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Fiche 5 Economie Mondiale

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Filière : ECS HGGMC

Chapitre 2 : L’économie mondiale : Croissances, ruptures et


bouleversements (de 1945 au début des années 1990)
I- Croissance et types de croissance de 1945 au début des années 1970
A partir du début des années 1950, le monde entre dans une longue phase de croissance qui ne se termine, sous
l’impact des difficultés monétaires et des chocs pétroliers, qu’au début des années 1970. Cette période de croissance,
que l’économiste français Jean Fourastié qualifia de « Trente Glorieuses » à la fin des années 1970, est marquée
particulièrement dans les pays développés à économie de marché (PDEM) qui sont situés en Amérique du Nord, en
Europe occidentale (Royaume-Uni, France, Italie, RFA, Pays-Bas, Belgique) et dans une partie du Pacifique
occidental (Japon, Australie et Nouvelle -Zélande). Cette période concerne également l’URSS, les économies
communistes d’Europe centrale et orientale mais aussi les Etats du Tiers-Monde. Or si les PDEM ont engagé depuis
plusieurs décennies un processus d’essor économique et les Etats communistes d’Europe s’appuient sur leur potentiel
agricole ou industriel, la situation des pays du Tiers –Monde est délicate. En effet, ces Etas, sur cette période,
souffrent de beaucoup de problèmes économiques et sociaux, tentent de sortir du sous-développement et d’entamer
un processus de croissance.

1- Croissance, prospérité et mutations sociales dans les PDEM


Au lendemain du second conflit mondial, après que l’Europe occidentale et le Japon aient surmonté les difficultés
liées aux effets de la guerre, les PDEM connaissent, près d’un quart de siècle, une phase de croissance exceptionnelle.

a- Une croissance importante dont les fondements sont multiples et solides


Au début des années 1950, les Etas –Unis, les Etas d’Europe occidentale (Royaume –Uni, France Italie, RFA,
Pays- Bas, Belgique) et le Japon, sont les premières puissances économiques mondiales. L'antériorité de leur
développement économique et social est un atout, les principes de l’économie de marché y sont solidement ancrés
et les effets dramatiques du second conflit mondial se sont, en partie, estompés en Europe de l’Ouest et au Japon. Le
rôle moteur des Etas Unis (le PIB par habitants frôle déjà 10.000 dollars en 1950 et le BIP équivaut à 50 % du PIB
mondial) dans le redressement économique de ces régions du monde a été central. Désireux de lutter contre les effets
sociaux de la guerre, de contribuer au redressement des puissances occidentales d’Europe et de mettre en application
les principes du « Containment », les Etas Unis ont injecté sur le vieux contient, treize milliards de dollars dans le
cadre du plan Marshall (1947) et près de deux milliards à destination de l’ancien ennemi nippon (plan Dodge en
1949). Partenaire, soutien financier, mais aussi allié précieux (naissance de l’OTAN en 1949) en ce début de guerre
froide, le géant américain donne une impulsion essentielle à la croissance qui démarre alors dans les PDEM.
Malgré d’importantes disparités entre les pays, cette période se démarque des phases de croissance antérieures
en raison de son dynamisme et de sa durée. Entre 1950 et 1973. Le BIP est multiplié par 3,8 en RFA, par 3 en France,
par près de 8 au Japon et par 2,4 aux Etas- Unis. Les taux de croissance annuelle du produit intérieur sont
remarquables, ils atteignent près de 5% en France, en Italie ou en RFA et plus de 8% au Japon (avec de nombreuses
pointes au-dessus de 10% en particulier dans les années 1960). Cette période est également marquée par la forte
croissance de PIB par habitant, il augmente de 74 % Etas –Unis de près de 150% en France mais de 208% en RFA
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et de quasiment de 500% au Japon. Un des traits spécifiques de cette période provient du fait que la croissance n’est
pas entrecoupée de véritable récession mais plutôt par de brefs ralentissements conjoncturels (comme celui que
connait le Japon en 1965 par exemple) qui ne remettent pas en cause le trend d’ensemble.
Les différences de taux de croissance entre PDEM aboutissent à un processus de convergence des niveaux et
des conditions de vie .En effet ,à la fin de la période , les Etas Unis demeurent la première puissance mondiale et
leur niveaux de vie reste parmi les plus élevés du monde ( PIB /hab. de près de 17 000 dollars en 1973 ), mais il faut
noter que certains PDEM ont connu une croissance beaucoup plus rapide. En effet, les taux de croissance de PIB
Japonais (souvent supérieurs à 10% par an) ont permis au Japon de devenir la deuxième puissance économique
mondiale. En Europe occidentale, le Royaume- Uni, dont la croissance est resté modeste , a perdu son avance , alors
que les performance économiques de la RFA lui ont permis de devenir la première puissance économique européenne
et la troisième à l’échelle mondiale. La France et l’Italie ont aussi connu une forte croissance contribuant à combler
certains retards. Cette évolution se traduit par un resserrement des niveaux de vie : ainsi, au début des années 1970,
le PIB par habitant est de plus de 13 000 dollars en France, de près de 12 000 en RFA et il atteinte 11 400 $, au Japon.
Quant aux pays scandinaves, ils ont désormais des PIB/habitant voisins de celui des Etats-Unis.

b- Une croissance qui concerne tous les secteurs d’activité


La croissance, durant la période des trente glorieuses, concerne et touche tous les secteurs d’activité des PDEM.
Dans tous ces pays, la croissance des productions industrielles est étroitement liée à celle du PIB (au Japon, les
productions industrielles augmentent de 12% par an entre 1961 et 1973). Les performances des secteurs traditionnels,
en particulier de l’énergie et la métallurgie, et des biens d’équipement, sont confrontées par celles de l’automobile
et des biens de consommation (électro-ménager, vêtements). Dans le même temps, la haute technologie, dynamisée
par les secteurs de l’armement (en particulier aux Etats-Unis), de la pharmaceutique de l’aéronautique (naissance du
Concorde qui effectue son premier vol test 1969) et de l’électronique (l’américain IBM met au point les premiers
ordinateurs), est également en plein essor. Dans le secteur agricole on observe une forte croissance des productions
et un vaste mouvement de restructuration vers un modèle productiviste. Si depuis le XIX siècle, la tertiarisation
constitue une tendance de fond des économies développées, le phénomène s’accentue à partie des années 1950.
Dynamisés par la forte croissance de la demande des services liés à la consommation collective dans les secteurs de
la santé, de l’éducation ou des transports, par une forte croissance de la consommation des services liés au succès des
biens de consommation (crédit, assurance, publicité) et par le développement des services aux entreprises (nettoyage,
gestion), les entreprises du secteur tertiaire des pays développés, prospèrent, génèrent de la richesse et créent des
emplois. Par ailleurs, l’essor des grandes entreprises du secteur industriel contribue également à favoriser la création
d’emplois de gestion, de recherche et d’encadrement qui alimentent les effectifs employés dans les services.
Dans le secteur industriel comme dans celui des services, les grandes entreprises accentuent le processus de
concentration qui avait repris pendant la guerre. Aux Etats-Unis, où les géants de l’énergie (Taxaco, Mobil, Exxon),
de l’industrie automobile (GM, Chrysler et Port réalisent près de 95% de la production dans les années 1960), de la
grande distribution (Wall Mart en 1962), de la restauration rapide ou de l’agroalimentaire (Philipp Morris, Coca
Cola) voient leur poids se renforcer, le dynamisme des grandes entreprises est, comme au Japon en en Europe
occidentale, la fois le reflet et un des fondements de la croissance. Ces groupes, dont les performances rejaillissent
sur un nombre croissant de sous-traitants (PME), dégagent d’importants profits, attitrent de nombreux investisseurs
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et disposent d’une puissance financière parfois considérable (à la fin des années 1950, le chiffre d’affaires de General
Motors est légèrement inférieur au budget de la France). D’une manière générale, les secteurs de la recherche et du
développement (RD) connaissent alors une activité croissante.
Afin de proposer des produits nouveaux, mieux adaptés, (apparition en France de la télévision en couleur en 1967)
et pour améliorer la productivité , les entreprises investissent dans des proportions, les gains de productivité sont
également considérables, tant dans l’industrie que dans l’agriculture ou les rendements augmentent rapidement la
taylorisation des moyens de productions et de gros efforts logistiques, venus du Japon (Juste à temps) permettent de
réduire les stocks et de réaliser d’importantes économies d’échelle. Si l’influence des entreprises nippones commence
à se faire sentir, en particulier dans le secteur automobile (Toyotisme), les entreprises d’Europe occidentale restent
toutefois davantage influencées par le modèle américain.
Riche en bouleversements structurels et en performances technologiques, la période est également portée par
un contexte macroéconomique favorable. Dans tous les PDEM, le dynamisme des différents secteurs d’activité est
créateur d’emploi, les taux de chômage sont, et restent pendant plus de deux décennies, faibles (inférieurs à 5% et
souvent à 2% de la population active en RFA, en France ou Japon). Les salaires et plus généralement les revenus,
moteurs de la consommation, sont orientés à la hausse (en France le revenu des ménages s’accroit de 54% entre 1949
et 1959, et de 130% entre 1959 et 1974) ; le rapport au crédit se démocratise, d’autant que les taux sont bas, et les
capacités d’épargne sont encore importantes (en particulier au japon). A ces paramètres, il faut superposer l’impact
de la croissance démographique que connaissent les pays développés (la population japonaise passe ainsi de 72 à 107
millions d’habitants entre 1945 et 1973). Plus jeunes, plus nombreuses et plus riches, ces populations jouent un rôle
majeur dans le processus de croissance, tant en raison de leur capacité à consommer (le marché des produits destinés
aux jeunes enfants est en plein essor) que par les besoins qu’elles génèrent en terme de services (éducation, santé…)
ou par leur rôle (pour ceux qui sont nés à la fin des années 1940) sur le marché du travail à la fin la période. Par
ailleurs, les économies des pays développés profitent de l’essor remarquable des échanges internationaux dynamisés
par d’importants progrès techniques dans le domaine des transports, les flux de marchandises, longtemps fragilisés
par la crise des années 1930 et la seconde Guerre mondiale, connaissent une forte croissance : ainsi, entre 1950 et
1973, ils augmentent en volume, en moyenne de 8% par an. A la fois effets et aspects de la croissance, ces flux sont
dynamisés par le recul des droits de douanes (au moins sur les produits industriels) que permettent, à l’échelle
mondial, les accords du GATT (Général Agreement on Tarifs and Trade) et à l’échelle de l’Europe occidentale, la
CEE qui abolit, dès 1968, les droits de douanes entre ses six membres. A ces flux de marchandises il faut associer,
la part croissante des flux de capitaux, en particulier des flux de dollars. Essentiel dans la dernière moitié des années
1940, puisque permettant le redémarrage rapide de l’Ouest de l’Europe et du japon, le dollar, dont la stabilité et la
puissance sont acquises depuis Bretton Woods (au moins jusqu’au début des années 1970) joue également.
Un rôle important par le biais des investissements directs à l’étranger (IDE) que réalisent, en particulier à partir des
années 1960, les grandes entreprises américaines. Principalement investis en Europe occidentale, mais aussi au
proche Orient (pétrole), en Amérique Latine voire en Asie orientale, ces capitaux contribuent à dynamiser les
économies réceptrices de ces IDE et à conforter (non sans poser des difficultés à la balance des paiements américaine)
la croissance de ces entreprises.

c- Le rôle de l’Etat
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L’accélération de la croissance, durant la période 1945-1973, a été marquée par un renforcement considérable du
rôle et de l’Etat ainsi que du poids des dépenses publiques dans le PIB des PDEM. Désireux de tirer des leçons de la
crise des années 1930 et des échecs des politiques de régulation libérales, les Etats développés adoptent une posture
interventionniste au sortir de la guerre.
En Europe occidentale, les préoccupations sociales sont au cœur des politiques publiques de l’après-guerre.
Nombreux sont les constitutions (France, Italie, Japon, RFA) qui affirment l’importance des questions sociales. Afin
de mettre les populations les plus fragiles, à l’abri du besoin, certains Etats (Royaume-Uni, France en particulier)
créent pour les salariés des systèmes d’assurances sociales couvrant les risques maladie et la vieillesse et donnent
naissance à ce que l’on qualifie bientôt d’Etat providence. Aux Etats- Unis, les efforts déployés à destination des
populations les plus fragiles sont accentuées au milieu des années 1960.
Certains Etats, notamment ceux de l’Europe occidentale, mais aussi le Japon, décident de renforcer leur position
dans le fonctionnement de l’économie de marché. Par le biais de nationalisation, les gouvernements britanniques et
français affirment leur volonté de se donner les moyens de piloter des secteurs considérés comme essentiels :
extraction minière (dès 1945 en France), électricité (1947 au Royaume- Uni), transports aérien, mais aussi secteur
bancaire (nationalisation de la banque de France et la banque d’Angleterre en 1945). Nombreux sont les Etats, comme
l’Italie, la RFA ou l’Autriche, à conserver le contrôle de secteurs clés (transport ferroviaire, hydrocarbures).
Les politiques de planification engagées entre la fin de la guerre (dès 1946 en France) au début des années 1960
(premier plan quinquennal britannique) principalement en Europe occidentale, fixent des objectifs techniques ou
quantitatifs à atteindre.
Désireux de ne pas laisser la fonction de régulation économique aux seuls acteurs du marché, les
gouvernements des PDEM sont également nombreux à accentuer leur rôle dans ce domaine. Par le moyen de
politiques budgétaires dynamiques, par le biais d’une politique monétaire adroite qui permet à la fois de favoriser la
consommation en fixant de faibles taux directeurs ou ralentir l’inflation en jouant sur la hausse de ces taux), par
l’instauration d’un salaire minimum destiné à soutenir la consommation des revenus les plus modestes, les
gouvernements des grandes puissances capitalistes contribuent à accompagner et à orienter la croissance.
Les dépenses publiques augmentent ainsi dans tous les PDEM entre 1950 et 1970. Elles dépassent 40% du
PIB dans la plupart des pays de l’Europe occidentale, elles sont moins lourdes aux Etats-Unis (environ 30% du PIB)
malgré le coût de la guerre du Vietnam et encore plus modeste au Japon (environ 20% du PIB) en raison de
l’importance de l’épargne et de la modestie des dépenses sociales du gouvernement nippon.
d- Une croissance qui engendre des transformations sociales
La croissance enregistrée dans les PDEM a entraîné des changements sociaux de la population de ces pays :
Jouant un rôle essentiel dans la forte croissance de la population et confirmant les nombreuses avancées sanitaires
et alimentaires que connaissent ces pays, la baisse de la mortalité, entamée depuis plusieurs décennies, se poursuit,
celle de la mortalité infantile s’accentue rapidement.
Dans le même temps, le processus d’urbanisation perdure dans de nombreux Etats. L’essor des activités tertiaires
et la permanence du poids de l’industrie, expliquent la persistance de l’exode rural en Europe et aux Etats –Unis,
alors qu’au Japon, le processus est beaucoup plus brutal en raison du nombre encore important du ruraux au sortir de
la guerre. Ainsi le taux d’urbanisation japonais, qui était inférieur à 40% en 1945, atteint 75 % au début des années
1970.
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La prospérité et le dynamisme des entreprises génèrent un besoin important de main-d’œuvre, en particulier en
Europe occidentale où les effets démographiques de la guerre se font le plus sentir. Malgré la vigueur de la natalité
(dont l’impact n’est pas immédiat sur le nombre des actifs) nombreux sont les gouvernements (France, Royaume-
Uni, RFA) à adopter une politique migratoire dynamique et à inciter les populations étrangères à venir s’installer sur
leur territoire. Dès 1956, le chancelier ouest-allemand, lors d’un déplacement à Rome, invitait les Italiens à venir
travailler en Allemagne, dans les années qui suivent, la RFA signe des accords avec la Grèce (1960) et la Turquie
(1961) mais aussi avec le Maroc, le Portugal ou la Tunisie afin de favoriser l’arrivée de travailleurs étrangers.
Outre ces bouleversements démographiques, la croissance a favorisé l’accélération des évolutions de la
population active au sein des PDEM. Le recul, déjà engagé depuis le XIX siècle, du nombre et de la part des
agriculteurs se poursuit (leur part passe de 27% à 11% de la population active des PDEM entre 1950 et 1970). Il est
accompagné du maintien, voire du renforcement, de la population active industrielle et de l’essor prononcé du nombre
des actifs du secteur tertiaire. Dans le même temps, l’élévation du niveau scolaire des générations de l’après-guerre
que l’on constate dans ces pays, est étroitement liée aux besoins d’un marché du travail toujours plus friand d’actifs
qualifiés. Si l’on prend également en compte la progression de l’emploi féminin et celle du salariat, on perçoit
nettement l’importance des bouleversements structurels que connaissent les populations actives des pays développés
sur cette période.
Disposant de revenus orientés à la hausse, dans un contexte de croissance des salaires, d’essor du travail féminin
(qui assure à de nombreux foyers un double revenu) et des prestations sociales, les populations des pays développés
à économie de marché profitent également d’une diminution de la durée du temps de travail et donc de l’augmentation
du temps libre. De nombreux paramètres expliquent donc le lien étroit qui existe entre la croissance économique et
le basculement vers la consommation de masse. La loi d’Engel (plus le revenu augmente, plus la part de dépense
consacrée aux besoins primaires, diminue) s’applique alors pleinement (en France, la part de l’alimentation ne cesse
de diminuer, 38,3 % en 1960 contre 28,3% en 1973). Les produits électro- ménagers que sont les réfrigérateurs, les
cuisinières, les machines à laver, mais aussi les radios dont les ventes sont dynamisées par l’apparition du transistor
dans les années 1950, les tourne –disques et les télévisions (6 millions de postes sont fabriqués, des 1952, aux Etas
Unis) connaissent un succès considérable.
Dans cette période où la tendance est déjà à une certaine uniformisation des modes de vie, la place croissante
occupée par les loisirs et les bouleversements du rapport à la culture méritent d’être évoqués. Le cinéma continue à
attirer les foules (on compte encore près de 15 millions de spectateurs par semaines au début des années 1970 aux
Etats-Unis), mais la télévision lui fait de l’ombre. Informations, séries et programmes sportifs (succès important des
jeux olympiques de Mexico en 1968 et de Munich en 1972) contribuent à faire de la télévision un phénomène de
masse qui transforme le foyer en un des espaces privilégiés du rapport au divertissement tout en accélérant
l’uniformisation des goûts et des productions. La démocratisation du tourisme pour les classes moyennes des PDEM
est également une des mutations majeures de la période. Au début des années 1970, les touristes ouest-allemands
sont déjà près de 6 millions à fréquenter les rivages du Sud de l’Europe.
e- Limites et contestation de la croissance
Au début des années 1970, les économies des PDEM sont victimes d’une forte inflation qui devient
préoccupante. La hausse des prix et des salaires a généré un phénomène de gonflement de la masse monétaire
qu’accentuent les pratiques en vogue dans la plupart des Etats de recours à la création monétaire. Cette inflation n’est
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pas toujours perçue comme une véritable menace (Georges Pompidou affirmait préférer l’inflation au chômage)
d’autant qu’elle rend l’endettement (des ménages, des entreprises et des Etats) mois douloureux, mais elle pose la
question de la stabilité monétaire et a même des répercussions sur les échanges internationaux (les prix des produits
manufacturés des pays développés augmentent fortement, les monnaies les plus faibles sont avantagées, c’est le cas
du Yen…)
Peu à peu le système monétaire international (SMI), mis en place à Bretton Woods, vacille. L’importance
croissante des dollars en circulation dans le monde, en particulier en Europe (on parle d’Eurodollars) et le creusement
du déficit budgétaire américain (en particulier en raison des dépenses générées par la guerre du Vietnam) génèrent
un phénomène de conversion de dollars en or qui contribue à faire fondre le stock d’or de la FED (banque centrale
des Etats-Unis) et à rendre de plus en plus difficile la convertibilité du dollar en or.
Confrontés à un creusement du déficit de leur balances des paiements et à l’érosion de leurs avoirs en or, les Etats-
Unis annoncent, le 5 août 1971, la fin de la convertibilité du dollar en or ce qui, de fait, met un terme à la stabilité
monétaire et ouvre la voie à une nouvelle ère d’incertitude.
A ces menaces qui pèsent sur les équilibres monétaires et financiers des PDEM, se superposent les risquent
qu’entraine la dépendance énergétique de leurs économies. En quelques années les hydrocarbures (pétrole et gaz
naturel) se sont imposées comme des sources d’énergie incontournables et représentent près de 70% de la
consommation énergétique mondiale (contre 45% en 1955). Malgré leurs capacités de production les Etats-Unis sont
importateurs de pétrole et de gaz, plus grave encore, la situation des puissances d’Europe occidentale et du japon
dont la dépendance est remarquable. En 1973, 75% des besoins énergétiques de l’Italie sont couverts par les
importations de pétrole, à cette date, le Japon, importe 90% des 270 millions de tonnes qu’il consomme. Or, si les
prix de vente de ces matières sont longtemps restés très faibles (le prix du baril de pétrole est longtemps resté inférieur
à 2$), la pression des pays exportateurs de pétrole, essentiellement situés au Moyen-Orient (région fournit alors les
2/3 du pétrole vendu dans le monde) regroupés au sien de l’OPEP (née en 1960, cette organisation, composée de 13
Etats, réalise plus de la moitié de la production mondiale en 1973) est importante. A deux reprises, en 1971, ils
obtiennent un relèvement des Prix ce qui laisse planer la menace d’une hausse plus importante pour des économies
déjà fragilisées par l’inflation.

A ces limites structurelles que rencontrent les économies des pays développés, il faut associer les effets des
dérives du mode de croissance privilégie depuis plusieurs années par ces Etats. Ainsi l’essor rapide des espaces
urbanisés et la concentration accrue des populations dans les villes et leurs périphéries, favorisent une forte croissance
des prix des logements dont les effets sont déjà particulièrement perceptibles au Japon (entre 1963 et 1967 la hausse
moyenne du prix des logements frôle les 900%). Par ailleurs, le modèle productif privilégié par ces sociétés
d’abondances est nuisible pour l’environnement, notamment aux Etats-Unis où l’on consomme beaucoup d’eau,
d’énergie, d’espace et de matières premières par habitant.

Les catastrophes écologiques et les nuisances, liées au mode de production et de consommation font leur
apparition. Au Japon, plus encore qu’ailleurs, la proximité entre certaines activités industrielles dangereuses et les
populations, est à l’origine d’un drame sanitaire. Ainsi, la maladie de « Minamata » (intoxication par le mercure)
qui touche l’archipel dès la fin des années 1950 a fait plusieurs dizaines de victimes.

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C’est pourquoi, quelques voix discordantes se font entendre. Ainsi, le rapport Meadows, publié par le Club
de Rome (Créé en 1968, groupe d'experts internationaux : des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires
nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 53 pays) en 1972, propose qu’on fasse « halte à la
croissance ». Ce rapport en prédisant un avenir catastrophique au monde si nous persistions dans la croissance
actuelle, modélise les 5 tendances majeures dans le monde : industrialisation accélérée, croissance de population
rapide, malnutrition largement répandue, épuisement des ressources non renouvelables et un environnement
détérioré. Le rapport Meadows annonçait alors, sans pour autant être suivi immédiatement d’effets, les inquiétudes
concernant la diminution des ressources et la dégradation de l’environnement. La raison de cette dégradation est,
d'une part, la nature limitée de nombreuses ressources de matières premières et d'énergie, et d'autre part
l'accumulation des détériorations de l'environnement (déchets, pollutions, etc.).

La prospérité des sociétés occidentales et japonaise, est loin d’être uniformément partagée. Il existe des
exclus ou des personnes en marge de la société d’opulence, des pauvres (parmi les ouvriers, les employés, les
personnes âgées, certains jeunes, les petits paysans, les habitants des régions industrielles en difficulté ou de certains
régions rurales en retard de développement, de nombreux immigrés récents), y compris aux Etats-Unis. Dès 1958,
dans l’ère de l’opulence, John k. Galbraith soulignait les nouvelles manifestations de l’inégalité économique et
sociale.

2- Spécificités et limites de la croissance dans des économies communistes d’Europe


de l’Est
Si à la veille du second conflit mondial, l’URSS demeure le seul Etat communiste du monde, les mois qui suivent
la fin de la guerre voient le communisme se propager dans les Etats d’Europe centrale et orientale. Surmontant
rapidement les effets catastrophiques du conflit, l’URSS entre dans une longue phase de croissance mais peine à
surmonter les difficultés inhérentes au système communiste. Dans le même temps, le basculement des Etats d’Europe
centrale et orientale vers le communisme donne à toute cette région d’Europe une relative unité politique, économique
et sociale.

a- L’URSS et les pays de l’Europe centrale et orientale au sortir de la guerre

L’URSS sort de la seconde guerre mondiale en présentant un visage très différent de celui qu’il avait avant cette
guerre. Victorieuse, associée à toutes les conférences organisées après la guerre et à la mise en œuvre de l’ONU,
l’URSS fait son entrée dans le cercle étroit des grandes puissances diplomatiques de l’après-guerre. Cette capacité à
peser sur la géopolitique mondiale est étroitement liée à l’influence militaire qu’exerce l’armée rouge en Europe
centrale et orientale, à l’Est de l’Allemagne et de l’Autriche, mais aussi au Nord de la Corée et de la Chine. Par
ailleurs, les annexions des pays baltes, des îles Kouriles et de Sakhaline confortent un territoire déjà gigantesque et
riche en matières premières.

Cependant, les effets du conflit sont particulièrement lourds qui ont touché aussi bien le côté humain que matériel.
L’URSS est le pays le plus touché par la guerre avec plus de vingt millions de morts. A côté de ces dégâts humains,
les infrastructures routières et ferroviaires, les ponts et les gares sont détruits. De plus, les infrastructures industrielles
sont amputées et le potentiel agricole est très amoindri, la production a chuté de 40% par rapport à 1939.

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A côté des rigueurs des effets de la fin de la guerre, se superposent les conséquences de la politique répressive et
violente que le régime continue à appliquer : fermeture des frontières, certains groupes sociaux ont subi un traitement
répressif (les survivants des camps de prisonniers en Allemagne), contexte général dans lequel règne la terreur, ….

Les pays de l’Europe centrale et orientale connaissent la montée au pouvoir des partis communistes après la
seconde guerre mondiale. En Yougoslavie, en Albanie ou en Bulgarie dès la fin de l’année 1945, les partis
communistes remportent les élections en évinçant leurs opposants, alors qu’en Hongrie, en Roumanie ou en Pologne
entre 1946 et 1947, ils participent à des gouvernements de coalition avant d’écarter leurs alliés et d’imposer leurs
principes. Lorsqu’en février 1948, la Tchécoslovaquie bascule à son tour et après la naissance de la RDA en octobre
1949, le basculement de l’Est de l’Europe vers le communisme est effectif.

Les effets politiques de ces évolutions sont rapides. En effet, malgré la promulgation de constitutions et l’instauration
du suffrage universel, les « Démocraties populaires » sont de terribles dictatures. Les libertés fondamentales sont
bafouées, les partis d’opposition sont éliminés, la presse est censurée, les manifestations sont interdites. Les polices
politiques multiplient les arrestations et les déportations. En quelques années, tous ces Etats, à l’exception de la
Yougoslavie de Tito qui affirme son indépendance, deviennent des satellites de Moscou.

Dès leur arrivée au pouvoir, les pouvoirs communistes engagent d’importantes transformations de société. En
quelques semaines, les structures sociales préexistantes : partis, syndicats, associations professionnelles,
disparaissent, les anciennes élites sont évincées, les Eglises sont contrôlés. Dans tous ces pays, les moyens de
production sont considérés comme propriété du peuple. Peu de temps après la prise du pouvoir par les communistes,
l’Etat expropria de grandes entreprises dans les services et l’industrie, puis il fit disparaître les petites entreprises
privées (fin 1948, 83% de l’industrie était déjà étatisée en Hongrie, 98% en Bulgarie). Dans le même temps, la
nationalisation des banques et du commerce a lieu (à l’exception d’une partie du commerce qui reste privée en
Hongrie, en Yougoslavie et en RDA). Dès la fin des années 1940, des politiques planificatrices, privilégiant
l’industrie lourde, sont mises en place. Dans le même temps, de profonds remaniements dans le secteur agricole
(encore majoritaire dans cette région d’Europe) sont engagés. Après une courte phase des terres aux paysans dans le
cadre de réformes agraires, la collectivisation commence et se développe à un rythme inégal. Les coopératives
représentent 51% des terres cultivées en Tchécoslovaquie mais 87% en Bulgarie.

b- Une période de croissance et de progrès social

Dans la période de l’après-guerre (fin des années 1940 et début des années 1950), l’URSS connaît un
redressement rapide qui génère de la croissance. La reconstruction des infrastructures endommagées à l’ouest du
pays, la mise en œuvre des gigantesques chantiers, d’importants efforts déployés dans les industries métallurgiques,
énergétiques et dans les biens d’équipements (machines), ainsi que les dépenses engagées dans le secteur de
l’armement et de la recherche expliquent la forte croissance durant cette période.

Entre le début des années 1950 et le début des années 1970, l’économie soviétique et les économies des
démocraties populaires, connaissent une forte croissance. Le revenu national brut de l’URSS augmente

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régulièrement, selon un rythme proche de celui des puissances d’Europe occidentale et son PIB par habitant croît de
près de 114% entre 1950 et 1973. Cette croissance est étroitement lié aux performances industrielles (les productions
augmentent de 10% par an à la fin des années 1950 et encore de 8% au milieu des années 1960) et en particulier par
les succès des secteurs énergétiques, métallurgiques mais également de l’armement et de l’aérospatiale (lancement
du Spoutnik en 1957, Gagarine effectue le premier vol dans l’espace en 1961).

Les productions des démocraties populaires sont également orientées à la hausse, en raison de l’essor de
l’industrie lourde et des industries d’armement.

Dans le domaine agricole, d’importants progrès sont également perceptibles en raison des efforts entrepris dans le
domaine de la modernisation et de l’autonomie des coopératives agricoles. En URSS, la production d’engrais
augmente fortement et les tracteurs sont de plus en plus nombreux. Les productions sont orientées à la hausse, en
particulier dans le secteur des céréales (170 millions de tonnes au milieu des années 1960 contre près de 200 millions
de tonnes au milieu de la décennie suivante) et de la viande (la production passe de 10 millions de tonnes en 1965 à
15 millions en 1975). Des progrès sont également perceptibles dans les démocraties populaires, en Hongrie, à la fin
des années 1960, la pénurie alimentaire disparaît, l’agriculture devient exportatrice (vin, fruits, légumes) et le revenu
paysan s’améliore.

Dans toutes ces sociétés communistes, les efforts déployés par les gouvernements et la croissance économique, ont
permis d’améliorer les structures sanitaires (l’espérance de vie s’est accrue) et scolaires. Dans le même temps, on
observe une relative amélioration des conditions de vie de la population, le relèvement des salaires, celui des pensions
et la diminution de la durée hebdomadaire du travail, y contribuant. Les populations accèdent aussi à certains biens
de consommation durables, comme les équipements ménagers (téléviseur, réfrigérateurs, machines à laver) et les
besoins importants d’équipement favorisent l’essor des échanges avec l’Ouest (ils sont multipliés par 2 entre 1969 et
1971). Le processus d’industrialisation favorise l’urbanisation des sociétés d’Europe orientale et centrale (le taux
d’urbanisation passe de 60 à 68% en Tchécoslovaquie entre 1960 et 1973, de 37% à près de 60% en Bulgarie sur
cette même période), des villes nouvelles surgissent comme Nowa Huta à la périphérie de Cracovie (Pologne) pour
loger des milliers d’ouvriers produisant du fer, de l’acier, du charbon.

c- Retards et difficultés des mondes communistes au début des années 1970

Blocages politiques et économiques sont à l’origine des difficultés rencontrées par les économies communistes.
Dès la fin des années 1960 et au début des années 1970. Dans le secteur agricole, les difficultés demeurent
nombreuses et les efforts permanents déployés dans ce domaine par le pouvoir soviétique, sont autant de révélateur
des limites structurelles de telles réformes. Si des progrès ont été effectués, ils ne permettent pas à l’agriculture
soviétique de se situer au niveau d’efficacité des pays occidentaux. En 1963 ou en 1972, le pays est obligé d’importer
des céréales en raison d’une mauvaise récolte ; si le niveau de vie des kolkhoziens (relative à un kolkhoz : mot russe
désignant une coopérative agricole de production, dans laquelle la terre ainsi que les moyens d'exploitation sont mis
en commun) a progressé, leur productivité demeure modeste et les efforts de mécanisation ne suffisent pas. Dans le
domaine industriel, l’archaïsme des moyens de production, le manque de motivation des actifs, l’insuffisance des
investissements dans les industries de biens de consommation, mais aussi dans le secteur des transports
(infrastructures souvent obsolètes), demeurent des problèmes récurrents. En URSS comme dans les Démocraties

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populaires, les taux de croissance connaissent une nette décélération à partir du début des années 1970. Par ailleurs,
malgré les progrès effectués dans le domaine social, une nette différence de niveau de vie entre les populations de
l’Est et de l’Ouest de l’Europe existe au début des années 1970.

L’immobilisme du système est pour beaucoup dans la persistance des difficultés, la remise en cause de la
politique de décentralisation de la gestion de l’industrie au début des années 1960 en est de parfait exemple. Alors
que les sovnarkhozes (des organismes de direction de l'économie nationale suivant le principe territorial. Il s'agit de
réformes lancées par Nikita Khrouchtchev en URSS en 1957) disparaissent rapidement et que la centralisation fait
son retour dès 1963, la persistance de la mainmise du pouvoir politique sur la fixation des prix, la gestion globale de
la main –d’œuvre et le système des ventes, réduisent fortement les effets de la politique d’autonomie dont profitent
les entreprises, par ailleurs, la persistance de forts contrastes sociaux entre les membres de la nomenklatura et le reste
de la population, les difficultés chroniques d’accès au logement et l’absence de véritable marché de biens de
consommations contribuent à alimenter le mécontentement et à miner la crédibilité des régimes communistes.

Alors que le régime soviétique parvient à maitriser les critiques exprimées par les dissidents (Soljenitsyne, arrêté
en 1974 est finalement expulsé). Le mécontentement s’exprime avec davantage de virulence dans certains Etats
d’Europe central. En Pologne, l’année 1968 est marquée par d’importants mouvements de contestation. L’agitation
à l’Université de Varsovie est violemment réprimée par le pouvoir : arrestations et condamnations d’étudiants ou de
professeurs sont monnaie courante. Lorsqu’en 1970, le gouvernement décide d’augmenter de 30% les prix des
denrées alimentaires, les ouvriers des chantiers navals de Gdansk (un grand chantier naval polonais, situé dans la
ville de Gdańsk, sur la mer Baltique) se mettent en grève. Réprimé à son tour, ce mouvement, qui annonce les grandes
grèves des années 1980-1981, révèle le malaise qui taraude la société polonaise. Acmé de ces tiraillements politiques
et sociaux qui secouent le « bloc soviétique », le mouvement de contestation engagé par les intellectuels tchéco -
slovaques en 1967, débouche sur le « printemps de Prague » en 1968. La tentative de mise en œuvre d’un «
communisme à visage humain » entreprise par Alexandre Dubcek se heurte aux inquiétudes de Moscou. La terrible
répression qui est alors engagée par les troupes du Varsovie révèle non seulement les limites de la souveraineté des
démocraties populaires d’Europe mais aussi, les inquiétudes que suscite à Moscou, la permanence d’un refus et d’une
défiance à l’égard des principes communistes au sein des populations de ces pays.

3- Croissance et développement du Tiers- Monde : réalité et limites


La croissance des PDEM et des économies communistes d’Europe se produit dans un contexte de guerre froide
et de décolonisation. Entre la fin de la seconde guerre mondiale et le début des années 1970, de nombreux Etats
d’Asie et d’Afrique accèdent à l’indépendance. Confrontés à de nombreuses difficultés économiques et sociales, ces
pays sont qualifiés, au même titre que les Etats d’Amérique latine et d’autres Etats souverains et pauvres, de pays du
Tiers- Monde. Les efforts déployés par ces Etats pour sortir du sous – développement (souvent générateurs de
croissance économique) ne permettent, au début des années 1970, qu’à un tout petit nombre d’entre eux d’associer
croissance et développement humain

a- Le Tiers- Monde face au sous- développement

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En quelques années, les Etats récemment décolonisés ou en voie d’accession d’indépendance, rejoignent, au sein
de ce que les contemporains appellent le Tiers-Monde, de nombreux Etats souverains, souvent anciennement
décolonisés comme les Etats d’Amérique Latine ou du Moyen-Orient ou souverains depuis toujours tels que la Chine,
la Turquie, l’Afghanistan. Ces Etats sont loin de présenter un visage uniforme tant les signes de leur diversité
(culturelle, religieuse, politique) sont nombreux, pourtant, ils sont confrontés à des difficultés relativement
semblables qui donnent du sens à ce que les contemporains qualifient de sous-développement. La pauvreté est
certainement le plus important point commun entre ces pays du Tiers- Monde.

En 1950, l’Asie qui abrite plus de la moitié de la population mondiale dégage à peine moins de 20% de la richesse
mondiale alors que l’Amérique Latine et l’Afrique ne représentent respectivement que 7,8% et 3,4% du total. Malgré
d’importantes disparités, ces Etats sont logiquement confrontés à la faiblesse du PIB par habitant ; En 1958, ce dernier
est 13 fois plus faible en Asie ou en Afrique que celui de la moyenne des PDEM.

Parmi les nombreuses contraintes qui pèsent sur les économies et les sociétés de ces régions du monde, la
croissance démographique est certainement l’une des plus lourdes. Entre 1950 et 1975, les populations d’Asie
(+70%), d’Afrique (+85%) et d’Amérique Latine (+101%) sont fortement orientées à la hausse. Certains Etats,
comme la Chine populaire dont la population passe de 500 à 900 millions entre 1949 et le début des années 1960 ou
la Côte d’Ivoire dont la population double entre l’indépendance et la fin des années 1960, sont particulièrement
concernés. Aux taux très élevés de natalité (souvent entre 35 et 40% ) se superposent les effets du recul de la mortalité
pour générer des taux élevés d’accroissement naturel. D’importantes difficultés chroniques fragilisent également les
sociétés du Tiers- Monde. L’analphabétisme, la persistance d’une importante mortalité infantile, la sous nutrition,
sont autant de paramètres qui révèlent la pauvreté de ces régions du monde et qui contribuent à les maintenir dans
une situation difficile.

Malgré une importante population active dans le secteur (50% en Amérique latine et 75% en Afrique), les
performances agricoles demeurent très modestes et sont étroitement liées au manque de productivité et à l’archaïsme
des pratiques. Si certains Etats du Tiers- Monde ont déjà entamé leur processus d’industrialisation (Brésil, Argentine,
Mexique, Egypte), les carences du secteur industriel sont criantes dans la plupart de ces économies, elles poussent à
importer les produits manufacturés dont elles ont besoins et les maintiennent en situation de dépendance à l’égard
des puissances développées du Nord. Les infrastructures de transport sont encore modestes et elles rendent difficiles
les échanges avec le reste du monde. A ces handicaps structurels, il faut souvent ajouter les aléas politiques et
militaires auxquels sont confrontés la plupart de ces Etats. Dans un contexte d’instabilité, de conflits internes ou
d’affrontements inter étatiques, les difficultés que rencontrent les populations civiles sont particulièrement
nombreuses et démultiplient les effets du sous- développement.

b- Les Etats du Tiers – Monde mènent des stratégies de développement distinctes

Il existe une grande diversité des moyens déployés par les Etats du Tiers-Monde pour sortir du sous-
développement. Certains se tournent vers le modèle marxiste (Chine populaire, Corée du Nord, Viêt-Nam du Nord,
Cuba) ou s’en inspirent (Algérie, Ghana). D’autres choisissent de suivre les principes de l’économie de marché (la
majorité). Si les efforts de ces Etats portent souvent sur l’agriculture (Révolution verte en Inde, NPI) afin de lutter
contre la sous nutrition et la dépendance alimentaire, nombreux sont ceux qui privilégient les politiques
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d’industrialisation. Au moment où de nombreux Etats accèdent à l’indépendance, l’industrie occupe souvent une
place résiduelle dans leur économie. Or, ce secteur demeure partout (aussi bien dans les PDEM que dans les
économies communistes), un puissant moteur économique, il revêt une charge symbolique considérable qui explique
les efforts déployés dans ce domaine.

S’inspirant des réflexions de la CEPAL (Commission économique des Nations unies pour l’Amérique latine
née en 1948) qui invitent les Etats du sous-continent à sortir de la dépendance par rapport aux pays industrialisés,
bon nombre d’économies sous-développées décident de privilégier des stratégies de développement autocentrées (ou
intraverties). En Amérique latine, souvent initiée dès avant la seconde Guerre Mondiale ; l’Industrialisation par
Substitution des Importations (ISI) vise à valoriser les ressources locales et à substituer les productions nationales
aux produits manufacturés du Nord ; d’importants efforts sont alors déployés, en particulier au Brésil, en Argentine
voire au Mexique, pour développer les industries légères qui créent des emplois et permettent de satisfaire les besoins
de la population en biens de de consommation.

Dans une optique très différente d’autres Etats, souvent dirigés par des gouvernements d’inspiration marxiste,
mettent en œuvre une politique d’industries « Industrialisantes » (Algérie, Ghana). Désireux de développer les
industries lourdes (industries d’amont), ces gouvernements espèrent qu’elles auront un effet d’entraînement sur les
industries situées en aval et qu’elles permettront de satisfaire les besoins nationaux. Ainsi l’Algérie du président
Boumediene fournit, à la fin des années 1960, des efforts considérables pour développer les industries pétrolières et
les complexes pétrochimiques. Dans le même temps, le Ghana s’engage dans la production d’or (l’état nationalise
une partie des mines) et espère pouvoir créer un effet d’entraînement sur d’autres activités industrielles. L’Inde, quant
à elle, décide d’abandonner de modèle de développement (initié dans les années 1950) pour donner la priorité à
l’essor des biens de consommation et à la Révolution verte dans la décennie suivante.

D’autres Etats du Tiers-Monde font le choix de l’ouverture (stratégies extraverties) ; ainsi, s’appuyant sur
une main-d’œuvre nombreuse et bon marché, sur d’abondantes ressources et profitant parfois des infrastructures
(ports, routes, voies ferrées) qu’avaient construites les puissances coloniales, profitant des besoins importants des
économies développées dans ce domaine, ces Etats se spécialisent dans les exportations de matières premières (Café,
cacao, canne à sucre, arachide, coton, jute, caoutchouc, bois, fer, cuivre, pétrole). Cette stratégie doit permettre de
disposer de recettes destinées à financer les équipements publics (transports, éducation, santé) soit par la fiscalité
quand l’exploitation de ses ressources demeure privée (Cote d’Ivoire, Kenya) soit par l’exploitation directe dans le
cas des nationalisations (Ghana, Guinée).

Dans ces économies, la place des produits primaires dans les exportations devient alors essentielle : en 1965
elle représente 75% dans les économies en développement voire 93% pour l’Afrique subsaharienne et en Amérique
latine (contre 30% dans les PDEM). A la suite du Japon, qui apparaît, dans l’ensemble de l’Asie orientale, comme le
précurseur de cette stratégie, certains Etats que l’on qualifie rapidement de NPIA (nouveaux pays industrialisés
d’Asie) se sont engagés dans une stratégie économique baptisée stratégie d’industrialisation d’exportation (promotion
des exportations). La Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong et Singapour, réussissent à surmonter leurs handicaps
initiaux (modestie de la superficie, étroitesse du marché intérieur, absence de ressources naturelles) et s’appuient sur
l’interventionnisme prononcé des pouvoirs publics, sur une main d’œuvre bon marché et sur le dynamisme de certains

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grands groupes (Daewoo, Hyundai, Samsung). Après avoir rapidement satisfait les besoins nationaux en développant
une industrie de biens de consommation (textile, chaussure, petite mécanique, assemblage électroménager), ces
économies, à grand renfort d’emprunts, d’achats de matières premières et de machines, modernisent leurs structures
productive et se tournent vers l’exportation (en Corée du Sud, seules des productions textiles étaient exportés en 1960
mais en 1973 cette proportion atteint 47%). Dans le même temps, les NPI engagent une « remontée de filière » vers
les productions et technologies à forte valeur ajoutée. Ainsi, en Corée du Sud, se développent à la fin des années
1960 les industries sidérurgiques modernes et, dès le début des années 1970, les chantiers navals et la construction
automobile.

c- Réussites, difficultés et fragmentation du Tiers-Monde au début des années 1970

Malgré des résultats disparates, entre le début des années 1950 et le début des années 1970, toutes les économies
du Tiers- Monde sont concernées par la croissance avec un rythme supérieur à celui des PDEM (5,1% de croissance
moyenne annuelle entre 1950 et 1980 contre 4,3%). Certaines performances sont tout à fait remarquables :
« miracles » ivoirien (période de prospérité économique survenue dans les années 1960-1970) en Afrique, et brésilien
(forte croissance entre 1968 et 1973) en Amérique latine, essor des quatre « petits dragons » d’Asie. Dans la plupart
des pays, les productions agricoles sont orientées à la hausse, dans d’autres, les productions industrielles sont déjà
importantes et certains Etats ont même développé une industrie de pointe (Singapour, Corée du sud, Chine) confirme
que les pays du Tiers-Monde créent davantage de richesse au début des années 1970 qu’au début des années 1950.

La croissance des pays privilégiant les stratégies autocentrées et industrielles (industrialisation par substitution
aux importations ou industries industrialisantes) leur permet de se prendre un temps d’avance sur les économies qui
privilégient les exportations de matières premières agricoles (Afrique subsaharienne en particulier), qui continuent à
dépendre des PDEM, voire des pays communistes, dans le secteur industriel, tant leur retard s’accentue en raison de
la détérioration des termes de l’échange. Par ailleurs, alors que la « révolution verte » a gagné une partie de l’Asie et
de l’Amérique latine, leur permettant d’améliorer les rendements et d’accroitre sensiblement leur production agricole,
elle n’atteint pas l’Afrique, ce qui a des conséquences sur les disponibilités alimentaires par habitant.

La croissance n’a pourtant pas mis un terme aux difficultés chroniques de bon nombre d’économies du Tiers-
Monde. Le sous- développement persiste encore. Les efforts mis en œuvre par beaucoup de pays, quoiqu’ayant
favorisé la croissance, sont souvent contrebalancés par de nombreux difficultés. Les industries industrialisantes n’ont
pas entrainé les effets escomptés et ont souvent accentué les déséquilibres entre les régions en voie de développement
et les autres (en Algérie, le dualisme entre le Nord et le Sud s’est renforcé). Par ailleurs leur coût, souvent très
important, a accentué les difficultés financières de nombreux Etats (la dette publique du Ghana explose dans les
années 1960). Les pays d’Amérique latine constatent les limites de l’ISI : très coûteuse, cette politique accentue les
déficits publics et l’endettement. La faiblesse du marché intérieur, en raison du poids modeste des classes moyennes,
rend les efforts déployés dans le secteur des biens de consommation difficiles.

Pour tous les pays d’Afrique subsaharienne, d’Asie et d’Amérique latine ayant fait le choix des exportations
des matières premières, la dégradation des termes de l’échange détériore la situation financière de bon nombre
d’Etats, les importations de biens manufacturés et des biens d’équipement minent la balance commerciale. Partout

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les dépenses publiques, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation et des transports publics
demeurent très modestes.

Dans ce contexte, les performances de certains pays du Tiers- Monde, comme celles des pays exportateurs
de pétrole et celles des NPIA qui ont choisi d’intégrer la division internationale du travail en devenant des pays
ateliers et en privilégiant la remontée de filière, sont telles qu’elles leur permettre de distancer des pays moins avancés
tant dans le domaine de la richesse nationale que dans celui des indicateurs sociaux. Toutefois, les indicateurs affichés
par ces Etats sont des moyennes nationales qui masquent de fortes inégalités de niveaux et de conditions de vie à
l’intérieur de ces pays.

Conclusion

A la veille du premier choc pétrolier de 1973, la hiérarchie économique mondiale n’a pas été bouleversée par
la croissance. Les PDEM, Etats- Unis en tête, sont encore établis au sommet en raison de leurs performances
commerciales, industrielles et financières. Leurs populations vivent dans de bonnes conditions de vie et les écarts
entre le géant américain et ses partenaires (Japon et les pays de l’Europe occidentale) se sont réduits, tant en termes
de performance que de niveau de vie. Si ces régions du monde se distinguent nettement de la plupart des Etats du
Tiers- Monde et de ceux du bloc prosoviétique, l’essor de certaines économies asiatiques (NPI) ainsi que les
performances industrielles et les évolutions sociales de l’URSS et des démocraties populaires de l’Europe de l’Est
ont contribué à résorber certains écarts et à aplanir certaines différences.

La nouvelle phase qui s’ouvre à partir du début des années 1970, caractérisée par des crises multiples,
structurelles et conjoncturelles, et l’accentuation des différentiels de croissance entre régions du monde, favorise
d’ailleurs de nouvelles évolutions géoéconomiques.

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