suppose qu’il existe A ∈ GL2 (A) telle que A = . Montrer
b 0
que 1 ∈ (b : a) + (a : b). Expliciter d, m tels que a ∩ b = hmi, a + b = hdi ainsi qu’une équivalence
matricielle entre Diag(a, b) et Diag(m, d).
3. Soient a, b ∈ A, a ∈ a2 . Montrer que a, b vérifient les conditions de la question 2.
4. Soient a, b deux idéaux de type fini tels que a + b soit localement principal. Montrer : 1 ∈ (a : b) + (b : a),
a ∩ b est de type fini et ab = (a ∩ b)(a + b).
Les exercices qui suivent apportent quelques précisions sur le déterminant, le polynôme caractéristique
et le polynôme fondamental.
Exercice 5.19 Soit ϕ un endomorphisme d’un module projectif de type fini M ayant n générateurs,
rh = eh (M ) (pour h = 0, . . . , n) et d = det(ϕ). Notons ϕ(h) l’endomorphisme de M (h) induit par
ϕ, dh = rh d et δh = det(ϕ(h) ) : plus précisément le déterminant de ϕ(h) lorsque l’on le voit comme
endomorphisme du A-module M (h) .
1. Alors on a d0 = r0 , δ0 = 1 et
δh = 1 − rh + dh et d = d0 + d1 + · · · + dn = δ1 × · · · × δn
(h)
2. En outre dh est le déterminant de ϕ dans Arh (' A/h1 − rh i) lorsque l’on voit ϕ(h) comme un
(h)
endomorphisme de M en tant que Arh -module.
3. De la même manière, on a :
Fϕ(h) (X) = (1 − rh ) + rh Fϕ (X) et Cϕ(h) (X) = (1 − rh ) + rh Cϕ (X).
Exercice 5.21 Soit ϕ un endomorphisme d’un module projectif de type fini M . Posons Fϕ (X) =
1 + v1 X + · · · + vn X n et RM (X) = r0 + r1 X + · · · + rn X n . Alors pour 0 6 h < k 6 n on a rh vk = 0, en
outre :
Cϕ (X) = r0 + 16h6n rh X h Fϕ (−1/X)
P
Problème 5.2 (la n-sphère quand −1 est une somme de n carrés, avec I. Yengui)
1. Soit A un anneau dans lequel −1 est une somme de 2 carrés et x0 , x1 , x2 ∈ A vérifiant x20 + x21 + x22 = 1.
x0 u a
a. Montrer que le vecteur t[x0 , x1 , x2 ] est complétable en considérant une matrice M = x1 v b
x2 0 c
où u, v sont des formes linéaires en x0 , x1 , x2 et a, b, c des constantes.
b. Donner des exemples d’anneaux A dans lesquels −1 est une somme de 2 carrés.
3. On suppose qu’il existe a ∈ A tel que 1 + a2 soit nilpotent ; c’est le cas si −1 est un carré dans A
(prendre a = i) ou si 2e = 0 pour un certain exposant e (prendre a = 1).
2 2 x0 −x1
a. Soient x0 , x1 ∈ A avec x0 + x1 = 1. Montrer que ∈ E2 (A).
x1 x0
Pn
b. Soient x0 , x1 , . . . , xn et y2 , . . . , yn dans A tels que x20 + x21 + i=2 xi yi = 1. Montrer que
t En+1 t
[x0 , x1 , . . . , xn ] ∼ [1, 0, . . . , 0], en particulier complétable.
2 2
Pn k un anneau, k[X, Y ] = k[X0 , X1 , . . . , Xn , Y2 , . . . , Yn ] et f le polynôme 1 − (X0 + X1 +
c. Soit
i=2 Xi Yi ). On pose An = k[x0 , x1 , . . . , xn , y2 , . . . , yn ] = k[X, Y ]/hf i. Donner des exemples pour
lesquels, pour tout n, t[x0 , x1 , . . . , xn ] est complétable sans que −1 ne soit un carré dans An .
Exercice 5.4 1. Par récurrence sur n, le cas n = 1 étant exactement le lemme de Schanuel (corollaire
5.1.5). A partir de chaque suite exacte, on en construit une autre de longueur un de moins
u⊕IP 0
0 → K → Pn−1 → ··· → P1 ⊕ P00 0
−−−→ Im u ⊕ P00 → 0
0
u ⊕IP0
0 0
0 → K → Pn−1 → ··· → P1 ⊕ P00 −−−→ Im u ⊕ P0 0
→ 0
Mais on a Im u ⊕ P00 0
' Im u ⊕ P0 d’après le lemme de Schanuel appliqué aux deux suites exactes courtes :
0 → Im u → P0 → M → 0
0 → Im u0 → P00 → M → 0
On peut donc appliquer la récurrence (aux deux longues suites exactes de longueur un de moins), ce qui
fournit le résultat demandé.
2. Conséquence immédiate de 1.
Exercice 5.5 Montrons par récurrence sur i que Im ui est un module projectif de type fini. C’est vrai
ui
pour i = 1. Supposons le vrai pour i ; on a donc une surjection Pi −→ Im ui où Im ui est projectif de type
fini et par conséquent Pi ' Ker ui ⊕ Im ui . Mais Ker ui = Im ui+1 donc Im ui+1 est projectif de type fini.
De plus Pi ' Im ui ⊕ Im ui+1 . Ensuite
P
Exercice 5.7 On note A1 , . . . , An les colonnes de A et t = Tr A = i aii .
1. Vérifions d’abord tAj = Aj :
aii aij
en utilisant
= 0 et A2 = A, takj =
P
aii akj =
P
aki aij = akj .
aki akj i i
Donc (1 − t)A = 0, puis (1 − t)t = 0 donc t idempotent ; de plus, si aA = 0, alors at = 0, i.e. a = a(1 − t).
2. Sur le localisé en aii , deux colonnes quelconques Aj , Ak sont multiples de A i donc Aj ∧ Ak = 0 ;
a aij
d’où globalement Aj ∧ Ak = 0 et donc D2 (A) = 0. Par ailleurs, en utilisant ik = 0, on a
akk akj
2 2
P P
k aik akj = k aij akk = aij Tr A = aij , i.e. A = A. Sur Fp , la matrice A = Ip+1 vérifie A = A et
Tr A = 1 mais pas D2 (A) = 0.
2
3. Le système de droite est de cardinal 1 + n2 , celui du milieu de cardinal 1 + n2 . Pour obtenir celui de
gauche, il faut décompter les mineurs sans coin sur la diagonale ; supposons n > 3 ; il y en a n2 n−2
2 ; il
n 2 n n−2 n n
en reste 2 − 2 2 = (2n − 3) 2 d’où le cardinal 1 + (2n − 3) 2 . Pour n = 3, chaque système est
de cardinal 10.
Exercice 5.8
ai` aij
1. On a = 0, i.e. akj ai` = aij ak` ; c’est l’égalité Cj · Li = aij A. Quant à Li · Cj , c’est le
ak` akj
coefficient en position (i, j) de A2 = A, i.e. aij .
2. On a Li · A = Li donc Li · (In − A) = 0. Réciproquement, pour u ∈ An tel que hLi | ui = 0, il faut
montrer que u = (In − A)(u), i.e. Au = 0, i.e. hLk | ui = 0. Mais aij Lk = akj Li et comme aij est régulier,
c’est immédiat.
3. L’égalité akj ai` = aij ak` montre que C · L = aij A. En outre, si A est à division explicite (en cas de
divisibilité par un élément régulier) on peut calculer A.
Si maintenant on se donne une ligne L dont les coefficients sont appelés ai` (` ∈ J1..nK) et une colonne C
dont les coefficients sont appelés akj (k ∈ J1..nK), avec l’élément commun aij régulier, les conditions sont
les suivantes :
– chaque coefficient de C · L doit être divisible par aij , d’où A = a1ij C · L ∈ Mn (A),
– on doit avoir Tr(A) = aij , i.e., L · C = aij .
Naturellement, ces conditions sont directement reliées à l’inversibilité de l’idéal engendré par les coefficients
de L.
4. Dans l’égalité matricielle C · L = (L · C)A à montrer, chaque membre est bilinéaire en L, C. Or l’égalité
est vraie si tL est une colonne de tA, C une colonne de A donc reste vraie pour tL ∈ Im tA, C ∈ Im A. Le
reste est facile.
Exercice 5.9 M est le quotient d’un module projectif de type fini P qui a les mêmes idéaux de Fitting
que lui. Si P ⊕ N = An , M ⊕ N est un quotient de An avec les mêmes idéaux de Fitting. Donc il n’y a
pas de relation non nulle entre les générateurs de An dans le quotient M ⊕ N . Donc M ⊕ N = An . Donc
P/M ' (P ⊕ N )/(M ⊕ N ) = 0.
Exercice 5.10
P
(1) Une relation z = zk ek est
Psomme de relations courtes si, et seulement si, il existe des relations
zij ∈ Aei ⊕ Aej telles que z = i<j zij . Cela se relit :
P
∃αij , βij ∈ A, zij = αij ei + βij ej , hzij | xi = 0 et z = i<j zij .
P P
Cela équivaut à zk = k<j αkj + i<k βik (k ∈ J1..nK) et αij xi + βij xj = 0 (1 6 i < j 6 n). Il s’agit bien
d’un système linéaire en les (( inconnues )) αij , βij .
(2) En raisonnant localement, on peut supposer que les xi sont multiples de x1 , ce que l’on écrit bi x1 +xi = 0.
Cela fournit n − 1 relations ri = bi e1 + ei pour 2 6 i 6 n. Soit z ∈ x⊥ . Posons y = z − (z2 r2 + · · · + zn rn )
de sorte Pque yi = 0 pour i > 2, et donc y est une relation (très) courte. On a obtenu z comme somme
z = y + i=2 zi ri de relations courtes.
(3) Montrons pour deux éléments x, y ∈ A l’existence de s, t avec s + t = 1 et sx ∈ Ay, ty ∈ Ax. On
utilise la relation (−1, −1, 1) entre (x, y, x + y) que l’on écrit comme somme de relations courtes
(−1, −1, 1) = (0, a, a0 ) + (b, 0, b0 ) + (c, c0 , 0)
en particulier a0 + b0 = 1, et l’on conclut.
Solutions d’exercices 201
P aij aik
(4) Par définition i aii = 1 et x
= 0. Ceci fournit de nombreuses relations courtes aij ek − aik ej .
j xk
a aik
On retient les rik = aii ek − aik ei , i.e. celles correspondant à un (( mineur diagonal )) ii . Pour
xi xk
z ∈ An , on pose
y = Az et z 0 = i,k zk rik = i,k zk (aii ek − aik ei ).
P P
βn
t t t
Prenons αi = xi . Puisque xA = x et A
est symétrique, on obtient A x = x, i.e. β = x. D’où
t t 2 2 2 2
x x = x x A = (x1 + · · · + xn )A. Et xi xj ∈ x1 + · · · + xn (i, j ∈ J1..nK).
α β
Exercice 5.16 1. Soit α ∈ (b : a) et β ∈ (a : b) vérifiant 1 = α + β. Alors la matrice θ = , de
−1 1
1 −β
déterminant 1, d’inverse θ−1 = convient. En effet :
1 α
α β a a∩b 1 −β a∩b a
⊆ et ⊆
−1 1 b a+b 1 α a+b b
À gauche : l’inclusion haute vient du fait que αa + βb ⊆ a ∩ b, celle du bas est triviale. À droite : l’inclusion
haute vient du fait que a ∩ b + β(a + b) ⊆ a et l’inclusion basse
que a ∩ b + α(a + b) ⊆ b. Bilan :
du fait
1 β 1 0
on a l’égalité θ(a ⊕ b) = (a ∩ b) ⊕ (a + b) avec θ = ∈ E2 (A).
0 1 −1 1
u v
2. On peut prendre A de la forme A = 0 0 avec ua0 + vb0 = 1 et a0 b = b0 a. Posons m = a0 b = b0 a,
−b a
a d
d = ua + vb ; en inversant A = , on obtient a = da0 , b = db0 . Il est clair que a ∩ b = hmi et
b 0
a + b = hdi. On a a0 ∈ (a : b) et b0 ∈ (b : a). Donc 1 = α + β avec α = vb0 ∈ (b : a), β = ua0 ∈ (a : b).
Pour expliciter une équivalence matricielle, il suffit d’utiliser une matrice θ de la question précédente :
a vm m 0 0 0 um m 0 0
θ = =v −a , θ = =u +b
0 −a 0 d b b 0 d
a 0 m 0 v u
D’où l’équivalence matricielle : θ = .
0 b 0 d −a0 b0
3. L’hypothèse est a = a2 x pour un certain x. Alors e = ax est idempotent et hai = hei. On doit résoudre
a0 b = b0 a, 1 = ua0 + vb0 , qui est un système linéaire en a0 , b0 , u, v. Modulo 1 − e, on a ax = 1, on prend
a0 = a, b0 = b, u = x, v = 0. Modulo e, on a a = 0, on prend a0 = a, b0 = 1, u = 0, v = 1. Globalement :
a0 = a, b0 = axb + (1 − ax)1 = 1 − ax + axb, u = ax2 , v = 1 − ax.
4. Soit a = hx1 , . . . , xn i et b = hy1 , . . . , ym i. On écrit a + b = hz1 , . . . , zn+m i avec z1 = x1 , . . ., zn+m = ym .
Soient s1 , . . . , sn+m comaximaux tels que sur Asi , on ait a + b = hzi i. Dans ce localisé, a + b = a et
a ∩ b = b si i 6 n. Si i > n on les égalités symétriques. Ainsi dans chaque localisé :
1 ∈ (a : b) + (b : a), ab = (a ∩ b)(a ⊕ b) et a ∩ b est de type fini.
Exercice 5.17 Reprenons les notations du lemme 5.7.5.
Voyons les déterminants de eϕ et ϕe . On a det(ϕ) = det(In − F + H), det(eϕ) = det(In − F + eH) et
det(ϕe ) = det(In − eF + eH).
On en déduit e det(ϕe ) = det(eIn −eF +eH) = e det(ϕ) et f det(ϕe ) = det(f In −f eF +f eH) = det(f In ) =
f . Donc det(ϕe ) = f det(ϕe ) + e det(ϕe ) = f + e det(ϕ).
De même e det(eϕ) = det(eIn −eF +eH) = e det(ϕ) et f det(eϕ) = det(f In −f F +f eH) = f det(In −F ) =
f RM (0) = f e0 (M )
En appliquant det(ϕe ) = f + e det(ϕ) aux endomorphismes Id + Xϕ, XId − ϕ et XId du A[X]-module
M [X] on obtient Fϕe (X) = f + e Fϕ (X), Cϕe (X) = f + e Cϕ (X) et ReM (X) = f + e RM (X).
Par ailleurs la matrice eH représente à la fois l’endomorphisme eϕ de M et l’endomorphisme ϕe de eM .
On a donc Fϕe (X) = Feϕ (X) = det(In + eXH) = Fϕ (eX).
En ce qui concerne la dernière affirmation : on doit regarder det(ϕe ) dans A/hf i, on obtient e det(ϕ)
modulo f A, et cela correspond à l’élément e det(ϕ) de eA.
Exercice 5.19 1. On a ϕ(h) = ϕrh en appliquant la notation de l’exercice 5.17. Donc δh = 1 − rh + dh .
On a δ0 = 1 parce que M (0) = {0}, et puisque δ0 = 1 − r0 + d0 , cela donne d0 = r0 .
L’égalité d = d0 + d1 + · · · + dn est triviale.
L’égalité d = δ1 × · · · × δn résulte du point 3. du théorème 5.10 page 185. On peut aussi démontrer
d0 + d1 + · · · + dn = δ1 × · · · × δn par un calcul direct.
2. et 3. Déjà vus dans l’exercice 5.18.
Solutions d’exercices 203
Exercice 5.20 Rappelons pour commencer que pour tout a ∈ A on a det(aϕ) = RM (a) det(ϕ) =
ah det(ϕ).
On se place alors sur l’anneau A[X, 1/X] et l’on considère le module M [X, 1/X], on obtient
En remplaçant X par −1/X dans Cϕ (X) = X h Fϕ (−1/X) on obtient l’autre égalité. Les deux polynômes
sont donc de degrés 6 h. Comme le coefficient constant de Fϕ est égal à 1, on obtient aussi que Cϕ est
unitaire.
Pour les homogénéisés, le même calcul fonctionne.
Pour le déterminant on remarque que det(−ϕ) = Cϕ (0).
Exercice 5.21 On se place sur l’anneau Arh et l’on considère le module rh M et l’endomorphisme ϕ(h) .
On obtient un module de rang constant h. On en déduit que rh Fϕ (X) et rh Cϕ (X) sont de degrés 6 h et
que rh (X h Fϕ (−1/X)) = rh Cϕ (X). Il reste à faire la somme des égalités ainsi obtenues pour 1 6 h 6 n.
Même calcul pour la deuxième égalité.
Les deux dernières égalités étaient déjà connues, sauf pour det(ϕ) = r0 + r1 v1 + · · · + rn vn qui peut se
démontrer comme la première.
Problème 5.1 1. Soient C, U ∈ Mn (A) telles que AD = In + bU , DA = In + bC. Alors
A bIn D −bIn I 0
= n ∈ GL2n (A)
C D −U A ∗ In
2. On travaille modulo a en remarquant que b est inversible modulo a. On peut donc, sur A/aA considérer
b−1 B 0 : c’est une matrice diagonale de déterminant 1 donc elle appartient à En (A/aA ) (cf exercice 2.17) ;
on la remonte en une matrice E ∈ En (A) et l’on a alors B 0 ≡ bE mod a.
3. Immédiat.
4. Il suffit d’utiliser la sous-matrice In−1 qui figure dans B 0 pour tuer les coefficients des n − 1 dernières
0
A B
colonnes de D0 . La sous-matrice carrée d’ordre n + 1 obtenue à partir de en supprimant les
C D00
lignes 2 à n et les n − 1 dernières colonnes est inversible de première ligne (a1 , . . . , an , bn ).
x y
5. Modulo z, le vecteur (x, y) est complétable en A := de déterminant a := ux + vy ≡ 1 mod z.
−v u
Pour le lecteur désireux de faire : on peut prendre D = A. On écrit DA = (ux+vy)I2 = I2 −wzI2
les calculs
e
A zI2
donc C = −wI2 . La matrice est de déterminant (ux + vy + wz)2 . Pour trouver E, on utilise
C D
z 0
= E21 (−1)E12 (1 − z −1 )E21 (z)E12 (z −1 (z −1 − 1))
0 z −1
et le fait que modulo a = ux + vy, z est inversible d’inverse w. L’auteur de l’exercice a obtenu une matrice
G plus compliquée que celle de Krusemeyer ; avec p = (y + u)w − u, q = (x − v)w + v :
x y z2
G = p(w − 1)v − w −p(w − 1)u y + u(z + 1)
−q(w − 1)v q(w − 1)u − w −x + v(z + 1)
La matrice G est de déterminant 1 + (xu + yv + zw − 1)(wz + 1)(yq − xp + 1) tandis que celle de Krusemeyer
est de déterminant (ux + vy + wz)2 !
6. Immédiat par récurrence.
Problème 5.2 1a. On a det(M ) = −(cx1 − bx2 )u + (cx0 − ax2 )v ; en prenant u = −(cx1 + bx2 ),
v = cx0 + ax2 , on obtient det(M ) = cx20 + cx21 − (a2 + b2 )x22 . Il suffit de prendre c = 1 et a, b ∈ A tels que
−1 = a2 + b2 .
1b. Montrons que −1 est une somme de deux carrés si A contient
un corps fini. On
peut supposer que
A
est un corps de cardinal impair q. Les deux ensembles A = a2 | a ∈ A , B = −1 − b2 | b ∈ A ont
pour cardinal (q + 1)/2 donc A ∩ B 6= ∅ prouvant que −1 = a2 + b2 .
Nous montrons maintenant un résultat plus général : pour n 6≡ 0 mod 4, −1 est une somme de deux
carrés dans Z/nZ. L’hypothèse peut s’écrire pgcd(n, 4) = 1, 2 donc 2 ∈ nZ + 4Z, 2 = nu + 4v. On pose
m = −1 + nu = −4v + 1 ; puisque pgcd(4n, m) = 1, la progression arithmétique 4nN + m contient un
nombre premier p (Dirichlet), qui vérifie p ≡ m ≡ −1 mod n et p ≡ m ≡ 1 mod 4 ; d’après cette dernière
congruence, p est une somme de deux carrés, p = a2 + b2 donc −1 = a2 + b2 dans Z/nZ.
204 5. Modules projectifs de type fini, 1
On en déduit que si n.1A = 0 avec n 6≡ 0 mod 4 (c’est le cas si n est un nombre premier), alors −1 est
une somme de deux carrés dans A.
Pn
2a. Soient a1 , . . . , an tels que −1 = i=1 a2i . On va utiliser :
Pn Pn 2 2
Pn 2
i=1 (xi − ai x0 )(xi + ai x0 ) = i=1 xi − x0 i=1 ai = 1
On a en utilisant la notation page 617 :
x0 x0 x0 + h
x1 En+1 x1 + a1 x0 En+1 x1 + a1 x0
. ∼ .. ∼ .. Pn avec
.. h=
. . i=1 λi (xi + ai x0 )
xn xn + an x0 xn + an x0
En prenant λi = (1 − x0 )(xi − ai x0 ), on obtient h = 1 − x0 donc x0 + h = 1. Il est ensuite clair que
t En+1
[1, x1 + a1 x0 , . . . , xn + an x0 ] ∼ t[1, 0, . . . , 0]. De manière explicite, en numérotant les n + 1 lignes de 0
à n (au lieu de 1 à n + 1) et en posant :
Qn Qn Qn
N = i=1 Ei,0 (−(xi + ai x0 )) i=1 E0,i ((1 − x0 )(xi − ai x0 )) i=1 Ei,0 (ai )
Qn Qn Qn
M = N −1 = i=1 Ei,0 (−ai ) i=1 E0,i (−(1 − x0 )(xi − ai x0 )) i=1 Ei,0 (xi + ai x0 )
on obtient une matrice M ∈ En+1 (A) de première colonne t[x0 , x1 , . . . , xn ].
2b. On utilise B = A/hxn+1 , . . . , xm i et le fait que, pour n’importe quel entier r, Er (A) Er (B) est
surjective. On obtient d’abord :
t En+1 (B) t
[x0 , . . . , xn ] ∼ [1, 0, . . . , 0]
donc des x00 , . . . , x0n ∈ A avec en particulier x00 ≡ 1 mod hxn+1 , . . . , xm i tels que
Em+1 (A) t
t
[x0 , . . . , xn , xn+1 , . . . , xm ] ∼ [x00 , . . . , x0n , xn+1 , . . . , xm ]
On en déduit facilement :
Em+1 (A) Em+1 (A)
[x00 , . . . , x0n , xn+1 , . . . , xm ]
t
∼ t
[1, . . . , x0n , xn+1 , . . . , xm ] ∼ t
[1, 0, . . . , 0]
x0 −x1 E2 (A) x0 + ax1 −x1 + ax0
3a. On a ∼ B= . En utilisant le fait que 1 + a2 est nilpotent, on
x1 x0 x1 x0
voit que x0 + ax1 est inversible puisque :
(x0 + ax1 )(x0 − ax1 ) = x20 + x21 − (1 + a2 )x21 = 1 − (1 + a2 )x21
La matrice B ∈ SL2 (A) possède un coefficient inversible donc elle est dans E2 (A).
3b. Raisonner d’abord modulo hx2 , . . . , xn i puis comme dans la question 2b.
3c. On peut prendre k = Z/2e Z avec e > 2 ; −1 n’est pas un carré dans k. Et −1 n’est pas non plus un
carré dans An puisqu’il y a des morphismes An → k par exemple le morphisme d’évaluation en x0 = 1,
xi = 0 pour i > 1, yj = 0 pour j > 2.
Commentaires bibliographiques
Concernant le théorème 5.8 page 179 et la caractérisation des modules projectifs de type
fini par leurs idéaux de Fitting voir [Northcott] théorème 18 p. 122 et exercice 7 p. 49. Notons
cependant que la preuve de Northcott n’est pas entièrement constructive, puisqu’il fait appel à
un principe de recollement abstrait des modules projectifs de type fini.
Nous avons défini le déterminant d’un endomorphisme d’un module projectif de type fi-
ni comme dans [86, Goldman]. La différence réside dans le fait que nos démonstrations sont
constructives.
Une étude sur la faisabilité du théorème de structure locale des modules projectifs de type
fini se trouve dans [58, Díaz-Toca&Lombardi].
La proposition 5.8.3 concernant (LA (M, N ))S est un résultat crucial que l’on trouve par
exemple dans [Northcott] exercice 9 p. 50 et dans [Kunz] chap. IV proposition 1.10. Ce résultat
sera généralisé dans la proposition 8.5.6.
Le problème 5.1 est dû à Suslin [167].
6. Algèbres strictement finies et
algèbres galoisiennes
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
6.1 Algèbres étales sur un corps discret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
Théorèmes de structure des algèbres étales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
Algèbres étales sur un corps séparablement factoriel . . . . . . . . . . . . . . 210
Corps parfaits, clôture séparable et clôture algébrique . . . . . . . . . . . . . 211
6.2 Théorie de Galois de base (2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
6.3 Algèbres de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214
Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214
Les zéros d’un système polynomial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
Produit tensoriel de deux k-algèbres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
Algèbres entières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218
Le lemme lying over . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218
Algèbres entières sur un anneau zéro-dimensionnel . . . . . . . . . . . . . 219
Un Nullstellensatz faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220
Algèbres entières sur un anneau quasi intègre . . . . . . . . . . . . . . . . 220
Algèbres qui sont des modules de présentation finie . . . . . . . . . . . . 221
6.4 Algèbres strictement finies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Le module dual et la trace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
Norme et élément cotransposé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
Transitivité et rang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
6.5 Formes linéaires dualisantes, algèbres strictement étales . . . . . . . 224
Formes dualisantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Algèbres strictement étales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Produits tensoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
Éléments entiers, idempotents, diagonalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
6.6 Algèbres séparables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
Vers l’idempotent de séparabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230
Dérivations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231
Idempotent de séparabilité d’une algèbre strictement étale . . . . . . . . . . . 233
Algèbres séparables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234
6.7 Algèbres galoisiennes, théorie générale . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
Correspondance galoisienne, faits évidents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
Une définition naturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Lemme de Dedekind . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
Théorème d’Artin et premières conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
La correspondance galoisienne dans le cas connexe . . . . . . . . . . . . . . . 248
Quotients d’algèbres galoisiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
206 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Introduction
Ce chapitre est consacré à une généralisation naturelle pour les anneaux commutatifs de la
notion d’algèbre finie sur un corps. En mathématiques constructives, pour obtenir les conclusions
dans le cas des corps il est souvent nécessaire de supposer non seulement que l’algèbre est un
espace vectoriel de type fini mais plus précisément que le corps est discret et que l’on connaît une
base de l’espace vectoriel. C’est ce qui nous a amené à introduire la notion d’algèbre strictement
finie sur un corps discret.
La généralisation pertinente de cette notion aux anneaux commutatifs est donnée par les
algèbres qui sont des modules projectifs de type fini sur l’anneau de base. Nous les appelons donc
des algèbres strictement finies.
Les sections 6.1 et 6.2 qui ne concernent que les algèbres sur les corps discrets peuvent être
lues directement après la section 3.6. Même chose pour la section 6.7 si l’on prend à la base un
corps discret (certaines démonstrations sont alors simplifiées).
La section 6.3 est une brève introduction aux algèbres de présentation finie, en insistant sur
le cas des algèbres entières.
Le reste du chapitre est consacré aux algèbres strictement finies proprement dites.
Dans les sections 6.5 et 6.6 sont introduites les notions voisines d’algèbre strictement étale et
d’algèbre séparable, qui généralisent la notion d’algèbre étale sur un corps discret.
Dans la section 6.7 on donne un exposé constructif des bases de la théorie des algèbres
galoisiennes pour les anneaux commutatifs. Il s’agit en fait d’une théorie d’Artin-Galois, puisqu’elle
reprend l’approche qu’Artin avait développée pour le cas des corps en partant directement d’un
groupe fini d’automorphismes d’un corps, le corps de base n’apparaissant que comme un sous-
produit des constructions qui s’ensuivent.
Dans les sections 6.1 et 6.2, K désigne un corps discret non trivial
Rappelons qu’une K-algèbre B est dite finie (resp. strictement finie) si elle est de type fini
en tant que K-espace vectoriel (resp. si B est un K-espace vectoriel de dimension finie). Si B
est une K-algèbre finie, cela n’implique pas que l’on sache déterminer une base de B comme
K-espace vectoriel, ni même que B soit discrète. Si elle est strictement finie, au contraire, on
connaît une base finie de B comme K-espace vectoriel. Dans ce cas pour un x ∈ B la trace, la
norme, le polynôme caractéristique de (la multiplication par) x, ainsi que le polynôme minimal
de x sur K peuvent se calculer par les méthodes standards de l’algèbre linéaire sur un corps
discret. De même toute sous-K-algèbre finie de B est strictement finie et l’intersection de deux
sous-algèbres strictement finies est strictement finie.
En particulier, si f est un polynôme unitaire de L[X], l’algèbre quotient L[X]/hf i est étale
si, et seulement si, f est séparable.
6.1. Algèbres étales sur un corps discret 207
Dans le fait 6.1.3 les points 1. et 2. précisent certains points du lemme 4.8.5 et du fait
4.8.8 (concernant les anneaux zéro-dimensionnels réduits généraux) dans le cas d’une K-algèbre
strictement finie réduite.
Des résultats généraux sur les extensions entières d’anneaux zéro-dimensionnels sont donnés
dans la section 6.3 page 219 et suivantes.
J 1. L’élément a de B est annulé par un polynôme unitaire de K[T ] que l’on écrit uT k (1−T h(T ))
avec u ∈ K× , k > 0. Donc B est zéro-dimensionnelle. Si elle est réduite, a(1 − ah(a)) = 0. Alors
e = ah(a) vérifie a(1 − e) = 0 a fortiori e(1 − e) = 0. Ce qui permet de conclure.
2. L’équivalence de (a), (b), (c) est un cas particulier du lemme 3.6.3. L’implication (d) ⇒ (c) est
claire. Voyons (b) ⇒ (d). Soit x dans B et f (X) son polynôme minimal sur K. Si f = gh, avec
g, h unitaires, alors g(x)h(x) = 0 donc g(x) = 0 ou h(x) = 0. Par exemple g(x) = 0 et puisque f
est le polynôme minimal f divise g et h = 1.
3. Soit f1 , . . . , fs une K-base de L. On peut calculer une L-base de B comme suit. La base
commence avec e1 = 1. Supposons avoir calculé des éléments e1 , . . ., er de B linéairement
indépendants sur L. Les sous-K-espaces vectoriels Lei sont en somme directe dans B et l’on dispose
d’une K-base ei f1 , . . . , ei fs pour chaque Lei . Si rs = [B : K], on a terminé. Dans le cas contraire
on peut trouver er+1 ∈ B qui n’est pas dans le sous-K-espace vectoriel Fr = Le1 ⊕ · · · ⊕ Ler .
Alors Ler+1 ∩ Fr = {0} (sinon, on exprimerait er+1 comme L-combinaison linéaire de e1 , . . . , er ).
Et l’on itère le processus en remplaçant e1 , . . ., er par e1 , . . ., er+1 .
Une fois que l’on dispose d’une base de B comme L-espace vectoriel, il reste à utiliser la formule
de transitivité des discriminants (théorème 2.7 page 42).
4. On utilise le théorème de structure 2.2 page 25 pour les systèmes fondamentaux d’idempotents
orthogonaux et la formule du discriminant d’une algèbre produit direct d’algèbres (proposition
2.5.26).
5. Soit b un élément nilpotent de B. Pour tout x ∈ B la multiplication par bx est un endomor-
phisme nilpotent µbx de B. On peut alors trouver une K-base de B dans laquelle la matrice de
208 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
µbx est strictement triangulaire, donc Tr(µbx ) = TrB/K (bx) = 0. Ainsi b est dans le noyau de l’ap-
plication K-linéaire tr : b 7→ (x 7→ TrB/K (bx)) de B dans LK (B, K). Or tr est un isomorphisme
linéaire puisque DiscB/K est inversible, donc b = 0.
6. Avec la notation précédente, on suppose B réduite et l’on veut montrer que l’application K-liné-
aire tr est un isomorphisme. Il suffit de montrer que Ker tr = 0. Si tr(b) = 0, alors TrB/K (bx) = 0
pour tout x et en particulier TrB/K (bn ) = 0 pour tout n > 0. Donc l’endomorphisme µb de
multiplication par b vérifie Tr(µnb ) = 0 pour tout n > 0. Les formules qui relient les sommes de
Newton aux fonctions symétriques élémentaires montrent alors que le polynôme caractéristique
de µb est égal à T [B:K] (voir exercice 3.14). Le théorème de Cayley-Hamilton et le fait que B est
réduite permettent de conclure que b = 0. I
J 1. Si l’idéal est principal cela résulte du fait 6.1.3 point 1. Par ailleurs pour deux idempotents
e1 , e2 on a he1 , e2 i = he1 + e2 − e1 e2 i. Enfin l’algèbre quotient est elle même étale sur K d’après
la formule du discriminant d’une algèbre produit direct.
2. Il suffit de démontrer le point (b) car alors on conclut en utilisant la formule de transitivité des
discriminants pour chaque K ⊆ A[1/ei ] ⊆ B[1/ei ] et la formule du discriminant d’une algèbre
produit direct.
Pour démontrer le point (b) on essaie de calculer une base de B sur A en utilisant la méthode
indiquée dans le cas où A est un corps discret dont on connaît une K-base, donnée dans le fait
6.1.3 3. Le point où l’algorithme risque d’achopper est lorsque er+1 A ∩ Fr n’est pas réduit à
{0}. On a alors une égalité αr+1 er+1 = ri=1 αi ei avec tous les αi dans A, et αr+1 6= 0 mais
P
non inversible dans A. Ceci implique (point 1.) que l’on trouve un idempotent e 6= 0, 1 dans
K[αr+1 ] ⊆ A. On recommence alors avec les deux localisations en e et 1 − e. Enfin, on remarque
que le nombre de scindages ainsi opérés est a priori borné par [B : K].
3. et 4. Résultent facilement de 2. I
Remarque. La lectrice trouvera une généralisation du point 1. du théorème précédent dans les
lemmes 6.3.12 et 6.3.13.
On peut construire des K-algèbres étales de proche en proche en vertu du lemme suivant qui
prolonge le lemme 6.1.2.
Lemme 6.1.4 Soit A une K-algèbre étale et f ∈ A[T ] un polynôme unitaire séparable. Alors
A[T ]/hf i est une K-algèbre étale.
J On regarde d’abord A[T ]/hf i comme une A-algèbre libre de rang deg f . On a DiscB/A = disc(f )
(proposition 3.5.10 point 3.). On conclut par la formule de transitivité des discriminants. I
Théorème 6.2 Soit B une K-algèbre. Les éléments de B algébriques séparables sur K forment
une sous-algèbre A. En outre tout élément de B qui annule un polynôme unitaire séparable de
A[T ] est dans A.
J Montrons d’abord que si x est algébrique séparable sur K et y annule un polynôme unitaire
séparable g de K[x][Y ] alors tout élément de K[x, y] est algébrique séparable sur K. Si f ∈ K[X]
séparable annule x alors la sous-algèbre K[x, y] est un quotient K[X, Y ]/hf (X), g(X, Y )i. Cette
K-algèbre est étale d’après le lemme 6.1.4.
En raisonnant par récurrence on peut itérer la construction précédente et l’on obtient le résultat
souhaité en notant qu’une K-algèbre étale est algébrique séparable sur K et que tout quotient
d’une telle algèbre est encore algébrique séparable sur K. I
Voici une variante (( strictement finie )). Nous redonnons la démonstration car les variations,
bien que simples, sont significatives des précautions à prendre dans le cas strictement fini.
Remarque. On avait déjà ce résultat par calcul direct du discriminant de l’algèbre de décomposition
universelle (fait 3.5.11).
J 1. Il suffit de traiter le cas d’une algèbre à deux générateurs B = K[x, z]. On va chercher un
générateur de B de la forme αx + βz avec α, β ∈ K. On note f et g les polynômes minimaux
de x et z sur K. On sait qu’ils sont séparables. On note C = K[X, Z]/hf (X), g(Z)i = K[ξ, ζ].
Il suffit de trouver α, β ∈ K tels que C = K[αξ + βζ]. Pour avoir ce résultat il suffit que le
polynôme caractéristique de αξ + βζ soit séparable car on peut alors appliquer le lemme 6.1.2.
On introduit deux indéterminées a et b, et l’on note ha,b (T ) le polynôme caractéristique de la
210 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
multiplication par aξ + bζ dans C[a, b] vue comme K[a, b]-algèbre libre de rang fini (en fait
C[a, b] ' K[a, b][X, Z]/hf (X), g(Z)i). On note d(a, b) = discT (ha,b ). On fait un calcul dans une
(( double algèbre de décomposition universelle )) sur C[a, b], dans laquelle on factorise séparément
f et g : f (X) = 16i6n (X − xi ), g(Z) = 16j6p (Z − zj ). On obtient
Q Q
Y 2 2 2
−n −p
±d(a, b) = (a(xi − xk ) + b(zj − z` )) = (an disc f )p (bp disc g)n + · · ·
(i,j)6=(k,`)
Dans le membre le plus à droite des égalités ci-dessus on a indiqué le terme de plus haut degré
lorsque l’on ordonne les monômes en a, b selon un ordre lexicographique. Ainsi le polynôme d(a, b)
a au moins un coefficient inversible. Il suffit de choisir α, β de façon que d(α, β) ∈ K× pour
obtenir un élément αξ + βζ de C dont le polynôme caractéristique est séparable. Ceci achève la
démonstration pour le cas où K est infini.
Dans le cas où B est un corps discret on énumère les entiers de K jusqu’à obtenir α, β dans
K avec d(α, β) ∈ K× , ou à conclure que la caractéristique est égale à un nombre premier p.
On énumère ensuite les puissances des coefficients de f et de g jusqu’à obtenir suffisamment
d’éléments dans K, ou à conclure que le corps K0 engendré par les coefficients de f et g est un
corps fini. Dans ce cas, K0 [x, z] est lui même un corps fini et est engendré par un générateur γ
de son groupe multiplicatif. Donc K[x, z] = K[γ].
2. On reprend la preuve qui vient d’être donnée pour le cas où B est un corps discret. Si l’on
n’arrive pas à la conclusion, c’est que la preuve a achoppé à un endroit précis, qui manifeste que
B n’est pas un corps discret. Puisque l’on est avec une K-algèbre strictement finie cela nous
fournira certainement1 un idempotent e 6= 0, 1 dans B. Ainsi B ' B[1/e] × B[1/(1 − e)]. On
peut alors conclure par récurrence sur [B : K]. I
Lemme 6.1.6 Le corps K est séparablement factoriel si, et seulement si, on a un test pour
l’existence d’un zéro dans K pour un polynôme séparable arbitraire de K[T ].
J La preuve est à peu près la même que pour le lemme 3.8.12. Ici lorsque l’on tente une factori-
sation f = gh avec g et h unitaires de degrés fixés, on se situe dans AduK,f . Chaque coefficient
de g ou h annule alors un produit de polynômes séparables de K[T ] d’après le théorème 6.1
page 208 (point 4.) et le corollaire 6.1.5. I
J Soit f ∈ L[T ] un polynôme unitaire séparable. La L-algèbre B = L[T ]/hf i est étale, donc c’est
aussi une K-algèbre étale. On peut donc trouver un système fondamental d’idempotents ortho-
gonaux tel que chaque composante correspondante de B est connexe. Cela revient à factoriser f
en produit de facteurs irréductibles. I
Corollaire 6.1.9 Si K est séparablement factoriel et si (Ki ) est une famille finie de corps étales
sur K, il existe une extension galoisienne L de K qui contient une copie de chacun des Ki .
J Chaque Ki est isomorphe à un K[T ]/hfi i avec fi irréductible séparable. On considère le ppcm
f des fi puis un corps de racines de f . I
Lemme 6.1.10 Un corps discret K de caractéristique finie p possède une clôture parfaite L,
unique à isomorphisme unique près. En outre K est une partie détachable de L si, et seulement
si, il existe un test pour (( ∃x ∈ K, y = xp ? )) (avec extraction de la racine p-ième de y quand
elle existe).
Idée de la démonstration. Un élément de la clôture parfaite L de K est codé par un couple (x, k),
où k ∈ N et x ∈ K. Ce code représente la racine pk -ième de x. L’égalité (x, k) =L (y, `) est définie
` k
par xp = y p , de sorte que (xp , k + 1) =L (x, k). I
Idée de la démonstration. On commence par calculer une base de factorisation partielle pour la
famille (gi )i∈J1..rK (voir le lemme 3.1.1). Si certains des polynômes dans la base sont de la forme
h(X p ), on sait les écrire sous forme g(X)p , on remplace alors h par g. On itère ce processus
jusqu’à ce que tous les polynômes de la famille aient une dérivée non nulle. On introduit alors les
dérivées des polynômes de la famille. Pour cette nouvelle famille on calcule une nouvelle base de
factorisation partielle.
On itère le processus d’ensemble jusqu’à ce que l’objectif de départ soit atteint. Les détails sont
laissés au lecteur. I
212 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Un corps discret K est dit séparablement clos si tout polynôme unitaire séparable de K[X]
se décompose en produit de facteurs X − xi (xi ∈ K).
Si K ⊆ L sont des corps discrets on dit que L est une clôture séparable de K si L est
séparablement clos et algébrique séparable sur K.
Lemme 6.1.12
1. Un corps discret est algébriquement clos si, et seulement si, il est parfait et séparablement
clos.
2. Si un corps discret K est parfait, tout corps étale sur K est parfait.
3. Si un corps discret parfait possède une clôture séparable, c’est aussi une clôture algébrique.
Fait 6.2.2 Soit L un surcorps de K engendré par les racines d’un polynôme unitaire f (T ) ∈ K[T ]
(i.e., L = K[x1 , . . . , xn ] où f (T ) = ni=1 (T − xi )). Alors L est une extension normale de K.
Q
On a clairement g(x, y) = 0. En outre g(x, T ) ∈ K[T ] car chacun des coefficients de g(X)(T )
dans K[X] est un polynôme symétrique en les Xi , donc un polynôme en les fonctions symétriques
élémentaires, qui se spécialisent en des éléments de K (les coefficients de f ) par le K-homomor-
phisme X 7→ x. I
Rappelons qu’une extension galoisienne de K est un corps strictement fini sur K qui est un
corps de racines pour un polynôme séparable de K[T ].
Théorème 6.7 (caractérisation des extensions galoisiennes)
Soit L un corps strictement fini sur K. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. L est une extension galoisienne de K.
2. L est étale et normal sur K.
3. AutK (L) est fini et la correspondance galoisienne est bijective.
4. Il existe un groupe fini G ⊆ AutK (L) dont le corps fixe est K.
Dans ce cas, dans le point 4., on a nécessairement G = Gal(L/K).
J 1. ⇒ 2. C’est le fait 6.2.2.
2. ⇒ 1. et 3. On applique le théorème de l’élément primitif, on obtient L = K[y] pour un y dans
L. Le polynôme minimal f de y sur K est séparable, et f se factorise complètement dans L[T ]
parce que L est normal sur K. Donc L est un corps de racines pour f . En outre le théorème 3.5
page 80 s’applique.
4. ⇒ 2. Il suffit de montrer que tout x ∈ L annule un polynôme séparable de K[T ] qui se factorise
complètement dans L[T ] car alors l’extension est normale (par définition) et étale (théorème 6.3
page 209). Posons
P (T ) = RvG/H,x (T ) = σ∈G/H (T − σ(x)) où H = St(x).
Q
En indice l’expression σ ∈ G/H signifie que l’on prend un σ dans chaque classe à gauche modulo
H. Le polynôme P est fixé par G, donc P ∈ K[T ]. Par ailleurs disc(P ) = i,j∈J1..kK,i<j (xi − xj )2
Q
est inversible.
Enfin vu que la correspondance galoisienne est bijective, et puisque le corps fixe de G est K,
dans le point 4., on a nécessairement G = Gal(L/K). I
214 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Sous-algèbres
Fait 6.3.5 Soient A ⊆ C deux k-algèbres de type fini. Si C est une k-algèbre de présentation
finie c’est aussi une A-algèbre de présentation finie (avec (( la même )) présentation, lue dans A).
.D E
J Écrivons sans perte de généralité C = k[x1 , . . . , xn ] ' k[X] f et A = k[x1 , . . . , xr ]. On a
A ' k[X1 , . . . , Xr ]/f avec
f = hf1 , . . . , fs i ∩ k[X1 , . . . , Xr ].
Notons π : k[X1 , . . . , Xr ] → A le passage au quotient et pour h ∈ k[X1 , . . . , Xn ], hπ ∈
A[Xr+1 , . . . , Xn ] son image :
hπ = h(x1 , . . . , xr , Xr+1 , . . . , Xn ).
Soit
A[Xr+1 , . . . , Xn ]/hf1π , . . . , fsπ i '
γ: → C,
A[X1 , . . . , Xn ]/hX1 − x1 , . . . , Xr − xr , f1π , . . . , fsπ i
l’homomorphisme qui fixe A et envoie Xk sur xk pour k ∈ Jr + 1..nK. Il suffit de montrer que γ est
injectif. Tout élément g de A[Xr+1 , . . . , Xn ] peut s’écrire g = Gπ avec G ∈ k[X1 , . . . , Xn ]. Suppo-
sons que g modulo hf1π , . . . , fsπ i soit dans Ker γ. On a donc g(xr+1 , . . . , xn ) = G(x1 , . . . , xn ) = 0.
Donc G ∈ hf1 , . . . , fs i, ce qui donne après transformation par π : g ∈ hf1π , . . . , fsπ i. Ce que nous
voulions. I
Remarque. La condition A ⊆ C est indispensable pour le bon fonctionnement de la preuve. Par
ailleurs il faut noter que l’idéal f n’est pas nécessairement de type fini.
216 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Néanmoins cette dernière algèbre joue un rôle central pour notre problème en raison des deux
constatations suivantes.
Tout d’abord :
Fait 6.3.7 Pour toute k-algèbre B l’ensemble des zéros de f sur B s’identifie naturellement
à l’ensemble des homomorphismes de k-algèbres de A vers B. En particulier les zéros sur k
s’identifient aux caractères de l’algèbre A.
Démonstration sur un exemple. Posons Q[x, y] = Q[X, Y ] X 2 + Y 2 − 1 . Il revient au même
A TT
~~? @@@TTTTTT ϕ
β~ @@ TTTT
~~~ α @@@ TTTT
TTT
~
k@ C _ _ _ _ _ _jT5/) D
γ!
~> j
@@
@@ λ ~~~ j j jjjjj
j
ρ @@ ~~ jjjjψ
j~~jjjjj
L
Notons que si nous nous situons dans la catégorie des anneaux commutatifs, alors la propriété
universelle ci-dessus signifie que C, avec les deux morphismes α et λ, est la somme amalgamée
des deux flèches β : k → A et ρ : k → L. En anglais on dit que C est le push-out de β et ρ. En
français on dit encore que l’on a un carré cocartésien (formé avec les 4 flèches β, ρ, α et λ).
ρ β
Théorème 6.10 On considère deux k-algèbres k −→ L et k −→ A.
A) (somme directe dans la catégorie des k-algèbres)
Les deux algèbres admettent une somme directe C dans la catégorie des k-algèbres. En voici
différentes descriptions possibles :
1. Si A = k[X1 , . . . , Xn ]/hf1 , . . . , fs i, C = L[X1 , . . . , Xn ]/hf1ρ , . . . , fsρ i avec les deux homo-
morphismes naturels A → C et L → C.
2. Si en outre L = k[y1 , . . . , yr ] ' k[Y1 , . . . , Yr ]/hg1 , . . . , gt i est elle-même une k-algèbre de
présentation finie, on obtient
Fait 6.3.9 Si A et B sont deux k-algèbres, se donner une structure de A ⊗k B-module M sur
un groupe additif M revient à se donner une loi externe de A-module A × M → M et une loi
externe de B-module B × M → M qui commutent, et qui (( coïncident sur k )). On dit aussi que
M est muni d’une structure de (A, B)-bimodule.
ρ α
J L’explication est la suivante avec k −→ B, k −→ A.
Si l’on a une structure de A ⊗k B-module sur M , on a les deux lois externes
B × M → M, (c, m) 7→ c · m = (1 ⊗ c)m, et
A × M → M, (b, m) 7→ b ? m = (b ⊗ 1)m.
Puisque b ⊗ c = (b ⊗ 1)(1 ⊗ c) = (1 ⊗ c)(b ⊗ 1) on doit avoir b ? (c · m) = c · (b ? m). Si a ∈ k,
a(1 ⊗ 1) = α(a) ⊗ 1 = 1 ⊗ ρ(a) donc on doit avoir ρ(a) · m = α(a) ? m. Ainsi les deux lois
commutent et coïncident sur k.
Inversement, à partir de deux lois externes qui commutent et coïncident sur k, on peut définir
(b ⊗ c)m par b ? (c · m). I
Algèbres entières
Le lemme lying over
Dans ce paragraphe et le suivant nous complétons ce qui a déjà été dit sur les algèbres entières
dans la section 3.8.
Le lemme qui suit exprime le contenu constructif du lemme de mathématiques classiques,
appelé (( lying over )), qui affirme que si B est un anneau entier sur un sous-anneau A il y a
toujours un idéal premier de B au dessus d’un idéal premier donné de A.
Rappelons que nous notons DA (a) le nilradical de l’idéal a de A.
est finie. Soit G un système générateur fini (avec ` éléments) du A-module B0 . Soit Bi ∈ M` (A)
une matrice qui exprime la multiplication par bi sur G. La multiplication par x est exprimée par
P
la matrice ai Bi , qui est à coefficients dans a. Le polynôme caractéristique de cette matrice, qui
annule x (parce que B0 est un A-module fidèle), a donc tous ses coefficients (sauf le coefficient
dominant) dans a. Lorsque x ∈ A ceci implique x` ∈ a. I
Exemple. On montre ici que la condition (( B entier sur A )) est cruciale dans le lying over. On
considère A = Z, B = Z[1/3] et a = 3Z. Alors aB = h1i mais a 6= h1i.
Lemme 6.3.12 Une algèbre entière A sur un corps discret K est zéro-dimensionnelle. Plus
précisément pour un idéal de type fini a = ha1 , . . . , an i = hai il existe un entier d et un idempotent
s ∈ a1 K[a] + · · · + an K[a] tels que ad = hsi.
J Un élément x de A est annulé par un polynôme unitaire de K[X] que l’on écrit uX k (1−X h(X))
avec u ∈ K× , k > 0 et donc xk (1 − xh(x)) = 0. L’idempotent ex tel que hex i = hxid pour d assez
grand est alors égal à (xh(x))k , et d est (( assez grand )) dès que d > k.
Dans le cas de l’idéal de type fini a = ha1 , . . . , an i chaque idempotent eai est un élément de
ai K[ai ] donc leur pgcd, qui est l’idempotent s dans l’énoncé, est dans a1 K[a] + · · · + an K[a]
(rappelons que l’on a e ∨ f = e + f − ef ). I
Lemme 6.3.13 Soit k un anneau zéro-dimensionnel et A une k-algèbre entière sur k, alors :
1. A est un anneau zéro-dimensionnel.
2. Plus précisément pour un idéal de type fini a = ha1 , . . . , an i = hai il existe un entier d et
un idempotent s ∈ a1 k[a] + · · · + an k[a] tel que ad = hsi.
3. En particulier on obtient pour chaque a ∈ A une égalité ad (1 − af (a)) = 0 avec un
f (X) ∈ k[X] et af (a) idempotent.
NB : on ne réclame pas que ρ : k → A soit injectif.
Un Nullstellensatz faible
Le théorème suivant, pour l’implication 2. ⇒ 3. limitée au cas où A est un corps discret, est
souvent appelé (( Nullstellensatz faible )) dans la littérature, car il peut servir de préliminaire
au Nullstellensatz (en mathématiques classiques). C’est à distinguer des autres Nullstellensätze
faibles déjà envisagés dans cet ouvrage.
Remarque. Ce qui est nouveau pour l’implication 2. ⇒ 3. dans le théorème 6.11 page 220 par
rapport au théorème 4.7 page 152, qui utilise la mise en position de Nœther, c’est donc le fait
que l’on ne suppose pas l’algèbre de présentation finie mais seulement de type fini. Les deux
démonstrations sont en définitive basées sur le lemme 4.8.14 et sur un lemme de changement de
variables.
Fait 6.3.14 Soit A un anneau quasi intègre, K = Frac A, L ⊇ K une K-algèbre entière réduite
et B la clôture intégrale de A dans L. Alors B est quasi intègre et Frac B = L = (Reg A)−1 B.
6.4. Algèbres strictement finies 221
J K est zéro-dimensionnel réduit parce que A est quasi intègre (fait 4.8.6). L’anneau L est
zéro-dimensionnel parce qu’il est entier sur K. Comme il est réduit, il est quasi intègre. Comme
B est intégralement clos dans L, tout idempotent de L est dans B, donc B est quasi intègre.
Soit x ∈ L et f ∈ K[X] un polynôme unitaire qui annule x. En (( chassant les dénominateurs ))
on obtient un polynôme g(X) = am X m + am−1 X m−1 + · · · + a0 ∈ A[X] qui annule x, avec
am ∈ Reg A. Alors y = am x, entier sur A, est dans B et x ∈ (Reg A)−1 B. I
2. Si ces conditions sont vérifées et si en outre k est cohérent (resp. cohérent fortement
discret), alors A est cohérent (resp. cohérent fortement discret).
Fait 6.4.2 Soit ((x1 , . . . , xn ), (α1 , . . . , αn )) un système de coordonnées pour la k-algèbre stricte-
ment finie A, alors on a :
n
X Xn
(6.3) TrA/k = xi αi , i.e., ∀a ∈ A, TrA/k (a) = αi (axi ) .
i=1
i=1
Plus précisément, l’application k-linéaire µA,a est représentée par la matrice (αi (axj ))i,j∈J1..nK
dans le système de coordonnées ((x), (α)).
ρ
Lemme 6.4.3 Soit k −→ A une algèbre strictement finie, x ∈ A et y ∈ k.
1. On a x ∈ A× si, et seulement si, NA/k (x) ∈ A× .
Dans ce cas x−1 = xe/NA/k (x).
2. x est régulier dans A si, et seulement si, NA/k (x) est régulier dans k. Dans ce cas x
e est
également régulier.
3. ρ(k) est facteur direct dans A.
Notons e = e0 (A) (de sorte que heik = Annk (A)).
4. On a ρ(y) ∈ A× si, et seulement si, y ∈ (k/hei)× .
6.4. Algèbres strictement finies 223
5. ρ(y) est régulier dans A si, et seulement si, y est régulier dans k/hei.
NB : Si A est un k-module fidèle, i.e., si ρ est injectif, on identifie k à ρ(k). Alors k est facteur
direct dans A, et un élément y de k est inversible (resp. régulier) dans k si, et seulement si, il
est inversible (resp. régulier) dans A.
J 1. Dans un module projectif de type fini un endomorphisme (ici µx ) est bijectif si, et seulement
si, son déterminant est inversible.
2. Dans un module projectif de type fini un endomorphisme est injectif si, et seulement si, son
déterminant est régulier.
Les points 3. et 4. et 5. peuvent être démontrés après localisation en des éléments comaximaux
de k. D’après le théorème de structure locale on est ramené au cas où A est libre de rang fini,
disons k. Si k = 0, alors e = 1, A et k/hei sont triviaux et tout est clair (même si c’est un peu
troublant). Examinons donc le cas où k > 1, donc e = 0 et identifions k à ρ(k).
Les points 4. et 5. découlent alors des points 1. et 2. parce que NA/k (y) = y k .
Pour le point 3. on considère une base b1 , . . . , bk de A sur k et a1 , . . . , ak ∈ k tels que i ai bi = 1.
P
Transitivité et rang
Si rgk (A) = n ∈ N (c’est-à-dire si A est de rang constant n) nous noterons [A : k] = n.
Ceci généralise la notation déjà définie dans le cas des algèbres libres, et cela sera généralisé au
chapitre 10 (notation 10.3.6).
Fait 6.4.4 Soit A une k-algèbre strictement finie, M un A-module projectif de type fini et B
une A-algèbre strictement finie.
1. M est aussi un k-module projectif de type fini.
2. Supposons rgA M = m et notons f (T ) = Rk (A) ∈ B(k)[T ] le polynôme rang de A comme
k-module, alors Rk (M ) = f m (T ) = f (T m ).
3. B est strictement finie sur k et TrB/k = TrA/k ◦ TrB/A .
Théorème 6.13 Soient k ⊆ A ⊆ B des anneaux. Supposons que B est strictement fini sur A.
Alors :
1. B est strictement fini sur k si, et seulement si, A est strictement fini sur k.
2. Si [A : k] = n et [B : A] = m, alors [B : k] = mn.
3. Si [B : k] = mn et [B : A] = m, alors [A : k] = n.
224 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
J 1. Si B est strictement fini sur k, alors A est strictement fini sur k : cela résulte de ce que A
est facteur direct dans B (lemme 6.4.3 point 3.), qui est un k-module projectif de type fini.
L’implication réciproque est dans le lemme 6.4.4.
2. et 3. Résultent du fait 6.4.4 en notant que le seul polynôme rang f de k[T ] qui vérifie
f m (T ) = T mn est f = T n puisque f m (T ) = f (T m ). I
Remarque. Des formules de transitivité plus générales (dans le cas de rang non constant) sont
données en section 10.3 dans le paragraphe (( Formules de transitivité )) page 370 (voir notamment
le théorème 10.6).
Formes dualisantes
Théorème 6.14 (une caractérisation des formes dualisantes)
Soit A une k-algèbre et λ ∈ A? . Pour x ∈ A, notons x? = x λ ∈ A? .
1. Si A est strictement finie et si λ est dualisante, alors pour tout système générateur
(xi )i∈J1..nK , il existe un système (yi )i∈J1..nK tel que l’on ait
Xn Xn
(6.5) y? ⊗ xi = IdA , i.e. ∀x ∈ A, x = λ(xyi )xi
i=1 i i=1
cice 6.13).
J 1. Laissé à la lectrice.
2. Supposons d’abord A libre sur k. Soit ∆ = DiscA/k = discA/k (e) ∈ k pour une base e de A
sur k. Par extension des scalaires on obtient ∆ = DiscA0 /k0 ∈ k0 . Si ∆ est inversible dans k0 il
est inversible dans k d’après le lemme 6.4.3. Dans le cas général on se ramène au cas précédent
par localisation en des éléments comaximaux de k. I
Séparabilité et nilpotence
Théorème 6.15 Soit A une k-algèbre strictement étale.
1. Si k est réduit, A également.
2. L’idéal DA (0) est engendré par l’image de Dk (0) dans A.
3. Si k0 est une k-algèbre réduite, A0 = k0 ⊗k A est réduite.
6.5. Formes linéaires dualisantes, algèbres strictement étales 227
J 1. On raisonne à peu près comme dans le cas où k est un corps discret (fait 6.1.3). On suppose
d’abord que A est libre sur k. Soit a ∈ DA (0). Pour tout x ∈ A la multiplication par ax est
un endomorphisme nilpotent µax de A. Sa matrice est nilpotente donc les coefficients de son
polynôme caractéristique sont nilpotents (voir par exemple l’exercice 2.3), donc nuls puisque k
est réduit. En particulier TrA/k (ax) = 0. Ainsi a est dans le noyau de l’application k-linéaire
tr : a 7→ (x 7→ TrA/k (ax)) de A dans Lk (A, k). Or tr est un isomorphisme par hypothèse donc
a = 0.
Dans le cas général on se ramène au cas où A est libre sur k par le théorème de structure locale
des modules projectifs de type fini (en tenant compte du fait 6.5.5 1.).
Le point 3. résulte de 1. et du fait 6.5.5 1. Le point 2. résulte de 3., en considérant k0 = kred . I
Lemme 6.5.7 Si A est strictement finie sur k et si a ∈ A est nilpotent, les coefficients de
FA/k (a)(T ) sont nilpotents (hormis le coefficient constant).
Produits tensoriels
Si φ et φ0 sont deux formes bilinéaires symétriques sur M et M 0 , on définit une forme bilinéaire
symétrique sur M ⊗k M 0 , notée φ ⊗ φ0 par :
A (xi ∈ k0 ). On doit montrer que les xi sont dans k, ou ce qui revient au même, entiers sur k.
Or xhi est entier sur k. La matrice de µA0 ,xhi est donc un élément de Mn (k0 ) entier sur k. Par
suite son polynôme caractéristique a ses coefficients entiers sur k (lemme 3.8.5), donc dans k et
en particulier xi = TrA0 /k0 (xhi ) ∈ k. I
Lemme 6.5.10 La k-algèbre produit kn est strictement étale, le discriminant de la base canoni-
que est égal à 1. Si k est un anneau connexe non trivial, cette k-algèbre possède exactement n
caractères et n! automorphismes (ceux que l’on voit au premier coup d’oeil).
2. Dans ce cas, si k est connexe non trivial f admet exactement n zéros dans k et la décom-
position de f est unique à l’ordre des facteurs près.
3. Une k-algèbre L diagonalise A si, et seulement si, disc(f ) est inversible dans L et f se
décompose en facteurs linéaires dans L[X].
2. Avec les notations précédentes on doit montrer que les seuls zéros de f dans k sont les xi .
Un zéro de f correspond à un caractère π : A → k. On doit donc démontrer que kn n’admet
pas d’autre caractère que les projections sur chaque facteur. Or cela a été démontré dans le
lemme 6.5.10.
3. Appliquer le point 1. à la L-algèbre L ⊗k A ' L[X]/hf i. I
Proposition 6.5.13 Soit K un corps discret séparablement factoriel et B une K-algèbre stric-
tement finie. Alors B est étale si, et seulement si, elle est diagonalisée par un surcorps de K
étale sur K.
J Supposons B étale. Elle est isomorphe à un produit de corps Ki étales sur K (théorème 6.5
page 210) et il existe un corps L étale sur K, extension galoisienne qui contient une copie de
chaque Ki (corollaire 6.1.9). On voit facilement que L diagonalise B.
Supposons qu’un corps L étale sur K diagonalise B. Alors DiscB/K est inversible dans L donc
dans K : B est étale. I
5. Dans le cas où A = k[X1 , . . . , Xn ]/hf1 , . . . , fs i = k[x] (autrement dit lorsque A est une
k-algèbre de présentation finie), on a la description suivante possible des objets précédents
(voir le théorème 6.10 page 217)..D E
– Aek = k[Y1 , . . . , Yn , Z1 , . . . , Zn ] f (Y ), f (Z) = k[y, z].
– pour a = a(x) ∈ A, et h(y, z) ∈ k[y, z], on a :
– gA/k (a) = a(y), dA/k (a) = a(z),
– a · h = a(y)h(y, z), h · a = a(z)h(y, z),
– ∆A/k (a) = a(y) − a(z),
– et µA/k (h) = h(x, x).
– JA/k est l’idéal de k[y, z] engendré par les yi − zi .
On en déduit Ker(µA/k ) est le A-module (à droite ou à gauche) engendré par Im ∆ et donc qu’il
est contenu dans JA/k . On conclut avec 4.2.6. I
Exemple. Pour A = k[X], on a Aek ' k[Y, Z] avec les homomorphismes h(X) 7→ h(Y ) (à gauche)
et h(X) 7→ h(Z) (à droite) donc h·g = h(Y )g et g ·h = h(Z)g. On a aussi ∆A/k (h) = h(Y )−h(Z),
µA/k (g(Y, Z)) = g(X, X) et JA/k = hY − Zi. On voit que J est libre de base Y − Z sur Aek , et
comme A-module à gauche il est libre de base ((Y − Z)Z n )n∈N .
2. Si A est une k-algèbre de type fini, engendrée par x1 , . . . , xr , JA/k est un idéal de type fini
de Aek , engendré par ∆(x1 ), . . . , ∆(xr ).
3. Sur l’idéal Ann(JA/k ), les deux structures de A-modules à gauche et à droite coïncident.
De plus, pour α ∈ Ann(JA/k ) et γ ∈ Aek , on a :
(6.9) γα = µA/k (γ) · α = α · µA/k (γ)
J 1. Calcul immédiat. Le point 2. en résulte puisque JA/k est l’idéal engendré par l’image de ∆,
et que pour tout (( monôme )) en les générateurs, par exemple x3 y 4 z 2 , ∆(x3 y 4 z 2 ) est égal à une
combinaison linéaire (à coefficients dans Aek ) des images des générateurs ∆(x), ∆(y) et ∆(z).
3. L’idéal a = Ann(JA/k ) est un Aek -module, donc il est stable pour les deux lois de A-module.
Montrons que ces deux structures coïncident. Si α ∈ a, pour tout a ∈ A on a 0 = α(a · 1 − 1 · a) =
a · α − α · a.
L’égalité (6.9) découle du fait que α − µA/k (α) · 1 et α − 1 · µA/k (α) sont dans Ker µA/k = JA/k .
I
Lemme 6.6.4 L’idéal JA/k est engendré par un idempotent si, et seulement si,
1 ∈ µA/k (Ann(JA/k )).
De plus, si 1 = µA/k (ε) avec ε ∈ Ann(JA/k ), alors ε est un idempotent et l’on a
Ann(JA/k ) = hεi, JA/k = h1 − εi ,
de sorte que ε est déterminé de manière unique.
J On omet les A/k en indice. Si J = hεi avec ε idempotent, on a Ann(J) = h1 − εi et µ(1−ε) = 1.
Réciproquement, supposons 1 = µ(ε) avec ε ∈ Ann(J). Alors µ(1 − ε) = 0, donc 1 − ε ∈ J,
puis (1 − ε)ε = 0, i.e. ε est idempotent. Et l’égalité 1 = (1 − ε) + ε implique que Ann(J) = hεi,
J = h1 − εi. I
Dérivations
Définition 6.6.5 Soit A une k-algèbre et M un A-module.
On appelle k-dérivation de A dans M , une application k-linéaire δ qui vérifie l’égalité de Leibniz
δ(ab) = aδ(b) + bδ(a).
On note Derk (A, M ) le A-module des k-dérivations de A dans M . Une dérivation de A (( tout
court )) est une dérivation à valeurs dans A. Lorsque le contexte est clair, Der(A) est une
abréviation pour Derk (A, A).
A LL
LLL
LLδL k-dérivations
d LLL
L%
J/J 2 _ _ _ _ _/ M applications A-linéaires.
θ!
232 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Le A-module J/J2 , noté ΩA/k , est appelé le module des différentielles (de Khäler) de A.
A NNN
NNN
NδNN τ (a ⊗ b) = −a δ(b).
∆ NNN
N'
A ⊗k A /M
τ
Le diagramme commute et τ est A-linéaire à gauche.
Il reste à voir que τ (J2 ) = 0, car θ est alors définie par restriction et passage au quotient de τ .
On vérifie que τ (∆(a)∆(b)) = bδ(a) + aδ(b) − δ(ab) = 0. I
Dans le théorème qui suit, on note Ja = t JACX (f ) : As → An l’application linéaire définie par
la matrice transposée, et (e1 , . . . , en ) la base canonique de An . On définit
Pn ∂g
δ : A → Coker(Ja) : g(x) 7→ i=1 ∂Xi (x) ei ,
λ : An → J/J2 : ei 7→ d(xi ) = yi − zi .
Coker(Ja) δ(xi )
δ ii4 O
iiii
iiiii
A UUUUU λ
UUUU
UUUU
d *
J/J2 d(xi )
J 1. Laissé au lecteur.
2. On commence par montrer l’inclusion Im(Ja) ⊆ Ker λ, i.e. pour chaque k :
Pn ∂fk
λ( i=1 ∂Xi (x) ei ) = 0.
Pour g ∈ k[X] on utilise une formule de Taylor à l’ordre 1 :
Pn ∂g 2
g(y) ≡ g(z) + i=1 ∂Xi (z) (yi − zi ) mod J .
∂fk
0, donc ni=1 ∂X (z) (yi − zi ) ∈ J2 .
P
Pour g = fk on a fk (y) = fk (z) = i
Ceci démontre l’égalité
ci-dessus en tenant compte de la loi de A-module sur J/J2 . Cela montre que λ passe au quotient,
avec
6.6. Algèbres séparables 233
λ : δ(xi ) = ei 7→ d(xi ) = yi − zi .
Par ailleurs, puisque δ est une k-dérivation, la propriété universelle de la dérivation d : A → J/J2
nous donne une factorisation A-linéaire
J/J2 → Coker(Ja) : d(xi ) 7→ δ(xi )
Il est clair que les deux applications sont réciproques l’une de l’autre. I
du système car son image dans Endk (A) est IdA . En particulier i xi ⊗ yi = i yi ⊗ xi .
P P
Le théorème suivant dégage les propriétés caractéristiques de cet élément i xi ⊗yi , propriétés
P
idempotent et : X
xi yi = 1, a · ε = ε · a ∀a ∈ A.
i
NB : On démontre la réciproque (pour les algèbres strictement finies) un peu plus loin (théo-
rème 6.21 page 235).
Preuve dans le cas galoisien (à lire après le théorème 6.24 page 242).
Soit (k, A, G) une algèbre galoisienne ; puisque le résultat à prouver est indépendant du système
tracique de coordonnées, on peut supposer que (xi ), (yi ) sont deux systèmes d’éléments de A
vérifiant les conditions du point 2. du théorème d’Artin 6.24.
P
Dire que µ(ε) = 1 consiste à dire que i xi yi = 1, ce que vérifie ((xi ), (yi )). Pour montrer que
i axi ⊗ yi = i xi ⊗ ayi , il suffit d’appliquer ψG ; on note (gσ )σ l’image du membre gauche,
P P
Cette égalité (?) s’écrit comme l’égalité des deux formes k-linéaires, Aek → k :
Mais µA/k (zz 0 ) = µA/k (z)µA/k (z 0 ) = 0 car z 0 ∈ J = Ker µA/k . On en déduit que TrAek/k (εzz 0 ) = 0
pour tout z ∈ Aek . Comme TrAek/k est non dégénérée on obtient εz 0 = 0. Ainsi ε ∈ Ann(J).
P P
Il reste à montrer que µA/k (ε) = 1, i.e. s = i xi yi = 1. L’égalité Tr(x) = i Tr(xxi yi ) (fait 5.7.7)
exprime que Tr((1 − s)x) = 0 pour tout x ∈ A donc s = 1. I
Algèbres séparables
Théorème 6.20 Pour une k-algèbre A les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. A est projectif comme Aek -module.
2. JA/k est engendré par un idempotent de Aek .
3. JA/k est de type fini et idempotent.
4. 1 ∈ µA/k (Ann(JA/k )).
5. Il existe n ∈ N, et x1 , . . ., xn , y1 , . . ., yn ∈ A tels que = 1 et pour tout a ∈ A,
P
i x i yi
i axi ⊗ yi = i xi ⊗ ayi .
P P
Commentaire. Il faut noter que Bourbaki utilise une notion d’extension séparable pour les corps
assez différente de la définition ci-dessus. En mathématiques classiques les algèbres sur un corps
K (( séparables au sens de la définition 6.6.6 )) sont les algèbres (( finies et séparables au sens
de Bourbaki )) (voir le théorème 6.22 page suivante). Beaucoup d’auteurs suivent Bourbaki au
moins pour les extensions algébriques de corps, qu’elles soient finies ou pas. Dans le cas d’une
K-algèbre algébrique sur un corps discret K, la définition à la Bourbaki signifie que tout élément
de l’algèbre annule un polynôme unitaire séparable de K[T ].
Fait 6.6.7 (stabilité des algèbres séparables par extension des scalaires)
Soit ı : k → A et ρ : k → k0 deux k-algèbres et A0 = ρ? (A).
On a un isomorphisme canonique ρ? (Aek ) → A0k0e et le diagramme ci-dessous commute
ρek
Aek / A0 0e
k
µA/k µA0/k0
ρ
A / A0
En particulier une algèbre séparable reste séparable par extension des scalaires.
6.6. Algèbres séparables 235
Nous montrons maintenant la réciproque du théorème 6.19 page 233, ce qui nécessite un
lemme préparatoire.
Lemme 6.6.8 Soit A une k-algèbre strictement finie et Aek son algèbre enveloppante.
1. Aek est une A-algèbre à gauche strictement finie dont la trace est donnée par γg ◦ (IdA ⊗
TrA/k ) (où γg : A ⊗k k → A est l’isomorphisme canonique), i.e. pour α = i ai ⊗ bi :
P
P
Tr(Aek/A )g (α) = i ai TrA/k (bi ).
De même, Aek est une A-algèbre à droite strictement finie dont la trace est donnée par
γd ◦ (TrA/k ⊗IdA ), i.e. Tr(Aek/A )d (α) = i TrA/k (ai )bi .
P
2. Sur Ann(JA/k ), les 3 formes A-linéaires Tr(Aek/A )g , Tr(Aek/A )d et µA/k coïncident, i.e. si
α = i ai ⊗ bi ∈ Ann(JA/k ) :
P
P P P
i ai bi = i ai TrA/k (bi ) = i TrA/k (ai )bi .
J 1. Il s’agit d’un résultat structurel général : la trace se conserve par extension des scalaires
(voir fait 5.7.6). Autrement dit si k0 est une k-algèbre, k0 ⊗k A est une k0 -algèbre strictement
finie dont la trace est γ ◦ (Idk0 ⊗ TrA/k ) où γ : k0 ⊗k k → k0 est l’isomorphisme canonique.
2. De manière générale, si E est un A-module projectif de type fini, x ∈ E, ν ∈ E ? et u =
θE (ν ⊗ x) ∈ EndA (E), alors TrE (u) = ν(x) (voir fait 5.7.7).
On applique ceci à E = Aek , x = α ∈ E et ν = µA/k ∈ E ? en notant qu’alors u = θE (ν ⊗ α) =
µAek ,α ; en effet, d’après le point 3. du fait 6.6.3, on a pour γ ∈ Aek , γα = µA/k (γ)·α = θE (ν⊗α)(γ).
I
NB : Précisément le lien entre les deux notions est obtenu par la relation qui lie l’idempotent de
séparabilité et les systèmes de coordonnées, comme cela ressort du théorème direct 6.19 et du
théorème réciproque.
J Soit x ∈ A ; alors (x ⊗ 1)εA/k = ⊗ yi est dans Ann(JA/k ) donc d’après le lemme 6.6.8,
P
i xxi
I
P P P P
on a i xxi yi = i TrA/k (xi x)yi et comme i xi yi = 1, cela donne x = i TrA/k (xi x)yi .
Le théorème suivant renforce le théorème précédent et montre que l’existence d’un idempotent
de séparabilité est une condition de finitude très forte.
J Concernant le cas particulier, l’algèbre quotient possède une base finie ou dénombrable de
monômes, d’après la théorie des bases de Gröbner.
Soit ε = rk=1 bk ⊗ ck l’idempotent de séparabilité. On a ε · x = x · ε pour tout x ∈ A, et
P
Pr
k=1 bk ck = 1.
Pour α ∈ A? et x ∈ A, en appliquant 1 ⊗ α à x · ε = k xbk ⊗ ck = ε · x = k bk ⊗ xck , on
P P
obtient : X X
xbk α(ck ) = bk α(xck ).
k k
S
D’autre part, en notant J la partie finie J = Jck , on a :
X
ck = αi (ck )ai .
i∈J
On écrit alors :
X X X
x= xbk ck = xbk αi (ck )ai = αi (ck x)bk ai .
k∈J1..rK k∈J1..rK,i∈J i∈J,k∈J1..rK
Ce qui donne maintenant un système de coordonnées fini, avec les vecteurs bk ai et les formes
x 7→ αi (ck x) pour (i, k) ∈ J × J1..rK. I
Commentaire. Notons que lorsque l’on a un système de coordonnées pour un module, le module
est projectif au sens usuel. La définition d’un système de coordonnées pour un module M revient
à dire que M est isomorphe à un facteur direct du module A(I) . Ce dernier module, librement
engendré par I, est projectif parce que I est discret.
En mathématiques classiques, tout module projectif possède un système de coordonnées, parce
que tous les ensembles sont discrets, donc le théorème précédent s’applique : toute k-algèbre
séparable qui est un k-module projectif est strictement finie. Par la même occasion toute algèbre
séparable sur un corps discret ou sur un anneau zéro-dimensionnel réduit est strictement finie.
Dans le cas d’une algèbre de présentation finie sur un corps discret, les théorèmes 6.20 et
6.22 donnent le résultat suivant.
Corollaire 6.6.9 Pour f1 , . . ., fs ∈ k[X1 , . . . , Xn ] lorsque k est un corps discret, les propriétés
suivantes sont équivalentes.
1. L’algèbre quotient A = k[x] est strictement étale.
2. L’algèbre quotient est séparable.
3. La matrice Ja(x), transposée de la matrice jacobienne du système polynomial, est surjective.
Nous allons maintenant montrer qu’une algèbre séparable ressemble beaucoup à une algèbre
diagonale, y compris dans le cas où l’anneau de base est quelconque.
Considérons la k-algèbre diagonale kn . Notons (e1 , . . . , en ) sa base canonique et pi : kn → k la
forme coordonnée relative à ei . Alors on a :
ei ∈ B(kn ), pi ∈ Homk (kn , k), pi (ei ) = 1 et xei = pi (x)ei ∀x ∈ kn .
Il s’agit en quelque sorte de généraliser cela aux algèbres séparables.
4. Si k est connexe, les idempotents εϕ , pour ϕ ∈ Homk (A, k), sont deux à deux orthogonaux.
J Soit εA/k = xi ⊗yi . On sait que a·εA/k = εA/k ·a pour tout a ∈ A, que xi ⊗yi = yi ⊗xi
P P P
P
et que x y
i i i = 1.
1. La première affirmation est valable pour tout caractère de toute k-algèbre A. Il reste à
voir que Ker ϕ est engendré par un idempotent. On considère l’homomorphisme de k-algèbres
ν = µA/k ◦ (ϕ ⊗ IdA ) : Aek → A et ε = ν(εA/k ). Ainsi ε = i ϕ(xi )yi est un idempotent et
P
Ker ϕ = h1 − εi.
2. On a pour a ∈ A :
Pour a = εϕ0 , on obtient ϕ0 (εϕ ) = ϕ(εϕ0 )ϕ0 (εϕ ) puis par symétrie, ϕ(εϕ0 ) = ϕ0 (εϕ ). Notons
e cet idempotent de k. Par définition, on a aεϕ = ϕ(a)εϕ ; en faisant a = εϕ0 , on obtient
εϕ0 εϕ = eεϕ . Enfin, notons a = hIm(ϕ − ϕ0 )i ; la relation (?) montre que ae = 0 ; d’autre part
1 − e = (ϕ − ϕ0 )(εϕ ) ∈ a. Donc a = h1 − eik et Annk (a) = heik .
3. et 4. Découlent du point précédent. I
J 1. Comme k est connexe non trivial, tout idempotent de B est de la forme eI pour une unique
partie finie I de J1..nK.
Soit i ∈ J1..nK. D’après le lemme 6.6.10 il existe un et un seul idempotent εi ∈ A tel que πi (εi ) = 1
et aεi = πi (a)εi pour tout a ∈ A. Cet idempotent est aussi un idempotent de B donc de la forme
eJi pour une partie finie Ji de J1..nK. Puisque πi (εi ) = pi (eJi ) = 1, on a i ∈ Ji , et la réunion des
Ji est J1..nK. Deux Ji distincts sont disjoints d’après le dernier point du lemme 6.6.10. Les Ji
forment donc une partition finie formée de parties finies de J1..nK.
Si πi = πj , alors εi = εj donc Ji = Jj . Si Ji = Jj , alors εi = εj et πi (εj ) = 1. Le point 2. du
lemme 6.6.10 donne 1 ∈ AnnA (πi − πj ) donc πi = πj .
2. Résulte du point 1.
3. Soit ϕ ∈ Homk (A, k). Les ϕ(eJ ) sont des idempotents de k. Comme k est connexe, on a
ϕ(eJ ) = 0, 1 ; mais les (eJ )J∈P forment un système fondamental d’idempotents orthogonaux,
donc il y a un seul J ∈ P pour lequel ϕ(eJ ) = 1 et par suite ϕ = πJ . Le reste est immédiat. I
238 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
1 x x2 1 x0 x20
y 1 x x2 λ0
σ(y) = 1 σ(x) 2
σ(x ) λ1
2
σ (y) 2 2 2
1 σ (x) σ (x ) λ2
Or le système linéaire ci-dessus a une et une seule solution dans A. Puisque la solution est unique
σ(λi ) = λi , i.e. λi ∈ k (i = 0, 1, 2). Finalement (1, x, x2 ) est bien une k-base de A.
J Le dernier point est une conséquence directe des précédents (qui sont immédiats), comme
dans toutes les (( dualités )) de ce type. I
6.7. Algèbres galoisiennes, théorie générale 239
Commentaires. 1) Pour ce qui concerne la définition d’une algèbre galoisienne, nous n’avons pas
voulu interdire un groupe fini opérant sur l’anneau trivial4 et en conséquence nous ne définissons
pas G comme un groupe d’automorphismes de A mais comme un groupe fini opérant sur A. En
fait, la définition implique que G opère toujours de manière fidèle sur A (et donc s’identifie à un
sous-groupe de Aut(A)) sauf dans le cas où l’anneau est trivial. Ceci présente en fait plusieurs
avantages.
D’une part, une algèbre galoisienne reste galoisienne, avec le même groupe G, pour toute extension
des scalaires : il arrive que l’on ne sache pas si une extension des scalaires k → k0 , qui débarque
au cours d’une démonstration, est triviale ou non.
D’autre part, le fait de ne pas changer de groupe est de toute manière plus confortable, pour
n’importe quelle extension des scalaires.
2) Nous avons imposé la condition k ⊆ A, qui n’est pas dans le style catégorique usuel. Le
lecteur qui le désire pourra rétablir une définition plus catégorique, en disant que le morphisme
k → A établit un isomorphisme entre k et AG . Cela serait parfois nécessaire, par exemple dans
le point 2. du fait 6.7.3.
Exemples. 1) Si L/K est une extension de corps discrets galoisienne, alors le triplet
(K, L, Gal(L/K)) est une algèbre galoisienne.
2) Nous démontrerons plus loin (théorème 7.12 page 283) que lorsque le polynôme f ∈ k[T ] est
séparable, le triplet (k, Aduk,f , Sn ) est une algèbre galoisienne.
4. L’unique automorphisme de l’anneau trivial est séparant, et tout groupe fini opère sur l’anneau trivial de
manière à en faire une algèbre galoisienne.
240 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
3) Un automorphisme σ d’un anneau local A est séparant si, et seulement si, il existe un x ∈ A
tel que x − σ(x) est inversible.
Les notions d’automorphisme séparant et d’algèbre galoisienne ont été mises au point de
manière à vérifier les faits fondamentaux suivant.
Fait 6.7.3
1. Un automorphisme séparant σ d’un anneau A fournit par extension des scalaires ρ : A → B
un automorphisme séparant ρ? (σ) de B.
2. Si (k, A, G) est une algèbre galoisienne et si ρ : k → k0 est un homomorphisme d’anneaux,
alors (k0 , ρ? (A), G) est une algèbre galoisienne.
J Le point 1., ainsi que le point 2. dans le cas d’une extension des scalaires par localisation, est
laissé à la lectrice.
La démonstration du cas général pour le point 2. devra attendre le théorème 6.25 page 244. I
Lemme de Dedekind
Soit A un anneau commutatif et Am l’A-algèbre puissance m-ième, ses éléments sont vus
comme des vecteurs colonnes et les lois sont les lois produit :
a1 b1 a1 ? b 1 a1 aa1
.. .. .. . .
. ? . = , a .. = .. .
.
am bm am ? bm am aam
Lemme 6.7.4 Soit C une partie finie de Am qui (( sépare les lignes )) : i.e., hxi − xj ; x ∈ CiA =
h1i (pour i 6= j ∈ J1..mK). Alors la A-algèbre engendrée par C est égale à Am .
J Se déduit du lemme 6.7.4 en remarquant que, puisque τ (xy) = τ (x)τ (y), l’A-algèbre engendrée
par les τ (x) coïncide avec le A-module engendré par les τ (x). I
Remarques. 1) Posons F = (τi (yj ))ij ∈ Am×r . L’indépendance linéaire des lignes signifie que
Dm (F ) est fidèle, tandis que la surjectivité de F signifie que Dm (F ) = h1i .
2) L’entier r peut être contrôlé à partir des données du problème.
Fait 6.7.7 Avec les notations ci-dessus, et la structure à gauche pour le A-module Aek :
1. Dire que ιG est un isomorphisme signifie que Link (A, A) est un A-module libre dont G est
une base.
2. Si A est strictement étale de rang constant sur k, dire que Aek est un A-module libre de
rang fini signifie que A se diagonalise elle-même.
3. Dire que ψG est un isomorphisme signifie précisément la chose suivante. Le A-module Aek
est libre de rang |G|, avec une base B telle que, après extension des scalaires de k à A,
l’application linéaire µA,a , qui est devenue µAek ,1⊗a , est maintenant diagonale sur la base
B, de matrice Diag(σ1 (a), σ2 (a), . . . , σn (a)), ceci pour n’importe quel a ∈ A.
Lemme 6.7.8 Soit G = {σ1 = Id, σ2 , . . . , σn } un groupe fini opérant sur un anneau A et k = AG .
Pour y ∈ A note y ? l’élément de A? défini par x 7→ TrG (xy). Les propriétés suivantes sont
équivalentes.
1. (k, A, G) est une algèbre galoisienne.
2. Il existe x1 , . . . , xr , y1 , . . . , yr dans A tels que pour tout σ ∈ G on ait
(
Xr 1 si σ = Id
(6.10) xi σ(yi ) =
i=1 0 sinon
4. On vient de montrer que TrG est dualisante (voir théorème 6.14 page 224). La surjectivité en
résulte.
5. On a ψG (εσ ) = ( i σ(xi )τ (yi ))τ = eσ . Montrons maintenant l’égalité relative à b ⊗ a ; vu la
P
Remarque. Voici une démonstration alternative de la surjectivité de la trace (point 4.). Pour
z = 1, 1 = ri=1 ti xi avec ti = TrG (yi ) ∈ TrG (A) ⊆ k. Introduisons le polynôme (( normique ))
P
N (T1 , . . . , Tr ) :
Pr
+ · · · + Tr σ(xr )).
Q
N (T1 , . . . , Tr ) = NG ( i=1 Ti xi ) = σ∈G (T1 σ(x1 )
C’est un polynôme homogène de degré n > 1, invariant par G, donc à coefficients dans k :
N (T ) = |α|=n λα T α avec λα ∈ k. En conséquence, pour u1 , . . ., ur ∈ k, on a N (u1 , . . . , ur ) ∈
P
J On notera dans cette preuve pour x ∈ A, Tr(x) = TrG (x) et x? la forme k-linéaire z 7→ Tr(zx).
Le lemme 6.7.8 prouve les points 1. (mis à part la question du rang), 3. et 4. Il prouve aussi le
point 2., car (6.11) résulte clairement de (6.10).
Notons que k est en facteur direct dans A d’après le lemme 6.4.3 3., ou plus directement, d’après
la surjectivité de la trace (qui résulte du fait 6.5.4 1.) : si x0 ∈ A vérifie Tr(x0 ) = 1, i.e. x?0 (1) = 1,
on a A = k · 1 ⊕ Ker x?0 ; tout y ∈ A s’écrit y = x?0 (y) · 1 + (y − x?0 (y) · 1) avec y − x?0 (y) · 1 ∈ Ker x?0 .
Voyons que A est bien de rang constant n. Le point 4. montre que, après extension des scalaires
de k à A, le k-module A devient libre de rang |G|. Ainsi A est bien de rang constant n sur
k : le polynôme rang du k-module A (( ne change pas )) par l’extension des scalaires5 k → A
(injective), il est donc lui-même égal à T n .
5. Puisque ψG est un isomorphisme de A-algèbres (point 4.), A se diagonalise elle-même. On
déduit alors du point 3. du fait 6.7.7, que CG (x)(T ) = CA/k (x)(T ) (c’est vrai pour les polynômes
vus dans A[T ], donc aussi dans k[T ]).
6. Tout d’abord k est zéro-dimensionnel d’après le lemme 4.8.14, c’est donc un corps discret, car
il est connexe et réduit. L’extension est clairement étale. Elle est normale puisque tout x ∈ A
annule le polynôme CG (x)(T ) et que ce polynôme se décompose en produit de facteurs linéaires
dans A[T ]. I
Remarque. Le calcul qui suit peut éclairer les choses, bien qu’il n’ait pas été nécessaire.
On note que d’après le point 3. du lemme 6.7.8, A comme k-module est image de la matrice de
projection
P = (pij )i,j∈J1..rK = (yi? (xj ))i,j∈J1..rK = (Tr(yi xj ))i,j∈J1..rK .
Rappelons aussi l’équation (6.11) :
(
Pr 1 si σ = τ
i=1 τ (xi )σ(yi ) = .
0 sinon
Posons alors :
σ1 (x1 ) σ1 (x2 ) ··· σ1 (xr ) σ1 (y1 ) σ1 (y2 ) · · · σ1 (yr )
σ2 (x1 ) σ2 (x2 ) ··· σ2 (xr ) σ2 (y1 ) σ2 (y2 ) · · · σ2 (yr )
X = .. , Y = .. .
.. .. .. ..
. . . . . .
σn (x1 ) σn (x2 ) ··· σn (xr ) σn (y1 ) σn (y2 ) · · · σn (yr )
Corollaire 6.7.9 Soient (k, A, G) une algèbre galoisienne libre avec n = |G|. Si b est une suite
de n éléments b1 , . . . , bn ∈ A, on définit Mb ∈ Mn (A) par Mb = (σi (bj ))i,j∈J1..nK . Alors, pour
deux n-suites b, b0 d’éléments de A
tM
b Mb0 = TrG (bi b0j )i,j
En conséquence, det(Mb )2 = disc(b1 , . . . , bn ) et le système b1 , . . . , bn est une k-base de A si, et
seulement si, la matrice Mb est inversible. Dans ce cas, si b0 est la base duale de b relativement à
la forme bilinéaire tracique, alors les matrices Mb et Mb0 sont inverses l’une de l’autre.
Remarque. Dans la situation où A est un corps discret, le lemme de Dedekind dans sa forme
originale affirme que la (( matrice de Dedekind )) Mb est inversible lorsque (b) est une base de A
comme k-espace vectoriel.
J 1. On voit facilement que G agit sur A0 de façon séparante. Il reste à montrer que k0 est
le sous-anneau des éléments G-invariants de A0 . Notons Tr = TrG que l’on voit comme un
k-endomorphisme de A. Soit y ∈ A0 G-invariant ; pour z ∈ A0 , puisque y est G-invariant, on a
(Idk0 ⊗ Tr)(yz) = y(Idk0 ⊗ Tr)(z). En prenant z = 1 ⊗ x0 où x0 ∈ A vérifie Tr(x0 ) = 1, on obtient
y = (Idk0 ⊗ Tr)(y(1 ⊗ x0 )) ∈ k0 ⊗k k = k0
2. Résulte du point 1. En effet on considère l’algèbre galoisienne (AH , A, H) et l’extension des
scalaires ϕ : AH → k0 ⊗k AH = ρ? (AH ), on obtient ϕ? (A) = A0 , d’où l’algèbre galoisienne
(ρ? (AH ), A0 , H). Ainsi A0H = ρ? (AH ). I
Dans le théorème qui suit, on aurait pu exprimer l’hypothèse en disant que le groupe fini G
opère sur l’anneau A, et que k est un sous-anneau de AH .
Ceci montre d’une part que G est A-libre. D’autre part, cela conduit à penser que tout ϕ ∈
Link (A, A) s’écrit ϕ = σ aσ σ avec aσ = i ϕ(yi )σ(xi ). Vérifions-le en évaluant ϕ0 := σ aσ σ
P P P
en x ∈ A :
ϕ0 (x) =
P P P
i,σ ϕ(yi )σ(xi )σ(x) = i TrG (xi x)ϕ(yi ) = ϕ( i TrG (xi x)yi ) = ϕ(x).
A est un k-module fidèle, il existe d’après la proposition 5.7.9, un système (zi ) de A tel que
1 = i αi (zi ). Alors si x ∈ AG , x = i αi (zi )x = i αi (zi x) appartient à k.
P P P
Montrons ensuite que pour chaque α ∈ A? ⊆ Link (A, A), il existe un unique a ∈ A tel que
α = σ∈G σ(a)σ, ce qui est équivalent au fait que α est la forme k-linéaire x 7→ TrG (ax). Pour
P
cela, on utilise le fait que G est une A-base de Link (A, A) : on a α = σ aσ σ avec aσ ∈ A et en
P
les composantes sont nulles sauf celle d’indice Id qui vaut 1. Cela signifie exactement que
I
P
i xi σ(yi ) = 1 si σ = Id, 0 sinon.
Le cas des algèbres galoisiennes libres est décrit dans le corollaire suivant, qui est une
conséquence immédiate des résultats plus généraux précédents.
Comme les a0i , b0i appartiennent à AH , on obtient comme application du point 2. du théorème 6.26
page 244 que (k, AH , G/H) est une algèbre galoisienne. I
Le théorème 6.27 qui précède établit la correspondance galoisienne entre sous-groupes finis
de G d’une part et (( certaines )) sous-k-algèbres strictement étales de A d’autre part. Une
correspondance bijective exacte va être établie dans le paragraphe suivant lorsque A est connexe.
Mais auparavant nous donnons quelques précisions supplémentaires.
Proposition 6.7.11 Soit (k, A, G) une algèbre galoisienne et H un sous-groupe fini de G. Alors
1. A diagonalise AH .
2. Pour b ∈ AH , le polynôme caractéristique de b (sur k, dans AH ) est donné par
− σ(b))
Q
CAH/k (b)(T ) = σ∈G/H (T
(ici G/H désigne un système de représentants des classes à gauche, et on note que T − σ(b)
ne dépend pas du représentant choisi).
J Rappelons que A se diagonalise elle-même, comme le montre l’isomorphisme ψG : Aek →
σ∈G A. Nous regardons ce produit comme l’algèbre de fonctions F(G, A). Il est muni d’une
Q
Id⊗τ w7→τ ·w
ψG
Q
A ⊗k A / F(G, A) =
σ∈G A
1. Considérons le diagramme commutatif :
ϕH
/ F(G/H, A) = σ∈G/H A
Q
A ⊗k AH
ψG
Q
A ⊗k A / F(G, A) =
∼ σ∈G A
À droite, la flèche verticale est injective, et elle identifie F(G/H, A) à la partie F(G, A)H
de F(G, A) (fonctions constantes sur les classes à gauche de G modulo H).
À gauche, la flèche verticale (correspondant à l’injection AH ,→ A) est aussi une injection car
AH est facteur direct dans A en tant que AH -module.
Enfin, ϕH est défini par a ⊗ b 7→ (aσ(b))σ∈G/H .
Alors ϕH est un isomorphisme de A-algèbres. En effet, ϕH est injective et pour la surjectivité, il
suffit de voir que (A ⊗k A)Id⊗H = A ⊗k AH : ceci est donné par le théorème 6.25 page 244 pour
l’algèbre galoisienne (AH , A, H) et l’extension des scalaires AH ,→ A.
2. Ceci résulte du point 1. et du lemme suivant. I
Lemme 6.7.12 Soient A et B deux k-algèbres, B strictement finie de rang constant n. On
suppose que A diagonalise B au moyen d’un isomorphisme
ψ : A ⊗k B → An
donné par des (( coordonnées )) notées ψi : B → A.
Alors, pour b ∈ B, on a une égalité
CB/k (b)(T ) = ni=1 (T − ψi (b)),
Q
si l’on transforme le membre de gauche (qui est un élément de k[T ]) en un élément de A[T ]
via k → A.
J Immédiat d’après le calcul du polynôme caractéristique d’un élément dans une algèbre
diagonale. I
248 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Théorème 6.28 Si (k, A, G) est une algèbre galoisienne non triviale et si A est connexe, la
correspondance galoisienne établit une bijection décroissante entre
– d’une part, l’ensemble des sous-groupes détachables de G,
– et d’autre part, l’ensemble des sous-k-algèbres de A qui sont séparables.
Ce dernier ensemble est également celui des sous-algèbres de A qui sont strictement étales sur k.
Remarque. La théorie des algèbres galoisiennes ne réclame pas vraiment le recours aux algèbres
séparables, même pour le théorème précédent que l’on peut énoncer avec les seules sous-algèbres
strictement étales de A. Pour une démonstration de ce théorème sans recours aux algèbres sépa-
rables, voir les exercices 6.20 et 6.21. Néanmoins la théorie des algèbres séparables, remarquable
pour elle-même, apporte un bel éclairage à la situation galoisienne.
J 1. Le groupe G opère sur C/c parce que c est (globalement) invariant. Montrons que l’ho-
momorphisme injectif naturel k/a → (C/c )G est surjectif. Si x ∈ C est G-invariant modulo c,
on doit trouver un élément de k égal à x modulo c. On considère x0 ∈ C vérifiant TrG (x0 ) = 1 ;
alors TrG (xx0 ) convient :
X X
x= xσ(x0 ) ≡ σ(x)σ(x0 ) = TrG (xx0 ) mod c.
σ∈G σ∈G
Exercices et problèmes 249
Ainsi (C/c )G = k/a . Enfin il est clair que G opère de façon séparante sur C/c .
2. Par l’extension des scalaires k → k/a on obtient l’algèbre galoisienne (k/a , C/aC , G), avec
aC ⊆ c. On doit vérifier que c = aC. La projection canonique π : C/aC → C/c est une
application k/a -linéaire surjective entre modules projectifs, donc C/aC ' C/c ⊕ Ker π. Mais
comme les deux modules ont même rang constant |G|, le polynôme rang de Ker π est égal à 1,
donc Ker π = 0 (théorème 5.11 page 187). I
Dans la définition qui suit on n’a pas besoin de supposer que (k, C, G) est une algèbre
galoisienne.
Définition 6.7.14 Soit G un groupe fini qui opère sur une k-algèbre C.
1. Un idempotent de C est dit galoisien si son orbite sous G est un système fondamental
d’idempotents orthogonaux (cela requiert que cette orbite soit un ensemble fini, ou, de
manière équivalente, que le sous-groupe StG (e) soit détachable).
2. Un idéal de C est dit galoisien lorsqu’il est engendré par l’idempotent complémentaire d’un
idempotent galoisien e.
3. Dans ce cas le groupe StG (e) opère sur l’algèbre C[1/e] ' C/h1 − ei, et (k, C[1/e], StG (e))
est appelé un quotient de Galois de (k, C, G).
Fait 6.7.15 Avec les hypothèses de la définition 6.7.14, si {e1 , . . . , er } est l’orbite de e, l’appli-
cation k-linéaire naturelle C → ri=1 C[1/ei ] est un isomorphisme. En outre les StG (ei ) sont
Q
deux à deux conjugués par des éléments de G qui permutent les k-algèbres C[1/ei ] (elles sont
donc deux à deux isomorphes). En particulier C ' C[1/e]r .
Exercices et problèmes
Exercice 6.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées à la lectrice,
etc. . . Notamment :
– Montrer le théorème 6.10 page 217.
– Montrer le fait 6.3.10 page 218.
– Montrer le principe local-global 6.1 page 240 pour les algèbres galoisiennes.
– Vérifier le fait 6.7.7 page 241.
Exercice 6.2 Donner une démonstration détaillée du point 2. du théorème 6.4 page 209.
Exercice 6.4 Soit K un corps discret non trivial, B une K-algèbre strictement finie réduite et v une
def
indéterminée. On considère la L-algèbre B(v) = K(v) ⊗K B. Montrer que :
1. B(v) est strictement finie sur K(v).
2. Si B est étale sur K, B(v) est étale sur K(v).
3. Tout idempotent de B(v) est en fait dans B.
Exercice 6.5 Si K est un corps discret séparablement factoriel, il en va de même pour K(v), où v est
une indéterminée.
NB : on ne suppose pas que K est infini, ni non plus qu’il est fini.
250 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Exercice 6.6 (présentation d’une algèbre qui est libre finie comme module)
Soit B une A-algèbre libre de rang n de base e = (e1 , . . . , en ). On note ϕ : A[X] = A[X1 , . . . , Xn ] B
l’homomorphisme (surjectif) de A-algèbres qui réalise Xi 7→ ei , ckij les constantes de structure définies par
ei ej = k ckij ek . On considère a1 , . . . , an ∈ A définis par 1 = k ak ek et l’on pose :
P P
Rij = Xi Xj − ckij Xk .
P P
R0 = 1 − k ak Xk ,
On note a = hR0 , Rij , i 6 ji. Montrer que tout f ∈ A[X] est congru modulo a à un polynôme homogène
de degré 1. En déduire que Ker ϕ = a.
√ √ √
Exercice 6.7 (les anneaux d’entiers de l’extension Q( a) ⊂ Q( a, 2))
Soient K ⊆ L deux corps de nombres et A ⊆ B leurs anneaux d’entiers ; on donne ici un exemple
élémentaire où B n’est pas un A-module libre.
√
1. Soit d ∈ Z sans facteur carré ; déterminer l’anneau des entiers de Q( d).
√ √ √ √
Soit a ∈ Z sans facteur carré avec a ≡ 3 mod 4 ; on pose K = Q( a), L = K( 2), β = 2 1+2 a ,
√ √ √ √ √
σ ∈ Aut(L/K), σ : 2 7→ − 2 et τ ∈ Aut(L/Q( 2)), τ : a 7→ − a.
2. Vérifier que β ∈ B et calculer (στ )(β).
√ √ √
3.√On veut montrer que 1, 2, a, β (qui est une Q-base de L) est une Z-base de B. Soit z = r + s 2 +
t a + uβ ∈ B avec r, s, t, u ∈ Q ; en considérant (στ )(z), montrer que u ∈ Z puis que r, s, t ∈ Z.
4. Expliciter B comme A-module projectif de type fini ; vérifier qu’il est isomorphe à son dual.
Exercice 6.12 (une algèbre monogène finie est une algèbre de Frobenius)
Soit f = X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 ∈ k[X] et A = k[X]/hf i = k[x]. On note λ : A → k la forme
linéaire définie par xn−1 7→ 1 et xi 7→ 0 pour i < n − 1. On va montrer que λ est dualisante et que
TrA/k = f 0 (x) λ.
À cet effet, on adjoint une indéterminée Y . Le système 1, x, . . . , xn−1 est une base de A[Y ]/k[Y ] , on note
e : A[Y ] → k[Y ] la Y -extension de λ et l’on définit ϕ : A[Y ] → k[Y ] comme l’application k[Y ]-linéaire
λ
qui transforme xi en Y i pour i ∈ J0..n − 1K.
1. Montrer que : ∀g ∈ A[Y ], f (Y )λ(g)
e = ϕ((Y − x)g) (∗)
2. On définit la base (triangulaire de Horner) b0 , . . . , bn−1 de A/k par
b0 = xn−1 + an−1 xn−2 + · · · + a2 x + a1 ,
b1 = xn−2 + an−1 xn−3 + · · · + a3 x + a2
et ainsi de suite : bi = xn−i−1 + · · · + ai+1 et bn−1 = 1. On a :
f (Y ) − f (x) f (Y )
f 0 (Y ) = = = bn−1 Y n−1 + · · · + b1 Y + b0 .
Y −x Y −x
Montrer en appliquant l’égalité (∗) à gi = xi f 0 (Y ), que (b0 λ, . . . , bn−1 λ) est la base duale de
(1, x, . . . , xn−1 ). Conclure.
3. Montrer que TrA/k = f 0 (x) λ.
Ainsi pour n = 2 :
f1 (Y1 , Y2 ) − f1 (Z1 , Y2 ) f1 (Z1 , Y2 ) − f1 (Z1 , Z2 )
Y1 − Z1 Y2 − Z2
B(Y , Z) =
f2 (Y1 , Y2 ) − f2 (Z1 , Y2 ) f2 (Z1 , Y2 ) − f2 (Z1 , Z2 )
Y1 − Z1 Y2 − Z2
On a l’égalité :
f (Y ) − f (Z)
Y1 − Z1
1 1
.. .
..
B(Y , Z) = (?)
.
Yn − Zn fn (Y ) − fn (Z)
De plus B(X, X) est la matrice jacobienne de f1 , . . . , fn . Enfin, on définit le bezoutien de f1 , . . . , fn par
β(Y , Z) = det B(X, Y ). Donc JacX (f1 , . . . , fn ) = β(X, X).
On suppose que fi (x) = 0 pour tout i.
1. Montrer que β(y, z) ∈ Ann(JA/k ).
2. On suppose ici que le jacobien Jacx (f1 , . . . , fn ) est dans A× et l’on pose
ε = Jacy (f1 , . . . , fn )−1 β(y, z) = β(y, z) Jacz (f1 , . . . , fn )−1
Montrer que β(y, z) et ε sont des générateurs de Ann(JA/k ) et que ε est un idempotent. Donc A est
séparable et ε est l’idempotent de séparabilité de A.
3. Donner des exemples.
0
P P 0 0
i bi ϕ (ai ) = j bj ϕ(aj )
et que ce dernier élément e est un idempotent de B ayant la propriété suivante de (( séparation des
morphismes )) :
AnnB (ϕ − ϕ0 ) = heiB , hIm(ϕ − ϕ0 )iB = h1 − eiB
3. Soient ϕ1 , . . . , ϕn ∈ Homk (A, B) et eij = eji l’idempotent de B défini par AnnB (ϕi − ϕj ) = heij iB ;
en particulier eii = 1. On dit qu’une matrice A ∈ Mn,m (B) est une matrice d’évaluation de Dedekind
pour les n morphismes ϕ1 , . . . , ϕn si chaque colonne de A est de la forme t [ ϕ1 (a) · · · ϕn (a) ] pour un
a ∈ A (dépendant de la colonne). Montrer l’existence d’une matrice d’évaluation de Dedekind dont l’image
contient les vecteurs t [ e1i · · · eni ]. En particulier, si AnnB (ϕi − ϕj ) = 0 pour i 6= j, une telle matrice
est surjective.
2. Soit B = k(e1 + e2 ) ⊕ k(e3 + e4 ) ⊂ k4 et G = h(1, 2, 3, 4)i. Déterminer StpS4 (B) et H = StpG (B). Est
ce que l’on a B = (k4 )H ?
3. Soit (k, A, G) une algèbre galoisienne ; le groupe G opère naturellement sur A[X].
a. Montrer que (k[X], A[X], G) est une algèbre galoisienne.
b. Soit B = XA[X] + k (B est donc constitué des polynômes de A[X] dont le coefficient constant est
dans k). Alors B est une sous-k-algèbre de A[X] qui n’est pas de la forme A[X]H sauf dans un cas
particulier.
Exercice 6.20 Si k ⊆ B ⊆ C avec B strictement étale sur k, C strictement finie sur k, et rgk (B) =
rgk (C), alors B = C (l’égalité rgk (C) = rgk (B) a pour signification que les modules projectifs de type
fini C et B ont même polynôme rang sur k).
Exercice 6.21 En vous basant sur l’exercice 6.20 démontrer la correspondance galoisienne (théorème 6.28
page 248) entre les sous-groupes finis de G et les sous-k-algèbres strictement étales de A lorsque A est
connexe.
6. Pour un anneau arbitraire A l’anneau A(t) est le (( localisé de Nagata )) de A[t] obtenu en inversant les
polynômes primitifs.
254 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
3. Montrer que l’on a une inclusion b ⊆ ag pour un idéal b de la forme b = hX1e1 , · · · , Xnen i avec des entiers
ei > 1. En particulier, k[X]/b est un k-module libre de rang fini et k[X]/ag est un k-module de type fini.
4. Définir une application k-linéaire ϕ : k[X]/b → k[X] telle que Ker ϕ = ag /b . On peut donc calculer ag
si l’on sait résoudre les systèmes linéaires sur k.
5. On suppose que k est un corps discret et donc A := k[X]/ag est un k-espace vectoriel de dimension
finie. Montrer que (A, δg ) est une k-algèbre de Frobenius.
Pi−1
c0 = 0, c1 (x) = x, c2 (x) = x + σ(x), . . . , ci (x) = j=0 σ j (x), . . .
2. Pour qu’un x ∈ A soit de la forme y − σ(y), il faut et il suffit que TrG (x) = 0.
3. Plus généralement, soit (cτ )τ ∈G une famille dans A. Montrer qu’il existe un élément y tel que cτ = y−τ (y)
si, et seulement si, la famille vérifie la condition de cocycle additif suivante, pour tous τ1 , τ2 ∈ G :
cτ1 τ2 = τ1 (cτ2 ) + cτ1 .
4. On suppose que n est un nombre premier p et que p = 0 dans k. Montrer l’existence d’un y ∈ A tel
que σ(y) = y + 1 ; en déduire que 1, y, · · · , y p−1 est une k-base de A et que le polynôme caractéristique
de y est de la forme Y p − Y − λ avec λ ∈ k. On a donc A = k[y] ' k[Y ]/hY p − Y − λi (extension
d’Artin-Schreier).
5. Donner une réciproque au point précédent.
Problème 6.4 (algèbres galoisiennes : étude d’un exemple) On considère un anneau B dans lequel 2
est inversible avec deux éléments x, y ∈ B et σ ∈ Aut(B) d’ordre 2 vérifiant x2 + y 2 = 1, σ(x) = −x,
σ(y) = −y. On peut prendre comme exemple l’anneau B des fonctions continues sur le cercle unité
x2 + y 2 = 1 et pour σ l’involution f 7→ {(x, y) 7→ f (−x, −y)}. On note A = Bhσi (sous-anneau des
(( fonctions paires ))).
1. Montrer que (A, B, hσi) est une algèbre galoisienne. En conséquence, B est un A-module projectif de
rang constant 2.
2. Soit E = Ax + Ay (sous-module des (( fonctions impaires ))). Vérifier que B = A ⊕ E et que E est un
A-module projectif de rang constant 1.
3. On pose x1 = 1, x2 = x, x3 = y de sorte que (x1 , x2 , x3 ) est un système générateur du A-module B.
Expliciter y1 , y2 , y3 ∈ B comme dans le lemme 6.7.8, i.e. ((xi )i∈J1..3K , (yi )i∈J1..3K ) est un système tracique
de coordonnées. En déduire une matrice de projection P ∈ M3 (A) de rang 2 avec B 'A Im P .
x −y
4. Soit R = ∈ SL2 (B). Montrer que cette (( rotation )) R induit un isomorphisme de A-modules
y x
2 2
entre E et A :
f f xf − yg
7→ R =
g g yf + xg
En conséquence (question suivante), E ⊗A E ' A ; vérifier que f ⊗ g 7→ f g réalise un isomorphisme de
A-modules de E ⊗A E sur A.
5. De manière générale, soit E un A-module (A quelconque) vérifiant E n ' An pour un certain n > 1.
Montrer que E est un A-module projectif de rang constant 1 et que E n⊗ ' A.
6. Soit a l’idéal de A défini par a = xy, x2 . Vérifier que a2 = x2 A (donc si x est régulier, a est un idéal
inversible de A), que aB est principal et enfin, que a, vu comme sous-A-module de B, est égal à xE.
7. Soit k un anneau avec 2 inversible dans k et B = k[X, Y ] X 2 + Y 2 − 1 = k[x, y]. On peut appliquer
ce qui précède en prenant pour σ le k-automorphisme de B défini par σ(x) = −x, σ(y) = −y. On suppose
que α2 + β 2 = 0 ⇒ α = β = 0 dans k (par exemple k et un corps discret et −1 n’est pas un carré dans k).
a. Montrer que B× = k× ; illustrer l’importance de l’hypothèse (( de réalité )) faite sur k.
b. Montrer que a n’est pas principal et donc E n’est pas un A-module libre. En déduire que B n’est
pas un A-module libre.
8. Soit B l’anneau des fonctions continues (réelles) sur le cercle unité x2 + y 2 = 1 et σ l’involution
f 7→ {(x, y) 7→ f (−x, −y)}. Montrer que a n’est pas principal et que B n’est pas un A-module libre.
Exercice 6.2 On a B = K[x1 , . . . , xn ], avec [B : K] = m. On va faire un calcul qui montre que B est
monogène ou contient un idempotent e 6= 0, 1. Dans le deuxième cas, B ' B1 ×B2 , avec [Bi : K] = mi < m,
m1 + m2 = m, ce qui permet de conclure par récurrence sur m.
Si l’on est capable de traiter le cas n = 2, on a gagné, car K[x1 , x2 ] est étale sur K, donc ou bien on
remplace K[x1 , x2 ] par K[y] pour un certain y, ou bien on trouve un idempotent e 6= 0, 1 dedans. La
démonstration du point 1. du théorème montre qu’une K-algèbre étale K[x, z] est monogène si K contient
une suite infinie d’éléments distincts. Elle utilise un polynôme d(a, b) qui, évalué dans K doit donner un
élément inversible. Si l’on n’a pas d’information sur l’existence d’une suite infinie d’éléments distincts
de K, on énumère les entiers de K jusqu’à obtenir α, β dans K avec d(α, β) ∈ K× , ou à conclure que la
256 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
caractéristique est égale à un nombre premier p. On énumère ensuite les puissances des coefficients de f
et de g (les polynômes minimaux de x et z sur K) jusqu’à obtenir α, β dans K avec d(α, β) ∈ K× , ou à
conclure que le corps K0 engendré par les coefficients de f et g est un corps fini. Dans ce cas, K0 [x, z] est
une K0 -algèbre finie réduite. C’est un anneau réduit fini, donc ou bien c’est un corps fini, de la forme
K0 [γ], et K[x, z] = K[γ], ou bien il contient un idempotent e 6= 0, 1.
Remarque. Le lecteur pourra vérifier que la transformation de preuve que l’on a fait subir au cas (( B
est un corps discret )) est exactement la mise en œuvre de la machinerie locale-globale élémentaire des
anneaux zéro-dimensionnels réduits. En fait la même machinerie s’applique aussi pour le corps discret K
et fournit le résultat suivant : une algèbre strictement étale sur un anneau zéro-dimensionnel réduit K
(définition 6.5.1) est un produit fini de K-algèbres strictement étales.
Pn
Exercice 6.3 1. On écrit x = (x1 , . . . , xn ) = i=1 xi ei et l’on identifie A à un sous-anneau de B par
1 7→ (1, . . . , 1). En écrivant ei ∈ A[x], on obtient que xi − xj inversible pour tout j 6= i. Réciproquement, si
xi − xj est inversible pour tout i 6= j, on a B = A[x] = A ⊕ Ax ⊕ . . . ⊕ Axn−1 (interpolation de Lagrange,
déterminant de Vandermonde).
2. Si et seulement si #A > n.
Exercice 6.4 1. et 2. Si a1 , . . . , a` est une base de B sur K, c’est aussi une base de B(v) sur K(v).
3. Soit b/p un idempotent de B(v) : on a b2 = bp. Si p(0) = 0 alors b(0)2 = 0 et puisque B est réduite,
b(0) = 0. On peut alors diviser b, p par v. On peut donc supposer que p(0) ∈ K× , et en divisant b, p par
p(0) on est ramené au cas où p(0) = 1. On voit alors que b(0) est idempotent. On le note b0 et l’on pose
e0 = 1 − b0 . Écrivons e0 b = vc. On multiplie l’égalité b2 = bp par e0 = e20 et l’on obtient v 2 c2 = vcp. Donc
vc(p − vc) = 0, et puisque le polynôme p − vc est de terme constant 1 donc régulier, cela donne c = 0.
Donc b = b0 b. Raisonnons un moment modulo e0 : on a b0 ≡ 1 donc b est primitif et l’égalité b2 = bp se
simplifie en b ≡ p mod e0 . Ceci donne l’égalité b = b0 b = b0 p dans B(v) et donc b/p = b0 .
Exercice 6.6 Il est clair que a ⊆ Ker ϕ. Soit E ⊆ A[X] l’ensemble des polynômes P f congrus modulo a à
un polynôme homogène de degré 1. On a 1 ∈ E et f ∈ E ⇒ Xi f ∈ E car si f ≡ j αj Xj mod a alors :
Xi f ≡ j αj Xi Xj ≡ j,k αj ckij Xk mod a.
P P
P P
Donc E = A[X]. Soit f ∈ Ker ϕ ; on écrit f ≡ k αk Xk mod a. Alors ϕ(f ) = 0 = k αk ek donc αk = 0
puis f ∈ a.
√ √
Exercice 6.7 1) Classique : c’est Z[ d] si d ≡ 2, 3 mod 4 et Z[ 1+2 d ] si d ≡ 1 mod 4.
√
On a A = Z[ a].
√
2) On a β 2 = a+12 + a ∈ A d’où β est entier sur A donc sur Z ; en fait (β 2 − a+1 2
2 ) = a et β est racine
4 2 a−1 2
√
de X − (a + 1)X + ( 2 ) . On trouve (στ )(β) = β − 2.
√ √ √
3) On trouve (στ )(z) = r − (s√+ u) 2 + uβ puis z + (στ )(z) = 2r + u 2a. Ce dernier élément de Q( 2a)
est entier sur Z donc dans Z[ √2a] car √ 2a ≡ 2 mod 4. D’où √ u∈Z√ (et 2r ∈ Z). On remplace
√ √ z par z − uβ
qui est entier sur Z : z = r + s 2 + t a. On a σ(z) = r − s 2 + t a, τ (z) = r + s 2 − t a ; en utilisant
z + σ(z) et z + τ (z), on voit que 2r, 2s, 2t ∈ Z. Utilisons :
√ √
zσ(z) = x + 2rt a, zτ (z) = y + 2rs 2, avec x = r2 − 2s2 + at2 , y = r2 + 2s2 − at2
On a donc x, y ∈ Z puis x + y = 2r2 ∈ Z, x − y = 2at2 − (2s)2 ∈ Z donc 2at2 ∈ Z. De 2r, 2r2 ∈ Z, on
déduit r ∈ Z ; de même, de 2t, 2at2 ∈ Z (et du fait que a est impair), on tire t ∈ Z. Et puis enfin s ∈ Z.
Ouf !
Grâce à l’obtention de la Z-base de B, on obtient DiscB/Z = 28 a2 .
4) On a :
√ √ √
B = Z ⊕ Z a ⊕ Z 2 ⊕ Zβ = A ⊕ E avec E = Z 2 ⊕ Zβ
√ √ √
On a 2E = 2 a avec a = Z2 ⊕ Z( a − 1) = h2, a − 1iA . Ceci prouve d’une part que E est un A-module,
et d’autre part qu’il est isomorphe à l’idéal a de A. En conséquence, E est un A-module projectif de
type fini de rang 1. L’écriture B = A ⊕ E certifie que B est un A-module projectif de type fini, écrit
comme somme directe d’un A-module libre de rang 1 et d’un projectif de type fini de rang 1. En général,
l’idéal a n’est pas principal, donc E n’est pas un A-module libre. Voici un petit échantillon de valeurs de
a ≡ 3 mod 4 ; on a souligné quand l’idéal a est principal :
−33, −29, −21, −17, −13, −5, −1, 3, 7, 11, 15, 19, 23, 31, 35
Dans le cas où a n’est pas principal, B n’est pas un A-module libre : sinon, E serait stablement libre de
rang 1, donc libre (voir exercice 5.13). Enfin, on a toujours a2 = 2A (voir la suite) ; ou encore a ' a−1 ' a? ;
Solutions d’exercices 257
en conséquence
√ B 'A B? . Justification de a2 = 2A ; toujours dans le même contexte (a ≡ 3 mod 4 donc
A = Z[ a]), on a pour m ∈ Z :
√ √
hm, 1 + ai hm, 1 − ai = pgcd(a − 1, m)A
2
√
En effet, l’idéal à gauche √ par m , m(1 ± a), 1 − a,2 tous multiples du pgcd. Cet idéal de gauche
√ est engendré
contient 2m = m(1 + a) + m(1 − a) donc contient pgcd(m √ , 2m, 1 − a) √
= pgcd(m, 1 − a), cette dernière
égalité étant dûe à a ≡ 3 mod 4. Pour m = 2, on a h2, 1 + ai = h2, 1 − ai = a et pgcd(a − 1, 2) = 2.
Exercice 6.8 On voit B = A ⊗k A0 comme A-algèbre, extension des scalaires à A de la k-algèbre
A0 ; elle est libre de rang n0 . On dispose donc d’une tour d’algèbres libres k → A → B et la formule de
transitivité du discriminant fournit :
0
DiscB/k (x ⊗ x0 ) = DiscA/k (x)n · NA/k (DiscB/A (1 ⊗ x0 ))
Mais DiscB/A (1 ⊗ x0 ) = DiscA0/k (x0 ) et c’est un élément de k donc sa norme NA/k vaut DiscA0/k (x0 )n .
En fin de compte :
0
DiscB/k (x ⊗ x0 ) = DiscA/k (x)n DiscA0/k (x0 )n
Exercice 6.9 On va utiliser le résultat classique d’algèbre linéaire : soit E un K-espace vectoriel de
dimension finie, u un endomorphisme de E, d le degré du polynôme minimal de u ; alors il existe x ∈ E
tel que x, u(x), . . . , ud−1 (x) soient K-linéaire indépendants.
Ici [L : K] = n ; de plus, IdL , σ, · · · , σ n−1 sont K-linéairement indépendants donc le polynôme minimal de
σ est X n − 1, de degré n ; on applique le résultat ci-dessus.
Exercice 6.10 1) A est la matrice compagne du polynôme X 2 − X + 1 = Φ6 (X), A3 = −I2 dans GL2 (k)
et A3 = 1 dans PGL2 (k).
2) On sait par le théorème d’Artin que k(t)/k(t)G est une extension galoisienne de groupe de Galois A3 .
Le calcul donne
3
−3t−1
g = t + σ(t) + σ 2 (t) = t t(t+1) .
On a évidemment g ∈ k(t)G et t3 − gt2 − (g + 3)t − 1 = 0. Donc (partie directe du théorème de Lüroth)
[k(t) : k(g)] = 3, et k(t)G = k(g).
3) Puisque k(a) ' k(g) et fg (t) = 0 l’extension k(a) → k[T ]/hfa i est une photocopie de l’extension
k(g) → k(t).
4) Soit σ un générateur de Aut(L/K). Cette question revient à dire que l’on peut trouver un t ∈ L \ K tel
que σ(t) = t+1−1
(∗). Puisque t doit être de norme 1, on le cherche de la forme t = σ(u) u . Le calcul montre
alors que (∗) est satisfaite à condition que u ∈ Ker(TrG ). Il reste à montrer qu’il existe un u ∈ Ker(TrG )
tel que σ(u)
u ∈ / K. Cela revient à dire que la restriction de σ à E = Ker(TrG ) n’est pas une homothétie. Or
E ⊆ L est un sous-K-espace vectoriel de dimension 2, stable par σ. D’après l’exercice 6.9, le K-espace
vectoriel L admet un générateur pour l’endomorphisme σ. Cette propriété d’algèbre linéaire reste vraie
pour tout sous-espace stable par σ.
Exercice 6.11 Les éléments g ⊗ h forment une k-base de Aek . Soit z = g,h ag,h g ⊗ h avec ag,h ∈ k.
P
Alors z ∈ Ann(JA/k ) si, et seulement si, g 0 · z = z · g 0 pour tout g 0 ∈ G ; on obtient ag,h = a1,gh donc z est
def P
combinaison k-linéaire des zk = gh=k g ⊗ h. Réciproquement, on voit que zk ∈ Ann(JA/k ) et l’on a
zk = k · z1 = z1 · k. Donc Ann(J A/k ) est le k-module engendré par les zk et c’est le A-module (ou l’idéal
de Aek ) engendré par z1 = g g ⊗ g −1 .
P
Exercice 6.13
1. La k-algèbre A := k[X1 , . . . , Xn ]/hf1 (X1 ), . . . , fn (Xn )i est le produit tensoriel des k[Xi ]/hfi (Xi )i qui
sont de Frobenius, donc A est de Frobenius. Précision : si di = deg(fi ), A est libre sur k de rang d1 . . . dn
et les monômes xα αn
1 · · · xn , avec αi ∈ J0..di − 1K, forment une k-base. La forme linéaire sur A coordonnée
1
d1 −1 dn −1
sur x1 · · · xn est dualisante.
2. Soient δ0 , δx , δy les 3 formes linéaires sur k[X, Y ] définies par
0
δ0 (f ) = f (0), δx (f ) = fX (0), δy (f ) = fY0 (0).
Elles passent au quotient sur A et définissent une k-base de A? , base duale de la k-base 1, x, y de A.
On a :
x δx = y δy = δ0 ,
et donc A? = A δx +A δy . Montrons qu’une matrice de présentation de (δx , δy ) (comme A-module),
x
G : A → A2 , est G = . Il faut voir que pour u = u(x, y), v = v(x, y) dans A :
−y
u x
u δx + v δy = 0 =⇒ ∈A .
v −y
En multipliant u δx + v δy = 0 par x, on obtient u δ0 + (xv) δy = 0 ; on évalue en 1 et l’on fait
x := 0 pour obtenir u(0, y) = 0, i.e. u ∈ Ax. De même, v ∈ Ay ; si l’on écrit u = xr, v = ys, on obtient
r δ0 + s δ0 = 0, i.e. r + s = 0, ce que l’on voulait.
L’idéal déterminantiel D1 (G) = hx, yi est non nul, de carré nul, donc ne peut pas être engendré par un
idempotent. En conséquence, le A-module A? n’est pas projectif ; a fortiori, il n’est pas libre.
Exercice 6.14 1. On a (y − z)f ∆ (y, z) = 0 donc δ := f ∆ (y, z) ∈ Ann(J). On sait alors que pour α ∈ Aek ,
on a αδ = µA/k (α) · δ = δ · µA/k (α). On applique cela à α = δ en remarquant que µA/k (δ) = f 0 (x).
2. On écrit f (Y ) − f (Z) = (Y − Z)f 0 (Y ) − (Y − Z)2 g(Y, Z), ce qui donne dans Aek , (y − z)f 0 (y) = (y −
z)2 g(y, z). On écrit aussi 1 = u(X)f (X)+v(X)f 0 (X). Alors f 0 (y)v(y) = 1, donc y −z = (y −z)2 v(y)g(y, z).
Lorsque a = a2 b, ab est idempotent et hai = habi. Donc J = hei avec l’idempotent e = (y − z)v(y)g(y, z).
On a f ∆ (Y, Z) = f 0 (Y ) − (Y − Z)g(Y, Z), donc
f ∆ (y, z) = f 0 (y) − (y − z)g(y, z) = f 0 (y)(1 − (y − z)v(y)g(y, z)) = f 0 (y)(1 − e).
0
Exercice 6.15 1. On note fij = ∂fi /∂Xj et l’on écrit dans k[Y , Z] :
P 0 2
fi (Y ) − fi (Z) − j (Yj − Zj )fij (Y ) =: −gi (Y , Z) ∈ hY1 − Z1 , . . . , Yn − Zn i .
Dans Aek , on obtient, en posant A = JACy (f1 , . . . , fn ) :
y1 − z1 g1 (y, z)
.. .. 2
A = avec gi (y, z) ∈ hy1 − z1 , . . . , yn − zn i = J2A/k .
. .
yn − zn gn (y, z)
En inversant A, on obtient yi − zi ∈ J2A/k , i.e. JA/k = J2A/k .
Exercice 6.16 1. Il suffit de montrer que (yj − zj )β(y, z) = 0 pour tout j. Ceci découle aussitôt de
l’égalité (?).
2. Comme µA/k (β(y, z)) = Jacx (f1 , . . . , fn ), on a µA/k (ε) = 1. Comme ε ∈ Ann(JA/k ), ε est le générateur
idempotent de Ann(JA/k ) ; β(y, z) qui est associé à ε est aussi un générateur de Ann(JA/k ).
Solutions d’exercices 259
Le développement du produit fournit deux familles (ai ) et (bi ) indexées par le même ensemble (ai est un
produit de xj,τ et bi est un produit de yj,τ ) vérifiant :
Pr 1 si σ = Id
i=1 ai σ(bi ) = 0 sinon
.
Exercice 6.19 1. Comme G agit transitivement sur J1..nK, on a (kn )G = k. De P plus, G étant de
cardinal n, une permutation σ ∈ G autre que Id n’a aucun point fixe. On en déduit σ∈G ei σ(ei ) = 0 si
σ ∈ G \ {Id}, 1 sinon. En prenant xi = yi = ei , les conditions du lemme 6.7.8 dont satisfaites et (k, kn , G)
est une algèbre galoisienne.
L’application G → J1..nK, σ 7→ σ(1), est une bijection. L’action de G sur J1..nK est nécessairement
isomorphe à l’action de G sur lui-même par translations. Si n est fixé, on peut prendre pour G le groupe
engendré par un n-cycle.
2. On a StpS4 (B) = h(1, 2), (3, 4)i et H = StpG (B) = {Id} ; donc (k4 )H = k4 .
3. La premier point est immédiat. Supposons B = A[X]H . Soit a ∈ A ; alors aX ∈ B, donc aX est
invariant par H, i.e. a est invariant par H. Bilan : A = AH donc H = {Id} puis A[X] = XA[X] + k i.e.
A = k et G = {Id}. Hormis ce cas très particulier, B n’est pas de la forme A[X]H .
Exercice 6.20 On suppose sans perte de généralité que B et C sont libres de rang n ∈ N : il suffit en
effet de vérifier la conclusion après localisation en des éléments comaximaux et l’on dispose du théorème
de structure locale des modules projectifs de type fini. Si n = 0 alors k est trivial, on peut donc supposer
1 6 n. On considère une base C = (c1 , . . . , cn ) de C et une base B = (b1 , . . . , bn ) de B (sur k), et l’on écrit
la matrice B ∈ Mn (k) de B sur C. Le fait que les bi forment une base implique que B est injective, i.e.
δ = det B est régulier (théorème 2.4 page 36). En outre δC ⊆ B.
Nous comparons maintenant TrB/k (x) et TrC/k (x) pour un x ∈ B. Considérons k0 = k[1/δ] ⊇ k. Les deux
k0 -algèbres obtenues par extension des scalaires, B[1/δ] et C[1/δ], sont les mêmes, et la trace se comporte
bien par extension des scalaires, donc TrB/k (x) et TrC/k (x) sont égales parce qu’elles sont égales dans k0 .
Mais alors
disc B/k = discB/k (B) = discC/k (B) = δ 2 discC/k (c1 , . . . , cn ).
Enfin puisque disc B/k est inversible, δ également et B = C.
Exercice 6.21 Tout d’abord notons que puisque k est connexe, tous les modules projectifs de type fini
sur k sont de rang constant. Rappelons aussi que la correspondance galoisienne est déjà établie lorsque k
est un corps discret.
Nous devons montrer que si k ⊆ B ⊆ A avec B strictement étale, alors
def
B = C = Fix(Stp(B)).
D’après le lemme 6.20, il suffit de montrer que B et C ont même rang. En mathématiques classiques on
conclut en notant qu’après extension des scalaires à n’importe quel corps, B et C ont même rang puisque
la correspondance galoisienne est établie pour les corps.
260 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Cet argument de mathématiques classiques fournit par relecture dynamique une preuve constructive. Ceci
est lié au Nullstellensatz formel (théorème 3.14 page 102).
Exercice 6.22 Soient (xi ), (yi ) deux systèmes d’éléments de B comme dans le lemme 6.7.8.
P
1. On sait que pour x ∈ B, x = i TrG (xyi )xi . Si x ∈ b, alors xyi ∈ b et comme b est globalement
invariant, TrG (xyi ) ∈ b. Bilan : b est engendré par les éléments invariants TrG (xyi ) pour x ∈ b.
2. Soit a un idéal de A ; il est clair que aB est globalement invariant. Il faut voir que aB ∩ A = a. Cela vient
du fait que A est facteur direct dans B (comme A-module). En effet, soit B = A ⊕ E donc aB = a ⊕ aE ;
si x ∈ aB ∩ A, on écrit x = y + z avec y ∈ a et z ∈ aE ⊆ E ; on a alors x, y ∈ A donc z ∈ A et comme
z ∈ E, z = 0. En conséquence, x = y ∈ a.
Réciproquement, si b ⊆ B est globalement invariant, il faut voir que (b ∩ A)B = b ; mais c’est ce qui a été
montré dans la question précédente.
Problème 6.2 De manière générale, la forme linéaire δg passe au quotient modulo l’idéal ag qu’elle
définit ; de plus si δg (u v) = 0 sur A = k[X]/ag pour tout v, alors δg (uv) = 0 pour tout v donc u ∈ ag , i.e.
u = 0. Donc AnnA (δg ) = 0.
∂f
Pour i ∈ J1..nK, on note δim = δXim (composante sur Xim ) ; en particulier, δi (f ) = ∂Xi (0). Et on définit
δ0 : k[X] → k par δ0 (f ) = f (0).
1. Calcul facile.
2. On vérifie que f ∗ g = 0 si, et seulement si, fm ∗ g = 0 pour toute composante homogène fm de f ,
autrement dit l’idéal ag est homogène (c’est toujours le casPsi g est homogène). Il est clair aussi que pour
i 6= j, Xi Xj ∗ g = 0 et pour |α| > d, X α ∗ g = 0. Si f = i ai Xim + · · · est un polynôme homogène de
P −(d−m)
degré m 6 d, on a f ∗ g = i ai Xi . Si m < d, on a donc f ∗ g = 0 si,
Pet seulement si, ai = 0 pour
tout i, i.e. f ∈ hXi Xj , i
6= ji. Si m = d, on a f ∗ g = 0 si, et seulement si, Pi ai = 0, i.e.
Psi, et seulement
si, f ∈ hXi Xj , i 6= ji + Xid − X1d , i ∈ J2..nK comme on le voit en écrivant i ai Xid = i ai (Xid − X1d ).
Bilan : on a obtenu un système générateur de ag constitué de n(n−1)2 polynômes homogènes de degré 2 et
de n − 1 polynômes homogènes de degré d :
ag = hXi Xj , i < ji + Xid − X1d , i ∈ J2..nK
On pose A = k[X]/a g = k[x1 , . . . , xn ]. Alors :
1, x1 , . . . , xn , x21 , . . . , x2n , ··· x1d−1 , . . . , xnd−1 , xd1
est une k-base de A de cardinal (d − 1)n + 2. La k-base duale de A? est :
δ0 , δ1 , . . . , δn , δ12 , . . . , δn2 , ··· δ1d−1 , . . . , δnd−1 , δg
et l’on a :
d−m
xm
i δg = δi pour m ∈ J1..d − 1K, xdi δg = δ0
Donc A? = A δg et δg est dualisante.
3. Si l’on prend ei strictement plus grand que l’exposant de Xi dans l’ensemble des monômes de g, on a
Xiei ∗ g = 0.
4. Soit f ∈ k[X]. On a vu que f δg = 0 si, et seulement si, ∂f (g) = 0. L’application k-linéaire k[X] → k[X],
f 7→ ∂f (g), passe au quotient modulo b pour définir une application k-linéaire ϕ.
5. L’application k-linéaire A → A? , f 7→ f δg , est injective et comme A, A? sont des k-espaces vectoriels
de même dimension finie, c’est un isomorphisme.
Pn−1
Problème 6.3 1. On pose comme par magie (merci Hilbert) θ(x) = i=0 σ i (z)ci (x) ; on va vérifier que :
σ(θ(x)) = θ(x) + TrG (x)z − x ou encore x = (IdA − σ)(θ(x)) + TrG (x)z.
Donc (IdA − σ) ◦ θ et x 7→ TrG (x)z sont deux projecteurs orthogonaux de somme 1 et donc A =
Im(IdA − σ) ⊕ kz. Pour la vérification, notons ci pour ci (x) et y = θ(x). On a σ(ci ) = ci+1 − x et
cn = trG (x).
Pn−1 i+1
Pn−1 Pn−1
σ(y) = i=0 (ci+1 − x)σ (z) = i=0 ci+1 σ i+1 (z) − i=0 xσ i+1 (z)
= (y + TrG (x)z) − x TrG (z) = y + TrG (x)z − x.
Notons enfin que puisque TrG (z) = 1, z est une base de kz (si az = 0, alors 0 = TrG (az) = a) donc
Im(IdA − σ) est bien stablement libre de rang n − 1.
2. Il est clair que Im(IdA − σ) ⊆ Ker TrG . L’autre inclusion résulte du point précédent.
Solutions d’exercices 261
P
3. Nous laissons le soin à la lectrice de faire les vérifications en posant y = τ cτ τ (z). Il y a un lien avec la
question 1. : pour x fixé avec TrG (x) = 0, la famille (ci (x)) est un 1-cocycle additif à condition d’identifier
J0..n − 1K et G via i ↔ σ i .
4. L’élément −1 est de trace nulle d’où l’existence de y ∈ A tel que −1 = y − σ(y). On a alors, pour
tout i ∈ Z, σ i (y) = y + i. Comme i 7→ i · 1k induit une injection Fp ,→ k, σ j (y) − σ i (y) = j − i est
inversible pour i 6≡ j mod p. En posant yi = σ i (y) pour i ∈ J0..p − 1K, la matrice de Vandermonde de
y0 = y, y1 , . . . , yp−1 est inversible et par suite 1, y, . . . , y p−1 est une k-base de A. On note λ = y p − y ;
alors λ ∈ k puisque :
σ(λ) = σ(y)p − σ(y) = (y + 1)p − (y + 1) = y p − y = λ.
Le polynôme caractéristique de y est (Y − y0 )(Y − y1 ) · · · (Y − yp−1 ) et ce polynôme est égal à f (Y ) =
Y p − Y − λ (car les yi sont racines de f et yi − yj est inversible pour i 6= j).
5. Soit k un anneau avec p = 0 dans k. Fixons λ ∈ k et posons A = k[Y ]/hf i = k[y] avec f (Y ) = Y p −Y −λ.
Alors y + 1 est racine de f ce qui permet de définir σ ∈ Aut(A/k) par σ(y) = y + 1 ; σ est d’ordre p et le
lecteur vérifiera que (k, A, hσi) est une algèbre galoisienne.
Problème 6.4
def
1. Considérons l’idéal hx − σ(x), y − σ(y)i = h2x, 2yi ; puisque 2 est inversible, c’est l’idéal hx, yi ; il
contient 1 car x2 + y 2 = 1. Bilan : hσi est séparant.
2. Pour tout f ∈ B, on a f = (xf )x + (yf )y ; si f est impaire i.e. si σ(f ) = −f , on a xf, yf ∈ A
donc f ∈ Ax + Ay et E = { f ∈ B | σ(f ) = −f }. L’égalité B = A ⊕ E découle de l’égalité f =
(f + σ(f ))/2 + (f − σ(f ))/2 pour f ∈ B.
Autre démonstration : on sait qu’il existe b0 ∈ B de trace 1 et que le noyau de la forme linéaire B → A
définie par b 7→ Tr(b0 b) est un supplémentaire de A dans B. Ici on peut prendre b0 = 1/2, on retrouve E
comme supplémentaire.
Pn
3. Avec n = 3, il s’agit de trouver des y1 , . . . , yn ∈ B tels que i=1 xi τ (yi ) soit 1 pour τ = Id, 0 sinon.
On remarque que :
1 · 1 + x · x + y · y = 2, 1 · σ(1) + x · σ(x) + y · σ(y) = 0
1 x y
d’où une solution en prenant yi = xi /2. En posant X = 1 , on a X tX = I2 et tXX = P avec
2 − x2 − y2
1 0 0
P = 0 x2 xy ; la matrice P est un projecteur de rang 2 dont l’image est isomorphe au A-module B.
0 xy y 2 2
x xy x
Remarque : on en déduit que E est isomorphe à l’image du projecteur = [ x y ] et que
xy y 2 y
B ⊗A E est isomorphe à B comme B-module.
4. Facile
Vn
5. L’isomorphie E n ' An prouve que E est un module projectif de rang constant 1. En appliquant , on
obtient E n⊗ ' A.
NB : pour plus de détails voir la section 10.1, la démonstration de la proposition 10.1.2, l’équation (10.1)
page 361 et l’équation (10.5) page 385.
6. On a, en utilisant 1 = x2 + y 2 :
a2 = x2 y 2 , x3 y, x4 = x2 y 2 , xy, x2 = x2 A
Et aB = xyB + x2 B = x(yB + xB) = xB. Dans B, a = x(yA + xA) = xE. Donc si x est régulier, a 'A E
via la multiplication par x.
7a. On a k[x] ' k[X] et A = k[x2 , xy, y 2 ]. On regarde B comme un k[x]-module libre de rang 2, de base
1, y et on note N : B → k[x] la norme. Pour a, b ∈ k[x] on obtient :
N(a + by) = (a + by)(a − by) = a2 + (x2 − 1)b2
Comme N(x) = x2 , x est régulier (lemme 6.4.3 point 2.). Par ailleurs a + by ∈ B× si, et seulement
si, a2 + (x2 − 1)b2 ∈ k× . Supposons b de degré formel m > 0 et a de degré formel n > 0. Alors
(x2 − 1)b2 = β 2 x2m+2 + · · · et a2 = α2 x2n + · · ·. Puisque a2 + (x2 − 1)b2 ∈ k× , on obtient :
– si n > m + 1, α2 = 0 donc α = 0 et a peut être réécrit en degré formel < n,
– si n < m + 1, β 2 = 0 donc β = 0 et
– si m = 0, b = 0 et a = α ∈ k× ou,
– si m > 0, b peut être réécrit en degré formel < m,
– si n = m + 1 (ce qui implique n > 0), α2 + β 2 = 0 donc α = β = 0 et a peut être réécrit en degré
formel < n.
262 6. Algèbres strictement finies et algèbres galoisiennes
Commentaires bibliographiques
Une étude constructive des algèbres associatives (non nécessairement commutatives) stricte-
ment finies sur un corps discret se trouve dans [145, Richman] et dans [MRR, Chapitre IX].
La proposition 6.1.8 se trouve dans [MRR] qui introduit la terminologie de corps séparablement
factoriel. Voir aussi [144, Richman].
Le lemme 6.1.11 de factorisation sans carrés sur un corps discret parfait admet une généra-
lisation subtile sous forme d’un (( algorithme de factorisation séparable )) sur un corps discret
arbitraire : voir [MRR, th IV.6.3, p. 162] et [112, Lecerf].
Les notions d’algèbre galoisienne et d’algèbre séparable ont été introduites par Auslander
& Goldman dans [3, 1960]. L’essentiel de la théorie des algèbres galoisiennes se trouve dans
l’article de Chase, Harrison & Rosenberg [29, 1968]. Un livre qui expose cette théorie est
[Demeyer & Ingraham]. La plupart des arguments dans [29] sont déjà de nature élémentaire et
constructive.
Le résultat donné dans l’exercice 6.20 est dû à Ferrero et Paques dans [75].
Le problème 6.2 s’inspire du chapitre 21 (Duality, Canonical Modules, and Gorenstein Rings)
de [Eisenbud] et en particulier des exercices 21.6 et 21.7.
7. La méthode dynamique : corps de
racines, théorie de Galois,
Nullstellensatz
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264
7.1 Le Nullstellensatz sans clôture algébrique . . . . . . . . . . . . . . . 265
Le cas d’un corps de base infini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265
Changements de variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266
Le cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268
Le Nullstellensatz proprement dit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
Module des relations de dépendance linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270
7.2 La méthode dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270
Théorie de Galois classique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272
Contourner l’obstacle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272
7.3 Introduction aux algèbres de Boole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
Algèbres de Boole discrètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
Algèbre de Boole des idempotents d’un anneau . . . . . . . . . . . . . . . . . 274
Éléments galoisiens dans une algèbre de Boole . . . . . . . . . . . . . . . . . 275
7.4 L’algèbre de décomposition universelle (2) . . . . . . . . . . . . . . . 278
Quotients de Galois des algèbres prégaloisiennes . . . . . . . . . . . . . . . . 278
Quand l’algèbre de Boole d’une algèbre de décomposition universelle est discrète280
Discriminant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
Points fixes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283
Séparabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Structure triangulaire des idéaux galoisiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
7.5 Corps de racines d’un polynôme sur un corps discret . . . . . . . . 286
Bons quotients de l’algèbre de décomposition universelle . . . . . . . . . . . . 286
Unicité du corps de racines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
7.6 Théorie de Galois d’un polynôme séparable sur un corps discret . 289
Existence et unicité du corps de racines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
Quotients de Galois de l’algèbre de décomposition universelle . . . . . . . . . 290
Où se passent les calculs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290
Changement d’anneau de base, méthode modulaire . . . . . . . . . . . . . . . 292
Théorie de Galois paresseuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292
L’algorithme de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
Quand une résolvante relative se factorise . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
Quand la structure triangulaire manque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 298
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303
264 7. La méthode dynamique
Introduction
Ce chapitre commence par la section 7.1 qui donne des versions constructives générales
du Nullstellensatz pour un système polynomial sur un corps discret (on pourra comparer les
théorèmes 7.2 page 268, 7.4 page 269 et 7.5 page 269, aux théorèmes 3.12 page 100 et 3.13
page 101), et nous avons aussi indiqué un théorème de mise en position de Nœther simultanée
(théorème 7.3 page 268).
Il s’agit là d’un exemple significatif d’une reformulation d’un résultat de mathématiques
classiques dans un cadre plus général : les mathématiques classiques admettent que tout corps
possède une clôture algébrique. Cela leur permet de ne pas se poser le problème de la signification
exacte du Nullstellensatz de Hilbert lorsque l’on n’a pas à sa disposition une telle clôture algébri-
que. Mais la question se pose vraiment et nous apportons une réponse tout à fait raisonnable :
la clôture algébrique n’est pas vraiment nécessaire, plutôt que chercher les zéros d’un système
polynomial dans une clôture algébrique, on peut les chercher dans des algèbres finies sur le corps
donné au départ.
Nous nous attaquons ensuite à un autre problème : celui d’interpréter constructivement le
discours classique sur la clôture algébrique d’un corps. Le problème pourrait sembler être surtout
celui de l’utilisation du lemme de Zorn nécessaire à la construction de l’objet global. En fait, un
problème plus délicat se pose bien avant, au moment de la construction du corps de racines d’un
polynôme individuel.
Le théorème de mathématiques classiques disant que tout polynôme séparable de K[T ]
possède un corps de racines strictement fini sur K (auquel cas la théorie de Galois s’applique),
n’est valable d’un point de vue constructif que sous des hypothèses concernant la possibilité
de factoriser les polynômes séparables (cf. [MRR] et dans cet ouvrage le théorème 3.6 page 80
d’une part et le corollaire 6.1.8 d’autre part). Notre but ici est de donner une théorie de Galois
constructive pour un polynôme séparable arbitraire en l’absence de telles hypothèses.
La contrepartie est que l’on ne doit pas considérer le corps de racines d’un polynôme comme
un objet usuel (( statique )), mais comme un objet (( dynamique )). Ce phénomène est inévitable,
car il faut gérer l’ambigüité qui résulte de l’impossibilité de connaître le groupe de Galois d’un
polynôme par une méthode infaillible. Par ailleurs le dépaysement produit par cette mise en
perspective dynamique n’est qu’un exemple de la méthode générale dite d’évaluation paresseuse :
rien ne sert de trop se fatiguer pour connaître toute la vérité quand une vérité partielle est
suffisante pour les enjeux du calcul en cours.
Dans la section 7.2 nous donnons une approche heuristique de la méthode dynamique, qui
constitue une pierre angulaire des nouvelles méthodes en algèbre constructive.
La section 7.3 consacrée aux algèbres de Boole est une courte introduction aux problèmes
qui vont devoir être gérés dans le cadre d’une algèbre de décomposition universelle sur un corps
discret lorsqu’elle n’est pas connexe.
La section 7.4 continue la théorie de l’algèbre de décomposition universelle déjà commencée
en section 3.4. Sans supposer le polynôme séparable l’algèbre de décomposition universelle a
de nombreuses propriétés intéressantes qui sont conservées quand on passe à un (( quotient de
Galois )). En faisant le résumé de ces propriétés nous avons été amenés à introduire la notion
d’algèbre prégaloisienne.
La section 7.5 donne une approche constructive et dynamique du corps de racines d’un
polynôme sur un corps discret, sans hypothèse de séparabilité pour le polynôme.
La théorie de Galois dynamique d’un polynôme séparable sur un corps discret est développée
dans la section 7.6.
Le chapitre présent peut être lu immédiatement après les sections 3.6 et 6.2 sans passer
par les chapitres 4 et 5 si l’on se limite pour l’algèbre de décomposition universelle au cas des
corps discrets (ce qui simplifierait d’ailleurs certaines démonstrations). Il nous a paru cependant
naturel de développer les questions relatives à l’algèbre de décomposition universelle dans un
7.1. Le Nullstellensatz sans clôture algébrique 265
cadre plus général, ce qui nécessite la notion de module projectif de rang constant sur un anneau
commutatif arbitraire.
Puisque fn ∩ K[X1 , . . . , Xn−1 ] et fn−1 ont même nilradical, ils sont simultanément nuls. Si
c’est le cas, le point 3. ou 2. est vérifié avec r = n − 1.
– Sinon, on itère le processus.
Lorsque le processus s’arrête avec fr = 0, r > 0, le point 3. ou 2. est vérifié avec cette
valeur de r.
– Sinon, f0 = h1i et le calcul a permis de construire 1 comme élément de f.
Il nous reste à vérifier deux choses.
Tout d’abord que A est un K[Y1 , . . . , Yr ]-module de présentation finie. Il est clair que c’est un
module de type fini, le fait qu’il est de présentation finie est donc donné par le théorème 6.12
page 221.
Ensuite que lorsque l’on spécialise les Yi (i ∈ J1..rK) en des αi ∈ K, le K-espace vectoriel obtenu
est de présentation finie (donc de dimension finie) et non nul. Le théorème 6.10 page 217 sur les
changements d’anneau de base nous donne le fait que, après spécialisation, l’algèbre reste un
module de présentation finie, donc que le K-espace vectoriel obtenu est bien de dimension finie. Il
faut voir qu’il est non nul. Or il n’est pas difficile de constater que, en supposant les changements
de variables déjà faits au départ, tous les calculs faits dans K[Y1 , . . . , Yn ] se spécialisent, c’est-à-
dire restent inchangés si l’on remplace les indéterminées Y1 , . . . , Yr par les scalaires α1 , . . . , αr .
Et la conclusion f ∩ K[Y1 , . . . , Yr ] = 0 est remplacée par le même résultat spécialisé en les αi ,
c’est-à-dire précisément ce que nous voulons.
On peut obtenir la même conclusion sous la forme plus savante que voici. Cette spécialisation
est un changement d’anneau de base K[Y1 , . . . , Yr ] → K. On applique le point 1c) du lemme
d’élimination général page 156 avec k = K[Y1 , . . . , Yr ], C = A et k0 = K. L’idéal d’élimination
et l’idéal résultant dans k sont nuls, donc après extension des scalaires l’idéal résultant reste
nul dans K. Donc la même chose vaut pour l’idéal d’élimination, et l’homomorphisme naturel
K → A/hY1 − α1 , . . . , Yr − αr i est injectif.
Expliquons pour terminer pourquoi l’entier r est bien défini. Tout d’abord le cas r = −1 est
le seul cas où A = 0, ensuite pour r > 0, on voit facilement que r est le nombre maximum
d’éléments algébriquement indépendants sur K dans A. I
Remarques. 1) On a utilisé des idéaux résultants Res(b) (théorème 4.9 page 157) à la place
d’idéaux R(g1 , . . . , gs ), avec g1 unitaire et hg1 , . . . , gs i = b (lemme 3.9.2) mais le lemme 3.9.2
montre que ces derniers feraient aussi bien l’affaire.
2) Pour n’importe quel homomorphisme K[Y1 , . . . , Yr ] → B avec B une K-algèbre réduite, le
dernier argument dans la démonstration du théorème fonctionne, de sorte que l’on sait que
B ⊆ B ⊗K[Y1 ,...,Yr ] A.
3) Le dernier item du point 2. rappelle le fonctionnement de la preuve par récurrence, laquelle
construit les idéaux de type fini fj pour aboutir à la mise en position de Nœther. Cela donne
aussi une certaine description des (( zéros )) du système polynomial (plus délicate que dans le cas
où l’on a un corps algébriquement clos L qui contient K, et où l’on décrit les zéros à coordonnées
dans L, comme dans le théorème 3.12 page 100).
Il nous reste à lever la restriction introduite par la considération d’un corps discret K infini.
Pour ceci nous avons besoin d’un lemme de changement de variables un peu plus général, qui
utilise une astuce de Nagata.
Changements de variables
Définition 7.1.1 On appelle changement de variables dans l’anneau de polynômes k[X] =
k[X1 , . . . , Xn ] un automorphisme θ de cette k-algèbre. Si les θ(Xi ) sont notés Yi , les Yi sont
appelés les nouvelles variables. Chaque Yi est un polynôme en les Xj et chaque Xi est un polynôme
en les Yj .
Le plus fréquemment utilisés sont les (( changements de variables linéaires )), dans lesquels on
inclut, malgré leur nom, les translations et toutes les transformations affines.
7.1. Le Nullstellensatz sans clôture algébrique 267
En général, sans supposer k connexe, un polynôme dans k[T ] est dit pseudo unitaire (en la
variable T ) s’il existe un système fondamental d’idempotents orthogonaux (e0 , . . . , er ) tel que,
pour chaque j, en passant à k[1/ej ] = kj , le polynôme s’écrit jk=0 ak,j T k avec aj,j inversible
P
dans kj .
Un polynôme dans k[X1 , . . . , Xn ] = k[X] est dit pseudo unitaire en la variable Xn s’il est
pseudo unitaire comme élément de k[X1 , . . . , Xn−1 ][Xn ].
NB : voir aussi la notion de polynôme localement unitaire dans l’exercice 10.14.
Rappelons qu’un polynôme de k[X1 , . . . , Xn ] est dit primitif lorsque ses coefficients engendrent
l’idéal h1i. Rappelons aussi que si k est réduit les éléments inversibles de k[X1 , . . . , Xn ] sont les
constantes inversibles dans k.
Fait 7.1.2 Si K est un anneau zéro-dimensionnel réduit et P ∈ K[T ] les propriétés suivantes
sont équivalentes.
– P est régulier,
– P est primitif,
– P est pseudo unitaire,
– K[T ]/hP i est finie sur K.
J Les équivalences sont claires dans le cas des corps discrets. Pour obtenir le résultat général on
peut appliquer la machinerie locale-globale élémentaire des anneaux zéro-dimensionnels réduits
page 149. I
Le cas général
En raisonnant comme pour le théorème 7.1 et en utilisant les changements de variables du
lemme précédent on obtient la forme générale du Nullstellensatz faible et de la mise en position
de Nœther en mathématiques constructives.
Théorème 7.2 (Nullstellensatz faible et mise en position de Nœther, 3)
Avec les mêmes hypothèses que dans le théorème 7.1 page 265 mais en supposant seulement que
le corps discret K est non trivial, on a les mêmes conclusions, à ceci près que le changement de
variables n’est pas nécessairement linéaire.
Définition 7.1.4 On considère le cas 1 ∈/ hf1 , . . . , fs i du théorème précédent.
1. On dit que le changement de variables (qui éventuellement ne change rien du tout) a mis
l’idéal f en position de Nœther.
2. L’entier r qui intervient dans la mise en position de Nœther est appelé la dimension du
système polynomial, ou de la variété définie par le système polynomial, ou de l’algèbre
quotient A. Par convention l’algèbre nulle est dite de dimension −1.
Remarques. 1) Il est clair d’après le théorème que r = 0 si, et seulement si, l’algèbre quotient
est finie non nulle, ce qui implique (lemme 6.3.13) que c’est un anneau zéro-dimensionnel non
trivial. Inversement, si A est zéro-dimensionnel et K non trivial, le lemme 4.8.14 montre que
l’anneau K[Y1 , . . . , Yr ] est zéro-dimensionnel, ce qui implique que r 6 0 (si r > 0, alors une
égalité Yrm (1 + Yr Q(Y1 , . . . , Yr )) = 0 implique que K est trivial). Il n’y a donc pas de conflit avec
la notion d’anneau zéro-dimensionnel. Notons cependant que l’algèbre nulle est encore un anneau
zéro-dimensionnel.
2) Le lien avec la dimension de Krull sera fait dans le théorème 13.5 page 518.
NB : Dans le point 1., on dit que le changement de variables (qui éventuellement ne change rien
du tout) a mis simultanément les idéaux f1 , . . . , fk en position de Nœther.
J 1. La même démonstration que pour le théorème précédent fonctionne compte tenu du fait
qu’un changement de variables peut rendre simultanément unitaires en la dernière variable un
nombre fini de polynômes non nuls.
2. Posons Ai = K[X1 , . . . , Xi ]. Supposons par exemple que f1 soit de dimension 2 et f2 de
dimension 5. Nous devons intercaler des idéaux de dimensions 3 et 4. Nous supposons sans perte
de généralité que les fi sont en position de Nœther par rapport à X1 , . . . , Xn .
On a par hypothèse A2 ∩ f1 = 0, avec des polynômes unitaires h3 ∈ A2 [X3 ] ∩ f1 , h4 ∈ A2 [X4 ] ∩ f1 ,
. . ., hn ∈ A2 [Xn ] ∩ f1 . On a alors
h1 = f2 + hh5 , h4 i ⊇ h2 = f2 + hh5 i ⊇ f2 et D(f1 ) ⊇ D(h1 ) ⊇ D(h2 ) ⊇ D(f2 ),
avec h1 de dimension 3 et h2 de dimension 4, tous deux en position de Nœther par rapport à
X1 , . . . , Xn . I
7.1. Le Nullstellensatz sans clôture algébrique 269
J Nous montrons le premier point pour K[X1 , . . . , Xn ] dans le cas où K est un corps discret.
Le cas des anneaux zéro-dimensionnels s’en déduit par la technique habituelle (machinerie
locale-globale élémentaire no 2). Ensuite le point 2. est une conséquence du théorème 4.3 page 135.
Nous faisons une preuve par récurrence sur n, le cas n = 0 étant clair. Nous supposons n > 1
et nous notons B = K[X1 , . . . , Xn ]. Nous devons montrer qu’un idéal de type fini arbitraire
f = hf1 , . . . , fs i est de présentation finie et détachable.
Si f = 0 c’est clair, dans le cas contraire on peut supposer en appliquant le lemme 7.1.3 que fs
est unitaire en Xn de degré d. Si s = 1, l’annulateur de f1 est nul et donc aussi le module des
relations pour (f1 ). Et l’idéal f est détachable grâce à la division euclidienne par rapport à Xn .
Si s > 2, notons A = K[X1 , . . . , Xn−1 ]. Par hypothèse de récurrence, A est cohérent fortement
discret. Notons Ri la relation qui correspond à fi fs − fs fi = 0 (i ∈ J1..s − 1K). Modulo les
relations Ri on peut réécrire les Xnk fi = gk,i , pour k ∈ J0..d − 1K et i ∈ J1..s − 1K comme des
vecteurs dans le A-module libre L ⊆ B engendré par 1, Xn , . . . , Xnd−1 . Modulo les relations Ri
toute relation pour (f1 , . . . , fs ) à coefficients dans B se réécrit comme une relation pour
V = (g0,1 , . . . , gd−1,1 , . . . , g0,s−1 , . . . , gd−1,s−1 ) ∈ Ld(s−1)
à coefficients dans A. Comme L est un A-module libre, il est cohérent fortement discret. On
a en particulier un nombre fini de A-relations pour V qui les engendrent toutes. Appelons les
S1 , . . . , S` . Chaque A-relation Sj pour V peut être lue comme une B-relation Sj0 pour (f1 , . . . , fs ).
Finalement, les relations Ri et Sj0 engendrent le B-module des relations pour (f1 , . . . , fs ).
Concernant le caractère fortement discret, on raisonne de la même manière. Pour tester si un
élément de B est dans f on commence par le diviser par fs par rapport à Xn . On obtient alors
un vecteur dans le A-module L dont il faut tester s’il appartient au sous-module engendré par
les gi,j . I
En mathématiques classiques les preuves d’existence sont rarement explicites. Deux obstacles
essentiels apparaissent chaque fois que l’on essaie de rendre une telle preuve explicite.
Le premier obstacle est l’application du principe du tiers exclu. Par exemple, si vous considérez
la preuve que tout polynôme univarié sur un corps K admet une décomposition en facteurs
premiers, vous avez une sorte d’algorithme dont l’ingrédient essentiel est : si P est irréductible
c’est bon, si P se décompose en un produit de deux facteurs de degré > 1, c’est bon aussi, par
hypothèse de récurrence. Malheureusement la disjonction qui sert à faire fonctionner la preuve
(( P est irréductible ou P se décompose en un produit de deux facteurs de degré > 1 )) n’est pas
en général explicite. Autrement dit, même si un corps est défini de manière constructive, on
ne peut être certain que cette disjonction puisse être explicitée par un algorithme. Nous nous
trouvons ici en présence d’un cas typique où le principe du tiers exclu (( pose probème )), car
l’existence d’un facteur irréductible ne peut pas faire l’objet d’un algorithme général.
7.2. La méthode dynamique 271
Le deuxième obstacle est l’application du lemme de Zorn, qui permet de généraliser au cas
non dénombrable les raisonnements par récurrence usuels dans le cas dénombrable.
Par exemple dans le Modern Algebra de van der Waerden le second écueil est évité en se
limitant aux structures algébriques dénombrables.
Nous avons cependant deux faits d’expérience désormais bien établis :
– Les résultats concrets universels démontrés par les méthodes abstraites douteuses ci-dessus
n’ont jamais été contredits. On a même très souvent réussi à en fournir des preuves construc-
tives incontestables. Cela signifierait que même si les méthodes abstraites sont quelque part
fautives ou contradictoires, elles n’ont jusqu’à présent été utilisées qu’avec suffisamment de
discernement.
– Les résultats concrets existentiels démontrés par les méthodes abstraites douteuses n’ont pas
non plus été infirmés. Bien au contraire, ils ont souvent été confirmés par des algorithmes
démontrés constructivement1 .
Face à cette situation un peu paradoxale : les méthodes abstraites sont a priori douteuses,
mais elles ne nous trompent pas fondamentalement quand elles donnent un résultat de nature
concrète, il y a deux réactions possibles.
Ou bien l’on croit que les méthodes abstraites sont fondamentalement justes parce qu’elles
reflètent une (( réalité )), une sorte d’(( univers cantorien idéal )) dans lequel se trouve la vraie
sémantique des mathématiques. C’est la position du réalisme platonicien, défendue par exemple
par Gödel.
Ou bien l’on pense que les méthodes abstraites sont vraiment sujettes à caution. Mais
alors, à moins de croire que les mathématiques relèvent de la magie ou du miracle, il faut
expliquer pourquoi les mathématiques classiques se trompent si peu. Si l’on ne croit ni à
Cantor, ni aux miracles, on est conduit à penser que les preuves abstraites de résultats concrets
contiennent nécessairement des (( ingrédients cachés )) suffisants pour construire les preuves
concrètes correspondantes.
Cette possibilité de certifier constructivement des résultats concrets obtenus par des méthodes
douteuses, si l’on arrive à la réaliser de manière assez systématique, est dans le droit fil du
programme de Hilbert.
La méthode dynamique en algèbre constructive est une méthode générale de décryptage
des preuves abstraites des mathématiques classiques lorsqu’elles utilisent des objets (( idéaux ))
dont l’existence repose sur des principes non constructifs : le tiers exclu et l’axiome du choix.
L’ambition de cette nouvelle méthode est de (( donner une sémantique constructive pour les
mathématiques classiques usuellement pratiquées )).
Nous remplaçons les objets abstraits des mathématiques classiques par des spécifications
incomplètes mais concrètes de ces objets. C’est la contrepartie constructive des objets abstraits.
Par exemple un idéal premier potentiel fini (notion qui sera introduite en section 15.1) est donné
par un nombre fini d’éléments dans l’idéal et un nombre fini d’éléments dans son complémentaire.
Cela constitue une spécification incomplète mais concrète d’un idéal premier.
Plus précisément la méthode dynamique vise à donner une interprétation systématique de
preuves classiques qui utilisent des objets abstraits en les relisant comme des preuves constructives
au sujet de contreparties constructives de ces objets abstraits.
Cela se situe dans le même esprit que certaines techniques développées en calcul formel. Nous
pensons ici à l’(( évaluation paresseuse )), ou l’(( évaluation dynamique )), c’est-à-dire l’évaluation
paresseuse gérée de manière arborescente, comme dans le système D5 [54] qui réalise de manière
très innocente ce tour de force : calculer de manière sûre dans la clôture algébrique d’un corps
arbitraire, alors même que l’on sait que cet objet (la clôture algébrique) ne peut pas être construit
en toute généralité.
1. Sur ce deuxième point, notre affirmation est moins nette. Si nous revenons à l’exemple de la décomposition
d’un polynôme en facteurs premiers, il est impossible de réaliser le résultat de manière algorithmique sur certains
corps.
272 7. La méthode dynamique
Dans le chapitre présent une spécification incomplète du corps de racines d’un polynôme
séparable sur un corps K sera donnée par une K-algèbre A et un groupe fini d’automorphismes
G de cette algèbre. Dans A le polynôme se décompose en facteurs linéaires de sorte qu’un corps
de racines est un quotient de A, et G est une approximation du groupe de Galois en un sens
convenable (en particulier il contient une copie du groupe de Galois). Nous expliquerons comment
calculer avec une telle approximation sans jamais se tromper : quand une bizarrerie se manifeste,
on sait comment faire pour améliorer l’approximation en cours et faire disparaître la bizarrerie.
d’automorphismes.
Cette algèbre étant un K-espace vectoriel de dimension finie, tous les idéaux sont eux-mêmes
des K-espaces vectoriels de dimension finie et on a le droit de considérer un idéal strict m de
dimension maximum comme K-espace vectoriel (tout ceci en application du principe du tiers
exclu). Cet idéal est automatiquement un idéal maximal. L’algèbre quotient L = A/m est alors
un corps de racines pour f . Le groupe G = St(m) opère sur L et le corps fixe de G, LG = K1 ,
possède les deux propriétés suivantes :
– L/K1 est une extension galoisienne avec Gal(L/K1 ) ' G.
– K1 /K est une extension obtenue par adjonctions successives de racines p-ièmes, où p =
car(K).
En outre si L0 est un autre corps de racines pour f avec f = i (T − ξi ) dans L0 [T ], on a un
Q
Conflit de notation. On se retrouve ici avec un conflit de notation. En effet la divisibilité dans
l’anneau A conduit à une notion de pgcd, qu’il est usuel de noter a ∧ b, car il est pris pour une
borne inférieure (a divise b étant compris comme (( a plus petit que b )) au sens de la divisibilité),
en conflit avec le pgcd des éléments dans une algèbre de Boole, qui est une borne supérieure,
parce que la relation d’ordre doit être renversée si l’on veut que les éléments 0 et 1 de l’algèbre
de Boole soient bien le minimum et le maximum dans le treillis.
Bien que tous les éléments d’une algèbre de Boole soient idempotents nous garderons la
terminologie de (( système fondamental d’idempotents orthogonaux2 )) pour une famille finie (xi )
d’éléments 2 à 2 orthogonaux (i.e. xi xj = 0 pour i 6= j) dont la somme fait 1. Cette convention
est d’autant plus justifiée que nous nous préoccuperons surtout de l’algèbre de Boole qui apparait
naturellement en algèbre commutative : celle des idempotents d’un anneau A.
Soit r1 , . . . , rm une famille finie dans une algèbre de Boole B. Posons si = 1 − ri et, pour une
partie finie I de {1, . . . , m}, notons rI = i∈I ri j ∈I
Q Q
/ sj .
1. Les rI forment un système fondamental d’idempotents orthogonaux.
2. Supposons que B soit discrète. Alors, s’il y a exactement N éléments rI non nuls, la
sous-algèbre de Boole engendrée par les ri est isomorphe à l’algèbre des parties finies d’un
ensemble à N éléments.
Comme corollaire on obtient le fait suivant et le théorème de structure fondamental qui le
résume. Rappelons que l’on note Pf (S) l’ensemble des parties finies d’un ensemble S.
Dans une algèbre de Boole discrète un élément e est appelé un atome s’il vérifie l’une des
propriétés équivalentes suivantes :
– e est minimal parmi les éléments non nuls.
– e 6= 0 et pour tout f , f est orthogonal ou supérieur à e.
– e 6= 0 et pour tout f , ef = 0 ou e, ou encore ef = 0 ou e(1 − f ) = 0.
– e 6= 0 et une égalité e = e1 + e2 avec e1 e2 = 0 implique e1 = 0 ou e2 = 0.
On dit aussi que e est indécomposable. Il est clair qu’un automorphisme d’une algèbre de Boole
conserve l’ensemble des atomes et que pour deux atomes e, f , on a e = f ou ef = 0.
Théorème 7.7 (Théorème de structure)
1. Toute algèbre de Boole finie est isomorphe à l’algèbre des parties détachables d’un ensemble
fini.
2. Plus précisément, pour une algèbre de Boole C les propriétés suivantes sont équivalentes.
(a) C est finie.
(b) C est discrète et de type fini.
(c) L’ensemble S des atomes est fini, et 1C est la somme de cet ensemble.
Dans un tel cas C est isomorphe à l’algèbre de Boole Pf (S).
Remarque. Si B(A) a un seul élément, A est trivial et le produit fini est un produit vide. Ceci
s’applique aussi pour le corollaire suivant.
Fait 7.3.7 Soit G un groupe fini et C une G-algèbre de Boole transitive, discrète et non triviale.
6 0 dans C, et {e1 , . . . , ek } l’orbite de e sous G. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
Soit e =
1. L’élément e est galoisien.
2. Pour tout i > 1, e1 ei = 0.
3. Pour tout σ ∈ G, eσ(e) = e ou 0.
4. Pour tous i 6= j ∈ {1, . . . , k}, ei ej = 0.
J Le point 1. implique clairement les autres. Les points 2. et 4. sont facilement équivalents
et impliquent le point 3. Le point 3. signifie que pour tout σ, σ(e) > e ou σ(e)e = 0. Si l’on a
σ(e) > e pour un certain σ alors on a e 6 σ(e) 6 σ 2 (e) 6 σ 3 (e) 6 · · · ce qui donne e = σ(e) en
considérant σ ` = 1G . Donc 3. implique 2. Enfin si le point 4. est vérifié, la somme de l’orbite est
un élément > 0 fixé par G donc égal à 1. I
J 1. En effet, f =
P
i f ei .
2. De manière générale, pour x0 = σ(x) où x 6= 0 vérifie x 6 f , montrons :
[a] [b] [c]
(?) x0 6 f =⇒ f x0 6= 0 =⇒ σ(f ) = f =⇒ x0 6 f
On obtient [a] en multipliant x0 6 f par x0 , [b] en multipliant x0 6 σ(f ) (déduite de x 6 f ) par
f et en utilisant f galoisien, et enfin [c] en appliquant σ à x 6 f . Les assertions de (?) sont donc
des équivalences. On en déduit StG (x) ⊆ StG (f ). Si de plus, 1 = x0 ∈G.x x0 , alors :
P
Ceci s’applique à x = e.
3. Notons G.f = {f1 , . . . , fp }. Pour σ ∈ G il existe i, j tels que ef σ(ef ) = ef ei fj , qui est égal
à ef si σ ∈ E ∩ F et à 0 sinon. D’après le fait 7.3.7, ef est donc un élément galoisien de
stabilisateur E ∩ F . Supposons maintenant ei fj 6= 0 ; alors d’après le point 1., il existe τ ∈ G
tel que τ (ef )ei fj 6= 0. Puisque e et f sont galoisiens, ceci implique τ (e) = ei et τ (f ) = fj donc
ei fj ∈ G.ef .
4. Résulte immédiatement de 3. I
276 7. La méthode dynamique
Fin.
7.3. Introduction aux algèbres de Boole 277
J 1. Si C est finie il existe un atome (fait 7.7). Si e est un atome, pour tout σ ∈ G, on a e σ(e) = 0
ou e, donc e est galoisien (fait 7.3.7). Le reste en découle en tenant compte du théorème 7.7
page 274.
2. On considère la sous-algèbre de Boole C 0 ⊆ C engendrée par les orbites des éléments de la
famille finie donnée. C 0 est de type fini et discrète donc finie. En conséquence ses atomes forment
un ensemble fini S = {e1 , . . . , ek } et C 0 est isomorphe à l’algèbre de Boole des parties finies de
S : C 0 = { i∈F ei | F ∈ Pk }. Clairement G opère sur C 0 . Pour σ ∈ G, σ(e1 ) est un atome donc
P
|F | = |F.e| |E ∩ F | = s |E ∩ F | 6 r |E ∩ F | 6 r |E| .
Sous les hypothèses du théorème 7.8 on peut calculer un élément galoisien e1 tel que G.e1 et
G.e engendrent la même algèbre de Boole, au moyen de l’algorithme 7.3.9 page précédente.
Correction de l’algorithme. Nous avons noté G/S un système de représentants des classes à
gauche modulo S. Écrivons e1 = eσ2 (e) · · · σr (e) où les σi sont tous les σ qui ont passé avec
succès le test h =6 0 dans l’algorithme (et σ1 = Id). Nous voulons montrer que e1 est un atome
de C 0 (l’algèbre de Boole engendrée par G.e), ce qui revient à dire que pour tout σ ∈ G/S on a
e1 σ(e) = e1 ou 0 (puisque C 0 est engendrée par les τ (e)). Or σ a été testé par l’algorithme, donc
ou bien σ est l’un des σi auquel cas e1 σ(e) = e1 ou bien gσ(e) = 0 pour un idempotent g qui
divise e1 et a fortiori e1 σ(e) = 0.
Q
Montrons que le stabilisateur H de e1 vérifie bien la condition requise. On a e1 = τ ∈L τ (e), et
pour σ ∈ G on a les équivalences :
σ∈ ⇐⇒ e1 σ(e) = e1 ⇐⇒ e1 6 σ(e),
S
τ ∈L τ S et
σ∈ ⇐⇒ e1 σ(e) = 0.
S
/ τ ∈L τ S
Pour α ∈ G on a α(e1 ) = τ ∈L α(τ (e)). C’est un élément de l’orbite de e1 , il est égal à e1 si, et
Q
seulement si, e1 6 α(e1 ), si, et seulement si, e1 6 α(σ(e)) pour chaque σ in L. Enfin, pour un σ
I
S
arbitraire dans G, e1 6 α(σ(e)) si, et seulement si, ασ est dans τ ∈L τ S.
On notera que l’élément e1 obtenu comme résultat du calcul dépend de l’ordre dans lequel
est énuméré l’ensemble fini G/S et qu’il n’y a pas d’ordre naturel (intrinsèque) sur cet ensemble.
Exemple. On peut se demander s’il existe un rapport entre le stabilisateur S de e et le
stabilisateur H d’un élément galoisien e1 associé à e. Voici un exemple qui montre qu’il n’y
a pas de rapport étroit, avec G = S6 opérant sur l’algèbre de décomposition universelle du
polynôme f (T ) = T 6 − 4T 3 + 7 et e = 1/6(x35 x36 − 2x35 − 2x36 + 7) l’idempotent que l’on
calcule partir d’une factorisation du polynôme minimal de l’élément x5 + x6 (cf. proposition
7.6.4). On trouve St(e) = S = h(1432), (12), (56)i ' S4 × S2 avec |S| = 48, et St(e1 ) = H =
h(24), (123456)i = (h(13), (135)i × h(24), (246)i) o h(14)(25)(36)i ' (S3 × S3 ) o S2 avec |H| = 72,
278 7. La méthode dynamique
Fait 7.4.1 (changement d’anneau de base pour une algèbre de décomposition universelle) Soit
ρ : k → k1 une k-algèbre. Notons f ρ l’image de f dans k1 [T ]. Alors l’algèbre ρ? (Aduk,f ) =
k1 ⊗k Aduk,f , est naturellement isomorphe à Aduk1 ,f ρ .
Remarque. Rappelons que d’après le lemme 6.4.3, si B est une k-algèbre strictement finie et
fidèle, alors k (identifiée à son image dans B) est facteur direct dans B : le point 1. ci-dessus
résulte du point 3.
Exemples. 1) D’après ce que l’on sait déjà sur l’algèbre de décomposition universelle (section
3.4) et d’après le lemme 3.5.12, pour tout polynôme unitaire f , le triplet (k, Aduk,f , Sn ) est une
algèbre prégaloisienne.
2) Le théorème d’Artin page 242 montre que toute algèbre galoisienne est une algèbre pré-
galoisienne.
La lectrice se reportera page 249 pour les définitions d’idempotent galoisien, d’idéal galoisien
et de quotient de Galois.
J Le point 1. est une synthèse partielle des points 2., 3., 4., 5.
Le point 2. est évident. La première affirmation du point 3. en est une conséquence immédiate.
Soit τ1 = Id, τ2 , . . . , τm un système de représentants pour G/H, avec τi (e1 ) = ei . Montrons que
la restriction de π à CG est injective : si a ∈ CG et e1 a = 0 alors en transformant par les τj , tous
les ej a sont nuls, et donc aussi leur somme, égale à a. Enfin π(k) est facteur direct dans C1 par
le lemme 6.4.3.
4. Montrons d’abord CH H H H
1 = π(C ). Soit z ∈ C1 et u ∈ C tel que π(u) = z. Puisque z ∈ C1 , pour
σ ∈ H, σ(u) ≡ u mod h1 − e1 i, i.e. e1 σ(u) = e1 u ou encore, puisque σ(e1 ) = e1 , σ(e1 u) = e1 u.
En posant y = e1 u, y est H-invariant et π(y) = z.
Montrons maintenant que z ∈ π(CG ). On pose v = i τi (y) = i τi (e1 y) = i ei τi (y) ;
P P P
comme π(ei ) = δ1i , on a π(v) = π(y). L’élément v ainsi construit est indépendant du système
de représentants pour G/H ; en effet, si (τi0 ) est un autre système de représentants, quitte à
réordonner les indices, on peut supposer que τi0 H = τi H donc, y étant H-invariant, τi0 (y) = τi (y).
Pour σ ∈ G, (σ ◦ τi ) est un système de représentants pour G/H, donc σ(v) = v : v est G-invariant.
5. On a une décomposition C = C01 ⊕ · · · ⊕ C0m , où C0j = ej C est un k-module projectif de type
fini de rang r et la restriction π : C01 → C1 est un isomorphisme de k-modules. Pour tout y ∈ C,
on a :
Qm Qm Q
CC/k (y)(T ) = j=1 CC0j /k (ej y)(T ), CG (y)(T ) = j=1 τ ∈H (T − (τj ◦ τ )(y))
280 7. La méthode dynamique
Soit y l’unique élément de C01 tel que π(y) = z. L’égalité de gauche donne CC/k (y)(T ) =
T (m−1)r CC1 /k (z)(T ). Ensuite, appliquons π à l’égalité de droite en remarquant que (τj ◦τ )(y) ∈ C0j
(utiliser y = e1 y et appliquer τj ◦ τ ) ; on obtient alors CG (y)(T ) = T (m−1)r CH (z)(T ). D’où
CC1 /k (z)(T ) = CH (z)(T ).
6. En tenant compte du fait que la restriction de π à e1 C est un isomorphisme on a g 02 = g 0 = g 0 e1 .
De même pour σ ∈ H on a : σ(g 0 ) = g 0 si σ ∈ K, ou g 0 σ(g 0 ) = 0 si σ ∈/ K. Enfin pour σ ∈ G \ H,
e1 σ(e1 ) = 0 et donc g 0 σ(g 0 ) = 0. Ceci montre que g 0 est un idempotent galoisien de C avec pour
stabilisateur K. L’isomorphisme canonique est immédiat.
7. Puisque k est l’ensemble des points fixes, il reste à voir que H est séparant. Si σ ∈ H = St(e)
est distinct de l’identité, on a des ai et des xi ∈ C tels que i ai (σ(xi ) − xi ) = 1. Cette égalité
P
Fait 7.4.3 Si B(k) est une algèbre de Boole discrète, il en va de même pour B(A). Plus généra-
lement si C est une k-algèbre strictement finie, et si B(k) est discrète, alors B(C) est discrète.
Fait 7.4.4 Si (k, C, G) est une algèbre prégaloisienne, tout idempotent e de C fixé par G est un
élément de k.
J Le polynôme caractéristique CG (e) = (T − e)|G| est dans k[T ] donc son coefficient constant,
qui est égal à ±e est dans k. I
Fait 7.4.5 Soit (k, C, G) une algèbre prégaloisienne avec k connexe et non trivial :
1. 0 et 1 sont les seuls idempotents de C fixés par G,
2. B(C) est discrète,
3. tout atome de B(C) est un idempotent galoisien,
4. deux atomes sont conjugués sous G,
5. un idempotent e 6= 0 est galoisien si, et seulement si, son orbite sous G est formée d’éléments
2 à 2 orthogonaux,
6. si f est un idempotent 6= 0, l’idéal h1 − f i est galoisien si, et seulement si, son orbite sous
G est formée d’idéaux 2 à 2 comaximaux.
Le fait 7.7 implique que l’algèbre de Boole B(C) est finie si, et seulement si, les idempotents
indécomposables forment un ensemble fini (ils sont nécessairement 2 à 2 orthogonaux) et s’ils
engendrent B(C).
Commentaire. Un ensemble X est dit borné si l’on connaît un entier k qui majore le nombre
de ses éléments : plus précisément pour toute famille finie (bi )i=0,...,k dans X on a bi = bj pour
deux indices distincts. En mathématiques classiques ceci implique que l’ensemble est fini, mais
du point de vue constructif bien des situations distinctes peuvent se présenter.
Une situation fréquente est celle d’une algèbre de Boole C bornée et discrète pour laquelle on ne
connaît pas d’atome de manière sûre. Les idéaux de type fini de C, tous principaux, s’identifient
aux éléments de C, donc C s’identifie à son propre treillis de Zariski3 Zar C. Par ailleurs, en
mathématiques classiques les atomes sont en bijection avec les idéaux premiers (tous maximaux)
de C via e 7→ h1 − ei. Ainsi l’ensemble des atomes de C (supposé borné) s’identifie à Spec C.
On retrouve donc dans ce cas particulier le fait général suivant : le treillis de Zariski est la
version constructive, maniable et (( sans point )) du spectre de Zariski, espace topologique dont
les points peuvent s’avérer inaccessibles d’un point de vue constructif. Mais cette situation,
bien que familière, est peut être plus troublante dans le cas d’un espace topologique discret et
borné. Il s’agit typiquement d’un espace compact dont on n’a pas une bonne description via
un sous-ensemble énumérable dense, donc qui n’entre pas dans le cadre des espaces métriques
compacts à la Bishop (cf. [Bishop, Bishop & Bridges]).
Voici un corollaire du théorème de structure galoisien 7.8 dans le contexte des algèbres
prégaloisiennes.
Proposition 7.4.6 Soit (k, C, G) une algèbre prégaloisienne avec k connexe. Pour un idempo-
tent h de C les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. h est un idempotent galoisien.
2. C/h1 − hi est un k-module projectif de rang égal à StG (h).
3. C/h1 − hi est un k-module projectif de rang inférieur ou égal à StG (h).
J On utilise le théorème 7.8 page 276. D’après le point 2. de ce théorème on peut supposer qu’il
existe un idempotent galoisien e tel que h soit une somme e1 + · · · + er d’éléments de l’orbite G.e.
On a des isomorphismes de k-modules eC ' C/h1 − ei et C ' (eC)|G.e| donc eC est projectif de
rang |G| / |G.e| = |StG (e)|. On en déduit que C/h1 − hi ' hC = e1 C ⊕ · · · ⊕ er C ' (eC)r est
un k-module projectif de rang r × |StG (e)|. On applique alors le point 5. du théorème 7.8 avec
f ↔ h.
Donc le point 2. (resp. le point 3.) ici signifie la même chose que le point 5c. (resp. le point 5d.)
dans le théorème 7.8. I
Discriminant
Rappelons que dans A = Aduk,f on a disc(f ) = 16i<j6n (xi − xj )2 et DiscA/k = disc(f )n!/2 .
Q
− xj ) dans A.
Q
1. (a) On a J = 16i<j6n (xi
(b) On a J 2 = disc(f ) ∈ k.
2. En particulier les propriétés suivantes sont équivalentes.
(a) DiscA/k est inversible (resp. régulier) dans k.
(b) disc(f ) est inversible (resp. régulier) dans k.
(c) J est inversible (resp. régulier) dans A.
(d) Les xi − xj sont inversibles (resp. réguliers) dans A.
(e) x1 − x2 est inversible (resp. régulier) dans A.
(f) ΩA/k = 0 (resp. ΩA/k est un A-module (( de torsion )), i.e. annulé par un élément
régulier).
(g) Sn est un groupe séparant pour A (resp. pour AduFrac(k),f ).
3. Les équivalences analogues sont valables pour tout quotient de Galois de l’algèbre de décom-
position universelle.
J Le point 1a) est facile par récurrence sur n, avec le signe exact si l’on considére le système
qui nous a servi pour la définition de l’algèbre de décomposition universelle. Voici par exemple le
calcul pour n = 4
1 1 1 1
P P P P
x x x x
= P i6=1 i P i6=2 i P i6=3 i P i6=4 i
J
i,j6=1 xi xj i,j6=2 xi xj i,j6=3 xi xj i,j6=4 xi xj
x2 x3 x4 x1 x3 x4 x1 x2 x4 x1 x2 x3
1 0 0 0
X
xi x1 − x2 x1 − x3 x1 − x4
i6=1
= X X X X
xi xj (x1 − x2 ) xi (x1 − x3 ) xi (x1 − x4 ) xi
i,j6=1 i6=1,2 i6=1,3 i6=1,4
x2 x3 x4 (x1 − x2 )x3 x4 (x1 − x3 )x2 x4 (x1 − x4 )x2 x3
1 1 1
= (x1 − x2 )(x1 − x3 )(x1 − x4 ) x3 + x4 x2 + x4 x2 + x3
x x x2 x4 x2 x3
3 4
etc. . .
On en déduit le point 1b), puis l’équivalence des points 2a) à 2e).
2f) Puisque ΩA/k est un A-module isomorphe au conoyau de la transposée de la matrice
jacobienne, on obtient que Ann(ΩA/k ) et JA ont même nilradical (lemme 4.9.6). Enfin l’élément
√
J est régulier (resp. inversible) si, et seulement si, l’idéal JA contient un élément régulier (resp.
contient 1).
2g) Supposons f séparable (resp. régulier), si σ ∈ Sn est distinct de IdA , il y a un i ∈ J1..nK tel
que xσi 6= xi . Puisque xσi − xi est inversible (resp. régulier), σ est séparant (resp. séparant une
fois que l’on inverse le discriminant). Pour la réciproque considérons par exemple la transposition
σ qui échange 1 et 2. On a clairement hg − σ(g)|g ∈ Ai = hx1 − x2 i. Ceci permet de conclure.
3. Clair puisque l’algèbre de décomposition universelle est toujours isomorphe à une puissance de
n’importe lequel de ses quotients de Galois. I
7.4. L’algèbre de décomposition universelle (2) 283
Points fixes
Nous notons di(f ) = i<j∈J1..nK (xi + xj ) ∈ k.
Q
Il est clair que di(f ) est congru modulo 2 à i<j∈J1..nK (xi − xj ) et donc 2, di(f )2 =
Q
def
Théorème 7.11 Posons a = Annk (h2, di(f )i). Alors
Fix(Sn ) ⊆ k + aA.
Remarque. Dans le cas n = 2 l’étude faite ci-dessus montre que dès que a 6= 0, Fix(S2 ) = k⊕a x1 =
k + aA contient strictement k. Un calcul dans le cas n = 3 donne la même réciproque : si a 6= 0,
Fix(S3 ) contient strictement k. On trouve en effet un élément v = x21 x2 +s1 x21 +(s21 +s2 )x1 +s2 x2 =
6
0 (une de ses coordonnées sur B(f ) est égale à 1) tel que Fix(S3 ) = k ⊕ a v. Par contre pour
n > 4, la situation se complique.
J D’après le théorème de structure 7.9 page 279 il suffit de montrer que Aduk,f est galoisienne.
Or on vient de démontrer la condition sur les points fixes, et la condition sur les automorphismes
séparants a été donnée dans le théorème 7.10 page 281. I
284 7. La méthode dynamique
D’après le théorème d’Artin 6.24, et vu le théorème précédent, nous savons que toute algèbre
de décomposition universelle pour un polynôme séparable, ou tout quotient de Galois d’une
telle k-algèbre, se diagonalise elle-même. Nous examinons cette question plus en détail dans le
paragraphe qui suit. Même pour ce qui concerne le résultat précis que nous venons de citer, il est
intéressant de voir fonctionner la chose de façon (( concrète )) pour une algèbre de décomposition
universelle.
Séparabilité
Lorsque le polynôme f ∈ k[T ] est séparable, son algèbre de décomposition universelle
A = Aduk,f = k[x1 , . . . , xn ] est strictement étale, d’après le fait 3.5.11. Le théorème suivant est
alors un simple rappel du théorème 6.15 page 226 concernant les algèbres strictement étales dans
le cadre présent.
NB : On prendra garde cependant à noter AduA,f = A[u1 , . . . , un ] puisque les xi sont déjà pris
comme éléments de A.
J 1. Les deux algèbres sont en tant que C-modules isomorphes à Cn! et Φ est une application
C-linéaire dont il suffit de démontrer la surjectivité. La surjectivité résulte par le théorème chinois
de ce que les Ker φσ sont deux à deux comaximaux : Ker φσ contient xi − uσi , Ker φτ contient
xi − uτ i , donc Ker φσ + Ker φτ contient les uσi − uτ i , et il y a au moins un indice i pour lequel
σi 6= τ i ce qui donne uσi − uτ i inversible.
2. On note que le système fondamental d’idempotents orthogonaux correspondant à l’isomor-
phisme Φ est l’unique solution du système d’équations φσ (eτ ) = δσ,τ où δ est le symbole de
Kronecker. Or les égalités φσ (gσ ) = ±ϕ(disc(f )), φσ (gτ ) = 0 sont faciles.
3. Fixons i. L’égalité xi gσ = uσi gσ résulte de ce que dans gσ il y a déjà le produit des xi − uj
pour j 6= σi, donc (xi − uσi )gσ est multiple de ϕ(f )(xi ), qui est nul. I
7.4. L’algèbre de décomposition universelle (2) 285
Remarque. En fait, de manière générale, Φ est une application linéaire dont on peut calculer
le déterminant par rapport aux bases naturelles : le carré de ce déterminant est une puissance
de ϕ(disc(f )) et l’on trouve ainsi que Φ est un isomorphisme si, et seulement si, ϕ(disc(f )) est
inversible dans C. Pour ceci, et pour une (( réciproque complète )), voir l’exercice 7.6.
Le théorème précédent implique le résultat suivant : si A est une algèbre de décomposition uni-
verselle pour un polynôme séparable toute A-algèbre diagonalise A. Nous en donnons maintenant
une généralisation pour un quotient de Galois de A.
Théorème 7.15 (diagonalisation d’un quotient de Galois d’une algèbre de décomposition uni-
verselle)
Soit e un idempotent galoisien de A,
B = A/h1 − ei = k[y1 , . . . , yn ] et G = StSn (e)
(on a noté yi = π(xi ) la classe de xi dans B). Soit φ : B → C un homomorphisme d’anneaux.
On note ui = φ(yi ). On considère la C-algèbre
φ? (B) ' C ⊗k B ' AduC,f /h1 − φ(e)i
obtenue à partir de la k-algèbre B par extension des scalaires. Pour tout σ ∈ G notons φσ :
C ⊗k B → C l’unique homomorphisme de C-algèbres qui envoie chaque 1C ⊗ yi sur uσi . Soit
Φ : C ⊗k B → C|G| l’homomorphisme de C-algèbres défini par z 7→ (φσ (z))σ∈G .
1. Si φ(disc(f )) ∈ C× , Φ est un isomorphisme, donc C diagonalise B.
2. En particulier si f est séparable B ⊗k B est isomorphe canoniquement à B|G| : B se
diagonalise elle-même.
J Les deux C-algèbres sont des C-modules projectifs de rang constant |G| et Φ est une appli-
cation C-linéaire dont il suffit de démontrer la surjectivité. Dans C ⊗k B nous notons yi à la
place de 1C ⊗ yi et ui à la place de ui ⊗ 1B . La surjectivité résulte par le théorème chinois de ce
que les Ker φσ sont deux à deux comaximaux : Ker φσ contient yi − uσi , Ker φτ contient yi − uτ i ,
donc Ker φσ + Ker φτ contient les uσi − uτ i . Or il y a au moins un indice i pour lequel σi 6= τ i et
uσi − uτ i est inversible parce que φ(disc(f )) est le produit des (uj − uk )2 pour 1 6 j < k 6 n. I
Lemme 7.4.7 Soit k0 une k-algèbre qui est un module projectif de type fini de rang constant m,
x ∈ k0 et r(T ) ∈ k[T ] le polynôme caractéristique de x sur k. Si disc(r) ∈ k× , alors k0 = k[x] et
1, x, . . . , xm−1 est une k-base de k0 .
J Le cas où k0 est libre de rang m a été prouvé en 3.5.10. Dans le cas général, on considère un
système d’éléments comaximaux de k tel que chaque localisation fasse de k0 un k-module libre
de rang m. I
Les quotients de l’algèbre de décomposition universelle A sont des K-algèbres finies donc ce
sont des anneaux zéro-dimensionnels.
Lemme 7.5.1 Soit B une K-algèbre strictement finie. On suppose que f se décompose totalement
dans Bred et que Bred est engendrée par les zéros correspondants de f . Alors il existe un idempotent
e de A = AduK,f tel que Bred ' A/DA (1 − e) .
Remarque. On remarquera que ψ est surjectif mais a priori Ker ψ n’est pas un idéal de type fini
de A ; ϕ a priori n’est pas surjectif mais Ker ϕ est un idéal de type fini de A.
Théorème 7.17
1. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
(a) Il existe dans A = AduK,f un idempotent indécomposable e.
(b) Il existe une extension L de K qui est un corps de racines de f et qui s’écrit Bred où
B est une K-algèbre strictement finie.
(c) L’algèbre de Boole B(A) est finie.
2. Dans ce cas tout corps de racines de f est isomorphe à A/DA (1 − e) . Il est discret.
J L’équivalence de 1a) et 1c) vaut dans le cadre général des algèbres de Boole (théorème 7.8
page 276).
Il est clair que 1a) implique 1b). Inversement si l’on a un corps de racines L = B/DB (0) où
B est une K-algèbre strictement finie, le lemme 7.5.1 fournit un idempotent e, et celui-ci est
indécomposable parce que L est connexe.
Voyons le point 2. Soit M un corps de racines pour f . Écrivons
f (T ) = ni=1 (T − ξi ) dans M.
Q
l’orbite de e. C’est un système fondamental d’idempotents orthogonaux donc les ϕ(e` ) également,
et puisque M est un corps discret cela implique qu’il y a un j pour lequel ϕ(e` ) = δj,` (symbole
de Kronecker). Alors h1 − ej i ⊆ Ker ϕ, donc M est un quotient de A/DA (1 − ej ) , qui est un
corps discret. Comme M est supposé non trivial, cela implique M ' A/DA (1 − ej ) . Enfin les
A/DA (1 − e` ) sont deux à deux isomorphes. I
Commentaire. Dans [MRR], il est montré que tout corps discret énumérable possède une clôture
algébrique. Cependant, un corps de racines pour f , qui existe donc, ne possède pas nécessairement
une base finie comme K-espace vectoriel, au sens des mathématiques constructives. Et l’on ne
connaît pas de théorème d’unicité constructif pour un tel corps de racines. On peut décrire
comme suit une procédure analogue à celle de [MRR] pour obtenir un corps de racines pour f :
on énumère l’algèbre de décomposition universelle (zm )m∈N , on construit un idéal de type fini
am de A en posant a0 = 0 et am+1 = am + hzm i si am + hzm i = 6 h1i et am+1 = am sinon (le test
fonctionne car on peut calculer une base du K-espace vectoriel am + hzm i). Alors l’idéal m am
S
est un idéal maximal de A et le quotient est un corps de racines, qui est discret. Notre point de
vue est légèrement différent. Nous ne partons pas a priori d’un corps énumérable, et même dans
le cas d’un corps énumérable, nous ne privilégions pas une énumération par rapport à une autre.
Nous nous contentons plutôt de répondre aux questions concernant le corps de racines au fur et
à mesure qu’elles se posent, comme on va le voir dans le théorème qui suit.
Le théorème suivant explique comment contourner la difficulté que pose la non existence
du corps de racines en mathématiques constructives. Le corps de racines de f est remplacé par
une (( approximation )) donnée sous forme d’un quotient réduit (A/h1 − ei)red de l’algèbre de
décomposition universelle, avec e un idempotent galoisien.
On s’appuie sur le fait suivant qui est déjà établi dans le cadre général des anneaux zéro-di-
mensionnels (lemme 4.8.2). Nous en rappelons une preuve directe.
Pour tout y ∈ A = AduK,f , il existe un idempotent ey ∈ K[y] ⊆ A tel que y est inversible modulo
1 − ey et nilpotent modulo ey .
Remarques. 1) Le lecteur peut s’inquiéter du fait que l’on ne dispose pas a priori d’un système
générateur fini de l’idéal DA (1 − e). En conséquence l’algèbre finie Bred n’est pas nécessairement
un K-espace vectoriel de dimension finie au sens constructif. En fait les nilpotents peuvent être
gérés eux aussi de façon dynamique. On a dans B = A/h1 − ei un test de nilpotence et si un
élément x nilpotent est mis en évidence, on peut quotienter B par l’idéal a engendré par l’orbite
de x sous l’action de G = StSn (e). Alors B/a est de dimension finie et G opère sur B/a .
2) Dans le théorème 7.18 on peut avoir intérêt à saturer la famille (zi )i∈I par l’action de Sn de
façon à rendre manifestes dans B tous les (( cas de figure )) possibles.
7.6. Théorie de Galois d’un polynôme séparable sur un corps discret 289
J Le lemme 7.5.1 donne des idempotents e1 , e2 ∈ A tels que (Bi )red ' A/DA (1 − ei ) . Le théo-
rème 7.8 point 2. (page 276) donne un idempotent galoisien e et r1 , r2 tels que A/h1 − ei i ' Bri .
Donc (Bi )red ' Brred
i
. I
Rappelons que pour un corps séparablement factoriel, tout polynôme séparable possède un
corps de racines (corollaire 6.1.8), unique à automorphisme près (théorème 3.3 page 76). Nous
sommes intéressés ici par le cas où le corps n’est pas séparablement factoriel (ou même le cas où
la factorisation des polynômes séparables est trop coûteuse).
Nous donnons ici comme promis la version constructive et dynamique de la théorie de Galois
d’un polynôme séparable sur un corps discret.
Le point 2. résulte aussi du fait que si un corps de racines existe et est strictement fini sur K,
deux corps de racines sont isomorphes (théorème 3.3 page 76).
Le théorème d’unicité 7.19 se relit comme suit :
Théorème 7.19 bis Étant données deux K-algèbres strictement finies B1 et B2 non nulles
dans lesquelles f se décompose en produit de facteurs linéaires et qui sont engendrées par les zéros
correspondants de f , il existe un quotient de Galois B = A/h1 − ei de l’algèbre de décomposition
universelle et deux entiers ri tels que B1 ' Br1 et B2 ' Br2 .
290 7. La méthode dynamique
Notons que pour y ∈ B le polynôme Miny (T ) est séparable (parce que B est étale sur K), et
que y est inversible si, et seulement si, Miny (0) 6= 0. Notons aussi qu’un idéal de type fini de B
différent de h1i, est un idéal galoisien si, et seulement si, son orbite sous G est formée d’idéaux 2
à 2 comaximaux (tout idéal de type fini est engendré par un idempotent, et fait 7.4.5).
Le théorème de structure 7.9 se décline comme suit, compte tenu des théorèmes 7.18 page 288
et 7.12 page 283.
NB : Dans la suite on donne les énoncés uniquement pour la situation relative. La situation
absolue est en effet le cas particulier où e = 1.
J Le point 1. est conséquence du point 1. dans le théorème de structure. On en déduit que Miny
divise RvG,y puisque RvG,y (y) = 0. Chaque yi annule Miny donc le produit des T − yi divise une
puissance de Miny .
Concernant le point 3. la deuxième égalité est évidente, et la première est dans le point 1. du
théorème de structure. I
Nous mettons ici en évidence que (( tous les calculs se passent, et tous les résultats s’écrivent,
dans l’anneau Z )), comme cela résulte des théorèmes 6.16 page 228 et 7.16 page 2854 .
Précisément, ces théorèmes nous donnent dans le cadre présent les points 1., 2. et 4. du
théorème qui suit. Quant au point 3. c’est une conséquence immédiate du point 2.
Notez les simplifications dans les cas particuliers suivants : K = Q et f ∈ Z[T ] unitaire, alors
Z = Z0 = Z[1/disc(f )] ; de même, pour q puissance d’un premier et K le corps des fractions
rationnelles K = Fq (u) on a, si f ∈ Fq [u][T ] est unitaire, Z = Z0 = Fq [u][1/disc(f )].
Remarques. 1) L’étude expérimentale suggère que non seulement (( Z est suffisant )), mais qu’en
fait tous les résultats de calculs (coefficients d’un idempotent sur B(f ), base de Gröbner d’un idéal
galoisien) n’utilisent comme dénominateurs que des éléments dont le carré divise le discriminant
de f .
2) Théorie de Galois absolue d’un polynôme. Étant donné un polynôme séparable f ∈ K[T ], plutôt
que de considérer K et la clôture intégrale Z de Z0 dans K, on peut considérer K0 = Frac(Z0 ) et
la clôture intégrale Z0 de Z0 dans K0 .
4. Il s’ensuit que si K est un corps général (voir section 9.1), les questions de calculabilité se discutent en fait
entièrement dans Frac(Z). Et Frac(Z) est discret si Z0 est lui-même un anneau discret. Comme Z0 est un anneau
de type fini, il est certainement, en mathématiques classiques, un anneau effectif (on dit encore calculable) avec
test d’égalité explicite, au sens de la théorie de la récursivité via les machines de Turing.
Mais ce dernier résultat n’est pas une approche vraiment satisfaisante de la réalité du calcul. Il s’apparente en
effet aux résultats de mathématiques classiques du style (( tout nombre réel récursif admet un développement en
fraction continue récursif )). Théorème manifestement faux d’un point de vue pratique, puisque pour le mettre en
œuvre, il faut d’abord savoir si le nombre est rationnel ou pas.
292 7. La méthode dynamique
(7.1) H ⊆ GalZ,f ⊆ G
à ceci près que le groupe GalZ,f est seulement défini à conjugaison prés, et qu’il peut a priori
demeurer à tout jamais inconnu.
Ce type de renseignements, (( le groupe de Galois de f sur K, à conjugaison près, contient H ))
ne relève pas de la méthode dynamique que nous avons exposée, car celle-ci fait une démarche en
sens contraire : donner des informations du type (( le groupe de Galois de f sur K, à conjugaison
près, est contenu dans G )).
Il est donc intéressant a priori d’utiliser en parallèle les deux méthodes, dans l’espoir de
déterminer complètement GalK (f ).
Le fait d’avoir remplacé le corps K par un sous-anneau est important de ce point de vue car
on dispose de beaucoup plus de morphismes d’extension des scalaires de source Z que de source
K.
En particulier il est souvent utile de travailler modulo p, un idéal maximal de Z. Cette
méthode est alors appelée une méthode modulaire.
Elle semble avoir été inventée par Dedekind pour la détermination du groupe de Galois de f
sur Q lorsque f ∈ Z[T ]. Notons que dans ce cas un idéal maximal de Z = Z0 = Z[1/ disc(f )] est
donné par un nombre premier p qui ne divise pas disc(f ).
mais à améliorer à chaque fois l’approximation du corps de racines et de son groupe de Galois
que constitue le quotient de Galois en cours de l’algèbre de décomposition universelle.
L’algorithme de base
On peut réécrire comme suit l’algorithme 7.3.9 dans la situation présente, lorsque l’on dispose
d’un élément y ni nul ni inversible dans le quotient de Galois B = A/b .
Fin.
L’idéal b est donné par un système générateur fini, et G = StSn (b). Soient e l’idempotent de
B tel que h1 − eiB = hyiB et e0 un idempotent galoisien tel que G.e et G.e0 engendrent la même
algèbre de Boole. On cherche à calculer l’idéal galoisien c de A qui donne le nouveau quotient de
Galois A/c ' B/b0 où b0 = h1 − e0 iB , i.e. c est l’image réciproque de b0 par A B = A/b .
Dans l’algorithme 7.3.9 on fait le produit de e par un nombre maximum de conjugués, en
évitant d’obtenir un produit nul.
Ici, on ne calcule pas e, ni σ(e), ni e0 , car l’expérimentation montre que souvent, le calcul
de e est très long (cet idempotent occupe souvent beaucoup d’espace mémoire, nettement plus
que e0 ). On raisonne alors avec les idéaux correspondants h1 − ei = hyi et h1 − σ(e)i = hσ(y)i. Il
s’ensuit que dans l’algorithme le produit des idempotents est remplacé par la somme des idéaux.
Par ailleurs, comme on ne calcule pas e, on remplace StG (e) par StG (y), qui est contenu dans
StG (e), en général de façon stricte. Néanmoins, l’expérience montre que, bien que G/Sy soit plus
grand, l’ensemble du calcul est plus rapide. Nous laissons le soin à la lectrice de montrer que la
dernière affectation dans l’algorithme fournit bien le groupe StG (b0 ) voulu, i.e. que le sous-groupe
H de G, stabilisateur de E dans G/Sy , est bien égal à StG (b0 ).
1. Si Miny = R1 R2 avec R1 et R2 de degrés > 1, R1 (y) et R2 (y) sont des diviseurs de zéro
non nuls, et il existe un idempotent e tel que hei = hR1 (y)i et h1 − ei = hR2 (y)i.
2. Si deg(Miny ) < deg(RvG,y ), alors l’un des y1 − yi divise zéro (on peut donc construire un
idempotent 6= 0, 1 de B).
3. Si P est un diviseur strict de RvG,y dans K[T ], alors au moins un des deux cas suivants
se présente :
– P (y) est un diviseur de zéro non nul, on est ramené au point 1.
– un élément y1 − yi est un diviseur de zéro non nul, on est ramené au point 2.
diviseurs de zéro. On applique ceci au polynôme Miny qui a plus de zéros dans B que son degré
(ce sont les yi ). Ceci donne un yj − yk diviseur de zéro, et par un σ ∈ G on transforme yj − yk en
un y1 − yi .
3. Si P est multiple de Miny , on est ramené au point 2. Sinon, pgcd(Miny , P ) = R1 est un diviseur
strict de Miny , et R1 6= 1 car pgcd((Miny )k , P ) = P pour k assez grand. Donc Miny = R1 R2 ,
avec deg(R1 ) et deg(R2 ) > 1. On est ramené au point 1. I
On en déduit le corollaire suivant qui généralise le point 4. dans le théorème de structure 7.20
page 290.
Théorème 7.22 Dans le contexte 7.6.1 soit (uj )j∈J une famille finie dans B. Il existe un idéal
galoisien c de B tel que, en notant H = StG (c), C = B/c , et β : B → C la projection canonique,
on a :
1. Chaque β(uj ) est nul ou inversible.
2. Dans C, Minβ(uj ) (T ) = RvH,β(uj ) (T ).
3. Les Minβ(uj ) sont deux à deux égaux ou étrangers.
Remarque. Dans le théorème précédent on a parfois intérêt à saturer la famille (uj )j∈J par l’action
de G (voire de Sn en remontant les uj dans A) de façon à rendre manifestes dans C tous les
(( cas de figure )) possibles.
Exemple. Nous reprenons l’exemple de la page 82. On demande à Magma ce qu’il pense de
l’élément x5 + x6. Trouvant que la résolvante est de degré 15 (sans avoir besoin de la calculer)
alors que le polynôme minimal est de degré 13, il se met en peine de réduire la bizarrerie et
obtient un quotient de Galois de l’algèbre de décomposition universelle de degré 48 (le corps de
racines de degré 24 n’est pas encore atteint) avec le groupe correspondant. Le calcul est presque
instantané. Voici le résultat.
y:=x5+x6;
MinimalPolynomial(y);
T^13 - 13*T^12 + 87*T^11 - 385*T^10 +
1245*T^9 - 3087*T^8 + 6017*T^7 - 9311*T^6 + 11342*T^5 - 10560*T^4 +
7156*T^3 - 3284*T^2 + 1052*T - 260
//nouvelle algebre galoisienne, calculee a partir de deg(Min)<deg(Rv) :
Affine Algebra of rank 6 over Rational Field
Variables: x1, x2, x3, x4, x5, x6
Exercices et problèmes 295
Quotient relations:
x1 + x2 - 1,
x2^2 - x2 + x4^2 - x4 + x6^2 - x6 + 3,
x3 + x4 - 1,
x4^4 - 2*x4^3 + x4^2*x6^2 - x4^2*x6 + 4*x4^2 - x4*x6^2 + x4*x6 -
3*x4 + x6^4 - 2*x6^3 + 4*x6^2 - 3*x6 - 1,
x5 + x6 - 1,
x6^6 - 3*x6^5 + 6*x6^4 - 7*x6^3 + 2*x6^2 + x6 - 1
Permutation group acting on a set of cardinality 6
Order = 48 = 2^4 * 3
(1, 2)
(3, 5)(4, 6)
(1, 3, 5)(2, 4, 6)
Pour i = 2, . . . , ` la structure de Ki comme Ki−1 -module peut être explicitée par différentes
techniques. Si B est un corps de racines pour f , tous les Ki sont des corps et chacun des modules
est libre.
Si un de ces modules n’est pas libre alors on peut construire un idempotent 6= 0, 1 dans B en
utilisant la même technique que pour la démonstration du théorème de structure 6.1 page 208,
point 2b.
Il peut s’avérer efficace d’utiliser la technique des bases de Gröbner, avec l’idéal qui définit
B comme quotient de K[X1 , . . . , Xn ]. On introduit des noms de variables ai pour les αi et l’on
choisit un ordre lexicographique avec a1 < · · · < a` < X1 < · · · < Xn .
Si B est un corps la base de Gröbner doit avoir une structure triangulaire. À chaque αi doit
correspondre un et un seul polynôme dans la base de Gröbner, Pi (a1 , . . . , ai ) unitaire en ai .
Si cette structure triangulaire n’est pas respectée pour la variable ai , nous sommes certains
que Ki−1 n’est pas un corps, et nous pouvons expliciter un diviseur de zéro dans cette K-algèbre.
En fait soit P (a1 , . . . , ai ) un polynôme qui apparaît dans la base de Gröbner et qui n’est
pas unitaire en ai . Son coefficient dominant en tant que polynôme en ai est un polynôme
Q(a1 , . . . , ai−1 ) qui donne nécessairement un élément diviseur de zéro Q(α1 , . . . , αi−1 ) dans
l’algèbre zéro-dimensionnelle Ki−1 ' K[a1 , . . . , ai−1 ]/a , où a est l’idéal engendré par les premiers
polynômes, en les variables a1 , . . . , ai−1 , qui apparaissent dans la base de Gröbner. Sinon, on
pourrait multiplier P par l’inverse de Q modulo a, et réduire le résultat modulo a, et l’on
obtiendrait un polynôme unitaire en ai qui précède P pour l’ordre lexicographique, et qui rendrait
la présence de P inutile.
Exercices et problèmes
Exercice 7.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées au lecteur,
etc. . . Notamment :
– Démontrer les propositions 7.3.1, 7.3.2 et le théorème 7.7 page 274.
– Expliquer le fait 7.4.1.
Exercice 7.2 (structure des algèbres finies sur un corps, version classique, version constructive dyna-
mique)
296 7. La méthode dynamique
Exercice 7.3 Montrer que la machinerie locale-globale élémentaire no 2 page 149 appliquée à la preuve
du théorème 7.2 page 268 donne le résultat suivant, équivalent au théorème 7.2 dans le cas d’un corps
discret.
Théorème 7.2 bis (Nullstellensatz faible et mise en position de Nœther, cas des anneaux zéro-dimen-
sionnels réduits)
Soit K un anneau zéro-dimensionnel réduit, f un idéal de type fini de K[X] = K[X1 , . . . , Xn ] et A = K[X]/f
l’algèbre quotient. Alors il existe un système fondamental d’idempotents orthogonaux e−1 , e0 , . . . , en de
K et un changement de variables tels que, en appelant Y1 , . . . , Yn les nouvelles variables et en notant
Kr = K[1/er ], Ar = A[1/er ] = Kr ⊗K A ' Kr [X]/f Kr [X] on ait :
1. A−1 = 0 et K ∩ f = e−1 K.
2. A0 est un K0 -module libre de rang fini > 1.
3. Pour r = 1, . . . , n on a :
• Kr [Y1 , . . . , Yr ] ∩ f = 0. Autrement dit l’algèbre Kr [Y1 , . . . , Yr ] peut être considérée comme une
sous-Kr -algèbre de Ar .
• Ar est un module de présentation finie sur Kr [Y1 , . . . , Yr ].
• Il existe un entier N tel que pour chaque (α1 , . . . , αr ) ∈ Krr , la Kr -algèbre
Ar /hY1 − α1 , . . . , Yr − αr i est un Kr -module quasi libre de rang fini 6 N , et l’homomorphisme
naturel Kr → Ar /hY1 − α1 , . . . , Yr − αr i est injectif.
En particulier
Ln la K-algèbre A est un module de présentation finie sur la sous-algèbre (( polynomiale ))
A = r=0 Kr [Y1 , . . . , Yr ]. On dit que le changement de variables (qui éventuellement ne change rien du
tout) a mis l’idéal en position de Nœther.
Enfin, le système fondamental d’idempotents orthogonaux qui intervient ici ne dépend pas du changement
de variables qui met l’idéal en position de Nœther.
Exercice 7.5 Donner une preuve directe (pas par l’absurde) que si un corps discret possède deux auto-
morphismes qui engendrent un groupe fini non cyclique, le corps contient un x = 6 0 dont toutes les
puissances sont distinctes, c’est-à-dire qui n’est pas une racine de l’unité.
Exercice 7.11 (quand une résolvante admet un zéro dans le corps de base)
Dans le contexte 7.6.1 soit y ∈ B, G.y = {y1 , . . . , yr } et g(T ) = RvG,y (T ).
1. On suppose que a ∈ K est un zéro simple de g. Alors :
(a) c = hy − aiB est un idéal galoisien de (K, B, G).
(b) Si β : B → C = B/c est la projection canonique, et si H = StG (c) est la nouvelle approximation
du groupe de Galois, alors β(y1 ) = a et pour j 6= 1, RvH,yj divise g(T )/(T − a) (comme
d’habitude on identifie K ⊆ B et β(K) ⊆ C).
2. On suppose que a ∈ K est un zéro de g avec la multiplicité k. Alors :
(a) Il existe j2 , . . . , jk ∈ J2..rK tels que c = hy1 − a, yj2 − a, . . . , yjk − ai est un idéal galoisien
minimal contenant y − a. On pose j1 = 1. Pour j 6= j1 , . . . , jk , yj − a est inversible modulo c.
(b) Si β : B → C = B/c est la projection canonique, et si H = StG (c) est la nouvelle approximation
du groupe de Galois, alors β(yj1 ) = · · · = β(yjk ) = a et pour j =6 j1 , . . . , jk , la résolvante
RvH,yj divise g(T )/(T − a)k .
3. On suppose que c est un idéal galoisien de B et que StG (y) contient StG (c), alors g(T ) admet un
zéro dans K.
Remarque. Le point 1. justifie la (( méthode de Jordan )) pour le calcul du groupe de Galois. Voir page 304.
Exercice 7.12 (quand on connaît la décomposition en facteurs premiers d’une résolvante séparable)
Dans le contexte 7.6.1 soit y ∈ B et G.y = {y1 , . . . , yr }. On suppose que RvG,y = Miny = R1 · · · R` , avec
les Ri irréductibles et ` > 1. Alors il existe un quotient de Galois (K, C, H), avec β : B → C = B/c la pro-
jection canonique et H = StG (c) (c idéal galoisien), tel que pour chaque i ∈ J1..rK, Minβ(yi ) est égal à l’un
des Rj . Le groupe H opère sur {β(y1 ), . . . , β(yr )} et les orbites sont de longueurs d1 = deg(R1 ), . . . , d` =
deg(R` ). En outre cette situation se reproduit dans tout quotient de Galois de (K, C, H).
Remarque. L’exercice 7.12 est la base de la (( méthode de McKay-Soicher )) pour le calcul du groupe de
Galois. Voir page 304.
Exercice 7.2 1. Cela résulte du fait qu’un anneau zéro-dimensionnel connexe est local et du fait que,
par le principe du tiers exclu, on connaît les idempotents indécomposables de l’algèbre, lesquels forment
un système fondamental d’idempotents orthogonaux.
2. Dans le cas d’une algèbre K[X]/hf i avec f séparable, trouver les idempotents revient à factoriser le
polynôme. Mais il n’existe pas d’algorithme général de factorisation d’un polynôme séparable.
3. Une version constructive consiste à affirmer que, pour ce qui concerne un calcul, on peut toujours (( faire
comme si )) le résultat (démontré au moyen du tiers exclu) était vrai. Cette version dynamique s’exprime
comme suit.
Soit K un anneau zéro-dimensionnel (cas particulier : un corps discret).
Soit (xi )i∈I une famille finie d’éléments dans une K-algèbre entière B (cas particulier : une K-algèbre
finie).
Il existe un système fondamental d’idempotents orthogonaux e1 , . . . , en tel que dans chaque composante
B/h1 − ej i, chaque xi est nilpotent ou inversible.
On démontre ce résultat comme suit : le lemme 6.3.13 nous dit que B est zéro-dimensionnel ; on conclut
par le lemme de scindage zéro-dimensionnel 4.8.10.
Exercice 7.4 On vérifie facilement que le Z-module des relations linéaires entre P1 , . . . , P6 est engendré
par (1,1, 1, −1, −1, −1). On utilisera aussi que le nombre de monômes de degré d en n variables est
d+n−1
n−1 .
1a. Soit S(Y, Z) = i+j=m−1 Y i Z j , donc Y m − Z m = (Y − Z)S(Y, Z) ; on réalise dans cette égalité
P
Y = U1 U2 U3 , Z = U4 U5 U6 et l’on multiplie par U1a−m U2b−m U3c−m U4d U5e U6f pour obtenir le résultat
demandé.
1b. On a clairement a ⊆ Ker ϕ. L’égalité k[U ] = a + a• résulte de la question précédente. Il suffit donc
de voir que Ker ϕ ∩ a• = {0}, i.e. que la restriction de ϕ à a• est injective. Comme ϕ transforme un
0 0
monôme en un monôme, il suffit de voir que si deux monômes U1a · · · U6f , U1a · · · U6f ∈ a• ont même image
par ϕ, ils sont égaux ; on a (a, b, c, . . . , f ) = (a0 , b0 , c0 , . . . , f 0 ) + k(1, 1, 1, −1, −1, −1) avec k ∈ Z et comme
min(a, b, c) = min(a0 , b0 , c0 ) = 0, on a k = 0, ce qui donne l’égalité des deux monômes.
1c. Le nombre Md cherché est la dimension sur k de la composante homogène de degré d de k[xP1 , . . . , xP6 ]
ou encore (via ϕ) celle de a•d . Mais on a aussi k[U ] = b ⊕ a• où b est l’idéal (monomial) engendré par les
monômes divisibles par U1 U2 U3 (en quelque sorte, b est un idéal initial de a). On a donc k[U ]d = bd ⊕ a•d
et
dimk k[U ]d = d+5 dimk bd = d+5−3 , Md = dimk a•d = d+5 − d+2
5 , 5 5 5
Exercice 7.6 2. On écrit U = tM M et on prend le déterminant : cela donne Disck A = disc(f )n!/2 à
partir de det(M ) = δ n!/2 . Réciproquement, puisqu’il s’agit d’identités algébriques dans Z[x], l’égalité
(det M )2 = (δ n!/2 )2 implique det M = ±δ n!/2 .
ϕ
QnDans le théorème 7.14, ne supposons pas f séparable sur l’algèbre k −→ C. Par hypothèse ϕ(f )(T ) =
3.
n!
i=1 (T −ui ). Avec A = k[x1 , . . . , xn ] = Aduk (f ), on a alors un morphisme de C-algèbres Φ : C⊗kA → C
qui réalise 1 ⊗ xi 7→ (uσ(i) )σ∈Sn . La k-base canonique B(f ) de A est une C-base de C ⊗k A et la matrice
de Φ pour cette base (au départ) et pour la base canonique de Cn! (à l’arrivée) est la matrice M ci-dessus
où xi est remplacé par ui . On en déduit que Φ est un isomorphisme si, et seulement si, ϕ(disc(f )) ∈ C× ,
i.e. si f est séparable sur C.
Finalement faisons seulement l’hypothèse qu’une algèbre ϕ : k → C diagonalise A. Cela signifie que
l’on donne n! caractères AduC,ϕ(f ) → C qui mis ensemble donnent un isomorphisme de C-algèbres de
AduC,ϕ(f ) sur Cn! . Puisqu’il existe un caractère AduC,ϕ(f ) → C, ϕ(f )(T ) se factorise complètement dans
C. Enfin le discriminant de la base canonique de AduC,ϕ(f ) est ϕ(disc(f ))n!/2 et le discriminant de la
base canonique de Cn! est 1. Donc f est séparable sur C.
Ad de degré d est un k-module libre dont une base est l’ensemble des xα αn
1 . . . xn avec 0 6 αi < n − i et
1
def P
|α| = i αi = d. Le cardinal de cette base est le coefficient de degré d dans le polynôme S(t) ∈ Z[t] :
Qn i −1
S(t) = 1(1 + t)(1 + t + t2 ) · · · (1 + t + · · · + tn−1 ) = i=1 tt−1
En effet, un multi-indice (α1 , . . . , αn ) tel que 0 6 αi < n − i et |α| = d s’obtient en choisissant un monôme
tαn du polynôme 1 + t + · · · + tn−1 , un monôme tαn−1 du polynôme 1 + t + · · · + tn−2 et ainsi de suite, le
produit de ces monômes étant td . On obtient ainsi la série d’Hilbert-Poincaré SA (t) de A :
def P∞ ici P
SA (t) = i=0 dimk Ad td = 06αi <n−i t|α| = S(t)
Le polynôme S est un polynôme unitaire de degré e où
e = 1 + · · · + n − 1 = n(n − 1)/2
On a S(1) = n! conforme à S(1) = dimk A.
Variante : on pose B = k[S1 , . . . , Sn ] ⊂ C = k[X1 , . . . , Xn ] ; C est un B-module B /C
libre de base les X α = X1α1 · · · Xnαn avec 0 6 αi < n − i. Cette base est au dessus de
la base B(f ) de A sur k si l’on considère que l’on a un diagramme commutatif où k /A
chaque flèche verticale est une réduction modulo hS1 , . . . , Sn i.
On dispose d’un diagramme commutatif où chaque flèche verticale est une réduction C /D
modulo c. Il s’agit de déterminer la série d’Hilbert-Poincaré SC0 de C0 sachant que
l’on connait celles de D0 , C et D (puisque C et D sont des anneaux de polynômes et C0 / D0
D0 est l’algèbre de décomposition universelle de T n+m sur k).
De manière totalement élémentaire, on peut conduire les calculs de la manière suivante : on écrit
D = α,β CX α Y β donc
L
et l’on a également SD0 (t) = F (t)SC0 (t). On a vu dans l’exercice 7.7 que :
i Qm
1−tj 1−td
Qn Qn+m
F (t) = i=1 1−t1−t j=1 1−t , SD0 (t) = d=1 1−t
On note alors Sd (t) = (1 − td )/(1 − t) ; c’est un polynôme de degré d − 1 et Sd (1) = d. On a donc obtenu
S1 S2 · · · Sn+m
SC0 (t) =
S1 S2 · · · Sn S1 S2 · · · Sm
avec
(n+m−1)(n+m)−(n−1)n−m(m−1)
deg SC0 = 2 = nm
n+m
ce qui prouve que C0k = 0 pour k > nm. A noter que dimk C0 = SC0 (1) =
n .
Exercice 7.9 Pour chaque i ∈ J1..pK la restriction ϕ : k[xi ] → k[α] est un isomorphisme. Considérons
l’idéal
m = hxi − xj , i, j ∈ J1..pKi = hx1 − xi , i ∈ J2..pKi .
Alors A = k[x1 ] ⊕ m, d’où m = Ker ϕ.
En fait on peut voir A comme l’algèbre de décomposition universelle Aduk[x1 ],g pour le polynôme
g(T ) = f (T )/(T − x1 ) = (T − x1 )p−1 sur l’anneau k[x1 ] ce qui nous ramène à l’exercice 7.7. En particulier
m1+(p−1)(p−2)/2 = 0, DA (0) = Dk[x1 ] (0) ⊕ m et Rad(A) = Rad(k[x1 ]) ⊕ m.
302 7. La méthode dynamique
Exercice 7.10
1. L’opération b ← 5b, c ← 4c a pour but de remplacer 44 b5 + 55 c4 par 44 55 (b5 + c4 ) ; en imposant
c = ±b, on obtient 44 55 b4 (b + 1) qu’il est facile de rendre carré en imposant 5(b + 1) = a2 . Pour éviter le
dénominateur 5, on impose plutôt 5(b + 1) = (5a)2 , i.e. b = 5a2 − 1.
2. Pour a ∈ Q? , le polynôme fa (T ) ∈ Q[T ] est séparable. Modulo les petits nombres premiers on trouve
les décompositions de f1 (T ) = T 5 + 20T + 16ε, ε ∈ {±1}, en facteurs irréductibles suivantes :
mod 2 : T 5
mod 3 : f1 (T )
mod 5 : (T + ε)5
mod 7 : (T + 2ε)(T + 3ε)(T 3 + 2εT 2 + 5T + 5ε)
Le résultat modulo 3 prouve que f1 (T ) est irréductible sur Z. Son groupe de Galois G est un sous-groupe
transitif de A5 qui contient un 3-cycle (vu la réduction modulo 7) ceci implique G = A5 : un sous-groupe
transitif de S5 contenant un 3-cycle est égal à S5 ou A5 . En ce qui concerne Q(a) comme corps de base, le
polynôme fa (T ) est irréductible dans Q[a][T ] puisque sa réduction modulo a = 1 l’est dans Q[T ] ; donc il
est irréductible dans Q(a)[T ]. En utilisant le fait que son discriminant est un carré et la réduction modulo
a = 1, on obtient que son groupe de Galois est A5 .
La lectrice pourra se poser la question suivante : est-ce que pour tout a ∈ Z \ {0}, fa (T ) est irréductible
de groupe de Galois A5 ?
Expérimentation posssible.
Voici la répartition des types de permutation des sous-groupes transitifs de S5 .
Pour les 7 types qui apparaissent dans S5 , on utilise les notations suivantes :
t1 = (15 ), t2 = (2, 13 ), t22 = (22 , 1), t3 = (3, 12 ), t3,2 = (3, 2), t4 = (4, 1), t5 = (5)
Ainsi t22 est le type des double-transpositions, t3 celui des 3-cycles, etc. . . La table annoncée :
G C5 ASL1 (F5 ) AGL1 (F5 ) A5 S5
#G 5 10 20 60 120
Exercice 7.12 On note que les yi − yj pour i 6= j sont inversibles, et que ceci reste vrai dans tout
quotient de Galois.
Commentaires bibliographiques
Les versions que nous avons données du Nullstellensatz (( sans côture algébrique )) se trouvent
sous une forme voisine dans [MRR, VIII.2.4,VIII.3.3].
La difficulté intrinsèque du problème de l’isomorphisme de deux clôtures algébriques d’un
corps est illustrée dans [152, Sander, Theorem 26], qui montre que, en présence du tiers exclu
mais en l’absence d’axiome du choix dépendant, il est impossible de démontrer dans ZF que deux
clôtures algébriques de Q sont isomorphes.
Le traitement de la théorie de Galois basé sur les quotients de Galois de l’algèbre de décom-
position universelle remonte au moins à Jules Drach [61, 1898] et à Ernest Vessiot [174, 1904].
Voici un extrait de l’introduction de ce dernier article, qui parle dans le langage de l’époque des
quotients de Galois de l’algèbre de décomposition universelle :
304 7. La méthode dynamique
(( Étant donnée une équation algébrique, que l’on considère comme remplacée par le système
(S) des relations entre les racines x1 , . . . , xn et les coefficients, on étudie d’abord le problème
fondamental suivant : Quel parti peut-on tirer de la connaissance de certaines relations (A) entre
x1 , . . . , xn , en n’employant que des opérations rationnelles ? Nous montrons que l’on peut déduire
du système (S, A) un système analogue, dont le système (S, A) admet toutes les solutions, et qui
est, comme nous le disons, automorphe : ce qui veut dire que ses diverses solutions se déduisent
de l’une quelconque d’entre elles par les substitutions d’un groupe G, qui est dit le groupe associé
au système, ou simplement le groupe du système. On remarquera que S est déjà un système
automorphe, ayant le groupe général pour groupe associé. Dès lors, si l’on se place du point
de vue de Galois, . . . on voit que l’on peut se limiter à ne considérer que des systèmes (S, A)
rationnels et automorphes. ))
L’algèbre de décomposition universelle est traitée de manière assez détaillée dans le chapitre
2 du livre [Pohst & Zassenhaus, 1989].
Parmi les bons exposés modernes qui exposent toute la théorie classique de Galois, on peut
citer [Tignol] et [Cox].
La (( théorie de Galois dynamique )) exposée en détail dans ce chapitre est présentée dans [55,
Díaz-Toca] et [59, 60, Díaz-Toca&al.].
Concernant le théorème 7.11 page 283 sur les points fixes de Sn dans l’algèbre de décompo-
sition universelle, le cas (( f séparable )) fait partie du folklore. On le trouve avec une preuve
voisine de celle donnée ici dans la thèse de Lionel Ducos [62]. Nous en avons donné une autre
preuve dans le théorème 3.6 page 80 pour le cas des corps discrets. Le raffinement que nous
donnons se trouve dans [59], il est inspiré de [Pohst & Zassenhaus] (voir le théorème 2.18 page
46, corollaire 3.6 page 49 et la remarque qui le suit, page 50).
Le théorème 7.16 page 285, publié dans [59] sous une hypothèse restrictive, généralise un
résultat donné séparément dans le cas de l’algèbre de décomposition universelle sur un corps par
L. Ducos [63] et par P. Aubry et A. Valibouze [2]. Notre méthode de preuve se rapproche plus de
celle de L. Ducos, mais elle est différente car le cadre est plus général : nous avons à la base un
anneau commutatif arbitraire.
La lectrice trouvera une version voisine du théorème 7.14 page 284 dans [62, lemme II.4.1].
Concernant les méthodes explicites de calcul de groupes de Galois sur Q récemment dévelop-
pées en calcul formel on pourra consulter [81, Geissler&Klüners].
La méthode modulaire, popularisée par van der Waerden est due à Dedekind (lettre adressée
à Frobenius le 18 juin 1882, voir [20, Brandl]).
Les méthodes de Stauduhar [160] et Soicher-McKay [159] sont basées sur des calculs de
résolvantes et sur la connaissance des sous-groupes transitifs des groupes Sn . Ceux-ci ont été
tabulés jusqu’à n = 31 [98, Hulpke]. Dans la plupart des algorithmes existants le calcul détermine
le groupe de Galois d’un polynôme irréductible, sans calculer le corps des racines. Voir cependant
[108, Klüners&Malle] et [2, 131, 173, Valibouze&al.].
Citons par ailleurs le résultat remarquable [111, Landau&Miller] de calculabilité en temps
polynomial concernant la résolubilité par radicaux.
Alan Steel [161, 162] s’est inspiré de D5 pour implémenter une très performante clôture
algébrique (( dynamique )) de Q en Magma. L’efficacité tient à ce qu’il n’utilise pas d’algorithme
de factorisation des polynômes de Z[X], ni de représentation des extensions finies au moyen
d’éléments primitifs. Il utilise néanmoins des algorithmes de factorisation modulo p pour contrôler
le processus. Le processus est dynamique dans la mesure où la clôture construite progressivement
dépend des questions de l’utilisateur. L’auteur ne donne cependant pas (et il ne pourrait pas le
faire dans le cadre qu’il se fixe) une implémentation du corps de racines d’un polynôme (disons
séparable pour simplifier) sur un corps (( général )).
Pour le système de calcul formel Magma on peut se référer à [19, 27, Bosma&al.].
8. Modules plats
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
8.1 Premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
Principe local-global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307
Autres caractérisations de la platitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 308
8.2 Modules plats de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311
8.3 Idéaux principaux plats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313
8.4 Idéaux plats de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
Anneaux arithmétiques et anneaux de Prüfer . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
Principe local-global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316
Machinerie locale-globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316
8.5 Algèbres plates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317
8.6 Algèbres fidèlement plates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Introduction
Chers éléments,
si vous n’êtes pas libres,
ce n’est pas de ma faute.
Un module plat.
La platitude est une notion fondamentale de l’algèbre commutative, introduite par Serre
dans [155].
Dans ce chapitre nous introduisons les notions de module plat, d’algèbre plate et d’algèbre
fidèlement plate et démontrons quelques unes des propriétés essentielles de ces objets.
Un anneau intègre dont les idéaux de type fini sont plats est appelé un domaine de Prüfer.
C’est une autre notion fondamentale de l’algèbre commutative. Elle est seulement introduite ici
et sera développée dans le chapitre 12.
(8.1) GY = X et LG = 0 .
306 8. Modules plats
3. Le A-module M est appelé un module plat si toute relation de dépendance linéaire dans
M s’explique dans M . (En langage intuitif : s’il y a une relation de dépendance linéaire
entre éléments de M ce n’est pas la faute au module.)
les aai = 0, donc u = 0. Il suffit donc qu’un module contienne un élément qui annule un élément
régulier de l’anneau pour qu’il ne soit pas plat.
4) (suite) Le sous-module de torsion d’un module M est le module
N = { x ∈ M | ∃a ∈ Reg(A), ax = 0 } ,
où Reg(A) désigne le filtre des éléments réguliers de A. Ce sous-module de torsion est le noyau
de l’homomorphisme d’extension des scalaires à Frac A pour le module M . Si un module est
plat son sous-module de torsion est réduit à 0. Lorsque l’anneau A est intègre, on dit qu’un
module est sans torsion si son sous-module de torsion est réduit à 0. Nous donnons plus loin
une généralisation de la notion de module sans torsion pour un anneau commutatif arbitraire
(définition 8.3.3).
5) Nous verrons (proposition 8.4.2) qu’un idéal de type fini a plat est localement principal, ce
qui implique 2 a = 0 (théorème 5.9 page 181). Ainsi, lorsque A est intègre, avec B = A[x, y]
V
V2
l’idéal a = hx, yi est un exemple de B-module sans torsion, mais pas plat (puisque B a = A
x
d’après l’exemple page 138). En fait, la relation [ y − x ] = 0 ne s’explique pas dans a, mais
y
dans B.
La proposition qui suit dit que l’(( explication )) qui est donnée pour la relation de dépendance
linéaire LX = 0 dans la définition d’un module plat s’étend à un nombre fini de relations de
dépendance linéaire.
Proposition 8.1.2 Soit M un A-module plat et une famille de k relations de dépendance liné-
aire écrites sous la forme LX = 0 où L ∈ Ak×n et X ∈ M n×1 . Alors on peut trouver un entier
m, un élément Y ∈ M m×1 et une matrice G ∈ An×m qui vérifient :
GY = X et LG = 0
Une reformulation de la proposition 8.1.2 dans le langage catégorique est le théorème suivant.
La démonstration est un exercice de traduction laissé au lecteur.
1. M est plat.
2. Toute application linéaire d’un module de présentation finie P vers M se factorise par un
module libre de rang fini L.
Théorème 8.2 Un A-module M est de présentation finie et plat si, et seulement si, il est
projectif de type fini.
J La condition est nécessaire d’après la remarque qui suit. Elle est suffisante, car l’identité de
M se factorise par un A-module libre L de rang fini. Alors la composée L → M → L est une
projection d’image isomorphe à M . I
Il est immédiat que le A-module M ⊕ N est plat si, et seulement si, M et N sont plats.
On a un peu mieux.
Proposition 8.1.3 Soit N ⊆ M deux A-modules. Si N et M/N sont plats, alors M est plat.
J On écrit x pour l’objet x (défini sur M ) vu modulo N . Considérons une relation de dépendance
linéaire LX = 0 dans M . Puisque M/N est plat, on obtient G sur A et Y sur M tels que LG = 0
et GY = X. Considérons le vecteur X 0 = X − GY sur N . On a LX 0 = 0, et puisque N est plat
on obtient H sur A et Z sur N tels que LH = 0 et HZ = X − GY .
Y I
Ainsi la matrice G H et le vecteur expliquent la relation LX = 0.
Z
Principe local-global
La platitude est une notion locale au sens suivant.
J Le (( seulement si )) est donné par le fait 8.1.4. Voyons l’autre implication. Soit LX = 0 une
relation de dépendance linéaire entre éléments de M (où L ∈ A1×n et X ∈ M n×1 ). On cherche
m ∈ N, Y ∈ M m×1 et une matrice G ∈ An×m qui vérifient l’équation (8.1). On a une solution
(mi , Yi , Gi ) pour (8.1) dans chaque localisé ASi . On peut écrire Yi = Zi /si , Gi = Hi /si avec
Zi ∈ M mi ×1 , Gi ∈ An×mi et des si ∈ Si convenables. On a alors ui Zi Hi = vi X dans M et
ui LHi = 0 dans A pour certains ui et vi ∈ Si . On écrit ri=1 bi vi = 1 dans A. On prend pour G
P
dans A. I
308 8. Modules plats
(8.2) GY = X et LG = 0 .
On notera que de manière générale l’égalité L GY = LG Y est assurée pour toute matrice
G à coefficients dans A parce que a ⊗ αy = aα ⊗ y pour a ∈ N , y ∈ M et α ∈ A.
Proposition 8.1.6 Soient M et N deux A-modules. Si M est un A-module plat toute relation
de dépendance linéaire à coefficients dans N s’explique dans M .
i bi ⊗ xi + ` c` ⊗ z` = 0
P P
dans P ⊗ M . On constate alors que lorsque l’on explique dans M cette relation de dépendance
linéaire (portant sur les xi et les z` ) à coefficients dans le module libre P , on explique par la
même occasion la relation de dépendance linéaire L X = 0 à coefficients dans N .
Cas d’un A-module N arbitraire. Une relation de dépendance linéaire L X = i ai ⊗ xi = 0
P
provient d’un calcul fini, dans lequel n’interviennent qu’un nombre fini d’éléments de N et de
relations entre ces éléments. Cela signifie qu’il existe un module de présentation finie N 0 , une
application linéaire ϕ : N 0 → N et des bi ∈ N 0 tels que d’une part ϕ(bi ) = ai (i ∈ J1..nK) et
d’autre part i bi ⊗xi = 0 dans N 0 ⊗M . On constate alors que lorsque l’on explique dans M cette
P
relation de dépendance linéaire à coefficients dans N 0 (lequel est un module de présentation finie),
on explique par la même occasion la relation de dépendance linéaire L X = 0 à coefficients
dans N . I
8.1. Premières propriétés 309
Il s’agit en fait d’une égalité si l’on identifie les modules avec des sous-modules de N ⊗ M via les
applications linéaires naturelles injectives.
J La suite exacte
Tr Lr
0→ i=1 Ni →N → i=1 (N /Ni )
est préservée par le produit tensoriel avec M et (N /Ni ) ⊗ M s’identifie à (N ⊗ M )/(Ni ⊗ M ) .
I
Corollaire 8.1.10 (extension des scalaires) Soit ρ : A → B une algèbre. Si M est un A-module
plat, alors ρ∗ (M ) est un B-module plat.
y /y /0
L’implication réciproque est du même style et laissée au lecteur. I
Corollaire 8.1.12 (une algèbre plate) Soit f ∈ A[X] = A[X1 , . . . , Xn ] et A[x] = A[X]/hf i.
Alors le A-module A[x] est plat si, et seulement si, c(f )2 = c(f ), c’est-à-dire si, et seulement si,
l’idéal c(f ) est engendré par un idempotent.
J D’après la proposition 8.1.11 le A-module quotient A[x] est plat si, et seulement si, pour tout
idéal de type fini a de A on a
hf i ∩ a[X] = f a[X]
Si A[x] est plat, on obtient en particulier pour a = c(f ), puisque f ∈ hf i ∩ a[X], que c(f )2 = c(f ).
Réciproquement, supposons c(f )2 = c(f ) et montrons que A[x] est plat. L’idempotent e tel que
hei = hc(f )i scinde l’anneau en deux composantes. Dans la première on a f = 0, et le résultat
est clair. Dans la seconde, f est primitif.
On suppose maintenant f primitif. D’après le lemme de Dedekind-Mertens2 , pour tout A-module
×f
M l’application A-linéaire M [X] −−→ M [X] est injective. Appliqué à M = A/a, cela donne
l’encadré. En effet, M [X] = A[X]/a[X] ; supposons g ∈ hf i ∩ a[X], alors g = f h pour un
×f
h ∈ A[X] et h est dans le noyau de A[X]/a[X] −−→ A[X]/a[X] donc h = 0, i.e. h ∈ a[X], et
g ∈ f a[X]. I
2. En fait, il s’agit d’une variante, avec essentiellement la même démonstration, que nous laissons à la lectrice.
8.2. Modules plats de type fini 311
Lemme 8.2.3 Même contexte que dans le lemme 8.2.1. Si A est un anneau local et M est
plat, on obtient sous l’hypothèse LX = 0 l’alternative suivante : L = 0 ou l’un des xi dépend
linéairement des autres (il peut donc être supprimé dans la liste des générateurs de M ).
La même démonstration dans le cas d’un anneau arbitraire donne le résultat suivant.
Lemme 8.2.4 Même contexte que dans le lemme 8.2.1. Si M est plat et LX = 0 il existe des
éléments comaximaux s1 , . . . , s` tels que sur chacun des anneaux A[ s1j ] on a L = 0 ou l’un des
xi est une combinaison linéaire des autres.
Fait∗ 8.2.5 Un module plat de type fini sur un anneau local est libre et une base peut être extraite
de n’importe quel système générateur.
Fait∗ 8.2.6 Un module plat de type fini sur un anneau intègre est projectif de type fini.
Proposition 8.2.7 Soit A un anneau local et M un A-module de type fini plat engendré par
x1 , . . . , xn . Supposons que M soit fortement discret ou que l’existence de relations de dépendance
linéaire non triviales soit explicite dans M . Alors M est librement engendré par une suite finie
xi1 , . . . , xik (avec k > 0).
J Supposons d’abord que M soit fortement discret, on peut alors trouver une suite finie d’entiers
1 6 i1 < · · · < ik 6 n (où k > 0) tels que aucun des xi` ne soit une combinaison linéaire des
autres et tels que xi1 , . . . , xik engendrent M . Pour simplifier les notations, on suppose donc
désormais que k = n, i.e., aucun des xi n’est combinaison linéaire des autres. Le lemme 8.2.3
nous dit alors que toute relation de dépendance linéaire entre les xi est triviale.
Supposons maintenant que l’existence de relations de dépendance linéaire non triviales soit
explicite dans M , c’est-à-dire que pour toute famille d’éléments de M , on sache dire s’il y a une
relation de dépendance linéaire non triviale entre ces éléments et en fournir une le cas échéant.
Alors en utilisant le lemme 8.2.3 on peut supprimer un à un les éléments superflus dans la famille
(xi ) sans changer le module M , jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une sous-famille sans relation de
dépendance linéaire non triviale (un cas limite est fourni par la partie vide lorsque le module est
nul). I
Commentaire. Notez que la preuve utilise l’hypothèse (( M est fortement discret )), ou (( l’exis-
tence de relations de dépendance linéaire non triviales est explicite dans M )) uniquement avec
des familles extraites du système générateur (xi ). Par ailleurs chacune de ces hypothèses est
trivialement vraie en mathématiques classiques.
Proposition 8.2.8 Soit A un anneau intègre et M un A-module de type fini plat engendré par
x1 , . . . , xn . Supposons que pour toute partie finie J de J1..nK l’existence de relations de dépendance
linéaire non triviales entre (xj )j∈J soit explicite dans M (autrement dit, en passant au corps des
fractions on obtient un espace vectoriel de dimension finie). Alors M est projectif de type fini.
J En utilisant le lemme 8.2.4 on obtient que ou bien (x1 , . . . , xn ) est une base, ou bien après
localisation en des éléments comaximaux le module est engendré par n − 1 des xj . On conclut
par récurrence sur n : en effet les relations de dépendance linéaire après localisation en s avec
s 6= 0 sont les mêmes que celles sur A. Notez que pour n = 1, on obtient que ou bien (x1 ) est
une base, ou bien x1 = 0. I
Un anneau intègre (en particulier un corps discret) est sans diviseur de zéro. Un anneau
discret sans diviseur de zéro est intègre. Un anneau non trivial est intègre si, et seulement si, il
est discret et sans diviseur de zéro.
J En appliquant le lemme 8.2.1 on obtient le point 1. Le calcul pour le point 2. en résulte, car z
ou 1 − z est inversible. La suite est claire. I
On a de même :
Lemme 8.3.2 Soit A un anneau commutatif. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. Tout idéal principal de A est plat.
2. Si xy = 0 on a Ann x + Ann y = A.
3. Si xy = 0 il existe des monoïdes comaximaux Si tels que dans chacun des localisés ASi , x
ou y devient nul.
4. Si xy = 0 il existe z ∈ A avec zy = 0 et xz = x.
5. ∀x, y ∈ A, Ann xy = Ann x + Ann y.
La propriété pour un anneau d’être sans diviseur de zéro se comporte mal par recollement et
celle pour un module d’être plat se comporte bien par localisation et recollement. Cela justifie la
définition suivante :
314 8. Modules plats
Définition 8.3.3
1. Un anneau A est dit localement sans diviseur de zéro lorsqu’il vérifie les propriétés équi-
valentes du lemme 8.3.2.
2. Un A-module M est dit sans torsion lorsque tous ses sous-modules monogènes sont plats
(voir le lemme 8.3.1).
Remarques.
1) Le sous-module de torsion d’un module sans torsion est réduit à 0. Notre définition est donc un
peu plus contraignante que celle, plus usuelle, qui dit qu’un module est sans torsion lorsque son
module de torsion est réduit à 0. On notera que les deux définitions coïncident lorsque l’anneau
A est quasi intègre.
2) Tout sous-module d’un module sans torsion est sans torsion, ce qui n’est pas le cas en général
lorsque l’on remplace (( sans torsion )) par (( plat )).
3) Un anneau localement sans diviseur de zéro est réduit.
4) Dans la littérature de langue anglaise, on trouve parfois l’appellation (( pf-ring )) (principal
ideals are flat) pour un anneau localement sans diviseur de zéro.
5) Le corps des réels n’est pas sans diviseur de zéro ni localement sans diviseur de zéro : c’est un
anneau local pour lequel on ne sait pas réaliser explicitement l’implication (8.3).
Lemme 8.3.4 Soit A un anneau localement sans diviseur de zéro et M un A-module plat.
1. M est sans torsion.
2. L’annulateur (0 : y) de n’importe quel y ∈ M est idempotent.
En utilisant le point 2. du lemme 8.3.4 et le fait qu’un idéal de type fini idempotent est
engendré par un idempotent (lemme 2.4.5) on obtient le résultat qui suit.
Fait 8.3.5 Soit A un anneau dans lequel l’annulateur de tout élément est de type fini.
1. A est localement sans diviseur de zéro si, et seulement si, il est quasi intègre.
2. A est sans diviseur de zéro si, et seulement si, il est intègre.
En particulier un anneau cohérent localement sans diviseur de zéro est quasi intègre.
1. Si a est principal il est engendré par l’un des xj . (Bezout toujours trivial sur un anneau
local)
2. Si a est plat, il est principal, engendré par l’un des xj .
3. Supposons que A soit discret ou que l’on ait un test pour répondre à la question (( x est-il
régulier ? )). Alors un idéal de type fini est plat si, et seulement si, il est libre de rang 0
ou 1.
Rappelons qu’un idéal de type fini a d’un anneau A est dit localement principal s’il existe des
monoïdes comaximaux S1 , . . . , Sn de A tels que chaque aSj est principal dans ASj . La proposition
qui suit montre que tout idéal de type fini plat est localement principal. Sa démonstration est
directement issue de celle donnée dans le cas local.
J L’équivalence entre 1a) et 1c) est donnée par le théorème 8.3 page 309 (point 3.). L’équivalence
de 1a) et 1b) est immédiate, on sait déjà que 1a) ⇒ 2a) et l’implication 2a) ⇒ 2b) est claire.
2b) ⇒ 2a). Soient x, y tels que xy = 0. Il existe s, t avec s + t = 1 et sx ∈ hyi, ty ∈ hxi ; donc
sx2 = 0 et ty 2 = 0 puis (A réduit) sx = ty = 0.
2a) ⇒ 1a). Après des localisations convenables, l’idéal devient principal, et donc plat, puisque
l’anneau est localement sans diviseur de zéro. On termine par le principe local-global concret 8.1
pour les modules plats. I
Principe local-global
Différentes notions introduites précédemment sont locales au sens du principe local-global
concret suivant. Les preuves sont basées sur le principe local-global de base et laissées au lecteur.
Machinerie locale-globale
Un ensemble ordonné (E, 6) est dit totalement ordonné si pour tous x, y on a x 6 y ou
y 6 x. A priori on ne le suppose pas discret et l’on n’a donc pas de test pour l’inégalité stricte.
Pour les anneaux locaux on obtient d’après la proposition 8.4.1.
Ainsi les anneaux locaux arithmétiques sont la même chose que les anneaux de Bezout locaux.
Ils ont déjà été étudiés dans la section 4.7 page 145.
La facilité à démontrer des propriétés pour les anneaux arithmétiques tient en grande partie
à la machinerie locale-globale suivante.
Machinerie locale-globale des anneaux arithmétiques
Lorsque l’on doit prouver une propriété concernant un anneau arithmétique et qu’une famille finie
d’éléments (ai ) de l’anneau intervient dans le calcul, on commence par démontrer le résultat dans
le cas local. On peut donc supposer que les idéaux hai i sont totalement ordonnés par inclusion.
8.5. Algèbres plates 317
Dans ce cas la preuve est en général très simple. Par ailleurs puisque l’anneau est arithmétique
on sait que l’on peut se ramener à la situation précédente après localisation en un nombre fini
d’éléments comaximaux. On peut donc conclure si la propriété à démontrer obéit à un principe
local-global concret.
Voici une application de cette machinerie.
J Si A est un anneau arithmétique local la matrice admet une forme réduite de Smith (proposition
4.7.2) et des idéaux principaux convenables ai existent.
L’algorithme qui produit la forme réduite de Smith dans le cas local et la machinerie locale-
globale des anneaux arithmétiques précédente nous fournissent un système d’éléments comaximaux
s1 , . . . , sr tel que, sur chaque A[1/si ], la matrice M admet une forme réduite de Smith. On
pose a1 = d1 .
L’inclusion d2 ⊆ a21 = d1 a1 , qui est vraie dans chaque A[1/si ], est vraie dans A. Donc il existe
un idéal de type fini a2 vérifiant d2 = d1 a1 a2 (lemme 5.6.6 1.).
De même l’inclusion d3 ⊆ d2 a1 a2 , qui est vraie dans chaque A[1/si ], est vraie dans A. Donc il
existe un idéal de type fini a3 vérifiant d3 = d2 a1 a2 a3 .
On continue de la même manière jusqu’à dp . I
Nous reviendrons plus longuement sur les anneaux arithmétiques et les anneaux de Prüfer
dans le chapitre 12.
Fait 8.5.2
Une A-algèbre B est plate si, et seulement si, B est un A-module plat.
Lemme 8.5.3
1. Tout homomorphisme de localisation A → B ' S −1 A fournit une A-algèbre plate.
2. Si S1 , . . . , Sn sont des monoïdes comaximaux de A et si B = i ASi avec ρ : A → B
Q
Dans la proposition qui suit, analogue des propositions 2.3.1 (pour les anneaux cohérents)
et 8.1.2 (pour les modules plats), on passe d’une équation à un système d’équations. Pour
alléger le texte, on fait comme si l’on avait A ⊆ B (même si B est seulement supposée plate),
autrement dit on ne précise pas que quand on passe dans B tout doit être transformé au moyen
de l’homomorphisme ρ : A → B.
J Les définitions des A-algèbres plates et fidèlement plates concernent les systèmes linéaires
avec une seule équation. Pour résoudre un système linéaire général on applique la technique
usuelle : on commence par résoudre la première équation, puis on porte la solution générale de la
première équation dans la seconde, et ainsi de suite. I
Proposition 8.5.5
ρ
Soit A −→ B une A-algèbre plate et a, b deux idéaux de A.
1. L’application B-linéaire naturelle ρ? (a) → ρ(a)B est un isomorphisme.
Dans la suite on identifie ρ? (c) avec l’idéal ρ(c)B pour tout idéal c de A.
2. On a ρ? (a ∩ b) = ρ? (a) ∩ ρ? (b).
3. Si en outre a est de type fini, on a ρ? (b : a) = (ρ? (b) : ρ? (a)).
J Les deux premiers points résultent des faits analogues concernant les modules plats (théo-
rème 8.3 page 309 point 4. et corollaire 8.1.9).
3. Si a = ha1 , . . . , an i alors b : a = i (b : ai ), donc vu le point 2. on est ramené au cas d’un idéal
T
on fait le produit tensoriel par B et l’on obtient la suite exacte (utiliser la platitude et le fait 4.4.7)
ρ(a)
0 → ρ? (b : a) −−→ B −−−→ B/ρ? (b)
qui donne le résultat voulu. I
Théorème 8.5 Soit ρ : A → B une algèbre. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. B est une A-algèbre plate.
2. B est un A-module plat.
3. Pour tout A-module plat M , le A-module ρ∗ (M ) est plat.
4. Pour tout idéal de type fini a de A, l’application A-linéaire canonique
B ⊗A a ' ρ? (a) → aB
est un isomorphisme.
5. Pour tous A-modules N ⊆ M l’application B-linéaire ρ? (N ) → ρ? (M ) est injective.
6. Pour toute application A-linéaire ψ : M → P , l’application B-linéaire naturelle
ρ∗ (Ker(ψ)) −→ Ker(ρ∗ (ψ)) est un isomorphisme.
f g
7. Pour toute suite exacte de A-modules M −→ N −→ P la suite
ρ∗ (f ) ρ∗ (g)
ρ∗ (M ) −−−→ ρ∗ (N ) −−−→ ρ∗ (P )
est une suite exacte de B-modules.
Le point 5. permet d’identifier ρ? (P ) à un sous-B-module de ρ? (Q) chaque fois que l’on a deux
A-modules P ⊆ Q et que B est plate sur A.
J Le lecteur vérifiera que les équivalences sont claires d’après ce que l’on sait déjà (fait 8.5.2,
théorème 8.3 page 309, corollaire 8.1.7). On notera que la proposition 8.5.4 donne le point 6.
dans le cas d’une application linéaire entre modules libres de rang fini. I
J Le point 1. implique que ρ est injectif. Une fois ceci acquis, 2a) est une simple reformulation
de 1., et 2a) est facilement équivalent à 2b).
3a) ⇒ 1. On commence par remarquer que l’implication est encore valable si l’on remplace l’idéal
de type fini a par un idéal arbitraire c. En effet, si 1 ∈ ρ? (c) on aura également 1 ∈ ρ? (c0 ) pour
un idéal de type fini c0 contenu dans c. Soit maintenant a = ha1 , . . . , an i et c ∈ A. L’équation
∈ a, i.e. 1 ∈ (a : c)A . Puisque B est plate on
P
i ai xi = c admet une solution si, et seulement si, cP
a (ρ? (a) : ρ(c))B = ρ? (a : c) (proposition 8.5.5). Si i ρ(ai )yi = ρ(c) admet une solution dans B,
8.6. Algèbres fidèlement plates 321
alors 1 ∈ (ρ? (a) : ρ(c))B , donc l’hypotèse 3a) implique que 1 ∈ (a : c), i.e. que
P
i ai xi = c admet
une solution dans A.
Les implications 3e) ⇒ 3d) ⇒ 3b) sont triviales.
3d) ⇒ 3c). On considère le module M/N . Le module ρ? (N ) s’identifie à un sous-module de
ρ? (M ) et ρ? (M /N ) s’identifie à ρ? (M )/ρ? (N ) . On conclut.
3c) ⇒ 3d). On prend N = 0.
3a) ⇔ 3b). Mêmes raisonnements.
1. ⇒ 3e). On identifie A à un sous-anneau de B. Soit x ∈ M tel que 1 ⊗ x = 0 dans ρ? (M ).
Puisque B est un A-module plat, cette relation de dépendance linéaire s’explique dans le A-mo-
dule B : il existe u1 , . . . , un ∈ B et a1 , . . . , an ∈ A tels que i ai ui = 1 et ai x = 0 pour i ∈ J1..nK.
P
P
L’équation en les yi i ai yi = 1 admet une solution dans B donc elle en admet une dans A.
D’où x = 0.
4. ⇒ 3d). On fait N = P = 0 dans la suite N → M → P . Elle est exacte après extension des
scalaires à B, donc elle est exacte.
1. ⇒ 4. On suppose que la suite de B-modules est exacte. On doit montrer que la suite de
A-modules est exacte. Tout d’abord g ◦f = 0, car l’application B-linéaire P → ρ? (P ) est injective,
et les diagrammes commutent. Ensuite puisque B est plate, on peut identifier ρ? (Ker g) avec
Ker ρ? (g) et ρ? (Im f ) avec Im ρ? (f ). On est ramené au point 3c). I
Vue le théorème 8.4 page 311, comme conséquence de la caractérisation 2a) on obtient le théorème
suivant.
Théorème 8.7 Toute extension d’un corps discret ou d’un anneau zéro-dimensionnel réduit est
fidèlement plate.
J On a k ⊆ A avec k zéro-dimensionnel réduit. On sait que l’extension est plate par le théo-
rème 8.4 page 311. On doit montrer que si a est un idéal de type fini de k, alors aA ∩ k = a.
Or a = hei pour un idempotent e ; l’appartenance d’un élément x à un idéal hei (e idempotent)
étant caractérisée par l’égalité x = xe, elle est indépendante de l’anneau. Dit autrement pour
tout idempotent e d’un anneau B et un sur-anneau B0 ⊇ B, on a eB0 ∩ B = eB. I
Corollaire 8.6.1 Soit ρ un homomorphisme plat entre anneaux locaux. Il est fidèlement plat si,
et seulement si, il réfléchit les unités, i.e. ρ−1 (B× ) = A× .
Un homomorphisme entre anneaux locaux qui réfléchit les unités est appelé un homomorphisme
local.
Les démonstrations des deux faits qui suivent résultent de considérations simples sur la
préservation et sur la (( réflection )) des suites exactes. Les détails sont laissés à la lectrice.
Le théorème suivant généralise les principes local-globals concrets qui affirment le caractère
local (au sens constructif) de certaines propriétés de finitude pour les modules.
J Dans les points 1., 2., 4., 5., on sait déjà que n’importe quelle extension des scalaires préserve
la propriété concernée. Il nous reste donc à prouver les réciproques.
f g
1. On considère une suite exacte N −→ Q −→ P de A-modules. On veut montrer qu’elle est
exacte après tensorisation par M . On sait qu’elle est exacte après tensorisation par B ⊗ M . Or
B ⊗ • réfléchit les suites exactes.
2. On considère des éléments yi ∈ ρ? (M ) (i ∈ J1..nK) qui engendrent ce module. Ces éléments
sont fabriqués comme combinaisons B-linéaires d’une famille finie d’éléments 1 ⊗ xj (xj ∈ M ,
j ∈ J1..mK). Cela implique que l’application A-linéaire ϕ : Am → M qui envoie la base canonique
sur (xj )j∈J1..mK est surjective après tensorisation par B. Or B est fidèlement plate, donc ϕ est
surjective.
3. Soit N = Ax1 + · · · + Axn un sous-module de type fini de M . On considère l’applica-
tion A-linéaire surjective An → N correspondante, on note K son noyau. La suite exacte
0 → K → An → N → 0 donne par extension des scalaires une suite exacte (ceci parce que B est
plate). Puisque ρ? (M ) est cohérent, ρ? (K) est de type fini. Il reste à appliquer le point 2.
4. Même raisonnement qu’au point 3.
5. Un module est projectif de type fini si, et seulement si, il est plat et de présentation finie.
6. On considère une suite croissante (Nk )k∈N de sous-modules de type fini de M et l’on étend les
scalaires à B. Deux termes consécutifs ρ? (N` ) et ρ? (N`+1 ) sont égaux. Puisque B est fidèlement
plate on a aussi N` = N`+1 . I
Le théorème suivant généralise les principes local-globals concrets qui affirment le caractère
local (au sens constructif) de certaines propriétés de finitude pour les algèbres.
8.6. Algèbres fidèlement plates 323
Théorème 8.9 ϕ
A /C
Soit ρ : A → B une A-algèbre fidèlement plate, ϕ : A → C O
une A-algèbre et D = ρ? (C) la B-algèbre fidèlement plate ρ O ρ?
O
obtenue par extension des scalaires. /D
B ρ? (ϕ)
Pour que C possède une des propriétés ci-dessous en tant qu’A-algèbre il faut et suffit que D
possède la même propriété comme B-algèbre :
– finie (comme module),
– de présentation finie comme module,
– strictement finie,
– plate,
– fidèlement plate,
– strictement étale,
– séparable,
– de type fini (comme algèbre),
– de présentation finie (comme algèbre).
J Les trois premières propriétés sont des propriétés de modules et relèvent donc du théorème 8.8
page précédente.
Algèbres plates, fidèlement plates. On applique les faits 8.6.2 et 8.6.3.
Algèbres strictement étales. On a déjà l’équivalence pour le caractère strictement fini. Si B est
libre sur A on utilise le fait que le discriminant se comporte bien par extension des scalaires, et
l’on conclut en utilisant le fait qu’une extension fidèlement plate réfléchit les unités.
Dans le cas général on se ramène au cas libre par localisation en des éléments comaximaux, ou
bien l’on invoque le théorème 6.21 page 235 : une algèbre strictement finie est séparable si, et
seulement si, elle est strictement étale.
Algèbres séparables. On regarde le diagramme commutatif dans le fait 6.6.7 (attention, les noms
changent). La flèche verticale de droite est obtenue par extension des scalaires fidèlement plate à
partir de celle de gauche. Elles sont donc simultanément surjectives.
Algèbres de type fini. Le fait d’être de type fini ou de présentation finie est préservé par n’importe
quelle extension des scalaires. Voyons la réciproque.
On identifie A à un sous-anneau de B et C à un sous-anneau de D. Posons A1 = ϕ(A) et
B1 = ρ? (ϕ)(B). Puisque D = B ⊗A C est de type fini sur B et puisque tout élément de D s’écrit
comme combinaison B-linéaire d’éléments de C, on peut écrire D = B1 [x1 , . . . , xm ] avec des
xi ∈ C ⊆ D. Ceci donne une suite exacte
ρ? (ϕ), Xi 7→xi
B[X1 , . . . , Xm ] −−−−→ D −→ 0.
On va montrer que C = A1 [x1 , . . . , xm ]. En effet la suite exacte ci-dessus est obtenue par
extension des scalaires fidèlement plate à partir de la suite
ϕ, X 7→x
A[X1 , . . . , Xm ] −−−i−→i C −→ 0.
Algèbres de présentation finie.
Commençons par une remarque générale élémentaire mais utile sur les algèbres quotients k[X]/a .
On peut voir k[X] comme le k-module libre ayant pour base la famille des monômes (X α )α∈Nm .
Si f ∈ a, on obtient alors l’égalité
f · k[X] = α (X α f ) · k.
P
Donc l’idéal a est le sous-k-module de k[X] engendré par tous les X α f , où α parcourt Nm et f
parcourt un système générateur de a.
Reprenons alors la démonstration en continuant avec les mêmes notations que dans le point
précédent. Supposons que D = B1 [x1 , . . . , xm ] ' B[X]/hf1 , . . . , fs i. Puisque le B-module D est
obtenu par extension des scalaires plate à partir du A-module C, la relation de dépendance B-
linéaire fj (entre certains monômes xβ ) est une combinaison B-linéaire de relations de dépendance
A-linéaires fj,k entre les mêmes monômes (vus dans C).
324 8. Modules plats
Chaque égalité fj,k (x) = 0 peut aussi être lue comme une relation de dépendance A-algébrique
(un relateur) entre les xi ∈ C.
Considérons alors le sous-A-module de A[X] engendré par tous les X α fj,k . Par extension des
scalaires de A à B la suite de A-modules
0 → j,k,α (X α fj,k ) · A → A[X] → C → 0 (∗)
P
En effet j,k,α (X α fj,k )·B = j,k fj,k ·B[X] = j fj ·B[X] = a. Donc, puisque l’extension est fidè-
P P P
lement plate, la suite (∗) est elle-même exacte. Enfin puisque j,k,α (X α fj,k )·A = j,k fj,k ·A[X],
P P
Exercices et problèmes
Exercice 8.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées au lecteur,
etc. . . Notamment :
– Montrer le théorème 8.1 page 306.
– Montrer le lemme 8.3.2.
– Montrer le fait 8.5.2 et le théorème 8.5 page 319.
– Montrer les faits 8.6.2 et 8.6.3.
Exercice 8.3 Soit M un A-module de type fini. Si M est plat ses idéaux de Fitting sont idempotents.
Exercice 8.4 Montrer en mathématiques classiques qu’un anneau est localement sans diviseur de zéro si,
et seulement si, il devient intègre après localisation en n’importe quel idéal premier.
Exercice 8.5 Montrer en mathématiques classiques qu’un anneau est arithmétique si, et seulement si, il
devient un anneau de Bezout après localisation en n’importe quel idéal premier.
Exercice 8.6 L’image d’un idéal localement principal de A par un homomorphisme A → B est un idéal
localement principal. Le résultat analoque pour les idéaux inversibles n’est pas toujours vrai.
Exercice 8.8 Étant donnés n éléments dans un anneau arithmétique donner un algorithme qui construit
une matrice de localisation principale pour ces éléments à partir de matrices de localisation principale
pour uniquement des couples d’éléments.
Exercice 8.9 On considère deux idéaux de type fini a et b d’un anneau A, engendrés respectivement
par m et n éléments. Soient f, g ∈ A[X] de degrés m − 1 et n − 1 avec c(f ) = a et c(g) = b.
1. Montrez que si a est localement principal, on a ab = c(f g) de sorte que ab est engendré par n + m − 1
éléments (localiser et utiliser le corollaire 3.2.3 4.).
2. Montrez que si a et b sont localement principaux, ab est localement principal. Expliquez comment
construire une matrice de localisation principale pour les coefficients de f g à partir de deux matrices de
localisation principale, respectivement pour les générateurs de a et de ceux de b.
Commentaires bibliographiques 325
(8.4) a b = (a ∩ b)(a + b)
Exercice 8.11 Voir aussi l’exercice 5.16. Soient a, b, c des idéaux de type fini.
1. Si a + b est localement principal, alors (a : b) + (b : a) = h1i.
2. Si (a : b) + (b : a) = h1i, alors
a) (a + b) : c = (a : c) + (b : c).
b) c : (a ∩ b) = (c : a) + (c : b).
c) (a + b)(a ∩ b) = a b.
d) (a ∩ b) = c a ∩ c b.
e) c + (a ∩ b) = (c + a) ∩ (c + b).
f) c ∩ (a + b) = (c ∩ a) + (c ∩ b).
g) La suite exacte courte ci-après (où δ(x) = (x, −x) et σ(y, z) = y + z) est scindée :
δ σ
0 −→ a ∩ b −→ a × b −→ a + b −→ 0
Exercice 8.12 (anneaux gaussiens) Un anneau A est dit gaussien lorsque pour tous polynômes f, g ∈
A[X] on a c(f g) = c(f )c(g).
1. Tout anneau arithmétique est gaussien (voir l’exercice 8.9).
2. Un anneau intègre gaussien est un anneau de Prüfer.
3. Un anneau réduit gaussien est un anneau de Prüfer. Un anneau quasi intègre gaussien est un anneau de
Prüfer cohérent (voir le théorème 12.6 page 474).
Commentaires bibliographiques
Les anneaux de Prüfer intègres ont été introduits par H. Prüfer en 1932 dans [135]. Leur
place centrale en théorie multiplicative des idéaux est mise en valeur dans le livre de référence
sur le sujet [Gilmer]. Bien qu’ils aient été introduits de manière très concrète comme les anneaux
intègres dans lequel tout idéal de type fini non nul est inversible, cette définition a fait souvent
place dans la littérature moderne à la suivante, purement abstraite, qui ne fonctionne qu’en
présence de principes non constructifs (tiers exclu et axiome du choix) : la localisation en
n’importe quel idéal premier donne un anneau de valuation.
Les anneaux arithmétiques sont introduits par L. Fuchs en 1949 dans [79].
Dans le cas d’un anneau non intègre, la définition que nous avons adoptée pour les anneaux
de Prüfer est due à Hermida et Sánchez-Giralda [92]. C’est celle qui nous a paru la plus naturelle,
vue l’importance centrale du concept de platitude en algèbre commutative. Un autre nom pour
ces anneaux, dans la littérature est anneau de dimension globale faible inférieure ou égale à un,
ce qui est plutôt inélégant. Par ailleurs on trouve souvent dans la littérature un anneau de Prüfer
défini comme un anneau dans lequel tout idéal contenant un élément régulier est inversible. Ce
326 8. Modules plats
sont donc presque des anneaux arithmétiques, mais le comportement des idéaux ne contenant
pas d’élément régulier semble tout à fait aléatoire (cf. exercice 8.13).
Un exposé assez complet sur les anneaux arithmétiques et les anneaux de Prüfer écrit dans le
style des mathématiques constructives se trouve dans [66, Ducos&al.] et [115, Lombardi].
Un survey très complet sur les variations de la notion d’anneau de Prüfer intègre quand
on supprime l’hypothèse d’intégrité est donné dans [11, Bazzoni&Glaz], y compris les anneaux
gaussiens (exercice 8.12).
9. Anneaux locaux, ou presque
Sommaire
9.1 Quelques définitions constructives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327
Radical de Jacobson, anneaux locaux, corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 328
Idéaux premiers, maximaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 330
Radical de Jacobson et unités dans une extension entière . . . . . . . . . . . 330
9.2 Quatre lemmes importants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331
9.3 Localisation en 1 + a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
9.4 Exemples d’anneaux locaux en géométrie algébrique . . . . . . . . . 335
Algèbre locale en un zéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 336
Anneau local en un point isolé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339
Anneau local en un point lisse d’une courbe intersection complète . . . . . . 341
9.5 Anneaux décomposables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344
Éléments décomposables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344
Relèvement des idempotents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345
9.6 Anneau local-global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346
Définitions et principe local-global concret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346
Propriétés locales-globales remarquables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348
Systèmes congruentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350
Stabilité par extension entière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 357
(9.1) ∀x ∈ A 1 + ax ∈ A×
est appelé le radical de Jacobson de A. Il sera noté Rad(A). C’est un idéal parce que si
x, y ∈ Rad A, on peut écrire, pour a ∈ A :
Lemme∗ 9.1.1 Le radical de Jacobson est égal à l’intersection des idéaux maximaux.
J Si a ∈ Rad A et a ∈
/ m avec m un idéal maximal, on a 1 ∈ hai + m ce qui signifie que pour un
x, 1 + xa ∈ m, donc 1 ∈ m : contradiction.
Si a ∈
/ Rad A, il existe x tel que 1 + xa est non inversible. Donc il existe un idéal strict contenant
1 + xa. Par le lemme de Zorn il existe un idéal maximal m contenant 1 + xa, et a ne peut pas
être dans m car sinon 1 = (1 + xa) − xa serait dans m.
Le lecteur pourra remarquer que la preuve dit en fait ceci : un élément x est dans l’intersection
des idéaux maximaux si, et seulement si, est vérifiée l’implication : hx, yi = h1i ⇒ hyi = h1i. I
Remarque. Nous avons raisonné avec un anneau non trivial. Si l’anneau est trivial l’intersection
de l’ensemble (vide) des idéaux maximaux est bien égale à h0i.
Un corps de Heyting, ou simplement un corps, est par définition un anneau local dans lequel
tout élément noninversible est nul, autrement dit un anneau local dont le radical de Jacobson est
réduit à 0.
En particulier un corps discret, donc aussi l’anneau trivial, est un corps. Les nombres réels
forment un corps qui n’est pas un corps discret2 . Même remarque pour le corps Qp des nombres
p-adiques ou celui des séries formelles de Laurent k((T )) lorsque k est un corps discret.
La lectrice vérifiera qu’un corps est un corps discret si, et seulement si, il est zéro-dimensionnel.
Le quotient d’un anneau local par son radical de Jacobson est un corps, appelé corps résiduel
de l’anneau local.
1. Nous utilisons ici une version légèrement affaiblie de la négation. Pour une propriété P portant sur des
éléments de l’anneau A nous considérons la propriété P 0 := (P ⇒ 1 =A 0). C’est la négation de P lorsque
l’anneau n’est pas trivial. Il arrive pourtant souvent qu’un anneau construit dans une preuve puisse être trivial
sans qu’on le sache. Pour faire un traitement entièrement constructif de la preuve classique usuelle dans une telle
situation (la preuve classique exclut le cas de l’anneau trivial par un argument ad hoc) notre version affaiblie de la
négation s’avère alors en général utile. Un corps discret (en un seul mot), ne vérifie pas nécessairement l’axiome des
ensembles discrets ∀x, y (x = y ou ¬(x = y)) mais il vérifie sa version affaiblie ∀x, y (x = y ou (x = y)0 ) puisque si
0 est inversible alors 1 = 0.
2. Nous utilisons la négation en italique pour indiquer que l’affirmation correspondante, ici ce serait (( R est un
corps discret )), n’est pas prouvable en mathématiques constructives.
9.1. Quelques définitions constructives 329
Le fait qui suit décrit une construction qui force un monoïde à s’inverser et un idéal à se
radicaliser (pour plus de détails voir le paragraphe (( Dualité dans les anneaux commutatifs ))
page 438 et suivantes, et la section 15.1).
Par définition un anneau local résiduellement discret est un anneau local dont le corps résiduel
est un corps discret. Un tel anneau A peut être caractérisé par l’axiome suivant
(9.2) ∀x ∈ A x ∈ A× ou 1 + xA ⊆ A×
Définition 9.1.6 Un anneau A est dit résiduellement zéro-dimensionnel lorsque A/Rad A est
zéro-dimensionnel. Même chose pour résiduellement connexe.
Puisqu’un corps est zéro-dimensionnel si, et seulement si, c’est un corps discret, un anneau
local est résiduellement discret si, et seulement si, il est résiduellement zéro-dimensionnel.
Commentaire. En mathématiques classiques un anneau A est dit semi-local si A/Rad A est
isomorphe à un produit fini de corps discrets. Ceci implique que c’est un anneau résiduellement
zéro-dimensionnel. En fait l’hypothèse de finitude présente dans la notion d’anneau semi-local
est rarement décisive. La plupart des théorèmes de la littérature concernant les anneaux semi-
locaux s’applique aux anneaux résiduellement zéro-dimensionnels, voire aux anneaux local-globals
(section 9.6). Sur une définition possible d’anneau semi-local en mathématiques constructives
voir les exercices 9.18 et 9.19.
330 9. Anneaux locaux, ou presque
J Nous montrons le point 1. et laissons les autres en exercice, comme conséquences faciles. Soit
V ∈ M n×1 un vecteur colonne formé avec des générateurs de M . L’hypothèse signifie qu’il existe
une matrice G ∈ Mn (a) vérifiant GV = V . Donc (In − G)V = 0 et en prémultipliant par la
matrice cotransposée de In − G on obtient det(In − G)V = 0. Or det(In − G) = 1 − x avec x ∈ a.
I
6. Rappelons que l’on dit qu’un homomorphisme ρ : A → B réfléchit les unités lorsque ρ−1 (B× ) = A× .
332 9. Anneaux locaux, ou presque
Les modules projectifs de type fini sont localement libres au sens (faible) suivant : ils deviennent
libres lorsque l’on localise en un idéal premier. Prouver ceci revient à montrer le lemme de la
liberté locale (ci-après) qui affirme qu’un module projectif de type fini sur un anneau local est
libre.
Lemme de la liberté locale Soit A un anneau local. Tout module projectif de type fini sur A
est libre de rang fini. De manière équivalente : toute matrice F ∈ GAn (A) est semblable à une
matrice de projection standard
Ir 0r,n−r
Ir,n = .
0n−r,r 0n−r
Première preuve (preuve classique usuelle). Nous notons x 7→ x le passage au corps résiduel. Si
M ⊆ An est l’image d’une matrice de projection F et si k est le corps résiduel on considère une
base de kn qui commence par des colonnes de F (Im F est un sous-espace vectoriel de dimension
r) et se termine par des colonnes de In − F (Im(In − F ) = Ker F ). En considérant les colonnes
correspondantes de Im F et Im(In − F ) = Ker F on obtient un relèvement de la base résiduelle
en n vecteurs dont le déterminant est résiduellement inversible, donc inversible. Ces vecteurs
forment une base de An et sur cette base il est clair que la projection admet pour matrice Ir,n .
Notez que dans cette preuve on extrait un système libre maximal parmi les colonnes d’une
matrice à coefficients dans un corps. Cela se fait usuellement par la méthode du pivot de Gauss.
Cela réclame donc que le corps résiduel soit discret. I
Deuxième preuve (preuve par Azumaya). Contrairement à la précédente cette preuve ne suppose
pas que l’anneau local soit résiduellement discret. Nous allons diagonaliser la matrice F . La
preuve fonctionne avec un anneau local non nécessairement commutatif.
Appelons f1 le vecteur colonne F1..n,1 de la matrice F , e1 , . . . , en la base canonique de An et ϕ
l’application linéaire représentée par F .
– Premier cas, f1,1 est inversible. Alors f1 , e2 , . . . , en est une base de An . Par rapport à cette base,
l’application linéaire ϕ a une matrice :
1 L
G=
0n−1,1 F1
1 L
En écrivant G2 = G on obtient F12 = F1 et LF1 = 0. On a alors en posant P = :
0n−1,1 In−1
−L
1 L 1 L 1
P GP −1 =
0n−1,1 In−1 0n−1,1 F1 0n−1,1 In−1
1 01,n−1
=
0n−1,1 F1
– Deuxième cas, 1 − f1,1 est inversible. On applique le calcul précédent à la matrice In − F qui est
donc semblable à une matrice :
1 01,n−1
A=
0n−1,1 F1
avec F12 = F1 , ce qui signifie que F est semblable à une matrice :
0 01,n−1
In − A =
0n−1,1 H1
9.2. Quatre lemmes importants 333
avec H12 = H1 .
On termine la preuve par récurrence sur n. I
Commentaire. Du point de vue classique, tous les ensembles sont discrets, et l’hypothèse corres-
pondante est superflue dans la première preuve. La deuxième preuve doit être considérée comme
supérieure à la première car son contenu algorithmique est plus universel que celui de la première
(qui ne peut être rendue complètement explicite que lorsque l’anneau local est résiduellement
discret).
Le lemme suivant peut être considéré comme une variante du lemme de la liberté locale.
Lemme de l’application localement simple Soit A un anneau local et ψ une application
linéaire entre A-modules libres de rang fini. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. ψ est simple.
2. ψ est localement simple.
3. ψ a un rang fini k.
Notez que la terminologie d’application localement simple est en partie justifiée par le lemme
précédent. Notez aussi que le théorème 2.5 page 37 peut être considéré comme plus général que
le lemme précédent.
Lemme du nombre de générateurs local On considère un A-module M de type fini.
1. Supposons A local. Alors le module M est engendré par k éléments si, et seulement si, son
idéal de Fitting Fk (M ) est égal à A. Si en outre A est résiduellement discret, M admet
une matrice de présentation dont tous les coefficients sont dans l’idéal maximal Rad A.
2. En général les propriétés suivantes sont équivalentes.
a) Fk (M ) est égal à A.
b) Il existe des éléments comaximaux sj tels que après extension des scalaires à chacun
des A[1/sj ], M est engendré par k éléments.
c) Il existe des monoïdes comaximaux Sj tels que chacun des MSj est engendré par k
éléments.
d)* Après localisation en n’importe quel idéal premier, M est engendré par k éléments.
e)* Après localisation en n’importe quel idéal maximal, M est engendré par k éléments.
J Il suffit de prouver les équivalences pour un module de présentation finie en raison du fait 4.9.8.
Supposons M engendré par q éléments et notons k 0 = q − k.
1. La condition est toujours nécessaire, même si l’anneau n’est pas local. Soit une matrice de
présentation A ∈ Aq×m pour M . Si l’anneau est local et si Fk (M ) = A, puisque les mineurs
d’ordre k 0 sont comaximaux l’un d’entre eux est inversible. Par le lemme du mineur inversible
page 31 la matrice A est équivalente à une matrice
Ik0 0k0 ,m−k0
,
0k,k0 A1
0
et donc la matrice A1 ∈ Ak×(m−k ) est aussi une matrice de présentation de M .
334 9. Anneaux locaux, ou presque
Enfin si l’anneau est résiduellement discret on peut diminuer le nombre de générateurs jusqu’à
ce que la matrice de présentation correspondante ait tous ses coefficients dans le radical.
2. a) ⇒ b). La même preuve montre que l’on peut prendre pour sj les mineurs d’ordre k 0 de A.
b) ⇒ c). Immédiat.
c) ⇒ a). Dire que Fk (M ) = A revient à résoudre le système linéaire ` x` s` = 1, où les inconnues
P
sont les x` et où les s` sont les mineurs d’ordre k 0 de la matrice A. On peut donc appliquer le
principe local-global de base.
a) ⇒ d). Résulte du point 1.
d) ⇒ e). Trivial.
e) ⇒ a). Ceci ne peut être prouvé qu’en mathématiques classiques (d’où l’étoile que nous avons
mise à d) et e)). On raisonne par l’absurde en prouvant la contraposée. Si Fk (M ) 6= A soit p un
idéal maximal strict contenant Fk (M ). Après localisation en p, on obtient Fk (Mp ) ⊆ pAp = 6 Ap
et donc Mp n’est pas engendré par k éléments. I
Définition 9.2.1 Un module de type fini sera dit localement engendré par k éléments lorsqu’il
vérifie les propriétés équivalentes du lemme du nombre de générateurs local.
9.3 Localisation en 1 + a
Soient a un idéal de A, S := 1 + a, : A → B := A1+a
l’homomorphisme canonique, et b := (a)B.
J 1. L’inclusion Ker ⊆ a est immédiate. Le fait que l’homomorphisme A/a → B/b est un
isomorphisme tient à ce que l’on résout deux problèmes universels équivalents : dans le premier
on doit annuler les éléments de a, dans le second, on doit en plus inverser les éléments de 1 + a,
mais inverser 1 ne coûte rien. Enfin la surjectivité de cette application linéaire signifie exactement
que B = (A) + b.
2. La localisation en 1 + a est la même que celle en 1 + an car 1 − a divise 1 − an .
3. Notons que bq = S −1 aq = aq B. En multipliant B = (A)+bq par ap , on obtient bp = (ap )+bp+q .
Donc induit une surjection de A-modules ap bp bp+q . Il reste à voir que son noyau est ap+q .
Si x ∈ ap vérifie (x) ∈ bp+q , il existe s ∈ 1 + a tel que sx ∈ ap+q , et comme s est inversible
modulo a, il l’est modulo ap+q et donc x ∈ ap+q . I
fini et par suite un k-module de type fini. On en déduit que B est un k-module de type fini. I
am = am+1 . En outre am est engendré par un idempotent 1 − e et A1+a = A[1/e] ' A/h1 − ei.
On a alors :
T k ∞
k>0 a = (0 : (0 : a )).
Cette remarque peut-être utile pour le calcul. Supposons que A = k[X]/f où k[X] =
k[X1 , . . . , Xn ] est un anneau de polynômes à n indéterminées sur un corps discret k et
f = hf1 , . . . , fs i un idéal de type fini. Soit a un idéal de type fini de k[X] et a son image
dans A ; alors si A1+a est zéro-dimensionnel, la composée k[X] → A1+a est surjective et son
noyau s’exprime de deux manières :
T k ∞
k>0 (f + a ) = (f : (f : a )).
La formule de droite peut se révéler plus efficace en calculant (f : a∞ ) de la façon suivante :
(f : a∞ ) = rj=1 (f : gj∞ ) pour a = hg1 , . . . , gr i .
T
J 1. On a C/MC ' A/mξ = k/p d’après le point 2. du fait 9.1.5, puis utiliser le point 3. du
fait 9.1.4.
2a) Résulte de 1.
2b) L’anneau A est cohérent fortement discret d’après le théorème 7.6 page 270. On en déduit
que Aξ est cohérent. Pour la nœthérianité on renvoie à [MRR, VIII.1.5].
2c) Vu les points 2a) et 2b), il s’agit d’un cas particulier du théorème d’intersection de Krull
([MRR, VIII.2.8]). I
Nous laissons à la lectrice le soin de vérifier que le noyau de J(ξ) ne dépend que de l’idéal
hf1 , . . . , fs i et du point ξ. C’est un sous-k-module de kn qui peut être appelé l’espace tangent en
ξ au schéma affine sur k défini par A. Nous le noterons Tξ (A/k ) ou Tξ .
Cette terminologie est raisonnable en géométrie algébrique (i.e., lorsque k est un corps
discret), au moins dans le cas où A est intègre : on a une variété définie comme intersection
d’hypersurfaces fi = 0, et l’espace tangent en ξ à la variété est l’intersection des espaces tangents
aux hypersurfaces qui la définissent.
Dans cette même situation (corps discret à la base), le zéro ξ du système polynomial est appelé
un point lisse (du schéma affine ou encore de la variété correspondante) lorsque la dimension de
l’espace tangent en ξ est égale à la dimension7 de la variété au point ξ. Un point qui n’est pas
lisse est appelé singulier.
Nous donnons maintenant une interprétation plus abstraite de l’espace tangent, en termes
d’espace de dérivations. Ceci fonctionne avec à la base un anneau commutatif k arbitraire.
Pour une k-algèbre B et un caractère ξ : B → k on définit une k-dérivation au point ξ de B
comme une forme k-linéaire d : B → k qui vérifie la règle de Leibniz, i.e. en notant f (ξ) pour
ξ(f ) :
d(f g) = f (ξ)d(g) + g(ξ)d(f ).
Ceci implique en particulier d(1) = 0 (écrire 1 = 1 × 1) et donc d(α) = 0 pour α ∈ k. Nous
noterons Derk (B, ξ) le k-module des k-dérivations de B au point ξ.
Cette notation est légèrement abusive. En fait si l’on note k0 l’anneau k muni de la structure de
B-module donnée par ξ, la notation de la définition 6.6.5 serait Derk (B, k0 ), d’ailleurs muni de
sa structure de B-module.
Nous allons voir que l’espace tangent en ξ à A et l’espace des k-dérivations en ξ de A sont
naturellement isomorphes.
7. Si A est intègre cette dimension ne dépend pas de ξ et peut être définie via une mise en position de Nœther.
Dans le cas général il faut considérer la dimension de Krull de l’anneau Aξ .
338 9. Anneaux locaux, ou presque
uj = δ((xj − ξj ) mod m2 ).
Alors u appartient à Ker J(ξ).
5. Les deux applications définies en 3. et 4.,
Ker J(ξ) → (m m2 )? (m m2 )? → Ker J(ξ),
et
sont des isomorphismes k-linéaires réciproques l’un de l’autre.
Remarque. Notons que la définition que nous avons donnée de l’espace tangent Tξ (A/k ), naturelle
et intuitive, fait voir celui-ci comme un sous-k-module de kn , où n est le nombre de générateurs de
la k-algèbre de présentation finie A. Il faut donc lui préférer la définition plus abstraite Derk (A, ξ),
ou mξ /mξ 2 , qui est plus intrinséque, puisqu’elle ne dépend que de la k-algèbre A et du caractère
ξ : A → k, sans tenir compte de la présentation choisie pour A (en fait seule la structure de la
localisée Aξ intervient).
Définition 9.4.4 On peut donc définir l’espace cotangent en ξ comme égal à mξ Aξ /(mξ Aξ )2 ,
où seule intervient la structure de l’algèbre locale en ξ.
Dans la suite de la section 9.4 nous étudions quelques exemples d’algèbres locales en des zéros
de systèmes polynomiaux, sans supposer que l’on a nécessairement à la base un corps discret :
k est seulement un anneau commutatif. Nous cherchons ici seulement à illustrer la situation
géométrique en nous libérant si cela se peut de l’hypothèse (( corps discret )), mais sans viser à
donner le cadre le plus général possible.
Voici comment on peut décrire la situation précédente en langage plus intuitif : l’algèbre locale en
ξ est une (( composante connexe de A )) (i.e., la localisation en ξ est la même que la localisation
en un idempotent e) (( réduite à un point simple )) (i.e., cette k-algèbre est isomorphe à k). En
termes de variété algébrique, le point 5. signifie qu’il y a un ouvert de Zariski contenant le point
ξ dans lequel la variété est réduite à ce point.
Remarque. La différence entre le cas s = n et le cas s > n n’est guère visible dans le théorème
précédent, mais elle est importante : si l’on perturbe un système avec s = n et si le corps de
base est algébriquement clos, un zéro simple continue d’exister, légèrement perturbé. Dans le cas
s > n une perturbation fait en général disparaître le zéro. Mais ceci est une autre histoire, car il
faut définir en algèbre la notion de perturbation.
Voici pour le cas d’un corps discret un résultat dans le même style que le théorème 9.4 page
précédente, mais plus général et plus précis. Cela peut être vu également comme une version locale
du théorème de Stickelberger (théorèmes 4.7 et 4.8). On notera cependant que, contrairement à
ce qui se passe pour le théorème de Stickelberger, la démonstration du théorème 9.5 ne fait pas
intervenir le Nullstellensatz ou la mise en position de Nœther. Cependant, un changement de
variables à la Nagata intervient dans l’appel au théorème 6.11 page 220 pour l’implication 7. ⇒
8.
Théorème 9.5 (Zéro isolé) On suppose que k est un corps discret. Les propriétés suivantes sont
équivalentes.
1. L’algèbre Aξ est finie sur k.
2. L’algèbre Aξ est entière sur k.
3. L’algèbre Aξ est zéro-dimensionnelle.
4. L’idéal mξ est nilpotent dans Aξ .
5. Il existe n ∈ N tel que mξ n = mξ n+1 .
6. Il existe n ∈ N tel que l’idéal mξ n est engendré par un idempotent 1 − e, le morphisme
A → Aξ est surjectif, et A/h1 − ei ' Aξ ' A[1/e].
7. Il existe g ∈ A tel que g(ξ) = 1 et A[1/g] = Aξ .
8. Il existe g ∈ A tel que g(ξ) = 1 et A[1/g] local zéro-dimensionnel.
9. Il existe h ∈ A tel que h(ξ) = 1 et A[1/h] est finie sur k.
Dans ce cas, Aξ est strictement finie sur k, (Aξ )red = k, et si m = [Aξ : k], pour tout ` ∈ Aξ ,
on a CAξ /k (`)(T ) = (T − `(ξ))m .
J Le lemme du localisé fini 378, appliqué avec a = mξ , montre que 4. équivaut à 5. et implique
1.
3. ⇒ 4. Par le lemme du localisé zéro-dimensionnel 379.
On a 1. implique 2., et puisque k est un corps discret, 2. implique 3.
Ainsi les points 1. à 5. sont équivalents.
Le point 5. implique que mnξ est idempotent. Il implique donc le point 6. par le lemme de l’idéal
de type fini idempotent et le fait 2.4.2. On note que e ∈ 1 + mnξ ⊆ 1 + mξ , donc e(ξ) = 1. Donc 6.
implique 7. avec g = e.
7. ⇒ 8. L’algèbre A[1/g] = Aξ est locale et de type fini, on conclut par le théorème 6.11 page 220.
8. ⇒ 9. Prendre h = g.
9. ⇒ 1. Parce que Aξ est un localisé de A[1/h].
Dans ce cas Aξ est strictement finie sur k car c’est une algèbre finie et de présentation finie
(théorème 6.12 page 221).
Enfin l’égalité CAξ /k (`)(T ) = (T − `(ξ))m vient de ce que ` − `(ξ) est dans m, donc est nilpotent
dans Aξ , donc admet T m comme polynôme caractéristique. I
9.4. Exemples d’anneaux locaux en géométrie algébrique 341
Remarque. Le point 1. est une abréviation par laquelle on entend précisément que les homomor-
phismes canoniques k → Aξ → k sont des isomorphismes.
Dans le point 3. on voit que sur un corps discret, un zéro isolé est simple si, et seulement si, il
est de multiplicité 1.
Théorème 9.6 (l’idéal d’un point lisse d’une courbe localement intersection complète) Lorsque
s = n − 1 les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. Le point ξ est lisse au sens que J(ξ) est une matrice de rang n − 1 sur k.
2. L’espace cotangent en ξ, mξ /mξ 2 , est un k-module projectif de rang 1.
3. L’idéal mξ est un A-module projectif de rang 1.
4. L’idéal mξ Aξ est un Aξ -module projectif de rang 1.
5. L’idéal mξ Aξ est un Aξ -module libre de rang 1.
6. L’espace cotangent en ξ, mξ /mξ 2 , est un k-module libre de rang 1.
J On rappelle que pour tout anneau B, tout B-module M et tout idéal b de B on obtient par
extension des scalaires B/b ⊗B M ' M /bM . En particulier si c est un idéal de B on obtient
B/b ⊗B c ' c/bc . Cependant l’application B-linéaire surjective naturelle b ⊗ c → bc n’est pas
toujours un isomorphisme (c’est le cas si l’un des deux idéaux est plat).
1. ⇔ 2. En effet tJ(ξ) est une matrice de présentation de l’espace cotangent.
3. ⇒ 4. En effet le Aξ -module mξ Aξ est obtenu à partir du A-module mξ par extension des
scalaires de A à Aξ .
4. ⇒ 2. et 5. ⇒ 6. En effet le k-module mξ /mξ 2 ' mξ Aξ /(mξ Aξ )2 est obtenu à partir du
Aξ -module mξ Aξ par extension des scalaires de Aξ à k ' Aξ /mξ Aξ (voir le rappel du début).
2. ⇔ 3. Cela résulte de la considération de la matrice de présentation de mξ comme A-module
donnée au théorème 4.2 page 132 et du lemme 4.2.1.
Pour simplifier l’exposé nous traitons le cas n = 4 et nous supposons que ξ = 0 (on peut se
ramener à ce cas par translation).
On a 4 variables Xi et 3 polynômes
f1 (X) = X1 a1 (X) + X2 a2 (X) + X3 a3 (X) + X4 a4 (X),
f2 (X) = X1 b1 (X) + X2 b2 (X) + X3 b3 (X) + X4 b4 (X),
f3 (X) = X1 c1 (X) + X2 c2 (X) + X3 c3 (X) + X4 c4 (X).
342 9. Anneaux locaux, ou presque
Théorème 9.7 On suppose satisfaites les propriétés équivalentes du théorème 9.6, on note Ω
l’espace cotangent mξ /mξ 2 et on considère un élément p de mξ qui est une k-base de Ω. Alors :
1. Pour chaque r > 0, l’application k-linéaire naturelle Ω⊗k r → mξ r /mξ r+1 est un isomor-
phisme.
En d’autres termes, la k-algèbre graduée r∈N mξ r /mξ r+1 associée à (A, mξ ) est (naturel-
L
W = −x1 + ξ1 0 x 3 − ξ3 0 x 2 + ξ2 .
0 −x1 + ξ1 −x2 + ξ2 −x3 − ξ3 −ξ1
Nous savons qu’elle est de rang 2. On constate que W2 , W3 ∈ hW1 , W5 i. On obtient donc une
nouvelle matrice de présentation plus simple V avec les seules colonnes W1 , W4 , W5 . On rappelle
d’une part que pour B ∈ An×m , on a (An / Im B)? ' Ker tB (fait 2.6.3) ; d’autre part (exercice
10.11), que pour une matrice A ∈ Mn (A) de rang n − 1, on a Ker A = Im Ae facteur direct dans
An . En appliquant ceci à B = V et A = t V , on obtient :
m? ' (A3 / Im V )? ' Ker tV = Im t Ve avec Im t Ve facteur direct dans A3 .
On réalise ainsi explicitement le module projectif de type fini m? de rang 1 comme facteur direct
dans A3 .
Commentaire. De manière générale un sous-monoïde M de (N, +, 0) a un complémentaire G fini
si, et seulement si, il est engendré par une liste d’entiers premiers entre eux dans leur ensemble
(par exemple avec la courbe monomiale ci-dessus on définit M = n1 N + n2 N + n3 N engendré par
{n1 , n2 , n3 }). On dit que les entiers de G, sont les trous du monoïde M . Leur nombre g := #G
est appelé le genre de M .
On a toujours [ 2g, ∞ [ ⊆ M . Les monoïdes M pour lesquels 2g − 1 ∈ G sont dits symétriques.
Cette terminologie rend compte du fait que, dans ce cas, l’intervalle J0..2g − 1K contient autant
de trous que de non-trous, et qu’ils sont échangés par la symétrie x 7→ (2g − 1) − x.
Par exemple, pour a, b premiers entre eux, le monoïde aN + bN est symétrique de genre g =
(a−1)(b−1)
2 . On sait caractériser de manière combinatoire les monoïdes n1 N + n2 N + n3 N qui sont
symétriques ; on démontre que c’est le cas si et seulement si l’idéal de la courbe monomiale
x1 = tn1 , x2 = tn2 , x3 = tn3 , est engendré par 2 éléments. Par exemple 4N + 5N + 6N est
symétrique, de genre 4 et ses trous sont {1, 2, 3, 7}.
344 9. Anneaux locaux, ou presque
Lemme 9.5.1 Dans un anneau commutatif A deux idempotents égaux modulo Rad A sont égaux.
Remarque. Ceci n’est plus du tout vrai en non commutatif : les idempotents d’un anneau de
matrices carrées Mn (A) sont les matrices de projection ; sur un corps on obtient, par exemple en
fixant le rang à 1, une variété connexe de dimension > 0 sans aucun point isolé (si n > 2).
Éléments décomposables
Définition 9.5.2 Soit A un anneau et a ∈ A. L’élément a est dit décomposable8 s’il existe un
idempotent e tel que :
(
a mod h1 − ei est inversible dans A/h1 − ei et
a mod hei ∈ Rad(A/hei).
Rappelons en soulignant les analogies qu’un élément a possède un quasi inverse si, et seulement
si, il existe un idempotent e tel que :
(
a mod h1 − ei est inversible dans A/h1 − ei et
a mod hei = 0 dans A/hei ,
et qu’un élément a a pour annulateur un idempotent si, et seulement si, il existe un idempotent
e tel que :
(
a mod h1 − ei est régulier dans A/h1 − ei et
a mod hei = 0 dans A/hei .
Proposition 9.5.3 Un élément a de A est décomposable si, et seulement si, il existe b tel que
1. b(1 − ab) = 0
2. a(1 − ab) ∈ Rad A
En outre l’élément b vérifiant ces conditions est unique, et ab = e est l’unique idempotent de A
vérifiant hai = hei mod Rad A.
Définition 9.5.4 On dit que l’anneau A est décomposable si tout élément est décomposable.
Fait 9.5.5
1. Un produit d’anneaux est décomposable si, et seulement si, chacun des facteurs est décom-
posable.
2. Un anneau local résiduellement discret est décomposable. Un anneau décomposable connexe
est local résiduellement discret.
3. La structure d’anneau décomposable est purement équationnelle (elle peut être définie au
moyen de lois de compositions soumises à des axiomes universels).
J 3. On rajoute aux lois des anneaux commutatifs deux lois a 7→ b, (a, x) 7→ y avec les axiomes
b = b2 a et (1 + x(a2 b − a))y = 1, de sorte que a2 b − a ∈ Rad A. Le point 1. résulte du point 3. I
Commentaire. Il est maintenant facile de voir qu’en mathématiques classiques un anneau est
décomposé si, et seulement si, il est isomorphe à un produit fini d’anneaux locaux.
346 9. Anneaux locaux, ou presque
Remarque. Tout polynôme primitif par valeurs est primitif, donc si un anneau possède la propriété
que tout polynôme primitif représente un inversible, c’est un anneau local-global. Ceci correspond
à une définition dans la littérature (anneau fortement U-irréductible) qui a précédé celle d’anneau
local-global.
Fait 9.6.2
1. Un anneau A est local-global si, et seulement si, A/Rad(A) est local-global.
2. Un produit fini d’anneaux est local-global si, et seulement si, chacun des anneaux est
local-global.
3. Un anneau local est local-global.
4. Un anneau résiduellement zéro-dimensionnel est local-global.
5. Un quotient d’un anneau local-global (resp. résiduellement zéro-dimensionnel) est local-global
(resp. résiduellement zéro-dimensionnel).
6. Soit A un anneau réunion filtrante croissante de sous-anneaux Ai , i.e. pour tous i, j, il
existe k tel que Ai ∪ Aj ⊆ Ak . Alors si chaque Ai est local-global, il en est de même de A.
J Nous laissons les trois premiers points en exercice. Pour le point 4., vu le point 1., il suffit de
traiter le cas d’un corps discret, qui est évident.
5. Voyons le cas local-global (l’autre cas est évident). Soit A un anneau local-global, a un idéal
et f ∈ A[X] un polynôme primitif par valeurs dans A/a . Il y a donc des valeurs p1 , . . . , pm de f
et un a ∈ a tels que hp1 , . . . , pm , ai = h1i. Le polynôme g(X, T ) = T f (X) + (1 − T )a est donc
primitif par valeurs. Puisque A est local-global il y a une valeur tf (x) + (1 − t)a de g qui est
inversible. La valeur f (x) est donc inversible modulo a.
6. Soit P ∈ A[X1 , . . . , Xn ] tel que l’idéal engendré par certaines de ses valeurs soit l’idéal h1i :
1 = uP (x) + vP (y) + · · ·. En considérant u, x, v, y, · · · et les coefficients de P , on voit qu’il y
a un sous-anneau Ai tel que P ∈ Ai [X] et tel que P soit primitif par valeurs sur Ai . Donc P
représente un inversible sur Ai , a fortiori sur A. I
Pour un polynôme les propriétés de représenter un inversible ou d’être primitif par valeurs
sont de caractère fini :
2. f est primitif par valeurs dans AS si, et seulement si, il existe s ∈ S tel que f est primitif
par valeurs dans As .
J Nous montrons seulement le point 1. Soit F (X, T ) ∈ A[X, T ] l’homogénéisé de f (X) en degré
assez grand. L’hypothèse équivaut à l’existence de x ∈ Am et t, u ∈ S tels que F (x, t) divise u
dans A. En posant s = tu, les éléments t et F (x, t) sont inversibles dans As donc f représente
un inversible dans As . I
J Montrons le premier point. Soit F (X, T ) ∈ A[X, T ] l’homogénéisé de f (X) en degré d assez
grand. L’hypothèse est que F (x, t) divise u dans A pour un x ∈ Am et t, u ∈ sN . Il existe a tel
que ta ≡ 1 mod b donc :
ad F (x, t) = F (ax, at) ≡ F (ax, 1) = f (ax) mod b,
D E
d’où ad u ∈ hf (z)i + b avec z = ax. Mais 1 ∈ ad u + b donc 1 ∈ hf (z)i + b.
On peut présenter le même argument (( sans calcul )) comme suit.
On a As /(bAs ) ' (A/b )s . Puisque 1 ∈ hsi + b, s est inversible dans A/b et donc As /(bAs ) '
A/b . Puisque f représente un inversible dans As , a fortiori il représente un inversible dans
As /(bAs ) ' A/b , i.e. f représente un inversible modulo b. I
Nous allons utiliser dans la suite un principe local-global concret un peu subtil que nous
énonçons sous forme d’un lemme.
I
Au bout de n étapes : 1 ∈ f (z1 ), . . . , f (zn ) .
3. Pour tout polynôme f ∈ A[X1 , . . . , Xn ], s’il existe des monoïdes comaximaux Si tel que f
est primitif par valeurs dans chaque ASi , alors f représente un inversible.
J Vus les lemmes 9.6.3 et 9.6.5, il suffit de montrer que si f est primitif par valeurs il existe des
éléments comaximaux tels que f représente un inversible dans chaque localisé. On écrit la chose
en une variable pour simplifier les notations. On a x1 , . . . , xr ∈ A tels que 1 ∈ hf (x1 ), . . . , f (xr )i.
Soit si = f (xi ) : le polynôme f représente un inversible dans Asi . I
D’après le lemme de Gauss-Joyal (2.2.5) les polynômes primitifs forment un filtre U ⊆ A[X].
On appelle localisé de Nagata l’anneau A(X) = U −1 A[X].
J 1. Il est clair que A(X) est plat sur A (localisation d’un libre à base discrète). On utilise
alors la caractérisation 3a) dans le théorème 8.6 page 320. Soit a = ha1 , . . . , an i un idéal de type
fini de A tel que 1 ∈ aA(X). Nous devons montrer que 1 ∈ a. L’hypothèse signifie qu’il existe
des polynômes f1 , . . . , fn ∈ A[X] tels que i ai fi = f est un polynôme primitif, i.e., 1 ∈ cA (f ).
P
On a le corollaire suivant.
Principe local-global concret 9.2 Soient S1 , . . . , Sr des monoïdes comaximaux d’un anneau
local-global A.
1. Si deux modules de présentation finie sont isomorphes sur chacun des ASi alors ils sont
isomorphes.
2. Tout module projectif de type fini est quasi libre.
J 1. On considère des matrices de présentation et on caractérise le fait que les modules sont
isomorphes par l,équivalence de matrices associées (lemme 4.1.1). On applique alors le point 1.
du principe local-global 9.1 page ci-contre.
2. On applique le point 1. : on considère un module quasi libre qui a les mêmes idéaux de Fitting,
on sait que les deux modules deviennent libres après localisation en des éléments comaximaux
(et le rang est chaque fois le même parce qu’ils ont les mêmes idéaux de Fitting). I
Signalons aussi :
J Il suffit de montrer le point 1. car un module est engendré par m éléments si, et seulement si,
c’est un quotient d’un module libre de rang m.
Nous utiliserons les lemmes suivants :
J Le point 1. est une reformulation de la proposition 5.8.3 (qui affirme un tout petit peu plus,
dans un cas plus général). Le point 2. en découle facilement.
3. On a M = Ax1 + · · · + Axm , avec une matrice de présentation P , et N = Ay1 + · · · + Ayn .
Pour que la factorisation par θ existe, il suffit que parmi les colonnes de la matrice Q on trouve
les relations (( images des colonnes de P par ψ )) (ce sont des relations entre les yk une fois que
l’on a exprimé les ψ(xj ) en fonction des yk ).
Pour que vN 0 ⊆ θ(M ) il suffit que parmi les colonnes de la matrice Q on trouve les relations
exprimant que les vyk sont dans Aψ(x1 ) + · · · + Aψ(xm ) (une fois que l’on a exprimé les ψ(xj )
en fonction des yk ). I
Lemme 9.6.9 Le principe local-global concret 9.3 est correct si N est lui-même un module de
présentation finie.
350 9. Anneaux locaux, ou presque
J L’hypothèse donne une application linéaire surjective ϕi : MSi → NSi . Par les points 1. et 2.
du lemme 9.6.8 on a si , vi ∈ Si et une application linéaire ψi : M → N tels que si ϕi = (ψi )Si
et vi N ⊆ ψi (M ). Chaque application linéaire ψi est représentée par deux matrices Ki et Gi qui
font commuter les diagrammes convenables (voir la section 4.3).
Ap
P / Am πM / / M
Ki Gi ψi
Aq / An //N
Q πN
P
On considère r inconnues ai dans A et l’application ψ = ai ψi correspondant aux matrices
P P
K = ai Ki et G = ai Gi .
Ap
P / Am πM / / M
K G ψ
Aq / An //N
Q πN
Le fait que ψ soit surjective signifie que la matrice H = G Q est surjective, c’est-à-dire que
Dn (H) = h1i. On introduit donc les indéterminées c` pour fabriquer une combinaison linéaire
P
arbitraire des mineurs maximaux δ` de la matrice H. Cette combinaison linéaire ` c` δ` est un
polynôme en les ai et c` . Par hypothèse, ce polynôme représente 1 sur chacun des A[ si1vi ], donc
puisque l’anneau est local-global il représente un inversible (proposition 9.6.6). I
Fin de la démonstration du principe local-global concret 9.3.
On a M = Ax1 + · · · + Axm , avec une matrice de présentation P , et N = Ay1 + · · · + Ayn . Pour
chaque i ∈ J1..rK on applique le lemme 9.6.8 avec le monoïde Si et l’application linéaire surjective
ϕi : MSi → NSi donnée dans l’hypothèse. On obtient une application linéaire ψi : M → N , une
matrice Qi de relations satisfaites par les yk , une application linéaire θi : M → Ni0 (où Ni0 est
le module de présentation finie correspondant à Qi ), des éléments si , vi ∈ Si avec si ϕi = (ψi )Si ,
enfin ψi se factorise via θi : M → Ni0 avec vi Ni0 ⊆ θi (M ).
On considère alors le module N 0 de présentation finie correspondant à la matrice de relations Q
obtenue en juxtaposant les matrices Qi , de sorte que N 0 est un quotient de chaque Ni0 .
Comme N est un quotient de N 0 , on a ramené le problème au cas où N est lui-même de présen-
tation finie, cas qui a été traité dans le lemme 9.6.9. I
Systèmes congruentiels
Une propriété de stabilité importante des anneaux local-globals est la stabilité par extension
entière.
Théorème 9.8 Soit A ⊆ B avec B entier sur A. Si A est local-global, alors B également.
La démonstration est renvoyée page 351, après un détour par les anneaux congruentiels.
Définition 9.6.10 Une partie C d’un anneau A est appelée un système congruentiel si elle
vérifie la propriété suivante : si s1 + s2 = 1 dans A et si c1 , c2 ∈ C alors il existe c ∈ C tel que
c ≡ c1 mod s1 et c ≡ c2 mod s2 .
Fait 9.6.12 Soit C un système congruentiel. Si a1 , . . . , a` sont des idéaux deux à deux comaxi-
maux et si c1 , . . . , c` ∈ C, alors il existe c ∈ C tel que c ≡ cj mod aj pour j ∈ J1..`K.
Définition 9.6.14 Un anneau A est dit congruentiel si chaque fois qu’un système congruentiel
W vérifie hW i = h1i, il existe w ∈ W tel que hwi = h1i.
Lemme 9.6.15
1. Soit a ⊆ Rad A. Alors l’anneau A est congruentiel si, et seulement si, A/a est congruentiel.
2. Tout anneau résiduellement zéro-dimensionnel est congruentiel.
3. Tout anneau congruentiel est local-global.
J 1. On utilise le fait que des éléments sont comaximaux (resp. inversibles) dans A si, et
seulement si, ils sont comaximaux (resp. inversibles) dans A/a .
2. Supposons A résiduellement zéro-dimensionnel. Il suffit de montrer que A/Rad A est congru-
entiel. Soit W un système congruentiel de A/Rad A tel que hW i = h1i. Soient w1 , . . . , wn ∈ W
avec hw1 , . . . , wn i = h1i. Il existe un système fondamental d’idempotents orthogonaux e1 , . . . , en
tel que he1 w1 + · · · + en wn i = h1i (lemme 4.8.5 point 5). On conclut avec le fait 9.6.13 que
1 ∈ W.
3. Supposons A congruentiel et soit P un polynôme dont les valeurs engendrent l’idéal h1i.
Puisque les valeurs de P forment un système congruentiel, une valeur de P est inversible. I
J Notons m = Rad A et K = A/m le corps résiduel (discret). La K-algèbre B/mB est entière
sur K donc zéro-dimensionnelle, donc est un anneau congruentiel. Puisque mB ⊆ Rad B (théo-
rème 9.1 page 330) on conclut par le fait 9.6.15 point 1 que B est congruentiel. I
J Résulte de la proposition précédente puisque la norme d’un élément inversible est inversible.
I
352 9. Anneaux locaux, ou presque
Corollaire 9.6.18 Le corollaire précédent est valable en supprimant l’hypothèse que A est un
anneau local résiduellement discret.
J Le corollaire 9.6.17 est sous une forme adéquate pour subir la machinerie locale-globale
constructive de base qui sera expliquée page 589 dans la section 15.5. Le résultat de cette
machinerie est le corollaire ci-présent. I
D E
Remarque. En mathématiques classiques on peut dire ceci : il suffit de vérifier NB/A (W ) =
A
h1iA après localisation en un idéal premier arbitraire de A, et dans ce cas on est ramené au
corollaire 9.6.17. La machinerie locale-globale constructive de base a justement pour but de
décrypter ce type de preuve abstraite pour la transformer en un algorithme.
Démonstration du théorème 9.8 page 350. Nous supposons en un premier temps que B est un
A-module libre de rang fini, disons `. Soit P ∈ B[X1 , . . . , Xn ] un polynôme tel que les valeurs de
P engendrent l’idéal h1i. Nous voulons montrer que P (b) est inversible pour un b ∈ Bn . Nous
considérons le système D congruentiel E W des valeurs de P . Par hypothèse 1 ∈ hW i. Le corollaire
9.6.18 nous dit que NB/A (W ) = h1iA .
A
Mais NB/A (P (b1 , . . . , bn )) est un polynôme à n` variables dans A si l’on exprime chaque bi ∈ B
sur une base de B comme A-module. Puisque A est local-global il existe donc b ∈ Bn tel que
NB/A (P (b)) est inversible, et cela implique que P (b) est inversible.
Dans le cas général où B est seulement supposé entier sur A, considérons dans B les sous-A-
algèbres Bi de type fini ; B en est la réunion filtrante croissante. Puisque B est entier sur A,
Bi est un A-module de type fini donc un quotient d’une A-algèbre qui est un A-module libre
de rang fini. D’après le début de la preuve et en vertu du point 5. du fait 9.6.2, chaque Bi est
local-global. Enfin d’après le dernier point du fait 9.6.2, B est local-global. I
Exercices et problèmes
Exercice 9.1 Démontrer en mathématiques classiques que le nilradical d’un anneau est égal à l’intersection
de ses idéaux premiers.
Exercice 9.2 Si a est un idéal de A on note JA (a) son radical de Jacobson, c’est-à-dire l’image réciproque
de Rad(A/a ) par la projection canonique A → A/a . Soit a un idéal de A. Montrer que JA (a) est le plus
grand idéal b tel que le monoïde 1 + b soit contenu dans le saturé de 1 + a.
Exercice 9.3 Démontrer en mathématiques constructives que le radical de Jacobson d’un anneau local
coïncide avec l’ensemble des éléments noninversibles. Et que c’est l’unique idéal a vérifiant :
– a est maximal
– 1 ∈ a implique 1 = 0.
Les a qui vérifient ces propriétés forment un idéal bilatère appelé radical de Jacobson de A.
Exercice 9.5 (un lemme de liberté) Soit (A, m) un anneau local intègre de corps résiduel k, de corps des
fractions K. Soit E un A-module de type fini ; on suppose que le k-espace vectoriel E/mE = k ⊗A E et
le K-espace vectoriel K ⊗A E ont même dimension n. Montrer que E est un A-module libre de rang n.
Mieux : si x1 , . . . , xn ∈ E est une base résiduelle, c’est une A-base de E.
Exercice 9.7 Soit A un anneau local. Si hbi = hai alors il existe un élément inversible u tel que ua = b.
Si a = hx1 , . . . , xn i = hai alors il existe un indice i tel que a = hxi i.
Exercice 9.8 Donner une démonstration directe détaillée du théorème 9.4 page 339 lorsque n = s.
Exercice 9.9 On reprend certains points du théorème 5.7 page 174, en supposant maintenant que l’anneau
A est résiduellement zéro-dimensionnel. Le lecteur est invité à fournir des démonstrations indépendantes
des résultats obtenus pour les anneaux local-globals.
1. Tout A-module projectif de type fini est quasi libre.
2. Toute matrice G ∈ Aq×m de rang > k est équivalente à une matrice
Ik 0k,m−k
0q−k,k G1
avec Dr (G1 ) = Dk+r (G) pour tout r > 0. Les matrices sont élémentairement équivalentes si k < sup(q, m).
3. Tout module de présentation finie localement engendré par k éléments est engendré par k éléments.
Exercice 9.12 (Idéaux de Kaplansky) Soit M un A-module. L’idéal de Kaplansky d’ordre r du module
M (exercice 4.16) est l’idéal Kr (M ) somme des transporteurs (hm1 , . . . mr i : M ) pour tous les systèmes
m1 , . . . mr dans M . Ainsi K0 (M ) = Ann(M ) et si M est engendré par q éléments on a Kq (M ) = h1i.
1. Soit s ∈ A. Si M est de type fini et si une famille d’éléments m1 , . . . , mr de M est un système générateur
du localisé Ms , montrer qu’il existe un exposant e tel que se ∈ (Am1 + · · · + Amr : M ). La réciproque est
vraie sans l’hypothèse M de type fini.
2. Soit M = Ax1 + · · · + Axn . La notation Pr,n est en 2.5.9.
2a) Si s ∈ A et si sM est contenu dans un sous-module engendré par r éléments, montrer l’appartenance
(qui précise l’exposant e dans 1.) :
sn ∈ I∈Pr,n bI (x) avec bI (x) = ( i∈I Axi : M ).
P P
P
2b) En déduire l’inclusion Kr (M ) ⊆ DA I∈Pr,n bI (x) .
3. Montrer que 1 ∈ Kr (M ) si, et seulement si, M est de type fini, localementengendré par r éléments.
P
Dans ce cas, pour tout système générateur x = x1 , . . . , xn de M , on a 1 ∈ DA I∈Pr,n bI (x) .
Exercice 9.13 Si A et B sont deux anneaux décomposables on dit qu’un homomorphisme d’anneaux
ϕ : A → B est un morphisme d’anneaux décomposables si pour tous a, b ∈ A vérifiant b(1 − ab) = 0 et
a(1 − ab) ∈ Rad A on a dans B, avec a0 = ϕ(a) et b0 = ϕ(b), b0 (1 − a0 b0 ) = 0 et a0 (1 − a0 b0 ) ∈ Rad B (cf.
proposition 9.5.3).
1. Montrer que ϕ est un morphisme d’anneaux décomposables si, et seulement si, ϕ(Rad A) ⊆ Rad B.
354 9. Anneaux locaux, ou presque
2. Étudier les morphismes injectifs et surjectifs des anneaux décomposables. En d’autres termes,
préciser les notions de sous-anneau décomposable (en un seul mot) et d’anneau décomposable
quotient.
Exercice 9.16 (Voir aussi l’exercice 4.9) Soit A un anneau local-global et M un A-module.
1. Pour tout idéal a, montrer que l’homomorphisme canonique A× → (A/a )× est surjectif.
2. Si x, y ∈ M engendrent le même sous-module il existe un inversible u tel que x = uy.
2. En déduire (pour n > 2) que tout vecteur unimodulaire se transforme en le vecteur (1, 0, . . . , 0) par
manipulations élémentaires.
3. En déduire que SLn A = En A.
Exercice 9.4 1. Si c est inverse à droite et à gauche c’est l’unique inverse à gauche car c0 a = 1 implique
c0 = c0 ac = c. Inversement puique ca = 1, on a (c + 1 − ac)a = ca + a − aca = 1, donc c + 1 − ac est un
inverse à gauche, et s’il y a unicité 1 − ac = 0.
2. On vérifie que v = 1 + bua convient.
3. Si u(1 − xa) = 1 alors u = 1 − uxa est inversible à gauche. Ainsi u est inversible à droite et à gauche,
et 1 − xa également.
Exercice 9.5 Soit x1 , . . . , xn ∈ E tels que x1 , . . . , xn soit une k-base de E/mE. D’après Nakayama, les
xi engendrent E ; soit u : An E la surjection réalisant ei 7→ xi ; en tensorisant par K⊗A , on obtient une
surjection U : Kn K ⊗A E entre deux K-espaces vectoriels de même dimension n donc un isomorphisme.
Puisque An ,→ Kn , on en déduit que u est injective : en effet, si y ∈ An A n //E
_ u
vérifie u(y) = 0, alors 1 ⊗ u(y) = U (y) = 0 dans K ⊗A E donc y = 0, cf. le U/ /
diagramme ci-contre : Kn K ⊗A E
Bilan : u est un isomorphisme et x1 , . . . , xn est une A-base de E.
Exercice 9.6 D’après le dernier point du lemme de Nakayama page 331, (e1 , . . . , en ) est un système
générateur du A-module E. Soit L = An et ϕ : L E l’application A-linéaire (surjective) qui transforme
la base canonique de L en e1 , . . . , en . Par hypothèse, ϕ : L/aL → E/aE est un isomorphisme. Montrons
que Ker ϕ = a Ker ϕ. Soit x ∈ L avec ϕ(x) = 0 ; on a ϕ(x) = 0 donc x = 0, i.e. x ∈ aL disons x = ay avec
y ∈ L. Mais 0 = ϕ(x) = aϕ(y) et a étant E-régulier, ϕ(y) = 0 ; on a bien Ker ϕ ⊆ a Ker ϕ. Puisque E
est de présentation finie, Ker ϕ est de type fini et l’on peut appliquer de nouveau Nakayama à l’égalité
Ker ϕ = a Ker ϕ ; elle fournit Ker ϕ = 0 : ϕ est un isomorphisme de L sur E.
Exercice 9.12 1. Si M est de type fini, As m1 + · · · + As mr = Ms équivaut à l’existence d’un e tel que
se M ⊆ Am1 + · · · + Amr .
2. et 3. Il suffit de prouver le point 2a.. Pour simplifier les notations, on suppose r = 2. Si n = 1, M = Ax1
et si n = 2, M = Ax1 + Ax2 et dans ces cas, le résultat est clair. On suppose donc n > 3.
Par hypothèse, il y a u, v ∈ M tels que sM ⊆ Au + Av, ce que l’on écrit pour des ai , bi ∈ A
x1 a1 b1
u . . .. n×2
sx = B , avec x = .. , B = .. . ∈A
v
x a n bn
n
u
D’autre part, on exprime u, v dans x, ce qui donne = Cx avec C ∈ A2×n . On a donc (sIn − BC)x = 0
v
puis det(sIn − BC) ∈ Ann(M ). On écrit det(sIn − BC) = sn + c1 sn−1 + · · · + cn−1 s + cn où ci est, au
356 9. Anneaux locaux, ou presque
signe près, la somme des mineurs principaux de BC. Vu les tailles de B, C, les mineurs d’ordre > 2 de
BC sont nuls, donc det(sIn − BC) = sn + c1 sn−1 + c2 sn−2 . On obtient donc sn ∈ sn−2 D2 (BC) modulo
Ann(M ). A fortiori :
(?) sn ∈ sD2 (B) + Ann(M )
ai bi xi a i bi u
Notons Dij = un mineur d’ordre 2 de B. En multipliant l’égalité s = par
aj bj xj aj bj v
la cotransposée, on obtient Dij (Au + Av) ⊆ Axi + Axj . Donc :
sDij M ⊆ Dij (Au + Av) ⊆ Axi + Axj ,
Cette appartenance sDij ∈ (Axi +Axj : M ) et celle (?) sur sn montrent que sn ∈ i<j ((Axi +Axj ) : M ).
P
Commentaires bibliographiques
La lectrice trouvera sans doute un peu arbitraire notre volonté de donner à l’anneau trivial
toutes les propriétés imaginables, notamment à travers notre utilisation d’une version affaiblie de
la négation (cf. la note 1 page 328). Nous espérons la convaincre de l’utilité pratique d’une telle
convention par les exemples. Sur le bon usage de l’anneau trivial, voir [147, Richman].
La (( preuve par Azumaya )) du lemme de la liberté locale page 332 est extraite de la preuve
du théorème d’Azumaya III.6.2 dans [MRR], pour le cas qui nous occupe ici. Autrement dit,
nous avons donné le contenu (( matriciel )) de la preuve du lemme de la liberté locale dans [MRR].
Les courbes monomiales (exemple page 343) sont traitées dans [Kunz] chapitre V, exem-
ple 3.13.f.
Les anneaux décomposés jouent un rôle important dans la théorie classique des anneaux
locaux henséliens par exemple dans [Raynaud] ou [Lafon & Marot].
Un anneau local-global est parfois appelé (( ring with many units )) dans la littérature de langue
anglaise. Les anneaux local-globals ont notamment été étudiés dans [74, Estes & Guralnick].
D’autres (( anneaux avec beaucoup d’unités )) sont apparus bien avant, sous la terminologie
“unit-irreducible rings” (voir par exemple [105]). Ce sont les anneaux A pour lesquels est vérifiée
la propriété suivante : si deux polynômes de A[X] représentent un inversible, alors leur produit
représente aussi un inversible. Ont également été introduits les anneaux (( primitifs )) ou (( strongly
358 9. Anneaux locaux, ou presque
U-irreducible )) qui sont les anneaux pour lesquels est vérifiée la propriété suivante : tout poly-
nôme primitif représente un inversible. Ce sont des anneaux local-globals particuliers. Dans la
démonstration du fait 9.6.7 on a montré qu’un localisé de Nagata est toujours (( primitif )).
Concernant le localisé de Nagata A(X), vu le fait 9.6.7 et les bonnes propriétés des an-
neaux local-globals, il n’est pas étonnant que cet anneau joue un rôle crucial pour la solution
uniforme des systèmes linéaires avec paramètres sur un corps discret et plus généralement pour les
calculs uniformes (( en temps raisonnable )) sur des anneaux commutatifs arbitraires (voir [56, 57,
Díaz-Toca&al.]).
10. Modules projectifs de type fini, 2
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359
10.1 Les modules projectifs de type fini sont localement libres . . . . . . 360
Compléments sur les puissances extérieures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360
Cas des modules de rang constant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362
Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362
Modules de rang constant : quelques précisions . . . . . . . . . . . . . . . . . 364
Cas générique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365
10.2 L’anneau des rangs généralisés H0 (A) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365
10.3 Quelques applications du théorème de structure locale . . . . . . . 368
Polynôme fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369
Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369
Rangs et applications linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370
Formules de transitivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370
Modules projectifs de rang 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372
10.4 Grassmanniennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372
Les anneaux génériques Gn et Gn,k . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372
Espaces tangents aux grassmanniennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375
Nullstellensatz et équivalence de deux catégories . . . . . . . . . . . . . . 376
Schémas affines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377
Espace tangent en un point à un foncteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . 378
Projecteurs et rangs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 379
Grassmannienne affine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 380
Grassmannienne projective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381
10.5 Groupes de Grothendieck et de Picard . . . . . . . . . . . . . . . . . 383
Quand les modules projectifs de rang constant sont libres . . . . . . . . . . . 383
GK0 (A), K0 (A), Ke 0 (A), et Pic(A) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 384
Le groupe de Picard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385
Les semi-anneaux GK0 (A), GK0 (Ared ) et GK0 (A/Rad A ) . . . . . . . . . . . 387
Le carré de Milnor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388
10.6 Identification de points sur la droite affine . . . . . . . . . . . . . . . 390
Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 390
Identification de points sans multiplicités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416
Introduction
Nous poursuivons ici l’étude des modules projectifs de type fini commencée dans le chapitre 5.
360 10. Modules projectifs de type fini, 2
Dans la section 10.1 nous reprenons la question de la caractérisation des modules projectifs
de type fini comme modules localement libres, c’est-à-dire du théorème de structure locale.
La section 10.2 est consacrée à l’anneau des rangs sur A. Dans la théorie usuelle en mathé-
matiques classiques le rang d’un module projectif de type fini est défini comme une fonction
localement constante sur le spectre de Zariski. Nous donnons ici une théorie élémentaire du rang
qui ne fait pas appel aux idéaux premiers.
Dans la section 10.3 nous donnons quelques applications simples du théorème de structure
locale.
La section 10.4 est une introduction aux grassmanniennes.
Dans la section 10.5 nous introduisons le problème général de la classification complète
des modules projectifs de type fini sur un anneau A fixé. Cette classification est un problème
fondamental et difficile, qui n’admet pas de solution algorithmique générale.
La section 10.6 présente un exemple non trivial pour lequel cette classification peut être
obtenue.
Compléments sur les puissances extérieures d’un module projectif de type fini
Le lemme suivant est immédiat.
Lemme 10.1.1 Soit P un A-module libre de rang h et ϕ un endomorphisme de P , diagonalisable,
de valeurs propres λ1 , . . . , λh , alors pour le polynôme fondamental de ϕ on obtient :
def
Fϕ (X) = det(IdP [X] + Xϕ) = (1 + λ1 X) · · · (1 + λh X).
Nous établissons maintenant le résultat crucial.
Proposition 10.1.2 (puissances extérieures)
Soit P un module projectif de type fini.
1. La puissance extérieure k-ième de P , notée k P , est aussi un module projectif de type
V
matrice de projection k F .
V
4. Si une matrice de projection F a pour image un module projectif de rang constant k, alors
Dk+1 (F ) = 0.
et plus généralement
^m m ^
M k ^m−k
(10.1) (M ⊕ N ) ' M⊗ N
k=0
3) On peut calculer FVk (ϕ) à partir de Fϕ de la manière suivante. Puisque Fϕ (0) = 1 et deg(Fϕ ) 6 n,
si ψ est l’endomorphisme de An ayant pour matrice la matrice compagne C de X n Fϕ (−1/X),
on obtient Fϕ = Fψ . Donc
^k
FVk ϕ = FVk ψ = det I(n) + X C
k
Proposition 10.1.3 Soit P un module projectif de type fini, et k 6 h deux entiers > 0. Les
propriétés suivantes sont équivalentes.
a) P est de rang constant h.
P est de rang constant 2h .
V
b)
Vk h
c) P est de rang constant k .
Avec h = 0, les propriétés a) et b) sont équivalentes.
Remarque. Dans le théorème précédent, il se peut que si soit nilpotent pour certaines valeurs
de i, donc que Asi soit trivial. Le fait de ne pas exclure ces localisations nulles est inévitable
lorsque l’on ne dispose pas d’un test pour savoir si un élément de A est ou n’est pas nilpotent.
Ceci justifie la convention naturelle donnée page 188.
Cas général
Théorème 10.2 Soit P un A-module projectif de type fini avec n générateurs. Alors pour chaque
n
idempotent eh (P ) il existe h éléments (sh,i ) de A avec les propriétés suivantes :
P
– i sh,i = eh (P ),
– chaque Ash,i -module Psh,i est libre de rang h.
En particulier, pour tout module projectif de type fini à n générateurs, il existe 2n éléments
comaximaux v` tels que chaque Pv` soit libre.
Le théorème suivant résume les théorèmes 10.1 et 10.2, et la réciproque donnée par le principe
local-global 5.1 page 170.
10.1. Les modules projectifs de type fini sont localement libres 363
Théorème 10.3 Un A-module P est projectif de type fini si, et seulement si, il existe des
éléments comaximaux s1 , . . . , s` tels que chaque Psi est libre sur Asi . Il est projectif de rang k si,
et seulement si, il existe des éléments comaximaux s1 , . . . , s` tels que chaque Psi est libre de rang
k sur Asi .
Théorème 10.4 (forme matricielle explicite des théorèmes 5.1 et 5.3 page 168)
Soit A un anneau, F ∈ Mn (A) avec F 2 = F et P le module projectif de type fini image de F
dans An . On définit les éléments rh de A pour h = 0, . . . , n par les égalités :
RP (1 + X) := det(In + XF ), RP (X) =: r0 + r1 X + · · · + rn X n
Alors :
1. La famille (rh )h=0,...,n est un système fondamental d’idempotents orthogonaux de A.
2. Pour h = 0, . . . , n − 1 et u un mineur d’ordre h + 1 de F , on a rh u = 0.
3. Si les th,i sont les mineurs principaux d’ordre h de F , et si l’on pose sh,i = rh th,i on
obtient :
– la somme (pour h fixé) des sh,i est égale à rh ,
– chaque Ash,i -module Psh,i est libre de rang h,
– la matrice F est semblable sur Ash,i à la matrice Ih,n ,
P
– les sh,i sont comaximaux, précisément h,i sh,i = 1.
Remarque. Le théorème 10.4 résume les théorèmes 5.12, 10.1 et 10.2 qui l’ont précédé. Il n’est
donc pas inintéressant d’en donner une preuve purement matricielle qui concentre toutes les
preuves précédentes, d’autant plus qu’elle est particulièrement élémentaire :
RP (1 + X) RP (1 + Y ) = det(In + XF ) det(In + Y F ) =
det((In + XF )(In + Y F )) = det(In + (X + Y )F + XY F 2) =
det(In + (X + Y + XY )F ) = RP ((1 + X)(1 + Y ))
3.5.6). Appliquant ceci pour calculer le polynôme caractéristique de G, nous pouvons remplacer
F par la matrice Ih,n qui a même polynôme caractéristique que F . Comme la matrice h+1 Ih,n
V
h+1
est nulle, son polynôme caractéristique est X ( n ) , donc, par Cayley-Hamilton, la matrice G est
nilpotente, et comme elle est idempotente, elle est nulle.
3. Résulte de 1., 2. et du lemme de la liberté, page 31. I
364 10. Modules projectifs de type fini, 2
En outre si P engendré par n éléments le nombre des éléments comaximaux nécessaires dans le
n
point 2 est majoré par h .
Dans la proposition qui suit nous faisons le lien entre notre définition et la définition usuelle
(en mathématiques classiques) d’un module projectif de rang k. La preuve de cette équivalence
n’est cependant pas constructive (et ne peut pas l’être).
Proposition 10.1.6 Soit k un entier naturel, P un module projectif de type fini sur un anneau
A non trivial et a un idéal contenu dans Rad A. Alors les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. P est de rang k, i.e., RP (X) = X k
2.∗ Pour tout idéal maximal m de A, l’espace vectoriel obtenu à partir de P en étendant les
scalaires au corps résiduel A/m est de dimension k.
3. RP (X) ≡ X k modulo a[X].
J D’un point de vue classique, l’implication 2. ⇒ 3. est immédiate ; il suffit de se rappeler que
l’intersection des idéaux maximaux est le radical de Jacobson de A. Notez que d’un point de vue
constructif, la condition 2. est a priori trop faible, par manque d’idéaux maximaux.
Par ailleurs 1. implique trivialement 2. et 3. Réciproquement, si RP (X) = X k modulo a[X],
puisque les idempotents sont toujours isolés (lemme 9.5.1) l’égalité a lieu dans A[X]. I
J D’après le lemme d’élargissement 5.1.7, on peut supposer que le module est image d’un
projecteur F ∈ GAn (A) de rang k et qu’il existe une matrice P dans GLn (Frac A) telle que
P F P −1 = Ik,n (la projection standard de rang k dans An ). On peut écrire P = Q/a avec
10.2. L’anneau des rangs généralisés H0 (A) 365
Q ∈ Mn (A) et a régulier dans A ; ainsi det Q = an det P est aussi régulier dans A. On définit
une matrice Q1 par :
Ik 0 Q1
Q · F = Ik,n · Q = ·Q = .
0 0 0
Or l’image de Q · F est isomorphe à l’image de F parce que Q est injective, et l’image de Ik,n · Q
est clairement isomorphe à l’image de Q1 = Q1..k,1..n . I
Remarque. 1) Le théorème précédent s’applique aux anneaux quasi intègres et plus généralement
à tout anneau A tel que Frac Ared soit zéro-dimensionnel (ou même simplement local-global).
C’est par exemple le cas des anneaux nœthériens cohérents fortement discrets (voir le problème
13.1). En mathématiques classiques ce sont tous les anneaux nœthériens.
2) Pour plus de précisions concernant le cas k = 1 voir le théorème 10.12 page 387.
Cas générique
Qu’est-ce que nous appelons le cas générique, concernant un module projectif à n générateurs ?
Nous considérons l’anneau
Gn = Z[(fi,j )i,j∈J1..nK ]/Gn ,
où les fi,j sont des indéterminées, F est la matrice (fi,j )i,j∈J1..nK et Gn est l’idéal défini par les
n2 relations obtenues en écrivant F 2 = F . À coefficients dans cet anneau Gn , nous avons la
matrice F dont l’image dans Gnn est ce qui mérite d’être appelé le module projectif générique à n
générateurs.
Reprenons les notations du théorème 10.4 dans ce cas particulier. Dire que rh rk = 0 dans Gn
(pour 0 6 h 6= k 6 n) signifie que, dans Z[(fi,j )i,j∈J1..nK ]
rh (F )rk (F ) ∈ Gn (∗)
Cela implique une identité algébrique qui permet d’exprimer cette appartenance. Cette identité
algébrique est naturellement valable dans tous les anneaux commutatifs. Il est donc clair que si
l’appartenance (∗) est vérifiée dans le cas générique, elle implique rh rk = 0 pour n’importe quelle
matrice de projection sur un anneau commutatif arbitraire.
La même chose vaut pour les égalités rh u = 0 lorsque u est un mineur d’ordre h + 1.
En résumé : si le théorème 10.4 est vérifié dans le cas générique, il est vérifié dans tous les cas.
Comme souvent, nous constatons donc que des théorèmes importants d’algèbre commutative ne
font rien d’autre qu’affirmer l’existence de certains types particuliers d’identités algébriques.
10.2 Le semi-anneau H+
0 (A), et l’anneau des rangs généralisés
H0 (A)
Pour un module libre, en passant du rang k au polynôme rang X k , on passe de la notation
additive à la notation multiplicative. Pour un module projectif de type fini général, on peut
considérer en sens inverse un (( rang généralisé )) du module, qui est le logarithme (purement
formel) en base X de son polynôme rang. Bien qu’il s’agisse là d’un simple jeu de notation, il
s’avère que les calculs avec les rangs en sont facilités. Expliquons comment cela fonctionne.
Notation 10.2.1 On note H+ 0 (A) l’ensemble des classes d’isomorphisme des modules quasi
libres sur A, et [P ]H+ (A) (ou [P ]A , ou même [P ]) la classe d’un tel module P dans H+
0 (A).
0
L’ensemble H+ 1
0 (A) est muni d’une structure de semi-anneau pour les lois héritées de ⊕ et ⊗ :
[P ⊕ Q] = [P ] + [Q], [P ⊗ Q] = [P ] · [Q]. Pour un idempotent e on notera aussi [e] à la place de
[eA], lorsque le contexte est clair. L’élément neutre pour la multiplication est [1].
Tout module quasi libre P est isomorphe à un unique module2 (r1 A) ⊕ (r2 A)2 ⊕ · · · ⊕ (rn A)n ,
où les ri sont des idempotents orthogonaux, puisqu’alors ei (P ) = ri . On a donc [P ] = nk=1 k [rk ]
P
Définition 10.2.2 Si M est un A-module projectif de type fini on appelle rang (généralisé) et
l’on note rgA (M ) ou rg(M ) l’unique élément de H+
0 (A) qui a le même polynôme rang que lui.
Le module nul est caractérisé par rg(M ) = 0 (théorème 5.11 page 187).
Si A est non trivial, alors [1] 6= [0] et N s’identifie au sous-semi-anneau de H+ 0 (A) engendré
par [1] au moyen de l’injection n 7→ n [1]. La définition ci-dessus n’entre donc pas en conflit avec
la notion de rang pour les modules projectifs de rang constant, définie auparavant.
Notez aussi que lorsque A est trivial on a H+ 0 (A) = 0 : ceci est bien conforme à la convention
selon laquelle le module nul sur l’anneau trivial a pour rang n’importe quel entier, puisque dans
H+ k
0 (A), k = 0, ou si l’on préfère, les deux polynômes rang 1 et X sont égaux sur l’anneau trivial.
Remarque. Une règle de calcul pratique portant sur les rangs est la suivante :
[r] + [r0 ] = [r + r0 ] si rr0 = 0,
c’est-à-dire plus généralement
où les lois ∨, ∧ et ⊕ sont celles de l’algèbre de Boole des idempotents de l’anneau, c’est-à-dire
r ⊕ r0 = r + r0 − 2rr0 , r ∨ r0 = r + r0 − rr0 et r ∧ r0 = rr0 . Notez que r ⊕ r0 et r ∧ r0 sont deux
idempotents orthogonaux de somme r ∨ r0 et que la signification de l’égalité (10.2) est donnée
par les isomorphismes suivants
Notation exponentielle
Remarquons que an est le résultat de l’évaluation du polynôme multiplicatif X n au point a :
n
X n (a)= alogX (X ) .
Il s’ensuit que pour un polynôme multiplicatif arbitraire R(X) = nk=0 ek X k dont le lo-
P
Pn
garithme en base X est l’élément r = k=0 k [ek ], on a les notations légitimes suivantes :
ar = nk=0 ek ak = R(a), et pour un A-module M , M r = nk=0 ek M k .
P L
0 0 0 0 0 0
Ce n’est pas une fantaisie : on a bien ar+r = ar ar , arr = (ar )r , M r+r ' M r ⊗ M r et
0 0
M rr ' (M r )r pour r, r0 arbitraires dans H+
0 A.
1. Ceci signifie que la structure est donnée par une addition, commutative et associative, une multiplication,
commutative, associative et distributive par rapport à l’addition, avec un neutre 0 pour l’addition et un neutre 1
pour la multiplication. Par exemple N est un semi-anneau. Pn
2. On a aussi (exercice 2.14) P ' e1 A ⊕ · · · ⊕ en A avec ek = j=k rj , et ek | ek+1 pour 1 6 k < n.
10.2. L’anneau des rangs généralisés H0 (A) 367
Symétrisation
Le monoïde additif H+ 0 (A) est régulier : au choix d’après le lemme de McCoy (corollaire 3.2.3),
ou l’un des deux théorèmes d’unicité 4.4 et 4.5 page 142, ou enfin le point 3. du théorème 5.11
page 187.
Le semi-anneau H+ 0 (A) peut donc être considéré comme un sous-semi-anneau de l’anneau
obtenu en le symétrisant. Cet anneau s’appelle l’anneau des rangs (généralisés) de modules
projectifs de type fini sur A, et l’on le note H0 (A).
P
Tout élément de H0 (A) s’écrit sous forme k∈J k [rk ] où les rk sont des idempotents deux à
deux orthogonaux et J est une partie finie de Z \ {0}.
L’écriture est unique au sens suivant : si k∈J k [rk ] = k∈J 0 k [rk0 ], alors rk = rk0 si k ∈ J ∩ J 0 ,
P P
J Si r =
P P P P
kk[rk ] et s = k k[sk ], alors rs = k k( i,j,ij=k [ri sj ]). Par unicité de l’écriture, si
rs = 1 = 1[1], alors r1 s1 = 1 donc r1 = s1 = 1. I
On peut se demander quelle est la loi correspondante sur les polynômes multiplicatifs : le
lecteur se convaincra qu’il s’agit de la loi (R(X), R0 (X)) 7→ R(R0 (X)) = R0 (R(X)).
On a aussi le fait suivant qui découle de la proposition 10.3.3 à venir.
Fait 10.2.4 Si P et Q sont deux modules projectifs de type fini, alors P ⊗ Q est un module
projectif de type fini et rg(P ⊗ Q) = rg(P ) · rg(Q).
Les ri sj forment un système fondamental d’idempotents orthogonaux et l’on obtient par sous-
traction, sans avoir à réfléchir
X Xm X
rg(Q) − rg(P ) = rg(R) = (j − i) [ri sj ] = k [ri sj ] .
i6j k=0 j−i=k
Dans la suite, nous laissons définitivement tomber le mot (( généralisé )) lorsque nous parlons
de rang d’un module projectif de type fini.
Remarque. En mathématiques classiques, H0 (A) est souvent défini comme l’anneau des fonctions
localement constantes (i.e., continues) de Spec A vers Z. Un commentaire plus détaillé sur ce
sujet se trouve page 386.
Pour le point 1. on a Ker ϕ qui est facteur direct dans P et l’on obtient les généralisations d’éga-
lités bien connues dans le cas des espaces vectoriels sur un corps discret : rg(Ker ϕ) + rg ϕ = rg P ,
rg(Ker ϕ) + rg Q = rg(Coker ϕ) + rg P . En outre, en cas de modules libres, et pour un rang r ∈ N,
on retrouve bien la notion de rang d’une matrice définie en 2.5.7.
Concernant le point 2., notons que pour deux polynômes pseudo unitaires p et q on a l’égalité
deg pq = deg p + deg q.
Cette notion de degré s’étend de manière naturelle aux polynômes localement unitaires définis
dans l’exercice 10.14.
NB : Si dans l’hypothèse figure une application linéaire localement simple entre deux modules
différents, on est ramené par le théorème de structure locale au cas d’une application linéaire
simple.
La démonstration fonctionne chaque fois que le résultat à établir est vrai si, et seulement si,
il est vrai après localisation en des éléments comaximaux.
Remarque. Si l’on doit démontrer un résultat qui, dans le cas de modules libres, se résume à des
identités algébriques on peut en outre supposer que les endomorphismes sont diagonalisables.
L’argument est ici différent du théorème de structure locale. C’est que pour vérifier une identité
algébrique il suffit de le faire sur un ouvert de Zariski de l’espace des paramètres, et une matrice
générique est diagonalisable d’après la proposition 3.5.3.
10.3. Quelques applications du théorème de structure locale 369
Proposition 10.3.1 Soit ϕ un endomorphisme d’un module projectif de type fini P à n généra-
teurs. Les coefficients du polynôme fondamental de ϕ sont donnés par
^
X h
Fϕ (X) = 1 + Tr ϕ Xh
16h6n
Proposition 10.3.2 Si P est un module projectif de type fini fidèle, alors l’application A-linéaire
trace TrP : End(P ) → A est surjective.
Produit tensoriel
Proposition 10.3.3 On considère deux A-modules projectifs de type fini P et Q, ϕ et ψ des
endomorphismes de P et Q. Le module P ⊗A Q est un module projectif de type fini.
def
1. On a l’égalité det(ϕ ⊗ ψ) = (det ϕ)rg Q (det ψ)rg P = RQ (det ϕ) RP (det ψ).
2. Le polynôme fondamental Fϕ⊗ψ (X) de ϕ ⊗A ψ ne dépend que de rg P , rg Q, Fϕ , et Fψ .
3. Si Fϕ = (1+λ1 X) · · · (1+λm X), et Fψ = (1+µ1 X) · · · (1+µn X) on a l’égalité Fϕ⊗ψ (X) =
Q
i,j (1 + λi µj X)
4. En particulier rg(P ⊗ Q) = rg(P ) rg(Q).
Notez aussi que la proposition précédente pourrait être démontrée (( directement )) sans passer
par le théorème de structure locale, avec une preuve calquée sur celle qui a été faite pour les
puissances extérieures (proposition 10.1.2).
370 10. Modules projectifs de type fini, 2
J Dans le point 2., il suffit de prouver l’inégalité après localisation en un s qui rend les deux
modules libres. Comme la localisation préserve l’injectivité, on peut conclure d’après le cas des
modules libres (voir le corollaire 2.5.17 et la remarque qui suit). I
Formules de transitivité
Notation 10.3.6 Soit une A-algèbre B. Rappelons que B est strictement finie sur A si c’est
un A-module projectif de type fini. Alors on note [B : A] = rgA (B).
Rappelons que d’après le fait 6.4.4 si B est strictement finie sur A et si M est un B-module
projectif de type fini, alors M est aussi un A-module projectif de type fini.
Lorsque l’on prend pour P un module quasi libre sur B, en considérant son rang sur A
cela définit un homomorphisme du groupe additif H0 B vers le groupe additif H0 A. Cet ho-
momorphisme est appelé homomorphisme de restriction et il est noté RsB/A . On obtient ainsi
un foncteur contravariant d’une sous-catégorie des anneaux commutatifs vers celle des groupes
abéliens. Il s’agit de la catégorie dont les morphismes sont les ρ : A → B qui font de B une
algèbre strictement finie sur A.
Par ailleurs, H0 définit un foncteur covariant de la catégorie des anneaux commutatifs vers
celle des semi-anneaux, puisque par extension des scalaires, un module quasi-libre donne un
module quasi-libre.
Comme H0 (C) est complètement caractérisé par B(C) (pour une formulation catégorique,
voir l’exercice 10.17), les points 1. et 2. du fait suivant décrivent complètement les deux foncteurs
dont nous venons de parler.
Remarque. Si A est connexe et contient Z, on peut faire semblant de considérer H0 (A) ' Z comme
un sous-anneau de A. Dans le point 2. ci-dessus on voit alors que RsB/A ([e]B ) = [ TrB/A (e)]A (il
suffit de considérer le cas où eB est libre en facteur direct d’un libre dans B).
Le lemme suivant généralise le théorème 2.6 page 39 (qui s’occupait du cas libre).
10.3. Quelques applications du théorème de structure locale 371
Lemme 10.3.8 Soit B une A-algèbre strictement finie et M un B-module projectif de type fini.
Soit uB : M → M une application B-linéaire, que nous notons uA lorsque nous la regardons
comme une application A-linéaire. Alors on a l’égalité fondamentale :
detA (uA ) = NB/A (detB (uB )).
J Quitte à localiser en des éléments comaximaux de A nous pouvons supposer que B est un
A-module libre, de rang k. Nous écrivons
M ⊕ N = L ' Bn ' Ank
(le dernier isomorphisme est un isomorphisme de A-modules). Nous considérons v = u ⊕ IdN ∈
EndB (L). On a alors par définition du déterminant detB (uB ) = detB (vB ) et detA (uA ) =
detA (vA ). On peut donc appliquer la formule de transitivité du théorème 2.6 page 39. I
ρ
Corollaire 10.3.9 Soit A −→ B une algèbre strictement finie, M un B-module projectif de
type fini et uB ∈ EndB (M ).
1. CuA (X) = NB[X]/A[X] (CuB (X)).
2. FuA (X) = NB[X]/A[X] (FuB (X)).
3. En particulier les polynômes rang de M sur A et B sont reliés par
RMA (X) = NB[X]/A[X] (RMB (X))
4. L’homomorphisme de restriction vérifie
RsB/A (rgB (M )) = rgA (M )
pour tout module M projectif de type fini sur B.
5. Si M est à la fois quasi libre sur A et B on obtient simplement
RsB/A ([M ]B ) = [M ]A .
6. On a RsB/A (1) = rgA (B).
7. Si P est un A-module projectif de type fini alors
rgB (ρ? (P )) = rgA (P ), et rgA (ρ? (P )) = [B : A] rgA (P ).
Théorème 10.6 Soit B une A-algèbre strictement finie et C une B-algèbre strictement finie.
Alors C est une A-algèbre strictement finie et
[C : A] = RsB/A ([C : B]).
En particulier, si H0 (A) s’identifie à un sous-anneau de H0 (B), et si le rang de C sur B est un
élément de H0 (A), on a
[C : A] = [B : A] [C : B].
372 10. Modules projectifs de type fini, 2
que M est projectif de type fini, avec le système de coordonnées ((u1 , . . . , un ), (α1 , . . . , αn )), où
ui = σ −1 (ai ) et αi (x) = ϕ(ci ⊗x). De même, N est projectif de type fini. Comme 1 = rg(N ⊗ M ) =
rg(N ) rg(M ), M et N sont de rang 1 (fait 10.2.3). Enfin N ⊗ M ? ⊗ M ' N ' M ? . I
10.4 Grassmanniennes
Les anneaux génériques Gn et Gn,k
Nous avons défini l’anneau Gn = Gn (Z) = Z[(fij )i,j∈J1..nK ]/Gn page 365.
En fait la construction est fonctorielle et l’on peut définir Gn (A) pour tout anneau commutatif
A : Gn (A) = A[(fij )i,j∈J1..nK ]/Gn ' A ⊗Z Gn . Notons rk = ek (Im F ) où F est la matrice (fi,j )
dans Gn (A).
Si nous imposons en outre que le rang soit égal à k nous introduisons l’idéal Gn,k = Gn +h1 − rk i
et nous obtenons l’anneau Gn,k = Z[F ]/Gn,k ' Gn [1/rk ] ' Gn /h1 − rk i.
Nous avons aussi la version relativisée à A :
Si K est un corps, l’anneau Gn,k (K) peut être considéré comme l’anneau des coordonnées
de la variété affine GAn,k (K) dont les points sont les paires (E1 , E2 ) de sous-espaces de Kn
vérifiant : dim(E1 ) = k et Kn = E1 ⊕ E2 .
En géométrie algébrique, il y a quelques arguments massue pour affirmer que l’anneau Gn,k (K)
a toutes les bonnes propriétés que l’on puisse imaginer, ceci en relation avec le fait que la variété
GAn,k (K) est un espace homogène pour une action du groupe linéaire.
Nous allons retrouver ces résultats (( à la main )) et en nous affranchissant de l’hypothèse (( K
est un corps )).
En utilisant les localisations convenables en les mineurs principaux d’ordre k de la matrice
F = (fij ) (la somme de ces mineurs est égale à 1 dans Gn,k (A)) nous allons établir quelques
propriétés essentielles du foncteur Gn,k .
10.4. Grassmanniennes 373
1. Si rg(F ) 6 k et si un mineur principal d’ordre k est inversible, alors F est semblable à une
matrice de projection standard Ik,n .
V L0
2. Plus précisément si F = avec V ∈ GLk (A) et W ∈ Mh (A), on pose B =
C0 W
−L0
V Ik L
. Alors B est inversible, d’inverse avec L = V −1 L0 , C = −C 0 V −1 ,
C 0 Ih − W C Ih
et l’on a B −1 F B = Ik,n .
En outre on a alors
W = C 0 V −1 L0 , V = (Ik − LC)−1 ,
det V = det(Ih − W ) et Ih − W = (Ih − CL)−1
3. Réciproquement, si L ∈ Ak×h et C ∈ Ah×k sont telles que la matrice Ik− LC est inversible
V VL
et si l’on note V son inverse, alors la matrice F = est une projection
−C V −C V L
de rang k ; c’est
la projection
sur le sous-module libre E1 engendré par les k premières
Ik L
colonnes de parallèlement au sous-module libre E2 engendré par les h dernières
C Ih
colonnes de cette matrice.
J Voir l’exercice 10.2 et sa solution. I
Ce que l’on a gagné par rapport au premier lemme de la liberté page 31 c’est que F est
semblable à Ik,n au lieu d’être simplement équivalente (cependant voir l’exercice 5.3). Et surtout
les précisions obtenues nous seront utiles.
Le lemme précédent se reformule de la manière suivante, plus abstraite, mais essentiellement
équivalente (quoique moins précise).
Lemme 10.4.3 (l’anneau Gn,k (A) est presque un anneau de polynômes)
Soit µ le mineur principal dominant d’ordre k de la matrice générique F = (fi,j ) dans l’anneau
Gn,k (A).
Soit par ailleurs A[L, C] l’anneau des polynômes en 2kh indéterminées, vues comme des coeffi-
cients de deux matrices L et C de types respectifs k×h et h×k, et notons δ = det(Ik − LC) ∈
A[L, C].
Alors les anneaux localisés Gn,k (A)[1/µ] et A[L, C][1/δ] sont naturellement isomorphes.
J Le deuxième lemme de la liberté page précédente donne la réponse.
V L0
Si F = est une matrice de projection avec V carrée d’ordre k inversible (i.e. µ in-
C0 W
versible), on lui associe L = V −1 L0 et C = −C 0 V −1 avec δ = det(Ik − LC) inversible. En fait
l’homomorphisme correspondant va dans le sens opposé : nous venons de définir un homomor-
phisme d’A-algèbres de A[L, C][1/δ] vers Gn,k (A)[1/µ].
V VL
Dans l’autre sens : à L et C avec δ inversible on associe la matrice F = (avec
−C V −C V L
−1
V = (Ik − LC) ). L’homomorphisme correspondant va de Gn,k (A)[1/µ] vers A[L, C][1/δ].
En composant ces homomorphismes on trouve l’identité dans les deux cas. I
Démonstration du théorème 10.7 page précédente.
Le point 1. se déduit du lemme précédent puisque la somme des mineurs principaux d’ordre k de
F est égale à 1 dans Gn,k (A).
2. Considérons le A-homomorphisme ψ : A[(fi,j )] → A de spécialisation en Ik,n défini par
ψ(fi,j ) = 1 si i = j ∈ J1..kK et = 0 sinon. Il est clair que ψ(Gn,k (A)) = 0. Ceci prouve que
A ∩ Gn,k (A) = 0 car si a est dans cette intersection, a = ψ(a) = 0.
3. Le noyau de ϕL,C : A[L, C] → B[L, C] (l’extension naturelle de ϕ) est engendré par le noyau
de ϕ. La propriété reste vraie après localisation. Puis elle reste vraie en recollant des localisations
en des monoïdes comaximaux. Donc dans notre cas on recolle en disant que Ker Gn,k (ϕ) est
engendré par Ker ϕ. I
10.4. Grassmanniennes 375
Lemme 10.4.4 Avec les notations précédentes l’anneau A[L, C][1/δ] est une extension en-
tière monogène d’un anneau de polynômes sur A à 2kh indéterminées. En conséquence
Kdim A[L, C][1/δ] = Kdim A[X1 , . . . , X2kh ].
le polynôme g devient, au signe près, unitaire en t. Donc A0 est une extension entière monogène
de A[L0 , C 0 ]. On conclut avec le théorème 13.8 page 526. I
Un tel ensemble de zéros Z(f , k) ⊆ kn est alors appelé une variété algébrique sur k.
Soient A et B deux k-algèbres quotients correspondant à deux systèmes polynomiaux f et h
dans k[X] = k[X1 , . . . , Xn ]. Le Nullstellensatz (corollaire 3.9.6) nous dit que les deux algèbres
réduites sont égales si, et seulement si, elles ont la même variété de zéros dans kn :
Cette constatation est la première étape dans la mise au point de l’équivalence entre k-algèbres
de présentation finie-réduites d’une part et variétés algébriques sur k d’autre part.
Pour que l’équivalence soit complète, nous devons traiter aussi les morphismes. Nous faisons
pour cela une étude préliminaire concernant l’algèbre Ared .
Nous remarquons que tout élément p de k[X] définit une fonction polynomiale kn → k, ξ 7→
p(ξ), et qu’un élément de Ared définit (par restriction) une fonction Z(f , k) → k : en effet,
D E
si p ≡ q mod Dk[X] (f ), une puissance de p − q est dans l’idéal f , donc les restrictions des
fonctions polynomiales p et q à Z(f , k) sont égales. Mais dans le cas où k est un corps algébri-
quement clos, nous avons la réciproque : si les restrictions de p et q à Z(f , k) sont égales, p − q
D E
s’annule sur Z(f , k), et par le Nullstellensatz, une puissance de p − q est dans l’idéal f .
Ainsi, Ared peut être interprétée comme une algèbre de fonctions sur la variété algébrique
qu’elle définit, à savoir A = Z(f , k) = Homk−alg (A, k). La structure de k-algèbre de Ared est
bien celle de cette algèbre de fonctions. Ces fonctions Z(f , k) → k sont appelées les fonctions
régulières.
De la même manière, si A = k[x1 , . . . , xn ] et C = k[y1 , . . . , ym ] sont les algèbres quotients
correspondant à deux systèmes polynomiaux
f dans k[X1 , . . . , Xn ] et h dans k[Y1 , . . . , Ym ],
si A = Z(f , k) ⊆ knet C = Z(h, k) ⊆ km sont les variétés algébriques correspondantes, on
définit une application régulière de A vers C comme la restriction à A et C d’une application
polynomiale ϕ : kn → km qui envoie A dans C.
Les applications régulières sont, par définition, les morphismes de A vers C dans la catégorie
des variétés algébriques sur k. On notera Mork (A, C) l’ensemble de ces morphismes.
L’application ϕ ci-dessus est donnée par un système (F1 , . . . , Fm ) dans k[X], ou encore, par
l’homomorphisme F : k[Y ] → k[X], Yj 7→ Fj .
Notons ϕ1 : A → C la restriction de ϕ ; si γ : C → k est une fonction régulière, alors la composée
γ ◦ ϕ1 : A → k est une fonction régulière, et l’application ψ1 : γ 7→ γ ◦ ϕ1 peut être vue comme
une application de Cred vers Ared . En fait, cette application n’est autre que l’homomorphisme
qui provient de F par passage aux quotients.
Dans l’autre sens, on peut voir que tout homomorphisme ψ1 : Cred → Ared provient d’un
homomorphisme ψ : C → A, et que ψ définit une application régulière ϕ : A → C, parfois
appelée le co-morphisme de ψ. Cela se passe de la manière suivante : via les identifications
10.4. Grassmanniennes 377
A = Homk−alg (A, k) et C = Homk−alg (C, k), on a simplement l’égalité ϕ(ξ) = ξ ◦ ψ (ce qui fait
de ϕ la (( transposée )) de ψ).
Finalement, Mork (A, C), s’identifie naturellement à Homk−alg (Cred , Ared ), identification que
nous écrivons sous la forme d’une égalité :
Schémas affines
Maintenant on fait un grand saut dans l’abstraction. On admet tout d’abord que les variétés
peuvent avoir des multiplicités. Par exemple l’intersection d’un cercle et d’une droite doit être
un point double, et non pas seulement un point, lorsque la droite est tangente au cercle. En
conséquence, il est parfois néfaste de se limiter aux k-algèbres réduites.
On admet aussi qu’à la base on n’a pas nécessairement un corps algébriquement clos mais un
anneau commutatif arbitraire. Auquel cas les points de la variété sur k ne sauraient en général
caractériser ce que l’on a envie de considérer comme une variété algébrique abstraite définie sur
k (en autorisant les multiplicités). Par exemple le cercle abstrait est certainement représenté par
la Z-algèbre
Z[x, y] = Z[X, Y ] X 2 + Y 2 − 1 ,
mais ce ne sont pas ses points sur Z qui vont nous donner beaucoup d’information. Bien
au contraire, ce sont ses points sur toutes les Z-algèbres, c’est-à-dire sur tous les anneaux
commutatifs, qui nous importent. De même un cercle double abstrait est certainement représenté
par la Z-algèbre
Z[x0 , y 0 ] = Z[X, Y ] (X 2 + Y 2 − 1)2 ,
mais on ne saurait distinguer un cercle simple d’un cercle double si l’on ne considère que les
points sur les anneaux réduits (les anneaux sans multiplicité).
Nous voici donc en état de définir la catégorie des schémas affines sur l’anneau commutatif k.
Cela pourrait être simplement la catégorie opposée à la catégorie des k-algèbres : celle dont les
objets sont les k-algèbres et dont les flèches sont les homomorphismes de k-algèbres.
Mais il est une description équivalente nettement plus parlante (et élégante ?) : un schéma
affine sur l’anneau commutatif k est connu lorsque l’on connaît ses zéros sur toutes les k-algèbres.
Autrement dit, la k-algèbre A définit un schéma affine qui n’est rien d’autre que le foncteur
Homk−alg (A, •) de la catégorie des k-algèbres vers la catégorie des ensembles.
Et un homomorphisme de k-algèbres B → A définit une transformation naturelle du foncteur
Homk−alg (A, •) vers le foncteur Homk−alg (B, •) : les transformations naturelles des foncteurs
sont (( dans le bon sens )), c’est-à-dire des zéros de A vers les zéros de B.
378 10. Modules projectifs de type fini, 2
Si l’on ne veut pas partir trop haut dans l’abstraction, on peut se limiter aux k-algèbres de
présentation finie, ce qui est bien assez pour faire de la très belle géométrie algébrique abstraite
(i.e., non limitée à la géométrie algébrique sur des corps discrets).
Projecteurs et rangs
Deux faits faciles avant d’entrer dans le vif du sujet. On considère un A-module E. Deux
projecteurs π1 , π2 : E → E sont dits orthogonaux s’ils vérifient π1 ◦ π2 = π2 ◦ π1 = 0.
Fait 10.4.5 Si π1 , π2 : E → E sont des projections orthogonales d’images E1 et E2 , alors π1 +π2
est un projecteur et son image est E1 ⊕ E2 . En conséquence, lorsque E est un module projectif
de type fini, on obtient
rg(π1 + π2 ) = rg(E1 ⊕ E2 ) = rg E1 + rg E2 .
Fait 10.4.6 Soient π1 , π2 ∈ End(E) deux projecteurs d’images E1 et E2 . Alors l’application
A-linéaire
Φ : End(E) → End(E), ϕ 7→ π2 ◦ ϕ ◦ π1
est un projecteur dont l’image est isomorphe à LA (E1 , E2 ). En conséquence, lorsque E est un
module projectif de type fini, on obtient
rg Φ = rg E1 · rg E2 .
Grassmannienne affine
Ce paragraphe est consacré à la détermination de l’espace tangent en un point au foncteur A 7→
GAn (A). Rappelons que l’acronyme GA est mis pour “Grassmannienne Affine”. L’interprétation
géométrique d’un point P de GAn (A) est donnée par le couple ordonné (E, F ) = (Im P, Ker P )
de sous-modules en somme directe dans An .
Plus généralement, si k est un anneau donné en référence (en géométrie usuelle ce serait un
corps discret) et si M est un k-module projectif de type fini fixé, on peut considérer la catégorie
des k-algèbres et le foncteur A 7→ GAM (A), où GAM (A) désigne l’ensemble des couples ordonnés
(E, F ) de sous-modules en somme directe dans le module étendu A ⊗k M , que nous noterons
MA . Un tel couple peut être représenté par la projection π : MA → MA sur E parallèlement à
F . La grassmannienne affine GAM (A) peut donc être vue comme le sous-ensemble des éléments
idempotents dans EndA (MA ). C’est ce point de vue que nous adoptons dans la suite.
Pour étudier l’espace tangent on doit considérer la A-algèbre A[ε] où ε est l’élément générique
de carré nul. Nous donnons tout d’abord l’énoncé pour la grassmannienne usuelle GAn (A).
Théorème 10.8 Soit P ∈ GAn (A) un projecteur d’image E et de noyau F . Pour H ∈ Mn (A)
on a
P + εH ∈ GAn (A[ε]) ⇐⇒ H = HP + P H.
On associe à P l’application A-linéaire Pb : Mn (A) → Mn (A) définie par Pb (G) = P G(In − P ) +
(In − P )GP . Alors
– Les applications A-linéaires π1 : G 7→ P G(In − P ) et π2 : G 7→ (In − P )GP sont des
projecteurs orthogonaux, en particulier Pb est un projecteur.
– Pour H ∈ Mn (A) on a H = P H + HP si, et seulement si, H ∈ Im Pb .
– Le module Im Pb est canoniquement isomorphe à LA (E, F ) ⊕ LA (F, E). En particulier
rg(Im Pb ) = 2 rg E · rg F .
En résumé l’espace tangent en le A-point P au foncteur GAn est canoniquement isomorphe au
module projectif de type fini Im Pb (via H 7→ P + εH), lui-même canoniquement isomorphe à
LA (E, F ) ⊕ LA (F, E).
J Le premier point est immédiat. Notons VP le sous-module des matrices H qui vérifient
H = HP + P H. Ce module est canoniquement isomorphe à l’espace tangent que nous cherchons.
Un calcul simple montre que π1 et π2 sont des projecteurs orthogonaux. Donc Pb est un projecteur.
En outre P Pb (G) + Pb (G)P = Pb (G). Donc Im Pb ⊆ VP . Par ailleurs, si H = P H + HP , on a
P HP = 0, donc Pb (H) = P H + HP = H. Ainsi VP ⊆ Im Pb . En bref VP = Im Pb = Im π1 ⊕ Im π2 :
on conclut en appliquant le fait 10.4.6. I
Nous donnons maintenant l’énoncé général (la preuve est identique).
Proposition 10.4.7 Soit π ∈ GAM (A) un projecteur d’image E et de noyau F . Pour η ∈
EndA (MA ) on a
π + εη ∈ GAM (A[ε]) ⇐⇒ η = πη + ηπ.
On associe à π l’application A-linéaire π b : End(MA ) → End(MA ) définie par π b (ψ) = πψ(I −
π) + (I − π)ψπ. Alors
– Les applications A-linéaires π1 : ψ 7→ πψ(I − π) et π2 : ψ 7→ (I − π)ψπ sont des projecteurs
orthogonaux, en particulier π b est un projecteur.
– Une application A-linéaire η ∈ End(MA ) vérifie η = πη + ηπ si, et seulement si, η ∈ Im π b.
– Le module Im π b est canoniquement isomorphe à LA (E, F ) ⊕ LA (F, E). En particulier
b ) = 2 rg E · rg F .
rg(Im π
En résumé l’espace tangent en le A-point π au foncteur GAM est canoniquement isomorphe
∼
au module projectif de type fini Im πb (via η −→ π + εη), lui même canoniquement isomorphe à
LA (E, F ) ⊕ LA (F, E).
10.4. Grassmanniennes 381
Grassmannienne projective
Ce paragraphe est consacré à la détermination de l’espace tangent en un point au foncteur
A 7→ Gn (A) où Gn (A) désigne l’ensemble des sous-modules en facteur direct dans An .
Fait 10.4.8 (l’espace des projecteurs de même image qu’un projecteur fixé)
Soit P ∈ Gn (A) un projecteur d’image E. Notons ΠE l’ensemble des projecteurs qui ont E pour
image, et V = An . Alors ΠE est un sous-espace affine de Mn (A), qui a pour (( direction )) le
A-module projectif de type fini LA (V /E, E) (naturellement identifié à un sous-A-module de
Mn (A)). Plus précisément :
1. Soit Q ∈ Gn (A) un autre projecteur. Alors Q ∈ ΠE si, et seulement si, P Q = Q et QP = P .
Dans ce cas, la différence N = Q − P vérifie P N = N , N P = 0 et donc N 2 = 0.
2. Réciproquement, si N ∈ Mn (A) vérifie P N = N et N P = 0 (auquel cas N 2 = 0), alors
Q := P + N est dans ΠE .
3. En résumé, l’ensemble ΠE s’identifie au A-module LA (V /E, E) via l’application affine
LA (V /E, E) → Mn (A), ϕ 7→ P + j ◦ ϕ ◦ π, où j : E → V est l’injection canonique et
π : V → V /E la projection canonique.
Informations supplémentaires :
4. Si Q ∈ ΠE , P et Q sont conjugués dans Mn (A). Plus précisément en posant N = Q − P ,
on a (In + N )(In − N ) = In et (In − N )P (In + N ) = Q.
5. Si Q ∈ ΠE , alors pour tout t ∈ A, on a : tP + (1 − t)Q ∈ ΠE .
J D’après le théorème 10.13 page 387, un module projectif de type fini M sur un anneau B est
caractérisé, à isomorphisme près, par sa (( réduction )) Mred (i.e., le module obtenu par extension
des scalaires à Bred ). Or E 0 et A[ε] ⊗A E ont même réduction Ered à (A[ε])red ' Ared . I
Théorème 10.9
Soit E ∈ Gn (A) un sous-A-module en facteur direct dans An = V . Alors l’espace tangent en
le A-point E au foncteur Gn est canoniquement isomorphe à LA (E, V /E). Plus précisément si
ϕ ∈ LA (E, V /E) et si l’on note
Eϕ = { x + εh | x ∈ E, h ∈ V, h ≡ ϕ(x) mod E }
alors ϕ 7→ Eϕ est une bijection de LA (E, V /E) sur l’ensemble des E 0 ∈ Gn (A[ε]) qui donnent E
lorsque l’on spécialise ε en 0.
H /
V VO
?
ϕ/
E V /E
La matrice H vérifie P H = 0 et H(In − P ) = 0 i.e. HP = H.
Pour prouver Eϕ ∈ Gn (A[ε]) et Eϕ au dessus de E, il suffit de montrer que P + εH est un
projecteur d’image Eϕ . Pour l’inclusion Im(P + εH) ⊆ Eϕ , soit (P + εH)(y + εz) avec y, z ∈ V :
(P + εH)(y + εz) = P y + ε(Hy + P z) = P y + ε(HP y + P z) = x + εh
avec x = P y ∈ E, h = Hx + P z ; puisque x ∈ E, on a ϕ(x) = Hx, donc h ≡ ϕ(x) mod E. Pour
l’inclusion réciproque, soit x + εh ∈ Eϕ et montrons que (P + εH)(x + εh) = x + εh :
(P + εH)(x + εh) = P x + ε(Hx + P h)
Comme x ∈ E, on a P x = x ; il faut voir que Hx + P h = h ; mais h est de la forme h = Hx + y
avec y ∈ E donc P h = 0 + P y = y et l’on a bien h = Hx + P h.
Enfin, il est clair que P + εH est un projecteur :
(P + εH)(P + εH) = P 2 + ε(HP + P H) = P + εH
Montrons la surjectivité de ϕ 7→ Eϕ en considérant E 0 ⊆ A[ε]n , facteur direct, au dessus de E.
Alors E 0 est l’image d’un projecteur P + εH et l’on a :
(P + εH)(P + εH) = P 2 + ε(HP + P H) donc P 2 = P, HP + P H = H
ce qui donne P HP = 0 (multiplier HP + P H = H par P à droite, par exemple). On voit donc
que P est un projecteur d’image E (car E 0 , pour ε := 0, c’est E). On remplace H par K = HP ,
qui vérifie :
KP = (HP )P = K, P K = P (HP ) = 0.
Ceci ne change pas l’image de P + εH, i.e. Im(P + εH) = Im(P + εK) ; pour le voir, il suffit de
(et il faut) montrer que :
(P + εH)(P + εK) = P + εK, (P + εK)(P + εH) = P + εH
À gauche, on obtient P + ε(HP + P K) = P + ε(HP + 0) = P + εK ; à droite, P + ε(KP + P H) =
P + ε(K + P H) = P + ε(HP + P H) = P + εH.
La matrice K vérifiant KP = K, P K = 0, représente une application linéaire ϕ : E → An /E
avec E 0 = Im(P + εK) = Eϕ .
Prouvons l’injectivité de ϕ 7→ Eϕ . Supposons donc Eϕ = Eϕ0 . On fixe un projecteur P ∈ Gn (A)
d’image E et l’on code ϕ par H, ϕ0 par H 0 avec :
HP = H, P H = 0, H 0P = H 0, P H0 = 0
Comme P + εH et P + εH 0 ont même image :
(P + εH)(P + εH 0 ) = P + εH 0 , (P + εH 0 )(P + εH) = P + εH
L’égalité de droite donne H = H 0 donc ϕ = ϕ0 . I
GAn
Remarque. La projection ↓ est celle qui associe à P son image E = Im P . Voici comment
Gn
s’organisent les espaces tangents et la projection (avec F = Ker P ) :
∼ ∼
TP (GAn , A) LA (E, F ) ⊕ LA (F, E) {H ∈ Mn (A) | H = HP + P H}
H 7→ K = HP
∼ ∼
TE (Gn , A) LA (E, An/E) {K ∈ Mn (A) | KP = K, P K = 0}
10.5. Groupes de Grothendieck et de Picard 383
J La condition est clairement suffisante. Si tout A-module projectif de rang constant est libre et
si P est projectif soit r0 , . . . , rn le système fondamental d’idempotents orthogonaux correspondant.
Alors Pk = rk P ⊕ (1 − rk )Ak est un A-module projectif de rang k donc libre. Soit une base Bk ,
la (( composante )) rk Bk est dans rk P , et rk P ' (rk A)k . Puisque P est la somme directe des rk P
il est bien quasi libre. I
Proposition 10.5.3 Tout module projectif de rang constant sur un anneau local-global est libre.
Théorème 10.10 Tout module projectif de type fini sur un anneau de Bezout intègre est libre.
Tout module projectif de type fini de rang constant sur un anneau de Bezout quasi intègre est
libre.
J Voyons
le cas intègre. Une matrice de présentation du module peut être ramenée à la forme
T 0
où T est triangulaire avec des éléments réguliers sur la diagonale (voir l’exercice 4.5).
0 0
Comme les idéaux déterminantiels de cette matrice sont idempotents le déterminant δ de T est
2
un élément régulier
vérifie δA = δ A. Ainsi δ est inversible et la matrice de présentation est
qui
I 0
équivalente à k .
0 0
Pour le cas quasi intègre on applique la machinerie locale-globale élémentaire expliquée page 143.
I
e (A), et Pic(A)
GK0 (A), K0 (A), K0
On note GK0 A l’ensemble des classes d’isomorphisme de modules projectifs de type fini
sur A. C’est un semi-anneau pour les lois héritées de ⊕ et ⊗. Le G de GK0 est en hommage à
Grothendieck.
Tout élément de GK0 A peut être représenté par une matrice idempotente à coefficients dans A.
Tout homomorphisme d’anneaux ϕ : A → B induit un homomorphisme GK0 ϕ : GK0 A → GK0 B.
Ceci fait de GK0 un foncteur covariant de la catégorie des anneaux commutatifs vers la catégorie
des semi-anneaux. On a GK0 (A1 × A2 ) ' GK0 A1 × GK0 A2 . Le passage d’un module projectif à
son dual définit un automorphisme involutif de GK0 A.
Si P est un A-module projectif de type fini on peut noter [P ]GK0 A l’élément de GK0 A qu’il
définit.
Le sous-semi-anneau de GK0 A engendré par 1 (la classe du module projectif de type fini A)
est isomorphe à N, sauf dans le cas où A est l’anneau trivial. Comme sous-semi-anneau de GK0 A
on a aussi celui engendré par les classes d’isomorphisme des modules rA où r ∈ B(A), isomorphe
à H+ +
0 (A). On obtient facilement l’isomorphisme H0 (A) ' GK0 (B(A)). Par ailleurs le rang définit
un homomorphisme surjectif de semi-anneaux GK0 A → H+ 0 (A), et les deux homomorphismes
H+0 (A) → GK 0 A → H +
0 (A) se composent selon l’identité.
Le groupe de Picard Pic A est le sous-ensemble de GK0 A formé par les classes d’isomorphisme
des modules projectifs de rang constant 1. D’après les propositions 10.3.11 et 10.3.12 il s’agit du
groupe des éléments inversibles du semi-anneau GK0 A (l’(( inverse )) de P est le dual de P ).
Le monoïde additif (commutatif) de GK0 A n’est pas toujours régulier. Pour obtenir un
groupe, on symétrise le monoïde additif GK0 A et l’on obtient le groupe de Grothendieck que l’on
note K0 A. La classe du module projectif de type fini P dans K0 A se note [P ]K0 (A) , ou [P ]A ,
ou même [P ] si le contexte le permet. Tout élément de K0 A s’écrit sous forme [P ] − [Q]. Plus
précisément il peut se représenter sous les deux formes
• [projectif] - [libre] d’une part,
• [libre] - [projectif] d’autre part.
En effet
[P ] − [Q] = [P ⊕ P 0 ] − [Q ⊕ P 0 ] = [P ⊕ Q0 ] − [Q ⊕ Q0 ]
avec au choix P ⊕ P 0 ou Q ⊕ Q0 libre.
Le produit défini dans GK0 A donne par passage au quotient un produit dans K0 A, qui a
donc une structure d’anneau5 .
Les classes de deux modules projectifs de type fini P et P 0 sont égales dans K0 A si, et
seulement si, il existe un entier k tel que P ⊕ Ak ' P 0 ⊕ Ak . On dit dans ce cas que P et P 0 sont
stablement isomorphes.
Deux modules quasi libres stablement isomorphes sont isomorphes, de sorte que H0 A (le
symétrisé de H+ 0 A) s’identifie à un sous-anneau de K0 A. Et lorsque P est quasi libre, il n’y a
pas conflit entre les deux notations [P ]A (ci-dessus et page 366).
Deux modules stablement isomorphes P et P 0 ont même rang puisque rg(P ⊕ Ak ) = k + rg(P ).
En conséquence le rang (généralisé) des modules projectifs de type fini définit un homomorphisme
surjectif d’anneaux rg : K0 A → H0 A. On note K e 0 A son noyau. Les deux homomorphismes
H0 A → K0 A → H0 A se composent selon l’identité, autrement dit l’application rg est un
caractère de la H0 (A)-algèbre K0 A et l’on peut écrire
K0 (A) = H0 (A) ⊕ K
e 0 (A).
La structure de l’idéal K
e 0 A de K0 A concentre une bonne part du mystère des classes d’iso-
morphisme stable des modules projectifs de type fini, puisque H0 A ne présente aucun mystère
(il est complètement décrypté par B(A)). Dans ce cadre le résultat suivant peut être utile (cf.
problème 10.2).
5. Lorsque l’anneau A n’est pas commutatif, il n’y a plus de structure multiplicative sur GK0 A. Cela explique
que la terminologie usuelle soit celle de groupe de Grothendieck et non d’anneau de Grothendieck.
10.5. Groupes de Grothendieck et de Picard 385
Le groupe de Picard
Le groupe de Picard n’est pas affecté par le passage aux classes d’isomorphisme stable, en
raison du fait suivant.
Fait 10.5.5 Deux modules projectifs de rang constant 1 stablement isomorphes sont isomorphes.
En particulier un module stablement libre de rang 1 est libre. Plus précisément pour un module P
projectif de rang constant 1 on a
^k+1
(10.3) P ' (P ⊕ Ak ).
En particulier Pic A s’identifie à un sous-groupe de (K0 A)× .
J Voyons l’isomorphisme : cela résulte des isomorphismes généraux donnés dans la preuve de la
proposition 10.1.2 (équation (10.1)). Pour des A-modules arbitraires P , Q, R, . . . la considération
de la propriété universelle qui définit les puissances extérieures conduit à :
V2 V2 V2
(P ⊕ Q) ' P ⊕ (P ⊗ Q) ⊕ Q
V3 V3 V
2
(P ⊕ Q ⊕ R) ' P⊕ P ⊗ Q ⊕ · · · ⊕ (P ⊗ Q ⊗ R) ⊕ · · ·
V0
avec la formule générale en convenant de (Pi ) = A
^k Mm ^ ^
M k1 km
(10.4) Pi ' P1 ⊗ · · · ⊗ Pm
i=1 Pm
k =k
i=1 i
J L’application est injective par le fait précédent. Elle est surjective par hypothèse. C’est un
homomorphisme de groupe parce que A ⊕ (P ⊗ Q) ' P ⊕ Q, également en vertu du fait précédent,
puisque
V2 V2
(A ⊕ (P ⊗ Q)) ' P ⊗ Q ' (P ⊕ Q).
I
Notez que la loi de Pic A est héritée du produit tensoriel tandis que celle de K
e 0 A est héritée
de la somme directe. Nous verrons au chapitre 13 que l’hypothèse du théorème est vérifiée pour
les anneaux dimension de Krull 6 1.
Commentaire. On a vu dans la section 10.2 comment la structure de H0 (A) découle directement
de celle de l’algèbre de Boole B(A).
Du point de vue des mathématiques classiques l’algèbre de Boole B(A) est l’algèbre des ensembles
ouverts et fermés dans Spec A (l’ensemble des idéaux premiers de A muni d’une topologie
convenable, cf. chapitre 13). Un élément de B(A) peut donc être vu comme la fonction carac-
téristique d’un ouvert-fermé de Spec A. Alors la manière dont on construit H0 (A) à partir de
B(A) montre que H0 (A) peut être vu comme l’anneau des fonctions à valeurs entières, combi-
naisons linéaires entières des éléments dans B(A). Il s’ensuit que H0 (A) s’identifie à l’algèbre
des fonctions localement constantes, à valeurs entières, sur Spec A. Toujours du point de vue
des mathématiques classiques le rang (généralisé) d’un A-module projectif de type fini P peut
être vu comme la fonction (à valeurs dans N) définie sur Spec A, de la manière suivante : à un
idéal premier p on associe le rang du module libre Pp (sur un anneau local tous les modules
projectifs de type fini sont libres). Et l’anneau H0 (A) est bien obtenu simplement en symétrisant
le semi-anneau H+ 0 (A) des rangs de A-modules projectifs de type fini.
J Le théorème 10.5 montre que tout module projectif de rang 1 est isomorphe à un idéal a.
Il reste donc à voir qu’un tel idéal est inversible. Puisqu’il est localement principal il suffit de
montrer qu’il contient un élément régulier. Pour cela on considère un idéal entier b isomorphe à
l’inverse de a dans Pic A. Le produit de ces deux idéaux est isomorphe à leur produit tensoriel
(parce que a est plat) donc c’est un module libre, donc c’est un idéal principal engendré par un
élément régulier. I
Proposition 10.5.6 L’homomorphisme naturel GK0 (A) → GK0 (A/Rad A ) est injectif, ce qui
signifie que si deux modules projectifs de type fini E, F sur A sont isomorphes sur A0 = A/Rad A ,
ils le sont également sur A. De manière plus précise si deux matrices idempotentes P, Q de même
format sont conjuguées sur A0 , elles le sont également sur A, via un isomorphisme qui relève
l’isomorphisme de conjugaison résiduel.
J On note x l’objet x vu modulo Rad A. Soit C ∈ Mn (A) une matrice telle que C conjugue P
à Q. Puisque det C est inversible modulo Rad A, det C est inversible dans A et C ∈ GLn (A).
On a donc Q = C P C −1 . Quitte à remplacer P par C P C −1 on peut supposer Q = P et C = In .
Alors QP code une application A-linéaire de Im P vers Im Q qui donne résiduellement l’identité.
De même (In − Q)(In − P ) code une application A-linéaire de Ker P vers Ker Q qui donne
résiduellement l’identité. En s’inspirant du lemme d’élargissement 5.1.7 ceci fournit la matrice
A = QP + (In − Q)(In − P ) qui réalise AP = QP = QA et A = In , donc A est inversible,
AP A−1 = Q et A = C.
Pour deux modules projectifs de type fini résiduellement isomorphes E et F on utilise le lemme
d’élargissement qui permet de réaliser E et F comme images de matrices idempotentes de même
format conjuguées. I
Pour ce qui concerne la réduction modulo les nilpotents, on obtient en plus la possibilité de
relever tout module projectif de type fini en raison du corollaire 3.10.2. On obtient donc :
Théorème 10.13 L’homomorphisme naturel GK0 (A) → GK0 (Ared ) est un isomorphisme. De
manière plus précise :
1. (a) Toute matrice idempotente sur Ared se relève en une matrice idempotente sur A.
(b) Tout module projectif de type fini sur Ared provient d’un module projectif de type fini
sur A.
388 10. Modules projectifs de type fini, 2
2. (a) Si deux matrices idempotentes de même format sont conjuguées sur Ared , elles le
sont également sur A, via un isomorphisme qui relève l’isomorphisme de conjugaison
résiduel.
(b) Deux modules projectifs de type fini sur A isomorphes sur Ared le sont également sur
A.
Le carré de Milnor
Un carré commutatif (dans une catégorie arbitraire) du style suivant
i2
A / A2
i1 j2
j1
A1 / A0
est appelé un carré cartésien s’il définit (A, i1 , i2 ) comme la limite projective de (A1 , j1 , A0 ),
(A2 , j2 , A0 ). Dans une catégorie équationnelle on peut prendre
Le lecteur vérifiera par exemple qu’étant donné A ⊆ B et f un idéal de A qui est aussi un
idéal de B (c’est-à-dire f contenu dans le conducteur de A dans B), on a un carré cartésien
d’anneaux commutatifs, défini ci-dessous :
A / B
A/f / B/f
i2 ψ2
/ A2 / M2 / E2
89:;
?>=<
A M E
i1 A j2 ψ1 ϕ2 j2 ?
j1 ϕ1 h◦j1 ?
A1 / A0 M1 / M0 E1 / E0
La lectrice remarquera que le lemme ne s’appliquerait pas en général pour les sous-modules
images des matrices.
Fait 10.5.8 Étant donné deux carrés cartésiens adaptés à A comme ci-dessous, il revient au
même de se donner une application A-linéaire θ : E → F ou de se donner trois applications
linéaires (pour les anneaux correspondants) θ1 : E1 → F1 , θ2 : E2 → F2 et θ0 : E 0 → F 0 qui
rendent les carrés adéquats commutatifs.
E W W W W / E1 WWWWWWW
W W W WWWWθW1
W W W W WWWWW
W W+ WWWW+
θ
F / F1
E2 WWWWWW / E 0 WWWWWWθ0
WWWW WWWWW WWWWWWWWW
WWWWW WWWWW
θ2 WW+ WW+/ 0
F2 F
j1 ? (ψ1 )
j1 ? (E1 ) / j1 (F1 )
?
h k
j2 ? (ψ2 )
j2 ? (E2 ) / j2 (F2 )
?
Dans cette définition f [`] représente la dérivée de Hasse du polynôme f (t) c’est-à-dire (formel-
lement, car la caractéristique peut être finie) f [`] = f (`) /`! . Les dérivées de Hasse permettent
d’écrire une formule de Taylor pour n’importe quel anneau k.
On pose e = i ei , x0 = i (t − αi )ei et x` = t` x0 pour ` ∈ {0, . . . , e − 1}. On suppose e > 1
P Q
Lemme 10.6.1
1. A est une k-algèbre de type fini, plus précisément : A = k[x0 , . . . , xe−1 ].
2. B = A ⊕
L `
16`<e k t en tant que k-module.
3. Le conducteur de A dans B, f = (A : B) est donné par
J Soit f ∈ B, on l’écrit (( en base x0 )), f = r0 + r1 x0 + r2 x20 + · · · avec deg ri < deg x0 = e. Pour
i > 1, en écrivant ri xi0 = (ri x0 )xi−1
0 on voit que ri xi0 ∈ k[x0 , . . . , xe−1 ]. Ceci prouve que
L
B = k[x0 , . . . , xe−1 ] + `
16`<e k t .
Soit f ∈ A que l’on écrit g + h dans la décomposition précédente. On a donc h dans A et si
β est la valeur commune des h(αi ) on obtient ϕ(h − β) = 0 ; donc h − β ∈ x0 B, et puisque
h ∈ 16`<e k t` (k-module des polynômes de degré < e et sans terme constant), on obtient
L
Un carré de Milnor
Dans la situation décrite dans le paragraphe précédent on a le carré de Milnor suivant :
A / B = k[t]
ϕ
k = A/f / / B/f '
∆
− αi )ei i)
Q
i (k[t]/h(t
Dans la suite nous nous intéressons aux A-modules projectif de rang constant r obtenus en
recollant le B-module Br et le k-module kr à l’aide d’un (B/f )-isomorphisme
h : ∆? (kr ) → ϕ? (Br ),
comme décrit avant le théorème 10.14 page 388. Nous avons noté M (kr , h, Br ) un tel A-module.
En fait ∆? (kr ) et ϕ? (Br ) s’identifient tous les deux à (B/f )r et l’isomorphisme h s’identifie à
un élément de
Qs
GLr (B/f ) ' i=1 GLr (k[t]/h(t − αi )ei i).
Nous utiliserons ces identifications dans la suite sans plus les mentionner, et, pour des raisons
de commodité, nous coderons h−1 (et non pas h) par les s matrices Hi correspondantes (avec
Hi ∈ GLr (k[t]/h(t − αi )ei i)). Et le module M (kr , h, Br ) sera noté M (H1 , . . . , Hs ).
Dans le cas où les modules projectifs de rang constant sur k et B = k[t] sont toujours libres,
le théorème de Milnor affirme que l’on obtient ainsi (à isomorphisme près) tous les modules
projectifs de rang constant r sur A.
Dans le paragraphe qui suit nous donnons une description complète de la catégorie des mo-
dules projectifs de rang constant sur A obtenus par de tels recollements, dans un cas particulier.
Celui où toutes les multiplicités sont égales à 1.
J Le premier point n’a pas d’incidence sur les résultats qui suivent, et il est laissé à la lectrice.
Le deuxième point est un conséquence immédiate du lemme 10.5.7 et du corollaire 10.5.9. I
Par exemple k peut être un corps discret, un anneau zéro-dimensionnel réduit ou un anneau
euclidien intègre. Notez aussi que si les modules projectifs de rang constant sur k[t] sont libres,
c’est a fortiori vrai des modules projectifs de rang constant sur k.
def
Théorème 10.16 Pour a ∈ k notons Jr,a = Diag(1, . . . , 1, a) ∈ Mr (k). Sous les hypothèses
précédentes on obtient la classification complète des A-modules projectifs de rang constant (on
utilise les notations et conventions précédentes).
1. Les modules de rang constant M (H1 , . . . , Hs ) et M (G1 , . . . , Gs ) sont isomorphes si, et
seulement si, det(Hj−1 · H1 ) = det(G−1
j · G1 ) pour tout j.
2. Tout A-module projectif de rang constant r est isomorphe à un unique module
def
Mr (a2 , . . . , as ) = M (Ir , Jr,a2 , . . . , Jr,as ),
J 1. En cas d’isomorphisme toutes les matrices dans les équations (10.6) sont inversibles, et il
revient au même de demander
Hj−1 · H1 · Φ(α1 ) · G−1
1 · Gj = Φ(αj )
pour j ∈ J2..sK. Puisque Φ = Φ(t) est inversible son déterminant est un élément inversible de
k[t], donc de k, et tous les det Φ(αi ) sont égaux à det Φ. En conséquence les deux modules ne
peuvent être isomorphes que si
det(Hj−1 · H1 ) = det(G−1
j · G1 )
pour tout j (ceci prouve en particulier l’unicité de la suite a2 , . . . , as lorsque Mr (a2 , . . . , as ) est
isomorphe à un module projectif de rang constant donné). Inversement si cette condition est
satisfaite, on peut trouver une matrice élémentaire Φ qui réalise les conditions ci-dessus. Il suffit
en effet d’avoir
Φ(α1 ) = Ir et Φ(αj ) = Hj−1 · H1 · G−1
1 · Gj ,
ce que l’on obtient en appliquant le lemme qui suit.
La fin est laissée au lecteur. Rappel : si Q = P1 ⊕ P2 ' A ⊕ P (les Pi projectifs de rang constant
1), on a P ' 2A Q ' P1 ⊗A P2 . I
V
J Si l’on connaît une matrice A ∈ Er (k[t]) qui s’évalue en s matrices A1 , . . . , As , et une matrice
B ∈ Er (k[t]) qui s’évalue en s matrices B1 , . . . , Bs , alors la matrice AB s’évalue en les matrices
A1 B1 , . . . , As Bs . En conséquence il suffit de prouver le lemme lorsque les Ai sont toutes égales
à Ir sauf une qui est une matrice élémentaire. Dans ce cas on peut faire une interpolation à la
Lagrange puisque les αi − αj sont inversibles. I
Exercices et problèmes 393
Exercices et problèmes
Exercice 10.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées à la lectrice,
etc. . . Notamment :
– Démontrer les propositions 10.1.4 et 10.1.5.
– Vérifier les équivalences dans la proposition 10.2.5 3.
– Vérifier le corollaire 10.3.9.
– Vérifier les lemmes 10.4.5 et 10.4.6
Exercice 10.2 Vérifier les calculs dans le deuxième lemme de la liberté locale page 373.
Fα = F Iα + (In − F )(In − Iα ).
1. Montrer (‡). Indication : pour deux matrices carrées A et B d’ordre n, on développe le déterminant
det(A + B) comme fonction multilinéaire des colonnes de A + B. On obtient une somme de 2n
déterminants de matrices obtenues en mélangeant des colonnes de A et des colonnes de B. On
applique cette remarque avec A = F et B = I − F .
2. Si f et e sont deux idempotents dans un anneau non nécessairement commutatif, et si l’on note
f ∗ e = f e + (1 − f )(1 − e), montrer que f (f ∗ e) = f e = (f ∗ e)e. Avec f = F et e = Iα , on obtient
f ∗ e = Fα ce qui donne l’égalité (†) ci-dessus.
3. Nous étudions maintenant quelques égalités qui font intervenir det Fα . On note β le complémentaire
de α
– Montrer que (1 − 2f )(1 − e − f ) = (1 − e − f )(1 − 2e) = f ∗ e
– Montrer que (1 − 2e)2 = (1 − 2f )2 = 1.
– Avec f = F et e = Iα , on obtient (det Fα )2 = (det(Iβ − F ))2 .
– Vérifier que (1 − e)f (1 − e) + e(1 − f )e = (e − f )2 .
– Si l’on note µα le mineur principal extrait de F sur les indices appartenant à α, et µ0β le mineur
principal extrait de I − F sur les indices appartenant à β montrer que (det Fα )2 = µα µ0β .
Indication : pour l’exemple ci-dessus avec f = F et e = Iβ l’égalité dans le point précédent donne
F1 0
= (Iβ − F )2
0 In−k − F4
NB : Cette méthode uniforme de diagonalisation des matrices de projection donne un raccourci pour le
lemme de la liberté locale et pour le théorème de structure qui affirme qu’un module projectif de type fini
est localement libre au sens fort. Nous avons pris la peine de démontrer ce théorème de structure deux
fois. Une fois par les idéaux de Fitting dans le chapitre 5, une autre fois de façon plus structurelle, dans le
chapitre présent. Nous espérons que le lecteur ne nous en voudra pas de lui avoir fait subir des preuves
nettement moins élémentaires dans le cours que celle de l’exercice 10.3. C’est que les formules magiques
sont certainement une bonne chose, mais qu’elles cachent parfois la signification profonde de preuves plus
élaborées.
394 10. Modules projectifs de type fini, 2
Exercice 10.6 Démontrer la caractérisation locale suivante des modules projectifs de type fini fidèles.
Pour un A-module P , les propriétés suivantes sont équivalentes.
(a) P est projectif de type fini et fidèle.
(b) Il existe des éléments comaximaux si de A tels que chaque Psi est libre de rang h > 1 sur Asi .
(c) P est projectif de type fini et pour tout élément s de A, si Ps est libre sur As , il est de rang h > 1.
Exercice 10.7 Soit ϕ : P → Q une application A-linéaire entre modules projectifs de type fini et
r ∈ H+0 A. Exprimer rg(P ) 6 r et rg(P ) > r en termes des idéaux déterminantiels d’une matrice de
projection ayant pour image P .
2. On rappelle que GA2,1 (k) est la partie de GA2 (k) formée par les projecteurs de rang 1 ; on a une
projection F 7→ Im F de GA2,1 (k) sur P1 (k).
Lorsque k est un corps discret et f ∈ k(t) une fraction rationnelle, on associe à f le (( morphisme )), noté
f
encore f , P1 (k) −→ P1 (k), qui réalise t 7→ f (t) (pour l’inclusion usuelle k ⊆ P1 (k)).
Comment généraliser à un anneau k quelconque ?
Expliquer comment on peut relever ce morphisme f en une application polynomiale, schématisée ci-dessous
en pointillés :
GA2,1 (k) _ _ _/ GA2,1 (k)
LLL
LLL
LLL
L&
P1 (k)
f
/ P1 (k)
3. Traiter les exemples f (t) = t2 , f (t) = td et f (t) = (t2 + 1)/t2 . Comment se relève une homographie
f (t) = at+b
ct+d ?
Exercice 10.11 Dans cet exercice, A ∈ Mn (A) est une matrice de corang 1, i.e. de rang n − 1. En
utilisant l’exercice 10.10, montrer les points suivants :
e (module projectif de rang n − 1).
1. Im A = Ker A
2. Im A
e = Ker A (module projectif de rang 1).
3. Im tA = Ker tA
e (module projectif de rang n − 1).
4. Im tA
e = Ker tA (module projectif de rang 1).
5. Les modules projectifs de rang 1, An / Im A et An / Im tA, sont duaux l’un de l’autre. En résumé, à
partir d’une matrice A de corang 1, on construit deux modules projectifs de rang 1 duaux l’un de
l’autre :
An / Im A = An / Ker A e ' Im Ae = Ker A
n n
A / Im A = A / Ker A ' Im A = Ker tA
t te te
2. Soit S ⊆ Reg(A) un monoïde et a un idéal localement principal. On suppose que S −1 a est un idéal
inversible de S −1 A ; montrer que a est un idéal inversible de A. C’est le cas par exemple si S −1 a est un
S −1 A-module libre.
Exercice 10.17 Montrer que H0 A est l’anneau (( engendré par )) B(A), l’algèbre de Boole des idempotents
de A, au sens des foncteurs adjoints.
Plus précisément, si B est une algèbre de Boole, l’anneau B
e librement engendré par B est donné avec un
homomorphisme d’algèbres de Boole ηB : B → B(B) e tel que pour tout anneau C l’application décrite
ci-dessous soit une bijection :
B B QQQ ηB
QQQ
e
Q(
e C) −→ HomAlg. de Boole (B, B(C))
HomAnneaux (B, ϕ o/ /o /o /o /o / B(B)
mm
e
ϕ 7−→ B(ϕ) ◦ ηB mmm
vm B(ϕ)
C B(C)
] ' H0 A.
Montrer alors que B(A)
Exercice 10.18 Démontrer en mathématiques classiques que H0 (A) est canoniquement isomorphe à
l’anneau des fonctions localement constantes (i.e., continues) de Spec A vers Z.
Exercice 10.20 À isomorphisme près le foncteur déterminant est le seul foncteur de la catégorie des
A-modules projectifs de type fini dans elle-même qui possède les propriétés suivantes :
398 10. Modules projectifs de type fini, 2
Exercice 10.21 (idéaux déterminantiels d’une application linéaire entre modules projectifs de type fini)
Soit ϕ : M → N un homomorphisme entre modules projectifs de type fini. Supposons que M ⊕ M 0 ' Am ,
N ⊕ N 0 ' An , et prolongeons ϕ en
ψ : M ⊕ M 0 → N ⊕ N 0 avec ψ(x + x0 ) = ϕ(x) (x ∈ M, x0 ∈ M 0 ).
Montrer que pour chaque entier h l’idéal déterminantiel Dh (ψ) ne dépend que de h et de ϕ. On le note
Dh (ϕ) et on l’appelle l’idéal déterminantiel d’ordre h de ϕ.
Pn
Notation 10.6.3 Soit r = k=1 k [rk ] ∈ H+ 0 (A). En application de l’exercice précédent, on appelle idéal
déterminantiel de type r pour ϕ et l’on note Dr (ϕ) l’idéal
r0 A + r1 D1 (ϕ) + · · · + rn Dn (ϕ).
Les notations rg(ϕ) > k et rg(ϕ) 6 k pour les applications linéaires entre modules libres de rang fini se
généralisent comme suit aux applications linéaires entre modules projectifs de type fini : on note rg(ϕ) > r
si Dr (ϕ) = h1i, rg(ϕ) 6 r si D1+r (ϕ) = h0i et rg(ϕ) = r si rg(ϕ) 6 r et rg(ϕ) > r.
NB : voir l’exercice 10.23.
Exercice 10.23 (avec les notations 10.6.3 de la présente page) Soit ϕ : M → N une application A-linéaire
entre modules projectifs de type fini. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. ϕ est localement simple.
2. ϕ a un rang bien défini dans H+
0 (A).
3. Après localisation en des éléments comaximaux les modules sont libres et l’application linéaire est
simple.
Exercice 10.24 Soit A ∈ An×m ; si A est de rang m − 1, on va expliciter un système fini de générateurs
du sous-module Ker A ⊆ An sans utiliser ni test d’égalité ni test d’appartenance. En fait, sous la seule
n
hypothèse (plus faible) n > m−1, on définit de manière uniforme une matrice A0 ∈ Am×N avec N = m−1
qui est (( une sorte de comatrice de A )). Cette matrice satisfait à Im A ⊆ Ker A dès que A est de rang
0
4. Tout module stablement libre de rang 1 est libre. On pourra comparer avec le fait 10.5.5 et avec
l’exercice 5.13.
5. Si B est une matrice vérifiant ABA = A alors P = BA est une matrice de projection vérifiant
Im(In − P ) = Ker P = Ker A. Ceci fournit une autre manière de répondre à la question : donner un
système fini de générateurs de Ker A. Comparer cette autre solution à celle de l’exercice présent. Pour
le calcul de la matrice P , on pourra utiliser la méthode expliquée dans la section 2.5 (théorème 2.3
page 33). Une autre méthode, nettement plus économique, se trouve dans [57, Díaz-Toca&al.] (basé sur
[126, Mulmuley]).
Grothendieck a également défini sur K0 (A) une autre opération γt par γt (x) = λt/(1−t) (x) pour x ∈ K0 (A) ;
ceci est licite car le sous-groupe multiplicatif 1 + t K0 (A)[[t]] est stable par la substitution t ← t/(1 − t).
Cette substitution t ← t/(1 − t) laisse invariant le terme en t, on note
n n
γt (x) = 1 + tx + t2 (x + λ2 (x)) + · · · =
P
n>0 γ (x)t .
1. Donner λt (p) et γt (p) pour p ∈ N∗ . Soit x ∈ K e 0 A. Montrer que γt (x) est un polynôme t. En utilisant
γt (−x), en déduire que x est nilpotent.
2. Montrer que K e 0 (A) est le nilradical de l’anneau K0 (A).
On a rg(λn (x)) = λn (rg x) et l’on dispose ainsi d’une série formelle rgλt (x) à coefficients dans H0 A définie
par
rgλt (x) = λt (rg x) = n>0 rg(λn (x))tn .
P
4. Montrer que rgγt (x) = (1 − t)− rg x pour tout x ∈ K0 (A) ou encore pour x = [P ] que rgγt (x) =
RP (1/(1 − t)) = RP (1 − t)−1 . De plus, si 0 6 rg x 6 1, on a rgγt (x) = 1 + xt/(1 − t) = 1 + xt + xt2 + · · ·.
5. Pour tout x de K0 A, γt (x)(1 − t)rg(x) est un polynôme.
6. Montrer les formules de réciprocité entre λn et γ n pour n > 1 :
Pn−1 Pn−1
γ n (x) = p=0 n−1 λn (x) = q=0 n−1
p+1 n−1−q q+1
p λ (x), q (−1) γ (x).
Exercices et problèmes 401
Problème 10.3 (l’application projective de Nœther et les modules projectifs de rang constant 1 facteurs
directs dans k2 )
On fixe un anneau k, deux indéterminées X, Y sur k et un entier n > 1. Etant donnés x = (x1 , . . . , xn ),
y = (y1 , . . . , yn ) deux n-suites d’éléments de k, on leur associe une (n + 1)-suite z = z(x, y) = (z0 , . . . , zn )
de la manière suivante :
Qn n n−1
i=1 (xi X + yi Y ) = z0 X + z1 X Y + · · · + zn−1 XY n−1 + zn Y n
Ainsi, on a z0 = x1 · · · xn , zn = y1 · · · yn , et par exemple, pour n = 3 :
z1 = x1 x2 y3 + x1 x3 y2 + x2 x3 y1 , z2 = x1 y2 y3 + x2 y1 y3 + x3 y1 y2
Pour d ∈ J0..nK, on vérifie facilement que zd (y, x) = zn−d (x, y) et que l’on a l’expression formelle suivante
à l’aide des fonctions symétriques élémentaires S0 = 1, S1 , . . . , Sn de n indéterminées :
zd = x1 · · · xn Sd (y1 /x1 , . . . , yn /xn )
En particulier, zd est homogène en x de degré n − d, et homogène en y de degré d. On peut donner une
définition directe de zd de la manière suivante :
P Q Q
zd = #I=n−d i∈I xi j∈J1..nK\I yj
Si k est un corps, on dispose d’une application ψ : (P1 )n = P1 × · · · × P1 → Pn , dite de Nœther, définie
par :
On fait agir le groupe symétrique Sn sur le produit (P1 )n par permutation des coordonnées ; alors
l’application (?) ci-dessus, qui est Sn -invariante, intervient en géométrie algébrique pour mettre en
isomorphie (P1 )n /Sn et Pn .
1. Montrer que pour des points P1 , . . . , Pn , Q1 , . . . , Qn ∈ P1 , on a ψ(P1 , . . . , Pn ) = ψ(Q1 , . . . , Qn ) si, et
seulement si, (Q1 , . . . , Qn ) est une permutation de (P1 , . . . , Pn ).
On veut maintenant, k étant un anneau quelconque, formuler l’application (?) en termes de k-mo-
dules projectifs de rang constant 1. De manière précise, on pose L = kX ⊕ kY ' k2 , et l’on note
Sn (L) = kX n ⊕ kX n−1 Y ⊕ · · · ⊕ kXY n−1 ⊕ kY n ' kn+1 la composante homogène de degré n de k[X, Y ].
Si P1 , . . . , Pn ⊂ L sont n sous-k-modules projectifs de rang constant 1 facteurs directs, on veut leur
associer, de manière fonctorielle, un sous-k-module P = ψ(P1 , . . . , Pn ) de Sn (L), projectif de rang constant
1 et facteur direct. Bien sûr, on doit avoir ψ(P1 , . . . , Pn ) = ψ(Pσ(1) , . . . , Pσ(n) ) pour toute
Pnpermutation
σ ∈ Sn . De plus, si chaque Pi est libre de base xi X + yi Y , alors P doit être libre de base i=0 zi X n−i Y i ,
de façon à retrouver (?).
2. Montrer que si chaque (xi , yi ) est unimodulaire, il en est de même de (z0 , . . . , zn ).
3. Définir ψ(P1 , . . . , Pn ) ⊂ Sn (L) à l’aide de P1 ⊗k · · ·⊗k Pn et de l’application k-linéaire π : Ln⊗ Sn (L) :
Nn Qn
π : i=1 (xi X + yi Y ) 7→ i=1 (xi X + yi Y )
4. Soient k[Z] = k[Z0 , . . . , Zn ], k[X, Y ] = k[X1 , Y1 , . . . , Xn , Yn ]. Que dire du k-morphisme ϕ : k[Z] →
k[X, Y ] défini par :
P Q Q
Zd 7→ zd = #I=n−d i∈I Xi j∈J1..nK\I Yj
Note : ϕ est le co-morphisme de ψ.
Enfin, on définit l’anneau (en général non commutatif) B{G} comme étant le PB-module dePbase G, avec
le produit (bσ) · (b0 σ 0 ) = bσ(b0 )σσ 0 . Alors B devient une B{G}-algèbre via ( σ bσ σ) · b = σ bσ σ(b).
B{G} est appelée l’algèbre tordue du groupe G (twisted group algebra of G).
Soit (A, B, G) une algèbre galoisienne. Le but de l’exercice est d’associer à tout 1-cocycle c = (cσ )σ∈G un
A-module projectif de rang constant 1 noté BG G
c et de montrer que c 7→ Bc définit un morphisme injectif
de H (G, B ) dans Pic(A). En particulier, si Pic(A) est trivial, alors tout 1-cocycle de G sur B× est un
1 ×
bord.
402 10. Modules projectifs de type fini, 2
5. Dans le cas où A est un anneau zéro-dimensionnel (par exemple un corps discret), montrer que tout
1-cocycle (cσ )σ∈G est le bord d’un b ∈ B× .
6. On suppose que G est cyclique d’ordre n, G = hσi, et que Pic(A) = 0. Soit x ∈ B ; montrer que
NB/A (x) = 1 si, et seulement si, il existe b ∈ B× tel que x = σ(b)/b.
Si A est un corps son image est le lieu des zéros Z(a) et on peut montrer que ψ induit au niveau des
espaces projectifs, ce que l’on appelle un plongement P1 (A) × Pn−1 (A) → P2n−1 (A).
De manière plus générale, en changeant totalement les notations, soient n + m + nm indéterminées
X1 , . . . , Xn , Y1 , . . . , Ym , Zij , 1 6 i 6 n, 1 6 j 6 m et le morphisme ϕ : A[Z] → A[X, Y ], Zij → Xi Yj .
On montre que Ker ϕ = D2 (A) où A ∈ Mn,m (A[Z]) est la matrice générique. Le morphisme ϕ induit
un morphisme entre espaces affines ψ : An (A) × Am (A) → Mn,m (A) ' Anm (A), (x, y) 7→ (xi yj )ij dont
l’image est le lieu des zéros Z(D2 (A)). Si A est un corps discret, on peut montrer que ψ induit un
plongement Pn−1 (A) × Pm−1 (A) → Pnm−1 (A) : c’est le plongement de Segre ; cela permet de prouver
que Pn−1 × Pm−1 se réalise comme un sous-ensemble algébrique projectif de Pnm−1 .
Si A est quelconque, soient E ∈ Pn−1 (A), F ∈ Pm−1 (A) ; E est donc un sous-module facteur direct
dans An , de rang 1 ; idem pour F . Alors E ⊗A F s’identifie canoniquement à un sous-module de
An ⊗A Am ' Anm , facteur direct, de rang 1. En posant ψ(E, F ) = E ⊗A F , on obtient ainsi une
application Pn−1 (A) × Pm−1 (A) → Pnm−1 (A) qui prolonge l’application précédemment définie ; en effet,
si x ∈ An , y ∈ Am sont unimodulaires, il en est de même de x ⊗ y ∈ An ⊗A Am , et en posant E = Ax,
F = Ay, on a E ⊗A F = A(x ⊗ y).
Exercices et problèmes 403
Vd
/ GAn0 (k) n0 = n−1+d n−1+d
GAn (k) avec d = n−1
Im Im
Gn (k)
d−Veronese
/ Gn0 (k)
3. Montrer que si A est un projecteur de rang 1, il en est de même de Vd (A).
Et plus généralement, si A
est un projecteur de rang r, alors Vd (A) est un projecteur de rang d+1−r
r−1 .
Exercice 10.2 On reprend à peu près la deuxième preuve du lemme de la liberté locale. Notons ϕ
l’application linéaire qui a pour matrice F . Appelons fj la colonne j de la matrice F , et e1 , . . . , en la
base canonique de An . Par hypothèse f1 , . . . , fk , ek+1 , . . . , en est une base de An . La matrice de passage
V 0
correspondante est B1 = 0 . Puisque ϕ(fi ) = ϕ(ϕ(ei )) = ϕ(ei ) = fi , par rapport à cette base ϕ a
C I
h
I X
une matrice du type k . Le calcul donne :
0 Y
V −1
0 Ik L
B1−1 = , G = B1−1 F B1 =
C Ih 0 −C 0 V −1 L0 + W
où L = V −1 L0 , et C = −C 0 V −1 .
Ik L 0 −1 0 Ik −L
Puisque Dk+1 (G) = 0 on a G = donc W = C V L . On pose B2 = , on a
0 0 0 Ih
I L
B2−1 = k et l’on obtient B2−1 G B2 = Ik,n .
0 Ih
Finalement on obtient B −1 F B = Ik,n avec
−L0
V 0 Ik −L V
B = B1 B2 = · =
C 0 Ih 0 Ih C 0 Ih − W
et −1
V −1 + LC
I L V 0 L
B −1
= B2−1 B1−1 = k · =
0 Ih C Ih C Ih
L’égalité F 2 = F donne en particulier V = V 2 + L0 C 0 donc 0 0 −1
Ik = V (Ik + L C V ) = V (Ik − LC) et
I L
finalement V −1 = Ik − LC. Donc comme annoncé B −1 = k .
C Ih
Avant de démontrer l’affirmation concernant Ih − W voyons la réciproque.
La double égalité
Ik L Ik − LC L Ik 0 Ik L Ik 0
= =
C Ih 0 Ih C Ih 0 Ih C Ih − CL
Ik L
montre que Ik − LC est inversible si, et seulement si, Ih − CL est inversible si, et seulement si,
C Ih
Ik L
est inversible. Cela donne aussi det = det(Ik − LC) = det(Ih − CL) . Le calcul donne alors
C Ih
−1
Ik L V −V L
=
C Ih −CV Ih + CV L
d’où −1
Ik L I 0 I L V VL
· k · k = ,
C Ih 0 0 C Ih −CV −CV L
406 10. Modules projectifs de type fini, 2
et l’on se retrouve dans la situation symétrique, donc (Ih − W )−1 = Ih − CL et det V = det(Ih − W ).
Exercice 10.5 Noter g (resp. d) la multiplication à gauche (resp. à droite) par P . On a alors g 2 =
g, d2 = d, gd = dg, ϕ = g + d − 1 et π = g + d − 2gd.
Exercice 10.8 1a. Considérons la (( matrice de Sylvester homogène )) S définie comme celle de l’appli-
cation linéaire (A, B) 7→ P A + QB sur les bases uq−1 , . . . , v q−1 pour A (polynôme homogène de degré
q − 1), up−1 , . . . , v p−1 pour B (polynôme homogène de degré p − 1) et up+q−1 , . . . , v p+q−1 pour P A + QB
(polynôme homogène de degré p + q − 1).
Lorsque l’on fait v = 1 on voit que tS = Syl(g, p, h, q) et donc det(S) = Res(g, p, h, q).
Lorsque l’on fait u = 1 on voit que tS est presque la matrice Syl(e g , p, e
h, q) : il faut renverser l’ordre
des lignes, l’ordre des q premières colonnes et l’ordre des p dernières. D’où le résultat annoncé car
(−1)bq/2c+bp/2c+b(p+q)/2c = (−1)pq .
1b. Le fait que S Se = Res(P, Q)Ip+q signifie que chaque uk v ` Res(P, Q) (k + ` = p + q − 1) est une
combinaison linéaire des vecteurs colonnes de la matrice S. Cela donne donc exactement l’inclusion requise,
qui n’est en fin de compte que la version homogène de l’inclusion habituelle.
2. On écrit f sous forme irréductible f = a/b avec a, b ∈ k[t], et l’on homogénéise a, b en degré d (maximum
des degrés de a, b) pour obtenir deux polynômes homogènes A, B ∈ k[u, v] de degré d.
Si k est un anneau quelconque, on demande à ce que Res(A, B) soit inversible. Cela est nécessaire pour
que la fraction reste bien définie après toute extension des scalaires. Voyons alors que le morphisme f est
d’abord défini au niveau des vecteurs unimodulaires :
(ξ : ζ) 7→ (A(ξ, ζ) : B(ξ, ζ))
Ceci a bien un sens car si 1 ∈ hξ, ζi alors 1 ∈ hA(ξ, ζ), B(ξ, ζ)i d’après le point 1b.
Pour remonter
au niveau GA2,1 (k), on s’alloue deux nouvelles indéterminées x, y, en pensant à la
xu yu 2d−1
matrice . Comme hu, vi ⊆ hA, Bi, on peut écrire (xu + yv)2d−1 = E(x, y, u, v)A(u, v) +
xv yv
F (x, y, u, v)B(u, v) avec E, F homogènes en x, y, u, v ; en fait, E, F sont bi-homogènes en (x, y), (u, v), de
degré 2d − 1 en (x, y), de degré d − 1 en (u, v). Comme EA est bi-homogène, de bi-degré (2d − 1, 2d − 1),
il existe (voir la justification plus loin) un polynôme homogène α0 en 4 variables, α0 = α0 (α, β, γ, δ), de
degré 2d − 1, tel que :
EA = α0 (xu, yu, xv, yv)
Même chose avec F A, EB, F B pour produire β 0 , γ 0 , δ 0 . On considère alors les matrices :
0
α β0
xu yu /o /o /o / α β EA F A o / o / o / /
,
xv yv γ δ EB F B γ 0 δ0
0
α β0
α β
Le relèvement cherché est alors 7→ .
γ δ γ 0 δ0
0 0 0 0
Note : α , β , γ , δ sont des polynômes homogènes en α, β, γ, δ, de degré 2d − 1, tels que :
0 0
α β
divise α0 β0 ,
γ δ γ δ α + δ − 1 divise α0 + δ 0 − 1
Justification de l’existence de α0 . Cela repose sur le fait simple suivant : un monôme ui v j xk y ` est un
monômeen xu, yu,
xv, yv si, et seulement si, i + j = k + ` ; en effet, si cette égalité est vérifiée, il y a une
m n
matrice ∈ M2 (N) telle que les sommes de ligne soient i, j et les sommes de colonnes soient k, l.
r s
Un schéma pour aider la lecture :
k `
i m n xu yu
j r s xv yv
et alors
ui v j xk y ` = um+n v r+s xm+r y n+s = (xu)m (yu)n (xv)r (yv)s
Solutions d’exercices 407
On en déduit facilement qu’un polynôme bi-homogène en (x, y), (u, v), de bi-degré (d, d), est l’évaluation
en xu, yu, xv, yv d’un polynôme homogène de degré d.
3. Pour f (t) = t2 , on obtient le relèvement :
2
α β α (α + 3δ) β 2 (3α + δ)
7→
γ δ γ 2 (α + 3δ) δ 2 (3α + δ)
Plus généralement, pour d quelconque, on développe (α + δ)2d−1 sous la forme αd Sd (α, δ) + δ d Sd (δ, α), et
l’on obtient le relèvement : d
α β α Sd (α, δ) β d Sd (δ, α)
7→
γ δ γ d Sd (α, δ) δ d Sd (δ, α)
a b α β α β
Si H = , 7→ H H −1 est un relèvement de f (t) = at+b
ct+d .
c d γ δ γ δ
2
Exercice
2 10.9 On procède comme dans l’exercice 10.8 mais c’est plus simple car puisque hu, vi =
u , uv, v 2 , l’application (u : v) 7→ (u2 :
uv : v2 ) est bien définie au niveau des vecteurs unimodulaires,
u2
2 3 u
comme restriction de : k → k , 7→ uv .
v
v2
α β xu yu
On introduit x, y en pensant à la matrice ↔ . On développe (xu + yv)2 = x2 u2 +
γ δ xv yv
2xyuv + y 2 v 2 , somme de 3 termes qui vont être les 3 termes diagonaux d’une matrice de GA3,1 (k), puis
on complète de façon à ce que chaque colonne soit le multiple ad-hoc du vecteur de k3 ci-dessus. Ce qui
donne : 2 2 2
x u 2xyu2 y 2 u2 α 2αβ β 2
x2 uv 2xyuv y 2 uv F = αγ 2αδ βδ
x2 v 2 2xyv 2 y 2 v 2 γ 2 2γδ δ 2
α β
Le relèvement GA2,1 (k) → GA3,1 (k) est 7→ F . On a bien sûr Tr(F ) = (α + δ)2 = 1, D2 (F ) ⊆
γ δ
hαδ − βγi = 0 et F est un projecteur de rang 1.
Exercice 10.10 1) On fournit deux solutions pour cette question. La première consiste à utiliser
l’expression de l’adjointe en fonction de la matrice de départ ; la seconde preuve utilise la localisation.
Pour A ∈ Mn (A) on a l’expression classique de A e comme polynôme en A :
e = (−1)n−1 Q(A) avec XQ(X) = CA (X) − CA (0).
A
Appliquons cela à un projecteur P de rang n − 1. Il vient CP (X) = (X − 1)n−1 X, Q(X) = (X − 1)n−1 et
(P − In )n−1 = (−1)n−1 Pe. Puisque (In − P )n−1 = In − P , on obtient P + Pe = In .
Voici la preuve par localisation. D’après le théorème de structure locale des modules projectifs de type fini
(théorème 5.8 page 179 ou théorème 10.2 page 362), il existe des localisations comaximales telles que sur
chaque localisé, P est semblable à Ir,n , où l’entier r dépend a priori de la localisation. Ici, puisque P est
de rang n − 1, on a r = n − 1 ou 1 = 0. Donc sur chaque localisé P + Pe = In . Et l’égalité est aussi vraie
globalement d’après le principe local-global de base.
2) Voyons la démonstration par localisations comaximales. Sur le localisé As , le projecteur P est semblable
à Qs = Ir,n , où r dépend de s. Puisque P + Pe = In , on a aussi Qs + Q fs = In sur As . Si r < n − 1, alors
Qs + Q fs = Ir,n . Si r = n − 1, alors Qs + Q fs = 2 In . Bilan : si r 6= n − 1,
fs = In . Si r = n, alors Qs + Q
alors 1 = 0 et le rang est aussi égal à n − 1. En conséquence sur tous les localisés As , le projecteur P est
de rang n − 1, et donc globalement aussi.
3) Il suffit de multiplier P + Pe = In par P pour obtenir P 2 = P .
Exercice 10.11 Il existe B ∈ Mn (A) telle que ABA = A, de sorte que AB est un projecteur de même
image que A, donc de rang n − 1, et BA un projecteur de même noyau que A, donc également de rang
n − 1. On définit P, Q ∈ Mn (A) par :
AB = In − P, BA = In − Q.
Ainsi P, Q sont des projecteurs de rang 1 vérifiant A = (In − P )A = A(In − Q).
1) On a det A = 0, i.e. AA
e = AA e = 0, donc Im A ⊆ Ker A. g = I^
e Ensuite AB n − P = P (car P est un
projecteur de rang 1). Et l’égalité B
eAe = P prouve que :
e ⊆ Ker P = Im(In − P ) = Im A.
Ker A
408 10. Modules projectifs de type fini, 2
e = Im A = Im(In − P ).
Conclusion : Ker A
e ⊆ Ker A = Ker(BA) = Im Q, A
2) En raisonnant comme on point (1) on obtient Im A eBe = BA n−Q=
g = I^
Q, et Ker A = Im Ae = Im Q.
Exercice 10.14 1. Comme f (t) = 0, on a f ∈ a, d’où une application A-linéaire surjective A[T ]/hf i
A[T ]/a entre deux A-modules libres de même rang n : c’est un isomorphisme (proposition 2.5.2), donc
a = hf i.
2. Le polynôme caractéristique f de t est unitaire de degré n car A[t] est de rang constant n. Comme
f (t) = 0, on a f ∈ a, d’où une application A-linéaire surjective A[T ]/hf i A[T ]/a , d’un A-module libre
de rang n sur un A-module projectif de rang constant n ; c’est donc un isomorphisme (proposition 10.3.4),
donc a = hf i.
Pr Pr
3. Soit f = i=0 ai T i = i=0 fr un polynôme localement unitaire de degré formel r, avec le système
fondamental d’idempotents orthogonaux e0 , . . . , er et f ed = fd unitaire de degré d modulo h1 − ed i pour
chaque d ∈ J0..rK.
Alors ar = er est idempotent. Ensuite f − fr = (1 − er )f est localement unitaire de degré formel r − 1 et
l’on peut terminer par récurrence descendante sur r pour calculer les ed à partir de f . Si l’anneau est
discret on obtient un test pour décider si un polynôme donné est localement unitaire : chacun des ed
calculés successivement doit être idempotent et la somme des ed doit être égale à 1.
Exercice 10.15 1. Il existe P un sous-A-module N de B tel que M.N P = A. On a x P1 , . . . , xn ∈ M et
y1 , . . . , ynP∈ N tels que 1 = i xi yi et xi yj ∈ A. On vérifie que M = i Axi et N = i Ayi . Pour tout
élément k zk ⊗ zk0 dans M ⊗A M 0 on a, en remarquant que yi zk ∈ N.M = A
0 0 0
P P P
k z k ⊗ zk = k,i xi yi zk ⊗ zk = k,i xi (yi zk ) ⊗ zk
0 0
P P P
= k,i xi ⊗ (yi zk ) zk = i xi ⊗ (yi k zk zk ) ,
donc la surjection canonique M ⊗A M 0 → M.M 0 est injective.
2. Il faut montrer que a contient un élément régulier (lemme 5.6.6 5.), ce qui est immédiat.
Exercice 10.16 Définir la suite va de soi ; ainsi, l’application K× → Gfr(A) est celle qui à x ∈ K×
associe l’idéal fractionnaire principal Ax. Pas de problème non plus pour vérifier que le composé de deux
morphismes consécutifs est trivial. Exactitude en K× : si x ∈ K× est tel que Ax = A, alors x ∈ A× .
Exactitude en Gfr(A) : si a ∈ Gfr(A) est libre, cela signifie qu’il est principal i.e. de la forme Ax avec
x ∈ K× .
Seule l’exactitude en Pic A est plus délicate. De manière générale, si P est un A-module projectif de type
fini, alors l’application canonique P → K ⊗A P est injective car P est contenu dans un A-module libre.
Soit donc P un A-module projectif de rang constant 1 tel que K ⊗A P ' K ; donc P s’injecte dans K
puis dans A (multiplier par un dénominateur), i.e. P est isomorphe à un idéal entier a de A. De même,
le dual P ? est isomorphe à un idéal entier b de A. Et l’on a A ' P ⊗A P ? ' a ⊗A b ' ab ; donc ab est
engendré par un élément régulier x ∈ A ; on a x ∈ a donc a est un idéal inversible : on a trouvé un idéal
inversible a de A tel que a ' P .
Exercice 10.24 1. et 2. Immédiat.
A0 A
3. On considère la courte suite AN −→ Am −→ An ; elle est exacte localement, donc globalement.
4. Tout module stablement libre de rang 1 peut être donné sous la forme Ker A où A ∈ A(n+1)×n est une
A
matrice surjective An+1 −−→ An . Puisque 1 ∈ Dn (A), on applique la question 3. avec m = n + 1 ; on
obtient A0 ∈ A(n+1)×1 de rang 1 avec Im A0 = Ker A ; donc la colonne A0 est une base de Ker A.
Exercice 10.25 Soit f ∈ k[X0 , . . . , Xn ] un polynôme homogène de degré m et (pour simplifier) P =
ha, b, ci ⊆ kn+1 un k-module projectif de rang 1 en facteur direct. On suppose que f (a) = f (b) = f (c) = 0
et l’on veut montrer que f (x) = 0 si x = αa + βb + γc. Puisque la matrice des a, b, c est de rang 1, les
coefficients ai , bj , ck sont comaximaux. Il suffit donc de prouver l’égalité après localisation en une de ces
coordonnées. Par exemple sur k[1/a0 ] on a x = (α + ab00 β + ac00 γ)a = λa et donc f (x) = λm f (a) = 0.
Exercice 10.26 On considère la k-algèbre k[ε] = k[T ] T 2 . Soit A ∈ GLn (k) et H ∈ Mn (k). On a
A + εH = A(In + εA−1 H). Et In + εM est inversible, d’inverse In − εM , pour tout M ∈ Mn (k). Donc
A + εH ∈ GLn (k) pour n’importe quel H. Par suite, l’espace tangent TA (GLn ) est isomorphe à Mn (k).
NB : (A + εH)−1 = A−1 − εA−1 HA−1 .
Exercice 10.27 On utilise la k-algèbre k[ε] où ε est l’élément générique de carré nul. Pour A, H ∈ Mn (k),
on a det(A + εH) = det(A) + ε Tr(AH).
e On en déduit
det(A + εH) = 1 ⇐⇒ (det(A) = 1 et Tr(AH) e = 0)
On a donc, pour A ∈ SLn (k),
n o
TA (SLn ) = H ∈ Mn (k) | Tr(AH)
e =0 .
410 10. Modules projectifs de type fini, 2
Montrons que TA (SLn ) est un k-module libre de rang n2 − 1. En effet, la multiplication à gauche par
A, H 7→ AH, est une bijection k-linéaire de Mn (k) qui transforme In en A et applique bijectivement
TIn (SLn ) sur TA (SLn ), comme on peut le vérifier en écrivant Tr(H) = Tr(A e AH). Enfin TI (SLn ) est
n
le sous-k-module de Mn (k) constitué des matrices de trace nulle, qui a pour base les n2 − 1 matrices
(eij )i6=j , (e11 − eii )i∈J2..nK , où (eij )i,j∈J1..nK est la base canonique de Mn (k).
À noter que l’on aurait pu utiliser la multiplication à droite par A, H 7→ HA, puisque Tr(AH A) e =
Tr(A e AH) = Tr(H).
Exercice 10.28 1. On voit facilement que ϕ(H)J0 = J0 ϕ(H). Si k était un corps, on pourrait en déduire
que ϕ(H) est un polynôme en J0 . Le calcul direct donne
0 si i < j
ϕ(eij ) = n−1−(i−j)
J0 sinon
n−i Ln−1 k
En particulier ϕ(ei1 ) = J0 . On a donc Im ϕ = k=0 kJ0 .
2. Pour k ∈ J0..n − 1K, la matrice J0k a ses coefficients nuls, sauf ceux qui sont sur la k-ième sur-diagonale,
tous égaux à 1. On peut donc prendre comme supplémentaire de Im ϕ le sous-module engendré par les eij ,
avec j < n (on omet donc les ein qui correspondent à la dernière position des sur-diagonales des J0k ). On
définit alors ψ par
0 si j < n
ψ(eij ) = ou encore ψ(H) = H tJ0n−1 .
ei1 si j = n
On vérifie facilement ψ(J0n−i ) = ei1 pour i ∈ J1..nK, puis (ϕ ◦ ψ)(A) = A si A ∈ Im ϕ et enfin ϕ ◦ ψ ◦ ϕ = ϕ.
Par miracle, on a aussi ψ ◦ ϕ ◦ ψ = ψ.
On a eij −ei0 j 0 ∈ Ker ϕ dès que i0 −j 0 = i−j (i0 > j 0 , i > j) et l’on obtient une base de Ker ϕ en considérant
les n(n−1)
2 matrices eij avec i < j et les n(n−1) matrices ei1 − ei+r,1+r , r ∈ J1..n − iK, i ∈ J1..n − 1K.
2
3. On utilise la k-algèbre k[ε] ' k[T ] T 2 . Pour A, H ∈ Mn (k), on a
(A + εH)n = An + ε i+j=n−1 Ai HAj .
P
Pour A = J0 , on trouve que l’espace tangent (( au cône nilpotent )) est Ker ϕ qui est un module libre de
rang n2 − n (c’est la dimension du cône nilpotent).
Problème 10.1 1) De manière naïve : soit f = f (x, y) ∈ k[x, y] une conique i.e., un polynôme de degré
2 et (x0 , y0 ) un k-point de {f (x, y) = 0}.
L’astuce classique de paramétrage consiste à définir
t par y − y0 = t(x − x0 ) et, dans l’équation (x, y)
f (x, y) = f (x, t0 + t(x − x0 )) = 0,
à chercher x en fonction de t ; cette équation du (x0 , y0 )
second degré en x admet x = x0 comme solution
d’où l’obtention k-rationnelle de l’autre solution. Y − y0 = t(X − x0 )
Si a+by est inversible dans A, N(a+by) ∈ k[x]× = k? ; d’où b = 0 puis a constant. Bilan : k[x, y]× = k? .
Ceci est spécifique au fait que −1 n’est pas carré dans k car si i2 = −1, l’égalité (x + iy)(x − iy) = 1
montre l’existence d’inversibles autres que les constantes.
Montrons que y est irréductible. Si y = zz 0 , alors N(y) = N(z)N(z 0 ), i.e x2 − 1 = (x − 1)(x + 1) =
N(z)N(z 0 ). Mais dans k[x], x ± 1 ne sont pas associés à une norme (une norme non nulle est de degré
pair). Donc N(z) ou N(z 0 ) est une constante, i.e. z ou z 0 est inversible. De la même façon, 1 ± x sont
irréductibles.
On va utiliser l’égalité
√ √ √
y 2 = (1 − x)(1 + x) analogue à 2 · 3 = (1 + −5)(1 − −5) dans Z[ −5]
pour voir que hx − 1, yi n’est pas un idéal principal : une égalité hx − 1, yi = hdi entraînerait d | x − 1,
d | y, i.e. d inversible, i.e. 1 ∈ hx − 1, yi, ce qui n’est pas.
Problème 10.2 1. On a λt (A) = λt (1) = 1+t et γt (1) = 1/(1−t) donc λt (p) = (1+t)p et γt (p) = 1/(1−t)p
pour p ∈ N∗ .
On écrit x sous la forme [P ] − [AP p
] = P − p pour un certain p ∈ N∗ (comme rg x = 0, P est de rang
p
constant p). On a défini γt ([P ]) = n=0 λn (P )tn /(1 − t)n , et l’on a γt (p) = γt (1)p = 1/(1 − t)p , donc
Pp
γt (x) = γγt t([P ])
(p) =
n n
n=0 λ (P )t (1 − t)
p−n
.
Ainsi γt (x) est un
Pppolynôme de degré 6 p en P t.
p
Note : γ p (x) = n=0 λn (P )(−1)p−n = (−1)p n=0 λn (P )(−1)n = (−1)p λ−1 (P ).
On a γt (x)γt (−x) = 1 et comme ce sont des polynômes de K0 (A)[t], leurs coefficients de degré > 0 sont
nilpotents (lemme 2.2.5 et exercice 7.8). En particulier x, qui est le coefficient de degré 1 de γt (x), est
nilpotent.
2. Soit x ∈ K0 (A) nilpotent ; alors rg x est un élément nilpotent de H0 (A). Mais ce dernier anneau est
réduit (en fait quasi intègre) ; donc rg x = 0.
Vn
3. Supposons rg x = [e] pour un idempotent e. On a (eA) = 0 pour n > 2, donc λt ([e]) = 1 + [e]t. Par
définition de ar pour a ∈ B et r ∈ H0 B, (1 + t)[e] = (1 − e) + e(1 + t) = 1 + et. Par calcul direct on obtient
aussi ReA (t) = (1 − e) + te. Enfin, on a par convention B(A) ⊆ H0 A avec l’identification e = [e].
On obtient ensuite l’égalité générale pour x = [P ] en utilisant le système fondamental d’idempotents
orthogonaux formé par les coefficients de RP et en notant que les deux membres sont des morphismes de
K0 (A) vers 1 + t K0 (A)[[t]].
Notons aussi que λt (p) = (1 + t)p pour p ∈ N∗ est l’égalité voulue lorsque rg x ∈ N∗ .
4. S’obtient à partir de la première question en remplaçant t par t/(1 − t).
5. Un x ∈ K0 (A) s’écrit y + r avec r = rg x ∈ H0 A et y ∈ K e 0 A. Alors γt (x) = γt (y)(1 − t)−r .
6. On rappelle que pour d > 1, on peut écrire les deux formules, la seconde étant celle du développement
du binôme :
1
= k>0 k+d−1 (1 − t)−d = k>0 −d
P k P k
(1−t)d d−1 t , k (−t) .
Elles sont reliées par l’égalité
k+d−1 k+d−1 −d
d−1 = k = k (−1)k .
Par définition,
λd (x)td k+d−1
λd (x)td tk .
P P
γt (x) = 1 + d>1 (1−t)d =1+ d>1,k>0 d−1
Pour n > 1, le coefficient γ n (x) de t est :
n
P d k+d−1
Pn−1 p+1 n−1
k+d=n λ (x) d−1 i.e. avec p = d − 1 p=0 λ (x) p .
L’autre égalité s’en déduit via l’équivalence γt = λt/(1−t) ⇐⇒ λt = γt/(1+t) .
Problème 10.3 1. Unicité de la factorisation à l’ordre près des facteurs et aux inversibles près.
2. Le produit de polynômes primitifs est un polynôme primitif, cf. le lemme 2.2.5 (Gauss-Joyal du pauvre).
On a le résultat plus précis qui consiste en l’inclusion d’idéaux :
hx1 , y1 i · · · hxn , yn i ⊆ Dk (hz0 , . . . , zn i).
On peut le déduire du fait suivant : si f, g sont deux polynômes à une indéterminée, le produit d’un
coefficient de f et d’un coefficient de g est entier sur l’idéal engendré par les coefficients du produit f g (cf.
le lemme 12.2.7), en particulier il est dans le radical de cet idéal.
On
Q peut également utiliser l’approche qui suit : pour I ⊆ J1..nK, notons I 0 son complémentaire, xI =
n
Q
i∈I xi , yI = i∈I yi . Si d = #I, on va montrer, en posant N = d , une égalité de la forme :
Y XN
(?0 ) (T − xI yI 0 ) = T N + aj T N −j , aj ∈ hz0 , . . . , zn i .
#I=d j=1
Solutions d’exercices 413
En faisant T = xI yI 0 , on aura (xI yI 0 )N ∈ hz0 , . . . , zn i, montrant ainsi l’inclusion d’idéaux annoncée. Pour
prouver (?0 ), on examine d’abord le cas où tous les yi sont égaux à 1. On écrit, en notant S1 (x), . . . , Sn (x)
les fonctions symétriques élémentaires de x1 , . . . , xn :
PN
N
+ j=1 bj T N −j ,
Q
#I=d (T − xI ) = T bj = fj (S1 (x), . . . , Sn (x)).
Un examen attentif montre que fj est un polynôme de degré 6 j en S1 , . . . , Sn . Remplaçons dans
cette dernière égalité xi par xi /yi et multiplions par (y1 · · · yn )N ; on obtient, avec U = y1 . . . yn T et
si = Si (x1 /y1 , . . . , xn /yn ) :
PN
N
+ j=1 (y1 · · · yn )j fj (s1 , . . . , sn )U N −j .
Q
#I=d (U − xI yI ) = U
0
Soit sα αn
P
1 · · · sn un monôme de fj (s1 , . . . , sn ) ; puisque i αi 6 deg fj 6 j, on a, en se souvenant que
1
zn = y1 · · · yn :
znj sα αn α0 α1 α1
· · · (zn sn )αn = znα0 zn−1 · · · z0αn avec α0 = j − i αi .
P
1 · · · sn = zn (zn s1 )
1
Puisque j > 1, l’un des exposants αi ci-dessus n’est pas nul et on a bien l’appartenance à hz0 , . . . , zn i puis
l’égalité (?0 ).
3. Posons E = P1 ⊗k · · · ⊗k Pn ⊂ Ln⊗ ; c’est un module projectif de rang constant 1. Montrons que la
restriction de π à E est injective et que π(E) est facteur direct dans Sn (L). Ceci prouvera bien que π(E)
est un k-point de Pn . On se ramène à l’aide d’un nombre fini de localisations P comaximales au cas où
n
chaque Pi est libre de base xi X + yi Y . Alors chaque (xi , yi ) est unimodulaire et i=0 zi X n−i Y i est une
base unimodulaire de π(E). Ceci prouve d’une part que π|E est injective (puisqu’elle transforme une base
de E en un vecteur unimodulaire de Sn (L)) et que π(E) est facteur direct dans Sn (L).
4. Il semble que ϕ soit injectif, i.e. z0 , . . . , zn sont algébriquement indépendants sur k. L’image par ϕ le
est sous-anneau gradué A = k[z0 , . . . , zn ] ⊂ k[X, Y ] (la composante homogène d’un élément de A est
dans A) ; si f ∈ A est homogène de degré m, on a m ≡ 0 mod n, et pour t1 , . . . , tn quelconques :
f (t1 X1 , t1 Y1 , . . . , tn Xn , tn Yn ) = (t1 . . . tn )m/n f (X1 , Y1 , . . . , Xn , Yn )
Enfin, A est invariant sous l’action du groupe symétrique Sn qui agit sur k[X, Y ] par
σ · f (X1 , Y1 , . . . , Xn , Yn ) = f (Xσ(1) , Yσ(1) , . . . , Xσ(n) , Yσ(n) )
Ces deux dernières propriétés caractérisent probablement A.
Problème 10.4 On fixe une fois pour toutes un élément b0 ∈ B de trace 1.
1. et 2. Pas de difficulté. Le fait que θc soit multiplicatif traduit exactement le fait que c est un 1-cocycle.
3. L’action de G sur B tordue par le 1-cocycle c est σ ·c b = cσ σ(b) ; le fait que cela soit une action est
exactement la condition de 1-cocyclicité de c. En effet :
τ ·c (σ ·c b) = τ ·c cσ σ(b) = cτ τ (cσ σ(b)) = cτ τ (cσ ) (τ σ)(b) = cτ σ (τ σ)(b) = (τ σ) ·c b
P
On remarquera que πc = σ cσ σ est une sorte de G-trace relativement à l’action de G tordue par c.
On a donc BG c = { b ∈ B | cσ σ(b) = b }. En utilisant le fait que c est un 1-cocycle, on trouve que
τ ◦ πc = c−1 G G
τ πc ; on en déduit que cτ τ (z) = z pour tout z ∈ Im πc , i.e. Im πc ⊆ Bc . On définit s : Bc → B
G
par s(b) = bb0 . Alors πc ◦ s = IdBG
c
; en effet, pour b ∈ Bc :
P P P
πc (b0 b) = σ cσ σ(bb0 ) = σ cσ σ(b)σ(b0 ) = σ bσ(b0 ) = b TrB/A (b0 ) = b
De l’égalité πc ◦ s = IdBG
c
, on déduit que πc est une surjection de B sur BG c , que s est injectif et
G G G
B = s(Bc ) ⊕ Ker πc ' Bc ⊕ Ker πc . En particulier, Bc est un A-module projectif de type fini .
Remarque : voyons s : b 7→ b0 b dans EndA (B) ; alors (πc ◦ s)(πc (z)) = πc (z) pour tout z ∈ B, i.e.
def
πc ◦ s ◦ πc = πc . En conséquence πc0 = πc ◦ s = σ cσ σ(b0 •) est un projecteur ; on pourrait certainement
P
calculer sa trace et trouver 1, ce qui prouverait que πc0 un projecteur de rang 1.
4. Soient c, d deux 1-cocycles, x ∈ BG G
c , y ∈ Bd , donc cσ σ(x) = x, dσ σ(y) = y ; on vérifie facilement que
xy ∈ Bcd . D’où une application A-linéaire Bc ⊗A BG
G G G
d → Bcd , x ⊗ y 7→ xy, que l’on note µc,d .
P
Notons
P (xi ), (yi ) deux systèmes d’éléments de B comme dans le lemme 6.7.8 et posons ε = i xi ⊗ yi =
i yi ⊗ xi (idempotent de séparabilité). On rappelle que ε ∈ Ann(J), ce qui se traduit par
def
xi ⊗ byi dans BeA = B ⊗A B
P P
∀b∈B i bxi ⊗ yi =
On a aussi, pour b, b0 ∈ B
TrB/A (bb0 ) = TrB/A (bxi ) TrB/A (b0 yi )
P
i
On va montrer que z 7→ (πc ⊗ πd )(b0 zε), BG 7 BG
cd →
G
c ⊗A Bd et µc,d sont réciproques l’une de l’autre. Dans
un sens :
P P P
(πc ⊗ πd )(b0 zε) = i ai ⊗ bi , avec ai = σ cσ σ(b0 zxi ), bi = τ cτ τ (yi )
414 10. Modules projectifs de type fini, 2
et l’on a
P P P
i ai bi = σ,τ σ(b0 z)cσ dτ i σ(xi )τ (yi )
et comme la somme interne (sur i) vaut 1 ou 0, il reste, pour z ∈ BGcd :
P P P P
i ai bi = σ σ(b0 z)cσ dσ = σ σ(b0 )σ(z)(cd)σ = σ σ(b0 )z = z TrB/A (b0 ) = z
Dans l’autre sens, soient x ∈ BG G
c et y ∈ Bd . Alors, puisque ε ∈ Ann(J), on peut écrire :
P P P
(πc ⊗ πd )(b0 xyε) = i ai ⊗ bi , avec ai = σ cσ σ(b0 xxi ), bi = τ dτ τ (yyi )
En utilisant cσ σ(b0 xxi ) = cσ σ(x)σ(b0 xi ) = xσ(b0 xi ) et dτ τ (yyi ) = dτ τ (y)τ (yi ) = yτ (yi ), il vient
P P P
i ai ⊗ bi = i x TrB/A (b0 xi ) ⊗ y TrB/A (yi ) = (x ⊗ y) · ( i TrB/A (b0 xi ) TrB/A (yi ) ⊗ 1) =
(x ⊗ y) · (TrB/A (b0 ) ⊗ 1) = x ⊗ y
Bilan : le point a. est prouvé. Pour le point b., soit un 1-cocycle, bord de b1 ∈ B× , cσ = σ(b1 )b−1 1 .
Alors b ∈ BGc si, et seulement si, , pour tout σ, cσ σ(b) = b, i.e. σ(b1 b) = b1 b c’est-à-dire b1 b ∈ A ; donc
−1
BG G G G
c = b1 A. On en déduit que Bc ⊗ Bc−1 ' A, donc Bc est A-module projectif de rang constant 1 ; de
G 1 ×
plus c 7→ Bc induit un morphisme Z (G, B ) → Pic(A).
Il reste à montrer que si BG G
c est libre, i.e. Bc = Ab1 avec b1 ∈ B et AnnA (b1 ) = 0, alors c est un
bord. Mais Bc−1 , étant l’inverse de Bc est aussi libre, BG
G G G G G
c−1 = Ab2 , et Bc Bc−1 = B1 = A ; on a donc
−1 −1
Ab1 b2 = A puis b1 , b2 sont inversibles dans B (et Ab2 = Ab1 ). Alors cσ σ(b2 ) = b2 , i.e. c est le bord de
b2 .
5. Puisque A est un anneau zéro-dimensionnel, Pic(A) = 0 donc H 1 (G, B× ) = 0.
6. On pose cτ = xσ(x) · · · σ i−1 (x) avec i ∈ J1..nK et τ = σ i ; ainsi cId = NB/A (x) = 1, cσ = x, cσ2 = xσ(x).
C’est un 1-cocycle : cσ σ(cσi ) = cσi+1 , i.e. cσ σ(cτ ) = cστ puis cσj σ j (cτ ) = cσj τ .
Problème 10.5 Il est clair que a ⊆ Ker ϕ.
1) Soient m = Xi1 · · · Xir Yj1 · · · Yjs , m0 = Xi01 · · · Xi0 0 Yj10 · · · Yj 0 0 avec
r s
Problème 10.7 2. Il est clair que Vd (P ) est un projecteur si P en est un ; et le diagramme est commutatif
pour des raisons fonctorielles. On peut apporter la précision suivante : si P, Q ∈ Mn (k) sont deux projec-
teurs tels que Im P ⊆ Im Q, alors Im Vd (P ) ⊆ Im Vd (Q) ; en effet, on a Im P ⊆ Im Q si, et seulement si,
QP = P et l’on en déduit que Vd (Q)Vd (P ) = Vd (P ), i.e. Im Vd (P ) ⊆ Im Vd (Q).
3. Il suffit de le faire localement, i.e. de calculer Vd (A) lorsque A est un projecteur standard Ir,n ; tout
d’abord, si A est diagonale, de diagonale a1 , . . . , an , alors Vd (A) est diagonale, de diagonale les n0 monômes
aα αn
1 · · · an avec α1 + · · · + αn = d. En particulier, pour A = Ir,n , on voit que Vd (A) est diagonale, avec
1
0
ou 1 sur la diagonale ; les 1 correspondent aux α tels que α1 + · · · + αr = d et donc il y en a d+1−r
r−1 . On
peut se convaincre facilement que Vd (I1,n ) = I1,n0 .
Problème 10.8 1. Le calcul de Fk2 − Fk se fait par récurrence et ne pose pas de problème. Pour la
conjugaison (n > 1), on utilise
0 −I A B 0 I D −C
=
I 0 C D −I 0 −B A
A B
Pour = Fn , cela fournit une conjugaison entre Fn et I2n − tFn .
C D
Pn
Lorsque z(z − 1) + i=1 xi yi = 0, les projecteurs Fn et I2n − Fn ont pour image des modules projectifs
n
de type fini P et Q avec P ⊕ Q ' A2 et P ' Q? . Donc 2 rg(P ) = 2n , et comme mx = 0 ⇒ x = 0 pour
∗ n−1
m ∈ N et x ∈ H0 A, rg(P ) = 2 .
2. Le calcul de Uk Vk , Vk Uk se fait par récurrence. Le fait que Fn et Gn sont conjuguées par une matrice de
permutation est laissé à la sagacité du lecteur. Par exemple, G2 = Pτ F2 Pτ−1 pour τ = (2, 4, 3) = (3, 4)(2, 3),
G3 = Pτ F3 Pτ−1 pour τ = (2, 4, 7, 5)(3, 6) = (3, 6)(2, 4)(4, 7)(5, 7).
En ce qui concerne le rang constant 2n−1 on peut invoquer le point 1., ou faire un calcul direct après
localisation en z et en z = 1 − z.
3.a Utilisation directe de l’exercice référencé.
3.b Soit S le monoïde aN . On peut localiser une résolution projective finie de M sur A pour en obtenir
une sur S −1 A : 0P→ S −1 Pn → · · · → S −1 P1 → S −1 P0 S −1 M → 0. Comme aM = 0, on a
n
S −1 M = 0 donc i=0 (−1)i rg(S −1 PP i ) = 0. Mais l’injection de localisation A ,→ S
−1
A fournit une
−1 n i
injection H0 (A) ,→ H0 (S A). Donc i=0 (−1) rg Pi = 0.
(Bn )z contient les éléments yi0 définis par yi0 = yi /z et puisque
P
4. Le localisé z(1 − z) = i xi yi , on a
1 − z = i xi yi0 . Ceci montre que z ∈ k[x1 , . . . , xn , y10 , . . . , yn0 ] et que 1 − i xi yi0 est inversible dans (Bn )z .
P P
On vérifie alors que
(Bn )z = k[x1 , . . . , xn , y10 , . . . , yn0 ]s avec s = 1 − xi yi0 .
P
De même, (Bn )1−z = k[x01 , . . . , x0n , y1 , . . . , yn ]1−P x0 yi avec x0i = xi /(1 − z).
i
5. Pour n > 1, tout élément a ∈ {z, x1 , . . . , xn } est régulier et a(Bn /bn ) = 0. Comme F1 est un projec-
teur de première ligne [z, x1 ], on a [z, x1 ]F1 = [z, x1 ] i.e. [z, x1 ](I2 − F1 ) = 0. Le lecteur vérifiera que
Ker [z, x1 ] = Ker F1 = Im(I2 − F1 ) ; d’où la suite exacte :
[z,x1 ]
0 → Im(I2 − F1 ) → B21 −−→ B1 B1 /b1 → 0
On a bien rg(B1 /b1 ) = 1 − 2 + 1 = 0.
6. Soit A la matrice constituée des 3 premières lignes de I4 − F2 :
1 − z −x1 −x2 0
A = −y1 z 0 −x2
−y2 0 z x1
Il est clair que AF2 = 0 et [z, x1 , x2 ]A = 0. Le lecteur vérifiera que la suite ci-dessous est exacte :
A [z,x1 ,x2 ]
0 → Im F2 → B42 −−→ B32 −−−→ B2 B2 /b2 → 0
On a bien rg(B2 /b2 ) = 1 − 3 + 4 − 2 = 0.
7. Immédiat vu la définition de Fn .
8. On considère la moitié haute de la matrice I8 − F30 et on supprime sa dernière colonne (nulle) pour
obtenir une matrice A de format 4 × 7. Soit B la matrice de format 7 × 8 obtenue en supprimant la
dernière ligne de F30 . Alors le lecteur courageux vérifiera l’exactitude de :
B A [z,x1 ,x2 ,x3 ]
0 → Im(I8 − F30 ) → B83 −−→ B73 −−→ B43 −−−−→ B3 B3 /b3 → 0
On a rg(B3 /b3 ) = 1 − 4 + 7 − 8 + 4 = 0.
9. Il y a une suite exacte :
416 10. Modules projectifs de type fini, 2
An+1 A n An−1 A
2 1A
Ln+1 −→ Ln −→ Ln−1 −→ · · · → L2 −→ L1 −−→ L0 = B B/b
n+1
P
où Lr est un module libre de rang i∈Ir i avec Ir = { i ∈ J0..rK | i ≡ r mod 2 }. En particulier,
n+1 2n
L1 = B et Ln = Ln+1 = B . Quant aux matrices Ar , on a A1 = [z, x1 , . . . , xn ] et la matrice Ar est
extraite de Fn si r est impair (comme A1 par exemple) et extraite de I − Fn sinon ; on a An+1 = Fn pour
n pair et An+1 = I − Fn pour n impair.
Notons Pn+1 = Im An+1 le module projectif de rang constant 2n−1 , égal à Im(I − Fn ) si n est impair, égal
à Im Fn sinon. Alors, le Bn -module Bn /bn admet une résolution projective de longueur n + 1 de type
suivant (on a posé B = Bn , b = bn ) :
n A An−1 A A
0 → Pn+1 → Ln = B2 −→ n
Ln−1 −→ · · · → L2 −→ 2 1
L1 −−→ L0 = B B/b
L’expression explicite du rang de Li confirme que [B/b ] ∈ K0 (B). Remarque : on a rg Ln−1 + rg L0 =
e
rg Ln−2 + rg L1 = · · · = 2n (en particulier, si n est impair, n = 2m + 1, alors rg Lm = 2n−1 ).
Note : Si k est un corps discret, on peut montrer que K e 0 (Bn ) ' Z avec comme générateur [Bn /bn ].
On en déduit que l’idéal K e 0 (Bn ) est de carré nul : de manière générale, soit un anneau A vérifiant
K0 (A) = Zx ' Z ; alors x = mx avec m ∈ Z donc xk+1 = mk x pour k > 1 ; comme x est nilpotent (voir
e 2
Commentaires bibliographiques
Le théorème 10.1 page 362 précise le théorème 2 dans [Bourbaki] chap. II §5.
La section 10.6 est basée sur les articles [30, 31, Chervov&Talalaev] qui s’occupent de
(( systèmes de Hitchin )) sur les courbes singulières.
Le problème 10.2 est inspiré d’un article non publié de R.G. Swan : On a theorem of Mphan,
Kumar and Nori.
Le problème 10.4 provient d’un exercice du chapitre 4 de [Jensen, Ledet & Yui].
Dans le problème 10.8, la matrice Fk intervient dans l’article : Vector bundles over Spheres
are Algebraic, R. Fossum, Inventiones Math. 8, 222–225 (1969). L’anneau Bn est un classique
en K-théorie algébrique.
11. Treillis distributifs, groupes
réticulés
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 417
11.1 Treillis distributifs et algèbres de Boole . . . . . . . . . . . . . . . . . 418
Treillis quotients, idéaux, filtres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 420
Les algèbres de Boole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422
Algèbre de Boole engendrée par un treillis distributif . . . . . . . . . . . . . . 422
11.2 Groupes réticulés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 424
Premier pas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 424
Identités remarquables dans les groupes réticulés . . . . . . . . . . . . . . . . 425
Congruences simultanées, principe de recouvrement fermé . . . . . . . . . . . 426
Décomposition partielle, décomposition complète . . . . . . . . . . . . . . . . 429
11.3 Monoïdes à pgcd, anneaux à pgcd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 432
Partie positive d’un groupe réticulé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 432
Monoïdes à pgcd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 433
Anneaux à pgcd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 433
Anneaux à pgcd de dimension 6 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 434
Pgcd dans un anneau de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 435
11.4 Treillis de Zariski d’un anneau commutatif . . . . . . . . . . . . . . . 436
Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 437
Dualité dans les anneaux commutatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 438
Annuler et inverser simultanément . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 438
Des définitions duales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 439
Couples saturés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 439
Idéaux et filtres dans un quotient localisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441
Principes de recouvrement fermé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441
Clôture zéro-dimensionnelle réduite d’un anneau commutatif . . . . . . . . . 443
11.5 Relations implicatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 447
Un nouveau regard sur les treillis distributifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 447
Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 448
Algèbres de Heyting . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459
Introduction
Ce chapitre commence par une section introductive qui fixe le cadre algébrique formel des
treillis distributifs et des algèbres de Boole.
Les treillis distributifs sont importants en algèbre commutative pour plusieurs raisons.
418 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
(11.1) ↓a = { x ∈ X | x 6 a } , ↑a = { x ∈ X | x > a } .
1. Ce qui pour Kummer était (( le pgcd idéal de plusieurs nombres )) a été remplacé en langage moderne par
l’idéal de type fini correspondant. Ce coup de force dû à Dedekind a été une des premières intrusions de l’infini
(( actuel )) en mathématiques.
2. En fait les valeurs de vérité des mathématiques constructives ne forment pas un ensemble à proprement
parler, mais une classe. Néanmoins les connecteurs logiques constructifs agissent sur ces valeurs de vérité avec les
mêmes propriétés algébriques que le ∧ le ∨ et le → des algèbres de Heyting. Voir la discussion page 650.
11.1. Treillis distributifs et algèbres de Boole 419
On appelle chaîne croissante une liste finie (a0 , . . . , an ) d’éléments de X rangés en ordre
croissant. Le nombre n est appelé la longueur de la chaîne. Par convention la liste vide est une
chaîne de longueur −1.
Définition 11.1.1
1. Un treillis est un ensemble T muni d’une relation d’ordre 6 pour laquelle toute famille
finie admet une borne supérieure et une borne inférieure. On note 0T le minimum de T
(la borne supérieure de la famille vide) et 1T le maximum de T. On note a ∨ b la borne
supérieure de (a, b) et a ∧ b sa borne inférieure.
2. Une application d’un treillis vers un autre est appelé un homomorphisme de treillis si elle
respecte les lois ∨ et ∧ ainsi que les constantes 0 et 1.
3. Le treillis est appelé un treillis distributif lorsque chacune des deux lois ∨ et ∧ est distributive
par rapport à l’autre.
Les axiomes des treillis peuvent être formulés avec des égalités universelles concernant
uniquement les deux lois ∧ et ∨ et les deux constantes 0T et 1T . La relation d’ordre est alors
def
définie par : a 6T b ⇐⇒ a ∧ b = a. Voici ces axiomes.
a∨a = a a∧a = a
a∨b = b∨a a∧b = b∧a
(a ∨ b) ∨ c = a ∨ (b ∨ c) (a ∧ b) ∧ c = a ∧ (b ∧ c)
(a ∨ b) ∧ a = a (a ∧ b) ∨ a = a
a ∨ 0T = a a ∧ 1T = a
On obtient ainsi une théorie purement équationnelle, avec toutes les facilités afférentes. Par
exemple on peut définir un treillis par générateurs et relations. Même chose pour les treillis
distributifs.
Dans un treillis, une ditributivité implique l’autre. Supposons par exemple que a ∧ (b ∨ c) =
(a ∧ b) ∨ (a ∧ c), pour tous a, b, c. Alors l’autre distributivité résulte du calcul suivant :
Un produit cartésien de treillis distributifs est un treillis distributif (pour les lois ∧ et ∨
produits, ce qui donne la relation d’ordre partiel produit).
Pour tout treillis distributif T, si l’on remplace la relation d’ordre x 6T y par la relation
symétrique y 6T x on obtient le treillis opposé T◦ avec échange de ∧ et ∨ (on dit parfois treillis
dual).
Si A ∈ Pfe (T) avec un treillis distributif T on notera
_ _ ^ ^
A := x et A := x
x∈A x∈A
420 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
La relation 4 induit alors une structure de treillis sur l’ensemble quotient T0 obtenu avec la
nouvelle égalité3
def
(a, b ∈ T) : a =T0 b ⇐⇒ (a 4 b et b 4 a)
(la dernière se réécrit (x ∈ b, y 6 x) ⇒ y ∈ b). Un idéal principal est un idéal engendré par un
seul élément a, il est égal à ↓ a.
L’idéal ↓ a, muni des lois ∧ et ∨ de T est un treillis distributif dans lequel l’élément maximum
est a. L’injection canonique ↓ a → T n’est pas un morphisme de treillis distributifs parce que
l’image de a n’est pas égale à 1T . Par contre l’application surjective T → ↓ a, x 7→ x ∧ a est un
morphisme surjectif, qui définit donc ↓ a comme une structure quotient.
La notion opposée à celle d’idéal est la notion de filtre. Le filtre principal engendré par a est
égal à ↑ a.
L’idéal engendré par une partie J de T est égal à
n _ o
IT (J) = x ∈ T | ∃J0 ∈ Pfe (J), x 6 J0 .
(11.4) A ∨ B = { a ∨ b | a ∈ A, b ∈ B } et A ∧ B = { a ∧ b | a ∈ A, b ∈ B }
(11.5) IT (a ∪ b) = a ∨ b
3. Le fait de ne pas changer d’objets quand on passe au quotient, mais de changer seulement la relation d’égalité
sur les objets est plus simple, mais aussi plus conforme à la tradition (Gauss) et à l’implémentation sur machine.
Sans doute le succès populaire des classes d’équivalence comme objets de l’ensemble quotient est dû en bonne
partie à l’heureux hasard qui fait que dans le cas d’un groupe quotient G/H, en notation additive par exemple,
on a (x + H) + (y + H) = (x + y) + H avec trois significations différentes du symbole +. Les choses se passent
pourtant moins bien pour les anneaux quotients, et par exemple (3 + 7Z)(2 + 7Z) n’est pas égal à 6 + 7Z, mais
seulement contenu dedans.
11.1. Treillis distributifs et algèbres de Boole 421
L’ensemble des idéaux de T forme lui-même un treillis distributif4 pour l’inclusion, avec pour
borne inférieure de a et b l’idéal :
(11.6) a ∩ b = a ∧ b.
Ainsi les opérations ∨ et ∧ définies en (11.4) correspondent au sup et au inf dans le treillis
des idéaux.
On notera FT (S) = { x ∈ T | ∃S0 ∈ Pfe (S), x > S0 } le filtre de T engendré par le sous-
V
ensemble S.
Quand on considère le treillis des filtres il faut faire attention à ce que produit le renversement
de la relation d’ordre : f∩g = f∨g est le inf de f et g, tandis que leur sup est égal à FT (f∪g) = f∧g.
Le treillis quotient de T par l’idéal a, noté T/(a = 0) est défini comme le treillis distributif
engendré par les éléments de T avec pour relations, les relations vraies dans T d’une part, et les
relations x = 0 pour les x ∈ a d’autre part. Il peut aussi être défini par la relation de préordre
suivante
def
a 6T/(a=0) b ⇐⇒ ∃x ∈ a a 6 x ∨ b.
Ceci donne
a ≡ b mod (a = 0) ⇐⇒ ∃x ∈ a a ∨ x = b ∨ x.
En particulier l’homomorphisme de passage au quotient
ϕ : T → T0 = T/(a = 0)
vérifie ϕ−1 (0T0 ) = a. Dans le cas du quotient par un idéal principal ↓ a on obtient T/(↓ a = 0) ' ↑ a
avec le morphisme y 7→ y ∨ a de T vers ↑ a.
On voit sur l’exemple des ensembles totalement ordonnés qu’une structure quotient d’un
treillis distributif n’est pas en général caractérisée par les classes d’équivalence de 0 et 1.
Soient a un idéal et f un filtre de T. On dit que a est f-saturé si l’on a
(g ∈ f, x ∧ g ∈ a) =⇒ x ∈ a,
(a ∈ a, x ∨ a ∈ f) =⇒ x ∈ f,
si a est f-saturé et f est a-saturé on dit que (a, f) est un couple saturé dans T.
T → T/(a = 1) × T (a0 = 1)
est un isomorphisme. Plus précisément on a le résultat suivant qui montre la similitude entre un
idempotent dans un anneau commutatif et un élément possédant un complément dans un treillis
distributif (voyez le fait 2.4.1) :
Dans un treillis distributif si deux éléments a et b possèdent des compléments ¬a et ¬b, les
lois de Morgan sont vérifiées :
Par définition l’algèbre de Boole Bo(T) librement engendrée par le treillis distributif T doit
être donnée avec un homomorphisme de treillis distributifs λ : T → Bo(T) et satisfaire la
propriété universelle suivante :
Tout homomorphisme ψ de treillis distributifs de T vers une algèbre de Boole B se factorise de
manière unique sous la forme ϕ ◦ λ.
Puisque nous sommes dans le cadre de structures algébriques purement équationnelles, cette
algèbre de Boole peut être construite à partir de T en rajoutant par force une loi unaire a 7→ ¬a
et en imposant les axiomes a ∧ ¬a = 0, a ∨ ¬a = 1.
Autrement dit encore Bo(T) peut être définie comme une algèbre de Boole obtenue par
générateurs et relations. Les générateurs sont les éléments de T et les relations sont celles qui
sont vraies dans T : elles sont de la forme a ∧ b = c ou a ∨ b = d, sans oublier 0Bo(T) = 0T et
1Bo(T) = 1T .
Cette description est cependant peu précise et nous allons construire Bo(T) à la vitesse de la
tortue pour y voir plus clair.
T LL
LLL
LLψL
λa LLL
L&
T[a• ] _ _ _ _ _/ T0 ψ(a) admet un complément
ϕ!
3. L’homomorphisme naturel T → T[a•1 , a•2 , . . . , a•n ] est injectif. Il factorise de manière unique
tout homomorphisme ψ de T vers un treillis distributif T0 tel que les ψ(ai ) admettent un
complément.
Théorème 11.1 (algèbre de Boole librement engendrée par un treillis distributif) Pour tout
treillis distributif T il existe une algèbre de Boole Bo(T) avec un homomorphisme λ : T → Bo(T),
qui factorise de manière unique tout homomorphisme ψ : T → B vers une algèbre de Boole. Ce
couple (Bo(T), λ) est unique à isomorphisme unique près. En outre :
– L’homomorphisme λ est injectif.
– On a Bo(T) = T[(a• )a∈T ]
J Il reste à voir que la limite inductive (filtrante) des T[a•1 , a•2 , . . . , a•n ] est bien une algèbre de
Boole. Cela résulte des lois de Morgan. I
424 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
Exemple. Supposons que T soit un treillis de parties détachables d’un ensemble E, au sens que
si A et B sont des éléments de T, alors A ∪ B et A ∩ B également (avec en outre ∅ et E éléments
de T). Alors Bo(T) s’identifie à l’ensemble des combinaisons booléennes finies d’éléments de T
et c’est une algèbre de Boole de parties de E.
Définition 11.2.1 On appelle groupe ordonné un groupe abélien G muni d’une relation d’ordre
partiel compatible avec la loi de groupe, i.e., en notation additive,
∀a, x, y ∈ G x 6 y =⇒ a + x 6 a + y.
Un groupe ordonné est dit réticulé lorsque deux éléments arbitraires admettent une borne inférieure,
que l’on notera x ∧ y. Si nécessaire, on précise la structure en écrivant (G, 0, +, −, ∧). Un
morphisme de groupes réticulés est un homomorphisme de groupe qui respecte la loi ∧.
En particulier un groupe abélien muni d’un ordre total compatible (on dit un groupe totalement
ordonné) est un groupe réticulé. Les morphismes de groupes totalement ordonnés sont alors les
homomorphismes de groupes croissants.
Un sous-groupe réticulé d’un groupe réticulé G est par définition un sous-groupe stable pour
la loi de treillis ∧. Il ne suffit pas pour cela que la relation d’ordre induite sur le sous-groupe en
fasse un treillis.
Une idée directrice dans la théorie des groupes réticulés est qu’un groupe réticulé se comporte
dans les calculs comme un produit de groupes totalement ordonnés. Ceci se traduira de manière
constructive par le principe de recouvrement fermé 11.1 page 427.
Exemples. 1) (Attention, notation multiplicative !) L’ensemble Q>0 des rationnels strictement
positifs est un groupe réticulé avec pour partie positive le monoïde (N>0 , 1, ×). L’exemple de
cette structure multiplicative est paradigmatique. On a un isomorphisme de groupes réticulés
Q>0 ' Z(P ) , où P est l’ensemble des nombres premiers, Z(P ) = p∈P Z et l’ordre est induit
L
par l’ordre produit. Ceci n’est qu’une autre manière d’exprimer le théorème fondamental de
l’arithmétique (( tout entier naturel s’écrit de manière unique comme produit de puissances de
nombres premiers )). C’est en voulant à tout prix faire ressembler la multiplication pour les entiers
des corps de nombres à la multiplication dans N>0 que les mathématiciens ont été amenés à
inventer les (( nombres pgcd idéaux )).
2) Si (Gi )i∈I est une famille de groupes réticulés, on définit la somme directe orthogonale de
la famille, notée i∈I Gi , qui est un groupe réticulé avec comme groupe sous-jacent le groupe
i∈I Gi , la loi ∧ étant définie coordonnée par coordonnée. Si I = J1..3K on notera G1 G2 G3 .
L
l’ordre lexicographique : (xi )i∈I < (yi )i∈I si, et seulement si, xi0 < yi0 pour le plus petit indice i0
tel que xi0 6= yi0 .
Dans un groupe réticulé les translations sont des automorphismes de la structure d’ordre,
d’où la règle de distributivité
(11.9) x + (a ∧ b) = (x + a) ∧ (x + b).
On en déduit que la bijection x 7→ −x renverse l’ordre, et donc que deux éléments arbitraires
x, y admettent aussi une borne supérieure
x ∨ y = −((−x) ∧ (−y))
avec x + y − (x ∨ y) = (x + y) + ((−x) ∧ (−y)) = (x + y − x) ∧ (x + y − y), donc
(11.10) x + y = (x ∧ y) + (x ∨ y),
(11.11) x + (a ∨ b) = (x + a) ∨ (x + b).
On note
x+ = x ∨ 0, x− = (−x) ∨ 0 et |x| = x ∨ (−x).
On les appelle respectivement la partie positive, la partie négative et la valeur absolue de x.
Fait 11.2.6 L’ensemble C(a) est un sous-groupe réticulé de G et les lois du treillis passent au
quotient dans G/C(a). Ainsi l’application canonique πa : G → G/C(a) est un morphisme de
groupes réticulés et tout morphisme de groupes réticulés G → G0 qui annule a se factorise par πa .
Passons à l’existence. Traitons le cas où les ai sont dans G+ . Il s’agit en fait de montrer que les
hypothèses impliquent l’inégalité i (ai − xi )+ 6 i (ai + xi ). Il suffit pour cela de vérifier que
W V
Lemme 11.2.8 Étant donnés une famille finie (aj )j∈J dans un groupe réticulé G et une partie
finie P de J × J, il existe une famille finie (xi )i∈I dans G telle que
V
1. i∈I xi = 0.
2. Modulo chacun des xi , pour chaque (j, k) ∈ P on a aj 6 ak ou ak 6 aj .
Le principe ci-après est une sorte d’analogue, pour les groupes réticulés, du principe local-
global de base pour les anneaux commutatifs.
En fait il s’agit d’un simple cas particulier du point 2. du lemme 11.2.7 lorsque les ai sont
tous nuls : on applique l’unicité.
En conséquence, vu le lemme 11.2.8, pour démontrer une égalité a = b on peut toujours supposer
que les éléments (en nombre fini) qui se présentent dans un calcul pour une démonstration de
l’égalité sont comparables, si on en a besoin pour faire la démonstration. Ce principe s’applique
aussi bien pour des inégalités que pour des égalités puisque a 6 b équivaut à a ∧ b = a.
Remarque. En termes un peu plus abstraits, on aurait pu dire que le morphisme canonique de
groupes réticulés G → i G/C(xi ) est injectif. Et le commentaire qui conclut le principe de
Q
recouvrement fermé peut être paraphrasé comme suit : dans les calculs, un groupe réticulé se
comporte toujours comme un produit de groupes totalement ordonnés.
Dans le théorème de Riesz qui suit on notera que les (( il existe )) sont des abréviations pour
des formules explicites qui résultent de la démonstration. Ainsi ce théorème peut être vu comme
une famille d’identités algébriques dans G, sous certaines conditions de signes (qui sont dans
l’hypothèse). Il est aussi possible de voir ce théorème comme une famille d’identités algébriques
(( pures )) dans G+ , c’est-à-dire sans aucune condition de signe. Dans ce cas il faut voir G+ comme
def
une structure algébrique pour laquelle on rajoute l’opération x . y = x − (x ∧ y) (bien définie
sur G+ malgré le fait qu’elle fasse appel à l’opération − de G).
tous i, j on ait : m
P Pn
k=1 zi,k = xi et `=1 z`,j = yj .
11. x 6 z =⇒ (x ∧ y) ∨ z = x ∧ (y ∨ z).
12. x + y = z + t =⇒ x + y = (x ∨ z) + (y ∧ t).
Vn
13. n x > k=1 (ky + (n − k)x) =⇒ x > y.
Wn Pn
k−1 P V
14. i=1 xi = k=1 (−1) I∈Pk,n i∈I xi .
Supposons u, v, w, ∈ G+ .
19. u ⊥ v ⇐⇒ u + v = |u − v|.
20. (u + v) ∧ w 6 (u ∧ w) + (v ∧ w).
21. (x + y) ∨ w 6 (x ∨ w) + (y ∨ w).
22. v ⊥ w ⇒ (u + v) ∧ w = u ∧ w.
23. u ⊥ v ⇒ (u + v) ∧ w = (u ∧ w) + (v ∧ w).
J Tout ceci est à peu près immédiat dans un groupe totalement ordonné, en raisonnant cas par
cas. On conclut avec le principe de recouvrement fermé. I
Remarques.
1) Une implication comme par exemple (u ∧ v = 0, u > 0, v > 0) =⇒ u + v = |u − v| (voir le
point 19.) peut être vue comme le résultat d’une identité qui exprime, pour un certain entier n,
que n |u + v − |u − v|| est égal à une expression qui combine u− , v − et |u ∧ v| au moyen des lois
∨, ∧ et +. En fait, l’égalité donnée au point 1. règle directement la question sans hypothèse de
signe sur u et v : |u + v − |u − v|| = 2 |u ∧ v|.
2) Il y a une différence importante entre les identités algébriques usuelles, qui sont en dernière
analyse des égalités entre polynômes dans un anneau commutatif libre sur des indéterminées,
Z[X1 , . . . , Xn ], et les identités algébriques dans les groupes réticulés. Ces dernières sont certes
des égalités entre expressions que l’on peut écrire dans un groupe réticulé librement engendré
par un nombre fini d’indéterminées, mais la structure d’un tel groupe réticulé libre est nettement
plus difficile à décrypter que celle d’un anneau de polynômes, dans lequel les objets ont une
écriture normalisée. La comparaison de deux expressions dans Z[X1 , . . . , Xn ] est (( facile )) dans
la mesure où on ramène chacune d’elle à la forme normale. La tâche est beaucoup plus difficile
dans les groupes réticulés libres, pour lesquels il n’y a pas de forme normale unique (on peut
ramener toute expression à un sup de inf de combinaisons linéaires des indéterminées, mais il n’y
a pas unicité).
6. Un groupe réticulé est dit nœthérien si toute suite décroissante d’éléments > 0 admet deux
termes consécutifs égaux.
430 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
Exemples. Une famille vide, ou une famille d’éléments tous nuls, admet la famille vide comme
base de décomposition partielle. Le groupe réticulé Z(N) est à décomposition complète, les groupes
√
réticulés Qn (n > 1) sont à décomposition partielle mais pas complète.
√ Le groupe réticulé Q[ 2]
n’est pas à décomposition partielle (considérer la famille finie (1, 2)). Le produit lexicographique
Z × Z n’est pas à décomposition partielle. Plus généralement un groupe totalement ordonné à
décomposition partielle est isomorphe à un sous-groupe de Q.
Il est clair qu’un groupe réticulé à décomposition complète est à décomposition bornée et
qu’un groupe réticulé à décomposition bornée est nœthérien.
Dans un groupe réticulé à décomposition partielle, deux décompositions partielles pour deux
familles finies de G+ admettent un raffinement commun pour la réunion des deux familles : ici
on entend qu’une base de décomposition partielle q1 , . . . , qs en raffine une autre si elle est une
base de décomposition partielle pour cette autre.
Proposition 11.2.11 Dans un groupe réticulé, si un élément > 0 admet une décomposition
complète, elle est unique à l’ordre près des facteurs.
J Il suffit de montrer que si un élément q irréductible est majoré par une somme
P
i pi d’éléments
irréductibles il est égal à l’un d’eux. Or on a alors q = q ∧ i pi et puisque q ∧ pj = 0 ou pj
P
on peut conclure avec le lemme de Gauss (égalité (11.15)). Notez que l’on n’a pas besoin de
supposer le groupe discret. I
sj ∈ N, on a nécessairement un = j∈J rn,j pj avec chaque suite (rn,j )n∈N décroissante dans N. Il
P
P
suffit alors de considérer la suite des rn = j rn,j , qui est une suite décroissante dans N : lorsque
rn = rn+1 on a un = un+1 . I
J Pour chaque i, on considère la suite croissante (a ∧ npi )n∈N majorée par a. Il existe ni tel
que a ∧ ni pi = a ∧ (ni + 1)pi . On prend alors ai = a ∧ ni pi . Si a = ai + bi , on a bi ∧ pi = 0 car
ai 6 ai + (bi ∧ pi ) 6 a ∧ (ni + 1)pi = ai . Les ai sont 6 a, deux à deux orthogonaux et > 0 donc
a > i ai = i ai . Ainsi on écrit dans G+ a = a1 + · · · + an + a0 , avec ai 6 ni pi pour i ∈ J1..mK.
W P
fortiori a0 ∧ ai = 0. I
Démonstration du théorème 11.4
Par récurrence sur le nombre m d’éléments de la famille.
• Supposons m = 2, considérons les éléments x1 , x2 . Pour les besoins de la notation, appellons
les a, b. Posons L1 = [a, b], m1 = 1, E1,a = [1, 0], E1,b = [0, 1]. L’algorithme procède par étapes,
au début de l’étape k on a un entier naturel mk et trois listes d’égale longueur : Lk , une liste
d’éléments > 0 de G, Ek,a et Ek,b deux listes d’entiers naturels. A la fin de l’étape l’entier mk
et les trois listes sont remplacés par un nouvel entier et de nouvelles listes, qui servent pour la
boucle suivante (à moins que l’algorithme termine). L’idée générale est la suivante : si x, y sont
deux termes consécutifs de Lk non orthogonaux, on remplace dans Lk le segment x, y par le
segment x − (x ∧ y), x ∧ y, y − (x ∧ y) (en omettant le premier et/ou le dernier terme s’il est
nul). Dans la suite, nous noterons cette procédure :
R : (x, y) 7→ le nouveau segment (de longueur 1, 2 ou 3).
Notez que x + y > (x − (x ∧ y)) + x ∧ y + (y − (x ∧ y)).
Nous devons définir un invariant de boucle. Précisément les conditions vérifiées par l’entier mk
et les trois listes sont les suivantes :
– a est égal à la combinaison linéaire des éléments de Lk affectés des coefficients de Ek,a ,
– b est égal à la combinaison linéaire des éléments de Lk affectés des coefficients de Ek,b ,
– si Lk = [xk,1 , . . . , xk,rk ] les éléments xk,j et xk,` sont orthogonaux dès que
– j < mk et ` 6= j ou
– j > mk et ` > j + 2
En bref, les xk,j sont deux à deux orthogonaux sauf peut-être certaines paires (xk,j , xk,j+1 ) avec
j > mk . Ces conditions constituent l’invariant de boucle. Il est clair qu’elles sont (trivialement)
vérifiées au départ. L’algorithme termine à l’étape k si les éléments de Lk sont deux à deux
P P
orthogonaux. En outre, si l’algorithme ne termine pas à l’étape k on a x∈Lk x > z∈Lk+1 z,
donc la condition de chaîne décroissante assure la terminaison de l’algorithme.
Il nous reste à expliquer le déroulement d’une étape et à vérifier l’invariant de boucle. Pour ne
pas manipuler trop d’indices, faisons un léger abus de notation et écrivons Lk = [p1 , . . . , pn ],
Ek,a = [α1 , . . . , αn ] et Ek,b = [β1 , . . . , βn ].
Le segment x, y de Lk qui est traité par la procédure R(x, y) est le suivant : on considère le plus
petit indice j (nécessairement > mk ) tel que pj ∧ pj+1 = 6 0 et l’on prend (x, y) = (pj , pj+1 ). Si
un tel indice n’existe pas, les éléments de Lk sont deux à deux orthogonaux et l’algorithme est
terminé. Dans le cas contraire on applique la procédure R(x, y) et l’on met à jour l’entier (on
peut prendre mk+1 = j) et les trois listes. Par exemple en posant qj = pj ∧ pj+1 , p0j = pj − qj et
p0j+1 = pj+1 − qj , si p0j 6= 0 6= p0j+1 , on aura :
h i
Lk+1 = p1 , . . . , pj−1 , p0j , qj , p0j+1 , pj+2 , . . . , pn
Ek+1,a = [α1 , . . . , αj−1 , αj , αj + αj+1 , αj+1 , αj+2 , . . . αn ]
Ek+1,b = [β1 , . . . , βj−1 , βj , βj + βj+1 , βj+1 , βj+2 , . . . βn ]
On vérifie sans peine dans chacun des 4 cas possibles que l’invariant de boucle est conservé.
• Si m > 2, par hypothèse de récurrence on a pour les éléments x1 , . . . , xm−1 une base de
décomposition partielle (p1 , . . . , pn ). En appliquant le lemme 11.2.13 à xm et (p1 , . . . , pn ) on écrit
xm = ni=0 ai .
P
Le cas de deux éléments nous donne pour chaque (ai , pi ), i ∈ J1..nK, une base de décomposition
partielle Si . Finalement une base de décomposition partielle pour (x1 , . . . , xm ) est la concaténation
des Si et de a0 . I
432 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
Remarque. Il est facile de se convaincre que la base de décomposition partielle calculée par
l’algorithme est minimale : toute autre base de décomposition partielle pour (x1 , . . . , xm ) serait
obtenue en décomposant certains des éléments de la base précédente.
J A priori la condition 3. pour un couple (a, b) particulier est plus forte que la condition 4. pour
la raison suivante : si a, b ∈ M , l’ensemble des éléments de M inférieurs à a et b est contenu dans
X = ↓ ( a + b). Sur cet ensemble X, l’application x 7→ a + b − x est une bijection qui renverse
l’ordre et échange donc le sup en inf quand ils existent. Par contre dans l’autre sens, le inf dans X
(qui est le inf absolu) peut a priori être transformé seulement en un sup pour la relation d’ordre
restreinte au sous-ensemble X, qui peut ne pas être une borne supérieure dans M tout entier.
Néanmoins, quand la condition 4. est vérifiée pour tous a, b ∈ M , elle implique la condition 3. En
effet, montrons que m = a + b − (a ∧ b) est le sup de a, b dans M en considérant un x ∈ M tel
que x > a et x > b. Nous voulons montrer que x > m, i.e. en posant y = x ∧ m, que y > m. Or y
est un majorant de a et b, et y ∈ X. Puisque m est le sup de a et b dans X, on a bien m 6 y.
Le reste de la démonstration est laissé à la lectrice. I
Le théorème précédent conduit à la notion de monoïde à pgcd. Comme cette notion est
surtout utilisée pour le monoïde multiplicatif des éléments réguliers d’un anneau commutatif,
nous passons en notation multiplicative, et nous acceptons que la relation de divisibilité définie
par le monoïde ne soit qu’une relation de préordre, de façon à tenir compte du groupe des unités.
11.3. Monoïdes à pgcd, anneaux à pgcd 433
Monoïdes à pgcd
En notation multiplicative, un monoïde commutatif M est régulier lorsque, pour tous a, x, y ∈
M , l’égalité ax = ay implique x = y.
On note U le groupe des éléments inversibles (c’est un sous-monoïde), encore appelé groupe
des unités. Deux éléments a et b de M sont dits associés s’il existe un élément inversible u tel que
ua = b. Il s’agit d’une relation d’équivalence (on dit (( la relation d’association ))) et la structure
de monoïde passe au quotient. On note M/U le monoïde quotient. C’est encore un monoïde
régulier, et la relation de divisibilité, qui était une relation de préordre sur M devient une relation
d’ordre sur M/U .
D’après le théorème 11.5 page précédente on obtient.
Théorème 11.6 Avec les notations qui précèdent, un monoïde commutatif régulier M est un
monoïde à pgcd si, et seulement si, M/U est la partie positive d’un groupe réticulé.
Anneaux à pgcd
On appelle anneau à pgcd un anneau commutatif pour lequel le monoïde multiplicatif des élé-
ments réguliers est un monoïde à pgcd. On définit de la même manière un anneau à factorisation
bornée ou qui vérifie la condition de chaîne des diviseurs.
Un anneau intègre à pgcd pour lequel Reg(A)/A× est à factorisation partielle s’appelle
un anneau à pgcd à factorisation partielle. Rappelons qu’en particulier, le groupe réticulé
correspondant doit être discret, ce qui signifie ici que A× doit être une partie détachable de
Reg(A).
Un anneau intègre à pgcd pour lequel Reg(A)/A× est à factorisation complète s’appelle un
anneau factoriel.
Outre les résultats généraux sur les monoïdes à pgcd (qui sont la traduction en langage
multiplicatif des résultats correspondants dans les groupes réticulés) on établit quelques faits
spécifiques aux anneaux à pgcd, car l’addition intervient dans les énoncés. Ils pourraient être
étendus aux anneaux quasi intègres sans difficulté.
Fait 11.3.2
1. Un anneau intègre à pgcd dont le groupe des unités est détachable et qui vérifie la condition
de chaîne des diviseurs est à factorisation partielle (théorème 11.4 page 430).
434 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
Nous laissons à la lectrice la démonstration des faits suivants (pour 11.3.5 il faut utiliser le
théorème de Kronecker).
Fait 11.3.3 Soit A un anneau intègre à pgcd et S monoïde. Alors AS est un anneau intègre à
pgcd, et pour a, b ∈ A un pgcd dans A est un pgcd dans AS .
Fait 11.3.4 Un sous-monoïde saturé V d’un monoïde à pgcd (resp. à factorisation bornée) S est
un monoïde à pgcd (resp. à factorisation bornée) avec les mêmes pgcd et ppcm que dans S.
Fait 11.3.5
Soit A un anneau intégralement clos non trivial et K son corps de fractions.
Le monoïde multiplicatif des polynômes unitaires de A[X] = A[X1 , . . . , Xn ] s’identifie naturelle-
ment à un sous-monoïde saturé de K[X]∗/K × .
En particulier le monoïde multiplicatif des polynômes unitaires de A[X] est un monoïde à pgcd à
factorisation bornée.
Remarque. Sous l’hypothèse que a est régulier, nous avons donc que pour tout b il existe x, y ∈ A
et n ∈ N tels que
bn (1 + bx) + ay = 0 (∗).
Si nous ne faisons plus d’hypothèse sur a, nous pouvons considérer l’idempotent e qui engendre
Ann(a), et nous avons alors une égalité du type (∗) mais en remplaçant a par a + e, qui est
régulier. Cette égalité donne, après une multiplication par a qui fait disparaître e :
a(bn (1 + bx) + ay) = 0 (+).
Nous obtenons ainsi une égalité conforme à celle donnée dans le chapitre 13 où apparaît une
définition constructive de la phrase (( A est un anneau de dimension de Krull 6 1 )), pour un
anneau A arbitraire (voir le point 3. de la proposition 13.2.7).
1. Soit dans un anneau A deux idéaux a, b avec A/a zéro-dimensionnel et b de type fini.
Alors on peut écrire :
a = a1 a2 avec a1 + b = h1i et bn ⊆ a2
pour un entier n convenable. Cette écriture est unique et l’on a
a1 + a2 = h1i , a2 = a + bn = a + bm pour tout m > n.
2. Le résultat s’applique si A est quasi intègre de dimension 6 1, a est inversible, et b de type
fini. Dans ce cas a1 et a2 sont inversibles. En particulier, a + bn est inversible pour n assez
grand.
Remarque. Le point 2. est valable sans supposer A quasi intègre. Cela deviendra clair après la
définition constructive générale de la dimension de Krull, puisque pour tout élément régulier a,
si A est de dimension 6 1, A/hai est zéro-dimensionnel.
Proposition 11.3.8 Soit A un anneau intègre à pgcd ; alors tout idéal localement principal est
principal.
Lemme 11.3.9 Soit A un anneau à pgcd intègre de corps de fractions K et f un élément non
nul de K[X].
– On peut écrire f = af1 avec a ∈ K et f1 G-primitif dans A[X].
– Cette écriture est unique au sens suivant : pour une autre écriture du même type f = a0 f10 ,
il existe u ∈ A× tel que a0 = ua et f1 = uf10 .
– f ∈ A[X] si, et seulement si, a ∈ A, dans ce cas a = G(f ).
J Notons fi et gj les coefficients de f et g. Il est clair que G(f )G(g) divise G(f g). Par distribu-
tivité le pgcd des fi gj est égal à G(f )G(g), or la proposition 3.8.11 implique que G(f g) divise les
fi gj donc leur pgcd. I
Corollaire 11.3.12 Si K est un corps discret non trivial K[X1 , . . . , Xn ] est un anneau intègre
à pgcd, à factorisation bornée et à factorisation partielle. Il est factoriel si, et seulement si, K[X]
est factoriel. Le groupe des unités est K× .
Généralités
Nous rappelons la notation DA (a) avec quelques précisions.
√
Notation 11.4.1 Si a est un idéal de A on note DA (a) = a le nilradical de a. Si a = hx1 , . . . , xn i
on notera DA (x1 , . . . , xn ) pour DA (a). On note Zar A l’ensemble des DA (x1 , . . . , xn ) (pour n ∈ N
et x1 , . . . , xn ∈ A).
Fait 11.4.3
1. Pour tout homomorphisme ϕ : A → B, on définit de manière naturelle Zar ϕ : Zar A →
Zar B et l’on obtient un foncteur de la catégorie des anneaux commutatifs vers celle des
treillis distributifs.
2. Pour tout anneau A l’homomorphisme naturel Zar A → Zar Ared est un isomorphisme, de
sorte que l’on peut identifier les deux treillis.
3. L’homomorphisme naturel Zar(A1 × A2 ) → Zar A1 × Zar A2 est un isomorphisme.
4. Pour une algèbre de Boole B, l’application x 7→ DB (x) est un isomorphisme de B sur
Zar B.
J Rappelons qu’un treillis distributif (( est )) une algèbre de Boole si, et seulement si, tout
élément admet un complément (proposition 11.1.4).
Supposons 2. Alors pour tout idéal de type fini a, il existe un idempotent e et un entier n
tels que an = hei. Donc DA (a) = DA (e). Par ailleurs il est clair que DA (e) et DA (1 − e) sont
complémentaires dans Zar A.
Supposons 1. Soit x ∈ A et a un idéal de type fini de A tel que DA (a) soit le complément de
DA (x) dans Zar A. Alors il existe b ∈ A et a ∈ a tels que bx + a = 1. Comme xa = x(1 − bx) est
nilpotent on obtient une égalité xn (1 + cx) = 0. I
Dans les treillis distributifs on échange les rôles de ∧ et ∨ en passant au treillis opposé,
c’est-à-dire en renversant la relation d’ordre.
Dans les anneaux commutatifs, une dualité féconde existe aussi entre l’addition et la multipli-
cation, plus mystérieuse, lorsque l’on essaie d’échanger leurs rôles.
Rappelons qu’un monoïde saturé est appelé un filtre. La notion de filtre est une notion duale
de celle d’idéal, tout aussi importante.
Les idéaux sont les images réciproques de 0 par les homomorphismes, ils servent à passer
au quotient, c’est-à-dire à annuler des éléments par force. Les filtres sont les images réciproques
du groupe des unités par les homomorphismes, ils servent à localiser, c’est-à-dire à rendre des
éléments inversibles par force.
Étant donnés un idéal a et un monoïde S de l’anneau A on peut vouloir annuler les éléments
de a et inverser les éléments de S. La solution de ce problème est donnée par la considération de
l’anneau suivant :
Définition et notation 11.4.6 On note (par abus) AS /a ou S −1 A/a l’anneau dont les élé-
ments sont donnés par les couples (a, s) ∈ A × S, avec l’égalité (a, s) = (a0 , s0 ) dans AS /a si, et
seulement si, il existe s00 ∈ S tels que s00 (as0 − a0 s) ∈ a (on notera a/s pour le couple (a, s)).
Le fait que AS /a ainsi défini répond au problème posé signifie que le théorème de factorisation
suivant est vrai (voir les faits analogues 2.1.1 et 2.1.2).
A LLL
LLL ψ
LLL ψ(a) ⊆ {0} et ψ(S) ⊆ B×
λ LLL
L&
AS /a _ _ _ _ _/ B
θ!
Idéal a Filtre f
` 0∈a ` 1∈f
x ∈ a, y ∈ a ` x + y ∈ a x ∈ f, y ∈ f ` xy ∈ f
x ∈ a ` xy ∈ a xy ∈ f ` x ∈ f
premier premier
xy ∈ a ` x ∈ a ∨ y ∈ a x+y ∈f ` x∈f∨y ∈f
Notez que selon la définition ci-dessus, A est à la fois un idéal premier et un filtre premier de
A. Cette convention peut paraître étrange, mais il s’avère que c’est celle qui est la plus pratique :
un idéal est premier si, et seulement si, l’anneau quotient est sans diviseur de zéro, un filtre est
premier si, et seulement si, le localisé est un anneau local. Pour ce qui concerne les idéaux nous
nous sommes déjà expliqués à ce sujet dans le commentaire page 330.
Nous adopterons la définition suivante pour un filtre maximal : le localisé est un anneau
local zéro-dimensionnel (lorsque l’anneau est réduit : un corps discret). En particulier tout filtre
maximal est premier. Nous ferons usage de cette définition essentiellement à titre heuristique.
Supposons maintenant l’anneau A non trivial. Alors un idéal strict détachable (resp. un filtre
strict détachable) est premier si, et seulement si, son complémentaire est un filtre (resp. un idéal).
Nous retrouvons dans ce cas le terrain familier en mathématiques classiques.
De manière générale en mathématiques classiques le complémentaire d’un idéal premier strict
est un filtre premier strict et vice versa, donc le complémentaire idéal maximal strict est un filtre
premier minimal, et le complémentaire d’un filtre maximal strict est un idéal premier minimal.
Les filtres premiers paraissent donc plus ou moins inutiles et ont tendance à disparaître de la
scène.
Couples saturés
Une bonne façon de comprendre la dualité est de traiter simultanément idéaux et filtres. Pour
ceci nous introduisons la notion de couple saturé, analogue à celle que nous avons donnée pour
les treillis distributifs.
Définition 11.4.8 Soient a un idéal et f un filtre. On dit que a est f-saturé si l’on a :
(as ∈ a, s ∈ f) =⇒ a ∈ a,
(a + s ∈ f, a ∈ a) =⇒ s ∈ f,
si a est f-saturé et f est a-saturé on dit que (a, f) est un couple saturé dans A.
Récapitulons les axiomes pour les couples saturés (notez que la dernière condition se réécrit
a + f = f).
` 0∈a ` 1∈f
x ∈ a, y ∈ a ` x + y ∈ a x ∈ f, y ∈ f ` xy ∈ f
x ∈ a ` xy ∈ a xy ∈ f ` x∈f
xy ∈ a, y ∈ f ` x ∈ a x + y ∈ f, y ∈ a ` x∈f
Fait 11.4.9
440 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
1. Pour tout homomorphisme ϕ : A → B, le couple (Ker ϕ, ϕ−1 (B× )) est un couple saturé.
2. Réciproquement si (a, f) est un couple saturé et si ψ : A → Af /a = C désigne l’homomor-
phisme canonique, on a Ker ψ = a et ψ −1 (C× ) = f.
3. Soit ϕ : A → C un homomorphisme et (b, g) un couple saturé de C, alors (ϕ−1 (b), ϕ−1 (g))
est un couple saturé de A.
cas Ag /b = Af . Si en outre f = sN , b = (0 : s∞ ).
Un cas important est celui du filtre obtenu par saturation d’un monoïde S. Nous introduisons
la notation S sat , ou, si nécessaire, S satA pour ce filtre.
est un isomorphisme.
3. Dans cette bijection
– l’idéal b est premier si, et seulement si, π −1 (b) est premier,
– tout idéal premier de A compatible avec f et contenant a est obtenu,
– le filtre g est premier si, et seulement si, π −1 (g) est premier,
– tout filtre premier de A compatible avec a et contenant f est obtenu.
On en déduit la comparaison suivante qui est instructive sur la dualité entre idéaux et filtres.
Fait 11.4.16 Soit a un idéal strict de A et π : Fait 11.4.17 Soit f un filtre strict de A et
A → A/a l’homomorphisme correspondant. π : A → Af l’homomorphisme correspondant.
1. L’application b 7→ π −1 (b) est une bijec- 1. L’application g 7→ π −1 (g) est une bi-
tion croissante entre idéaux de A/a et jection croissante entre filtres de Af et
idéaux de A contenant a. Dans cette bi- filtres de A contenant f. Dans cette bi-
jection les idéaux premiers correspondent jection les filtres premiers correspondent
aux idéaux premiers. aux filtres premiers.
2. L’application g 7→ π −1 (g) est une bijec- 2. L’application b 7→ π −1 (b) est une bi-
tion croissante entre filtres de A/a et jection croissante entre idéaux de Af et
filtres a-saturés de A. idéaux f-saturés de A.
3. Dans cette bijection les filtres premiers 3. Dans cette bijection les idéaux premiers
stricts de A/a correspondent exactement stricts de Af correspondent exactement
aux filtres premiers de A compatibles aux idéaux premiers de A compatibles
avec a. avec f.
A→ Zar A →
Q Q
i ASi et i Zar A/(fi = 1)
sont injectifs.
Par dualité on dira que des idéaux a1 , . . . , an constituent un recouvrement fermé de A lorsque
i A (ai ) = {0Zar A }, c’est-à-dire encore lorsque i ai ⊆ DA (0). Dans ce cas les homomorphismes
T Q
D
naturels
A/DA (0) → Zar A →
Q Q
i A/ai et i Zar A/(DA (ai ) = 0)
sont injectifs.
Nous dirons qu’une propriété P (concernant des objets reliés à un anneau A) vérifie le
(( principe de recouvrement fermé )) lorsque :
chaque fois que des idéaux ai forment un recouvrement fermé de A, la propriété P est vraie pour
A si, et seulement si, elle est vraie après passage au quotient par chacun des ai .
Par exemple on obtient facilement (voir aussi le lemme 2.2.6).
Remarque. Par contre il n’y a pas de principe de recouvrement fermé pour les solutions de systèmes
linéaires. Considérons en effet deux éléments u, v tels que uv = 0. Le système linéaire (avec x
pour inconnue) donné par ux = u et vx = −v admet une solution modulo u (à savoir x = −1) et
une solution modulo v (à savoir x = 1). Mais dans le cas de l’anneau A = Z[u, v] = Z[U, V ]/hU V i
le système linéaire n’a pas de solution dans A.
5. Le module M est projectif de type fini si, et seulement si, il est projectif de type fini modulo
chaque ai .
J Le point 1. résulte du principe de recouvrement fermé 11.2 en considérant l’idéal déterminan-
tiel d’ordre k. Le point 2. vient de ce que si un idéal déterminantiel est nul modulo chaque ai ,
il est nul modulo leur intersection. Le point 5. est une reformulation du point 4. qui est une
conséquence du point 3.
Montrons le point 3. On suppose sans perte de généralité r = 2. On utilise le lemme de l’idéal
engendré par un idempotent (lemme 2.4.4). On a
a + (0 : a)A/ai = A/ai (i = 1, 2).
Cela signifie a + ai + (ai : a) = A, et puisque ai ⊆ (ai : a), on a 1 ∈ a + (ai : a). En faisant le
produit cela donne 1 ∈ a + (a1 : a)(a2 : a) et puisque
(a1 : a)(a2 : a) ⊆ (a1 : a) ∩ (a2 : a) = ((a1 ∩ a2 ) : a) = (0 : a),
on obtient 1 ∈ a + (0 : a). I
Commentaire.
p On voit que la notation A[a• ] présente a priori une possible ambigüité, au moins
lorsque hai =
6 AnnA (AnnA (a)).
aj b•j ej
X
j
avec
– les ej sont des idempotents de A[(a• )a∈A ] deux à deux orthogonaux,
– aj , bj ∈ A et bj b•j ej = ej pour tout j,
P •
• P
a•j bj ej .
de sorte que j aj bj ej = j
NB : On prendra garde cependant que l’on n’a pas nécessairement aj a•j ej = ej . Il faut donc a
priori remplacer ej par e0j = aj a•j ej pour obtenir une écriture du même type que la précédente.
On pourra aussi noter que tout idempotent de A[(a• )a∈A ] s’écrit sous forme ec i (1 − edi ) pour
Q
un c et des di ∈ A.
J Les éléments de B qui s’écrivent comme somme de produits ab• avec a, b ∈ A forment
clairement un sous-anneau de B, qui est donc égal à A[(a• )a∈A ]. Par ailleurs ab• = ab• eb . En
considérant l’algèbre de Boole engendrée par les eb qui interviennent dans une somme finie du
type précédent, on en déduit que tout élément de A[(a• )a∈A ] peut s’écrire sous la forme
P P •
j i ai,j bi,j ej
avec
– les ej sont des idempotents dans A[(a• )a∈A ] deux à deux orthogonaux,
– ai,j , bi,j ∈ A, et bi,j b•i,j ej = ej , pour tous i, j.
On note que b•i,j est l’inverse de bi,j dans A[(a• )a∈A ][1/ej ], et on peut faire le calcul comme pour
P
une somme de fractions ordinaires i ai,j /bi,j . Par exemple prenons pour simplifier un terme
avec une somme de 3 éléments
(a1 b•1 + a2 b•2 + a3 b•3 )e.
Puisque b2 b•2 e = b3 b•3 e = e on a a1 b•1 e = a1 b2 b3 (b1 b2 b3 )• e et
(a1 b•1 + a2 b•2 + a3 b•3 )e = (a1 b2 b3 + a2 b1 b3 + a3 b1 b2 )(b1 b2 b3 )• e = dc• e,
qui admet pour quasi inverse cd• e. I
Rappelons que Bred désigne le quotient d’un anneau B par son nilradical.
Dans le lemme qui suit on regarde ce qui se passe lorsque l’on rajoute de force un quasi
inverse à un élément d’un anneau. C’est une opération voisine de la localisation, lorsque l’on
rajoute de force un inverse d’un élément, mais un peu plus délicate.
A LL
LL
LLψ
LL
λa LL
LL
%
A[a ] ϕ ! _ _/ B
[ _ _ _ ψ(a) admet un quasi inverse
11.4. Treillis de Zariski d’un anneau commutatif 445
Théorème 11.10 (clôture zéro-dimensionnelle réduite d’un anneau commutatif) Pour tout
anneau A il existe un anneau zéro-dimensionnel réduit A• avec un homomorphisme λ : A → A• ,
qui factorise de manière unique tout homomorphisme ψ : A → B vers un anneau zéro-dimen-
sionnel réduit. Ce couple (A• , λ) est unique à isomorphisme unique près. En outre :
– L’homomorphisme naturel Ared → A• est injectif.
– On a A• = Ared [(a• )a∈Ared ]
A KK anneaux commutatifs
KK ψ
KK
KK
λ KK
K
A • _ _ _ _ _%/ B
ϕ! anneaux zéro-dimensionnels réduits
J Ceci est un corollaire des lemmes précédents. On peut supposer A réduit. Le résultat d’unicité
(corollaire 11.4.21) permet de construire une limite inductive (qui mime une réunion filtrante)
basée sur les extensions du type A[a•1 , a•2 , . . . , a•n ] et l’on conclut avec le lemme 11.4.19. I
On comprend alors l’importance de la construction à la main que nous avons faite de A• . Elle nous
permet d’avoir accès de manière explicite à quelque chose qui ressemble à (( l’ensemble de tous
les )) idéaux premiers de A (ceux des mathématiques classiques) sans avoir besoin d’en construire
un seul individuellement. Le pari est que les raisonnements des mathématiques classiques qui
manipulent des idéaux premiers arbitraires non précisés de l’anneau A (des objets en général
inaccessibles) peuvent être relus comme des arguments au sujet de l’anneau A• : un objet sans
aucun mystère !
Exemples.
1) Voici une description de la clôture zéro-dimensionnelle réduite de Z.
Tout d’abord pour n ∈ N∗ l’anneau Z[n• ] est isomorphe à Z[1/n] × p|n Fp , où p est mis pour (( p
Q
nombre premier )), et Fp = Z/pZ . Ensuite Z• est la limite inductive (que l’on peut voir comme
une réunion croissante) des Z[(n!)• ].
2) Voici une description de la clôture zéro-dimensionnelle réduite de Z[X].
Tout d’abord si Q un polynôme unitaire sans facteur carré, et si n ∈ N∗ est multiple de disc(Q),
l’anneau Z[X][n• , Q• ] est isomorphe à
Y Y Y
Z[X, 1/n, 1/Q] × Fp [X, 1/Q] × Z[X, 1/n]/hP i × Fp [X]/hRi
p|n P |Q p|n,R|Q
avec p mis pour (( p nombre premier )), P mis pour (( P irréductible dans Z[X] )) et R | Q mis
pour (( R irréductible dans Fp [X] divise Q dans Fp [X] )).
Ensuite on passe à la limite inductive (ici : réunion croissante) des Z[X][u•n , Q•n ], où Qn est le
produit des n premiers éléments dans une énumération des polynômes unitaires sans facteur
carré de Z[X], et un = n! disc(Qn ).
Notez que l’on obtient ainsi un anneau par lequel se factorisent tous les homomorphismes naturels
Z[X] → Frac(Z[X]/p ) pour tous les idéaux premiers p de Z[X] : un tel Frac(Z[X]/p ) est en effet
ou bien Q(X), ou bien un Q[X]/hP i, ou bien un Fp (X), ou bien un Fp [X]/hRi.
3) L’anneau (constructivement bien défini) R• est certainement un des objets les plus intrigants
qui soient pour l’investigation du monde (( sans tiers exclu )) que constituent les mathématiques
constructives. Naturellement en mathématiques classiques R est zéro-dimensionnel et R• = R.
Théorème 11.11 Pour tout anneau A on a Bo(Zar A) ' B(A• ) ' Zar(A• ).
J Cela résulte du dernier point du lemme 11.4.20, et du fait que les deux constructions peuvent
être vues comme des limites inductives de (( constructions à un étage )) E ; E[a• ] (E un anneau
ou un treillis distributif). I
Notez que si l’on adoptait la notation T• pour Bo(T) on aurait la jolie formule (Zar A)• '
Zar(A• ).
Notez que la relation A ` B est bien définie sur Pfe (T) parce que les lois ∧ et ∨ sont associatives
commutatives et idempotentes. Notez que ∅ ` {x} implique x = 1 et {y} ` ∅ implique y = 0.
Cette relation vérifie les axiomes suivants, dans lesquels on écrit x pour {x} et A, B pour A ∪ B.
a ` a (R)
A ` B =⇒ A, A0 ` B, B 0 (M )
(A, x ` B) & (A ` B, x) =⇒ A ` B (T )
on dit que la relation est réflexive, monotone et transitive. La troisième règle (transitivité) peut
être vue comme une généralisation de la règle (11.24) et s’appelle également la règle de coupure.
Signalons aussi les deux règles suivantes dites de distributivité :
(A, x ` B) & (A, y ` B) ⇐⇒ A, x ∨ y ` B
(A ` B, x) & (A ` B, y) ⇐⇒ A ` B, x ∧ y
Une manière intéressante d’aborder la question des treillis distributifs définis par générateurs
et relations est de considérer la relation A ` B définie sur l’ensemble Pfe (T) des parties finiment
énumérées d’un treillis distributif T. En effet, si S ⊆ T engendre T comme treillis, alors la
connaissance de la relation ` sur Pfe (S) suffit à caractériser sans ambigüité le treillis T, car toute
formule sur S peut être réécrite, au choix, en (( forme normale conjonctive )) (inf de sups dans
S) ou (( normale disjonctive )) (sup de infs dans S). Donc si l’on veut comparer deux éléments
du treillis engendré par S on écrit le premier en forme normale disjonctive, le second en forme
normale conjonctive, et l’on remarque que
_ ^ ^ _
Ai 6 Bj ⇐⇒ ∀i ∈ I, ∀j ∈ J, Ai ` Bj
i∈I j∈J
Définition 11.5.2 Pour un ensemble S arbitraire, une relation sur Pfe (S) qui est réflexive,
monotone et transitive est appelée une relation implicative (en anglais entailment relation).
Le théorème suivant est fondamental. Il dit que les trois propriétés des relations implicatives
sont exactement ce qu’il faut pour que l’interprétation en forme de treillis distributif soit adéquate.
J On donne une description explicite du treillis distributif T. Les éléments de T sont représentés
par ceux de Pfe (Pfe (S)) :
X = {A1 , . . . , An }
W V
(intuitivement X représente i∈J1..nK Ai ). On définit alors de manière inductive la relation
A 4 Y pour A ∈ Pfe (S) et Y ∈ Pfe (Pfe (S)) (intuitivement, A 6 C∈Y ( C)) comme suit :
V W V
– Si B ∈ Y et B ⊆ A alors A 4 Y .
– Si l’on a A `S y1 , . . . , ym et A, yj 4 Y pour j = 1, . . . , m alors A 4 Y .
On montre facilement que si A 4 Y et A ⊆ A0 alors on a A0 4 Y. On en déduit que A 4 Z si
A 4 Y et B 4 Z pour tout B ∈ Y . On peut alors définir X 6 Y par (( A 4 Y pour tout A ∈ X ))
et l’on vérifie que T est alors un treillis distributif5 pour les opérations (0-aires et binaires)
0 = ∅ 1 = {∅}
(11.25)
X ∧Y = X ∪Y X ∨Y = { A ∪ B | A ∈ X, B ∈ Y }
Pour ceci on montre que si C 4 X et C 4 Y , alors on a C 4 X ∧ Y par induction sur les preuves
de C 4 X et C 4 Y .
On remarque que si A `S y1 , . . . , ym et A, yj `S B pour tout j, alors A `S B en utilisant m fois
la règle de coupure. Il en résulte que si l’on a A `T B, c’est à dire A 4 {{b} | b ∈ B}, alors on a
A `S B. I
J 1. On considère la relation implicative minimale sur E. Elle est définie par A `E B si, et
seulement si, ∃x ∈ A ∪ B. On considère alors le treillis distributif correspondant à cette relation
implicative via le théorème 11.12 page précédente. Il est isomorphe à un sous-ensemble de
Pfe (Pfe (E)), celui représenté par les listes (A1 , . . . , Ak ) dans Pfe (E) où deux Ai d’indices distincts
sont incomparables pour l’inclusion. Les lois sont obtenues à partir de (11.25), en simplifiant les
listes obtenues lorsqu’elles ne satisfont pas le critère d’incomparabilité.
2. Si l’on impose un nombre fini de relations entre les éléments de E, on doit passer à un treillis
quotient du treillis distributif libre sur E. La relation d’équivalence engendrée par ces relations
et compatible avec les lois de treillis est décidable parce que la structure est définie en utilisant
seulement un nombre fini d’axiomes. I
Remarques. 1) Une autre preuve du point 1. pourrait être la suivante. L’algèbre de Boole librement
engendrée par le treillis distributif T librement engendré par E est l’algèbre de Boole B librement
engendrée par E. Cette dernière peut être facilement décrite par les éléments de Pfe (Pfe (E)) sans
passage au quotient : la partie {A1 , . . . , An } représente intuitivement i∈J1..nK ( Ai ∧ A0i ), en
W V V
#E
désignant par A0i la partie de B formée par les ¬x pour les x ∈/ Ai . Donc B possède 22 éléments.
Enfin on a vu que T s’identifie à un sous-treillis distributif de B (théorème 11.1 page 423).
2) La preuve donnée du point 2. utilise un argument tout à fait général. Dans le cas des treillis
distributifs on peut plus précisément se reporter à la description des quotients donnée page 420.
il doit être détachable. Nous sommes intéressés ici par le cas où T est fini, ce qui implique que
Spec T est également fini (au sens constructif).
Si ϕ : T → T0 est un homomorphisme de treillis distributifs et si α ∈ Spec T0 alors α ◦ ϕ ∈
Spec T. Ceci définit une application croissante Spec T0 → Spec T notée Spec α, dite (( duale ))
de ϕ.
Inversement soit E un ensemble ordonné fini. On note E ? l’ensemble des sections initiales
de E, i.e., l’ensemble des parties finies de E stables par x 7→ ↓ x. Cet ensemble, ordonné par la
relation ⊇, est un treillis distributif fini, un sous-treillis du treillis Pf (E)◦ (le treillis opposé à
Pf (E)).
Fait 11.5.4 Le nombre d’éléments d’un ensemble ordonné fini E est égal à la longueur maximum
d’une chaîne strictement croissante d’éléments de E ? .
J Il est clair qu’une chaîne strictement monotone d’éléments de E ? (donc de parties finies de E)
ne peut avoir plus que 1 + #E éléments. Sa (( longueur )) est donc 6 #E. Concernant l’inégalité
opposée, on la vérifie pour E = ∅ (ou pour un singleton), puis on fait une récurrence sur #E,
en regardant un ensemble ordonné à n éléments (n > 1) comme un ensemble ordonné à n − 1
éléments que l’on étend en rajoutant un élément maximal. I
Si ψ : E → E1 est une application croissante entre ensembles ordonnés finis, alors pour tout
X ∈ E1? , ψ −1 (X) est un élément de E ? . Ceci définit un homomorphisme E1? → E ? noté ψ ? , dit
(( dual )) de ψ.
Théorème 11.13
1. Pour tout ensemble ordonné fini E définissons νE : E → Spec(E ? ) par
νE (x)(S) = 0 si x ∈ S, 1 sinon.
Alors, νE est un isomorphisme d’ensembles ordonnés et pour ψ : E → E1 croissante on a
νE1 ◦ ψ = Spec(ψ ? ) ◦ νE .
2. Pour tout treillis distributif fini T définissons ιT : T → (Spec T)? par
ιT (x) = { α ∈ Spec T | α(x) = 0 } .
Alors, ιT est un isomorphisme de treillis distributifs et pour un morphisme ϕ : T → T0 on
a ιT0 ◦ ϕ = (Spec ϕ)? ◦ ιT .
J Voir l’exercice 11.13. I
En d’autres termes les catégories des treillis distributifs finis et des ensembles ordonnés finis
sont antiéquivalentes par le biais des foncteurs contravariants Spec • et •? et des transformations
naturelles ν et ι définies ci-dessus.
La généralisation de cette antiéquivalence de catégories pour le cas général (treillis distributifs
non nécessairement finis) sera abordée brièvement page 505.
Algèbres de Heyting
Un treillis distributif T est appelé un treillis implicatif ou une algèbre de Heyting lorsqu’il
existe une opération binaire → vérifiant pour tous a, b, c :
(11.26) a ∧ b 6 c ⇐⇒ a 6 (b → c)
Ceci signifie que pour tous b, c ∈ T, l’idéal transporteur
def
(c : b)T = { x ∈ T | x ∧ b 6 c }
est principal, son générateur étant noté b → c. Donc si elle existe, l’opération → est déterminée
de manière unique par la structure du treillis. On définit alors la loi unaire ¬x = x → 0. La
structure d’algèbre de Heyting peut être définie comme purement équationnelle en donnant de
bons axiomes. Précisément :
450 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
Fait 11.5.5 Un treillis T (non supposé distributif) muni d’une loi → est une algèbre de Heyting
si, et seulement si, les axiomes suivants sont vérifiés :
a→a = 1
a ∧ (a → b) = a∧b
b ∧ (a → b) = b
a → (b ∧ c) = (a → b) ∧ (a → c)
a 6 b ⇐⇒ a → b = 1
a → (b → c) = (a ∧ b) → c a→b 6 ¬b → ¬a
(a ∨ b) → c = (a → c) ∧ (b → c) a 6 ¬¬a
¬¬¬a = ¬a a→b 6 (b → c) → (a → c)
¬(a ∨ b) = ¬a ∧ ¬b ¬a ∨ b 6 a→b
Tout treillis distributif fini est une algèbre de Heyting, car tout idéal de type fini est principal.
Un cas particulier important d’algèbre de Heyting est une algèbre de Boole.
Un homomorphisme d’algèbres de Heyting est un homomorphisme ϕ : T → T0 de treillis
distributifs qui vérifie ϕ(a → b) = ϕ(a) → ϕ(b) pour tous a, b ∈ T.
Le fait suivant est immédiat.
On a aussi :
Fait 11.5.8 Si T est une algèbre de Heyting tout quotient T/(y = 0) (c’est-à-dire tout quotient
par un idéal principal) est aussi une algèbre de Heyting.
Exercices et problèmes
Exercice 11.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées au lecteur,
etc. . . Notamment :
– Montrer que les relations (11.2) sont exactement ce qu’il faut pour définir un treillis quotient.
– Démontrer la proposition 11.1.2.
– Démontrer le corollaire 11.1.7.
– Démontrer les faits 11.3.2, 11.3.3, 11.3.4 et 11.3.5.
– Démontrer le fait 11.4.3 et tous les faits numérotés entre 11.4.5 et 11.4.17 (pour le fait 11.4.2 voir
l’exercice 11.7).
– Démontrer ce qui est affirmé dans les exemples page 446.
– Démontrer les faits 11.5.5 et 11.5.6.
def
Exercice 11.2 Soit T un treillis distributif et x ∈ T. On a vu (lemme 11.1.6) que λx : T → T[x• ] =
T/(x = 0) × T/(x = 1) est injectif, ce qui signifie : si y ∧ x = z ∧ x et y ∨ x = z ∨ x alors y = z. Montrer
que l’on peut en déduire la règle de coupure (11.24).
Exercice 11.3 Soit A un anneau intègre et p, a, b ∈ Reg(A), avec p irréductible. On suppose que p | ab
mais p 6 | a, p 6 | b. Montrer que (pa, ab) n’a pas de pgcd. Montrer que dans Z[X 2 , X 3 ] les éléments X 2 et
X 3 admettent un pgcd, mais pas de ppcm, et que les éléments X 5 , X 6 n’ont pas de pgcd.
Exercice 11.5 Démontrer que si A un anneau à pgcd intègre, le produit de deux polynômes G-primitifs
de A[X] est un polynôme G-primitif : on demande une démonstration directe basée sur le lemme de
Dedekind-Mertens.
Exercice 11.7 Vérifier le fait 11.4.2, i.e. Zar A est un treillis distributif. Montrer que ce treillis distributif
peut être défini par générateurs et relations comme suit : les générateurs sont les symboles D(a), a ∈ A,
avec le système de relations :
D(0) = 0, D(1) = 1, D(a + b) 6 D(a) ∨ D(b), D(ab) = D(a) ∧ D(b).
Exercice 11.8 Le contexte est celui du principe de recouvrement fermé 11.3 page 442. Q On considère un
recouvrement fermé de l’anneau A par des idéaux a1 , . . . , ar . On ne suppose pas que i ai = 0 mais que
chaque ai est de type fini. Si M un A-module, montrer qu’il est de type fini si, et seulement si, il est de
type fini modulo chaque ai .
Exercice 11.12 Donner une description précise des treillis distributifs librement engendrés par des
ensembles à 0, 1, 2 et 3 éléments. En particulier préciser le nombre de leurs éléments.
3. Réciproquement, si H est sous-groupe solide de G, la loi ∧ passe au quotient, elle définit une structure
de groupe réticulé sur G/H et la surjection canonique G → G/H est un morphisme de groupes réticulés
qui factorise tout morphisme de source G qui s’annule sur H.
4. On a défini en 11.2.6 un sous-groupe réticulé C(x). Montrer que C(x) ∩ C(y) = C(|x| ∧ |y|) et que le
sous-groupe solide engendré par des éléments x1 , . . . , xn de G est égal à C(|x1 | + · · · + |xn |). En particulier
l’ensemble des sous-groupes solides principaux, i.e., de la forme C(a) est (( presque )) un treillis distributif
(il manque en général un élément maximum).
A KK
KK ψ
KK
KK homomorphismes d’anneaux
λ
KK
K
Aqi _ _ _ _ _%/ B morphismes d’anneaux quasi intègres
ϕ!
454 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
où les morphismes d’anneaux quasi intègres sont les homomorphismes d’anneaux qui respectent la loi
a 7→ ea (rappel : ea est l’idempotent vérifiant h1 − ea i = Ann(a)). Dans la suite on parlera de morphisme
quasi intègre.
Une clôture quasi intègre d’un anneau A existe (( a priori )), du simple fait que la théorie des anneaux quasi
intègres est purement équationnelle. En effet pour n’importe quel système de générateurs et de relations
(une relation est une égalité entre deux termes construits à partir des générateurs, de 0 et de 1, en utilisant
les lois +, −, ×, a 7→ ea ), il existe un anneau quasi intègre (( le plus général possible )) correspondant à
cette présentation : on prend sur l’ensemble des termes la plus petite relation d’équivalence qui respecte
les axiomes et qui mette dans la même classe d’équivalence deux termes liés par une relation donnée au
départ. Dans ces conditions l’anneau Aqi est simplement l’anneau quasi intègre engendré par les éléments
de A avec pour relations toutes les égalités a + b = c, a × b = d, a = −a0 vraies dans A.
Mais on veut une description précise, comme pour la clôture zéro-dimensionnelle réduite.
On pourra alors démontrer les résultats suivants :
1. (morphismes quasi intègres)
a) Un morphisme ϕ : A → B est quasi intègre si, et seulement si, il transforme tout élément
régulier en un élément régulier. Dans ce cas, il se prolonge de manière unique en un morphisme
Frac(ϕ) : Frac(A) → Frac(B).
b) Un morphisme quasi intègre est injectif si, et seulement si, sa restriction à B(A) est injective.
c) Il existe des homomorphismes injectifs entre anneaux quasi intègres qui ne sont pas quasi intègres.
d) Tout homomorphisme entre anneaux zéro-dimensionnels réduits est quasi intègre.
e) Si A est quasi intègre, B(Frac A) s’identifie à B(A) et l’injection A → Frac(A) est un morphisme
quasi intègre.
2. On a des homomorphismes naturels d’anneaux Ared → Aqi → Frac(Aqi ) → A• .
Il sont tous injectifs et l’homomorphisme naturel Frac(Aqi ) → A• est un isomorphisme.
3. Si A ⊆ C avec C quasi intègre, le plus petit sous-anneau quasi intègre de C contenant A est égal à
A[(ea )a∈A ].
4. Si l’on identifie Ared à son image dans A• , on peut identifier Aqi au sous-anneau de A• engendré par
Ared et par les idempotents ex pour x ∈ Ared .
de celle de la clôture zéro-dimensionnelle réduite : cela tient à ce que le quasi inverse b d’un élément a,
quand il existe, est unique et simplement défini par deux équations ab2 = b et a2 b = a, ce qui implique
que tout homomorphisme d’anneaux respecte les quasi inverses.
M = Mi + ai Mi + a2i M = Mi + a2i M
En itérant, on obtient pour tout k > 1, M = Mi +aki M . En reportant M = M2 +ak2 M dans M = M1 +ak1 M ,
on obtient M = M1 + M2 + (a1 a2 )k M . Mais a1 , a2 sont de type fini et a1 a2 ⊆ DA (0) donc il existe un k
tel que (a1 a2 )k = {0} et par suite M = M1 + M2 est de type fini.
Exercice 11.9 On peut supposer A réduit, sous-anneau de A• .
1. Soit p un idéal premier de A ; le morphisme canonique de A dans le corps Frac(A/p ) se factorise à
travers A• :
A RRRR
RRRR
)
A• _πp_ _/ Frac(A/p )
Le morphisme πp est surjectif car pour a ∈ A\p, on a 1/a = πb (a• ) dans Frac(A/p ). Son noyau q = Ker πp
est un idéal maximal de A• ; on a alors A/p ⊆ Frac(A/p ) ' A• /q , donc la flèche naturelle A/p → A• /q
étant injective, p = q ∩ A. On dispose ainsi de deux transformations Spec A• → Spec A, q 7→ q ∩ A, et
Spec A → Spec A• , p 7→ Ker πp , qui sont réciproques l’une de l’autre. En effet, si q ∈ Spec A• et p = q ∩ A,
alors Frac(A/p ) = A• /q (car a• = 1/a pour a ∈ A \ p) donc Ker πp = q.
2. D’après le point 1. l’homomorphisme A• → A e qui factorise l’homomorphisme naturel A → A e est
injectif, car son noyau est l’intersection de tous les idéaux premiers de A• . On identifie A ⊆ A• ⊆ A. e Le
lemme 11.4.19 décrit le plus petit sous-anneau zéro-dimensionnel réduit de A e contenant A. On voit qu’il
s’agit bien de A• (d’après le construction de A• ).
Autre démonstration, laissée à la lectrice. On note A1 le plus petit sous-anneau zéro-dimensionnel réduit
de Ae contenant A. On démontre alors que cet objet satisfait la propriété universelle voulue.
456 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
Exercice 11.10 1. La première caractérisation des filtres stricts maximaux parmi les filtres stricts est
immédiate : elle revient à dire que toute tentative de faire grandir f en lui rajoutant un élément x extérieur
échoue, parce que le filtre engendré par f et x contient 0.
Montrons ensuite qu’un filtre strict maximal parmi les filtres stricts est premier. Soient x, y ∈ A avec
x + y ∈ f. On veut montrer que x ∈ f ou y ∈ f. Si x ∈ / f il existe a ∈ f et n ∈ N tel que an x = 0, donc
n n
a (x + y) = a y ∈ f donc y ∈ f.
Montrons maintenant que le localisé est zéro-dimensionnel, c’est-à-dire (puisque l’anneau est local) que
tout élément non inversible est nilpotent. Un élément non inversible dans le localisé est un multiple d’un
x/1 avec x ∈ / f. Il suffit de voir que x/1 est nilpotent dans f−1 A, or il existe a ∈ f tel que ax est nilpotent
dans A, et a est inversible dans le localisé.
Montrons pour terminer que si f−1 A est local zéro-dimensionnel et non trivial, alors f est strict, maximal
parmi les filtres stricts. En effet un x ∈ / f n’est pas inversible, donc est nilpotent dans le localisé, ce qui
signifie qu’il existe a ∈ f tel que ax est nilpotent dans A.
2. Notons S la partie définie par l’équation (11.27) page 452. Si a ∈ S et a ∈ / f avec f un filtre maximal,
on a 0 ∈ aN f ce qui signifie que pour un x ∈ f et n ∈ N, xan = 0, donc puisque a ∈ S, x est nilpotent :
contradiction.
Si a ∈
/ S, il existe x non nilpotent tel que xa est nilpotent. Donc il existe un filtre strict contenant x. Par
le lemme de Zorn il existe un filtre maximal f contenant x, et a ne peut pas être dans f car sinon xa et
donc 0 serait dans f.
Exercice 11.11 1. Résulte clairement de la définition d’une algèbre de Boole comme anneau où tous les
éléments sont idempotents, à condition de vérifier que l’objet construit est bien une algèbre de Boole, ce
qui n’offre pas de difficulté. On notera que B est isomorphe à
F2 [x1 ] ⊗F2 · · · ⊗F2 F2 [xn ],
qui est la somme directe de n algèbres de Boole librement engendrées par un seul générateur dans la
catégorie des algèbres de Boole. En effet la somme directe de deux algèbres de Boole B, B0 est l’algèbre
de Boole B ⊗F2 B0 .
2. La F2 -base monomiale de B est (mI ) avec mI = i∈I xi . Elle est de cardinal 2n donc B est de cardinal
Q
n
22 . On définit eI par eI = mI j ∈I
Q
/ (1 + xj ) ; on vérifie facilement que (eI ) est un système fondamental
P
d’idempotents orthogonaux, que mI eJ = eJ si I ⊆ J, et 0 sinon. On a la même expression eI = mJ
J | J⊇I
P
et mI = eJ (ce qui confirme que (eI ) est une F2 -base de B).
J | J⊇I
Par rapport à la description donnée dans le cours xε11 · · · xεnn correspond à l’élément suivant de Pf (Pf (E)) :
{{ xi | εi = 1 }}.
Exercice 11.13 1. Par définition d’une section initiale l’intersection et la réunion de deux sections
initiales en est une autre. Donc dans E ? : S1 ∧ S2 = S1 ∪ S2 , S1 ∨ S2 = S1 ∩ S2 , ∅ = 1E ? et E = 0E ? .
2. Il revient au même de se donner α ∈ Spec T ou l’idéal premier Ker α. Ceci conduit à ordonner l’ensemble
des idéaux premiers de T par la relation ⊇. En effet, si α, β : T → {0, 1} sont deux morphismes, on a
l’équivalence α 6 β ⇐⇒ Ker α ⊇ Ker β.
3. On a :
Ker νE (x) = { S ∈ E ? | x ∈ S } = { S ∈ E ? | ↓ x ⊆ S } = { S ∈ E ? | S 6 ↓ x }
∅
↓ a = {a}
kkk SSS
↓ c = {a, c} ↓ b = {a, b}
SSS TTTT
kkk
{a, b, c} ↓ d = {a, b, d}
SSS
jjjj
{a, b, c, d}
Si E est totalement ordonné, alors E ? = {↓ x, x ∈ E}∪{∅} est aussi totalement ordonné et #E ? = 1+#E ;
si T est un treillis distributif fini totalement ordonné, alors Spec T = {IT (a), a ∈ T \ {1T }} est totalement
ordonné et # Spec T = #T − 1. Si E est ordonné par la relation d’égalité, E ? = P(E) ordonné par ⊇ ;
quant à Spec(E ? ), c’est l’ensemble IP(E) ({x}) avec x ∈ E (qui est bien isomorphe à E).
5. On laisse vérifier au lecteur, qu’en posant, pour a ∈ T, b a = { p ∈ Spec T | a ∈ p }, on obtient une section
initiale, que toute section initiale de Spec T est de cette forme, et enfin que a 6 b ⇐⇒ b a 6 bb.
6. On prend maintenant comme structure d’ordre ⊆ sur E ? et sur Spec T (vu comme l’ensemble des
idéaux premiers). Alors S1 ∧ S2 = S1 ∩ S2 , S1 ∨ S2 = S1 ∪ S2 , ∅ = 0E ? , E = 1E ? . Pour x ∈ E, on pose
e = E \ ↑ x = { y ∈ E | y 6> x }. C’est un élément de E ? qui vérifie pour S ∈ E ? : x ∈
x / S ⇐⇒ S ⊆ x e. On
ax e=6 1E ? = E et x e engendre un idéal premier du treillis E ? : S1 ∧ S2 6 x e ⇒ S1 6 x e ou S2 6 x e (en effet,
l’hypothèse est ↑ x ⊆ (E \ S1 ) ∪ (E \ S2 ), donc par exemple x ∈ / S1 , i.e. S1 ⊆ xe). On a l’équivalence :
x 6 y ⇐⇒ x e ⊆ ye. On démontre que tout idéal premier de E ? est de la forme x e, donc l’ensemble ordonné
E est isomorphe, via x 7→ IE ? (e x), à l’ensemble des idéaux premiers de E ? , ordonné par inclusion.
{a, b, c, d}
SSS
kkkk
c = {a, b, d} de = {a, b, c}
RRR l RRR
e
RR llll
{a, b} S eb = {a, c}
SSS l
SSS ll
ll
{a}
a=∅
e
Problème 11.3 Le premier point est laissé au lecteur. Notons f g = k ck X k .
P
P W
W On a facilement u(f g) 6 u(f ) ∧ u(g). En effet, ck = i+j=k ai bj donc u(ck ) 6 i+j=k u(ai bj ) 6
2.
i u(ai ) = u(f ) (on a utilisé u(ab) 6 u(a)).
Si l’on dispose de Gauss-Joyal, alors u(ai bj ) 6 u(ai ) ∧ u(bj ) 6 u(f ) ∧ u(g) = u(f g). Réciproquement, si
l’on sait prouver u(ai bj ) 6 u(f g) pour tous i, j, alors
W W W
i,j u(ai bj ) 6 u(f g), i.e. par distributivité i u(ai ) ∧ j u(bj ) 6 u(f g),
i.e. u(f ) ∧ u(g) 6 u(f g).
3. Si A est intègre, il en est de même de A[X].
4. Montrons par récurrence descendante sur i0 + j0 que u(ai0 bj0 ) 6 u(f g). C’est vrai si i0 ou j0 est grand
car alors ai0 bj0 = 0. On écrit la définition du produit de deux polynômes :
P P
ai0 bj0 = ci0 +j0 − ai bj − ai bj .
i+j=i0 +j0 i+j=i0 +j0
i>i0 j>j0
On applique u en utilisant d’une part u(α + β + · · ·) 6 u(α) ∨ u(β) ∨ · · · et d’autre part u(αβ) 6 u(α)
pour obtenir
W W
(?) : u(ai0 bj0 ) 6 u(ci0 +j0 ) ∨ i>i0 u(ai ) ∨ j>j0 u(bj ).
On dispose ainsi d’une inégalité x 6 y que l’on écrit x 6 x ∧ y. Autrement dit, dans (?), on réinjecte
u(ai0 bj0 ) dans le membre droit, ce qui donne, en utilisant la distributivité :
W W
u(ai0 bj0 ) 6 u(ci0 +j0 ) ∨ i>i0 (u(ai ) ∧ u(ai0 bj0 )) ∨ j>j0 (u(bj ) ∧ u(ai0 bj0 )).
En utilisant u(ai ) ∧ u(ai0 bj0 ) 6 u(ai ) ∧ u(bj0 ) et u(bj ) ∧ u(ai0 bj0 ) 6 u(bj ) ∧ u(ai0 ), et (par définition)
u(ci0 +j0 ) 6 u(f g), on majore u(ai0 bj0 ) par :
W W
u(f g) ∨ i>i0 u(ai bj0 ) ∨ j>j0 u(ai0 bj ).
Par récurrence sur i0 , j0 , u(ai bj0 ) 6 u(f g), u(ai0 bj ) 6 u(f g), d’où u(ai0 bj0 ) 6 u(f g).
5. ai bj ∈ DA (ck , k = 0, . . .) : c’est le lemme de Gauss-Joyal usuel.
458 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
Problème 11.4 1. On considère des anneaux quasi intègres A, B et un morphisme quasi intègre
ϕ : A → B.
1a) Si a ∈ A est régulier, ea = 1 donc eϕ(a) = 1 donc ϕ(a) est régulier. Inversement soit ψ : A → B
un homomorphisme d’anneaux qui transforme tout élément régulier en un élément régulier. Soit a ∈ A,
b = ψ(a) et f = ψ(1 − ea ). Regardons B comme B/heb i × B[1/eb ]× = B1 × B2 . Alors b = (0, b) avec
b régulier dans B2 et eb = (0, 1). Puisque (1 − ea )a = 0, on a f b = 0 donc f = (f, 0) dans B1 × B2 .
Puisque (1 − ea ) + a est régulier, f + b est régulier. Autrement dit f est régulier dans B1 , et comme il est
idempotent il est égal à (1, 0), c’est-à-dire à 1 − eb .
1b) Supposons ϕ(x) = 0, alors eϕ(x) = 0, i.e. ϕ(ex ) =Q0. Donc si ϕB(A) est injectif, ex = 0, i.e. x = 0.
1c) On considère l’unique homomorphisme ρ : Z → n>0 Z/h2n i. Alors ρ est injectif mais ρ(2) n’est pas
régulier.
1d) L’homomorphisme conserve les quasi inverses, donc aussi les idempotents associés puisque ea = aa• si
a• est le quasi inverse de a.
1e) Résulte immédiatement du fait 4.8.6.
2. Puisque Aqi est réduit il y a un unique homomorphisme d’anneau Ared → Aqi qui factorise les deux
homomorphismes canoniques A → Ared et A → Aqi . Puique A• est quasi intègre il y a un unique
morphisme quasi intègre Aqi → A• qui factorise les deux homomorphismes canoniques A → Aqi et
A → A• . Puisque le morphisme Aqi → A• transforme un élément régulier en un élément régulier et qu’un
élément régulier dans un anneau zéro-dimensionnel (réduit ou pas) est inversible, il existe un unique
homomorphisme Frac(Aqi ) → A• qui factorise les deux homomorphismes canoniques Aqi → Frac(Aqi ) et
Aqi → A• .
De la même manière, pour tout homomorphisme A → B avec B zéro-dimensionnel réduit, on obtient
successivement un unique morphisme quasi intègre Aqi → B (qui factorise ce qu’il faut), puis un unique
morphisme Frac(Aqi ) → B qui factorise les deux homomorphismes A → Frac(Aqi ) et A → B. Autrement
dit, puisque Frac(Aqi ) est zéro-dimensionnel réduit, il résout le problème universel de la clôture zéro-di-
mensionnelle réduite pour A. En conséquence l’homomorphisme Frac(Aqi ) → A• que l’on a construit est
un isomorphisme.
3. Ce point est recopié du lemme 11.4.19 qui concerne les anneaux zéro-dimensionnels réduits : la lectrice
pourra aussi à très peu près recopier la démonstration.
4. On note tout d’abord que l’homomorphisme naturel Ared → Aqi est injectif parce que l’homomorphisme
Ared → A• est injectif et qu’il y a factorisation. On peut donc identifier Ared à un sous-anneau de Aqi ,
qui s’identifie lui-même à un sous-anneau de Frac(Aqi ) que l’on identifie à A• . Dans ce cadre Aqi contient
nécessairement Ared ainsi que les éléments ex = xx• pour les x ∈ Ared puisque le morphisme Aqi → A•
est quasi intègre et injectif. Notons B = Ared [(ex )x∈Ared ] ⊆ A• . Il reste à voir que l’inclusion B ⊆ Aqi est
une égalité.
Il est clair que Frac(B) = Frac(Aqi ). D’autre part, comme B est quasi intègre, l’injection Ared → B
fournit un (unique) morphisme quasi intègre ϕ : Aqi → B tel que ϕ(a) = a pour tout a ∈ Ared . Puisque le
morphisme est quasi intègre on en déduit que que ϕ(ea ) = ea pour tout a ∈ Ared , puis que ϕ(b) = b pour
tout b ∈ B. Soit x ∈ Aqi ; on veut montrer que x ∈ B ; comme x ∈ Frac(B), il existe b ∈ B régulier tel
que bx ∈ B donc ϕ(bx) = bx c’est-à-dire bϕ(x) = bx ; comme b est régulier dans B, il l’est dans Frac(B),
a fortiori dans Aqi , donc x = ϕ(x) ∈ B.
5a) et 5b) Facile.
Q
5c) Puisque aj = aj ej , on a, pour j ∈ I, aj ∈ hei , i ∈ IiB = heiB avec e l’idempotent 1 − i∈I (1 − ei ).
Mais dans un anneau réduit, tout idempotent engendre un idéal radical :
bm ∈ hei ⇒ bm (1 − e) = 0 ⇒ b(1 − e) = 0 ⇒ b = be ∈ hei .
Donc DA (ai , i ∈ I) ⊆ hei , i ∈ IiB . Montrons maintenant que A ∩ hei , ∈ IiC ⊆ DA (ai , i ∈ I). Soit
x ∈ A ∩ hei , ∈ IiC ; en revenant à la définition initiale de C, on a x ∈ hai Ti , i ∈ IiA[T ] + c. Travaillons sur
l’anneau réduit A0 = A/DA (ai , i ∈ I) ; on a alors x ∈ DA0 [T ] (ak Tk2 − Tk , a2k Tk − ak , k ∈ J1..nK) ; puisque
A0 → A0 [a•1 , . . . , a•n ] est injectif, on a x = 0 i.e. x ∈ DA (ai , i ∈ I).
Q
5d) Notons π le produit j ∈I / aj . Soit x ∈ A ∩ h1 − eI iB ; puisque π(1 − ej ) = 0 pour j ∈ / I, on a
πx ∈ hei , i ∈ IiB , donc d’après la question précédente πx ∈ DA (ai , i ∈ I) i.e. x ∈ a0I = (DA (ai , i ∈ I) : π).
Réciproquement, soit x ∈ a0I ; on écrit x = π 0 x + (1 − π 0 )x avec π 0 = j ∈I 0
Q
/ ej . On a 1 − π ∈ h1 − ej , j ∈ / Ii.
0 0
Quant à π x,
on remarque que dans C, he i
j C = ha i
j C , donc π x ∈ hπxi C ⊆ D (a
C i , i ∈ I) ⊆ hei , i ∈ IiC .
Bilan : x ∈ (ei )i∈I , (1 − ej )j ∈I / C = h1 − e i
I C . Mais A ∩ h1 − e i
I C = A ∩ h1 − e i
I B donc x ∈ h1 − e I iB .
0
Enfin, B est isomorphe au produit des B/h1 − eI iB et B/h1 − eI iB ' A/aI .
P Q P Q Q Q
5e) Prendre s = I eI j ∈I / aj = I i∈I (1 − ei ) / aj : s est l’unique élément de B qui vaut
j ∈I / aj
j ∈I
sur la composante eI = 1.
Commentaires bibliographiques 459
6. Dans l’isomorphisme A[ea ] ' A/AnnA (a) × A/DA (a) , on a ea = (1, 0) et donc (x, y) = xea + y(1 − ea ).
On considère alors l’application A×A → D, (x, y) 7→ ϕ(x)eb +ϕ(y)(1−eb ) ; c’est un morphisme d’anneaux
passe au quotient modulo AnnA (a) × DA (a).
et en utilisant D réduit, on vérifie qu’elle
Comparons maintenant A[a,b] et A[a] [b] . On trouve :
A[a,b] ' A/(0 : ab) × A/(D(b) : a) × A/(D(a) : b) × A/D(a, b)
A[a] [b] ' A/(0 : ab) × A/D((0 : a) + hbi) × A/(D(a) : b) × A/D(a, b)
Enfin, on note que D((0 : a) + hbi) est contenu dans (D(b) : a) mais que l’inclusion peut être stricte.
Prenons par exemple A = Z, a = 2p, b = 2q où p, q sont deux premiers impairs disctints. On utilise
(x : y) =x/ pgcd(x, y) pour deux éléments x, y ∈ Z. Alors Z[a,b] ' Z × Z/qZ × Z/pZ × Z/2Z tandis
que Z[a] [b] ' Z × Z/2qZ × Z/pZ × Z/2Z . Dans le premier anneau, l’annulateur de a est engendré par
l’idempotent (0, 0, 1, 1). Dans le second (le premier anneau en est un quotient) Ann(a) engendré par
l’idempotent (0, q, 1, 1).
8. On rappelle (exercice 11.10) qu’un idéal premier p d’un anneau A est minimal si, et seulement si, pour
tout x ∈ p, il existe s ∈ A \ p tel que sxn = 0 pour un certain n (si A est réduit, on peut prendre n = 1).
Montrons qu’un idéal premier minimal de A reste un idéal premier strict dans Frac(A) (cette implication
n’utilise pas A quasi intègre) c’est-à-dire que p ∩ Reg(A) = ∅ : si x ∈ p, il existe s ∈ / p et n ∈ N avec
sxn = 0, ce qui prouve que x ∈ / Reg(A).
Réciproquement, si q un idéal premier de Frac(A), prouvons que p = q ∩ A est un idéal premier minimal
de A. Soit x ∈ p ; alors x + 1 − ex est régulier dans A donc inversible dans Frac(A) donc 1 − ex ∈
/ p. Alors
x(1 − ex ) = xex (1 − ex ) = 0 : on a trouvé s = 1 − ex ∈
/ p tel que sx = 0.
9. D’après l’exercice 11.9, l’injection A → A• induit une bijection Spec A• → Spec A ; mais A• = Frac(Aqi )
et Aqi est quasi intègre , donc d’après la question précédente appliquée à Aqi , Spec A• s’identifie à
Min(Aqi ), d’où la bijection naturelle entre Spec A et Min(Aqi ).
Commentaires bibliographiques
Des livres de référence pour l’étude des treillis sont [Birkhoff], [Grätzer] et [Johnstone]. Dans
[Johnstone] l’accent est mis essentiellement sur les treillis distributifs, qui sont les objets qui
nous intéressent au premier chef. Ce livre présente la théorie des locales. La notion de locale
est une généralisation de celle d’espace topologique. La structure d’une locale est donnée par le
treillis distributif de ses ouverts, mais les ouverts ne sont plus nécessairement des ensembles de
points. C’est la raison pour laquelle une locale est parfois appelée un espace topologique sans
points [103, Johnstone]. L’auteur essaie en général de donner des preuves constructives et signale
explicitement les théorèmes dont la preuve utilise l’axiome du choix.
En algèbre abstraite les espaces spectraux sont omniprésents, au premier rang desquels on
compte le spectre de Zariski d’un anneau commutatif. Du point de vue constructif ce sont des
locales bien particulières qui (( manquent de points )). Nous présenterons rapidement cette notion
dans la section 13.1 du chapitre 13 consacré à la dimension de Krull.
Une démonstration élégante du théorème 11.9 page 436 (si A un anneau à pgcd intègre il en
va de même pour A[X]) se trouve dans [MRR, th. IV.4.7].
L’origine des relations implicatives se trouve dans le calcul des séquents de Gentzen, qui mit
le premier l’accent sur la coupure (la règle (T )). Le lien avec les treillis distributifs a été mis en
valeur dans [28, 48, Coquand&al.]. Le théorème fondamental des relations implicatives 11.12
page 447 se trouve dans [28].
On trouve la terminologie de treillis implicatif dans [Curry], celle d’algèbre de Heyting dans
[Johnstone].
Une référence de base pour théorie des groupes réticulés et anneaux réticulés (non néces-
sairement commutatifs) est le livre [Bigard, Keimel & Wolfenstein]. Nous avons dit qu’une idée
directrice dans la théorie des groupes réticulés est qu’un groupe réticulé se comporte dans les
calculs comme un produit de groupes totalement ordonnés. Cela se traduit en mathématiques
classiques par le théorème de représentation qui affirme que tout groupe réticulé (abélien) est
isomorphe à un sous-groupe réticulé d’un produit de groupes totalement ordonnés (théorème
4.1.8 dans le livre cité).
460 11. Treillis distributifs, groupes réticulés
Les groupes réticulés qui sont des Q-espaces vectoriels constituent en quelque sorte la version
purement algébrique de la théorie des espaces de Riesz. Tout bon livre sur les espaces de Riesz
commence par développer les propriétés purement algébriques de ces espaces, qui sont décalquées
(avec des preuves très voisines, sinon identiques) de la théorie des groupes réticulés (abéliens).
Voir par exemple [Zaanen].
Dans les exercices de Bourbaki (Algèbre commutative, Diviseurs) un anneau de Bezout intègre
est appelé anneau bezoutien, un anneau à pgcd intègre est appelé un anneau pseudo-bezoutien, et
un domaine de Prüfer est appelé un anneau pruferien.
12. Anneaux de Prüfer et de
Dedekind
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 461
12.1 Anneaux arithmétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 462
Idéaux localement principaux, matrice de localisation principale . . . . . . . 462
Premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464
Structure multiplicative des idéaux de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . 466
12.2 Éléments entiers et localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467
12.3 Anneaux de Prüfer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 470
Extensions d’anneaux de Prüfer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472
12.4 Anneaux de Prüfer cohérents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473
Premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473
Noyau, image et conoyau d’une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475
Extensions d’anneaux de Prüfer cohérents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 476
12.5 Anneaux quasi intègres de dimension 6 1 . . . . . . . . . . . . . . . . 478
12.6 Anneaux de Prüfer cohérents de dimension 6 1 . . . . . . . . . . . . 480
12.7 Factorisation d’idéaux de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482
Factorisations générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 483
Factorisations en dimension 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 483
Anneaux de Prüfer à factorisation partielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 483
Anneaux de Dedekind . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 493
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502
Introduction
Les définitions usuelles d’anneau de Dedekind se prêtent mal à un traitement algorithmique.
Premièrement, la notion de nœthérianité est délicate (du point de vue algorithmique).
Deuxièmement les questions de factorisation réclament en général des hypothèses extrêmement
fortes. Par exemple, même si K est un corps discret tout à fait explicite, il n’y a pas de méthode
générale (valable sur tous les corps discrets) pour factoriser les polynômes de K[X].
Ainsi un aspect essentiel de la théorie des anneaux de Dedekind, à savoir que la clôture
intégrale d’un anneau de Dedekind dans une extension finie de son corps de fractions reste un
anneau de Dedekind, ne fonctionne plus en toute généralité (d’un point de vue algorithmique) si
l’on exige la factorisation complète des idéaux (voir par exemple le traitement de cette question
dans [MRR]).
Par ailleurs, même si une factorisation complète est en théorie faisable (dans les anneaux
d’entiers des corps de nombres par exemple), on se heurte très rapidement à des problèmes d’une
complexité rédhibitoire comme celui de factoriser le discriminant (tâche en pratique impossible si
462 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
celui-ci a plusieurs centaines de chiffres). Aussi Lenstra et Buchmann, [25], ont-ils proposé de
travailler dans les anneaux d’entiers sans disposer d’une Z-base. Un fait algorithmique important
est qu’il est toujours facile d’obtenir une factorisation partielle pour une famille d’entiers naturels,
c’est-à-dire une décomposition de chacun de ces entiers en produits de facteurs pris dans une
famille d’entiers premiers entre eux deux à deux (voir [15, Bernstein], et [16, Bernstein] pour une
mise en œuvre avec les idéaux de corps de nombres, voir aussi le problème 2.2 page 51).
Un but de ce chapitre est de montrer la validité générale d’un tel point de vue et de proposer
des outils dans ce cadre.
Un rôle crucial et simplificateur dans la théorie est joué par les anneaux arithmétiques
(conformément à une intuition de Gian Carlo Rota [151]), qui sont les anneaux dans lesquels
le treillis des idéaux est distributif, et par les matrices de localisation principale, qui sont les
matrices qui explicitent la machinerie calculatoire des idéaux de type fini localement princi-
paux, de manière essentiellement équivalente à ce que Dedekind [53] estimait être une propriété
fondamentale des anneaux d’entiers dans les corps de nombres (voir [4, Avigad] et le point 3 0 . de
notre proposition 12.1.1).
La volonté de repousser le plus tard possible la mise en place des hypothèses nœthériennes
nous a également incité à développer un traitement constructif de nombreux points importants
de la théorie dans un cadre plus simple et moins rigide que celui des anneaux de Dedekind. C’est
le contexte des anneaux qui ont les deux propriétés suivantes :
– les idéaux de type fini sont projectifs (ceci caractérise ce que nous appelons un anneau de
Prüfer cohérent).
– la dimension de Krull est inférieure ou égale à 1.
Comme le lecteur pourra le constater, les preuves ne sont pas rendues plus compliquées, bien au
contraire, par cet affaiblissement des hypothèses.
De même, nous avons été amenés à étudier les anneaux de Prüfer cohérents (( à factorisation
partielle )) (dans le cas local, ce sont les anneaux de valuation dont le groupe de valuation est
isomorphe à un sous-groupe de Q). Nous pensons que ces anneaux constituent le cadre de travail
naturel suggéré par Buchman et Lenstra [25].
Enfin pour ce qui concerne les anneaux de Dedekind, nous nous sommes libérés de l’hypothèse
usuelle d’intégrité (car elle se conserve difficilement d’un point de vue algorithmique par extension
algébrique) et nous avons laissé au second plan la factorisation complète des idéaux de type
fini (pour la même raison) au profit du seul caractère nœthérien. La nœthérianité implique la
factorisation partielle des familles d’idéaux de type fini, qui elle-même implique la dimension 6 1
sous forme constructive.
NB : β) se lit comme suit : pour chaque ligne `, les mineurs d’ordre 2 de la matrice
a`1 · · · a`n
sont nuls.
x1 · · · xn
V2
4. A (a) = 0.
5. F1 (a) = h1i.
Dans le cas où l’un des xk est régulier l’existence de la matrice A dans le point 3. a la même
signification que le point suivant.
3 0 . Il existe γ1 , . . . , γn dans Frac A tels que
P
i γi xi = 1 et chacun des γi xj est dans A
(formulation de Dedekind).
J La seule chose nouvelle est la formulation 3 0 . Si par exemple x1 ∈ Reg(A) et si l’on dispose
de A on pose γi = ai1 /x1 . Réciproquement si l’on dispose des γi on pose aij = γi xj . I
La proposition suivante reprend et précise la proposition 5.6.3. Les résultats pourraient être
obtenus de manière plus directe, en utilisant la formulation de Dedekind, lorsque l’un des xk est
régulier.
J Le point 3. est clair, les points 4. et 6. sont des cas particuliers de la première partie du point
5.
Les points 1., 2. et la première partie du point 5. ont été montrés pour les matrices de localisation
monogène.
464 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
5. Montrons que tA est une matrice de localisation principale pour (y1 , . . . , yn ) si Ann(a) = 0.
En effet, d’une part sa trace est égale à 1 et d’autre part, puisque aD2 (A) = 0, on a D2 (A) = 0
ou encore Ai ∧ Aj = 0, Ai étant la colonne i de A ; comme y := t[ y1 · · · yn ] est dans Im A, on a
aussi y ∧ Aj = 0, ce qui traduit que tA est une matrice de localisation principale pour (y1 , . . . , yn ).
7. L’inclusion Ker x ⊆ Im(In − A) + N(n) résulte du point 6. et l’inclusion réciproque du 1.
8. Résulte de 7. en remarquant que se donner un élément a de b = hx1 , . . . , xi i ∩ hxi+1 , . . . , xn i
revient à se donner un élément (α1 , . . . , αn ) de Ker x : a = α1 x1 + · · · + αi xi = −αi+1 xi+1 − · · · −
αn xn . Ainsi b est engendré par les coefficients du vecteur ligne [ x1 · · · xi 0 · · · 0 ](In − A). I
J 1., 3., 4. Voir le lemme 5.6.6, qui donne des résultats un peu plus généraux. Ces points
résultent aussi de la proposition précédente, points 5. et 7.
2. Dans b on doit avoir u1 et u2 tels que d’une part u1 x1 + u2 x2 = x1 , donc (1 − u1 )x1 = u2 x2 ,
et d’autre part u1 x2 ∈ hx1 i. Lorsque l’on inverse u1 , x1 engendre a et lorsque l’on inverse 1 − u1 ,
c’est x2 qui engendre a. I
Premières propriétés
Rappelons qu’un anneau est cohérent si, et seulement si, d’une part l’intersection de deux
idéaux de type fini est un idéal de type fini, et d’autre part l’annulateur de tout élément est de
type fini (théorème 2.1 page 21). Par conséquent, en utilisant le point 8. de la proposition 12.1.2,
nous obtenons :
Fait 12.1.4 Dans un anneau arithmétique l’intersection de deux idéaux de type fini est un idéal
de type fini. Un anneau arithmétique est cohérent si, et seulement si, l’annulateur de tout élément
est de type fini.
Tout quotient et tout localisé d’un anneau arithmétique est un anneau arithmétique.
Dans un anneau fortement discret, la relation de divisibilité est explicite. On a la réciproque
(remarquable) pour les anneaux arithmétiques.
Dans le théorème qui suit nous donnons quelques caractérisations possibles des anneaux
arithmétiques.
La caractérisation la plus simple des anneaux arithmétiques est sans doute celle donnée dans
le point 1b). Puisqu’un idéal hx, yi est localement principal si, et seulement si, il y a une matrice
de localisation principale pour (x, y), la condition 1b) signifie :
|
x1 x2 0 x1
(12.2) [B | C ] =
x2 0 x1 | 0
3. Pour tous idéaux de type fini a et b la suite exacte courte ci-après est scindée :
δ σ
0 −→ A/(a ∩ b) −→ A/a × A/b −→ A/(a + b) −→ 0
J 1b) ⇒ 1a). Si l’on a un idéal de type fini avec n générateurs, des localisations successives
(chaque fois en des éléments comaximaux) le rendent principal.
Considérons le point 2a). Soit a = hx1 , . . . , xn i et b = hy1 , . . . , ym i. Si c existe, pour chaque
j = 1, . . . , m il existe des éléments ai,j ∈ c tels que
P
i ai,j xi = yj .
Par ailleurs, pour chaque i, i0 , j on doit avoir ai,j xi0 ∈ b, ce qui s’exprime par l’existence d’éléments
bi,i0 ,j,j 0 ∈ A vérifiant
P
j 0 bi,i0 ,j,j 0 yj 0 = ai,j xi0 .
Réciproquement, si l’on peut trouver des ai,j et bi,i0 ,j,j 0 ∈ A vérifiant les équations linéaires
ci-dessus (dans lesquelles les xi et yj sont des coefficients), alors l’idéal c engendré par les ai,j
vérifie bien ac = b. Ainsi, trouver c revient à résoudre un système linéaire.
Il s’ensuit que pour prouver 1a) ⇒ 2a) on peut utiliser des localisations convenables : les deux
idéaux a et b deviennent principaux, l’un étant inclus dans l’autre, auquel cas c est évident.
466 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
On vérifie facilement que les propriétés 1b), 2b), 2c) et 2d) sont équivalentes (en tenant compte
de la remarque précédente pour 1b)).
Pour montrer que 1a) implique 3., 4., 5. et 6., on note que chacune des propriétés considérées
peut s’interpréter comme l’existence d’une solution d’un certain système linéaire, et que cette
solution est évidente lorsque les idéaux qui interviennent sont principaux et totalement ordonnés
pour l’inclusion.
Il reste à voir les réciproques.
3. ⇒ 2c) et 4. ⇒ 2c). On considère dans 3. ou 4. le cas où a = hx1 i et b = hx2 i.
5. ⇒ 1b). Soient a, b ∈ A et posons c = a + b, b1 = hai , b2 = hbi , b3 = hci, x1 = c, x2 = a et
x3 = b. On a b1 + b2 = b1 + b3 = b3 + b2 = ha, bi et les congruences xi ≡ xk mod bi + bk sont
vérifiées. On obtient qu’il existe u, v, w dans A tels que
c + ua = a + vb = b + wc,
d’où
wb = (1 + u − w)a, (1 − w)a = (1 + w − v)b.
Donc l’idéal ha, bi est localement principal.
6. ⇒ 1b). Prenons la propriété de distributivité a + (b ∩ c) = (a + b) ∩ (a + c), avec a = hxi,
b = hyi et c = hx + yi. On a donc y ∈ hxi + (hyi ∩ hx + yi), c’est-à-dire qu’il existe a, b, c tels que
y = ax + by, by = c(x + y). D’où cx = (b − c)y et (1 − c)y = (a + c)x. Ainsi hx, yi est localement
principal. I
L’isomorphisme A/a ⊕ A/b ' A/(a + b) ⊕ A/(a ∩ b) qui résulte du point 3. du théorème
précédent admet la généralisation suivante.
Corollaire 12.1.6 Soit (ai )i∈J1..nK une famille d’idéaux de type fini d’un anneau arithmétique
A. Posons b1 = nk=1 ak , b2 = 16j<k6n (aj ∩ ak ), . . ., br = 16j1 <···<jr 6n (aj1 ∩ · · · ∩ ajr ), . . .,
P P P
Tn
bn = k=1 ak . Alors on a bn ⊆ · · · ⊆ b1 avec un isomorphisme
Mn Mn
A/ak ' A/bk
k=1 k=1
En rapprochant ce résultat du théorème 4.4 page 141 on obtient une classification complète
des A-modules de ce type. On peut aussi comparer avec le fait 11.2.9 18.
Corollaire 12.1.7 Soit B une A-algèbre fidèlement plate. Si B est un anneau arithmétique
(resp. un anneau de Prüfer, un anneau de Prüfer cohérent) alors A également.
J Puisque A ⊆ B, si B est réduit, A également. Le théorème 8.8 3. page 322 implique que si B
est cohérent, A également. Il reste à montrer le résultat pour (( anneau arithmétique )).
On considère x, y ∈ A. On doit montrer qu’il existe u, a, b ∈ A tels que ux = ay et (1 − u)y = bx.
Il s’agit en fait d’un système linéaire à coefficients dans A, avec les inconnues u, a, b. Or ce
système admet une solution dans B et B est fidèlement plate sur A, donc il admet une solution
dans A. I
1. Ifr A est un treillis pour la relation d’inclusion, le sup est donné par la somme et le inf par
l’intersection. Ce treillis est distributif si, et seulement si, l’anneau est arithmétique.
Soient a, b deux idéaux fractionnaires de type fini. On suppose que b contient un élément régulier
de A.
1. L’ensemble { x ∈ Frac A | xb ⊆ a } est un idéal fractionnaire de type fini de A. On le note
a ÷ b.
2. Si a ⊆ b ⊆ A on a a ÷ b = a : b.
3. Si A est arithmétique, b est inversible dans Ifr A.
4. Si b est inversible dans Ifr A, A ÷ b est l’inverse de b dans Ifr A ; en outre b(a ÷ b) = a
pour tout a ∈ Ifr A.
Le théorème suivant dit que la structure multiplicative du monoïde des idéaux inversibles
d’un anneau arithmétique a toutes les propriétés souhaitables. Cela résulte immédiatement du
corollaire 12.1.3, du théorème 12.1 et du lemme 11.5.
Théorème 12.2 Dans un anneau arithmétique les idéaux de type fini fidèles forment un monoïde
multiplicatif qui est la partie positive d’un groupe réticulé. Les lois de treillis sont a ∧ b = a + b
et a ∨ b = a ∩ b. Les idéaux inversibles (c’est-à-dire les idéaux de type fini qui contiennent un
élément régulier) forment la partie positive d’un sous-groupe réticulé du précédent.
En fait les deux groupes sont confondus dès que A est quasi intègre, ou plus généralement
lorsque les modules projectifs de rang constant 1 sur Frac A sont libres (théorème 10.12 page 387).
Dans tous les cas un anneau normal est intégralement clos dans son anneau total de fractions.
On a la réciproque partielle suivante.
Fait 12.2.2 Un anneau quasi intègre est normal si, et seulement si, il est intégralement clos
dans son anneau total de fractions.
Il est clair que tout anneau normal est réduit (car un nilpotent est entier sur h0i). On a
mieux :
468 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
Lemme 12.2.3 Tout anneau normal est localement sans diviseur de zéro. Plus précisément, on
a pour tout anneau A les implications 1. ⇒ 2. ⇒ 3.
1. Tout idéal principal est intégralement clos (i.e., A est normal).
2. ∀x, y ∈ A (x2 ∈ hxyi =⇒ x ∈ hyi).
3. Tout idéal principal est plat (i.e., A est localement sans diviseur de zéro).
J Notons que l’idéal 0 est intégralement clos si, et seulement si, l’anneau est réduit. On a
évidemment 1. ⇒ 2., et 2. implique que l’anneau est réduit. Supposons 2. et soient x, y ∈ A tels
que xy = 0. On a x2 = x(x + y) donc x ∈ hx + yi, disons x = a(x + y). Alors (1 − a)x = ay,
ay 2 = (1 − a)xy = 0 et puisque l’anneau est réduit ay = 0, puis (1 − a)x = 0. I
D’après le lemme 8.4.5 il revient au même de dire que A est réduit et vérifie : pour tous
a, b ∈ A, a | b ou b | a. En outre A est alors sans diviseur de zéro.
Nous donnons maintenant quelques autres propriétés caractéristiques des anneaux de Prü-
fer, qui s’ajoutent à celles que l’on peut obtenir à partir du théorème 12.1 pour les anneaux
arithmétiques.
1a) ⇒ 3b). Supposons tout d’abord l’anneau local. Donc l’anneau est sans diviseur de zéro
et tout idéal de type fini est principal. Alors on peut conclure par le lemme 12.3.3 ci-après.
Dans le cas général, la preuve du lemme peut être reproduite après des localisations en des
monoïdes comaximaux convenables, et comme il s’agit de résoudre un système linéaire le principe
local-global de base s’applique.
12.3. Anneaux de Prüfer 471
2b) ⇒ 2a) Un module plat est sans torsion (lemme 8.3.4). Tout sous-module d’un module sans
torsion est sans torsion, donc plat.
1a) ⇒ 2b) Soit M un module sans torsion sur un anneau de Prüfer. Nous voulons montrer qu’il
est plat. Supposons tout d’abord l’anneau local. Soit LX = 0 une relation de dépendance linéaire
avec L = (a1 , . . . , am ) ∈ A1×m et X ∈ M m×1 . Sans perte de généralité, on suppose que ai = bi a1
pour i > 1. La relation de dépendance linéaire se réécrit a1 y = 0 avec y = x1 + b2 x2 + · · · + bm xm .
Le sous-module monogène Ay est plat et l’anneau est local donc a1 = 0 ou y = 0. Dans le premier
cas L = 0. Dans le deuxième cas X = HX et LH = 0 avec la matrice triangulaire H suivante :
0 −b2 −b3 ... −bm
0
. 1 0 ... 0
.. .. .. ..
H = .. . . . .
. .. ..
..
. . 0
0 ... ... 0 1
Dans le cas d’un anneau de Prüfer arbitraire, on reprend le raisonnement précédent en utilisant
les localisations (en des éléments comaximaux) qui rendent l’idéal ha1 , . . . , am i engendré par l’un
des ai .
On passe maintenant aux équivalences entre 1, 4 et 5. Les implications 4a) ⇔ 4b) ⇒ 4c) ⇒ 4d)
et 5b) ⇒ 5a) sont immédiates.
4d) ⇒ 1a) Il suffit de montrer que tout idéal a = hx, yi est localement principal. On a xy =
ax2 + by 2 , et z = ax vérifie z 2 = zy − aby 2 . Donc puisque l’anneau est normal, z = ax = a0 y pour
un certain a0 . De même, by = b0 x pour un certain b0 . Donc ab = hxyi où b = hxa, ybi. En outre
xy(1 − a0 − b0 ) = 0. Les trois éléments 1 − a0 − b0 , a0 , b0 sont comaximaux. Lorsque l’on inverse
1 − a0 − b0 on a xy = 0, et puisque l’anneau est localement sans diviseur de zéro (lemme 12.2.3),
après deux nouvelles localisations, x = 0 ou y = 0 donc a est principal. Lorsque l’on inverse a0 ,
on a a = hxi puisque a0 y = ax. Enfin lorsque l’on inverse b0 , a = hyi puisque b0 x = by.
1a) ⇒ 4b). Soit x ∈ A entier sur un idéal de type fini a. On a pour un certain n ∈ N,
a(a + hxi)n = (a + hxi)n+1 . Puisque l’anneau est arithmétique, on a un idéal de type fini b tel que
(a + hxi)b = hxi. Donc en multipliant par bn on obtient xn a = xn (a + hxi) ce qui signifie qu’il
existe un y ∈ a tel que xn+1 = xn y c’est-à-dire xn (y − x) = 0. Puisque l’anneau est localement
sans diviseur de zéro, cela implique qu’après des localisations comaximales on a x = 0 ou y −x = 0,
et dans chaque cas x ∈ a.
5a) ⇒ 4b) Soit x ∈ A entier sur un idéal de type fini a. On a pour un certain n ∈ N,
a(a + hxi)n = (a + hxi)n+1 . On applique plusieurs fois la propriété de simplification avec l’idéal
c = a + hxi et l’on obtient en fin de parcours a + hxi ⊆ a.
4b) ⇒ 5b). Soient c, a, a0 trois idéaux de type fini comme 5b). Soit x un élément de a et X un
vecteur colonne formé par un système générateur de c. Puisque xc ⊆ a0 c il existe une matrice
G ∈ Mn (a0 ) telle que xX = GX, i.e. (xIn − G)X = 0. Si P est le polynôme caractéristique de G,
on a d’une part P (x)X = 0 et d’autre part P (x) ∈ xn + a0 . Donc P (x) ∈ Ann(c) ⊆ Ann(a + a0 )
et P (x) ∈ a + a0 ; on en déduit P (x)2 = 0 puis P (x) = 0. Ceci est une relation de dépendance
intégrale de x sur a0 . Donc x ∈ a0 . I
Lemme 12.3.2 Dans un anneau localement sans diviseur de zéro si l’on a hx, yi b = hxn i avec
n > 1, alors hx, yi est localement principal.
J On veut trouver a, b tels que hx, yi ha, bi = hxi. Il suffit de résoudre ce problème après des
localisations comaximales. La caractère localement sans diviseur de zéro de l’anneau va servir
à fabriquer ces localisations. On a une égalité hx, yi hu, vi = hxn i avec ux + vy = xn . On écrit
xu = u1 xn , xv = v1 xn , yu = y1 xn , yv = z1 xn . Puisque x(u − u1 xn−1 ) = 0, on a deux localisations
comaximales, dans l’une x = 0, dans l’autre u = u1 xn−1 . On est ramené au cas u = u1 xn−1 ,
v = v1 xn−1 . L’égalité ux + vy = xn donne xn−1 (u1 x + v1 y − x) = 0. On est ramené au cas
472 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
Remarque. Cette démonstration, comme d’ailleurs celle du lemme 12.3.2, est plus redoutable
qu’il n’y paraît. Elle arrive à traiter d’une seule manière le cas où α = 0, le cas où α est régulier,
et (( tous les cas intermédiaires. ))
Les deux théorèmes précédents sont reliés à deux résultats classiques dans le cadre nœthérien
(cf. [Freid & Jarden, page 17]) :
Théorème de Krull-Akizuki. Si A est un anneau de Dedekind et L une extension finie du
corps des fractions de A, alors la fermeture intégrale de A dans L est un anneau de Dedekind.
Théorème de Grell-Noether. Si A est un anneau de Dedekind alors tout anneau compris
entre A et son corps des fractions est de Dedekind.
Vu la caractérisation des anneaux de Dedekind (en mathématiques classiques) comme anneaux
de Prüfer nœthériens intègres, on voit que nous avons établi les versions non-nœthériennes et
non-intègres de ces deux théorèmes.
Nous démontrerons plus loin que dans les circonstances analogues, la dimension de Krull de
B est toujours inférieure ou égale à celle de A, ce qui cette fois-ci est lié à la caractérisation des
anneaux de Dedekind comme anneaux intégralement clos de dimension 6 1 et nœthériens.
J Pour la balance entre idéaux de type fini et idéaux à deux générateurs on utilise implicitement
le théorème 12.3.
Pour l’équivalence des points 1. et 2., utiliser le fait 8.3.5. Les implications 1. ⇒ 3., 4., 5., 6.
tiennent à la caractérisation des idéaux projectifs comme idéaux localement principaux dont
l’annulateur est un idempotent et celle des idéaux inversibles comme idéaux localement principaux
contenant un élément régulier (lemme 5.6.6, points 2. et 6.).
Pour les réciproques, on se rappelle d’un idéal principal est projectif si, et seulement si, son
annulateur est engendré par un idempotent (lemme 5.6.4), et on peut voir le corrigé de l’exercice
12.16. On peut aussi examiner ces réciproques dans le cas intègre, où elles sont claires, et utiliser
la machinerie locale-globale des anneaux quasi intègres. I
Dans le cas local on obtient le résultat suivant (trivial en mathématiques classiques, mais
significatif d’un point de vue constructif).
Fait 12.4.1 Un anneau de valuation est cohérent si, et seulement si, il est intègre.
J Un anneau de Prüfer est cohérent si, et seulement si, il est quasi intègre. Un anneau local est
connexe. Un anneau connexe est intègre si, et seulement si, il est quasi intègre. I
Fait 12.4.2
1. Un anneau zéro-dimensionnel réduit est un anneau de Prüfer cohérent.
2. Un localisé, un quotient réduit d’un anneau de Prüfer cohérent par un idéal de type fini est
un anneau de Prüfer cohérent.
3. Un anneau est de Prüfer et cohérent si et seulement s’il a la même propriété après localisa-
tion en des monoïdes comaximaux.
Un simple rappel ci-après : le point 1. est valable pour les anneaux quasi intègres et le point
2. pour les anneaux arithmétiques.
que le résultat soit acquis dans chacune des composantes ei N (vue comme A[1/ei ]-module). Et
cela donne immédiatement le résultat global.
5. Dans le cas où A est intègre, cela résulte du point 1. puisque chaque idéal dans la décomposition
en somme directe est de rang 0 ou 1.
On peut déduire le cas général par la machinerie locale-globale élémentaire. Voici une autre
démonstration2 , indépendante de la démonstration du point 1. Si M est de rang constant k > 1,
alors son dual M ? l’est également, leurs annulateurs sont nuls, et il existe µ ∈ M ? tel que
Ann(µ) = h0i (cf. lemme 4.6.4). Alors µ(M ) est un idéal inversible de A car son annulateur est
également nul. De plus, M ' Ker µ ⊕ Im µ, ce qui prouve que Ker µ est projectif de type fini de
rang constant k − 1. On termine par récurrence.
6. On considère M comme somme directe de ses composantes de rang 1, . . . , k et l’on applique le
point 4. à chacune d’elles. I
J Puisque f (X) = (X − s)g(X), le théorème de Kronecker donne que les bi et bi s sont entiers
sur A. On a
bn = an , bn−1 = bn s + an−1 , . . ., b1 = b2 s + a1 , 0 = b1 s + a0 .
Donc chaque ai ∈ c(g) + c(sg). Et, dans A0 [s], de proche en proche, bn ∈ c(f ), bn−1 ∈ c(f ), . . .,
b1 ∈ c(f ). I
Théorème 12.8 (une autre caractérisation des anneaux de Prüfer cohérents, voir aussi les
exercices 12.15 et 12.16)
Un anneau A est un anneau de Prüfer cohérent si, et seulement si, il est quasi intègre, intégrale-
ment clos dans Frac A, et si tout élément de Frac A est primitivement algébrique sur A.
2. Plus savante ou moins savante, c’est difficile à dire. Cela dépend des goûts.
12.4. Anneaux de Prüfer cohérents 477
J Supposons que A est un anneau de Prüfer cohérent. Il nous reste à montrer que tout élé-
ment
Frac A est primitivement algébrique sur A. Soit x = a/b ∈ Frac A. Il y a une matrice
de
s u
∈ M2 (A), de localisation principale pour (b, a), i.e. s + t = 1, sa = ub et va = tb. Ce qui
v t
donne sx − u = 0 et t = vx. Ainsi x annule le polynôme primitif −u + sX + X 2 (t − vX), ou si
l’on préfère t − (u + v)X + sX 2 .
Voyons la réciproque. Il suffit de faire la preuve dans le cas intègre. On doit montrer que tout
idéal ha, bi est localement principal. On suppose sans perte de généralité a, b ∈ Reg(A). L’élément
s = a/b annule un polynôme primitif f (X). Puisque c(f ) = h1i dans A, d’après le lemme
12.4.4 (points 1. et 2.), on a des éléments b1 , . . . , bn , b1 s, . . . , bn s comaximaux dans A. On a alors
s ∈ A[1/bi ] et 1/s ∈ A[1/(bi s)] : dans chacune des localisations comaximales, a divise b ou b
divise a. I
Le théorème qui suit contient une nouvelle démonstration de la stabilité des anneaux de
Prüfer intègres par extension entière et intégralement close (cf. théorème 12.4 page 472). Elle
semble d’une facilité déconcertante par rapport à celle donnée sans l’hypothèse de cohérence.
Théorème 12.9 Si B est un anneau quasi intègre normal, et une extension entière d’un anneau
de Prüfer cohérent A, alors B est un anneau de Prüfer cohérent.
J Voyons d’abord le cas où B est intègre et non trivial. Soit s ∈ Frac B. Il suffit de montrer que
s est primitivement algébrique sur B. On a un polynôme non nul f (X) ∈ A[X] tel que f (s) = 0.
Cas où A est un anneau de Bezout. On divise f par c(f ) et l’on obtient un polynôme primitif
qui annule s.
Cas d’un anneau de Prüfer. Après localisation en des éléments comaximaux, c(f ) est engendré
par un de ses coefficients, le premier cas s’applique.
Dans le cas général, la machinerie locale-globale élémentaire des anneaux quasi intègres nous
ramène au cas intègre. I
Voici maintenant l’analogue de la proposition 3.8.14, qui décrivait l’anneau d’entiers d’un
corps de nombres. Dans le cas où A est un anneau de Bezout intègre, on aurait pu reprendre
presque mot pour mot les mêmes démonstrations.
Note : on aurait aussi bien pu utiliser le polynôme caractéristique, mais la démonstration qui
utilise le polynôme minimal fonctionne dans un cadre plus général (il suffit que L soit algébrique
sur K et que l’on sache calculer les polynômes minimaux).
5. On fait la démonstration dans le cas où A est un anneau de Bezout intègre. Le résultat
dans le cas général se démontre ensuite à partir de cette preuve en utilisant les machineries
locales-globales des anneaux quasi intègres et des anneaux arithmétiques.
Soit z un élément de B que l’on écrit z = h(x)/δ, avec δ ∈ Reg A, hδi + c(h) = h1i et
degX (g) < n = degX (f ). On va montrer, résultat plus précis, que δ 2 divise discX (f ).
Le sous-module M = A[x] + zA de B est un sous-A-module de type fini de 1δ A[x], et 1δ A[x] est
libre de rang n. Donc M est un A-module projectif de type fini, et puisque A est de Bezout
intègre, M est libre de rang n sur A.
Si d est le déterminant d’une matrice qui exprime la base naturelle B0 de A[x] sur une base B1
de M , on obtient :
d2 discK[x]/K (B1 ) = discK[x]/K (B0 ) = discX (f )
(propositions 2.5.25 et 3.5.10). Enfin hdi = hδi d’après le lemme 3.8.15.
3. On va démontrer le résultat sous la même hypothèse que celle faite en 5. Ceci n’est pas restrictif :
d’après le théorème 6.4 page 209, L est un produit de K-algèbres étales monogènes ; il suffit donc
de montrer le résultat lorsque L est du type K[y] = K[Y ]/hF i, où F est un polynôme unitaire
séparable de K[Y ], mais on a aussi pour un a ∈ Reg A, x = ay ∈ B et L = K[x] = K[X]/hf i où
f est un polynôme unitaire de A[X] avec discX (f ) ∈ Reg A.
Soit b1 ⊆ b2 ⊆ · · · ⊆ bn ⊆ · · · une suite d’idéaux de type fini de B que l’on écrit bn = hGn iB
avec Gn ⊆ Gn+1 ; on définit
P
Ln = discX (f ) · g∈Gn Ag ⊆ A[x]
Alors L1 ⊆ L2 ⊆ · · · ⊆ Ln ⊆ · · · est une suite de sous-A-modules de type fini de A[x]. Or A[x]
est un A-module libre de rang fini (égal à deg(f )), donc nœthérien. On termine en notant que si
Lm = Lm+1 alors bm = bm+1 .
4. Résulte de 2. et 3.
6. En effet discX (f ) B ⊆ A[x] ⊆ B. I
Remarque. Le théorème précédent s’applique dans deux cas importants dans l’histoire de l’algèbre
commutative.
Le premier cas est celui des anneaux d’entiers de corps de nombres, avec A = Z et B l’anneau
d’entiers d’un corps de nombres (cas déjà examiné en section 3.8).
Le deuxième cas est celui des courbes algébriques. On considère un corps discret k, l’anneau
principal A = k[x] et un polynôme f (x, Y ) ∈ k[x, Y ] unitaire en Y , irréductible, avec discY (f ) 6= 0.
L’anneau A[y] = k[x, y] = k[x, Y ]/hf i est intègre. La courbe plane C d’équation f (x, Y ) = 0
peut avoir des points singuliers, auquel cas A[y] n’est pas arithmétique. Mais la clôture intégrale
B de A dans K[y] = K[Y ]/hf i est bien un anneau de Prüfer. Le corps K[y] est appelé le corps
de fonctions de C. L’anneau B correspond à une courbe (qui n’est plus nécessairement plane)
sans point singulier, avec le même corps de fonctions que C.
J L’annulateur de hx1 , . . . , xn i est nul, donc on peut par manipulations élémentaires transformer
le vecteur (colonne) v = t[ x1 · · · xn ] en t[ y1 x2 · · · xn ] unimodulaire où y1 ∈ Reg(A) (cf.
lemme 4.6.4). Considérons l’anneau B = A/hy1 i. Cet anneau est zéro-dimensionnel et le vecteur
v est transformé en t[ 0 x2 · · · xn ] toujours unimodulaire. Puisque n > 3, on peut transformer
dans B par manipulations élémentaires t[ x2 · · · xn ] en t[ 1 0 · · · 0 ]. Regardons dans A ce que
l’on obtient alors : t[ y1 1 + ay1 z3 · · · zn ], d’où ensuite, toujours par manipulations élémentaires
t[ y 1 z · · · z ], puis t[ 1 0 · · · 0 ].
1 3 n I
Le théorème suivant généralise le résultat analogue déjà obtenu en théorie des nombres
(corollaire 5.2.1). Le point 1. concerne les idéaux inversibles. Le point 2. s’applique à tous les
idéaux de type fini d’un anneau de Prüfer cohérent de dimension 6 1. Une généralisation est
proposée dans le théorème 13.3 page 514.
J La démonstration du point 1. est identique à celle du corollaire 5.2.1 qui donnait le résultat
en théorie des nombres.
2. Tout idéal de type fini a contient un élément a tel que Ann(a) = Ann(a) (corollaire 4.6.5). On
passe au quotient A/h1 − ei où e est l’idempotent tel que Ann(a) = Ann(e) et l’on applique le
point 1. I
J Soient y ∈ Rad(A) et x ∈ a tous deux réguliers. Alors a ∩ Rad(A) contient a = xy qui est
2 2
régulier. Par le théorème un et demi, il existe z ∈ a tel que a = a , z . Donc a = ua + vz ce qui
donne a(1 − ua) = vz et puisque a ∈ Rad(A), a ∈ hzi donc a = hzi. I
Nous revisitons maintenant le résultat classique suivant, dans lequel nous allons nous débar-
rasser de l’hypothèse nœthérienne : si A est un anneau nœthérien intègre de dimension inférieure
ou égale à 1 et a, b deux idéaux avec a inversible et b 6= 0, alors il existe u ∈ Frac(A) tel que
u a ⊆ A et ua + b = h1i.
Lemme 12.5.2 Soit A un anneau quasi intègre (par exemple un anneau de Prüfer cohérent)
de dimension inférieure ou égale à 1. Soit a un idéal inversible de A et b un idéal contenant
un élément régulier. Alors il existe un élément u inversible dans Frac(A) tel que ua ⊆ A et
ua + b = h1i.
J Nous faisons la démonstration dans le cas intègre, en laissant le soin au lecteur d’appliquer
ensuite la machinerie locale-globale élémentaire des anneaux quasi intègres. Pour lui faciliter la
tâche, nous ne supposons pas A non trivial et nous mettons (( régulier )) lorsque dans le cas non
trivial nous aurions mis (( non nul )).
On cherche a et b réguliers tels que ab a ⊆ A, c’est-à-dire encore b a ⊆ aA, et A = ab a + b. Si c
est un élément régulier de b, comme la condition devrait être aussi réalisée lorsque b est l’idéal
480 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
cA, on doit trouver a et b réguliers tels que b a ⊆ aA et A = ab a + cA. Si l’on s’arrange pour
que a ∈ a, on aura b ∈ ab a et il suffit donc de réaliser les conditions b a ⊆ aA et A = hb, ci. C’est
ce que nous allons faire.
Soit c ∈ a ∩ b un élément régulier (par exemple le produit de deux éléments réguliers, l’un de a et
l’autre de b). D’après le théorème un et demi, il existe a ∈ a tel que a = a, c2 = ha, ci. Si a = 0
l’idéal a = hci est idempotent donc égal à h1i et ce n’était donc pas la peine de se fatiguer3 : on
pouvait choisir b = a = 1.
On suppose donc a régulier. Puisque c ∈ a on a une égalité c = αa+βc2 ce qui donne c(1−βc) = αa.
Posons b = 1 − βc de sorte que A = hb, ci. On obtient b a = b ha, ci = hba, bci = a hb, αi ⊆ aA. Si
b est régulier on a donc gagné, et si b = 0, alors 1 ∈ hci et ce n’était pas la peine de se fatiguer.
I
Proposition 12.5.3 Soit a un idéal inversible d’un anneau intègre A vérifiant Kdim A 6 1.
Pour tout idéal non nul b de A, on a un isomorphisme de A-modules a/ab ' A/b.
d’où le résultat. I
J Soit b un idéal de type fini. Son annulateur est engendré par un idempotent e. Alors a = b+hei
est inversible et b = (1 − e)a. Il suffit de montrer que a est principal. Or cela résulte de la
proposition 12.5.1. I
Le théorème précédent et le suivant sont à comparer avec le théorème 11.8 page 435 qui
affirme qu’un anneau intègre à pgcd de dimension 6 1 est un anneau de Bezout.
3. Notons cependant que nous ne sommes pas censés savoir d’avance si un idéal inversible de A contient 1,
nous ne nous sommes donc pas fatigués complètement pour rien, le calcul nous a permis de savoir que 1 ∈ a.
4. Voir la définition constructive d’un anneau de Dedekind, page 484.
12.6. Anneaux de Prüfer cohérents de dimension 6 1 481
Remarques. Pour l’unicité de la décomposition, voir le théorème 4.4 page 141. Par ailleurs la
démonstration montre que la réduction peut se faire avec des produits de matrices élémentaires.
Enfin une généralisation est proposée en exercice 12.17.
Réduction de matrices
Nous donnons un théorème de forme réduite pour une matrice ligne, à la Bezout. Il serait
intéressant de le généraliser à une matrice quelconque.
Théorème 12.17 Soit A un anneau de Prüfer cohérent de dimension 6 1 et x1 , . . . , xn ∈ A. Il
existe une matrice inversible M qui transforme t[ x1 · · · xn ] en t[ y1 y2 0 · · · 0 ].
J Il suffit de traiter le cas où n = 3.
Si e est un idempotent, alors GLn (A) ' GLn (Ae ) × GLn (A1−e ) : quitte à localiser en inversant
l’idempotent annulateur de hx1 , x2 , x3 i et son complémentaire, on peut donc supposer que
Ann(hx1 , x2 , x3 i) = h0i.
Soit A une matrice de localisation principale pour (x1 , x2 , x3 ). Le module K = Im(I3 − A) est le
noyau de la forme linéaire associée au vecteur ligne X = [ x1 x2 x3 ] et c’est un module projectif
de rang 2 en facteur direct dans A3 . Le théorème 12.15 page précédente nous dit que K contient
un sous-module libre de rang 1 en facteur direct dans A3 , c’est-à-dire un module Av où v est un
vecteur unimodulaire de A3 . Par le théorème 12.11 page 479, ce vecteur est la dernière colonne
d’une matrice inversible A ; le dernier coefficient de XA est nul et la matrice M = tA convient.
I
Factorisations générales
Dans un anneau arithmétique général il semble que l’on n’a pas de résultats de factorisation
qui aillent au delà de ce qui découle du fait que les idéaux inversibles (c’est-à-dire les idéaux
de type fini contenant un élément régulier) forment un monoïde à pgcd, et plus précisément la
partie positive d’un groupe réticulé.
Par exemple le théorème de Riesz se relit comme suit.
Factorisations en dimension 1
Théorème 12.19 Dans un anneau de Prüfer cohérent de dimension inférieure ou égale à 1, on
considère deux idéaux de type fini a et b avec a inversible. Alors on peut écrire :
a = a1 a2 avec a1 + b = h1i et bn ⊆ a2
pour un entier n convenable. Cette écriture est unique et l’on a
a1 + a2 = h1i , a2 = a + bn = a + bn+1 .
J Ceci est un cas particulier du lemme 11.3.7. I
Remarque. On n’a pas besoin de supposer les idéaux détachables.
Théorème 12.20 Soit dans un anneau de Prüfer cohérent de dimension inférieure ou égale
à 1, des idéaux de type fini deux à deux comaximaux p1 , . . . , pn et un idéal inversible a. Alors
on peut écrire a = a0 · a1 · · · an avec les idéaux de type fini a0 , . . . , an deux à deux comaxi-
m
maux et, pour j > 1, pj j ⊆ aj avec mj entier convenable. Cette écriture est unique et l’on a
mj 1+mj
aj = a + pj = a + pj .
J Par récurrence en utilisant le théorème 12.19 avec b ∈ {p1 , . . . , pn }. I
Définition 12.7.1 Soit F = (a1 , . . . , an ) une famille finie d’idéaux inversibles dans un anneau
A. On dit que F admet une factorisation partielle s’il existe une famille P = (p1 , . . . , pk )
d’idéaux inversibles deux à deux comaximaux telle que tout idéal aj peut s’écrire sous la forme :
m m
aj = p1 1j · · · pk kj (certains des mij peuvent être nuls). On dit alors que P est une base de
factorisation partielle pour la famille F .
Pour que le monoïde Ifr(A) soit discret il faut supposer que A est fortement discret. Ceci
conduit à la définition suivante.
Définition 12.7.2 Un anneau est appelé anneau de Prüfer à factorisation partielle si c’est un
anneau de Prüfer cohérent fortement discret5 et si toute famille finie d’idéaux inversibles admet
une factorisation partielle.
5. D’après la proposition 12.1.5 un anneau arithmétique est fortement discret si et seulement si la relation de
divisibilité est explicite.
484 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
Anneaux de Dedekind
Définition 12.7.4 On appelle anneau de Dedekind un anneau de Prüfer cohérent fortement
discret et nœthérien. Un domaine de Dedekind est un anneau de Dedekind intègre (ou encore
connexe).
Théorème 12.21 Un anneau de Dedekind est un anneau de Prüfer à factorisation partielle,
donc de dimension inférieure ou égale à 1.
J Le théorème 11.4 page 430 donne le résultat de factorisation partielle dans le cadre des treillis
distributifs et l’on termine avec le lemme 12.7.3. I
Théorème 12.22 (caractérisations des anneaux de Dedekind)
Pour un anneau A les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. A est un anneau de Dedekind.
2. A est quasi intègre, arithmétique, à divisibilité explicite et nœthérien.
3. A est quasi intègre, normal, de dimension inférieure ou égale à 1, à divisibilité explicite et
nœthérien.
J Puisque A est un anneau de Prüfer cohérent si, et seulement si, il est arithmétique et quasi
intègre, et puisque un anneau arithmétique est fortement discret si, et seulement si, il est à
divisibilité explicite, les points 1. et 2. sont équivalents. L’implication 1. ⇒ 3. résulte du théo-
rème 12.21, et le théorème 12.14 page 481 donne la réciproque (il faut simplement rajouter
fortement discret et nœthérien dans l’hypothèse et la conclusion). I
Définition 12.7.5 Soit a un idéal dans un anneau A. On dit que a admet une factorisation
mk
totale s’il s’écrit a = pm
1 · · · pk (mi > 0, k > 0) avec les idéaux pi maximaux stricts détachables
1
(autrement dit chaque anneau A/pi est un corps discret non trivial).
Théorème et définition 12.23 Pour un anneau A quasi intègre fortement discret non trivial,
les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. Tout idéal principal hai =
6 h1i avec a ∈ Reg A admet une factorisation totale.
2. L’anneau A est un anneau de Dedekind, et tout idéal inversible 6= h1i admet une factori-
sation totale.
Un tel anneau est appelé un anneau de Dedekind à factorisation totale.
J Il faut montrer que 1. implique 2. On traite le cas intègre (le cas quasi intègre s’en déduit
facilement).
On se reporte à l’exercice 3.22 et à sa correction. On voit que tout idéal de type fini contenant un
élément régulier est inversible, et qu’il admet une factorisation totale. Le théorème 12.6 page 474
nous dit alors que A est un anneau de Prüfer cohérent. Il reste à voir qu’il est nœthérien. On
mk
considère un idéal de type fini et sa factorisation totale a = pm 1 · · · pk . Tout idéal de type
1
fini b ⊇ a s’écrit pn1 1 · · · pnk k avec les ni ∈ J0..mi K. Toute suite croissante d’idéaux de type fini
démarrant avec a admet donc deux termes consécutifs égaux. I
Exercices et problèmes 485
Remarque. L’exercice 3.22 n’utilise aucun attirail théorique compliqué. Aussi il est possible
d’exposer la théorie des anneaux de Dedekind en commençant par le théorème précédent, qui
conduit rapidement aux résultats essentiels. Le principal inconvénient de cette approche est
qu’elle est basée sur une propriété de factorisation totale qui n’est pas généralement satisfaite du
point de vue constructif, même par les anneaux principaux, et qui ne s’étend pas en général aux
extensions entières.
Rappelons que nous avons déjà établi le théorème 12.10 page 477 concernant les extensions
finies d’anneaux de Dedekind.
Nous pouvons rajouter la précision suivante.
J L’hypothèse supplémentaire n’est pas vraiment restrictive car d’après le théorème 6.4 page 209,
L est un produit de K-algèbres étales monogènes. D’après le point 6. du théorème 12.10 page 477
on a les inclusions
1
A[x] ⊆ B ⊆ discX (f ) A[x].
1
Les sous-A-modules de discX (f ) A[x] contenant A[x] peuvent être vus comme des sous-A-modules
deg(f )
de A1 avec A1 = A/hdiscX (f )i.
deg(f )
Comme hdiscX (f )i admet une factorisation totale, les sous-A-modules de type fini de A1
1
forment un ensemble fini. Donc les sous-A-modules de type fini de discX (f ) A[x] contenant A[x]
forment un ensemble fini.
Pour chacun d’entre eux on peut tester s’il est contenu dans B, et le plus grand possible est
nécessairement égal à B. On conclut avec le théorème 12.7 page 475. I
J On sait déjà que le principe local-global concret fonctionne pour les anneaux de Prüfer et pour
les anneaux cohérents avec des monoïdes comaximaux. Il en va de même pour les anneaux ou
modules nœthériens (une démonstration est donnée avec le principe local-global 15.2 page 576).
Il reste à examiner la propriété (( fortement discret )) dans le cas d’éléments comaximaux. Soit a
un idéal de type fini et x ∈ A. Il est clair que si l’on a un test pour x ∈ aAsi pour chacun des si ,
cela fournit un test pour x ∈ aA. La difficulté est dans l’autre sens : si A est fortement discret et
si s ∈ A, alors A[1/s] est fortement discret. Ce n’est pas vrai en général, mais c’est vrai pour les
anneaux cohérents nœthériens. En effet, l’appartenance x ∈ aA[1/s] équivaut à x ∈ (a : s∞ )A .
Or l’idéal (a : s∞ )A est la réunion de la suite croissante des idéaux de type fini (a : sn )A , et dès
que (a : sn )A = (a : sn+1 )A , la suite devient constante. I
Exercices et problèmes
Exercice 12.1 (encore un (( determinant trick )))
Soit E un A-module fidèle engendré par n éléments et a ⊆ b deux idéaux de A vérifiant aE = bE. Montrer
que abn−1 = bn .
486 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
Exercice 12.4 (Quelques autres propriétés caractéristiques des anneaux arithmétiques) Pour un anneau
A, les propriétés suivantes sont équivalentes.
(1) A est un anneau arithmétique.
(2.1) Pour tous idéaux a, b et c on a a ∩ (b + c) = (a ∩ b) + (a ∩ c).
(2.2) Même chose en se limitant aux idéaux principaux.
(2.3) Même chose en se limitant au cas b = hxi, c = hyi et a = hx + yi .
(3.1) Pour tous idéaux a, b et c on a a + (b ∩ c) = (a + b) ∩ (a + c).
(3.2) Même chose en se limitant aux idéaux principaux.
(3.3) Même chose en se limitant au cas a = hxi, b = hyi et c = hx + yi .
(4.1) Pour tous idéaux de type fini a, b et c on a (b + c) : a = (b : a) + (c : a).
(4.2) Même chose avec b et c idéaux principaux et a = b + c.
(5.1) Pour tout idéal a et tous idéaux de type fini b et c on a a : (b ∩ c) = (a : b) + (a : c).
(5.2) Même chose avec b et c idéaux principaux et a = b ∩ c.
Indication : pour démontrer que les conditions sont nécessaires on utilise la méthode générale expliquée
page 316.
Exercice 12.5 Démontrer en mathématiques classiques qu’un anneau est normal si, et seulement si, il
devient normal lorsque l’on localise en un idéal premier arbitraire (rappelons que dans le cas intègre,
normal signifie intégralement clos dans son corps de fractions).
Exercice 12.7 (un défaut d’intégralité par extension des scalaires) Soit k un corps discret de caractéris-
tique p > 3, a ∈ k et f = Y 2 − f (X) ∈ k[X, Y ] avec f (X) = X p − a.
1. Montrer que Y 2 − f (X) est absolument irréductible, i.e. pour tout surcorps k0 ⊇ k, Y 2 − f (X) est
irréductible dans k0 [X, Y ].
On note k[x, y] = k[X, Y ] Y 2 − f (X) et k(x, y) = Frac(k[x, y]).
2. Montrer que k est algébriquement fermé dans k(x, y) et que pour toute extension algébrique k0 de k,
on a k0 ⊗k k(x, y) = k0 (x, y).
3. On suppose que a ∈ / kp . Montrer que k[x, y] est intégralement clos et que k(x, y)/k n’est pas un corps
de fractions rationnelles à une indéterminée sur k.
4. On suppose a ∈ kp (par exemple a = 0). Montrer que k[x, y] n’est pas intégralement clos et expliciter
t ∈ k(x, y) tel que k(x, y) = k(t).
Exercices et problèmes 487
Exercice 12.8 (l’anneau des fonctions sur la droite projective privée d’un nombre fini de points)
On utilise dans cet exercice de manière informelle les notions de schéma affine et de droite projective qui
ont déjà été discutées dans les sections 6.3 et 10.4 (voir notamment les pages 376 à 378).
Si k est un corps discret, la k-algèbre (( des fonctions définies sur la droite affine A1 (k) )) est k[t]. Si l’on
pense à A1 (k) ∪ {∞} = P1 (k), les éléments de k[t] sont alors les fractions rationnelles sur P1 (k) qui sont
(( définies partout, sauf peut-être en ∞ )).
Soient t1 , . . . , tr , r points de cette droite affine (on peut avoir r = 0 et on ne suppose pas les ti distincts).
On munit A1 (k) \ {t1 , . . . , tr } (droite affine privée de r points) d’une structure de variété affine en forçant
l’inversibilité de (t − t1 ) · · · (t − tr ) i.e. en considérant une nouvelle indéterminée x et en définissant
B = k[t, (t − t1 )−1 , . . . , (t − tr )−1 ] = k[t, ((t − t1 ) · · · (t − tr ))−1 ] ' k[t, x]/hF (t, x)i ,
avec F (t, x) = (t − t1 ) · · · (t − tr )x − 1. Cette k-algèbre B, qui apparait comme la k-algèbre des fonctions
définies partout sauf aux points t = ∞ et t = ti , est un anneau intégralement clos et même un anneau de
Bezout (localisé de k[t]).
De manière analogue, pour n points t1 , . . . , tn de la droite affine (avec n > 1 cette fois), on peut considérer
la k-algèbre A
A = k[(t − t1 )−1 , . . . , (t − tn )−1 ].
Cette k-algèbre A est un localisé de k[(t − t1 )−1 ] puisqu’en posant v = (t − t1 )−1 , on a t − ti =
((t1 − ti )v + 1)/v. C’est donc un anneau intégralement clos (et même un anneau de Bezout). Il est facile
de voir qu’en notant p(t) = (t − t1 ) · · · (t − tn ), on a l’égalité
A = k[1/p, t/p, . . . , tn−1 /p].
La k-algèbre A, constituée des fractions rationnelles u/ps avec deg(u) 6 ns, apparait comme celle des
fonctions définies partout (y compris au point t = ∞) sauf aux points ti . Si on pense à A1 (k) ∪ {∞} \
{t1 , . . . , tn } = P1 (k) \ {t1 , . . . , tn }, on peut convenir que A est la k-algèbre des fonctions définies sur la
droite projective privée des points t1 , . . . , tn .
On étudie dans cet exercice un cas plus général où p est un polynôme unitaire de degré n > 1.
Soit k un corps discret, p(t) = tn + an−1 tn−1 + · · · + a1 t + a0 ∈ k[t] (n > 1), t une indéterminée. On pose
xi = ti /p.
Montrer que la clôture intégrale de k[x0 ] dans k(t) est la k-algèbre
A = k[x0 , . . . , xn−1 ] = { u/ps | s ∈ N, u ∈ k[t], deg(u) 6 ns } .
En outre Frac(A) = k(t).
Exercice 12.9 (une présentation de l’algèbre des fonctions sur la droite projective privée d’un nombre
fini de points)
Le contexte est celui de l’exercice 12.8 mais ici k est un anneau quelconque. On note p = an tn + · · · +
a1 t + a0 ∈ k[t] un polynôme unitaire (an = 1) et
A = k[1/p, t/p, . . . , tn−1 /p].
On pose xi = ti /p pour i ∈ J0..n − 1K. La k-algèbre A est de la forme A = k[X]/a où X = (X0 , . . . , Xn−1 )
et a est l’idéal des relateurs entre x0 , . . . , xn−1 . Il va se révéler commode de définir xn par xn = tn /p ; on
a donc xj = x0 tj et
Pn Pn−1
i=0 ai xi = 1 ou encore xn = 1 − i=0 ai xi .
L’égalité de droite prouve que xn ∈ A.
1. Vérifier que la famille R suivante est constituée de relateurs entre les xj , j ∈ J0..nK :
R : xi xj = xk x` pour i + j = k + `, 0 6 i, j, k, ` 6 n.
n(n−1)
Même chose pour la famille Rmin , constituée de 2 relateurs, extraite de R :
Rmin : xi xj = xi−1 xj+1 , 1 6 i 6 j 6 n − 1.
2. Montrer que la famille Rmin (donc R aussi) engendre l’idéal des relateurs entre les ti /p pour i ∈ J0..n−1K.
Cela signifie qu’en notant ϕ : k[X] → k[t, 1/p] le k-morphisme qui réalise Xi 7→ ti /p pour i ∈ J0..n − 1K et
Pn−1
en posant Xn = 1 − i=0 ai Xi , alors Ker ϕ est engendré par :
Xi Xj − Xi−1 Xj+1 , 16i6j 6n−1
On pourra faire intervenir le k-module k[X0 ] ⊕ k[X0 ]X1 ⊕ · · · ⊕ k[X0 ]Xn−1 .
2. Montrer que toute sous-A-algèbre B de K de type fini est intersection d’un nombre fini de localisés
(( simples )) de A, i.e. de la forme As avec s ∈ A. En conséquence, B est intégralement clos puis de Prüfer.
3. En déduire que tout anneau intermédiaire entre A et K est de Prüfer.
4. Donner un exemple d’anneau intègre A, intégralement clos pour lequel il existe B, A ⊂ B ⊂ Frac(A)
tel que B ne soit pas intégralement clos (en particulier, B n’est pas un localisé de A).
Note : on sait que B est un anneau de Prüfer (théorème 12.4) ; dans le cas où B est intègre, la question
3d. en fournit une nouvelle preuve.
4. Soit k un corps discret avec 2 inversible, f (X) ∈ k[X] un polynôme unitaire séparable. Le polynôme
2 Y 2−
f (X) ∈ k[X, Y ] est absolument irréductible (voir exercice 12.7) ; on pose k[x, y] = k[X, Y ] Y − f (X) .
Montrer que k[x, y] est un anneau de Prüfer.
3. Soit M ⊆ Nn le sous-monoïde des matrices magiques (cf. l’exercice 7.4) ; alors k[M ] est intégralement
clos pour tout corps discret k.
et en particulier :
dimk (E ∩ E 0 ) =
P P
di >0 (1 + di ) = di >−1 (1 + di )
7. On suppose que L est une K-extension finie de degré n ; on définit des clôtures intégrales dans L : B
celle de A, B∞ celle de A∞ et k0 celle de k. On dit qu’une base e = (e1 , . . . , en ) de B sur A est normale
à l’infini s’il existe r1 , . . . , rn ∈ K∗ tels que r1 e1 , . . . , rn en est une A∞ -base de B∞ . Montrer que les
éléments de e (( entiers à l’infini )), i.e. qui appartiennent à B∞ , forment une k-base de l’extension k0 .
8. Soit k = Q, L = k[X, Y ] X 2 + Y 2 = k[x, y], A = k[x]. Montrer que (y + 1, y/x) est une A-base de
B mais qu’elle n’est pas normale à l’infini. Expliciter une base normale à l’infini de B/A .
Problème 12.4 (anneau des fonctions d’une courbe hyper-elliptique affine ayant un seul point à l’infini)
On utilisera ici une notion de norme d’un idéal dans le contexte suivant : B étant une A-algèbre libre de
rang fini n et b un idéal de type fini de B, la norme de b est l’idéal
def
NB/A (b) = N(b) = FA,0 (B/b ) ⊆ A.
Il est clair que pour b ∈ B, N(bB) = NB/A (b)A, que N(aB) = an pour a un idéal de type fini de A et que
b1 ⊆ b2 ⇒ N(b1 ) ⊆ N(b2 ).
Soit k un corps de caractéristique 6= 2, f = f (X) ∈ k[X] un polynôme unitaire séparable
de degré impair
2g+1. Le polynôme Y 2 −f (X) ∈ k[X, Y ] est absolument irréductible ; on pose B = k[X, Y ] Y 2 − f (X) =
k[x, y] et A = k[x] ' k[X]. L’anneau B est intègre, c’est un A-module libre de base (1, y). Pour z = a + by,
a, b ∈ A on note z = a − yb, et N = NB/A , de sorte que N(z) = zz = a2 − f b2 .
Le but du problème est de paramétrer les idéaux de type fini non nuls de B, de montrer que B est un
anneau de Prüfer et d’étudier le groupe Cl(B) des classes d’idéaux inversibles de B.
Si b est un idéal de type fini de B, son contenu est défini comme le 1-Fitting FA,1 (B/b ).
À deux éléments u, v ∈ A vérifiant v 2 ≡ f mod u, on associe le sous-A-module bu,v = Au + A(y − v).
On ne peut avoir u = 0 parce que f est séparable. On fera parfois intervenir le polynôme w ∈ A tel que
v 2 − uw = f et l’on notera bu,v,w au lieu de bu,v (même si w est complétement déterminé par u, v).
1. Montrer que bu,v est un idéal de B et que bu,v = Au ⊕ A(y − v). Réciproquement, pour u, v ∈ A, si
Au + A(y − v) est un idéal de B, alors v 2 ≡ f mod u.
2. Montrer que A → B/bu,v induit un isomorphisme A/Au ' B/bu,v ; en conséquence, AnnA (B/bu,v ) =
Au. En déduire (( l’unicité de u )) :
u1 , u2 unitaires et bu1 ,v1 = bu2 ,v2 =⇒ u1 = u2 .
Vérifier également que N(bu,v ) = uA et que v est unique modulo u :
bu,v1 = bu,v2 ⇐⇒ v1 ≡ v2 mod u
3. Montrer que
bu,v,w bw,v,u = hy − viB , bu,v bu,−v = huiB .
En conséquence, l’idéal bu,v est inversible. De plus, pour u = u1 u2 vérifiant v 2 ≡ f mod u, on a
bu,v = bu1 ,v bu2 ,v .
4. Soit b un idéal de type fini non nul de B.
a. Montrer qu’il existe deux polynômes unitaires uniques d, u ∈ A et v ∈ A avec v 2 ≡ f mod u tels
que b = dbu,v . En conséquence, b est un idéal inversible (donc B est un anneau de Prüfer). De plus,
v est unique modulo u donc unique si l’on impose deg v < deg u.
b. En déduire que bb = N(b)B puis que la norme est multiplicative sur les idéaux.
c. Montrer que B/b est un k-espace vectoriel de dimension finie et que dimk (B/b ) = dimk (A/a ) avec
a = N(b). Cet entier sera noté deg(b). Vérifier que que deg(bu,v ) = deg u, que deg(b) = deg N(b) et
enfin que deg est additif, i.e. que deg(b1 b2 ) = deg(b1 ) + deg(b2 ).
Soient u, v ∈ A avec v 2 ≡ f mod u. On dit que le couple (u, v) est réduit si u est unitaire et
deg v < deg u 6 g ; par abus de langage, on dit aussi que bu,v est réduit. Par exemple, si (x0 , y0 )
est un point de la courbe hyperelliptique y 2 = f (x), son idéal hx − x0 , y − y0 i est un idéal réduit (prendre
u(x) = x − x0 , v = y0 ).
5. Montrer que tout idéal de type fini non nul de B est associé à un idéal réduit de B (deux idéaux a et a0
sont dits associés s’il existe deux éléments réguliers a et a0 tels que aa0 = a0 a, on note alors a ∼ a0 ).
6. Dans cette question, pour un idéal de type fini non nul b de B, on désigne par N(b) le polynôme unitaire
générateur de l’idéal NB/A (b). Soit bu,v un idéal réduit.
492 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
a. Soit z ∈ bu,v \ {0} de sorte que u = N(bu,v ) | N(z), i.e. N(z)/N(bu,v ) est un polynôme. Montrer que
(x(t), y(t))
1. Montrer que F est un polynôme absolument irréductible. On pourra montrer le résultat général
suivant : soit k un anneau intègre, k[T ] un anneau de polynômes à plusieurs indéterminées et F ∈ k[T ],
F = FN + FN +1 avec FN , FN +1 homogènes non nuls, de degrés respectifs N, N + 1. Alors dans toute
factorisation F = GH, l’un des deux polynômes G ou H est homogène ; de plus, si k est un corps, alors F
est irréductible si, et seulement si, FN , FN +1 sont premiers entre eux.
2. Déterminer les points singuliers de la courbe F = 0.
On note L = k(x, y) et B la clôture intégrale de k[x, y] dans L.
3. Soit t = y/x de sorte que L = k(x, t).
a. Déterminer une équation primitive algébrique de t sur k[x]. On note G(X, T ) = a4 T 4 +· · ·+a1 T +a0 ∈
k[X][T ], avec ai = ai (X) ∈ k[X], un tel polynôme primitif, vérifiant donc G(x, t) = 0. Vérifier que
(x = 0, t = 0) est un point lisse de la courbe G = 0.
b. Déterminer les entiers d’Emmanuel b4 , . . . , b1 associés à (G, t) avec A = k[x] comme anneau de
base. En déduire une matrice de localisation principale pour (x, y) et trouver l’idéal q de B que
hxiB = q hx, yiB .
4. Montrer qu’en fait L = k(t) et exprimer x, y comme fractions rationnelles en t à coefficients dans k.
5. Détermination de la clôture intégrale B de k[x, y] dans L.
a. Montrer que B = k[g0 , g1 ] avec g0 = 1/(1 + t2 ) et g1 = tg0 . Exprimer x, y dans k[g0 , g1 ]. Quelle est
(( l’équation )) vérifiée par g0 , g1 ?
Solutions d’exercices 493
Exercice 12.1 Il faut montrer l’inclusion bn ⊆ abn−1 . Soient (x1 , . . . , xn ) un système générateur de
E, X = t [ x1 · · · xn ], b1 , . . . , bn ∈ b et B = Diag(b1 , . . . , bn ). Puisque bi xi ∈ aE (i ∈ J1..nK), il existe
A ∈ Mn (a) telle que B X = A X. Soit C = B − A, il vient C X = 0 donc det(C) X = 0 et puisque E
est fidèle, det C = 0. En développant ce déterminant il vient b1 · · · bn + a = 0 avec a ∈ abn−1 (parce que
a ⊆ b).
Exercice 12.2 1. Immédiat car si B = 11 12 , B
b b e = b22 −b12 et [x y ]B = [x0 y 0 ] avec :
b21 b22 −b21 b11
0
−b 21 b11
0
b22 −b12
x = − , y =
x y x y
y
2. Il y a u, v ∈ b avec z = ux + vy et ux, uy, vx, vy multiples de z, ce que l’on écrit [v − u ] = zB.
−x
y
Comme [x y ] = 0, on a [x y ]zB = 0 ; de plus Tr(zB) = yv + xu = z.
−x
3. Dans le lemme en question, z = xn et l’anneau est localement sans diviseur de zéro. Les égalités
xn [x y ]B = 0 et xn (1 − Tr(B)) = 0 fournissent deux localisations comaximales de A : une dans laquelle
xn = 0, auquel cas x = 0 car l’anneau A et son localisé sont réduits, et l’autre dans laquelle [x y ]B = 0 et
Tr(B) = 1. Dans chacune d’entre elles, hx, yi est localement principal donc il l’est dans A.
Exercice 12.3 1. En effet A(X) est fidèlement plat sur A.
Pn
2. Soit f = k=0 ak X k ∈ A[X]. Pour chaque k, on a dans A une égalité
ha0 , . . . , an i hb0,k , . . . , bn,k i = hak i avec a0 b0,k + · · · + an bn,k = ak .
Pn
Considérons alors le polynôme gk = j=0 bj,k X n−j . Tous les coefficients de f gk sont dans hak i. On peut
donc écrire f gk = ak hk avec le coefficient de degré k dans hk égal à 1. Ceci implique que dans A(X),
ak ∈ hf i. Or on a f ∈ ha0 , . . . , an i dans A[X]. Ainsi, dans A(X), hf i = ha0 , . . . , an i.
On en déduit que A(X) est un anneau de Bezout, car pour f0 , . . . , fm ∈ A[X] de degrés < d, une
conséquence du résultat précédent est que dans A(X) :
hf0 , . . . , fm i = f0 + X d f1 + · · · + X dm fm .
3. D’après l’exercice 12.2, (x, y) admet une matrice de localisation principale sur B si, et seulement si, il
existe B ∈ M2 (B) de trace 1 vérifiant [ x y ]B = [ 0 0 ] : dans ce cas, B e est une matrice de localisation
principale pour (x, y). Soit donc B ∈ M2 (A(X)) vérifiant [ x y ]B = [ 0 0 ] et Tr(B) = 1. En multipliant les
p q
coefficients de B par un dénominateur commun, on obtient p, q, r, s ∈ A[X] tels que [ x y ] = [0 0]
r s
p qi
et p + s primitif. On a donc avec des notations évidentes [ x y ] i = [ 0 0 ]. Soient des ui ∈ A
ri si
P a b P pi qi
tels que ui (pi + si ) = 1 (p + s primitif). Alors en posant = u
i i r , on obtient
c d i si
a b
[x y] = [ 0 0 ] avec a, b, c, d ∈ A et a + d = 1.
c d
4. AhXi arithmétique ⇒ A arithmétique et
A arithmétique ⇐⇒ A(X) arithmétique ⇐⇒ A(X) Bezout.
494 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
Notons que la dernière équivalence résulte aussi du principe local-global 9.3 page 349. En outre le monoïde
de la divisibilité dans A(X), i.e. A(X)/A(X)× , est isomorphe au monoïde des idéaux de type fini de A.
Exercice 12.6 On montre seulement le premier point. Il est clair que K0 (X) est algébrique sur K(X).
Réciproquement, soit z ∈ L(X) algébrique sur K(X) ; il existe a ∈ K[X] non nul tel que az soit entier
sur K[X], a fortiori sur L[X] ; comme L[X] est un anneau à pgcd, on a az ∈ L[X]. Par ailleurs, on
sait que la fermeture intégrale de K[X] dans L[X] est K0 [X] (lemme 3.8.4) ; donc az ∈ K0 [X] puis
z = (az)/a ∈ K0 (X).
Exercice 12.7 1. Immédiat.
Dans la suite on va utiliser le fait que (1, y) est une k[x]-base de k[x, y] ; c’est aussi une k(x)-base de k(x, y)
et l’extension k(x, y)/k(x) est galoisienne de groupe hσi où σ : k(x, y) → k(x, y) est le k(x)-automorphisme
involutif qui réalise y 7→ −y.
2. Soit z = u(x) + yv(x) ∈ k(x, y) algébrique sur k. Alors z + σ(z) = 2u et zσ(z) = u2 − f v 2 sont
algébriques sur k et dans k(x) donc dans k. D’où u ∈ k, v = 0 et z = u ∈ k.
3. Comme a ∈ / kp , on voit facilement que f (X) est irréductible dans k[X]. Montrons que k[x, y] est la
fermeture intégrale de k[x] dans k(x, y). Soit z = u(x)+yv(x) ∈ k(x, y) entier sur k[x]. Alors z +σ(z) = 2u
et zσ(z) = u2 − f v 2 sont dans k(x) et entiers sur k[x] donc dans k[x]. On a donc f v 2 ∈ k[x] ; en utilisant
le fait que f est irréductible, on voit que v ∈ k[x]. Bilan : z ∈ k[x, y].
p−1
4. Soit α ∈ k tel que a = αp donc f (X) = (X − α)p . On pose t = y/(x − α) 2 . Alors t2 = x − α, donc
p−1
x ∈ k[t] puis y = t(x − α) 2 = tp ∈ k[t] donc k(x, y) = k(t). On voit que t est entier sur k[x] mais n’est
pas dans k[x, y] = k[x] ⊕ k[x]y. La fermeture intégrale de k[x] (ou de k[x, y]) dans k(x, y) est k[t] (qui
contient bien x et y).
Exercice 12.8 Rappelons que x0 = p1 . L’égalité
k[x0 , . . . , xn−1 ] = { u/ps | u ∈ k[t], deg(u) 6 ns }
est facile en remarquant que tn x0 ∈ k[x0 , . . . , xn−1 ] puisque
tn tn −p Pn−1 ti
p =1+ p ∈ i=0 k p .
Ecrivons que t est algébrique sur k(x0 ) comme racine en T du polynôme
p(T )x0 − 1 = x0 T n + x0 an−1 T n−1 + · · · + x0 a1 T + (x0 a0 − 1).
Les (( entiers d’Emmanuel )) (cf. lemme 12.4.4 ou exercice 12.10) sont
Exercice 12.10 En multipliant l’équation initiale par an−1 n , on obtient an s entier sur A. Ecrivons ensuite
l’équation initiale de la manière suivante :
(an s + an−1 )sn−1 + an−2 sn−2 + · · · + a1 s + a0 = 0, avec b = bn−1 = an s + an−1
et considérons l’anneau A[b]. Ainsi s annule un polynôme de A[b][X] dont le coefficient dominant est b ;
d’après ce qui précède, bs est entier sur A[b]. Mais b est entier sur A donc bs = an s2 + an−1 s est entier
sur A.
L’étape suivante consiste à écrire l’équation initiale sous la forme :
csn−2 + an−3 sn−3 + · · · + a1 s + a0 = 0, avec c = bn−2 = an s2 + an−1 s + an−2 .
Exercice 12.11 1. Soit J1..nK \ I = {i1 , i2 , . . .}. En utilisant le lemme 12.4.4, on voit que les coefficients
de h1 (T ) = h(T )/(T − xi1 ) sont entiers sur A, que ceux de h2 (T ) = h1 (TQ)/(T − xi2 ) sont Q entiers sur
A[coeffs. de h1 ], donc entiers sur A et ainsi de suite. Donc en posant q(T ) = i0 ∈I / (T − x i 0)
/ (T − yj ),
j 0 ∈J
0
les coefficients
Q du polynôme
Q h(T )/q(T ) sont entiers sur A. Le coefficient constant de ce dernier polynôme
est ±a0 b0 i∈I xi j∈J yj .
2. Fonctions symétriques élémentaires : on a ai = ±a0 Si (x), bj = ±b0 Sj (y) donc ai bj est entier sur A.
Exercice 12.12 Soit S ⊆ A \ {0} l’ensemble des dénominateurs b des éléments de B écrits sous la forme
a/b avec a, b ∈ A, b 6= 0 et 1 ∈ ha, bi. C’est clairement un monoïde. Pour montrer que B = AS , il suffit de
vérifier que S −1 ⊆ B ; soit a/b ∈ B écrit de manière irréductible ; il existe u, v ∈ A tels que 1 = ua + vb si
bien que 1/b = u(a/b) + v ∈ AB + A ⊆ B.
Exercice 12.13 Tout élément de K est algébrique sur n’importe quel anneau intermédiaire entre A et
K ; il reste à contrôler le caractère intégralement clos pour appliquer le théorème 12.8 page 476.
s c
1. Si x = a/b, avec a, b ∈ A, il y a une matrice ∈ M2 (A), de localisation principale pour (b, a),
t 1−s
i.e. s + t = 1, sa = cb et ta = (1 − s)b. Donc x = c/s = (1 − s)/t.
On a x ∈ A0s ∩A0t . Réciproquement, si x0 ∈ A0s ∩A0t , il y a a0 , b0 ∈ A0 , n, m ∈ N tels que x0 = a0 /sn = b0 /tm
donc, puisque 1/t = x/(1 − s), pour u, v ∈ A quelconques :
a0 b0 x m ua0 + vb0 xm
x0 = n
= m
= n .
s (1 − s) us + v(1 − s)m
Il suffit de prendre usn + v(1 − s)m = 1 pour constater que x0 ∈ A0 [x].
2. Soit B ⊆ K une A-algèbre engendrée par n éléments (n > 1). On écrit B = A0 [x] où A0 est une A-algè-
bre engendrée par n−1 éléments. D’après la question précédente, il existe s, t ∈ A tels que A0 [x] = A0s ∩A0t .
496 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
Par récurrence, il existe u1 , . . . , uk ∈ A tels que A0 = Au1 ∩ · · · ∩ Auk . Alors, A0s = Asu1 ∩ · · · ∩ Asuk ,
A0t = Atu1 ∩ · · · ∩ Atuk donc
B = Asu1 ∩ · · · ∩ Asuk ∩ Atu1 ∩ · · · ∩ Atuk .
3. Soit B un anneau intermédiaire et x ∈ K entier sur B. Alors x est entier sur une sous-A-algèbre de
type fini, donc appartient à cette sous-A-algèbre de type fini, donc à B, i.e. B est intégralement clos.
4. Soient x, y deux indéterminées sur un corps k, A = k[x, y], B = k[x, y, (x2 + y 2 )/xy]. Alors A est
intégralement clos mais pas B : en effet, x/y et y/x sont entiers sur B (leur somme et leur produit
appartient à B) mais x/y, y/x ∈
/ B comme on le vérifie facilement à l’aide d’un argument d’homogénéité.
Exercice 12.14 On a bx − a = 0 avec 1 = ua + vb. Le lecteur vérifiera que si f (Y ) ∈ A[Y ] satisfait à
f (y) = 0, alors f est multiple, dans A[Y ], de bY − 2a. Donc c(f ) ⊆ h2a, bi et comme 1 ∈
/ h2a, bi, y n’est
pas primitivement algébrique sur A.
Exercice 12.15 Les implications 4. ⇒ 3. ⇒ 2. et 5. ⇒ 2. sont triviales. Le théorème 12.5 page 473
donne 1. ⇒ 4. et le théorème 12.3 4d) page 470 donne 1. ⇒ 5.
2. ⇒ 1. x est primitivement algébrique sur A, on applique le théorème 12.8 page 476.
Exercice 12.16 On sait déjà que 1. ⇒ 2. ⇒ 3. et 1. ⇒ 5.
Montrons que 3. implique que l’anneau est arithmétique. Considérons un idéal à deux générateurs
arbitraire a = hy1 , y2 i et soit ri l’annulateur idempotent de yi . Considérons les idempotents orthogonaux :
e = (1 − r1 )(1 − r2 ), f = r1 (1 − r2 ), et g = r2 . On a e + f + g = 1. Si l’on localise en f ou g, un des yi est
nul et l’idéal a devient principal. Pour voir ce qui se passe si l’on localise en e considérons x1 = (1 − e) + ey1 ,
x2 = (1 − e) + ey2 . Ce sont des éléments réguliers. Donc l’idéal b = hx1 , x2 i est inversible dans A. Soient
alors u, v, w tels que ux1 = vx2 et (1 − u)x2 = wx1 . On multiplie par e et l’on obtient uey1 = vey2 et
(1 − u)ey2 = wey1 , ce qui implique que l’idéal aAe = hey1 , ey2 i Ae est localement principal.
5. ⇒ 4. Considérer d’abord f = aX + b, g = aX − b, puis f = aX + b, g = bX + a.
4. ⇒ 3. Soit a = ha, bi, avec a et b réguliers. Soient α, β tels que ab = αa2 + βb2 , et soit b = hαa, βbi. On
a ab ∈ ab, donc
a2 b2 ∈ a2 b2 = a2 , b2 α2 a2 , β 2 b2 .
Montrons l’égalité a2 b2 = a2 b2 , ce qui impliquera a inversible puisque a2 b2 est
2régulier.
En posant
2 2 2 2 4 2 2 4 2
u = αa , v = βb , il suffit
de montrer que u = α a et v = β
b sont dans a b . Par
définition,
u + v = ab ∈ ab et
uv ∈ a2 b2 donc u2 + v 2 = (u + v)2 − 2uv ∈ a2 b2 . Comme u2 , v 2 ∈ u2 + v 2 , uv ,
on a bien u2 , v 2 ∈ a2 b2 .
Exercice 12.17 On fait la démonstration dans le cas intègre. Le cas quasi intègre s’en déduit par
application de la machinerie locale-globale élémentaire usuelle.
1. Soit M ∈ An×m , p = inf(m, n). La proposition 8.4.6 nous donne des idéaux localement principaux ai
tels que
DA,1 (M ) = a1 , DA,2 (M ) = a21 a2 , DA,3 (M ) = a31 a22 a3 , DA,4 (M ) = a41 a32 a23 a4 , . . .
Puisque l’anneau est local-global les idéaux localement principaux aj sont principaux (principe local-
global 9.3 page 349). Posons aj = haj i et considérons la matrice M 0 ∈ An×m en forme de Smith, dont les
éléments diagonaux sont a1 , a1 a2 , . . ., a1 a2 · · · ap .
Comme dans la démonstration de la proposition 8.4.6 l’algorithme qui produit la forme réduite de Smith
dans le cas local et la machinerie locale-globale des anneaux arithmétiques nous fournissent un système
d’éléments comaximaux s1 , . . . , sr tel que, sur chaque A[1/si ], la matrice M admet une forme réduite de
Smith. En comparant les idéaux déterminantiels on voit que cette forme réduite peut toujours être prise
égale à M 0 (ici intervient le fait que sur un anneau intègre, deux générateurs d’un idéal principal sont
toujours associés).
Ainsi M et M 0 sont équivalentes sur chaque A[1/si ]. On conclut par le principe local-global 9.1 page 348
qu’elles sont équivalentes.
2. Conséquence immédiate du 1.
Exercice 12.18 1. On écrit E = Ax1 + · · · + Axn donc aE = ax1 + · · · + axn . En utilisant bE ⊆ aE,
on obtient une matrice A ∈ Mn (a) telle que b t[ x1 · · · xn ] = A t[ x1 · · · xn ]. Il suffit alors de poser
d = det(bIn − A).
2. Si deg(g) 6 m, on sait que c(f )m+1 c(g) = c(f )m c(f g) (lemme 3.2.1). En multipliant par c(g)m , on
obtient (c(f )c(g))m+1 = c(f g)(c(f )c(g))m .
3. On a b2 = ab, b05 = a1 b04 et b04 = a2 b03 .
Solutions d’exercices 497
on ne change pas le k[t]-module engendré par les colonnes. Par ailleurs, v(A01 ) > v(A1 ) ; en effet (en se
souvenant que λ1 = 1) :
def P
A01 /π v(A1 ) = s = λj Aj /π v(Aj )
λj 6=0
P
et v(s) > 0 puisque par hypothèse λj 6=0 λj Aj = 0. On itère ce processus qui finit par s’arrêter car à
P
chaque étape, la somme (entière) j v(Aj ) croit strictement tout en étant bornée par v(det A), invariant
par les opérations ci-dessus.
P
3. Soit y = P x, i.e. yi = j pij xj ; on a v(pij ) > 0, v(xj ) > v(x) donc v(yi ) > v(x) puis v(y) > v(x). Par
symétrie, v(y) = v(x). Le reste ne pose pas plus de difficultés.
4. A est A∞ -réduite si, et seulement si, tout coefficient diagonal (nécessairement non nul) divise (au sens
A∞ ) tous les coefficients de sa colonne.
5. Quitte à remplacer A par AQ avec Q ∈ GLn (A) convenable, on peut supposer que A est A∞ -réduite.
On va réaliser des opérations A ← P A avec P ∈ GLn (A∞ ) (i.e. considérer le A∞ -réseau engendré par les
lignes de A), ce qui ne modifie pas le caractère A∞ -réduit de A. Il existe P ∈ GLn (A∞ ) telle que P A
soit triangulaire supérieure et l’on remplace A par P A. Soient L1 , . . . , Ln les lignes de A ; on réalise alors
l’opération A∞ -élémentaire
L1 ← L1 − aa22 12
L2 rappel : a22 |A∞ a12
ce qui amène un 0 en position a12 (et la nouvelle matrice est toujours triangulaire, A∞ -réduite) ; on
continue pour annuler tous les coefficients de la première ligne (sauf a11 ) ; on peut ensuite passer à la
deuxième ligne et ainsi de suite de façon à obtenir une matrice diagonale (en utilisant constamment le fait
que dans une matrice triangulaire A∞ -réduite, chaque coefficient diagonal A∞ -divise tous les coefficients
de sa colonne). Comme A∞ est un anneau de valuation discrète, on peut faire en sorte que la matrice
diagonale finale obtenue soit Diag(π d1 , . . . , π dn ) avec di ∈ Z.
6a. Soit ε une A-base de E, ε0 une A∞ -base de E 0 (quelconques) et A = Matε,ε0 (IdL ). Il existe alors P ∈
GLn (A∞ ), Q ∈ GLn (A) telles que P AQ = Diag(t−d1 , . . . , t−dn ). Soient e et e0 définies par Mate,ε (IdL ) =
Q, Matε0 ,e0 (IdL ) = P . Alors e est une A-base de E, e0 une A∞ -base de E 0 et ei = t−di e0i .
6b. Puisque tj ei = tj−di e0i , il est clair que tj ei ∈ E ∩ E 0 pour 0 6 j 6 di . Réciproquement, soit y ∈ E ∩ E 0
que l’on écrit dans la A-base (ei ) et la A∞ -base (tdi ei )
y = i ai ei = i a0i tdi ei , ai ∈ A, a0i ∈ A∞
P P
D’où ai = a0i tdi ; si di < 0, on a donc ai = a0i = 0. Enfin, si ai 6= 0, on a 0 6 deg ai 6 di , d’où la k-base
annoncée.
7. Tout d’abord k0 = B ∩ B∞ , donc B et B∞ sont des k0 -espaces vectoriels. Montrons que chaque ri ∈ A∞
def
et que de plus, si ei ∈ / B∞ , v(ri ) > 0, i.e. deg(ri ) < 0. Si ei ∈ B∞ , on a ei ∈ B ∩ B∞ = k0 donc aussi
−1 −1
ei ∈ k0 ; par suite ri = ei (ri ei ) ∈ B∞ donc ri ∈ B∞ ∩ K = A∞ . Si ei ∈ / B∞ , on écrit ei = ri−1 (ri ei ),
−1
égalité qui prouve que ri ∈ / A∞ (ne pas oublier que ri ei ∈ B∞ ) donc v(ri−1 ) < 0, i.e. v(ri ) > 0.
Soit maintenant c ∈ k0 que l’on écrit dans la A-base (ei ) et la A∞ -base (ri ei )
c = i ai ei = i a0i ri ei , ai ∈ A, a0i ∈ A∞ , ai = a0i ri
P P
Pour les i tels que ei ∈ k0 , comme ri ∈ A∞ , on a ai = a0i ri ∈ A ∩ A∞ = k. Reste à voir que pour ei ∈ / k0 ,
0 0 0
ai = 0 ; l’égalité ai = ai ri et le fait que ai ∈ A, ai ∈ A∞ et deg(ri ) < 0 entraînent alors ai = ai = 0.
Bilan : les ei qui sont dans k0 forment une k-base de k0 .
8. En posant i = y/x, on a i2 = −1 et
1 x 1 y+1
=
0 1 i i
La matrice de gauche est de déterminant 1, donc (1, i) et (y + 1, i) forment une A-base du même A-module.
Mais y + 1 n’est pas entier sur A∞ (car x est entier sur k[y] = k[y + 1] et n’est pas entier sur A∞ ). La
base (1, i) est normale a l’infini mais pas la base (y + 1, i).
Problème 12.4 1. Soit z = y−v de sorte que (1, z) est une A-base de B donc Au∩Az = {0}. Pour montrer
que bu,v = Au ⊕ Az est un idéal, il suffit de voir qu’il est stable par z ; or y 2 = (z + v)2 = z 2 + 2vz + v 2 ,
i.e. z 2 + 2vz + uw = 0, égalité qui prouve z 2 ∈ Au ⊕ Az.
2. Soit z = y − v. Comme (1, z) est une A-base de B et (u, z) une A-base de bu,v , on a A ∩ bu,v = uA ;
d’autre part, tout élément de B est congru modulo z à un élément
de A, donc A → B/bu,v est surjective de
u −v
noyau uA. La matrice M de (u, y − v) dans (1, y) est M = avec det(M ) = u donc N(bu,v ) = uA ;
0 1
on voit également que le contenu de bu,v est 1. Les autres points sont faciles.
Solutions d’exercices 499
3. Avec z = y −v, on a bu,v,w = Au⊕Az, bw,v,u = Aw⊕Az ; le produit de ces deux idéaux est engendré (en
tant qu’idéal ou A-module) par les 4 éléments uw, uz, wz, z 2 , tous multiples de z (car z 2 + 2vz + uw = 0) ;
il suffit donc de voir que
z ∈ uw, uz, wz, z 2 B = huw, uz, wz, 2vziB = huw, uz, wz, vziB
Or v 2 − uw = f est séparable, donc u, w, v sont premiers dans leur ensemble, 1 ∈ hu, w, viA donc
z ∈ huz, wz, vziB .
Quant à bu,−v c’est Au ⊕ Az avec zz = uw et z + z = −2v. Le produit π des deux idéaux
bu,v et bu,−v
est engendré par u2 , uz, uz, zz = uw, tous multiples de u ; il suffit de voir que u ∈ π = u2 , uz, uz, uw .
Mais −2uv = uz + uz ∈ π et donc π contient uv, u2 , uw et comme 1 ∈ hv, u, wiA , π contient u.
Enfin, avec u = u1 u2 , on a bu1 ,v bu2 ,v = Au + Au1 z + Au2 z + Az 2 clairement inclus dans Au + Az = bu,v ;
comme z 2 + 2vz + uw = 0 :
Au + Au1 z + Au2 z + Az 2 = Au + Au1 z + Au2 z + Avz = Au + (Au1 + Au2 + Av)z
Et l’on peut conclure que bu1 ,v bu2 ,v = bu,v ; en effet, u1 , u2 , v sont premiers dans leur ensemble puisque
v 2 − u1 u2 w = f est séparable donc (Au1 + Au2 + Av)z = Az.
4a. Soit b un idéal de type fini non nul de B ; étant un A-module librede rang 2, il possède donc une
a b
A-base (e1 , e2 ) dont la matrice dans (1, y) est de la forme M = avec a, b, d ∈ A. On écrit que
0 d
b est un idéal, i.e. yb ⊆ b : l’appartenance ye1 ∈ Ae1 ⊕ Ae2 donne a multiple de d etl’appartenance
u −v
ye2 ∈ Ae1 ⊕ Ae2 donne b multiple de d. En définitive, M est de la forme M = d et l’on obtient
0 1
b = dbu,v . On voit que hdiA est le contenu de b donc d est unique si l’on impose d unitaire.
2 2
4b. que b = dbu,v donc b = dbu,−v puis bb = d uB. Mais on aussi N(b) = d uA puisque
On a vu
u −v
d est la matrice d’une A-base de b dans une A-base de B. On en déduit que bb = N(b)A. Alors,
0 1
pour deux idéaux non nuls b1 , b2 de B :
N(b1 b2 )B = b1 b2 b1 b2 = b1 b1 b2 b2 = N(b1 )N(b2 )B
d’où N(b1 b2 ) = N(b1 )N(b2 ) puisque les trois idéaux sont des idéaux principaux de A.
4c. Tout d’abord, si b est un idéal de type fini non nul de B, il contient un élément régulier b et a = N(b) = beb
est un élément régulier de b contenu dans A ; on a alors une surjection B/aB B/b et comme B/aB
est un k-espace vectoriel de dimension finie, il en est de même de B/b .
Si d ∈ A \ {0}, on a une suite exacte :
0 → B/b0 ' dB/db0 → B/db0 → B/dB → 0
On en déduit deg(db0 ) = deg(b0 ) + deg(dB) = deg(b0 ) + deg(d2 ). En particulier pour b0 = bu,v et b = dbu,v ,
on obtient
deg(b) = deg(u) + deg(d2 ) = deg N(b)
Ceci permet de prouver que deg est additif.
5. On fournit d’abord un algorithme de réduction de (u, v) vérifiant v 2 ≡ f mod u. Quitte à remplacer v
par v mod u, on peut supposer deg v < deg u. Si deg u 6 g, alors, en rendant u unitaire, (u, v) est réduit.
Sinon montrons que w défini par v 2 − uw = f vérifie deg w < deg u ; cela permettra de considérer u e := w,
ve := (−v) mod ue, ayant la propriété bu,v ∼ be
u,e
v
et d’itérer le processus (u, v) ← u
(e , v
e ) jusqu’à l’obtention
de l’inégalité deg u 6 g. Pour montrer deg u > g ⇒ deg w < deg u, on considère les deux cas suivants ;
ou bien deg(uw) > 2g + 1 = deg f , auquel cas l’égalité f + uw = v 2 fournit deg(uw) = 2 deg v < 2 deg u
donc deg w < deg u ; ou bien deg(uw) 6 2g + 1, auquel cas deg w 6 2g + 1 − deg u < 2g + 1 − g donc
deg w 6 g < deg u.
Tout idéal bu,v est donc associé à un idéal réduit et comme tout idéal de type fini non nul b de B est
associé à un idéal bu,v , b est donc associé à un idéal réduit.
6a. Soit w vérifiant v 2 − uw = f = y 2 ; comme (u, v) est réduit, on a :
deg v < deg u 6 g < g + 1 6 deg w et deg u + deg w = 2g + 1
Posons y = y − v ; on a y + y 0 = −2v, yy 0 = −(y − v ) = uw donc en notant z = au + by 0 avec a, b ∈ A,
0 0 2 2
polynôme dont il s’agit de minorer le degré. Notons le cas particulier b = 0 (donc a 6= 0) auquel cas
N(z)/u = a2 u, de degré 2 deg a + deg u > deg u ; on voit ici que l’égalité deg(N(z)/u) = deg u est atteinte
si, et seulement si, deg a = 0, i.e. si, et seulement si, z ∈ k× u. Il y a aussi le cas particulier a = 0 (donc
b 6= 0) auquel cas N(z)/u = b2 w de degré 2 deg b + deg w > deg u.
Il reste donc à montrer que pour a 6= 0, b =
6 0, on a deg(N(z)/u) > deg u. On introduit alors α = deg a > 0,
β = deg b > 0 et :
d1 = deg(a2 u) = 2α + deg u, d2 = deg(vab) = α + β + deg v, d3 = deg(b2 w) = 2β + deg w
Observons que d1 + d3 ≡ deg u + deg w = 2g + 1 mod 2 donc d1 6= d3 , que α > β ⇒ d1 > d2 et enfin
que β > α ⇒ d3 > max(d1 , d2 ). Si d3 > max(d1 , d2 ), alors deg(N(z)/u) = d3 > deg w > deg u. Si
d3 6 max(d1 , d2 ), alors α > β donc d1 > d2 puis d1 > max(d2 , d3 ) ; on a donc deg(N(z)/u) = d1 =
2α + deg u > 2 + deg u > deg u.
6b. On a b0 = dbu1 ,v1 et deg(b0 ) = 2 deg(d) + deg(bu1 ,v1 ). On peut donc supposer d = 1. Il existe
c, c1 ∈ B\{0} tels que cbu,v = c1 bu1 ,v1 ; en désignant par b cet idéal commun, on a N(b) = uN(c) = u1 N(c1 ).
Le degré minimum des N(z)/N(b) pour z ∈ b \ {0} est deg u et il est atteint uniquement pour z ∈ k× cu.
Pour z = c1 u1 ∈ b, on a N(z) = u21 N(c1 ) donc N(z)/N(b) = (u21 N(c1 ))/(u1 N(c1 )) = u1 . On a donc
deg u1 > deg u, i.e. deg(bu1 ,v1 ) > deg(bu,v ). L’égalité n’est possible que si c1 u1 ∈ k× cu ; dans ce cas,
ubu1 ,v1 = u1 bu,v . Puisque le contenu de ubu1 ,v1 est u et celui de u1 bu,v est u1 , l’égalité précédente entraîne
u = u1 puis v = v1 .
0
7a. On a FX (X, Y ) = −f 0 (X), FY0 (X, Y ) = 2Y ; comme la caractéristique est distincte de 2, l’idéal
hF, FX , FY i contient f (X) et comme 1 ∈ hf (X), f 0 (X)i, il contient 1.
0 0
7b. On réalise le changement de variables x = 1/x dans y 2 = f (x) = x2g+1 + a2g x2g + · · · + a1 x + a0 et
l’on multiplie par x2g+2 pour obtenir :
y2 = x + a2g x2 + · · · + a0 x2g+2 = x(1 + xh(x)) avec y = yxg+1
Bilan : les changements de variables x = 1/x, y = y/xg+1 sont tels que k(x) = k(x), k(x, y) = k(x, y) et
y est entier sur k[x], a fortiori sur A∞ . On pose B∞ = k[x, y]hx,yi ; dans ce localisé, on a hx, yi = hyi
y2
puisque x = 1+xh(x) . Conclusion : B∞ est un anneau de valuation discrète d’uniformisante y.
Enfin, soit W un anneau de valuation pour k(x, y) contenant k. Si x ∈ W , alors k[x] ⊂ W puis, y étant
/ W ), on a x−1 ∈ m(W ) donc
entier sur k[x], il l’est sur W donc y ∈ W i.e. B = k[x, y] ⊂ W ; sinon (x ∈
def
A∞ = k[x−1 ]hx−1 i ⊂ W donc W = B∞ .
Problème 12.5
On note ε l’inversible défini par ε = β − α .
1. On décompose G et H en composantes homogènes Gi , Hj :
G = Ga + · · · + Gb , a 6 b, H = Hc + · · · + Hd , c 6 d
La composante homogène basse de GH, de degré a + c, est Ga Hc tandis que la composante homogène
haute de GH, de degré b + d, est Gb Hd . On en déduit que a + c = N , b + d = N + 1 ; on ne peut pas avoir
à la fois a < b et c < d (car on aurait alors a + c + 2 6 b + d, i.e. N + 2 6 N + 1). Si a = b, alors G est
homogène, si c = d c’est H. Supposons FN , FN +1 premiers entre eux et soit une factorisation F = GH ;
par exemple, G est homogène de degré g ; on en déduit que H = HN −g + HN +1−g et que FN = GHN −g ,
FN +1 = GHN +1−g : G est un facteur commun à FN , FN +1 , donc G est inversible. La réciproque est facile.
Les polynômes (X 2 + Y 2 )2 et αX 2 Y + βY 3 = Y (αX 2 + βY 2 ) sont premiers entre eux si, et seulement si,
les polynômes X 2 + Y 2 et αX 2 + βY 2 le sont i.e. si, et seulement si, α 6= β.
2. Le lecteur vérifiera que (0, 0) est le seul point singulier ; on a le résultat plus précis :
0
ε2 X 5 , ε2 Y 5 ∈ hF, FX , FY0 i
3. On pose Y = T X dans F (X, Y ) et l’on obtient F (X, T X) = X 3 G(X, T ) avec
G(X, T ) = XT 4 + βT 3 + 2XT 2 + αT + X
Le polynôme G est primitif (en T ) et (x = 0, t = 0) est un point simple de G = 0. Avec a4 = x, a3 = β,
a2 = 2x, a1 = α, a0 = x, on détermine les entiers d’Emmanuel :
b4 = a4 , b3 = a3 + tb4 , b2 = a2 + tb3 , b1 = a1 + tb2
Ainsi b4 = x, b3 = β + y, b2 = 2x + (β + y)y/x.
P P
Il est clair que a4 , a3 , · · · , a0 ∈ i Abi + i Atbi . Comme a3P− a1 = εPest inversible, les bi , tbi sont
comaximaux dans B ; en fait, il y a des ui , vi ∈ A tels que 1 = i ui bi + i vi tbi . On écrit formellement
Solutions d’exercices 501
Ainsi t = y/x = a/b = c/d avec a, b, c, d ∈ B et a + d = 1. Les égalités by = ax, dy = cx, a + d = 1 sont
celles convoitées. On a ainsi q hx, yiB = hxiB avec q = hd, biB . Ici en posant :
a = b2 t − b4 t, b = b2 − b4 , c = b3 t − b1 t, d = b3 − b1
on a ε = a + d. En posant g0 = 1/(1 + t2 ), g1 = tg0 , on trouve b = εg1 , d = εg0 , donc q = hg0 , g1 iB . On va
montrer (question 5.) que B = k[g0 , g1 ], donc B/q = k.
4. L’idée géométrique (paramétrage du trifolium) conduisant à l’égalité k(t) = k(x, y) est la suivante. Le
polynôme définissant la courbe est de degré 4 et l’origine est un point singulier de multiplicité 3 ; donc
une droite passant par l’origine recoupe la courbe en un point rationnel. Algébriquement, cela correspond
au fait que le polynôme G(X, T ) est de degré 1 en X :
G(T, X) = (T 4 + 2T 2 + 1)X + βT 3 + αT = (T 2 + 1)2 X + T (βT 2 + α)
d’où :
t(βt2 + α) t2 (βt2 + α)
x=− 2 , y = tx = −
(t + 1)2 (t2 + 1)2
En t = 0, on a (x, y) = (0, 0). Quelles sont les autres valeurs de t pour lesquelles (x(t), y(t)) = (0, 0) ? il faut
d’abord trouver les zéros de x(t), fraction rationnelle de hauteur 4. Il y a la valeur t = ∞, pour laquelle
y(t) = −β. Si α = 0, on a seulement deux zéros de x : t = 0 (de multiplicité 3) et t = ∞ (de multiplicité
1). Si β = 0, on a seulement deux zéros de x : t = 0 (de multiplicité 1) p et t = ∞ (de multiplicité 3). Si
β 6= 0, on a deux autres zéros de x (éventuellement confondus) : t = ± −α/β. On peut rendre cela plus
uniforme en faisant intervenir le caractère quadratique de −αβ, voir la question 7.
Remarque : dans tous les cas, en t = ∞, on a (x, y) = (0, −β).
5. On sait d’après l’exercice 12.8 que k[g0 , g1 ] est un anneau intégralement clos, fermeture intégrale de k[g0 ]
dans k(t). Pour obtenir un k-relateur entre g0 et g1 , on reporte t = g1 /g0 dans l’expression g0 = 1/(1 + t2 ),
ce qui donne g02 − g0 + g12 = 0 et confirme que g1 est entier sur k[g0 ]. En t = 0, on a (g0 , g1 ) = (1, 0) ;
ce point (g0 = 1, g1 = 0) est un point lisse de la courbe g02 − g0 + g12 = 0 ; en fait la conique (affine)
C(g0 , g1 ) = g02 − g0 + g12 est lisse sur tout anneau puisque
∂C ∂C
1 = −4C + (2g0 − 1) ∂g 0
+ 2g1 ∂g 1
2 2 2
D en est de mêmeEde la conique homogénéisée notée encore C, C = g0 − g0 g2 + g1 , qui vérifie hg0 , g1 , g2 i ⊂
Il
∂C ∂C ∂C
C, ∂g , ,
0 ∂g1 ∂g2
:
∂C ∂C ∂C ∂C
g0 = − ∂g 2
, g12 = C + (g0 − g2 ) ∂g 2
, g2 = − ∂g 0
− 2 ∂g 2
On a p2 1 =
6. hg0 − 1, g1 i, donc pour montrer l’égalité p21 = g0 − 1, g12 , il suffit de voir que g0 − 1 ∈
(g0 − 1) , g12 . Cela résulte de l’égalité 1 − g0 = (1 − g0 )2 + g12 qui découle de g02 − g0 + g12 = 0.
7. On pose X = U Y dans F (X, Y ) et on obtient F (U Y, Y ) = U 3 H(U, Y ) avec
H(U, Y ) = Y U 4 + (2Y + α)U 2 + Y + β, H(U, 0) = αU 2 + β
502 12. Anneaux de Prüfer et de Dedekind
Ce polynôme H = a04 U 4 + a02 U 2 + a00 est primitif en U (on a a02 = 2a04 + α et a00 = a04 + β donc
= a00 − a02 + a04 ). Il vérifie H(u, y) = 0 avec u = x/y ; l’entier b03 d’Emmanuel associé est x et on a donc
b03 u ∈ B avec :
b03 u = x2 /y = εg0 − β − y
En t
racine de βt2 + α = 2 2
0, on a g0 = β/ε et g1 = −αβ/ε , ce qui rend naturel l’introduction de l’idéal
2 2
a = εg0 − β, ε g1 + αβ . On vérifie l’égalité :
y, x2 /y B = εg0 − β, ε2 g12 + αβ
On a alors hx, yiB = p1 a et deg a = 2. Si −αβ n’est pas un carré, alors a est premier. Sinon, on a a = p2 p3
avec p2 , p3 s’exprimant avec les deux racines carrées de −αβ. On a p2 = p3 si, et seulement si, les deux
racines carrées sont confondues ; ceci arrive quand αβ = 0 par exemple ou en caractéristique 2. Enfin,
pour α = 0, on a p1 = p2 = p3 .
Commentaires bibliographiques
Concernant la genèse de la théorie des idéaux de corps de nombres développée par Dedekind,
on peut lire les articles de H. Edwards [67] et de J. Avigad [4].
Les anneaux de Prüfer intègres ont été introduits par H. Prüfer en 1932 dans [135]. Leur
place centrale en théorie multiplicative des idéaux est mise en valeur dans le livre de référence
sur le sujet [Gilmer]. Voir aussi les commentaires bibliographiques en fin du chapitre 8.
Dans la littérature classique un anneau de Prüfer cohérent est souvent appelé un anneau
semihéréditaire (selon le point 3. dans le théorème 12.6 page 474), ce qui n’est pas très joli. Ces
anneaux sont signalés comme importants dans [Cartan & Eilenberg]. La preuve du point 1. du
théorème 12.7 page 475 y est donnée, constructive, dans le chapitre 1, proposition 6.1.
Un anneau héréditaire est, lui, un anneau semihéréditaire nœthérien, ce qui se dit en mathé-
matiques classiques : tout idéal est projectif de type fini. Il s’agit donc d’une variante non intègre
de la notion d’anneau de Dedekind. Notre définition pour un anneau de Dedekind (libéré de la
contrainte d’intégrité) correspond exactement (en mathématiques classiques) à la notion d’anneau
héréditaire. Nous avons seulement précisé les choses, en demandant que l’anneau soit nœthérien
cohérent fortement discret, pour que l’on puisse mener les calculs les plus usuels dans nos anneaux
de Dedekind. Mais nous n’avons pas demandé la propriété de factorisation complète, qui n’est
pas suffisamment stable.
Un exposé assez complet sur les anneaux arithmétiques et les anneaux de Prüfer écrit dans le
style des mathématiques constructives se trouve dans [66, Ducos&al.] et [115, Lombardi].
Les (( entiers d’Emmanuel )) du lemme 12.4.4 sont très présents dans [88, Hallouin].
Le théorème 12.8 page 476 est de Gilmer et Hoffmann [83].
Le théorème 12.13 page 480 pour le cas d’un anneau de Prüfer intègre est donné par Heitman
et Levy dans [91].
Le théorème 12.14 page 481 a été démontré en mathématiques classiques par Quentel
dans [136].
Le théorème 12.15 page 481 est classique (théorème de Steinitz) pour les anneaux de Dedekind.
Il a été généralisé pour les domaines de Prüfer possédant la propriété un et demi dans [107,
Kaplansky] et [91, Heitman&Levy]. L’inspection détaillée de notre démonstration montrerait
d’ailleurs que l’hypothèse (( de dimension inférieure ou égale à 1 )) pourrait être affaiblie en
(( possédant la propriété un et demi )).
On trouve le théorème 12.16 page 482 (voir aussi l’exercice 12.17) dans [24, Brewer&Klinger]
pour le cas intègre. Il a été généralisé au cas quasi intègre dans [51, Couchot].
Le problème 12.3 est basé sur l’article [93, Hess].
13. Dimension de Krull
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503
13.1 Espaces spectraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504
Treillis et spectre de Zariski . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504
Spectre d’un treillis distributif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504
Sous-espaces spectraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505
Une approche heuristique pour la dimension de Krull . . . . . . . . . . . . . 505
13.2 Une définition constructive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506
Bords itérés, suites singulières, suites complémentaires . . . . . . . . . . . . . 508
Une suite régulière (( n’est pas )) singulière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 512
Minorer la dimension de Krull . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 512
13.3 Quelques propriétés élémentaires de la dimension de Krull . . . . . 513
13.4 Extensions entières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 515
13.5 Dimension des anneaux géométriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 516
13.6 Dimension de Krull des treillis distributifs . . . . . . . . . . . . . . . 518
13.7 Dimension des morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 520
Définition et premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 520
Clôture quasi intègre minimale d’un anneau réduit . . . . . . . . . . . . . . . 522
Application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 524
13.8 Dimension valuative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 526
Dimension des anneaux de valuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 526
Dimension valuative d’un anneau commutatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528
Dimension valuative d’un anneau de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . 529
13.9 Lying over, Going up et Going down . . . . . . . . . . . . . . . . . . 532
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 535
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 540
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 545
Introduction
Dans ce chapitre on introduit la dimension de Krull dans sa version constructive élémentaire
et on la compare à la notion classique correspondante.
On établit ensuite les premières propriétés de cette dimension. La facilité avec laquelle on
obtient la dimension de Krull d’un anneau de polynômes sur un corps discret montre que la
version constructive de la dimension de Krull peut être vue comme une simplification conceptuelle
de la version classique usuelle.
Nous appliquons ensuite le même type d’idées pour définir la dimension de Krull d’un treillis
distributif, celle d’un morphisme d’anneaux commutatifs, puis la dimension valuative des anneaux
commutatifs.
Nous établissons quelques théorèmes de base importants concernant ces notions.
Nous terminons en indiquant les versions constructives des notions classiques usuelles de
Lying over, Going up, Going down et Incomparabilité, avec quelques applications.
504 13. Dimension de Krull
Définition 13.1.1 On appelle spectre de Zariski de l’anneau A et l’on note Spec A l’ensemble
des idéaux premiers stricts de A. Il est muni d’une topologie possédant pour base d’ouverts les
DA (a) = { p ∈ Spec A | a ∈ / p }.
On note DA (x1 , . . . , xn ) pour DA (x1 ) ∪ · · · ∪ DA (xn ).
Pour p ∈ Spec A et S = A \ p on note Ap pour AS (l’ambigüité entre les deux notations
contradictoires Ap et AS est levée en pratique par le contexte).
Théorème∗ 13.1
1. Les ouverts quasi-compacts de Spec A sont exactement les DA (x1 , . . . , xn ).
2. L’application DA (x1 , . . . , xn ) 7→ DA (x1 , . . . , xn ) est bien définie.
3. C’est un isomorphisme de treillis distributifs.
x ∧ y ∈ p ⇒ (x ∈ p ou y ∈ p), 1T ∈
/p
Le spectre de T, noté Spec T est alors défini comme l’espace dont les points sont les idéaux
premiers de T et dont une base d’ouverts est donnée par les DT (a) := { p ∈ Spec T | a ∈/ p } pour
a ∈ T.
Si ϕ : T → V est un morphisme de treillis distributifs, l’application Spec ϕ : Spec V →
Spec T définie par p 7→ ϕ−1 (p) est une application spectrale. Ceci définit Spec comme foncteur
contravariant.
On montre que les DT (a) sont tous les ouverts quasi-compacts de Spec T. En fait le théorème∗
13.1 s’applique à tout treillis distributif T :
1. Les ouverts quasi-compacts de Spec T sont exactement les DT (u).
2. L’application u 7→ DT (u) est bien définie et c’est un isomorphisme de treillis distributifs.
Dans l’autre sens si X est un espace spectral on note Oqc(X) le treillis distributif formé
par ses ouverts quasi-compacts. Si ξ : X → Y est une application spectrale, l’application
Oqc(ξ) : Oqc(Y ) → Oqc(X) définie par U 7→ ξ −1 (U ) est un homomorphisme de treillis distribu-
tifs. Ceci définit Oqc comme foncteur contravariant.
L’antiéquivalence de catégories qui était annoncée est définie par les foncteurs Spec et Oqc.
Elle généralise l’antiéquivalence donnée dans le cas fini au théorème 11.13 page 449.
Notez que l’espace spectral vide correspond au treillis 1 et qu’un espace spectral réduit à un
point correspond au treillis 2.
Sous-espaces spectraux
Par définition un sous-ensemble Y d’un espace spectral X définit un sous-espace spectral si la
topologie induite fait de Y un espace spectral et si l’injection canonique Y → X est spectrale.
C’est en fait exactement la notion duale de la notion de treillis distributif quotient.
Autrement dit une application spectrale α : Y → X identifie Y à un sous-espace spectral
de X si, et seulement si, l’homomorphisme de treillis distributifs Oqc(α) identifie Oqc(Y ) à un
treillis distributif quotient de Oqc(X).
Les sous-espaces fermés de X sont spectraux et correspondent aux quotients par les idéaux.
Plus précisément un idéal a de Oqc(X) = T définit le fermé VT (a) = { p ∈ X | a ⊆ p }, (à
condition d’identifier les points de X avec les idéaux premiers de Oqc(X)) et l’on a alors un
isomorphisme canonique
Oqc(VT (a)) ' Oqc(X)/(a = 0) .
Les fermés irréductibles correspondent aux idéaux premiers de Oqc(X).
Les ouverts quasi-compacts correspondent aux quotients par des filtres principaux :
Une manière intuitive d’appréhender cette notion de dimension est la suivante. La dimension
peut être caractérisée par récurrence en disant que d’une part, la dimension −1 correspond à
l’espace vide, et d’autre part, pour k > 0, un espace X est de dimension 6 k si, et seulement si,
pour tout ouvert quasi-compact Y de X, le bord Z de Y dans X est de dimension 6 k − 1 (Z
est fermé donc c’est un sous-espace spectral de X).
Voyons par exemple, pour un anneau commutatif A, comment on peut définir le bord de
l’ouvert DA (a) dans Spec A. Le bord est l’intersection de l’adhérence de DA (a) et du fermé complé-
mentaire de DA (a), que nous notons VA (a). L’adhérence de D(a) c’est l’intersection de tous les
V(x) qui contiennent D(a), c’est-à-dire tels que D(x) ∩ D(a) = ∅. Comme D(x) ∩ D(a) = D(xa),
et comme D(y) = ∅ si, et seulement si, y est nilpotent on obtient une approche heuristique de
l’idéal bord de Krull de a, qui l’est l’idéal engendré par a d’une part (ce qui correspond à V(a)),
et par tous les x tels que xa est nilpotent d’autre part (ce qui correspond à l’adhérence de D(a)).
On note JAK (x) pour JAK (xA) et AxK pour AxA K . Cet anneau est appelé le bord supérieur
de x dans A.
On dira que JAK (a) est l’idéal bord de Krull de a dans A.
(2) Le bord inférieur de Krull de x dans A est l’anneau localisé
−1
(13.2) AK K
x := SA (x) A où K
SA (x) = xN (1 + xA)
K (x) est le monoïde bord de Krull de x dans A.
On dira que SA
Rappelons qu’en mathématiques classiques la dimension de Krull d’un anneau est −1 si, et
seulement si, l’anneau n’admet pas d’idéal premier, ce qui signifie qu’il est trivial.
Le théorème suivant donne alors en mathématiques classiques une caractérisation inductive
élémentaire de la dimension de Krull d’un anneau commutatif.
Théorème∗ 13.2 Pour un anneau commutatif A et un entier k > 0 les propriétés suivantes
sont équivalentes.
1. La dimension de Krull de A est 6 k.
2. Pour tout x ∈ A la dimension de Krull de AxK est 6 k − 1.
13.2. Une définition constructive 507
NB : Ceci est un théorème de mathématiques classiques qui ne peut pas admettre de preuve
constructive. Dans la démonstration qui suit tous les idéaux et filtres premiers ou maximaux
sont pris au sens usuel en mathématiques classiques : ils sont stricts.
J Montrons d’abord l’équivalence des points 1 et 3. Rappelons que les idéaux premiers de
S −1 A sont de la forme S −1 p où p est un idéal premier de A qui ne coupe pas S (fait 11.4.17).
L’équivalence résulte alors clairement des deux affirmations suivantes.
(a) Soit x ∈ A, si m est un idéal maximal de A il coupe toujours SA K (x). En effet si x ∈ m c’est
Naturellement A sera dit de dimension infinie si, et seulement si, pour tout entier k > 0 on a
l’implication Kdim A 6 k ⇒ 1 =A 0.
Le lemme suivant résulte immédiatement des définitions.
Lemme 13.2.3 Un anneau est zéro-dimensionnel si, et seulement si, il est de dimension infé-
rieure ou égale à 0.
Notation 13.2.4 Soient A, B, (Ai )i∈I , (Bj )j∈J des anneaux commutatifs (I, J finis).
– Kdim B 6 Kdim A signifie : ∀` > −1 (Kdim A 6 ` ⇒ Kdim B 6 `).
– Kdim B = Kdim A signifie : Kdim B 6 Kdim A et Kdim B > Kdim A.
– supj∈J Kdim Bj 6 supi∈I Kdim Ai signifie :
∀` > −1 (&i∈I (Kdim Ai 6 `) =⇒ &j∈J (Kdim Bj 6 `)).
– supj∈J Kdim Bj = supi∈I Kdim Ai signifie :
∀` > −1 (&i∈I (Kdim Ai 6 `) ⇐⇒ &j∈J (Kdim Bj 6 `)).
Définition 13.2.5 Pour une suite x = x0 , . . . , xk dans A on définit les bords de Krull itérés de
la manière suivante.
13.2. Une définition constructive 509
K
(13.3) SA (x0 , . . . , xk ) := xN N N
0 (x1 · · · (xk (1 + xk A) + · · ·) + x1 A) + x0 A)
K () = {0}.
Pour une suite vide, on définit IA
On montrera (lemme 13.2.12) que les deux idéaux (( bord itéré )) définis ci-dessus ont même
nilradical.
Proposition 13.2.7 Pour un anneau commutatif A arbitraire et un entier k > 0, les propriétés
suivantes sont équivalentes.
1. La dimension de Krull de A est 6 k.
2. Pour tout x ∈ A la dimension de Krull de AxK est 6 k − 1.
3. Toute suite x0 , . . . , xk dans A est singulière.
4. Pour tous x0 , . . . , xk ∈ A il existe b0 , . . . , bk ∈ A tels que
DA (b0 x0 ) = DA (0)
DA (b1 x1 ) 6 DA (b0 , x0 )
.. .. ..
(13.7) . . .
DA (bk xk ) 6 DA (bk−1 , xk−1 )
DA (1) = DA (bk , xk )
kk 1 SSSSSS
kkkk
DA (x2 ) DA (b2 )
JJ t
JJ tt
JJ • J tt
Jt Jt
ttJ ttJJJJ
ttt • JJ
tt
DA (x1 ) DA (b1 )
JJ t
JJ t
JJ • J ttt
JtJt tJtJ
ttt • t JJJJ
t J
tt
DA (x0 ) S DA (b0 )
SSSS kk
S kkkk
0
510 13. Dimension de Krull
J Les équivalences pour la dimension 0 sont immédiates par application des définitions.
Supposons l’équivalence entre 1. et 3. établie pour la dimension 6 k et pour tout anneau
commutatif. On voit alors que S −1 A est de dimension 6 k si, et seulement si, l’on a :
pour tous x0 , . . . , xk ∈ A il existe a0 , . . . , ak ∈ A, s ∈ S et m0 , . . . , mk ∈ N tels que
mk
(13.8) xm m1
0 (x1 · · · (xk (s + ak xk ) + · · · + a1 x1 ) + a0 x0 ) = 0.
0
et les inégalités avec DA impliquent les mêmes avec DB . La deuxième inégalité signifie que
(b1 x1 )m ∈ hb0 , x0 i (pour un certain m) ; la première nous dit que b0 x0 est nilpotent donc
hb0 , x0 i ⊆ JAK (x0 ). Bilan : b1 x1 est nilpotent dans B.
On pourrait aussi démontrer 4. ⇒ 3. par un calcul direct un peu fastidieux.
3. ⇐⇒ 5. Dans la définition d’une suite singulière, on peut remplacer tous les exposants mi par
leur maximum n. Une fois ceci acquis, 5. est une simple reformulation de 3. I
Nous aurions donc pu donner une définition par récurrence de la dimension de Krull basée
sur les bords supérieurs AxK plutôt que sur les bords inférieurs AK
x : nous venons d’obtenir une
∗
preuve constructive directe (sans utiliser le théorème 13.2 page 506) de l’équivalence entre les
deux définitions inductives possibles.
Remarque. Le système d’inégalités (13.7) dans le point 4. de la proposition 13.2.7 établit une
relation intéressante et symétrique entre les deux suites (b0 , . . . , bk ) et (x0 , . . . , xk ). Lorsque k = 0,
cela signifie DA (b0 ) ∧ DA (x0 ) = 0 et DA (b0 ) ∨ DA (x0 ) = 1, c’est-à-dire que les deux éléments
DA (b0 ) et DA (x0 ) sont compléments l’un de l’autre dans le treillis Zar A. Dans Spec A cela
signifie que les ouverts de base correspondants sont complémentaires. Nous introduisons donc
la terminologie suivante : lorsque deux suites (b0 , . . . , bk ) et (x0 , . . . , xk ) vérifient les inégalités
(13.7) nous dirons qu’elles sont complémentaires.
Par exemple :
K
IA (x1 ) = (0 : x∞
1 ) + Ax1 ,
K
IA (x1 , x2 ) = (((0 : x∞ ∞
1 ) + Ax1 ) : x2 ) + Ax2
J On définit provisoirement
0 ∈ xN N N
1 (x2 (x3 (y + Ax3 ) + Ax2 ) + Ax1 ) ⇐⇒
xN N
2 (x3 (y + Ax3 ) + Ax2 ) rencontre N (x1 ) ⇐⇒
∞ def
xN
3 (y + Ax3 ) rencontre (N (x1 ) : x2 ) + Ax2 = N (x1 , x2 ) ⇐⇒
def
y ∈ (N (x1 , x2 ) : x∞
3 ) + Ax3 = N (x1 , x2 , x3 )
K (x , x , x ) = N (x , x , x ).
ce qui prouve que IA 1 2 3 1 2 3 I
I
K (x) et J K (x) ont même nilradical.
Fait 13.2.12 Pour toute suite x d’éléments de A, les idéaux IA A
J Pour tout idéal a et tout x ∈ A, on vérifie facilement que la racine de l’idéal (a : x∞ ) est
(DA (a) : x). En utilisant DA (b + c) = DA (DA (b) + c), on en déduit que les idéaux (a : x∞ ) + Ax
et (DA (a) : x) + Ax ont même racine. Le résultat annoncé s’en déduit par récurrence sur la
longueur de la suite x en utilisant la définition récursive des deux idéaux bord itérés. I
512 13. Dimension de Krull
J 1. Calcul immédiat en tenant compte de la définition récursive donnée dans le lemme 13.2.11
(point 2.).
2. On applique le point 1. du lemme 13.2.11.
3. Résulte du point 2.
4. Cas particulier du point 2., avec la suite (y1 , . . . , yr ) vide. I
Il semble de toute manière ici impossible d’éviter l’usage de la négation, car on ne voit pas
comment on pourrait définir Kdim A > 0 autrement que par 1 6= 0. Naturellement, dans le cas
où A est un ensemble discret, (( x 6= 0 )) perd son caractère négatif, et la phrase (( il existe une
suite x = (x1 , . . . , xk ) telle que 0 ∈ K (x) )) ne contient pas de négation à proprement parler.
/ IA
Notez cependant que les définitions de Kdim A 6 k et Kdim A > k utilisent une alternance
de quantificateurs qui introduit un infini (pour un anneau infini). En conséquence la définition
ne peut généralement pas être certifiée par un simple calcul : il faut une preuve.
Notons que pour l’anneau R, si l’on utilise la négation forte (de caractère positif) pour laquelle
x 6= 0 signifie (( x est inversible )), pour définir la phrase Kdim R > k, alors il est absurde que
Kdim R > 1. Mais on ne peut prouver constructivement que Kdim R 6 0 (commentaire page 517).
Une équation de ce type en les aj est résoluble dans chacun des ASi . On remarque que si
dans un anneau ASi on a une solution pour certains exposants m0 , . . . , mk alors on a aussi une
solution pour n’importe quel système d’exposants plus grands. Donc en prenant un système
d’exposants qui majore chacun de ceux obtenus séparément pour chaque ASi , on obtient une
unique équation linéaire en les aj qui a une solution dans chaque ASi . On peut donc appliquer le
principe local-global 2.1 page 15. I
Comme la propriété pour une suite d’être singulière est de caractère fini, le point 1. dans le
principe local-global concret précédent s’applique en fait toujours avec une famille d’éléments
comaximaux, ce qui correspond à un recouvrement fini du spectre de Zariski par des ouverts de
base.
Dans le cas d’un recouvrement fini par des fermés, le résultat tient encore.
1. Une suite (x0 , . . . , xk ) est singulière dans A si, et seulement si, elle est singulière dans
chacun des A/ai .
2. L’anneau A est de dimension inférieure ou égale à k si, et seulement si, chacun des A/ai
est de dimension inférieure ou égale à k.
Plus généralement, sans hypothèse sur les ai on a
T
3. L’anneau A/ i ai est de dimension inférieure ou égale à k si, et seulement si, chacun des
A/ai est de dimension inférieure ou égale à k. Ce qui peut s’écrire sous forme abrégée
T Q
Kdim A/ i ai = supi∈J1..rK Kdim A/ai = Kdim i∈J1..rK A/ai .
J Il suffit de montrer le point 1. La suite x0 , . . . , xk est singulière si, et seulement si, le monoïde
S K (x0 , . . . , xk ) contient 0. En outre SA/a
K (x , . . . , x ) n’est autre que S K (x , . . . , x ) vu modulo
i
0 k A 0 k
ai . On conclut donc par le principe de recouvrement fermé 11.2 page 442. I
Exemple. Dans cet exemple on donne un anneau B pour lequel Frac(B) est de dimension de
Krull n > 0 et Frac(Bred ) est zéro-dimensionnel.
Considérons B = A/xm , où A est local résiduellement discret, m = Rad A et x ∈ m. L’anneau
B est local, Rad B = m0 = m/xm et B/m0 = A/m.
Si x = 0, alors x ∈ xm, i.e. x(1 − m) = 0 avec m ∈ m, ce qui implique x = 0. Donc, si x 6= 0,
alors x 6= 0. Comme on a xm0 = 0, tout élément régulier de B est inversible, ce qui signifie
B = Frac(B).
Par ailleurs, on a :
Kdim B = sup(Kdim(A/m ), Kdim(A/hxi)) = Kdim(A/hxi).
Prenons A = k[x0 , . . . , xn ]hx0 ,...,xn i où k est un corps discret, et x = x0 . On a alors A/hx0 i '
k[x1 , . . . , xn ]hx1 ,...,xn i .
Donc Kdim A/hx0 i = n et l’anneau B := A/x0 m est une k-algèbre locale de présentation finie
de dimension de Krull n avec B = Frac(B).
Par ailleurs, Bred ' A/hx0 i, et Frac(Bred ) = k(x1 , . . . , xn ) est un corps discret, zéro-dimension-
nel.
Géométriquement : on a considéré l’anneau d’une variété (( avec muliplicités )) consistant en un
point immergé dans un hyperplan de dimension n, et on a localisé en ce point immergé.
NB : En mathématiques classiques, si C est nœthérien et réduit, Frac(C) est un produit fini de
corps, donc zéro-dimensionnel. Pour une version constructive on peut se reporter au problème
13.1 et à [47, Coquand&al.].
J Le point 1a) est un rappel (voir le point 4. du théorème 5.7 page 174 pour les anneaux
zéro-dimensionnels et le point 2. du théorème 9.3 page 349 pour les anneaux local-globals).
1b) Rappelons que dans un anneau arbitraire un idéal projectif de type fini a a pour annulateur
un idempotent h. Dans A/hhi, a est fidèle, donc ak aussi, pour tout k > 1. Dans A[1/h], a = 0.
Donc Ann(ak ) = Ann(a) = hhi (k > 1).
Dans le cas zéro-dimensionnel, puisqu’un idéal projectif de type fini est localement principal, il
est principal d’après le point 1a), notons le hxi. On sait que pour k assez grand, hxik = hei avec
e idempotent. D’après la remarque préliminaire Ann(x) = Ann(e) = h1 − ei. Dans A/h1 − ei, x
est inversible, donc hxi = h1i ; dans A/hei, x est nul ; ainsi dans A, hxi = hei.
3. Résulte de 2. par le lemme de Nakayama.
2. L’idéal b vu comme A-module, après extension des scalaires à A/a , devient le module b/ba et
il reste localement monogène. Puisque l’anneau A/a est zéro-dimensionnel, le point 1a) nous dit
que b/ba est engendré par un élément y. Cela signifie b = hyi + ba et les autres égalités suivent
immédiatement. I
Remarque. Dans le cas de la dimension 1 et d’un idéal inversible, le point 2 du théorème précédent
est souvent appelé (( théorème un et demi )). Voir le corollaire 5.2.1 et le théorème 12.12 page 479.
NB : L’inégalité opposée est prouvée un peu plus loin (théorème 13.8 page 526).
J Supposons par exemple que la suite x, y ∈ A soit singulière dans B, i.e.
∃a, b ∈ B, ∃m, ` ∈ N, x` (y m (1 + ay) + bx) = 0.
On veut réaliser le même type d’égalité, avec des éléments a0 , b0 de A au lieu des éléments a, b dans
B. L’idée intuitive est de transformer l’égalité précédente par l’opération (( norme )). Considérons
des polynômes unitaires f, g ∈ A[T ] qui annulent a et b. Soit B1 = A[T, T 0 ]/hf (T ), g(T 0 )i.
Notons α et β les classes de T et T 0 dans B1 . Le sous-anneau A[a, b] de B est un quotient de
B1 = A[α, β], via un A-homomorphisme qui envoie α et β sur a et b. En outre B1 est un module
libre de rang fini sur A ce qui permet de définir la norme et l’élément cotransposé d’un élément
de B1 [X, Y ] arbitraire. Soit alors
U (α, β, X, Y ) = X ` (Y m (1 + αY ) + βX) et V (X, Y ) = NB1 [X,Y ]/A[X,Y ] (U ).
D’après le lemme 13.4.2, V (X, Y ) est de la forme
X p (Y q (1 + A(Y )Y ) + B(X, Y )X),
avec A ∈ A[Y ], B ∈ A[X, Y ]. Soit par ailleurs W (α, β, X, Y ) ∈ B1 [X, Y ] l’élément cotransposé
de U (α, β, X, Y ). En spécialisant X, Y, α, β en x, y dans A et a, b dans B, on obtient une égalité
dans B
V (x, y) = xp (y q (1 + A(y)y) + B(x, y)x) = U (a, b, x, y)W (a, b, x, y),
ce qui termine la démonstration puisque V (x, y) = 0 est une égalité dans A ⊆ B : notez que l’on
a U (a, b, x, y) = 0 dans B mais que U (α, β, x, y) n’est peut être pas nul dans B1 . I
Lemme 13.4.2 Soit C une A-algèbre qui est un A-module libre de rang fini, c0 , . . . , cn ∈ C,
X0 , . . . , Xn = X une liste d’indéterminées et
U (X) = X0k0 (X1k1 (· · · (Xnkn (1 + cn Xn ) + · · ·) + c1 X1 ) + c0 X0 ) ∈ C[X].
def
Alors V (X) = NC[X]/A[X] (U (X)) est de la forme
J Tout d’abord la norme N(1 + cn Xn ) est un polynôme h(Xn ) ∈ A[Xn ] qui vérifie h(0) = 1,
donc qui s’écrit sous la forme 1 + an (Xn )Xn . Ensuite on utilise la multiplicativité de la norme,
et une évaluation en Xn−1 = 0 pour montrer que N(Xnkn (1 + cn Xn ) + cn−1 Xn−1 ) est de la forme
Xn`n (1 + an (Xn )Xn ) + an−1 (Xn , Xn−1 )Xn−1 .
Et ainsi de suite. Le lecteur sceptique ou la lectrice pointilleuse peut faire une preuve par
récurrence en bonne et due forme. I
Théorème 13.4 Si K est un corps discret non trivial, la dimension de Krull de l’anneau de
polynômes K[X1 , . . . , X` ] est égale à `.
Nous établissons d’abord le résultat suivant qui nécessite une définition précise. Des éléments
x1 , . . . , x` d’une K-algèbre avec K zéro-dimensionnel sont dits algébriquement dépendants sur K
s’ils annulent un polynôme primitif1 f ∈ K[X1 , . . . , X` ].
J On traite le cas d’un corps discret. Le cas général s’en déduit par application de la machinerie
locale-globale élémentaire no 2.
Soit Q(x1 , . . . , x` ) = 0 une relation de dépendance algébrique sur K. Mettons un ordre lexi-
cographique sur les monômes non nuls αp1 ,...,p` xp11 xp22 · · · xp` ` de Q, en accord avec les “mots"
p1 p2 . . . p` . Nous pouvons supposer le coefficient du plus petit monôme non nul égal à 1 (ici
on utilise l’hypothèse que le corps est discret, car on suppose que l’on peut déterminer pour
m`
chaque αp1 ,...,p` s’il est nul ou inversible). Soit xm1 m2
1 x2 · · · x` ce monôme. En suivant l’ordre
lexicographique, nous voyons que nous pouvons écrire Q sous la forme
m` 1+m` 1+m`−1
Q = xm 1 m1
1 · · · x` + x1 · · · x` R` + xm
1 · · · x`−1
1
R`−1
+··· + xm 1 1+m2
1 x2 R2 + x1+m
1
1
R1
Preuve du théorème 13.4. Nous notons d’abord que la suite (X1 , . . . , X` ) est régulière, ce qui
montre que la dimension de Krull de K[X1 , . . . , X` ] est > `. On peut voir aussi directement
qu’elle est non singulière : dans l’égalité (13.6) page 509 avec xi = Xi le membre de gauche est
non nul (considérer le coefficient de X1m1 X2m2 · · · X`m` ).
Pour prouver que la dimension de K[X1 , . . . , X` ] est 6 ` il suffit, vu la proposition 13.5.1, de
montrer que ` + 1 éléments K[X1 , . . . , X` ] sont toujours algébriquement dépendants sur K. Voici
une preuve élémentaire de ce résultat classique. Soient y1 , . . . , y`+1 ces éléments, et d une borne
δ`+1
sur leurs degrés. Pour un entier k > 0 considérons la liste Lk de tous les y1δ1 · · · y`+1 tels que
1. La notion introduite ici généralise la notion d’élément primitivement algébrique introduite page 476. Si K
n’était pas zéro-dimensionnel réduit, il serait raisonnable d’utiliser une terminologie plus contraignante du style
(( relation de dépendance primitivement algébrique )). Il est clair aussi que le principe local-global 12.2 page 476 se
généralise dans le cas de ` éléments.
13.5. Dimension des anneaux géométriques 517
Un corollaire intéressant
Lemme 13.5.2 Un anneau engendré par k éléments est de dimension de Krull finie.
J Puisque la dimension de Krull ne peut que diminuer par passage à un quotient il suffit
de montrer que Z[X1 , . . . , Xk ] est de dimension de Krull 6 2k + 1 (en fait cet anneau est de
dimension de Krull k + 1 d’après le théorème 13.12 page 531).
Soit h1 , . . . , h2k+2 une suite de 2k + 2 éléments dans Z[X1 , . . . , Xk ] = Z[X]. Nous devons montrer
qu’elle est singulière.
La suite h1 , . . . , hk+1 est singulière dans Q[X1 , . . . , Xk ] = Q[X]. Cela signifie que l’idéal
k+1 ) contient 1. En (( chassant les dénominateurs )) on obtient que
bord itéré IQ[X] K (h , . . . , h
1
.
K (h , . . . , h
IZ[X] K
1 k+1 ) contient un entier d > 0. Donc l’anneau B = Z[X] IZ[X] (h1 , . . . , hk+1 ) est
un quotient de C = (Z/hdi)[X] et Z/hdi est zéro-dimensionnel. La suite hk+2 , . . . , h2k+2 est
donc singulière dans C (proposition 13.5.1), i.e. l’idéal IC K (h
k+2 , . . . , h2k+2 ) contient 1. A fortiori
K
IB (hk+2 , . . . , h2k+2 ) contient 1. Finalement l’anneau
. .
K (h , . . . , h
Z[X] IZ[X] K
1 2k+2 ) = B IB (hk+2 , . . . , h2k+2 )
est trivial. I
Anneaux géométriques
Nous appelons (( anneau géométrique )) un anneau A qui est une K-algèbre de présentation
finie avec K un corps discret non trivial.
Le théorème 7.2 page 268 de mise en position de Nœther affirme qu’un tel anneau A est une
extension entière finie d’un (( anneau de polynômes )) B = K[Y1 , . . . , Yr ] ⊆ A (Y1 , . . . , Yr sont des
éléments de A algébriquement indépendants sur K).
518 13. Dimension de Krull
Théorème 13.5 Sous les hypothèses précédentes, la dimension de Krull de A est égale à r.
Définition 13.6.1
1. Deux suites x0 , . . . , xn et b0 , . . . , bn dans un treillis distributif T sont dites complémentaires
si
b0 ∧ x0
= 0
b1 ∧ x1
6 b0 ∨ x0
..
.. ..
(13.9) .. .
bn ∧ xn 6 bn−1 ∨ xn−1
1 = bn ∨ xn
Une suite qui possède une suite complémentaire sera dite singulière.
2. Pour n > 0 on dira que le treillis distributif T est de dimension de Krull 6 n si toute suite
x0 , . . . , xn dans T est singulière. Par ailleurs on dira que le treillis distributif T est de
dimension de Krull −1 s’il est trivial, c’est-à-dire si 1T = 0T .
1P
nnn PPPPP
nnn
x2 D b2
DD z
DD • zzz
DzD DDzz
zzz • z DDD
z DD
zz
x1 D b1
DD z
DD • zzz
DzD DzDz
zzz • z DDD
z DD
zz
x0 PP
PPP nn b0
P nnnn
0
On notera Kdim(T) 6 n lorsque la dimension de Krull est 6 n.
Il est évident qu’un treillis a la même dimension de Krull que le treillis opposé. On voit aussi
tout de suite qu’un treillis est zéro-dimensionnel si, et seulement si, c’est une algèbre de Boole.
Également : un ensemble totalement ordonné de n éléments a pour dimension de Krull n − 2.
Fait 13.6.2 Soit S une partie de T qui engendre T en tant que treillis distributif. Alors T est
de dimension de Krull 6 n si, et seulement si, toute suite x0 , . . . , xn dans S admet une suite
complémentaire dans T.
13.6. Dimension de Krull des treillis distributifs 519
Fait 13.6.3 Un anneau commutatif a même dimension de Krull que son treillis de Zariski.
J La démonstration, basée sur le fait 13.6.2, est laissée au lecteur. Une autre démonstration
sera donnée plus loin sous la forme du lemme 14.3.8. I
On peut aussi accéder à la dimension de Krull via les idéaux bords de Krull comme pour les
anneaux commutatifs.
Définition 13.6.4
1. Le treillis TxK = T/(JTK (x) = 0), où
est appelé le bord supérieur (de Krull) de x dans T. On dit aussi que JTK (x) est l’idéal
bord de Krull de x dans T.
2. Plus généralement pour une suite x dans T, l’idéal bord de Krull itéré JTK (x) est défini par
récurrence comme suit : JTK () = {0} , et
Fait 13.6.6 Dans une algèbre de Heyting tout idéal bord de Krull itéré est principal : JTK (x) =
↓ (x ∨ ¬x) et
(13.12) JTK (x0 , . . . , xn ) = ↓ (xn ∨ (xn → (· · · (x1 ∨ (x1 → (x0 ∨ ¬x0 ))) · · ·))
Lemme 13.6.7 Soient a, b deux idéaux de type fini d’un anneau A. Dans le treillis Zar A l’élé-
ment DA (a) → DA (b) existe si, et seulement si, l’idéal (b : a∞ ) a même radical qu’un idéal de
type fini.
J Dans un treillis distributif, l’élément u → v existe si l’idéal (v : u) est principal (son générateur
est alors noté u → v). Or pour un idéal a de type fini, (DA (b) : DA (a)) = DA (b : a∞ ). D’où le
résultat annoncé. I
Lemme 13.7.2 Soit B et C deux A-algèbres. Alors par extension des scalaires on obtient
Kdim(C → C ⊗A B) 6 Kdim(A → B) dans les cas suivants :
1. C est un quotient de A, ou un localisé de A, ou le quotient d’un localisé de A.
2. C est un produit fini d’anneaux du type précédent.
3. C est une limite inductive filtrante d’anneaux du type précédent.
Remarque. Il n’est pas vrai que C ⊗A B soit zéro-dimensionnel dès que les trois anneaux le
sont. Par exemple prendre A un corps discret et B = C = A(X). Alors Kdim(C ⊗A B) = 1
(voir l’exercice 13.13). Il s’ensuit que l’extension des scalaires, même dans le cas d’une extension
fidèlement plate, peut augmenter strictement la dimension de Krull des morphismes. A contrario
on a le principe local-global concret suivant.
Principe local-global concret 13.2 Soient S1 , . . . Sn des monoïdes comaximaux d’un anneau
A, un entier k > −1 et B une A-algèbre. La dimension de Krull du morphisme A → B est 6 k
si, et seulement si, la dimension de Krull de chacun des morphismes ASi → BSi est 6 k.
13.7. Dimension des morphismes 521
Notons que pour Kdim A 6 0 on a trivialement Kdim B = Kdim ρ. Nous traitons ensuite un
cas simple mais non trivial pour y voir clair. Le cas vraiment simple serait celui où A est intègre
et Kdim A 6 1. Comme la démonstration est inchangée, nous supposerons seulement A quasi
intègre, ce qui facilitera la suite.
Proposition 13.7.3
Soit ρ : A → B un morphisme, avec A quasi intègre. Si Kdim ρ 6 n et Kdim A 6 1, alors
Kdim B 6 2n + 1.
J Soit h = h1 , . . . , h2n+2 une suite de 2n + 2 éléments dans B. On doit montrer qu’elle est
singulière.
Par hypothèse l’anneau A• ⊗A B est de dimension de Krull 6 n. Soit K = Frac A l’anneau total
des fractions, il est zéro-dimensionnel réduit et engendré par A comme anneau zéro-dimensionnel
réduit, donc c’est un quotient de A• . On en conclut que la suite h1 , . . . , hn+1 est singulière dans
e = K ⊗A B.
B
Cela signifie que l’idéal bord itéré I eK (h1 , . . . , hn+1 ) contient 1, et (( en chassant les dé-
B
nominateurs
. )) que IB K (h , . . . , h
1 n+1 ) contient un a ∈ A régulier. Donc l’anneau B0 =
K
B IB (h1 , . . . , hn+1 ) est un quotient de B/aB = A/aA ⊗A B. Puisque a est régulier et
Kdim A 6 1 le quotient A/aA est zéro-dimensionnel, donc (A/aA )red est un quotient de
A• et l’anneau (B0 )red est un quotient de A• ⊗A B. Donc la suite (hn+2 , . . . , h2n+2 ) est singulière
dans (B. 0 )red , ce qui implique
.
qu’elle est singulière dans B0 .
K K
Donc B IB (h) = B0 IB0 (hn+2 , . . . , h2n+2 ) est trivial. I
Pour passer du cas quasi intègre au cas général on a envie de dire que tout anneau réduit
peut se comporter dans les calculs comme un anneau intègre à condition de remplacer A par
(13.13) a ⊆ (a⊥ )⊥
(13.14) a⊆b =⇒ b⊥ ⊆ a⊥
(13.15) a⊥ = ((a⊥ )⊥ )⊥
(13.16) (a + b)⊥ = a⊥ ∩ b⊥
(13.17) a⊥ ⊆ b⊥ ⇐⇒ (a + b)⊥ = a⊥
(13.18) a⊥ ⊆ b⊥ ⇐⇒ (b⊥ )⊥ ⊆ (a⊥ )⊥
(13.19) (a⊥ : b) = (ab)⊥
⊥
. . .
(13.20) (A a⊥ ) b = A (ab)⊥
Remarques. 1) Un idéal a est un annulateur (d’un autre idéal) si, et seulement si, a = (a⊥ )⊥ .
2) L’inclusion a⊥ + b⊥ ⊆ (a ∩ b)⊥ peut être stricte, même si a = a⊥ ⊥
1 et b = b1 . Par exemple
A = Z[x, y] = Z[X, Y ]/hXY i, a1 = hxi et b1 = hyi. Alors a = a1 = hyi, b = b⊥
⊥
1 = hxi,
a⊥ + b⊥ = hx, yi et (a ∩ b)⊥ = h0i⊥ = h1i.
J 1. On a ψa (a) = (a, e0), où x est la classe modulo a⊥ et xe est la classe modulo (a⊥ )⊥ . Si
c = (y, ze), l’égalité ψa (a)c = 0 signifie ya = 0, c’est-à-dire ya2 = 0, ou encore ya = 0, c’est-à-dire
y = 0.
2. Si xa = 0 et xy = 0 pour . tout y ∈ a⊥ alors 2
. x = 0 donc x = 0.
3. Notons ψ1 : A → A a⊥ et ψ2 : A → A (a⊥ )⊥ les deux projections. On a b = b1 × b2 . Si
x ∈ A on a
ψa (x) ∈ b⊥ ⇐⇒ ψ1 (x)b1 = 0 et ψ2 (x)b2 = 0,
i.e. x ∈ ψ1−1 (b⊥ −1 ⊥ −1 ⊥
1 )∩ψ2 (b2 ). L’égalité (13.20) nous dit que chaque ψi (bi ) est un idéal annulateur.
On conclut avec l’égalité (13.16).
4. Dans un anneau réduit, tout idéal annulateur b⊥ est radical : en effet si x2 b = 0 alors xb = 0.
I
Lemme 13.7.5 Soit A réduit et a, b ∈ A. Alors avec les notations du lemme 13.7.4 les deux
anneaux (A{a} ){b} et (A{b} ){a} sont canoniquement isomorphes.
13.7. Dimension des morphismes 523
J L’anneau (A{a} ){b} peut être décrit de manière symétrique comme suit :
. . . .
A{a,b} = A (ab)⊥ × A (ab⊥ )⊥ × A (a⊥ b)⊥ × A (a⊥ b⊥ )⊥
et si ψ : A → A{a,b} est l’homomorphisme canonique, on a ψ(a)⊥ = (1, 1, 0, 0)⊥ et ψ(b)⊥ =
(1, 0, 1, 0)⊥ . I
Remarque. Le cas où ab = 0 est typique : quand on le rencontre, on voudrait bien scinder l’anneau
en composantes.où les choses. sont (( claires
. )). La construction précédente donne alors les trois
composantes A (ab ) , A (a b) , A (a⊥ b⊥ )⊥ . Dans la première, a est régulier et b = 0,
⊥ ⊥ ⊥ ⊥
Le lemme suivant pour les anneaux quasi intègres est recopié du lemme 11.4.19 qui concernait
les anneaux zéro-dimensionnels réduits (le lecteur pourra aussi à très peu près recopier la
démonstration).
Lemme 13.7.6 Si A ⊆ C avec C quasi intègre, le plus petit sous-anneau quasi intègre de C
contenant A est égal à A[(ea )a∈A ], où ea est l’idempotent de C tel que AnnC (a) = h1 − ea iC .
Plus généralement si A ⊆ B avec B réduit, et si tout élément a de A admet un annulateur dans
B engendré par un idempotent 1 − ea , alors le sous-anneau A[(ea )a∈A ] de B est quasi intègre.
Remarque. On peut se demander si Amin ne pourrait pas être caractérisé par une propriété
universelle liée au point 2.
Lemme 13.7.7 Soit A un anneau réduit et a = (a1 , . . . , an ) une suite de n éléments de A. Pour
I ∈ Pn , on note aI l’idéal
Q ⊥ ⊥
hai i⊥ = hai , i ∈ Ii⊥
Q Q
aI = i∈I j ∈I
/ aj j ∈I
/ aj
Alors Amin contient l’anneau suivant, produit de 2n anneaux quotients de A (certains éventuelle-
ment nuls) :
Q
A{a} = I∈Pn A/aI .
524 13. Dimension de Krull
Fait 13.7.8
1. Soit A un anneau quasi intègre.
(a) Amin = A.
(b) A[X] est quasi intègre, et B(A) = B(A[X]).
2. Pour tout anneau A on a un isomorphisme canonique
Amin [X1 , . . . , Xn ] ' (A[X1 , . . . , Xn ])min .
Commentaire. En pratique, pour utiliser l’anneau Amin , on n’a besoin que des étages finis de la
construction. On peut noter cependant que même un seul étage de la construction est un peu
mystérieux, dans la mesure où les idéaux a⊥ et (a⊥ )⊥ sont difficiles à maîtriser. C’est seulement
dans le cas des anneaux cohérents que l’on sait les décrire par des systèmes générateurs finis.
En fait si l’anneau est nœthérien, la construction doit s’arrêter en un nombre fini d’étapes
(au moins du point de vue des mathématiques classiques), et elle remplace l’anneau par le
produit de ses quotients par les idéaux premiers minimaux. Nous sommes ici dans une situation
où la construction de Amin répondant aux standards des mathématiques constructives semble
plus compliquée que le résultat en mathématiques classiques (au moins si l’anneau est nœthé-
rien). Néanmoins puisque nous n’avons pas besoin de connaître les idéaux premiers minimaux
notre méthode est plus générale (elle ne nécessite pas le principe
. du tiers exclu). En outre, sa
⊥
complication est surtout apparente. Quand nous utilisons A a par exemple, nous faisons en
fait des calculs dans A en forçant a à être régulier, c’est-à-dire
. en annulant par force tout x
qui se présente et qui annule a. Quand nous utilisons A (a⊥ )⊥ , la chose est moins facile, car
a priori, nous avons besoin d’une preuve (et non du simple résultat d’un calcul) pour certifier
qu’un élément x est dans (a⊥ )⊥ .
C’est un fait que l’utilisation des idéaux premiers minimaux dans un raisonnement de mathéma-
tiques classiques peut en général être rendue inoffensive (c’est-à-dire constructive) par l’utilisation
de Amin (ou d’un autre anneau universel du même type2 ), même si l’on ne dispose pas d’autre
moyen pour (( décrire un idéal (a⊥ )⊥ )) que celui d’appliquer la définition.
Application
Corollaire 13.7.9 Soit ρ : A → B un morphisme de dimension de Krull finie. On (( étend les
scalaires )) de A à Amin : on obtient B0 = Amin ⊗A B et l’on note ρ0 : Amin → B0 le morphisme
naturel.
Alors Kdim Amin = Kdim A, Kdim B = Kdim B0 et Kdim ρ0 6 Kdim ρ.
J Les deux premiers points résultent du fait que dans la construction de Amin , à chaque étape
élémentaire
E E/AnnE (a) × E/AnnE (AnnE a) ,
2. Amin correspond à l’utilisation de tous les quotients par les idéaux premiers minimaux, Frac(Amin ) correspond
à l’utilisation de tous les corps de fractions de ces quotients.
13.7. Dimension des morphismes 525
le produit des deux idéaux est nul, ce qui se retrouve après tensorisation par B. Donc le principe
de recouvrement fermé pour la dimension de Krull 13.1 page 513 s’applique.
Le dernier point est un cas particulier du lemme 13.7.2. I
Remarque. De manière générale Frac Amin semble un meilleur concept que A• pour remplacer le
corps des fractions dans le cas d’un anneau réduit non intègre. Dans le cas où A est quasi intègre,
on a en effet Amin = A, donc Frac Amin = Frac A, tandis que A• est en général nettement plus
gros (comme le montre l’exemple A = Z).
Corollaire 13.7.10
Soit ρ : A → B un morphisme. Si Kdim ρ 6 n et Kdim A 6 1, alors Kdim B 6 2n + 1.
J On fait une démonstration par récurrence sur m. Le cas m = 0 est trivial. La preuve donnée
pour m = 1 dans le cas où A est quasi intègre (proposition 13.7.3), qui s’appuyait sur la
dimension 0 pour prouver le résultat en dimension m = 1, s’adapte sans problème pour passer de
la dimension m à la dimension m + 1. Nous recopions la démonstration dans le cas où A est
quasi intègre. Pour passer au cas d’un anneau arbitraire on utilise le corollaire 13.7.9.
Soit h = h1 , . . . , hp une suite de p = (m + 1)(n + 1) éléments dans B. On doit montrer qu’elle est
singulière.
Par hypothèse l’anneau A• ⊗A B est de dimension de Krull 6 n. L’anneau total des fractions
K = Frac A est zéro-dimensionnel réduit et engendré par A comme anneau zéro-dimensionnel
réduit, donc c’est un quotient de A• . On en conclut que la suite h1 , . . . , hn+1 est singulière dans
Be = K ⊗A B.
Cela signifie que l’idéal bord itéré I eK (h1 , . . . , hn+1 ) contient 1, et (( en chassant les dé-
B
nominateurs
. )) que IB K (h , . . . , h
1 n+1 ) contient un a ∈ A régulier. Donc l’anneau B0 =
K
B IB (h1 , . . . , hn+1 ) est un quotient de B/aB = A/aA ⊗A B. Puisque a est régulier et
Kdim A 6 m le quotient A/aA est de dimension de Krull 6 m − 1. L’homomorphisme na-
turel A/aA → B/aB reste de dimension de Krull 6 n (lemme 13.7.2). Donc par hypothèse
de récurrence la suite (hn+2 , . . . , hp ) est singulière dans B/aB . Donc la suite (hn+2 , . . . , hp ) est
singulière dans B.0 . .
En conclusion B IB K (h) = B K
0 IB0 (hn+2 , . . . , hp ) est trivial. I
J On applique le fait précédent en notant que 0 et 1 sont deux suites complémentaires et que la
suite xi , xi+1 avec xi+1 6 xi admet 0, 1 pour suite complémentaire. I
Lemme 13.8.3 Pour une suite croissante a = a1 , . . . , an dans un treillis totalement ordonné les
propriétés suivantes sont équivalentes.
1. La suite est singulière.
2. a1 = 0, ou an = 1, ou il existe i ∈ J1..n − 1K tel que ai = ai+1 .
3. Le nombre d’éléments dans 0, a1 , . . . , an , 1 est borné par n + 1
1 6 a3 ∨ b3
a3 ∧ b3 6 a2 ∨ b2
a2 ∧ b2 6 a1 ∨ b1
a1 ∧ b1 6 0
Théorème 13.9 Pour un treillis distributif totalement ordonné T les propriétés suivantes sont
équivalentes.
1. T est de dimension inférieure ou égale à n.
2. Le nombre d’éléments de T est borné par n + 2 (#T 6 n + 2).
3. Pour toute suite croissante x0 , . . . , xn , on a x0 = 0, ou xn = 1, ou xi+1 = xi pour un
i ∈ J0, n − 1K.
Notez que le théorème précédent s’applique au treillis de Zariski d’un anneau de valuation.
Nous présentons deux faits fort simples et utiles concernant les anneaux de valuation.
Fait 13.8.4 Soient u1 , . . . , um ∈ V, un anneau de valuation, tels que i ui = 0 (m > 2). Alors
P
J Tout d’abord il existe j tel que hu1 , . . . , um i = huj i. Soit alors pour chaque k un élément vk
P P
tel que uk = vk uj , avec vj = 1. On obtient uj (1 + k6=j vk ) = 0. Donc uj = 0 ou 1 + k6=j vk = 0.
P
Si uj = 0 on peut prendre tous les vk égaux à 1. Si 1 + k6=j vk = 0 l’un des vk est inversible
puisque V est local. I
Fait 13.8.5 Soit V un anneau de valuation. Soit une suite a1 , . . . , an dans V∗ , des exposants pi
tous > 0 et posons a = ni=1 api i . Alors il existe un j ∈ J1..nK tel que DV (a) = DV (aj ).
Q
J Considérons un j tel que ai divise aj pour tous les i ∈ J1..nK. Alors aj divise a qui divise apj ,
où p = ni=1 pi . I
P
J On considère une suite y0 , . . . , y`+m dans F . On doit montrer qu’il y a deux termes égaux.
On considère les m + 1 premiers termes. Ou bien il y en a deux égaux, et l’affaire est entendue,
ou bien l’un des termes est dans E. Dans ce cas, on supprime ce terme qui est dans E de la suite
y0 , . . . , y`+m et l’on considère les m + 1 premiers termes de cette nouvelle suite. Ou bien il y en a
deux égaux, et l’affaire est entendue, ou bien l’un des termes est dans E . . . Dans le cas pire, on
poursuit le processus jusqu’au bout et l’on obtient à la fin ` + 1 termes dans E et deux d’entre
eux sont égaux. I
Théorème 13.10 Soit V un anneau de valuation intègre, K son corps des fractions, L ⊇ K
un corps discret de degré de transcendance 6 m sur K et W ⊇ V un anneau de valuation de L.
Alors Kdim W 6 Kdim V + m.
528 13. Dimension de Krull
On a immédiatement :
– Kdim A 6 Vdim A,
– Vdim A = −1 si, et seulement si, A est trivial,
– et Vdim A 6 0 si, et seulement si, Kdim A 6 0.
Le fait suivant résulte directement de la construction de Amin .
J Puisque Kdim V = Kdim Vmin , et puisque Vmin est un anneau arithmétique si V en est un, il
suffit de traiter le cas où V est quasi intègre. Dans ce cas on applique le théorème 12.8 page 476
qui dit que tout élément de Frac V est primitivement algébrique sur V, et le théorème 13.8
page 526 qui dit que dans un tel cas Kdim B 6 Kdim V pour tout anneau B intermédiaire entre
V et Frac V. I
Remarque. Voici une fin de preuve alternative moins savante. On suppose d’abord que V est local,
i.e., que c’est un anneau de valuation intègre. Pour tout x = a/b ∈ Frac V, on a l’alternative : b
divise a, auquel cas x ∈ V, ou a divise b, i.e., ac = b auquel cas c est régulier et x = 1/c de sorte
que V[x] est un anneau de valuation localisé de V, donc Kdim V[x] 6 Kdim V.
Dans le cas général on reprend la démonstration précédente. On remplace l’alternative (( b divise
a ou a divise b )) par la création de deux localisations comaximales de V. Dans la première b
divise a, dans la seconde a divise b.
13.8. Dimension valuative 529
Dans la proposition suivante, comme nous le verrons un peu plus loin, les trois propriétés
sont en fait équivalentes (théorème 13.11 page 531 point 2.).
Proposition 13.8.10 Soit A un anneau intègre et n > 1, on a pour les points suivants les
implications 1. ⇒ 2. ⇒ 3.
1. On a Kdim A[X1 , . . . , Xn ] 6 2n.
2. Pour tous x1 , . . ., xn dans Frac A, on a Kdim A[x1 , . . . , xn ] 6 n.
3. On a Vdim A 6 n.
J 1.⇒ 2. On considère l’homomorphisme d’évaluation ϕ : A[X] → A[x] qui envoie les Xi sur les
xi = ai /bi (avec bi ∈ Reg(A)). On a bi Xi − ai ∈ Ker ϕ. Puisque la dimension de Krull n’augmente
pas par quotient, on a
Kdim A[x1 , . . . , xn ] 6 Kdim(A[X1 , . . . , Xn ]/ hb1 X1 − a1 , . . . , bn Xn − an i).
D’après la proposition 13.2.15, il suffit donc de vérifier que la suite
(b1 X1 − a1 , . . . , bn Xn − an )
est régulière dans A[X]. Or si B est un anneau et b ∈ Reg B, bX − a est évidemment régulier
dans B[X]. Ainsi u1 = b1 X1 − a1 est régulier dans A[X1 , . . . , Xn ] (prendre B = A[X2 , . . . , Xn ]).
Ensuite, on doit voir que b2 X2 − a2 est régulier dans A[X1 , . . . , Xn ]/hu1 i. Or ce dernier anneau
est de la forme C[X2 , . . . , Xn ]. On poursuit ainsi de proche en proche.
2. ⇒ 3. On considère une suite arbitraire (y1 , . . . , yr ) dans Frac A, puis une suite (x0 , . . . , xn )
arbitraire dans B = A[y1 , . . . , yr ]. On doit démontrer que la suite (x0 , . . . , xn ) est singulière dans
B. Il suffit de montrer qu’elle est singulière dans C = A[x0 , . . . , xn ], ou encore, que la suite
(x1 , . . . , xn ) est singulière dans C/IC K (x ).
0
On écrit x0 = a0 /b0 avec b0 ∈ Reg A. Si a0 = 0, c’est terminé.
Si a0 est régulier, alors IC K (x ) = x C ⊇ a C. Donc C/I K (x ) est un quotient de C/ha i qui est
0 0 0 C 0 0
égal à A[x1 , . . . , xn ]/ha0 i, lequel est dimension de Krull 6 n − 1. Ainsi C/IC K (x ) est dimension
0
de Krull 6 n − 1, et la suite (x1 , . . . , xn ) est singulière dans C/ICK (x ).
0 I
Ainsi l’égalité encadrée ne colle pas vraiment pour l’anneau trivial (il faudrait dire que la
dimension de l’anneau trivial est −∞ plutôt que −1).
Remarque préliminaire. Étant donné que Vdim A = Vdim Amin par définition, et que
Amin [X1 , . . . , Xn ] ' (A[X1 , . . . , Xn ])min (fait 13.7.8), il suffit de traiter le cas où A est qua-
si intègre, et par la machinerie locale-globale élémentaire des anneaux quasi intègres, il suffit
de traiter le cas intègre. Dans la suite du paragraphe, nous utiliserons donc parfois la phrase
salvatrice : (( on peut sans perte de généralité supposer l’anneau intègre )), ou parfois, si nous
voulons donner une explication sur le fonctionnement de la machinerie locale-globale élémentaire
(( on peut sans perte de généralité supposer l’anneau quasi intègre )).
Si P est de degré formel p (en α), Q de degré formel q (en α−1 ), on considère le résultant :
J Pour alléger les notations, on note Resα,q,p (U, V ) à la place de Resα (U, q, V, p), on suppose
n = 1 et l’on note x = x0 , y = x1 , de sorte que P = xm0 S, αq Q = xn0 T , avec :
Corollaire 13.8.14 Soient a, b des éléments réguliers d’un anneau quasi intègre A. Alors
Vdim A 6 sup(Vdim A[a/b], Vdim A[b/a]).
13.8. Dimension valuative 531
J On doit montrer que si Vdim A 6 k alors Vdim A[X1 , . . . , Xm ] 6 k + m. D’après le fait 13.7.8,
il suffit de traiter le cas A quasi intègre.
On suppose d’abord A intègre. On reprend la preuve du théorème 13.10 page 527 et l’on utilise
la méthode dynamique. Chaque fois que l’on a une disjonction (( a divise b ou b divise a )) on
introduit les anneaux C[a/b] et C[b/a], où C est l’anneau (( en cours )). À chaque feuille de
l’arbre ainsi construit on a un anneau A[u1 , . . . , u` ] ⊆ Frac A dans lequel la suite considérée est
singulière. On conclut par la proposition 13.8.13 que la suite est singulière dans A.
Dans le cas où A est quasi intègre on peut faire appel à la machinerie locale-globale élémentaire
des anneaux quasi intègres. On peut aussi raisonner plus directement : la donnée de a et b produit
la décomposition de (( l’anneau en cours )) C en un produit de 4 composantes. Dans trois d’entre
elles, a ou b est nul et tout est facile. Dans la quatrième, a et b sont réguliers et l’on est ramené
au cas intègre. I
Théorème 13.12
1. Si A est un anneau arithmétique on a
HUM precisions ?
532 13. Dimension de Krull
Définition 13.9.1
1. Un homomorphisme α : T → V de treillis distributifs est dit lying over lorsque pour a, b ∈ T
on a l’implication α(a) 6 α(b) =⇒ a 6 b.
Il revient au même de dire que α est injectif.
2. Un homomorphisme ϕ : A → B d’anneaux commutatif est dit lying over lorsque l’homo-
morphisme Zar ϕ : Zar A → Zar B est injectif.
Fait 13.9.2 Soit B ⊇ A une extension. Si B est entière ou fidèlement plate (sur A), le mor-
phisme d’inclusion A → B est lying over.
J Le premier cas est une simple reformulation du lemme 6.3.11 (lying over). Dans le deuxième
cas, pour tout idéal de type fini a de A on a aB ∩ A = a. I
Définition 13.9.3
1. Un homomorphisme α : T → V de treillis distributifs est dit going up lorsque pour tous
a, c ∈ T et y ∈ V on a
α(a) 6 α(c) ∨ y =⇒ ∃x ∈ T (a 6 c ∨ x et α(x) 6 y).
2. Un homomorphisme ϕ : A → B d’anneaux commutatifs est dit going up lorsque l’homo-
morphisme Zar ϕ : Zar A → Zar B est going up.
Remarques. 1) Pour le point 1., si a = α−1 (0V ) et T1 = T/(a = 0) , alors α est going up si, et
seulement si, α1 : T1 → V est going up.
Pour le point 2., si T = Zar A, alors T1 ' Zar(ϕ(A)). On en déduit : si A1 = ϕ(A), alors ϕ est
going up si, et seulement si, ϕ1 : A1 → B est going up.
2) Pour les treillis distributifs, si α−1 (0) = 0 et α est going up, alors il est lying over. Pour les
anneaux commutatifs, si Ker ϕ ⊆ DA (0) et ϕ est going up, alors il est lying over.
Proposition 13.9.4 Si B est une A-algèbre entière, le morphisme A → B est going up.
Définition 13.9.5
1. Un homomorphisme α : T → V de treillis distributifs est dit going down lorsque le même
homomorphisme pour les treillis opposés T◦ et V◦ est going up. Autrement dit pour tous
a, c ∈ T et y ∈ V on a
α(a) > α(c) ∧ y =⇒ ∃x ∈ T (a > c ∧ x et α(x) > y)
2. Un homomorphisme ϕ : A → B d’anneaux commutatifs est dit going down lorsque l’homo-
morphisme Zar ϕ : Zar A → Zar B est going down.
534 13. Dimension de Krull
Remarques. 1) La définition 1. revient à dire que l’image par α de l’idéal transporteur (a : c)T
engendre l’idéal (α(a) : α(c))V . Si donc les treillis distributifs sont des algèbres de Heyting cela
signifie que l’homomorphisme de treillis est aussi un homomorphisme d’algèbres de Heyting.
2) Mêmes remarques que pour le going up. Si f = α−1 (1V ) et T2 = T/(f = 1) , alors α est going
down si, et seulement si, α2 : T2 → V est going down.
Ceci donne pour les anneaux commutatifs : si S = ϕ−1 (B× ) et A2 = AS , alors ϕ est going down
si, et seulement si, ϕ2 : A2 → B est going down.
Pour les treillis distributifs, si α−1 (1) = 1 et α est going down, alors il est lying over. Pour les
anneaux commutatifs, si ϕ−1 (B× ) ⊆ A× et ϕ est going down, alors il est lying over.
Remarque. C’est par exemple le cas, pour des anneaux commutatifs, lorsque B ⊇ A est entier
sur A. On retrouve ainsi la proposition 13.4.1. Le cas des extensions fidèlement plates fonctionne
également (voir la proposition 13.9.7).
J Il suffit de traiter le cas avec going up et des treillis. On suppose Kdim Y 6 n et on considère
une suite a0 , . . . , an dans X. On a dans Y une suite y0 , . . . , yn complémentaire de α(a) :
α(a0 ) ∧ y0 6 0, . . . , α(an ) ∧ yn 6 α(an−1 ) ∨ yn−1 , 1 6 α(an ) ∨ yn .
On va construire une suite x0 , . . . , xn complémentaire de a dans X. À l’étage n, par going up, il
existe xn ∈ X tel que
1 6 an ∨ xn et α(xn ) 6 yn .
Ceci donne à l’étage n − 1 l’inégalité : α(an ∧ xn ) 6 α(an−1 ) ∨ yn−1 .
Par going up il existe xn−1 ∈ X tel que
an ∧ xn 6 an−1 ∨ xn−1 et α(xn−1 ) 6 yn−1 .
On continue de la même manière jusqu’à l’étage 0, où cette fois-ci il faut utiliser le lying over. I
Lemme 13.9.6 Pour qu’un homomorphisme d’anneaux ϕ : A → B soit going down il faut et
suffit que pour tous c, a1 , . . . , aq ∈ A et y ∈ B tels que ϕ(c)y ∈ DB (ϕ(a)) il existe des éléments
x1 , . . . , xm ∈ A tels que :
DA (c) ∧ DA (x) 6 DA (a) et DB (y) 6 DB (ϕ(x)).
J Dans la définition nous avons remplacé un élément arbitraire DA (c) de Zar A et un élément
arbitraire DB (y) de Zar B par des générateurs DA (c) et DB (y). Comme les générateurs DA (c)
(resp. DB (y)) engendrent Zar A (resp. Zar B) par sups finis, les règles de distributivité impliquent
que la restriction à ces générateurs est suffisante (calculs laissés à la lectrice). I
J On se place dans les hypothèses du lemme 13.9.6, avec une égalité dans B :
ϕ(c)` y ` + qi=1 bi ϕ(ai ) = 0
P
(∗)
1. On regarde (∗) comme une relation de dépendance B-linéaire entre les éléments c` , a1 , . . . , aq .
On exprime qu’elle est une combinaison B-linéaire de relations de dépendance A-linéaires. Ces
relations s’écrivent xj c` + qi=1 uj,i ai = 0 pour j ∈ J1..mK, avec les xj et uj,i dans A. Cela donne
P
DA (cxj ) 6 DA (a), et donc DA (c) ∧ DA (x) 6 DA (a). Par ailleurs y ` est une combinaison B-linéaire
des ϕ(xj ) donc DB (y) 6 DB (ϕ(x)).
Exercices et problèmes 535
2. D’après (∗), (cy)` ∈ aB et donc (lemme lying over 12.2.8), (cy)` , a fortiori cy, est entier
sur haiA . On écrit une relation de dépendance intégrale pour cy sur l’idéal haiA sous la forme
f (cy) = 0 avec
où µj ∈ haiAj .
Pk
f (X) = X k + j=1 µj X
k−j
Par ailleurs, y annule un polynôme unitaire g(X) ∈ A[X]. Soit dans (Frac A)[X] le pgcd unitaire
h(X) = X m + x1 X m−1 + · · · + xm des deux polynômes f (cX) et g(X). Puisque A est intégra-
lement clos, le théorème de Kronecker dit que xj ∈ A, et l’égalité h(y) = 0 fournit y ∈ DB (x).
Il reste à voir que cxj ∈ DA (a) pour j ∈ J1..mK. En remplaçant formellement X par Y /c on
obtient que le polynôme hc (Y ) = Y m + cx1 Y m−1 + · · · + cm xm divise f (Y ) dans (Frac A)[Y ]. Le
théorème de Kronecker (sous la forme du lemme 12.2.7) nous dit que cxj ∈ DA (µ1 , . . . , µk ) et
comme DA (µ1 , . . . , µk ) 6 DA (a), on a bien cxj ∈ DA (a). I
Incomparabilité
En mathématiques classiques on dit qu’un homomorphisme α : T → T0 de treillis distri-
butifs (( possède la propriété d’incomparabilité )) lorsque les fibres de l’homomorphisme dual
Spec α : Spec T0 → Spec T sont constituées d’éléments deux à deux incomparables, autrement
dit pour deux idéaux premiers q1 et q2 de Spec T0 tels que α−1 (q1 ) = α−1 (q2 ), si q1 ⊆ q2 alors
q1 = q2 .
La définition constructive correspondante est que le morphisme T → T0 est zéro-dimensionnel.
Nous avons déjà donné la définition de la dimension d’un morphisme dans le cas des anneaux
commutatifs. Une définition analogue peut être fournie pour les treillis distributifs, mais nous
n’en aurons pas l’usage.
La principale conséquence de la situation d’incomparabilité pour un homomorphisme ϕ :
A → B est le fait que Kdim B 6 Kdim A. Ceci est un cas particulier du théorème 13.7 page 525
avec l’important théorème 13.8 page 526.
Exercices et problèmes
Exercice 13.1 Il est recommandé de faire les démonstrations non données, esquissées, laissées au lecteur,
etc. . . Notamment :
– Démontrer la proposition 13.3.1.
– Démontrer ce qui est affirmé dans les exemples page 507.
– Démontrer le fait 13.6.3.
– Démontrer les faits 13.6.5 et 13.6.6.
– Vérifier les détails dans la démonstration de la proposition 13.6.9.
– Démontrer lemme 13.7.6 en vous inspirant de la preuve du lemme 11.4.19.
– Démontrer le corollaire 13.8.14.
– Vérifier les affirmations du théorème 13.12 page 531 comme corollaires du théorème 13.11.
– Vérifier les détails dans la démonstration du lemme 13.9.6.
Exercice 13.2 Si f est un filtre de l’anneau A, définissons son (( complément )) ef comme étant
{ x ∈ A | x ∈ f ⇒ 0 ∈ f }. En particulier on a toujours 0 ∈ ef, même si 0 ∈ f. De même, si a est un
idéal de l’anneau A, définissons son (( complément )) ā comme { x ∈ A | x ∈ a ⇒ 1 ∈ a }. Montrez que si f
est filtre premier son complément est un idéal. Si en outre f est détachable alors a est un idéal premier
détachable. Montrez aussi les affirmations duales.
Exercice 13.3 1. Si la suite X1 , . . . , Xn est singulière dans l’anneau A[X1 , . . . , Xn ], alors A est trivial.
2. Soit k ∈ N. Démontrer que si A[X] est un anneau de dimension inférieure ou égale à k alors A est de
de dimension inférieure ou égale à k − 1. Retrouver ainsi le point 1.
Exercice 13.4 Démontrer que si K est un anneau de dimension de Krull exactement égale à 0 alors,
K[X1 , . . . , Xn ] est de dimension de Krull exactement égale à n.
536 13. Dimension de Krull
Exercice 13.6 Pour une algèbre de présentation finie A sur un corps discret non trivial appelons
(( dimension de Nœther de A )) le nombre de variables algébriquement indépendantes après une mise un
position de Nœther.
1. Soit f ∈ A ⊇ K[Y1 , . . . , Yr ] = K[Y ] (A entière sur K[Y ]).
1a) Montrer que l’idéal bord de f contient ung ∈ K[Y ] \ {0}.
1b) En déduire que l’anneau bord de Krull A JAK (f ) est un quotient d’une algèbre de présentation finie
dont la dimension de Nœther est 6 r − 1.
2. En déduire une démonstration directe de l’égalité des dimensions de Krull et de Nœther des algèbres de
présentation finie sur un corps discret non trivial.
Exercice 13.7 1. Soient K un corps discret non trivial, K[X] = K[X1 , . . . , Xn ] et f ∈ K[X] \ {0}, alors
Kdim(K[X][1/f ]) = n.
2. Plus généralement, donner une condition suffisante sur le polynôme δ ∈ A[X] pour que l’on ait
Kdim(A[X][1/δ]) = Kdim A[X] (voir la démonstration du lemme 10.4.4).
Xn
2. Soit A un anneau réduit, x = x1 , . . . , xn une suite de n éléments de A et P = β aβ X β ∈ A[X]
P
vérifiant P (x) = 0.
a. Montrer, pour α ∈ Nn , que aα β<α Ann(aβ ) ⊆ I K (x).
Q
b. En déduire :
I K (aβ ) ⊆ I K (x) +
Q Q
β β Ann(aβ )
Pd
3. Soient une algèbre A → B avec B réduit et x ∈ B primitivement algébrique sur A : i=0 ai xi = 0
K
avec ai ∈ A et 1 ∈ hai , i ∈ J0..dKi. Déduire de la question précédente que IB (x) contient l’image de
Qd K
I
i=0 A (a i ).
4. En déduire une nouvelle preuve du théorème 13.8 page 526 : si tout élément de B est primitivement
algébrique sur A, alors Kdim B 6 Kdim A.
Exercices et problèmes 537
K K
Q
i,j IA[T ] (rij ) ⊆ IA[T ] (f, g).
3. En utilisant un anneau de type A{a} (lemme 13.7.7 et exercice 13.18), retrouver l’inégalité Kdim A[T ] 6
1 + 2 Kdim A.
4. Montrer
le résultat
plus précis suivant : pour un anneau réduit A et f, g ∈ A[T ], l’idéal
K K
DA[T ] IA[T ] (f, g) contient un produit fini d’idéaux bord IA (a), a ∈ A.
Exercice 13.17 (une autre définition de la dimension de Krull des treillis distributifs, cf. [73, Español])
Dans un ensemble ordonné, une suite x0 , . . . , xn est appelée une chaîne de longueur n si l’on a x0 6 x1 6
· · · 6 xn . Dans un treillis distributif deux chaînes x0 , . . . , xn et b0 , . . . , bn sont dites liées, s’il existe une
chaîne c1 , . . . , cn avec
x 0 ∧ b0 = 0
x1 ∧ b1 = c1 = x0 ∨ b0
(13.25) .
.. .
.. .
.. .
.. .
..
xn ∧ bn = cn = xn−1 ∨ bn−1
1 = x n ∨ bn
On pourra comparer avec la définition 13.6.1 pour les suites complémentaires. Noter aussi que si des suites
x0 , . . . , xn , b0 , . . . , bn et c1 , . . . , cn sont liées par des équations (13.25), alors ce sont des chaînes.
1. Si dans un treillis distributif on a x 6 y et x ∨ a > y ∧ b, alors on peut expliciter a0 et b0 tels que
x ∧ a0 = x ∧ a, y ∨ b0 = y ∨ b, x ∨ a0 = y ∧ b0
Donc à partir d’une configuration de gauche (en supposant toujours x 6 y), on peut construire une
configuration de droite :
x ∧ a0 = p
x∧a = p
x∨a > y∧b x ∨ a0 = y ∧ b0
q = y∨b q = y ∨ b0
2. Dans un treillis distributif une chaîne x0 , . . . , xn possède une suite complémentaire si, et seulement si,
il existe une chaîne qui lui est liée.
3. Un treillis distributif est de dimension de Krull 6 n si, et seulement si, toute chaîne de longueur n
possède une suite qui lui est liée.
a. Vérifier que l’intersection (et a fortiori le produit) des idéaux aI est nulle ; en conséquence, le
morphisme A → A{a} est injectif et Kdim A = Kdim A{a} .
b. Vérifier que AnnA{a} (ai ) = hεi iA .
{a}
Exercice 13.20 On peut généraliser le théorème 13.11 page 531 comme suit. On considère A ⊆ B et
l’on suppose que pour toute famille x0 , . . . , x` dans B on a un polynôme primitif de A[X0 , . . . , X` ] qui
annule x0 , . . . , x` . Alors on a Vdim B 6 ` + Vdim A.
Exercice 13.3 2. On considère une suite de longueur k dans A, on lui rajoute X au début, et elle devient
singulière dans A[X]. On se débarrasse ensuite de X dans l’égalité (13.6) page 509 correspondante.
Exercice 13.4 On peut supposer K réduit (Kred [X1 , . . . , Xn ] = K[X1 , . . . , Xn ]red a même dimension
que K[X1 , . . . , Xn ]). Deux possibilités s’offrent alors. La première est de réécrire la preuve donnée dans le
cas d’un corps discret en utilisant l’exercice 4.11 et le principe local-global 13.1 page 513. La deuxième est
d’appliquer la machinerie locale-globale élémentaire no 2.
S
Exercice 13.5 On écrit chaque Ui comme réunion d’ouverts élémentaires : Ui = j∈Ji DA (gij ). Dire que
les DA (gij ),Ppour j ∈ Ji , i ∈ I, recouvrent Spec(A), signifie que 1 ∈ hDA (gij ), j ∈ Ji , i ∈ Ii, d’où une
égalité 1 = j,i Puji gij , les uji étant nuls sauf un nombre fini d’entre eux (i ∈ I0 , j ∈ Ji , I0 et les Ji finis).
On pose fi = j∈Ji uji gij . On a DA (f Pi ) ⊆ Ui puisque pour p ∈ DA (fi ), on a fi ∈ / p donc un indice j tel
que gij ∈/ p, i.e. p ∈ DA (gij ) ⊆ Ui . Et i∈I0 fi = 1.
Exercice 13.6 1a) On écrit une relation de dépendance intégrale de f sur K[Y1 , . . . , Yr ] : f n +an−1 f n−1 +
· · · + ak f k = 0 avec n > 1, les ai ∈ K[Y1 , . . . , Yr ]) et ak =
6 0. L’égalité (ak + bf )f k = 0 montre que
K
ak + bf ∈ (DA (0) : f ) (même si k = 0). Donc ak ∈ JA (f ).
Exercice 13.7 1. On écrit K[X][1/f ] = K[X, T ]/h1 − f T i. Une mise en position de Nœther du polynôme
non constant 1 − f T nous ramène à une extension entière de K[Y1 , . . . , Yn ].
2. On écrit A[X][1/δ] = A[X, T ]/h1 − δT i. On cherche à appliquer le théorème 13.8 page 526 sur les
extensions entières.
On veut d’une part que δ soit régulier, pour que l’homomorphisme A[X] → A[X][1/δ] soit injectif, et
d’autre part que l’on puisse faire une mise en position de Nœther du polynôme 1 − δT , pour que A[X][1/δ]
soit entier sur un anneau A[Y1 , . . . , Yn ].
La première condition signifie que l’idéal c(δ) est fidèle (McCoy, corollaire 3.2.3).
La deuxième condition est réalisée si l’on se trouve dans la même situation que pour le lemme 10.4.4 :
– δ est de degré formel d,
– un des monômes de degré d, portant sur un sous-ensemble de variables (Xi )i∈I , a pour coefficient
un élément de A× ,
– et c’est le seul monôme de degré d en les variables (Xi )i∈I présent dans δ.
Notons que dans ce cas le polynôme δ est primitif et la première condition est également réalisée.
Exercice 13.8 1. On considère s = a/b ∈ Frac A avec b régulier. La suite (bX − a, b, X) est singulière
dans A[X]. Cela donne une égalité dans A[X] du type suivant
(bX − a)k1 (bk2 (X k3 (1 + Xp3 (X)) + bp2 (X)) + (bX − a)p1 (X)) = 0.
Puisque A[X] est intègre, on peut supprimer le facteur (bX − a)k1 , à la suite de quoi on spécialise X en s.
Il vient
bk2 (sk3 (1 + sp3 (s)) + bp2 (s)) = 0,
et puisque b est régulier :
sk3 (1 + sp3 (s)) + bp2 (s) = 0.
Ainsi s annule les deux polynômes g(X) = X k3 (1 + Xp3 (X)) + bp2 (X) et f (X) = bX − a. Enfin, puisque
le coefficient de X k3 dans g est de la forme 1 + bc, on obtient 1 ∈ c(f ) + c(g) = c(f + X 2 g).
2. Résulte de 1. et des résultats généraux sur la dimension de A[X], pour un anneau arbitraire et pour un
anneau de Prüfer.
3. Il semble bien que oui.
Exercice 13.9 1. Il suffit de montrer, pour deux idéaux a, b et deux éléments u, v ∈ A, que :
((a : u∞ ) + Au) ((b : u∞ ) + Au) ⊆ (ab : u∞ ) + Au et
((a : u∞ ) + Au) ((a : v ∞ ) + Av) ⊆ (a : (uv)∞ ) + Auv.
La première inclusion découle de (a : u∞ ) (b : u∞ ) ⊆ (ab : u∞ ) et la seconde de (a : u∞ ) + (a : v ∞ ) ⊆ (a :
(uv)∞ ).
Exercice 13.10 1. Comme β > α, X β est multiple de l’un des monômes suivants :
α 1+α
X1α1 X2α2 · · · Xn−1
n−1
Xn1+αn , X1α1 X2α2 · · · Xn−1 n−1 , · · · , X1α1 X21+α2 , X11+α1 .
Q
2a. Soit y ∈ β<α Ann(aβ ) ; en posant Q(X) = yP (X), on a
Q(X) = yaα X α + β>α yaβ X β et Q(x) = 0.
P
Pour montrer que yaα ∈ I K (x), on peut donc supposer que y = 1 et que P (X) = aα X α + aβ X β .
P
β>α
En utilisant l’égalité P (x) = 0 et la première question, on obtient aα ∈ I K (x).
2b. D’abord, puisque A est réduit, on a I K (a) = Ann(a) + Aa pour tout a ∈ A. Ensuite, on va utiliser la
remarque suivante : soit c un idéal et 2m idéaux a1 , b1 , . . . , am , bm tels que a1 · · · ak−1 bk ⊆ c pour tout
k ∈ J1..mK. Alors :
(a1 + b1 ) · · · (am + bm ) ⊆ c + a1 · · · am .
En effet, par récurrence sur m :
(a1 + b1 ) · · · (am−1 + bm−1 ) ⊆ c + a1 · · · am−1 .
En multipliant cette inclusion par am + bm , on obtient :
(a1 + b1 ) · · · (am + bm ) ⊆ c + a1 · · · am−1 am + a1 · · · am−1 bm .
Mais a1 · · · am−1 bm ⊆ c, d’où l’inclusion annoncée.
542 13. Dimension de Krull
Appliquons cela à c = I K (x) et aux idéaux aβ = Ann(aβ ), bβ = Aaβ . Comme Ann(aβ ) + Aaβ = I K (aβ ),
on obtient l’inclusion désirée.
3. Application directe avec n = 1.
4. On peut supposer A, B réduits quitte à remplacer A → B par Ared → Bred qui reste primitivement algé-
brique. On peut aussi supposer A ⊆ B quitte à remplacer A par son image dans B. Montrons
K Kdim A 6
m ⇒ Kdim B 6 m par récurrence sur m. Il suffit de montrer, pour x ∈ B, que Kdim(B IB (x) ) 6 m − 1 ;
K K
mais IB (x)
contient un idéal a de A produit fini d’idéaux bord IA (a), a ∈ A. On a donc une algèbre
K
A/a → B IB (x) qui reste primitivement algébrique et à qui on peut appliquer l’hypothèse de récurrence
puisque Kdim A/a 6 m − 1.
Exercice 13.11 1. On utilise l’extension entière A = A/A ∩ b ,→ B = B/b . Soit a ∈ A ∩ (b + aB) ;
en appliquant le 6.3.11 (lying over) à A ⊆ B, on obtient an ∈ a, i.e. an ∈ a + b et comme a ∈ A,
an ∈ a + A ∩ b.
2. Par récurrence sur d. On pose
K
a = IA (a0 , . . . , ad−1 ), a0 = IA
K K
(a0 , . . . , ad ), b = IB (a0 , . . . , ad−1 ), b0 = IB
K
(a0 , . . . , ad )
On a donc par définition a0 = (a : a∞ 0 ∞
d )A + Aad et b = (b : ad )B + Bad . On veut montrer que
A ∩ b ⊆ DA (a ). En appliquant la question 1., on obtient A ∩ b ⊆ DA (c) avec c = Aad + A ∩ (b : a∞
0 0 0
d )B =
Aad + (A ∩ b : a∞
d )A . Par récurrence, A ∩ b ⊆ D A (a), donc
def
c ⊆ Aad + (DA (a) : a∞ ∞ 0
d )A ⊆ DA (Aad + (a : ad )A ) = DA (a )
d’où A ∩ b0 ⊆ DA (a0 ).
Exercice 13.12 1. Soit t ∈ S + aB ; il existe donc s ∈ S tel que s − t ∈ aB. On utilise le fait que s − t
est entier sur a, ce qui fournit un polynôme unitaire
P (X) ∈ X n + aX n−1 + · · · + an−1 X + an
tel que P (s − t) = 0. On écrit que P (s − T ) = T Q(T ) + P (s) et l’on remarque que P (s) ∈ sn + a (ne pas
oublier que s ∈ S ⊆ A). Ainsi −tq(t) ∈ S + a.
K K
2. Par récurrence sur d. Soit T = SB (a0 , . . . , ad ) = aN
0 (SB (a1 , . . . , ad ) + a0 B) ; la récurrence fournit
K K satB
SB (a1 , . . . , ad ) ⊆ SA (a1 , . . . , ad ) donc
K satB K satB
T ⊆ aN
0 (SA (a1 , . . . , ad ) + a0 B) ⊆ aN
0 (SA (a1 , . . . , ad ) + a0 B)
La première question fournit :
K satB K satB
T ⊆ aN
0 (SA (a1 , . . . , ad ) + a0 A) ⊆ (aN
0 (SA (a1 , . . . , ad ) + a0 A))
K
c’est-à-dire T ⊆ SA (a0 , . . . , ad )satB .
Exercice 13.13 2. L’anneau A/hX1 − Y1 i peut être vu comme la localisation de
K[X1 , . . . , Xn , Y2 , . . . , Ym ] en
S1 = (K[X1 , . . . , Xn ])∗ (K[X1 , Y2 , . . . , Ym ])∗ .
Il est donc intègre. On décrit de la même façon les quotients successifs.
Exercice 13.14 1. Soit ai := I K (x1 , . . . , xi ), rappelons que a0 = 0 et ai+1 = (ai : x∞ i+1 ) + Axi+1 . De
proche en proche, on a ai ⊆ pi et comme xi+1 ∈ / pi , (pi : x∞
i+1 ) ⊆ pi , puis ai+1 ⊆ pi + Ax i+1 ⊆ pi+1 . Le
reste ne pose pas de problème.
2. En posant Si = S K (xi+1 , . . . , xd ), on a Sd = 1 et Si−1 = xN
i (Si + Axi ). De proche en proche, Si ⊆ fi ;
en utilisant xi ∈ pi et xi ∈ fi−1 :
i (Si + Axi ) ⊆ xi (fi + pi ) = xi fi ⊆ xi fi−1 ⊆ fi−1
Si−1 = xN N N N
Exercice 13.16 1. Par récurrence sur n, le cas n = 0 étant l’hypothèse. Ajoutons un élément b à b1 , . . . , bn
et posons b0j = I K (zj , b1 , . . . , bn , b) ; par définition b0j = Bb + (bj : b∞ ) avec bj = I K (zj , b1 , . . . , bn ) ; le
produit des bj est contenu dans I K (x, y, b1 , . . . , bn ) (par récurrence). En utilisant des inclusions du type
(b : b∞ )(b0 : b∞ ) ⊆ (bb0 : b∞ ), on obtient :
Q 0 Q
∞ ∞
Q
b
j j ⊆ Bb + (b
j j : b ) ⊆ Bb + b
j j : b
⊆ Bb + (I K (x, y, b1 , . . . , bn ) : b∞ ) = I K (x, y, b1 , . . . , bn , b)
2a. Résulte du fait que pour deux idéaux a, b de A, on a (a : b)A A[T ] = (a : b)A[T ] .
2b. Pour deux idéaux a, b, notons a b b pour l’inclusion à radical près i.e. a ⊆ D(b). On raisonne
par récurrence sur d, le cas d = 1 figurant dans l’exercice Q K 13.15.K Considérons 2(d + 1) polynômes
p, q, g1 , . . . , g2d ∈ A[T ]. Il existe des aj ∈ A tels que j IA (aj ) b IA[T ] (p, q) (le cas d = 1). D’après la
première question :
Q K K
j IA[T ] (aj , g1 , . . . , g2d ) b IA[T ] (p, q, g1 , . . . , g2d )
K
Il suffit donc de montrer, pour a ∈ A, qu’un idéal bord IA[T ] (a, g1 , . . . , g2d ) contient, à radical près,
K
un produit d’idéaux bord de d + 1 éléments
K . de A. On passe au quotient modulo I (a) en posant
K
A = A I (a) et ϕ : A[T ] → A[T ] ' A[T ] (IA[T ] (a)) le passage au quotient. Par récurrence, l’idéal
K
Q
bord IA[T (g , . . . , g2d ) contient, à radical près, un produit j aj où aj est un idéal bord de d éléments de
] 1
A. En prenant l’image réciproque par ϕ, on obtient
Q −1
−1 −1 K
Q
i ϕ (ai ) ⊆ ϕ ( i ai ) b ϕ I A[T ]
(g1 , . . . , g2d )
En utilisant le lemme 13.2.11, on a d’une part
ϕ−1 IA[T
K
]
(g1 , . . . , g2d ) K
= IA[T ] (a, g1 , . . . , g2d )
et d’autre part ϕ−1 (ai ) est un idéal bord de d + 1 éléments de A (le premier élément étant a). Ceci montre
K
que IA[T ] (a, g1 , . . . , g2d ) contient à radical près, un produit d’idéaux bord de d + 1 éléments de A.
3. Si A[T ] = A[T1 , . . . , Tr ], l’idéal bord de (r + 1)d polynômes de A[T ] contient, à radical près, un
produit d’idéaux bord de d éléments de A. En conséquence Kdim A < d ⇒ Kdim A[T ] < (r + 1)d, i.e.
Kdim A[T ] 6 (r + 1)(Kdim A + 1) − 1.
Exercice 13.17 1. On prend a0 = y ∧ a et b0 = x ∨ b ∨ a0 . Alors x ∧ a0 = x ∧ y ∧ a = x ∧ a (car x 6 y).
Puis y ∨ b0 = y ∨ x ∨ b ∨ a0 = (x ∨ a0 ) ∨ (y ∨ b) = y ∨ b (la dernière égalité utilise x ∨ a0 6 y qui découle de
x 6 y et a0 6 y, a fortiori x ∨ a0 6 y ∨ b).
Reste à voir que y ∧ b0 = x ∨ a0 ; on a l’identité pour tous y, b, z, y ∧ (b ∨ z) = y ∧ z 0 avec z 0 = (y ∧ b) ∨ z
que l’on utilise avec z = x ∨ a0 . Mais on a y ∧ b 6 x ∨ a0 car l’hypothèse est y ∧ b 6 x ∨ a, donc
y ∧ b 6 (x ∨ a) ∧ y = (x ∧ y) ∨ (y ∧ a) 6 x ∨ a0 . Donc z 0 = x ∨ a0 et y ∧ b0 = y ∧ (x ∨ a0 ). Enfin, y ∧ (x ∨ a0 )
c’est x ∨ a0 car x ∨ a0 6 y (en utilisant x 6 y et a0 6 y).
2. D’après 1. par récurrence sur n.
3. La condition est nécessaire d’après le point 2. Pour voir qu’elle V est suffisante, pour une liste arbitraire
y0 , . . . , yn , on considère la chaîne x0 , . . . , xn définie par xi = k∈Ji..nK yk . Si b0 , . . . , bn est une chaîne liée
à x0 , . . . , xn (équations (13.25) page 538), alors c’est une suite complémentaire de y0 , . . . , yn .
544 13. Dimension de Krull
Exercice 13.18 Tout d’abord, pour tout idéal c, c⊥ est toujours un idéal radical, donc A c⊥ est un
avec ux = 0. On doit montrer que u = 0, i.e. y = 0 et ze = e0. On a xy ∈ a⊥ , i.e. xay = 0, donc ay = 0 donc
0 on considère un élément t arbitraire de a⊥ et l’on doit montrer que zt = 0. Or
y = 0. Pour voir que ze = e
x
fz = e 0, donc xzt = 0 puis zt = 0.
4. Si a ∈ A est régulier, il reste régulier aux étages finis de la construction de Amin d’après 3. et cela
suffit pour qu’il soit régulier dans Amin . Si l’homomorphisme naturel Z → Zqi était régulier tous les
homomorphismes de Z vers des anneaux quasi intègres seraient réguliers vue la propriété universelle de
Zqi . Or la surjection Z → Z/hni n’est pas un homomorphisme régulier pour n > 2. Notez que l’argument
s’applique à tout anneau A pour lequel il existe un élément régulier x tel que A/hxi est quasi intègre et
non trivial.
Exercice 13.21 Notons a., b. et c. les trois propriétés pour les anneaux commutatifs. L’équivalence de a.
et b. est facile. L’implication a. ⇒ c. a été donnée en remarque après le lemme lying over 6.3.11.
c. ⇒ a. En mathématiques classiques DA (a) est l’intersection des idéaux premiers qui contiennent a. On
veut donc montrer que pour tout idéal premier p tel que a ⊆ p, on a ϕ−1 (hϕ(a)i) ⊆ p. Soit q un idéal
premier de B au dessus de p, i.e. ϕ−1 (q) = p. Alors, hϕ(a)i ⊆ hϕ(p)i ⊆ q et par ϕ−1 , ϕ−1 (hϕ(a)i) ⊆ p.
Problème 13.1 1a) On a un a ∈ Ann(x)a non nul, en particulier ax = 0. Montrons que a ∈ / D(x) : si
an ∈ hxi alors an+1 ∈ haxi = 0 et donc a = 0. Donc D(x) ( D(x, a) = D(ax, a + x) = D(a + x) ; on prend
x0 = a + x (qui est bien dans a).
1b) On pose x0 = 0. Si Ann(x0 )a = 0, alors Ann(x0 ) ⊆ Ann(a) donc Ann(x0 ) = Ann(a), dans ce cas
on pose xi = x0 pour tout i > 0. Sinon, il y a un x1 ∈ a avec D(x0 ) ( D(x1 ). Si Ann(x1 )a = 0, alors
Ann(x1 ) ⊆ Ann(a) donc Ann(x1 ) = Ann(a), dans ce cas on pose xi = x1 pour tout i > 1. Sinon, il y a un
x2 ∈ a avec D(x1 ) ( D(x2 ) . . . . . .
On construit de cette manière une suite infinie croissante d’idéaux D(xi ), qui est stationnaire dès que
deux termes consécutifs sont égaux, auquel cas le problème initial est résolu4 .
2. Soit y ∈ A. D’après l’hypothèse on applique le point 1. avec l’idéal a = Ann(y) et l’on sait déterminer
un x ∈ Ann(y) tel que Ann(x) = Ann(Ann(y)), i.e. xy = 0 et Ann(x)Ann(y) = 0. On a alors (Ann(y) ∩
Ann(x))2 ⊆ Ann(x)Ann(y) = 0 donc Ann(x) ∩ Ann(y) = 0 (l’anneau est réduit). Montrons que x + y
est régulier ; supposons z(x + y) = 0 ; en multipliant par y, zy 2 = 0 donc zy = 0 puis zx = 0 donc
z ∈ Ann(x) ∩ Ann(y) = 0. En conséquence, x + y est inversible et cet élément est dans l’idéal bord de y
puisque x ∈ Ann(y).
3. Pour tout anneau C, tout élément régulier de Frac(C) est inversible. Nous pouvons appliquer le résultat
du point 2. à l’anneau C = Frac(Bred ). En effet la première hypothèse à vérifier est que toute suite
4. La preuve de terminaison de l’algorithme sous hypothèse nœthérienne constructive qui vient d’être donnée
est un peu déroutante. Spontanément on aurait préféré dire : il faut bien que l’algorithme termine un jour car
sinon, on aurait une suite infinie strictement croissante. L’ennuyeux dans ce dernier argument est qu’il est un
argument par l’absurde. Ici on a utilisé l’hypothèse nœthérienne sous forme constructive et cela nous a fourni le
moyen de savoir a priori quand l’algorithme terminera. Ce point délicat renvoie à la discussion sur le principe de
Markov (annexe page 657).
Commentaires bibliographiques 545
croissante d’idéaux de la forme DC (xn /yn ) (xn ∈ Bred , yn ∈ Reg(Bred )) admet deux termes consécutifs
égaux. Or dans C on a l’égalité DC (xn /yn ) = DC (xn ) et l’on conclut par le fait que dans B la suite
croissante hx0 , . . . , xn iB admet deux termes consécutifs égaux.
La deuxième hypothèse est que l’on sache tester pour ux , yv ∈ C si Ann( ux )Ann( yv ) = 0, ce qui est la même
chose que Ann(x)Ann(y) = 0 dans Bred . Or dans Zar B on a l’égalité AnnBred (x) = DB (x) → DB (0) et
l’on sait que Zar B est une algèbre de Heyting discrète (proposition 13.6.9).
P
Problème 13.2 1. Soit π : B → P A un A-projecteur d’image A. Soit a ∈ aB ∩ A, a = i ai bi avec
ai ∈ a, bi ∈ B ; donc a = π(a) = i ai π(bi ) ∈ a.
2. Il est clair que RG est A-linéaire et que RG (a) = a pour tout a ∈ A. Le reste en découle.
3. Supposons Kdim B 6 d et montrons Kdim A 6 d. Soient a0 , . . . , ad ∈ A ; comme Kdim 6 d, il existe
n > 0 tels que :
(a0 . . . ad )n ∈ hcd , cd−1 , · · · , c0 iB avec ci = (a0 . . . ai−1 )n an+1
i .
Mais hcd , cd−1 , · · · , c0 iB ∩ A = hcd , cd−1 , · · · , c0 iA . Donc Kdim A 6 d.
4. (preuve en mathématiques classiques)
On gradue B par deg X = deg Y = 1 et deg Z = −1. Alors A est la composante homogène de degré 0,
donc est facteur direct dans B.
Soit q0 = hZiB (c’est un idéal premier) et p0 := A ∩ q0 = hXZ, Y Zi. On pose p = hXZiA ; c’est un idéal
premier avec p ⊂ p0 mais il n’existe pas d’idéal premier q de B contenu dans q0 et au dessus de p. Ainsi
A ⊆ B n’est
pas going down.
Soit q = X, Y 2 Z − 1 B (c’est un idéal premier) et p := A ∩ q = hXY i. On pose p0 = hXZ, Y ZiA ; c’est
un idéal premier avec p ⊂ p0 mais il n’existe pas d’idéal premier q0 de B contenant q et au dessus de p0
(un idéal premier au dessus de p0 doit contenir soit Z soit X et Y ). Ainsi A ⊆ B n’est pas going up.
Commentaires bibliographiques
Un très bon exposé de la dimension de Krull du point de vue des mathématiques classiques
se trouve dans [Eisenbud].
Les espaces spectraux ont été introduits par Stone [163] en 1937. La théorie des espaces
spectraux est au cœur du livre [Johnstone].
Un théorème important de Hochster [96] affirme que tout espace spectral est homéomorphe
au spectre d’un anneau commutatif. Une version sans point du théorème de Hochster est : tout
treillis distributif est isomorphe au treillis de Zariski d’un anneau commutatif (pour une preuve
non constructive voir [5, Banaschewski]).
La définition constructive de la dimension de Krull des treillis distributifs et anneaux commu-
tatifs remonte aux travaux de Joyal [104] et Español [71]. L’idée de Joyal était de construire pour
chaque entier ` > 1, à partir du treillis distributif T, un treillis distributif T` , qui vérifie une
propriété universelle adéquate de façon que, en mathématiques classiques, les idéaux premiers
de T` s’identifient aux chaines p0 ⊆ · · · ⊆ p` d’idéaux premiers de T (les inclusions n’étant pas
nécessairement strictes). Ceci permet ensuite de définir Kdim T 6 ` au moyen d’une propriété
reliant T`+1 et T` . Enfin la dimension de Krull d’un anneau commutatif peut être définie comme
celle de son treillis de Zariski. Pour plus de détails à ce sujet voir [42, 43, 45, Coquand&al.].
Le théorème 13.2 page 506 qui donne une caractérisation inductive élémentaire de la di-
mension de Krull d’un anneau commutatif se trouve dans [46, Coquand,Lombardi&Roy]. La
caractérisation en terme d’identités algébriques donnée dans la proposition 13.2.7 se trouve dans
[42, Coquand&Lombardi] et [116, Lombardi]. Bien que la caractérisation en terme de suites
complémentaires soit déjà présente pour les treillis distributifs dans [42], elle apparaît pour les
anneaux commutatifs seulement dans [45, Coquand,Lombardi&Quitté].
Des précisions supplémentaires sur le traitement de la dimension de Krull dans les extensions
entières se trouvent dans [40, Coquand&al.]
Concernant la dimension valuative et le théorème 13.12 page 531, un traitement constructif
très élégant est donné dans le cas intègre par T. Coquand dans [37].
546 13. Dimension de Krull
Le résultat de l’exercice 13.10 est dû à Lionel Ducos. Le problème 13.1 est en rapport
direct avec l’article [47, Coquand&al.]. Le problème 13.3 est tiré des articles [21, Brenner], [43,
Coquand&Lombardi] et [116]. Une variante pour les treillis distributifs se trouve dans [42].
14. Nombre de générateurs d’un
module
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 547
14.1 Le théorème de Kronecker et le stable range de Bass . . . . . . . . 548
Le théorème de Kronecker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 548
Le théorème (( stable range )) de Bass, 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 549
Le théorème de Kronecker local . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 549
14.2 Dimension de Heitmann et théorème de Bass . . . . . . . . . . . . . 550
Le théorème (( stable range )) de Bass, 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 552
Théorème de Bass pour les modules stablement libres . . . . . . . . . . . . . 552
Variante (( améliorée )) du théorème de Kronecker . . . . . . . . . . . . . . . . 553
14.3 Supports et n-stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554
Supports . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554
Partitions constructibles du spectre de Zariski . . . . . . . . . . . . . . . . . 558
14.4 Manipulations élémentaires de colonnes . . . . . . . . . . . . . . . . 559
Avec la dimension de Krull d’un support . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 559
Avec la dimension de Heitmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 560
14.5 Le splitting off de Serre et le théorème de Forster-Swan . . . . . . . 562
Le (( splitting off )) de Serre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 562
Le théorème de Forster-Swan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563
Le théorème de Forster-Swan, forme sophistiquée . . . . . . . . . . . . . . . . 563
Le théorème de simplification de Bass . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 564
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 566
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 568
Introduction
Dans ce chapitre on établit la version élémentaire, non nœthérienne et constructive de
(( grands )) théorèmes d’algèbre commutative.
Ces théorèmes, dus dans leur version originale à Kronecker, Bass, Serre, Forster et Swan,
concernent le nombre de générateurs radicaux d’un idéal de type fini, le nombre de générateurs
d’un module, la possibilité de produire un sous-module libre en facteur direct dans un module, et
la possibilité de simplifier des isomorphismes, dans le sytle : si M ⊕ N ' M 0 ⊕ N alors M ' M 0 .
Un progrès décisif a été accompli par Heitmann [90] qui a montré comment se débarrasser
des hypothèses nœthériennes.
Un autre progrès décisif a été accompli par T. Coquand qui a montré dans plusieurs articles
comment obtenir tous les résultats classiques (parfois sous une forme plus forte) au moyen de
démonstrations à la fois constructives et élémentaires.
Les preuves données ici sont essentiellement celles de [34] (pour le théorème de Kronecker) et
de [36, 44, 45].
548 14. Nombre de générateurs d’un module
Lemme 14.1.2 Soit ` > 1. Si (b1 , . . . , b` ) et (x1 . . . , x` ) sont deux suites complémentaires dans
A alors pour tout a ∈ A on a :
DA (a, b1 , . . . , b` ) = DA (b1 + ax1 , . . . , b` + ax` ),
c’est-à-dire encore : a ∈ DA (b1 + ax1 , . . . , b` + ax` ).
J On a les inégalités
DA (b1 x1 ) = DA (0)
DA (b2 x2 ) 6 DA (b1 , x1 )
.. .. ..
. . .
DA (b` x` ) 6 DA (b`−1 , x`−1 )
DA (1) = DA (b` , x` )
On en déduit celles-ci
DA (ax1 b1 ) = DA (0)
DA (ax2 b2 ) 6 DA (ax1 , b1 )
.. .. ..
. . .
DA (ax` b` ) 6 DA (ax`−1 , b`−1 )
DA (a) 6 DA (ax` , b` )
On a donc d’après le lemme 14.1.1
DA (a) 6 DA (ax` + b` ) ∨ DA (ax` b` )
DA (ax` b` ) 6 DA (ax`−1 + b`−1 ) ∨ DA (ax`−1 b`−1 )
.. .. ..
. . .
DA (ax3 b3 ) 6 DA (ax2 + b2 ) ∨ DA (ax2 b2 )
DA (ax2 b2 ) 6 DA (ax1 + b1 ) ∨ DA (ax1 b1 ) = DA (ax1 + b1 )
1. Il s’agit d’un autre théorème de Kronecker que celui donné au chapitre 3.
14.1. Le théorème de Kronecker et le stable range de Bass 549
Donc finalement
DA (a) 6 DA (ax1 + b1 ) ∨ DA (ax2 + b2 ) ∨ · · · ∨ DA (ax` + b` )
= DA (ax1 + b1 , ax2 + b2 , . . . , ax` + b` ).
I
Théorème 14.1 (de Kronecker-Heitmann, avec la dimension de Krull, non nœthérien)
1. Soit n > 0. Si Kdim A < n et b1 , . . . , bn ∈ A alors il existe x1 , . . . , xn tels que pour tout
a ∈ A, DA (a, b1 , . . . , bn ) = DA (b1 + ax1 , . . . , bn + axn ).
2. En conséquence, dans un anneau de dimension de Krull 6 n, tout idéal de type fini a même
nilradical qu’un idéal engendré par au plus n + 1 éléments.
J 1. Clair d’après le lemme 14.1.2 et la proposition 13.2.7 (et si n = 0 l’anneau est trivial et
DA (a) = DA (∅)).
2. Découle de 1. car il suffit d’itérer le processus. En fait, si Kdim A 6 n et a = DA (b1 , . . . , bn+r )
(r > 2) on obtient en fin de compte a = DA (b1 + c1 , . . . , bn+1 + cn+1 ) avec les ci ∈ hbn+2 , . . . , bn+r i.
I
On dira que ces deux suites sont disjointes. Alors pour 0 6 i < d, on a
D(a0 , . . . , ai , x0 , . . . , xi , ai+1 xi+1 ) = D(a0 + x0 , . . . , ai + xi ).
J Une inclusion est évidente. Pour démontrer l’inclusion réciproque, on utilise les égalités
D(ai , xi ) = D(ai xi , ai + xi ). Il vient alors successivement
a0 x0 ∈ D(0) = D() = D()
⊇
. . .
ai , xi , ai+1 xi+1 ∈ D(ai , xi ) = D(ai xi , ai + xi ) ⊆ D(a0 + x0 , . . . , ai + xi )
I
550 14. Nombre de générateurs d’un module
Notons que les suites a0 , . . . , ad et x0 , . . . , xd sont complémentaires si, et seulement si, elles
sont disjointes et 1 ∈ had , xd i.
Théorème 14.3 Soit A un anneau local résiduellement discret de dimension inférieure ou égale
à d, de radical de Jacobson m. On suppose que m est radicalement de type fini, i.e., qu’il existe
a1 , . . . , an ∈ A tels que m = DA (a1 , . . . , an ). Alors m est radicalement engendré par d éléments.
On a donc x ∈ JA (a) si, et seulement si, pour tout y ∈ A, 1 + xy est inversible modulo a.
Notez que le monoïde 1 + JA (a) est contenu dans le saturé du monoïde 1 + a.
Lemme 14.2.2
1. Pour un idéal arbritraire a on a JA (a) = JA (DA (a)) = JA (JA (a)). En conséquence Heit A
est un treillis distributif quotient de Zar A.
2. Pour u, v ∈ A on a
JA (u, v) = JA (u + v, uv) = JA (u + v) ∨ JA (uv).
En particulier si uv ∈ JA (0), alors JA (u, v) = JA (u + v).
J On a a ⊆ DA (a) ⊆ JA (a) donc JA (a) = JA (DA (a)). L’égalité DA (u, v) = DA (u + v, uv) (lemme
14.1.1) implique alors JA (u, v) = JA (u + v, uv). I
14.2. Dimension de Heitmann et théorème de Bass 551
Commentaire. La Jdim introduite par Heitmann dans [90] correspond à l’espace spectral Jspec A
suivant : c’est le plus petit sous-espace spectral de Spec A contenant l’ensemble Max A des idéaux
maximaux de A. Cet espace peut être décrit comme l’adhérence de Max A dans Spec A pour la
topologie constructible, topologie ayant pour système générateur d’ouverts les DA (a) et leurs
complémentaires VA (a). Heitmann remarque que la dimension utilisée dans le théorème de Swan
ou dans le splitting off de Serre, à savoir la dimension de Max A, ne fonctionne que dans le cas
où cet espace est nœthérien. En outre dans ce cas la dimension de Max A est celle d’un espace
spectral, l’espace jspec A formé par les idéaux premiers qui sont intersections d’idéaux maximaux.
Dans le cas général, jspec A n’est plus un espace spectral, et donc, selon une remarque qu’il
qualifie de philosophique, jspec A doit être remplacé par Jspec A, qui est l’espace spectral qui
s’offre naturellement comme solution de rechange. En fait, Jspec A s’identifie au spectre du
treillis distributif Heit A (voir [45, Théorème 2.11]). Et les ouverts quasi-compacts de Jspec A
forment un treillis quotient de Zar A, canoniquement isomorphe à Heit A. En mathématiques
constructives, on définit donc Jdim A comme égale à Kdim(Heit A).
La définition de la dimension de Heitmann qui est donnée ci-après est assez naturelle, dans la
mesure où elle mime la définition constructive de la dimension de Krull en remplaçant DA par
JA .
Définition 14.2.3 Soit A un anneau commutatif, x ∈.A et a un idéal de type fini. Le bord de
Heitmann de a dans A est l’anneau quotient AaH := A JAH (a) avec
Définition 14.2.4 La dimension de Heitmann de A est définie par récurrence comme suit :
– Hdim A = −1 si, et seulement si, 1A = 0A .
– Soit ` > 0, on a l’équivalence :
Hdim A 6 ` ⇐⇒ pour tout x ∈ A, Hdim(AxH ) 6 ` − 1.
Cette dimension est inférieure ou égale à la Jdim définie par Heitmann dans [90], c’est-à-dire
la dimension de Krull du treillis distributif Heit(A).
Fait 14.2.5
1. La dimension de Heitmann ne peut que diminuer par passage à un anneau quotient.
2. La dimension de Heitmann est toujours inférieure ou égale à la dimension de Krull.
3. Plus précisément Hdim A 6 Kdim(A/JA (0)).
4. Enfin Hdim A 6 0 si, et seulement si, Kdim(A/JA (0)) 6 0 (i.e., A est résiduellement
zéro-dimensionnel).
J 1. Par récurrence2 sur Hdim A en remarquant que pour tout x ∈ A, (A/a)xH est un quotient
de AxH .
2. Par récurrence sur Kdim A (en utilisant 1.) en remarquant que AxH est un quotient de AxK .
3. et 4. On pose B = A/JA (0). On a alors JB (0) = h0i et l’on vérifie que AxH ' BxH = BxK pour
tout x ∈ A. I
J 1. Immédiat.
2. Supposons a ∈ DA (Z, w) et travaillons dans l’anneau A[a−1 ]. On a 1 ∈ hZiA[a−1 ] + hwiA[a−1 ]
et comme w est dans Rad(A[a−1 ]), cela implique 1 ∈ hZiA[a−1 ] , i.e. a ∈ DA (Z).
3. Résulte du point 2. car DA (Z, u, v) = DA (Z, u + v, uv) (lemme 14.1.1). I
Remarque. On peut se demander si l’idéal Rad A[a−1 ] est le meilleur possible. La réponse est oui.
L’implication du point 2. est vérifiée (pour tous c1 , . . . , cm ) en remplaçant Rad A[a−1 ] par J si,
et seulement si, J ⊆ Rad A[a−1 ].
pour (( l’image réciproque de j dans A )). On a une identification A[a−1 ]/j = A0 [a−1 ]. Comme
Hdim(A0 [a−1 ]) < n − 1, on peut appliquer l’hypothèse de récurrence à A0 et a, b, b1 , . . . , bn−1 (en
remarquant que bn = 0 dans A0 ) ; on obtient x1 , . . . , xn−1 ∈ A tels que D(b1 + bx1 , . . . , bn−1 +
bxn−1 ) = D(b, b1 , . . . , bn−1 ) dans A0 . D’après la remarque préliminaire, cette égalité équivaut, en
notant Z pour (b1 + bx1 , . . . , bn−1 + bxn−1 ), à
a ∈ D(Z) dans A0 .
L’appartenance ci-dessus signifie 1 ∈ hZi dans A0 [a−1 ], i.e. 1 ∈ hZi + j dans A[a−1 ]. Par défi-
nition du bord de Heitmann, cela veut dire qu’il existe xn , que l’on peut choisir dans A, tel
que xn bn ∈ Rad A[a−1 ] et 1 ∈ hZ, bn , xn iA[a−1 ] . On a donc a ∈ DA (Z, bn , xn ). Mais on a aussi
a ∈ DA (Z, bn , b), puisque
def
hZ, bn , bi = hb1 , , . . . , bn−1 , bn , bi = hL, bi
et que a ∈ DA (L, b) par hypothèse. Bilan : a ∈ DA (Z, bn , xn ), a ∈ DA (Z, bn , b) donc a ∈
DA (Z, bn , bxn ). L’application du lemme 14.2.7 3. avec u = bn , v = bxn fournit a ∈ DA (Z, bn +bxn ),
i.e. a ∈ DA (L + bX) où X = (x1 , . . . , xn ).
Enfin, si bp ∈ haiA , nous pouvons appliquer le résultat avec bp+1 à la place de b puisque
DA (b) = DA (bp+1 ). Alors L + bp+1 X se réécrit L + baY . I
2. En conséquence, si a1 , . . . , ar , b1 , . . . , bn ∈ A et Hdim(A[a−1
i ]) < n pour i ∈ J1..rK alors il
existe y1 , . . . , yn ∈ ha1 , . . . , ar i tels que
DA (a1 , . . . , ar , b1 , . . . , bn ) = DA (b1 + y1 , . . . , bn + yn ).
Supports
Définition 14.3.1 Un support sur un anneau A est une application
D : A → T,
où T est un treillis distributif, qui vérifie les axiomes suivants :
D(0A ) = 0T , D(1A ) = 1T , D(ab) = D(a) ∧ D(b), D(a + b) 6 D(a) ∨ D(b).
On notera D(x1 , . . . , xn ) = D(x1 ) ∨ · · · ∨ D(xn ).
Il est clair que DA : A → Zar A est un support, appelé support de Zariski. En fait le support
de Zariski est le support (( libre )) :
A MMM
MMMD
DA MMM supports
MMM
Zar A _ _ _ _ _&/ T homomorphismes de treillis distributifs
θ!
Ainsi tout support D : A → T tel que D(A) engendre T en tant que treillis distributif est
obtenu en composant le support de Zariski avec un passage au quotient Zar A → Zar A/∼ par
une relation d’équivalence compatible avec la structure de treillis.
On notera D(a) pour D(x1 , . . . , xn ) si a = hx1 , . . . , xn i. On dira qu’un vecteur X ∈ An est
D-unimodulaire si D(X) = 1.
On dira que le support D est de dimension de Krull 6 n si toute suite x0 , . . . , xn dans A admet
une suite D-complémentaire. On notera Kdim(D) 6 n.
Par exemple pour n = 2 les suites complémentaires correspondent au dessin suivant dans T.
ll 1 RRRRRR
llll
D(x2 ) D(b2 )
III
III • vvv
IuIu HvHvHvv
v HH
uuu • HHH
uuu
D(x1 ) D(b1 )
III
III • vvv
IuuI HvHvHvv
v HH
uuuuu • HHH
u
D(x0 ) R D(b0 )
RRRR ll
R llll
0
La preuve du lemme suivant peut être recopiée sur celle du lemme 14.1.2 en remplaçant DA
par D. Le théorème de Kronecker est ensuite une conséquence directe.
Lemme 14.3.4 Soit ` > 1. Si (b1 , . . . , b` ) et (x1 , . . . , x` ) sont deux suites D-complémentaires
dans A alors pour tout a ∈ A on a :
Supports n-stables
On abstrait maintenant la propriété décrite au lemme 14.3.4 pour les suites complémentaires
sous la forme suivante.
Naturellement si Kdim(D) < n alors D est n-stable. Par ailleurs le théorème de Kronecker
s’applique (presque par définition) à tout support n-stable. Enfin si D est n-stable, il est m-stable
pour m > n.
Fait 14.3.6 Si D est n-stable, pour tout a ∈ A et L ∈ An il existe X ∈ An tel que D(L, a) =
D(L + a2 X) c’est-à-dire D(a) 6 D(L + a2 X)
Définition 14.3.7 Un support D : A → T est dit fidèle si, T est engendré par l’image de D et
si pour tout a ∈ A et L ∈ Am , l’inégalité D(a) 6 D(L) implique l’existence d’un b ∈ hLi tel que
D(a) 6 D(b).
J Soit la suite a1 , . . . , ak dans A. Nous devons démontrer qu’elle admet une suite D-complé-
mentaire. Puisque Kdim(T) < k, la suite D(a1 ), . . . , D(ak ) possède une suite complémentaire
D(L1 ), . . . , D(Lk ) dans T, avec pour Li des vecteurs à coefficients dans A de tailles arbitraires :
Puisque D est fidèle il existe ck−1 dans hak−1 , Lk−1 i tel que D(ak bk ) 6 D(ck−1 ), ce qui donne
bk−1 ∈ hLk−1 i tel que D(ak bk ) 6 D(ak−1 , bk−1 ).
Et ainsi de suite. Au bout du compte on a construit une suite b1 , . . . , bk qui est D-complémentaire
de a1 , . . . , ak . I
14.3. Supports et n-stabilité 557
Constructions de supports
Définition 14.3.9
L’application JA : A → Heit A définit le support de Heitmann.
Remarque. A priori Kdim A > Kdim(JA ) > Jdim A. On manque d’exemples avec un calcul précis
qui montrerait que les deux inégalités peuvent être strictes.
Lemme 14.3.10 (variante du lemme de Gauss-Joyal 2.2.5)Si D est un support sur A on obtient
un support D[X] sur A[X] en posant D[X](f ) = D(c(f )) où c(f ) est le contenu de f (l’idéal
engendré par les coefficients de f ).
Rappelons que
ΠD(a) (x) 6 ΠD(a) (y) ⇐⇒ x ∨ D(a) 6 y ∨ D(a).
J Le point 1. est donné dans le fait 11.4.5. Voyons le point 2., et notons D0 = D/a . Soit a ∈ A
et L un vecteur tels que D0 (a) 6 D0 (L). On cherche b ∈ hLi tel que D0 (a) 6 D0 (b). Par définition
de D0 on a D(a) 6 D(L, a), et puisque D est fidèle il existe c ∈ hL, ai tel que D(a) 6 D(c), ce
qui donne un b ∈ L tel que D(a) 6 D(b, a), c’est-à-dire D0 (a) 6 D0 (b). I
Rappelons que
jD(u) (x) 6 jD(u) (y) ⇐⇒ x ∧ D(u) 6 y ∧ D(u).
J Le point 1. est donné dans le fait 11.4.5. Voyons le point 2., et notons D0 = D[1/u]. Soit a ∈ A
et L un vecteur tels que D0 (a) 6 D0 (L). Par définition de D0 on a D(au) = D(a) ∧ D(u) 6 D(L).
Puisque D est fidèle il existe b ∈ hLi tel que D(au) 6 D(b), c’est-à-dire D0 (a) 6 D0 (b). I
558 14. Nombre de générateurs d’un module
c’est-à-dire D(ab) 6 D(L+aY +abZ). On pose X = Y +bZ, on a alors hb, L + aXi = hb, L + aY i,
donc D(b, L + aX) = D(b, L + aY ), ce qui donne
Ceci implique (par (( coupure )), cf. page 447) que D(a) 6 D(L + aX). I
J Résulte des lemmes 14.3.13, 14.3.8 et du point 2 dans les lemmes 14.3.11 et 14.3.12. I
Théorème 14.8 Soit A un anneau et (ai )i∈J1..mK une famille finie d’éléments. Pour toute partie
J de J1..mK on définit l’anneau AJ comme ASJ /aJ où aJ est l’idéal engendré par les ai pour
i∈
/ J et SJ est le monoïde engendré par les aj pour j ∈ J. Si chaque support de Zariski DAJ est
n-stable (par exemple si la dimension de Krull de AJ est < n), alors DA est n-stable.
Définition 14.3.15
1. Soit n > 1. L’anneau A est dit n-stable si son support de Zariski DA est n-stable.
2. L’anneau A est dit 0-stable s’il est trivial.
J Soit G
e la matrice adjointe de G, δ = det G et L = GC
e 0 . Nous avons G(C
e 0 + GX) = L + δX
pour un vecteur colonne arbitraire X ∈ Ak . Donc l’idéal engendré par les coordonnées de L + δX
est inclus dans celui engendré par les coordonnées de C0 + GX, et
D(L + δX) 6 D(C0 + GX).
Puisque D est k-stable nous pouvons trouver un X ∈ (δA)k tel que D(δ) 6 D(L + δX), et donc
D(δ) 6 D(C0 + GX) comme demandé. I
1 = JA (U00 + ayk Uk , bk + a2 yk )
c’est-à-dire 1 = DA (V00 ). I
Corollaire 14.4.4 Supposons que C0 , C1 , . . . , Ck sont des vecteurs dans An et (νi )i∈I des
mineurs d’ordre k de la matrice [ C1 | · · · | Ck ]. Si 1 = DA ((νi )i∈I ) ∨ DA (C0 ) et Hdim(A) < k alors
il existe x1 , . . . , xk ∈ A tels que 1 = DA (C0 + x1 C1 + . . . + xk Ck ).
J Comme DA (C0 )+Dk (G) = h1i, on a une famille (αi )16i6m de parties à k éléments de J1..pK telle
W
que 1 = DA (C0 )∨ i DA (Dk (Gαi )), où Gαi est la matrice extraite de G en considérant uniquement
les colonnes dont l’indice est dans αi . On note C0,0 = C0 . On applique alors le corollaire 14.4.4
successivement avec ` = 1, . . . , m pour avoir DA (C0,k ) = DA (C0,k−1 ) ∨ DA (Dk (Gα` )) = 1 dans
I
W
A/J` avec J` = i>` DA (Dk (Gαi )) jusqu’à ce que nous obtenions DA (C0,m ) = 1 dans A.
Théorème 14.12
Soit k ∈ J1..pK. Si Hdim A < k et Dk (F ) = 1 il existe t1 , . . . , tp tels que 1 = DA (C0 + t1 C1 + · · · +
tp Cp ).
562 14. Nombre de générateurs d’un module
Conclusion
Les théorèmes 14.11 page précédente et 14.12 sont les exacts analogues des théorèmes 14.9
page 559 et 14.10. En particulier les conclusions des théorèmes 14.11 et 14.12 sont valables sous
l’une des deux hypothèses suivantes, à utiliser selon le contexte :
– Hdim A < k, ou
– A est k-stable.
En conséquence dans la section suivante, nous obtenons chaque théorème en double exemplaire,
suivant le type d’hypothèse choisie. En effet toutes les démonstrations sont basées exclusivement
sur les conclusions des théorèmes 14.11 et 14.12 (le second est conséquence immédiate du premier).
J Soit F ∈ An×m une matrice de rang > k (i.e. Dk (F ) = h1i). D’après le théorème 14.12 page 561,
on a un vecteur unimodulaire u = t[ u1 · · · un ] dans Im F . Donc Au est un sous-module libre
de rang 1 en facteur direct dans An , et a fortiori dans M . Soit P ∈ GAn (A) d’image Au. Alors
M = Au ⊕ N avec
N = Ker(P ) ∩ M = (In − P )(M ) = Im ((In − P ) F ).
Il nous reste à voir que (In −P ) F est de rang > k−1. Quitte à localiser et à faire un changement de
base, on peut supposer que P est la projection standard I1,n . Alors la matrice G = (In −P ) F est la
matrice F dans laquelle on a remplacé sa première ligne par 0, et il est clair que Dk (F ) ⊆ Dk−1 (G).
I
J On applique le théorème 14.11 page 561 successivement avec A/D2 (F ), A/D3 (F ), etc. jusqu’à
A/Dp+1 (F ) = A. I
1 + a ∈ DA (C).
Le fait que a ∈ ∆2 se constate sur une matrice de relations G et l’on considère la nouvelle matrice
F = [C|G]. On a donc DA (C) ∨ ∆2 (G) = 1 et Hdim(A/∆3 ) < 2. On peut alors appliquer le
théorème 14.11 avec la nouvelle matrice F , l’entier k = 2 et l’anneau A/∆3 . Ceci nous donne
une (nouvelle) relation C telle que DA/∆3 (C) = 1, et ainsi de suite.
On obtient en fin de compte une relation C telle que DA (C) = 1, puisque DA (∆q ) = DA (0). Et
Hdim A = Hdim(A/∆q ) < q − 1. En conséquence le corollaire 14.2.6 du théorème stable range de
Bass s’applique et nous pouvons transformer la colonne C en (1, 0, . . . , 0) par des manipulations
élémentaires, ce qui revient à remplacer le système générateur h par une autre système générateur
de q éléments dont le premier est nul, bref à réduire de 1 le nombre de générateurs. I
2. ⇒ 1. On suppose N ⊕ L −→ ∼
M ⊕ L. Cet isomorphisme envoie N sur M 0 et L sur L0 , de sorte
que M ⊕ L = M ⊕ L . Il y a donc un automorphisme σ de M ⊕ L qui envoie L sur L0 , et disons
0 0
M sur M1 . Alors N ' M 0 ' (M 0 ⊕ L0 )/L0 = (M ⊕ L)/L0 = (M1 ⊕ L0 )/L0 ' M1 ' M .
3. ⇒ 2. Puisque θ(L0 ) est facteur direct dans M ⊕ L, il est en facteur direct dans M , que l’on
écrit M1 ⊕ θ(L0 ). Soit λ l’automorphisme de M ⊕ L qui échange L et θ(L0 ) en fixant M1 . Alors
σ = λ ◦ θ envoie L0 sur L. I
3. Corollaire 2.14 page 108 dans [Kunz] ou théorème 5.8 page 36 dans [Matsumura]. En outre les auteurs
remplacent A par A/Ann(M ) , ce qui ne mange pas de pain.
4. Rappelons que jspec A désigne le sous-espace de Spec A formé par les idéaux premiers qui sont intersections
d’idéaux maximaux.
Exercices et problèmes 565
Rappelons qu’un élément x d’un module arbitraire M est dit unimodulaire lorsqu’il existe
une forme linéaire λ ∈ M ? telle que λ(x) = 1. Il revient au même de dire que Ax est libre (de
base x) et en facteur direct dans M (proposition 2.5.1).
J Supposons avoir montré que M est simplifiable pour A. Alors puisque M ⊕ A` vérifie aussi
l’hypothèse, on montre par récurrence sur ` que M est simplifiable pour A`+1 . Par suite M est
simplifiable pour tout facteur direct dans A`+1 .
Enfin M est simplifiable pour A parce qu’il vérifie le point 3 du lemme 14.5.3 pour L = A.
En effet, supposons que M = Im F ⊆ An , où F est une matrice de projection (de rang > k),
et soit L0 facteur direct dans M ⊕ A, isomorphe à A : L0 = A(x, a) avec (x, a) unimodulaire
dans M ⊕ A. Puisque toute forme linéaire sur M se prolonge à An , il existe une forme linéaire
ν ∈ (An )? telle que 1 ∈ hν(x), ai. D’après le lemme 14.5.4 ci-après, avec x = C0 , il existe y ∈ M
tel que x0 = x + ay est unimodulaire dans M . Considérons µ ∈ M ? telle que µ(x0 ) = 1. On définit
alors un automorphisme θ de M ⊕ A :
1 0 1 y m m + by
θ= i.e., 7→ .
−aµ 1 0 1 b µ(x)b − aµ(m)
Alors θ(x, a) = (x0 , 0) donc θ(L0 ) ⊆ M . On conclut avec le lemme 14.5.3. I
Dans le lemme suivant, qui termine la démonstration du théorème 14.17, nous reprenons les
notations 14.4.1, la matrice F étant celle du théorème précédent.
Lemme 14.5.4 Supposons que Hdim(A) < k ou que A est k-stable. Si Dk (F ) = 1 = DA (C0 ) ∨
DA (a), il existe t1 , . . . , tp tels que 1 = DA (C0 + at1 C1 + . . . + atp Cp ).
J Il suffit d’appliquer le théorème 14.11 page 561 aux vecteurs C0 , aC1 , . . ., aCp : ceci remplace
G par aG, et comme DA (C0 ) ∨ Dk (G) = 1 = DA (C0 ) ∨ DA (a), on a bien par distributivité
DA (C0 ) ∨ Dk (aG) = 1. I
Remarque. Tous les théorèmes d’algèbre commutative que nous avons démontrés dans ce chapitre
se ramènent en fin de compte à des théorèmes concernant les matrices et leurs manipulations
élémentaires.
Exercices et problèmes
Exercice 14.1 Expliciter le calcul que donne la preuve du théorème 14.1 page 549 dans le cas n = 1.
Exercice 14.5 (la cubique gauche de P3 , image de P1 par le plongement de Veronese de degré 3)
L’anneau de base k est quelconque sauf dans la première question où c’est un corps. On définit le
morphisme de Veronese ψ : P1 → P3 par
ψ : (u : v) 7→ (x0 : x1 : x2 : x3 ) avec x0 = u3 , x1 = u2 v, x2 = uv 2 , x3 = v 3
Montrer que Im ψ = Z(a) où a = hD1 , D2 , D3 i est l’idéal déterminantiel D2 de la matrice
1.
X0 X1 X2
:
X1 X2 X3
D1 = X1 X3 − X22 , D2 = −X0 X3 + X1 X2 , D3 = X0 X2 − X12
2. Montrer que a est l’idéal noyau de ϕ : k[X0 , X1 , X2 , X3 ] → k[U, V ], Xi 7→ U 3−i V i . En particulier, si k
est intègre, a est premier et si k est réduit, a est radical. On pourra montrer qu’en posant :
a• = A ⊕ AX1 ⊕ AX2 avec A = k[X0 , X3 ],
on a
k[X0 , X1 , X2 , X3 ] = a + a• et ker ϕ ∩ a• = 0
3. Montrer que a ne peut pas être engendré par 2 générateurs.
√ p
4. Expliciter
p un polynôme homogène F3 de degré 3 tel que a = hD1 , F3 i. En particulier, si k est réduit,
a = hD1 , F3 i.
Exercice 14.6 Montrer que si deux suites sont disjointes (voir page 549) elles restent disjointes lorsque
l’on multiplie une des suites par un élément de l’anneau.
Exercice 14.7 (transitivité de l’action de GL2 (k[x, y]) sur les systèmes de deux générateurs de hx, yi)
Le résultat de la question 1. est dû à Jean-Philippe Furter, de l’Université de La Rochelle.
Soit A = k[x, y] un anneau de polynômes à 2 indéterminées x, y sur un anneau k et p, q ∈ A vérifiant
hp, qi = hx, yi.
x p
1. Construire une matrice A ∈ GL2 (A) telle que A = et det(A) ∈ k× .
y q
2. On écrit p = αx + βy + · · ·, q = γx + δy + · · · avec α, β, γ, δ ∈ k.
α β
a. Montrer que ∈ GL2 (k).
γ δ
b. Soit G ⊂ GL2 (A) l’intersection de SL2 (A) et du noyau de GL2 (A) → GL2 (k), réduction modulo
hx, yi ; G est un sous-groupe distingué de GL2 (A) contenu dans SL2 (A). Montrer que le sous-groupe
GGL2 (k) = GL2 (k)G de GL2 (A) opère transitivement sur les systèmes de deux générateurs de
hx, yi.
3. Soient p = x+ i+j=2 pij xi y j , q = y + i+j=2 qij xi y j . Montrer que l’on a hx, yi = hp, qi si, et seulement
P P
si, les équations suivantes sont satisfaites :
2
p20 p02 + p02 q11 + q02 = p20 p11 + p02 q20 + p11 q11 − p20 q02 + q11 q02 =
p220 + p11 q20 + q20 q02 = 0
4. Généraliser le résultat de la question précédente.
Exercice 14.1 La preuve donnée dit ceci. Puisque Kdim A 6 0 il existe x1 tel que b1 x1 ∈ DA (0) et
1 ∈ DA (b1 , x1 ). A fortiori b1 ax1 ∈ DA (0) et a ∈ DA (b1 , ax1 ). Le lemme 14.1.1 nous dit que DA (b1 , ax1 ) =
DA (b1 + ax1 ), donc a ∈ DA (b1 + ax1 ).
Exercice 14.2 1. Soient b1 , . . . , bn ∈ A tels que i bi ai = 0 dans a a2 , i.e. i bi ai = i ci ai avec ci ∈ a.
P P P
D’après le lemme 4.2.4, il existe une matrice alternée M ∈ Mn (A) telle que [ b1 − c1 . . . bn − cn ] =
[ a1 . . . an ] M ; d’où bi − ci ∈ a, donc bi ∈ a.
La même chose, présentée de façon plus abstraite. On sait qu’une matrice de présentation du A-module
d’anneau de base A → A/a , cela
a pour le système générateur (a1 , . . . , an ) est Ra . Par le changement
donne la matrice de présentation Ra mod a (nulle) du A/a -module a a2 pour (a1 , . . . , an ), ce qui signifie
que (a1 , . . . , an ) est une base.
2. Soit y1 , . . . , yp un système générateur de l’idéal a ; alors y1 , . . . , yp est un système générateur du
(A/a )-module a a2 , qui est libre de rang n. Or A/a est non trivial donc p > n.
Exercice 14.4 1. est évident et l’on en déduit 2. puisque a/hP i ' a1 × · · · × as . On en déduit 3. par
récurrence sur n. On peut remarquer que le théorème chinois utilisé dans le point 2. est réalisé concrètement
par l’interpolation à la Lagrange.
NB : voir aussi l’exercice 3.2.
Exercice 14.5 1. ψ est homogène de degré 3. Soit p = (x0 : x1 : x2 : x3 ) ∈ Z(a) ; dans le cas x0 6= 0, on
peut se ramener à x0 = 1 donc (x0 , x1 , x2 , x3 ) = (1, x1 , x21 , x31 ) = ψ(1 : x1 ). Si x0 = 0, alors x1 = 0 puis
x2 = 0 donc p = ψ(0 : 1).
2. Soit k[x] = k[X]/a et A = k[x0 , x3 ]. Montrer que k[X] = a + a• revient à montrer que k[x] =
A + Ax1 + Ax2 . On a les relations x31 = x20 x3 ∈ A, et x32 = x0 x23 ∈ A, donc A[x1 , x2 ] est le A-module
engendré par les xi1 xj2 avec i, j ∈ J0..2K. Mais on a aussi x1 x2 = x0 x3 , x21 = x0 x2 , x22 = x1 x3 , ce qui achève
de montrer que A[x1 , x2 ] = A + Ax1 + Ax2 .
Soit h = a + bX1 + cX2 ∈ a• vérifiant ϕ(h) = 0 (a, b, c ∈ A = k[X0 , X3 ]). On a donc
a(U 3 , V 3 ) + b(U 3 , V 3 )U 2 V + c(U 3 , V 3 )U V 2 = 0
En posant p(T ) = a(U 3 , T ), q(T ) = b(U 3 , T )U 2 , r(T ) = c(U 3 , T )U , il vient p(V 3 )+q(V 3 )V +r(V 3 )V 2 = 0
et un examen modulo 3 des exposants en V de p, q, r fournit p = q = r = 0. D’où a = b = c = 0, i.e. h = 0.
Maintenant, si f ∈ ker ϕ, en écrivant f = g + h avec g ∈ a, h ∈ a• , on obtient h ∈ ker ϕ ∩ a• = 0, donc
f = g ∈ a.
3. Posons E = a/ hXi a ; c’est un k[X]/hXi-module engendré par les di = Di , i.e. E = kd1 + kd2 + kd3 .
De plus, d1 , d2 , d3 sont k-linéairement indépendants car une relation ad1 + bd2 + cd3 = 0 (a, b, c ∈ k)
s’écrit aD1 + bD2 + cD3 ∈ hXi a, qui pour des raisons d’homogénéité donne aD1 + bD2 + cD3 = 0 puis
a = b = c = 0. Donc E est un k-module libre de rang 3. Si G est un système générateur de l’idéal a, alors
G est un système générateur du k-module E, donc #G > 3, a fortiori #G > 3.
4. Posons :
F3 = X0 D2 + X1 D3 = −X02 X3 + 2X0 X1 X2 − X13 ∈ hD2 , D3 i
On a
D22 = −(X3 F3 + X12 D1 ) ∈ hD1 , F3 i , D32 = −(X1 F3 + X02 D1 ) ∈ hD1 , F3 i
D2 D3 = X0 X1 D1 + X2 F3 ∈ hD1 , F3 i
puis
2
p p
hD1 , D2 , D3 i ⊂ hD1 , F3 i ⊂ hD1 , D2 , D3 i d’où hD1 , D2 , D3 i = hD1 , F3 i
568 14. Nombre de générateurs d’un module
Exercice 14.7
m11 m12 x 0
1. Remarquons d’abord que pour mij ∈ A, une égalité = entraine mij ∈ hx, yi. Par
m21 m22 y 0
ailleurs, on va utiliser les identités suivantes pour des matrices 2×2 : det(A+B) = det(A)+det(B)+Tr(AB) e
et :
v x
pour H = [y, −x] Tr(AH) = [u, v]A
e
−u y
x p p x x 0
Par hypothèse, il y a A, B ∈ M2 (A) telles que A = et B = donc (BA − I2 ) = .
y q q y y 0
×
D’où modulo hx, yi = hp, qi, on a BA ≡ I2; donc a = det(A)(0, 0) ∈A et l’on peut écrire, avec u, v ∈ A,
v x 0
det(A) = a + up + vq. On pose H = [y, −x], qui vérifie H = , det(H) = 0 et l’on corrige A
−u y 0
0 0 x p 0 p
en A = A−H. Alors A = et det(A ) = det(A)+det(H)−Tr(AH) = a+up+vq −[u, v]
e = a.
y q q
x p
2. On décompose A en composantes homogènes : A = A0 + A1 + · · · et l’on écrit A = . L’examen
y q
α β
de la composante homogène de degré 1 donne A0 = et l’on sait que det(A) = det(A0 ) ∈ k× . On
γ δ
x p
peut alors écrire A0 (A−1 0 A) = avec A0 ∈ GL2 (k) et A−1 0 A ∈ G.
y q
x p
3. On écrit A = avec A ∈ G. Pour des raisons de degré, A = I2 + xB + yC avec B, C ∈ M2 (k).
y q
On a alors : 2
p x x x xy x + b11 x2 + (c11 + b12 )xy + c12 y 2
(?) =A = +B +C =
q y y xy y2 y + b21 x2 + (c21 + b22 )xy + c22 y 2
Par ailleurs, on remarque que le coefficient de det(A) − 1 en xi y j est un polynôme homogène de degré
i + j en les coefficients de B, C :
det(A) − 1 = Tr(B)x + Tr(C)y + det(B)x2 + Tr(BC)xy e + det(C)y 2
Si k était un corps algébriquement clos, on pourrait tenir le discours suivant. L’égalité det(A) = 1 définit
une sous-variété projective V ⊂ P8−1 (2 × 4 coefficients pour B, C) ; d’autre part (?) définit un morphisme
V → P6−1 (6 pour les coefficients de p − x, q − y). L’image de ce morphisme est l’ensemble W défini par
les équations de l’énoncé.
L’anneau k étant quelconque, on examine attentivement les équations (?) ; en utilisant Tr(B) = Tr(C) = 0,
on peut exprimer B, C en fonction des coefficients de p, q
p p11 + q02 −q02 p02
B = 20 , C=
q20 −p20 p20 + q11 q02
On construit ainsi une section s : W → G de l’application (?) et en fait les 3 équations de W figurant
dans l’énoncé sont, au signe près, det(C), Tr(BC)
e et det(B).
Commentaires bibliographiques
Si l’on s’ent tient à l’aspect constructif des résultats, l’ensemble du chapitre est essentiellement
dû à T. Coquand, avec parfois l’aide des auteurs du livre que vous tenez entre les mains. Il s’agit
ici d’un succès remarquable de l’approche constructive de la théorie de la dimension de Krull.
Sans cette approche il était simplement impensable d’obtenir sous forme constructive générale les
(( grands )) théorèmes classiques démontrés ici. En outre cette approche a guidé la mise au point
d’une nouvelle dimension, que nous appelons dimension de Heitmann, grâce à laquelle ont pu être
encore un peu améliorés les remarquables résultats non nœthériens de Heitmann, notamment la
version générale non nœthérienne du splitting-off de Serre et du théorème de Swan.
Le théorème de Kronecker est usuellement énoncé sous la forme suivante : une variété
algébrique dans Cn peut toujours être définie par n + 1 équations.
Il a été étendu au cas des anneaux nœthériens par van der Waerden [175] sous la forme
suivante : dans un anneau nœthérien de dimension de Krull n, tout idéal a même nilradical qu’un
idéal engendré par au plus n + 1 éléments.
Commentaires bibliographiques 569
La version de Kronecker a été améliorée par divers auteurs dans [164, Storch] et [69, Eisen-
bud&Evans] qui ont montré que n équations suffisent en général. Une preuve constructive de ce
dernier théorème est dans [47, Coquand,Lombardi&Schuster]. Par ailleurs on ne sait toujours pas
si toute courbe dans l’espace complexe de dimension 3 est ou non intersection de deux surfaces
(voir [Kunz] chapitre 5).
Le lemme 14.2.8 est le corollaire 2.2 de Heitmann [90], (ici la Hdim remplace la Jdim) qui
débouche sur le théorème 14.6 page 553 (amélioration par Heitmann du théorème de Kronecker).
Le théorème de Kronecker local 14.3 page 550 est dû à Lionel Ducos [65].
Concernant le (( stable range )). Le théorème 14.4 page 552 est dû à Bass dans le cas nœthérien
(avec la dimension du spectre maximal, qui dans ce cas coïncide avec la Jdim et la Hdim) et à
Heitmann dans le cas non nœthérien avec la Jdim. Le théorème 14.2 page 549 est une version
non nœthérienne, mais avec la dimension de Krull, du théorème 14.4.
Concernant la Jdim. Dans [90] Heitmann introduit la Jdim pour un anneau non nécessairement
nœthérien comme le bon susbstitut à la dimension du spectre maximal Max A. C’est la dimension
de Jspec A, le plus petit sous-espace spectral de Spec A contenant Max A. Il établit le théorème
(( stable range )) de Bass pour cette dimension. Par contre pour les théorèmes de Serre et de
Forster-Swan, il doit utiliser une dimension ad hoc, la borne supérieure des Jdim(A[1/x]) pour
x ∈ A. Comme cette dimension ad hoc est de toute manière majorée par la dimension de Krull, il
obtient en particulier une version non nœthérienne des grands théorèmes cités avec la dimension
de Krull.
Concernant les théorèmes de Serre et Forster-Swan. Le théorème de Serre est dans [156, Serre].
Le théorème de Forster-Swan (version nœthérienne) est dans [78, Forster] pour la dimension de
Krull et dans [169, Swan] pour la dimension du spectre maximal. Des versions non-nœthériennes
pour la dimension de Krull sont dues à Heitmann [89, 90].
L’article d’Eisenbud-Evans [68] a beaucoup aidé à clarifier les choses concernant les théorèmes
de Serre, Forster et Swan. Dans la section 14.5, on a déduit du théorème matriciel 14.12 page 561
une version (( non nœthérienne )) du théorème de Forster-Swan. Cette démonstration s’inspire
des grandes lignes de [68, Eisenbud&Evans] et [90, Heitmann].
Concernant la Hdim. La dimension de Heitmann, notée Hdim, a été introduite dans [44] (voir
aussi [45]). C’est elle au fond qui fait fonctionner les démonstrations dans l’article de Heitmann
[90]. Le fait qu’elle soit meilleure a priori que la Jdim n’est pas le point essentiel. C’est bien
plutôt le fait que les théorèmes de Serre et de Forster-Swan passent pour la Hdim, et donc a
fortiori pour la Jdim, ce qui donne la version non nœthérienne complète de ces théorèmes, qui
avait été conjecturée par Heitmann.
Dans le cas d’un anneau nœthérien la Hdim, la Jdim de Heitmann et la dimension du spectre
maximal Max A qui intervient dans les théorèmes de Serre et de Swan [169] sont les mêmes (cf.
[45, 90]).
La notion de support remonte à Joyal [104], qui l’utilise pour donner une caractérisation
constructive de la dimension de Krull des anneaux commutatifs. Elle est utilisée de manière
systématique par T. Coquand dans ses articles récents. Dans la section 14.3 et dans la première
partie de la section 14.4 la notion de support n-stable est décisive. Elle a été inventée par T.
Coquand [36] pour mettre à jour le contenu constructif du discours de Bass sur les partitions
finies de Spec A dans [Bass].
La version du théorème de simplification de Bass pour la Hdim a d’abord été démontrée par
L. Ducos [64]. La preuve que nous donnons est plutôt basée sur [45].
En ce qui concerne l’exercice 14.7, Murthy, dans [127], a prouvé le résultat général suivant.
Soient A = k[x1 , . . . , xm ] un anneau de polynômes (k anneau commutatif) et r > 1 fixés.
Supposons, pour tout n ∈ J1..rK, que tout vecteur unimodulaire de An soit complétable et
considérons, pour n 6 inf(r, m), l’ensemble des systèmes de r générateurs de l’idéal hx1 , . . . , xn i
de A, comme par exemple (x1 , . . . , xn , 0, . . . , 0) où il y a r − n zéros ; alors le groupe GLr (A)
opère transitivement sur cet ensemble (le résultat de Murthy est en fait bien plus précis).
15. Le principe local-global
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 571
15.1 Monoïdes comaximaux, recouvrements . . . . . . . . . . . . . . . . . 572
15.2 Quelques principes local-globals concrets . . . . . . . . . . . . . . . . 574
Systèmes linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 575
Propriétés de finitude pour les modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 576
Propriétés des anneaux commutatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 577
Principes local-globals concrets pour les algèbres . . . . . . . . . . . . . . . . 577
15.3 Quelques principes local-globals abstraits . . . . . . . . . . . . . . . . 579
15.4 Recollement concret d’objets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581
La colle et les ciseaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581
Un cas simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 582
Recollement d’objets dans les modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 583
Recollement de modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585
Recollement d’homomorphismes entre anneaux . . . . . . . . . . . . . . . . . 587
15.5 La machinerie locale-globale constructive de base . . . . . . . . . . . 588
Exemples d’applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 589
Premier exemple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 589
Un résultat quasi global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 590
15.6 Quotienter par tous les idéaux maximaux . . . . . . . . . . . . . . . 592
15.7 Localiser en tous les idéaux premiers minimaux . . . . . . . . . . . . 595
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 597
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 599
Introduction
Dans ce chapitre, nous discutons quelques méthodes importantes directement reliées à ce
qu’il est convenu d’appeler le principe local-global en algèbre commutative.
Dans la section 15.2 nous le développons sous la forme de principes local-globals concrets.
Il s’agit de dire que certains propriétés sont vraies globalement dès qu’elles le sont localement.
Ici localement est pris au sens constructif : après localisation en un nombre fini de monoïdes
comaximaux.
Dans la section 15.3, nous établissons les principes local-globals abstraits correspondants, en
utilisant, de manière inévitable, des preuves non constructives : ici localement est pris au sens
abstrait, c’est-à-dire après localisation en n’importe quel idéal premier.
Dans la section 15.4, nous expliquons la construction d’objets (( globaux )) à partir d’objets
de même nature définis uniquement de manière locale.
La suite du chapitre est consacré au (( décryptage dynamique et constructif )) de méthodes
utilisées en algèbre abstraite. Rappelons que nous avons présenté dans la section 7.2 la philosophie
générale de cette méthode dynamique.
572 15. Le principe local-global
Dans la section 15.5, nous discutons le décryptage constructif de méthodes abstraites qui
rentrent dans un cadre général du type (( principe local-global )). Nous donnons un énoncé général
(mais inévitablement un peu informel) pour cela, et nous donnons des exemples simples, qui
pourraient être traités de manière plus directe. Les exemples vraiment pertinents arriveront dans
le chapitre 16.
Cette méthode dynamique est un outil fondamental de l’algèbre constructive. On aurait pu
écrire l’ouvrage présent en commençant par cette explication préliminaire et en utilisant de
manière systématique ce décryptage. Nous avons préféré commencer par développer tout ce qu’il
était possible de faire de manière directe, en établissant les principes local-globals concrets qui
permettent la plupart du temps d’éviter l’utilisation du décryptage dynamique en tant que tel.
Bref, plutôt que mettre en avant la magie à l’œuvre dans l’algèbre classique nous avons préféré
faire voir d’abord un autre type de magie, à l’œuvre en algèbre constructive, sous le slogan
général : (( pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? )).
Dans la section 15.6, nous analysons la méthode d’algèbre abstraite, qui consiste à (( aller
voir ce qui se passe lorsque l’on quotiente par un idéal maximal arbitraire )).
Enfin dans la section 15.7, nous analysons la méthode qui consiste à (( aller voir ce qui se
passe lorsque l’on localise en un idéal premier minimal arbitraire )).
Lemme∗ 15.1.2
1. Pour tout monoïde S on a S sat = \ p). En conséquence pour deux monoïdes S et
T
p∈US (A
T , S sat ⊆ T sat ⇔ UT ⊆ US .
S
2. S1 , . . . , Sn sont comaximaux si, et seulement si, Spec A = i USi .
S
3. S1 , . . . , Sn recouvrent le monoïde S si, et seulement si, US = i USi .
1. L’axiome de l’idéal premier affirme que tout idéal strict d’un anneau est contenu dans un idéal premier. Il
s’agit d’une version affaiblie de l’axiome du choix. Dans la théorie des ensembles classique ZF, l’axiome du choix
équivaut à l’axiome de l’idéal maximal, qui affirme que tout idéal strict d’un anneau est contenu dans un idéal
maximal. Il est un peu plus fort que l’axiome de l’idéal premier. Ce dernier équivaut au fait que toute théorie
formelle cohérente admet un modèle (c’est le théorème de compacité en logique classique). Dans la théorie des
ensembles avec axiome du choix, l’axiome de l’idéal premier devient un théorème et s’appelle (( lemme de Krull )).
15.1. Monoïdes comaximaux, recouvrements 573
dans un idéal premier p. Donc p n’est dans aucun des USi , ce qui est absurde. I
Le lemme ci-après est une variation sur le thème : un recouvrement de recouvrements est
un recouvrement. C’est aussi une généralisation du fait 5.6.2. Les calculs correspondants sont
immédiats. En mathématiques classiques ce serait encore plus rapide via le lemme∗ 15.1.2.
Définition et notation 15.1.4 Soient U et I des parties de l’anneau A. Nous notons M(U )
le monoïde engendré par U , et S(I, U ) est le monoïde :
S(I, U ) = hIiA + M(U ).
Le couple q = (I, U ) est encore appelé un idéal premier potentiel, et l’on note (par abus) Aq
pour AS(I,U ) . De la même manière on note :
S(a1 , . . . , ak ; u1 , . . . , u` ) = ha1 , . . . , ak iA + M(u1 , . . . , u` ).
Nous disons qu’un tel monoïde admet une description finie. Le couple
({a1 , . . . , ak } , {u1 , . . . , u` })
est appelé un idéal premier potentiel fini.
J Soient x ∈ S(I; U, a), y ∈ S(I, a; U ) ; on doit montrer que hx, yi rencontre hIi + M(U ) ou
encore hx, yi + hIi rencontre M(U ). On a k > 0, u, v ∈ M(U ) et z ∈ A tels que x ∈ uak + hIi,
y ∈ v − az + hIi. Modulo hx, yi + hIi, uak ≡ 0, v ≡ az donc uv k ≡ 0, i.e. uv k ∈ hx, yi + hIi avec
uv k ∈ M(U ). I
J Les points (2) et (3) résultent immédiatement des lemmes 15.1.3 et 15.1.5. Il reste à voir
le (1).
Le premier cas
D E résulte du fait que pour k1 , . . . , kn > 0, on a, pour k assez grand, hs1 , . . . , sn ik ⊆
sk11 , . . . , sknn ; on peut prendre k = i ki ou au mieux k = i (ki − 1) + 1 si ki > 1.
P P
Pour le cas général, soient t1 , . . . , tn avec ti ∈ S(I; U, si ) ; on veut montrer que ht1 , . . . , tn i
rencontre S = S(I, U ). Par définition, il y a un ui ∈ M(U ) et ki > 0 tels que ti ∈ ui ski i + hIi ;
en posant u = u1 . . . un ∈ M(u), on a uski i ∈ hti i + hIi ⊆ ht1 , . . . , tn i + hIi. Donc pour k assez
grand :
D E
u hs1 , . . . , sn ik ⊆ u sk11 , . . . , sknn ⊆ ht1 , . . . , tn i + hIi
Mais comme s1 , . . . , sn sont des éléments comaximaux dans AS , il y a un s ∈ S tel que
s ∈ hs1 , . . . , sn i ; donc usk ∈ ht1 , . . . , tn i + hIi ou encore ht1 , . . . , tn i rencontre usk + hIi ⊆ S. I
Systèmes linéaires
Le principe local-global concret suivant est une légère généralisation du principe local-global 2.1
page 15 (principe local-global concret de base), qui ne concernait que le point 4. ci-dessous
dans le cas de modules libres de rang fini. En fait l’essentiel a déjà été donné dans le principe
local-global 2.6 page 44 (principe local-global concret pour les modules). Nous redonnons les
démonstrations pour insister sur leur grande simplicité.
Soient M1 , . . . , M` , P des A-modules. Nous disons qu’une application Φ : M1 × · · · × M` → P
est homogène s’il existe des entiers r1 , . . . , r` tels que l’on ait identiquement Φ(a1 x1 , . . . , a` x` ) =
ar11 · · · ar` ` Φ(x1 , . . . , x` ). Dans un tel cas, l’application Φ (( passe aux localisations )) : elle peut être
étendue naturellement en une application ΦS : S −1 M1 × · · · × S −1 M` → S −1 P pour n’importe
quel monoïde S. Le prototype d’une application homogène est une application donnée par des
polynômes homogènes en les coordonnées lorsque les modules sont libres de rang fini.
J Les conditions sont nécessaires en raison du fait 2.6.4. Une vérification directe est d’ailleurs
immédiate. Prouvons que les conditions locales sont suffisantes.
1. Supposons que x/1 = 0 dans chaque Ni . Pour des si ∈ Si convenables on a donc si x = 0 dans
N . Comme ni=1 ai si = 1 on obtient x = 0 dans N .
P
2. Conséquence immédiate de 1.
3. Supposons que x/1 soit régulier dans chaque Ni . Soit a ∈ A avec ax = 0 dans A donc aussi
ax/1 = 0 dans chaque Ni . On a donc a/1 = 0 dans chaque Ai , donc aussi dans A.
4. Supposons que l’équation ϕ(z) = x admette une solution zi dans chaque Mi . On peut écrire
zi = yi /si avec yi ∈ M et si ∈ Si . On a donc ui ϕ(yi ) = si ui x dans N avec ui ∈ Si . Comme
Pn Pn
i=1 ai si ui = 1 on pose z = i=1 ai ui yi et l’on obtient ϕ(z) = x dans N .
5. C’est une simple variante de 4., l’homogénéité des Φ` intervient pour que la propriété locale
soit bien définie, et pour qu’elle résulte de la propriété globale.
6. C’est un cas particulier du point précédent.
7. Soit ρ : N → N/M la projection canonique. Le module N/M est également un module de
présentation finie. Le module M est facteur direct dans N si, et seulement si, ρ est inversible à
droite, on peut donc conclure par le principe local-global 4.1 page 134. I
Remarque. On peut voir que le point 5., simple variante du point 4., implique tous les autres
comme cas particuliers. Par ailleurs le point 4. résulte du point 1. avec y = 0 en considérant
le module (N/ϕ(M ))Si ' NSi /ϕSi (MSi ). On aurait donc pu énoncer le point 1. comme seul
principe de base et en déduire les points 2. à 6. comme corollaires. Enfin le point 7. résulte aussi
directement du point 4. (voir la démonstration du principe local-global 4.1)
Principe local-global concret 15.2 (recollement concret de propriétés de finitude pour les
modules) Soient S1 , . . . Sn des monoïdes comaximaux de A et M un A-module. Alors on a les
équivalences suivantes :
1. M est de type fini si, et seulement si, chacun des MSi est un ASi -module de type fini.
2. M est de présentation finie si, et seulement si, chacun des MSi est un ASi -module de
présentation finie.
3. M est plat si, et seulement si, chacun des MSi est un ASi -module plat.
4. M est projectif de type fini si, et seulement si, chacun des MSi est un ASi -module projectif
de type fini.
5. M est projectif de rang k si, et seulement si, chacun des MSi est un ASi -module projectif
de rang k.
6. M est cohérent si, et seulement si, chacun des MSi est un ASi -module cohérent.
7. M est nœthérien si, et seulement si, chacun des MSi est un ASi -module nœthérien.
Principe local-global concret 15.3 (recollement concret de propriétés des anneaux commu-
tatifs)
Soient S1 , . . . Sn des monoïdes comaximaux et a un idéal de type fini de A. Alors on a les
équivalences suivantes :
1. A est cohérent si, et seulement si, chaque ASi est cohérent.
2. A est localement sans diviseur de zéro si, et seulement si, chaque ASi est localement sans
diviseur de zéro.
3. A est quasi intègre si, et seulement si, chaque ASi est quasi intègre.
4. A est réduit si, et seulement si, chaque ASi est réduit.
5. a est localement principal si, et seulement si, chaque aSi est localement principal.
6. A est arithmétique si, et seulement si, chaque ASi est arithmétique.
7. A est de Prüfer si, et seulement si, chaque ASi est de Prüfer.
8. a est intégralement clos si, et seulement si, chaque aSi est intégralement clos.
9. A est normal si, et seulement si, chaque ASi est normal.
10. A est de dimension de Krull 6 k si, et seulement si, chaque ASi est de dimension de
Krull 6 k.
11. A est nœthérien si, et seulement si, chaque ASi est nœthérien.
Rappelons aussi que pour des localisations en des éléments comaximaux, le principe local-
global concret s’applique aussi pour les notions d’anneau de Dedekind et d’anneau cohérent
nœthérien fortement discret (principe local-global 12.3 page 485).
Principe local-global concret 15.5 Soit A une k-algèbre et s1 , . . . , sm des éléments comaxi-
maux de A. Alors les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. A est de type fini (resp. de présentation finie, plate) sur k.
2. Chacune des algèbres Asi est de type fini (resp. de présentation finie, plate) sur k.
J Tout d’abord si A = k[x1 , . . . , xn ] = k[X1 , . . . , Xn ]/a et s = S(x) (où S ∈ k[X]), alors
As = k[x1 , . . . , xn , t] avec t = 1/s dans As , ce qui donne aussi
As = k[X1 , . . . , Xn , T ]/(a + hT S(X) − 1i) .
Ainsi la propriété d’être de type fini ou de présentation finie est stable par localisation en un
élément (mais elle ne l’est pas pour une localisation en un monoïde arbitraire).
Concernant la platitude, comme As est plate sur A, si A est plate sur k, As est plate sur k
(fait 8.6.2).
P
Supposons maintenant que i si ui = 1 dans A.
Voyons tout d’abord ce que l’on obtient si chacune des k-algèbres Asi est de type fini.
On peut supposer que les générateurs proviennent d’éléments de A (en considérant la frac-
tion correspondante de dénominateur 1). Faisons une seule liste x1 , . . . , xn avec tous ces
éléments de A. La lectrice constatera alors par un petit calcul que A est engendrée par
x1 , . . . , xn , s1 , . . . , sm , u1 , . . . , um = y1 , . . . , yp avec p = n + 2m.
Voyons maintenant le cas où toutes les algèbres Asi sont de présentation finie. On considère
des indéterminées Yi correspondant à la liste y1 , . . . , yp définie ci-dessus. On écrit si = Si (x),
ui = Ui (x) avec des polynômes à coefficients dans k.
Pour le système générateur commun (x1 , . . . , xn ) que nous venons de considérer, et pour chaque
i ∈ J1..mK, nous avons un système polynomial correspondant, disons Fi , dans k[X, Yn+i , Ti ], qui
permet de définir l’isomorphisme
k[X, Yn+i , Ti ]/ai → Asi ,
avec ai = hFi , Yn+i − Si (X), Yn+i Ti − 1i. Pour chaque f ∈ Fi il y a un exposant kf tel que
k
si f f (x) = 0 dans A. On peut prendre tous les kf égaux, disons à k.
Alors on considère le système polynomial suivant dans k[Y1 , . . . , Yp ], avec Yj = Xj pour j ∈ J1..nK.
On prend tout d’abord tous les Yn+i k f (X) pour f ∈ F , i ∈ J1..mK. Ensuite on écrit les relations
i
Yn+i − Si (X) et Yn+m+i − Ui (X) pour i ∈ J1..mK. Enfin, on prend la relation qui correspond à
Pm
i=1 Yn+i Yn+m+i − 1.
P
i ui si = 1, c’est-à-dire
Le lecteur fera le calcul pour se convaincre que l’on a bien ainsi une description sans faille de la
k-algèbre A. Le contraire eût été étonnant, voire immoral, puisque l’on a transcrit tout ce que
l’on pouvait savoir de la situation. L’important était que cela puisse s’exprimer par un système
fini de relations sur un système fini d’indéterminées. En fait on a procédé exactement comme
dans la démonstration du principe local-global 4.2 page 140 pour les modules de présentation
finie.
P
Concernant la platitude, considérons (a1 , . . . , an ) dans k et (x1 , . . . , xn ) dans A tels que i xi ai =
0. Nous voulons montrer que (x1 , . . . , xn ) est combinaison A-linéaire de relations de dépendance
linéaire dans k. Nous savons que ceci est vrai après localisation en chacun des sk . On a donc un
exposant N tel que pour chaque k on ait une égalité
Xp j
sN
k (x1 , . . . , xn ) = b (x , . . . , xn,k,j ),
j=1 k,j 1,k,j
15.3. Quelques principes local-globals abstraits 579
Démonstrations (non constructives). Les conditions sont nécessaires en raison du fait 2.6.4. Une
vérification directe est d’ailleurs immédiate. Pour les réciproques, nous supposons sans perte
de généralité que l’anneau A est non trivial. Il suffit de traiter le point 4. (voir la remarque
page 576). En fait nous avons déjà établi le point 6., qui implique le point 4., dans le principe
local-global abstrait 2.2 page 45, mais nous pensons qu’il n’est pas inutile de redonner deux
démonstrations classiques distinctes (la seconde est celle donnée au chapitre 2) et de comparer
leur degré d’effectivité.
Première démonstration.
Supposons x ∈/ Im ϕ, cela revient à dire que x 6= 0 dans N/ϕ(M ). Puisque pour un idéal premier p
on a (N/ϕ(M ))p ' Np /ϕp (Mp ), il suffit de prouver le point 1. avec y = 0. Supposons donc x 6= 0
dans N . D’où AnnA (x) 6= h1i et il existe p ∈ Spec A qui contient AnnA (x). Alors, en notant x/1
l’élément correspondant de Np , puisque (AnnA (x))p = AnnAp (x/1), on obtient x 6=Np 0.
Deuxième démonstration.
La propriété x ∈ Im ϕ est de caractère fini, on peut donc appliquer le fait∗ 2.2.10 qui dit (en
mathématiques classiques) que pour une propriété de caractère fini, le principe local-global con-
cret (localisation en des monoïdes comaximaux) est équivalent au principe local-global abstrait
(localisation en tous les idéaux maximaux). I
Commentaires.
1) Il ne semble pas que la deuxième preuve, de caractère trop général, puisse jamais être rendue
constructive. La première preuve n’est pas non plus (( en général )) constructive, mais il existe
des cas où elle l’est. Il suffit pour cela que les conditions suivantes soient vérifiées, dans le cas du
point 4.
– Le module N est de présentation finie et le module M de type fini.
– L’anneau A est cohérent fortement discret.
– Pour tout idéal de type fini strict a de A on sait construire un idéal premier p contenant a.
Les deux dernières conditions sont vérifiées lorsque A est une algèbre de présentation finie sur Z
ou sur un corps (( pleinement factoriel )) (voir [MRR]).
2) Ceci nous permet, par exemple, de donner une autre preuve constructive du théorème
matriciel 10.4. Comme nous l’avons remarqué page 365 il nous suffit de traiter le cas générique
et de montrer certaines égalités ri rj = 0 et rh u = 0. Comme l’anneau Gn est une algèbre de
présentation finie sur Z, nous pouvons montrer ces égalités en appliquant le recollement abstrait
des égalités. Nous sommes donc ramenés au cas d’un localisé local de Gn , et dans ce cas les
égalités sont vraies puisque le module est libre par application du lemme de la liberté locale.
3) En pratique, on peut comprendre le principe local-global abstrait 15.1 sous la forme intuitive
suivante : pour démontrer un théorème d’algèbre commutative dont la signification est qu’un
certain système linéaire sur un anneau commutatif A admet une solution, il suffit de traiter
le cas où l’anneau est local. C’est un principe du même genre que le principe de Lefschetz :
pour démontrer un théorème d’algèbre commutative dont la signification est qu’une certaine
identité algébrique a lieu, il suffit de traiter le cas où l’anneau est le corps des complexes (ou
n’importe quel sous-anneau qui nous arrange, d’ailleurs). Cette remarque est développée dans la
section 15.5.
4) Dans l’article [10], Hyman Bass fait le commentaire suivant concernant une version affaiblie
du principe local-global abstrait 15.1 7. : aussi élémentaire que ce résultat puisse paraître, il ne
semble pas qu’aucune preuve puisse en être donnée sans utiliser, ou reconstruire pour l’essentiel,
le foncteur Tor1 . Ce commentaire est étonnant, au vu du caractère tout à fait anodin de notre
preuve du principe concret correspondant, laquelle ne calcule rien qui ressemble à un Tor1 .
En fait, lorsque le but est de montrer la nullité d’un Tor1 , il semble que l’efficace machinerie
calculatoire des Tor est souvent inutile, et qu’elle peut être court-circuitée par un argument plus
élémentaire.
15.4. Recollement concret d’objets 581
U2
U2
U1 U1
U3
U3
Si l’on essaie de faire la même chose en algèbre commutative, on va considérer des anneaux Ai
(correspondant aux anneaux C ∞ (Ui )) et des éléments fij ∈ Ai . L’anneau C ∞ (Uij ) correspondrait
à Ai [1/fij ] et le morphisme de recollement ϕij à un isomorphisme ωij : Ai [1/fij ] → Aj [1/fji ].
On devra également formuler des conditions de compatibilité trois par trois. On espère alors
582 15. Le principe local-global
Un cas simple
Théorème 15.1 Soit A un anneau intègre de corps de fractions K, N un A-module sans
torsion, S1 , . . . , Sn des monoïdes comaximaux de A et pour chaque i ∈ J1..nK un sous-ASi-module
Mi de Si−1 N ⊆ K ⊗A N . On suppose que pour chaque i, j ∈ J1..nK on a Sj−1 Mi = Si−1 Mj (vus
comme sous-A-modules de K ⊗A N ). Alors :
1. Il existe un unique sous-A-module M de N tel que l’on ait Si−1 M = Mi pour chaque
i ∈ J1..nK.
2. Ce sous-module M est égal à l’intersection des Mi .
3. Si les Mi sont de type fini (resp. de présentation finie, cohérents, projectifs de type fini), il
en va de même pour M .
Inversement soit par exemple x1 ∈ M1 , nous voulons voir qu’il est dans S1−1 P . Puisque Sj−1 M1 =
S1−1 Mj , il existe u1,j ∈ S1 tel que u1,j x1 ∈ Mj . En posant s1 = j6=1 u1,j , on obtient bien
Q
s 1 x 1 ∈ i Mi .
T
Si l’on ne suppose pas l’anneau intègre le théorème précédent est un peu plus délicat. Cela
sera l’objet du principe local-global 15.7 page 585.
Principe local-global concret 15.6 (recollement concret d’éléments dans un module, et d’ho-
momorphismes entre modules)
1. Soit un élément (xi )i∈J1..nK de i∈J1..nK Ai . Pour qu’il existe un x ∈ A vérifiant αi (x) = xi
Q
dans chaque Ai il faut et suffit que pour chaque i < j on ait αij (xi ) = αji (xj ) dans Aij .
En outre cet x est alors déterminé de manière unique. En d’autres termes l’anneau A (avec
les homomorphismes αi ) est la limite projective du diagramme :
((Ai )i∈J1..nK , (Aij )i<j∈J1..nK ; (αij )i6=j∈J1..nK )
α ij
/ Aij
h h h hhw3; Ai6 C
hh 6
ψi hhhh
h h
h
ww w 66 ik
α
h w 66 α
hhhh ww αi
h h hhhhh ww 66 ji
_
V _ _ _
C MMVMVVVV ψ! _ _ _ _ / 6
MMM VVVVV
A4GG
44 GG αj 666
MMM VVVVVV 44 GGG 66
MMM ψj VVVV4 GG 66
MMM V
44VVVV#
MMM 44 Aj +
H ; Aik
MMM 4 HH
MMM 44 HHvvvv
ψk
MαMkM 44 vH
vv HHH$
MM& 4 vv
Ak Ajk
2. Soit M un A-module. Notons Mi := MSi et Mij := MSi Sj (i 6= j) de sorte que Mij = Mji .
Notons ϕi : M → Mi et ϕij : Mi → Mij les applications linéaires naturelles. Alors le
A-module M est la limite projective du diagramme :
((Mi )i∈J1..nK , (Mij )i<j∈J1..nK ; (ϕij )i6=j∈J1..nK )
3. Soit un autre module N , posons Ni := NSi , Nij := NSi Sj . Soit pour chaque i ∈ J1..nK
une application Ai -linéaire ψi : Mi → Ni . Pour qu’il existe une application A-linéaire
ψ : M → N vérifiant ψSi = ψi pour chaque i il faut et suffit que pour chaque i < j on ait
(Sj )−1 ψi = (Si )−1 ψj comme application linéaire de Mij vers Nij . En outre l’application liné-
aire ψ est alors déterminée de manière unique. En d’autres termes le A-module LA (M, N )
est la limite projective du diagramme formé par les LAi (Mi , Ni ), les LAij (Mij , Nij ) et les
584 15. Le principe local-global
ψi
/
9 Mi7 9 Ni7
ϕi ss s 77 ϕ φi sss 77
ss s
ss
77 ij
s ss 77
77 ψ! 77 φij
M _ _ _ _ _ _ _ _
77 _ _ _ _ _ _ / N 77
77 77 888 φ 77
77 77 88 j 77
77 88
77 Mij _ _ _ _ _ _ _ _88 _ _ _ _ _ _/: Nij
ϕj 7
77 ϕji tt: 88 φji uu
77 tt 88 u
t uu
tt ψj uu
Mj / Nj
J Nous écrivons la démonstration avec des localisations en des éléments comaximaux, ce qui ne
change rien.
1. peut être vu comme conséquence de 2.
2. Soit un élément (xi )i∈J1..nK de i∈J1..nK Mi . On doit montrer que pour qu’il existe un x ∈ A
Q
vérifiant ϕi (x) = xi dans chaque Mi il faut et suffit que pour chaque i < j on ait ϕij (xi ) = ϕji (xj )
dans Mij . En outre cet x doit être unique.
La condition est clairement nécessaire. Voyons qu’elle est suffisante.
Montrons l’existence de x. Il existe des si ∈ Si et des yi dans M tels que l’on ait xi = yi /si dans
chaque Mi . Si A est intègre, on a dans le module obtenu par extension des scalaires au corps des
fractions : P
y1 y2 yn ai yi X
= = ··· = = Pi = ai yi = x ∈ M,
s1 s2 sn i ai si
i
P
avec i ai si = 1. Dans le cas général on fait à peu près la même chose. Pour chaque couple (i, j)
(i 6= j) le fait que xi /1 = xj /1 dans Mi,j signifie que pour certains ui,j ∈ Si et uj,i ∈ Sj on a
sj ui,j uj,i yi = si ui,j uj,i yj . Posons ui = k6=i ui,k ∈ Si . On a sj ui uj yi = si ui uj yj . Soient (ai ) des
Q
P P
éléments de A tels que i ai si ui = 1. Posons x = ai ui yi . Nous devons montrer que x/1 = xi
dans Mi pour chaque i. Par exemple pour i = 1, on écrit les égalités suivantes dans M :
P P
s1 u1 x = s1 u1 i ai ui yi = i ai s1 u1 ui yi =
P P
i ai si u1 ui y1 = ( i ai si ui ) u1 y1 = u1 y1 .
Un point délicat (au sujet du point 3.) Si M est un A-module de présentation finie ou si A
est intègre et M de type fini, les applications Ai -linéaires naturelles LA (M, N )si → LAi (Mi , Ni )
sont des isomorphismes (voir les propositions 5.8.3 et 8.5.6).
Dans le cas général, la notation ψsi est ambigüe car cela peut représenter, au choix, un élément
de LAi (Mi , Ni ) ou un élément de LA (M, N )si . Et l’application linéaire naturelle LA (M, N )si →
LAi (Mi , Ni ) n’est a priori injective que si M est de type fini. Cette ambigüité peut être une
source d’erreur. D’autant plus que LA (M, N ) appararaît alors comme limite projective de deux
diagrammes essentiellement distincts. Celui basé sur les LAi (Mi , Ni ) (le plus intéressant des
deux) et celui basé sur les LA (M, N )si .
Recollement de modules
Le principe de recollement 15.7 qui suit précise sous quelles conditions la limite projective
d’un système de modules analogue rentre dans le cadre indiqué dans le principe local-global 15.6
page 583.
Mi Mj Mk
ϕik ϕki
ϕji ϕjk
ϕij ϕkj
w ' w '
Mij Mik Mjk
J Nous écrivons la démonstration avec des localisations en des éléments comaximaux, ce qui
ne change rien. Tout d’abord on note que le diagramme peut être étendu en un diagramme
586 15. Le principe local-global
Mi Mj Mk
ϕik ϕki
ϕji ϕjk
ϕij ϕkj
w ' v (
Mij P Mik Mjk
PPP nnn
PPP nn
PPP nn
PPP n nnnn
P
ϕijk PPP
ϕikj
nn ϕjki
PPP nnn
PP' wnnnnn
Mijk
ϕij (xi ) = ϕji (xj ) dans Mij pour tous i < j. Et l’on a ϕi (x) = ϕi (x1 , . . . , xn ) = xi .
On doit montrer que le morphisme ϕi : M → Mi est un morphisme de localisation en si . Pour
cela il faut vérifier deux propriétés.
Tout d’abord on doit avoir ϕi (x) = ϕi (y) si, et seulement si, sm i (x − y) = 0 dans M pour un
exposant m. La condition est suffisante simplement parce que Mi est un Ai -module. Voyons
qu’elle est nécessaire, en prenant sans perte de généralité i = 1. On a donc x1 = y1 , on sait que la
famille x est compatible ainsi que la famille y. On a donc, pour tout j > 1, ϕj1 (xj ) = ϕ1j (x1 ) =
ϕ1j (y1 ) = ϕj1 (yj ). Comme ϕj1 est un morphisme de localisation en s1 , cela donne un exposant
m
mj tel que s1 j (xj − yj ) = 0 dans Mj . En prenant pour m le plus grand des mj on obtient bien
sm
1 (x − y) = 0 dans M .
Ensuite on doit voir que tout xi ∈ Mi est de la forme ϕi (y)/sm i pour un y ∈ M et un exposant m.
m
Prenons de nouveau i = 1. Pour tout j > 1 l’élément ϕ1j (x1 ) s’écrit sous forme ϕj1 (yj )/s1 j pour
un yj ∈ Mj et un exposant mj , ceci parce que ϕj1 est un morphisme de localisation en s1 . En
prenant pour m le plus grand des mj on a donc sm 1 ϕ1j (x1 ) = ϕj1 (zj ) pour des zj ∈ Mj . On pose
z1 = s m1 x 1 , et tout ira bien si (z 1 , . . . , z n ) est une famille compatible (c’est-à-dire est un élément
de M ). Les relations de compatibilité ϕ1j (z1 ) = ϕj1 (zj ) sont assurées par construction. Il reste
à examiner les relations ϕjk (zj ) = ϕkj (zk ) pour k > j > 1. Ce que l’on sait c’est que ces deux
éléments donnent la même image par ϕjk1 dans M1jk , à savoir ϕ1jk (ϕ1j (z1 )) = ϕ1kj (ϕ1k (z1 )).
p p
Donc il existe un exposant pjk tel que s1jk ϕjk (zj ) = s1jk ϕkj (zk ). Finalement si p est le plus grand
de tous les pjk , l’élément u = sp1 z de i Mi est bien un élément de M et sm+p
Q
1 x1 = ϕ1 (u).
Notez que jusqu’à maintenant on n’a pas utilisé le fait que les si sont comaximaux. La proposition
est donc valable sans aucune hypothèse sur les si , à l’exception de l’unicité de M réclamée en
dernier.
Voyons pour terminer cette question de l’unicité de M au sens qui est demandé dans l’énoncé.
Pour cela soit (N, (ψi )) un concurrent. Puisque M est la limite projective du diagramme, il
y a une unique application A-linéaire λ : N → M telle que ψi = ϕi ◦ λ pour tout i. En fait
λ(v) = (ψ1 (v), . . . , ψn (v)). Montrons que λ est injective. Si λ(v) = 0 tous les ψi (v) sont nuls, et
puisque ψi est un morphisme de localisation en si il existe des exposants mi tels que sm i
i v = 0.
Puisque les si sont comaximaux, on a v = 0. Comme λ est injective on peut supposer N ⊆ M
et ψi = ϕi |N . Montrons que N = M . Soit x ∈ M . Comme ψi et ϕi sont deux morphismes de
15.4. Recollement concret d’objets 587
Remarque. La donnée des ϕij est absolument nécessaire pour construire la limite projective :
on pourrait prendre pour Mij le module Mi [1/sj ], mais comme Mi [1/sj ] et Mj [1/si ] sont deux
modules distincts, si on mettait simplement dans l’hypothèse qu’ils sont isomorphes, cela ne nous
dirait pas quel isomorphisme choisir entre les deux modules pour réaliser le recollement en les
−1
identifiant. Il faudrait donc préciser ces isomorphismes γij : Mij → Mji (avec γij = γji ) pour
tous i 6= j. Cela donnerait le diagramme suivant.
Mi Mj Mk
βji βjk
βik βki
βij βkj
v ( v (
Mij ' Mji Mik ' Mki Mjk ' Mkj
Ce diagramme serait (( incomplet )) dans la mesure où n’y figurent pas les γij de façon suffisamment
explicite.
Dans la théorie des schémas développée par Grothendieck, les homomorphismes de localisation
A → A[1/s] jouent un rôle prépondérant.
Nous avons déjà discuté au début de cette section 15.4 l’impossibilité de recoller en général
des anneaux, avec l’exemple de Pn (C), ce qui conduit à la définition des schémas.
La possibilité de définir une catégorie des schémas comme (( recollements d’anneaux )) repose
en dernière analyse sur le principe de recollement concret suivant pour les homomorphismes
entre anneaux. La démonstration du principe est très simple. La chose importante est que le
morphisme est défini uniquement à travers des localisations et que les conditions de compatibilité
sont elles-mêmes décrites via des localisations plus poussées.
J Les conditions de compatibilité sont clairement nécessaires. Montrons qu’elles sont suffisantes.
D’après le principe local-global 15.6 page 583 B est la limite projective du diagramme des Bi ,
Bij et βij . Les conditions de compatibilité impliquent que l’on a aussi les égalités
βij ◦ (ϕi ◦ αi ) = βji ◦ (ϕj ◦ αj )
qui sont les conditions pour assurer l’existence et l’unicité de ϕ. I
Rappelons que nous avons présenté dans la section 7.2 la philosophie générale de la méthode
dynamique en algèbre constructive.
Nous indiquons maintenant comment de nombreuses preuves utilisant le principe local-global
en algèbre abstraite peuvent être décryptées en des preuves constructives conduisant aux mêmes
résultats sous forme explicite.
Dans la section 15.6 nous nous occuperons du décryptage de preuves abstraites qui utilisent
les quotients par tous les idéaux maximaux et dans la section 15.7 nous nous occuperons du
décryptage de preuves abstraites qui utilisent des localisations en tous les idéaux premiers
minimaux.
Un argument de localisation typique fonctionne comme suit en mathématiques classiques.
Lorsque l’anneau est local une certaine propriété P est vérifiée en vertu d’une démonstration
assez concrète. Lorsque l’anneau n’est pas local, la même propriété est encore vraie (d’un point
de vue classique non constructif) car il suffit de la vérifier localement.
Nous examinons avec un peu d’attention la première preuve. Nous voyons alors apparaître
certains calculs qui sont faisables en vertu du principe suivant :
∀x ∈ A x ∈ A× ∨ x ∈ Rad(A),
principe qui est appliqué à des éléments x provenant de la preuve elle-même. Autrement dit, la
preuve classique donnée dans le cas local nous fournit une preuve constructive sous l’hypothèse
d’un anneau local résiduellement discret. Voici maintenant notre décryptage dynamique cons-
tructif. Dans le cas d’un anneau arbitraire, nous répétons la même preuve, en remplaçant chaque
disjonction (( x est inversible ou x est dans le radical )), par la considération des deux anneaux
AS(I,x;U ) et AS(I;x,U ) , où AS(I,U ) est la localisation “courante" de l’anneau A de départ, à
l’endroit de la preuve où on se trouve. Lorsque la preuve initiale est ainsi déployée, on a construit
à la fin un certain nombre, fini parce que la preuve est finie, de localisés ASi , pour lesquels la
propriété est vraie. D’un point de vue constructif, nous obtenons au moins le résultat (( quasi
global )), c’est-à-dire après localisation en des monoïdes comaximaux, en vertu du lemme 15.1.5.
On fait alors appel à un principe local-global concret pour conclure.
15.5. La machinerie locale-globale constructive de base 589
En mathématiques classiques, si l’on suit notre décryptage, on commence par remarquer que
la propriété P est de caractère fini (voir section 5.8) : elle est conservée par localisation, et si elle
est vraie après localisation en un monoïde Si , elle est également vraie après localisation en un
si ∈ Si . Comme les ouverts de Zariski D(si ) correspondants recouvrent Spec A, cela implique
généralement que la propriété P est vraie avec A. Ceci en vertu d’un principe local-global abstrait.
Le décryptage complet contient donc deux ingédients essentiels. Le premier est le décryptage
de la preuve donnée dans le cas local qui permet d’obtenir un résultat quasi global. Le deuxième
est la preuve constructive du principe local-global concret correspondant au principe local-global
abstrait utilisé en mathématiques classiques. Dans tous les exemples que nous avons rencontré,
cette preuve constructive n’offre aucune difficulté parce que la démonstration que nous trouvons
dans la littérature classique donne déjà l’argument concret, au moins sous forme télégraphique
(sauf parfois dans [Bourbaki] lorsqu’il réussit à dissimuler habilement les arguments concrets).
La conclusion générale est que les démonstrations classiques (( par principe local-global abs-
trait )) sont déjà constructives, si l’on veut bien se donner la peine de les lire en détail. C’est une
bonne nouvelle, outre le fait que cela confirme que les mathématiques ne sont le lieu d’aucun
miracle surnaturel.
La méthode indiquée ci-dessus donne donc, comme corollaire du lemme 15.1.5 le principe
général de décryptage suivant, qui permet d’obtenir automatiquement une version constructive
globale (ou au moins quasi globale) d’un théorème à partir de sa version locale.
Machinerie locale-globale à idéaux premiers.
Lorsque l’on relit une preuve constructive, donnée pour le cas d’un anneau local résiduellement
discret, avec un anneau A arbitraire, que l’on considère au départ comme A = AS(0;1) et qu’à
chaque disjonction (pour un élément a qui se présente au cours du calcul dans le cas local)
a ∈ A× ∨ a ∈ Rad(A),
on remplace l’anneau (( en cours )) AS(I,U ) par les deux anneaux AS(I;U,a) et AS(I,a;U ) (dans
chacun desquels le calcul peut se poursuivre), on obtient à la fin de la relecture, une famille finie
d’anneaux AS(Ij ,Uj ) avec les monoïdes S(Ij , Uj ) comaximaux et Ij , Uj finis. Dans chacun de ces
anneaux, le calcul a été poursuivi avec succès et a donné le résultat souhaité.
On notera que si (( l’anneau en cours )) est A0 = AS(I;U ) et si la disjonction porte sur
b ∈ A0 × ∨ b ∈ Rad(A0 ),
avec b = a/(u + i), a ∈ A, u ∈ M(U ) et i ∈ hIiA , alors il faut considérer les localisés AS(I;U,a)
et AS(I,a;U ) .
Dans la suite nous parlerons de la machinerie locale-globale à idéaux premiers comme de la
(( machinerie locale-globale de base )).
Lemme 15.5.1 Soit f ∈ A[X] un polynôme primitif et r ∈ A un élément régulier avec Kdim A 6
1. Alors l’idéal hf, ri contient un polynôme unitaire.
J On commence par montrer le lemme dans le cas où A est un anneau local résiduellement
discret. On peut écrire f = f1 + f2 avec f1 ∈ (Rad A)[X] et f2 pseudo unitaire. Par ailleurs pour
tout e ∈ Rad A on a une égalité rm (em (1 + ye) + zr) = 0, donc r divise
D em
E . Par suite r divise
N
une puissance de f1 , disons d’exposant N . On a f2 = (f − f1 ) ∈ f, f1 ⊆ hf, ri. Alors, f2N
N N
Ou bien a est inversible, ou bien il est dans le radical. Si a est inversible alors on prend
f2 = f, f1 = 0.
Sinon, ou bien b est inversible, ou bien il est dans le radical. Si b est inversible alors on prend
f2 = bX + c, f1 = aX 2 .
Sinon ou bien c est inversible, ou bien il est dans le radical. Si c est inversible, alors on prend
f2 = c, f1 = aX 2 + bX. Sinon h1i = ha, b, ci ∈ Rad A donc l’anneau est trivial.
Voici le dessin de l’arbre des localisations successives. Les monoïdes comaximaux se trouvent
aux feuilles de l’arbre, le dernier contient 0 et n’intervient pas dans le calcul.
S(0; 1)
KK
uu KK
uuu KK
KK
uu KK
zu
u %
S(0; a) S(a; 1)
aN 1 + hai
v II
vv II
vv II
vv II
zv
v I$
S(a; b) S(a, b; 1)
bN + hai 1 + ha, bi
u III
uu III
uuu III
u
uz u I$
S(a, b; c) S(a, b, c; 1)
cN + ha, bi 1 + ha, b, ci
Terminons en indiquant comment on construit un polynôme unitaire dans hf, riAS(I,U ) à partir de
deux polynômes unitaires g et h dans hf, riAS(I,x;U ) et hf, riAS(I;x,U ) . On a d’une part sg = sX m +g1
avec deg g1 < m, s ∈ S(I, x; U ) et sg ∈ hf, riA[X] , et d’autre part th = tX n + h1 avec deg h1 < n,
t ∈ S(I; x, U ) et th ∈ hf, riA[X] . Les polynômes sX n g et tX m h de degré formel n + m ont pour
coefficients formellement dominants s et t. En prenant us + vt ∈ S(I, U ), le travail est terminé
avec usX n g + vtX m h. I
Si F ∈ Mn (A) est une matrice de projection, il existe 2n éléments comaximaux si tels que sur
chaque Asi , la matrice est semblable à une matrice de projection standard. Plus précisément,
pour chaque k = 0, . . . , n il y a nk localisations où la matrice est semblable à Ik,n .
Rappelons d’abord comment se présente l’arbre du calcul pour un anneau local avec une
15.5. La machinerie locale-globale constructive de base 591
r 1 LLLL
r rrrr LLL
rr r LLL
r rr LLL
r rr LLL
rr r LLL
r r L
2: 3
:: :::
:: ::
:: ::
: :: ::
: ::
: :
4+ 5- 6- 7-
+++ --- --- ---
++ -- -- --
++ -- -- --
++ -- -- --
8 9 10 11 12 13 14 15
Au point 1 le calcul démarre par le test (( f11 ou 1 − f11 est inversible )) (notez que la
disjonction n’est en général pas exclusive, et le test doit seulement certifier qu’une des deux
possibilités a bien lieu). Si le test certifie que f11 est inversible on suit la branche de gauche,
on
1 0
va en 2 où on fait un changement de base qui permet de ramener la matrice à la forme
0 G
avec G ∈ M2 (A) et G2 = G. Si le test certifie que 1 − f11 est inversible on suit la branche de
droite,
on
va en 3 où on fait un changement de base qui permet de ramener la matrice à la forme
0 0
avec avec H ∈ M2 (A) et H 2 = H.
0 H
Si l’on est arrivé en 2 on teste l’élément g en position 1, 1 dans G. Selon le résultat on se dirige
1 0 0
en 4 ou 5 pour faire un changement de base qui nous ramène à l’une des deux formes 0 1 0
0 0 a
1 0 0
On trouve dans la littérature un certain nombre de preuves dans lesquelles l’auteur démontre
un résultat en considérant (( le passage au quotient par un idéal maximal arbitraire )). L’analyse
de ces preuves montre que le résultat peut être compris comme le fait qu’un anneau obtenu à
partir de constructions plus ou moins compliquées est en fait réduit à 0. Par exemple si l’on
veut démontrer qu’un idéal a de A contient 1, on raisonne par l’absurde, on considère un idéal
maximal m qui contiendrait a et l’on trouve une contradiction en faisant un calcul dans le corps
résiduel A/m .
Cela revient à appliquer le principe donné en exergue : un anneau qui n’a pas d’idéaux
maximaux est réduit à 0.
Le fait de présenter le raisonnement comme une preuve par l’absurde est le résultat d’une
déformation professionnelle. Car prouver qu’un anneau est réduit à 0 est un fait de nature
concrète (on doit prouver que 1 = 0 dans l’anneau considéré), et non pas une absurdité. Et le
calcul fait dans le corps A/m ne conduit à une absurdité que parce que l’on a décidé un jour que
dans un corps il est interdit que 1 = 0. Mais le calcul n’a rien à voir avec une telle interdiction.
Le calcul dans un corps utilise le fait que tout élément est nul ou inversible, mais pas le fait que
cette disjonction serait exclusive.
En conséquence la relecture dynamique de la preuve par l’absurde en une preuve constructive
est possible selon la méthode suivante. Suivons le calcul que l’on nous demande de faire comme si
l’anneau A/a était vraiment un corps. Chaque fois que le calcul exige de savoir si un élément xi
est nul ou inversible modulo a parions sur xi = 0 et rajoutons le à a. Au bout d’un certain temps,
on trouve que 1 = 0 modulo l’idéal construit. Au lieu de perdre courage devant une telle absurdité,
voyons le bon coté des choses. Nous venons par exemple de constater que 1 ∈ a + hx1 , x2 , x3 i.
Ceci est un fait positif et non une absurdité. Nous venons en fait de calculer un inverse y3 ∈ A
de x3 modulo a + hx1 , x2 i. Nous pouvons donc examiner le calcul que nous demande de faire la
preuve classique lorsque x1 , x2 ∈ m et x3 est inversible modulo m. À ceci près que nous n’avons
pas besoin de m puisque nous venons d’établir que x3 est inversible modulo a + hx1 , x2 i.
Contrairement à la stratégie qui correspondait à la localisation en n’importe quel idéal premier
nous n’essayons pas de déployer tout l’arbre du calcul qui semble se présenter à nous. Nous
n’utilisons que des quotients et pour cela nous suivons systématiquement la branche (( être nul ))
(modulo m) plutôt que la branche (( être inversible )). Ceci crée des quotients successifs de plus en
plus poussés. Lorsqu’une soi-disant contradiction apparaît, c’est-à-dire lorsqu’un calcul a abouti
à un certain résultat de nature positive, nous revenons en arrière en profitant de l’information
que nous venons de récolter : un élément a été certifié inversible dans le quotient précédent.
Par exemple avec un arbre déployé du type de celui de la page 591 et en prenant pour contexte
général l’anneau A/a , si à chaque fois la branche de droite correspond à x = 0 et celle de gauche
à x inversible, il faut commencer par suivre le chemin 1 → 3 → 7 → 15 et considérer les quotients
successifs. En 15 le calcul nous a donné un résultat positif qui nous permet de remonter en 7
pour suivre la branche 7 → 14. En 14 un résultat positif nous permet de remonter au point 3
(par le chemin 14 → 7 → 3) en sachant que l’élément a3 qui produit la disjonction en ce point est
en fait inversible. Nous pouvons alors suivre le calcul proposé pour la branche 3 → 6 → 13. En
13 la preuve classique nous donne une soi-disant contradiction, en fait un résultat positif dans le
quotient considéré en 6.
On aura suivi en fin de compte le chemin 1 → 3 → 7 → 15 → 7 → 14 → 3 → 6 → 13 → 6 →
12 → 1 → 2 → 5 → 11 → 5 → 10 → 2 → 4 → 9 → 4 → 8 → 1. On aura calculé uniquement dans
des quotients de A/a et le résultat final est que 1 = 0 dans A/a , c’est-à-dire que a = A, qui
était le but poursuivi.
Notez que lors du premier passage au point 7 on travaille avec l’anneau A1,3,7 =
A/(a + ha1 , a3 , a7 i) . En arrivant en 15 on apprend que cet anneau est trivial donc que a7
15.6. Quotienter par tous les idéaux maximaux 593
est inversible dans A1,3 = A/(a + ha1 , a3 i) . En 14 on apprend que A1,3 est trivial, i.e., que a3
est inversible dans A1 = A/(a + ha1 i) . On part donc vers le point 6 avec l’anneau A1 et un
inverse de a3 en mains . . . Ainsi lors des différents passages à un même point nous ne travaillons
pas avec le même anneau, car nous accumulons des informations au fur et à mesure des calculs.
L’argument de passage au quotient par tous les idéaux maximaux de A/a (supposé par
l’absurde non réduit à 0), qui semblait un peu magique, est ainsi remplacé par un calcul bien
concret, donné en filigrane par la preuve classique.
Résumons la discussion précédente.
Exemple.
Le lemme crucial suivant était le seul ingrédient vraiment non constructif dans la solution
par Suslin du problème de Serre. Nous exposerons cette solution page 617 et suivantes (voir
notamment la démonstration du théorème 16.10 page 619). Ici nous donnons la démonstration
du lemme crucial par Suslin en mathématiques classiques, puis son décryptage constructif.
Commentaire. Voyons maintenant pourquoi cette élégante démonstration est bien un décryptage
de celle de Suslin selon la méthode indiquée auparavant. Posons a2 = u2 v2 + · · · + un vn .
Lorsque l’on veut traiter sur un corps discret le vecteur V par l’algorithme d’Euclide, on doit
faire des divisions. Une division dépend du degré du dividende (le polynôme par lequel on divise).
Dans le décryptage dynamique, on a donc des tests à faire sur les coefficients du dividende pour
déterminer son degré. Si l’on choisit de commencer par la division de v3 par v2 , la méthode
indiquée demande donc de considérer en premier le cas où v2 est identiquement nul. Notez que
cela correspond D à l’initialisation
E de la récurrence.
Soit a1 = (v2,i )i∈J0..d2 K l’idéal engendré par les coefficients de v2 .
Si v2 est identiquement nul on a le résultant r1 = Res(v1 , a2 ) = Res(v1 , w1 ) (inversible) avec
w1 qui est du type première cooordonnée de E1 V pour une matrice E1 ∈ En−1 explicite.
Naturellement,
D Ececi n’est vrai que modulo a1 . Mais cela signifie que a1 + hr1 i = h1i. Soit
a2 = (v2,i )i∈J1..d2 K . On a établi que a2 + hr1 i + hv2,0 i = h1i.
On raisonne maintenant modulo b2 = a2 + hr1 i. Puisque v2,0 est inversible, et que v2 = v2,0
on peut réduire à 0 le vecteur v3 par manipulations élémentaires puis mettre en position 3 un
élément égal à a2 modulo b2 , puis le ramener en position 2. On a donc une matrice E2 ∈ En−1
avec w2 première coordonnée deD E2 V et Res(v E 1 , w2 ) = r2 inversible dans A/b2 , c’est-à-dire
a2 + hr1 i + hr2 i = h1i. Soit a3 = (v2,i )i∈J2..d2 K . On a établi que a3 + hr1 , r2 i + hv2,1 i = h1i.
On raisonne maintenant modulo b3 = a3 + hr1 , r2 i. Puisque v2,1 est inversible et a3 = 0 on
peut réduire à une constante le vecteur v3 par manipulations élémentaires (correspondant à la
division de v3 par v2 ), puis l’emmener en position 2. Nous nous retrouvons dans la situation
précédemment étudiée (où v2 était réduit à une constante). On sait donc calculer deux nouvelles
matrices élémentaires E3 et E4 telles que en notant w3 et w4 leurs D premièresE coordonnées, et
ri = Res(v1 , wi ), on obtient a3 + hr1 , r2 , r3 , r4 i = h1i. Soit a4 = (v2,i )i∈J3..d2 K . On a établi que
a4 + hr1 , r2 , r3 , r4 i + hv2,2 i = h1i.
On raisonne maintenant modulo b4 = a4 + hr1 , r2 , r3 , r4 i. Puisque v2,2 est inversible et a4 = 0
on peut réduire au degré 1 le vecteur v3 par manipulations élémentaires (correspondant à la
division de v3 par v2 ), puis l’emmener en position 2. Nous nous retrouvons dans la situation
précédemment
D E (où v2 était de degré 1). . . . . . . On obtient a4 + hr1 , r2 , . . . , r8 i = h1i. Soit
étudiée
a5 = (v2,i )i∈J4..d2 K . On a établi que a5 + hr1 , r2 , . . . , r8 i + hv2,3 i = h1i.
Et ainsi de suite . . . . . .
L’important est que les inverses de coefficients dominants de v2 successifs qui apparaissent
dans l’algorithme sont toujours calculés en tant qu’éléments de l’anneau et non pas par un
procédé de localisation. À chaque fois ils ne sont inversibles que modulo un certain idéal spécifié,
15.7. Localiser en tous les idéaux premiers minimaux 595
mais ce n’est pas grave, l’idéal grandit en incorporant les résultants autorisés mais diminue en
expulsant les intrus que sont les coefficients de v2 .
Exercices et problèmes
Exercice 15.1 Soient S1 , . . . , Sn , S des monoïdes de A tels que S est contenu dans le saturé de chaque
Si . Les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. Les Si recouvrent S.
2. Les Si sont comaximaux dans AS .
Exercice 15.3 Donner une démonstration du lemme 15.1.5 basée sur les deux exercices précédents.
Exercice 15.8 Vu le principe de recollement concret des modules (principe local-global concret 15.7), et
vu l’isomorphisme canonique
(LA (M, N ))S → LAS (MS , NS )
dans le cas de modules de présentation finie (proposition 5.8.3), on a des caractérisations locales pour le
déterminant d’un module projectif de type fini et celui d’un homomorphisme entre modules projectifs de
type fini (cf. exercice 10.19).
1. Le module det(M ) est caractérisé à isomorphisme unique près par la propriété suivante : si s ∈ A est
tel que Ms est libre alors (det(M ))s ' det(Ms ), avec des isomorphismes compatibles lorsque l’on fait une
localisation plus poussée3 .
2. Si ϕ : M → N est un homomorphisme de A-modules projectifs de type fini, l’homomorphisme det(ϕ)
est caractérisé par la propriété suivante : si s ∈ A est tel que Ms et Ns sont libres alors (det(ϕ))s = det(ϕs )
(modulo les isomorphismes canoniques).
Exercice 15.9 Soit n > 3, s1 , s2 deux éléments comaximaux de A. On se propose de recoller concrètement
deux modules projectifs de type fini P1 et P2 définis respectivement sur As1 et As2 qui ont des extensions
à As1 s2 isomorphes. En utilisant le lemme d’élargissement on peut donc supposer qu’ils sont images de
matrices de projection conjugées F1 et F2 sur As1 s2 au moyen d’un produit de matrices élémentaires.
1. Soit E ∈ En (As1 s2 ). Montrer qu’il existe E1 ∈ En (As1 ) et E2 ∈ En (As2 ) tels que E = E1 E2 sur As1 s2 .
2. Soient F1 ∈ Mn (As1 ) et F2 ∈ Mn (As2 ) deux matrices de projection conjuguées sur As1 s2 au moyen
d’une matrice E ∈ En (As1 s2 ). Que faire ?
Le résultat est clair lorsque l’anneau est intègre, donc le réflexe en mathématiques classiques est d’utiliser
des idéaux premiers. Une solution possible pour décrypter constructivement ce raisonnement est d’utiliser
le Nullstellensatz formel (théorème 3.14 page 102).
La matrice E f1 F1 E1 (resp. E2 F2 E
f2 ) est une matrice de projection sur As (resp. sur As ) car E
1 2
f1 E1 = In
(resp. E2 E2 = In ). Par le principe local-global de recollement des éléments dans un module (ici Mn (A)) il
f
existe une unique matrice F ∈ Mn (A) qui est égale à E f1 F1 E1 sur As et à E2 F2 E
1
f2 sur As . Pour vérifier
2
que F 2 = F il suffit de le vérifier sur As1 et As2 . Soit P = Im F ⊆ An . Par construction, pour i = 1, 2
Psi =Ans Im Fsi 'Ans Im Fi 'Ans Pi .
i i i
Problème 15.1 1. Il n’y a pas de miracle : un certificat d’appartenance de ab ∈ DA (c1 , . . . , cn ) peut être
obtenu à partir d’un certificat d’unimodularité de (at + b, c1 t, . . . , cn t) dans A[t, t−1 ].
En remplaçant A par A1 = A/DA (c1 , . . . , cn ) , on se ramène à A réduit et ci = 0 ; l’hypothèse est alors
at + b inversible dans A[t, t−1 ] et le résultat à montrer est ab = 0 (résultat symétrique en a, b tout comme
l’hypothèse). On a (at + b)g(t) = te pour un g ∈ A[t] et e ∈ N donc le polynôme at + b est primitif ;
pour montrer ab = 0, il suffit de localiser en a puis en b. Sur le localisé en a, on réalise t = −b/a dans
(at + b)g(t) = te pour obtenir (−b/a)e = 0 donc b = 0, a fortiori ab = 0. Par symétrie, on obtient dans Ab ,
a = 0 donc ab = 0. En fait si ua + vb = 1, l’anneau A1 est cassé en deux par l’idempotent ua. Dans la
première composante at + b = a avec a inversible, dans la seconde at + b = b avec b inversible.
2. En mathématiques classiques : si l’on passe au quotient par un idéal premier le résultat est clair. Par
continuité, le spectre est partitionné en un nombre fini d’ouverts correspondant au système fondamental
d’idempotents orthogonaux convoité.
Une démonstration constructive est donnée dans [177, Yengui]. Le lecteur pourra aussi s’inspirer de la
démonstration du point 1.
Une méthode que l’on peut utiliser de manière systématique consiste à utiliser le Nullstellensatz formel
(théorème 3.14 page 102).
Dans le cas présent on note que le problème revient à démontrer que les pk p` sont nuls pour k 6= ` et
que les pm+r sont nuls pour r > 0. Une fois ceci constaté, puisque les pk sont comaximaux, on obtient
un système fondamental d’idempotents orthogonaux e0 , . . . , em tel que ek p = ek pk tk pour tout k, ce qui
permet de conclure.
La philosophie est la suivante : si l’on prend tous les coefficients du problème comme des indéterminées
sur Z, l’hypothèse revient à passer au quotient par le radical a d’un idéal de type fini, qui représente les
hypothèses. Le but est alors de démontrer que les conclusions sont également dans a. Pour cela il suffit de
vérifier que c’est bien le cas lorsque l’on évalue le problème dans Pn un corps fini arbitraire.
Pn
k k
Ici les indéterminées sont p0 , . . . , pn , q0 , . . . , qn , pour p = p
k=0 k t et q = k=0 qk t ; on définit le
polynôme
P j def
rj t = pq − tm
(avec les rj ∈ Z[p0 , . . . , pn , q0 , . . . , qn ]) et l’idéal a est D(r0 , . . . , r2n ). On va montrer que les pk p` et qk q` ∈ a
si k 6= `, que les pk q` ∈ a pour k + ` 6= m et que les pm+r et qm+r ∈ a pour r > 0.
Or cela résulte directement du point 2. dans le Nullstellensatz formel (ou alors du point 4. dans le
corollaire 3.9.7).
En termes géométriques : si n > m, la variété des zéros de pq − tm sur un corps K est un espace formé de
m + 1 copies de K× isolées les unes des autres ; sur un anneau réduit la réponse est fondamentalement
Commentaires bibliographiques 599
la même, mais les composantes isolées dans le cas des corps font ici apparaître un système fondamental
d’idempotents orthogonaux.
Ainsi le Nullstellensatz formel (théorème 3.14) fournit une méthode constructive pour décrypter les
algorithmes cachés dans certains raisonnements des mathématiques classiques lorsque l’argument consiste
à aller voir ce qui se passe dans tous les Frac(A/p) pour tous les idéaux premiers de A.
Commentaires bibliographiques
La méthode dynamique telle qu’elle est expliquée dans la machinerie locale-globale à idéaux
premiers (section 15.5) consiste pour l’essentiel à mettre à plat les calculs qui sont impliqués
par la méthode de l’évaluation dynamique donnée dans [114, Lombardi], héritière de la méthode
dynamique mise en œuvre dans [50, Coste&al.] pour des preuves du type Nullstellensatz, elle-
même héritière de l’évaluation dynamique à la D5 en calcul formel [54, Duval&al.]. Par rapport
à ce qui est proposé dans [50, 114], la différence dans le chapitre présent est surtout que nous
avons évité la référence à la logique formelle.
En mathématiques classiques on trouve le principe de recollement concret des modules pro-
jectifs de type fini (point 4. du principe local-global 15.2 page 576) par exemple dans [Knight,
proposition 2.3.5 et lemme 3.2.3] (avec une démonstration presque entièrement constructive) et
dans [Kunz, règle 1.14 du chapitre IV].
Le traitement constructif du lemme de Suslin 15.6.1 est dû à Ihsen Yengui [180], qui donne la
clé de la machinerie locale-globale à idéaux maximaux.
La machinerie locale-globale à idéaux premiers minimaux est due à Thierry Coquand [35, On
seminormality].
Les exercices 15.6 et 15.7 sont dus à Lionel Ducos [65].
La méthode dynamique a été appliquée pour le calcul de (( bases de Gröbner dynamiques ))
par Yengui dans [178].
16. Modules projectifs étendus
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 601
16.1 Modules étendus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 601
Le problème de l’extension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 602
Cas des anneaux de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 602
16.2 Anneaux seminormaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603
Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603
Cas des anneaux intègres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 605
Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 608
16.3 Recollement à la Quillen-Vaserstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 609
Le théorème de Roitman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 610
16.4 Le théorème de Horrocks . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 612
16.5 Solution de la conjecture de Serre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615
À la Quillen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615
À la Suslin, Vaserstein ou Rao . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 617
16.6 Modules projectifs étendus depuis les anneaux arithmétiques . . . 622
En une variable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 622
En plusieurs variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 626
Conclusion : quelques conjectures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 630
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 631
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 631
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 632
Introduction
Dans ce chapitre nous établissons de manière constructive quelques résultats importants
concernant les situations où les modules projectifs de type fini sur un anneau de polynômes sont
étendus depuis l’anneau de base.
Nous traitons notamment le théorème de Traverso-Swan (section 16.2), le recollement à
la Vaserstein-Quillen (section 16.3), les théorèmes de Horrocks (section 16.4), le théorème de
Quillen-Suslin (section 16.5), le théorème de Bass et le théorème de Lequain-Simis (section 16.6).
Une condition nécessaire pour qu’un module de présentation finie soit étendu est que ses
idéaux de Fitting soient de la forme ρ(ai )B pour des idéaux de type fini ai de A. Cette condition
est réalisée pour les modules projectifs de type fini si, et seulement si, les idempotents de B sont
tous images d’idempotents de A.
Le problème de l’extension
Concernant les modules projectifs de type fini, vu l’homomorphisme GK0 ρ : GK0 A → GK0 B,
le problème suivant se pose naturellement :
Problème no 1. Tout module projectif de type fini sur B provient-il d’un module projectif de
type fini sur A ? Ou encore : GK0 ρ est il surjectif ?
Rappelons que GK0 Ared = GK0 A et GK0 Bred = GK0 B, de sorte que le problème de
l’extension des modules projectifs de type fini peut être restreint au cas des anneaux réduits. Par
ailleurs si H0 ρ : H0 A → H0 B n’est pas surjectif, la réponse au problème no 1 est négative (( pour
une mauvaise raison )) et le problème suivant est alors plus naturel.
Problème no 2. Tout module projectif de rang constant sur B provient-il d’un module projectif
de type fini sur A ?
Pour les modules de présentation finie la généralisation naturelle du problème précédent est
alors :
Problème no 3. Tout module de présentation finie sur B dont les idéaux de Fitting sont
extensions d’idéaux de type fini de A provient-il d’un module de présentation finie sur A ?
Fait 16.1.1
1. Un B-module M = M (X) est étendu si, et seulement si, il est isomorphe à M (0) = j? (M ).
2. En particulier, si M est de présentation finie avec une matrice de présentation G(X) ∈
Bq×m , vu le lemme 4.1.1, M est étendu depuis A si, et seulement si, les matrices H(X)
et H(0), où H est dessinée ci-dessous, sont équivalentes sur l’anneau B
m q q m
G(X) 0 0 0 q
H(X) =
0 Iq 0 0 q
Remarque. D’après le lemme 4.1.1 lorsque les matrices H(X) et H(0) sont équivalentes, elles
sont élémentairement équivalentes.
16.2. Anneaux seminormaux 603
Concernant les modules projectifs de type fini on obtient des homomorphismes de semi-anneaux
qui se composent selon l’identité :
GK0 j GK0 eva
GK0 A −−−→ GK0 A[X] −−−−→ GK0 A
On a par ailleurs les résultats élémentaires suivants, dans lesquels les égalités peuvent avoir
la signification que les homomorphismes naturels sont des isomorphismes.
Fait 16.1.2
1. DB (0) = DA (0)B (un polynôme est nilpotent si, et seulement si, tous ses coefficients le
sont). En particulier Bred = Ared [X].
2. Si A est réduit, B× = A× . Plus généralement B× = A× + DA (0) hXi.
3. B(B) = B(A) et H0 (A) = H0 (B).
J Les points 1 et 2 sont dans le lemme 2.2.5. Pour le point 3 on doit montrer que tout polynôme
idempotent est constant. Cela se fait (en une variable) par récurrence sur le degré formel du
polynôme. I
Préliminaires
Rappelons tout d’abord le résultat suivant (voir proposition 5.1.8).
Lemme 16.2.1 Une matrice de projection de rang 1, P , a son image libre si, et seulement si, il
existe un vecteur colonne C et un vecteur ligne L tels que LC = 1 et CL = P . En outre C et L
sont uniques, au produit par une unité près, sous la seule condition que CL = P .
Par ailleurs Ared [X] = (A[X])red (fait 16.1.2) et l’homomorphisme naturel Pic A → Pic Ared
est un isomorphisme (théorème 10.13 page 387). Ainsi :
Fait 16.2.2 L’homomorphisme canonique Pic A → Pic A[X] est un isomorphisme si, et seule-
ment si, l’homomorphisme canonique Pic Ared → Pic Ared [X] est un isomorphisme.
604 16. Modules projectifs étendus
Notez que l’hypothèse M (0) = I1,n implique rg(M ) = 1 parce que l’homomorphisme
H0 A[X] → H0 A est un isomorphisme.
Convention. Dans la suite nous abrégeons la phrase (( l’homomorphisme canonique Pic A →
Pic A[X] est un isomorphisme )) en disant (par abus) :
(( Pic A = Pic A[X] )).
Sous ces hypothèses la matrice M := (mij ) est une matrice de projection de rang 1, M (0) = I1,n
et les propriétés suivantes sont équivalentes.
1. Le module Im M est libre sur A[X], i.e., étendu depuis A.
2. Les fi et les gi sont dans A[X].
3. f1 ∈ A[X].
J 3 ⇒ 2. Les gj s’obtiennent à partir de f1 et des m1j en faisant des divisions par puissances
croissantes, car le coefficient constant de f1 est égal à 1. De même, on obtient ensuite les fi à
partir de g1 et des mi1 . L’implication réciproque est triviale.
2 ⇔ 1. D’après le lemme 16.2.1, le problème est de trouver des fi et gj convenables à partir de
la matrice (mij ). Or ces fi et gj existent dans B[X], et la condition f1 (0) = 1 force leur unicité
parce que les anneaux sont réduits (donc les inversibles dans l’anneau des polynômes sont des
constantes). I
Corollaire 16.2.5 Soit A ⊆ B deux anneaux réduits avec Pic B = Pic B[X]. Alors les propriétés
suivantes sont équivalentes.
1. Pic A = Pic A[X].
2. Si des polynômes f1 , . . . , fn , g1 , . . . , gn dans B[X] vérifient les conditions (∗) du lemme
16.2.4, alors les fi et les gi sont dans A[X].
3. Si des polynômes f1 , . . . , fn , g1 , . . . , gn dans B[X] vérifient les conditions (∗), alors f1 ∈
A[X].
16.2. Anneaux seminormaux 605
Anneaux seminormaux
Un anneau intègre A est dit seminormal si lorsque b2 = c3 6= 0 alors l’élément a = b/c du
corps des fractions est en fait dans A. Notons que a3 = b et a2 = c.
Définition 16.2.6 Un anneau quelconque A est dit seminormal si chaque fois que b2 = c3 , il
existe a ∈ A tel que a3 = b et a2 = c.
En conséquence l’élément a dans la définition 16.2.6 est toujours unique. En outre Ann b =
Ann c = Ann a.
J Un anneau est normal lorsque tout idéal principal est intégralement clos. Rappelons qu’un tel
anneau est réduit et localement sans diviseur de zéro : si uv = 0 il existe s tel que su = (1−s)v = 0.
Soient b, c tels que b3 = c2 , c est dans la clôture intégrale de l’idéal hbi, donc il existe x tel que
c = xb, d’où b3 = c2 = x2 b2 et b2 (x2 − b) = 0. Il existe s tel que s(x2 − b) = 0 et b2 (1 − s) = 0,
donc b(1 − s) = 0, d’où (sx)2 = s2 b = sb = b. En posant a = sx il vient a2 = b, a3 = bsx = bx = c.
I
J On utilise la caractérisation donnée dans le lemme 16.2.1. Soit P = (mi,j ) une matrice
P
idempotente de rang 1. Puisque i mi,i = 1 on peut supposer que m1,1 est régulier. Soit f le
pgcd des éléments de la première ligne. On a m1,j = f gj avec le pgcd des gj égal à 1. Puisque
f est régulier et m1,1 mi,j = m1,j mi,1 on obtient g1 mi,j = mi,1 gj . Ainsi g1 divise tous les mi,1 gj
donc aussi leur pgcd mi,1 . On écrit mi,1 = g1 fi . Puisque g1 f1 = m1,1 = f g1 cela donne f1 = f .
Enfin l’égalité m1,1 mi,j = m1,j mi,1 donne f1 g1 mi,j = f1 gj g1 fi puis mi,j = fi gj . I
On a alors le corollaire suivant.
Proposition 16.2.11 Si A est un corps discret ou un anneau zéro-dimensionnel réduit, alors
Pic A = Pic A[X] = {1}.
J Le lemme 16.2.10 donne le résultat pour les corps discrets. Il suffit ensuite d’appliquer la
machinerie locale-globale élémentaire no 2 page 149. I
J En effet si xci ∈ A alors x` c`i ∈ A pour tout `, et donc pour un N assez grand xN y ∈ A pour
tout y ∈ B, donc x est dans le nilradical de a (si d majore les degrés des équations de dépendance
intégrale des ci sur A, on pourra prendre N = (d − 1)q). I
La démonstration donnée ci-dessus pour la proposition 16.2.13 est finalement assez simple.
Elle n’est cependant pas totalement constructive et elle semble ne traiter que le cas intègre.
Proposition 16.2.17 Si A est un anneau intègre et P un module projectif de rang 1 sur A[X]
tel que P (0) est libre, il existe c1 , . . . , cm dans le corps des fractions de A tels que :
1. c2i et c3i sont dans A[(cj )j<i ] pour i = 1, . . . , m,
2. P est libre sur A[(cj )j6m ][X].
Remarque. En fait seul intervient le corps de fractions du sous-anneau engendré par les coefficient
présents dans une matrice de projection dont l’image est isomorphe à P .
Cas général
Proposition 16.2.18 (Coquand) Soit A ⊆ K avec K réduit.
1. Étant donnés un vecteur colonne f ∈ K[X]n×1 et un vecteur ligne g ∈ K[X]1×n qui vérifient
les conditions (∗) du lemme 16.2.4, on peut construire c1 , . . . , cm dans K tels que :
– c2i et c3i sont dans A[(cj )j<i ] pour i = 1, . . . , m,
– f et g ont leurs coordonnées dans A[(cj )j6m ][X]
2. Si Pic K = Pic K[X] et si P est un module projectif de rang 1 sur A[X], il existe c1 , . . . , cm
dans K tels que :
– c2i et c3i sont dans A[(cj )j<i ] pour i = 1, . . . , m,
– P ' P (0) sur A[(cj )j6m ][X].
Lemme 16.3.1 Soit S un monoïde de l’anneau A et P ∈ A[X] un polynôme tel que P =AS [X] 0
et P (0) = 0. Alors il existe s ∈ S tel que P (sX) = 0.
Fait 16.3.2 Soit S un monoïde de l’anneau A et P ∈ AS [X] un polynôme tel que P (0) = 0.
Alors il existe s ∈ S et Q ∈ A[X] tel que P (sX) =AS [X] Q.
Lemme 16.3.5 Soit S un monoïde de l’anneau A. Soit G ∈ A[X]q×m . Si G(X) et G(0) sont
équivalentes sur AS [X] il existe s ∈ S tel que G(X + sY ) et G(X) sont équivalentes sur A[X, Y ].
610 16. Modules projectifs étendus
J Ecrivons G(X) = C(X)G(0)D(X) avec C(X) ∈ GLq (AS [X]) et D(X) ∈ GLm (AS [X]). On a
donc
G(X + Y ) = C(X + Y )C(X)−1 G(X)D(X)−1 D(X + Y )
En appliquant le lemme 16.3.4, on obtient s1 ∈ S, U (X, Y ) ∈ GLq (A[X, Y ]) et V (X, Y ) ∈
GLm (A[X, Y ]), tels que U (X, 0) = Iq , V (X, 0) = Im , et, sur AS [X, Y ], U (X, Y ) = C(X +
s1 Y )C(X)−1 et V (X, Y ) = D(X)−1 D(X + s1 Y ). Donc
et sur AS [X, Y ]
G(X + s1 Y ) = U (X, Y )G(X)V (X, Y )
En appliquant le lemme 16.3.3 (comme dans le lemme 16.3.4), on obtient s2 ∈ S tels que
G(X + s1 s2 Y ) = U (X, s2 Y )G(X)V (X, s2 Y ). D’où le résultat avec s = s1 s2 . I
J 1. On vérifie sans peine que l’ensemble des s ∈ A tels que la matrice G(X +sY ) soit équivalente
à G(X) sur A[X, Y ] forme un idéal de A. En appliquant le lemme 16.3.5, cet idéal contient un
élément si dans Si pour chaque i, donc il contient 1, et G(X + Y ) est équivalente à G(X). Il
reste à faire X = 0.
2. On vérifie que dans toutes les démonstrations précédentes on peut remplacer l’équivalence par
l’équivalence à gauche. I
J C’est un corollaire du théorème précédent car l’isomorphisme entre M (X) et M (0) s’exprime
par l’équivalence de deux matrices H(X) et H(0) construites à partir d’une matrice de présenta-
tion G de M (cf. le fait 16.1.1). I
Le théorème de Roitman
Ce paragraphe est consacré à la démonstration du théorème de Roitman suivant qui constitue
une sorte de réciproque du théorème de recollement de Quillen.
En une variable
Lemme 16.3.6 Si tout A[X]-module projectif de type fini est étendu depuis A alors toute
localisation AS de A vérifie la même propriété.
J Cas spécial : AS est un anneau local résiduellement discret. Notons ρ : A[X] → AS [X]
l’homomorphisme canonique. Soit M = M (X) ∈ Mn (AS [X]) un projecteur. Puisque AS est
local, M (0) est semblable à un projecteur standard Ik,n . Nous pouvons donc supposer sans
perte de généralité que M (0) = Ik,n , i.e. M (X) = Ik,n + M 0 (X) avec M 0 (X) ∈ Mn (AS [X]) et
M 0 (0) = 0. Soit v le (( produit des dénominateurs )) dans les coefficients des entrées de M 0 (X).
Puisque M 0 (0) = 0, on a une matrice N 0 = N 0 (X) ∈ Mn (A[X]) avec M 0 (vX) =AS [X] N 0 (X)ρ .
En prenant N (X) = Ik,n + N 0 (X) on a N (0) = Ik,n et M (vX) = N (X)ρ . Puisque M 2 =AS [X] M ,
on a un s ∈ S tel que
s(N 2 − N ) = 0
Comme (N 2 − N )(0) = 0, on écrit N 2 − N = XQ(X). Maintenant sXQ(X) = 0 implique
sQ(X) = 0. A fortiori sQ(sX) = 0 donc N (sX)2 = N (sX). Mais les modules projectifs de type
fini sur A[X] sont étendus depuis A, donc la matrice de projection N (sX) a un noyau et une
image isomorphes au noyau et à l’image de N (0) = Ik,n . Donc N (sX) est semblable à Ik,n : il
existe G = G(X) ∈ GLn (A[X]) tel que
En posant H(X) = G(X)ρ ∈ GLn (AS [X]) on obtient sur AS [X] l’égalité
et par conséquent
H −1 (X/sv)M (X)H(X/sv) =AS [X] Ik,n
avec H(X/sv) ∈ GLn (AS [X]).
Cas général. Soit P un AS [X]-module projectif de type fini arbitraire. Posons B = AS . Notons
P (0) le B-module projectif de type fini obtenu par changement d’anneau de base via l’homomor-
phisme d’évaluation en 0, B[X] → B. On applique la machinerie locale-globale de base page 589
à la démonstration constructive que nous venons de donner dans le cas spécial. On obtient des
monoïdes comaximaux V1 , . . . , Vm de B avec P 'BVi P (0). On conclut avec le recollement de
Quillen : P 'B P (0). I
En plusieurs variables
Démonstration du théorème de Roitman 16.2 page ci-contre. On raisonne par récurrence sur r.
Le cas r = 1 est déjà traité. Passons de r > 1 à r + 1. On considère un monoïde S d’un anneau
A. Notons X1 , . . . , Xr = X. On a AS [X, Y ] = A[X, Y ]S = (A[Y ]S )[X]. Soit P un AS [X, Y ]-
module projectif de type fini. Nous notons P = P (X, Y ). D’après l’hypothèse de récurrence
appliquée avec l’anneau A[Y ], P est étendu depuis A[Y ]S = AS [Y ], i.e., P (X, Y ) ' P (0, Y )
comme AS [X, Y ]-modules, et d’après le cas r = 1 appliqué avec l’anneau A, P (0, Y ) est étendu
depuis AS . I
612 16. Modules projectifs étendus
Lemme 16.4.1 Soit S un monoïde de A et P , Q des A-modules projectifs de type fini tels que
PS ' QS . Alors il existe s ∈ S tel que Ps ' Qs .
Notation 16.4.2 On note AhXi l’anneau S −1 A[X], où S est le monoïde des polynômes uni-
taires de A[X].
Nous reprenons la preuve de [129, Nashier&Nichols] qui est presque constructive, telle
qu’exposée dans [Lam06] ou [Ischebeck & Rao].
Nous avons besoin de quelques résultats préliminaires.
Lemme 16.4.3 Soit A un anneau, m = Rad A et S ⊆ A[X] le monoïde des polynômes unitaires.
Les monoïdes S et 1 + m[X] sont comaximaux.
J Soit f (X) ∈ S et g(X) ∈ 1 + m[X]. Le résultant ResX (f, g) appartient à l’idéal hf, gi de
A[X]. Puisque f est unitaire, le résultant subit avec succès la spécialisation A → A/m . Donc
ResX (f, g) ≡ ResX (f, 1) = 1 mod m. I
J Puisque s est régulier et que Q, P sont des sous-modules d’un module libre, la multiplication
par s (notée µs ) est injective dans P et dans Q. On a les suites exactes de A-modules suivantes :
µs
0 → Q −−→ P −→ P/sQ → 0
0 → sQ/sP −−→ P/sP −→ P/sQ → 0
Le A-module P est projectif par transitivité, le B/sB-module P/sP est projectif, donc par
transitivité P/sP est un A-module projectif. On peut alors appliquer le lemme de Schanuel
(lemme 5.1.4) : (P/sP ) ⊕ Q ' (sQ/sP ) ⊕ P comme A-modules. Puisque Q est un A-module
projectif il en va de même pour sQ/sP . Mais puisque µs est injective sQ/sP est isomorphe à
P/Q. I
J 1. Puisque f est unitaire, la A-algèbre B/hf i est un A-module libre de rang deg f . Le B/hf i-
module Q/f Q est projectif de type fini sur A. Posons M = Q/P . D’après le lemme précédent,
M est un A-module projectif et il est de type fini sur B/hf i donc sur A. Donc M [X] est un
B-module projectif de type fini. Nous avons deux suites exactes (µX est la multiplication par X)
0 → P −−→ Q −→ M → 0
µX
0 → M [X] −−→ M [X] −→ M → 0
D’après le lemme de Schanuel (lemme 5.1.4) on a P ⊕ M [X] ' Q ⊕ M [X] comme B-modules.
Puisque M [X] est projectif de type fini sur B, P et Q sont stablement isomorphes.
2. On sait que Pf ' Qf pour un f ∈ S. Par hypothèse P ' Im F avec F 2 = F ∈ Mn (B) et
Q ' Im G avec G2 = G ∈ Mm (B). Alors nous savons que F 0 = Diag(F, 0m ) et G0 = Diag(G, 0n )
sont conjuguées sur Bf (lemme d’élargissement 5.1.7). Ceci signifie qu’il existe une matrice
H ∈ Mm+n (B) telle que HF 0 = G0 H et det(H) = δ divise une puissance de f . On a alors
P1 = Im(HF 0 ) ⊆ Im G0 . Puis, en postmultipliant par H, e (HF 0 )He = δG0 , ce qui implique
δ Im G0 ⊆ Im(HF 0 ). Puisque H est injective on a P1 ' P , et par ailleurs Im G0 = Q1 ' Q. On
peut conclure d’après le point 1 puisque δQ1 ⊆ P1 ⊆ Q1 .
3. Les modules P et Q sont de rang 1 et stablement isomorphes, donc isomorphes (fait 10.5.5).
I
Démonstration du petit lemme. Soit y1 , y2 , . . ., yn dans P qui est une base de PS sur BS . Il
existe une base z1 , z2 , . . ., zn de P , avec les zi dans P telle que y1 ∈ k[X]z2 (voir proposition
4.7.3). On cherche z sous la forme z1 + X r y1 . Il est clair que, pour n’importe quel r, le système
z, z2 , . . ., zn est une base de P . Puisque y1 , y2 , . . ., yn est une base de PS sur BS il existe s ∈ S
tel que sz1 = ni=1 bi yi avec les bi dans B. Alors sz = (b1 + sX r )y1 + ni=2 bi yi , et pour r assez
P P
J Nous appliquons la machinerie locale-globale à idéaux premiers page 589 avec la démons-
tration constructive du théorème 16.3 page 612. Nous obtenons une famille finie de monoïdes
comaximaux, (Ui )i∈J de A de telle sorte que chaque localisé PUi est étendu depuis AUi . On
conclut avec le recollement de Quillen (principe local-global 16.2 page 610). I
Cet important théorème peut être complété par le résultat subtil suivant, qui ne semble pas
pouvoir être étendu aux modules de présentation finie.
J Nous raisonnons avec des matrices de projection et des similitudes entre ces matrices qui
correspondent à des isomorphismes des modules images. Implicitement donc nous utilisons de
manière systématique le lemme d’élargissement 5.1.7, sans le mentionner.
On démarre donc avec deux matrices de projection F et G sur A conjuguées sur AhXi (P ' Im F ,
Q ' Im G). Cela signifie que nous avons une matrice H à coefficients dans A[X], dont le déter-
minant est un polynôme unitaire dans A[X], avec :
HF = GH.
En posant Y = 1/X, pour N assez grand, la matrice Y N H = H 0 est à coefficients dans A[Y ], son
déterminant est de la forme Y r (1 + Y g(Y )) = Y r h(Y ) avec h(0) = 1, et évidemment H 0 F = GH 0 .
Autrement dit F ∼ G sur A[Y ]Y h . On note que les éléments Y et h sont comaximaux, donc par
application du théorème de recollement des modules (principe local-global concret 15.7), il existe
un A[Y ]-module M tel que MY est isomorphe à (( P étendu à A[Y ]Y )) et Mh est isomorphe à
(( Q étendu à A[Y ]h )). Et M est projectif de type fini puisqu’il a deux localisations comaximales
qui sont des modules projectifs de type fini. Ceci nous fournit une matrice de projection E
à coefficients dans A[Y ] telle que E ∼ F sur A[Y ]Y et E ∼ G sur A[Y ]h . Puisque Y est un
polynôme unitaire le théorème de Horrocks nous dit que Im E provient par extension des scalaires
d’un A-module projectif de type fini M 0 . En conséquence, pour tous a, b ∈ A les matrices
(( évaluées )) E(a) et E(b) sont conjuguées sur A (leurs images sont toutes deux isomorphes à
M 0 ). Enfin F ∼ E(1) et G ∼ E(0) sur A, donc F ∼ G sur A. I
Nous terminons cette section avec un corollaire du lemme 16.4.5. Ce théorème est à comparer
avec le théorème 16.8 page 616.
Théorème 16.6
Supposons qu’une classe F d’anneaux commutatifs satisfasse les propriétés suivantes :
1. Si A ∈ F alors AhXi ∈ F.
2. Si A ∈ F tout A-module projectif de rang constant est stablement libre.
Alors pour A ∈ F et r ∈ N, tout A[X1 , . . . , Xr ]-module projectif de rang constant est stablement
libre.
J On fait une preuve par récurrence sur r, le cas r = 0 ne posant pas problème. Supposons le
théorème prouvé pour tout module projectif de rang constant et pour l’entier r − 1 (r > 1). Soit
A un anneau dans la classe F, et P un module projectif de rang constant sur A[X1 , . . . , Xr ]. On
pose B = A[(Xi )i<r ] et C = A[Xr ] de sorte que A[X1 , . . . , Xr ] ' B[Xr ] ' C[(Xi )i<r ]. L’anneau
AhXr i = V −1 C est dans la classe F. Le AhXr i[(Xi )i<r ]-module PV , qui est projectif de rang
16.5. Solution de la conjecture de Serre 615
constant, est stablement libre par hypothèse de récurrence. Si S est le monoïde des polynômes
unitaires de B[Xr ] on a V ⊆ S et donc PS est stablement libre sur S −1 B[Xr ]. Par le point 2. du
lemme 16.4.5, P est stablement libre. I
Corollaire 16.4.6 Si K est un corps discret tout module projectif de type fini sur K[X1 , . . . , Xr ]
est stablement libre.
J On applique le résultat précédent avec la classe F des corps discrets : si K est un corps discret,
alors KhXi = K(X) est aussi un corps discret. I
À la Quillen
La solution par Quillen du problème de Serre est basée sur le théorème de Horrocks local et
sur l’induction de Quillen suivante (voir [Lam06]).
Induction de Quillen abstraite
Supposons qu’une classe F d’anneaux commutatifs satisfasse les propriétés suivantes :
(Q1) Si A ∈ F alors AhXi ∈ F.
(Q2) Si A ∈ F alors Am ∈ F pour tout idéal maximal m de A.
(Q3) Si A ∈ F est local, tout A[X]-module projectif de type fini est étendu depuis A (i.e., libre).
Alors pour tout A ∈ F et tout r > 1, tout A[X1 , . . . , Xr ]-module projectif de type fini est étendu
depuis A.
En fait (Q1), (Q2) et (Q3) sont d’abord utilisés par Quillen pour obtenir le cas r = 1 en
utilisant le théorème de Horrocks local et le recollement de Quillen. La partie (( preuve par
récurrence )) est basée sur le cas r = 1, sur (Q1) et sur le théorème de Horrocks (local ou global).
Dans la suite nous isolons cette preuve par récurrence, que nous qualifions d’induction de
Quillen (( concrète )). Nous remplaçons (Q3) par une version plus forte (q3) qui est le cas r = 1.
Dans un commentaire postérieur, nous expliquons comment nous pouvons, en fait, remplacer
d’une certaine manière (q3) par (Q3) sans pour autant perdre le caractère constructif de la
démonstration.
J L’induction de Quillen concrète s’applique avec la classe F des corps discrets : on note que
K[X] est un anneau de Bezout intègre, donc les modules projectifs de type fini sur K[X] sont libres,
et a fortiori étendus. On passe aux anneaux zéro-dimensionnels réduits par la machinerie locale-
globale élémentaire no 2. Pour les anneaux zéro-dimensionnels on utilise GK0 (A) = GK0 (Ared ). I
Remarques. 1) On rappelle qu’un anneau zéro-dimensionnel est connexe si, et seulement si, il est
local. Si K est un tel anneau tout module projectif de type fini sur K[X1 , . . . , Xr ] est libre.
2) L’induction de Quillen concrète s’applique aux anneaux de Bezout intègres de dimension de
Krull 6 1 (voir l’exercice 16.5) et plus généralement aux anneaux de Prüfer de dimension 6 1
(voir le théorème 16.19 page 628). Ceci généralise le cas des domaines de Dedekind obtenu par
Quillen. Pour le cas des anneaux nœthériens réguliers de dimension de Krull 6 2 (que nous ne
traiterons pas ici), voir [Lam06].
Le cas général.
La lectrice aura remarqué que la propriété de stabilité (Q2) n’intervient pas dans l’induction de
Quillen concrète : cette hypothèse est rendue inutile par l’hypothèse (q3).
La propriété (Q2) intervient cependant lorsque nous voulons remplacer (q3) par (Q3), qui est
une hypothèse a priori plus faible que (q3).
Nous pensons que cet affaiblissement de l’hypothèse est toujours possible en pratique, sans
pour autant perdre le caractère constructif du résultat. Mais comme ceci est basé sur la machinerie
locale-globale de base (machinerie locale-globale à idéaux premiers) et que cette dernière est
une méthode de démonstration et non pas un théorème à proprement parler, nous n’avons pas
pu formuler notre induction concrète directement avec (Q3), car nous voulions un théorème en
bonne et due forme.
Venons en à l’explication du remplacement de l’hypothèse forte (q3) par l’hypothèse faible
(Q3).
Nous reprenons l’hypothèse (Q2) sous la forme plus générale suivante.
(q2) Si A ∈ F et S est un monoïde de A alors AS ∈ F.
Nous supposons que (Q3) est satisfaite sous la forme suivante : sous l’hypothèse que A est un
anneau local résiduellement discret dans la classe F on a une démonstration constructive du fait
que tout module projectif de type fini P sur A[X] est étendu, ce qui se traduit par un algorithme
de calcul (pour l’isomorphisme entre P et P (0)) basé sur les propriétés de la classe F et sur la
disjonction
a ∈ A× ou a ∈ Rad(A)
pour les éléments a qui se présentent au cours de l’algorithme. Dans ces conditions la machinerie
locale-globale de base s’applique. En conséquence pour un module projectif de type fini P sur
A[X] pour un anneau A ∈ F arbitraire, la démonstration donnée dans le cas local résiduelle-
ment discret, suivie pas à pas, nous fournit des monoïdes comaximaux S1 , . . . , S` tels que pour
chacun d’entre eux, le module PSi (sur ASi [X]) est étendu depuis ASi . Notez que pour que
ceci fonctionne, la classe d’anneaux considérée doit vérifier (q2), et que l’on peut se limiter aux
localisations en des monoïdes S(a1 , . . . , an ; b). Il ne reste alors qu’à appliquer le recollement de
Quillen concret (principe local-global 16.2 page 610) pour obtenir le résultat souhaité : P est
étendu depuis A.
Première démonstration
Nous suivons ici de très près la démonstration originale de Suslin. Nous devons seulement
nous débarrasser d’une utilisation non constructive d’un idéal maximal générique, et nous avons
déjà fait ce travail lorsque nous avons donné une démonstration constructive du lemme de Suslin
15.6.1 au chapitre 15.
det(M + N ) I2 = (M
f+N
e )(M + N ) = M
fM + (M fN + N eM) + N eN
= (det(M ) + Tr(M
f N ) + det(N )) I2
E(X) = Tr(H
e B) + X det H = 0.
det(S) = 1 + x Tr(H
f1 B) + det(xHf1 B)
2
= 1 + x Tr(H1 B) + x a det(H1 ) = 1 + xE(ax) = 1
f
I
Lemme 16.5.5 Soit f ∈ A[X]n×1 , B une A-algèbre et G un sous-groupe de GLn (B), alors
l’ensemble
G
n o
a = a ∈ A | ∀b, b0 ∈ B, (b ≡ b0 mod aB) ⇒ f (b) ∼ f (b0 )
est un idéal de A.
Théorème 16.10 Soit n > 2, f un vecteur unimodulaire de A[X]n×1 avec f1 unitaire, B une
A-algèbre et G le sous-groupe de GLn (B) engendré par En (B) et SL2 (B) (plongé dans GLn (B)
G
via l’injection naturelle A 7→ Diag(A, In−2 )). Alors pour tous b, b0 ∈ B on a f (b) ∼ f (b0 ).
J Il nous suffit de montrer que l’idéal a défini au lemme 16.5.5 contient 1. Pour une matrice
élémentaire E = E(X) ∈ En−1 (A[X]), nous considérons le vecteur
g2 f2
.. ..
. = E . .
gn fn
Nous allons montrer que le résultant a = ResX (f1 , g2 ), qui est bien défini puisque f1 est unitaire,
est un élément de a. Nous aurons donc terminé en invoquant le lemme de Suslin 15.6.1.
Montrons donc que a ∈ a. Nous utilisons juste le fait que a ∈ hf1 , g2 i ∩ A. On prend b, b0 ∈ B
G
avec b ≡ b0 mod aB. On veut aboutir à f (b) ∼ f (b0 ). Notons que pour i > 2 on a :
La seconde est donnée par l’équation (16.1), la troisième par le lemme 16.5.4 appliqué à u = f1
et v = g2 . I
Corollaire 16.5.7 Soit K un corps discret, soit n > 2, f un vecteur unimodulaire de K[X]n×1 ,
où K[X] = K[X1 , . . . , Xr ], et G le sous-groupe de GLn (K[X]) engendré par En (K[X]) et
G
SL2 (K[X]). Alors f ∼ t[ 1 0 · · · 0 ].
On a bien obtenu le théorème 16.9 page ci-contre, en fait avec une précision intéressante sur
le groupe G.
Deuxième démonstration
Nous suivons maintenant de près une démonstration de Vaserstein.
De manière plus générale nous sommes intéressés par la possibilité de trouver dans la classe
d’équivalence d’un vecteur défini sur A[X] un vecteur défini sur A, en un sens convenable.
Nous utiliserons le lemme suivant :
620 16. Modules projectifs étendus
Lemme 16.5.8 Soit A un anneau et f (X) = t[ f1 (X) · · · fn (X) ] un vecteur unimodulaire dans
A[X]n×1 , avec f1 unitaire de degré > 1. Alors l’idéal a = c(f2 ) + · · · + c(fn ) contient 1.
J On a : 1 = u1 f1 dans A/a . Cette égalité dans l’anneau (A/a )[X] avec f1 unitaire de degré
> 1 implique que A/a est trivial (par récurrence sur le degré formel de u1 ). I
f1 (0)
f1
.. GLn (A[X]) ..
f (X) = . ∼ . = f (0).
fn fn (0)
J Le cas n = 2 est à part : si u1 f1 + u2 f2 = 1, l’égalité u1 u2 f1
=
1
donne la matrice
−f2 f1 f2 0
cherchée, dans SL2 (A[X]).
16.5. Solution de la conjecture de Serre 621
Si n > 3 nous appliquons la machinerie locale-globale à idéaux premiers page 589 avec la démons-
tration constructive du théorème 16.11 page précédente. Nous obtenons une famille finie de
En (AS [X])
monoïdes comaximaux, (Si )i∈J de A de telle sorte que pour chaque i on a f (X) ∼i f (0).
On conclut avec le recollement de Vaserstein pour les équivalences de matrices à gauche (point 2
du principe local-global 16.1 page 610). I
Conclusion. On vient d’obtenir une variante (légèrement plus faible) du corollaire 16.5.6. Et
ceci conduit à la démonstration du théorème de Suslin 16.9 page 618 de la même manière que
dans la première solution.
Commentaire. Le petit théorème de Horrocks global peut aussi être obtenu comme conséquence
du (( grand )) théorème de Horrocks global 16.4 page 613. On pose P = Ker tf (X). En localisant
en f1 , P devient libre. Le théorème de Horrocks global nous dit que P est libre, ce qui signifie
que f (X) ∼ t[ 1 0 · · · 0 ] sur GLn (A[X]).
Troisième démonstration
Nous suivons maintenant de près une démonstration de Rao. Nous n’aurons cette fois-ci pas
besoin de récurrence sur le nombre de variables pour aboutir au théorème de Suslin.
Lemme 16.5.9 On considère un vecteur x = (x1 , . . . , xn ) ∈ An et s ∈ A. Si x est unimodulaire
sur A/hsi et sur A[1/s], il est unimodulaire.
J Posons a = hx1 , . . . , xn i. On obtient sr ∈ a (pour un certain r) et 1 − as ∈ a (pour un certain
a). On écrit 1 = ar sr + (1 − as)(1 + as + · · ·) ∈ a. I
Lemme 16.5.10 Soit un entier n > 2, A un anneau et t[ f1 (X) · · · fn (X) ] = f (X) un vecteur
unimodulaire dans A[X]n×1 . Pour chaque fi de degré formel di , nous notons fi? le polynôme
formel réciproque X di fi (1/X). Nous notons f ? (X) = t[ f1? (X), · · · fn? (X) ]. Si f ? (0) est unimo-
dulaire il en va de même pour f ? .
J D’après le lemme 16.5.9 il suffit de vérifier que f ? (0) est unimodulaire (c’est vrai par hypothèse)
et que f ? est unimodulaire sur A[X, 1/X], ce qui est donné par l’égalité suivante (en supposant
−di f ? = 1. I
P P
i ui fi = 1 dans A[X]) : i ui (1/X)X i
Lemme 16.6.1 Si A est un anneau de valuation alors A(X) également. Si A est un anneau de
valuation de dimension de Krull finie alors A(X) a même dimension de Krull.
J Si A est un anneau de valuation tout f ∈ A[X] s’écrit sous forme f = ag avec a ∈ A
et g ∈ A[X] qui admet un coefficient égal à 1. En particulier g est inversible dans A(X). Si
F1 = a1 g1 /u1 et F2 = a2 g2 /u2 sont deux éléments arbitraires de A(X) (avec ai ∈ A et gi , ui
primitifs dans A[X]) alors F1 divise F2 dans A(X) si, et seulement si, a1 divise a2 dans A. Donc
(( la divisibilité est identique dans A et A(X) )) et A(X) est un anneau de valuation. En outre,
puisque les idéaux de type fini sont principaux, l’homomorphisme canonique Zar A → Zar A(X)
est un isomorphisme de treillis distributifs (NB : ce sont des ensembles totalement ordonnés), ce
qui implique que la dimension de Krull est la même. I
En une variable
Ce paragraphe est consacré pour l’essentiel à la démonstration constructive du théorème de
Bass suivant.
Théorème 16.14 Si V est un anneau de valuation de dimension de Krull finie, tout V[X]-mo-
dule projectif de type fini est libre.
Nous démontrerons en fait des variantes un peu plus fortes : on peut se débarrasser de
l’hypothèse sur la dimension de Krull, et l’on a une version avec des anneaux arithmétiques.
Nous commençons par un exemple simple.
Un exemple simple
Proposition 16.6.2 Tout module projectif de type fini sur Z[X] est libre.
J Soit M un Z[X]-module projectif de type fini. Notons tout d’abord que si M est de rang 1, il
est libre parce que Z[X] est un anneau à pgcd (lemme 16.2.10).
Supposons maintenant que M est de rang r > 1. Si nous étendons les scalaires à Q[X], le module
devient libre. Il existe donc un entier d > 0 tel que M devient libre sur Z[1/d][X]. Si d = 1 il n’y
a rien à faire. Sinon soient p1 , . . . , pk les facteurs premiers de d. Alors les monoïdes dN , 1 + p1 Z,
. . ., 1 + pk Z sont comaximaux (exemple fondamental page 14). Il nous suffit donc de montrer que
les modules M1+pi Z sont libres (donc étendus), car alors le théorème de recollement de Quillen
implique que M est étendu depuis Z, donc libre.
Notons p l’un quelconque des pi . Puisque Z1+pZ [X] est 2-stable (lemme ci-après), en application
du splitting off de Serre (théorème 14.13 page 562), on obtient M1+pZ ' Z1+pZ [X]r−1 ⊕ N avec
N un Z1+pZ [X]-module projectif de rang constant 1. D’après la remarque initiale, N est libre,
donc M est libre. I
Lemme 16.6.3 L’anneau Z1+pZ [X] est 2-stable.
J On considère la partition de Spec(Z1+pZ [X]) attachée à {p} : plus précisément l’anneau
Z1+pZ [X] est remplacé par les deux anneaux Z1+pZ [X][1/p] ' Q[X] et (Z1+pZ [X])/hpi ' Fp [X]
qui sont de dimension de Krull 1. Le théorème 14.8 page 559 nous dit que Z1+pZ [X] est 2-stable.
I
16.6. Modules projectifs étendus depuis les anneaux arithmétiques 623
Remarque. En fait le recours aux facteurs premiers de d, bien qu’intuitivement naturel, introduit
une complication inutile. En effet les monoïdes dN et 1 + dZ étant comaximaux, il suffit de
démontrer que M1+dZ est libre. Comme Z1+dZ [X] est un anneau à pgcd, le raisonnement précédent
s’applique si l’on sait montrer que Z1+dZ [X] est 2-stable. Or la preuve du lemme 16.6.3 fonctionne
en remplaçant p par d car Z1+dZ [X][1/d] ' Q[X] et Z1+dZ [X]/hdi ' (Z/hdi)[X] qui sont de
dimension de Krull 1 puisque Z/hdi est zéro-dimensionnel.
On commence par le lemme suivant (la démonstration du théorème est reportée page 625).
Remarque. Ainsi, une fois V1 fixé, l’anneau V0 se comporte, pour ce qui concerne la 2-stabilité de
V0 [X] comme l’anneau de dimension de Krull (( finie > 0 mais entièrement contrôlée )) qui était
donné dans le paragraphe précédent : la suite des yi , limitée à m termes, se comporte comme la
suite des ai du paragraphe précédent, à ceci près que les yi sont produits de façon dynamique
par l’exécution de l’algorithme alors que les ai étaient donnés au départ.
1. Sinon, le lemme pourrait en fait être démontré sans aucune hypothèse sur V.
16.6. Modules projectifs étendus depuis les anneaux arithmétiques 625
J Soit M un module projectif de type fini sur V[X]. Puisque V[X] est connexe, M a un
rang constant r ∈ N. Puisque V[X] est 2-stable, le splitting off de Serre nous donne que
M ' V[X]r−1 ⊕ N , où N est un V[X]-module projectif de rang constant 1. Il reste à montrer
que N ' V[X].
Si V est intègre nous terminons comme ceci : puisque V[X] est un anneau à pgcd, N ' V[X].
En général nous pouvons dire : V est normal, donc tout module projectif de rang constant 1 sur
V[X] est étendu depuis V. Or V est local, en conclusion N est libre sur V[X]. I
J Tout d’abord, puisque GK0 (A) = GK0 (Ared ) et A[X]red = Ared [X] il suffit de faire la
démonstration dans le cas réduit, c’est-à-dire pour les anneaux de Prüfer.
On considère un A[X]-module projectif de type fini M .
En mathématiques classiques on appliquerait le théorème de recollement abstrait de Quillen : un
module projectif de type fini sur A[X] est étendu parce qu’il est étendu si on localise en un idéal
premier arbitraire de A (l’anneau devient un anneau de valuation).
En mathématiques constructives, on relit la preuve constructive donnée dans le cas local (pour le
théorème 16.16) en appliquant la machinerie locale-globale de base.
Précisément, supposons que dans le cas local (i.e., pour un anneau de valuation) on utilise la
disjonction (( a divise b ou b divise a )). Puisque l’on est avec un anneau de Prüfer on connaît
u, v, s, t tels que s + t = 1, sa = ub, tb = va. Si B est l’anneau (( en cours )) on considère les
deux localisations comaximales B[1/s] et B[1/t]. Dans la première a divise b et dans la seconde
b divise a.
En fin de compte on obtient une famille finie (Si ) de monoïdes comaximaux de A telle qu’après
localisation en l’un quelconque des Si , le module M devient libre, donc étendu. On conclut avec
le recollement concret de Quillen (principe local-global 16.2 page 610). I
Remarques. 1) On n’a pas eu besoin de supposer que l’anneau de valuation était résiduellement
discret pour faire fonctionner la démonstration constructive des théorèmes 16.15, 16.16 et 16.17.
Cela se traduit notamment par le fait que dans la dernière démonstration les monoïdes comaxi-
maux sont basés sur la disjonction (dans un anneau local) (( s ou 1 − s est inversible )) et sont
directement donnés par des éléments comaximaux.
2) Dans ce type de passage du local au global, pour être certain que l’algorithme termine, il
faut s’assurer que la version donnée dans le cas local est (( uniforme )), cela veut dire que son
exécution se fait en un nombre d’étapes qui est borné par une fonction des paramètres discrets
de l’entrée : la taille de la matrice et les degrés de ses coefficients. C’est bien le cas ici, modulo la
preuve du lemme 13.5.2. Notons que le fait que l’algorithme dans le cas local n’utilise pas de
test d’égalité à 0 nous simplifie beaucoup la vie pour apprécier la validité de sa mise en œuvre
dynamique dans le passage du local au global.
626 16. Modules projectifs étendus
En plusieurs variables
Ce paragraphe est consacré à la démonstration constructive du théorème de Lequain-Simis
suivant.
Dans le théorème suivant nous démontrons que pour un anneau A de dimension inférieure
ou égale à d, l’anneau AhXi se comporte dynamiquement comme l’anneau A(X) ou comme une
localisation d’un anneau AS [X] pour un monoïde S de A avec Kdim AS 6 d − 1.
Remarque. Le théorème précédent semble tombé du ciel comme par miracle. En fait il est le
résultat d’une histoire un peu compliquée. Dans l’article [70] était démontré le théorème suivant,
en commençant par le cas spécial d’un anneau local résiduellement discret, puis en généralisant à
un anneau arbitraire au moyen de la machinerie locale-globale de base.
Soit un anneau A tel que Kdim A 6 d ∈ N. Soit f ∈ A[X] un polynôme primitif. Il existe des
monoïdes comaximaux V1 , . . . , V` de AhXi tels que pour chaque i ∈ J1..`K, ou bien f est inversible
dans AhXiVi ou bien AhXiVi est une localisation d’un ASi [X] avec Kdim ASi < d.
En explicitant l’algorithme contenu dans la preuve de ce théorème, on a obtenu le théorème 16.18.
16.6. Modules projectifs étendus depuis les anneaux arithmétiques 627
J Puisque Ared [X] = A[X]red et GK0 (B) = GK0 (Bred ) il suffit de traiter le cas réduit, i.e., le
cas des anneaux de Prüfer.
Vérifions que la classe des anneaux de Prüfer de dimension de Krull 6 1 satisfait les hypothèses
du théorème 16.7 page 615. La première condition est le point (ii) ci-avant que nous venons de
démontrer.
La deuxième condition est que les modules projectifs de type fini sur A[X] sont étendus depuis
A. C’est le théorème de Bass-Simis-Vasconcelos. I
L’induction de Lequain-Simis
Dans le but de généraliser le théorème de Quillen-Suslin aux domaines de Prüfer, et constatant
que cette classe d’anneaux n’est pas stable pour le passage de A à AhXi, Lequain et Simis [113]
ont trouvé un moyen habile pour contourner la difficulté en démontrant un nouveau théorème
d’induction (( à la Quillen )), convenablement modifié.
Induction de Lequain-Simis abstraite
Supposons qu’une classe F d’anneaux commutatifs satisfasse les propriétés suivantes :
(LS1) Si A ∈ F, tout idéal premier p non maximal de A a une hauteur finie2 .
(LS2) Si A ∈ F, alors A[X]p[X] ∈ F pour tout idéal premier p de A.
(LS3) Si A ∈ F, alors Ap ∈ F pour tout idéal premier p de A.
(LS4) Si A ∈ F est local, tout module projectif de type fini sur A[X] est libre.
Alors pour tout A ∈ F et tout r > 1, tout A[X1 , . . . , Xr ]-module projectif de type fini est étendu
depuis A.
Notez ici que si A est local avec Rad A = m, alors A(X) = A[X]m[X] .
Nous proposons une (( variation constructive )) sur le thème de l’induction de Lequain-Simis.
Il s’agit d’une application importante de notre comparaison dynamique entre A(X) et AhXi.
Cette induction constructive (( à la Lequain-Simis )) est due à I. Yengui.
Soit P un module projectif de type fini sur A[X1 , . . . , Xr , Y ] = A[X, Y ]. Soit G = G(X, Y ) une
matrice de présentation de P à coefficients dans A[X, Y ]. Soit H(X, Y ) la matrice construite à
partir de G comme dans le fait 16.1.1.
En utilisant l’hypothèse de récurrence pour r et (ls1) nous obtenons que les matrices H(X, Y ) et
H(0, Y ) sont élémentairement équivalentes sur l’anneau A(Y )[X]. Cela signifie qu’il existe des
matrices Q1 , R1 sur A[X, Y ] telles que
Nous montrons maintenant que H(X, Y ) et H(0, Y ) sont équivalentes sur AhY i[X]. D’après le
recollement de Vaserstein il suffit de montrer qu’elles sont équivalentes sur AhY iSi [X] pour des
monoïdes comaximaux Si de AhY i.
Nous considérons le polynôme primitif f = det(Q1 ) det(R1 ) ∈ A[Y ] et nous appliquons le théo-
rème 16.18. Si f est de degré formel m nous obtenons des monoïdes S1 , . . . , Sm de A tels que les
monoïdes V = f N et Si i ∈ J1..mK sont comaximaux dans AhY i. En outre Kdim ASi 6 d pour
i ∈ J1..mK.
Pour le localisé en V , det(Q1 ) et det(R1 ) sont inversibles dans AhY iV . Ceci implique que H(X, Y )
et H(0, Y ) sont équivalentes sur AhY iV [X].
Pour un localisé en Si (i ∈ J1..mK), par hypothèse de récurrence sur d et en utilisant (ls2), H(X, Y )
et H(0, 0) sont équivalentes sur ASi [X, Y ]. A fortiori H(X, Y ) et H(0, Y ) sont équivalentes sur
ASi [X, Y ] donc sur AhY iSi [X] qui est une localisation de ASi [Y ][X] = ASi [X, Y ].
Ainsi nous avons rempli le contrat et nous obtenons des matrices inversibles Q, R sur AhY i[X] ⊆
A[X]hY i telles que
Q H(X, Y ) = H(0, Y ) R.
Par ailleurs nous savons par (ls3) que H(0, 0) et H(0, Y ) sont équivalentes sur A[Y ] ⊆ A[X]hY i et
par hypothèse de récurrence sur r que H(0, 0) et H(X, 0) sont équivalentes sur A[X] ⊆ A[X]hY i.
En conclusion H(X, 0) et H(X, Y ) sont équivalentes sur A[X]hY i. Donc par le théorème de
Horrocks global, P est étendu depuis A[X]. Enfin par hypothèse de récurrence sur r, P (X, 0)
est étendu depuis A. I
Remarque. Nous avons demandé dans (ls2) que la classe F soit stable par localisation pour
n’importe quel monoïde. En fait dans la démonstration interviennent seulement des localisations
en des monoïdes bords de Krull, ou par inversion d’un unique élément (ceci de manière itérée).
J On montre que la classe des anneaux arithmétiques de dimension finie satisfait l’induction de
Lequain-Simis concrète. La condition (ls1) est donnée dans l’exercice 12.3, (ls3) par le théorème
de Bass-Simis-Vasconcelos, et (ls2) est clair. I
J Soit M un module projectif de type fini sur V[X1 , . . . , Xr ]. Nous devons montrer que M est
libre. Soit F = (fij ) ∈ GAq (V[X1 , . . . , Xr ]) une matrice dont l’image est isomorphe au module M .
Soit V1 le sous-anneau de V engendré par les coefficients des polynômes fij et V0 le sous-anneau
630 16. Modules projectifs étendus
de valuation de V engendré par V1 . Le point 4. du théorème 13.12 page 531 nous dit que tout
anneau compris entre V1 et Frac V1 , en particulier V0 , est de dimension de Krull finie. On
applique le corollaire 16.6.6. I
J Cela résulte du corollaire 16.6.6 (le cas local) avec la même démonstration que pour déduire
le théorème 16.17 page 625 du théorème 16.16. I
La première, et la plus forte, est la conjecture des anneaux de Hermite, qui peut être énoncée
sous deux formes équivalentes, une locale et une globale, vu le principe de recollement de
Quillen. Rappelons qu’un anneau est appelé (( anneau de Hermite )) lorsque les modules de
type fini stablement libres sont libres, ce qui revient à dire que les vecteurs unimodulaires sont
complétables.
(H) Si A est un anneau de Hermite, alors A[X] également.
(H’) Si A est un anneau local résiduellement discret, alors A[X] est un anneau de Hermite.
Le (( stable-range )) de Bass donne une première approche du problème (voir la proposition
5.3.4, le corollaire 14.2.6 et le théorème 14.5 page 552). Des cas particuliers sont traités par
exemple dans [150, Roitman] et [181, 182, Yengui], qui traite le cas n = 1 de la conjecture
suivante : sur un anneau A de dimension de Krull 6 1, les A[X1 , . . . , Xn ]-modules stablement
libres sont libres.
Exercices et problèmes
Exercice 16.1 Soit A un idéal de A[X] contenant un polynôme unitaire et a un idéal de A. Alors
A ∩ (A + a[X]) est contenu dans DA ((A ∩ A) + a). En particulier si 1 ∈ A + a[X], alors 1 ∈ (A ∩ A) + a.
Exercice 16.3 Le but de l’exercice est de montrer un résultat analogue au recollement de Vaserstein
(principe local-global 16.1 page 610) dans lequel on remplace GLn par SLn .
1. Soit un anneau B et un monoïde S de B.
(a) Soit P ∈ B[Y ] tel que P (0) = 0 et P = 0 dans BS [Y ]. Montrer qu’il existe s ∈ S tel que
P (sY ) = 0.
(b) Soit H ∈ Mn (B[Y ]) telle que H(0) ∈ SLn (B) et H ∈ SLn (BS [Y ]). Montrer qu’il existe s ∈ S
tel que H(sY ) ∈ SLn (B[Y ]).
2. Montrer le lemme 16.3.4 en remplaçant GL par SL.
3. Montrer le principe local-global 16.1 page 610 en remplaçant GL par SL.
Exercice 16.4 Soit A un anneau local résiduellement discret et b ⊆ A[X] un idéal inversible contenant
un polynôme unitaire. On veut montrer que b est un idéal principal.
Ceci constitue un cas particulier du théorème de Horrocks local (théorème 16.3 page 612) : en effet, d’une
part b est un A[X]-module projectif et d’autre part si f ∈ b est un polynôme unitaire, alors en localisant
en f , bf = A[X]f et donc (par le théorème de Horrocks local) b est un A[X]-module libre. Cet exercice
donne une démonstration indépendante de celle du cours. Dans le cas particulier étudié ici on apporte la
précision que b est engendré par un polynôme unitaire.
Soit A un anneau, on note m = Rad A et k = A/m. Soit b ⊆ A[X] un idéal contenant un polynôme
unitaire. On note a la réduction de a modulo m.
1. Montrer que tout polynôme unitaire de b ⊆ k[X] peut-être relevé en un polynôme unitaire de b.
On suppose maintenant A local résiduellement discret.
2. Montrer l’existence d’un polynôme unitaire f ∈ b tel que b = hf i dans k[X] et donc b = hf i+b∩m[X].
On suppose maintenant que l’idéal b est inversible.
3. Montrer que b ∩ m[X] = bm[X].
4. On considère l’anneau A[X]/hf i. Montrer que m(b/hf i) = b/hf i. En déduire b = hf i.
On propose une généralisation.
5. La démonstration fonctionne-t-elle avec un anneau A résiduellement zéro-dimensionnel ?
Exercice 16.5 (théorème de Brewer&Costa : cas des anneaux de Bezout intègres de dimension 6 1) Voir
aussi l’exercice 12.3 et le théorème 16.19 page 628.
Soit F la classe des anneaux intègres de Bezout de dimension 6 1, et A ∈ F.
1. Montrer que Kdim AhXi 6 1 (utiliser l’exercice 13.9).
2. En déduire que AhXi est un anneau de Bezout.
3. La classe F satisfait les hypothèses du théorème 16.8 page 616 (induction de Quillen concrète, 2). Ainsi,
tout A[X1 , . . . , Xr ]-module projectif de type fini est libre.
Commentaires bibliographiques
Traverso [172] a démontré le théorème qui porte son nom dans le cas d’un anneau nœthérien
réduit A (avec une restriction supplémentaire). Pour le cas intègre sans hypothèse nœthérienne
on peut consulter [137, Querré], [23, Brewer&Costa] et [82, Gilmer&Heitmann]. Le cas le plus
général est donné par [170, Swan].
Le théorème de Traverso-Swan sur les anneaux seminormaux a été décrypté du point de vue
constructif par Coquand dans [35]. Le décryptage a commencé par la démonstration élémentaire
de la proposition 16.2.13 telle qu’elle est donnée ici. Cette démonstration est une simplification
(assez spectaculaire) des preuves existantes dans la littérature. Il fallait ensuite contourner
Commentaires bibliographiques 633
l’argument de la considération d’un idéal premier minimal pour obtenir une preuve constructive
complète du résultat. Il est remarquable que par la même occasion le cas d’un anneau non intègre
ait pu être traité sans plus d’effort, contrairement à ce qui se passe avec la démonstration de
Swan dans [170]. Pour une explication détaillée de [35] voir [118, Lombardi&Quitté] Pour un
algorithme (( simple )) qui réalise le théorème dans le cas univarié, voir [8, Barhoumi&Lombardi].
Une démonstration directe, dans le même esprit, pour l’implication (( A seminormal implique
A[X] seminormal )) se trouve dans [6, Barhoumi].
Le théorème de Roitman 16.2 page 610 se trouve dans [149].
Les démonstrations originales du théorème de Quillen-Suslin (solution du problème de Serre)
se trouvent dans [138, 165]. Les théorèmes de Horrocks ont leur source dans [97].
Le (( Quillen patching )) qui apparaît dans [138] est parfois appelé principe local-global de
Quillen. Un survol remarquable des applications de ce principe et de ses extensions se trouve
dans [9, Basu&al.]. À lire également [142, Rao&Selby].
L’anneau AhXi a joué un grand rôle dans la solution du problème de Serre par Quillen et dans
ses généralisations successives (théorèmes de Maroscia et Brewer&Costa, et de Lequain&Simis).
L’anneau A(X) s’est avéré un outil efficace pour plusieurs résultats d’algèbre commutative. On
pourra consulter l’article [84, Glaz] pour une bibliographie assez complète concernant ces deux
anneaux.
Le livre de Lam [Lam06] (qui fait suite à [Lam]) est une mine d’or concernant les modules
projectifs étendus. Il contient notamment plusieurs preuves des théorèmes de Horrocks (local et
global), avec tous les détails et toutes les références nécessaires, au moins du point de vue des
mathématiques classiques.
Le théorème 16.4 page 613 de Horrocks global a été démontré constructivement, tout d’abord
(pour une variante un peu plus faible) dans l’article [117, Lombardi&Quitté], puis dans [119,
Lombardi,Quitté&Yengui]. La version que nous donnons page 613 reprend ce dernier article en
précisant tous les détails. Elle s’appuie sur les livres de Kunz et Lam.
Le théorème 16.16 page 625 de Bass-Simis-Vasconcelos ([Bass, 157]) a été décrypté du point
de vue constructif par Coquand dans [36].
Concernant le théorème de Maroscia et Brewer&Costa (théorème 16.19 page 628), voir les
articles originaux [22, 121]. On en trouve une démonstration constructive dans [119]. Ce théorème
est légèrement antérieur au théorème de Lequain&Simis. Ce dernier a été décrypté du point de
vue constructif essentiellement par I. Yengui [7, 70].
De nombreux algorithmes pour le théorème de Quillen-Suslin (cas des corps) ont été proposés
en calcul formel, en général basés sur la démonstration de Suslin.
Le théorème de Quillen-Suslin a été étudié du point de vue de sa complexité algorithmique
dans [76, Fitchas&Galligo] et [26, Caniglia&al.] (pour des algorithmes efficaces, mais semble-t-il
non encore implémentés).
Un nouvel algorithme, simple et efficace, pour le théorème de Suslin (compléter un vecteur
unimodulaire avec un polynôme unitaire dans A[X]) est donné dans [120, Lombardi&Yengui] et
amélioré dans [125, Mnif&Yengui].
17. Théorème de stabilité de Suslin,
le cas des corps
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 635
17.1 Le groupe élémentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 635
Transvections . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 635
Matrices spéciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 636
17.2 Le symbole de Mennicke . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 638
17.3 Vecteurs unimodulaires polynomiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 639
17.4 Principes local-globals de Suslin et Rao . . . . . . . . . . . . . . . . . 641
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 643
Solutions d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 644
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 646
Introduction
Dans ce chapitre, nous donnons un traitement entièrement constructif du théorème de stabilité
de Suslin pour le cas des corps discrets.
0 0 0 1
Pour i fixé (resp. pour j fixé) les matrices Ei,j (•) commutent, et forment un sous-groupe de
En (A) isomorphe à (An−1 , +). Par exemple
1 0 0 0
a 1 b c
E2,1 (a) · E2,3 (b) · E2,4 (c) =
0 0 1
0
0 0 0 1
636 17. Théorème de stabilité de Suslin
et
1 0 0 0 1 0 0 0 1 0 0 0
a 1 b c a0
1 b0 c a + a0
0 1 b + b0 c + c0
0 · = .
0 1 0 0 0 1 0 0 0 1 0
0 0 0 1 0 0 0 1 0 0 0 1
Plus généralement soit P un A-module projectif de type fini. On dira qu’un couple (λ, w) ∈
P ? × P est unimodulaire si λ(w) = 1. Dans ce cas w est un élément unimodulaire de P , λ est un
élément unimodulaire de P ? et l’application A-linéaire θP (λ ⊗ w) : P → P définie par x 7→ λ(x)w
est la projection sur L = Aw parallèlement à K = Ker λ, représentée sur K × L par la matrice
0K→K 0L→K 0 0
= K→K .
0K→L 1L→L 0 1
Si u ∈ K, l’application A-linéaire τλ,u := IdP + θP (λ ⊗ u), x 7→ x + λ(x)u est appelée une
transvection, elle est représentée sur K × L par la matrice
1K→K (λ ⊗ u)|L IdK (λ ⊗ u)|L
= .
0K→L 1L→L 0 1
Par exemple si P = An une matrice élémentaire définit une transvection.
On note GL(P ) le groupe des automorphismes linéaires de P et SL(P ) le sous-groupe des
endomorphismes de déterminant 1. Le sous-groupe de SL(P ) engendré par les transvections sera
noté E(P
e ). L’application affine
u 7→ τλ,u , K → EndA (P )
fournit un homomorphisme du groupe (K, +) dans le groupe E(P e ).
n
Dans le cas où P = A , si w est un vecteur de la base canonique et λ la forme coordonnée
correspondante on trouve que la matrice de la transvection est un produit de matrices élémentaires.
Par exemple :
1 0 0 u1
3
I3 u 0 1 0 u2 Y
= 0 0 1 u3
= Ei,4 (ui ).
0 1 i=1
0 0 0 1
Notez cependant qu’a priori En (A) est seulement contenu dans E(Ae n ). Ceci montre que
le groupe élémentaire est a priori dépourvu de signification géométrique claire. Comme point
crucial, En (A) n’est pas a priori stable par GLn (A)-conjugaison.
Matrices spéciales
Nous parlonsmaintenant
uniquement des groupes En (A).
u1
.
Soient u = .. ∈ An×1 et v = [ v1 · · · vn ] ∈ A1×n auxquels on associe la matrice
un
In + uv ∈ Mn (A). On va fournir un certain nombre de résultats précisant l’appartenance de
cette matrice au groupe élémentaire En (A). Puisque det(In + uv) = 1 + tr(uv) = 1 + vu, il est
def
impératif d’imposer vu = v1 u1 + · · · + vn un = 0. Dans ce cas, on a (In + uv)(In − uv) = In .
Les transvections admettent pour matrices les matrices de ce type, avec v unimodulaire. En
outre l’ensemble de ces matrices In + uv (avec vu = 0) est un ensemble stable par GLn (A)-
conjugaison. Par exemple pour A ∈ GLn (A), on obtient A Eij (a) A−1 = In + auv, où u est la
colonne i de A et v la ligne j de A−1 .
Prenons garde cependant que si on ne suppose pas v unimodulaire ces matrices ne représentent
en général pas des transvections. Si ni u, ni v n’est unimodulaire la matrice ne représente même
e n ).
pas a priori un élément de E(A
Pour i < j, on définit alors u0ij ∈ An×1 par u0ij = aij (vj ei − vi ej ). Il est clair que u0ij a au plus
deux composantes non nulles et que vu0ij = 0. I
638 17. Théorème de stabilité de Suslin
J Écrivons af + bg = 1. Notons pour commencer que l’on peut diviser b par f et que l’on
obtient alors une égalité a1 f + b1 g = 1 avec deg(b1 ) < deg(f ) et donc, puisque f est unitaire,
deg(a1 ) < deg(g). Nous supposerons donc sans perte de généralité que deg(b) < deg(f ) et
deg(a) < deg(g).
Soit r le reste de la division euclidienne de g par f . Alors {f, g} = {f, r}. En particulier si
deg(f ) = 0 on a terminé. Dans le cas contraire on peut supposer deg(g) < deg(f ) et l’on raisonne
par récurrence sur deg(f ). Puisque A est local résiduellement discret, g(0) est inversible ou dans
le radical m de A.
Supposons tout d’abord g(0) inversible. Alors
Notre machinerie de relecture automatique de la preuve locale donne le lemme quasi global
suivant par application directe de la machinerie locale-globale de base 15.5 page 589 :
J Soit H ce noyau. On va utiliser la décomposition suivante, valide dans tout groupe, d’un
produit α1 β1 α2 β2 · · · αm βm , par exemple avec m = 3 :
(α1 β1 α1−1 ) ((α1 α2 )β2 (α1 α2 )−1 ) ((α1 α2 α3 )β3 (α1 α2 α3 )−1 ) (α1 α2 α3 ).
640 17. Théorème de stabilité de Suslin
Qm
Soit donc E = E(X) ∈ H, E = i=1 Eik ,jk (fk ) avec fk ∈ A[X]. On écrit fk = ck + Xgk avec
ck = fk (0) ∈ A et
Eik ,jk (fk ) = αk βk , avec αk = Eik ,jk (ck ), βk = Eik ,jk (Xgk ).
Proposition 17.3.3 Supposons n > 3 et soit s ∈ A. Pour E = E(X) ∈ En (As [X], hXi), il
existe k ∈ N et E 0 = E 0 (X) ∈ En (A[X], hXi) vérifiant E 0 (X) = E(sk X) sur As [X].
Le théorème 17.1 page 637 permet décrire : u = u01 + u02 + · · · + u0N avec vu0k = 0 et u0k ∈ An×1
s a
au plus deux composantes non nulles. On a donc
En utilisant une méthode analogue au fait 17.1.3, on vérifie facilement qu’il existe k ∈ N,
ek ∈ An×1 , ve ∈ A1×n tels que sur As g = ge/sk , u0k = u
ge ∈ A[X], u ek /sk , v = ve/sk , veu
ek = 0, et u
ek
a au plus deux composantes non nulles. On pose alors :
NB : En bref, mais de manière moins précise, si a et b sont suffisamment (( proches )), la matrice
E −1 (aX) E(bX) n’a plus de dénominateur.
J On introduit deux nouvelles indéterminées T , U et l’on pose E 0 (X, T, U ) = E −1 ((T +
U )X) E(T X). On a E 0 (X, T, 0) = In . On applique la proposition 17.3.3 avec F = E 0 en prenant
A[X, T ] au lieu de A et U au lieu de X : il existe une matrice G ∈ En (A[X, T, U ], hU i) et un
entier k > 0 tels que
E 0 (X, T, sk U ) = G(X, T, U ) dans En (As [X, T, U ], hU i).
Donc G(X, T, U ) = E −1 ((T + sk U )X) E(T X) sur As , et si b = a + sk c :
E −1 (aX) E(bX) = G(X, a, c) sur As .
On a G(0, T, U ) = In sur As , mais pas nécessairement sur A. On pose donc :
H(X, T, U ) = G−1 (0, T, U ) G(X, T, U ).
On a alors H(0, T, U ) = In sur A et H(X, T, U ) = G(X, T, U ) sur As . On obtient donc
E −1 (aX) E(bX) = H(X, a, c) dans En (As [X], hXi)
avec H(X, a, c) ∈ En (A[X], hXi). I
Lemme 17.3.5 Soit un entier n > 3, s ∈ A et E = E(X) ∈ GLn (A[X]). On suppose que
E ∈ En (As [X]).
Il existe un entier k > 0 tel que pour tous a, b ∈ A congrus modulo sk , la matrice E −1 (aX)E(bX)
est dans En (A[X], hXi).
17.4. Principes local-globals de Suslin et Rao 641
Dans la fin de cette section les résultats sont démontrés dans le cas d’un anneau intègre. Ils
sont en fait vrais pour un anneau arbitraire. Pour le cas général il faut se reporter à [139, 140, 141].
Théorème 17.4 Soit n > 3, A un anneau intègre et f (X) un vecteur unimodulaire dans A[X]n ,
alors l’ensemble
En (As [X])
a = s ∈ A | f (X) ∼ f (0)
est un idéal.
De manière équivalente :
Principe local-global concret de Rao
Soit n > 3, A un anneau intègre, f (X) un vecteur unimodulaire dans A[X]n et S1 , . . . , Sk des
monoïdes comaximaux de A. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
En (A[X])
1. f (X) ∼ f (0).
En (ASi [X])
2. f (X) ∼ f (0) pour chaque i.
Théorème 17.5 Soit n > 3, A un anneau et t(f1 (X), . . . , fn (X)) = f (X) un vecteur unimodu-
laire dans A[X]n , avec 1 dans l’idéal de tête des fi . Alors :
En (A[X]) En (A) En (A[X])
f ∼ f (0) ∼ f ? (0) ∼ f ?.
En (A[X]) t
Si l’un des fi est unitaire on a f ∼ [1 0 · · · 0 ].
Exercices et problèmes 643
J Le petit théorème de Horrocks local (théorème 16.11 page 620) et le principe local-global de
Rao donnent la première équivalence. Ensuite on recopie la démonstration du théorème de Rao
(théorème 16.13 page 621) en remplaçant GLn par En . I
J On raisonne par récurrence sur r. Le cas r = 0, i.e. K[X] = K découle du fait que K est
un corps discret. Soit r > 1 et f (X) = t[ f1 (X) · · · fn (X) ] un vecteur unimodulaire de K[X]n .
Alors l’un des fi est non nul et un changement de variables permet de transformer fi en un
polynôme pseudo unitaire en Xr (lemme 7.1.3). Nous pouvons donc supposer fi unitaire en Xr
En (K[X])
et nous appliquons le théorème 17.5 page précédente pour obtenir f ∼ f (X1 , . . . , Xr−1 , 0).
Mais ce dernier vecteur est un vecteur unimodulaire de An où A = K[X1 , . . . , Xr−1 ], donc par
En (A) t En (K[X]) t
récurrence sur r, f (X1 , . . . , Xr−1 , 0) ∼ [1 0 · · · 0 ] puis f ∼ [1 0 · · · 0 ]. I
Enfin la preuve que le théorème 17.3 page 641 implique le théorème de stabilité de Suslin est
simple et constructive, comme dans [Gupta & Murthy].
Exercices et problèmes
Exercice 17.1 Soient U ∈ An×m et V ∈ Am×n .
1. Vérifier, pour N ∈ Mn (A), que
(Im − V N U )(Im + V U ) = Im + V In − N (In + U V ) U
En déduire que si In + U V est d’inversible d’inverse N , alors Im + V U est inversible d’inverse
Im − V N U .
2. En déduire que In + U V est inversible si et seulement si Im + V U l’est et établir des formules
symétriques pour leurs inverses.
3. Montrer que det(In + V U ) = det(Im + U V ) dans tous les cas.
4. On suppose que Im + V U est inversible. Montrer le résultat suivant dû à Vaserstein. Que se passe-t-il
lorsque V U = 0 ?
In + U V 0
∈ En+m (A)
0 (Im + V U )−1
Exercice 17.2 Avec les notations du lemme 17.2.1, vérifier que A0−1 A est de la forme I2 + uv avec
u, v ∈ A2×1 , vu = 0 et v unimodulaire.
644 17. Théorème de stabilité de Suslin
Exercice 17.3 Soient a, b, u, v ∈ A vérifiant 1 = au + bv. Montrer, en utilisant uniquement les propriétés
du symbole de Mennicke figurant dans la proposition 17.2.2, que {a, b} = {u, v} = {a − v, b + u}.
Exercice 17.4 Un A-module stablement libre de rang r, de type t, est un A-module E tel que E ⊕ At '
Ar+t . On s’intéresse ici aux relations entre les classes d’isomorphisme des modules stablement libres de
rang n − 1, de type 1, et le GLn (A)-ensemble Umn (A) constitué des vecteurs unimodulaires de An .
1. Soit x ∈ Umn (A) ; vérifier que le module An /Ax est stablement libre de rang n − 1, de type 1, et
GLn (A)
que pour x0 ∈ Umn (A), on a An /Ax ' An /Ax0 si, et seulement si, x ∼ x0 . Montrer que l’on
obtient ainsi une (première) correspondance bijective : x ←→ An /Ax
3. Si E est stablement libre de rang r, de type t, il en est de même de son dual E ? . Pour t = 1, décrire
l’involution de Umn (A)/GLn (A) induite par l’involution E ↔ E ? .
GLn (A)
4. Soient x, x0 , y ∈ An tels que txy = tx0 y = 1. Pourquoi a-t-on x ∼ x0 ? Expliciter g ∈ GLn (A)
tel que gx = x0 , g de la forme In + uv avec u ∈ An×1 , v ∈ A1×n , vu = 0 et v unimodulaire. En
En (A)
déduire que pour n > 3, g ∈ En (A) et donc x ∼ x0 .
d0
0
bd0 − bd 1 + b(c0 − c) b(d0 − d)
−b a b ad − bc
= =
−c0 a c d ac − ac0 ad − bc0 a(c − c0 ) 1 + b(c − c0 )
d0 − d
En remplaçant b(c0 − c) par a(d0 − d), on voit que A0−1 A = I2 + uv avec u = , v = [a b ], vu = 0,
c − c0
et v unimodulaire.
Exercice 17.3 On a {au, b} = {a, b}{u, b} ; mais au = 1−bv donc {au, b} = {1−bv, b} = {1, b} = 1. Bilan :
{a, b}{u, b} = 1. De la même manière, {u, b}{u, v} = 1, donc {a, b} = {u, v}. Enfin (a − v)u + (b + u)v = 1,
donc {a − v, b + u} = {u, v}.
Exercice 17.4
1. Soit y ∈ An tel que tyx = 1 ; on a An = Ax ⊕ Ker ty et donc An /Ax ' Ker ty est stablement libre. Si
GLn (A)
x ∼ x0 , il est clair que An /Ax ' An /Ax0 . Réciproquement soit ϕ : M = An /Ax → M 0 = An /Ax0
un isomorphisme. On a An ' M ⊕ Ax ' M 0 ⊕ Ax0 . Notons ψ : Ax → Ax0 l’isomorphisme ax 7→ ax0 ;
GLn (A)
alors ϕ ⊕ ψ fournit un élément de GLn (A) qui transforme x en x0 donc x ∼ x0 .
Un vecteur unimodulaire x ∈ An fournit un module libre An /Ax si, et seulement si, x fait partie d’une
base de An .
2. Posons M = x⊥ , M 0 = x0⊥ et supposons M ' M 0 . En désignant par M̊ ⊆ (An )? l’orthogonal de
M ⊆ An , on a M̊ = A tx et M̊ 0 = A tx0 . Si hx | yi = 1, hx0 | y 0 i = 1, on a An = Ay ⊕ M = Ay 0 ⊕ M 0 , d’où un
automorphisme de An transformant M en M 0 (envoyer y sur y 0 ), puis par dualité, un automorphisme u de
(An )? ' An transformant A tx en A tx0 ; on en déduit u( tx) = ε tx0 avec ε ∈ A× . Alors, ε−1 tu transforme
x en x0 .
3. Si G = E ⊕ F , alors G? ' E ? ⊕ F ? ; appliquée à G = Ar+t ' G? , F = Ar ' F ? , on obtient le résultat.
L’involution induite sur Umn (A)/GLn (A) est la suivante : à la classe modulo GLn (A) de x ∈ Umn (A),
on associe la classe modulo GLn (A) de y ∈ Umn (A) vérifiant hx | yi = 1 ; évidemment, il y a plusieurs y
qui conviennent mais leur classe modulo GLn (A) est bien définie.
GLn (A)
4. On a An = Ay⊕x⊥ = Ay⊕x0⊥ d’où x⊥ ' x0⊥ ' An /Ay donc x ∼ x0 . Pour déterminer g ∈ GLn (A)
réalisant gx = x0 , on utilise An = Ax ⊕ y ⊥ = Ax0 ⊕ y ⊥ . De manière générale, soit G = E ⊕ F = E 0 ⊕ F ;
pour expliciter un automorphisme de G appliquant E sur E 0 , on procède comme suit. Soit π la projection
sur E, π 0 celle sur E 0 et p = IG − π, p0 = IG − π 0 . Les projecteurs p, p0 ont même image F , donc en posant
h = p0 − p = π − π 0 , on a h2 = 0 et (IG − h)p(IG + h) = p0 ou encore (IG − h)π(IG + h) = π 0 . Donc IG − h
est un automorphisme de G transformant Im π = E en Im π 0 = E 0 . Ici E = Ax, E 0 = Ax0 , F = y ⊥ , donc
In − h : z 7→ z + hz | yi(x0 − x) i.e. In − h = In + uv
Exercice 17.5 1. La clef se trouve dans la double égalité suivante pour u ∈ A, z1 = u(a + x2 ),
z2 = u(b − x1 ) :
z1 x1 + z2 x2 = u(ax1 + bx2 ) = z1 b + z2 (−a).
Soit u tel que u(ax1 + bx2 ) + z3 x3 + · · · + zn xn = 1 et z = (z1 , z2 , z3 , . . . , zn ). On a alors hz | xi = hz | x0 i = 1.
G E2 (A) G
D’après l’exercice 17.4, x ∼ x0 . Comme (b, −a) ∼ (a, b), on a x ∼ (a, b, x3 , . . . , xn ).
2. Comme x1 y1 + x2 y2 + x3 y3 + x4 y4 = 1, on a
G G
(x1 , x2 , x3 , x4 ) ∼ (y1 , y2 , x3 , x4 ) ∼ (y1 , y2 , y3 , y4 )
Le reste de la question en découle aussitôt.
3. Méthode analogue à la question précédente.
Commentaires bibliographiques
La section 17.2 et la démonstration du théorème 17.6 page 643 suivent de très près l’exposé
de [Gupta & Murthy]. Pour l’essentiel nous avons seulement transformé quelques arguments
local-globals abstraits en arguments concrets via une utilisation de la machinerie locale-globale à
idéaux premiers expliquée dans la section 15.5.
La section 17.3 est directement inspirée de [Lam06, chapitre VI, section 2].
Annexe. Logique constructive
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 647
A.1 Objets de base, Ensembles, Fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 647
Ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 648
Les entiers naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 648
Ensembles de couples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 648
Fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 649
Ensembles finis, bornés, énumérables et dénombrables . . . . . . . . . . 650
Parties d’un ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 650
A.2 Affirmer signifie prouver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 651
A.3 Connecteurs et quantificateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 652
A.4 Calculs mécaniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 653
A.5 Principes d’omniscience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 654
Le Petit Principe d’Omniscience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 654
Le Mini Principe d’Omniscience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655
Le Principe du Tiers Exclu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 657
A.6 Principes problématiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 657
Le Principe de Markov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 657
Principes de continuité uniforme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 657
Exercices et problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 658
Commentaires bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 658
Introduction
Cette annexe est consacrée à l’exposition de quelques concepts de base des mathématiques
constructives dans le style de Bishop [Bishop, Bishop & Bridges, MRR].
Par logique constructive, nous entendons la logique des mathématiques constructives.
Ensembles
Dans ce cas la distinction est une séparation étroite et elle équivaut à l’absurdité de l’égalité.
L’ensemble N = {0, 1, 2, . . .} des entiers naturels est considéré comme bien défini a priori. Notez
cependant que constructivement il s’agit d’un infini potentiel et pas d’un infini actuel. On entend
par l’idée d’infini potentiel que l’infinitude de N est appréhendée comme une notion essentiellement
négative : on n’a jamais fini d’épuiser les entiers naturels. Au contraire, la sémantique de N en
mathématiques classiques est celle d’un infini achevé, qui existe (( quelque part )) au moins de
manière purement idéale.
Un entier naturel peut être codé d’une manière usuelle. La comparaison de deux entiers
donnés sous forme codée peut être faite de manière sûre. En bref, l’ensemble des entiers naturels
est un ensemble discret et la relation d’ordre est décidable :
Ensembles de couples
Quand deux ensembles sont définis leur produit cartésien est également défini, de manière
naturelle : la fabrication des couples d’objets est une construction élémentaire. L’égalité et la
distinction sur un produit cartésien sont définis de manière naturelle.
1. Cette terminologie n’est pas un hommage à Pierre Bourdieu. Tous comptes faits, nous préférons distinction
à non-égalité, qui présente l’inconvénient d’une connotation négative, et à inégalité qui est plutôt utilisé dans le
cadre des relations d’ordre. Pour les nombres réels par exemple, c’est l’égalité et non la distinction qui est une
assertion négative.
A.1. Objets de base, Ensembles, Fonctions 649
Fonctions
L’ensemble NN des suites d’entiers naturels dépend de la notion primitive de construction. Un
élément de NN est une construction qui prend en entrée un élément de N et donne en sortie un
élément de N. L’égalité de deux éléments dans NN est l’égalité extensionnelle :
(un ) =NN (vn ) signifie ∀n ∈ N un = vn
Ainsi, l’égalité entre deux éléments de NN demande a priori une infinité de (( calculs élémentaires )),
en fait l’égalité réclame une preuve.
La distinction de deux éléments de NN est la relation de distinction extensionnelle :
def
(un ) 6=NN (vn ) ⇐⇒ ∃n ∈ N un 6= vn
Ainsi, la distinction de deux éléments de NN peut être constatée par un simple calcul.
Exemple A.1.1 La distinction de NN est une relation de séparation étroite.
L’argument diagonal de Cantor est constructif. Il montre que NN est beaucoup plus compliqué
que N. D’un point de vue constructif, N et NN sont seulement des infinis potentiels : cela n’a pas
de signification de dire qu’un infini potentiel est plus grand qu’un autre.
Digression Quand vous dites (( Je vous donne une suite d’entiers naturels )), vous devez prouver
que la construction n 7→ un que vous proposez fonctionne pour n’importe quelle entrée n. Par
ailleurs, quand vous dites (( Considérons une suite arbitraire de nombres naturels (un )n∈N )), la
seule chose que vous savez avec certitude est que pour tout n ∈ N vous avez un ∈ N, et que cet un
est non ambigu : vous pouvez par exemple concevoir la suite comme donnée par un oracle. En fait,
vous pourriez a priori demander, de manière symétrique, ce qu’est exactement la construction
n 7→ un et une preuve que cette construction fonctionne pour toute entrée n.
Mais, dans le constructivisme à la Bishop, on ne fait aucune hypothèse précise concernant (( ce
que sont les constructions légitimes de N vers N )) ni non plus sur (( qu’est-ce précisément qu’une
preuve qu’une construction marche ? )). Ainsi nous sommes dans une situation disymétrique.
Cette disymétrie a la conséquence suivante. Tout ce que vous prouvez a un contenu calculatoire.
Mais tout ce que vous prouvez est également valide d’un point de vue classique. Les mathé-
matiques classiques pourraient voir les mathématiques constructives comme parlant seulement
d’objets constructifs. Et les mathématiques constructives de Bishop sont certainement intéressées
au premier chef par les objets constructifs (cf. [17]). Mais en fait les mathématiques constructives
à la Bishop font des preuves constructives qui marchent pour n’importe quel type d’objets
mathématiques2 . Les théorèmes que l’on trouve dans [Bishop & Bridges] et [MRR] sont valables
en mathématiques classiques, mais ils supportent aussi l’interprétation constructive russe (dans
laquelle tous les objets mathématiques sont des mots d’un langage formel que l’on pourrait fixer
une fois pour toutes) ou encore la philosophie intuitionniste de Brouwer, qui a une composante
nettement idéaliste.
Après cette digression revenons à nos moutons : les fonctions. De manière générale, une
fonction f : X → Y est une construction qui prend en entrée un x ∈ X et une preuve que x ∈ X
et donne en sortie un y ∈ Y et une preuve que y ∈ Y . En outre cette construction doit être
extensionnelle :
x =X x0 ⇒ f (x) =Y f (x0 ) et f (x) 6=Y f (x0 ) ⇒ x 6=X x0
Quand X et Y sont des ensembles bien définis, on considére (dans les mathématiques construc-
tives à la Bishop) que l’ensemble F(X, Y ) des fonctions f : X → Y est aussi bien défini. Pour
l’égalité et la distinction on prend les définitions extensionnelles usuelles.
Une fonction f : X → Y est injective si elle vérifie
f (x) =Y f (x0 ) ⇒ x =X x0 et x 6=X x0 ⇒ f (x) 6=Y f (x0 )
Exemple A.1.2 Un ensemble infini et dénombrable peut être mis en bijection avec N.
Un élément de la partie { x ∈ X | P (x) } est donné par un couple (x, p) où x est un élément de
X et p est une preuve que P (x)(3 ). Deux propriétés concernant les éléments de X définissent la
même partie lorsqu’elles sont équivalentes.
On peut aussi présenter les choses de la manière suivante, qui, bien que revenant au même,
fait un peu moins mal à la tête au nouveau venu. Une partie de X est donnée par un couple
(Y, ϕ) où Y est un ensemble et ϕ est une fonction injective de Y dans X(4 ). Deux couples (Y, ϕ)
et (Y 0 , ϕ0 ) définissent la même partie de X si l’on a
∀y ∈ Y ∃y 0 ∈ Y 0 ϕ(y) = ϕ0 (y 0 ) et ∀y 0 ∈ Y 0 ∃y ∈ Y ϕ(y) = ϕ0 (y 0 ).
Le complémentaire est alors donné par le couple (Y2 , Y1 ), ce qui rétablit une certaine symétrie.
P({0}) = {{0}, ∅}
(la classe des valeurs de vérité se réduit à l’ensemble {Vrai, Faux}) et l’on n’a évidemment plus
aucun problème avec P(X).
et chacune est bien libre de croire Platon, ou même Cantor, ou Zermelo-Frankel, ou encore,
pourquoi pas, de croire en la multiplicité des mondes. Personne ne pourra jamais lui prouver
qu’il a tort. Et rien ne dit par ailleurs que le jeu ZF ne s’avèrera pas un jour vraiment utile, par
exemple pour comprendre certains points subtils des mathématiques qui ont une signification
concrète.
Exemple A.3.1 Supposons que les propriétés P et Q dépendent d’une variable x ∈ N. Alors une
preuve de ∀x ∈ N (P (x) ∨ Q(x)) est une construction N 3 x 7→ (n(x), r(x)) avec n(x) ∈ {0, 1}.
Si n(x) = 0, r(x) doit être une preuve de P (x). Si n(x) = 1, r(x) doit être une preuve de Q(x).
Exemple A.3.2 Soit P (x, y) une propriété concernant les entiers naturels x et y. Alors l’affir-
mation
` ∀x ∈ N ∃y ∈ N P (x, y)
signifie : voici un couple (u, p) où u est une construction u : x 7→ y = u(x) de N vers N et p est
une preuve de ` ∀x ∈ N P (x, u(x)).
7. Pour le point de vue de Kolmogorov plus précisément sur (( la logique des problèmes )) on pourra consulter
[109, Kolmogorov] et [32, Coquand].
A.4. Calculs mécaniques 653
Remarque. Puisque ¬¬¬A ⇔ ¬A, une propriété C est équivalente à une propriété ¬B (pour une
certaine propriété B non encore précisée) si, et seulement si, ¬¬C ⇒ C. Ainsi, on peut définir
en mathématiques constructives le concept de propriété négative. En mathématiques classiques,
le concept n’a pas d’intérêt puisque toute propriété est négative. En mathématiques constructives
il faut prendre garde que Vrai est aussi une propriété négative : puisque Faux ⇒ Faux, ¬Faux est
vrai.
D’un point de vue classique, pour n’importe quel β ∈ Prim2 , l’assertion (∗) ci-dessus est vraie
ou fausse dans l’absolu, en référence à la logique du tiers exclu (ou, si l’on préfère, à l’infinité
actuelle de N) : la notion de calcul mécanique peut ainsi être définie sans référence aucune à une
notion primitive de construction.
8. Un ordinateur disposant de tout l’espace et de tout le temps nécessaire au calcul envisagé.
9. Puisque Rec est l’image de Rec par une application surjective.
654 Annexe
D’un point de vue constructif par contre, l’assertion (∗) doit être prouvée, et une telle preuve
est elle-même une construction. Ainsi la notion de calcul mécanique dépend de la notion de
construction, qui ne peut pas être définie.
Signalons pour terminer ce paragraphe que le constructivisme russe à la Markov admet comme
principe fondamental l’égalité Rec = NN , principe parfois appelé Fausse Thèse de Church.
Voir [Beeson, Bridges & Richman] et [146, Richman]. La vraie Thèse de Church est qu’aucun
système de calcul automatique ne pourra jamais calculer d’autres fonctions que les fonctions
récursives : on pourra améliorer les performances des ordinateurs, mais aucun système de calcul
automatique ne pourra dépasser ce qu’ils savent calculer (( en principe )) si l’on leur donne le
temps et l’espace nécessaire. La vraie Thèse de Church est extrêmement vraisemblable, mais elle
n’est évidemment susceptible d’aucune preuve.
Soit α = (αn ) ∈ {0, 1}N une suite binaire, i.e., une construction qui donne pour chaque entier
naturel (en entrée) un élément de {0, 1} (en sortie). Considérons les assertions suivantes :
P (α) : αn = 1 pour un n,
¬P (α) : αn = 0 pour tout n,
P (α) ∨ ¬P (α) : P (α) ou ¬P (α),
∀α (P (α) ∨ ¬P (α)) : pour toute suite binaire α, P (α) ou ¬P (α).
Une preuve constructive de P (α) ∨ ¬P (α) devrait fournir un algorithme qui ou bien montre
que αn = 0 pour tout n, ou bien calcule un entier naturel n tel que αn = 1.
Un tel algorithme est beaucoup trop performant, car il permettrait de résoudre de manière
automatique un grand nombre de conjectures importantes. En fait nous savons que si un tel
algorithme existe, il n’est certainement pas (( mécaniquement calculable )) : un programme qui
tourne sur machine ne peut sûrement pas accomplir un tel travail même lorsque l’on impose
la limitation sur l’entrée α qu’elle soit une suite binaire primitive récursive explicite. Cette
impossibilité est un grand théorème d’informatique théorique, souvent indiqué sous l’appelation
(( théorème de l’arrêt des programmes )).
Théorème de l’arrêt des programmes (On ne peut pas tout savoir)
Sous trois formes immédiatement équivalentes :
– On ne peut pas assurer automatiquement la terminaison des programmes : il n’existe pas
de programme T qui puisse tester si un programme arbitraire P finira par aboutir à
l’instruction Stop.
– Il n’existe pas de programme qui puisse tester si une suite primitive récursive arbitraire est
identiquement nulle.
– Il n’existe pas de programme U qui prenne en entrée deux entiers, donne en sortie un
booléen, et qui énumère toutes les suites binaires programmables (la suite n 7→ U (m, n) est
la m-ième suite énumérée par U ).
A.5. Principes d’omniscience 655
∀n ∃m β(n, m) = 0 ∨ ∃n ∀m β(n, m) 6= 0
n = 0 par hypothèse. Si cela est vrai pour n, il y a au moins une branche en dessous du noeud
Kn sélectionné. S’il y en a deux, considérons les suites αn et βn ∈ NN définies comme suit :
— αn (m) = 0 si il y a au moins une branche de longueur m en dessous de Kn partant sur la droite,
sinon αn (m) = 1
— βn (m) = 0 si il y a au moins une branche de longueur m en dessous de Kn partant sur la
gauche, sinon βn (m) = 1.
Par hypothèse de récurrence αn et βn sont des suites croissantes dont le produit est nul. On
applique l’item 1 : l’une des deux suites est nulle et cela nous donne le moyen de sélectionner le
chemin vers la droite ou celui vers la gauche. I
Le Principe de Markov
Le Principe de Markov, MP, est le suivant :
∀x ∈ R (¬x = 0 ⇒ x 6= 0)
Affirmer MP revient à dire : pour toute suite binaire α, s’il est impossible que tous ses termes
soient nuls, alors il doit y avoir un terme non nul.
C.-à-d. encore : si A est une propriété élémentaire alors ¬¬A ⇒ A.
L’école constructive russe admet MP. En fait, pour un α ∈ NN , il semble impossible de donner
une preuve constructive de ¬(α = 0) sans trouver un n tel que α(n) 6= 0. Ainsi MP est valide
d’un point de vue pratique dans le constructivisme à la Bishop. Remarquons aussi que LPO
implique clairement MP.
König. Les principes problématiques suivants semblent intéressants à étudier dans leurs relations
mutuelles, d’autant plus qu’ils apparaissent très souvent en analyse classique.
UC+ Toute fonction ponctuellement continue f : X → Y , avec X espace métrique compact et
Y espace métrique, est uniformément continue.
UC Toute fonction ponctuellement continue f : {0, 1}N → N est uniformément continue.
Min Toute fonction réelle > 0 uniformément continue sur un espace métrique compact est
minorée par un réel > 0.
Min− Toute fonction réelle > 0 uniformément continue sur un intervalle compact [a, b] est
minorée par un réel > 0.
Min+ Toute fonction réelle > 0 ponctuellement continue sur un espace métrique compact est
minorée par un réel > 0.
KL2 Un arbre binaire explicite A qui ne possède pas de branche infinie (i.e., ∀α ∈ {0, 1}N ∃m ∈
N α|m ∈
/ A) est fini.
KL+
2 Un arbre binaire énumérable qui ne possède pas de branche infinie a une profondeur
bornée11 .
Dans la formulation KL2 , on voit que ce principe est apparemment voisin de LLPO (voir la
dernière forme équivalente KL1 citée page 656). En fait, on peut montrer qu’il est une conséquence
de LPO. Mais il ne s’agit pas d’un principe d’omniscience. D’ailleurs il n’implique pas LLPO.
En fait LLPO est manifestement faux en pratique (en mathématiques constructives) tandis que
KL2 est vérifié en pratique : chaque fois que l’on sait prouver constructivement qu’un arbre à
embranchements finis n’a pas de branche infinie, on sait également prouver qu’il est fini.
Exercices et problèmes
Exercice A.1 Donnez des démonstrations pour les exemples A.1.1, A.1.2, A.3.1, A.3.2 et A.3.3.
Exercice A.2 Expliquez pourquoi les notions d’ensemble fini, finiment énumérable, borné en nombre,
faiblement fini, énumérable et borné en nombre, ne peuvent pas être identifiées en mathématiques
constructives. Expliquez pourquoi ces notions coïncident si on admet le principe du tiers exclu.
Exercice A.3 Démontrer quelques unes des équivalences signalées pour LPO.
Exercice A.4 Démontrer quelques unes des équivalences signalées pour LLPO.
Commentaires bibliographiques
La polémique sur la nature et l’usage de l’infini en mathématiques a été très vive au début
du 20e siècle : voir par exemple Hilbert [95, 1926], Poincaré [134, 1909], H. Weyl [176, 1918],
[Brouwer, 1951] et [Infini, 1987]). Le débat a semblé en un premier temps se terminer à l’avantage
du point de vue représenté par la logique classique. En fait, depuis les années 60 et notamment
la parution du livre de Bishop, les deux points de vue sont nettement moins opposés qu’il ne
pouvait paraître. Voir à ce sujet [Lorenzen, 1967], [148, Fred Richman, 1990], [Dowek2, 2007] et
[123, Per Martin-Löf, 2008].
La logique constructive s’appelle souvent (( logique intuitionniste )). Elle a été mise au point
en tant que système formel par A. Heyting.
On trouve des exposés agréables de tels systèmes formels (en confrontation avec les sys-
tèmes correspondant à la logique classique avec Tiers Exclu) dans les livres [Lorenzen, 1962]
11. Il revient au même de dire qu’il est borné en nombre.
Commentaires bibliographiques 659
et [David, Nour & Raffali, 2001]. Le petit livre [Dowek1, 1995] donne aussi une présentation
informelle intéressante.
Concernant la discussion sur les rapports entre effectivité et récursivité voir [38, Coquand],
[94, Heyting] et [158, Skolem].
Le livre [Beeson, 1985] fait une étude systématique de nombreux principes problématiques
en mathématiques constructives. Pour l’arbre singulier de Kleene voir [Beeson, page 68] et
[Kleene & Vesley, 1965].
La mise au point et la comparaison de systèmes formels pouvant servir de cadre aux mathé-
matiques constructives pratiquées dans [Bishop] ou [MRR] est depuis longtemps un sujet très
actif de recherche. On notera l’influence prépondérente de la théorie constructive des types CTT
de Per Martin-Löf, [Martin-Löf, 1984], [122] et de la théorie CZF de Peter Aczel [1].
Citons aussi le beau livre [Feferman, 1998] qui se situe dans la lignée des propositions
d’Hermann Weyl.
Pour une discussion sur le (( Fan Theorem )) voir [33, Coquand].
L’étude systématique de la comparaison (en mathématiques constructives) de principes
d’omniscience (tels que LPO ou LLPO), ainsi que celle de principes problématiques (tels que
MP ou FAN) a pris récemment un essor important. On pourra consulter à ce sujet [12, 13, 14,
Berger&al.] et [99, 100, 101, Ishihara].
Tables des théorèmes
Méthodes dynamiques
Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page
Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . no page
Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . no page
Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . no page
Théorèmes
Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . no page
Tables des théorèmes 663
La méthode dynamique
Modules plats
Dimension de Krull
Le principe local-global
Lemme des localisations successives, 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15.1.3 573
Lemme des localisations successives, 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15.1.5 573
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Index des notations
page
Exemples
DerR (B, M ) le B-module des dérivations de B dans M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Der(B) le B-module des dérivations de B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
ΩB/R le B-module des différentielles (de Khäler) de B, voir aussi page 231 . . . . . . . . . . . . 5
La méthode dynamique
B(A) algèbre de Boole des idempotents de A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274
B(f ) base (( canonique )) de l’algèbre de décomposition universelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278
Dimension de Krull
Spec A spectre de Zariski de l’anneau A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504
DA (x1 , . . . , xn ) ouvert quasi compact de Spec A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504
Spec T spectre du treillis distributif T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505
DT (u) ouvert quasi compact de Spec T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505
Oqc(T) treillis distributif des ouverts quasi compacts de Spec T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505
JAK (x) hxi + (DA (0) : x) : idéal bord de Krull de x dans A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506
JAK (a) a + (DA (0) : a) : idéal bord de Krull de a dans A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506
AxK
A JAK (x) : (anneau) bord supérieur de x dans A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506
K
SA (x) N
x (1 + xA) : monoïde bord de Krull de x dans A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506
K
Ax K
(SA (x))−1 A
: (anneau) bord inférieur de x dans A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 506
Kdim dimension de Krull (voir aussi la définition 13.6.1 page 518) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 507
Kdim A 6 Kdim B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 508
K
SA (x0 , . . . , xk ) monoïde bord de Krull itéré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 508
JAK (x0 , . . . , xk ) idéal bord de Krull itéré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 508
K
IA (x0 , . . . , xk ) idéal bord de Krull itéré, variante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 508
K
JT (x) ↓ x ∨ (0 : x)T : idéal bord de Krull de x dans le treillis distributif T . . . . . . . . . . . . . 519
x
TK T JTK (x) : (treillis) bord supérieur de x . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 519
JTK (x0 , . . . , xk ) idéal bord de Krull itéré dans un treillis distributif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 519
A a⊥ × A (a⊥ )⊥ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A{a} 522
Amin clôture quasi intègre minimale de A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 523
Vdim A dimension valuative. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528
Le principe local-global
M(U ) le monoïde engendré par l’élément ou la partie U de A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 573
S(I, U ) { v ∈ A | ∃u ∈ M(U ) ∃a ∈ hIiA , v = u + a } . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 573
S(a1 , . . . , ak ; u1 , . . . , u` ) S({a1 , . . . , ak } , {u1 , . . . , u` }). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 573
résiduel d’un anneau local, 328 d’un élément dans une algèbre strictement
séparablement clos, 212 finie, 215
séparablement factoriel, 210 dimension
corps de fractions d’un système polynomial sur un corps discret,
d’un anneau intègre, 75 268
corps de racines d’une algèbre de présentation finie sur un
d’un polynôme, 76 corps discret, 268
correspondance galoisienne, 77 d’une variété affine, 268
cotransitivité, 648 dimension 6 1
cotransposé anneau quasi intègre de —, 434
élément — (dans une algèbre libre), 93 dimension de Heitmann, 551
élément — (dans une algèbre strictement dimension de Krull
finie), 222 d’un anneau commutatif, 507
endomorphisme —, 61, 185 d’un support, 555
cotransposée d’un treillis distributif, 518
matrice —, 27 dimension valuative, 528
couple saturé, 421 discret
couple unimodulaire, 636 corps —, 23
coupure, 447 ensemble —, 23
cyclique discriminant, 41, 69
module —, 180 d’un corps de nombres, 94
disjointes
D-complémentaires suites —, 549
suites —, 555 distinction, 648
décomposable domaine
anneau —, 345 de Prüfer, 113
élément — dans un anneau, 344 dualisante, 224
décomposé Dunford
anneau —, 345 décomposition de Jordan-Chevalley- —, 110
décomposition D-unimodulaire
bornée, 429 vecteur, 555
complète, 429
partielle, 429 élémentaire
Dedekind groupe —, 31
anneau de — à factorisation totale, 484 manipulation — de lignes, 31
anneau de —, 484 matrice —, 31
idéaux qui évitent le conducteur, 97 élémentairement équivalentes
inversion d’un idéal à la —, 95 matrices —, 31
Lemme de —, 240 élimination
polynôme de —, 114 d’une variable, 98
Dedekind-Mertens, ix, 58, 63, 64, 99, 108, 124, idéal d’—, 83, 87, 156, 161
451, 455 lemme d’— de base, 87
degré formel, 16 lemme d’— général, 156
dénombrable théorie de l’—, 83
ensemble —, 650 ensemble
dérivation énumérable, 650
d’une algèbre dans un module, 4, 231 borné, 281, 650
d’une algèbre, 4, 231 dénombrable, 650
en un point (un caractère) d’une algèbre, 337 des fonctions de E vers F , 23
module des —, 4, 231 des parties détachables, 23
universelle, 231 des parties finies, 59
dérivée de Hasse, 254, 390 des parties finiment énumérées, 59
détachable, 23 discret, 23, 648
déterminant faiblement fini, 650
d’un endomorphisme, 185 fini, 59
de Gram, 41 finiment énumérable, 59
diagonaliser, 228 infini, 650
différente entier
d’un élément dans une algèbre libre finie, 73 anneau — sur un sous-anneau, 65
688 Index des termes