Dimension de Complétude de L'information
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net/publication/342720005
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Résumé: La transparence est à la fois un élément de la gouvernance des banques, une exigence du
Comité de Bâle et une exigence de la COBAC contenue dans ses règlements. C’est aussi la dimension
de la gouvernance bancaire la moins discutée en Afrique Centrale. Cette recherche se propose donc
d’analyser la mise en pratique de cette exigence dans les banques au Cameroun. Dans cette perspective,
elle s’appuie sur une grille d’analyse de la transparence à 4 dimensions, inspiré de Ben Douissa (2011)
et adapté au contexte d’analyse. La quantification de l’indicateur permet de mesurer la transparence
tandis que la décomposition de l’indicateur permet d’analyser la pratique. Les données proviennent de
l’exploitation documentaire des rapports annuels entre 2010 et 2017. Il en ressort que les banques du
Cameroun sont faiblement transparentes. Seules 2 dimensions sont suffisamment mises en œuvre par
les banques au Cameroun. Les autres dimensions de la transparence doivent être renforcées.
Abstract: Transparency is both an element of bank governance, a requirement of Basel Committee and
an exigence of COBAC through its regulations. However, it is also the less studied dimension of bank
governance in Central African countries. Thus, this research aims to analyse the compliance to this
requirement in the Cameroonian bank sector. For this purpose, it relies on an analysis grid made of 4
dimensions, inspired from the work of Ben Douissa (2011) and adjusted to the Cameroonian context.
Index quantification give a metric for transparency while index decomposition sustained practices
analysis. Data come from a document-based analysis relying on banks annual reports between 2010 and
2017. Results show that Cameroon's banking sector is weakly transparent. Only two dimensions are
sufficiently implemented in those banks. The other dimensions of transparency still need to be
strengthened.
2
la théorie de l’agence (Jensen & Meckling, 1976 ; Fama & Jensen, 1983), une banque est aussi
bien un nœud de contrats qu’un fruit de diverses parties prenantes (dirigeants, apporteurs de
capitaux, emprunteurs, épargnants, agents de crédit, employés, …). De ce fait, la transparence
permet de trouver un équilibre entre les différents intérêts, d’assurer la discipline de marché et
une prise de risque raisonnable de la part des banques.
Ces présomptions théoriques sont validées par les recherches existantes sur la transparence
des entreprises bancaires. Ces travaux montrent en effet que la pratique de la transparence incite
les banques à une moindre prise de risques3 (Hyytinen & Takalo, 2003 ; Nier, 2004 ; Hirtle,
2007 ; Allenspach, 2009) ; contribue à rassurer les investisseurs, les déposants et ceux qui
prennent le crédit (Douissa, 2011) ; accroît la discipline du marché bancaire lorsqu’il n’existe
pas de mécanisme de garantie des dépôts (Nier, 2004). La transparence réduit aussi les chances
de crises bancaires sévères dans les économies ou l’environnement institutionnel est faible et
les risques d’aléa moral et de sélection adverse sont élevés (Diamond & Verrechia, 1991 ; Nier,
2004). En outre, la transparence bancaire est importante dans un contexte de faible efficience
des banques (Hirtle, 2007 ; Akhigbe & Stevenson, 2010 ; Farvaque et al, 2012 ; Akhigbe et al,
2013) ou encore lorsqu’un grand nombre de banques appartiennent à l’Etat (Srairi & Douissa,
2014).
Au Cameroun, le système financier est peu développé et dominé par le système bancaire,
ainsi que le démontre l’évolution de l’index du développement financier (FMI, 2018). Dans un
tel contexte, un niveau de transparence faible est souhaitable (Mckinnon & Dalimunthe, 1993 ;
Schadewitz & Blevins, 1998 ; Srairi & Douissa, 2014). En outre, les chiffres montrent que
l’inclusion financière est faible, même si l’on note un accroissement entre 2011 (15%) et 2017
(27%)4. Le manque de confiance est l’une des principales raisons évoquées pour expliquer
l’exclusion du système financier formel (20% déclarent ne pas avoir confiance en le système
financier). C’est le 4ème taux parmi les plus élevés en Afrique5. Ce problème de confiance est
d’ailleurs plus important au Cameroun qu’en Afrique (9%). Il devrait donc inciter les banques
à fournir des informations aux agents économiques dans le but de rétablir la confiance.
Deux évènements récents, relayés par les réseaux sociaux au Cameroun, peuvent permettre
d’illustrer l’importance de réduire l’asymétrie d’information, par le biais de la transparence,
afin de rassurer les déposants. De juin à décembre 2017, la difficulté à accéder aux distributeurs
automatiques ainsi que l’annonce de la fermeture de certaines agences d’ECOBANK sont
3
La transparence accroît la sensibilité du financement bancaire au risque, ainsi que l’incitation à contrôler le risque
4
Global Findex database 2017
5
On enregistre 23% au Gabon et en RDC, 22% en RCA et 18% en Côte d’Ivoire
3
interprétées, en l’absence d’informations en provenance de la banque, comme le signe d’un
départ de ECOBANK du Cameroun. Cela renforce la perte de confiance de la part des agents
économiques et accroît le risque de panique bancaire. Dans le même sens, de mars à juillet
2019, des rumeurs annonçant d’importants détournements à la SCB ainsi que l’indisponibilité
des distributeurs et l’annonce de l’arrestation de hauts cadres contribuent à une perte de
confiance de la part des usagers.
Ces évènements ainsi que les développements théoriques mettent en évidence l’importance
d’améliorer la fourniture d’information aux clients par les banques au Cameroun. A cet effet, il
apparaît judicieux de saisir la pratique de la transparence c’est-à-dire la manière concrète dont
la transparence est mise en œuvre dans les banques, par opposition au dispositif réglementaire
y relatif. Pourtant, à notre connaissance, peu de travaux se sont intéressés à cet aspect de la
gouvernance dans les banques au Cameroun. Cette recherche voudrait contribuer à combler ce
gap en proposant une analyse de la pratique de la transparence dans les banques exerçant au
Cameroun. Ainsi, à partir d’une grille d’analyse proposée par Douissa (2011), cette recherche
recourt à une analyse documentaire afin d’identifier les éléments du dispositif de transparence
qui sont effectivement mis en œuvre dans les banques exerçant au Cameroun. Puis, elle propose
une synthèse de l’information obtenue au moyen d’un index synthétique.
L’article est organisé autour de 5 sections. La section 2 expose les exigences de la COBAC
en matière de transparence. La section 3 présente la grille d’analyse et la méthodologie utilisée
afin d’analyser la pratique de la transparence. La section 4 présente et discute les résultats
obtenus. La section 5 expose les conclusions.
4
met en place des normes pour la règlementation prudentielle et la supervision des banques. Il
s’agit d’exigences minimales auxquelles les membres peuvent ajouter des exigences
supplémentaires s’ils le désirent. Les normes ainsi édictées sont alors soumises à un processus
juridictionnel visant à leur donner force de loi dans les différents Etats membres, dans un délai
prédéfini par le CBSB.
Ainsi, une revue des textes de la COBAC permet de mettre en évidence l’importance de la
transparence comme élément de la gouvernance. Les deux premiers textes sur lesquels s’est
appuyée la revue sont (i) la Convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la
règlementation bancaire et (ii) le règlement N°04/08/CEMAC/UMAC relatif au gouvernement
d’entreprise dans les établissements de crédit de la CEMAC. L’article 37 de la Convention de
1992 stipule que « tout établissement de crédit doit publier ses comptes dans les conditions
fixées par l’autorité monétaire après avis du Conseil National du Crédit. La COBAC s’assure
que ces publications sont régulièrement effectuées ». En ce qui concerne le règlement
N°04/08/CEMAC/UMAC, il y est stipulé à l’article 50 que « le Conseil d’administration doit
veiller au respect de toutes les dispositions […] relatives notamment à l’information des
actionnaires sur ses propres activités ainsi que sur celles de l’établissement ».
D’autres dispositions relatives à la transparence peuvent être trouvées dans le règlement
N°01/CEMAC/UMAC/CM portant diverses dispositions relatives au taux effectif global et à la
publication des conditions de banque, aux articles 20 à 23. A l’article 31 du règlement COBAC
R-2016/03 relatif aux fonds propres nets des établissements de crédit, on peut lire que les
banques doivent « […] publier périodiquement, suivant un modèle et des modalités fixés par
instruction du Président de la COBAC » les informations relatives aux fonds propres. L’on note
enfin que la nécessité de la transparence est reconnue dans la plupart des préambules des textes
de la COBAC.
Cet ensemble de dispositions témoignent à suffisance de ce que la transparence est une
exigence régionale de gouvernance du système bancaire. Dès lors, il convient de s’intéresser à
la manière dont cette exigence est mise en œuvre dans les banques de la CEMAC. La prochaine
section présente la démarche méthodologique utilisée à cet effet.
3. MÉTHODOLOGIE
La méthodologie repose sur la collecte d’informations et la construction d’un indicateur de
transparence pour les banques camerounaises. En effet, divers indicateurs de transparence ont
été construits dans la littérature (Baumann & Nier, 2003 ; Nier, 2005 ; Huang, 20066 ; Nier &
6
Actualisé en 2009
5
Baumann, 2006 ; Tadesse, 2006 ; Douissa, 2011 ; Manganaris et al, 2017). Ces mesures sont
plus ou moins complémentaires et adressent différentes dimensions de la publication
d’informations. Nelson (2001) affirme alors qu’un indicateur complet comporte 4 dimensions,
à savoir la complétude de l’information, l’accès à l’information, la crédibilité de l’information
et l’opportunité de l’information. Ainsi, une banque est transparente si l’information sur ses
activités financières et non financières est disponible, accessible, fiable et opportune. Douissa
(2011) y ajoute que les éléments contenus dans l’indicateur doivent être conformes aux
exigences de l’accord de Bâle. Dans cette perspective, Douissa (2011) propose une grille
d’analyse de la transparence plus complète que celle de ses prédécesseurs. La grille comporte
4 dimensions à partir desquelles un indicateur synthétique sera construit.
De ce fait, pour une banque qui remplit l’ensemble des critères, 𝐼𝑁𝐹𝐶𝑂𝑀𝑃𝐿𝑖𝑡 = 1. Par contre,
pour une banque qui ne remplit aucun critère 𝐼𝑁𝐹𝐶𝑂𝑀𝑃𝐿𝑖𝑡 = 0.
6
chez Douissa (2011), l’existence d’un site n’est pas un item à part entière. Pour corriger cela,
notre grille d’analyse comporte 3 items (tableau 1).
Le sous-indicateur d’accès à l’information, construit à partir de cette grille, est une somme
pondérée des scores obtenus pour chaque item, avec 𝐼𝑁𝐹𝐴𝐶𝐶𝐸𝑆𝑚𝑎𝑥 = 3. La valeur de ce sous-
indicateur est calculée de la manière suivante :
3
1
𝐼𝑁𝐹𝐴𝐶𝐶𝐸𝑆𝑖𝑡 = ∑ 𝑠𝐽𝑡
𝐼𝑁𝐹𝐴𝐶𝐶𝐸𝑆𝑀𝐴𝑋
𝐽=1
A partir de ces items, le sous-indicateur de crédibilité de l’information est calculé ainsi qu’il
suit :
5
1
𝐼𝑁𝐹𝐶𝑅𝐸𝐷𝐼𝐵𝑖𝑡 = ∑ 𝑠𝐾𝑡
𝐼𝑁𝐹𝐶𝑅𝐸𝐷𝐼𝐵𝑀𝐴𝑋
𝐾=1
7
Ce sous-indicateur est compris entre 0 (absence de crédibilité de l’information) et 1 (crédibilité
de l’information).
8
Tableau 4 : Critères (2) d’appréciation de la transparence des banques au Cameroun
Intervalle pour 𝑷𝑩𝑨𝑵𝑲𝑻𝑹𝑨𝑵𝑺𝑷 Conclusion
𝑃𝐵𝐴𝑁𝐾𝑇𝑅𝐴𝑁𝑆𝑃 ∈ [0 25%[ La banque n’est pas transparente
𝑃𝐵𝐴𝑁𝐾𝑇𝑅𝐴𝑁𝑆𝑃 ∈ [25% 50%[ La banque est faiblement transparente
𝑃𝐵𝐴𝑁𝐾𝑇𝑅𝐴𝑁𝑆𝑃 ∈ [50% 75%[ La banque est moyennement transparente
𝑃𝐵𝐴𝑁𝐾𝑇𝑅𝐴𝑁𝑆𝑃 ∈ [75% 100%] La banque a un degré de transparence élevé
Construction de l’auteur
Les différents éléments de la grille d’analyse sont utilisés non seulement pour analyser la
pratique de la transparence, mais aussi pour synthétiser l’information obtenue par le biais d’un
indicateur quantitatif. La grille est remplie pour un échantillon de banques exerçant au
Cameroun entre 2010 et 2017.
La constitution de l’échantillon repose sur 3 critères : (1) être une banque ayant reçu
l’agrément ; (2) l’existence du site internet ; (3) la disponibilité des rapports annuels sur la
période 2010-2017. A l’issue du processus de sélection 6 banques sont retenues, à savoir la
BICEC7, Afriland First Bank8, la SCB-CA9, ECOBANK10, la SGC11 et le CCA12. Ces banques
représentent près de 50% du capital des banques camerounaises, plus de 70% des dépôts et des
crédits du marché bancaire et plus de 80% des guichets bancaires au Cameroun (COBAC,
2014). Notons aussi que la plupart des banques exclues de l’échantillon l’ont été surtout parce
que les rapports annuels ne sont pas accessibles sur leur site internet (Citigroup, BGFI, UBA,
Standard Chartered Bank …). Ce sont en général des banques appartenant à de grands groupes.
4. RESULTATS
Les résultats montrent globalement que la pratique de la transparence est semblable pour toutes
les banques. Par ailleurs, les deux indicateurs synthétiques véhiculent exactement le même
message. Précisément, les banques du Cameroun sont faiblement transparentes en termes
quantitatifs et faiblement transparentes au plan pratique. Au plan quantitatif, l’index de
transparence est en moyenne compris entre 25% et 50% sur l’ensemble de la période
(𝐵𝐴𝑁𝐾𝑇𝑅𝐴𝑁𝑆𝑃 ∈ [25% ; 50%[). Au plan pratique, les banques mettent en œuvre moins de
7
http://www.bicec.com
8
https://www.afrilandfirstbank.com/index.php/fr/nousconnaitre
9
https://www.scbcameroun.net/index.php?option=com_jdownloads&Itemid=238&view=viewcategory&catid=3
10
https://ecobank.com/cm/personal-banking/countries
11
https://particuliers.societegenerale.cm/fr/rechercher/?no_cache=1&tx_indexedsearch%5B_sections%5D=0&tx
_indexedsearch%5B_freeIndexUid%5D=_&tx_indexedsearch%5Bpointer%5D=0&tx_indexedsearch%5Bext%5
D=0&tx_indexedsearch%5Btype%5D=1&tx_indexedsearch%5BdefOp%5D=0&tx_indexedsearch%5Bmedia%5
D=-
1&tx_indexedsearch%5Border%5D=rank_flag&tx_indexedsearch%5Bgroup%5D=flat&tx_indexedsearch%5Bl
ang%5D=1&tx_indexedsearch%5Bdesc%5D=0&tx_indexedsearch%5Bresults%5D=10&tx_indexedsearch%5B
sword%5D=rapport+annuel
12
https://www.cca-bank.com/
9
50% des éléments de la transparence (𝑃𝐵𝐴𝑁𝐾𝑇𝑅𝐴𝑁𝑆𝑃 ∈ [25% 50%[). Elles divulguent
surtout les informations financières et celles qui relèvent de la crédibilité de l’information. A
peine 14% des informations relatives aux aspects non financiers de l’activité bancaire sont
mises à la disposition du public. Les informations relatives au risque opérationnel et les
informations relatives à l’opportunité de l’information ne sont disponibles ni dans les rapports
annuels ni sur le site internet de la banque. Les sous-sections suivantes détaillent chacun des
aspects sus-évoqués pour une meilleure compréhension de la pratique de la transparence dans
les banques au Cameroun.
Ainsi, au plan quantitatif comme au plan de la pratique, les banques exerçant au Cameroun sont
faiblement transparentes puisque les deux indicateurs appartiennent au deuxième intervalle (I2
= [25% ; 50% [).
10
Tableau 6 : Décomposition de l’index BANKTRANSP au Cameroun
AFstB SCB-CA BICEC ECOBANK SGC CCA CAMEROUN
N_SIF 57,89% 68,42% 63,16% 94,74% 63,16% 73,68% 70,18%
INFCOMPL
N_SINF 13,64% 21,82% 13,64% 22,73% 27,27% 22,73% 20,30%
INFACCES 66,67% 66,67% 66,67% 66,67% 66,67% 66,67% 66,67%
INFCREDIB 80,00% 80,00% 80,00% 80,00% 80,00% 60,00% 76,67%
INFOPPORT 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00%
Construction de l’auteur
11
Toutes les banques exerçant au Cameroun ont un site internet. Toutefois, le rapport annuel n’est
pas toujours disponible pour la filiale camerounaise des groupes internationaux. En outre,
aucune banque ne déclare, dans son rapport, faire l’objet de la notation des agences
internationales.
L’utilisation du deuxième indicateur (PBANKTRANSP) confirme les résultats de l’analyse
ci-dessus. En effet, il apparaît au tableau 7 qu’à l’exception de ECOBANK et de CCA, les
banques du Cameroun mettent à la disposition du public 80% des informations qui contribuent
à valider la crédibilité de l’information. Ensuite, les banques assurent l’accès à l’information à
66%. Pour la dimension INFCREDIB les banques ont une pratique élevée. Par contre, pour la
dimension INFACCES les banques ont une pratique moyenne. En ce qui concerne la
complétude de l’information (INFCOMPL), il apparaît que les banques privilégient la
divulgation d’informations financières et négligent la publication d’informations non
financières. A cet effet, elles publient les informations relatives à plus de 50% des éléments de
transparence financière et à moins de 20% des éléments de transparence non financière. Enfin,
la dimension INFOPPORT n’est pas mise en pratique.
12
Les résultats obtenus ci-dessus révèlent que les banques exerçant au Cameroun appliquent
en moyenne 43,9% des critères de transparence (𝑃𝐵𝐴𝑁𝐾𝑇𝑅𝐴𝑁𝑆𝑃 ∈ [25% 50%[). De ce
point de vue la pratique de la transparence est faible au Cameroun. Au plan quantitatif, les
banques exerçant au Cameroun jouissent d’un index de transparence égal à 46,76%. Cette
valeur est supérieure à la valeur obtenue en Afrique du Nord (33%) par Srairi & Douissa (2014)
et en Inde (35%) par Hossain & Reaz (2007). Cependant, il faut relever que l’index de
transparence appartient au même intervalle dans tous ces pays aussi bien qu’au Cameroun (I2 =
[25% ; 50% [). La transparence y est donc faible.
Cette faiblesse de la transparence est-elle cohérente avec le contexte camerounais ? La
réponse à cette question est d’autant plus importante qu’elle guide les recommandations qui
peuvent être faites au législateur (COBAC).
La littérature économique a déterminé les conditions dans lesquelles un système bancaire
peut avoir un degré de transparence faible ou un degré de transparence élevé. Globalement, le
choix du degré de transparence du système bancaire résulte d’une analyse coûts-bénéfices
(Frolov, 2004 ; Hossain & Reaz, 2007). Ainsi, un degré de transparence élevé est nécessaire
dans un système bancaire caractérisé par de fortes asymétries d’information, un risque élevé et
une faible efficience des banques (Diamond & Verrechia, 1991 ; Hirtle, 2007 ; Akhigbe &
Stevenson, 2010 ; Akhigbe et al, 2013). Un degré de transparence élevé est aussi nécessaire
lorsqu’un grand nombre de banques appartiennent à l’Etat (Srairi & Douissa, 2014).
Au contraire, un faible niveau de transparence est souhaitable lorsque le système financier
est peu développé, l’activité bancaire est peu complexe, le capital des banques est concentré et
la gouvernance des institutions est de mauvaise qualité (Mckinnon & Dalimunthe, 1993 ;
Schadewitz & Blevins, 1998 ; Srairi & Douissa, 2014). De même, un faible degré de
transparence est nécessaire lorsqu’il y a un grand nombre de banques avec des actifs douteux
(Andrievskaya & Semenova, 2016).
A partir de ces critères théoriques, il est aisé de montrer que le degré de transparence des
banques est cohérent avec le contexte. Précisément, les banques exerçant au Cameroun doivent
être faiblement transparentes. En effet, au Cameroun, le système financier est peu développé.
L’indicateur construit par le FMI13 indique que le système bancaire camerounais est peu
développé mais efficient. L’activité bancaire est peu complexe. Pour preuve, aucune des
banques présentes sur le marché camerounais n’est constituée en holding avec des filiales et
des succursales. La plupart de ces banques sont plutôt des filiales des banques étrangères. Leur
13
Svirydzenka K. (2016). « Introducing a New Broad-based Index of Financial Development ».IMF Working
paper WP/16/5
13
capital est concentré, c’est-à-dire réparti entre 2 ou 3 actionnaires principaux14. Le risque de
taux d’intérêt, le risque de crédit et le risque de faillite bancaire sont faibles (GFDI, 2018). En
moyenne, entre 2010 et 2016, le Z score est supérieur à 3 au Cameroun. Cela témoigne de la
faiblesse du risque. Enfin, les données de la base de données World Governance Indicators
(WGI, 2018) montrent que la gouvernance est de mauvaise qualité (les 6 indicateurs de
gouvernance ont une valeur comprise entre 0 et -2,5).
5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Le contexte mondial actuel ainsi que ses mutations, notamment la digitalisation des activités
économiques, imposent aux banques camerounaises, principales sources de financement de
l’activité économique, un certain nombre de réformes. Ces réformes devraient leur permettre
d’améliorer leurs performances économique, financière et sociale. Au nombre de ces réformes,
la gouvernance semble être un élément clé parce qu’elle permet d’impulser, de soutenir et de
rentabiliser les activités de ces institutions. Dès lors, il convient d’analyser les pratiques et les
stratégies de gouvernance dans les banques camerounaises, de manière à en identifier les forces
et les faiblesses dans le but d’en renforcer l’efficacité. Dans cette perspective, cette recherche
s’intéresse à un des piliers de la gouvernance, notamment la transparence. Cet intérêt s’explique
non seulement par les avantages théoriques de la transparence, mais aussi par le relatif mutisme
de la recherche sur cet aspect de la gouvernance des banques en Afrique en général et au
Cameroun en particulier.
Cette recherche se propose alors de contribuer à combler ce gap en proposant une analyse
de la pratique de la transparence dans les banques exerçant au Cameroun. Pour cela, elle
s’appuie sur une analyse documentaire des rapports annuels des banques, accessibles sur leur
site internet. L’échantillon comporte 6 banques parmi lesquelles se trouvent les 5 banques les
plus importantes du marché bancaire camerounais. La période retenue pour l’analyse va de
2010 à 2016. Les résultats obtenus révèlent alors que les banques camerounaises sont peu
transparentes. Elles publient surtout les informations financières, les informations de
crédibilisation de l’information et assurent l’accès à l’information. Par contre, les banques
doivent ajuster les dimensions d’opportunité de l’information ainsi que la publication des
informations non financières. L’on note aussi le problème d’actualisation des informations
disponibles. C’est une dimension qui n’est pas prise en compte dans l’indicateur de la
transparence mais qui contribue à la crédibilité et à l’acuité de l’information. Au final, même si
14
CCA : Camerounais ; SGC : Société Générale ; SCB : Groupe Attijariwafa bank ; ECOBANK : Ecobank
Transnational Incorporated « ETI » ; Afriland : SBF and Co & FMO (Dutch Development Bank) ; BICEC : BPCE
International et Outre-mer
14
la transparence n’est pas une panacée pour la performance bancaire, elle contribue néanmoins
à rassurer les parties prenantes, à réduire l’asymétrie d’information et à limiter les effets des
attaques informationnelles via les réseaux sociaux (infox). Les banques camerounaises
gagneraient donc à améliorer leur pratique de la transparence tout en prêtant attention aux
informations potentiellement déstabilisatrices que Goldstein & Sapra (2013) recommandent de
ne pas publier. Le rapport du comité de Bâle (2018) pourrait contribuer efficacement à
l’amélioration de la transparence des banques exerçant au Cameroun.
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16
Annexe 1 : Sous-indicateur de complétude de l’information
Non=0
La banque publie-t-elle le nombre de démembrements et Filiales = 1
S18
sa part dans leur capital ? Parts dans le
capital = 2
Oui = 1
S19 La banque publie-t-elle la structure de son capital ?
Non = 0
La banque publie-t-elle la liste des actionnaires Oui = 1
S20
majoritaires ? Non = 0
SINF Gouvernance
Oui = 1
S21 La banque publie-t-elle la liste des directeurs exécutifs ?
Non = 0
La banque publie-t-elle la liste des membres de son Oui = 1
S22
gouvernement ? Non = 0
Oui = 1
S23 La banque publie-t-elle les salaires des dirigeants ?
Non = 0
La banque publie-t-elle la part de capital détenue par ses Oui = 1
S24
employés ? Non = 0
17
La banque publie-t-elle les prêts accordés aux parties Oui = 1
S25
liées à la banque ? Non = 0
La banque publie-t-elle les pertes liées à la corruption des Oui = 1
S26
employés ? Non = 0
Oui = 1
S27 La banque publie-t-elle les pertes liées au pishing ?
Non = 0
La banque publie-t-elle les rapports annuels des Oui = 1
S28
syndicats d’employés? Non = 0
Risque La banque publie-t-elle un rapport sur les pratiques Oui = 1
S29
opérationnel commerciales anticoncurrentielles ? Non = 0
La banque publie-t-elle les dommages sur les actifs Oui = 1
S30
tangibles liées au terrorisme ou aux désastres naturels? Non = 0
La banque publie-t-elle les pertes associées à la rupture Oui = 1
S31
du système d’information ? Non = 0
La banque publie-t-elle les pertes liées aux fautes Oui = 1
S32
d’exécution ? Non = 0
La banque publie-t-elle ses perspectives de Oui = 1
S33
développement (segment d’activité nouveau) ? Non = 0
La banque publie-t-elle ses perspectives de croissance Oui = 1
Prévisions S34
(taux de croissance espéré) ? Non = 0
La banque publie-t-elle sa politique de distribution des Oui = 1
S35
dividendes ? Non = 0
Oui = 1
S36 La banque publie-t-elle ses activités de RSE ?
Non = 0
La banque publie-t-elle la portion d’actifs alloués aux Oui = 1
RSE S37
activités de RSE ? Non = 0
La banque publie-t-elle les informations qualitatives liées Oui = 1
S38
aux emprunts rejetés ? Non = 0
NSINF 22
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